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La perfection devient musique Arturo Benedetti Michelangeli par Pier Carlo Della Ferrera textes de Marco Vitale (avec une interview de Isacco Rinaldi) et Lidia Kozubek Piano Concert pour .....................................................................................................................................................................................................................

La perfection devient musique Arturo Benedetti Michelangeli · 2019. 12. 11. · La perfection devient musique..... Arturo Benedetti Michelangeli est né à Brescia le 5 janvier 1920

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La perfection devient musique

Arturo Benedett i Michelangel ipar Pier Carlo Della Ferrera

textes de Marco Vitale (avec une interview de Isacco Rinaldi) et Lidia Kozubek

PianoConcert pour

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[II]

Page précédente:

Arturo Benedetti

Michelangeli à la fin des

années quarante, sur

une image de Ghitta

Carell, célèbre pho-

tographe hongroise qui

immortalisa dans ses

portraits les plus grands

personnages du

vingtième siècle.

Affiche d’un concert

donné par Arturo

Benedetti Michelangeli

avec l’Orchestre

Symphonique de la RAI

à la Fenice de Venise,

le 16 septembre 1953,

l’une des très rares

collaborations entre

Herbert von Karajan et

le Maestro.

Arturo Benedetti Michelangeli

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[III]

La perfection devient musique

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Arturo Benedetti Michelangeli est né àBrescia le 5 janvier 1920 de parents ombriensqui s’étaient installés quelques mois aupara-vant dans la ville lombarde. Giuseppe, sonpère, descend d’une famille de notables deFoligno; diplômé en Droit et en Philosophie,il exerce la profession d’avocat et donne descours d’histoire de la musique, de théorie del’harmonie, puisqu’il a également obtenu undiplôme de composition et de piano. Samère, Angela Paparoni, a passé son enfanceet sa jeunesse avec ses parents et ses oncleset tantes, d’abord à Terni, puis à Bologne.Après avoir obtenu son diplôme de l’institutmagistral, elle entreprend sans les terminerdes études universitaires de lettres et deMathématiques, et s’occupe de l’éducationde ses enfants et de la conduite de la famille. A la maison, dans une atmosphère de prédis-position innée pour la musique, le petit Ciro– tel était le surnom d’Arturo, car sesboucles le faisaient ressembler à Cirillino,un personnage célèbre du “Corriere deiPiccoli” – commence étudier le piano dèsl’âge de trois ans, sous la houlette de sonpère. Mais c’est surtout sa mère qui exerceune grande influence sur le développementartistique de son fils et qui le pousse à étu-dier le piano. Il semble même qu’elle aitdécidé de ne pas l’envoyer à l’école mais deprocéder elle-même à son instruction. A quatre ans, Arturo Benedetti Michelangeli

entre au Civico Istituto Musicale “Venturi”de Brescia, élève du Maître Paolo Chimeri, età sept ans, le 10 mars 1927, il provoque lastupeur et l’admiration générales lorsqu’il seproduit pour la première fois en public, àl’occasion de l’essai qui conclue les deuxannées d’études, de 1925 à 1926. Au printemps 1929 il commence à suivre lescours particuliers du maestro GiovanniAnfossi à Milan, où sa mère l’accompagnechaque semaine. Le 22 octobre 1931 ilobtient la licence normale de piano auConservatoire “Giuseppe Verdi” du chef-lieulombard, et le 11 juin 1934, alors qu’il a àpeine 14 ans, il conclut le cycle institution-nel d’études en réussissant le diplôme deprofessorat en piano. A la même période etau cours des années suivantes, il suit égale-ment des cours de violon avec le maestroFerruccio Francesconi et d’orgue et compo-sition avec le maestro Isidoro Capitanio. C’est durant l’époque de ses fréquentationsmilanaises qu’Arturo Benedetti Michelangeliréussit à être entendu par Maria Lentati de’Medici, une femme cultivée et connaisseuse,sensible à l’art musical. Ayant reconnu dansle jeune pianiste la première manifestationdu futur génie, la noble dame cultive sesdons et stimule son talent. C’est elle qui luioffrira le premier Steinway demi queue, etqui jouera un rôle déterminant dans cettephase de l’évolution artistique du Maestro. Après s’être fait remarquer, entre 1936 et1938, dans certains concours nationaux,Benedetti Michelangeli fait ses premiers passur la scène internationale: en mai 1938 il

A droite:

L’Institut Musical

“Venturi” de Brescia,

où Arturo Benedetti

Michelangeli entama,

à 4 ans, ses études de

piano. Il noua avec son

premier enseignant, le

maestro Paolo Chimeri,

un rapport profond

autant du point de

vue professionnel

qu’humain.

En bas:

Le petit Ciro à 9 ans,

avec sa mère et le

maestro Chimeri, sur

l’une des très rares

photographies familiales

de son enfance. Arturo

Benedetti Michelangeli

eut un frère, Umberto,

premier violon dans des

orchestres importants,

et une sœur, Liliana, qui

mourut de pneumonie à

8 ans.

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parvient à la septième place, mais vainqueurmoral, du concours “Eugène Ysaÿe” de laFondation musicale Reine Elisabeth deBruxelles et en juillet 1939 il triomphe auConcours International d’Exécution Musicalede Genève, accueilli par la critique comme lenouveau Liszt. L’affirmation genevoise luivaut la chaire “pour célébrité” au Conserva -toire de Bologne. Fin janvier 1942, en plein conflit mondial, ilest enrôlé dans la Troisième Compagnie deSanté à Baggio, à Milan. Les événementsaventureux de la période belliqueuse sontpeu connus et leur reconstruction incertai-ne est confiée aux témoignages écrits dequelques personnes très proches de lui. Aprèsle 8 septembre 1943, pour fuir aux ratissagesdes Allemands puis à l’obligation de présen-tation demandée par le gouvernement de laRépublique de Salò, il se réfugie à Borgonato

di Cortefranca, en Franciacorta, hôte duchâteau de la famille Berlucchi. C’est là qu’ilépousera Giuliana Guidetti, le 20 septembre,en l’église de San Vitale. Il se séparerontlégalement, par un acte du Tribunal deBrescia, le 10 mars 1970. Au cours des moissuivants il se trouve à Sale Marasino avec safemme, dans la villa donnant sur le lacd’Iseo, propriété de la famille Martinengo. Ily restera jusqu’en novembre 1944, lorsqu’ilsera contrait d’évacuer suite à un bombarde-ment qui touche l’édifice et endommaged’ailleurs le premier “grande queue” qu’ils’était offert avec les recettes de ses premiersconcerts. Il se rend donc à Gussago, dansune maison des Togni, où il est retrouvé etarrêté par les fascistes, puis emprisonné à laprison de Marone, toujours au bord du lacd’Iseo, dans le quartier général des SS.Quelques jours plus tard, grâce à l’interven-tion du chef de la Province de Brescia,

Innocente Dugnani, il est transféré dans lechef lieu. Il y restera quelques temps, cachédans le grenier de l’hôtel Vittoria. Malgré l’appel aux armes et la guerre, avecses péripéties et vicissitudes tragiques,Benedetti Michelangeli peut continuer uneactivité de concerts limitée, grâce à l’appuide la future reine, la princesse Maria José,fille de la Reine Elisabeth de Belgique quiavait apprécié son talent à l’époque duconcours de Bruxelles. Il joue à l’Académiede Santa Cecilia à Rome, à la Scala de Milan,au “Maggio Maggio Musicale Fiorentino” etdonne des concerts dans différentes villesd’Italie et de Suisse. Il débute à Barcelone(1940) et à Berlin (1943). Il commence également, à cette époque, àenregistrer des disques. En 1941 sont premier78 tours sort, pour “La Voce del Padrone”. Ilpoursuivra l’activité discographique avecHis Master’s Voice et Telefunken jusqu’à lafin des années cinquante. A la fin de la guerre il recommence à ensei-gner – on lui assigne la chaire de piano duConservatoire de Venise – et contribue demanière déterminante à la renaissance mu -sicale de sa ville, en qualité de Président dela Società Bresciana dei Concerti Sinfonici“Santa Cecilia”. Il garde le poste jusqu’enseptembre 1947, date à laquelle il est con -traint à démissionner à cause de l’augmen-tation de ses concerts qui l’appellent auxquatre coins du monde: en 1946 il joue auRoyal Albert Hall de Londres, en 1948-49 ileffectue la première de ses nombreuses tour-nées aux Etats-Unis (les suivantes aurontlieu en 1950, ‘67, ‘68, ‘70 et ‘71), en 1949 iljoue en Amérique du Sud et en 1951 enAfrique du Sud. Entre-temps, en 1950, il obtient le transfertà Bolzano, appelé par le directeur du Con -servatoire “Monteverdi”, le maestro CesareNordio, avec lequel il fonde le concours depiano “Busoni”. Il enseigne dans la ville jus-qu’en 1959, ajoutant aux cours publics ceuxde l’école de perfectionnement privés qu’ilouvre au château de Paschbach, à Appiano,afin de satisfaire les nombreuses requêtes depianistes du monde entier, déjà diplômés,dont certains ont remporté d’importantsconcours et ne sont donc pas admis dans lesconservatoires. En 1952 et 1953, puis de ‘55à ‘65, suivent les cours de Arezzo (organiséspar l’Associazione “Amici della Musica” locale

[IV]

Arturo Benedetti Michelangeli

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Une rare image tendre

de Arturo Benedetti

Michelangeli avec la

petite Donatella à Villa

Berlucchi de Borgonato

di Franciacorta,

en octobre 1945.

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La perfection devient musique

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et avec le soutien décisif d’un magistrat pas-sionné, Mario Buccio lotti), de 1960 à 1962ceux de Moncalieri (financés par la FIATgrâce à l’intérêt de Lidia Palomba) et enfin,en 1965 et 1966 ceux de l’AccademiaChigiana de Sienne. Les cours de Miche langeli sont exclusifs,destinés à vingt-cinq ou trente élèves tout auplus. Les cours sont personnels. Le Maestrovit l’enseignement comme une réelle mis-sion, comme un devoir moral précis. Il s’yconsacre avec une passion infatigable et sin-gulière, avec une générosité exemplaire, tra-vaillant toujours gratuitement. Cette intense activité didactique n’empêchepas à Benedetti Michelangeli une présencetout aussi fréquente dans les salles deconcert du monde entier. En 1955 il joue àVarsovie (il est pour l’occasion membre dujury pour le Concours Chopin); en 1957 ildébute à Prague et en 1964 à Moscou. Entrela fin des années cinquante et le début desannées soixante-dix il donne des concerts enEspagne, en Allemagne, au Portugal, enFrance, en Autriche et en Suisse. En 1962 et1966 il joue au Vatican, en la présence despapes Jean XXIII et Paul VI. En 1965 il débu-te au Japon, où il retournera en 1973, 1974,1980 et 1992. Toujours en 1965, sur l’initia-tive du maestro Agostino Orizio, le Festivalinternational de piano “Arturo BenedettiMichelangeli” de Brescia et Bergame estfondé. Il avait eu une avant-première non

officielle l’année précédente, avec une sériede concerts pour célébrer les vingt-cinq ansd’enseignement du Maestro. Son activité discographique se fait, elle, deplus en plus rare. A l’exception de quelquesenregistrements importants en 1965 (chezDecca-BDM), durant les années soixante iln’entre presque jamais dans une salle d’en-registrement, ce qui provoque la diffusion denombreuses éditions pirates de ses disques,contre lesquelles il se bat fermement, entre-prenant des actions légales qui n’arriverontjamais à terme. Il recommencera à enregis-trer dans les années soixante-dix, pour EMIet pour la Deutsche Grammophon, une mai-son de disques avec laquelle il collaborerarégulièrement de 1971 jusqu’à la fin de sacarrière. Après avoir quitté le Conservatoire deBolzano en 1959, Michelangeli espère qu’uncours de haut niveau de piano internationalsera mis en place, cours dans lequel il pour-rait se consacrer entièrement à sa missiondidactique. Mais le ministère tarde à recon-naître ses mérites et à répondre à sesrequêtes. Il décide donc de créer une petiteécole privée, dans ce qui lui semble être lelieu idéal, dans le silence de la montagne. Ilachète deux chalets dans le Val di Rabbi, surle versant trentin du Parc National duStelvio. Il destine l’un à l’habitation etl’autre aux cours. Il connaît alors une brèvepériode de paix et de sérénité, immergé dans

Benedetti Michelangeli

joue devant le pape Jean

XXIII dans la Salle des

Bénédictions du Vatican,

le 28 avril 1962.

Le concert fut voulu

et dirigé par Gianandrea

Gavazzeni, comme un

hommage au souverain

pontife de Bergame,

son concitoyen.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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la nature et dans la tranquillité des paysagesalpins, cadre idéal pour son activité demusicien qui s’est entre-temps enrichied’une nouvelle expérience: l’harmonisationde dix-neuf chants du chœur de la S.A.T,dont la collaboration heureuse avait com-mencé quelques années plus tôt, en 1954.Paix et sérénité sont brusquement interrom-pues le soir du 13 juin 1968. En qualité demembre de la maison de disques B.D.M. deBologne, Benedetti Michelangeli est touchépar la faillite de celle-ci. Sans demi-mesureet sans considérer les clauses du contrat quirelevaient le Maestro de toute responsabilité,les officiers judiciaires lui notifient la confis-cation préventive des biens et de tous lesgains des concerts qu’il devait donner enItalie, pour une somme de quatre-vingt neufmillions de lires. A l’humiliation et au dom-mage moral s’ajoute le problème écono-mique, à cause duquel il se trouve contraintd’exécuter son activité professionnelle àl’étranger. Il gardera sa résidence à Bolzano,mais il vivra dorénavant entre Rabbi et laSuisse et ne jouera plus dans sa patrie, si cen’est à l’occasion du concert de bienfaisanceau Teatro Grande de Brescia, en juin 1980,en mémoire du pape Paul VI. Benedetti Michelangeli entre en Suisse le 24juillet 1969 (c’est la date officielle qui appa-raît sur tous les documents conservés par lesbureaux d’état civil des différentes com-munes où il a habité) et s’installe d’aborddans le canton de Zurich. Vers la fin du moisde septembre de l’année suivante, il obtient

l’autorisation de demeurer dans le canton duTessin, grâce à l’intérêt de Gianna Guggen -bühl et du maestro Carlo Florindo Semini,qui agissent auprès de Monsieur Solari de laPolice Fédérale des étrangers de Berne. En1969 et 1971, justement avec Semini, ilfonde les deux cours de perfectionnement àla Villa Hélénaeum de Castagnola, les der-niers de sa carrière d’enseignant. Jusqu’enseptembre 1974 il vit à Massagno, puis à RivaSan Vitale et à Sagno, où il arrive en décem -bre 1977. Le 1er août 1979 il s’établit à Pura,louant la villa qu’il laissera peu de tempsplus tard à un autre grand pianiste, VladimirAshkenazy. Il déménage donc dans une mai-son immergée dans l’ombre des châtai-gniers, à quelques centaines de mètres de laprécédente, sur la même route. Il y passerales dernières années de sa vie, loin des cla-meurs et de la foule, dans une simplicitépresque franciscaine. Les souffrances cau-sées par sa santé précaire sont allégées parles soins et les attentions d’Anne-Marie-JoséGros Dubois, sa fidèle secrétaire. Ses concerts se font de plus en plus rares,mais sa célébrité a désormais les dimensionsd’un mythe et chacune de ses apparitions enpublic est un événement de première page.En 1977 il donne un récital dans la salleNervi du Vatican (il y retournera dix ans plustard) et en 1981 il joue à l’Auditorium de laRSI (Radio de la Suisse Italienne). En 1985 ilest frappé par une hémiplégie suite à des pro-blèmes cardio-circulatoires. Absent des sallespendant presque une année, il programme

Benedetti Michelangeli

lors d’un entretien avec

Arthur Rubinstein en

1974. La photo fut prise

par Marco Miele, alors

Directeur de l’Institut

italien de Culture à Tel

Aviv, lors de la récep-

tion donnée à l’ambas-

sade italienne au terme

du festival organisé

par l’Etat d’Israël en

l’honneur du pianiste

polonais-américain.

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son retour au printemps 1986, à Paris etZurich, où il est cependant contraint de sus-pendre le concert après l’entracte. En jan-vier 1988 il joue à Bregenz et le 17 octobrede la même année il est sur scène à Bor -deaux pour une soirée dramatique au coursde laquelle il s’effondre sur son piano, victi-me d’une rupture d’anévrisme. Il est soumisà une délicate intervention chirurgicale, etmoins d’un an plus tard, au mois de juin, ilrevient sur scène à Hambourg et Brême. Enjuin 1992 il donne une série de concertsmémorables à Munich, accompagné par laMünchner Philharmoniker dirigée par SergiuCelibidache, à l’occasion du quatre-vingtièmeanniversaire du chef d’orchestre roumain.C’est probablement l’apothéose d’une car-rière unique et inégalable qui se conclura àHambourg le 7 mai 1993. Chopin, Debussy,Mozart, Beethoven, Schumann et Ravel sontses auteurs préférés. Ses exécutions de leursœuvres l’ont amené au sommet indiscutabledu piano international de tous les temps. En juin 1995 il est hospitalisé à l’hôpitalcantonal de Lugano pour une nouvelle crisecardiaque. Il meurt dans la nuit du 11 au 12juin. Il est enterré dans le petit cimetière dePura, dans une tombe simple qui, d’après sa

volonté, ne porte pas de pierre tombale. “Pour ceux qui se souviennent du Maestrocomme d’un grand artiste et un hommeintègre, la Mémoire n’est pas une penséevaine, mais une participation appréciée etconcrète au monde de l’Esprit dont la Mu -sique et le Maestro lui-même sont désormaisune partie immortelle”. 1

C’est ainsi que se conclut la vie terrestred’Arturo Benedetti Michelangeli, un hommeet un artiste qui a cherché la Vérité à traversla perfection de ses exécutions et sur lequella vérité n’a pas encore été écrite.

1 C’est en ces termes qu’Anne-Marie-José Gros Dubois s’adresse,

dans la carte de remerciements, à ceux qui ont participé à la dou-

leur pour la mort d’Arturo Benedetti Michelangeli.

Arturo Benedetti

Michelangeli et le

maestro Carlo Florindo

Semini à Lugano au

début des années

soixante-dix.

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La perfection devient musique

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Non seulement un grand pianiste, mais aussi un vrai grand Maestro

par Marco Vitale*

Arturo Benedetti Michelangeli au

piano en 1943.

A gauche:

Arturo Benedetti Michelangeli dans

une image d’inspiration “hollywoodienne”.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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Je n’ai aucun titre pour parler des aspectspianistiques du Maestro. Je ne suis que l’unde ces passionnés dont parle Lidia Kozubekdans la dernière page de son livre: “Bien quesa conduite extrêmement réservée ne favori-se pas sa popularité, les connaisseurs et lespassionnés de son art se rendaient en pèleri-nage dans différents pays, juste pour pouvoirl’écouter”. Dans un certain sens je représenteles rescapés de Bregenz, de Munich, dans l’in -oubliable concert avec Sergiu Celibidache,de Lugano, de Brême, de Hambourg. Des“pèlerinages”, a écrit Lidia Kozubek. Elèvepolonaise du Maestro, Lidia Kozubek a écritun bon livre intitulé Arturo Benedetti

Miche langeli. Come l’ho conosciuto (Arturo

Benedetti Michelangeli. Comme je l’ai connu),publié du vivant du Maestro, en japonais en1992, en polonais en 1999 et en italien en2003, éditions L’Epos. Et elle a très bienécrit, car ces voyages n’étaient pas unerecherche de l’exhibitionnisme, mais aucontraire de la spiritualité, du contact avecle mystère et le divin à travers la musique,des sentiments que personne ne savait mieuxsusciter qu’Arturo Benedetti Michelangeli. Comme connaisseur de la leadership et deéthique professionnelle, le Maestro m’a tou-jours fasciné, non seulement en tant quemusicien inégalable, mais aussi en tantqu’homme, en tant qu’éducateur, en tantqu’exemple de cohérence et de profondeur.Son être homme de notre temps, mais enrejetant les caractéristiques perverses denotre temps: la superficialité, la hâte, lemarketing, l’avidité. Comme président d’uneimportante société musicale milanaise jesuis bouleversé par l’avidité de nombreusesstars musicales d’aujourd’hui qui, financéesindirectement pour la majeure partie pardes fonds publics, prétendent des cachetsplus élevés que ce que nous critiquonsdepuis quelques temps pour les stars dufootball. Dans ces moments je pense à l’ex-traordinaire désintérêt et à la générosité dugrand Maestro de Brescia, documentée parde nombreuses sources. A son engagementdidactique, si généreux (ses écoles de gran-de spécialisation étaient toujours gratuites),mais là encore sans compromis, sans ambi-guïtés, sans commodités pour lui ou pourses élèves. Il y a de nombreuses années j’ai tenté decréer à Brescia, ville natale du Maestro mais

aussi la mienne, une fondation portant lenom d’Arturo Benedetti Michelangeli quiaurait pour objectif de recueillir toute ladocumentation le concernant, mais surtoutde maintenir en vie, par des réalisationsconcrètes, ses idées et ses enseignements.Dans le document-proposition qui je fisalors diffuser, j’avais écrit: “Arturo BenedettiMichelangeli n’a pas seulement été un grandpianiste, mais il a aussi été un grand musi-cien et un homme à l’humanité profonde, àla spiritualité et à la religiosité souventméconnue et déformée par la presse. Il a étél’une des rares personnes qui, grâce à leurart, ouvrent des fenêtres réelles sur le sur-naturel. Sa mémoire, rendue vivante et opé-rante, peut être un levier exceptionnel pourpromouvoir les études et la culture musicaleauthentique. [...] Si l’on ne fait rien desérieux, sa mémoire disparaîtra dans quelquesannées et ne persistera que pour quelquespassionnés. En tant que collectivité, et entant que ville où il a passé ses Noëls, nousaurons perdu une occasion unique decontribuer à la revitalisation de la culturemusicale authentique. En tant que personnesnous aurons la responsabilité morale den’avoir pas même essayé”. J’ai essayé, mais sans succès. J’ai arrêtéquand j’ai réalisé que les personnes sur les-quelles je comptais à Brescia étaient desgens plus intéressés par la spéculation sur lamémoire d’Arturo Benedetti Michelangelique par la volonté de la garder en vie et del’évérer dans quelque chose de vivant etd’actuel. Je voudrais profiter de l’occasion offerte parla Banca Popolare di Sondrio (SUISSE) pourdocumenter un aspect d’Arturo BenedettiMichelangeli et une phase de sa vie et de sonactivité qui me semblent ignorés et qui illu-minent sa personne comme un vrai grandMaestro et un exemple moral et de trèsgrand professionnalisme. Quand Arturo Benedetti Michelangeli, l’unede mes idoles, et pas seulement musicale,mourut, je fus frappé par le fait que person-ne ne se souvenait de sa contribution trèsimportante à la renaissance de la vie musi-cale immédiatement après la guerre. Cettelacune est apparue évidente dans l’exposi-tion fascinante et dans le riche catalogueque Brescia lui consacra alors. Mais je mesouvenais très bien de la présence très vive

[X]

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La perfection devient musique

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d’Arturo Benedetti Michelangeli dans larenaissance de la vie musicale de la ville.J’étais alors un jeune garçon, mais je mesouviens parfaitement des rencontres ma -giques et fugaces, derrière mon père, entrele Maestro et d’autres personnes généreusesqui, ces années-là, travaillèrent tant à fairerenaître la vie musicale à Brescia. Mon pèreen faisait partie et parmi les documents qu’ila laissé, j’ai trouvé un fascicule concernantles années où, comme conseiller actif, puisen tant que président, il se prodigua pour ledéveloppement de la Società Bresciana deiConcerti Sinfonici “S. Cecilia” (Société desConcerts Symphoniques de Brescia “SainteCécile”), dont Arturo Benedetti Michelangelifut justement le président “honoraire” de1940 au 18 septembre 1947 (date de sa lettrede démission). J’ai ainsi commencé àfouiller dans cet amas de vieux papiers,conservés dans le désordre, et j’y ai trouvédes sujets, des souvenirs et de la documen-tation qui m’ont paru intéressants, et par-fois des témoigna ges émouvants. C’est làl’explication de la genèse de cet écrit, maisaussi une explication de son caractèreincomplet et partial. Je ne peux que me limi-ter à rendre disponible ce que j’ai trouvé, enespérant que ce matériel puisse avoir uneutilité pour ceux qui poseront la main, pro-fessionnellement, sur l’histoire détaillée dela vie du Maestro, que nous attendons encore.Brescia comptait depuis longtemps sur laSocietà dei Concerti, dont le statut initial

avait été approuvé par l’Assemblée desmembres le 20 mai 1914, spécialisée enmusique de chambre. Elle naquit donc audébut du premier conflit mondial. Et parune analogie déconcertante, c’est au débutdu second conflit mondial, entre 1939 et1940, que prit corps une nouvelle initiativemusicale, dont l’objectif primaire était dedévelopper en ville la pratique et la connais -sance de la musique symphonique à traversla création d’un orchestre stable d’arcs. Sadénomination initiale était en effet: Orche -stra Stabile d’Archi “S. Cecilia” (OrchestreStable d’Arcs “Sainte Cécile”). Elle naquitdans un seul objectif culturel, jouer de lamu sique, non pas pour organiser desconcerts. Parmi les principaux partisansfiguraient un avocat, Pedrali Noy, chez quieurent lieu les premiers concerts, le maes-tro Ferruccio Francesconi qui dirigeait lepremier complexe, et le très jeune (il avaitalors vingt ans) maestro Arturo BenedettiMichelangeli. Le premier groupe de direc-tion comptait également l’avocat Pier PaoloCicognini, l’ingénieur Emilio Franchi, l’ingé-nieur Emi lio Pisa, le docteur Angelo Vitale, legéomètre Arturo Gatti et le maestro GinoFrancesconi. L’avocat Cicognini fut le pre-mier président, tandis que le président“honoraire” fut, dès le début, ArturoBenedetti Michelangeli qui fut en réalité,comme nous le verrons, un président trèsactif, un point de référence et un guide, sur-tout dans le choix des interprètes et des

[XI]

Portrait photographique

de Arturo Benedetti

Michelangeli en 1947,

avec une dédicace du

Maestro à Angelo Vitale.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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programmes musicaux, autant au cours dela première phase (1940-1943) que dans laphase de la reprise, marquée par le premierconcert de la saison, le 16 décembre 1945, etjusqu’à la saison 1947-48. Dès les concertsde 1941-42 et 1942-43 une mutation impor-tante avait eu lieu. D’association consacréeà la création d’un orchestre stable d’arcs,“S. Cecilia” devint également une organisa-trice de concerts, avec la présence de solisteset de complexes célèbres. L’œuvre d’ArturoBene detti Miche langeli fut décisive dansl’identification des interprètes et des pro-grammes, dans l’établissement de contactset dans la suscitation d’intérêt pour la nou-velles association musicale. Il reste le souve-nir, en 1942, d’un “concert éclatant auGrande où notre grand pianiste ArturoBenedetti Michelangeli donna son œuvreinégalable, précieuse, désintéres sée”. Lesdocuments dont je dispose ne parlent pas dece concert, mais il est rappelé dans la chro-nologie des concerts de Harry Chin et CarloPalese qui accompagnait le volume Arturo

Benedetti Michelangeli. Il Grembo del Suono

(Arturo Benedetti Michelangeli. Le Giron du

Son), Milan, Skira, 1996. Le concert se tintle 12 avril au Teatro Grande, avec l’orchestre“S. Cecilia” dirigé par le maestro Ferruccio

Francesconi. Le programme prévoyait:Beethoven, Concerto op. 73; Grieg, Concertoop. 16. Hors programme, le Maestro ajouta:Scarlatti, Sonate; Chopin, Etude et Valse; DeFalla, Danse rituelle du feu; Mompou,Cançion y Danza; Albéniz, Malagueña;Chopin, Mazurka. Au début de l’année 1942, en pleine guerre,encore une fois grâce à la stimulation et à lasuggestion d’Arturo Benedetti Michelangeli,la société achète un magnifique pianoSteinway & Sons de grand concert. L’achatest rendu possible par les fonds sociauxmodestes mais aussi par une subvention dechange de la Banca San Paolo, garantie parPedrali, Franchi, Folonari, Vitale, Cicognini,Francesconi. L’effet de change sera ensuiteracheté avec un apport munificent de Pe -drali, Franchi, Folonari. La reprise musicaleest datée du 29 mai 1945 (d’autres sourcesparlent du 27 mai), avec un concert extraor-dinaire au Grande. Les recettes sont entière-ment dévolues à la Commission d’assistancede la Curie, pour aider les déportés enAllemagne qui revenaient dans leur patrie. La reprise organisatrice est marquée par lapremière assemblée après la guerre, qui s’esttenue le 29 octobre 1945. Le discours desalut, le premier rapport sur les activités dela société, la lettre envoyée au public, lecommuniqué préparé pour la presse don-nent le cadre précis de l’histoire de l’associa-tion depuis sa fondation et des objectifs etsentiments qui animaient le petit grouped’infatigables promoteurs. Mes documentsne citent pas l’orateur du discours de salut.Mais il fut sûrement écrit, comme cela appa-raît dans le brouillon corrigé à la main, parAngelo Vitale. Et si le manuscrit ne le mon-trait pas, il suffirait de considérer la chaleuravec laquelle le document parle d’ArturoBenedetti Michelangeli et le rôle détermi-nant qu’il lui attribue, sentiments et convinc-tions qui étaient profondément enracinéeschez Angelo Vitale dès le moment où ilentendit jouer le Maestro pour la premièrefois, en 1940. Le rapport, qui illustre les cinq années detravail, profitables malgré la dureté de laguerre, commence par ces mots: “La Società Bresciana dei Concerti Sinfonici

‘S. Cecilia’ fut constituée à Brescia en 1940,

sous le modeste nom de ‘Orchestra Stabile

d’Archi S. Cecilia’. Il donna la vie à l’institu-

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[XIII]

La perfection devient musique

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tion d’un groupe d’amateurs passionnés de

l’art musical et tout particulièrement par

Maître Carlo Pedrali Noy, dont l’habitation

abrita les premiers essais, sous la direction

du Maestro Ferruccio Francesconi. Notre

grand pianiste Arturo Benedetti Miche -

langeli en fut le partisan et président hono-

raire” (soulignement ajouté). Plus loin, nous lisons: “Permettez-moi avant tout d’adresser en

votre nom et au nom du Conseil de

Direction, un salut affectueux et reconnais-

sant à Arturo Benedetti Michelangeli. Vous

savez qu’il a été, avec les autres, l’âme de

l’institution, même si son art inégalable le

portait loin de la Société. Ce qu’il a fait pour

S. Cecilia est connu par les Conseillers de

l’association comme la gratitude qu’elle lui

doit” (soulignements ajoutés).Encore plus loin: “Nous rappelons le très beau concert du duo

pianistique Sergio Lorenzi et Gino Gorini,

pensé et organisé par le Maestro Benedetti,

qui a été joué par S. Cecilia en collabora-

tion avec la Société des Concerts, comme le

fut le grand Concert final de la saison avec

le Maestro Arturo Benedetti Michelangeli,

toujours pour les deux sociétés” (souligne-ment ajouté). Mais tout est désormais orienté vers lagrande musique, comme le témoigneral’éclatante saison 1946-47. Après l’extraordi-naire concert de mai 1945 dont nous avonsparlé, le premier concert de la saison de lareprise, en 1945-46, eut lieu le 16 décembre1945, avec la participation du violoniste

Alfredo Poltronieri, selon un programmebasé sur Bach et Mendelssohn (les fraistotaux furent de 51275,20 lires). Le secondconcert se tint le 6 janvier 1946 avec l’or-chestre “S. Cecilia “et le chœur féminin duTeatro Grande de Brescia, avec la participa-tion des solistes Ciani et Iachia, dans leStabat Mater de Pergolesi (cette fois les fraiss’élevèrent à 53410 lires). Les autres concertsfigurant dans mes documents sont les sui-vants: le troisième concert, le 20 janvier1946, avec le duo de pianistes Gino Gorini etSergio Lorenzi, donné en collaboration avecla Société des Concerts, sur lequel nousreviendrons; le cinquième concert avec lejeune pianiste Agostino Orizio, le 19 mars1946; le sixième concert, le 7 mai 1946,dirigé par le maestro Sergio Failoni, avec laparticipation du pianiste Paul Baum gartner.La saison 1945-46 est bonne, mais celle de1946-47 sera éclatante. Au début de l’année 1946 apparaît une crisesérieuse dans les rapports entre ArturoBenedetti Michelangeli et “S. Cecilia”. Lacrise se manifeste par une lettre du Maestrodatée du 12 janvier 1946, dans laquelle ilannonce sa démission de la charge de prési-dent honoraire et déclare interrompre sacollaboration. Il dénonce une gêne généraleet l’impression d’“être peu apprécié”. Mais lefait spécifique est qu’un conseiller (au vu dela réponse il me semble comprendre qu’ils’agit d’Angelo Vitale) doit l’avoir critiquépour le fait qu’il ait promu un concert duduo Gorini-Lorenzi et pris des engage-ments, entre autres économiques, plus

Deux images de Arturo

Benedetti Michelangeli

au piano dans les

années cinquante.

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[XIV]

importants que les cachets normaux pourun soliste, sans avoir auparavant décidé cetengagement avec le Conseil de direction.Blessé, le Maestro joint à la lettre un chèquede dix mille lires pour remédier au dommageprésumé (le cachet d’un soliste était norma-lement de dix mille lires, tandis que le duoGorini-Lorenzi avait coûté vingt mille lires). La réponse du conseiller Vitale, qui agissait àcette époque comme factotum de “S. Cecilia”et qui s’occupait des activités organisatricesde son étude professionnelle, est immédiate:elle porte la même date, le 12 janvier. Lalettre exprime un regret et une autocritiquesincères. Le chèque est rendu au Maestro. Une lettre est envoyée en même temps auduo Gorini-Lorenzi, confirmant les engage-ments pris par le Maestro, et comprenant lecachet prévu de vingt mille lires. La lettreporte étrangement la date du 11 janvier, laveille de celle du Maestro. Mais connaissantAngelo Vitale, je considère très probable quela lettre, bien qu’elle soit datée du 11 jan-vier, ait été écrite le 12, après réception decelle de Benedetti Michelangeli. En substan-ce, le conseiller Vitale qui, outre son authen -

tique vénération pour le Maestro, cueillaitpleinement la signification de son grandapport à “S. Cecilia” voulait remédier rapi-dement à l’incident. Il confirme immédiate-ment tous les engagements avec le duoGorini-Lorenzi, pour pouvoir dire ensuite àBenedetti Michelangeli, comme il l’écrit dansla lettre du 12, que la “chose est définie”. Mais le Maestro reste ferme sur sa positionet, dans une lettre du 15 janvier 1946, lechèque est à nouveau envoyé au destinataire.A Angelo Vitale, loin d’être moins têtu que leMaestro, il ne reste qu’une chose à faire: nepas encaisser le chèque qui se trouve enco-re, parmi mes documents, épinglé à la lettredu Maestro datée du 15 janvier 1946. Ce qui choque dans cet échange de corres-pondance, c’est que la cohérence et la dure-té du Maestro (c’est un jeune homme devingt-sept ans qui dialogue avec des per-sonnes qui ont presque le double de son âge,qui sont importantes dans leur professionrespective et dans la vie de la ville, certainesd’entre elles ayant joué un rôle importantdans la Résistance de Brescia) ne sont pasaccompagnées d’un comportement de ran-cœur sur le plan personnel. La ligne est cequ’elle est et l’on ne discute pas, mais les salu -tations et les messages personnels restent de

Les deux lettres des

12 et 15 janvier 1946

que Arturo Benedetti

Michelangeli envoya

à la Société “S. Cecilia”

de Brescia à propos

du concert du duo

Gorini-Lorenzi.

Arturo Benedetti Michelangeli

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La perfection devient musique

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grande cordialité. De plus, le contraste nedistrait pas le Maestro de son engagementprofessionnel. Il travaillait à la préparationdu concert du duo Gorini-Lorenzi et continueà le faire. En effet, le même jour, le 15 janvier,une lettre du Maestro communique le pro-gramme définitif du concert en question. Cependant, la crise se résoudra. BenedettiMichelangeli ne reprendra plus le chèquemais il ne sera jamais encaissé, et Miche -langeli restera président (jusqu’au 18 sep-tembre 1947) en continuant son travail pré-cieux. Cette affaire montre donc au moinsun cas où le Maestro modifia sa décision ini-tiale, du moins en partie. Cela fut une gran-de chance pour la vie musicale de Brescia etpour “S. Cecilia”, car le travail de BenedettiMichelangeli porta des fruits importants,sur au moins trois fronts. Tout d’abord avec ses concerts. Au cours dela saison 1946-47 il en donna deux: le pre-mier au succès éclatant, inaugura la saison1946-47, le 12 janvier 1947, au Grande, sousla direction de Mario Rossi et l’Orchestra dei“Pomeriggi Musicali” (Orchestre des “Après-midi musicaux”) du Teatro Nuovo de Milan. Le second, le 27 avril 1947, toujours auTeatro Grande, sous la direction de NinoSanzogno, toujours avec l’Orchestra dei“Pomeriggi Musicali” du Teatro Nuovo deMilan. Les deux concerts de la nouvelle sai-son 1946-47 avaient été précédés par unconcert extraordinaire, le 25 mai 1946, avecun programme splendide qui allait duPrélude et Fugue en ré mineur de Bach-Busoni à Stravinskij. Le concert fut offert par“S. Cecilia” et non pas la Société desConcerts. Pour les non-membres l’entrée auparterre coûtait cent cinquante lires et celledu poulailler trente lires. La seconde contribution du Maestro résidedans le choix des artistes et des programmes,dans le développement de contacts avec lemonde musical, dans la stimulation àdécouvrir des nouveautés. Nous avons, danscet objectif, l’épisode du duo Gorini-Lorenzi. Mais il me semble qu’un autre épi-sode soit particulièrement significatif: celuidu con cert du Pierrot lunaire de Schönberg.L’Accademia Filarmonica Romana (AcadémiePhilarmonique de Rome), qui concevait unetournée sur Schönberg en Italie, et qui vou-lait comprendre Brescia dans sa tournée ets’était déjà mise en contact avec la Société

des Concerts, englobe Benedetti Miche lan -geli dans le projet. Il s’enthousiasme pour laproposition et propose à son tour que leconcert soit donné avec “S. Cecilia”. Il pous-se avec décision dans ce sens, comme entémoigne une lettre de sa femme, GiulianaBenedetti Miche langeli. La lettre n’est pasdatée, mais elle est sans doute de la périodeentre le 23 février 1947 (date de la lettre del’Accademia Filarmonica Romana) et le 26mars 1947, date de la réponse d’AngeloVitale. Comme on le devine d’après la cor-respondance, il existe des difficultés pra-tiques à insérer un concert de Schönbergdans les programmes déjà établis. Mais leconcert se tiendra tout même, et conjointe-ment, selon le désir du Maestro. L’apport de Benedetti Michelangeli estimportant dans le développement du nou-veau, précieux, rapport avec l’organisme“Pomeriggi Musicali” du Teatro Nuovo deMilan, dirigé par Remigio Paone. L’orga -nisme avait été créé le 21 novembre 1946,d’après le succès de la première saison de1945-46, organisé par l’entreprise “Spet taco -lo Errepi” de Remigio Paone. Les membresfondateurs étaient au nombre de vingt,dont, comme le témoigne curieusement ceque nous entendons lorsque nous parlons deMilan ville ouverte, seuls six sont nés àMilan. Le Maestro animateur, Nino Sanzo -gno, est de Venise, les autres viennent deBrindisi, Rome, Gargano, Cuneo, Orvieto,Monza, Padoue, Brissago (Canton du Tessin),Lesnia (Dalmatie), Saint Galle (Suisse),Ancone, Viareggio. Une collaboration étroites’établit immédiatement entre les “Pome -rig gi Musicali” du Teatro Nuovo et “S. Ce -cilia”, un exemple de la manière dont il fau-drait, aujourd’hui encore, travailler ensemble.Sans cette collaboration, l’extraordinairesaison 1946-47 n’aurait pas été possible. Dureste, cette collaboration profite égalementaux “Pomeriggi Musicali” du Teatro Nuovo,non seulement pour mieux ajuster sescomptes, mais aussi pour se faire connaîtrehors de Milan. Sur ce solide intérêt réci-proque se développe immédiatement unrapport intense, caractérisé par une grandecordialité. Il est cimenté par une sympathieréciproque et par l’amitié qui naît entreRemigio Paone et Angelo Vitale. Mais elletrouve sa force plus profonde justementdans la présence active de Arturo Benedetti

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[XVI]

Arturo Benedetti Michelangeli

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Michelangeli, qui est le principal interlocu-teur de Paone dans la définition des pro-grammes. Paone, en tant que grand impré-sario rusé, “utilise” Benedetti Michelangeli,en subordonnant certaines présences àBrescia à autant d’engagements de BenedettiMichelangeli à Milan, comme cela apparaîtclairement dans la correspondance. La troisième contribution est indirecte,subie et non voulue par le Maestro, maisvécue sans souffrance. Les membres admi-nistrateurs, et surtout Angelo Vitale, ontlancé des contacts avec tous les organismespublics compétents pour obtenir des sub-ventions. Dans cet effort, la présence dugrand Maestro est toujours mise en valeur,dans la tentative de faire comprendre que“S. Cecilia” a quelques chose de spécial, etce spécial s’appelle Arturo Benedetti Miche -langeli. Le Maestro est alors parfois engagédans des pratiques de nature purementadministrative, comme le montrent leslettres. Des deux grands concerts de 1947 auTeatro Grande, le premier et le cinquième dela saison éclatante “S. Cecilia” 1946-47, jene trouve aucune trace dans la chronologiedes concerts de Harry Chin et Carlo Palesecomprise dans le volume que j’ai déjà cité,Arturo Benedetti Michelangeli. Il Grembo

del Suono. C’est une lacune à laquelle il fautremédier. Car ces concerts ne furent pas desconcerts normaux. Ils furent des événe-ments citadins qui suscitèrent dans la villeémotion, orgueil, amour. Ils furent deréelles contributions à la renaissance de lavie musicale de Brescia et au lancement de“S. Cecilia”, qui prit dans ces années-là,grâce en partie à ces concerts, un relief par-

ticulier. Je me souviens bien de tout cela,mais il suffit de feuilleter la presse del’époque pour retrouver cette atmosphère. Ilme semble qu’un témoignage significatif decelle-ci soit offert par l’échange de corres-pondance avec le professeur AlessandroRedaelli des Spedali Civili de Brescia qui,appelé pour une assistance médicale auprèsdu Maestro à l’occasion du concert d’ouver-ture de la saison 1946-47, quand il se vitdemander son honoraire par “S. Cecilia”,refuse d’être payé, satisfait d’ “avoir contri-bué, avec vous tous, à la réalisation d’unévénement artistique d’une telle importance”. J’aime aussi rappeler l’accordeur de Brescia,Facchinetti, qui fut l’accordeur du Maestropour ces concerts admirables. Je ne trouveaucune trace de son activité dans la docu-mentation. Mais je me souviens parfaite-ment de sa présence attentive et patiente. Jeme rappelle que mon père recommandait derester près du Maestro et de l’aider en tout.Certes, l’œuvre silencieuse et patiente deFacchinetti fut précieuse et apporta un bonrésultat pour ces concerts. Il me faut enfin raconter un épisode relati-vement important, cité dans le rapport d’oc-tobre 1947. Sur la vague du grand enthou-siasme suscité par le concert d’ouverture deBenedetti Michelangeli, madame EsterinaConti Togni, Santelle di Gussago, Brescia,exprime son encouragement et promet sonsoutien. Ce soutien se concrétise par unecontribution extraordinaire de vingt millelires, un chiffre réellement significatif àl’époque, envoyées sous le cachet de l’ano-nymat. Ce cachet fut scrupuleusement res-pecté et il me revint d’ouvrir, cinquante ans

Arturo Benedetti

Michelangeli avec des

connaissances et amis à

la fin d’un concert.

L’on reconnaît le chef

d’orchestre Ettore

Gracis (avant-dernier

à droite) et Remigio

Paone (qui s’adresse

au Maestro), directeur

de l’organisme des

“Pomeriggi musicali” du

Teatro Nuovo de Milan.

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plus tard, la carte de visite de madameEsterina Conti Togni, conservée attachée àla lettre de remerciement avec une épingledésormais rouillée. J’espère que le temps quis’est écoulé m’accorde d’être pardonné devioler, maintenant, la promesse de secret.Mais il est important de rappeler ces per-sonnes, ces exemples et ce climat que Bene -detti Michelangeli, et lui seul, savait susciter. Mais la riche association Benedetti Miche -langeli – “S. Cecilia” arrive à terme. La lettredu Maestro communiquant sa démissiondéfinitive du poste de président de “S. Ce -cilia” est datée du 18 septembre 1947. Cettefois la démission est liée au grand appel.Benedetti Michelangeli est trop grand pourBrescia. Il appartient au monde. Cetteconscience est bien présente dans la répon-se rédigée par Angelo Vitale, que le Conseilde direction lui envoie. Le don modeste,souvenir d’une grande saison, est unemontre en or, offerte personnellement parAngelo Vitale à la femme du Maestro, accom-pagnée d’une carte de remer ciement, le 22septembre 1947, comme le prouve l’annota-tion manuscrite d’Arturo Benedetti Miche -langeli sur l’enveloppe qui contenait lalettre de démission.

La requête de “S. Cecilia” de conserver unlien comme président honoraire n’est pasconvaincante. Benedetti Michelangeli n’apas été, et ne pouvait pas être, un présidenthonoraire. Il a été un “Président”, comme ilse définit lui-même dans sa lettre de démis-sion, sans adjectif. Il refuse donc polimentd’être président honoraire de ce qu’il appel-le de manière significative “notre société”. Une saison importante de la reprise de la viemusicale citadine et italienne est terminée.Mais je crois, et c’est ce que je tenais à sou-ligner, que les documents examinés mon-trent qu’Arturo Benedetti Michelangeli nefut pas, comme je l’ai lu, un habitant deBrescia par hasard. Il fut, justement dans lesannées où il s’affirmait définitivement, de1940 à 1947, un habitant de Brescia lié à lamusique, profondément lié à la vie musicalede la ville, à laquelle il donna une contribu-tion énorme, généreuse, désintéressée etpatiente. Il ne fut pas non plus un artisteisolé, sauvage, concentré sur lui-même,mais une personne qui avait une très hauteopinion, non pas de lui-même mais de lamusique, qu’il vivait comme un chemin lemenant vers Dieu. Et je termine avec cette brève réflexion. En1940 Benedetti Michelangeli avait vingt ans.En 1947 il en avait vingt-sept, à peine plusqu’un jeune garçon. Pourtant, en feuilletantcette correspondance et ces documents, l’onrespire, dès le début, une sensation de res-pect magique, de révérence envers sa per-sonne, impressionnante. Dès ses vingt ans,il s’était imposé aux yeux de tous ceux qui leconnaissaient non seulement comme ungrand pianiste, mais aussi comme unMaestro, né grand, sans âge.

* Economiste d’entreprise

La lettre du 18 septem-

bre 1947 par laquelle

Arturo Benedetti

Michelangeli donne sa

démission du poste de

président de la Société

“S. Cecilia” de Brescia.

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La musique comme prière

Marco Vitale interroge le maestro Isacco Rinaldi*

Benedetti Michelangeli devant les Houses of

Parliament de Londres en 1965. A cette occasion,

le Maestro donna deux concerts au Royal Festival

Hall, les 8 et 17 juin.

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Tu as été très proche du maestro ArturoBenedetti Michelangeli, presque pendanttoute sa vie. Vous avez surtout collaborédans l’activité didactique qu’il aimait beau-coup. Peux-tu illustrer de manière assezdétaillée ton expérience avec lui?Mes premiers souvenirs correspondent auxtiens: 1940-41 puis, surtout 1946-48. J’étaisun enfant, puis un adolescent. Je me sou-viens de la figure magique de ce très jeunegénie de la musique et de sa présence vive etmagnétique à Brescia. Pour moi cette pré-sence était encore plus importante, parceque je m’étais moi aussi consacré à l’étudede la musique et du piano. J’étais moi aussiun musicien précoce et apprécié. Je me sou-viens également que ces années-là, je fusprimé à Brescia lors d’un concours local parun jury auquel le Maestro participait. En1945 j’avais réussi, avec une note de 10 et lesfélicitations du jury, le diplôme inférieur depiano au Conservatoire de Parme, gagnantle nom flatteur de “petit Mozart” de la partde son directeur. En 1946, à quatorze ans,j’ai été engagé comme organiste à la cathé-drale de Brescia où je suis resté jusqu’en1961. A seize ans, en Conservatoire “ArrigoBoito” de Parme, j’ai réussi le diplôme moyende piano avec une note de 10 et les félicita-tions du jury dans toutes les épreuves.L’année suivante j’ai obtenu le diplôme depiano avec la note maximum. Cela m’aouvert la porte vers la rencontre décisive dema vie, la rencontre avec Arturo BenedettiMichelangeli. Le Maestro tenait alors depuisplusieurs années (depuis 1939) la chaire auConservatoire National de Musique, d’abord àBologne (où il avait été appelé pour sa gran-de célébrité par le directeur Cesare Nordio)puis, à partir de 1950, à Bolzano, où il don-nait également un cours de perfectionne-ment. C’est sa femme, madame Giuliana, qui m’asuggéré de demander une audition auMaestro pour participer à son cours de per-fectionnement. C’est ce que j’ai fait, avecune grande émotion et une peur révéren-cielle. Le Maestro m’a répondu rapidementet m’a fixé un rendez-vous à Bolzano. C’étaiten 1952, le Maestro avait trente-deux ans etj’en avais vingt. Le jour prévu, je suis allé auConservatoire de Bolzano et j’ai attendu de15h à 19h, sans que le Maestro n’apparaisse.Je suis rentré à Brescia, tu peux bien imagi-

ner avec quelle tristesse et quel décourage-ment. Mais peu après le Maestro m’a télé-phoné, me demandant pourquoi je n’étaispas venu au rendez-vous. L’un de nous deuxs’était trompé sur l’heure, mais la seulechose qui comptait pour moi était que leMaestro m’avait donné un autre rendez-vous. Je me suis à nouveau précipité àBolzano. Et la rencontre inoubliable eutlieu. J’ai frappé à la porte que le conciergem’avait indiqué, j’ai vu un jeune garçon etj’ai cru m’être trompé. J’allais sortir enm’excusant, mais c’était le Maestro. Il m’ainvité à m’asseoir au piano, il s’est assis dansun coin et m’a écouté jouer pendant uneheure et demi sans dire un mot. A la fin, ilm’a fixé droit dans les yeux, au plus profondde moi, et m’a demandé: “Mais qu’est-ce quetu attends de moi?”. Cela a été le premierimpact avec cette manière essentielle, péné-trante, radicale d’aller au cœur des chosesen peu de mots, l’une des caractéristiquesfondamentales de sa personnalité. Je ne mesouviens pas très bien de la réponse que j’aibalbutiée. Mais je sais bien aujourd’hui ceque j’aurais dû répondre: “Maestro, je suis icipour apprendre la musique. Pas le piano: lamusique”. Ce qu’est la musique, quel est sonrôle dans la vie de l’homme. Pour com-prendre pourquoi c’est la musique qui plus,et mieux, que toute autre chose, peut nousfaire ressentir quelque chose de divin. Parceque la musique doit parler au cœur et nonpas à l’intellect (d’après l’annotation deBeethoven au bas de Missa Solemnis: “Néedu cœur, qu’elle puisse atteindre le cœur”);parce que la musique n’existe pas quand onen parle ou écrit, mais quand on la joue(d’un grand concert à un chœur d’enfants etjusqu’au chœur de la S.A.T.); parce que lamusique demande une “communauté affec-

Arturo Benedetti Michelangeli

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[XX]

Le maestro Isacco

Rinaldi au piano durant

une session du cours

de perfectionnement

d’Arezzo en 1955.

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tive” (Liebesgemeinschaft) entre l’interprè-te et son public. C’est tout ce que j’ai apprisdu Maestro, bien plus que le perfectionne-ment de la technique du piano, bien plusque ce que je pouvais alors imaginer et espé-rer. Mais j’ai aussi appris encore beaucoupplus, sur le plan humain et sur le sérieux etla rigueur professionnelle. En ce qui concer-ne son rapport avec ses élèves, l’aspect leplus marquant était son humilité et sa dis-ponibilité, qui n’étaient pas en contrasteavec sa sévérité. Au contraire, elles l’expli-quaient et la justifiaient. La première audi-tion d’une heure et demi m’a communiquécette grande qualité du Maestro, que j’expé-rimentai et approfondit à d’autres occasions. A la fin, le Maestro m’a dit: “Bien, préparez-vous en jouant la Sonate en fa majeur n° 5Printemps pour violon et piano de Beetho -ven et la Sonate pour violon et piano deCésar Franck”, deux magnifiques composi-tions musicales avec lesquelles j’ai ensuitedonné mes premiers concerts. C’est ainsiqu’a commencé un rapport qui ne s’estinterrompu qu’à sa mort, le 12 juillet 1995,et qui a duré quarante-trois ans.

Parle-moi plus en détail de l’expériencedidactique.J’ai suivi le cours de perfectionnement àBolzano, puis le cours estival à Arezzo, sus-pendant toute mon activité de concerts, meconcentrant sur l’étude et sur le travail d’as-similer le rapport spécial avec la musiquequi émanait du Maestro (il aimait répéter“se confier à la musique”). Je suis ensuitedevenu son assistant, à Bolzano et à Arezzoen 1959 et en 1960. Il me payait régulière-

ment (il me donnait cinquante mille lires) etje me suis installé à Appiano, où se trouvaitla nouvelle école. Le cours de perfectionne-ment s’était en effet installé dans le châteauPaschbach à Appiano, près de Bolzano, prèsdu lac de Kaltern, à 416 mètres d’altitude,au milieu des vignes, un château qui appar-tenait à la Province. L’atmosphère du coursétait sévère et dure, mais aussi très sereine.Les élèves adoraient le Maestro car ils le sen-taient proche d’eux, grâce à cette humilitéet au dévouement dont j’ai parlé auparavant.Il percevait cette grande affection sincère etje crois qu’elle lui faisait du bien. Il aimait setrouver avec ses élèves, manger (c’était ungourmet et un excellent cuisinier), se pro-mener, plaisanter, jouer au ping-pong oupasser du temps tous ensemble, une bellenuit d’été, à contempler les étoiles. Aucunde ceux qui ont fréquenté ses écoles ne peutrésolument accepter le cliché d’un hommesauvage, renfermé, égoïste, que lui ont attri-bué surtout ceux qui ne le connaissaientpas, ou qui l’ont laissé seul, l’ont critiquédurant sa vie, pour se jeter ensuite sur samémoire pour en profiter, alors qu’il n’étaitplus là, comme des vautours. Il était tou-jours à disposition des élèves qui avaientbesoin de conseils et d’éclaircissementsquant à l’étude. Il représentait pour tous lesélèves un exemple vivant de dévouement à lamusique et à l’étude. Il leur montrait nonseulement par des mots, mais aussi par descomportements, le chemin à suivre pourobtenir des améliorations certaines. Comme je l’ai dit, je l’ai aussi suivi dans sescours d’été à Arezzo. Grâce à l’association“Amici della Musica” d’Arezzo, le Maestro

[XXI]

Arturo Benedetti

Michelangeli et certains

élèves du cours

d’Arezzo en 1962 au

cours d’une promenade

dans la campagne

toscane.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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avait mis en place un cours de perfectionne-ment et d’interprétation pianistique danscette ville pour laquelle il avait une prédi-lection particulière. Le cours se tenait enété, il s’adressait aux diplômés italiens etétrangers et était entièrement gratuit (cer-tains élèves étaient même accueillis par leMaestro, à ses frais. Le Maestro ne recevaitaucune salaire et participait aux dépensespour les élèves les plus démunis). Le pre-mier cours s’est tenu du 26 juillet au 31août 1953 avec 25 élèves. Il a été interrom-pu en 1954 et 1955 à cause de la maladie(phtisie) du Maestro. Il a repris à l’été 1956(20 juillet - 20 août) avec 30 élèves. Il acontinué, avec un succès croissant, en 1957,

1958, 1959 (du 15 juillet au 30 septembreavec 30 élèves provenant de 11 pays: Italie,Australie, Bulgarie, Danemark, Grande Breta -gne, Allemagne, France, Espagne, Pologne,Etats-Unis, Turquie) et en 1960. J’ai suivi leMaestro en tant qu’assistant et directeuropérationnel des cours de 1959 et 1960.L’atmosphère du cours d’Arezzo était com -me celle de Bolzano, la composition étantpeut-être plus internationale. L’engage mentdu Maestro était grand, car il consacrait gra-tuitement à ces écoles la période estivaleque l’on consacre en général au repos. Ses cours étaient toujours individuels etdemandaient donc beaucoup de temps etune limitation des élèves admis, qui nedépassaient presque jamais la trentaine.Mais les demandes d’inscription étaient bienplus nombreuses. Les exclus étaient nom-breux et le Maestro le regrettait, soutenanttoujours: “Jouer de la musique est un droit

de tous; la musique est pour tout le monde”.Ce sont ces facteurs (le grand succès, lanécessité d’harmoniser au mieux les enga-gements didactiques de Bolzano et Arezzo,l’opportunité d’institutionnaliser et de sta-biliser l’initiative et d’en élargir les dimen-sions avec des potentialités extraordinairespositives dans le monde de la musique inter-nationale) qui ont amené le Maestro et l’as-sociation “Amici della Musica” d’Arezzo àdévelopper le projet d’une “école supérieureinternationale de piano pour pianistes diplô-més, dépendant de l’éducation publique,comme les conservatoires nationaux, maissous la direction exclusive et la responsabi-lité pédagogique et artistique du Maestro

Arturo Benedetti Michelangeli”. Aujourd’huinous dirions “un grand master de piano”dirigé par le plus grand pianiste du mondequi, bien qu’il soit encore jeune (en 1959 iln’avait pas encore quarante ans), avait déjàderrière lui vingt ans d’activité didactique,au cours de laquelle il avait montré non seu-lement une extraordinaire vocation didac-tique, mais aussi une générosité rare. Aucunpays au monde ne pouvait offrir une possibi-lité aussi extraordinaire. C’est pour cetteraison que l’instance présentée par l’associa-tion “Amici della Musica” d’Arezzo auMinistère compétent parle de l’ “immenseprestige mondial” que l’initiative auraitapporté à l’Italie. La réponse fut le silence le plus absolu. LeMinistère compétent ne donna ni réponse, nisigne de vie. En 1959 et 1960 les ministresde l’éducation nationale ont été Aldo Moro,Giuseppe Medici et Giacinto Bosco.

[XXII]

Un Arturo Benedetti

Michelangeli souriant

entre Isacco Rinaldi

(à gauche) et le

secrétaire du cours

d’Arezzo en 1959.

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La perfection devient musique

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C’est ce silence et cette incroyable impoli-tesse qui ont amené le Maestro à fermer l’ex-périence didactique publique qui se concré-tisa en 1960, avec sa démission du posted’enseignant au conservatoire. J’ai lu queCesare Nordio, directeur du Conservatoirede Bolzano qui a évolué dans la même direc-tion, aurait obtenu du Ministère l’autorisa-tion de créer un cours de piano internatio-nal de haut niveau qui lui a été confié. Maisc’était trop tard. Et le Maestro, après vingtans de grande générosité didactique, voulaitune école et non plus un cours. Je neconnais pas ces développements que j’ai lus.Je ne peux que témoigner qu’un jour, endescendant de l’Alpe di Poti vers Arezzo, ilm’a dit avec une grande amertume et décep-tion: “C’est fini. La Compagnie se défait.Tant de travail pour rien!”. C’est alors qu’aeu lieu sa première vraie rupture intellec-tuelle et sentimentale avec le système Italie,qui évolua quelques années plus tard dansson abandon définitif de son pays, suite auxfameuses affaires judiciaires. Après sa démis-sion, une autre initiative a été décomposéepar le Ministère: on lui a proposé d’allerenseigner à Rome, à l’Académie “S. Cecilia”,mais comme simple enseignant de l’institu-tion. Et pourtant l’école du projet d’Arezzon’aurait pas même coûté un dixième de laplus petite section détachée d’un conserva-toire normal, et aurait porté l’Italie au centredu piano mondial. Le Maestro n’a pas perduson amour pour l’enseignement et il a eud’autres occasions de satisfaire cet amour,mais désormais de manière privée. Il a conti-nué quelques années à Arezzo, de manièreréduite, pendant quelques années encore.Jusqu’en 1965 je crois. Mais en 1960 s’estfermée une énorme opportunité qui auraitfait de l’Italie le centre du piano mondial.

Comment s’est poursuivi votre rapportaprès la clôture de l’expérience didactique? En 1960, sur une indication du Maestro,j’avais participé au concours pour la chairede piano au Conservatoire de Ferrare. Ilm’avait semblé évident et naturel de quitterAppiano et de m’installer à Ferrare. Cettedécision a contrarié le Maestro, car il pen-sait que je serais resté à Appiano, en faisantdes allers et retours. Mais ensuite, à l’occa-sion de l’un de ses concerts à la Fenice, jel’ai rencontré et nous nous sommes expli-

qués. Nos rapports ont alors repris commeavant. Nous nous sommes également expli-qués sur ma présence à ses concerts. Par lepassé, il m’avait interdit d’aller écouter sesconcerts. Je lui ai demandé le sens de cetteinterdiction. Et il m’a répondu: “Parce quetu dois jouer comme je te dis de jouer, nonpas comme vous m’entendez jouer”. Maisj’ai répété: “Mais Maestro, j’ai besoin de vousentendre jouer. Pas tant pour apprendre,mais pour la joie de vous entendre faire de lamusique”. Quelques temps plus tard j’aireçu l’invitation à un concert extraordinairequ’il donnait à Lugano, pour le dimanche 5avril 1981. Il m’avait réservé une place justeen face de lui, et pendant le concert nousnous sommes regardés plusieurs fois. J’aiparticipé à de nombreux concerts d’ArturoBenedetti Michelangeli. Mais ce concert, cesoir-là, a été absolument mémorable. Leprogramme prévoyait les deux Sonates deBeethoven op. 26 et 22, la Sonate en lamineur D. 537 de Schubert et les quatreBallades op. 10 de Brahms. Je suis convain-cu que Lugano se souvient encore de cettesoirée extraordinaire. Il était toujours gran-dissime, mais ce soir-là il a été divin. L’onsentait un contact mystérieux avec quelquechose qui était au-delà de nous tous, au-delàdu Maestro lui-même. Il nous a semblé, cesoir-là, qu’il nous avait donné son âme.Presque annihilé, je m’apprêtais à sortir,quand le haut-parleur annonça: “Le maestroIsacco Rinaldi est prié de se rendre chez lemaestro Arturo Benedetti Michelangeli”. Je

me précipitai chez lui et nous nous sommesserrés dans les bras l’un de l’autre de maniè-re extraordinaire, intense. Je ne l’avaisjamais vu aussi heureux, aussi serein, d’unbonheur si intime. Il sentait lui aussi que cesoir-là il avait vraiment atteint ce qu’il était:faire de la musique. Il me retint pendant

[XXIII]

Benedetti Michelangeli

durant le concert du 7

avril 1981 à l’auditorium

de Besso de la Radio

della Svizzera Italiana.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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[XXIV]

quelques minutes puis me congédia endisant: “Je dois te laisser. Tu vois, ils m’ontamené le dîner. Je mange un peu et je meremets au travail”. J’ai été très frappé: aprèsce miracle et ce triomphe, le Maestro, avecune grande humilité, se remettait à tra-vailler pour le concert suivant. J’ai lu que lemaestro Giulini aurait déclaré que pour leMaestro jouer du piano était une souffranceet un tourment. Il faut voir dans quel contex -te et avec quelle signification cette phrase aété prononcée. Mais ce soir-là, à Lugano,jouer du piano ne fut pas une souffrancepour le Maestro: ce fut une joie profonde,intime, naturelle. Et la joie sera souvent lamême. Le Maestro avait un rapport naturelet heureux avec le piano, un instrument qui,“avec un travail dur”, lui a permis de décou-vrir et de révéler les émotions les plusintimes et les vraies réponses dans lamusique, pour la joie et le bonheur de noustous. Les choses qui le faisaient souffrirétaient ailleurs, certes pas dans le piano.Lorsqu’il n’atteignait pas la qualité à laquelleil aspirait, lorsque l’œuvre était inachevée, ilétait insatisfait. Non pas pour l’anxiété duperfectionnisme en soi, comme beaucoupl’ont fait entendre, mais parce qu’il étaittoujours à la recherche de la vérité, de ceque l’auteur n’écrit pas parce que c’estimplicite dans le rapport existant entre lesdifférents éléments en jeu, mais qui doitêtre révélé par respect absolu de la musique,pour le public, pour le devoir moral et pro-fessionnel de l’excellence. “Ne jamais rienlaisser au hasard” m’a-t-il dit, justement cesoir-là, à Lugano. J’appris ensuite que legrandissime Benedetti Michelangeli était àLugano depuis une semaine, enfermé dansl’auditorium avec son accordeur, pour pré-parer ce concert qui ouvrit nos âmes au sur-naturel.

Nous arrivons vers la phase finale de cettevie extraordinaire...Entre-temps le Maestro avait quitté définiti-vement l’Italie, tandis que moi, en 1969,j’avais gagné le concours de directeur duLycée musical de Modène, où j’eus la possi-bilité d’essayer de faire pénétrer dans l’acti-vité de cet institut quelques uns de sesenseignements, un peu de son professionna-lisme, un peu de son amour pour lamusique. Nous avons continué à nous voir,

mais cela devenait de plus en plus difficile.Je devais aller le voir à Pura. En 1984 et1985 le Maestro fut touché par un secondgrave incident sur le plan de la santé, donton parle peu ou pas dans les textes que j’aipu voir, parce que ceux qui le suivaient

avaient tenté de le cacher. Il fut atteint d’uneforme grave de parésie, qui pendant unepériode lui enleva l’utilisation de la parole etlui bloqua entièrement la main droite.Quand il commença à aller mieux, j’allai levoir et le trouvai très triste et amer. “Encoreune fois – me dit-il – je dois recommencerdepuis le début, comme un enfant”. C’estalors que je commençai à penser qu’il fallaitle libérer de l’obligation (économique) dedonner des concerts. L’idée revint, cette foisavec d’autres motivations, de créer unegrande école où le Maestro, libéré des néces-sités économiques grâce à un bon salaire,aurait pu se concentrer sur la tâche detransmettre son extraordinaire, unique rap-port avec la musique, et limiter le plus pos-sible, selon sa volonté, les concerts. Son retour au concert eut lieu à Zurich, le16 mai 1986, avec un programme deChopin, op. 35, Debussy, Images Série I etII; la seconde partie qui prévoyait Ravel,Valses Nobles et Gaspard de la Nuit ne futpas exécutée. J’étais présent et, sachant quequelques mois auparavant sa main droite etsa parole étaient paralysées, je me rendaisbien compte de l’effort énorme que devaitreprésenter pour lui ce concert. De plus, latempérature et l’humidité étaient élevéesdans la salle et le piano était en mauvaise

Arturo Benedetti

Michelangeli et

l’accordeur Guido Vicari

dans ce qui est proba-

blement la dernière

photo du Maestro, prise

en janvier 1995.

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La perfection devient musique

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condition. J’admirai beaucoup sa forced’âme dans l’exécution de la première partied’un concert qu’il ne pouvait poursuivre enaucune manière. Ce soir-là je l’aimai plusqu’à l’habitude et je détestai profondémentles vautours qui tournaient dans la salle,dont l’un d’eux vint vers moi et me dit: “Iln’est plus lui-même”. Je ne trouve pas ceconcert dans la chronologie que j’ai déjàmentionnée de Harry Chin et Carlo Palese,mais il faut y remédier parce que ce fut unconcert d’une grande signification. La souf-france de la maladie l’avait porté encore plushaut. Moi, entre-temps, en 1984 j’avaisquitté Modène et accepté la direction del’Institut musical reconnu par l’Etat“Gaetano Donizetti” de Bergame, un institutprestigieux à l’histoire ancienne (il avait étéconstitué en 1804). Je le fis entre autre pourêtre plus proche du Maestro et pour avoirplus de possibilités d’aller le trouver. DepuisBergame j’allai souvent le voir à Pura. Mêmes’il était, comme il l’était depuis toujours etde plus en plus, une personne qui parlaitpeu, nous parlions de beaucoup de choses. Ilétait très informé sur tout. Il posait surtoutbeaucoup de questions sur Brescia, sur lelac de Garde (qu’il aimait, en particulierLimone), sur Bergame où il avait donné, desannées auparavant, un cours de perfection-nement, suscitant d’ailleurs un intérêt locallimité. Il conservait son amour antique pourla bonne cuisine et pour la Formule Un etles voitures rapides. J’essayai de proposer à Bergame un cours de

haut perfectionnement dirigé par leMaestro, pour le libérer du besoin de donnerdes concerts. Je proposai de l’organiser avecla “Gioventù Musicale” (“Jeunesse Musicale”),dont Bulla était président. Je ne sais pas si leMaestro aurait accepté. Je ne lui en parlaipas, car il n’était pas une personne à qui ilétait possible de proposer une simple hypo-thèse. Si le projet était arrivé à bon terme,nous le lui aurions soumis. Mais le projet nese concrétisa pas et tomba pour l’ostracismedes environnements musicaux locaux.Quand je lui en parlai enfin, il me répondit:“J’ai terminé avec ces activités. Fais-le, toi”. Ensuite, en 1988, le Maestro eut le grandaccident cardiaque, avec une importante etdangereuse intervention chirurgicale. Je lerencontrai pour la dernière fois, environ sixmois après l’opération. La rencontre fut trèstriste. Il me reçut chez lui, à Pura, dans sapetite chambre sobre qui ressemblait à lacellule d’un moine. Son accordeur deconfiance, Tallone, m’avait dit qu’il était unfranciscain tertiaire. Son enterrement s’estdéroulé dans une simplicité franciscaine, lecercueil posé au sol devant l’autel. De nom-breuses années auparavant, il était souventallé se régénérer dans le monastère francis-cain de la Verna. Je ne sais pas s’il était réel-lement un franciscain tertiaire, mais je n’aijamais eu de doute sur le fait qu’il soit, ensubstance, un vrai moine: le travail étaitpour lui une prière. Je voudrais ne pas parler de toutes dernièresannées, qui furent très tristes pour lui. Je

[XXV]

Le Maestro dans

une image privée de

sa maturité.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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n’allai plus le voir à Pura parce que je nevoulais pas ajouter de la tristesse à la tris-tesse, et parce que j’étais en désaccord avecla manière dont il était presque isolé parMarie-José Gros Dubois et par madame LottiLehmann. Mais je suivis ses concerts (ceuxde Munich en 1992, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Celibidache,furent mémorables), je lui écrivais en l’in-formant de mes activités et je téléphonaisaux dames pour demander des nouvelles etinformer de ma disponibilité en cas de néces -sité. Mais je ne recevais que des réponseséva sives et rassurantes: “Le Maestro va bien,le Maestro va bien”. Quand il perdit sa mai-son de Pura, et surtout les chalets de Rabbiqu’il aimait tant, il souffrit beaucoup. Toutcomme le faisait souffrir le fait que, de songrand effort divin d’enseigner la musique, ilne serait rien resté. En unissant les forceset en mobilisant les nombreux vrais amisd’Arturo Benedetti Michelangeli, nousaurions peut-être pu faire en sorte que leschoses se déroulent autrement.

Je me souviens de Benedetti Michelangelitrès jeune, de 20 à 27 ans, à Brescia, et j’aieu l’occasion d’analyser des documents ori-ginaux de cette époque qui attestent sonactivité. Non seulement les concerts, maisaussi la promotion et l’organisation de l’ac-tivité musicale à Brescia. Il en transparaît lafigure d’un artiste déjà grand, plein d’élanset de générosité, et j’ai essayé d’illustrer etde documenter tout cela dans un court écritque tu as vu. Tu l’as fréquenté en pleine

maturité, alors qu’il s’était concentré sur lagrande activité des concerts et de la didac-tique, mais aussi dans la phase finale de savie. Quelles analogies et différences, quellescontinuités et discontinuités vois-tu entreces différentes phases de sa vie? Tu as com-pris que je veux essayer de comprendrequelles sont les valeurs, les convictions, lessentiments de Benedetti Michelangeli quisont restés stables tout au long de sa vie, au-delà des inévitables ajustements que les dif-férentes phases de la vie comportent.Ses conceptions de fond de la musique et dela vie sont restées d’une extraordinaire sta-bilité et cohérence. Comme tu l’as écrit,depuis sa jeunesse, il n’était “pas seulementun grand pianiste, mais un Maestro, négrand, sans âge”. Il est impressionnant dereconstruire la grande continuité entre sesidées sur la musique dans ses lettres et sesrares écrits de jeunesse, avec ce qu’il ensei-gnait dans ses cours et avec ce qu’il a tou-jours cru et témoigné, jusqu’à la fin. Lesépreuves difficiles de la vie l’ont certesamené à un approfondissement continu,parfois douloureux, mais elles n’ont jamaisentaché ses valeurs de fond. Il a bien sûr eudes évolutions, parfois des involutions, maissur des aspects non centraux. Sur tous lesthèmes de fond et surtout sur celui qui seréfère à la musique, sa cohérence dans letemps est époustouflante. Je parle de laconception de fond de la musique et de sonrapport avec la vie, non pas de l’évolutionstylistique et interprétative qui fut bien évi-demment importante et eut des phases etdes évolutions.

Qu’était la musique pour BenedettiMichelangeli? Tout. La musique était la vie. En 1954,quand il dut abandonner toute activité àcause de la phtisie, il écrit à la mère de l’unde ses élèves les plus chers: “Depuis neufmois j’ai tout abandonné. Et par tout j’en-tends la chose la plus chère, ma seule raisonde vivre: la Musique”. Il était cultivé, infor-mé, curieux, il avait de nombreux intérêts etn’était certes pas le “grognon” qu’on a voulunous faire croire. Mais deux choses seulesétaient réellement essentielles pour lui: lamusique et l’enseignement. Toute la mu -sique, pas seulement le piano. Le Maestroavait étudié la composition, mais aussi le

Le Maestro durant

une pause de détente,

en compagnie de son

immanquable cigarette.

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La perfection devient musique

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violon. Son sens du lié vient du violon, del’orgue et de la voix humaine. Certainescouleurs, siennes et uniques, ne dériventpas du piano mais d’autres sources, d’autresstimuli qu’il appliquait, amenait au piano.C’était une personne cultivée et complexe. Ilsavait beaucoup de choses. Mais quant à lamusique, il savait simplement tout. Il avaitune énorme connaissance musicale, etcontrairement aux sottises qui ont étéécrites, il avait un répertoire immense.

Qu’était le piano pour Benedetti Miche -langeli?C’était un simple instrument, certainement,mais un instrument sans lequel on ne faitpas de musique. Et donc un instrumentessentiel. C’était comme le chœur de laS.A.T. pour les chants de montagne. Si l’ins-trument a une intonation parfaite, commele chœur de la S.A.T., les chants de mon-tagne sont admirables. Si le chœur estdésaccordé ou peu amalgamé, les chœurs nesont pas beaux. Beethoven est presque néavec un piano. Son œuvre au piano a été unerecherche continue des possibilités expres-sives du nouvel instrument. Jusqu’à la 111,où il tire du nouvel instrument tout ce quepersonne, peut-être même pas lui-même,pensait possible jusqu’à quelques annéesauparavant. L’instrument doit être parfaitpour pouvoir obtenir de lui le meilleur. Sonattention envers l’instrument, que certainsidiots ont traité comme une espèce demanie, était du respect pour la musique,pour le public, pour le fait de jouer de lamusique, c’était une conséquence naturellede l’exigence d’exprimer complètement lecontenu de la musique. Et c’était en mêmetemps une recherche continue de nouvellespossibilités expressives. Le piano est un ins-trument extrêmement complexe, même dupoint de vue mécanique, et il est très sen-sible à l’humidité, au froid, aux conditionsexternes en général. Pour comprendre queson attention envers le piano n’était pas unemanie, comme certains critiques idiots ontvoulu le faire croire, il suffit de lire ce quedisent sur le thème les grands techniciens,ceux qui ont collaboré avec lui. AngeloFabbrini, par exemple, a dit avec une grandeefficacité: “Pour lui le piano était comme ungrand violon; il en soignait les moindrestroubles et il était en mesure de les vivre

avec l’instrument qu’il aimait et détestait(car il était la source de ses tourments). Ilvivait comme un grand violoniste vit avecson Stradivarius, et nous qui avons travailléavec le Maestro, nous avons été un peucomme les luthiers de ses instruments. Celaa été une grande école pour tous ceux quiont travaillé avec lui, comme pour les mai-sons de construction, qui nourrissaient uneestime inconditionnée pour le Maestro”.

Qu’était l’enseignement pour BenedettiMichelangeli?Je crois ne pas devoir me répéter, mais il mefaut simplement souligner encore une foisque l’enseignement était pour lui une partieintégrante de l’art de faire de la musique.Les deux choses étaient indissolubles pourlui, et cela depuis le début. En 1943, son amiAngelo Corelli (le Maestro avait alors 23 ans)

note sur son journal: “Aujourd’hui il m’aparlé de son grand intérêt, je dirais mêmeamour, pour l’enseignement”. D’où le grandespace, la grande passion et la grande géné-rosité qu’il consacrait à l’enseignement. Ilétait naturellement très exigent, avec lui-même et avec les autres. Il avait un grandrespect du travail et ne tolérait pas leschutes dans ce sens. Mais il avait un grandrespect pour ses élèves. Il voulait que l’élèvedécouvre la solution, et non pas qu’elle soitimposée par l’enseignant. Il voulait quenous apprenions à découvrir ce qu’il y avaitdans le texte. Il disait que faire de lamusique est comme grimper lentement surune montagne qui nous prend petit à petit.Il fallait se laisser prendre, “se confier à lamusique”. Il nourrissait et communiquaitune grande joie lorsque l’élève jouait parti-culièrement bien. Il était une personne etun enseignant d’une douceur incroyable.C’est aussi la raison pour laquelle, quand ilvit que son amour et sa générosité n’étaient

Arturo Benedetti

Michelangeli “dirigeant”

quelques composants

du chœur de la S.A.T. à

Madonna di Campiglio,

le 13 septembre 1976, à

l’occasion des célébra-

tions pour le 50ème

anniversaire du chœur.

Les relations entre le

Maestro et le groupe

de Trente débutèrent

en mars 1946 et se

poursuivirent pendant

des années de manière

cordiale et profitable,

conduisant à l’harmoni-

sation de 19 chants de

montagne.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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ni compris ni appréciés par ceux qui aurai -ent dû les comprendre, il quitta le poste deprofesseur du conservatoire.

Comment expliques-tu son amour pour leschants de montagne?Je ne sais pas distinguer son amour pour leschants de montagne de son amour pour lechœur de la S.A.T. Le Maestro avait étudié lacomposition, il savait écrire la musique et,durant les premières années, il en écritmême. Il harmonisa pour la S.A.T. différents

chants de montagne (environ une vingtai-ne). Il était attiré par la perfection mysté-rieuse de l’intonation du chœur de la S.A.T.Ces chœurs représentaient une combinaisonmagique d’harmonies délicates avec un ins-trument extraordinaire. Il faisait écouter àcertains élèves des exécutions de la S.A.T.,autant pour faire connaître le répertoire par-ticulier que pour faire entendre et prendreconscience (apprendre) la formidable capaci-té émotionnelle de l’intonation naturelleexprimée par la voix humaine et que seule lavoix humaine peut exprimer complètement.

Peux-tu faire un bilan de ces cours? Qu’ont-ils produit? Qu’en est-il resté? Quelle estl’hérédité principale que Benedetti Miche -langeli t’a laissée personnellement?Je crois que dans les écoles officielles, dansles conservatoires, cet enseignement, cescours, n’ont rien produit. Elles sont solide-ment imperméables à ces phénomènes. C’estcomme se demander ce qu’a laissé dans

l’école officielle l’école de Barbiana de DonMilani. Ces cours ont par contre laissé beau-coup à tous les élèves qui les ont suivis. Et,je l’espère, à travers eux, ils ont pénétré enpartie les enseignements et la façon de fairede la musique avec leurs élèves. Ce que leMaestro m’a laissé est si grand qu’il est dif-ficile de répondre à ta question. Il m’a sim-plement enseigné la musique dans sonensemble. Il m’a enseigné la musique commeune découverte qui ne finit jamais, la mu -sique comme l’escalade d’une montagne,longue, lente, patiente, à la recherche deschoses les plus cachées. Et il m’a égalementlaissé la conviction que la musique est sim-plicité, limpidité et non pas obscurité.

Tu as déjà dit beaucoup de choses de lui.Mais si je te demandais d’exprimer en uneseule phrase la caractéristique de fond de sapersonnalité et de sa manière d’agir, quelmot ou expression utiliserais-tu? Je dirais ce que j’ai déjà dit plus haut: le tra-vail comme une prière et faire de la musiquecomme rechercher Dieu. Laisse-moi aussi dire que tous ceux qui onttravaillé avec lui portent une leçon ineffa-çable de sérieux et de rigueur professionnel-le absolus. Le mythe des concerts annulésdoit être reconduit à la vérité. Ces concertsannulés furent beaucoup moins nombreuxque ce que l’on dit, et chaque fois il y avaitdes raisons fondées et importantes, liées à sasanté fragile, à des conditions non tran-quillisantes sur le lieu ou sur l’organisationdu concert, ou encore au non respect desconditions établies avec les organisateurs.Comme l’a dit Celibidache, chaque fois queMichelangeli mettait en doute la réalisationd’un concert “je sentais qu’il y avait derrièreune raison musicale et non pas un caprice”.

A plusieurs occasions nous avons vécu dessentiments communs d’intolérance sur lamanière dont la personnalité d’ArturoBenedetti Michelangeli a été illustrée par denombreux critiques et de la part de la pres-se. J’aimerais essayer d’approfondir les rai-sons de cette intolérance, pour souligner lesaspects de la personnalité et de l’enseigne-ment de Benedetti Michelangeli dont noussentons qu’ils ont été ignorés, voire déformés.Je crois que tout cela apparaît de ce quenous avons dit jusqu’à présent. Ton analyse

Arturo Benedetti

Michelangeli avec son

élève Renato Premezzi

à l’Accademia

Internazionale Pianistica

à la Vigna del Gerbino

de Moncalieri le

30 décembre 1961.

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La perfection devient musique

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de la première période met clairement enlumière un homme à la générosité extraor-dinaire. Mes souvenirs des cours de perfec-tionnement et le souvenir de tous les élèves,ainsi que les témoignages des organismesorganisateurs des cours, confirment la figu-re d’un Maestro à la générosité énorme. Jene connais aucun autre grand musicien ouinterprète italien qui ait dépensé autant etgratuitement pour les jeunes. Mais qui l’aécrit avec l’évidence de rigueur ? C’était untrès grand professionnel et il a été décritcomme une espèce de maniaque. C’était ungrand musicien entier, et il a été décritcomme un virtuose sans âme. Le sens reli-gieux était une partie essentielle de son art,mais cet aspect central a aussi été ignoré. Ilétait à la recherche de la perfection, et cela aparfois presque été un sujet de moquerie,sans comprendre que la perfection querecherchait Arturo Benedetti Michelangelin’était pas la perfection de l’exhibitionnisteet de l’égocentrique, mais la perfection évan-gélique: soyez parfaits comme le Seigneurest parfait, celui qui a vous a créés à sonimage. Tu l’as très bien écrit: c’était unhomme de notre temps, mais “refusant lescaractéristiques perverses de notre temps: lasuperficialité, la hâte, le marketing, l’avidité”.C’est son refus de ces maladies de notretemps qui l’a rendu si difficile à comprendrede la part de ceux qui étaient par contreintoxiqués par ces maladies. La mère de Benedetti Michelangeli, AngelaPaparoni di Terni, enseignante, était une per -sonne très sévère et dure. C’est peut-être cequi détermina les carences affectives du petitArturo, qui entreront dans la formation de sapersonnalité complexe. Mais elle n’eut jamaisde doutes sur la grande vocation de son fils etle soutint de toutes les manières, même avecdes sacrifices importants, comme celui de luipermettre de suivre l’école privée du maestroAnfossi à Milan, où elle l’accompagnait per-sonnellement. Un jour, sa mère me racontacet épisode: Arturo est né le 5 janvier (1920)à 24h00; ce fut une nuit spéciale car, bienqu’étant au cœur de l’hiver, il y avait unorage, avec tonnerre et foudre. A un moment,un coup de foudre et le tonnerre éclatèrentavec une telle force qu’un tableau accrochéau-dessus de la tête du lit où la mère attendaitl’accouchement tomba; quelques minutesplus tard, Arturo naissait.

J’ai souvent repensé à cet épisode et à sasignification symbolique. Arturo BenedettiMichelangeli est comme un coup de foudreestival qui éclate une nuit sombre d’hiver,un coup de foudre qui illumine l’hiver grisde notre médiocrité. C’est pour cela, tandisque le public l’a aimé et que ses élèves l’ontadoré, que de nombreux intellectuels ontessayé de réduire sa figure. Comme l’a trèsbien dit Giorgio Pestelli (dans Arturo

Benedetti Michelangeli. Grembo del

Suono): “Benedetti Michelangeli ne se sen-tait pas bien dans le système; il n’était pashors de la culture, il était hors de l’organisa-tion de la culture, ce qui est bien différent”.Comme l’a dit Edmond de Stoutz (le grandfondateur et directeur du célèbre orchestrede chambre de Zurich): “Sa façon de jouerplaît, mais pas sa façon d’être homme, parceque le monde n’est pas honnête. [...]Michelangeli est comme un cristal, clair,défini, facetté, le cristal est au service de lalumière”. Il ne s’agit pas de cultiver les mythes.Benedetti Michelangeli, comme tous, eut sesfaiblesses, ses lacunes, ses manies, seserreurs, ses limites. Mais il s’agit de réagircontre les déformations de sa personnalité

Image intense de Arturo

Benedetti Michelangeli.

La photographie fut

utilisée pour l’affiche du

récital de Londres du

8 juin 1965 et quelques

couvertures d’éditions

discographiques EMI,

parmi lesquelles celle

des concerts de

Rachmaninov et Ravel

avec le Philharmonia

Orchestra dirigé par

Ettore Gracis en 1957.

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qui sont devenues des clichés dominants,malgré les témoignages vrais de ceux quil’ont réellement connu, de Celibidache àEdmond de Stoutz et Alceo Galliera (“Il avaitalors un très bon caractère et il n’était certespas l’homme bourru dont on parlait”), deGiorgio Pestelli (“C’était un homme ouvert,loyal, sociable”) à ses élèves (voir les richestémoignages dans Arturo Benedetti Miche -

langeli. Il Grembo del Suono) et ses accor-deurs. Alimenter ces clichés rend difficile latâche de préserver et de transmettre l’essen-ce de sa leçon, qui ne fut pas une leçon devirtuosité du piano, mais de musique, d’hu-manité et de générosité. Car, comme le rap-pelle dans son témoignage Emilia Bonzi(nièce des Lentati qui ont tant contribué auxdébuts du jeune Arturo) en s’appuyant surune source qu’elle ne précise pas: “Benedettiétait un vrai musicien, pas un affairiste dupiano”. Lorsqu’il est victime de la crise cardiaque àBordeaux le 17 octobre 1988, il donnait unconcert de bienfaisance pour les victimes desinondations de Nîmes. Et sa biographie estpleine de générosité financière, des premiersdocuments de “S. Cecilia” que tu as cités, àtout ce qu’il fit pour les cours de perfection-nement et à tous les concerts gratuits afin derecueillir des fonds pour des objectifs cultu-rels ou sociaux. Mais la générosité financièren’était que l’une des manifestations d’unegénérosité plus grande, d’une générositétotale. Certains ont pourtant essayé del’illustrer comme un garçon gâté, capricieuxet exhibitionniste.

Il y a quelques années, nous avons essayé dedonner vie à une fondation, à Brescia, quidevait avoir deux objectifs: la récolte méticu-leuse de toute la documentation existante auniveau mondial sur Arturo Benedetti Miche -langeli, et le maintien et le renouvellementde son enseignement à travers des cours deformation musicale. Malheureuse ment, l’in-sensibilité de la ville qui lui donna le jour etla mesquinerie de certaines personnes firentavorter la tentative. Toutefois, l’œuvre dedeux spécialistes (Stefano Biosa e MarcoBizzarini) a créé un Centre de Docu men -tation “ Arturo Benedetti Michelangeli “ quieffectue un important travail de recherche etde catalogage des documents et articles, touten entreprenant des activités éditoriales, depublicité et d’étude et en promouvant desconférences, concerts et congrès en mémoi-re du Maestro. Le Centre mériterait un sou-tien financier public et privé. Mais le rêved’un lieu didactique où l’on enseignerait lamusique et le piano comme il l’entendait, oùl’on en garde une mémoire vivante, resteirréalisé. D’après toi, ce rêve peut-il encoreêtre réalisé, peut-être à Lugano, ou doit-onle ranger dans un tiroir?C’est une initiative que nous avons le devoirmoral d’entreprendre. J’ai raconté commej’avais essayé de donner vie à une nouvelleécole de perfectionnement à Bergame, duvivant du Maestro, pour essayer de rendremoins dures ses dernières années d’isole-ment à Pura. Mais je n’y suis pas arrivé. En1994, avec le soutien enthousiaste deMassimo Rocca, maire de Desenzano delGarda, j’ai créé le Concours de piano inter-national “Arturo Benedetti Michelangeli”,qui a eu lieu cinq fois (de 1995 à 2000), et uncours de perfectionnement de piano afin detransmettre aux jeunes intéressés les ensei-gnements reçus par mon maestro. Je tinsconstamment le Maestro informé de mesactivités, par téléphone ou par lettres. Dansla dernière lettre, datée du 3 mars 1995, jedisais: “Pendant toute la durée de la manifes-tation, nous avons senti une influence spiri-tuelle bénéfique de mon incommensurableMaestro Arturo, évoquée à travers les ensei-gnements que je transmettais au cours desleçons. Les jeunes ont pleinement compris lagrande valeur de l’humilité du travail et durespect de la musique”. J’ai reçu des appré-ciations au plan national et international.

L’affiche de l’une des

éditions du Concours

International de Piano

“Arturo Benedetti

Michelangeli”, organisé

par la commune de

Desenzano del Garda

de 1995 à 2000.

Arturo Benedetti Michelangeli

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J’aime rappeler celui de Salamita Aronovsky,fondatrice et présidente du World PianoCompetition de Londres, l’un des concoursde piano les plus prestigieux du monde.Même le maestro Orizio m’a écrit une lettred’approbation pleine de sympathie. Mais lesoutien de ces initiatives vint à manqueravec le changement politique de l’adminis-tration communale de Desenzano et s’estdissous avec le projet d’institution du Centred’études “Arturo Benedetti Miche langeli”que nous élaborions alors et qui prévoyait,parmi les fondateurs et défenseurs, le mairede Desenzano del Garda. Parmi les initia-tives mises en œuvre à cette période, il fautrappeler, pour son importance, l’expositionGaspard de la Nuit où ont été exposées lespages du texte musical homonyme de Ravelqui avait appartenu à Benedetti Michelangeli,qu’il m’a donné en me disant “Garde-le”.

Avec le texte musical, très riche d’annota-tions précieuses du Maestro, certains de sesportraits ont été exposés ainsi que neuf col-lages sur le thème de Gaspard, réalisés par lepeintre Nani Tedeschi. La maison d’éditionsDurand de Paris fut informée de cette der-nière initiative, et elle ne manqua par denous manifester son applaudissement et sonintérêt. Vint alors notre tentative d’il y aquelques années, dont tu te souviens et quine rencontra pas l’écoute nécessaire. Le Centre de Documentation de Brescia faitun excellent travail. Mais comme le disait leMaestro, on fait la musique en la faisant. Lethème de la conservation et du renouvelle-ment, en faisant de la musique, est restésans réponse. Peut-on encore le faire? Je necrois plus aux miracles, mais techniquementje dois dire que oui, je crois que cela peutêtre fait. Nombre de ses élèves sont encorevivants et je crois que certains répondraientà un appel de ce genre. Beaucoup de maté-

riel doit encore être étudié, comme les par-titions avec ses annotations. Outre leGaspard de la Nuit, que j’ai déjà cité, leMaestro m’offrit le Carnaval op. 9 deSchumann et Valses Nobles et Sentimen -

tales de Ravel, d’intérêt extraordinaire. Nousdevrions lier à l’école le Centre de Docu -mentation de Brescia, pour recomposer ledessin que nous avions fait il y a quelquesannées. Et nous aurions besoin d’un peu defonds pour donner une conformation stableà l’école. Il serait agréable de la réaliser prèsde la tombe fraîche de Pura. La dernière ten-tative du Maestro de chercher une école pré-servant ce qui a été produit avec une grandepeine, fut du reste à Lugano, dans les années1970 et 1971. Mais cette tentation, bien qu’ilait encore été vivant et encore plein dematurité, naufragea. Pourquoi? Parce quepour faire quelque chose de ce genre il fautavant tout aimer la musique, croire quenous avons besoin de vrais musiciens, et nonpas d’affairistes amers de la musique; il fautcroire en l’utilité de toutes les valeurs posi-tives qu’il incarnait; il faut aimer le cristalclair, défini, facetté, au service de la lumière.Y a-t-il encore de la place pour ces valeursdans notre culture?

* Pianiste, professeur au Conservatoire

“G. Frescobaldi” de Ferrare et à l’Institut musical

reconnu par l’Etat “O. Vecchi” de Modène et

directeur de l’Institut musical reconnu par l’Etat

“G. Donizetti” de Bergame.

Arturo Benedetti

Michelangeli s’éloignant

de sa Jaguar à Lugano,

en février 1971. Le

Maestro avait une réelle

passion pour les auto-

mobiles et posséda plus

d’une Ferrari.

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Mes rencontres avec Arturo Benedetti Michelangeli

par Lidia Kozubek*

Benedetti Michelangeli surpris dans une attitude

insolite et curieuse au terme d’un concert des

années cinquante.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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Ma première rencontre avec l’art de cegrand musicien a eu lieu il y a bien long-temps, bien avant son voyage en Pologne.C’était quand la radio diffusa le Concertpour piano en la mineur de Robert Schu-mann. Je fus frappée non seulement par sonbeau nom, qui évoquait les grands artistesde la Renaissance, mais aussi par la chaleurexceptionnelle de l’interprétation musicale,bien que j’étais à cette époque sous l’in-fluence d’une esthétique “objective” de l’exé-cution. Une seconde rencontre avec l’art de Miche -langeli eut lieu en 1955, à l’époque desconcerts qu’il donnait à Varsovie: il étaitalors membre du jury du Concours interna-tional “Frédéric Chopin”. Dès les premièresnotes de la Chaconne de Bach, dans la rééla-boration de Busoni, nous restâmes tousépoustouflés. Nous écoutâmes ensuite l’in-terprétation éclatante de la Sonate en domajeur op. 2 de Beethoven, puis le Carnaval

de Vienne op. 26 de Schumann – exécutésavec une ardeur et une verve juvéniles –pour rester enfin émerveillés par les varia-tions de Brahms sur un thème de Paganini.Je me souviens qu’un frisson invisible par-courut la galerie de la PhilharmoniqueNationale – ma place se trouvait derrière lafile occupée par le jury, dont les membrescélèbres donnaient ensuite chacun son tourdes concerts, dès que les auditions des ins-crits au concours étaient terminées. Chaquespectateur s’adressa à l’autre avec une

expression d’émerveillement, parfois mêmed’incrédulité, en imaginant qu’il puisse exis-ter sur terre quelque chose de semblable àl’art pianistique d’Arturo BenedettiMichelangeli. Cette stupeur se développaavec une admiration suprême! Au terme du concert il fut rappelé plusieursfois sur scène et nous accorda quelques bis:une sonate de Scarlatti, Chanson et Danse

n° 1 de Mompou, pour finir avec la Valse enmi bémol, œuvre posthume de Chopin, quiavait été découverte et publiée depuis peu. Mais le public ne voulait pas quitter leMaestro. Ses applaudissements et ovationsincessantes le contraignaient à revenir surscène. Le piano fut finalement fermé, maiscela ne servit pas à grand chose. Certaineslumières de la salle s’éteignirent. Mais lepublic restait à sa place, profondément émupar un artiste dont l’art interprétative était simerveilleuse et par les émotions manifestées.Une incarnation de mon idéal artistique! A partir de l’époque de ce concours je com-mençai à rêver de pouvoir étudier avecArturo Benedetti Michelangeli. Quand j’ap-pris qu’il tenait des cours de piano en été, jedécidai d’y participer. Mais la réalisation dece rêve n’était pas si simple. Pour obtenirl’admission je méditai de me préparer pourle concours de Naples, car c’était la seulemanière, à cette époque, d’obtenir le passe-port. Le concours terminé, après de longuesrecherches effectuées dans toute l’Italie oupresque, je retrouvai enfin le Maestro àBolzano. Au cours d’une conversation brèvemais inoubliable, j’obtins la promesse d’êtreinvitée au cours estival. C’était en avril 1958et le cours devait commencer en juillet.J’avais donc fait de vrais prodiges pour quemon désir, si profond, puisse se réaliser.C’est sans doute pour cela que la Maestrom’appela un jour “magicienne”. C’est ainsique commencèrent les contacts de l’élèveavec le Maestro. Durant les cours internationaux de perfec-tionnement et d’interprétation pianistiqued’Arezzo, les années suivantes, de 1958 à1963, j’eus la chance non seulement d’ap-profondir l’art du piano, mais aussi d’être encontact avec cet artiste génial, en particulierlorsque je fus hôte, avec un petit groupe decollègues, dans la villa qui était mise à sa dis-position pour la durée des cours. Durant les années suivantes j’eus encore de

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Arturo Benedetti

Michelangeli au piano

à la fin des années

quarante.

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La perfection devient musique

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nombreuses occasions de rencontrer Mi che -langeli aux festivals musicaux de Prague etde Vienne, au concert de Munich en 1992, etde manière privée lors de mes tournées ou àl’occasion des visites chez lui, près deLugano. En observant Michelangeli dans des situa-tions différentes et occupé à ses activitésvariées, j’ai pu me convaincre de l’incroyableassurance dont il faisait preuve à chaque ins-tant: autant dans l’interprétation musicaleque dans ses actes les plus habituels. Sacapacité de sublimation et sa sensibilitéexceptionnelle lui permettait de toujours setrouver là où le portait son sens de protec-tion à l’égard de ses élèves, qui provenaientsouvent de nations lointaines et ne connais-saient pas toujours les coutumes ou les habi-tudes italiennes. Du point de vue psychique,cette sensibilité le conduisait à recueillir laplus petite trace d’insincérité. Michelangelidétestait les louanges et l’emphase. Il étaitpar contre attiré par la modestie, la sincéritéet le naturel dans le comportement. Peu de gens connaissaient ses qualités de finnarrateur, doté d’exceptionnelles capacitésmimiques. Il nous lut un jour quelques nou-velles en dialecte toscan avec une telleexpression et un tel talent d’acteur, que bienqu’étant un public d’étrangers, dont laconnaissance de l’italien n’était certes pasparfaite, nous comprîmes tout. Aucun de ceux qui prirent part aux coursd’Arezzo ne pourra oublier les longues soi-rées passées à écouter des disques demusique instrumentale, symphonique,d’opéra ou de chambre dans leurs meilleur esexécutions. Les longues conversations surdes sujets musicaux et de tout genre, à table,à l’extérieur en été, ou lors des chaudes soi-rées de divertissements collectifs dont leMaestro était l’âme, resteront inoubliables. La vie de cette famille improvisée se concen-trait principalement sur la musique et sur sonreprésentant exceptionnel, en la personne deMichelangeli. Il surprenait alors par l’univer-salité et la profondeur de son savoir sur toutce qui touchait à l’art, la science et la vie. C’estpour cette raison que je l’ai appelé “Maestrode la Renaissance” dans un court essai. L’amour pour la musique était pourMichelangeli une condition absolumentindispensable pour obtenir de bons résultatsdans l’étude du piano: seul cet amour per-

mettait de dépasser les obstacles, lesgrandes difficultés et jusqu’à la peur avantun concert. Michelangeli était d’opinion quel’artiste devrait être une synthèse de tout cequi existe au monde, mais en aucun cas unparavent pour le mal. L’interprète est uni-quement un lecteur de la musique. Mais ildoit savoir bien lire, car tout est déjà écritdans la musique. L’incompréhension de lamusique prouve l’absence d’une base théo-rique solide, ou l’absence de musicalité. L’artiste attribuait une grande valeur à lasincérité en art. Sans la sincérité on peutêtre un bon artisan, mais vide, parce quedépourvu du fondement de la vérité.L’esthétique artistique de Michelangeli se lie

ici étroitement à l’éthique. Michelangeli avait une nature profondémentreligieuse. Il appréciait la nécessité de l’ac-ceptation de Dieu, même, et surtout, pour unartiste. Tout au long de sa vie, comme il mele confia un jour, il avait éprouvé une espèced’irrésistible nostalgie de l’idéal, qui ne peutêtre entièrement atteinte ici, sur terre – nos-talgie d’un autre monde. La conscience del’Etre Divin, au-dessus de l’humanité, horsdu monde, lui imposait de tendre continuel-lement vers l’idéal, même en art. La conception de son pianisme comme voca-tion, comme mission, ne se modifiait pas nonplus face aux grands succès et à la célébrité.L’impératif intérieur de veiller sur le niveauprofond de l’art interprétatif ne permettaitpas à Michelangeli de négliger le moindredétail, car la négligence aurait pu conduire àl’abaissement de la vérité artistique. De fait, il ne vivait que pour l’art. Il étaitl’ennemi de tout exhibitionnisme et de toutethéâtralité dans l’art, comme dans la vie,c’est pourquoi il s’abstenait d’affecter sonpropre succès. Il s’entourait de réserve et de

Arturo Benedetti

Michelangeli pose avec

le groupe des jeunes

filles de l’un de ses

cours de perfection-

nement d’Arezzo.

Au premier rang, avec le

sac blanc, apparaît Lidia

Kozubek, qui suivit ces

leçons de 1958 à 1963.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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silence, par amour du perfectionnement.Dans tout ce qu’il faisait, même dans les tra-vaux domestiques quotidiens, il cherchait laperfection. Sa conception – qui allait jusqu’à l’ascétisme- de dévouement absolu à l’art, avait besoinpour chaque concert de conditions idéales,comme du plus grand engagement psy-chique et physique de la part de l’artiste. Sices conditions n’étaient pas réalisées ou sil’artiste ne se sentait pas intérieurementprêt à entreprendre cette tâche, alors ilannulait le concert, en payant souvent desdédommagements importants. Pour la plupart des observateurs, l’impor-tance minime qu’il attribuait aux honneurs,aux hommages et aux triomphes étaitincompréhensible. Ce comportement déri-vait également de la profonde conviction quele bruit du monde ne favorise par le travailde l’artiste, puisqu’il est fondé sur la concen-tration, où les fruits du grand art peuventmûrir. Il détestait les louanges des admirateurs, carelles lui donnaient l’idée d’une hypocrisiediffuse, de fausseté et d’incompétence. Ilsavait parfaitement quel niveau de prépara-tion et quelle sensibilité étaient nécessairespour apprécier correctement son art. C’est laraison pour laquelle il préférait l’affectionsincère et l’admiration de ses élèves. Il paya pour ses idées un prix élevé de souf-frances, d’amertumes et de peines, pour sonabsence de compromis dans le domaineartistique. Son activité de concerts embrassait réelle-ment tous les coins de la planète. Il seraitdifficile ici de citer toutes les tournées artis-tiques de Michelangeli. Sa carrière de pianis-te avait commencé très tôt, surtout après lesconcours de Bruxelles et de Genève de 1938et 1939. Dès lors, sa célébrité s’accrût, mal-gré les années de la guerre (à propos des-quelles il dit: “J’ai perdu six années excel-lentes”), malgré les maladies et son compor-tement, qui ne favorisaient certes pas lapopularité. Aux concerts de Michelangeli le publicéprouvait une expérience extraordinaire. Iln’était pas seulement enthousiaste et rayon-nant, mais aussi ému, profondément trans-formé, par ses interprétations. Je présumeque leur état psychique était à l’origine desmythes et des légendes qui fleurirent au fil

du temps autour de l’artiste. Chaque concertde Michelangeli se distinguait par une atmo-sphère exceptionnelle, une vraie fête du plai-sir spirituel, pour laquelle il était toujourstrès attendu, et les compte-rendus repor-taient de très grands éloges. Michelangeli transmettait la richesse et labeauté de la musique avec une cohésionconstructive surprenante et avec l’équilibreformel de la composition, dans l’harmonieabsolue de tous les éléments interprétatifs. Ilévoluait avec la plus grande liberté dans lalimite des règles et des principes musicauxles plus rigoureux et les plus essentiels. Son style ne se laisse ranger dans aucunschéma de classification selon des “ écoles “particulières, époques, méthodes, modesdéterminantes, car il contient des caractéris-tiques et des éléments hétérogènes. Il repré-sente une synthèse du meilleur de la décou-verte et de l’élaboration de l’étude du piano.Des années de travail intense sur l’art dupiano ont conduit Michelangeli à des décou-vertes qui ne peuvent être entièrement éva-luées et, à plus forte raison, qui ne peuventêtre transmises par le langage verbal. Sonart d’exécution comme synthèse de maestriaétait le reflet de sa personnalité qui, à traversson art, avait une grande influence sur l’au-diteur. L’artiste ne donnait pas seulementdes expériences esthétiques élevées etsublimes, mais il l’émouvait, l’inspirait, ilédifiait et anoblissait le psyché humain. En tant qu’élève du grand artiste, j’ai eu lapossibilité d’entrer en contact étroit avecson art pédagogique lors des cours estivaux

Arturo Benedetti

Michelangeli et Lidia

Kozubek sur une

photographie prise à

l’ermitage de la Verna

en 1962. Le Maestro

aimait la paix et la

tranquillité de ce lieu

franciscain,

où il se retirait souvent

lors des pauses

que lui concédaient

son activité didactique

et ses concerts.

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La perfection devient musique

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de perfectionnement et d’interprétation pianis-tique d’Arezzo, auxquels j’ai participé six fois.Si je voulais définir la méthode de Miche -langeli à travers la comparaison avec une“école pianistique” connue, je devrais affir-mer qu’elle n’appartenait à aucune d’entreelles, même si elle avait beaucoup de quali-tés communes aux meilleures écoles et sielle les contenait toutes. Dans sa méthode,nous pouvons retrouver des règles de ce quel’on appelle les “vieilles écoles”, mais cela nesignifie pas que Michelangeli était un deleurs représentants. Il ne niait simplementpas les vérités découvertes auparavant, sileurs bases s’accordaient avec les lois quigouvernaient la musique. Chez Michelangeli le soin apporté au beauson, le toucher chantant, la variété d’articu-lations et l’accent posé sur l’effort d’une“volonté créative” au cours de l’étude du pia-niste, nous rappellent Chopin. La méthoded’enseignement de Michelangeli, si nousvoulons la définir de cette manière, se dis-tinguait donc des autres au niveau de la pro-fondeur d’introspection dans les contenusmusicaux, un facteur qui déterminait doncle choix de la forme adaptée à la transmis-sion de la musique. L’artiste ne séparait pasl’art pianistique en technique et interpréta-tion, car elle formait une unité indissoluble.Elles étaient des moyens conduisant à l’ob-jectif, servant à l’expression musicale. Dans son travail didactique, Michelangeli serendait compte de l’importance de l’émana-tion de sa personnalité exceptionnelle. Ilchoisissait donc des élèves dont il avait lacertitude que, pour leur constitution psy-chophysique spécifique, ils auraient suappren dre ces finesses musicales qui échap-pent aux définitions verbales. On pourraitappeler “consonance” l’élément auquelMichelangeli attribuait un rôle importantdans son travail avec ses élèves. Voilà aussi laréponse au fait qu’il n’en accueillait quequelques uns et qu’il en rejetait d’autres,parmi lesquels figuraient des pianistes quiavaient déjà atteint de grands succès, voire lanotoriété. La préparation artistique ne consistait pasuniquement en l’acquisition de la techniquedu piano, mais avant tout dans l’éducationpsychique de celui qui, aspirant à l’art,devait entreprendre dignement sa “mission”.Michelangeli était donc aussi un éducateur,

de manière à exercer une influence sur lecomportement extérieur et intérieur del’élève face à l’art et à la vie, car le lien entrela dimension humaine et la dimension artis-tique était évident pour lui. Les leçons que Michelangeli tenait étaientindividuelles. Elle se déroulaient unique-ment le jour et l’heure qu’il considéraitopportuns, et il ne prévenait pas l’élève.L’inconnu sur le moment de la leçon étaitaussi une stimulation pour une préparationet une étude de la plus grande intensité,mais aussi pour une vigilance continue. Aucours des leçons, Michelangeli, avec sagrande activité psychologique, se battaitpour obtenir des élèves les meilleurs résul-tats. L’attention continue avec laquelle il soi-gnait jusqu’aux derniers détails de l’œuvreprévenait l’exécution aride ou automatique,pour lui le seul et unique facteur pour éleverle goût du public et l’expérience musicale àun degré si élevé. Michelangeli était unconcertiste et un pédagogue exceptionnel àun tel niveau. J’aimerais enfin rappeler mes visites chez lui,à Pura, pas très loin de Lugano. J’avais déjàdes contacts avec cette ville depuis longtemps,car par le passé j’y avais enregistré des compo-sitions polonaises pour piano pour une radio.Elle m’avait alors déjà fait une impression trèsagréable, une petite ville charmante et trèsbelle, dans les montagnes. Du reste, les mon-tagnes ont toujours été très proches de moi:c’est justement pour cette raison que, petite,je rêvais d’aller en Suisse. J’étais très heureu-se, d’autant plus que mon prochain voyagedans ce pays avait pour but une rencontreavec mon Maestro adoré.

Arturo Benedetti

Michelangeli en 1989 à

une occasion conviviale.

Près du pianiste se tient

Mira Arma, le docteur

de Mendrisio qui, en

compagnie de son

mari Sergio, fut très

proche de lui durant ses

dernières années.

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Arturo Benedetti Michelangeli

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J’ai été pour la première fois son hôte du 26mai au 1er juin 1975. La maison où il habi-tait inspirait la calme et le naturel. Le jardinqui l’entourait était réellement un fragmentde nature impeccable. Il y avait des arbres etil y avait un pré, sans intromission excessivede l’homme et de ses “installations” artifi-cielles. La maison se trouvait sur une petitepente, les fenêtres du bureau du Maestro, aurez-de-chaussée, donnaient donc directe-ment sur le jardin. Dans le bureau se trouvaient trois pianos. LeMaestro me donna la permission de lesessayer. L’un d’eux était particulièrementbeau, dans sa plénitude sonore. Jamais enco-re, et plus jamais, je n’ai eu l’occasion detrouver un tel instrument et d’en jouer, pasmême dans les salles de concert où j’ai joué,dans de nombreux pays. Dans le salon du Maestro, sur deux étages,nous pouvions parler tranquillement tandisque, durant les cours à Arezzo, il étaitimpossible de le faire par manque de temps.Nous parlions naturellement de musique, depiano ou des élèves, et j’étais heureuse devoir que chaque fois nos avis étaient lesmêmes. Le Maestro rappelait ses concertsdans mon pays, surtout à Varsovie, et j’ai eul’impression qu’il aurait voulu retourner enPologne. Mais cela n’a malheureusement pasété possible. Nous avons également évoquéles cours de piano d’Arezzo et mes collègues.Michelangeli a commenté: “Nous étionsalors comme une famille”. A Pura, le Maestro était également unamphitryon drôle, et il essayait de rendreplus agréable mon séjour chez lui. Un grandmérite revient à madame Marie-José Dubois,concierge de la maison et secrétaire duMaestro. La fois suivante j’ai rendu visite au Maestroaprès mon retour du Japon où, en 1983 et1985, puis en 1988 et 1990, j’avais été visi-

ting professor dans l’une des académies,l’Academia Musicae Musashino de Tokyo.Mon dernier séjour à Lugano est lié à la pro-motion de mon livre sur Michelangeli, tra-duit en italien par Marco Bizzarini. Il com-prend la discographie par Stefano Biosa. Cesdeux musicologues dirigent, à Brescia, lecentre de documentation “Arturo BenedettiMichelangeli”. Il s’est agi d’un moment trèsémouvant pour moi. Mon concert, consacréà Chopin, s’est tenu dans l’église de St Rocco

et a été suivi d’une rencontre avec le public.J’en ai eu des émotions très grandes, car jeme trouvais près de la maison du Maestro. Actuellement, non loin de là, le Maestrorepose dans le cimetière de Pura. A l’occa-sion de la présentation du livre j’ai pu visiterle lieu de sa sépulture, dont la sobriété et lasimplicité m’ont beaucoup impressionnéeen me rappelant, encore une fois, que lesgrands hommes sont souvent les plusmodestes.

*Pianiste, professeur à l’académie musicale

“F. Chopin” de Varsovie et visiting professor à

l’Academia Musicae Musashino de Tokyo

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Nous présentons ici certains des enregistrements les plussignificatifs d’Arturo Benedetti Michelangeli, disponibles surcompact disc, DVD ou cassette vidéo. La date entre parenthèsesse réfère à l’année d’exécution. Les mentions VHS et DVD indi-quent les enregistrements vidéo publiés respectivement sursupport magnétique ou optique. Pour plus de rapidité, un seulnuméro d’étiquette a été indiqué pour les exécutions qui appa-raissent plusieurs fois dans le catalogue d’une même maison dedisques. Pour la discographie complète, nous renvoyons auxvolumes cités dans la bibliographie. Les principales publications concernant Arturo BenedettiMichelangeli sorties en Italie après la mort du pianiste sontensuite indiquées, dans l’ordre chronologique. Pour des rai-sons de place, nous avons exclu les essais d’œuvres collectiveset les nombreux articles apparus dans les journaux, revues etpériodiques spécialisés.

Isaac Albéniz (1860-1909)Malagueña, op. 71 n° 6- (1942) Emi CDH 7 64490 2; Warner Fonit 3984 26902-2

Johann Sebastian Bach (1685-1750) - Ferruccio Busoni (1866-1924)Concerto nach italiänisch Gusto (Concerto italien) en famajeur BWV 971- (1943) Teldec (Warner Special Marketing) 4509 93671-2Chaconne de la partie pour violon solo n° 2 BWV 1004,

nouvelle élaboration pour piano par Ferruccio Busoni- (1948) Emi CDH 7 64490 2- (1973) Aura AUR 226-2

Ludwig van Beethoven (1770-1827)Concerto n° 1 en do majeur pour piano et orchestre, op. 15- (1979) Wiener Symphoniker, Carlo Maria Giulini,

Deutsche Grammophon (DG) 419248-2Concerto n° 3 en do mineur pour piano et orchestre, op. 37 - (1979) Wiener Symphoniker, Carlo Maria Giulini,

DG 423230-2Concerto n° 5 en mi bémol majeur pour piano et orchestre, op. 73 “Empereur”- (1942) Orchestre de la Suisse Romande Genève, Ernest

Ansermet, Aura AUR 183-2; Ermitage ERM 183-2; Warner Fonit 3984 26902-2

- (1957) Symfonickym orchestrem hl. m. Prahy, Václav Smetácek, Praga Production PR 250 021

- (1966) New York Philharmonic Orchestra, William Steinberg, Memoires HR 4368/9

- (1974) Orchestre Radio Television Française, Sergiu Celibidache, Music & Arts CD-4296

- (1979) Wiener Symphoniker, Carlo Maria Giulini,

DG 419249-2Sonate n° 3 en do majeur, op. 2 n° 3- (1941) Emi CDH 7 64490 2; Warner Fonit 3984 26901-2 - (1952) Arkadia GI 903.1 - (1962) Ermitage ERM 123-2; Fonit Cetra Videorai

VRN 2129 (VHS)- (1970, Toronto) VAI 4213 (DVD)- (1987) Aura AUR 136-2; Memoria 999.001Sonate n° 4 en mi bémol majeur, op. 7 - (1971) DG 419248-2- (1982) BBC Legends BBCL 4064-2 Sonate n° 11 en si bémol majeur, op. 22- (1981) EuroArts TDK 10 5231 9 (DVD)Sonate n° 12 en la bémol majeur, op. 26 “Marche funèbre”- (1981) EuroArts TDK 10 5231 9 (DVD) - (1982) BBC Legends BBCL 4064-2 Sonate n° 32 en do mineur, op. 111- (1961, Londres, studio) BBC Legends BBCL 4128-2- (1961, Londres, Royal Festival Hall) Memories HR 4368/69 - (1965) Decca 417772-2

Johannes Brahms (1833-1897)Quatre Ballades, op. 10- (1981, Hambourg) DG 400043-2- (1981, Lugano) EuroArts TDK 10 5231 9 (DVD) Variations sur un thème de Paganini en la mineur, op. 35- (1948) Emi CDH 7 64490 2- (1952) Arkadia GI 903.1- (1973) Aura AUR 224-2

Fryderiyk Chopin (1810-1849)Andante spianato en sol majeur et Grande polonaise brillante en mi bémol majeur, op. 22 n° 58- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)Ballade n° 1 en sol mineur, op. 23- (1957) Testament SBT 2088- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit Cetra

CDAR 2002; Fonit Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)- (1967) Aura AUR 208-2- (1971) DG 413449-2 Berceuse en ré bémol majeur, op. 57- (1942) Teldec 4509 93671-2 - (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit Cetra

Videorai VRN 2131 (VHS)Fantaisie en fa mineur, op. 49- (1957) Testament SBT 2088 - (1962) Ermitage ERM 123-2; Fonit Cetra Videorai VRN 2130Mazurka n° 20 en ré bémol majeur, op. 30 n° 3- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2;

Fonit Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)Mazurka n° 25 en si mineur, op. 33 n° 4- (1942) Teldec (Warner Special Marketing) 4509 93671-2 - (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit

Cetra CDAR 2002; Fonit Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)Mazurka n° 47 en la mineur, op. 68 n° 2- (1941) Warner Fonit 3984 26902-2- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit

Cetra CDAR 2002; Fonit Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)Dix mazurkas - (1971) DG 413449-2 Prélude en do dièse mineur, op. 45- (1971) DG 413449-2 Scherzo n° 2 en si bémol mineur, op. 31- (1941) Aura AUR 183-2; Ermitage ERM 183-2; Warner

Fonit 3984 26902-2- (1962) Aura AUR 135-2; Fonit Cetra CDAR 2002; Fonit

Cetra Videorai VRN 2131 (VHS)- (1971) DG 413449-2 Sonate n° 2 en si bémol mineur, op. 35 “Marche funèbre”- (1952) Arkadia GI 903.1- (1959) BBC Legends BBCL 4128-2 - (1960) Praga Productions PR 250 042- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2130 (VHS)Valse brillante n° 2 en la bémol majeur, op. 34 n° 1- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit Cetra

Videorai VRN 2130 (VHS)Valse n° 9 en la bémol majeur, op. post. 69 n° 2

[XXXIX]

La perfection devient musique

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Discographie et bibliographie essentielles

Arturo Benedetti

Michelangeli dans un

portrait de Nani

Tedeschi. Le dessin fut

présenté à Desenzano

del Garda lors de

l’exposition Gaspard

de la Nuit, où furent

exposées les pages

du texte musical

homonyme ayant

appartenu au Maesto

et qu’il donna à

Isacco Rinaldi.

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[XL]

Arturo Benedetti Michelangeli

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- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit CetraVideorai VRN 2130 (VHS)

Valse n° 17 en mi bémol majeur, op. post. n° 4- (1957) Testament 2088- (1962) Aura AUR 135-2; Ermitage ERM 122-2; Fonit Cetra

Videorai VRN 2130 (VHS)

Muzio Clementi (1752-1832)Sonate en si bémol majeur, op. 12 n° 3(1959) BBC Legends BBCL 4128-2

Claude Debussy (1862-1918)Children’s corner- (1962) Fonit Cetra CDAR 2005; Fonit Cetra Videorai

VRN 2132 (VHS)- (1968) Aura AUR 207-2; Memoires HR 4368/69 - (1971) DG 415372-2 - (1993) Memoria 999.101 Images I et II- (1941) Aura AUR 183-2; Ermitage ERM 183-2;

Warner Fonit 3984 26902-2 (uniquement Reflets dans l’eau)

- (1957) Testament SBT 2088- (1962) Aura AUR 109-2; Ermitage ERM 123-2;

Fonit Cetra CDAR 2005; Fonit Cetra Videorai VRN 2132 (VHS)

- (1971) DG 415372-2 - (1982) BBC Legends BBCL 4064-2

(uniquement Hommage à Rameau)- (1987) Aura AUR 136-2; Memoria 999.001- (1993) Memoria 999.101Préludes Livre I- (1977) Aura AUR 201-2; Memoria 999.001- (1978) DG 413450-2 - (1982) BBC Legends BBCL 4043-2- (1993) Memoria 999.101 Préludes Livre II- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2132 (VHS)- (1988) DG 427391-2

Baldassarre Galuppi (1706-1781)Sonate en si bémol majeur. Presto- (1941) Warner Fonit 3984 26902-2Sonate n° 5 en do majeur- (1962) Arkadia GI 904.1; Aura AUR 226-2; Fonit Cetra

Videorai VRN 2129 (VHS) - (1965) Decca 417772-2

Enrique Granados (1867-1916)Andaluza (danse espagnole en mi mineur), op. 37 n° 5- (1941) Aura AUR 183-2; Emi CDH 7 64490 2; Ermitage

ERM 183-2; Warner Fonit 3984 26901-2

Edvard Grieg (1843-1907)Bådnlåt (Au berceau), op. 68 n° 5, livre IX, des LyriskeSmaastykker (Morceaus lyriques)- (1941) Aura AUR 183-2; Emi CDH 7 64490 2; Ermitage

ERM 103-2; Warner Fonit 3984 26901-2Concerto en la mineur pour piano et orchestre, op. 16- (1941) Orchestre de la Suisse Romande Genève, Ernest

Ansermet, Aura AUR 183-2; Ermitage ERM 183-2; WarnerFonit 3984 26901-2

- (1942) Orchestra del Teatro alla Scala di Milano, Alceo Galliera, Aura AUR 215-2; Teldec 9031-76439-2

- (1963) Orchestra Sinfonica di Roma della RAI, Mario Rossi, Memoires HR 4368/69

- (1965) New Philharmonia Orchestra, Raphael Frühbeck de Burgos, BBC Legends BBCL 4043-2

Erotik, op. 43 n. 5, livre III, des Lyriske Smaastykker(Morceaux lyriques)- (1943) Teldec (Warner Special Marketing) 4509 93671-2 Melankoli, op. 47 n° 5, livre IV, des Lyriske Smaastykker(Morceaux lyriques)- (1941) Aura AUR 183-2; Emi CDH 7 64490 2; Ermitage

ERM 183-2; Warner Fonit 3984 26901-2

Franz Joseph Haydn (1732-1809)Concerto n° 4 en sol majeur pour piano

et orchestre, Hob XVIII/4- (1975) Zürcher Kammerorchester,

Edmond de Stoutz, Emi CDC 7 49324 2 Concerto n° 11 en ré majeur pour piano et orchestre, Hob XVIII/11- (1968) Orchestra da Camera “Gasparo da Salò”, Agostino Orizio, Arkadia HP 560.1; Hunt CD 560- (1975) Zürcher Kammerorchester, Edmond de Stoutz,

Emi CDC 7 49324 2

Franz Liszt (1811-1886)Concerto n° 1 en mi bémol majeur pour piano et orchestre - (1939) Orchestre de la Suisse Romande Genève, Ernest

Ansermet, Aura AUR 104-2; Ermitage ERM 183-2; WarnerFonit 3984 26901-2

- (1953) Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, DimitriMitropulos, Urania URN 22.256

- (1961) Orchestra Sinfonica di Torino della RAI, Rafael Kubelik, Arkadia HP 507.1

Totentanz (Danse macabre) pour piano et orchestre (paraphrase sur le thème “Dies Irae”)- (1961) Orchestra Sinfonica di Torino della RAI, Rafael

Kubelik, Arkadia HP 507.1- (1962) Orchestra Sinfonica di Roma della RAI, Gianandrea

Gavazzeni, Aura AUR 249-2; Memoria 999.001

André-François Marescotti (1902-1995)Fantasque- (1941) Aura AUR 183-2; Ermitage 183-2; Warner Fonit

3984 26902-2

Federico Mompou (1893-1987)Cançión y danza n. 1- (1942) Emi CDH 7 64490 2; Warner Fonit 3984 26902-2

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)Concerto n° 13 en do majeur pour piano et orchestre K 415 (ou K 387b)- (1953) Orchestra Sinfonica “Alessandro Scarlatti” di

Napoli della RAI, Franco Caracciolo, Emi CDH 7 63819 2- (1968) Orchestra da Camera “Gasparo da Salò”, Agostino

Orizio, Arkadia HP 560.1; Hunt CD 560 - (1990) NDR-Sinfonieorchester, Cord Garben, DG 431097-2 Concerto n° 15 en si bémol majeur pour piano et orchestreK 450- (1951) Orchestra Sinfonica da Camera dell’Ente

“I Pomeriggi Musicali di Milano”, Ettore Gracis, Emi CDH7 63819 2

- (1956) Orchestra della RTSI de Lugano, Hermann Scherchen, Aura AUR 238-2

- (1974) Zürcher Kammerorchester, Edmond de Stoutz, Aura AUR 220-2

- (1990) NDR-Sinfonieorchester, Cord Garben, DG 431097-2 Concerto n° 20 en ré mineur pour piano et orchestre K 466- (1953) Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, Dimitri

Mitropulos, Urania URN 22.256- (1966) Orchestra da Camera “Gasparo da Salò”, Agostino

Orizio, Arkadia HP 560.1; Hunt CD 560- (1989) NDR-Sinfonieorchester, Cord Garben, DG 429353-2 Concerto n° 23 en la majeur pour piano et orchestre K 488- (1953) Orchestra “Alessandro Scarlatti”, Franco

Caracciolo, Emi CDH 7 63819 2 Concerto n° 25 en do majeur pour piano et orchestre K 503- (1989) NDR-Sinfonieorchester, Cord Garben, DG 429353-2

Sergej Rachmaninov (1873-1943)Concerto n° 4 en sol mineur pour piano et orchestre, op. 40- (1957) Philharmonia Orchestra, Ettore Gracis, Emi CDC

7 49326 2

Maurice Ravel (1875-1937)Concerto en sol majeur pour piano et orchestre - (1952) Orchestra Sinfonica di Torino della RAI, Nino

Sanzogno, Arkadia GI 904.1 - (1957) Philharmonia Orchestra, Ettore Gracis, Emi CDC

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[XLI]

7 49326 2 - (1982) London Symphony Orchestra, Sergiu Celibidache,

Aelecchino ARL A79- (1992) Münchner Philharmoniker, Sergiu Celibidache,

Galileo GL 2; “O” “O” “O” Classics TH 009Gaspard de la nuit(Trois poèmes pour piano d’après Aloysius Bertrand)- (1959) BBC Legends BBCL 4064-2- (1968) Memories HR 4369/69 - (1969) Arkadia GI 904.1 - (1987) Aura AUR 204-2; Memoria 999.001 Valses nobles et sentimentales- (1952) Arkadia GI 904.1

Domenico Scarlatti (1685-1757)Sonate en ré mineur Kk 9 “Pastorale” - (1942) Emi CDH 7 64490 2; Warner Fonit 3984 26902-2 Sonate en do mineur Kk 11- (1942) Emi CDH 7 64490 2; Warner Fonit 3984 26902-2 - (1961) BBC Legends BBCL 4128-2- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2129 (VHS)- (1965) Decca 417772-2

Sonate en si mineur Kk 27- (1943) Teldec (Warner Special Marketing) 4509 93671-2- (1949 ca.) NVC Arts Warner Music Vision 3984 29199-2

(DVD), 3984 29199-4 (VHS)- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2129 (VHS)Sonate en ré majeur Kk 96 “La chasse”- (1943) Aura AUR 226-2; Teldec (Warner Special

Marketing) 4509 93671-2Sonate en do majeur Kk 159- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2129 (VHS)- (1965) Decca 417772-2 Sonate en si bémol majeur Kk 172- (1961) BBC Legends BBCL 4128-2Sonate en la majeur Kk 322- (1962) Fonit Cetra Videorai VRN 2129 (VHS)- (1965) Decca 417772-2 Sonate en la majeur Kk 322- (1961) BBC Legends BBCL 4128-2

Franz Schubert (1797-1828)Sonate en la majeur, op. posthume 164, D 537- (1981, Amburgo) DG 400043-2 - (1981, Lugano) EuroArts TDK 10 5231 9 (DVD)

Robert Schumann (1810-1856)Album für die Jugend (Album pour la jeunesse), op. 68 (n. 37, 38, 39)- (1975) Emi CDC 7 49325 2 Carnaval, op. 9. Scènes mignonnes sur quatre notes- (1957) DG 423231-2; Testament SBT 2088- (1975) Emi CDC 7 49325 2 Concerto en la mineur pour piano et orchestre, op. 54- (1942) Orchestra del Teatro alla Scala di Milano, Antonino

Pedrotti, Teldec 9031 76439-2 - (1956) Orchestra della RTSI di Lugano, Hermann

Scherchen, Aura AUR 238-2- (1962) Orchestra Sinfonica di Roma della RAI, Gianandrea

Gavazzeni, Aura AUR 249-2; Memoria 999.001- (1992) Münchner Philharmoniker, Sergiu Celibidache,

Artist FED 027; “O” “O” “O” Classics TH 019Faschingsschwank aus Wien (Carnaval de Vienne), op. 26- (1957) DG 423231-2; Testament SBT 2088

Florindo Tomeoni (1755-1820)Sonate en sol majeur- (1943) Teldec (Warner Special Marketing) 4509 93671-2

Antonio Vivaldi (1678-1741) ou Giuseppe Torelli (1658-1709)Concerto in si minore per pianoforte e orchestra- (1942) Orchestre de la Suisse Romande Genève, Ernest

Ansermet, Aura AUR 183-2; Ermitage ERM 183-2; Warner Fonit 3984 26902-2

Publications imprimées

Arturo Benedetti Michelangeli. Il Grembo del Suono, par Antonio Sabatucci, Milan, Skira, 1996, 323 p., ill., 28cm + 1 cd

Giuliana BENEDETTI MICHELANGELI, Vita con Ciro, Bologne,Edimedia, 1997, 95 p., ill., 24 cm

Arturo Benedetti Michelangeli a Bolzano. Immagini esuoni, Bolzano, Galleria civica d’arte, 21.8.-13.9.1997 = Arturo Benedetti Michelangeli in Bozen. In Bild und Ton,Bozen, Städtische Kunstgalerie, [exposition organisée parEttore Frangipane et Vittorio Albani], [Bolzano, Provinciaautonoma, Assessorato alla Scuola e Cultura italiana, 1997],117 p., ill., 24 cm

Clara MARTINENGO VILLAGANA e Stefania MONTI, ArturoBenedetti Michelangeli. Genio e compostezza, Bornato inFranciacorta (BS), Fausto Sardini, 1998, 123 p., ill., 25 cm

Sergio DELLA MURA, Arturo Benedetti Michelangeli, Empoli,Ibiskos, [1998], 76 p., ill., 20 cm

Graziano BIANCHI, Arturo Benedetti Michelangeli. La magiadel suono, Florence, Feeria, 1999, 60 p., 17 cm

Il suono ritrovato di Benedetti Michelangeli, Milan, BancaIntesa, [1999], 147 p., ill., 29 cm + 2 cd

Lidia KOZUBEK, Arturo Benedetti Michelangeli. Come l’ho conosciuto, éd. it. par Marco Bizzarini, discographie deStefano Biosa, Palerme, L’Epos, 2003, 234 p., ill., 21 cm

Cord GARBEN, Arturo Benedetti Michelangeli. In bilico conun genio, [éd. it. avec discographie mise à jour par leCentre de Documentation “Arturo Benedetti Michelangeli”],Varèse, Zecchini, 2004, 222 p., ill., 24 cm + 1 cd

Le Maestro avec le

chef d’orchestre et

producteur allemand

Cord Garben à Berlin,

en 1975. Garben est

l’auteur de Arturo

Benedetti Michelangeli.

In bilico con un genio,

dont la très récente

édition italienne a été

publiée par le Centre

de Documenta tion

“Arturo Benedetti

Michelangeli”.

La perfection devient musique

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Arturo Benedetti Michelangeli

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Au lendemain de la disparition d’ArturoBenedetti Michelangeli, le 12 juin 1995 àLugano, les initiatives en sa mémoire sesont multipliées dans le monde entier. Maiscette ferveur de commémoration, souventliée à des concerts ou à des initiatives dis-cographiques de grande valeur artistique,n’a pas été suivie par un projet scientifiqueorganique de sauvegarde des témoignageshistoriques en mesure de documenter labiographie, la carrière et l’activité profes-sionnelle du Maestro. Rien de comparable,donc, à la quantité massive et impression-nante d’écrits qui ont été consacrés, parexemple, à un autre protagoniste du piano,le canadien Glenn Gould, gratifié par unefortune posthume réellement extraordinai-re. En conséquence, si on ne diffusait pasdès lors, en Italie et en Europe, un intérêtrenouvelé chez les spécialistes, les musi-ciens et les passionnés, même un géant telque Benedetti Michelangeli pourrait ris-quer, à moyen terme, d’être délaissé ousous-évalué par l’historiographie et par lacritique musicale. C’est pour cette raison que le Centre deDocumentation “Arturo Benedetti Miche -langeli” a été constitué au printemps 1999.Il est devenu aujourd’hui un point de réfé-rence international pour le recueil dessources et des témoignages authentiquesconcernant le Maestro, ainsi que la diffusionde livres, études et essais sur son art. Dirigépar les musicologues Stefano Biosa et MarcoBizzarini, le Centre se propose de recueillir,de cataloguer et éventuellement de traduire

en italien ou dans d’autres langues le maté-riel bibliographique sur l’art du pianod’Arturo Benedetti Michelangeli, et précisé-ment des livres, essais, articles (présentationet compte-rendus de concerts, interviews),des thèses d’étudiants. De plus, la structurerassemble des témoignages (anecdotes etsouvenirs de musiciens, d’amis, de connais-sances) et acquiert des photographies,affiches, programmes de concerts, enregis-trements édités et inédits, audio et vidéo, deconcerts et interviews. Avec la participation active du Centre“Arturo Benedetti Michelangeli”, deux impor -tantes monographies ont récemment étépubliées en Italie: - Lidia Kozubek, Arturo Benedetti Miche -

langeli. Come l’ho conosciuto, traductionitalienne de Marco Bizzarini, discographiede Stefano Biosa, Palerme, L’Epos, 2003;- Cord Garben, Arturo Benedetti Miche -

langeli. In bilico con un genio (Arturo

Benedetti Michelangeli. En déséquilibre

avec un génie), traduction italienne de LoreSeuss, révision textuelle de Stefano Biosa etMarco Bizzarini, Varèse, Zecchini, 2004(contenant un Cd de l’enregistrement inéditdes essais du concert KV 466 de Mozart surdeux pianos et les explications verbales duMaestro). Le 15 novembre 2003 le Centre a organiséune journée d’étude intitulée L’art pianis-

tique d’Arturo Benedetti Michelangeli, encollaboration avec Teche Rai, la Province deBrescia et la Fondazione Civiltà Bresciana:parmi les intervenants ont été invités desexperts célèbres comme Sergio Sablich etLuca Chierici. A la même occasion, un filmrare de la RAI, datant de la fin des années 50,a été projeté. Deux villes très importantes dans la biogra-phie de Michelangeli ont ensuite promu desactivités: Bolzano, où le Maestro fut pendantde longues années titulaire de la chaire depiano au Conservatoire, et Lugano, où ils’installa à la fin des années 60. Ennovembre 2003, au centre Trevi de Bolzano,le film d’un concert donné à Lugano en1981 a été présenté en avant-première ita-lienne. En avril 2004, dans l’église de SanRocco à Lugano, la pianiste polonaise LidiaKozubek, élève du Maestro, a donné unconcert commémoratif et a illustré, avec leschargés de l’édition italienne, les caracté-

Le Centre de Documentation “Arturo Benedetti Michelangeli”

Portrait de

Arturo Benedetti

Michelangeli dans

les années cinquante.

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La perfection devient musique

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ristiques de sa monographie, le tout accom-pagné par la projection d’images rares etinédites. Aujourd’hui, pour le dixième anniversairede la disparition du Maestro, il semble déjàpossible de mettre en lumière l’importancehistorique de l’artiste génial. Il ne s’agitcertes pas d’une entreprise facile, et unegrande prudence est nécessaire: comme l’ajustement écrit Lidia Kozubek, la personna-lité artistique de Benedetti Michelangeliéchappe à toute tentative trop rigide de clas-sification. Il y a des années, quelqu’un écrivait dans unquotidien national que l’art pianistique deMichelangeli a incarné l’esprit du vingtièmesiècle. Dans cette affirmation un fond devérité existe sans aucun doute: le soin trèscompétent et méticuleux qui le pianisteréservait à ses instruments musicaux (alorsque l’on dit que Richter, entre deux pianos,choisissait le pire) est peut-être comparableau rapport d’un champion de Formule Un

avec son bolide et prend donc les traits d’unchoix très représentatif du vingtième siècle,très moderne. Mais chez Arturo BenedettiMichelangeli, comme chez tous les grands,il existe des éléments qui transcendent sonpropre temps. C’est la raison pour laquelle son caractère“anti-vingtième siècle”, tout aussi démon-trable, qui s’est par ailleurs manifesté dans ledétachement pondéré d’une certaine avant-garde musicale et dans la prise de consciencedes risques d’une certaine philologie, s’il acréé hier des troubles idéologiques, pourraitêtre relu demain, dans un autre contexte,avec bien plus de sérénité. En d’autres termes, il est indubitable que l’artet la pensée de Benedetti Michelangeli ontencore beaucoup à enseigner au mondemusical du nouveau millénaire, souventétourdi par un excès de tendances centrifugeset nécessitant donc des points de référencesolides.

Nous remercions d’avance ceux qui vou-dront nous signaler des articles et compte-rendus, publiés en Italie ou à l’étranger,concernant Arturo Benedetti Michelangeli.Pour obtenir des informations sur les moda-lités d’inscription au Centre, veuillezcontacter:

Stefano Biosa & Marco Bizzarinic/o Centro di Documentazione “Arturo Benedetti Michelangeli”Casella postale n. 125115 Sant’Eufemia (Brescia) - Italiee-mail: [email protected]: www.centromichelangell.com

La note biographique qui ouvre la partie culturelle a été rédigée

par Pier Carlo Della Ferrera, qui a également suivi la recherche des

citations pour les images thématiques accompagnant le Rapport

d’exercice.

Remerciements

Nous remercions toutes les personnes et institutions qui, à diffé-

rents titres, ont fourni de la documentation, des informations, des

renseignements et suggestions utiles à la réalisation du travail

présent. Nous adressons un remerciement particulier au profes-

seur Lidia Kozubek, à madame Mira Arma, au professeur Marco

Vitale, au maestro Isacco Rinaldi, à messieurs Stefano Biosa et

Marco Bizzarini du Centre de Documentation “Arturo Benedetti

Michelangeli” de Brescia, à monsieur Rolando (Rolly) Marchi, à

monsieur Claudio Ambrosi de la Biblioteca della Montagna de la

S.A.T. de Trente, à Banca Intesa, aux communes de Pura, Riva San

Vitale et Sagno, aux archives de la Radio Televisione della Svizzera

Italiana et du Corriere della Sera, aux Archives d’Etat du Canton

du Tessin.

Références photographiques

Les auteurs et propriétaires des images publiées sont indiqués au

bas de chaque légende. La Banca Popolare di Sondrio (SUISSE) est

à la disposition des détenteurs des droits des images dont les pro-

priétaires n’ont pas été trouvés, afin de respecter les obligations

prévues par la normative en vigueur.

Danilo Allegri, p. IX

Derek Allen, p. XXIX

Carmelo Archetti, p. XVIII, XIX

Ghitta Carell, p. I, VIII

Fotostudio Felici, p. V

Lamberto Londi, p. XXV, XXXI

Giorgio Lotti, p. XXI

Giancarlo Scalfati, p. XXVI

Mario Vigasio, p. IV

Archives internes de la RTSI, p. XXIII

Archives photographiques du Choeur de la S.A.T. de Trente, p.

XXVII

Centro di Documentazione “Arturo Benedetti Michelangeli”, p. II,

III (en bas), IV, IX, XVIII, XIX, XXVIII, XXXIV, XLI, XLII

Deutsche Grammophon, p. XLI

EMI Music - CRL Archives, p. XXIX

Fonds Holländer aux l’Archives d’Etat du Canton du Tessin de

Bellinzone, p. VII

Publifoto, p. XII, XIII, XVI, XXVIII

offert par Mira et Sergio Arma, p. XXIV, XXXVII

offert par Lidia Kozubek, p. XXXV, XXXVI

offert par Isacco Rinaldi, p. XX, XXX, XXXIX

offert par Marco Vitale, p. VI, XI, XIV, XVII, XXII

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Verso de la couverture:

Sergio DELLA MURA,

A. Benedetti Michelangeli,

Empoli, Ibiskos, 1998

PROJET ET COORDINATION

SDB, Chiasso