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LA PESTE COMME INTERROGATION EXISTENTIELLE PARALLÈLES 1 ET ANTI-PARALLÈLES ENTRE LAGERKVIST ET CAMUS J’attends des temps meilleurs, qui viendront, car je ne suis certainement pas destiné à rester ici pour l’éternité. J’aurai l’oc- casion de continuer ma chronique à la lumière du jour comme autrefois, mes services seront à nouveau nécessaires. Si je connais bien mon seigneur, il ne pourra se passer longtemps de son nain. Voilà ce que je me dis dans mon cachot, et je reste de bonne humeur. Je pense au jour où l’on viendra me délivrer de mes chaînes, parce qu’il m’aura envoyé chercher. Pär Lagerkvist, Le Nain, 1944 Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. Albert Camus, La Peste, 1947 Le Nain de Lagerkvist 2 fut publié en 1944, La Peste d’Albert Camus 3 parut trois ans plus tard. Dans les deux cas, le motif de la 1. Sous ce terme je comprends ici l’emploi des motifs et/ou des procédés semblables ou analogues dans deux (ou plusieurs) œuvres littéraires (ou œuvres d’art) dont on ne peut pas prouver une interdépendance. Il va de soi que ce type de parallèle ne peut être qu’imparfait. 2. J’utilise la traduction de Marguerite Gay, publiée in : Pär Lagerkvist, Œuvres. Le Bourreau, Le Nain, Barabbas, Éditions Stock, Paris 1981, pp. 181-312. Pour la première fois, cette traduc- tion a été publiée en 1946. Je n’ai pas trouvé de traces de la lecture de cette œuvre chez Camus. 3. J’utilise l’édition Albert Camus, La Peste, NRF, Gallimard, Paris, 1947.

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Le Nain de Lagerkvist fut publié en 1944, La Peste d’Albert Camus parut trois ans plus tard. Dans les deux cas, le motif de la peste, ayant une signification allégorique, ou plutôt symbolique, joue un rôle important.

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LA PESTECOMME INTERROGATION EXISTENTIELLE

PARALLÈLES 1 ET ANTI-PARALLÈLESENTRE LAGERKVIST ET CAMUS

J’attends des temps meilleurs, qui viendront, car je ne suiscertainement pas destiné à rester ici pour l’éternité. J’aurai l’oc-casion de continuer ma chronique à la lumière du jour commeautrefois, mes services seront à nouveau nécessaires. Si jeconnais bien mon seigneur, il ne pourra se passer longtemps deson nain. Voilà ce que je me dis dans mon cachot, et je restede bonne humeur. Je pense au jour où l’on viendra me délivrerde mes chaînes, parce qu’il m’aura envoyé chercher.

Pär Lagerkvist, Le Nain, 1944Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville,Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée.Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peutlire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni nedisparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’annéesendormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemmentdans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et lespaperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour lemalheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait sesrats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.

Albert Camus, La Peste, 1947

Le Nain de Lagerkvist 2 fut publié en 1944, La Peste d’AlbertCamus 3 parut trois ans plus tard. Dans les deux cas, le motif de la

1. Sous ce terme je comprends ici l’emploi des motifs et/ou des procédés semblables ouanalogues dans deux (ou plusieurs) œuvres littéraires (ou œuvres d’art) dont on ne peut pasprouver une interdépendance. Il va de soi que ce type de parallèle ne peut être qu’imparfait.2. J’utilise la traduction de Marguerite Gay, publiée in : Pär Lagerkvist, Œuvres. Le Bourreau,Le Nain, Barabbas, Éditions Stock, Paris 1981, pp. 181-312. Pour la première fois, cette traduc-tion a été publiée en 1946. Je n’ai pas trouvé de traces de la lecture de cette œuvre chez Camus.3. J’utilise l’édition Albert Camus, La Peste, NRF, Gallimard, Paris, 1947.

REVUE DE LITTÉRATURE COMPARÉE 2/2001

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peste, ayant une signification allégorique, ou plutôt symbolique 4, joueun rôle important. Chez Lagerkvist cependant, il n’est utilisé que dansla dernière partie du récit et, présenté de façon spectaculaire (avec destraits expressionnistes), il reste dans la sphère traditionnelle : la pesteest la conséquence des intrigues, des péchés et des crimes perpétués àune cour italienne à l’époque de la Renaissance. Chez Camus enrevanche la peste, montrée sous plusieurs aspects, mais sans provoca-tion naturaliste ou expressionniste, constitue le sujet principal del’œuvre : l’auteur présente, à travers le sort de quelques personnagesà première vue ordinaires, l’apparition, le développement et l’extinc-tion d’une épidémie dans une cité anodine. Dans les deux œuvres ils’agit d’une réaction au fascisme et à la Deuxième Guerre mondialeet leur message est semblable. Le fascisme n’est nommé ni chez l’unni chez l’autre écrivain. L’engagement humanitaire anti-fasciste desdeux est suffisamment connu pour qu’on puisse interpréter leursœuvres comme une réaction à la situation vécue 5.

À première vue pourtant, il serait difficile d’étudier ces deuxromans du point de vue d’un comparatisme traditionnel, insistant surdes influences ou échos littéraires. Lagerkvist n’a pas pu connaître leroman de Camus, chez Camus on ne trouve pas d’allusions àLagerkvist. Les deux auteurs ont toutefois certains traits communs,comme le constate Régis Boyer (quoique pas par rapport aux œuvresmentionnées dans cette étude) 6. Chez les deux, nous trouvons lesmêmes modèles littéraires (Pascal, Kierkegaard, Dostoïevski…), lemême intérêt pour le théâtre, souvent les mêmes interrogations exis-tentielles. Tous deux ont reçu le prix Nobel 7.

Procédés narratifs

Toutefois, si Le Nain et La Peste contiennent certains motifscommuns, ils sont fondés sur des principes différents de la fiction roma-nesque, ce qui ouvre le champ d’interrogations sur les « parallélismesimparfaits », voire sur des rapports entre le message philosophique etles procédés esthétiques d’un récit. Cette différence est indiquée parleurs titres respectifs mêmes. Lagerkvist met l’accent sur le nain qu’onpeut considérer comme l’instigateur du désastre et la peste n’est décrite

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4. La citation de Daniel de Foë utilisée comme épigraphe de La Peste pourrait introduire égale-ment Le Nain : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par uneautre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose quin’existe pas. »5. Chez Lagerkvist, une hallucinante vision du fascisme est montrée explicitement dans le récitLe Bourreau (1933).6. Voir son « Introduction », in : Lagerkvist, Âmes masquées. La Noce. Traduit du suédois etprésenté par Régis Boyer, GF, Flammarion, Paris 1986, p. 21.7. Lagerkvist en 1951, Camus en 1957.

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que sur quelques pages, tandis que Camus parle de la peste dont lescauses sont inconnues et l’œuvre tout entière est consacrée à la descrip-tion de ses ravages. L’optique de narration y est donc différente.

Les deux œuvres sont présentées comme une chronique. Mais c’estégalement ici que le lecteur décèle les différences significatives entreles deux auteurs.

Chez Lagerkvist, il s’agit d’une relation à la première personne,rédigée par le nain, qui ne se prive pas de commenter les événementsdu point de vue de sa difformité à la fois physique et morale. Il esttoujours présent dans le texte, il développe plutôt ses opinions sur ledésastre qu’il n’en donne une relation objective, et il s’exprime defaçon à se faire abhorrer par le lecteur. Ainsi l’histoire racontée est-elle automatiquement perçue avec un recul éthique et dans unecomplexité esthétique qui se traduit par au moins quatre couches dumessage : 1. les événements dans la cité atteinte de la peste ; 2. lestatut moral et le rôle du nain ; 3. l’attitude du lecteur qui ne doit passeulement percevoir le déroulement de l’intrigue, mais doit lacommenter intérieurement, avec désapprobation et effroi à la mesurede ses sentiments et de ses convictions ; 4. la conscience que la pesten’est pas uniquement une maladie du corps, mais qu’elle signifie lescrimes du fascisme et les désastres de la guerre.

Le chroniqueur de Camus en revanche essaie d’être le plus objectifpossible et à la fin semble s’effacer derrière les informations qu’ilfournit. À première vue, ni directement, ni indirectement, il n’introduitla notion du bien et du mal, de la culpabilité et de la responsabilité. Lelecteur est dans un certain sens invité à s’identifier avec lui, ou plutôtavec son personnage principal qui est le porte-parole de l’auteur 8.L’intrigue se déroule à deux niveaux : 1. le développement de l’épi-démie dans une ville contemporaine ordinaire ; 2. l’identification decette épidémie avec le fascisme et la guerre. C’est ce deuxième niveauqui l’emporte ; son poids est mis en valeur précisément par le fait quele mal n’est pas nommé directement, mais qu’il est évoqué par unecomparaison sous-entendue, ancrée dans la tradition littéraire 9.

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8. Dans sa correspondance, Camus dit : « L’homme n’est pas innocent et il n’est pas coupable.Comment sortir de là ? Ce que Rieux (je) veut dire c’est qu’il faut guérir ce qu’on peut guérir– en attendant de savoir, ou de voir » in : Albert Camus – Jean Grenier, Correspondance. 1932-1960. Avertissement et notes par Marguerite Dobrenn, NRF, Gallimard, Paris 1981, p. 141. Sescommentaires de l’œuvre (et de la culpabilité de l’homme) n’expriment d’ailleurs pas une certi-tude, mais ils traduisent toutes sortes d’interrogations. En parlant de La Peste, il dit : « […] jesuis plein de doutes à son (et à mon) égard. » (Op. cit., p. 118). Ou bien : « […] je crois demoins en moins que l’homme soit innocent. Simplement, j’ai toujours la réaction élémentaire quime dresse contre le châtiment. » (Ibid., p. 141.)9. Cette attitude est approuvée par Jean Grenier qui constate par rapport à La Peste qu’il estbien de « ne pas y incorporer le passage qui fait allusion aux camps de concentration », qu’il« faut que […] son symbolisme puisse s’attacher à tout ce qui est le Mal » ou qu’il est mieux

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Toutefois Camus met en évidence le caractère philosophique, socra-tique de son œuvre, tandis que Lagerkvist utilise les procédés narratifs,marqués par un expressionnisme, propres au roman psychologique.

Dans les deux œuvres, l’épidémie arrive de façon inattendue. Il estvrai que chez Lagerkvist, elle est explicable, car elle peut être inter-prétée comme une conséquence de la guerre et de la famine. Toutefoisle nain constate :

Une maladie très étrange a fait son apparition dans la ville. […] Les méde-cins demeurent impuissants – mais n’en est-il pas toujours ainsi ? 10

Chez Camus le caractère imprévu du désastre est beaucoup plusévident et il est commenté explicitement. Son œuvre commence par laphrase :

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produitsen 194., à Oran. 11

Et il continue :

[…] on admettra sans peine que rien ne pouvait faire espérer à nos conci-toyens les incidents qui se produisirent au printemps de cette année-là et qui furent,nous le comprîmes ensuite, comme les premiers signes de la série des gravesévénements dont on s’est proposé de faire ici la chronique. Ces faits paraîtront biennaturels à certains et, à d’autres, invraisemblables au contraire. 12

L’issue heureuse de l’intrigue – la peste a disparu – est accompa-gnée d’un avertissement, ou même d’une certitude que l’homme n’estpas sauvé pour toujours, que le danger persiste et persistera. Chezl’auteur suédois, le nain par lequel le désastre et la peste sont entrésdans une cité florissante de la Renaissance italienne, s’attend à cequ’on vienne le chercher, car on aura de nouveau besoin de sesservices. Chez le romancier français, le docteur Rieux se dit que, peut-être un jour, la peste réveillera ses rats…

Allégorie et symbole dans la fiction romanesque

Par ces ressemblances, les deux œuvres entrent dans un domaine defiction narrative, largement développé de l’antiquité jusqu’à nos jours.

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de lutter contre la maladie que de lutter contre la guerre. (Albert Camus – Jean Grenier, Op. cit.,p. 136 et 137). Agniezka Cienkowska-Schmidt commente Le Nain dans le même sens en consta-tant : « Es wäre wahrscheinlich eine zu grosse Vereinfachung zu behaupten, dies sei zu Folgedes zweiten Weltkrieges. » (Ce serait probablement une trop grande simplification de le consi-dérer seulement comme une réaction à la Deuxième Guerre mondiale.) in : AgnieszkaCienkowska-Schmidt, Sehnsucht nach dem heiligen Land. Eine Studie zu Pär Lagerkvists späterProsa. Peter Lang, Frankfurt am Main, Bern, New York, 1985, p. 102.10. Op. cit., p. 288.11. Op. cit., p. 13.12. Op. cit., p. 16.

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Rien de plus habituel que de présenter les dépravations morales sousla forme de difformités ou maladies physiques. En y recourant dansles années quarante du XXe siècle, les écrivains, en l’occurrenceLagerkvist et Camus, s’attachent donc à une longue tradition littéraire.Au moment de bouleversements politiques et éthiques, un tel attache-ment a une signification particulière : il exprime le désir d’une stabi-lité. Utiliser des schémas narratifs qui ont fait leur preuve dans lessiècles précédents met en évidence la continuité de la pensée et del’imagination humaines, garantit, dans une certaine mesure, la surviedes valeurs esthétiques et morales. En même temps, ce procédé peutprovoquer des critiques négatives de certains théoriciens insistant surles valeurs novatrices qu’on attend d’une œuvre littéraire 13.

Mais s’agit-il vraiment chez ces deux romanciers d’un procédé rele-vant de la même sphère de fiction narrative ? Le Nain de Lagerkvistest écrit comme un récit historique, ou apparemment historique, situédans un passé et à un endroit qui font, certes, penser à Florence dutemps de Laurent Ier de Médicis, dit le Magnifique, mais qui ne sontpas nommés explicitement et dont il serait inutile de chercher desrepères documentaires. En revanche l’intrigue de La Peste se dérouleà Oran en 194., sans pourtant relater des événements qui s’y soientréellement passés ; son caractère allégorique ne fait pas de doute.

L’auteur suédois combine deux schémas de présentation indirecte :il montre la dépravation éthique sous forme d’une maladie physique,et il dévoile les vicissitudes du présent sous l’image d’un passé ;l’œuvre de Camus reste dans un « présent ». Étant plus allégoriqueque Le Nain, La Peste semble pourtant plus « concrète » : l’intrigueest en effet située dans une ville intimement connue de l’auteur, maisnon marquée par des souvenirs littéraires, et elle évoque la vie quoti-dienne des gens ordinaires, ses contemporains. Le récit de Lagerkvists’inspire en revanche d’un milieu et d’un temps étrangers à l’auteur,entourés d’une aura poétique souvent évoquée dans la littérature etdans les beaux-arts. Ses personnages ne sont pas des êtres que n’im-porte qui pourrait rencontrer tous les jours : ce sont des héros excep-tionnels, marqués par une fatalité hors du commun, qui pourtant faitpenser à des motifs de contes de fées, ou à des éléments de fictionromanesque ancrés dans la tradition littéraire 14. En mettant en relief

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13. À côté de l’accueil enthousiaste de La Peste (Jean Grenier la considère comme « une grandeœuvre » : voir Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 135 ; en Allemagne, on a vendu, jusqu’à1962, cca 320 000 exemplaires de la traduction du livre), on en trouve parfois des commentairesplutôt défavorables. Voir par exemple l’étude de Robert Jean Champigny in : Camus 1970.Colloque organisé sous les auspices du Département des Langues et Littératures romanes del’Université de Floride (Gainesville) les 29 et 30 janvier 1970. Actes présentés par RaymondGay-Crosier, pp. 20-21.14. L’amour des enfants issus de deux familles ennemies, Angelica et Giovanni, fait penser àRoméo et Juliette de Shakespeare, Angelica devenue folle et se noyant rappelle Ophélie de

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des éléments inhabituels, impressionnants et frappants, Lagerkvistintroduit dans son œuvre des procédés relevant d’une littérarité tradi-tionnelle plus nettement que Camus, qui utilise en général le stylesobre d’une relation apparemment documentaire 15. C’est ici que ladifférence entre les deux auteurs est frappante, du moins à premièrevue. Elle ne témoigne toutefois pas seulement de leur choix indivi-duel, mais reflète certains aspects plus profonds qui marquent, à desniveaux différents, diverses littératures. La confrontation des deuxœuvres met en même temps en évidence la relation problématique, etparfois paradoxale, entre ce qui est « détaillé » ou montré de façonsuréclairée – et ce qui est « banal » ou présenté de façon discrète.

Le temps et l’espace dans l’interrogation existentielle

La position de l’intrigue dans le temps, présent, mythique ou histo-rique, éventuellement dans un futur ou dans une atemporalité fictive,ne crée pas seulement l’arrière-plan de la narration, mais influe sur lavision du monde représenté. La fonction et la répartition de motifs rele-vant du passé (ou de diverses couches du passé) ou du présent chan-gent et ne sont pas les mêmes dans toutes les littératures nationales.

Les sujets historiques, ou apparemment historiques, ne manquentpas dans la littérature française. Mlle de Scudéry présentait sescontemporains dans les costumes du passé. Il serait, certes, probléma-tique de parler dans son cas de « romans historiques ». Mais peut-onconsidérer Le Nain de Lagerkvist comme un récit historique ? Il y atoutefois une différence fondamentale entre un déguisement « histo-rique », insistant sur la description, caractéristique des romans à cléde la romancière française du XVIIe siècle, et l’interrogation éthiquepassionnée qu’on trouve chez l’auteur suédois du XXe siècle.

Comme dans toutes les littératures européennes, la présentation dupassé dans le goût de Walter Scott a trouvé un accueil favorable chezVictor Hugo et ses contemporains. Par son Salammbô, GustaveFlaubert a créé un type particulier de roman historique « objectif »que les théoriciens slaves aiment à opposer aux récits de leurs littéra-tures nationales où la vision du passé était, au XIXe siècle, teintée d’as-pirations patriotiques.

Au XXe siècle pourtant, les sujets historiques semblent jouer un rôlemoins important chez les écrivains français que dans certaines autres

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Hamlet, etc. La mise en valeur des motifs et procédés traditionnels chez Lagerkvist a étéd’ailleurs déjà constatée par des théoriciens de la littérature. Voir par exemple A. Cienkowska-Schmidt, op. cit., p. 41.15. Indirectement, il commente ces procédés stylistiques en évoquant l’évolution de la phrasepar laquelle Grand veut commencer son œuvre. Il est significatif qu’à la fin, son personnageconstate : « J’ai supprimé […] tous les adjectifs » (Op. cit., p. 329).

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littératures. Il est vrai que les dramaturges, surtout Giraudoux et Sartre,ont recours aux motifs de la mythologie grecque pour dénoncer, dansun certain sens de la même façon que Lagerkvist et Camus dans lesouvrages cités, la dépravation et la menace qui pèse sur le présent.Mais le mythe est par sa nature atemporel et en tant que source d’ins-piration, il joue dans le développement des formes et contenus litté-raires un autre rôle que les sujets historiques proprement dits : ils’ouvre vers une vision globale de la condition de l’homme, tandis quel’évocation d’un passé historique est habituellement conçue de façon àpermettre la perception de l’intrigue à deux niveaux : la description,parfois pittoresque, du temps révolu, marquée de certains traits decouleur locale, sert de base à une comparaison de ce qui a été dans lepassé, avec ce que le lecteur est en train de vivre dans le présent. Lesintrigues fondées sur la base historique (ou pseudo-historique) devien-nent ainsi le miroir du présent, mais un miroir brisé, reflétant d’unefaçon dédoublée à la fois ce qui est ponctuel et ce qui est éternel.

En revanche le lecteur ne cherchera pas dans le roman de Camusune description documentaire ou pittoresque d’Oran, ou du moins il nelui attribuera pas une importance particulière. L’œuvre a une unitéintérieure en tant que message philosophique et éthique. Le récit deLagerkvist peut être lu à la fois – ou alternativement – comme uneimpressionnante évocation du passé, mettant en relief divers aspectsde la Renaissance italienne, et comme un commentaire indirect duprésent menacé par le fascisme, ou en général par la dépravation dela société et de l’homme. Parmi les romanciers français du premierordre, ce type de présentation du passé apparaît, sous une forme origi-nale, chez Marguerite Yourcenar – qui est d’origine belge.

Évoquer le passé pour s’interroger sur le présent n’est toutefois pasexceptionnel au XXe siècle et Lagerkvist n’est pas le seul à utiliser ceprocédé. Dans les littératures tchèque et polonaise par exemple, cetype de récit historique (ou apparemment historique) est assezrépandu, et cela non seulement comme réponse au fascisme et à laDeuxième Guerre mondiale, mais également, plus tard, comme dénon-ciation du totalitarisme communiste 16. Il est significatif que lesépoques préférées des romanciers de cette orientation se situent entrele Moyen Âge (surtout celui de la croisade des enfants), laRenaissance avec son faste, ses crimes et son inquisition, et leBaroque des fêtes, des persécutions et de l’inquiétude. L’atmosphèreliée à ces époques, passionnées, injustes, marquées par la splendeur etla misère, par l’éblouissement, l’extase, la laideur, les difformitésphysiques et morales, se reflète dans la description des phénomènes

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16. Voir les œuvres du Polonais Jerzy Andrzejewski ou du Tchèque Ji®í ‰otola.

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qui – sous une forme allégorique ou symbolique – dévoilent les vicis-situdes et les catastrophes du présent. Ces œuvres sont souvent écritesdans un style mouvementé, insistant sur des qualités émotives duvocabulaire et de la syntaxe, et ayant certains traits caractéristiques del’expressionnisme. Par les procédés descriptifs et narratifs, elles diffè-rent de la présentation littéraire sobre, caractéristique de La Peste. Dece point de vue, le récit de Lagerkvist semble plus proche du roman-cier tchèque Karel Schulz, auteur d’une œuvre inachevée sur la dépra-vation et l’angoisse de la Renaissance italienne, Kámen a bolest (Lapierre et la douleur, 1942) que d’Albert Camus.

Il serait toutefois inapproprié de tracer une ligne de démarcation entreles littératures dénonçant la dépravation du présent sous la forme derécits « historiques » et celles qui préfèrent la montrer dans des œuvressituées soit en dehors du temps historique, soit dans un « présent » danslequel les contemporains de l’auteur peuvent reconnaître leurs propresexpériences quotidiennes. Les différences entre diverses littératures natio-nales consistent plutôt dans une hiérarchie autrement nuancée des mêmesprocédés esthétiques que dans l’emploi de formes nettement distinctes,voire opposées. Même dans les littératures privilégiant le commentairedu présent sous le déguisement du passé on trouve des utopies (ou plutôtdes uchronies) démasquant la situation contemporaine. Un des exemplessignificatifs en est la pièce de théâtre Bílá nemoc (La maladie blanche,1938) de l’écrivain tchèque Karel ¸apek (1890-1938), qui pourrait êtrecomparée au roman de Camus (dans les deux œuvres un rôle importantincombe à un médecin humaniste et impuissant), bien que le développe-ment de l’intrigue soit différent 17.

Le personnage face aux événements

La différence essentielle entre Lagerkvist et Camus consiste dans lestatut des personnages qui résulte, comme nous l’avons vu, dans unegrande mesure de la position de l’intrigue dans le temps. ChezLagerkvist, tout semble exceptionnel 18, tandis que Camus représenteà première vue les situations et les gens ordinaires. Les personnagesde Lagerkvist sont contrastés. Certes, dans la relation d’un nain guidépar la haine, on ne trouve que rarement des héros « positifs » (et sion les rencontre, ils ont des traits livresques prononcés, commeAngelica et Giovanni), mais le narrateur montre le monde comme

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17. Le docteur Galén de Čapek a trouvé le remède contre la « maladie blanche », mystérieuse-ment apparue dans la ville, mais il refuse de l’utiliser pour guérir ceux qui sont responsables dela guerre. À la fin il obtient la promesse que la paix sera rétablie. Mais avant de pouvoir utiliserson remède, il est assassiné par une foule belliqueuse fanatisée.18. Il est significatif que Lagerkvist évoque souvent, et pas seulement dans Le Nain, des êtresdifformes ou estropiés.

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divisé intérieurement en deux sphères opposées : celle des crimes etdes péchés spectaculaires et celle des remords et repentirs, aussi spec-taculaires, parfois des mêmes personnes.

En revanche chez l’auteur français les personnages semblent, àpremière vue, intérieurement homogènes et ils sont montrés si discrè-tement qu’on ne se rend pas compte de leur héroïsme qui s’identifieavec un humanisme profond et non ostentatoire. De plus, Camus nes’interroge pas (du moins pas explicitement) sur les causes dudésastre. L’invasion des rats n’est pas provoquée dans son roman parune guerre, faisant suite à une trahison et à des crimes comme chezLagerkvist, mais donne l’impression d’une fatalité. Cette fatalité n’estpourtant pas présentée comme une constatation et quoiqu’elle soitmontrée à la fin comme presque inévitable, le lecteur, aussi bien deLa Peste que du Nain, est amené à se poser la question : Faut-il vrai-ment que ce soit ainsi ? Et comment faire ?

Dans les deux romans, les personnages sont à la fois individualiséset montrés comme représentants de l’humanité en général 19. De cepoint de vue, ils diffèrent des utopies (ou uchronies) traditionnellesdont les héros sont censés en premier lieu dénoncer certains systèmesou conceptions politiques et sociaux. Les aspects psychologiquesjouent chez les deux auteurs un rôle important, quoiqu’ils soientprésentés de façon à première vue opposée.

On trouverait difficilement des personnages parallèles dans La Pesteet Le Nain. Les nobles, coupables, repentants et périssant de façonspectaculaire dans le faste et la misère de la Renaissance chezLagerkvist, n’ont rien de commun avec les employés modestes, discrè-tement nuancés de Camus. Si l’écrivain français s’identifie avec un deses héros, on ne trouve rien d’analogue chez le romancier suédois quisemble participer à l’intrigue par une opposition aux personnagesreprésentés. Mais il y a une exception significative : dans le désastregénéral où les gens innocents (ou du moins ordinaires) se désespèrent,les criminels sont à l’aise. Toutefois même ici, la différence estsensible. Chez Lagerkvist il s’agit du nain dont la présentation nelaisse aucun doute au lecteur : dans son comportement et dans sesopinions, le scandale terrestre côtoie l’hallucination de l’enfer. Enrevanche, rien d’explicite dans le personnage de Cottard chez Camus.Il est aussi ordinaire que les autres personnages de La Peste. C’estseulement à la fin qu’il devient inquiet, semble redouter l’extinction

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19. En réalité, l’individualisation des personnages est problématique dans les deux œuvres. Leshéros de Lagerkvist sont créés, comme nous l’avons vu, souvent selon des modèles littéraires, et,comme Jean Grenier le constate, les personnages de La Peste « […] diffèrent plutôt par leurs atti-tudes que par leur nature profonde ». (Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 136.) Il n’en estpas moins vrai que les deux auteurs ne les montrent pas uniquement comme des représentants decertaines conceptions philosophiques et éthiques, mais comme des êtres particuliers.

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de la peste et commence à tirer sur la foule qui fête la fin de l’épi-démie. On le considère comme un fou et la police le maîtrise 20. Lelecteur n’en saura pas plus et éprouvera seulement un malaise devantun homme dont le caractère et les actes lui échappent.

Le roman de Camus, évitant les scènes spectaculaires et les person-nages exceptionnels, est en réalité plus inquiétant encore que le récitde Lagerkvist, où le mal est montré explicitement, avec des détailsd’une dépravation monstrueuse. L’apparition des rats, qui n’a pas decause définissable, peut, certes, être interprétée comme une malédic-tion venant des forces surnaturelles. Mais le style sobre de Camus etles expériences à première vue banales de ses personnages mettent enquestion une telle interprétation. On trouve d’ailleurs à l’époque mêmechez d’autres écrivains, par exemple chez J.-P. Sartre, une confronta-tion des phénomènes supraterrestres (de l’enfer) et des comportementshumains ordinaires. Si l’on ne veut pas croire en un enfer de sermonsbaroques ou de contes de fées – et tel est le plus souvent le cas desauteurs qui ont recours à ce procédé – on doit s’interroger sur lacondition de l’homme.

La contagion des vices et la responsabilité individuelle

La peste est une maladie contagieuse. À la fin il n’y a pas parfoisde frontières entre les victimes et les coupables. Le seigneur du nain,qui avait accepté ses manipulations criminelles, est puni, car il perdles êtres qui lui étaient chers ; les méchants et les pécheurs succom-bent à la maladie dans l’effroi et souvent dans le repentir qui ne lesdistinguent pas de ceux qui avaient souffert à cause d’eux.

Chez Camus, les coupables n’apparaissent pas. Mais les malades nesont pas seulement victimes ; ils deviennent une menace. En voulantéchapper à l’internement, les gens d’Oran se trouvent en conflit avecla police. Le narrateur n’exalte ni ne critique l’action de la police quisurveille la ville pour empêcher la propagation de la maladie. Mais lejournaliste Rambert renonce à la fin à la tentation de quitter clandes-tinement la cité maudite et c’est là que le lecteur trouve implicitementl’attitude morale de l’auteur. La frontière est mince entre le manquede responsabilité (d’une certaine sorte d’égoïsme auquel l’homme apeut-être droit) et la culpabilité.

Chez Lagerkvist, cet aspect n’apparaît pas ; il n’y a pas d’issue pourles victimes de la peste qui semblent être le jouet des autres – ou dela fatalité. En revanche le motif de la contagion et de la responsabi-lité joue un rôle important chez Camus, il permet de saisir les diversesattitudes de l’homme et le développement de sa conscience.

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20. Op. cit., pp. 298-302 et 326-328.

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Le motif de la contagion du mal est largement développé chezd’autres auteurs dénonçant diverses formes du totalitarisme. On letrouve chez l’écrivain tchèque Karel ¸apek, chez, le romancier russeZamiatine (1884-1937), chez Orwell (1903-1950), dans Rhinocéros(1960) d’Eugène Ionesco, etc. Camus diffère toutefois des écrivainsmontrant la dépravation de la société sous la forme caricaturale d’unemétamorphose physique. Il ne juge ni ne caricature les autres 21. Si seshéros se révoltent contre Dieu – ou contre la fatalité – comme Rieuxdans les entretiens avec le Père Paneloux, ils restent sur la base d’unhumanisme laïque, fondé sur le désir de tout comprendre 22. S’ils sontguidés par le sentiment d’une responsabilité, il s’agit d’une responsabi-lité difficile à définir, allant de soi et ayant certains traits d’une énormepitié. En discutant avec Tarrou sur l’existence de Dieu, Rieux constate :

Je ne sais pas ce qui m’attend ni ce qui viendra après tout ceci. Pour lemoment il y a des malades et il faut les guérir. Ensuite, ils réfléchiront et moi aussi.Mais le plus pressé est de les guérir. Je les défends comme je peux, voilà tout.

– Contre qui ? […]– Je n’en sais rien, Tarrou, je vous jure que je n’en sais rien. 23

Chez Lagerkvist la peste est un fléau, ou une punition de l’hommecoupable. Chez Camus elle devient la pierre de touche du caractère del’homme. Certes, le Père Paneloux parle, lui aussi, du « fléau de Dieu »envoyé pour mettre « à ses pieds les orgueilleux et les aveugles » 24 etil prêche même pour « aimer ce que nous ne pouvons pascomprendre » 25, mais cette opinion n’en est qu’une parmi d’autres etelle n’est pas partagée par le porte-parole de l’auteur, le tolérant DrRieux. Elle n’est pourtant pas rejetée avec une haine qui créerait unebarrière entre le Père jésuite et le médecin, et ce dernier constate même :

Nous travaillons ensemble pour quelque chose qui nous réunit au-delà desblasphèmes et des prières. Cela seul est important. 26

La peste n’est pas provoquée par les actes de l’homme (mais peut-on le dire avec certitude par rapport à l’œuvre ouverte et allusive deCamus ?), mais elle permet de dévoiler ses valeurs jusqu’alors insoup-çonnées et peut-être même de donner une nouvelle dimension à sessentiments et à ses actes. Le journaliste Rambert commence à

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21. On trouve une remarque significative sur ceux qui « jugent » dans les mots par lesquelsTarrou commente la situation de M. Othon : « Pauvre juge […]. Il faudrait faire quelque chosepour lui. Mais comment aider un juge ? » (Op. cit., p. 263.)22. Caractéristique de ce point de vue est le dialogue entre Rieux et Tarrou : « – Allons, Tarrou,dit-il, qu’est-ce qui vous pousse à vous occuper de cela ? – Je ne sais pas. Ma morale peut-être.– Et laquelle ? – La compréhension. » (Op. cit., p. 147.)23. Op. cit., p. 144.24. Op. cit., p. 110.25. Op. cit., p. 238.26. Op. cit., p. 238.

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comprendre autrement le sens de la vie, le juge Othon apparaît sousun nouvel éclairage…

Conclusion

Comme nous l’avons constaté, les différences entre les deux œuvresrésultent dans une grande mesure de la position de l’intrigue dans letemps. La confrontation des récits situés dans le passé ou dans leprésent permet en même temps de saisir un des paradoxes de l’art : cequi est chronologiquement proche de l’auteur semble moins définis-sable que ce qui relève d’un passé lointain. Chez Lagerkvist, lesphénomènes sont explicables dans le cadre de l’intrigue romanesque,ou peuvent être considérés comme tels. Chez Camus ils restent, auniveau événementiel, inexplicables.

La conclusion des deux récits peut être interprétée à deux niveaux :1. l’éradication du mal n’est jamais définitive, mais 2. on a le devoirde faire tout pour lutter contre ce mal. Chez Lagerkvist cette deuxièmeconclusion est sous-entendue : les causes du mal sont connues et cequi est connu peut être à la fin maîtrisé, bien qu’avec des péripétiesaléatoires. Les causes de la peste chez Camus ne sont pas indiquées,mais contre la fatalité du mal l’homme peut se défendre, dans l’espritpascalien, par sa valeur morale.

Hana VOISINE-JECHOVAUniversité de la Sorbonne (Paris IV)

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