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15 La physique expérimentale au lycée Dans une conférence prononcée en 1904 sur «l’esprit de l’enseignement scientifique» Paul Langevin souligne que «la question que la théorie pose par voie déductive est inséparable de la réponse que fournit l’expérience», ces deux faces étant «inséparables comme les deux termes d’une égalité». Concernant l’aspect expérimental de la physique deux voies se présentent pour l’aborder au lycée. L’illustration du cours par des expériences, en utilisant les collections d’instruments des cabinets de physique, est la seule voie explorée jusqu’à l’instauration d’exercices pratiques pour les élèves, réalisée par la réforme majeure de l’enseignement secondaire établie en 1902. Une autre mesure, concernant les professeurs, suivra en 1904 avec la définition d’une nouvelle épreuve au concours d’agrégation de sciences physiques, consistant à rassembler le matériel nécessaire pour les expériences destinées à illustrer une leçon et à les exécuter : c’est le «montage de physique». L’idée de faire exécuter des manipulations par les élèves avait été avancée par Jean-Baptiste Dumas dès 1847. En sa qualité de doyen de la faculté des sciences de Paris, il avait été sollicité par le ministre Achille de Salvandy pour établir un rapport sur l’enseignement scientifique. Dans son rapport, en date du 6 avril 1847 et publié dans le Journal général de l’Instruction publique le 19 mai suivant, Dumas explique qu’en sciences physiques il est «tout à fait indispensable non-seulement de faire devant les élèves toutes les expériences sur lesquelles se fonde la partie de ces sciences qu’il s’agit de leur enseigner, mais, en outre, de leur faire exécuter eux-mêmes les manipulations essentielles à leur intelligence». Cette suggestion d’établir des manipulations pour les élèves n’est pas retenue par Salvandy. D’ailleurs l’idée n’est pas reprise lors de la réforme de la «bifurcation des études» de 1852 due au «triumvirat Fortoul-Dumas-Le Verrier». e Cette réforme, mise en œuvre au début du Second Empire par le ministre Hippolyte Fortoul, établit à partir de la classe de 3 deux filières, l’une littéraire et l’autre scientifique, équivalentes par la durée et la sanction des études. Le développement de la place accordée à la physique nécessite d’accroître les collections scientifiques pour les adapter aux conditions nouvelles ; aussi Dumas demande-t-il des crédits pour l’achat de matériel destiné à enrichir les collections. Toutefois, dans les instructions de 1854 rédigées par ses soins, Dumas encourage les professeurs «à simplifier leurs appareils, à les construire eux-mêmes toutes les fois qu’ils le peuvent, à n’y employer que des matériaux communs» (rigueur budgétaire oblige !). Conjointement, ayant souligné l’intérêt des travaux d’atelier tels que ceux accomplis par les élèves de l’École normale supérieure au cours de leurs études, Dumas préconise d’établir un atelier près du cabinet de physique des lycées. Au tournant des XIXème et XXème siècles on dénonce la méthode employée en France pour l’enseignement de la physique, qui est étudiée - dit-on - par le même procédé que les mathématiques c’est-à-dire au tableau noir, sans manipulations pour les élèves, alors qu’en Angleterre et aux États-Unis les élèves apprennent à travailler dans des laboratoires bien outillés. Édition numérique 2008 L'Empire de la physique : cabinet de physique du lycée Guez de Balzac d'Angoulême Page 15 sur 393 © Association de Sauvegarde et d'Étude des Instruments Scientifiques et Techniques de l'Enseignement © Conseil des musées de Poitou-Charentes. Copie à usage privé, ne peut être diffusé en dehors du site Aliénor.L'ouvrage peut être téléchargé ou commandé sur www.alienor.org

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La physique expérimentale au lycée

Dans une conférence prononcée en 1904 sur «l’esprit de l’enseignement scientifique» Paul Langevin souligne que «la question que la théorie pose par voie déductive est inséparable de la réponse que fournit l’expérience», ces deux faces étant «inséparables comme les deux termes d’une égalité».Concernant l’aspect expérimental de la physique deux voies se présentent pour l’aborder au lycée. L’illustration du cours par des expériences, en utilisant les collections d’instruments des cabinets de physique, est la seule voie explorée jusqu’à l’instauration d’exercices pratiques pour les élèves, réalisée par la réforme majeure de l’enseignement secondaire établie en 1902. Une autre mesure, concernant les professeurs, suivra en 1904 avec la définition d’une nouvelle épreuve au concours d’agrégation de sciences physiques, consistant à rassembler le matériel nécessaire pour les expériences destinées à illustrer une leçon et à les exécuter : c’est le «montage de physique».L’idée de faire exécuter des manipulations par les élèves avait été avancée par Jean-Baptiste Dumas dès 1847. En sa qualité de doyen de la faculté des sciences de Paris, il avait été sollicité par le ministre Achille de Salvandy pour établir un rapport sur l’enseignement scientifique. Dans son rapport, en date du 6 avril 1847 et publié dans le Journal général de l’Instruction publique le 19 mai suivant, Dumas explique qu’en sciences physiques il est «tout à fait indispensable non-seulement de faire devant les élèves toutes les expériences sur lesquelles se fonde la partie de ces sciences qu’il s’agit de leur enseigner, mais, en outre, de leur faire exécuter eux-mêmes les manipulations essentielles à leur intelligence». Cette suggestion d’établir des manipulations pour les élèves n’est pas retenue par Salvandy.D’ailleurs l’idée n’est pas reprise lors de la réforme de la «bifurcation des études» de 1852 due au «triumvirat Fortoul-Dumas-Le Verrier».

eCette réforme, mise en œuvre au début du Second Empire par le ministre Hippolyte Fortoul, établit à partir de la classe de 3 deux filières, l’une littéraire et l’autre scientifique, équivalentes par la durée et la sanction des études. Le développement de la place accordée à la physique nécessite d’accroître les collections scientifiques pour les adapter aux conditions nouvelles ; aussi Dumas demande-t-il des crédits pour l’achat de matériel destiné à enrichir les collections. Toutefois, dans les instructions de 1854 rédigées par ses soins, Dumas encourage les professeurs «à simplifier leurs appareils, à les construire eux-mêmes toutes les fois qu’ils le peuvent, à n’y employer que des matériaux communs» (rigueur budgétaire oblige !). Conjointement, ayant souligné l’intérêt des travaux d’atelier tels que ceux accomplis par les élèves de l’École normale supérieure au cours de leurs études, Dumas préconise d’établir un atelier près du cabinet de physique des lycées.

Au tournant des XIXème et XXème siècles on dénonce la méthode employée en France pour l’enseignement de la physique, qui est étudiée - dit-on - par le même procédé que les mathématiques c’est-à-dire au tableau noir, sans manipulations pour les élèves, alors qu’en Angleterre et aux États-Unis les élèves apprennent à travailler dans des laboratoires bien outillés.

Édition numérique 2008 L'Empire de la physique : cabinet de physique du lycée Guez de Balzac d'Angoulême Page 15 sur 393

© Association de Sauvegarde et d'Étude des Instruments Scientifiques et Techniques de l'Enseignement © Conseil des musées de Poitou-Charentes. Copie à usage privé, ne peut être diffusé en dehors du site Aliénor.L'ouvrage peut être téléchargé ou commandé sur www.alienor.org

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Avec le plan d’études établi par le décret de mai 1902 sont distinguées, à partir de la 2de, quatre sections dont deux littéraires (A : latin-grec, B : latin-langues) et deux scientifiques (C : latin-sciences, D : sciences-langues), le cursus étant couronné par les classes de Philosophie et de Mathématiques. Cette organisation marque un net recul des humanités classiques.L’enseignement de la physique, qui débute dans toutes les sections en classe de 2de, est accompagné d’exercices pratiques pour les élèves, d’une durée de deux heures, destinés aux seuls scientifiques (sections C et D, classe de Mathématiques). Cette introduction de manipulations constitue une «haute nouveauté», comme le note Abel Buguet, rédacteur du Journal de physique élémentaire. Buguet souligne que la seule idée de faire faire de la physique pratique à des élèves de lycée implique des conceptions très différentes de celles qui ont eu cours jusque là.Dans les conseils généraux qui accompagnent les programmes, on recommande aux professeurs d’attacher la plus grande importance aux exercices pratiques, d’apporter soin et attention à leur préparation ainsi qu’à leur exécution. On explique que ces exercices peuvent être compris de manière à ne demander ni matériel dispendieux ni instrument trop délicat.Lors de conférences pédagogiques prononcées au début de l’année 1904 le vice-recteur de l’académie de Paris, Louis Liard, explique : «C’est surtout par des exercices pratiques bien conduits que les élèves acquerront en physique et en chimie des connaissances précises à la source des faits. Or nos moyens sont insuffisants ; souvent la place manque ; presque partout les instruments font défaut». L’inspecteur général Lucien Poincaré souligne à son tour les difficultés matérielles, avant d’expliquer que des phénomènes importants peuvent être étudiés expérimentalement avec «des instruments les plus communs et du prix le plus modique». Les professeurs sont incités à bricoler du matériel (encore une fois budget limité oblige !). Toujours en 1904, un Recueil d’expériences élémentaires de physique décrivant des manipulations, est publié sous la direction d’Henri Abraham, secrétaire général de la Société française de physique ; les expériences décrites sont des manipulations. À cet ouvrage ont collaboré plus de cent professeurs du secondaire, qui ont communiqué des idées ; le premier chapitre consacré aux travaux d’atelier est rédigé par Jules Lemoine, professeur au lycée Louis-le-Grand.Dès juillet 1902 Abel Buguet insistait sur les difficultés particulières que pourraient rencontrer «les professeurs isolés de province s’ils ne se décidaient à mettre en commun leurs vues». Cette idée d’une coopération se concrétise avec la création en 1906 de l’Union des physiciens pour constituer une «Mutuelle des idées», suivie à partir de mars 1907 par la publication du Bulletin de l’Union des physiciens. En janvier 1907 Jules Lemoine explicite, dans la Revue de l’enseignement des sciences, le rôle qui sera assigné au Bulletin : «Chacun [demandera] à tous par son intermédiaire, les renseignements qui lui sont nécessaires (Cours, Expériences, Appareils de manipulation, Livres, Constructeurs, Règlements administratifs, Crédits de laboratoire, Matières premières, etc.). Les réponses, données par tous paraîtront dans le Bulletin suivant.» Et Jules Lemoine souligne la nécessité de mener une étude critique de tous les appareils classiques et des modifications à leur apporter, pour permettre de renseigner les constructeurs.Dans son rapport, présenté en 1909 au Conseil académique de Paris, l’inspecteur Michel Chassagny insiste sur le rôle joué par les professeurs dans la réussite de la mise en application de la réforme, tout en pointant les difficultés qu’ils ont rencontrées : «Les professeurs durent s’ingénier à créer de toutes pièces un matériel nouveau, à établir avec des ressources très limitées des séries de manipulation qui, dès l’abord, captivèrent leurs élèves.»

Arrivé au ministère de l’Instruction publique en 1921, Léon Bérard manifeste rapidement son intention de rétablir un enseignement classique commun dans les premières années du cursus secondaire. En juillet 1921, lors de la réduction des horaires des disciplines

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intellectuelles pour faire place à l’éducation physique, la durée des séances de manipulations est réduite de 2h à 1h. Craignant que le projet Bérard ne réduise le rôle des sciences, et tout particulièrement celui des sciences expérimentales, à ce qu’il était avant 1902, le mathématicien Jacques Hadamard monte au créneau en expliquant : «Ce n’est pas en Philosophie que les lycéens doivent apprendre les règles de la Méthode : c’est tout au long de leurs études, la loupe ou le tube à essai à la main.»Un nouveau plan d’études est établi par le décret de mai 1923 ayant pour base deux principes, celui «d’un fonds commun d’humanités» et celui de «l’égalité scientifique». Ainsi le nouveau régime d’études supprime la filière moderne tout au long du cursus et établit

e reconjointement un même enseignement de sciences pour tous les élèves de la 6 à la 1 incluse.Avec la victoire du Cartel des gauches aux élections de mai 1924 le changement de majorité parlementaire entraîne le remplacement de

eLéon Bérard. La filière moderne est alors réintroduite à partir de la 6 . Mais le plan d’études de mai 1925 maintient le régime de l’égalité scientifique qui, si elle nuit à la formation des scientifiques, améliore celle des littéraires dont les horaires de sciences sont renforcés. Désormais tous les élèves bénéficient de l’enseignement pratique et le nouveau plan d’études porte à 1h30 la durée des manipulations.Avec cette généralisation des manipulations certains établissements doivent procéder à l’extension des locaux qui y sont consacrés. Par ailleurs l’enseignement secondaire féminin, créé par la loi Sée de 1880 avec une organisation spécifique, a été aligné sur son homologue masculin par la réforme Bérard de 1924 ce qui implique l’obligation d’organiser des exercices pratiques de physique et chimie. Les professeurs féminins sont alors confrontés aux mêmes difficultés que leurs collègues masculins lors de la réforme de 1902. L’enseignement expérimental au laboratoire prend donc une importance accrue. Et Marcel Ginat propose des travaux pratiques d’une grande variété, certains pouvant être de «petits problèmes, posés à la manière des problèmes habituels, à résoudre et à exécuter expérimentalement ensuite».

L’application du principe de l’égalité scientifique porte une profonde atteinte à l’enseignement des mathématiques entraînant une mobilisation immédiate des mathématiciens. Puis au début de l’année 1930 on dénonce le «surmenage scolaire» et on demande une réduction de l’horaire des sciences avec en point de mire la physique. Après la réduction drastique opérée dans leurs horaires en 1931 les physiciens se mobilisent aux côtés des mathématiciens pour obtenir le renoncement au «dogme de l’égalité scientifique» et le retour aux principes de 1902. Ceci se réalise avec le nouveau plan d’études établi en 1941 sous le ministère Carcopino. On revient alors à une organisation diversifiée des études secondaires à laquelle on ne pourra plus renoncer.Les travaux pratiques effectués par les élèves vont rester un élément important de la physique scolaire. Mais en 1987 Michel Hulin dénonce le fait que «les manipulations font recours à un matériel “didactique” hors de prix et “ad hoc”, qui enlève l’essentiel de leur intérêt aux manipulations car il s’agit d’un matériel “modèle”, imposé dans une structure figée aux élèves». Allant dans le sens d’une valorisation du travail expérimental, le rapport Bourdieu-Gros souligne en 1989 l’intérêt d’organiser des épreuves pratiques «qui permettent d’évaluer l’inventivité, le sens critique et le “sens pratique”», ce qui a conduit à l’établissement d’une épreuve d’évaluation des savoir-faire expérimentaux.

Nicole Hulin

Maître de conférences honoraire à l’Université Paris VICentre Alexandre Koyré

Membre du Conseil scientifique de l’ASEISTE

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bibliographie

Nicole Hulin-jung, L’Organisation de l’enseignement des sciences. La voie ouverte par le Second Empire, Paris, CTHS, 1989.Michel Hulin, Le Mirage et la nécessité. Pour une redéfinition de la formation scientifique de base, Paris, Presses de l’ENS et Palais de la découverte, 1992.Nicole Hulin, Physique et humanités scientifiques. Autour de la réforme de l’enseignement de 1902. Études et documents; Villeneuve d’Ascq, Septentrion, 2000.Nicole Hulin, L’Enseignement et les sciences. L’exemple français au début du XXe siècle, Paris, Vuibert, 2005.

carte postale, ca. 1905 (coll. particulière)

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Les multiples manuels :une source pour retrouver la description

et l’usage des appareils anciens

C’est à la demande de Napoléon 1 que René-Just Haüy publie en 1803 un Traité élémentaire de physique destiné à l’enseignement dans les lycées nouvellement créés. La préface de l’ouvrage le rappelle : « Ce traité, désigné par le Premier Consul, au nombre de ceux qui doivent servir à l’enseignement dans les lycées nationaux, ne pouvait paraître sous de plus heureux auspices. » 2 Jean-Baptiste Biot et Claude Pouillet, physiciens reconnus, en font de même, respectivement en 1817 et 1827.Suite d’une part à la réforme de la bifurcation 3 de 1852 créant une filière scientifique dans les lycées et accordant une plus grande importance à l’enseignement des sciences physiques, et d’autre part aux progrès de l’édition, le nombre de manuels publiés au XIXème siècle est alors tel qu’un professeur peut écrire : « La rédaction des cahiers n’est pas nécessaire vu le nombre de livres élémentaires de professeurs connus des cours publics et privés. » 4

Les auteurs de ces ouvrages s’inspirent d’ailleurs beaucoup des précédents puisque Pouillet se plaint en 1844 : « Qu’il me soit permis, en terminant, de faire une remarque à laquelle j’attache quelque importance : un grand nombre de figures de cette nouvelle édition ressemblent tout à fait à celles de quelques autres traités de physique : on pourrait croire, au premier abord, que je les ai simplement copiées dans ces ouvrages ; mais si l’on a la bonté de recourir aux dates, il sera facile de se convaincre que la priorité appartient à mes éditions antérieures, auxquelles on a fait de larges emprunts ; je ne m’en plains pas, s’il est arrivé que la science en ait reçu quelque profit. Mais un autre fait qu’il m’est impossible de laisser passer sans mot dire, c’est qu’un auteur après s’être servi de mon livre pour faire le sien, sans se gêner aucunement, comme si le procédé eût été le plus honnête du monde, juge enfin à propos de citer mon nom (page 582 de son second volume), et de le citer de la manière suivante : “M. Pouillet a donné, sans les démontrer, des formules analogues beaucoup plus compliquées, mais qui, au fond, doivent être équivalentes, car elles sont fondées sur les mêmes principes. Plusieurs d’entre elles ont été vérifiées par des expériences nombreuses. » 5 La phrase citée par Pouillet se trouve effectivement dans le manuel de Péclet 6.Ce sont actuellement tous ces manuels qui permettent à Francis Gires de retrouver les descriptions des appareils présents dans les collections des lycées.Quelques questions viennent alors à l’esprit : qui étaient les auteurs de ces ouvrages ? quelle en était la diffusion 7 ? qui les utilisaient ?

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Tableau 1 Tableau 1 (suite)

Les tableaux récapitulatifs 1 et 2 (ci-dessus et page suivante) tentent de donner une réponse, sûrement incomplète, mais néanmoins indicative, à ces questions. Nous avons sélectionné des manuels déclarant «s’adresser aux candidats au baccalauréat» ou «acceptés dans l’enseignement public», les mêmes auteurs ayant souvent rédigé des traités pour le niveau supérieur (cours à Polytechnique par exemple) ou inférieur (brevet élémentaire par exemple).

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Les auteurs

On peut les classer en trois catégories qui peuvent se recouper :- Les physiciens connus.- Les physiciens agrégés, souvent anciens élèves de l’École normale.- Les quasi inconnus.Dans la première catégorie se rangent Pouillet, Haüy, Biot qui enseignaient au niveau supérieur (université, Polytechnique) ; dans la seconde Chassagny, Fernet ou Faivre-Dupaigre qui furent enseignants en lycée avant de devenir inspecteurs généraux, certains d’entre eux ayant aussi fait des travaux de recherche. Dans la troisième Ganot occupe une place très particulière puisqu’il n’enseigna sans doute que dans un cours privé 8.Dans le tableau 1 nous avons indiqué les normaliens par *, les agrégés par ° avec, chaque fois, l’année correspondante.

Les tirages

S’il est relativement facile de retrouver les titres et les auteurs en étudiant les collections des bibliothèques, il est beaucoup plus difficile de déterminer les nombres d’éditions et les quantités éditées ; par ailleurs certains manuels ont été traduits et utilisés à l’étranger, d’autres non.Compte tenu des nombreux exemplaires proposés actuellement à la vente, on peut raisonnablement dire qu’entre 1860 et 1900, deux manuels ont dominé l’édition en ce qui concerne les tirages, celui de Drion et Fernet et celui de Ganot.

Le tableau 1 mentionne, dans la mesure du possible, les dates des éditions et leur nombre, de nombreuses rééditions laissant supposer un certain succès de l’ouvrage. Les auteurs n’ont hélas pas tous, comme Adolphe Ganot en 1880, pris la peine de mentionner les tirages 9 :

Ces tirages sont sans doute exceptionnels, le manuel de Ganot ayant été un véritable succès éditorial mondial, utilisé à l’étranger en version française ou en version traduite dans de nombreuses langues.

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Trois versions du Ganot : en polonais, allemand, russe

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Tableau 2

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Le tableau 2 rassemble les différentes éditions du Traité et du Cours de Ganot, le Cours ayant servi à l’enseignement féminin. Pour chaque année, nous avons mentionné l’édition quand c’était possible, une croix indiquant une édition sans que l’on sache son numéro. Quand la même édition apparaît plusieurs fois, c’est qu’il s’agit d’une réimpression. Pour les éditions étrangères, nous avons chaque fois que possible indiqué l’édition française d’origine. Dans le cas des traductions anglaises, il y a deux traducteurs et les ouvrages ont été publiés sous des titres différents 10 : Introductory Course of Natural Philosophy for the use of High Schools and Academies, Course of Natural Philosophy for the use of Schools and Academies, traduits par W. Peck aux États-Unis. Elementary Treatise on Physics experimental and Applied for the use of Colleges and Schools, Natural Philosophy for General Readers and Young People, traduits par E. Atkinson en Angleterre.

Il nous a semblé aussi intéressant de regarder l’évolution des nombres de pages et de gravures des manuels. À peu près stables chez Drion et Fernet (870 pages en 1861, 880 en 1900, 700 gravures), ils augmentent fortement chez Ganot comme le montrent les courbes ci-dessous.

Pages et gravures du traité de Ganot

Les usagers

Ces indications ne nous donnent hélas guère de renseignements sur les usagers. Les traités du début du XIXème siècle s’adressent aux professeurs ; à propos de son ouvrage Haüy écrit : « Les Maîtres habiles qui l’auront entre les mains, plus faits que personne pour sentir la difficulté d’un pareil travail, le jugeront d’une part avec moins de sévérité, et suppléeront de l’autre à ce qui pourrait y manquer .» 11

Plus tard les ouvrages rédigés par les inspecteurs généraux ont sans doute été plus utilisés par les professeurs pour faire leur cours que ceux rédigés par un professeur peu connu. Cependant de nombreux exemplaires disponibles chez les bouquinistes montrent que les ouvrages de Drion et Fernet comme celui de Ganot ont été travaillés par de nombreux élèves qui y ont mentionné leur nom et leur classe et les ont annotés. L’innovation éditoriale, à partir de 1850, consistant à remplacer les planches de dessins groupés en fin de volume par de «nombreuses gravures sur bois intercalés dans le texte» a sûrement rendu les manuels beaucoup plus attractifs pour les élèves. Ils pouvaient y trouver les appareils décrits par leur professeur même lorsque le cabinet de physique de leur lycée n’était pas aussi bien doté que celui du lycée Guez de Balzac.

Françoise Khantine-Langlois

Université de Lyon, Lyon F-69003, FranceUniversité Lyon 1, EA1658, LIRDHIST, Villeurbanne, F-69622, France.

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1 - É. Guyon (dir.), L’École normale de l’an III. Leçons de physique, de chimie, d’histoire naturelle, Paris, éditions rue d’Ulm, 2006, p. 37.2 - R.-J. Haüy, Traité élémentaire de physique, Paris, Delance et Lesueur, 1803, p. xxviij.3 - N. Hulin-Jung, L’Organisation de l’enseignement des sciences. La voie ouverte par le Second Empire, Paris, CTHS, 1989.4 - Cité par C. Balpe, Enseigner la physique au collège et au lycée, Presses universitaires de Rennes, 2001.5 - C. Pouillet, Éléments de physique expérimentale. Paris, Bechet jeune, 1844, p. vi.6 - É. Péclet, Traité de physique, Paris, Hachette, 1838, t. 2, p. 582.7 - Repérer les ouvrages et les tirages des éditions actuelles est facilité par le numéro ISBN, mais celui-ci ne date que de 1972.8 - http://www.sfc.fr/Khantine-Langlois.F., Un siècle de physique à travers un manuel à succès : le traité de physique de Ganot, 9 - A. Ganot, Traité de physique, Paris, Ganot, 1880, 18e édition.10 - On trouve aussi Textbook on Physics being a short and complete Course based upon larger Work of Ganot for the use of Academic High Schools, Henry Kiddle (trois éditions en 1883, 1890, 1898).11 - Op. cit., p. xxix.

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carte postale, ca. 1900 (coll. particulière)

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Les instruments de physique au XIXème siècle,

du constructeur à la salle de classe

D’où proviennent les instruments de physique anciens qui emplissent encore quelques vitrines dans les cabinets de physique de certains lycées à travers la France ? Les lycées publics possédant les instruments les plus anciens sont généralement les lycées créés par Napoléon dans chaque chef-lieu de département. Lycées de garçons jusqu’au milieu du XXème siècle, ils remplaçaient les Écoles centrales, mises en place par la Révolution et souvent installées dans un collège d’Ancien régime. Quelques lycées, tel Louis-le-Grand à Paris, Hoche à Versailles ou Alain-Fournier à Bourges, ont ainsi recueilli des instruments du XVIIIème siècle provenant de collections aristocratiques saisies sous la Révolution puis attribuées aux Écoles centrales.

Au début du XIXème siècle, un nouveau marché s’ouvre aux instruments scientifiques. Dans les lycées publics et les écoles privées, l’enseignement scientifique se voit accorder une place nettement plus importante que sous l’Ancien régime. De nouvelles classes presqu’exclusivement scientifiques, les classes préparatoires aux écoles d’ingénieurs, s’ajoutent après le baccalauréat. La création des facultés des sciences en 1808, mais aussi d’écoles techniques secondaires et de diverses écoles d’ingénieurs au cours du siècle, accroît encore la demande d’instruments pour l’enseignement. Aux côtés des nouveaux professeurs de physique recrutés pour ces établissements, des préparateurs et des conservateurs de collections sont affectés pour entretenir les instruments et préparer les expériences de cours. Mais la plupart des instruments anciens de lycée, de Périgueux à Rennes, en passant par Charleville-Mézières, Angoulême ou Niort, ont été fabriqués au XIXème siècle par des constructeurs ayant pignon sur rue et vendant sur catalogue à ces multiples établissements d’enseignement, en France et à l’étranger. Certes le célèbre constructeur Ruhmkorff dont les instruments se retrouvent à travers toute l’Europe, n’avait pas de catalogue mais ses instruments étaient décrits suffisamment en détail dans tous les traités de physique en particulier le Ganot, une «bible» d’un millier de pages pour les professeurs.

Il ne s’agit plus alors de recourir à des instruments décoratifs, tels ceux que pouvait construire, ou faire construire, l’abbé Nollet au XVIIIème siècle pour les salons des amateurs fortunés. Ces instruments, destinés à l’enseignement, ont également peu à voir avec les instruments «historiques» tels que les impressionnants appareils de Lavoisier pour la synthèse de l’eau visibles au Musée des Arts et

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Métiers ou le télescope de Galilée conservé comme une relique au Musée d’histoire des sciences de Florence, deux hauts lieux de l’histoire de l’instrumentation scientifique. Nombre de ces instruments en revanche sont identiques à ceux qui étaient utilisés par les physiciens de l’époque, y compris au laboratoire de physique de la Sorbonne. La comparaison entre la photographie de ce laboratoire de la Sorbonne, où le professeur Henri Pellat est entouré de ses assistants et étudiants, et celle du cabinet de physique du modeste collège Saint-Thomas-d’Aquin à Oullins en témoigne (fig. 1, 2). L’auteur de la carte postale représentant ce cabinet vante sa collection à une jeune parisienne : «Je ne vous adresse cette carte Mademoiselle Simone, que pour vous convaincre de l’extrême facilité que vous auriez eue à devenir une physicienne distinguée avec tout le luxe d’appareils dont j’ai ici la jouissance…».

Les facultés des sciences se fournissent en effet auprès des mêmes constructeurs, sur les mêmes catalogues, ce qui explique qu’un certain nombre de professeurs de lycée ont pu mener des travaux de recherche avec des instruments de leur cabinet, éventuellement perfectionnés par leurs soins ou par leur préparateur. À côté des instruments didactiques destinés à illustrer les phénomènes et les lois physiques, en remontant jusqu’à l’Antiquité avec la vis d’Archimède, on trouve sur les catalogues de constructeurs d’autres types d’instruments. Les appareils de physique amusante sont majoritairement issus du répertoire des démonstrations publiques du XVIIIème siècle comme la fontaine de Héron, le carillon électrique ou le petit chasseur tirant une étincelle entre l’extrémité de son fusil et le centre d’une cible. S’y ajoutent au cours du siècle d’autres objets de divertissement comme le stéréoscope qui fait défiler des séries d’images en relief. Mais la frontière entre didactique et physique amusante reste floue dans le cas d’instruments comme l’étonnant double cône de Nollet qui, semblant remonter une pente, défie les lois de la gravité pour mieux les faire comprendre, ou le globe électrique reproduisant les lueurs mystérieuses des aurores boréales. Aux objets techniques anciens, modèles réduits de treuil, de haut-fourneau ou de machine à vapeur, graphomètre de l’expert géomètre, hygromètre du météorologue, rose des vents du navigateur, s’ajoutent au fur et à mesure de leur introduction dans la société : le télégraphe,

Fig. 1 - Le laboratoire de physique de la Sorbonne (coll. particulière) Fig. 2 - École Saint-Thomas-d’Aquin.

Le cabinet de physique (coll. particulière)

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l’appareil d’électricité médicale, l’appareil photographique, le téléphone, la dynamo, etc. Ici encore la frontière reste floue avec certains instruments comme le spectroscope qui peut être utilisé aussi bien dans une classe de lycée ou un amphithéâtre de faculté pour montrer les phénomènes de la réfraction et de la dispersion, que dans un observatoire astronomique pour analyser la lumière d’une étoile, dans un laboratoire de contrôle alimentaire pour déterminer la composition d’un produit afin de détecter une éventuelle fraude, ou encore sous une forme particulière dans un laboratoire d’hôpital pour une analyse de sang. Les listes officielles d’instruments adressées aux établissements par le ministère de l’Instruction publique témoignent de la grande diversité de ces instruments. Les catalogues richement illustrés des constructeurs vont encore au-delà avec leurs centaines d’appareils, souvent sous plusieurs versions pour une même fonction, retraçant toute l’histoire matérielle de la physique. En bref l’offre répond à la demande.

Pendant la première moitié du XIXème siècle, la plupart des constructeurs d’instruments scientifiques ont été formés comme artisans mécaniciens ou horlogers, comme Ruhmkorff, ou bien ont appris le métier dans l’atelier d’un constructeur. Leur collaboration avec les représentants de la physique française alors à son apogée, Ampère, Fresnel, Arago, Biot, Foucault, Malus ou Becquerel, les rapproche de la pratique scientifique. Ils installent leurs établissements au cœur de Paris, à quelques minutes à pied de la Sorbonne, de l’École polytechnique, des grands lycées parisiens, de l’Académie des sciences, etc. où exercent leurs clients. Mais c’est une relation infiniment plus complexe que celle de client à fournisseur qui s’instaure au cours du siècle. Ils connaissent bien les professeurs avec qui ils discutent des appareils à réaliser. Certains, comme Bourbouze, Ruhmkorff ou A. Gaiffe, occupent un certain temps la fonction de préparateur dans une institution d’enseignement supérieur. D’autres suivent les cours des professeurs pour qui ils travaillent afin de parfaire leurs connaissances scientifiques. Souvent ils se lancent dans des innovations en association avec un professeur. Des collaborations étroites se mettent ainsi en place, par exemple entre Fresnel et son constructeur Soleil, Fizeau et son constructeur Froment ou Foucault et son constructeur Breguet. L’atelier du constructeur devient un lieu de rencontre, voire un lieu d’expérimentation, dans le prolongement du laboratoire. Les professeurs, les préparateurs peuvent s’y retrouver, poser leurs questions techniques. Savants et constructeurs doivent en effet négocier pour atteindre un compromis entre le souhaitable et le réalisable.

Quant aux connaissances techniques spécifiques à l’instrumentation, elles se transmettent d’un constructeur à l’autre. Ainsi au début du siècle, Henri Gambey (1787-1847) accueille dans son atelier Gustave Froment (1815-1865), qui lui-même forme à son tour Eugène Ducretet (1844-1915). Sous l’instigation des exigences scientifiques, la technique est poussée vers le haut. Ce sont les constructeurs d’instruments scientifiques qui construisent des appareils tournant à des vitesses jamais atteintes afin de mesurer la vitesse de la lumière, qui créent des tensions électriques toujours plus élevées, qui sont les premiers à utiliser les nouveaux métaux ou alliages, etc. Ruhmkorff met au point la bobine qui porte son nom, Antoine Breguet étudie la dynamo de Gramme, Jules Carpentier réalise la caméra des frères Lumière, Eugène Ducretet effectue les premières expériences de télégraphie sans fil. Dans la seconde moitié du siècle, des constructeurs présentent des mémoires à l’Académie des sciences, ils deviennent membres de la Société française de physique, de la Société internationale des électriciens, et d’autres sociétés savantes ou techniques. Tandis que les constructeurs se rapprochent du monde et des valeurs des scientifiques, ces derniers défendent une pratique de la physique fondée sur l’expérience. Ainsi Jules Jamin, professeur à la Sorbonne et à l’École polytechnique, se félicite-t-il de la présence de nombreux constructeurs à la Société de physique où, affirme-t-il, «l’expérience et la pratique sont honorées à l’égal de la théorie». De fait les professeurs de physique français de la fin du siècle,

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Jamin, Branly, Pellat, Bouty ou Lippmann s’intéressent bien davantage au progrès technique et instrumental qu’aux avancées de la physique théorique alors discutées en Grande-Bretagne ou en Allemagne.L’étroite collaboration entre professeurs et constructeurs s’affiche lors des conférences publiques et des soirées scientifiques données sous le Second Empire, à la Sorbonne, au Conservatoire des arts et métiers ou dans des salles de spectacle privées. Des projections lumineuses et des expériences spectaculaires mettent en œuvre tout un arsenal parfaitement maîtrisé de bobines de Ruhmkorff géantes, d’appareils à décharges dans les gaz ou de réactions chimiques, devant des auditoires pouvant atteindre plus de mille personnes. Derrière le professeur, ce sont les constructeurs ou les préparateurs qui règlent la mise en spectacle des expériences.

À la fin du siècle, le développement des applications de l’électricité jusqu’alors limitées à la télégraphie, la galvanoplastie et l’électricité médicale, pose un nouveau défi aux constructeurs. Avec les débuts de la distribution de l’électricité dans les villes, pour l’éclairage et la force motrice, se produit un changement d’échelle et apparaît un besoin de standardisation. L’époque de l’ouvrier fabriquant son instrument de A à Z, parfois à son domicile, d’après un modèle, voire simplement suivant des indications orales, à la lime et au tour, est révolue. Jules Carpentier qui reprend en 1878 les ateliers Ruhmkorff à la mort de ce dernier, installe un bureau d’études, met en place la division du travail et la production en série (fig. 3). Carpentier représente une nouvelle génération de constructeurs : ingénieur de l’Ecole polytechnique, il veut bâtir une entreprise moderne. En bonne stratégie commerciale, il conserve le nom universellement connu des «Ateliers Ruhmkorff», qu’il fait suivre de la mention «J. Carpentier, Ingénieur-constructeur à Paris» et ajoute comme raison sociale : «Études et réalisations d’appoint dans toutes les disciplines». On retrouve cette double mention sur ses premiers instruments, comme la boîte d’ohms légaux (fig. 4) qui servait à vérifier l’étalonnage des résistances électriques du laboratoire. Il fallait en effet désormais suivre les instructions du congrès international des électriciens, tenu à Paris en 1881, qui fixa le «langage universel» des électriciens, c’est-à-dire la définition des unités électriques, et en premier lieu l’ohm, unité de résistance. L’électricité devenait une marchandise, qui se vend et qui s’achète, donc pour laquelle il fallait des appareils de mesure standardisés et contrôlés par le législateur à l’exemple des balances commerciales. Au début de sa carrière Carpentier collabore encore avec des savants comme le médecin Arsène d’Arsonval, professeur de médecine expérimentale au Collège de France qui lui décrit dans une lettre de 1880 son projet de galvanomètre. «Tout mon truc, écrit d’Arsonval, consiste à laisser fixe le système magnétique et rendre mobile le courant qu’il s’agit de mesurer». La dernière page de

Fig. 3 - Ateliers Ruhmkorff-Carpentier en 1881 (La Lumière électrique, 4, 1881, p. 281)

Fig. 4 - Boîte d’ohms légaux Ruhmkorff-Carpentier

(coll. lycée Guez de Balzac)

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cette lettre (fig. 5) illustre ce renversement dans la conception de l’appareil de mesure du courant électrique. En bas le schéma du galvanomètre de Marcel Deprez, le premier galvanomètre utilisé dans l’industrie, avec un circuit fixe et une partie en fer mobile autour d’un axe horizontal, l’«arête de poisson». En haut, l’idée de d’Arsonval avec un cadre conducteur mobile vertical. Et d’Arsonval d’ajouter : «Posez la colle à Deprez [un autre ingénieur électricien] pour voir si nous nous rencontrerons». Ce sera le fameux galvanomètre Deprez-d’Arsonval à cadre mobile, sur le principe duquel seront construits la plupart des ampèremètres industriels, et qui sera étudié et manipulé par tous les étudiants scientifiques jusqu’aux années 1960. Par la suite l’entreprise Carpentier étend sa fabrication aux caméras et aux pianos mécaniques, très en vogue à la fin du siècle.

Souvent considérés comme de simples fournisseurs d’appareils, les constructeurs ontdonc été des acteurs importants à la fois du développement scientifique et de laRévolution industrielle. Certes l’instrumentation scientifique constitue une branchemineure de l’industrie par le nombre de travailleurs (quelques centaines), les quantitésproduites ou les investissements en jeu. Mais c’est une industrie de pointe recourantaux innovations techniques et exportatrice tout au long du XIXème siècle. Lesexpositions de l’industrie nationale, puis les expositions universelles, constituent deslieux de confrontation et de stimulation pour les constructeurs qui y présentaient leursmeilleurs produits (fig. 6). Au cours du siècle, ils amènent l’industrie française desinstruments scientifiques au premier rang européen, qu’elle perdra à la veille de lapremière guerre mondiale au profit de l’Allemagne.

Quant à savoir ce qui se passait réellement dans les classes, c’est une chose difficile. Les instruments sortaient du cabinet de physique, contigü à la salle aux bancs en gradins, permettant aux élèves du fond de la classe de voir les objets déposés sur la longue table derrière laquelle officiait le professeur. Ce dernier décrivait l’instrument, en faisait au tableau un dessin que les élèves recopiaient dans leur cahier. Certaines expériences étaient réalisées devant les élèves, qui occasionnellement prêtaient la main pour aider le professeur. Mais les élèves ne manipulaient pas eux-mêmes les appareils, sauf lorsqu’un professeur autorisait un ou deux élèves particulièrement intéressés à pénétrer

Fig. 5 - Lettre d’Arsène d’Arsonval à Jules Carpentier décrivant le principe de son galvanomètre, 1880 (CDHT, CNAM)

Fig. 6 - Le stand Ruhmkorff-Carpentier à l’Exposition internationale d’électricité 1881

(La Lumière électrique, 7, 1882, p. 155)

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dans le cabinet de physique. La presse de vulgarisation scientifique, florissante à la fin du siècle, suscitait en effet un grand intérêt dans le public pour des inventions comme la télégraphie sans fil. Or le cabinet de physique du lycée était le premier lieu où l’on pouvait observer ces innovations. Mais on peut penser que nombre d’instruments complexes ou délicats à manipuler, telle la balance de Coulomb, étaient simplement exhibés et décrits comme constituant les preuves matérielles sur lesquelles s’appuient les lois fondamentales de la physique, l’équivalent pour les sciences des grands «classiques» pour les humanités. En tout état de cause, les élèves ne touchaient pas à ces instruments, les travaux pratiques pour les élèves ayant été introduits dans l’enseignement de la physique par la réforme de 1902. Finalement ces objets de laiton et de bois ont joué un rôle davantage culturel et symbolique, que d’initiation à la pratique scientifique.

Christine BlondelCNRS, Centre Alexandre-Koyré / CRHST

bibliographie

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1995-2006.Christine Blondel, Electrical instruments in 19th century France. Between makers and users, History and Technology, 13 (1997), p. 157-182.Christine Blondel, Entre l’électrophysiologie et l’électricité industrielle: le galvanomètre à cadre mobile, in A. Turner et al.(ed), Studies in the History of Scientific

Instruments, London, 1989, p. 179-191.Jacques Payen, Les constructeurs d’instruments scientifiques en France au XIXème siècle, Archives internationales d’histoire des sciences, 36 (1986), p. 84-161.

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Pierron, la maison du matériel éducatif depuis 1871

Pierron est aujourd’hui une enseigne bien connue dans le monde de l’éducation. Nos nouveautés didactiques font l’objet de discussions et de débats dans les salles de professeurs de France et d’ailleurs. Nos catalogues se consultent, se prêtent et se gardent, parfois comme des encyclopédies, depuis de très nombreuses années. Autant de nouveautés didactiques et autant de catalogues qui font l’histoire de Pierron depuis plus de 130 ans.

Le premier véritable catalogue de Pierron, « la maison du matériel éducatif » 1, est publié en 1932. Mais c’est entre 1871 et 1878, que Édouard Pierron fonde la maison Pierron, qui fait aujourd’hui partie des plus anciennes entreprises de matériel didactique au monde et qui est la seule, à être encore dirigée par l’arrière petit-fils de son fondateur. Malgré cette généalogie linéaire et apparemment sans anicroche, l’histoire du premier groupe européen fabricant de matériel pédagogique est intimement liée à l’histoire de l’Europe.

La «maison» Pierron est d’abord née dans la guerre. Chassé de son poste d’instituteur de l’école communale d’une petite ville de Lorraine (Château-Salins) après la Guerre franco-prussienne de 1870, Édouard Pierron fonde une petite librairie au service de ses anciens collègues. Dès l’origine, il entreprend la fabrication de petits matériels pédagogiques. En 1887, il achète sa première machine à imprimer et commence à produire des documents imprimés pour les écoles (cahiers de présence, carnets de notes, planches didactiques,…) 2. Antonin Pierron poursuit le travail de son père en développant sa production à destination des écoles de Lorraine, puis de France et fonde un second établissement à Sarreguemines (siège actuel du Groupe Pierron).

En 1929, Marcel Pierron reprend l’entreprise de son père avec son diplôme d’ingénieur chimiste, et publie son premier «catalogue de matériel scientifique et général à destination des écoles» (1932), mais l’histoire de l’Europe rattrape une nouvelle fois la maison Pierron : en 1939, c’est l’évacuation et le pillage de l’entreprise qui laisse Marcel Pierron sans machines ni ressources. En 1943, l’entreprise est bombardée et sera à nouveau pillée en 1944 ! L’euphorie de la paix laisse place au chantier de la reconstruction.

Dès 1946, parallèlement au développement des «Éditions de la Technique Moderne» (éditions de livres techniques et scientifiques à destination des écoles), Pierron lance la production de ses fameux Compendiums Scientifiques qui sont encore

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vendus aujourd’hui, bien que sous une forme différente. L’entreprise se développe vite dans l’Europe d’après-guerre, et en 1949, le catalogue «matériel technique Pierron pour l’école» propose une large gamme de : compendiums métriques, compendiums chimiques, «nécessaire électrique Pierron», cabinet de construction Pierron physica n°1, cabinet physique 1, 2 et 3 (avec pour citer quelques exemples : le bouillant de Franklin, l’appareil d’Ingenhousz, l’électroscope, le voltamètre, la pile Leclanché,…). En 1950, l’entreprise compte 130 personnes et ne cessera de grandir. Elle possède «[…] sa propre imprimerie typo et photomécanique, sa menuiserie, ses ateliers mécaniques, de travail du verre, d’installation électrique, de moulage, de peinture, son laboratoire de chimie, son atelier de préparations biologiques, son laboratoire de recherche, ses services d’éditions techniques, de librairie classique et sa fabrication de timbres en caoutchouc éducatifs». Pierron a toujours eu le souci d’améliorer et de développer sa production. Ainsi, l’entreprise multiplie ses références : cosmographe de Werner, troncs humains, rail de Laplace, roue de Barlow, machine à vapeur, moteur dynamo, pont de Wheastone, …

Les années cinquante marquent véritablement un tournant dans la vie de l’entreprise familiale qui accroît considérablement son offre et se positionne déjà parmi les leaders français de fabrication de matériel scolaire.

En 1964, fort de sa production originale, Pierron se lance dans l’exportation. Dix ans plus tard, l’entreprise exporte près de 40 % de sa production dans plus de 70 pays. La qualité et l’originalité des 7.000 références de l’offre Pierron confortent son développement en France et dans le Monde.

En 1976, Marcel Pierron laisse la place à son fils Jean-Marcel (actuel président du Groupe Pierron). L’entreprise Pierron s’installe dans une nouvelle usine moderne et investit dans ses outils de production. La mise en place d’un atelier d’injection, de mécanique et d’électronique permet le développement de nouveaux produits toujours plus élaborés et en phase avec l’évolution des savoirs.

Fort de sa position sur le marché français, l’entreprise familiale se tourne vers l’Europe qui construit son marché commun. Ainsi, entre 1989 et 2006, Pierron implante directement des filiales en Allemagne, en Espagne, en République Tchèque, en Pologne et au Portugal. En 2005, le Groupe Pierron implante aussi une filiale commerciale en Algérie. En outre, le Groupe développe

plusieurs filiales spécialisées en France 3. Ce réseau de filiales assure au Groupe une assise unique en Europe, faisant de Pierron : le premier groupe européen du matériel didactique.

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En 2006, Pierron représente près de 20.000 produits proposés à nos clients (de la maternelle aux premières années de l’enseignement supérieur) à travers près de 5.000 pages de catalogues réalisés dans une dizaine de langues. Notre groupe est présent dans près de 120 pays dans le monde et emploie 300 collaborateurs (dont plus de la moitié sur le site de Sarreguemines).

Aujourd’hui, Pierron fonde toujours son avenir sur le développement de produits en phase avec l’évolution des savoirs et avec le concours d’auteurs pédagogues issus du monde enseignant, mais aussi en partenariat avec des institutions scientifiques comme : le Palais de la Découverte, le Muséum National d’Histoire Naturelle, le Centre National des Arts et Métiers, l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg, Institut National de Recherche Agronomique….

Nous continuons à être fier et passionné d’apporter chaque jour notre pierre à la formation des générations futures. Les outils didactiques sont des vecteurs importants du savoir et du développement, ils permettent aux enseignants du monde entier d’exprimer et de transmettre leurs connaissances dans les meilleures conditions à des centaines de millions d’élèves.

Sébastien Pierron

1 - Appellation commerciale utilisée dans les années 30 par l’entreprise Pierron. 2 - Pierron conserve, en marge de son activité principale de fabricant de matériel didactique, une activité d’imprimeur (Pierron Impression) et une activité d’éditeur régional (éditions Pierron).3 - Citons entre autres, Pierron Médical et Pierron Technique pour l’enseignement professionnel, les Éditions DPF et SORAL pour l’enseignement des Sciences Humaines dans les établissements secondaires, ou encore, ASCO et CELDA pour l’enseignement Maternel et Elémentaire.

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