La pleine divinité de Jésus Christ selon l'Epître aux Philippiens

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  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

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    La pleine divinit de Jsus Christselon

    l'Eptre aux Philippiens

    Deux homlies

    de St Jean Chrysostome

    (Homlie 6 et 7 sur l'ptre aux Philippiens)

    Traduction de Jeannin, 1864,

    revue sur celle de l'abb Bareille, Tome 9, 1872

    2010

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    Soyez dans la mme disposition

    et dans le mme sentiment o a t Jsus-Christ,qui tant dans la forme de Dieu,

    n'a pas cru que ce ft pour lui une rapine et une usurpationd'tre l'gal de Dieu, mais qui cependant s'est ananti,

    prenant la forme de l'esclave(Phil 2.5-6)

    Rsum de l'homlie 6.1-4 Exorde : Jsus-Christ propos par lui-mme et par saint Paul comme modle de charit. Les ennemis de l'Incarnation nomms, leurs hrsies dvoiles, leurs impits d'avancerfutes par le texte de saint Paul.- Rfutation spciale de Sabellius et d'Arius. Le Fils

    n'est pas un petit Dieu, infrieur au Pre. Jsus-Christ a pu se croire Dieu, "sans rapine",puisqu'il l'est: l'orateur profite de ce texte, pour tablir la fois la nature divine de Jsus-Christ, et l'essence de l'humilit. Il explique les mots : "en forme de Dieu".4-6. Judas perverti par l'avarice : craignons de succomber sous cette passion. Mammon et

    Jsus-Christ se disputent le monde. L'enfer au bout de l'avarice. Pourquoi l'orateur parlede l'enfer.

    Rsum de l'homlie 7.1. Le Seigneur Jsus ne craignant pas qu'on l'accust de rapine pour son titre et sa nature

    d'gal de Dieu, ne craint pas de dposer ce titre, de cacher cette nature. Il s'anantit par

    humilit et non par ncessit.2. Il est fait semblable l'homme, parce qu'il en prend la nature, mais non, comme le veut

    Marcion, par un faux semblant d'incarnation. Il s'anantit, mais sans cesser d'tre Dieu,

    comme le voudraient Paul de Samosate et Arius.3 . Son incarnation ne nuit pas sa nature divine. Son obissance humble jusqu' la mort

    de la croix n'empche pas son galit avec Dieu le Pre.4. Grandeur du nom de Jsus, qui lui a t donn en rcompense.5 et 6. L'humilit nous lve au-dessus de nous-mmes. L'orgueil nous ravale au-dessous de

    la brute.

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    Sixime homliesur l'ptre aux Philippiens

    1. Lorsqu'il veut lever ses disciples aux plus grandes vertus, Notre-Seigneur Jsus-Christ leur propose en exemple, les prophtes, son Pre et lui-mme, disant tantt :"Ainsi ont-ils trait les prophtes qui ont vcu avant moi". Tantt: "Apprenez de moi que jesuis doux." (Matth. V, 12 et XI, 29) ; et ailleurs : "Soyez misricordieux comme votre Prequi est dans le ciel". (Luc, VI, 36.)

    Paul ne suit pas une autre mthode. Pour dcider les Philippiens la pratique del'humilit, il met en scne Jsus-Christ ; et ce n'est pas seulement pour cette vertu,c'est aussi pour expliquer la charit envers les pauvres, qu'il rappelle ce grandmodle en ces termes "Vous connaissez la grce de Notre-Seigneur Jsus-Christ, qui pournous s'est fait pauvre, alors qu'il tait si riche !" (II Cor. VIII, 9.) Il n'est rien, en effet, quiincite une me grande et sage la pratique du bien, comme de lui faire comprendreque ses oeuvres la rendront semblable Dieu. Quel motif vaudra jamais celui-l pourdcider une volont ? Paul le savait, aussi pour amener ses lecteurs l'humilit, il acommenc par les prier et par les conjurer ; puis il a employ les parolesencourageantes: "Vous persvrez", disait-il, "dans un seul esprit" ; et encore : "Ce qui estune preuve de leur perdition, et de votre salut". (Philip. I, 27.) Mais il arrive enfin songrand moyen de persuasion: "Soyez dans la mme disposition et dans le mme sentimento a t Jsus-Christ, qui tant dans la forme de Dieu, n'a pas cru que ce ft pour lui unerapine et une usurpation d'tre l'gal de Dieu, mais qui cependant s'est ananti, prenant la

    forme de l'esclave (5, 6)".Mes frres, appliquez-vous, je vous en prie, levez vos mes. Comme un glaive double tranchant, de quelque ct qu'il frappe, au milieu mme d'innombrablesbataillons, les rompt facilement et les dtruit, parce que, tranchant des deux cts, ilprsente partout son tranchant auquel rien ne rsiste : ainsi en est - il des paroles duSaint-Esprit. Oui, par la force de ces paroles, les disciples d'Arius d'Alexandrie, dePaul de Samosate, de Marcel le Galate, de Sabellius l'Africain, de Marcion lePontique, de Valentin, de Mans, d'Apollinaire le Laodicen, de Photin, deSophronius, tous les hrtiques, sans exception, sont tombs sous les coups de Paul.Invits au noble spectacle de leur dfaite, convis voir toutes leurs troupesrenverses d'un seul coup, rveillez-vous, pour ne pas perdre un seul instant de cespectacle divin. Car enfin, si dans les courses des chevaux et des chars, le plus beaucoup de thtre pour vous est de voir un des chars vaincre d'un lan triomphal tousles chars rivaux et leurs conducteurs, et parmi ces vhicules renverss, et au milieude ses adversaires encore sur le sige, arriver seul jusqu' la borne, jusqu' la barriredu combat, alors que de toutes parts clatent les applaudissements, et que lesclameurs s'lvent jusqu'aux cieux ; alors que le vainqueur, qui la joie et lesapplaudissements semblent donner des ailes, achve avec ses coursiers de parcourirle stade : combien plus n'prouverez-vous pas de bonheur, aprs qu'aids de la grcede Dieu, nous aurons culbut les bataillons des hrsies et les machines de guerre du

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    dmon avec leurs cuyers eux-mmes, qui ne seront plus ensemble qu'un monceaude ruines ?

    Mais, s'il vous plat, plaons en ordre toutes ces hrsies.Quel ordre adopterons-nous, celui de leur impit, ou celui des temps ? Suivons

    plutt celui des temps ; car, au point de vue de l'impit, il serait difficile de lesclasser.Commenons donc par Sabellius l'Africain. Que dit-il ? "Pre, Fils, Esprit-Saint, troisnoms et rien de plus, dsignant une seule personne".Marcion le Pontique nie que le Dieu qui a cr toutes choses soit bon ; il ne veut pasnon plus qu'il soit pre du Christ, qui est bon ; il en imagine un autre qui est juste,selon lui ; quant au Fils, il ne s'est pas incarn pour nous.Marcel, Photin, Sophronius prtendent que le Verbe est une "nergie", et que cettenergie habite dans cet homme qui est n de la race de David, mais que ce n'est pasune substance hypostatique.Arius le reconnat comme Fils, mais de nom seulement. C'est une crature, dit-il, etbien infrieure au Pre.Les autres hrtiques refusent une me Jsus-Christ.

    Voyez -vous tous les chars en ligne ? Voyez maintenant l'Aptre les culbutant tous la fois, d'un seul coup, d'un seul lan !Et comment les a-t-il renverss ? "Prenez en vous", dit-il, "les sentiments de Jsus-Christ,qui tant dans la forme de Dieu a cru, sans usurpation aucune, tre l'gal de Dieu".C'est assez pour briser Paul de Samosate, et Marcel ; et Sabellius. Car il le dclare :" Jsus-Christ tait dans la forme de Dieu". S'il tait dans cette forme, comment donc,impie, oses-tu dire qu'il a commenc en Marie, et qu'auparavant il n'tait pas ?Comment encore ne serait-il qu'une "nergie ?" Car s'il dit: "Dans la forme de Dieu", ildit aussi: "Dans la forme d'esclave". L'esclave en bonne forme, n'est-ce que la force del'esclave, ou l'esclave en nature ? Certainement, rponds-tu, c'est l'esclave en nature.Donc aussi la forme de Dieu, c'est la nature de Dieu, et non une simple "nergie".Ainsi succombent Marcel le Galate, Sophronius et Photin.

    2. A Sabellius, maintenant. L'aptre dit "Comme il tait dans la forme de Dieu, il n'a pascru que ce ft une usurpation pour lui, que d'tre l'gal de Dieu". Or il n'est pas questiond'galit dans une seule personne, on est gal quelqu'un d'autre. Vous voyez doncici la substance, l'hypostase de deux personnes, et non pas de vains noms qui nes'appliquent pas des ralits. Par l mme, le Fils unique vous apparat existantavant tous les sicles. Mais cela suffit contre ces adversaires.

    Contre Arius, que dirons-nous ? Il fait le Fils d'une autre substance que son Pre.Hrtique, rponds-moi : que veut dire cette proposition : "Il a pris une forme d'esclave?" Il s'est fait homme, me rpond-il. Donc aussi, puisqu'il tait dans "une forme deDieu", il tait Dieu ; car dans les deux textes se trouve cette expression de "forme". Sice mot est vrai dans un cas, il l'est aussi dans l'autre: la forme d'esclave ici, c'estl'homme en sa nature donc aussi la forme de Dieu, c'est Dieu dans sa nature. L'aptre

    ne s'en tient pas l ; mais comme Jean l'vangliste, il atteste la parfaite galit de

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    Jsus-Christ avec Dieu, et montre qu'il n'est en rien infrieur au Pre "Il a jug pouvoirsans usurpation s'galer Dieu ".

    Toutefois, n'ont-ils pas ici quelque subtilit nous opposer ? Le texte, disent-ils,affirme prcisment le contraire. D'aprs eux, le Christ dclare qu'tant dans la forme

    de Dieu, il n'a pas usurp l'honneur d'tre gal Dieu. Mais s'il tait Dieu, concluent-ils, comment aurait-il pu usurper ce titre ?Peut-on entendre un langage plus absurde ? Dirait-on jamais ceci, par exemple,"tant homme, il n'a pas usurp sa qualit d'homme" ? Et comment serait-il possibled'usurper ce qu'on est ?Vous n'y entendez rien, rpondent-ils ; voici comment vous devez comprendre letexte : comme le Fils tait Dieu d'une manire infrieure, il n'a pas usurp l'galitavec le grand et suprme Dieu.Ainsi, pour vous, il y a un Dieu grand et un Dieu petit ! Voil que vous introduisez lepaganisme dans l'glise. Chez les paens, en effet, on diffrencie entre grandes etpetites divinits ; en est-il de mme chez vous ? Je l'ignore. Dans les critures, dumoins, vous ne trouverez nulle part rien de pareil : partout le grand, nulle part unpetit. Car ds qu'il est petit, comment est-il Dieu ? S'il n'y a pas, vrai dire, d'hommepetit et d'homme grand, mais une seule nature d'homme ; si tout ce qui n'a pas cettenature, n'est pas homme, comment s'est-il trouv un Dieu grand et un Dieu petit endehors de la nature divine ? Qui est petit, n'est pas Dieu: car partout nos saints livresle proclament grand : "Le Seigneur est grand", dit David, "et dpasse toute louange". Il ledit du Fils aussi, car partout il l'appelle son Seigneur. Ailleurs il s'crie : "Tu es

    grand, tu fais des merveilles, tu es le seul Dieu". Et encore : "Notre Seigneur est grand, grande est sa puissance ; sa magnificence est sans limites". (Ps. XLVII, 1 ; LXXXV, 10 ;CXLIII, 3.)Tout cela est dit du Pre, rpliquent-ils ; le Fils est petit.C'est vous qui le dites, mais l'Ecriture tient un langage oppos : ce qu'elle dit du Pre,elle le dit aussi du Fils. coutez la parole de Paul : "Nous attendons la bienheureuseesprance, et l'avnement de la gloire de notre grand Dieu". (Tit. II, 13.) L'avnement ! Est-ce du Pre qu'on dit cela ? Or, pour vous condamner mieux encore, il a ajout .L'avnement "du Dieu grand". Cette phrase a-t-elle jamais t dite du Pre ? Jamais !Au reste, ce qu'il ajoute ne permet point un tel sens "L'arrive de notre grand Dieu etSauveur Jsus -Christ". Voil donc le Fils aussi dclar grand ! sur quoi donc reposevotre distinction ? coutez encore un prophte qui l'appelle "L'Ange du grandconseil". Qu'est- ce que l'Ange du grand conseil ? N'est-il pas grand lui-mme ? Celuiqui est le "Dieu fort", ne serait pas grand, mais petit ? Comment ces impudents etcriminels sectaires osent-ils abuser des mots, jusqu' dire. Un petit Dieu ? Souvent jerapporte leurs propres termes, pour vous apprendre les viter.C'tait un petit Dieu, disent-ils ; et il n'a pas t jusqu' usurper le mme rang que legrand. Qu'est ceci ? dites-moi ; (cependant, n'allez pas croire que ces parolesabsurdes soient de moi !) Mais d'aprs leur opinion, le Fils tait petit, et bien infrieuren puissance son Pre : ds lors, comment aurait-il usurp l'galit avec Dieu lePre ? Une nature infrieure ne peut, quelque usurpation qu'elle fasse, devenir unenature suprieure. Ainsi l'homme ne pourra jamais se faire l'gal de l'ange ; le chevalne pourrait, le voult-il, arriver tre selon la nature gal l'homme.

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    Mais, assez sur cela, et venons-en autre chose.Que se propose Paul en nous donnant le Christ comme modle ? Vous me rpondrezqu'il veut conduire les Philippiens l'humilit. Mais alors, pourquoi nous proposerce modle ? Ds qu'on veut exhorter l'humilit, on ne s'exprime pas ainsi. On ne ditpas "Soyez humble, n'ayez pas de vous-mme des sentiments aussi avantageux queceux de vos gaux ; prenez modle sur cet esclave ; il ne s'est pas rvolt contre sonmatre ; imitez-le !" A un tel propos, vous rpondriez : "Sa rvolte ne serait que del'arrogance, et l'on n'est pas humble parce qu'on s'en abstient !"Aussi, apprenez donc, vous qui tes entran par un orgueil diabolique, ce que c'estqu'humilit:Oui, en quoi consiste l'humilit ? A n'avoir que d'humbles sentiments. Or, celui quiest humble par ncessit n'a pas pour autant d'humbles sentiments ; le vrai humbles'humilie lui-mme. Je veux vous claircir ce point, appliquez-vous. Si, pouvant avoirdes sentiments levs de lui-mme, un homme veut n'en avoir que des modestes, ilest humble de coeur. Mais quiconque n'a des penses humbles que parce-qu'il nepeut en avoir de magnifiques, n'est certainement pas humble. Par exemple, quel'empereur se soumette son sujet, voil l'humilit de coeur, puisqu'il descend de sonrang suprme ; par contre, que le sujet s'incline devant lui ne signifie pas qu'il soithumble pour autant dans la mesure o il n'est pas descendu d'une plus hauteposition. Il n'y a vraiment aucune place au sentiment de l'humilit, si vous ne pouvezmme pas tre humble. Qu'un homme soit rabaiss malgr lui et par ncessit, cettesoumission, bonne en elle-mme, n'est pas attribuable ses sentiments, sa volont,mais la ncessit. Or l'humilit de l'me ( tapeinophrosune), est unmot qui, par lui-mme, dit abaissement volontaire de l'esprit.3. Dites-moi, voudriez-vous louer pour son amour de la justice l'homme qui secontient dans les limites de ses proprits, mais qui n'a aucun moyen de prendrecelle d'autrui ? Non, et pourquoi ? C'est que la ncessit dtruit le mrite et empcheque l'on juge de sa volont. Dites-moi encore : vanterez-vous, comme tranquille etpaisible, le citoyen qui reste dans la vie prive tout en sachant qu'il n'a aucun moyende parvenir s'emparer d'un pouvoir, d'un trne ? L encore, non : il n'y a pas placeau mrite. Car le mrite, laissez-moi dissiper votre ignorance profonde, ne consistepas s'abstenir en pareil cas, mais pratiquer son devoir. L'abstention ainsi entenduene mrite certes pas le blme, mais n'arrive pas non plus jusqu' mriter l'loge.Voyez plutt comment Jsus-Christ lui-mme motive la louange des lus : "Venez, lesbnis de mon Pre ; possdez le royaume qui vous a t prpar ds la cration du monde ; car

    j'ai eu faim, et vous m'avez donn manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donn boire".(Matth. XXV, 34,35.) II ne dit pas: Car vous n'avez pas dsir le bien d'autrui ou carvous n'avez pas vol ; ce serait trop peu de chose ; mais: Vous m'avez vu avoir faim,et vous m'avez nourri. Qui donc a jamais parl de la sorte de ses amis ou de sesennemis ? Quelqu'un a-t-il jamais lou Paul ? Et pourquoi parler de Paul, quelqu'una-t-il jamais fait de qui ce que soit l'loge que vous, hrtique, vous faites de Jsus-Christ, lorsque vous dites : "II n'a pas usurp une dignit qui ne lui appartenait pas" ?Un tel loge n'est-il pas un tmoignage de perversit ?Et pourquoi cela ? C'est qu'on donne ordinairement aux malfaiteurs des complimentsngatifs, tels que celui-ci : "Que celui qui volait, ne vole plus dsormais". (Ephes. IV,28.) On ne parle pas sur ce ton aux honntes gens. On ne s'avise pas de louer celui

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    qui ne s'est pas injustement empar d'une dignit qui ne lui appartenait pas : quellefolie serait-ce de le vanter ainsi ?

    D'ailleurs..... Mais appliquez-vous, je vous prie, mon raisonnement se prolonge... Quivoudrait prendre un tel exemple pour enseigner l'humilit ? Il en faut de plus

    remarquables, de mieux appropris au but que nous nous proposons. On ne va paschercher pour cela des choses trangres. Voyez plutt Jsus-Christ exhortant fairedu bien mme ses ennemis ; il se sert d'un frappant exemple, celui du Pre "qui faitlever son soleil sur les bons et sur les mchants, et tomber sa pluie sur le juste et surl'injuste". (Matth.V, 45.)Veut-il exhorter la douceur, il se pose en exemple :"Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur" (Jean, XIII, 14) ; et ailleurs : "Si j'ai

    fait ainsi pour vous, moi votre Seigneur et votre Matre, combien plus devez-vous le fairevous-mmes ?" (Matth. XI, 29.) Voyez-vous quel modle il choisit ? Il ne faut pas eneffet qu'un modle soit infrieur : c'est l une rgle que nous gardons nous-mmes.

    Or, dans la question prsente, l'exemple, du moins tel qu'il est entendu par leshrtiques, n'approche mme pas du terme o il doit nous conduire.Comment cela ? C'est que, si vous me proposez un esclave comme modle, c'est untre de condition infrieure, qui est soumis par droit un plus grand que lui : il n'y apas l d'humilit. C'est le contraire que vous deviez faire ; il fallait nous montrer unplus grand obissant un plus petit. Mais comme l'aptre ne trouvait en Dieu rien desemblable, je veux dire, une personne plus grande et une autre moindre, il a tablileur parfaite galit.Si le Fils avait t infrieur au Pre, son exemple ne valait plus et ne pouvait servir saint Paul pour commander l'humilit. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'humilit

    ne pas attaquer plus grand que soi, ne pas usurper une dignit, obir jusqu' lamort.Souvenez-vous, d'ailleurs, d'une recommandation qui accompagne cet exemple.Saint Paul disait tout l'heure : "Que chacun de vous par esprit d'humilit croie les autresau-dessus de soi". "Que chacun croie", dit-il ; en effet, puisqu' l'gard de la naturevous tes une mme chose, et que la grce que vous avez reue de Dieu vous rendtous gaux, l'humilit ne peut plus tre que dans les sentiments. Mais quand il parlede plus petits et de plus grands, il ne dit plus : Supposez et croyez ; mais : Honorezceux qui sont au-dessus de vous ; c'est sa parole dans un autre passage : "Obissez vos suprieurs et soyez-leur soumis". (Hbr. XIII, 17.) Au cas actuel, saint Paul demandela soumission d'aprs la nature mme des choses ; tandis qu'au cas prcdent, elledoit venir de notre libre jugement. "Que chacun par un sentiment d'humilit croie lesautres au-dessus de soi" : et c'est bien l ce qu'a fait Jsus-Christ lui-mme.

    Ces rflexions suffisent renverser le systme hrtique.Il nous reste exposer notre doctrine.

    Auparavant rsumons ici cette controverse : Non, Paul, conviant les fidles lapratique de l'humilit, n'a pas produit l'exemple d'un infrieur obissant unsuprieur. S'il avait voulu prcher simplement l'obissance, celle que des serviteurs

    doivent leur matre, rien de mieux ! Mais lorsqu'il s'agit d'engager des hommeslibres de s'abaisser devant ses gaux, que peut faire en pareil cas la soumission de

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    l'esclave son matre, de l'infrieur envers son suprieur ? Aussi bien n'a-t-il pas ditque le plus petit obisse au plus grand ; mais obissez-vous les uns aux autres, bienque vous soyez d'gale dignit. "Croyez les autres au-dessus de vous". Pourquoi n'a-t-ilpas pris l'exemple de la femme ? "De mme que la femme obit son mari, aurait-ildit, ainsi vous-mmes obissez". S'il n'a pas apport l'exemple des poux, entrelesquels, aprs tout, se trouve galit et libert ; s'il l'a vit, parce qu'il s'y rencontrecependant une certaine dpendance, combien moins aurait-il mis en avant l'exemplede l'esclave ?

    Au reste, j'ai commenc par faire remarquer qu'on ne louera personne, qu'on nevoudra pas mme citer qui que ce soit, pour le seul mrite de ne pas tre un criminel.Pour clbrer la chastet d'un homme, on n'ira pas dire qu'il ne fut pas adultre ;mais bien qu'il a respect sa propre pouse. S'abstenir d'actions honteuses ne sera

    jamais nos yeux un sujet de gloire ; la gloire ici serait ridicule. J'ai dit aussi que la forme d'esclave tait relle et que rien n'y manquait, d'o j'aiconclu que la forme de Dieu n'tait ni moins relle, ni moins complte. Maispourquoi est-il dit, non pas qu'il a t fait dans la forme de Dieu, mais qu' "il y tait ?"Cette expression quivaut celle-ci : "Je suis celui qui suis". La forme, en tant queforme, annonce identit de nature ; il ne se peut que la forme soit la mme quandl'essence est diffrente ; que, par exemple, l'homme ait la forme anglique ; que labrute ait la forme humaine. Alors, concluez : Qu'est-ce que le Fils ?

    En nous, qui sommes d'une nature complexe, la forme s'attache au corps ; mais dansun tre absolument simple et sans mlange aucun, elle ne peut s'attacher qu'l'essence. Et si, parce que le texte porte "en forme de Dieu (1)", ( = nmorph Thou), sans article, vous prtendez que le Pre n'est pas dsign ici, je vousmontrerai beaucoup d'autres passages o le Pre est dsign par le mot Dieu sansarticle. Et mme, pourquoi dans d'autres passages alors que celui-ci m'en donne unepreuve immdiate : il n'a pas cru tre usurpateur, quand il s'est cru l'gal "de Dieu",et non pas "du" Dieu (Th simplement, et non pas "t Th") ; il n'a pas mis l'article,bien qu'il parlt du Pre.

    J'en dirais volontiers encore plus ; mais je crains de fatiguer vos esprits. Du moinsque vos mmoires retiennent ce que nous avons dit pour renverser les systmesennemis. Arrachons les pines, puis nous smerons la bonne semence, aprs avoirdtruit les ronces maudites et rendu la terre de nos coeurs un champ libre et repos; il lui faut, en effet, dpouiller toute la vgtation vicieuse des doctrines trangres,pour qu'elle puisse ensuite recevoir avec pleine vertu les divines semences.

    4. Rendons grces Dieu pour l'instruction que nous venons d'entendre ;demandons-lui qu'il nous accorde de la garder et de la retenir, afin que, peuple etprdicateur, en recueillent la joie, et les hrtiques la confusion. Supplions-le qu'ildaigne aussi, pour la suite de ce discours, nous ouvrir la bouche, et nous inspirerpour l'instruction des moeurs. Prions-le qu'il nous donne une vie digne de notre foi,afin que, vivant pour sa gloire, nous ne fassions jamais par notre faute blasphmerson saint nom. "Malheur vous", est-il crit, "parce qu' cause de vous le nom de Dieu estblasphm".

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    Si, lorsque nous avons un fils, (et que pouvons-nous avoir de plus proche qu'un fils?) et qu'il nous attire l'humiliation et l'insulte, nous le renions, nous le repoussons,nous n'avouons pas qu'il nous appartienne : combien plus forte raison Dieurepoussera-t-il et frappera-t-il de sa colre des serviteurs ingrats qui provoquentcontre lui blasphmes et outrages ? Et devenus les objets de cette aversion, de cettehaine de Dieu, qui donc recevra, qui protgera ces misrables ? Personne, si ce n'estSatan et les dmons. Et cette proie du dmon, quel espoir de dlivrance lui reste ?Quelle consolation dans sa triste vie ?Tant que nous sommes dans la main de Dieu, nul ne peut nous en arracher, tant elleest puissante. Mais une fois tombs hors de cette main, de cette puissance secourable,nous sommes perdus, exposs en proie tous les ravisseurs, jets sous tous les piedsqui voudront nous fouler, pareils des murs croulants, une haie renverse. Quandla muraille est faible, chacun facilement lui donne l'assaut ; et ce que je vais dire de

    Jrusalem, ne s'applique pas seulement la cit sainte, mais, sachez-le, touthomme.Or, qu'est-il crit de Jrusalem ?"Je chanterai au peuple que j'aime le cantique que mon bien-aim a compos pour sa vigne.

    Mon bien-aim avait une vigne sur une colline, dans un lieu fertile. Je l'ai close, je l'aienvironne d'un foss, et j'ai plant un cep de Sorech ; j'ai bti une tour au milieu, j'y aiconstruit un pressoir, et j'ai attendu qu'elle me produist des raisins, et elle n'a produit quedes pines. Maintenant donc, vous, habitants de Jrusalem, et vous, hommes de. Juda,soyez juges entre moi et ma vigne. Qu'ai-je d faire de plus ma vigne, et que je n'aie

    point fait ? Car j'ai attendu qu'elle produist du raisin ; elle n'a produit que des pines. Maintenant donc je vous montrerai ce que je veux faire ma vigne. J'en arracherai la haie, etelle sera expose au pillage ; j'en dtruirai la muraille, et elle sera foule aux pieds. Et

    j'abandonnerai ma vigne ; elle ne sera plus taille ni laboure ; les pines y monteront, commedans une terre inculte, et je commanderai aux nues de ne plus lui pancher leurs ondes. La vigne du Seigneur des armes,. c'est la maison d'Isral, c'est l'homme de Juda, autrefoisson plant choisi. J'ai attendu qu'ils fissent des actions de droiture, ils n'ont en faute quel'iniquit ; et au lieu de la justice que j'attendais, j'entends la clameur qui les accuse ". (Isae,V, 1-7.)Toute me trouve ici sa leon. Car lorsque le Dieu de toute bont a combl la mesurede ses bienfaits ; et que l'me, au lieu de raisin, a produit les pines, Dieu arrache lahaie, dtruit le mur, et nous sommes en proie aux ravisseurs. Ecoutez comment etavec quelle douleur un autre prophte a dpeint cet tat : "Pourquoi, mon Dieu, as-tu

    dtruit sa muraille ? Pourquoi est-elle ravage par tous les passants du chemin ? Le sanglierde la fort l'a dvaste ; toute bte sauvage y a pris sa pture". (Ps. LXXIIX, 13, 14.) Sansdoute, il parle plus haut du Mde et du Babylonien ; mais ici il ne le dsigne mmepas. Ce sanglier, cette bte solitaire et sauvage, c'est le dmon et ses puissancesinfernales. "Solitaire et sauvage sanglier" dsigne et dpeint son impuret et safrocit. Pour donner une image de ses instincts rapaces, les saints livres lecomparent au "lion qui rde en rugissant, cherchant qui il pourra dvorer". (I Pierre, V, 8.)Pour nous signaler ses poisons dangereux et mortels, ils l'appellent serpent etscorpion. "Foulez aux pieds", est-il dit, "les serpents, les scorpions, et toute la puissance del'ennemi". (Luc, X,19.) Pour nous faire comprendre la fois son poison et sa force, ils

    le nomment dragon ; ainsi dans ce passage : "Le dragon que tu as fait pour s'y jouer".(Ps. CIII, 26.) Au reste, dragon, serpent, aspic, sont des noms que l'Ecriture lui donne

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    partout ; comme une bte tortueuse, d'aspects varis et de force redoutable, quiagite, trouble, bouleverse toutes choses dans les hauteurs comme dans les abmes.Toutefois ne craignez pas, ne perdez pas courage ; veillez seulement, et il ne sera plusqu'un faible passereau. "Foulez aux pieds", a dit le Seigneur, "les serpents et lesscorpions". Lui-mme, si nous le voulons, le jettera sous nos pieds comme une vilepoussire.5. Mais qu'il est ridicule, ou plutt qu'il est malheureux de voir qu'un tre destin ramper sous nos pieds, plane en vainqueur sur nos ttes ! Et comment cela se fait-il ?Par notre faute ! Il grandit, si nous voulons ; et si nous voulons, il se rapetisse. Soyonsbien nos intrts, serrons-nous autour de notre Roi : ds lors, il s'amoindrit, et n'apas plus de pouvoir contre nous qu'un petit enfant. Mais si nous nous loignons denotre Roi suprme, il se redresse, il frmit, il aiguise ses dents homicides, parce qu'ilnous trouve privs de ce puissant auxiliaire. Il n'attaque, en effet, que dans la mesureque Dieu permet. S'il n'osait, par exemple, envahir un troupeau de pourceaux, avantque le Seigneur ne lui en et donn permission, bien moins le ferait-il sur les meshumaines. Dieu permet ses attaques, d'ailleurs, ou pour instruire, ou pour punir, oumme pour glorifier davantage ses lus. Voyez-vous, par exemple, que loin deprovoquer Job, le dmon n'osait mme approcher de lui, qu'il le craignait, qu'iltremblait ?Mais pourquoi parler de Job ? Judas, Judas lui-mme ne devint la proie du dmon etson entire conqute que quand Notre-Seigneur eut retranch ce tratre du collgesacr des aptres. Jusque-l Satan le tentait au dehors, et n'osait faire irruption jusquedans son me. Mais ds qu'il le vit retranch du saint troupeau, il l'attaqua plusfurieusement qu'un loup ne ferait jamais, et il ne lcha cette proie qu'aprs lui avoirdonn une double mort.Ce douloureux chapitre a t, du reste, crit pour notre instruction.Qu'avons-nous gagn savoir que Jsus-Christ a t trahi par l'un des douze ? Quelest ici notre profit, quel est notre avantage ? Il est grand, vous rpondrai-je. Si nouscomprenons bien le motif, qui le dtermina un pareil complot, nous veillerons nepas nous laisser entraner par une cause semblable.Comment donc Judas en vint-il se perdre ? Par avarice. Il tait voleur, et cettemaladie le rendit fou au point de lui faire livrer Notre-Seigneur pour trente picesd'argent. Quelle plus honteuse folie ! rien au monde n'galait, rien ne pouvait valoirl'objet sacr de cette trahison ; et "Celui" devant qui les nations sont comptes commeun nant, il le livre pour trente pices d'argent ! Voici comment est lourde la tyranniede l'avarice, voici comment elle est capable de dgrader une me ! L'ivresse mmeproduit dans l'me un dlire moins grand que l'avarice. La folie, la stupidit frappentmoins fort que la passion de l'argent. Car, dis-moi, Judas, quelle raison a dtermin taperfidie ? Alors que tu tais obscur et inconnu, tu fus appel par le Seigneur, plac aurang des douze ; il te communiqua sa doctrine, il te promit des biens inapprciables,il te fit produire des miracles mme ; sa table, ses voyages, sa conversation, ilpartageait tout avec toi, comme avec tes collgues de l'apostolat. Tant de bienfaits nesuffirent donc pas t'arrter ? Quel si grand mobile alors te rendit tratre ? Avais-tudonc le moindre sujet de plainte ; ou plutt quels biens ne t'avait-il pas donn ?Connaissant ton intention, il ne cesse de te donner tout ce qu'il a. Souvent il rpte :"Un de vous me trahira" (Matth. XXVI, 21) ; souvent il te dsigne, mais en t'pargnant

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    toujours ; il sait ce que tu es, et ne te chasse pas du groupe des aptres. Il te supporteencore, et comme si tu tais toujours un membre lgitime de ce corps vnrable, undes douze, il t'honore, il te chrit. Enfin, crime, tu le vois ceint d'un linge, et de sespures mains lavant tes pieds impurs ; rien ne t'arrte ; tu continues voler le bien despauvres ; et le Seigneur le supporte encore pour t'empcher de faire le dernier pas ;mais rien ne peut changer ta dtermination. Et pourtant, quand tu serais une btefroce, une pierre mme, tant de bienfaits reus, tant de miracles oprs, cettedoctrine sublime de l'Evangile enfin, ne devait-elle pas te flchir ? Hlas ! jusque danscette dgradation bestiale, le Seigneur te poursuit de ses appels ; malgr cetteinsensibilit de ton coeur plus dur que les rochers, ses oeuvres merveilleusest'invitent au retour: mais en vain. Tout cela ne peut amender Judas.

    Peut-tre, mes frres, cet excs de folie dans un tratre vous tonne.Ah ! que sa plaie honteuse vous fasse trembler ! La cupidit, l'amour de l'argent a faitde lui ce que vous voyez. Arrachez de vos coeurs cette passion, qui enfante de tellesmaladies de l'me, qui rend impie, et qui nous conduirait, mme aprs mille bienfaitsde la bont de Dieu, le mconnatre et le renier. Arrachez cette passion, je vous ensupplie ; ce n'est pas une maladie lgre ; elle sait produire mille morts trs-cruelles.Nous avons vu le mal de Judas craignons d'y succomber nous-mmes.Son histoire a t crite pour nous prserver de tels malheurs ; tous les vanglistesl'ont raconte, pour nous apprendre le dsintressement. Fuyez donc le plus possiblel'avarice qui se reconnat non-seulement dans le dsir de beaucoup d'argent, maisdans le simple dsir d'argent. C'est dj une fatale cupidit que de demander au-delde ses besoins. Qu'est-ce qui a pouss Judas la trahison ? Un monceau d'or ? Non,trente deniers, trente pices d'argent lui ont suffi pour livrer le Seigneur. N'oubliezpas ce que je vous disais tout l'heure : l'avarice se manifeste non pas seulement enacceptant une somme considrable, mais plus encore en recevant une somme chtive? Voyez quel grand crime commet Judas pour un peu d'or ! que dis-je pour un peud'or, pour quelques pices d'argent !6. Non, non, jamais l'avare ne contemplera Jsus-Christ face face ; c'est l, je lerpte, une impossibilit. L'avarice est la racine de tous les maux. Or si un malquelconque peut nous exclure de la gloire ternelle, o donc sera plac celui quiapportera, au jugement de Dieu, la racine de tous les pchs ? Le serviteur de l'argentne peut tre le vrai serviteur du Christ. C'est lui-mme qui a proclam cetteincompatibilit absolue. "Vous ne pouvez", a-t-il dit, "servir Dieu et Mammon" ; et encore: "Nul ne peut servir deux matres" (Matth. VI, 24), car leurs volonts sont contraires.

    Jsus-Christ vous dit : Soulagez les pauvres !Mammon reprend : Dpouillez-les mme de ce qui leur reste.

    Jsus-Christ : Donnez-leur ce que vous avez !Mammon : Prenez en plus ce qu'ils ont.Voyez-vous le combat ? Voyez-vous la guerre ? Faut-il vous montrer commentpersonne ne peut servir ces deux matres, mais comment l'un des deux serancessairement mpris ? N'est-ce pas l une vrit d'une clart qui n'a pas besoin decommentaire ? Comment ? Ne voyons-nous pas, dans les faits, que le Christ estmpris tandis que Mammon est en honneur ! Ne sentez-vous pas ce qu'il y a pnible dire cela ? Mais si le dire est pnible, combien plus la ralit ! Mais la maladie quinous aveugle nous empche de sentir la gravit des faits. Ds que nous

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    commencerons nous dgager des treintes de cette passion, notre esprit jugerasainement des choses. Mais une fois sous l'empire de cette fivre de l'or, notre me secomplat dans son mal, perd absolument la facult de juger, et voit se corrompremme la droiture de sa conscience.

    Jsus-Christ prononce: "Si quelqu'un ne renonce pas tout ce qu'il possde, il ne peut tremon disciple". (Luc, XIV, 33.)Mammon rplique : Arrache le pain l'indigent.

    Jsus-Christ Habillez sa nudit !Mammon : Volez-lui jusqu' ses haillons.

    Jsus-Christ : Ne mprisez pas votre propre sang et ceux de votre maison.Mammon : Pour ton sang et ta maison, pas de piti ; quand ce serait un pre, quandce serait une mre, mprise-les. Et pourquoi parler de pre et de mre ? Sacrifie, je leveux, jusqu' ton me.Il commande, on l'coute. Hlas ! hlas ! ce matre qui vous impose des lois sicruelles, si inhumaines, si sauvages, nous trouve obissants, plutt que Celui dont le

    joug est lger et les commandements si salutaires. De l, l'enfer ; de l, le feu ; de l cefleuve de flammes et ce ver qui ronge ternellement.

    Je le sais : beaucoup ici nous entendent avec peine tandis que nous traitons ce sujetmenaant ; mais moi-mme, c'est malgr moi que j'y touche : qu'ai-je, enfin, ygagner ? Ah ! J'aimerais bien mieux vous entretenir continuellement des biens duroyaume cleste, de ce repos, de ces cours d'eau qui dsaltrent pleinement, de cespturages verdoyants et joyeux, comme les appelle le prophte : "Il m'a lev auprsdes eaux rafrachissantes, il m'a plac au milieu de verts pturages". (Ps. XXII, 2.) Oui,

    j'aimerais vous parler de ce lieu d'o sont bannis la douleur, le deuil, les chagrins. J'aimerais vous raconter le bonheur qu'on gote tre avec Jsus-Christ, bien quecela dpasse tout langage et mme toute pense. J'aimerais nanmoins user toutesmes forces sur cet ternel et dlicieux sujet, mais que ferais-je alors ? Car il n'est paspossible de parler de royaume un malade brl par la fivre. Tant que dure sonprilleux tat, il faut s'occuper de sa gurison ; tant que la peine et le chtiment lemenacent, quoi bon lui parler de gloire. On n'a qu'un but, en ce cas ; c'est de lesauver du danger, du supplice ; si nous n'atteignons ce premier rsultat, commentesprer l'autre ? Continuellement donc je vous entretiens du mal redouter, pourvous faire arriver au bien que vous dsirez. Car si Dieu lui-mme nous a menacs del'enfer, c'est pour que personne ne tombe en enfer ; c'est pour que tous nous arrivions la couronne. Ainsi moi-mme, si je ne cesse pas de vous parler d'enfer, c'est pourvous relever jusqu' l'espoir d'un trne, c'est pour flchir d'abord vos coeurs sous lacrainte et les dcider pratiquer ce qui fait mriter la palme.Veuillez donc supporter sans chagrin le poids de mes paroles. Ce poids de ma paroleaura l'avantage d'allger vos mes du fardeau de leurs pchs. Le fer, aussi, lesmarteaux ont du poids ; et cependant on fabrique avec eux les vases d'or et d'argent ;on redresse les objets tordus ; si les outils taient moins lourds, ils deviendraientimpuissants redresser un corps tordu. Ainsi le poids de nos reproches peutfaonner vos mes au bien. Ne cherchez donc viter ni leur pesanteur, ni leurscoups salutaires ; je ne vous blesse jamais pour briser et dchirer vos mes, mais pourles corriger. Nous savons, en effet, grce Dieu, dans quelle mesure il faut frapper, et

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    quelle doit tre l'intensit de nos coups, afin que, sans jamais briser le vase, ces coupspuissent le gurir, le restaurer, le remettre en tat de servir au divin Matre ; de tellesorte que la rparation le prsente avec un nouveau lustre, avec une forme et uneciselure irrprochable, au grand jour o doit couler le fleuve de feu, et qu'il nedevienne pas la pture du bcher que l'ternit entretiendra.

    Si vous ne passez ici-bas par le feu de la parole, vous passerez infailliblement dansl'autre vie par le feu de l'enfer, puisque "le jour du Seigneur se rvlera par le feu". (I Cor.III, 13.) Il vaut donc mieux que ce soit notre parole qui vous brle un instant, pluttque la flamme dont parle ici l'aptre. Cet avenir ternel, en effet, est d'une certitudeabsolue ; souvent je l'ai prouv par des raisons sans rplique. Les saintes Ecrituressuffiraient pour vous en donner la pleine conviction, mais plusieurs d'entre voustant ports la discussion, j'y ai ajout maints raisonnements. Rien n'empche quemaintenant mme nous ne les apportions encore.Qu'avais-je dit ?Dieu est juste : tous, paens, juifs, hrtiques et chrtiens le reconnaissent.Or, bien des pcheurs meurent sans avoir t punis ; bien des hommes de vievertueuse ont quitt ce monde aprs avoir subi mille calamits.Donc, si Dieu est juste, en quel lieu donnera-t-il aux uns la rcompense, aux autres lesupplice, s'il n'y a pas d'enfer, s'il n'y a pas de rsurrection ?Ce raisonnement, rptez-le toujours aux autres et vous-mmes ; il ne vous laisserapas un doute sur la rsurrection.Et, quand on croit sans l'ombre d'un doute la rsurrection, on apporte tous lessoins, toute l'attention possible mettre son me en tat d'obtenir les biens ternels.Puissions-nous tous y parvenir, par la grce et bont de Notre-Seigneur Jsus-Christ, qui appartient, en l'unit du Pre et du Saint-Esprit, la gloire, la puissance etl'honneur, maintenant et toujours, et dans les sicles des sicles. Amen.

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    Septime homlie

    sur l'ptre aux Philippiens

    1. Nous avons donn l'interprtation des hrtiques ; le moment est venu d'exposer aussi la

    ntre.Ces paroles : " Il n'a pas cru usurper" ne signifient, d'aprs eux, que : "Il n'a pas usurp".

    D'aprs nous, et nous l'avons fait voir, ce sens est ridicule et absurde, puisque jamais on ne

    pourrait, avec un sens pareil, trouver dans ce passage une exhortation l'humilit ; dans la

    mesure o il serait impossible de louer ainsi Dieu, ou mme un simple homme.

    Quel est donc le vrai sens ? Appliquez-vous, mes frres, bien suivre notre discours. C'est le

    prjug de la plupart des hommes que s'ils se conduisent avec humilit, ils compromettront

    leur dignit personnelle, perdront dans l'estime publique, et descendront au-dessous de leur

    niveau rel. L'aptre combat cette crainte orgueilleuse, et, pour montrer que tels ne doivent

    pas tre nos sentiments, il monte jusqu' la divinit mme : il leur dit que Dieu, le Fils unique

    du Pre, celui qui possde la forme de Dieu, qui n'est en rien infrieur au Pre, qui lui est gal

    par nature, a jug pouvoir sans usurpation s'galer Dieu.

    Or, comprenez bien ces dernires paroles.Celui qui se serait arrog des privilges auxquels il n'avait pas de droit n'accepterait aucun

    prix de s'en dpouiller : craignant en effet de s'effacer lui-mme et d'en dchoir, il ne lchera

    pas prise. Celui au contraire qui possde par nature une dignit quelconque, celui-l ne craint

    pas de descendre de sa dignit, parce qu'il n'a pas redouter de la perdre.

    Prenons un exemple : Absalon avait ravi le pouvoir ; il n'aurait os l'abdiquer. Prenons encore

    un autre exemple, mais ne vous troublez pas si nos comparaisons ne peuvent reprsenter

    parfaitement et intgralement leur objet c'est le propre de ce genre d'arguments de laisser

    l'esprit plus deviner qu'ils n'expliquent. Je dis donc : Un homme, rvolt contre son prince,

    usurpe le trne et se fait roi : jamais il n'osera dposer ou cacher cette puissance ; s'il lacachait, par l mme, il la rduirait nant. Au reste cet exemple s'applique tout bien vol :

    le ravisseur surveille toujours sa proie, et la garde continuellement ; s'il s'en dpouille un

    instant, il la perdra ; de sorte qu'on peut dire en gnral, que tout voleur craint de se sparer de

    l'objet vol, et qu'il garde toujours le bien sur lequel il a mis la main ; tandis qu'une crainte

    semblable ne se rencontre pas dans ceux qui ne possdent rien par vol: ainsi l'homme craint

    bien peu de perdre sa raison, qui fait sa dignit... J'avoue, toutefois, ne pas trouver d'exemples

    satisfaisants : nous ne tenons, pauvres humains, aucune royaut de par la nature ; et mme

    aucun bien ne nous est naturel, puisque tous et chacun appartiennent essentiellement et en

    toute proprit Dieu seul.

    Que dirons-nous donc ? Que le Fils de Dieu n'a pas craint de descendre de sa dignit, assur

    qu'il tait de la recouvrer ; et qu'il l'a cache sans croire pour cela s'amoindrir. Aussi l'aptren'a-t-il pas dit de Jsus-Christ qu'il "n'a pas usurp", mais bien qu'il "n'a pas estim que ce fut

    une usurpation". Sa souverainet, en effet, ne venait ni de vol, ni de donation faite par autrui

    elle tait sa nature, et par suite immuable et assure. Aussi n'hsite-t-il pas, roi suprme,

    revtir l'extrieur d'un de ses sujets. Un tyran craint de dpouiller la guerre son manteau de

    pourpre ; un roi s'en dfait avec confiance. Pourquoi ? Parce qu'il n'a pas usurp le

    commandement. Il est loin de ressembler l'usurpateur qui ne s'en dpouille jamais ; il le

    dissimule et le cache, mais parce qu'il le possde par nature il ne peut le perdre.

    Je le rpte donc : l'galit avec Dieu n'tait pas pour Jsus-Christ une usurpation, mais bien

    sa nature mme ; de l vient qu'il s'est ananti.

    Mais o sont ceux qui prtendent qu'il subit alors une ncessit, qu'il fut contraint de se

    soumettre ? Il s'anantit "lui-mme", a dit saint Paul ; "il s'humilia lui-mme, il se fit obissantjusqu' la mort".

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    Comment il "s'anantit", l'aptre le montre : "en prenant la forme de l'esclave, en se faisant

    la a ressemblance des hommes, tant reconnu "homme par tout son extrieur". Il se rappelle

    qu'il vient d'crire : "Que chacun considre les autres comme au-dessus de soi". Aussi ajoute-

    t-il de Jsus-Christ lui-mme : "Il s'est ananti". En effet, s'il avait subi l'abaissement, mais

    non spontanment, mais non d'aprs sa volont mme, ce n'aurait pas t un acte d'humilit.

    S'il n'a pas su, par exemple, que ce sacrifice lui tait demand, cette ignorance en lui est uneimperfection. A-t-il seulement attendu, faute de la connatre, l'heure o il devait l'accomplir ?

    Encore, ici, c'est une ignorance du temps. Et s'il a connu l'obligation de le faire et l'heure de

    l'accomplir, pourquoi direz-vous qu'il ait t contraint de se soumettre ? Peut-tre direz-vous

    que c'est pour montrer la prminence de son Pre sur lui. Mais alors il aboutissait

    montrer non pas la prminence de son Pre, mais sa propre bassesse. Car le nom de Pre ne

    suffit-il pas pour indiquer la prrogative du Pre ? Or, cette seule exception prs qu'il n'est

    point le Pre, nous trouvons dans le Fils identit complte et en tout avec le Pre. Ce titre de

    Pre, videmment, ne peut passer au Fils sans absurdit. Mais, je le rpte, part ce titre, tout

    ce que possde le Pre appartient au Fils en toute communaut.

    2. Les marcionites, prenant le texte au pied de la lettre, aiment rappeler qu'ici il est crit :qu'il a t fait " la ressemblance d'un homme", et non pas qu'il s'est fait homme. Mais

    comment pourrait-on tre fait la ressemblance d'un homme ? En revtant une vaine ombre ?

    Ds lors, c'est un fantme ; ce n'est plus rien de semblable l'homme. Le semblable de

    l'homme, c'est un autre homme. Dailleurs que rpondrez-vous au texte de saint Jean : "Le

    Verbe s'est fait chair", sans contredire notre aptre saint Paul lui-mme, qui dit ailleurs : "A la

    ressemblance d'une chair de pch" ?"Et par tout son extrieur, il a t trouv comme un homme" .

    Voil, disent-il encore: tre comme un homme, tre un homme par l'extrieur, c'est tout autre

    chose qu'tre un homme par nature. Vous voyez, mes frres, avec quelle candeur et quelle

    assurance je vous rapporte les objections des adversaires ? La victoire, en effet, ne peut tre

    splendide et surabondante, qu' la condition que nous ne dissimulerons en rien la force

    apparente de leurs difficults. Dissimuler serait une ruse plutt qu'une victoire. Que disent

    donc les hrtiques ? Ne craignons pas de le rpter. Ce sont deux choses diffrentes que

    d'tre homme par l'extrieur, ou de l'tre par nature ; d'tre dans la ressemblance d'un homme,

    ou d'tre simplement homme.Je rponds :

    Alors aussi "prendre la forme d'esclave" n'est pas "prendre la nature d'esclave". Il y a

    contradiction dans les termes. Pourquoi ne dtruisez-vous pas tout d'abord cet antagonisme ?

    Car si le texte que vous citez plus haut combat, selon vous, notre enseignement ; celui-ci vous

    est videmment oppos. L'aptre n'a pas dit : "Comme une forme d'esclave" ; ni : "A la

    ressemblance d'une forme d'esclave" ; ni : "Dans l'extrieur d'une forme d'esclave" ; maissimplement : "Il a pris forme d'esclave". Que voulait-il dire ici ? Serait-ce l une contradiction

    dans les mots ? A Dieu ne plaise ! C'est juste leur raisonnement qui est bourr de

    contradictions et ridicule.

    C'est lorsque, ceint d'un linge il a lav les pieds de ses disciples, qu'il a pris forme d'esclave,

    rpondent-ils.

    Mais est-ce l forme d'esclave ? Non, non, c'est un travail d'esclave ; or assumer un travail

    d'esclave et devenir un esclave, voil choses bien diffrentes. Pourquoi n'a-t-il pas dit: "Il a

    fait un travail d'esclave" ? Voil qui aurait t plus clair. Jamais, dans l'Ecriture, le mot

    "forme" n'est employ pour exprimer une action, pour dsigner une "uvre". La diffrence de

    signification est complte : l'un est un nom de nature, l'autre un nom d'emploi. Dans le

    langage ordinaire non plus, nous n'employons jamais l'un pour l'autre les termes oeuvre etforme.

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    Et d'ailleurs, si l'on suit le sens que les hrtiques donnent ce passage, Notre-Seigneur n'a

    mme pas fait "uvre" d'esclave : il n'a pas pu se mettre un linge autours des hanches,

    puisque son corps tant selon eux une simple apparence, la scne entire tait sans vrit.

    S'il n'avait pas de mains, comment lavait-il ? s'il n'avait pas de dos, comment aurait-il pu se

    mettre un linge autours de la taille ? Quel genre de vtements a-t-il donc pu prendre ; car il est

    dit qu'il "reprit ses vtements ?" Aussi, puisqu'il est donc impossible de trouver ici unevritable action, rellement faite, mais que tout cela n'est, selon vous que pure illusion, avouez

    qu'il n'a pas mme lav les pieds des disciples ! Si cette nature incorporelle est apparue dans

    la chair sans avoir de corps, qui donc a lav les pieds des aptres ?

    Et que dirons-nous contre Paul de Samosate ?

    D'abord, que dit-il lui-mme ? Exactement la mme chose que Marcion. Aussi lui rpondons-

    nous : Celui qui a simplement la nature humaine, un homme pur et simple, ne s'anantit pas

    laver les pieds de ses compagnons de service. Car ce que nous avons tabli contre les

    ariens s'applique ceux-ci galement. Entre eux, toute la diffrence est une faible distance de

    temps ; les uns comme les autres font du Fils de Dieu une crature.

    Que pouvons-nous donc leur rpondre ?Qu'un homme ne s'anantit pas, ne se dgrade pas en lavant les pieds d'autres hommes. Et si,

    n'tant qu'un homme, il n'a pas commis la monstrueuse usurpation de s'galer Dieu, il n'y a

    pas l de quoi faire son pangyrique. Que Dieu se soit fait homme, voil un prodigieux

    abaissement ! Mais qu'un homme fasse des choses humaines, o est l'abaissement ?

    D'autre part, o trouvez-vous, que "forme de Dieu "soit quivalent "oeuvre de Dieu" ? Si le

    Christ n'tait qu'un homme si c'est cause de ses uvres qu'il est dit avoir la "forme de Dieu",

    pourquoi ne pas donner ce mme nom Pierre qui a fait des oeuvres plus grandes ? Pourquoi

    pas Paul lui-mme, lui qui a si souvent accept des emplois d'esclaves, sans jamais en

    refuser aucun ? "Nous ne nous prchons pas nous-mmes", disait-il ; "nous prchons Jsus-

    Christ, quant nous, nous sommes vos serviteurs en Jsus-Christ".( II Cor. IV, 5.)

    Les adversaires n'apportent donc que difficults ridicules et misrables.

    "Jsus-Christ s'est humili" : c'est la parole apostolique. Eh bien, dites-moi comment ?

    O est son anantissement ? O est son humiliation ? Serait-ce en faisant des miracles ? Mais

    Pierre et Paul en ont fait aussi, de sorte qu'on n'y reconnat pas le privilge propre et spcial

    du Fils.Quel est donc le vritable sens de ces mots " Il s'est fait semblable aux hommes" ? Cela

    signifie que le Fils a eu de nombreuses choses en commun avec nous, mais avec aussi des

    exceptions : il n'a pas eu la mme naissance que nous, il n'a pas commis le pch. Cela

    n'appartient qu' lui, et nul homme ne partage cela avec lui. Il n'tait pas seulement ce qu'il

    paraissait tre, il tait encore Dieu. Il apparaissait avec la nature de l'homme ; mais quoiquenotre semblable par la chair, il diffrait de nous par beaucoup d'endroits. Ces paroles donc

    indiquent qu'il n'tait pas purement et simplement un homme, et l'aptre dit avec raison:

    "semblable aux hommes". Car nous sommes "corps et me" ; lui, il est "Dieu, me et corps" :

    c'est pourquoi il crit : " notre ressemblance". Craignant d'ailleurs que du fait de cette

    expression "Il s'est ananti lui-mme", nous n'allions croire une dgradation, la perte de la

    divinit dans le Fils, l'aptre prcise ici que tout demeurant ce qu'il est, il prend ce qu'il n'tait

    pas ; et que devenu chair, il continue tre le Dieu Verbe.

    3. La mme raison qui lui fait parler de "ressemblance", lui fait ajouter aussi : "par l'extrieur"

    : sa nature premire n'a pas dgnr, en effet ; il n'y a pas eu de confusion avec la ntre,

    sinon "par l'extrieur" seulement. Ayant affirm clairement la prise de possession par lui de laforme de l'esclave, il ajoute avec confiance cette seconde affirmation, aprs avoir par la

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    premire ferm la bouche tous les hrtiques. En effet, quand il parlait aux Romains "d'une

    ressemblance" de Jsus-Christ "avec notre chair de pch", il ne niait pas pour cela que ce ft

    une vraie chair, mais seulement que cette chair et pch, bien qu'elle ft semblable une

    chair pcheresse. En quoi semblable ? par la nature ; en quoi diffrente ? pour le mal : mais en

    somme semblable notre chair pcheresse. Eh bien ! comme l'aptre se servait alors de cette

    expression de "ressemblance", parce que, de fait, il n'y avait pas entre notre chair et la siennecomplte galit, de mme ici la ressemblance est encore mentionne, pour rappeler qu'entre

    elles encore tout n'est pas gal ; qu'ainsi, par exemple, le Fils ne passa point par la naissance

    ordinaire, par le pch, par tout ce qui fait enfin l'homme pur et simple. Son mot, fait "comme

    l'homme" est donc d'une admirable vrit, puisqu'il n'tait pas lun d'entre nous, mais comme

    un d'entre nous. Dieu Verbe, il n'a pas dgnr eue ; sa substance n'a pas chang : mais il

    s'est montr comme un homme, sans toutefois nous tromper par un corps fantastique, mais

    pour nous apprendre l'humilit. Ainsi quand il crit : "Comme l'homme", son intention est

    claire ; car en plus d'un autre passage, il l'appelle homme expressment, comme dans celui-ci

    "Il n'y a qu'un Dieu, et qu'un mdiateur homme, Jsus-Christ". Nous avons puis ce que

    nous devions dire contre les adversaires du corps de Jsus ; quant ceux qui nient qu'il ait pris

    une me avec ce corps, il faut leur dire : Si la forme de Dieu est un Dieu parfait, biencertainement aussi la forme de l'esclave est aussi homme parfait.Maintenant revenons aux ariens : "Etant" dit saint Paul, "dans la forme de Dieu, il n'a pas cru

    que ce ft une usurpation d'tre l'gal de Dieu".

    Ds qu'il parle de la divinit du Fils, il ne se sert jamais des expressions : Il "a t fait", il "a

    pris" ; mais coutez-le dsigner son humanit : Il s'est ananti lui-mme en "prenant" la forme

    de l'esclave ; et il a "t fait" la ressemblance des hommes. vous retrouvez les deux termes

    qu'il vitait d'abord: Il s'est fait homme, mais il tait Dieu. Gardons-nous autant de confondre

    (les natures) que de les sparer (de la seule et unique personne du Fils). En lui, un seul Dieu,

    un seul est le Fils de Dieu : "un", cependant, vous dirai-je, par, union mais non par mlange ni

    confusion ; cette nature infinie de Dieu, tout en s'adjoignant l'autre nature, n'a pas dgnr,

    elle lui est simplement unie."Il s'est humili lui-mme, s'tant fait obissant jusqu' la mort, et jusqu' la mort de la croix".

    Les hrtiques interprtent aussitt qu'il s'est fait obissant, parce qu'il tait loin d'tre l'gal

    du Pre auquel il obissait.O stupides et insenss adversaires ! comme si cette conduite admirable retirait au Fils la

    moindre perfection ! comme si nous-mmes nous ne savions pas obir nos amis tout en

    demeurant leurs gaux ! C'est en toute spontanit que le Fils se soumet son Pre ; loin

    d'tre servile, cette obissance est glorieuse et parfaitement convenable la dignit du Fils

    unique, tout en rendant son Pre un incomparable honneur. Il honore son Pre oui, mais

    garde-toi de le dshonorer, lui, ce Fils vritable de Dieu ; aime plutt le vnrer davantage, reconnatre d'autant mieux son titre de Fils, que lui-mme honore plus admirablement ce Pre

    de toutes choses. Jamais Dieu n'a eu un tel adorateur. Plus sa dignit tait sublime, plus son

    humilit a t profonde. Si rien ne l'gale, rien n'gale non plus l'honneur qu'il rend son

    Pre, librement et sans contrainte. Ici plus qu'ailleurs sa vertu clate et pour la peindre, je sens

    que les expressions me font dfaut.Ciel ! quel mystre ineffable qu'il se fasse esclave ! mais qu'il subisse volontairement la mort,

    c'est plus crasant ; et il trouva le moyen de surpasser encore ce double sacrifice, moyen qui

    dpasse notre pense mme. Qu'est-ce donc ? c'est que parmi tant de genres de mort si

    diffrents, celle que le Seigneur endura tait regarde comme la plus honteuse ; elle tait le

    comble de l'ignominie, le dernier terme de l'excration. "Maudit soit", disait l'Ecriture, "celui

    qui est pendu au gibet !" (Deut. XXI, 23.) Aussi, les Juifs affectrent de lui choisir ce supplicepour le rendre infme, afin que si sa mort violente ne pouvait suffire dtacher de lui jusqu'au

  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

    18/22

    dernier de ses disciples, au moins il ne lui en restt plus un seul la vue de cette mort excre.

    Aussi voulurent-ils encore qu'on le crucifit entre deux brigands, pour qu'on et de lui et

    d'eux, mme mpris, et que la parole de l'Ecriture s'accomplt : "Il a t compt au nombre des

    sclrats". (Isae, LIII, 12.)Mais la vrit, par l mme, brilla d'un plus vif clat. Bien plus beau, bien plus admirable

    apparat, en effet, ce spectacle du calvaire, lorsque sa gloire attaque par tant d'ennemis,malgr leurs mille artifices, en dpit de toutes leurs machines de guerre, ressort cependant et

    nous blouit de sa magnificence. Ces misrables, pour l'avoir tu, et tu de cette manire,

    comptaient bien avoir fait de lui un objet d'horreur, et d'horreur extrme ; et cependant leur

    espoir indigne choua compltement. Et pourtant ces deux brigands eux-mmes taient de si

    profonds sclrats (car l'un des deux seulement se convertit et encore au dernier soupir), que

    pendus leur gibet, ils avaient encore la force de lui jeter l'outrage ; la conscience de leurs

    crimes, les tortures, la compassion que devait leur commander cette fraternit du supplice,

    rien n'arrtait leur fureur ; tmoin cet aveu de celui d'entre eux qui, enfin, reprit l'autre en ces

    termes: "Tu ne crains donc pas Dieu, bien que tu subisses le mme chtiment !" (Luc, XXIII,

    40.) Telle tait la mchancet de tous les spectateurs de ce grand drame. Mais la gloire de

    Jsus-Christ ne subit pas la moindre atteinte : "Dieu mme", dit saint Paul, "en retour de sonimmolation, l'a exalt et lui a donn un nom qui est au-dessus de tout nom".4. Remarquez bien la suite des ides dans saint Paul, et comment, ds qu'il a parl de cette

    chair adopte par le Seigneur, il rappelle immdiatement toutes les circonstances qui prouvent

    son humilit. Avant de dire qu'il a pris la forme de l'esclave, et tant qu'il nous entretient de la

    divinit de Jsus, voyez avec quelle lvation il s'exprime ; je dis avec lvation, en la

    mesurant nos forces humaines ; car Paul mme n'atteint pas, et il ne pourrait atteindre la

    hauteur de son sujet. Toutefois, coutez-le : "Etant dans la forme de Dieu, il a cru sans

    usurpation tre gal Dieu". Mais notre bienheureux parle-t-il du Dieu fait homme, il

    dveloppe aussitt toutes les consquences de cette incomparable humilit, parce qu'une

    pense le rassure : il sait que la chair sacre de Jsus a subi seule toutes les humiliations qu'il

    rappelle ; il sait que sa divinit n'en a souffert aucun dommage."Et pour cela, Dieu l'a lev et lui a donn un nom qui est au-dessus de tout nom, de sorte

    qu'au nom de Jsus tout genou flchit au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute

    langue confesse que le Seigneur Jsus-Christ est dans la gloire de son Pre". Disons aux

    hrtiques: S'il est ici question du Dieu Verbe et non pas du Verbe incarn, expliquez-nous

    cette exaltation et ce genre d'exaltation surtout ? Le Pre leur donne-t-il quelque chose en plus

    ? Voil, ds lors, l'imperfection antrieure du Fils constate d'un ct au moins ; c'est cause

    de nous qu'une nouvelle perfection lui est dvolue, puisque s'il ne nous avait pas fait ce grand

    don, il n'aurait pas gagn l'honneur dont il est question."Il lui a donn un nom". Ainsi, du moins dans votre opinion, il n'avait pas mme de nom.

    Alors, s'il a reu celui qui lui tait d, comment l'a-t-il reu par don et par grce ? "Un nomqui est au-dessus de tout nom", et si nous demandons lequel enfin : "Afin qu'au nom de Jsus-

    Christ" tout genou flchisse. Les hrtiques, par ce nom, entendent la gloire. Donc aussi

    doivent-ils ajouter : Une gloire au-dessus de toute gloire. Or, nous avons vu que cette gloire

    consiste prcisment adorer son Pre ! Vous voil bien loin de la grandeur divine, vous qui

    pensez connatre Dieu autant qu'il se connat lui-mme ! Votre interprtation elle seule suffit

    pour montrer que vous tes loin de l'ide vritable que reprsente le nom de Dieu ! Au reste,

    une nouvelle preuve de votre aberration va ressortir de votre ide mme. Voil, rpondez-moi,

    la gloire du Fils ? Donc, avant la cration des hommes, et surtout avant celle des archanges et

    des anges, ce Fils n'tait pas dans la gloire ? Car, enfin, 1a nature de cette gloire, c'est de

    surpasser toute gloire ; on le voit trs-clairement par ces mots : "Un nom au-dessus de tout

    nom". Or, avant l'poque o Dieu la lui donne, il est dans la gloire sans doute, mais moinsqu'il ne l'a t ds lors ! C'est cette gloire qu'il tendait, c'est le but qu'il voulait atteindre

  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

    19/22

    quand il crait toutes choses ; loin d'tre dtermin par sa seule bont, il avait soif de gloire, et

    de celle encore qui vient de nous ! Comprenez-vous ces folies, ces impits ? Au contraire,

    appliquez ce langage de l'aptre l'incarnation ; il est vrai de tout point ; le Dieu-Verbe

    permet que nous parlions ainsi de sa chair glorifie ; toutes ces donations n'arrivent pas sa

    nature divine, mais celle que sa bont a voulu revtir. Les appliquer la divinit, c'est

    impardonnable, tandis qu'au contraire si j'avance que Dieu a immortalis un homme, quandmme je le dirais de l'homme tout entier, je sais ce que je dis."Au ciel, sur la terre et dans les enfers", qu'est-ce dire ? Dans tout l'univers, qui comprend

    anges, hommes et dmons ; ou bien encore chez les justes comme chez les pcheurs. "Et

    que toute langue confesse que le Seigneur Jsus-Christ est dans la gloire du Pre" .

    Comprenez: que tout le monde le proclame ; et remarquez qu'il s'agit ici de la gloire du Pre,

    de sorte que partout, quand le Fils est glorifi, le Pre est aussi glorifi, et rciproquement le

    dshonneur du Fils retombe sur le Pre. Car, s'il en est ainsi mme humainement et chez nous,

    bien qu'entre les pres et leurs enfants la distance soit grande, bien plus en est-il ainsi en Dieu,

    au sein duquel cette diffrence ne peut tre ; ainsi l'honneur ou le dshonneur retombent sur

    lui. Selon l'aptre, en effet, le monde est soumis au Fils, et c'est l prcisment la gloire du

    Pre. Donc aussi, quand nous disons que ce Fils est parfait, sans besoin aucun, sans lamoindre infriorit l'gard du Pre, c'est encore la gloire de son Pre. Celui-ci apparat ds

    lors dans tout l'clat de sa bont, de sa puissance, de sa sagesse, puisqu'il engendre un Fils

    aussi grand, qui ne lui est aucunement infrieur ni pour la bont, ni pour la sagesse. Oui, si je

    le proclame sage autant que son Pre, sans une ombre d'infriorit, voil bien dclarer la

    sagesse infinie du Pre. Quand je le dclare aussi puissant que lui, j'indique en retour la

    puissance infinie du Pre ; quand je le dis bon comme le Pre, c'est assez dire que le Pre est

    infiniment bon, puisqu'il a pu engendrer un Fils qui n'est son gard ni infrieur, ni moindre.

    Quand enfin je nie la moindre infriorit d'essence entre eux, et que j'avoue leur galit,

    l'identit mme de leur substance ; par l mme je proclame Dieu admirable, je chante sa

    puissance, sa bont, sa sagesse, parce qu'il a bien voulu nous envoyer son Fils, ou plutt un

    autre lui-mme en tout point, sauf en un seul : c'est qu'il n'est point le Pre. Ainsi tout ce que

    je dis la louange du Fils, retourne son Pre. L'loge mme si pauvre et si chtif que je lui

    adresse en ce passage (car c'est bien peu de chose pour la gloire de Dieu, que d'tre ador par

    le monde entier), ce faible loge appartient encore sa gloire nanmoins : combien plus

    forte raison tout le reste !

    5. Croyons donc pour sa gloire, et pour sa gloire aussi sachons vivre, puisque faire l'un sans

    l'autre ne sert de rien. Car lorsque nous le glorifions selon la foi, sans vivre selon la foi, alors

    nous l'outrageons, puisque le reconnaissant comme Seigneur et Matre, nous ne le mprisons

    pourtant, ne redoutant pas son terrible tribunal. Que des paens vivent dans l'impuret, rien

    d'tonnant, rien qui mrite un si grand supplice ; mais que des chrtiens, participants de sigrands mystres, admis une gloire si minente, osent cependant mener une vie souille,

    voil une malice incomparable et impardonnable.Rpondez-moi, en effet. Jsus-Christ est descendu aux derniers degrs de l'obissance, et a

    mrit ainsi de devenir le Seigneur des anges et des hommes, le Matre absolu de tout et de

    tous. Et nous croirions dchoir en nous humiliant ! Mais au contraire : nous montons une

    lvation sublime ; jamais nous ne sommes aussi grands et dignes d'estime. Oui, celui qui

    s'lve s'abaisse ; celui qui s'abaisse s'lve ; et pour le prouver il suffit qu'une seule fois

    Jsus-Christ ait prononc cette maxime.Au reste, examinons cette question fond. Etre humili, qu'est-ce, sinon subir blmes,

    accusations, calomnies ? Etre exalt, qu'est-ce, sinon recevoir honneurs, louanges, lvation

    en gloire ? Sans doute. Or, voyons comment on arrive l'un et l'autre but.

  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

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    Satan tait un ange : il s'lve, qu'arrive-t-il ? Ne tombe-t-il pas au dernier degr de

    l'abaissement ? La terre n'est-elle pas maintenant son sjour ? N'est-il pas partout accus et

    poursuivi de reproches ?

    Paul n'tait qu'un homme ; il s'humilie : qu'arrive-t-il ? N'est-il pas estim, combl de

    louanges, clbr par les loges ? N'est-il pas l'ami de Jsus-Christ ? N'a-t-il pas fait des

    choses plus tonnantes que Jsus-Christ mme ? N'a-t-il pas souvent command au dmoncomme un vil esclave ? Ne l'a-t-il pas promen sa guise comme on ferait d'un infrieur ?

    N'en a-t-il pas fait son jouet et foul aux pieds sa tte brise ? Ses prires n'ont-elles pas

    obtenu bien d'autres personnes une semblable victoire ?

    Pourquoi m'arrtai-je ce double exemple ? Voici celui d'Absalon et celui de David ; l'un qui

    s'lve, l'autre qui s'abaisse : lequel, enfin, obtient l'honneur et la gloire ? Or, se peut-il

    entendre rien de plus humble que la rponse de ce bienheureux prophte aux outrages de

    Smi : "Laissez-le", disait-il, "laissez-le me maudire, c'est Dieu qui le lui a command ?" (II

    Rois, XVI,10.) Ainsi encore le publicain s'humilie, quoiqu'aprs tout son langage ne, ft point

    celui de l'humilit, mais seulement de la modestie et d'une juste honte ; le pharisien au

    contraire s'exalte lui-mme.... Mais, je l'ai dit, laissons les exemples de personnes, tudions

    plutt la nature des choses.Supposez donc, en gnral, deux individus, galement bien dots du ct de la fortune, des

    honneurs, de la science, de la puissance, de tous les biens de ce monde, enfin, et connaissant

    d'ailleurs tous leurs avantages. L'un des deux, toutefois, mendie encore les loges de chacun,

    et s'irrite, quand on les lui refuse, toujours insatiable dans son ambition, toujours enfl de lui-

    mme et de son mrite. L'autre mprise tout ce vain attirail de la gloire, n'y trouve sujet de

    quereller personne, et repousse mme les honneurs qu'on lui dfre. A votre avis, lequel des

    deux est le plus grand, de celui qui mendie les honneurs, sans pouvoir les gagner, ou de celui

    qui les refuse quand mme on les lui offre ? C'est bien l'homme qui ddaigne, n'est-ce pas ?

    Oui, il est vraiment grand ; car le vrai moyen d'acqurir la gloire, c'est de la fuir. Poursuivez-

    la, elle vous fuit ; fuyez-la, elle vous poursuit. Si vous voulez y parvenir, ne la dsirez point ;

    si vous voulez grandir, ne vous portez pas vous-mmes vers les hauteurs. Il est d'ailleurs une

    raison qui nous fait honorer l'homme humble et sans ambition, et prendre en aversion les

    poursuivants de la gloire : les hommes aiment naturellement la contradiction ; ils se plaisent

    faire le contraire de ce qu'on veut.Ainsi, mprisons la gloire ; s'humilier c'est s'lever. Pour que les autres vous lvent, ayez

    soin de ne pas vous lever vous-mmes. Qui s'exalte ne sera point exalt par les autres ; qui

    s'abaissera ne sera pas abaiss par les autres. L'orgueil est un grand vice. Mieux vaudrait tre

    insens qu'orgueilleux : l'idiotisme est une infirmit de nature ; l'orgueil est une folie pire,

    c'est souvent folie et fureur tout ensemble. Le pauvre fou ne nuit qu' lui-mme ; l'orgueilleux

    est la plaie de ses frres. Cette maladie de l'orgueil est d'ailleurs enfante par la dmence ;

    moins de dlirer, nul au monde ne peut concevoir de soi-mme une haute estime : le fouachev est toujours arrogant. Le sage le dclare : "J'ai vu un homme se croire sage: on peut

    encore mieux esprer d'un insens". (Prov. XXVI,12.) Vous voyez que je ne me suis pas

    aventur en disant que ce vice est pire que la folie ; car, selon l'Ecriture, l'insens doit donner

    plus d'espoir.Aussi saint Paul disait : "Ne soyez point sages vos propres yeux". (Rom. XII,16.) A l'gard

    des corps, quels sont ceux qui nous paraissent les mieux portants ? Sont-ce les chairs gonfles,

    que boursouflent les gaz et les humeurs aqueuses, ou plutt celles qui prsentent fermet et

    consistance ? Ces dernires, rpondez-vous. Il en est ainsi de l'me : avec l'orgueil, elle se

    gonfle plus dangereusement que vos membres par l'hydropisie ; par l'humilit, elle est saine.6. Mais quels biens nous procure l'humilit ? Que souhaitez-vous ? La patience, la douceur,

    l'humanit, la continence, la docilit ? toutes ces vertus naissent de l'humilit, et tous les vices

  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

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    contraires naissent de l'orgueil. L'tre orgueilleux sera ncessairement enclin insulter,

    frapper, se montrer colrique, pre, chagrin, une bte froce enfin plutt qu'un homme.

    Etes-vous fier d'tre robuste et fort ? Vous devriez plutt en tre honteux. Pourquoi, en effet,

    vous enorgueillir d'une qualit sans valeur aucune ? Plus que vous, le lion a l'audace, le

    sanglier, la force ; prs d'eux, vous n'tes pas mme un moucheron. Brigands, violateurs de

    spultures, gladiateurs, que dis-je ? vos propres serviteurs mmes, et parmi eux encore ceuxpeut-tre qui sont les plus stupides, vous surpassent pour la vigueur physique. Est-ce donc un

    sujet de gloire ? ne devriez-vous pas plutt vous cacher de honte, si tel est le sujet de votre

    orgueil ?

    Mais peut-tre tes-vous d'une grande beaut ? Laissez aux corneilles cette vanterie ; vous

    n'galez certes pas la beaut du paon, rien qu' voir l'clat de ses couleurs et la magnificence

    de son plumage ; la victoire est cet oiseau, qui certes est mieux coiff, mieux brillant. Le

    cygne encore et bien d'autres volatiles, si vous osez accepter la comparaison avec eux, vous

    apprendront n'tre pas fier ; de plus les enfants et les jeunes filles, les femmes perdues, les

    infmes se glorifient de ces vanits. Y a-t-il donc l un juste sujet d'orgueil ?

    Mais vous tes si riche ! Eh ! Riche de quoi, dites-le moi ? Avez-vous de l'or, de l'argent, des

    pierres prcieuses ? C'est aussi la gloire des voleurs, des assassins, des gens condamns auxmines. Ce qui fait la honte de ces criminels sera pour vous un sujet d'ostentation ?

    Mais les habits, mais la parure vous embellissent. Vous avez cela de commun avec vos

    chevaux ? Les Perses font mieux : ils vous montreraient jusqu' des chameaux richement

    caparaonns ; les gens qui montent sur les planches de thtre, vous donneraient des leons

    de luxe. Ne rougissez-vous pas de vous enorgueillir propos d'avantages que partagent avec

    vous les animaux, les esclaves, les meurtriers, les effmins, les brigands, les profanateurs de

    spultures ?

    Mais vous construisez des palais splendides ? Que vaut cet honneur ? Beaucoup de gens en

    ont de plus magnifiques. Ne voit-on pas tous les jours des gens, que travaille la folle passion

    des richesses, qui btissent des maisons dans des lieux sauvages et dserts pour servir de

    demeure ces oiseaux ?

    De quoi tes-vous si fiers, enfin ? De votre belle voix ? Vous ne chanterez jamais plus

    agrablement que le cygne ou que le rossignol. De votre habilet mcanique ou artistique ?

    Construisez-vous plus habilement que l'abeille ? Est-il tapissier, peintre, architecte qui puisse

    imiter ses travaux ? De la finesse de vos tissus ? L'araigne vous dpasse. De la vitesse de vos

    pieds ? Ah ! dfrez le premier rang aux animaux, aux livres, aux cerfs, des btes de

    somme que votre vlocit ne saurait vaincre. De vos dplacements et voyages ? Les oiseaux,

    cet gard, n'ont rien craindre de la comparaison ; ils voyagent plus commodment, ils

    changent de sjour, sans avoir besoin d'quipages ni de provisions : leurs ailes suffisent tout

    et remplacent vaisseau, coursiers, voitures, vents et voiles, tout ce que vous voudrez. De votre

    vue perante ? L'aigle est encore mieux dou. De votre odorat ? Le chien sera votre heureuxrival. De votre talent faire des provisions ? Les fourmis sont plus habiles. De l'or qui brille

    sur vous ? Les fourmis indiennes en ont davantage. De votre sant ? Les animaux l'ont

    meilleure ; ils ont plus que vous la solidit du temprament, et l'admirable instinct de se

    procurer le ncessaire ; aussi ne craignent-ils pas la pauvret : "Regardez les oiseaux du ciel",

    a dit le Seigneur, "ils ne sment, ni ne moissonnent, ni n'amassent dans des greniers". (Matth.

    VI, 26.) Ainsi, conclurez-vous, Dieu a cr les animaux dans une condition meilleure que la

    ntre. Voyez-vous quelle est notre irrflexion ? voyez-vous comment nous jugeons mal les

    choses ? voyez-vous comme il est avantageux d'examiner les faits. Voil un homme qui se

    plaait bien au-dessus de ses semblables et qui se laisse convaincre qu'il est au-dessous des

    btes ! Allons, pargnons-lui cette honte, et gardons nous de l'imiter. Par ses sentiments

    d'orgueil, il voudrait s'lever au-dessus de la nature, ne le laissons donc pas tomber plus basque les animaux ; relevons-le, non pas par gard pour lui-mme, car il mriterait de subir cette

  • 8/3/2019 La pleine divinit de Jsus Christ selon l'Eptre aux Philippiens

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    misrable condition, mais pour l'honneur de Dieu, dont nous aimons montrer la bont

    suprme et l'honneur que chacun de nous lui doit.Car il est, il est bien certainement des diffrentes profondes entre nous et les btes ; en

    certaines choses il n'y a plus rien de commun entre elles et nous. Et quelles sont ces choses ?

    La pit et la vertu. Ne m'objectez pas ici les fornicateurs, les voleurs et les homicides, car

    nous n'avons rien faire avec cette espce d'hommes. Quels privilges avons-nous encore ?La connaissance de Dieu et de sa providence, la raison chrtienne qui nous dcouvre

    l'immortalit. Ici la bte est vaincue, puisqu'elle n'a pas mme le soupon de ces vrits gui

    nous consolent. Ici, entre l'animal et nous, rien de commun ; infrieurs sur tous les autres

    points signals, nous avons en ceux-ci la domination et le triomphe ; c'est mme un trait

    caractristique de notre grandeur, que, vaincus par la bte d'autre part, nous pouvons

    cependant ainsi rgner sur elle, ds que notre humilit, ne s'attribuant plus la cause et le mrite

    de quoi que ce soit, rapporte tout Dieu, Dieu qui nous a crs et nous a donn la raison. A

    la bte nous tendons des filets et des piges, et nous savons l'y attirer et l'y prendre : tandis

    que nous-mmes, sages et modrs, nous nous sauvons par l'quit, par la douceur, par le

    mpris de l'argent.Vous, au contraire, qui comptez parmi les sottes victimes de lorgueil et qui tes loign desnobles ides que je dveloppe, j'ai raison de dire que tantt vous tes le plus orgueilleux des

    hommes, tantt la plus humilie des brutes. C'est, en effet, le caractre de ce vice arrogant et

    audacieux de s'lever aujourd'hui sans mesure, et demain de se rabaisser d'autant plus, sans

    jamais garder le juste milieu. L'humilit nous gale aux anges ; un royaume lui est promis, et

    c'est avec Jsus-Christ qu'elle doit en partager les joies. L'homme humble, vraiment homme,

    peut tre frapp, il ne peut succomber ; il mprise la mort, loin de l'envisager avec crainte et

    tremblement ; il sait borner ses dsirs. Qui n'a point l'humilit est plus mprisable que la brute

    ; et, si par les biens ou les ornements du corps vous l'emportez sur tous les hommes, et qu'en

    mme temps vous soyez privs de ceux de l'me, comment ne seriez-vous pas au-dessous de

    la bte ? Car, enfin, mettons en scne un pcheur de ce genre, dont la vie s'coule braver la

    saine raison, pratiquer le vice, chercher les plaisirs et les excs. Il n'en est pas moins

    vaincu par la brute : le cheval est plus belliqueux, le sanglier plus fort, le livre plus agile, le

    paon plus beau, le cygne plus mlodieux ; l'lphant l'emporte par la taille, l'aigle par la vue,

    tous les oiseaux sont plus riches.

    Par quel ct ds lors mritez-vous de dominer sur les btes ? Par votre raison peut-tre ?

    Mais non A partir du moment o vous en faites un mauvais usage, vous devenez pires que les

    btes. Certes, vous tes dous de raison, mais comme vous vivez moins que les animaux d'une

    manire conforme la raison ; il aurait mieux valu pour vous que le Crateur ne vous l'ait

    point donne l'origine. Il est bien plus malheureux de livrer lchement un trne dont vous

    tes l'hritier, que de ne jamais en avoir hrit. Un roi infrieur ses soldats aurait gagn ne

    pas revtir la pourpre. Telle est aussi votre histoire !

    Comprenons donc qu' dfaut de pratiquer la vertu, nous nous ravalons au-dessous de la bte ;

    que tous nos soins se portent donc la pratiquer, et nous deviendrons des hommes, ou plutt

    des anges, et nous jouirons des biens promis par la grce et la bont de Notre-Seigneur Jsus-

    Christ, qui soit gloire et puissance, avec le Pre et le Saint Esprit maintenant et toujours est

    dans mes sicles des sicles. Amen.Notes

    1. Homlie 6.3 Les ariens prtendaient que le mot Dieu, qui en grec admet l'article "le Dieu"

    ( ) signifiait le Pre ; mais que, sans l'article, "Dieu"() simplement indiquait leFils. Le saint les rfute victorieusement. Rappel du texte de l'Eptre : "

    , ,"