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La polyarthrite rhumatoïde à début tardif Elderly onset rheumatoid arthritis Eric Houvenagel Service de rhumatologie, hôpital Saint-Philibert, rue du Grand-But, 59160 Lomme, France Reçu et accepté le 29 mars 2004 Disponible sur internet le 03 mai 2004 Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Sujet âgé ; HLA ; Immunogénétique Keywords: Rheumatoid arthritis; Elderly; HLA; Immunogenetics 1. Introduction Les rhumatismes inflammatoires à début tardif risquent de devenir de plus en plus fréquents avec le vieillissement de la population. Certains rhumatismes inflammatoires tels que la pseudopolyarthrite rhizomélique, sont particulièrement des- tinés aux tranches d’âge les plus élevées. La polyarthrite rhumatoïde (PR) bien que le pic se situe vers 55 ans [1,2] peut, en fait, apparaître à tous moments de la vie. Le terme de PR ne s’applique stricto sensu qu’au sujet de plus de 15 ans. Au-delà de cette limite, le type de description, les études cliniques, pronostiques et thérapeutiques de la PR font sou- vent abstraction de l’âge du début de la maladie. Un début tardif après 60 ans pourrait toutefois être à l’origine de particularités séméiologiques ou évolutives, et pour certains auteurs, la PR à début tardif représenterait une entité diffé- rente de la forme classique [3]. Différentes questions peuvent être posées : le mode début est-il différent de la PR classique, l’individualisation de certaines formes cliniques est-elle légi- time, quelle est la place nosologique de la pseudo polyarth- rite rhizomélique par rapport à certaines formes de PR à début rhizomélique, le profil immunogénétique est-il particu- lier, enfin le pronostic pourrait-il être modifié par l’âge ? Différentes études ont été rapportées, indexées dans le Tableau 1, comparant la PR à début tardif à une population témoin de PR à début précoce [4–13]. La meilleure source d’information est représentée par les études longitudinales comportant des inclusions consécutives [5,9,13]. L’âge li- mite pour déterminer le début tardif de la PR est le plus souvent de 60 ou 65 ans. 2. Données épidémiologiques La prévalence de la PR à début tardif est diversement appréciée par rapport à l’ensemble des PR selon les travaux et l’âge limite de début. Elle représenterait 15 à 20 % de l’ensemble des PR dans la plupart des études [5,14]. Certai- nes PR peuvent même se déclarer très tardivement après la 8 e décennie [15]. La prédominance féminine persiste dans la PR à début tardif, bien que les différentes études indiquent une baisse de celle-ci avec l’âge d’apparition de la maladie. Un ratio de trois femmes pour deux hommes est noté dans la plupart des travaux [5–7,9]. D’autres travaux n’ont pas révélé de modification du sex-ratio en fonction de l’âge de début [11]. 3. Mode d’installation Les aspects cliniques initiaux étudiés dans les études com- paratives font apparaître certaines différences qui sont résu- mées dans le Tableau 2. La polyarthrite à début tardif se Adresse e-mail : [email protected] (E. Houvenagel). Tableau 1 Principales études comparant PR à début tardif et précoce Auteur A ˆ ge charnière (nombre) Prospective Ferracioli [5] 65 (n = 55) Oui Buissière [4] 65 ( n = 95) Non Inoue [8] 60 (n = 75) Non Van der Heijde [9] 60 (n = 71) Oui Van Schaardenburg [10] 60 (n = 130) Non Pease [11] 65 (n = 400) Oui Peltomaa [13] 55 (n = 113) Oui Bajocchi [12] 60 (n = 189) non Revue du Rhumatisme 71 (2004) 475–479 www.elsevier.com/locate/revrhu © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2004.03.005

La polyarthrite rhumatoïde à début tardif

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La polyarthrite rhumatoïde à début tardif

Elderly onset rheumatoid arthritis

Eric Houvenagel

Service de rhumatologie, hôpital Saint-Philibert, rue du Grand-But, 59160 Lomme, France

Reçu et accepté le 29 mars 2004

Disponible sur internet le 03 mai 2004

Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Sujet âgé ; HLA ; Immunogénétique

Keywords: Rheumatoid arthritis; Elderly; HLA; Immunogenetics

1. Introduction

Les rhumatismes inflammatoires à début tardif risquent dedevenir de plus en plus fréquents avec le vieillissement de lapopulation. Certains rhumatismes inflammatoires tels que lapseudopolyarthrite rhizomélique, sont particulièrement des-tinés aux tranches d’âge les plus élevées. La polyarthriterhumatoïde (PR) bien que le pic se situe vers 55 ans [1,2]peut, en fait, apparaître à tous moments de la vie. Le terme dePR ne s’applique stricto sensu qu’au sujet de plus de 15 ans.Au-delà de cette limite, le type de description, les étudescliniques, pronostiques et thérapeutiques de la PR font sou-vent abstraction de l’âge du début de la maladie. Un débuttardif après 60 ans pourrait toutefois être à l’origine departicularités séméiologiques ou évolutives, et pour certainsauteurs, la PR à début tardif représenterait une entité diffé-rente de la forme classique [3]. Différentes questions peuventêtre posées : le mode début est-il différent de la PR classique,l’individualisation de certaines formes cliniques est-elle légi-time, quelle est la place nosologique de la pseudo polyarth-rite rhizomélique par rapport à certaines formes de PR àdébut rhizomélique, le profil immunogénétique est-il particu-lier, enfin le pronostic pourrait-il être modifié par l’âge ?

Différentes études ont été rapportées, indexées dans leTableau 1, comparant la PR à début tardif à une populationtémoin de PR à début précoce [4–13]. La meilleure sourced’information est représentée par les études longitudinalescomportant des inclusions consécutives [5,9,13]. L’âge li-mite pour déterminer le début tardif de la PR est le plussouvent de 60 ou 65 ans.

2. Données épidémiologiques

La prévalence de la PR à début tardif est diversementappréciée par rapport à l’ensemble des PR selon les travauxet l’âge limite de début. Elle représenterait 15 à 20 % del’ensemble des PR dans la plupart des études [5,14]. Certai-nes PR peuvent même se déclarer très tardivement après la 8e

décennie [15]. La prédominance féminine persiste dans la PRà début tardif, bien que les différentes études indiquent unebaisse de celle-ci avec l’âge d’apparition de la maladie. Unratio de trois femmes pour deux hommes est noté dans laplupart des travaux [5–7,9]. D’autres travaux n’ont pas révéléde modification du sex-ratio en fonction de l’âge de début[11].

3. Mode d’installation

Les aspects cliniques initiaux étudiés dans les études com-paratives font apparaître certaines différences qui sont résu-mées dans le Tableau 2. La polyarthrite à début tardif seAdresse e-mail : [email protected] (E. Houvenagel).

Tableau 1Principales études comparant PR à début tardif et précoce

Auteur Age charnière (nombre) ProspectiveFerracioli [5] 65 (n = 55) OuiBuissière [4] 65 ( n = 95) NonInoue [8] 60 (n = 75) NonVan der Heijde [9] 60 (n = 71) OuiVan Schaardenburg [10] 60 (n = 130) NonPease [11] 65 (n = 400) OuiPeltomaa [13] 55 (n = 113) OuiBajocchi [12] 60 (n = 189) non

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distingue par un mode de début volontiers aigu, fait confirmépar l’ensemble des études comparatives [4,7,9]. Pour Bajoc-chi, un mode de début aigu était corrélé à l’absence de facteurrhumatoïde [12]. Une altération de l’état général était sou-vent présente lors de l’installation de la maladie [4,6,9,12],associant amaigrissement et asthénie, parfois fièvre. Certainsauteurs ont observé des débuts particulièrement « explosifs »,apparaissant en moins de 24 heures [16] associant un débutbrutal à l’état général altéré pouvant mimer une polyarthriteparanéoplasique. Il faut souligner que dans les études com-paratives, un tel mode de présentation n’apparaît qu’excep-tionnellement avant 60 ans et serait donc propre à la PR àdébut tardif [6]. Ces formes de début conduisent volontiers àdes hospitalisations à la fois plus précoces et plus fréquentesque dans le groupe de PR débutant avant 60 ans, favoriséesprobablement par une perte rapide de l’autonomie [4,11]. Lesscores initiaux d’activité biologique [13] ou mesurés parl’index DAS [9] étaient plus élevés dans le groupe des PR àdébut tardif.

4. Topographie des atteintes initiales

L’’atteinte initiale aux grosses articulations apparaît plusfréquente dans le groupe de PR à début tardif [7,8]. Ladistribution rhizomélique des manifestations articulairesplus particulièrement aux épaules, est soulignée dans la plu-part des séries [4,7,12]. La différence est statistiquementsignificative dans certains travaux : 23 contre 5 % dans legroupe à début précoce [7], 18 contre 5 % [4]. La fréquencede l’atteinte scapulaire initiale peut atteindre 56 % des cas[7]. La synovite des épaules est par ailleurs plus sévère dansle groupe à début tardif [6], parfois accompagnée d’un épan-chement cliniquement identifiable. Au contraire, une distri-bution acropolyarticulaire est plus souvent observée dans laPR à début précoce [7], et l’atteinte des avant-pieds enparticulier (métatarsophalangiennes) y apparaît plus fré-quente [10,12]. Cette différence observée dans la distributionarticulaire entre les deux groupes persiste au cours de l’évo-lution [12]. L’atteinte biscapulaire crée bien sûr des problè-mes de diagnostic différentiel avec la pseudopolyarthriterhizomélique qui seront abordés plus loin.

5. Manifestations extra-articulaires

L’apparition d’œdèmes apparaît fréquente au cours de laPR du sujet âgé, et n’est pas l’apanage du syndrome RS3PE

[17], lequel peut correspondre dans certains cas à une formede début de PR à début tardif [18]. Dans le travail de Pease,ces formes œdémateuses représentaient 11 % des effectifsaprès 65 ans et n’apparaissaient jamais dans le groupe de PRà début précoce [11]. C’est plus le début tardif que la naturemême du rhumatisme inflammatoire qui conditionne la sur-venue de ces œdèmes, observés en outre au cours la PPR, laspondylarthropathie périphérique du sujet âgé ou encoredans les arthrites microcristallines [19,20]. L’œdème est pro-bablement induit par une anomalie de la perméabilité lym-phatique accompagnant la réaction inflammatoire. Les nodu-les rhumatoïdes apparaissent plus rares mais rarement defaçon significative dans le groupe de PR à début tardif[5,7,9]. La présence d’un syndrome sec est très fréquenteaprès 60 ans, indépendamment d’un syndrome de Goujerot-Sjögren, favorisée par un traitement ou conséquence de l’in-volution sénile des glandes exocrines. Enfin, l’âge de débutde la polyarthrite ne semble pas influencer la survenue éven-tuelle de vascularite.

6. Biologie

Les paramètres inflammatoires biologiques apparaissentplus élevés au cours de la PR à début tardif [9,10], et ce dès ledébut de la maladie [13]. La prévalence du facteur rhuma-toïde est diversement appréciée en fonction des critères dia-gnostiques retenus, des techniques utilisées et des groupes depatients exploités (Tableau 3). Dans la plupart des sériescomparatives anciennes, la présence du facteur rhumatoïdeapparaissait moins fréquente dans le cas de la PR à débuttardif mais souvent de manière non significative [4,6,7]. Cesrésultats pouvaient être liés à des biais méthodologiques. Lesétudes comparatives plus récentes ont montré que la préva-lence du facteur rhumatoïde ne diffère pas en fonction del’âge de début de la PR [8–10]. Les formes cliniques à débutrhizomélique sont volontiers séronégatives pour le facteurrhumatoïde [7]. La présence d’anticorps antipeptide citrul-liné (anti-CCP) ne semble pas modifiée par l’âge [21].

7. Évolutivité et pronostic

L’analyse des différents travaux évaluant la sévérité doittenir compte de deux éléments : d’une part, l’atteinte fonc-tionnelle est forcément aggravée par l’habituelle comorbidité

Tableau 2Modes de début : comparaison entre PR à début précoce ou tardif

PR à débutprécoce

PR à début tardif

Sex-ratio H : F 1 : 4 1 : 1,5Mode début Progressif BrutalAltération de l’état général Rare FréquenteDistribution articulaire Distale Rhizomélique et/ou distaleSymptômes prochesde la PPR

Jamais Possibles

Œdèmes des extrémités exceptionnels possibles

Tableau 3Comparaison de fréquence (%) du facteur rhumatoïde entre les groupes dePR d’âges de début différents

Référence PR à début précoce PR à début tardif pVan der Eijde 78 89 NSFerracioli 50 55 NSTerkeltaub 59 32 NSDeal 72 48 p < 0,01Inoue 76 66 NSPease 56 42 p < 0,05

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liée à l’âge, pouvant altérer la fonction et la structure deséléments intervenant dans l’autonomie. D’autre part, les dé-gâts radiologiques observés dans les séries comparativesdoivent également prendre en compte les anomalies liées àl’âge (pincements d’origine dégénérative, déminéralisation,lésions d’arthropathie microcristallines), pouvant expliquerde scores radiologiques initiaux plus élevés dans le groupe àdébut tardif [13].

Les données de la littérature sont discordantes quant aupronostic fonctionnel de la PR en fonction de son âge dedébut. Certaines études font état d’une évolution plus favora-ble, ou plus sévère au cours de la PR à début tardif. Les raresétudes longitudinales comportant un suivi sur deux à trois ans[5,9,11,13] et comportant un groupe témoin de PR à débutprécoce ont montré en fait que le pronostic était moins bon aucours de la PR à début tardif [5,9] ou identique par rapport augroupe à début plus précoce [11,13]. Dans le travail de vander Heijde, une plus forte activité mesurée sur les paramètresinflammatoires et le score DAS était observée dans le groupeaprès 60 ans, après deux ans de recul sur une étude prospec-tive et contrôlée avec tendance à un score radiologique plusélevé (pincements articulaires) mais non significatif par rap-port aux témoins [9]. Dans le travail de Pease, le potentielérosif était identique après un suivi moyen de 3,6 ans, encomparant dans une étude prospective des PR ayant débutéavant ou après 65 ans [11]. En revanche, 40 % des PR à débuttardif avaient des érosions contre 25 % dans le groupe de PRà début précoce en ne prenant en compte que les formesséronégatives. Dans l’étude de Peltomaa [13], le score radio-logique de Larsen n’était pas différent dans les deux groupesaprès un suivi de trois ans. Par ailleurs, les études longitudi-nales évaluant l’ensemble des facteurs pronostiques ont ré-vélé que, plus l’âge de début de la maladie était élevé, plusl’évolution de la PR était défavorable. Ainsi dans le travail deKuiper qui a suivi sur six ans 332 PR récentes, l’âge plusélevé était associé significativement à des scores fonctionnelset radiologiques plus sévères [22]. De façon analogue l’étudede Bukhari sur 439 PR récentes avec un suivi sur cinq ansconfirmait que l’âge de début était un facteur d’évolutionradiologique péjorative [23].

Divers facteurs de sévérité ou de mauvais pronostic radio-logique ont été identifiés et sont superposables à ce qui estclassiquement rapporté dans la PR : un score fonctionnelinitial élevé (HAQ) [10], la présence du facteur rhumatoïde[9,10], la présence du DR4 [11], l’existence d’un syndromeinflammatoire initial important [11]. Le taux de rémissionsétait significativement plus élevé dans les formes séronégati-ves à début tardif [11]. Un début brutal augurait volontiersd’une évolution favorable avec rémission en 18 mois chez26 % des patients pour Corrigan [16]. Enfin la présenceinitiale d’œdèmes prenant le godet était considérée commeun facteur de pronostic favorable de la PR à début tardif, avecun potentiel érosif moins grave [24].

Certains sous-groupes au sein de la PR à début tardif nepartageraient pas forcément le même potentiel évolutif. Lesformes à début rhizoméliques et séronégatives pour le facteur

rhumatoïde semblent posséder un meilleur pronostic, uneévolution rarement agressive, des scores radiologiques mini-mes [7].

8. Étude immunogénétique

Les études immunogénétiques de la PR à début tardif sontrelativement concordantes et confirment l’association entrePR et présence de HLA DR4, et ce de manière significativepar rapport aux témoins sains [6,8,9,25,26]. La fréquenceélevée du DR4 est surtout observée dans le groupe de PRséropositives pour le facteur rhumatoïde [9], tandis que lafréquence du DR4 dans les formes séronégatives est prochede celle des témoins sains [6,25,27,28]. De grands effectifsont été étudiés parYukioka [29] sur une population japonaisede 852 patients dont 120 PR ayant débuté après 60 ans. Uneassociation significative a été observée entre le groupe de PRà début tardif et les allèles DRB1 0405, DRB1 0101 et DRB11502 (allèle non classiquement associé à la PR). Des diffé-rences entre les deux groupes dans la fréquence et la repré-sentation des allèles DRB, suggèrent que des mécanismesimmunogénétiques pourraient être à l’origine de l’expressionclinique distincte dans les deux groupes d’âge. Un autretravail, français cette fois, a comparé les allèles DRB1 dansdeux groupes de patients dont la PR débutait avant 60 ans(n = 260) ou après 60 ans (n = 60) [26]. Les épitopes partagésétaient similaires dans les deux groupes, mais les allèlesDRB1 04 étaient sous représentés dans le groupe à débuttardif, tandis que la tendance inverse était observée pour lesallèles DRB1 01.

Les données actuelles de la littérature ne permettent pasd’envisager la détermination des antigènes HLA-DR dans unseul but diagnostique. En particulier cette recherche apparaîtpeu utile pour tenter de distinguer dans des cas difficiles PR àdébut tardif et pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR). Aucours de la PPR, les études immunogénétiques ont trouvé uneaugmentation significative des allèles DRB1 exprimant l’épi-tope partagé (DRB1 0401, 0404, 0408) [30–32], mais cetteassociation avec ces sous-types est moins importante parrapport aux PR. Dans le travail de Gonzales, certains sous-types de DRB1 étaient observés à la fois dans la PPR et la PRséronégative à début tardif [30].

Au total, la susceptibilité génétique de la PR séropositiveest identique quel que soit l’âge de début, alors que la PRséronégative à début tardif ne semble pas associée au DR4.

9. Formes cliniques de la PR à début tardif

La polyarthrite rhumatoïde est une entité vraisemblable-ment hétérogène, et c’est encore plus vrai pour la PR à débuttardif.

9.1. Forme classique

Il s’agit de la forme la plus fréquente, comportant uneacropolyarthrite, séropositive pour le facteur rhumatoïde. En

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bref, elle ne diffère en rien de la PR classiquement décrite.Cette forme représente 70 % des observations. Les manifes-tations viscérales ne seraient pas différentes de la PR classi-que. La polyarthrite est érosive, parfois rapidement destruc-trice et déformante, et le pronostic radiologique etfonctionnel apparaît même plus sévère que la PR classique àdébut plus précoce. Cette forme de PR requiert certainementune approche thérapeutique au moins aussi agressive quedans la PR classique.

9.2. PR à début rhizomélique d’évolution bénigne

Cette forme représente environ 25 % des PR à début tardif[7]. L’atteinte initiale intéresse les ceintures, en particulierles épaules, de manière bilatérale et symétrique, et secondai-rement les articulations périphériques. L’altération de l’étatgénéral, les débuts aigus y sont plus fréquents, tandis que lesmanifestations viscérales et le facteur rhumatoïde sont vo-lontiers absents. Une évolution habituellement favorable,peu érosive, peu déformante, achève la description. Cetteforme est donc très proche de la PPR avec laquelle elle posed’importants problèmes de diagnostic différentiel. Certainspatients sont d’ailleurs traités comme des PPR avant que lediagnostic de PR ne soit établi [9]. Le problème est d’autantplus ardu que les synovites périphériques ne sont pas rares aucours de la PPR et intéressent surtout les poignets, métacar-pophalangiennes et genoux, sur un mode non érosif. Lediagnostic est parfois insoluble entre PPR et certaines PR àdébut rhizomélique, et c’est le caractère durable des synovi-tes périphériques et le potentiel érosif qui permettra de pré-ciser le diagnostic. Si l’on se réfère aux critères diagnosti-ques de l’ACR 1987, les PPR avec atteintes périphériquespeuvent satisfaire aux quatre premiers critères qui sont biensûr les moins spécifiques. Quelques points distinctifs initiauxméritent d’être connus et sont résumés dans le Tableau 4.Cette forme à début rhizomélique est relativement spécifiquedu sujet âgé. Dans les différentes séries comparatives, ellen’apparaît parfois pas du tout représentée ou à une fréquencefaible dans le groupe comparatif débutant avant 60 ans [7].Une question doit être posée : cette forme singulière de PRpeut-elle être distinguée d’un point de vue nosologique de lapseudopolyarthrite rhizomélique ? Certains auteurs pensentque ces formes de PR bénignes du sujet âgé sont des variantesde PPR [14,33]. Les nombreux points communs qu’elle par-tage avec la PPR permettent de penser que la PR séronégative

à début rhizomélique est une forme particulière de PPRplutôt qu’une forme clinique individualisée de PR du sujetâgé. Il pourrait exister un continuum clinique entre les diver-ses affections : d’un côté du spectre se trouverait la PPR avecà l’extrême la maladie de Horton, de l’autre côté du spectre,se trouverait la PR dans sa forme classique avec atteinteacropolyarticulaire. Entre ces deux présentations se situentles patients avec atteinte articulaire proximale et périphéri-que, étiquetés selon l’observateur PPR avec synovite ou PR àdébut rhizomélique.

9.3. Formes œdémateuses

Ces formes s’accompagnent initialement d’œdèmes desextrémités, prenant le godet. Elles sont proches du RS3PEavec lequel elles partagent de nombreux points communsdans la présentation clinique et dans le profil évolutif.Comme évoqué plus haut, cette entité est probablement unsyndrome, comportant parmi les étiologies certaines formesde début de la PR du sujet âgé.

Faut-il, en définitive, distinguer différents groupes dans laPR après 60 ans, comme on le propose chez l’enfant, dans legroupe des arthrites juvéniles idiopathiques ? Ainsi pourraitêtre individualisées les arthrites chroniques séniles (ou àdébut tardif), permettant une approche clinique, pronostiqueet thérapeutique plus précise. Toutefois les modificationsapparaissant avec l’âge sont graduellement progressives et nejustifient pas pour certains, de poser des limites d’âge dans ladescription de ces formes cliniques [1].

10. Conclusion

La PR à début tardif se distingue de la PR à début précocepar certains particularités : un ratio homme : femme pluséquilibré, un mode de début plus aigu accompagné d’unealtération de l’état général, une distribution articulaire ini-tiale volontiers rhizomélique, avec en particulier atteinte desépaules. Contrairement à ce qui a été longtemps admis,l’évolution n’est pas moins sévère par rapport aux formesclassiques. En fait, la PR à début tardif est un cadre hétéro-gène dans lequel plusieurs formes cliniques méritent d’êtreindividualisées, et il faut tenir compte de cette diversité plutôtque d’approcher de manière trop globale le problème de laPR après 60 ans. La sévérité de la PR à début tardif pourraitjustement dépendre de ces sous-groupes. Le pronostic fonc-tionnel et les atteintes radiologiques observés au cours de laPR à début tardif justifient une approche thérapeutique iden-tique à ce qui est proposé dans la PR classique.

Références

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Tableau 4Points distinctifs entre forme rhizomélique de PR à début tardif et PPR

PR à débutrhizomélique

PPR

Distribution articulairepériphérique

Toutes localisations MCP, poignets,genoux

Atteinte des avant-pieds Oui NonCholestase anictérique Non PossibleSensibilité douloureuseà la palpation des musclesbrachiaux

Non Oui

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479E. Houvenagel / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 475–479