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ANNIE DUMONT LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES CONSÉQUENCES DE L’EXPOSITION À LA VIOLENCE FAMILIALE Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Service social pour l’obtention du grade de Maître en service social (M. Serv. Soc.) ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2013 ©Annie Dumont, 2013

LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

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Page 1: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

ANNIE DUMONT

LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE

MODÉRATRICE DES CONSÉQUENCES DE

L’EXPOSITION À LA VIOLENCE FAMILIALE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Service social

pour l’obtention du grade de Maître en service social (M. Serv. Soc.)

ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2013

©Annie Dumont, 2013

Page 2: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

ii

RÉSUMÉ

La présente recherche veut connaitre l’ampleur des victimisations autres vécues

par les jeunes exposés à la violence familiale et en savoir davantage en regard des effets

de l’accumulation de violence dans la dernière année sur les conséquences de cette

exposition. Pour ce faire, des données secondaires de deux recherches québécoises sur la

polyvictimisation des enfants et des adolescents québécois sont utilisées, ainsi qu’une

adaptation du Stress Process Model en tant que cadre théorique. L’analyse des données

démontre que les enfants exposés à la violence familiale vivent plus de formes de

violence diverses et d’événements aversifs que les enfants non exposés. Ils présentent

aussi de l’anxiété, de la colère, de la dépression et du stress post-traumatique à un plus

haut niveau. Le nombre d’autres victimisations vécues dans la dernière année a un effet

modérateur sur la colère des deux à 11 ans et sur le syndrome de stress post-traumatique

des 12 à 17 ans. La variation des symptômes de trauma est par contre faiblement

expliquée par le modèle utilisé, impliquant que d’autres variables doivent être prises en

compte pour bien comprendre les processus sous-jacents à l’apparition de conséquences

psychologiques dans la vie des enfants vivant une accumulation de violences diverses.

ABSTRACT

The current research explores the importance of victimization of young people

who have been exposed to family violence. It investigates the effects of violence

accumulation in the last year and the consequences of their exposure to these specific

circumstances. This project uses an adaptation of the Stress Process Model as a

theoretical framework and two poly-victimization studies of children and teenagers as

empirical evidence. Overall, this study shows that children who have been exposed to

family violence experience more types of violence and adverse events than non-exposed

children. They also suffer from anxiety, anger, depression and post-traumatic stress at a

higher level. In concrete, the results show that the number of victimizations observed

during the last year have a moderating effect on the anger of the 2 to 11 year-olds and on

Page 3: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

iii

the post-traumatic syndrome of the 12 to 17 year-olds. Yet, the variation of traumatic

symptoms is only weakly explained by the model used. Other variables must be taken

into account to have a better understanding of how psychological consequences affect

children who have endured the accumulation of diverse types of violence.

Page 4: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

iv

Remerciements

La réalisation de mon mémoire n’aurait pu être possible si je n’avais pas été aussi

bien entourée. D’abord, je souhaite remercier ma directrice, Geneviève Lessard, pour ses

commentaires toujours encourageants et constructifs. J’ai eu la chance d’être dirigée par

quelqu’un qui m’a fait confiance et qui m’a permis de me dépasser.

Je remercie également les équipes de recherche de Madame Marie-Eve Clément et

Madame Claire Chamberland, de m’avoir permis d’utiliser les données de leurs propres

projets pour mon mémoire. Un merci spécial à Kathy Cyr, pour son efficience et sa

rapidité à répondre à mes interrogations.

Merci aux collègues étudiantes qui ont fait ce bout de parcours avec moi; Mélissa,

Catherine, Caroline, Julie, Joannie, Claudia et Marie-Eve. Merci pour votre capacité

d’écoute et votre présence lorsque j’avais besoin de ventiler, de me questionner ou

simplement de penser à autre chose. Merci également à Simon, pour ses commentaires

constructifs et son aide ponctuelle.

Un énorme merci à mon mari, Jean-Philippe, qui a permis que ce processus soit

plus facile, par sa présence et sa patience.

Enfin, la réalisation de mes études de maitrise a été facilitée par l’aide financière

apportée par le Fonds de soutien aux étudiants du CRI-VIFF et par le Programme de

soutien à la réussite de l’École de service social.

Page 5: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ............................................................................................................................... ii

REMERCIEMENTS ............................................................................................................ iv

TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................... v

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES ......................................................................... viii

INTRODUCTION ................................................................................................................. 1

CHAPITRE 1 : DÉFINITIONS DES CONCEPTS À L’ÉTUDE ET

RECENSION DES ÉCRITS EMPIRIQUES .......................................................... 3

1.1 Définitions des concepts ..................................................................................... 3

1.1.1 Violence conjugale .............................................................................. 3

1.1.2 Exposition à la violence familiale ...................................................... 4

1.1.3 Polyvictimisation et victimisations récentes ...................................... 5

1.2 Recension des écrits ............................................................................................ 5

1.2.1 L’exposition à la violence conjugale .................................................. 6

1.2.1.1 Prévalence ............................................................................. 6

1.2.1.2 Conséquences ....................................................................... 7

1.2.1.3 Facteurs de risque et de protection ...................................... 8

1.2.2 L’exposition à la violence envers la fratrie ........................................ 9

1.2.3 La polyvictimisation .......................................................................... 11

1.2.3.1 Risques de polyvictimisation en présence d’exposition

à la violence familiale..................................................................... 11

1.2.3.2 Prévalence ........................................................................... 13

1.2.3.3 Typologie ............................................................................ 14

1.2.3.4 Conséquences ..................................................................... 15

1.2.4 Forces et limites des études recensées ............................................. 16

Page 6: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

vi

1.2.5 Conclusion ......................................................................................... 17

1.3 Pertinence sociale et scientifique ..................................................................... 17

1.4 Conclusion ......................................................................................................... 21

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE .............................. 22

2.1 Approche et type de recherche ......................................................................... 22

2.2 Cadre théorique et opérationnalisation des concepts ...................................... 23

2.2.1 Théorie du Stress-Coping.................................................................. 23

2.2.2 Stress Process Model ......................................................................... 24

2.2.3 Adaptation du modèle appliqué à la présente étude ........................ 25

2.2.4 Opérationnalisation des concepts ..................................................... 27

2.3 Population à l’étude et échantillonnage ........................................................... 28

2.4 Mode de collecte de données et instruments de recherche ............................. 28

2.5 Méthodes d’analyse statistique ........................................................................ 30

2.5.1 Analyses descriptives ........................................................................ 30

2.5.2 Régressions multiples ........................................................................ 31

2.6 Limites de la méthodologie choisie ................................................................. 33

2.7 Les aspects éthiques .......................................................................................... 34

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS ............................................................................................ 35

3.1 Ampleur des victimisations vécues par les enfants exposés à la

violence familiale .................................................................................................... 35

3.1.1 Les 2-11 ans ....................................................................................... 36

3.1.2 Les 12-17 ans ..................................................................................... 37

3.2 Effets des variables étudiées sur les symptômes de trauma ........................... 39

3.2.1 Les 2-11 ans ....................................................................................... 39

3.2.2 Les 12-17 ans ..................................................................................... 42

3.3 Conclusion ......................................................................................................... 45

CHAPITRE 4 : DISCUSSION ........................................................................................... 47

4.1 Synthèse des principaux résultats .................................................................... 47

Page 7: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

vii

4.2 Interprétation des résultats................................................................................ 49

4.2.1 Prévalence de l’exposition à la violence familiale .......................... 49

4.2.2 Risques en présence d’exposition à la violence familiale ............... 50

4.2.3 Application du cadre théorique......................................................... 52

4.2.4 Effets des autres variables étudiées .................................................. 53

4.3 Forces et limites de la présente recherche ....................................................... 56

4.4 Recommandations pour la recherche et l’intervention ................................... 56

4.5 Conclusion ......................................................................................................... 57

CONCLUSION ................................................................................................................... 59

RÉFÉRENCES .................................................................................................................... 61

ANNEXE A ......................................................................................................................... 67

ANNEXE B ......................................................................................................................... 68

Page 8: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

viii

LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

Tableau 1 : Présence de chacune des formes de victimisation et d’adversité,

selon l’exposition à la violence conjugale ou non ................................................ 12

Tableau 2 : Opérationnalisation .......................................................................................... 27

Tableau 3 : Plans de régressions multiples selon les variables en présence .................... 32

Tableau 4 : Grille d’interprétation des mesures d’association.......................................... 32

Tableau 5 : Moyennes des scores aux symptômes de trauma selon l’exposition

à la violence familiale des deux à 11 ans ............................................................... 36

Tableau 6 : Moyennes du nombre d’autres victimisations et d’événements aversifs

chez les enfants de deux à 11 ans, selon qu’ils soient ou non exposés

à la violence familiale ............................................................................................ 37

Tableau 7 : Moyennes des scores aux symptômes de trauma selon l’exposition

à la violence familiale des 12 à 17 ans ................................................................... 38

Tableau 8 : Moyennes du nombre d’autres victimisations et d’événements aversifs

chez les jeunes de 12 à 17 ans, selon qu’ils soient ou non exposés à la

violence familiale .................................................................................................... 38

Tableau 9 : Effets des variables étudiées sur l’anxiété des deux à 11 ans ....................... 40

Tableau 10 : Effets des variables étudiées sur la dépression des deux à 11 ans .............. 41

Tableau 11 : Effets des variables étudiées sur la colère des deux à 11 ans ..................... 42

Tableau 12 : Effets des variables étudiées sur le syndrome de stress post-traumatique

des 12 à 17 ans......................................................................................................... 43

Tableau 13 : Effets des variables étudiées sur la dépression des 12 à 17 ans.................. 44

Tableau 14 : Effets des variables étudiées sur la colère des 12 à 17 ans ......................... 45

Figure 1 : Processus de stress-coping ................................................................................. 24

Figure 2 : Stress Process Model ......................................................................................... 24

Figure 3 : La polyvictimisation comme variable modératrice des conséquences

de l’exposition à la violence familiale ................................................................... 26

Figure 4 : Autres variables pouvant expliquer la variation des symptômes de trauma... 26

Page 9: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

1

INTRODUCTION

Dans les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence, les

intervenantes jeunesse doivent chaque jour venir en aide à des enfants meurtris par la

violence dont ils ont été témoins, mais aussi très souvent par celle dont ils ont été

directement victimes (Stephens, McDonald, & Jouriles, 2000). Par exemple, selon

certains auteurs, l’exposition à la violence conjugale représente un élément clé dans la

création de conditions qui conduisent aux mauvais traitements, à l’exposition à de l’abus

physique sur un membre de la fratrie ou à d’autres assauts sur un membre de la famille

(Hamby, Finkelhor, Turner, & Ormrod, 2010). Le travail de ces intervenantes en devient

donc d’autant plus complexe que le cocktail de violence vécu est propre à chaque jeune et

entraîne des conséquences diverses sur leur santé physique et psychologique. La prise en

compte de l’accumulation de victimisations dans la vie des enfants et des adolescents

peut avoir un certain impact sur la manière dont sont développés les programmes de

prévention et d’intervention. Ceux-ci doivent-ils se concentrer uniquement sur

l’exposition à la violence conjugale et ses conséquences ou tenir compte des effets des

autres violences? Si oui, quels sont ces effets?

Il faut aussi dire que les violences vécues par les enfants peuvent se produire tant

dans la sphère familiale qu’à l’extérieur de celle-ci (Cyr et al., 2012; Elliott, Alexander,

Pierce, Aspelmeier, & Richmond, 2009; Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2009a; Finkelhor,

Turner, Hamby, & Ormrod, 2011c), par de l’intimidation dans le milieu scolaire, par

exemple. La présente étude s’intéresse quant à elle à certaines violences intrafamiliales en

considérant le lien entre ces violences et les autres victimisations susceptibles d'être

vécues par les enfants, à partir de données recueillies dans le cadre de deux recherches

québécoises portant sur la polyvictimisation des enfants (Clément et al., en cours) et des

adolescents (Chamberland et al., en cours). De façon plus spécifique, l’étude réalisée ici

se penche sur le nombre de victimisations vécues par les enfants exposés à la violence

familiale (EVF) dans l’année précédent l’étude en tant que variable modératrice de

l’impact de cette exposition sur les jeunes. Elle tente de répondre à la question suivante :

dans quelle mesure le nombre de victimisations a-t-il une influence sur les conséquences

ressenties par les enfants EVF? Cette question générale est étudiée sous l’angle du

Page 10: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

2

paradigme post-positiviste, basé sur l’observation de phénomènes par une méthode

scientifique et visant l’objectivité la plus complète possible du chercheur. Ce paradigme

épistémologique est choisi, car il permet d’énoncer certaines généralisations, de décrire

un phénomène complexe et de valider ou de rejeter le cadre théorique utilisé.

Un intérêt est d’abord porté aux concepts importants et sur ce que les recherches

antérieures nous ont appris de la problématique étudiée dans le chapitre 1. Par la suite, le

chapitre 2 s’attarde au cadre théorique et à la méthodologie sur lesquels s’appuie la

recherche. Enfin, le chapitre 3 expose les résultats de la recherche, alors que le chapitre 4

établit certains parallèles entre les résultats et les connaissances déjà existantes sur le

sujet.

Page 11: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

3

CHAPITRE 1 : DÉFINITIONS DES CONCEPTS À L’ÉTUDE ET RECENSION DES

ÉCRITS

Les concepts à la base de l’étude sont d'abord définis, soit la violence conjugale,

l’exposition à la violence familiale et la polyvictimisation. Par la suite, ces mêmes

concepts sont repris pour structurer la recension des écrits empiriques qui aborde la

prévalence de ces formes de victimisation, leurs conséquences et particularités.

1.1 Définitions des concepts

1.1.1 Violence conjugale

La violence conjugale peut être comprise de diverses façons, dépendamment de la

théorie explicative à laquelle on adhère. Alors que pour certains elle peut être attribuable

aux caractéristiques de l’agresseur ou de la victime (théories intra-individuelles), pour

d’autres elle dépend plutôt d’une addition entre ces caractéristiques et celles de

l’environnement dans lequel les individus impliqués évoluent (théories psychosociales).

D’autres encore voient la violence comme une résultante de structures et de normes

sociales favorisant l’utilisation de celle-ci (théories sociologiques / structurelles). Les

théories féministes, par exemple, considèrent que la violence conjugale s’appuie sur le

contexte social et historique des relations entre les hommes et les femmes, en plus de

voir, dans la structure sociétale, une cause à la violence (Desmarais, 1990). En effet, le

patriarcat présent dans la société est montré du doigt par les féministes qui y voient une

légitimation de l’inégalité de pouvoirs entre les sexes (Bilodeau, 1990).

Un souci de clarté nous amène, dans la présente étude, à faire un choix parmi les

différentes définitions existantes de la violence conjugale. C’est la définition adoptée par

le gouvernement du Québec en 1995 dans sa politique d’intervention en matière de

violence conjugale qui est donc retenue, parce qu’elle s’appuie à la fois sur le contexte

historique et légal avec lequel les intervenants en matière de violence conjugale doivent

composer (Gouvernement du Québec, 1995, p.18) :

Page 12: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

4

La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales,

physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique.

Elle ne résulte pas d'une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen

choisi pour dominer l'autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut

être vécue dans une relation maritale, extramaritale ou amoureuse, à tous les âges

de la vie (Gouvernement du Québec, 1995, p. 23).

1.1.2 Exposition à la violence familiale

Le concept d’exposition à la violence familiale renvoie ici à l’une ou l’autre des

formes suivantes : l’exposition à la violence envers la fratrie et l’exposition à la violence

conjugale. Il faut par contre savoir que le phénomène de l’exposition à la violence

conjugale est beaucoup mieux connu et documenté que celui de l’exposition à la violence

envers un frère ou une sœur. Le choix de définition pour ces deux formes d’exposition à

la violence est balisé par la méthodologie de recherche des enquêtes dont sont issues les

données brutes. Comme celles-ci s’attardent à la polyvictimisation et aux liens entre les

différentes victimisations, elles ne peuvent mesurer chacune des victimisations avec

autant de finesse et de détails que dans une étude qui se pencherait uniquement sur

l’exposition à la violence conjugale, par exemple.

Il est à noter que c’est le terme « exposé » plutôt que « témoin » qui est utilisé tout

au long de ce travail lorsqu’il s’agit de faire référence aux jeunes qui voient ou entendent

des scènes de violence conjugale ou qui en constatent les effets. Alors que le témoin

d’une situation est passif face à celle-ci et vit les choses de l’extérieur, l’enfant exposé à

la violence conjugale en fait directement partie, par le fait qu’il se retrouve au centre de

ce climat de peur et de tension (Lessard, Damant, Brabant, Pépin-Gagné, &

Chamberland, 2009). Il faut par contre ajouter que les données utilisées pour la présente

étude ne permettent pas de connaitre toute l’ampleur de cette exposition chez les enfants.

En effet, seule la violence conjugale physique est considérée par les instruments de

mesure et, pour ce qui est des adolescents, seule une exposition directe (avoir vu l’acte de

violence) est prise en compte. La mesure de l’exposition à la violence conjugale a ensuite

été bonifiée, lorsqu’est venu le temps de questionner les parents des enfants de deux à 11

ans.

Page 13: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

5

L’exposition à la violence envers la fratrie se définit ici par le fait « d’être témoin

d’une agression physique sur un frère ou une sœur de la part d’un parent », tel que décrit

par le Juvenile Victimization Questionnaire (Finkelhor, Hamby, Ormrod, & Turner,

2005a).

1.1.3 Polyvictimisation et victimisations récentes

L’une des façons de déterminer si un enfant est polyvictimisé est de comptabiliser

les victimisations au cours de la vie complète du jeune, l’état de polyvictimisation étant

défini par le fait, pour un enfant, de se retrouver dans les 10% des jeunes présentant le

plus grand nombre de victimisations (Finkelhor, et al., 2009a). Une autre façon de faire

est d’additionner les événements de violence ayant eu lieu dans l’année précédente, ce

qui permet d’avoir un laps de temps standardisé pour tous les enfants, peu importe leur

âge. Cela permet aussi que les souvenirs soient frais à leur mémoire ou à celle de leurs

parents (Finkelhor, et al., 2009a). Les victimisations prises en compte sont ciblées dans le

JVQ (Annexe A), qui a déjà déterminé qu’en moyenne, les enfants vivent trois

victimisations par année. Un enfant polyvictimisé est donc celui qui en a vécu quatre et

plus dans une année donnée (Finkelhor et al., 2005c). C’est cette dernière façon de

déterminer la polyvictimisation qui est retenu dans le présent mémoire.

1.2 Recension des écrits

Le concept d’exposition à la violence familiale, tel que défini dans la présente

étude, couvre deux domaines de connaissances, soit celles se rapportant à l’exposition à

la violence conjugale et celles – beaucoup plus limitées – se rapportant à l’exposition à la

violence envers la fratrie. La première section présente la prévalence, les conséquences et

les facteurs de risque et de protection associés à l’exposition à la violence conjugale. La

deuxième section soulève les quelques informations disponibles dans les écrits

empiriques en lien avec l’exposition à la violence envers la fratrie. Les connaissances sur

la polyvictimisation sont ensuite synthétisées, en débutant par les liens étroits qui

semblent exister entre celle-ci et l’exposition à la violence familiale. Puis, la prévalence

Page 14: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

6

de la polyvictimisation, les typologies de polyvictimisation et les conséquences de cette

problématique pour les jeunes sont exposées1.

1.2.1 L’exposition à la violence conjugale

Depuis plusieurs années maintenant, on reconnait l’exposition à la violence

conjugale comme une violence subie par l’enfant, et d’ailleurs au Québec, elle est

considérée dans la Loi sur la protection de la jeunesse comme l'une des formes de

mauvais traitement psychologique susceptibles de nuire à la sécurité et au développement

de l'enfant (Gouvernement du Québec, 2011). En effet, plusieurs auteurs ont statué sur le

fait que l’enfant n’est pas qu’un témoin passif des agressions entre ses parents, mais qu’il

en ressent toutes les répercussions (Cunningham & Baker, 2007; Lessard & Paradis,

2003).

1.2.1.1 Prévalence.

Au Canada, on estime que de 11% à 23% de tous les enfants seraient exposés chez

eux à des actes de violence dirigés contre leur mère (Sudermann & Jaffe, 1999), alors

qu’aux États-Unis, une étude portant sur l’exposition à la violence familiale des jeunes

fait ressortir que 17,9% (N=4549) des 17 ans et moins ont vu de la violence physique

entre leurs parents (Hamby, Finkelhor, Turner, & Ormrod, 2011). D’ailleurs, cette même

étude estime que, de tous les jeunes exposés à la violence conjugale, 90% en ont été

directement témoin. Les écarts de pourcentage dépendent principalement des

méthodologies diverses ayant été utilisées dans ces études (Lessard, et al., 2009). De plus,

seul un portrait partiel de la réalité peut être dressé, puisque moins de trois personnes sur

dix ne dénonceraient un épisode de violence conjugale au Canada (Lortie & D'Élia,

2011), ce qui peut avoir de sérieux impacts sur notre connaissance de l’ampleur du

problème de l’exposition à la violence conjugale.

1 Ces écrits sont tirés de différentes recherches collectées dans les banques de données Social Services

Abstract, PsycInfo, FRANCIS et Social Sciences Full Text, à partir des concepts suivants : poly-

victimization, comorbidity, co-occurrence, victimization, victims of crime, maltreatment, child abuse,

domestic violence, family violence, intimate partner violence, exposure to family violence, witnessing

violence, violence against siblings, children, adolescents, teenagers, youth, siblings, injuries, wounds and injuries, trauma, psychic trauma, emotional trauma, mental health, depression, depressive disorder,

polyvictimisation, comorbidité, cooccurrence, victimisation, violence familiale, exposition à la violence

familiale, mauvais traitements, violence conjugale, violence entre conjoints, exposition à la violence

conjugale, témoin de violence, violence envers la fratrie, enfants, adolescents, jeunes, fratrie, blessures, santé mentale, dépression.

Page 15: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

7

1.2.1.2 Conséquences.

L’exposition à la violence conjugale a des impacts dans les différentes sphères de

développement de l’enfant. En effet, si la sévérité des conséquences varie

considérablement d’un jeune à l’autre, les enfants exposés à cette violence sont à risque

de vivre une mauvaise adaptation dans au moins un des domaines suivants :

comportemental, émotionnel, social, cognitif et physique (Kolbo, Blakely, & Engleman,

1996) et ces conséquences prennent différentes formes selon le stade de développement

atteint. Pour les nourrissons, les risques d’être blessés physiquement lors de l’épisode de

violence sont élevés, car le petit est souvent dans les bras de sa mère. Au niveau

psychologique, les conséquences peuvent par exemple être associées aux bruits intenses

et aux images vives de la violence, qui peuvent créer de l’angoisse chez le bébé. De plus,

des retards de développement et des perturbations dans les habitudes de l’enfant sont à

prévoir. Pour les trois à cinq ans, comme pour les plus vieux d’ailleurs, les risques de

blessures physiques sont présents si l’enfant tente d’arrêter la violence en s’interposant

entre ses parents. Les effets physiques peuvent être de l’ordre des plaintes somatiques,

alors qu’au niveau émotionnel peuvent apparaître de l’anxiété et des peurs irraisonnées.

Des retards de développement peuvent aussi surgir à ce stade, entre autres au niveau

verbal. D’autre part, les enfants d’âge préscolaire sont en plein apprentissage de

l’expression des émotions et les agressions auxquelles ils sont exposés peuvent leur faire

croire que la violence est un mode adéquat d’affirmation (Cunningham & Baker, 2007;

Lessard & Paradis, 2003).

Pour les enfants de six à 12 ans, la situation peut être d’autant plus anxiogène

maintenant qu’ils sont à même de comprendre que leur mère, malgré tous ses efforts,

n’arrive pas à faire cesser la violence. Alors que certains développent des troubles

intériorisés tels que de la tristesse, des symptômes dépressifs et une faible estime

personnelle, d’autres extériorisent leur mal-être par des comportements destructeurs et

agressifs (Cunningham & Baker, 2007; Lessard & Paradis, 2003). De plus, certaines

études ont démontré que d’être exposé à un trauma tel que la violence conjugale amène

les enfants à être dans un état de constante hypervigilance (Adams, 2006). Les difficultés

vécues à la maison se répercutent souvent dans les résultats scolaires de ces enfants, qui

présentent des difficultés de concentration, et parfois même des symptômes du syndrome

Page 16: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

8

de stress post-traumatique (SSPT). La violence perçue entraîne aussi une mauvaise

perception des relations hommes-femmes, ayant une incidence sur les relations que

l’enfant a avec ses pairs (Cunningham & Baker, 2007; Lessard & Paradis, 2003).

Enfin, les adolescents peuvent se sentir responsables de la sécurité de leur mère et

de leurs frères et sœurs et se retrouver de façon prématurée dans un rôle d’adulte, ce qui

contribue à augmenter leur détresse (Fortin & Lachance, 2011). Les jeunes peuvent se

retrouver en effet à accomplir des tâches qui ne leur reviennent pas, tel que de faire la

discipline pour les plus jeunes, d’être responsable du budget familial ou de servir de

confident au parent. Ces tâches trop importantes pour eux empêchent ainsi les adolescents

de s’individualiser et ils en viennent à faire passer les besoins des autres membres de la

famille avant les leurs (Fortin, Côté, Rousseau, & Dubé, 2007). Par ailleurs, les

problèmes de comportement, qu’ils soient intériorisés ou extériorisés, sont d’autant plus

marqués à l’adolescence. On parle ici de symptôme dépressif, d’idéations suicidaires,

d’agressivité et de violence envers les gens qui l’entourent, d’absentéisme ou de

décrochage scolaire, de fugue, de prostitution, d’abus de drogues ou d’alcool et de

délinquance. Les risques de transmission intergénérationnelle de la violence sont

également présents à l’adolescence, alors que les jeunes ont leurs premières relations

amoureuses (Cunningham & Baker, 2007; Lessard & Paradis, 2003).

1.2.1.3 Facteurs de risque et de protection.

Cette énumération de conséquences, loin d’être exhaustive, démontre bien que les

enfants exposés à la violence conjugale présentent des vulnérabilités dans toutes les

sphères de leur vie. Il faut par contre noter que certains jeunes trouvent le moyen d’éviter,

ou du moins de diminuer l’impact de la violence sur leur vie (Fortin, Cyr, & Lachance,

2000; Martinez-Torteya, Bogat, von Eye, & Levendosky, 2009; Sternberg, Lamb,

Guterman, & Abbott, 2006b).

Ces différences dans les conséquences de l’exposition à la violence conjugale

semblent prendre leurs sources dans la présence, ou l’absence, de divers facteurs jouant

un rôle aggravant ou protecteur pour les enfants. Par exemple, la perception du jeune face

à la situation peut nuire ou atténuer les conséquences de l’exposition à la violence

conjugale. Ainsi, dans une étude faite auprès de 687 enfants référés par des policiers suite

Page 17: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

9

à une intervention pour violence conjugale, 70 % d’entre eux avaient senti que

l’événement représentait une menace à leur sécurité, sentiment qui était associé à des taux

plus élevés de symptômes de trauma sévère et de problèmes de comportements

(Spilsbury et al., 2007). En plus de prendre place dans le contexte de violence vécue, les

facteurs de risque et de protection associés à l’exposition à la violence conjugale se

retrouvent aussi dans les caractéristiques de l’enfant, dans celles de son milieu familial ou

de son environnement. Pour ce qui est des caractéristiques de l’enfant, on parle entre

autres de l’âge de l’enfant ou de comment il se perçoit, alors qu’au niveau familial la

qualité du lien mère-enfant est un des facteurs pouvant avoir une grande incidence sur le

développement de ces jeunes (Fortin, et al., 2000). Enfin, au niveau social, on peut

donner en exemple la présence d’un adulte significatif dans la vie de l’enfant ou d’un bon

réseau social (Lessard, et al., 2009).

1.2.2 L’exposition à la violence envers la fratrie

Malgré le fait que l’exposition à la violence conjugale ait des conséquences graves

et touche un bon nombre d’enfants, elle ne constitue pas la seule forme de violence

familiale à laquelle les enfants ont à faire face (Hamby, et al., 2011). La présente étude

tient donc aussi compte de l’exposition à la violence d’un parent sur un frère ou une sœur,

qui semble avoir certaines similitudes avec l’exposition à la violence conjugale. En effet,

les frères et sœurs des enfants abusés ont, eux aussi, de grands besoins psychologiques

(Beezley, Martin, & Alexander, 1976) et on sait que des degrés élevés de symptômes de

trauma chez les enfants sont associés à l’exposition à la violence familiale, peu importe sa

forme (Turner, Finkelhor, Ormrod, & Hamby, 2010). Certains auteurs font d’ailleurs le

parallèle entre l’exposition à la violence envers la fratrie et l’exposition à la violence

conjugale, principalement en terme de peur et d’anxiété ressentie (Beezley, et al., 1976).

En effet, Beezley et ses collègues (1976) considèrent que l’impact de l’exposition à la

violence envers la fratrie est un trauma psychologique, certains enfants se sentant

responsables de l’attaque pourtant perpétrée par l’adulte. D’ailleurs, les moyens pris pour

se protéger de cette exposition sont semblables (crier, tenter de partir, aller chercher de

l’aide) et utilisés dans les mêmes proportions que pour les enfants exposés à la violence

conjugale (Hamby, et al., 2011). Plusieurs jeunes considèrent pour leur part qu’ils

Page 18: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

10

auraient dû intervenir pour faire cesser la violence sur le frère ou la sœur (Beezley, et al.,

1976), cette façon de penser la violence se retrouvant aussi chez les enfants exposés à la

violence conjugale (Fortin, et al., 2000). Bien qu’il s’agisse encore d’une hypothèse à

démontrer, on peut se demander si les enfants exposés à la violence envers la fratrie

vivent un sentiment d’impuissance semblable à celui vécu par les enfants exposés à la

violence conjugale (Fortin, avec la collaboration de Vaillant, Dupuis, & Préfontaine,

2005) . Alors qu’un enfant se tourne d’habitude vers ses parents en premier lieu en cas de

difficulté, il se retrouve ici à ne pouvoir compter sur ceux-ci. Il semble en effet que les

relations soient plus difficiles entre l’enfant et l’instigateur de la violence (Bourassa et

al., 2008), alors que la victime se retrouve quant à elle submergée par la détresse vécue

(Fortin, et al., 2005). Pour ce qui est des enfants exposés à la violence envers la fratrie,

les deux parents peuvent être les utilisateurs de la violence envers le frère ou la sœur de

l’enfant, ou l’un des parents peut vivre lui aussi l’impuissance reliée à la violence de

l’autre. Peu importe le contexte, l’enfant se retrouve en manque de moyens pour agir sur

une situation qui le dépasse. Enfin, notons que les pères sont plus souvent identifiés

comme les agresseurs lorsqu’on parle d’exposition à la violence envers la fratrie,

quoiqu’il y ait plus de mères responsables de cette forme de violence que pour la violence

conjugale (Hamby, et al., 2011).

Les recherches sont pourtant limitées en lien avec l’exposition à la violence

envers la fratrie (Halperin, 1981, 1983), et datent souvent de plusieurs dizaines d’années.

De plus, la prévalence de l’exposition à la violence envers la fratrie semble beaucoup

moins élevée que pour l’exposition à la violence conjugale. Une étude auprès d’un

échantillon représentatif de 2030 enfants américains a démontré que 1,1 % des jeunes de

17 ans et moins ont fait face à l’exposition à la violence envers la fratrie (Finkelhor,

Ormrod, Turner & Hamby, 2005b). Suite à ces résultats, les auteurs ont réalisé une

deuxième étude auprès de parents ou d’adultes significatifs de 503 enfants de moins de

deux ans et ont constaté que de cet échantillon, 0,7% des enfants avaient été exposés à la

violence d’un parent sur un membre de leur fratrie (Turner, et al., 2010). On peut par

contre se demander si le manque de connaissance en lien avec la problématique a une

incidence sur le peu de nombre de cas dépisté.

Page 19: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

11

Pour la présente étude, les ressemblances entre l’exposition à la violence

conjugale et l’exposition à la violence envers la fratrie font qu’elles sont considérées

selon un mode inclusif et désignées sous l’appellation « exposition à la violence

familiale ».

1.2.3 La polyvictimisation

Alors que les études des dernières décennies en regard de la violence envers les

enfants se concentraient sur un type de victimisation à la fois, on voit de plus en plus

apparaitre dans les écrits scientifiques des recherches tenant compte du cumul de

violences vécues chez nos jeunes. Cette façon de faire permet entre autres de mieux

comprendre les problèmes intériorisés et extériorisés que présentent les enfants, tout en se

penchant sur les liens existants entre les différentes victimisations. Le concept de

polyvictimisation a d’ailleurs été développé dans cette optique. Avant d’aborder plus en

détail cette problématique, il faut d’abord s’intéresser aux liens entre la polyvictimisation

et l’exposition à la violence familiale.

1.2.3.1 Risques de polyvictimisation en présence d’exposition à la violence

familiale.

Il faut savoir qu’une situation de violence, quelle qu’elle soit, est étroitement

reliée au risque d’apparition d'autres victimisations (Elliott, et al., 2009; Finkelhor,

Turner, & Hamby, 2011b). Les enfants victimisés dans une année précise ont d’ailleurs

deux à sept fois plus de risques d’être revictimisés sous une autre forme dans la même

année (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2007c). Dans le même ordre d’idées, une étude

menée à partir d’un échantillon de 8 629 adultes volontaires fréquentant un centre de

santé a démontré que de tous ceux présentant une première victimisation dans leur

enfance, 86,5 % en rapportait au moins une deuxième et 38,5 % nommaient avoir été

touchés par quatre formes ou plus de violence dans les dix-huit premières années de leur

vie. Ces auteurs soutiennent aussi que s’il y a apparition d’une première forme de

victimisation, les risques d’en vivre une autre sont de deux à 18 fois plus élevés que pour

un individu n’en ayant jamais subi (Dong et al., 2004).

Page 20: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

12

Pour ce qui est spécifiquement de l’exposition à la violence conjugale, des

recherches démontrent qu’elle est souvent accompagnée d'autres victimisations telles que

les mauvais traitements dans la famille (Hamby, et al., 2010; Zolotor, Theodore, Coyne-

Beasley, & Runyan, 2007) ou la violence en provenance des pairs (Knous-Westfall,

Ehrensaft, Watson MacDonell, & Cohen, 2011). D’ailleurs, les chercheurs considèrent

que de vivre dans une famille où il y a de la violence entre les parents multiplie de deux à

trois fois les risques, pour les enfants, de vivre d’autres situations d’adversités ou d’autres

victimisations (Dong, et al., 2004; McGuigan & Pratt, 2001). Le Tableau 1 fait d’ailleurs

état de cette multiplication de risques.

Tableau 1 : Présence de chacune des formes de victimisation et d’adversité, selon

l’exposition à la violence conjugale ou non. Adapté de Dong et al. (2004).

Ces chiffres démontrent le grand écart entre les victimisations vécues par un

individu ayant été exposé à la violence conjugale comparativement à quelqu’un n’ayant

jamais vu son parent se faire violenter par un conjoint. L’étude de Mitchell et Finkelhor

(2001) rapporte quant à elle que de vivre dans une famille où il y a de la violence

conjugale augmente les risques d’une victimisation de 158%. On peut donc s’interroger à

savoir si cette tendance est similaire pour l’exposition à la violence envers la fratrie.

D’ailleurs, Finkelhor et ses collègues (2007c) affirment que de vivre dans une famille

« dangereuse », c’est-à-dire un milieu familial où l’enfant est exposé ou victime de

violence, prédispose à la polyvictimisation.

Exposition

à la violence

conjugale

Abus émotionnel

Abus physique

Abus sexuel

Négligence émotionnelle

Négligence physique

Séparation

ou divorce des

parents

Abus de

substance d’un

membre

de la

famille

Problème

de santé mentale

dans la

famille

Criminalité d’un

membre de

la famille

Avec

exposition

(N=1125)

31,3 %

57,5 %

36,4 %

35,9 %

27,5 %

51,2 %

64,5 %

37,2 %

15,2 %

Sans

exposition

(N=7504)

7%

21,7%

18,7%

11,6%

7,3%

20%

22,7%

17,7%

4,6%

Page 21: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

13

1.2.3.2 Prévalence.

La présence de polyvictimisation est évaluée par Finkelhor et ses collègues à

l’aide du Juvenile Victimization Questionnaire (JVQ). Ces auteurs ont utilisé le

questionnaire à deux reprises dans le cadre du Developmental Victimization Survey, une

première fois entre 2002 et 2003 afin de comptabiliser les victimisations vécues chez les

enfants américains de deux à 17 ans dans une année précise, et une deuxième fois entre

2003 et 2004, auprès de la même population, afin de s’attarder à l’ensemble des

victimisations vécues dans la vie des jeunes. Les violences sur lesquelles s’attardent le

questionnaire sont au nombre de 33 (34 pour la première collecte de données) et se

divisent en cinq catégories, soit les crimes conventionnels, les mauvais traitements, les

victimisations par les pairs ou la fratrie, les victimisations sexuelles et les victimisations

indirectes ou l’exposition à la violence (voir Annexe A) (Finkelhor, et al. 2005b;

Finkelhor, et al., 2009a). Il est aussi important de remarquer que les victimisations se

retrouvent à tous les niveaux sur une échelle de gravité, en fonction de la forme de

violence, du lien entre la victime et l’agresseur et des séquelles subies.

Le JVQ a ainsi permis de savoir que 80% des enfants et des adolescents interrogés

ont subi, au cours de leur vie, au moins une victimisation, alors que 22% ont vécu quatre

victimisations ou plus dans la dernière année et 10% en ont subi sept ou plus (Finkelhor,

et al., 2007c; Finkelhor et al., 2009a). De façon plus pointue, les recherches démontrent

que 59% des enfants polyvictimisés étaient victimes à la fois de membres de leur propre

famille et de membres de la communauté. De plus, la moitié des jeunes polyvictimisés

sont agressés autant par des jeunes que par des adultes. Enfin, 30% ont vécu un abus

sexuel et 41% de toutes les victimisations ont entraîné des blessures physiques pour

l’enfant. Il faut également ajouter que la polyvictimisation est un peu plus présente chez

les garçons et qu’elle touche davantage les jeunes de plus de 14 ans (Finkelhor, et al.,

2011c).

Au Québec, le JVQ a été utilisé jusqu’à maintenant auprès d’un échantillon

clinique de 220 enfants de deux à 17 ans suivis en Centre Jeunesse. Les résultats de cette

étude montrent que 91% des jeunes de l’échantillon ont vécu, seulement dans la dernière

année, au moins une victimisation, que 29% ont vécu entre quatre et six victimisations et

que 25% en ont subi sept ou plus. D’ailleurs, les chercheurs notent que la majorité des

Page 22: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

14

jeunes vivent des victimisations issues de plus d’une des catégories du JVQ. Par exemple,

93% des enfants victimes de mauvais traitements et 100% de ceux ayant vécu une

victimisation sexuelle ont aussi dû subir des formes de violence provenant des autres

catégories. Enfin, on constate que la polyvictimisation touche davantage les adolescents

(Cyr, Chamberland, Lessard, Clément, Wemmers, et al., 2012).

1.2.3.3 Typologie.

Certaines voies semblent mener l’enfant dans une spirale où les victimisations

sont plus fréquentes. À travers une étude longitudinale, on peut remarquer que les jeunes

polyvictimisés présentent des facteurs de risque dans au moins une des quatre voies

suivantes (Finkelhor, et al., 2011c):

Famille dangereuse: La première voie situe les facteurs de risque principalement

dans l’environnement familial, lorsque l’enfant est maltraité par des membres de sa

famille immédiate. Seulement dans le milieu familial, les possibilités de victimisations

diverses sont nombreuses: sexuelle, physique, psychologique, exposition à la violence,

etc.

Éclatement et adversités dans la famille : La deuxième voie dépend des obstacles

que rencontre la famille de l’enfant. Celle-ci traverse différentes situations d’adversité et

d’éclatement, sans que les victimisations viennent directement des membres de la famille.

Par exemple, une séparation ou une perte d’emploi des parents peut entraîner une

diminution de la supervision parentale, un manque de soutien émotionnel et une

exposition à des personnes non recommandables pour l’enfant.

Voisinage dangereux : La troisième voie passe par le voisinage dangereux ou les

risques que peut représenter une communauté précise. Là où il y a des gangs de rue qui

sévissent et un fort taux de vol et de vandalisme, par exemple.

Problèmes émotionnels : La dernière voie dépend de certaines caractéristiques

personnelles de l’enfant. Ces jeunes présentent des problèmes affectifs qui augmentent

les comportements à risque et compromettent leur capacité à se protéger eux-mêmes.

Cette dernière voie augmentant le risque de polyvictimisation est plus

significative pour les enfants de neuf ans et moins que pour les plus vieux. Pour ces

derniers, ce sont les facteurs environnementaux qui ont le plus d’importance, ce qui peut

Page 23: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

15

être expliqué par le fait que l’influence de ces facteurs met plus de temps à faire effet,

mais aussi par la méthodologie propre au JVQ, qui s’appuie sur les perceptions des

parents pour les deux à neuf ans, mais qui questionne directement les jeunes de 10 ans et

plus (Finkelhor, 2008). Par ailleurs, Finkelhor et ses collègues (2009b) ont également

constaté la présence de deux pics d’apparition de la polyvictimisation dans la vie des

jeunes, soit l’entrée à l’école primaire et celle à l’école secondaire. Confrontés à un

environnement social moins défini, les jeunes peuvent rencontrer toutes sortes de conflit,

de stress et d’inconnu pouvant miner leurs habiletés à évaluer les situations

potentiellement dangereuses. De plus, les agresseurs, recherchant des enfants vulnérables,

s’intéressent au groupe ayant le plus faible statut dans l’école, soit les enfants plus jeunes,

les nouveaux arrivants. Enfin, les parents peuvent utiliser l’autorité coercitive pour

maintenir le succès de l’enfant à l’école et contrecarrer la nouvelle indépendance qu’il

prend par rapport à leur supervision (Finkelhor, Ormrod, Turner, & Holt, 2009b).

1.2.3.4 Conséquences.

L’accumulation de victimisation a d’importantes conséquences pour les enfants

qui la vivent. Les chercheurs s’intéressant au phénomène constatent que la

polyvictimisation augmente considérablement les symptômes de trauma et qu’elle est

associée aux symptômes psychologiques les plus sévères (Finkelhor, Ormrod, & Turner,

2007a; Finkelhor, et al., 2009a). Elle est d’ailleurs plus à même de prédire le degré de

symptômes de trauma (colère, dépression, SSPT et anxiété) que toute autre situation

d’adversité incluant une maladie grave, un accident, être sans-abri, des conflits familiaux

ou, pour un membre de la famille, la mort, l’absence d’emploi, l’abus de substance ou

l’emprisonnement (Finkelhor, et al., 2005c). De plus, une étude faite auprès 321

étudiantes de 18 à 24 ans a démontré que celles ayant été polyvictimisées dans l’enfance

présentaient, à l’âge adulte, des difficultés d’adaptation, principalement dans leurs

relations interpersonnelles et familiales (Elliott, et al., 2009). Ceci pourrait entre autres

s’expliquer par le sentiment de blâme ou d’impuissance qui peut imprégner plus

facilement un individu lorsque les victimisations se passent dans plus d’un milieu et aux

mains d’agresseurs différents (Finkelhor, Shattuck, Turner, Ormrod, & Hamby, 2011).

Page 24: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

16

En plus de souffrir de plus de conséquences psychologiques que les autres

victimes en général, les enfants polyvictimisés sont aussi plus affectés que les jeunes

vivant une seule victimisation de façon récurrente (Finkelhor, et al., 2011c). Par ailleurs,

même si le nombre de victimisations peut être un indicateur de l’apparition de

traumatisme, il n’en demeure pas moins que chacune d’elle a un degré de gravité

différent. Les victimisations qui semblent avoir le plus d’impact sont celles se rapportant

aux abus sexuels, celles impliquant un parent ou un tuteur et celles entrainant des

blessures physiques pour le jeune (Finkelhor, et al., 2005c). En contrepartie, les enfants

polyvictimisés sont plus souvent impliqués dans des victimisations avec blessures, avec

une arme, dont l’agresseur est un parent ou un tuteur ou dans des victimisations sexuelles,

comparativement à ceux ayant vécu moins de violence. Enfin, ces jeunes présentent aussi

un risque plus élevé de vivre des événements aversifs au cours de leur vie, tels que le

décès d’un proche, la toxicomanie d’un parent ou un accident grave vécu par l’enfant

(Finkelhor, et al., 2011c).

1.2.4 Forces et limites des études recensées

Les études consultées ont d’abord l’avantage de ne pas se confiner à la recherche

« en silo » et de s’intéresser de façon globale au vécu de violence des enfants et des

adolescents. Alors que la majorité d’entre elles ont été réalisées aux États-Unis et sont

plus difficilement généralisables ici, l’application du même genre d’étude au Canada et

au Québec nous permet maintenant d’en savoir davantage sur le vécu global de violence

de nos jeunes.

Il faut aussi mentionner que les quelques recherches rétrospectives présentées

dans la recension peuvent présenter un biais, car les souvenirs des événements

traumatisants peuvent être altérés par les désordres émotionnels que présentent les

participants ou par une minimisation des faits (Elliott, et al., 2009). C’est d’ailleurs dans

le but de pallier à ce biais que les adolescents sont interrogés directement dans les études

sur la polyvictimisation. Le risque d’exagération ou de minimisation est ainsi diminué par

le fait qu’ils sont les mieux placés pour nous parler de leur expérience (Cyr et al.,

soumis). Le problème se pose pourtant pour les plus jeunes, qui sont rejoints par

l’entremise d’un parent, celui-ci pouvant produire des résultats différents s’il ne connait

Page 25: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

17

pas tout le vécu de l’enfant ou s’il est mal à l’aise avec une partie de celui-ci (Finkelhor,

et al., 2005c).

Par ailleurs, des considérations éthiques différentes entre le Québec et les États-

Unis ont fait qu’ici, ce sont les jeunes de 12 à 17 ans qui ont été interrogés directement,

comparativement aux dix à 17 ans pour nos voisins du sud, ce qui limite les possibilités

de comparaison entre les études, du moins pour les résultats concernant les 10-12 ans

pour lesquels le répondant diffère.

Enfin, en ce qui a trait à la recherche de Cyr et al. (sous presse), elle se démarque

par le fait qu’elle s’intéresse à un échantillon clinique plutôt que populationnel, ce qui

permet entre autres d’en connaitre davantage sur le vécu de cette clientèle et sur les

processus associés à la polyvictimisation. Pourtant, des études supplémentaires sont

nécessaires pour connaitre les conséquences de la polyvictimisation chez ces jeunes.

1.2.5 Conclusion

En somme, les auteurs s’entendent pour dire qu’en présence d’EVF, les risques

d’apparition d’autres formes de violence sont accrus et qu’à ce titre, il importe de tenir

compte des implications de cette accumulation. On n’en connait pourtant peu sur ces

implications, et c’est dans l’optique de combler, du moins en partie, cette lacune que cette

recherche est développée. De façon plus spécifique, elle s’attarde aux questionnements

suivants : Quelle est l’ampleur des victimisations vécues par les enfants EVF? Dans

quelle mesure le nombre de victimisations a-t-il une influence sur les conséquences

ressenties par les enfants EVF? On s’intéresse également aux constantes qui peuvent

ressurgir des différents sous-échantillons, par exemple le sexe, l’âge, ou le nombre

d’événements aversifs vécu afin de voir si un groupe d’enfants est plus à risque de

souffrir d’un des symptômes de trauma évalués ou si ces variables peuvent venir, elles

aussi, altérer le degré de ces symptômes.

1.3 Pertinence sociale et scientifique

L’intérêt porté aux conséquences de l’EVF est que l’on commence seulement à

comprendre les mécanismes qui les sous-tendent (Adams, 2006) et qu’il existe encore peu

de données sur ce qui contribue tant à les augmenter qu’à les diminuer. Davantage de

Page 26: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

18

recherches sont nécessaires pour en connaitre plus sur ces variables (Wolfe, Crooks, Lee,

McIntyre-Smith, & Jaffe, 2003), ainsi que sur l’expérience des enfants étant victimes à la

fois de plus d’une forme de violence (Adams, 2006).

En effet, jusqu’à tout récemment, les recherches portant sur les différentes formes

de violence s’attardaient à une seule problématique à la fois, sans prendre en compte les

probabilités que d’autres victimisations s’additionnent à une première perturbation dans

la vie de l’enfant. Ceci a comme effet pervers d’exagérer la force de la relation entre une

victimisation spécifique et les conséquences mesurées (Richmond, Elliott, Pierce,

Aspelmeier, & Alexander, 2009). D’autre part, on constate depuis quelques années

l’existence de concomitance entre les différentes violences qui peuvent être

expérimentées (Hamby, et al., 2010; Lessard, et al., 2009; Litrownik, Newton, Hunter,

English, & Everson, 2003; Zolotor, et al., 2007) et de plus amples recherches sur les

multiples expositions à la violence sont maintenant nécessaires pour une compréhension

plus complète de la violence à laquelle les jeunes doivent faire face (Foster & Brooks-

Gunn, 2009). D’ailleurs, certains voient des avantages à un modèle intégré de la violence

dans les recherches, entre autres afin de permettre que les formes les moins étudiées

puissent être développées plus rapidement que si elles étaient prises isolément. En effet,

l’émergence de facteurs de risque communs à plusieurs formes de violence que permet le

modèle intégré ainsi que la prise en compte des conséquences d’une possible

cooccurrence et des liens entre les différentes victimisations amène célérité et précision à

ces études (Cyr, Chamberland, Lessard, Clément, & Gagné, 2012; Slep & Heyman,

2001).

C’est dans cette optique qu’en 1995, Turner et Lloyd commencent à parler

d’adversité cumulative pour décrire l’accumulation d’expériences de vie violentes ou

traumatisantes (Turner et Lloyd, 1995; dans Elliott, et al., 2009), alors qu’en 2000,

Higgins et McCabe utilisent le terme multi-type de mauvais traitements (multi-type

maltreatment), qui représente la coexistence de deux mauvais traitements ou plus parmi

les suivants : abus sexuel, abus physique, mauvais traitements psychologiques,

négligence et exposition à la violence familiale (Higgins et McCabe, 2000; dans Elliott, et

al., 2009). Pourtant, les outils existants de mesure des victimisations chez les jeunes

présentaient de nombreuses lacunes (Hamby & Finkelhor, 2000), autant pour la pratique

Page 27: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

19

que pour la recherche. C’est dans le but de contrer celles-ci qu’a été développé, en 2004,

le Juvenile Victimization Questionnaire (Finkelhor, et al. 2005b). Celui-ci permet de

mieux cibler les enfants qui souffrent à des degrés particulièrement élevés de différents

types de violence. Les études utilisant ce questionnaire ont mené à l’élaboration du

concept de polyvictimisation.

Le fait de s’intéresser à l’addition des types de violence vécue a permis d’en

apprendre davantage sur ces victimisations, entre autres en regard de l’exposition à la

violence conjugale. En effet, alors que la plupart des victimisations sont associées à un

risque deux ou trois fois plus élevé d’apparition d’une autre victimisation, l’exposition à

la violence conjugale augmente le risque de cooccurrence de mauvais traitements ou

d’exposition à un autre type de violence familiale de trois à neuf fois plus que pour les

enfants sans histoire de violence conjugale (Hamby, et al., 2010). Ce risque suggère donc

que ces jeunes, déjà susceptibles de développer certains maux physiques et

psychologiques (Cunningham & Baker, 2007), se retrouvent également vulnérables face à

la polyvictimisation et à ses effets.

Les chercheurs ne sont pourtant pas tous d’accord sur la façon dont cette

accumulation de violence influence les conséquences physiques et psychologiques que

subit l’enfant. Pour certains auteurs, plus le nombre de victimisations vécu est élevé, plus

les conséquences pour le jeune sont sévères (Foster & Brooks-Gunn, 2009). D’ailleurs,

une méta-analyse de 15 études sur les conséquences de la violence familiale rapporte que

les enfants à la fois victimes et exposés à cette violence présentent un plus grand risque

de vivre des troubles intériorisés que ceux ne vivant qu’une seule forme de violence

(Sternberg, Baradaran, Abbott, Lamb, & Guterman, 2006a). Ce phénomène est nommé

«double whammy effect», qui se traduit par l’augmentation du risque de développer des

problèmes au fur et à mesure que le nombre de victimisations augmente. Les mêmes

auteurs constatent pourtant que cet effet n’est pas constant. En effet, lorsqu’on s’attarde

aux problèmes de comportement extériorisés, les enfants de 10 à 14 ans exposés à la

violence sans en être directement victimes sont ceux qui présentent le plus de

vulnérabilité (Sternberg, et al., 2006a). D’ailleurs, d’autres chercheurs se sont également

intéressés au « double whammy effect » sans pouvoir trouver de certitude à son existence

(Bourassa, 1998; Silverman & Gelles, 2001), ce qui vient remettre en cause la présence

Page 28: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

20

d’un effet directement proportionnel entre le nombre de victimisations et les problèmes

associés. Selon certains auteurs, ces divergences dans les résultats des études peuvent

s’expliquer par le fait que certaines victimisations sont plus marquantes pour les jeunes,

par exemple les abus sexuels ou les violences impliquant une blessure physique

(Finkelhor, et al., 2005c).

À cet égard, une étude longitudinale auprès de 110 jeunes israéliens âgés en

moyenne entre 10 et 15 ans rapportent que de faire l’expérience de plusieurs formes de

violence familiale n’amplifie pas les symptômes de trauma qui y sont associés,

comparativement au degré de symptômes rapporté pour des jeunes n’ayant vécu qu’une

forme de violence (Sternberg, et al., 2006b). De plus, une autre recherche du même type

auprès de 171 jeunes de 12 mois à 16 ans choisis sur la base de la pauvreté de leur famille

a fait le constat que, tandis que les enfants qui présentent des facteurs de risque sont plus

vulnérables à des problèmes accrus, au-delà d’un certain nombre de ces facteurs,

l’amplification des difficultés n’est que minime (Appleyard, Egeland, van Dulmen, &

Sroufe, 2005). Selon ces chercheurs, l'expérience d'un facteur de risque supplémentaire

telle qu’une nouvelle victimisation n'augmente donc pas la probabilité de problèmes de

manière multiplicative. Par ailleurs, d’autres victimisations telles que l’exposition à la

violence dans la communauté atténuent plutôt l’impact de l’exposition à la violence

conjugale, ce qui laisse croire à un effet de désensibilisation à la violence chez ces jeunes

ou encore que l’exposition répétée établirait une norme dans la tête du jeune qui

affecterait l’interprétation et l’impact de la violence (Mrug & Windle, 2010). On peut

donc se demander si les jeunes EVF et à risque de polyvictimisation vivent des

conséquences de plus en plus sévères au fur et à mesure que les victimisations

s’accumulent ou s’il arrive plutôt un certain stade où la sévérité des impacts cesse

d’augmenter, ou même diminue.

Sur le plan de la pertinence sociale, une meilleure connaissance de ce qui est vécu

par les enfants EVF en lien avec les autres formes de victimisation peut permettre de

renforcer l’importance d’intervenir auprès d’eux. Des études précédentes ont déjà statué

sur le fait qu’ils ne sont pas que des témoins passifs sur lesquels la violence familiale n’a

pas d’incidence (Lessard, et al., 2009). L’un des objectifs de la présente recherche est

d’ailleurs de voir à quel point ces enfants, en plus d’être exposés à cette forme de

Page 29: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

21

violence, représentent un groupe vulnérable à vivre plus d’un type d’événements

traumatisants. Ainsi, un dépistage plus systématique des autres violences susceptibles

d’être vécues par ce groupe d’enfants devient nécessaire (Cyr, Chamberland, Lessard,

Clément, & Gagné, 2012) et les pratiques doivent tenir compte des intersections entre les

différentes formes de violence . Présentement les services sociaux québécois sont

développés de manière spécifique à chacune des problématiques (Flynn & Adam, 2009).

Les résultats de la présente recherche pourraient venir appuyer les études déjà recensées

qui prônent une pratique holistique (Finkelhor, et al., 2009a), entre autres dans le but

d’éviter de travailler sur les mauvaises causes ou de revictimiser l’enfant à l’intérieur du

service d’aide (Flynn & Adam, 2009).

Par ailleurs, il peut être intéressant de voir quels symptômes de trauma étudiés

sont affectés, et de quelle façon, selon le nombre de formes de violences différentes

vécues dans une année donnée. Ainsi, le fait de connaitre les symptômes qui risquent

d’être plus présents lorsque le nombre de victimisations augmente peut permettre

d’ajuster les programmes d’intervention en conséquence. Par exemple, si l’addition de

violence augmente principalement le sentiment de colère des enfants EVF, les

intervenants pourront miser sur ce volet dans leur travail.

1.4 Conclusion

Les connaissances liées à la polyvictimisation se perfectionnent régulièrement et

les études en sont maintenant à un stade où on se questionne sur comment l’accumulation

de plusieurs victimisations affecte certains groupes précis d’individus. Pour la présente

recherche, le groupe auquel on s’intéresse est constitué des enfants EVF, dû au fait qu’ils

sont nombreux et que leur bien-être, déjà affecté par l’exposition à la violence, les amène

à être particulièrement à risque de vivre une situation de polyvictimisation.

Page 30: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

22

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

La présente étude vise à savoir comment les conséquences de l’exposition à la

violence familiale peuvent être modifiées par une accumulation de violences diverses. La

réalisation de ce projet se fera de façon connexe avec deux projets de recherche déjà en

cours, soit « La polyvictimisation des jeunes au Québec » (Chamberland, et al., en cours),

qui reprend l’étude américaine de Finkelhor auprès des adolescents de 12 à 17 ans et « La

polyvictimisation des enfants au Québec » (Clément, et al., en cours) qui fait la même

chose pour les deux à 11 ans. Pour ces études, 1 401 parents d’enfants de deux à 11 ans et

1 400 adolescents ont été interrogés par téléphone. Il faut souligner que la question de

recherche retenue pour le présent projet n’est pas de prime abord étudiée par les

chercheurs responsables de ces deux études, ce qui confirme sa spécificité.

Le détail de la procédure utilisée pour y arriver sera décrit dans le présent

chapitre. Ainsi, une description générale de l’approche et du type de recherche ainsi que

l’angle théorique choisi sont présentés dans la première section du chapitre. La seconde

section présente la méthodologie, plus particulièrement : la population à l’étude, la

stratégie d’échantillonnage, les méthodes et les instruments de collecte des données ainsi

que les méthodes d’analyse statistique. Enfin, les limites de la méthodologie sont

explicitées, ainsi que les considérations éthiques qui s’appliquent à la présente recherche.

2.1 Approche et type de recherche

Cette recherche privilégie une approche quantitative, c’est-à-dire l’utilisation de

données quantifiées dans le but de faire des analyses statistiques et s’inscrit en cohérence

avec la nature de la question de recherche (Turcotte, 2000, p.160). Elle est à la fois de

nature descriptive, en raison du regard porté sur l’ampleur des victimisations vécues par

les enfants exposés, et explicative, parce qu’elle vise à démontrer la contribution relative

de l’accumulation d’autres victimisations dans l’explication des conséquences de

l’exposition à la violence familiale. Bien que la démarche nous semble la plus pertinente

pour répondre à la question de recherche, elle comporte tout de même certaines limites.

En effet, cette façon de procéder permet de se pencher sur les caractéristiques qui

Page 31: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

23

ressortent des différentes strates de l’échantillon, par exemple en ce qui a trait à l’âge, au

sexe, ou au nombre de victimisations vécues. Pourtant, l’utilisation de données

secondaires pourrait limiter l’explication recherchée puisque, au départ, les données n’ont

pas été recueillies dans le but poursuivi par ce projet (McCall & Appelbaum, 1991).

2.2 Cadre théorique et opérationnalisation des concepts

2.2.1 Théorie du Stress-Coping

Le présent projet s’appuiera sur certains concepts du cadre théorique du « Stress

Process Model » de Foster et Brooks-Gunn (2009), tel qu’appliqué à la problématique de

la violence vécue par les enfants et les adolescents. Ce modèle est lui-même inspiré de la

théorie du stress-coping. Cette théorie ne considère pas seulement l’interaction du

stimulus et de la réponse au stress, mais intègre aussi les processus cognitifs, les

mécanismes de défense et le contexte social lorsqu’elle évalue le rôle du stress dans le

développement de maux physiques et psychologiques (Brodzinsky, 1990). Pour les

tenants de cette théorie, le stress est une interaction entre l’individu et la situation

potentiellement traumatisante qu’il considère comme lui demandant davantage que ce à

quoi ces ressources sont capables de faire face et qui pourrait lui être dangereux

(Bruchon-Schweitzer, 2001), alors que le coping est un ensemble d’efforts cognitifs et

comportementaux qu’il utilise pour gérer ce stress (Brodzinsky, 1990).

Le fonctionnement de la théorie part donc de variables personnelles et

environnementales qui influencent la perception qu’un individu a d’une situation. Cette

perception se fait par l’évaluation primaire, c’est-à-dire l’évaluation de l’impact potentiel

de l’événement sur l’individu, et par l’évaluation secondaire, soit le jugement fait des

ressources disponibles pour faire face au stress. Elle amène l’individu à faire des efforts

de coping, à s’adapter à sa manière à l’événement stressant. Ces efforts pourront être

centrés sur le problème, c’est-à-dire en tentant de modifier directement la situation

stressante, ou centrés sur l’émotion, en visant à diminuer le stress vécu. Ils pourront

d’ailleurs entraîner des résultats positifs ou négatifs au niveau de l’adaptation de

l’individu, résultats qui peuvent avoir un effet rétroactif sur les variables personnelles et

environnementales. Brodzinsky (1990) traduit ce processus par le schéma suivant :

Page 32: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

24

Figure 1 : Processus de stress-coping (Brodzinsky, 1990)

Variables Évaluation cognitive Coping Résultats sur personnelles l’adaptation Évaluation primaire Centré sur le problème

Évaluation secondaire Centré sur la solution

Variables environnementales

2.2.2 Stress Process Model

Pour ce qui est spécifiquement du Stress Process Model, il contribue à mieux

comprendre le large spectre de processus et de voies impliquées dans l’exposition à la

violence et procure des opportunités pour la prévention et l’intervention au niveau de la

santé, de la sécurité et du bien-être des enfants. En effet, Foster et Brooks-Gunn (2009)

ont adapté cette perspective en situant les enfants exposés à la violence dans une vision

globale du processus de stress, incluant différents types d’exposition à la violence, les

causes et les corrélats de celles-ci, un éventail de conséquences dans la vie des jeunes et

des variables jouant un rôle modérateur ou médiateur sur ces conséquences (Foster &

Brooks-Gunn, 2009). De façon visuelle, ils traduisent le modèle tel que présenté à la

figure 2.

Figure 2: Stress Process Model (Foster et Brooks-Gunn, 2009, p.72)

Page 33: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

25

On remarque tout d’abord que les structures sociales et les inégalités, que Foster

et Brooks-Gunn classent dans les causes et corrélats de la violence, ont un impact direct,

à la fois sur l’exposition à la violence, sur les variables médiatrices et modératrices et sur

les conséquences de cette exposition. De plus, les variables médiatrices et modératrices

viennent altérer les conséquences que la violence a sur l’enfant, directement ou de

manière plus subtile. Dans ce modèle, on peut dire d’une variable qu’elle est médiatrice

lorsque la relation entre l’exposition à la violence et ses conséquences est réduite, ou

partiellement expliquée par la prise en compte de cette variable (flèche c et f de la Figure

1). La variable modératrice, pour sa part, affectera la direction ou la force de la relation

entre l’exposition et les conséquences (flèche d de la Figure 1) (Foster & Brooks-Gunn,

2009). En d’autres termes, l’effet de modération est établi lorsque l’interaction entre la

variable indépendante et la variable modératrice est reliée de façon significative à la

variable dépendante, alors qu’il y a un contrôle de l’effet individuel de la variable

indépendante et de la variable modératrice (Camacho, Ehrensaft, & Cohen, 2012). Donc,

malgré le fait qu’il y ait un lien direct entre la violence vécue et les multiples

conséquences ressenties, des voies indirectes sont aussi possibles et complexifient le

processus.

2.2.3 Adaptation du modèle appliqué à la présente étude

Pour le présent projet, ne sera retenue, comme forme d’exposition à la violence,

que celle faisant référence à la violence familiale. Plusieurs des causes et des corrélats de

la violence ne seront pas abordés, puisque les données secondaires utilisées permettent

difficilement d’en tenir compte, notamment en ce qui a trait aux caractéristiques de

l’environnement. Au niveau des conséquences, les symptômes de trauma que sont la

colère, le SSPT, l’anxiété et la dépression seront observés, alors que la variable pouvant

jouer un rôle de modérateur sera la polyvictimisation, ou plutôt le cumul de

victimisations présentes dans l’année précédent l’étude. On peut donc résumer

visuellement le cadre théorique retenu par la Figure 3 et poser l’hypothèse que la

polyvictimisation aura un effet modérateur sur la relation entre l’exposition à la violence

familiale et les symptômes de stress post-traumatique, de dépression, de colère et

d’anxiété qu’entraine cette exposition.

Page 34: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

26

Figure 3 : La polyvictimisation comme variable modératrice des conséquences de

l’exposition à la violence familiale

Par ailleurs, comme l’analyse présentée ici s’appuie sur des données secondaires

et que ces données visaient à répondre à une question beaucoup plus large, de

nombreuses variables demeurent donc disponibles. Dans le but d’affiner davantage la

compréhension du phénomène, les variables de l’âge, du genre, du nombre d’événements

aversifs et de victimisations dans la vie du jeune seront également considérées en tant que

variables indépendantes puisqu’elles peuvent avoir un impact sur la variation du score de

chacun des symptômes de trauma, tel que présenté à la figure 4.

Figure 4 : Autres variables pouvant expliquer la variation des symptômes de trauma

Variable indépendante

Exposition à la violence familiale

Conséquences

- Syndrome de stress post-traumatique

- Colère

- Anxiété

- Dépression

Variable modératrice

Polyvictimisation

Âge

Sexe

Victimisations à vie

Événements aversifs

Variables indépendantes

Exposition à la violence familiale

Conséquences

- Syndrome de stress post-traumatique

- Colère

- Anxiété

- Dépression

Variable modératrice

Polyvictimisation

Page 35: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

27

2.2.4 Opérationnalisation des concepts

Afin d’atteindre les objectifs de la recherche, les différents concepts ont dû être

transformés en variables, c’est-à-dire en phénomène mesurable. Le Tableau 2 fait donc

état de cette opérationnalisation des concepts.

Tableau 2 : Opérationnalisation

Concepts Dimensions Indicateurs

Polyvictimisation

Les 5 modules du Juvenile

Victimization Questionnaire

Les 33 victimisations du Juvenile

Victimization Questionnaire traduit et

validé (voir Annexe A).

Conséquences de l’exposition à

la violence conjugale

Anxiété*

Dépression

Colère/Agressivité

SSPT**

Indicateurs du Trauma Symptom Checklist

for Children et du Trauma Symptom

Checklist for Young Children traduits et

validés.

Exposition à la violence

conjugale

Exposition à la violence

envers la fratrie

Âge

Sexe

Autres victimisations au cours de

la vie

Événements aversifs

Violence conjugale physique

Violence conjugale verbale et

psychologique

Violence physique

Avoir vu un de ses parents être frappé par

l’autre parent ou un/e conjoint/e

Parent ayant poussé le conjoint / l’autre

parent*

Parent ayant giflé / frappé le conjoint /

l’autre parent*

Parent ayant donné un coup de pied /

étranglé / battu le conjoint / l’autre parent*

Présence de menaces verbales entre les

parents*

Parent ayant lancé / détruit des objets*

Avoir vu un de ses parents frapper un frère ou une sœur

Âge au moment de la cueillette des données

Masculin ou féminin

Les 33 victimisations du JVQ

Décès d’un proche Toxicomanie d’un parent

Voir une personne mourir

Chômage d’un parent

Maladie grave

Placement

Désastre naturel

Accident grave

Incarcération d’un parent

Itinérance

*Variable disponible seulement pour les enfants de 2 à 11 ans; **Variable disponible seulement pour les 12 à 17 ans

Page 36: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

28

2.3 Population à l’étude et stratégie d’échantillonnage

La population sur laquelle se penchent les données utilisées est composée des

jeunes québécois de deux à 17 ans. Un parent répondait donc lorsqu’on s’intéressait aux

deux à 11 ans, alors que les adolescents répondaient directement, à condition d’avoir eu

une autorisation parentale pour les 12-13 ans. Ainsi, une démarche empirique a été faite

par les chercheurs des deux études principales, afin de vérifier à partir de quel âge les

jeunes sont en mesure de comprendre les concepts d’anonymat et de confidentialité et ce

que signifie leur participation à une enquête téléphonique. Des focus groupes ont ainsi été

réalisés auprès des jeunes de 9-10 ans, de 10-11 ans et de 12 ans à partir de vignettes en

discutant avec eux des concepts liés à l’éthique. Les résultats ont démontré que c’est à

partir de 12 ans que les concepts étudiés sont bien compris par les jeunes (Mathieu,

Ouellet, & Pleau, 2006).

Les participants ont été contactés suite à l’utilisation de la technique de génération

aléatoire de numéro de téléphone (GANT), en respectant la procédure d’aveuglement

volontaire. Cette méthode probabiliste permet de constituer un échantillon représentatif

de la population, permettant ainsi une généralisation des résultats (Ouellet & Saint-

Jacques, 2000). Pour les deux à 11 ans, sur un échantillon de 1401 enfants, 14,9% (209)

sont EVF et 5,6% (78) sont polyvictimisés, alors que pour les 12 à 17 ans, 6,4% (90) sont

EVF et 12% (168) sont polyvictimisés.

2.4 Mode de collecte de données et instruments de recherche

Les données ont été collectées par des entrevues téléphoniques à questions

fermées afin de permettre l’uniformité des réponses. Pour évaluer à la fois la présence de

l’exposition à la violence familiale et la polyvictimisation, c’est le JVQ qui est utilisé.

Dans sa version initiale, ce questionnaire a été conçu afin d’être plus complet que les

outils utilisés habituellement, en couvrant un large éventail de victimisations, qu’elles

soient dirigées contre le jeune ou qu’elles agissent de façon indirecte et que les

événements soient considérés ou non comme criminellement répréhensibles (voir Annexe

A) (Finkelhor et al, 2005b). Afin de déterminer sa validité, chacun des items (formes de

Page 37: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

29

victimisations) de la version anglophone a été associé aux symptômes de trauma que l’on

retrouve dans la littérature, afin de constater si les résultats du JVQ sont les mêmes que

ceux constatés généralement. La corrélation entre les victimisations et les symptômes de

trauma était significative dans la majorité des cas et à des degrés semblables à la plupart

des recherches sur les victimisations des jeunes. Au niveau de la fidélité du questionnaire,

l’équipe de chercheurs américains a utilisé la méthode test-retest sur 200 répondants, et

pour 95% d’entre eux, il y avait une concordance entre les résultats du premier et du

deuxième questionnaire. (Finkelhor, et al., 2005a). En regard de la version québécoise,

celle-ci a été traduite par la méthode de traduction parallèle inversée de Vallerand et

validée auprès d’un échantillon clinique de 220 jeunes (Cyr, Chamberland, Lessard,

Clément, Wemmers, et al., 2012).

De plus, pour les deux à 11 ans, des questions supplémentaires en regard de

l’exposition à la violence conjugale étaient posées aux parents répondants. Ils avaient

donc à dire s’il y avait déjà eu, entre les parents de l’enfant, des menaces verbales ou si

l’un des parents de l’enfant avait déjà lancé ou détruit un objet intentionnellement ou

poussé, giflé, frappé, donné des coups de pied, étranglé ou battu l’autre parent ou un

conjoint, que l’enfant en ait été témoin ou non.

Enfin, pour le Trauma Symptom Checklist for Young Children (TSCYC), utilisé

pour évaluer les symptômes de dépression, de colère et d’anxiété des deux à 11 ans, les

qualités psychométriques de la traduction française ne sont pas disponibles. On sait par

contre que celle du Trauma Symptom Checklist for Children (TSCC), utilisé avec les

adolescents pour évaluer la dépression, la colère et le SSPT, démontre des qualités

psychométriques considérables. Le TSCC a une bonne fidélité test-retest et ses résultats

convergent avec ceux de questionnaires mesurant eux aussi l’anxiété et la dépression

(Jouvin, 2001). Ceux-ci peuvent donc être utilisés auprès d’une population québécoise,

tant au plan clinique que dans le cadre de recherches scientifiques (Jouvin, 2001). Les

résultats des répondants au TSCYC et au TSCC sont compilés selon un score allant de 9 à

36 pour l’anxiété, la colère et la dépression des deux à 11 ans, de 0 à 27 pour la colère et

la dépression des 12 à 17 ans et de 0 à 30 pour le SSPT. Les scores les plus élevés sont

reliés à des difficultés plus grandes pour l’enfant en regard du symptôme de trauma

évalué.

Page 38: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

30

2.5 Méthodes d’analyse statistique

Il faut d’abord mentionner que les manipulations statistiques ont été effectuées

grâce au logiciel SPSS et que le niveau de signification statistique des analyses qui a été

retenu est de 0,05. Pourtant, lorsque ce niveau de signification est plus élevé (0,01 ou

0,001), c’est celui-ci qui est noté dans les résultats.

2.5.1 Analyses descriptives

En premier lieu, des analyses descriptives ont été réalisées, afin de comparer le

vécu des enfants EVF avec celui de ceux n’y étant pas exposés. Le test t de Student a

donc permis de voir les différences de moyennes entre ces deux groupes en regard de

l’âge, du nombre de victimisations vécues dans l’année précédent la collecte de données,

du nombre de victimisations au cours de la vie, du nombre d’événements aversifs vécus

et du score obtenu sur les échelles évaluant la présence de symptômes de trauma. De plus,

le sexe étant une variable nominale, la différence entre les enfants EVF et non exposés

(NEVF) en ce qui a trait au nombre de garçons et de filles de chacun des sous-

échantillons a été évaluée à l’aide d’un test de chi-carré.

Le choix de ses diverses variables s’est imposé de lui-même par l’utilisation de

données secondaires qui s’intéressaient principalement à ces éléments. Par ailleurs,

l’influence de l’âge et du sexe sur les conséquences de la violence vécue sont souvent

utilisés dans les recherches (Bayarri, Ezpeleta, & Granero, 2011; Sternberg et al., 2006a),

ce choix permet donc des liens intéressants avec la littérature existante. La définition

retenue pour la polyvictimisation tient compte des victimisations ayant eu lieu dans la

dernière année, mais le fait d’examiner également l’impact du nombre de victimisations

dans la vie complète du jeune permet d’avoir un portrait plus global de son vécu, tout

comme pour le nombre d’événements aversifs. Enfin, les deux études québécoises

desquelles sont issues les données brutes se penchaient sur l’anxiété des deux à 11 ans et

le SSPT des 12 à 17 ans. La différence d’échelle s’explique par un souci de concision

dans la durée des entrevues semi-dirigées faites avec les répondants. De plus, on hésite

souvent à parler de SSPT avant l’adolescence, les événements traumatiques vécus se

Page 39: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

31

répercutant de façons très différentes sur le comportement des plus jeunes (Nevid,

Greene, Johnson, & Taylor, 2005). Pour les deux groupes d’âge, la colère et la dépression

étaient aussi mesurées. Il faut préciser que ces quatre symptômes de trauma se retrouvent

souvent, dans la littérature, associés tant à l’exposition à la violence conjugale (Adams,

2006; Fortin, et al., 2000; Lessard, et al., 2009; Mrug & Windle, 2010; Stapleton,

Phillips, Moynihan, Wiesen-Martin, & Beaulieu, n.d.) qu’à plusieurs autres formes de

victimisation (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2007b; Finkelhor et al, 2011c; Lieberman &

Van Horn, 2005; Sternberg et al, 2006a; Swearer, Song, Cary, Eagle, & Mickelson, 2001;

Turner, Finkelhor, & Ormrod, 2006).

2.5.2 Régressions multiples

La régression multiple étant reconnue, depuis un demi-siècle, comme la méthode

d’analyse permettant aux chercheurs de constater la présence d’une variable modératrice

dans la population en se basant sur un échantillon donné (Aguinis, 2004), c’est cette

façon de faire qui a été retenue pour la suite des analyses. L’équation suivante a donc été

vérifiée :

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)

lorsque Y = au score de la variable dépendante, soit chacun des symptômes de trauma sur

l’échelle TSCYC ou TSCC.

a = l’intersection, soit la valeur de Y lorsque X est à 0.

b = la pente, soit le changement apporté à Y lorsque X change d’une unité.

X = le score de la variable indépendante, X1 correspondant à l’exposition à la

violence familiale et X2 au nombre de victimisations récentes.

L’effet modérateur est donc vérifié ici par l’interaction entre X1 et X2. Les

variables de l’âge, du genre, du nombre de victimisations autres et d’événements aversifs

dans la vie de l’enfant ont également été utilisées dans les régressions multiples, en tant

que variables indépendantes, entrainant, au total, des résultats selon huit plans différents,

tels que décrits dans le tableau 3.

Page 40: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

32

Tableau 3 : Plans de régressions multiples selon les variables en présence

Plans Variables Équations

1 - Exposition à la violence familiale (X1)

- Nombre de victimisations récentes (X2)

- Interaction EVF / victimisations

récentes (X1 * X2)

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)

2 à 4 - Variables du plan 1

- Âge (X4)

- Genre (X5)

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b4X4

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b5X5

Y = a+b1X1+ b2X2+b3(X1*X2)+b4X4+b5X5

5 à 7 - Variable du plan 1

- Autres victimisations à vie (X6) - Événements aversifs (X7)

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b6X6

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b7X7

Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b6X6+b7X7

8 - Toutes les variables Y = a+b1X1+b2X2+b3(X1*X2)+b4X4+b5X5+b6X6+b7X7

Pour réaliser une régression multiple, une condition d’application importante se

doit d’être prise en compte, soit le caractère distinct de chacune des variables

indépendantes (Stafford & Bodson, 2007). Cette condition posait problème ici,

l’exposition à la violence familiale étant l’une des victimisations calculées afin de

connaitre le nombre de formes de violence touchant les répondants. Pour pallier à ce

problème, l’exposition à la violence familiale a tout simplement été soustraite du nombre

total de victimisations.

Enfin, afin de bien évaluer la portée de la relation entre les variables, la mesure

d’association qu’est le carré du coefficient de corrélation de Pearson (r2) est également

calculée. Ainsi, la qualité de la relation est déterminée selon les paramètres décrits dans le

tableau 4.

Tableau 4 : Grille d’interprétation des mesures d’association (Imbeau, 2009, p.160)

Interprétation Différence de % Mesures nominales et

ordinales

Relation nulle < 10 De 0,00 à 0,10

Relation faible De 10 à 20 De 0,10 à 0,20

Relation modérée De 20 à 30 De 0,20 à 0,30

Relation forte > 30 > 0,30

Page 41: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

33

2.6 Limites de la méthodologie choisie

En regard des limites de la méthodologie, on s’appuie ici sur les données

recueillies auprès d’un parent pour les enfants âgés de deux à 11 ans au Québec, alors que

les plus vieux sont interrogés directement, ce qui risque de produire des différences

considérables dans les résultats. En effet, les parents ne sont peut-être pas au courant de

toutes les violences subies par l’enfant ou alors ils pourraient ne pas dévoiler des

victimisations qui les mettraient en cause en tant qu’agresseurs (Finkelhor et al., 2005b;

Finkelhor et al, 2005c; Hamby, et al., 2011; Lessard & Clément, 2010; Turner, et al.,

2006). La stratégie de recrutement a pourtant permis de réduire ce risque puisque la

procédure d’aveuglement volontaire implique que les données permettant d’identifier le

répondant disparaissent après la vérification de l’admissibilité à participer. Certaines

recherches démontrent aussi que les parents avouent beaucoup des agressions commises

envers l’enfant. Dans certains cas, le parent ne voit pas le mal associé à ces actes, ou alors

il dénonce des agressions commises par l’autre parent ou un conjoint. Sûrement existe-t-il

une censure dans ce qui est dit par les parents, mais selon les recherches, beaucoup des

violences subies par les enfants sont tout de même dévoilées (Finkelhor, et al., 2011b).

L'utilisation de données secondaires recueillies par les deux études québécoises

sur la polyvictimisation permet d’avoir un large échantillon à évaluer. Par contre, les

données ayant été colligées dans le but de tester des hypothèses différentes que celles de

ce projet, elles confinent l’analyse à ces données uniquement (Brooks-Gunn, Phelps, &

Elder, 1991) et ne permettent pas d’avoir des explications plus poussées sur les résultats

qui seront obtenus. En effet, après avoir constaté quel apport le nombre d’autres

victimisations récentes a sur les conséquences de l’exposition à la violence familiale, des

démarches plus approfondies auraient pu aider à expliquer les raisons de ce possible

apport. D’autre part, comme le JVQ est développé afin de capter un large éventail de

victimisations, il s’attarde moins à chacune d’entre elles en détail (Finkelhor, et al.,

2007c). Les évaluations faites de l’exposition à la violence conjugale et à la violence

envers la fratrie ne font pas exception et sont plutôt restrictives («Est-ce que votre enfant

a déjà VU un de ses parents être frappé par son autre parent ou par le conjoint ou la

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34

conjointe de ce parent», « Est-ce que votre enfant a déjà VU un de ses parents frapper,

battre, donner des coups de pied ou blesser physiquement un de ses frères et sœurs). Elle

ne tient donc pas compte des formes de violence autres que physiques, ainsi que de

l’exposition indirecte à la violence conjugale, tel que décrit dans la définition retenue,

quoique certaines questions aient été rajoutées dans les questionnaires s’adressant aux

parents des deux à 11 ans. Ces questions rendent ainsi possible un plus grand dépistage

des familles où il y a de la violence familiale en tenant compte de certains comportements

de violence psychologique et verbale et en considérant l’exposition indirecte des enfants

de ce groupe d’âge à la violence.

Par ailleurs, il faut aussi savoir que « la signification statistique ne dépend pas

seulement de l’intensité de la relation, mais aussi du nombre de cas dans l’échantillon »

(Fox, 1998, p. 163), ce qui peut avoir un impact sur les résultats, principalement

lorsqu’on parle des jeunes NEVF qui sont, dans notre échantillon, beaucoup plus

nombreux que les enfants EVF. Par contre, cette proportion est comparable à celle

constatée dans les recherches américaines sur la polyvictimisation (Hamby, et al., 2011).

2.7 Les aspects éthiques

Les deux projets de recherche desquels sont tirées les données ont été approuvés

par les comités d’éthiques de l’Université de Montréal (projet de Chamberland et al.) et

de l’Université du Québec en Outaouais (projet de Clément et al.). L’analyse s’est

effectuée à partir d’une banque de données dénominalisées ne comprenant que les

variables nécessaires pour la réalisation du projet. Ainsi, une exemption a été obtenue

auprès du Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (Annexe B).

Page 43: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

35

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS

Cette recherche vise à répondre d’abord aux questions suivantes : quelle est

l’ampleur des victimisations vécues par les enfants EVF? Quelles sont les différences

entre les enfants EVF et NEVF? Pour répondre à ces deux premières questions de nature

descriptive et reliée au cadre théorique, on se penche sur le nombre de victimisations

présentes dans la dernière année et dans la vie des jeunes, au nombre d’événements

aversifs et aux conséquences ressenties. Par la suite, les régressions multiples vont

permettre de voir si les différents symptômes de trauma vécus par les enfants EVF sont

modérés par le nombre de victimisations présentes dans la dernière année, tel que

supposé par le cadre théorique retenu.

3.1 Ampleur des victimisations vécues par les enfants EVF

Tout d’abord, on n’observe aucune différence significative en fonction du genre

entre les groupes EVF et NEVF, les deux groupes incluant autant de garçons que de

filles. Par contre, en ce qui a trait à l’âge, alors que les enfants NEVF ont en moyenne 10

ans, ceux exposés sont plus vieux : 13 ans en moyenne.

Dans les prochains résultats, les deux à 11 ans et les 12 à 17 ans sont considérés

séparément, d’abord parce que certaines mesures des symptômes sont différentes pour les

deux groupes d’âge. En effet, rappelons qu’alors que l’anxiété a été évaluée pour les plus

jeunes, c’est plutôt le SSPT qui a été considéré pour les adolescents. De plus, des

modifications ont été apportées aux questionnaires entre la première et la deuxième étude,

prenant en compte le fait que ce n’était pas le même groupe d’âge auquel on s’intéressait.

Ainsi, les parents des deux à 11 ans ont été interrogés à l’aide du TSCYC, alors que les

adolescents ont dû répondre aux questions du TSCC. D’ailleurs, la différence des sources

d’information peut aussi avoir un impact sur les résultats et constitue une autre raison de

considérer les deux groupes d’âge séparément.

Page 44: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

36

3.1.1 Les 2-11 ans

Sur les 1401 enfants de deux à 11 ans, 15% sont EVF. De ce nombre, 5% l’ont été

à la fois à la violence conjugale et à la violence envers la fratrie, 94% ont été exposés

uniquement à la violence conjugale et 1% uniquement à la violence envers la fratrie.

Mentionnons que, au total, 21,2% des enfants ne vivent pas, au moins la moitié du temps,

sous le même toit que d’autres jeunes (frères/sœurs, demi-frères/demi-sœurs).

En regard des enfants EVF, ils présentent en moyenne un score aux symptômes de

trauma plus élevé que pour les enfants NEVF, tel qu’on peut le voir au Tableau 5. La

différence de moyenne aux symptômes de trauma entre les enfants EVF et les NEVF

varie de 0,92 à 1,09 selon le symptôme observé. Les différences entre les deux groupes

sont significatives pour toutes les variables mesurées. On peut y voir aussi l’écart-type de

chacun des groupes, nous montrant que la variance entre les scores est plus grande pour

les enfants EVF.

Tableau 5. Moyenne des scores aux symptômes de trauma selon l’exposition à la

violence familiale des deux à 11 ans

Exposition à la violence familiale

Oui (N=209)

Non (N=1191)

t p

Anxiété

12,76 (S= 3,00)

11,84 (S=2,50)

-4,75 0,001

Colère

12,13 (S=2,97)

11,15 (S=2,71)

-4,75 0,001

Dépression

12,06 (S=2,52)

10,97 (S=2,13)

-5,921 0,001

Par ailleurs, en plus de vivre des conséquences plus grandes associées entre autres

à l’exposition à la violence familiale, le vécu de ces enfants est parsemé de violence et de

situations pouvant aussi avoir une incidence sur leur développement, tel que présenté

dans le Tableau 6. Ainsi, les enfants EVF vivent, en moyenne, deux fois plus de

victimisations que les enfants NEVF, que ce soit au cours de leur vie (3,27 contre 1,47),

ou dans une année donnée (2,09 contre 1,00). On constate les mêmes proportions pour ce

qui est des événements aversifs (1,56 pour les enfants EVF, contre 0,73 pour les enfants

NEVF). Il faut rappeler que le nombre de victimisations vécues par les enfants EVF ne

Page 45: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

37

tient pas compte de cette exposition, celle-ci venant automatiquement augmenter le

nombre de victimisations, au détriment des enfants EVF. Les différences entre les

groupes d’enfants EVF et NEVF sont significatives pour toutes les variables mesurées.

Tableau 6. Moyennes du nombre d’autres victimisations et d’événements aversifs chez

les enfants de deux à 11 ans, selon qu’ils soient ou non exposés à la violence familiale

Exposition à la violence familiale

Oui (N= 209)

Non (N=1192)

t p

Autres victimisations à vie

3,27 (2,47)

1,47 (1,76)

10,091 0,001

Autres victimisations dernière année

2,09 (1,43)

1,00 (1,21)

11,625 0,001

Événements aversifs

1,56 (1,26)

0,73 (0,92)

9,086

0,001

3.1.2 Les 12-17 ans

En ce qui a trait aux 1400 adolescents interrogés, 6% d’entre eux sont EVF

physique. Rappelons que ce nombre est moindre que pour les plus jeunes, puisque les

parents des deux à 11 ans ont été questionnés davantage sur la violence conjugale,

permettant de dépister plus d’enfants exposés à cette violence que d’adolescents. De ce

nombre, 8 % ont été exposés à la fois à la violence conjugale et à la violence envers la

fratrie et 92 % ont été exposés uniquement à la violence conjugale. Aucun des jeunes n’a

été exposé uniquement à la violence envers la fratrie. À ce titre, rappelons que, au total,

près de 42% des adolescents ne vivent pas avec d’autres jeunes de moins de 18 ans.

Tout comme pour les plus jeunes, les adolescents EVF présentent en moyenne un

score aux symptômes de trauma plus élevé que les jeunes NEVF (Tableau 7), la

différence entre les deux groupes allant de 1,82 à 3,38 points, selon le symptôme de

trauma. De plus, un plus grand nombre d’autres victimisations et de situations d’adversité

(Tableau 8) sont également vécues par ces jeunes. En effet, les adolescents EVF vivent

jusqu’à quatre victimisations différentes de plus que les NEVF au cours de leur vie, alors

que, dans la dernière année, ils en ont vécu au moins une de plus. Le phénomène est le

même pour le nombre d’événements aversifs, les 12 à 17 ans EVF vivant 2 fois plus

Page 46: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

38

d’événements traumatisants que les enfants NEVF. Les différences entre les deux

groupes sont significatives pour toutes les variables mesurées et l’écart-type est plus

grand pour les adolescents EVF que pour ceux NEVF.

Tableau 7. Moyennes des scores aux symptômes de trauma selon l’exposition à la

violence familiale des 12 à 17 ans

Exposition à la violence familiale

Oui (N=90)

Non (N= 1310)

t p

SSPT

9,24 (S=4,35)

5,86 (S=3,64)

-8,43 0,001

Colère

7,57 (S=3,85)

4,90 (S=3,33)

-7,27 0,001

Dépression

6,00 (S=3,38)

4,18 (S=2,54)

-6,43 0,001

Tableau 8. Moyennes du nombre d’autres victimisations et d’événements aversifs chez

les jeunes de 12 à 17 ans, selon qu’ils soient ou non exposés à la violence familiale

Exposition à la violence familiale

Oui (N=90)

Non (N=1310)

t p

Autres victimisations à

vie

7,17 (4,07)

2,99 (2,81)

-9,59 0,001

Autres victimisations

dernière année

3,18 (2,53)

1,38 (1,61)

-6,65 0,001

Événements aversifs

2,92 (1,74)

1,51 (1,29)

-7,55 0,001

Page 47: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

39

3.2 Effets des variables étudiées sur les symptômes de trauma

3.2.1 Les 2-11 ans

Observons maintenant plus en détail l’effet des victimisations récentes sur les

symptômes de trauma de l’exposition à la violence familiale. Il faut d’abord rappeler que

le plan 1 des tableaux suivants comprend les variables de l’exposition à la violence

familiale, des autres victimisations récentes et de l’interaction entre ces deux dernières.

Pour ce qui est des plans 2 à 4, ils intègrent, en plus de ces trois variables de base, l’âge

et le sexe des répondants, alors que les plans 5 à 7 tiennent compte des événements

aversifs et des autres victimisations dans la vie des répondants. Enfin, le plan 8 considère

à la fois toutes les variables étudiées.

Selon le plan 1 du tableau 9, la régression multiple effectuée montre que

l’exposition à la violence familiale fait augmenter le niveau d’anxiété de 1,084, soit

presque trois fois plus que pour la moyenne des autres victimisations, qui le font

augmenter de 0,366 sur l’échelle du TSCYC. L’interaction entre l’exposition à la

violence familiale et les autres victimisations récentes, quant à elle, est non significative.

Il n’y a donc pas d’effet modérateur du nombre d’autres victimisations récentes sur

l’anxiété. Par ailleurs, ce modèle n’explique que 3,9% de la variation du taux d’anxiété,

rendant presque nulle la relation. Ceci pourrait être expliqué par le fait que d’autres

variables doivent être prises en compte pour expliquer la variation du taux d’anxiété.

D’ailleurs, dans les différents modèles testés, l’interaction exposition violence familiale /

autres victimisations récentes devient significative en regard de l’anxiété seulement

lorsqu’on tient compte aussi de l’âge comme variable explicative. Dans le plan 8, l’âge

vient diminuer l’anxiété de 0,098 pour chaque année de plus. Les plus jeunes sont donc

plus anxieux que les plus vieux, avec un écart pouvant aller jusqu’à 0,882 entre les

enfants de deux ans et ceux de 11 ans. Le genre n’a pas de signification dans ce modèle,

alors que les autres victimisations à vie augmentent le taux d’anxiété de 0,226 et les

événements aversifs de 0,186. Enfin, lorsqu’on tient compte du nombre de victimisations

à vie, celui dans la dernière année devient non significatif. Le plan final, avec toutes les

variables étudiées, explique 5,6% de la variation du taux d’anxiété, n’augmentant pas de

façon considérable la qualité de la relation.

Page 48: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

40

Tableau 9. Effets des variables étudiées sur l’anxiété des deux à 11 ans

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante

11,469*** 11,832*** 11,435*** 11,779*** 11,356*** 11,428*** 11,344*** 11,840***

Exposition à la violence

familiale à vie

1,084*** 1,140*** 1,083*** 1,138*** 0,915** 0,911** 0,799* 0,796*

Autres victimisations

dans la dernière

année

0,366***

0,378***

0,366*** 0,378*** 0,341***

n.s. n.s. n.s.

Exposition * Victimisations

n.s. -0,272* n.s. -0,271* n.s. n.s. n.s. n.s.

Âge

_____ -0,60* _____ -0,060* _____ _____ _____ -0,098***

Sexe

_____ _____ n.s. n.s. _____ _____ _____ n.s.

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ 0,188** _____ 0,151* 0,186**

Autres victimisations

à vie

_____ _____ _____ _____ _____ 0,187** 0,162** 0,226***

R2

0,039*** 0,042*** 0,038*** 0,042*** 0,043*** 0,045*** 0,047*** 0,056***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

Pour ce qui est du taux de dépression des deux à 11 ans, on voit d’abord dans le

plan 1 du Tableau 10 que l’exposition à la violence familiale l’augmente de 0,896, alors

que cette variable perd sa signification statistique lorsqu’on tient compte des événements

aversifs (plan 7 et 8). Au plan 8, on constate que l’interaction exposition à la violence

familiale / autres victimisations récentes, l’âge et le genre sont non significatifs. Donc,

seuls le nombre de victimisations récentes (0,206), le nombre de victimisations à vie

(0,231) et les événements aversifs (0,207) ont une incidence sur la variation du taux de

dépression. Ce modèle explique 12,5% de la variation de ce symptôme de trauma, ce qui

nous dit que cette relation est faible.

Page 49: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

41

Tableau 10. Effets des variables étudiées sur la dépression des deux à 11 ans

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante

10,453*** 10,338*** 10,183*** 10,081*** 10,301*** 10,399*** 10,285*** 10,140***

Exposition à la violence

familiale à vie

0,896*** 0,878*** 0,887***

0,871*** 0,667* 0,665* n.s.

n.s.

Autres victimisations

dans la dernière

année

0,514*** 0,511*** 0,517*** 0,514*** 0,481***

0,203*

0,219** 0,206*

Exposition * Victimisations

n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s.

Âge

_____ n.s. _____ n.s. _____ _____ _____ n.s.

Sexe

_____ _____ n.s. n.s. _____ _____ _____ n.s.

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ 0,254*** _____ 0,204*** 0,207***

Autres victimisations

à vie

_____ _____ _____ _____ _____ 0,249*** 0,215*** 0,231***

R2

0,102*** 0,102*** 0,103*** 0,103*** 0,113*** 0,118*** 0,124*** 0,125***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

Pour le score de colère, toutes les variables étudiées sont significatives, les

victimisations à vie et les événements aversifs devenant significatifs lorsqu’on les

considère simultanément avec l’âge des répondants (Tableau 11). L’exposition à la

violence familiale augmente le taux de colère de 0,808 et le nombre de victimisations

récentes de 0,431. L’interaction exposition violence familiale / nombre de victimisations

récentes a un effet modérateur, puisqu’il diminue la variation du taux de colère de 0,275 .

Ainsi, pour chaque nouvelle victimisation dans la vie de l’enfant, le niveau de colère

diminue. Par ailleurs, les enfants plus âgés vivent moins de colère, ce taux diminuant de

0,309 pour chaque année de plus. Ce taux peut donc varier de 2,781 entre les enfants de

deux ans et ceux de 11 ans. Pour ce qui est du genre, les filles vivent moins de colère que

les garçons, cette variable diminuant le taux de colère de 0,413 lorsque le sujet est

Page 50: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

42

féminin. Au plan 8, on voit que le nombre d’autres victimisations augmente le niveau de

colère de 0,252 et le nombre d’événements aversifs de 0,180, ce plan expliquant 19,9%

de la variation du taux de colère. On constate donc encore ici une relation faible entre

l’addition des variables étudiées et la variation du taux de colère.

Tableau 11. Effets des variables étudiées sur la colère des deux à 11 ans.

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante

10,428*** 12,068*** 11,148*** 12,679*** 10,387*** 10,414*** 12,150*** 12,749***

Exposition à la violence

familiale à vie

0,900** 1,150*** 0,924** 1,168***

0,838* 0,840* 0,792* 0,808*

Autres victimisations

dans la dernière

année

0,717*** 0,769*** 0,709*** 0,762***

0,708*** 0,636*** 0,431*** 0,431***

Exposition * Victimisations

-0,333* -0,345*

-0,338*

-0,350**

-0,326*

-0,318* -0,270* -0,275*

Âge

_____ -0,273*** _____ -0,270*** _____ _____ -0,313*** -0,309***

Sexe

_____ _____ -0,478*** -0,417** _____ _____ _____ -0,413**

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ n.s. _____ 0,171* 0,180*

Autres victimisations

à vie

_____ _____ _____ _____ _____ n.s. 0,259*** 0,252***

R2

0,103*** 0,180*** 0,109*** 0,185*** 0,103*** 0,103*** 19,4*** 0,199***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

3.2.2 Les 12-17 ans

Dans le plan 8 du Tableau 12, l’exposition à la violence familiale augmente le

taux de SSPT de 1,374, alors que le nombre de victimisations récentes perd sa

signification lorsqu’on entre dans le modèle le nombre de victimisations à vie.

L’interaction exposition violence familiale / autres victimisations récentes a un effet

modérateur en diminuant le taux de SSPT de 0,286. On constate également que les

Page 51: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

43

adolescents plus âgés vivent plus de SSPT, puisque chaque année supplémentaire

augmente ce taux de 0,136. En ce qui a trait au sexe, le fait d’être une fille augmente le

taux de SSPT de 1,595. Le sexe est d’ailleurs la variable qui a le plus d’incidence sur le

SSPT. Enfin, le nombre d’autres victimisations à vie augmente le niveau de SSPT de

0,412 et le nombre d’événements aversifs de 0,512. Le plan 8 explique 29,7% de la

variation du taux de SSPT, venant qualifier cette relation de modérée.

Tableau 12. Effets des variables étudiées sur le syndrome de stress post-traumatique des

12 à 17 ans

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante 4,820*** -0,195 2,457*** -2,046* 3,971*** 4,199*** 3,682*** -0,706

Exposition à la violence

familiale à vie

2,988*** 2,785*** 2,854*** 2,673*** 2,256*** 1,905*** 1,567** 1,374*

Autres victimisations

dernière année

0,754*** 0,755***

0,783*** 0,783*** 0,554***

n.s. n.s. n.s.

Exposition * Victimisations

n.s. -0,308*

-0,327* -0,332* n.s.

n.s. n.s. -0,286*

Âge

_____ 0,342*** _____ 0,313*** _____ _____ _____ 0,136*

Sexe

_____ _____ 1,553*** 1,493*** _____ _____ _____ 1,595***

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ 0,742*** _____ 0,560*** 0,512***

Autres victimisations

à vie

_____ _____ _____ _____ _____ 0,501*** 0,402*** 0,412***

R2

0,149*** 0,169*** 0,191*** 0,207*** 0,208*** 0,218*** 0,249*** 0,297***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

Pour ce qui est de la dépression des 12 à 17 ans, lorsque toutes les variables

étudiées sont prises en compte, seuls le nombre d’événements aversifs (0,172), le nombre

de victimisations à vie (0,295) et le sexe (1,646) ont une incidence sur le taux de

Page 52: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

44

dépression (Tableau 13). Les filles vivent donc plus de dépression que les garçons, le

sexe étant, ici aussi, la variable ayant le plus d’incidence sur le symptôme de trauma. Ce

modèle détaille une relation modérée, en expliquant 23,5% de la variation du taux de

dépression, où l’exposition à la violence familiale, le nombre de victimisations dans la

dernière année, l’interaction entre ces deux dernières variables ainsi que l’âge sont non

significatifs.

Tableau 13. Effets des variables étudiées sur la dépression des 12 à 17 ans

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante

3,652*** 2,057*** 1,248*** n.s. 3,287*** 3,286*** 3,100*** n.s.

Exposition à la violence

familiale à vie

1,252** 1,187** 1,115** 1,069* 0,937* n.s. n.s. n.s.

Autres victimisations

dans la dernière

année

0,380*** 0,381*** 0,410*** 0,410*** 0,295*** n.s. n.s. n.s.

Exposition * Victimisations

n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s.

Âge

_____ 0,109* _____ n.s. _____ _____ _____ n.s.

Sexe

_____ _____ 1,579*** 1,564*** _____ _____ _____ 1,646***

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ 0,319*** _____ 0,201*** 0,172***

Victimisations à vie

_____ _____ _____ _____ _____ 0,296*** 0,260*** 0,295***

R2

0,084*** 0,088*** 0,172*** 0,174*** 0,106*** 0,133*** 0,140*** 0,235***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

La variation du taux de colère des 12 à 17 ans, qui a une relation modérée avec les

variables étudiées, est expliquée à 27% par le nombre de victimisations récentes (0,419),

le nombre d’événements aversifs (0,298) et le nombre de victimisations à vie (0,307)

(Tableau 14). L’exposition à la violence familiale perd sa signification lorsqu’on tient

Page 53: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

45

compte des autres victimisations dans la vie de l’adolescent. L’âge, le sexe et l’interaction

exposition violence familiale / autres victimisations récentes sont non significatifs.

Tableau 14. Effets des variables étudiées sur la colère des 12 à 17 ans

1 2 3 4 5 6 7 8

Constante

3,684*** 1,567* 3,326*** n.s. 3,176*** 3,240*** 2,957*** 2,252**

Exposition à la violence

familiale à vie

1,502** 1,416** 1,482** 1,401** 1,064* n.s. n.s. n.s.

Autres victimisations

dans la dernière

année

0,883*** 0,883*** 0,887*** 0,887*** 0,764*** 0,428*** 0,414*** 0,419***

Exposition * Victimisations

n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. n.s.

Âge

_____ 0,144** _____ 0,140** _____ _____ _____ n.s.

Sexe

_____ _____ n.s. n.s. _____ _____ _____ n.s.

Événements aversifs

_____ _____ _____ _____ 0,444*** _____ 0,306*** 0,298***

Victimisations à vie

_____ _____ _____ _____ _____ 0,359*** 0,304*** 0,307***

R2

0,215*** 0,219*** 0,216*** 0,219*** 0,241*** 0,258*** 0,269*** 0,270***

***p < 0,001; **p < 0,01; *p < 0,05

3.3 Conclusion

Un rapide coup d’œil aux résultats nous montre d’abord que les enfants EVF sont

davantage victimisés et ont à vivre avec des conséquences plus importantes que pour les

enfants NEVF. Par ailleurs, le nombre de victimisations récentes a un effet modérateur

uniquement sur le taux de colère des enfants de deux à 11 ans et sur celui du SSPT des

adolescents de 12 à 17 ans. Enfin, les autres variables étudiées permettent d’expliquer un

Page 54: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

46

plus grand pourcentage de la variation des différents symptômes de trauma. Le prochain

chapitre s’attardera entre autres aux implications de ces variables.

Page 55: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

47

Chapitre 4 : Discussion

L’utilisation d’un paradigme post-positiviste comme angle d’étude pour la

présente recherche permet de mieux comprendre un phénomène complexe, par une

meilleure connaissance de l’ampleur des victimisations vécues par les enfants et les

adolescents EVF et de certaines des conséquences qui en découlent. Pour ce faire, ce

chapitre reprend brièvement les principaux résultats et amène des pistes d’interprétation

basées sur les connaissances existantes en lien avec l’exposition à la violence familiale.

De plus, le paradigme choisi, les résultats obtenus et la discussion qui en découle nous

aident à nous positionner sur la pertinence du cadre théorique choisi, soit une adaptation

du Stress Process Model de Foster et Brooks-Gunn (2009). Il se termine par une section

sur les forces et les limites de la présente recherche. Des recommandations pour les

recherches futures et pour l’intervention sont aussi proposées.

4.1 Synthèse des principaux résultats

En termes de prévalence, 15% des deux à 11 ans et 6% des 12 à 17 ans de

l’échantillon ont été exposés à la violence familiale. Par ailleurs, il faut mentionner le très

petit pourcentage de jeunes ayant été exposés à la violence envers la fratrie (0,9% des

deux à 11 ans et 0,5% des 12 à 17 ans de l’échantillon).

Ces jeunes EVF présentent des niveaux de symptômes de trauma plus élevés et

des écarts-types pour ces scores plus grands que pour les enfants et les adolescents

NEVF. De plus, le nombre d’autres victimisations et d’événements aversifs sont aussi

plus élevés que pour les jeunes NEVF, et ce pour les deux groupes d’âge.

Lorsqu’on s’attarde aux résultats des régressions multiples effectuées uniquement

avec les variables de l’exposition à la violence familiale, du nombre d’autres

victimisations dans la dernière année et de l’interaction entre cette exposition et ces autres

victimisations, on constate d’abord que l’exposition à la violence familiale a toujours un

effet plus grand sur la variance des symptômes de trauma que les victimisations vécues

dans la dernière année. De plus, l’addition de victimisation dans la dernière année a un

Page 56: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

48

effet modérateur sur une des conséquences de l’exposition à la violence familiale soit la

colère des deux à 11 ans.

Cet effet modérateur reste présent lorsqu’on ajoute au modèle les variables de

sexe, d’âge, de nombre d’autres victimisations à vie et de nombre d’événements aversifs

vécus. Cette addition révèle aussi un effet modérateur pour les 12 à 17 ans en regard du

SSPT. Par ailleurs, l’utilisation de ces quatre variables nous permet de faire certains

constats. D’abord, le niveau de colère est plus élevé chez les garçons que chez les filles

dans le groupe d’âge des deux à 11 ans, alors que chez les adolescents, les filles

présentent un plus haut score de SSPT et de dépression. Pour ce qui est de l’effet de l’âge,

chez les deux à 11 ans, les scores de colère et d’anxiété diminuent au fur et à mesure que

les enfants vieillissent, alors que le score de SSPT des adolescents augmente de 0,136 par

année d’âge supplémentaire, les plus vieux étant ainsi atteints par ce symptôme de façon

plus marquée. En regard du nombre d’autres victimisations vécues au cours de la vie,

chacune des nouvelles formes de violence vient augmenter encore davantage le score de

symptômes de trauma. Par contre, un fait étonnant est que l’insertion de cette variable a

un impact sur la signification statistique du nombre d’autres victimisations dans la

dernière année en regard du symptôme d’anxiété des deux à 11 ans. Ceci nous amène à

penser que l’anxiété des enfants dépend de l’accumulation de victimisations dans leur vie

plutôt que du fait qu’elles aient eu lieu dans les derniers mois. Le même phénomène se

produit pour les adolescents, alors que le total des autres victimisations vécues dans leur

vie éteint la signification statistique du lien entre le nombre d’autres victimisations

récentes et la dépression, ainsi qu’avec le SSPT. Par ailleurs, le nombre d’autres

victimisations dans la vie des 12 à 17 ans vient également faire disparaitre le lien

significatif entre la dépression et l’exposition à la violence familiale. Enfin, autant pour

les enfants que pour les adolescents, les événements aversifs ont un effet sur tous les

symptômes de trauma, en augmentant ceux-ci de 0,172 à 0,512 par événements vécus. Ce

résultat vient confirmer l’importance d’en tenir compte dans les études sur les

victimisations des jeunes.

Page 57: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

49

4.2 Interprétation des résultats

Tel que vu dans la synthèse des résultats, quatre thèmes importants ressortent et se

doivent d’être discutés davantage dans la suite de ce chapitre. La prévalence de

l’exposition à la violence familiale dans l’échantillon est d’abord comparée aux données

d’autres études sur le sujet. Par la suite, certaines pistes d’interprétation sont soulevées en

regard des symptômes de trauma et du nombre plus élevé de victimisations et

d’événements aversifs dans la vie des jeunes EVF, comparativement à ceux NEVF. Les

résultats sont ensuite examinés à la lumière du cadre théorique retenu, soit les impacts de

l’interaction de l’exposition à la violence familiale et des autres victimisations dans la

dernière année sur les symptômes de trauma et les effets des autres variables étudiées sur

ces mêmes symptômes.

4.2.1 Prévalence de l’exposition à la violence familiale

La présente étude tient compte à la fois de l’exposition à la violence conjugale et

de l’exposition à la violence envers la fratrie entre autres parce que plusieurs auteurs

soutiennent que les enfants sont exposés à plusieurs formes de violence familiale autre

que la violence conjugale (Hamby, et al., 2011). Il ne faut donc pas mettre l’accent

seulement sur cette dernière forme de violence. Ainsi, selon Hamby et ses collègues

(2011), un enfant sur quatre est exposé à au moins une forme de violence familiale au

cours de sa vie. Cette statistique est beaucoup plus élevée que celles obtenues dans les

présents résultats. Il faut savoir que l’étude de Hamby et al. (2011) a une définition plus

large de l’exposition à la violence familiale que la présente étude. Elle tient en effet

compte d’événements qui ont été vus, entendus ou auxquels l’enfant a été mis au courant

de toute autre manière, ainsi que de formes de violence autres que physiques.

Par ailleurs, les études portant sur l’exposition à la violence familiale qui tiennent

compte à la fois de la violence conjugale et de la violence envers la fratrie sont plutôt

rares. De nombreuses recherches ont été faites jusqu’à maintenant sur l’exposition à la

violence conjugale seule, et les taux d’enfants exposés y sont très différents,

principalement en regard des méthodologies utilisées (Lessard, et al., 2009). Dans le cas

présent, on parle de 14% d’enfants exposés à la violence conjugale pour les deux à 11 ans

Page 58: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

50

et de 6% pour les adolescents, ce qui semble être des chiffres très conservateurs. Il faut

encore ici rappeler que l’exposition à la violence conjugale telle qu’évaluée par le JVQ

est très restrictive, ce qui pourrait expliquer les petits pourcentages rapportés. Le même

problème se pose d’ailleurs pour ce qui est des taux d’exposition à la violence envers la

fratrie, quoique les données recueillies ici (0,9% des deux à 11 ans et 0,5% des 12 à 17

ans) ne sont pas très loin de celles obtenues avec le JVQ aux États-Unis, qui soutiennent

que de 0,7% à 1,1% des enfants sont exposés à la violence envers la fratrie (Finkelhor, et

al., 2005b; Turner, et al., 2010). À première vue, l’exposition à la violence envers la

fratrie ne semble donc pas un problème criant. Pourtant, il faudrait voir à étendre la

définition afin de s’attarder aux impacts de l’exposition à la violence autre que physique

sur les frères et sœurs. En effet, on en sait très peu sur les impacts d’un abus sexuel

intrafamilial sur la fratrie d’une jeune victime, par exemple, ou sur comment peut se

sentir un enfant qui voit sont frère ou sa sœur être constamment la cible d’agressions

psychologiques.

4.2.2 Risques en présence d’exposition à la violence familiale

Les jeunes EVF présentent des moyennes au score de symptômes de trauma plus

élevés que pour ceux NEVF, ce qui est cohérent avec la littérature (Martinez-Torteya, et

al., 2009), mais aussi des écarts-type plus grands pour ces moyennes, ce qui pourrait

avoir un lien avec le fait que les jeunes ne sont pas tous affectés avec la même intensité ni

de la même manière par l’exposition à la violence familiale (Fortin, et al., 2000;

Sternberg, et al., 2006b).

De plus, on constate que les victimisations et les événements aversifs

s’accumulent dans la vie de ces enfants dans une plus large proportion, ce qui peut être

expliqué de différentes façons (Finkelhor, et al., 2011c). Par exemple, il existe des

facteurs de risque communs à plusieurs victimisations, que ce soit dans l’environnement

de l’enfant ou dans ses caractéristiques personnelles. Les premières victimisations vécues

peuvent aussi rendre les enfants plus vulnérables à d’autres victimisations, en ayant un

impact sur l’estime de soi et en favorisant certaines distorsions cognitives chez l’enfant

(Perry, Hodges, & Egan, 2001). Ainsi, pour certains enfants, le fait d’être victime est plus

Page 59: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

51

qu’un acte isolé, c’est une condition qui finit par perdurer dans le temps (Finkelhor, et al.,

2011).

De façon plus détaillée, la typologie de Finkelhor et al. (2011c) peut amener

plusieurs pistes d’explication à la présence de ces difficultés dans la vie des jeunes EVF

de notre échantillon. La voie de la famille dangereuse, qui veut qu’un enfant puisse vivre,

déjà dans son milieu familial, différents types de violence, est cohérente avec les autres

études faites en regard de l’exposition à la violence conjugale et familiale. En effet,

plusieurs études se sont intéressées à la concomitance d’autres victimisations en présence

de violence conjugale dans une famille et elles ont démontré que cette forme de violence

prend souvent place dans des familles où il y a aussi présence de mauvais traitements

psychologiques et physiques envers les enfants, (Slep & O'Leary, 2005; Zolotor, et al.,

2007), augmentant ainsi automatiquement le nombre de victimisations vécues.

La deuxième voie se base quant à elle plutôt sur les obstacles que la famille peut

rencontrer et qui peuvent nuire à la façon dont le bagage éducationnel et affectif devrait

en principe être transmis à l’enfant (Finkelhor, et al., 2011c). En ce sens, la violence au

sein des familles des jeunes EVF peut engendrer ces obstacles, que ce soit la séparation

des parents, l’incarcération du parent agresseur ou les déménagements fréquents. Ces

situations peuvent miner les habiletés parentales, entre autres en termes de supervision et

de soutien émotionnel, rendant les enfants plus vulnérables à faire de mauvaises

rencontres, et donc à vivre violence et adversité. De plus, il faut mentionner que la

violence conjugale en elle-même représente un obstacle à l’adoption d’habiletés

parentales adéquates, entre autres parce que les impacts de la violence vécue par les

mères sur leur santé physique et psychologique rendent plus difficile la réponse aux

besoins des enfants (Lapierre, 2010).

Enfin, une autre voie développée par Finkelhor et al. (2011c) soutient que certains

problèmes affectifs vécus par les jeunes les amèneraient à adopter des comportements les

rendant vulnérables à certaines victimisations. En ce sens, l’exposition à la violence

familiale peut contribuer au développement de ces problèmes affectifs, comme on peut le

voir entre autres par les résultats obtenus ici en regard des symptômes de trauma, et

amener le jeune à avoir des comportements à risque. C’est ainsi que l’on retrouvera, dans

les conséquences de l’exposition à la violence conjugale, par exemple, des

Page 60: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

52

comportements tels que de la délinquance, des fugues ou l’abus de drogue (Lessard, et

al., 2009).

4.2.3 Application du cadre théorique

L’application du cadre théorique amène d’abord à constater que l’exposition à la

violence familiale entraine une augmentation de la moyenne des scores de symptômes de

trauma plus grande que les autres victimisations s’étant déroulées dans la dernière année.

Ces écarts peuvent s’expliquer de diverses façons. D’abord, les victimisations dont on

tient compte ici peuvent varier considérablement en termes de gravité, ce qui peut avoir

une incidence sur la hausse de la variance des symptômes de trauma. Par exemple, on

peut supposer que certaines victimisations prises en compte par le JVQ, telles que le

vandalisme, peuvent avoir un effet moins dommageable sur la santé psychologique des

enfants. De plus, ces victimisations peuvent n’être apparues que récemment dans la vie de

l’enfant, alors que la violence conjugale peut perdurer dans le temps et ainsi avoir plus

d’impact sur le bien-être des jeunes. En bref, on ne connait pas le contexte entourant

chacune des victimisations vécues, incluant l’exposition à la violence familiale, et qui

pourrait avoir un effet sur la variation des symptômes de trauma.

En ce qui a trait à l’effet modérateur du nombre de victimisations dans la dernière

année sur les conséquences de l’exposition à la violence familiale, il n’a été observé, dans

cette étude, que pour la colère des deux à 11 ans et le SSPT des 12 à 17 ans. De plus,

pour les adolescents, cet effet modérateur n’est révélé que lorsqu’on tient également

compte des variables de l’âge, du genre, des autres victimisations à vie et des événements

aversifs. Une hypothèse amenée dans la littérature qui pourrait expliquer cet effet

modérateur est qu’il peut dépendre de la nature des victimisations vécues. Ainsi, d’être

exposé à différentes formes de violence pourrait avoir de multiples effets selon les

violences présentes (Miller, Grabell, Thomas, Bermann, & Graham-Bermann, 2012). Le

meilleur exemple de ceci est l’étude de Mrug et Windle (2010) qui démontre que

l’exposition à la violence dans la communauté atténue l’impact de l’exposition à la

violence conjugale sur certaines conséquences, soit l’anxiété, l’agression et la

délinquance. Dans le même ordre d’idées, on peut se demander si la nature des autres

violences vécues dans la dernière année par les jeunes EVF de notre échantillon peut

Page 61: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

53

avoir contribué à diminuer le niveau de leur colère ou de leur SSPT. Dans une autre

étude, on a aussi constaté que lorsque placés ensemble, les actes de violence d’un père

envers son enfant et l’exposition de cet enfant à la violence dans la communauté sont

significativement reliés aux actes d’agression de ce jeune envers les membres de sa

fratrie. Pourtant, ces deux types de victimisations prises isolément ne sont pas

significativement reliés aux gestes de violence physique que l’enfant peut porter sur ses

frères et sœurs (Miller, et al., 2012). Ce qui nous fait dire qu’on ne peut simplement

additionner les conséquences possibles de chacune des victimisations vécues par un jeune

pour connaitre les risques de ces violences sur sa santé psychologique. Il faut aussi tenir

compte du fait que, prises ensemble, les victimisations peuvent entrainer de nouveaux

effets sur les symptômes de trauma des enfants.

4.2.4 Effets des autres variables étudiées

À l’état pur, le Stress Process Model tient compte de plus d’une variable

indépendante pour expliquer les variations des scores des symptômes de trauma. Dans le

but d’expliquer encore davantage les variations de ces scores dans la présente étude,

certaines de ces variables ont également été insérées dans les calculs de régressions

multiples, ce qui a permis de faire des constats intéressants.

Le fait que les garçons de deux à 11 ans démontrent des scores de colère plus

élevés que les filles est cohérent avec la littérature sur le sujet (Gewirtz & Edleson, 2007).

Par ailleurs, pour ce qui est des adolescents, la présence plus importante de SSPT chez les

filles peut puiser son explication dans les recherches qui ont été faites auprès des adultes

vivant cette problématique de santé mentale. En effet, alors que le risque de vivre des

événements traumatisants est plus grand chez les hommes, les femmes sont quant à elles

deux fois plus à risque de développer un SSPT au cours de leur vie. Il faut savoir que le

SSPT est associé avec le fait de vivre un risque, réel ou présumé, de mourir ou d’être

sévèrement blessé, en plus de ressentir une peur intense, un sentiment d’impuissance ou

un sentiment d’horreur (Nevid, et al., 2005). Pour les adolescents concernés par la

présente étude, le fait que les filles soient plus sujettes à développer un SSPT pourrait

donc être expliqué par la nature des victimisations vécues ou par les émotions ressenties

lors de ces victimisations. Face à une même situation, un adolescent, souvent plus

Page 62: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

54

capable physiquement de se défendre qu’une jeune fille, pourrait ainsi se sentir moins en

danger que cette dernière. Cette prépondérance de SSPT chez les filles comparativement

aux garçons peut être également associée à la dépression, qui est aussi plus présente chez

les adolescentes de l’échantillon. En effet, chez les femmes adultes, celles qui

développent un SSPT sont aussi plus à risque de souffrir de dépression majeure (Nevid, et

al., 2005). Il faudrait maintenant voir si le même phénomène peut être constaté chez les

adolescentes. On peut aussi expliquer ce phénomène par le fait que, dans la population

adolescente en général, les filles souffrent davantage de dépression que les garçons. Les

nombreux changements accompagnant l’adolescence, les impacts que ces changements

peuvent avoir sur la représentation de soi des filles et le fait qu’elles rapportent vivre plus

d’événements stressants que les garçons contribueraient à la problématique (Saint-

Jacques, McKinnon, & Potvin, 2000).

Deux résultats intéressants en regard de l’effet de l’âge des répondants sur le

niveau de conséquences vécues concernent les enfants de deux à 11 ans. En effet, on

constate une diminution du niveau de colère et d’anxiété au fur et à mesure que les

enfants vieillissent. Une explication à ce phénomène peut être faite à partir des étapes de

développement que doivent traverser les enfants en un cours laps de temps, l’impact de la

violence ayant ainsi un effet différent selon l’étape que l’enfant tente d’atteindre au

moment de l’événement (Cunningham & Baker, 2007; Gewirtz & Edleson, 2007). Par

exemple, Gewirtz et Edleson (2007) soutiennent que, pour les enfants de zéro à cinq ans,

trois étapes sont à considérer comme les plus pertinentes pour comprendre l’impact de la

violence conjugale : 1- le développement d’une relation d’attachement sécure avec un

adulte significatif, 2- le début du développement d’un système d’autorégulation

permettant à l’enfant d’exercer un contrôle sur ses émotions et ses comportements et 3 - le

développement d’habiletés sociales et de compétences lui permettant d’entrer en relation

avec ses pairs. D’ailleurs, la deuxième étape ciblée par ces auteurs peut donner une

explication logique à la diminution du score de colère au fil des années, le passage du

temps permettant à l’enfant d’apprendre à réguler ses émotions et ses comportements.

Pour ce qui est plus spécifiquement de l’anxiété, on peut amener une piste d’explication à

sa diminution au fur et à mesure que l’enfant grandit lorsqu’on sait que les enfants d’âge

préscolaire ont besoin d’une routine stable et bien établie pour se sentir bien

Page 63: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

55

(Cunningham & Baker, 2007). On peut supposer qu’un enfant plus jeune, qui a donc en

sa possession moins de ressources ou de personnes clés à qui se référer en cas de

difficultés, peut sentir un sentiment d’impuissance plus grand, expliquant que les plus

jeunes de l’échantillon sont davantage anxieux. Enfin, des différences sont constatées

entre les deux à 11 ans et les 12 à 17 ans en regard des variations des symptômes de

trauma. Ces différences peuvent encore une fois s’expliquer par le fait que la catégorie de

répondant n’est pas la même pour les deux groupes d’âge. Par exemple, certains auteurs

ont déjà fait le constat que les mères sont souvent plus susceptibles de rapporter les

problèmes extériorisés de leurs enfants, alors que les jeunes eux-mêmes portent une

attention plus grande à leurs problèmes intériorisés (Sternberg, et al., 2006b).

Enfin, pour le score d’anxiété des deux à 11 ans et le score de dépression et de

SSPT des 12 à 17 ans, la prise en compte des autres victimisations au cours de la vie fait

disparaitre l’effet de celles prenant place dans la dernière année. De plus, le nombre

d’autres victimisations au cours de la vie éteint la signification de l’exposition à la

violence familiale pour la dépression des adolescents. Une hypothèse que ce résultat

soulève est que certains facteurs de protection empêchant le développement de la

dépression chez les jeunes EVF sont affectés par la présence d’autres victimisations. En

effet, comme déjà mentionné, les premières victimisations vécues peuvent, par exemple,

venir miner l’estime de soi ou favoriser dans la tête de l’enfant des distorsions cognitives

(Perry, et al., 2001), ce qui le rendrait plus vulnérable au développement de certaines

difficultés.

4.3 Forces et limites de la présente recherche

Une des forces de la présente étude est de permettre, en s’appuyant sur des études

ayant une stratégie d’échantillonnage probabiliste, une certaine généralisation. Par

ailleurs, elle amène de nouvelles données sur la problématique de l’exposition à la

violence familiale. Pourtant, une utilisation du Stress Process Model à l’état pur serait

souhaitable pour en connaitre davantage sur ce qui explique la variation des symptômes

de trauma. Cela n’a pu être possible ici, certaines variables prises en compte

habituellement par le Stress Process Model n’ayant pas été compilées par les études dont

Page 64: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

56

sont issues les données brutes. Des analyses qualitatives pourraient aussi être pertinentes

pour permettre d’avoir une compréhension plus fine du point de vue des jeunes.

Une limite souvent mentionnée au cours de ces pages est que les données ont été

recueillies auprès de répondants différents pour les deux groupes d’âge, rendant la

comparaison difficile entre eux. De plus, la comparaison entre les données québécoises et

les données américaines est aussi complexe, puisqu’un parent a été interrogé pour les

enfants âgés de deux à 9 ans aux États-Unis et de deux à 11 ans au Québec, les plus vieux

étant interrogés directement. Rappelons que la décision des équipes de recherche

québécoise d’interroger les jeunes directement seulement à partir de 12 ans est basée sur

une démarche empirique, ce qui constitue une force sur le plan éthique. Cela limite

pourtant les possibilités de comparaisons avec les données américaines.

Enfin, la quasi-absence de données détaillées sur l’exposition à la violence envers

la fratrie constitue en soi une limite, puisque cela ne permet pas de tenir compte, dans

l’élaboration du présent projet, des particularités que pourrait présenter cette forme

d’exposition à la violence.

4.4 Recommandations pour la recherche et l’intervention

En contribution à la pratique, le présent projet vient appuyer l’importance, en

présence d’enfants EVF, d’avoir une vision plus large de tout ce qu’ils peuvent vivre et

de l’addition de conséquences que cela peut représenter pour eux. Une vision holistique

du vécu de violences et de difficultés de l’enfant est nécessaire pour les intervenants

travaillant directement auprès d’eux, afin que les interventions soient cohérentes avec le

vécu de l’enfant. Par exemple, si on veut travailler sur l’estime de soi d’un enfant EVF en

misant sur son réseau social comme facteur de protection, il est important de savoir s’il

vit de l’intimidation de la part de ses camarades. Autrement, les impacts des interventions

peuvent en être considérablement diminués. Ainsi, les programmes d’intervention, peu

importe la forme de violence qu’ils visent, doivent comprendre un dépistage exhaustif des

autres victimisations susceptibles d’affecter les enfants.

La présence plus grande de violence et d’adversité dans la vie des enfants et des

adolescents EVF a également un impact dans le domaine de la recherche, puisque ce vécu

Page 65: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

57

doit être pris en compte par les chercheurs qui doivent le considérer comme un possible

modérateur des conséquences de la violence observées. Par contre, on ne peut considérer,

à partir des présents résultats, qu’il existe une relation de cause à effet entre l’exposition à

la violence familiale et les autres victimisations vécues. D’autres recherches sont

nécessaires pour en connaitre davantage sur le parcours d’expériences difficiles de ces

jeunes (Cyr, Chamberland, Lessard, Clément, & Gagné, 2012; Finkelhor, et al., 2011c).

De plus, comme mentionné précédemment, des recherches sont également

nécessaires en lien avec l’exposition à la violence envers la fratrie, afin de mieux

connaitre l’ampleur de cette forme de violence et ses impacts dans la vie des jeunes.

Enfin, plusieurs facteurs de protection en lien avec l’exposition à la violence

conjugale ont déjà été identifiés dans d’autres recherches (Lessard et al., 2009). Il reste

maintenant à savoir si ces facteurs de protection sont les mêmes pour toutes les formes

d’exposition à la violence dans la famille et s’ils ont toujours un impact aussi

considérable lorsque l’enfant a à vivre avec d’autres formes de victimisations dans sa vie.

4.5 Conclusion

Les résultats de la présente étude montrent que les enfants EVF vivent plus

d’anxiété, de colère, de dépression et de SSPT, mais aussi plus de formes de violence

différentes que ceux NEVF. Il semble même que ces jeunes soient souvent pris dans un

engrenage où les victimisations occasionnent des troubles intériorisés et extériorisés et

que ces troubles, ainsi que les premières victimisations, les vulnérabilisent face à de

nouvelles formes de violence. D’autre part, la présence à la fois d’exposition à la violence

familiale et de violences récentes autres a un effet modérateur sur certains symptômes de

trauma. En effet, les manipulations statistiques faites en lien avec le cadre théorique

choisi démontrent que l’importance des symptômes de trauma ne dépend pas de façon

linéaire des victimisations vécues. On a pu voir que le genre, l’âge, les événements

aversifs, le moment où les victimisations se produisent (récentes ou non) et l’interaction

entre ces variables peuvent avoir différents impacts sur la variance des symptômes de

trauma.

Page 66: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

58

CONCLUSION

Les récentes recherches sur les violences vécues par les jeunes s’intéressent

maintenant à l’addition de celles-ci, entrainant un regard neuf sur la façon dont elles

influencent le bien-être psychologique des victimes. Ainsi, les chercheurs ont pu

constater une concomitance entre plusieurs formes de violence (Hamby, et al., 2010;

Lessard, et al., 2009; Zolotor, et al., 2007), qui pourrait avoir un effet directement

proportionnel sur les difficultés psychologiques des jeunes (Foster & Brooks-Gunn, 2009;

Sternberg, et al., 2006a). Pourtant, ces conclusions ne sont pas partagées par tous, certains

réfutant cet effet direct (Appleyard, et al., 2005; Silverman & Gelles, 2001; Sternberg, et

al., 2006b) ou considérant que des liens complexes existent plutôt entre les expériences

de violence et la présence de symptôme de trauma, ces auteurs parlant même d’effet

modérateur (Mrug & Windle, 2010). D’autre part, les enfants EVF sont un groupe de

jeunes particulièrement à risque d’avoir à vivre d’autres formes de violence avant leur

entrée dans le monde des adultes (Dong, et al., 2004; Finkelhor, et al., 2007b; Hamby, et

al., 2010; McGuigan & Pratt, 2001; Mitchell & Finkelhor, 2001; Zolotor, et al., 2007). La

présente recherche vise donc à connaitre l’ampleur des victimisations vécues par les

enfants EVF et dans quelle mesure le nombre de victimisations a une influence sur

l’anxiété, la colère, la dépression et le SSPT de ces enfants. On tente de répondre à ces

questions grâce à des analyses statistiques de données secondaire issues de deux

recherches québécoises sur la polyvictimisation (Chamberland, et al., en cours; Clément,

et al., en cours) et d’une adaptation du Stress Process Model (Foster & Brooks-Gunn,

2009).

On constate d’abord que les enfants et les adolescents EVF souffrent à de plus

hauts niveaux des symptômes de trauma étudiés que les jeunes NEVF. De plus, ils sont

plus susceptibles de vivre d’autres victimisations ainsi que des événements aversifs

pouvant avoir eux aussi un impact sur leur bien-être psychologique. Par la suite, les

régressions multiples font voir des résultats allant partiellement dans le même sens que

les idées de Mrug et Windle (2010), qui considèrent que certaines victimisations peuvent

avoir un effet modérateur sur les symptômes de trauma issus d’autres victimisations. En

effet, l’addition de diverses formes de violence modère l’impact de l’exposition à la

Page 67: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

59

violence familiale sur la colère des enfants de deux à 11 ans et le SSPT des jeunes de 12 à

17 ans. Cet effet modérateur n’est pas présent pour les autres symptômes de trauma pris

en compte. Les analyses statistiques nous permettent pourtant d’affirmer que les liens

entre les victimisations vécues et les symptômes de trauma sont complexes et dépendent,

comme Foster et Brooks-Gunn (2009) le croyaient lors du développement du Stress

Process Model, de plusieurs variables appartenant tant à la victime qu’à son

environnement. Les données disponibles pour cette recherche ont permis de voir

également l’impact du genre, de l’âge et des autres événements traumatiques et de

violence présents dans la vie de l’enfant sur son bien-être, mais nous supposons que

d’autres variables ont sûrement leur rôle à jouer dans la variation des taux des symptômes

de trauma.

Page 68: LA POLYVICTIMISATION COMME VARIABLE MODÉRATRICE DES

60

RÉFÉRENCES

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ANNEXE A : Modules du JVQ (Hamby, Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2004; dans Lessard &

Clément, 2010)

Module A: Crime conventionnel

– Vol qualifié

– Vol personnel

– Vandalisme

– Assaut avec objet

– Assaut sans objet

– Tentative d’assaut

– Kidnapping

– Crime haineux

Module B: Mauvais traitements

– Abus physique par un parent ou tuteur

– Abus émotionnel et psychologique

– Négligence

– Conflit de garde / enlèvement par un parent

Module C: Victimisation par les pairs ou la fratrie

– Assaut par un groupe ou un gang

– Assaut par les pairs ou la fratrie

– Assaut aux parties intimes (non-sexuel)

– Taxage ou autre violence entre jeunes

– Intimidation

– Violence par l’ami(e) de coeur ou l’ex-ami(e)

(+ 12 ans seulement)

Module D: Victimisation sexuelle

– Abus sexuel par un adulte connu

– Abus sexuel non spécifique

– Abus sexuel par un pair

– Viol: complété ou tentative

– Exhibitionnisme / exposition sexuelle

– Harcèlement sexuel verbal

– Relation sexuelle consentante du mineur avec un adulte (+ 12 ans

seulement)

Module E: Victimisation indirecte et exposition

à la violence

– Témoin de violence conjugale

– Témoin d’un assaut sur la fratrie par un parent

– Témoin d’un assaut avec arme

– Témoin d’un assaut sans arme

– Cambriolage du domicile familial

– Meurtre d’un membre de la famille ou d’un ami

– Témoin d’un meurtre

– Exposition à des coups de feu, terrorisme ou émeute

– Exposition à la guerre ou à des conflits ethniques

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ANNEXE B : Approbations éthiques

Comité d’éthique – Confirmation de l’exemption de votre projet de recherche Line Croteau Date d’envoi : 15 novembre 2011 À : Annie Dumont Bonjour, Le présent courriel a pour but de vous confirmer l'exemption, par le CÉRUL, du projet de recherche intitulé : La polyvictimisation comme variable modératrice des conséquences de l'exposition à la violence conjugale réalisé dans le cadre de votre maîtrise en service social. Donc, pour ce qui est de l'éthique de la recherche, votre dossier est en règle. Je vous souhaite une bonne journée. Line Croteau, secrétaire de gestion Comités d’éthique de la recherche Maison Michael-John-Brophy, local 101 2241, chemin Sainte-Foy Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Téléphone : (418) 656-2131 poste 13406 Télécopieur : (418) 656-2840 Site Internet : www.cerul.ulaval.ca Courriel : [email protected]

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