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La pratique du I Chuan est-elle dangereuse pour les ... Wang Xiangzhai. Le Yi Quan, que beaucoup qualifient de summum des arts martiaux chinois et parfois même des autres disciplines

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La pratique du I Chuan est-elle dangereuse pour les Occidentaux ? (1ère partie) Gérald Ansart Publié dans Arts Martiaux Magazine n° 45

© Sakura L’Art du Mouvement – 2013 www.ecolesakura.com 1/3

La pratique du I Chuan est-elle dangereuse pour les Occidentaux ? (1ère partie)

Pratiquant d'arts martiaux, spécialiste dans l'étude des chaînes articulaires et musculaires, Jean-Paul Sagniez se demande s'il ne faut pas essayer de trouver une approche peut-être plus occidentale, nous permettant de mieux diriger notre pratique personnelle. Il répond aux questions de Gérald Ansart.

Le Yi Quan ou le Da Cheng Quan est un Art récent, même si ses racines sont celles du Xing Yi Quan. D'ailleurs il est surprenant que son élaboration contemporaine entraîne déjà autant de divergences entre les experts qui l'enseignent. Pourtant, tous se revendiquent de l'enseignement originel de son maître fondateur Wang Xiangzhai.

Le Yi Quan, que beaucoup qualifient de summum des arts martiaux chinois et parfois même des autres disciplines de combat, élabore sa méthode selon diverses positions d'enracinement et de structuration du corps, associées à des pensées directrices. Au travers de son étude, on peut ainsi retrouver les forces instinctives originelles de l'homme qui se manifesteront dans le combat, et mettre en émergence une vitalité et une énergie corporelle, qui le place selon certains praticiens comme un Qi Gong supérieur pour la santé.

Sur quels principes et quels effets se base-t-on pour arriver à de telles conclusions ? Souvent, j'ai remarqué que pour nous, occidentaux, face à une discipline orientale complexe, nous avions soit une tendance à la réduire, soit au contraire à la mystifier. L'une ou l'autre des approches n'est pas convenable. Beaucoup d'Arts Martiaux Chinois et d'autres disciplines japonaises utilisent les postures d'enracinement et on sait le côté bénéfique qu'elles ont pu apporter. Il convient face à ce constat de ne pas tout prendre pour argent comptant, mais d'essayer d'y trouver une approche peut-être plus occidentale, nous permettant de mieux diriger notre pratique personnelle.

Dans la discussion qui suit, il ne s'agit pas de critiquer le Yi Quan ou ses experts, encore moins ses pratiquants. Nous souhaitons poser une réflexion et une interrogation sur ses principes. Toute investigation dans un domaine, dans lequel on peut tirer d'autres concepts, amène inévitablement une autre grille de lecture. Cette dernière, offre une approche plus ouverte, plus large, du domaine investi. C'est ainsi que nous situons notre article.

Au côté de Raymond Pain, que nous avons présenté dans le dernier numéro, notre réflexion s’est enrichie de celle de monsieur Jean-Paul Sagniez.

Homme de tempérament modeste, nous respectons son désir de discrétion. Signalons cependant, qu’il exerce en libéral la profession de kinésithérapeute et qu’il a suivi une formation en chaînes articulaires et musculaires. Pratiquant confirmé, il s’entraîne avec Raymond Pain depuis 1983. Passionné et curieux, il étudie pour sa culture personnelle différentes approches du corps, qu’il essaie de mettre en pratique dans son entraînement postural journalier.

Gérald Ansart: Qu’évoque pour vous le Da Cheng Chuan ou le Yi Chuan ?

Jean-Paul Sagniez: Pour moi les concepts décrits dans cette pratique m’évoque l’homme debout.

G.A.: C'est-à-dire ?

J.P.S.: On nous dit au travers des différents enseignements, articles ou livres sur le sujet, qu’au travers de postures on arrive à une modification du corps.

G.A.: En effet, le principe d’enracinement conduit à structurer notre corps différemment.

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J.P.S.: Oui, d’accord ! Mais le corps se modifie par rapport à quoi ? Quelle est sa gravité dans l’espace ? Comment moi, dans ma pratique, je me positionne par rapport à cette même gravité ? On sait que notre corps est agencé par rapport à différentes lignes de gravité, qu’il y a une ligne de gravité qui est centrale.

G.A.: Donc quand je me tiens debout ou que je prends une posture, je me place par rapport à cette ligne de gravité ?

J.P.S.: C’est cela ! Mais justement, nous avons tous une façon unique de nous placer par rapport à cette même ligne, il y a des déformations possibles sur tous les plans. Il y a des gens qui se tiennent avec un bassin un peu plus en avant, d’autres un peu plus en arrière, etc… Il y a ainsi, en synthétisant, des schémas antérieurs et postérieurs. C’est très important de bien comprendre ce que nous évoquons, car toute la problématique des postures se trouve face à ce schéma.

G.A.: Pouvez-vous nous décrire ces schémas ?

J.P.S.: Les schémas antérieurs, grosso modo, vont entraîner une hyper tonicité de toute la musculature postérieure. Ce sont des personnes, qui sans être au garde à vous militaire, ont tendance à être dans cette attitude. Ils ont une force qui les amène vers l’avant. Leur centre de gravité est en projection permanente vers l’extérieur. Le schéma postérieur, lui, a par contre tendance à fortifier la tonicité des muscles antérieurs. C’est le schéma de type "Gaston Lagaffe". Ici, nous sommes plus en statique, en passivité, moins dans l’activité contrairement au schéma antérieur où l’on a affaire à plus d’action.

G.A.: Ici, nous simplifions. Je suppose qu’il y a des variantes ou des combinaisons ?

J.P.S.: Exactement ! Je le répète, nous avons tous uns façon unique de nous tenir qui évoluera selon notre vécu. Mais à travers cette simplification, je veux mettre en évidence la complexité de l’enseignement des postures. Quand on se trouve face à une personne postérieure ou antérieure, qu’allons nous lui indiquer pour qu’elle puisse travailler la posture ? Est-ce qu’on va la laisser dans son schéma en sachant justement qu’il existe une hyper tonicité musculaire du corps à un endroit par rapport à l’autre, ou alors, allons nous l’amener à se corriger imperceptiblement vers une attitude qui est aux antipodes de ce qu’elle est fondamentalement, pour justement conduire à uns modification du corps ?

G.A.: Dans cette perspective, faut-il se référer à un schéma type ?

J.P.S.: Oui ! Par rapport à cette ligne de gravité, comment les axes, les différentes masses musculaires se coordonnent ? Comment amener la correction imperceptible des schémas que nous avons évoqué plus haut ?

G.A.: Pas si simple !

J.P.S.: Non, en effet pas si simple ! Du moins, pas aussi simple qu’on voudrait bien nous le laisser entendre. En effet, notre schéma postérieur "Gaston Lagaffe", a plutôt tendance à avoir une flexion des genoux naturelle quand il se trouve au repos, il a une sorte de petite ptose au niveau viscéral, on sait bien souvent qu’il souffre de problèmes vasculaires, de retour veineux, au niveau des membres inférieurs. Il souffre également d’hémorroïdes et présentera des problèmes organiques. Si on le met dans la posture, on ne fait que renforcer ce qui est en train de le désorganiser. A partir de quel moment, ça aucun chinois ne nous le dit. Pas plus qu’il ne nous dit sous quelle impulsion le corps va se modifier. Qu’est ce qui entraîne une modification profonde, quand une personne au bout de x années de pratique est arrivée, à ce qu’on nous dit, à changer son schéma corporel ? Est-ce dû à une prise de conscience imperceptible d’une statique dans l’espace ? Est-ce un changement de tempérament sur le plan physiologique, donc une attitude comportementale différente ? Est-ce que c’est sur le plan énergétique où alors là, nous touchons à un domaine que l’on ne maîtrise absolument pas, c'est-à-dire une mise en mouvement d’une énergie à l’intérieur de soi, qui change en manifestation ? Alors, voilà la grosse question que je me pose ! C’est l’homme debout, et à partir d’une position qu’est ce qui se passe ?

Sur les photos de maîtres chinois pratiquant le Yi Chuan, on y découvre des hommes en position avec un dos parfaitement plat et des jambes parfaitement tenues. Si on met quelqu’un, qui a déjà une rétroversion du bassin, donc une tonicité antérieure, dans la même attitude que ces Maîtres Chinois, nous allons lui "bousiller" les jambes. Ainsi, ce constat nous amène à une deuxième question que l’on peut se poser. Avons-nous le même squelette que les Chinois ? Ils ont peut être une structure qui leur permet de prendre la position sans être abîmé. Nous savons maintenant que les Hindous disposent d’un squelette différent du nôtre et qu’il nous faudrait pour la majeure partie des occidentaux, en sachant qu’il y a toujours des exceptions, bien des efforts, voire des contraintes traumatiques pour tenir les positions du Yoga.

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G.A.: Vous voulez dire par là, que l’approche bio-mécanique, bio-physiologique du Yi Chuan pour les occidentaux n’a pas été faite ?

J.P.S.: C’est évident ! Car il est certain, puisque beaucoup de systèmes utilisent les postures d’enracinement, qu’il y a un bénéfice à apporter, mais l’approche selon nos propres morphologies n’a pas été faite. Le Yi Chuan est un Art beaucoup trop récent, nous n’avons aucun recul et aucune étude sérieuse n’a été apportée. Les études qui ont pu être faites, ont été réalisées en Chine, ou par des maîtres qui ont relevé toute leur expérience, mais pas du tout dans un protocole d’investigation comme nous savons le définir dans la pensée occidentale.

G.A.: Donc pour en revenir à notre schéma type, si l’on induit une personne vers ce schéma, on la force ?

J.P.S.: Oui, tout à fait ! C’est pourquoi je pense, que cette approche doit se faire imperceptiblement dans le temps.

G.A.: D’ailleurs, toutes les disciplines qui utilisent les postures afin de nous amener à d’autres perspectives corporelles, situent la maturation de leur Art dans le temps. Ce dernier devient alors un allié, à l’inverse d’un démarche compétitive.

J.P.S.: Cette pédagogie faite dans le temps est plutôt rassurante. Pour compléter nos propos, je rejoins les travaux de personnes telles que Mesdames Piret et Béziers, psychomotriciennes ou madame Struyf-Denys, kinésithérapeute à Bruxelles, spécialiste des chaînes musculaires qui montraient qu’une attitude corporelle, correspond à une attitude comportementale. C'est-à-dire que dans notre manière de nous tenir, il n’y a pas uniquement une notion d’agencement mécanique, ce n’est pas simplement une histoire de bio-mécanique qui dans l’espace s’installe. Car il y a, au-delà de ces notions, du comportemental qui se traduit et ce comportemental il faut le respecter tout en apprenant à le décrypter, à le connaître, pour quelque part s’en libérer. Madame Struyf-Denys disait : "Prendre conscience de ses chaînes (musculaires) pour mieux s’en libérer." Il s’agit ici de ne pas enfermer l’individu dans un déterminisme typologique, comme ont pu le faire certaines écoles de morpho-psychologie. Il faut au contraire, chercher à comprendre ce qui fait une attitude et pourquoi elle est là. Ainsi, à partir du moment où l’on rentre dans un système de compréhension, donc de conscience, on permet à l’individu d’aller vers autre chose. Doucement, il se libère et peut travailler sur son corps.

G.A.: Notre manière d’être traduit ce que l’on est, d’ailleurs je pense que le choix de l’Art Martial ou de la discipline de combat que nous avons choisie, l’expression corporelle qui en émane, reflète notre propre résonance psychologique. Inversement dans une pratique où l’exécution technique s’appuie sur une certaine forme de rigidité, il y aura un retour sur notre propre attitude donc notre manière d’être.

J.P.S.: Je suis d’accord avec votre analyse.

G.A.: Devant la notion comportementale, il n’y a paradoxalement pas de posture type.

J.P.S.: Je dirai plutôt qu’il n’y a pas de posture idéalisée.

G.A.: Comment apporter une correction à une personne pour la conduire vers d’autres types d’attitudes donc, de sensations corporelles ?

J.P.S.: La base des schémas d’hyper-tonicité permet de corriger les individus dans leur posture. Nous expliquerons ces schémas dans notre prochain article ainsi que certaines notions abordées dans cette première partie, qui ont pu vous paraître un peu abstraites.

A suivre…