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Mémoire de fin d'études
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Master Professionnel « Information et Communication »Spécialité Journalisme
Mémoire de fin d’études
La Presse Quotidienne Régionale sur Internet
Pratiques innovantes et réalité économique
par
Yvan Camboulives
Année universitaire 2011-2012
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………………………...4
I- Les sites web de la PQR : observation et analyse des résultats……………..…….……..5
1- Comparatif entre la diffusion papier et l’audience des sites………………………………...5
2- Comparatif entre audience et population concernée……………………………..………….6
3- Comparatif entre nombre de visites et nombre de pages vues……………………..………..6
4- Présence sur les réseaux sociaux……………………………………………………………7
5- Formats utilisés et outils proposés…………………………………………………………..7
II- Les attentes des internautes : analyse de l’enquête « La PQR face aux enjeux
numériques »………………………………………………………………………………….8
1- Méthodologie de l’enquête………….………………………………………………………8
2- Objectifs de l’enquête……………………………………………….………………………9
3- Résultats de l’enquête………………………………………………….……………………9
3-1- Un effet générationnel et culturel…………………………………….…………...9
3-2- La lecture de la PQR papier ne favorise pas celle de la PQR en ligne…………..11
3-3- Comment expliquer l’échec relatif de la PQR en ligne par rapport à la PQR
papier ?..........................................................................................................................11
3-4- L’Internet a-t-il réellement « cannibalisé » la lecture de la PQR papier ou répond-
il à des besoins différents ?............................................................................................11
3-5- Activer les fonctions sociales de ‘actualité en ligne……………………………..11
3-6- Quels sont les avantages perçus de la presse quotidienne en ligne ?.....................12
3-7- Quelles sont les attentes pour un journal local en ligne ?......................................12
4-Conclusions de l’enquête………………………………….………………………………..13
III- Les différents formats spécifiques au web et leur utilisation par les sites de
PQR…………………………………………………………………………………………..14
1- Les réseaux sociaux………………………………………………………………………..14
1-1- Le nombre d’abonnés……………………………………………………………15
1-2- Le contenu des messages………………………………………………….……..17
2
1-3- L’importance d’une présence sur les réseaux sociaux…………………………...21
2- Les commentaires………………………………………………………………………….23
3- L’utilisation des blogs……………………………………………………………………...25
4- La vidéo…………………………………………………………………………………...26
5- Le diaporama sonore……………………………………………………………………….30
5-1- Un format qui attire l’internaute ?.........................................................................31
5-2- Utiliser la photo autrement………………………………………………………33
6- Le webdocumentaire…………………………………………………………………….…34
7- Les applications pour téléphones mobiles et tablettes numériques………………………..37
IV- Les contraintes économiques et organisationnelles de la PQR sur le web…………..40
1- Le financement des sites…………………………………………………………………...41
1-1- L’impact des revenus publicitaires………………………………………………41
1-2- Des contenus gratuits ou payants ?........................................................................43
1-3- Des horizons différents envisagés……………………………………………….45
2- Les journalistes des sites internet de la presse régionale…………………………………..47
2-1- De la rivalité à la complémentarité entre journalistes papier et web…………….47
2-2- L’organisation des rédactions……………………………………………………48
2-3- La formation des journalistes……………………………………………………50
Conclusion……………………………………………………………………………………52
Glossaire……………………………………………………………………………………...54
Annexes………………………………………………………………………………………55
3
Introduction
La situation économique de la presse régionale publiée sur papier est précaire. Perte
d’audience, lectorat vieillissant, de moins en moins d’embauches chez les journalistes, voire
des suppressions d’emplois. Parallèlement à ce contexte, la Presse quotidienne régionale
(PQR) doit faire face à un autre enjeu important : sa présence sur Internet.
Depuis la deuxième moitié des années 90, presque tous les titres locaux ont successivement
ouvert leur site pour « être présent sur la toile », Internet jouant dans un premier temps un
simple rôle de « vitrine » du journal. Des débuts d’autant plus timides que, pour les
responsables des rédactions, se posait déjà la problématique de la concurrence entre le papier
et le numérique. L’état d’esprit était plutôt voisin du : « Nous voulons bien aller sur le net
mais pas question de faire de l’ombre au papier ! ». Pendant plusieurs années, les
investissements financiers, techniques ou humains ne se sont pas dirigés prioritairement vers
la case web.
Mais le contexte a aujourd’hui fortement évolué. A l’heure où les supports mobiles, les
réseaux sociaux et les contenus audiovisuels se développent et occupent de plus en plus le
quotidien des Français, la presse locale est appelée à innover. Une innovation qui amène la
PQR à se confronter à de nouvelles difficultés que sont, entre autres, les modèles de
financement des sites, l’organisation des rédactions ou la formation des journalistes.
Comment la PQR s’adapte-t-elle à ce nouveau média qu’est Internet ? Comment utilise-t-elle
les nouveaux outils offerts par les nouvelles technologies ? Existe-t-il des initiatives en la
matière et, si oui, quelles sont-elles ? C’est ce que je me propose d’observer dans ce mémoire.
A travers différents critères d’analyse (audience, formats proposés, présence sur les réseaux
sociaux…), l‘objectif sera premièrement de constater ce qui est fait aujourd’hui sur le web par
la PQR. La partie suivante s’intéressera aux internautes et lecteurs de presse locale afin de
connaître leurs pratiques et de mieux comprendre leurs attentes. Après ces premiers résultats,
une étude approfondie de différents formats et pratiques observés sur les sites de PQR
représentera le cœur du mémoire avant de prendre en compte, dans une dernière partie, des
nouvelles contraintes économiques et organisationnelles liées à ce nouveau média.
4
I- Les sites web de la PQR : observation et analyse des résultats
Voici le résultat de mon travail d’observation réalisé sur 26 sites de la PQR. J’ai choisi
d’analyser les sites qui apparaissaient, au 1er janvier 2012, dans le classement des 150 sites
« grand public » les plus visités en France. Classement élaboré par l’Office de Justification de
la Diffusion (OJD). Leparisien.fr n’a pas été retenu pour ce travail d’observation car je l’ai
jugé hors contexte de par sa particularité géographique. Première information : 27 sites de la
PQR figuraient dans ce classement, ce qui était toujours le cas en avril 2012 bien que le
classement ait connu quelques changements.
Les premiers tableaux et graphiques1 présentés en annexes (p.55) s’intéressent à la diffusion
de ces sites au mois de février 2012 et tentent de mesurer la performance de chacun par la
comparaison de différents indicateurs. Ouestfrance.fr, Ladepeche.fr et Sudouest.fr arrivent
en tête pour le nombre de visites enregistrées durant le mois de février 2012 (p.56-57).
1- Comparatif entre la diffusion papier et l’audience des sites
Nous pouvons constater ensuite que, par rapport à la diffusion des éditions papier, les
meilleures progressions constatées sur Internet en termes de nombre de visiteurs uniques (p.
58) sont celles de La Dépêche du Midi (10e dans le classement papier et 2e dans le
classement internet), Midi Libre (13e dans le classement papier et 5e dans le classement
internet), La Charente Libre (31e puis 14e), La République des Pyrénées (35e puis 18e) ou
La Dordogne Libre (49e puis 27e).
Au contraire, La Montagne (8e pour le papier et seulement 17e sur le web) représente la
baisse la plus notable. Il est à noter aussi que neuf journaux figurant dans le « top 26 » des
meilleures ventes papiers ne figurent même pas dans le classement des sites de la PQR les
plus visités.
1 Pour les graphiques en annexes, la liste des sites web qui apparaît dans la colonne de droite correspond, de haut en bas, à l’ordre de leurs résultats présentés de gauche à droite.
5
2- Comparatif entre audience et population concernée
Le classement des sites internet de la PQR en termes d’audience est indicatif mais il l’est
d’autant plus s’il est réalisé en fonction de la population concernée par le titre étudié. Il est
bien sûr difficile de juger la performance d’un site comme Leberry.fr qui traite l’actualité du
Cher dont la population est de 311 000 habitants (tous les chiffres dans le tableau sont ceux
délivrés par l’Insee en 2009 ou 2012 selon les régions) avec celle de Ouestfrance.fr couvrant
douze départements situés dans trois régions différentes.
Selon ce nouveau critère (p.59), c’est une nouvelle fois Charentelibre.fr qui est parmi les
plus performants avec, de loin, le meilleur ratio. Ladepeche.fr et Midilibre.fr sont également
très bien classés (respectivement 3e et 4e).
En revanche, Ouestfrance.fr ne se retrouve plus qu’à la 9e place et Lamontagne.fr fait partie
encore des mauvais élèves (20e). Ledauphine.com connaît également une baisse significative
passant du 8e site le plus visité à la 16e place selon la population concernée.
3- Comparatif entre nombre de visites et nombre de pages vues
Il est important d’aller sur un site mais il est surtout intéressant pour lui (et donc les
annonceurs) d’y rester le plus longtemps possible. Un indicateur utile pour observer la
performance des sites à ce niveau reste le nombre de pages vues et le ratio en fonction du
nombre de visites (p. 60 à 63).
Ici, c’est Lanouvellerepublique.fr qui arrive en tête avec plus de sept pages vues par visite,
dépassant largement les sites classés ensuite. On peut constater qu’un groupe de mal classés
en termes de visites figure en haut de ce classement (Lejdc.fr, Larep.fr, Lyonne.fr et même
Lamontagne.fr) et, au contraire, Sudouest.fr et Midilibre.fr sont en bas de classement.
Certes, les différences de ratio peuvent paraître minimes mais cela se traduit de manière assez
conséquente en nombre de pages vues. Il est vrai que certains pourront objecter que cet
indicateur peut être trompeur : parfois, si l’internaute va sur plusieurs pages d’un site, c’est
parce qu’il a du mal à trouver ce qu’il cherche…
6
4- Présence sur les réseaux sociaux
Que ce soit pour Facebook ou pour Twitter, n’ont été pris en compte que les post ou tweets
intégrant un lien vers le site du quotidien car l’objectif de ce travail d’observation, réalisé
entre le lundi 2 janvier 2012 et le dimanche 29 janvier 2012, est notamment de prendre en
compte l’influence de ses nouveaux sites pour améliorer l’affluence de ces sites et la
fréquentation de pages avec des annonces commerciales.
Que ce soit sur Facebook et Twitter (p. 64 à 67), Ledauphine.com arrive en tête du
classement avec notamment une avance impressionnante en ce qui concerne la moyenne de
tweets. La politique du journal semble ici de twitter tout nouvel article, nouvel ajout qui
apparaît sur le site. Cela semble également se faire de manière automatique car un nombre
important de tweets ou de posts sur Facebook se fait par exemple en l’espace de quelques
minutes dès 7 heures du matin. Charentelibre.fr est également bien placé dans les deux
classements (2e pour Facebook avec presque 20 posts par jour et 5e sur Twitter avec plus de 20
tweets par jour).
5- Formats utilisés et outils proposés
En ce qui concerne les vidéos, c’est un classement plutôt subjectif qui a été réalisé par la force
des choses. En effet, il est commun à la majorité des sites un manque de mise en valeur des
vidéos, à tel point qu’elles sont difficiles à trouver pour certains. Surtout, il est impossible de
les retrouver dans les archives ; ce qui ne m’a pas permis, par exemple, de faire un relevé
précis du nombre de vidéos diffusés par mois. En résulte un classement plutôt subjectif tenant
compte de la présentation des vidéos, de leur mise en valeur, de la facilité à les trouver sur le
site, de l’espace qu’il leur ait accordé, de la qualité de leur contenu et surtout de leur
fréquence. N’ont été prises en compte ici que les vidéos créées par les journalistes des
différents quotidiens et non celles reprises à l’AFP notamment.
Les résultats de ce tableau sont indicateurs mais sa lecture ne doit pas amener à des
interprétations biaisées. J’ai conscience des limites qualitatives et quantitatives de ces
observations pour ne pas en tirer des conclusions catégoriques. La troisième partie de ce
mémoire a pour objectif d’aller au-delà de ces premières observations.
7
II- Les attentes des internautes : analyse de l’enquête « La PQR face aux enjeux numériques »
Cette étude a été réalisée par le Groupement d’Intérêt Scientifique M@rsouin2 qui a été créé
en 2002 à l’initiative du Conseil Régional de Bretagne. Il fédère onze centres de recherche en
Sciences humaines et Sociales des quatre universités bretonnes et de deux Grandes écoles
(Télécom Bretagne, Ensai) travaillant sur les usages des Technologies de l’Information et de
la Communication.
Les résultats de l’enquête (voir annexe p.68) se doivent d’être utilisés avec précaution car
l’enquête n’a été menée qu’auprès de 1000 personnes du territoire français. Ils permettent
cependant d’avoir une tendance des attentes des lecteurs et ils ont le mérite de poser ici
plusieurs questions et problématiques intéressantes qui reviendront dans les chapitres
suivants du mémoire.
La suite de cette partie est une sélection des analyses produites et écrites par les chercheurs
dans le rapport d’enquête (annexe..). Mon travail ici a été surtout de « mâcher » en quelque
sorte l’interprétation de ce rapport pour le lecteur de ce mémoire afin d’en retirer les éléments
principaux qui, selon moi, nourrissent ma problématique générale. Mon travail d’analyse
consiste ici davantage à un travail de sélection qu’à l’interprétation personnelle même si elle
n’est pas exclue. C’est pourquoi vous retrouverez parfois ci-dessous des reprises quasi in
extenso du rapport.
1- Méthodologie de l’enquête
Elle a été réalisée exclusivement par entretien téléphonique, en mars et avril 2011, auprès de
1000 internautes habitant en France métropolitaine âgés de 18 ans et plus (hors journalistes et
professionnels des arts et spectacles) choisis en fonction des quotas représentatifs du Crédoc
(Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). Les résultats
reflètent ainsi davantage l’avis d’une part de la population (les internautes) que de
l’ensemble de la population française.
2- Objectifs de l’enquête2 http://www.marsouin.org/
8
Les chercheurs responsables de l’enquête relèvent dans leur introduction la contradiction
entre l’ancrage géographique de la PQR (« partie prenante d’une identité culturelle et sociale
qui fonde une communauté et la soude autour d’un patrimoine, d’événements et d’un lieu »)
et les opportunités de créations de liens libérés de la distance grâce au Net. Pour eux, elle
induit une spécificité de l’adaptation de la PQR à la démultiplication de l’information en
ligne, au-delà des difficultés générales de migration du papier vers le web.
Ce constat amène certaines des questions posées par les chercheurs en abordant cette
enquête :
- Le lectorat de la presse régionale papier est-il le même que la presse régionale en ligne ?
- Y a-t-il substituabilité ou complémentarité entre les deux médias ?
- Est-ce vraiment le caractère ubiquitaire d’Internet qui menace la situation de la PQR ?
- Les nouvelles opportunités qu’offre Internet (multimédia, liens hypertexte, interactions
directes entre lecteurs, contribution des lecteurs…) sont-elles vraiment mises à profit par le
lectorat de la presse en ligne et comment ?
3- Résultats de l’enquête
Parmi les premiers chiffres principaux relevés par l’enquête, on peut noter que :
- 45 % des internautes interrogés lisent la PQR papier au moins une fois par semaine,
- 19 % des internautes interrogés lisent la PQR web au moins une fois par semaine.
L’âge représente un facteur important :
- 65 % des internautes interrogés de plus de 65 ans lisent la PQR papier alors que 12 %
d’entre eux lisent la PQR web,
- 32 % des internautes interrogés qui ont entre 18 et 24 ans lisent la PQR papier alors
que 18 % d’entre eux lisent la PQR web.
L’audience de la PQR en ligne est voisine de celle des portails et agrégateurs (19 et 18 %).
3-1 Un effet générationnel et culturel ?
Comme cela est visible dans ces premiers chiffres, il est tout d’abord surprenant de constater
que les jeunes semblent lire davantage la PQR papier que web. En effet, chez les 18-35 ans,
entre 32 et 37 % d’entre eux lisent la PQR papier alors qu’ils ne sont plus que 18 à 25 % à
9
aller sur les sites de la PQR.
D’autre part, cet écart entre l’audience des versions web et papier augmente considérablement
avec l’âge et il est constaté une rupture franche à partir de 35 ans (10 à 15 % avant puis 30 à
35 % après, 50 % après 65 ans).
Première conclusion de cette enquête : les sites de la PQR font preuve d’un manque évident
d’attractivité, et notamment vis-à-vis des jeunes générations en raison d’une concurrence forte
des « agrégateurs » et des sites de la presse nationale, aidés par l’effet de marque.
Ensuite, autre constat troublant, les sites de la PQR seraient le seul média en ligne qui ne voit
pas son audience augmenter avec le niveau d’études des internautes interrogés. Au contraire,
il aurait tendance à descendre :
Graphique réalisé à partir de la Fig. 5 de l’enquête
Selon les enquêteurs, la nature du contenu semble pouvoir expliquer ce phénomène :
« L’information nationale et internationale nécessite un coût d’apprentissage qui est
principalement payé par ceux dont le niveau d’étude est le plus élevé. »
3-2 La lecture de la PQR papier ne favorise pas celle de la PQR en ligne
10
Je reprends ici l’analyse écrite dans le document : « 20% de ceux qui lisent régulièrement le
journal local papier vont au moins une fois par semaine sur le site de ce journal contre 18%
pour ceux qui ne lisent pas la PQR papier (…) L’argument qui fait de la version web de la
PQR un complément de sa version papier est ici mis à mal puisque ceux qui ne lisent pas la
version papier fréquentent autant que ceux qui la lisent le site web de leur quotidien local.
Une vision plus optimiste de cette « non relation » consiste à dire que la PQR en ligne attire
18% des non lecteurs de la PQR papier preuve qu’elle représente indépendamment de la ver-
sion papier un intérêt pour un cinquième des internautes qui ne lisent pas la version papier.
Pour autant les versions papier et web semblent bien incarner deux formes de lecture indé-
pendantes. »
3-3 Comment expliquer l’échec relatif de la PQR en ligne par rapport à la PQR
papier ?
Le succès de la PQR papier est expliqué par les enquêteurs par l’offre de choix diversifiée de
ce produit englobant des informations locales, nationales et des services (horaires ciné, avis de
décès, annonces…). Or Internet modifie l’offre : seule l’information locale va faire que l’in-
ternaute va visiter un site de PQR, toujours selon les enquêteurs.
3-4 L’Internet a-t-il réellement « cannibalisé » la lecture de la PQR papier ou ré-
pond-il à des besoins différents ?
Comme cela a été vu auparavant, l’âge, le niveau d’étude et le revenu n’interviennent pas
comme des facteurs influençant la lecture des sites de la PQR. Mais « le fait de discuter avec
son entourage de l’actualité locale augmente la probabilité de les lire dans la version papier.
La fonction sociale de la PQR se transpose donc du papier au numérique. Elle peut donc pro-
fiter du développement des réseaux sociaux numériques et de leurs outils pour faciliter et or-
ganiser les interactions concernant l’information locale ». Ce que nous allons voir dans la troi-
sième partie du mémoire, avec notamment la question essentielle de la stratégie adoptée à ce
niveau-là par les rédactions de la presse régionale.
3-5 Activer les fonctions sociales de l’actualité en ligne
Parmi les usages des lecteurs de PQR en ligne, 68 % citent la lecture des commentaires. Ce
constat-là représente un potentiel énorme mais amène à la question suivante : qu’en fait-on ?
L’utilise-t-on de manière optimale ? Je pense surtout au bénéfice réel apporté par la contribu-
tion apportée des journalistes en répondant aux commentaires, en suivant ces conversations.
11
Bien sûr, cela nécessite du temps que n’a pas forcément un journaliste mais imaginer pour un
lecteur que les commentaires aux articles vont être lus par l’auteur aurait un effet stimulant et
un pouvoir d’attraction énorme pour venir sur un site de PQR.
Autre donnée intéressante : 71 % des lecteurs de la PQR en ligne visionnent des vidéos. En-
suite, 58 % suivent les liens hypertextes. 27 % partagent des articles sur les réseaux sociaux.
C’est d’ailleurs seulement sur ce dernier point qu’il est noté une différence - même si elle est
légère – entre les lecteurs de la PQR en ligne et ceux de la presse nationale en ligne. Diffé-
rence qui pourrait indiquer que l’information fournie par la PQR a une plus grande vocation à
être partagée avec son entourage que l’information de la presse nationale.
3-6 Quels sont les avantages perçus de la presse quotidienne en ligne ?
Bien sûr, la gratuité vient en premier (74 %). Or, il est à noter que de plus en plus de sites de
PQR choisissent d’aller vers le payant, ce que nous verrons dans la dernière partie. Accéder
en temps réel à l’information vient en deuxième (72 %), ce qui met en cause fortement la stra-
tégie souvent observée de la PQR sur ses sites. En fait-elle assez ? Les journalistes papier
jouent-ils assez le jeu pour donner les informations au web avant qu’elles sortent sur le pa-
pier ? Mais ce sont également des questions que nous allons approfondir par la suite.
Parmi les autres avantages cités viennent plus loin (voir annexe fig. 9) la possibilité de lire ou
laisser des commentaires (42 %) et partager des articles avec mon entourage ou sur les ré-
seaux sociaux (32 %).
3-7 Quelles sont les attentes pour un journal local en ligne ?
Je reprends ici in extenso le deuxième paragraphe du chapitre 6 du rapport :
« L’ensemble des internautes plébiscite l’information de proximité qui reste la fonction pre-
mière de la presse locale (79% de ceux qui lisent la PQR en ligne et 58% du reste des inter -
nautes). Pour autant Internet peut permettre de fournir une information locale étendue qui
s’attache à une ville, un quartier ou un territoire, on qualifie parfois cette information d’ «
hyperlocale ». Aujourd’hui cette information « hyperlocale » prend la forme de sites dédiés
ou de blogs et est à même de fournir une information plus importante et détaillée que celle de
la PQR. Se réapproprier ce qui peut être dit, décrit, commenté, montré sur un territoire aussi
petit soit-il, pourrait être un des enjeux de la PQR en ligne. »
4- Conclusion de l’enquête
12
Pour les chercheurs, cette enquête a fait ressortir la difficulté à identifier ce qui conduit à
consulter les versions web des PQR.
« La lecture de la presse locale en ligne est principalement liée à l’usage quotidien de l’Inter-
net au sein d’une population qui prend l’habitude de diversifier ses sources de lecture en
ligne.
Dans ce contexte la PQR peine à se différencier des medias nationaux et des nouveaux
entrants du web (pure players, blog, agrégateurs et portails). Pourtant un certain nombre de
leviers semble exister. Activer les fonctions sociales de la PQR, celles qui font du quotidien
régional une plateforme qui génère autour de l’actualité locale de l’émotion, des discussions,
des débats, peuvent être transposées en ligne en utilisant les réseaux sociaux et plus
généralement les outils permettant le partage d’information entre internautes. Si aujourd’hui
comme nous l’avons montré les usages de la presse en ligne sont avant tout « multimédia »
(vidéo, podcast …) ceux qui font du lecteur un prescripteur, un contributeur et plus
généralement un acteur de l’actualité et de l’information ont une marge de progression
importante dans les usages des internautes, l’intérêt manifesté pour les commentaires qui
suivent les articles en ligne semble en être l’illustration. Au final les futurs développements de
la PQR en ligne pourraient être inspirés à la fois par l’apparition d’un nouveau type de
consommateurs d’actualités en ligne, les « news enthusiasts », mais également par la
généralisation d’une offre d’information et d’actualité locale enrichie grâce aux nouveaux
outils et usages numériques. »
Un constat partagé par Jacques Hardouin, le directeur général de La Voix du Nord3 : « Face à
la réduction des revenus traditionnels, la tendance est à la création de nouveaux produits et
de nouveaux supports, qu'ils soient papiers, audiovisuels ou numériques. »
Nous allons donc maintenant regarder plus en détail chacun de ces outils spécifiques du
web, l’originalité et l’avantage de leur application à la presse quotidienne régionale.
3 Erwann Gaucher, « En France, Google réalise un milliard d’euros avec 180 jeunes, la PQR 900 millions avec 1800 commerciaux », 23 mars 2011 - http://www.erwanngaucher.com/23032011En-France--Google-realise-1milliard-euro-avec-180-jeunes--la-PQR-900-millions-avec-1-800-commerciaux,1.media?a=591
13
III- Les différents formats spécifiques au web et leur utilisation par les sites
de PQR
Pour le journalisme, Internet représente un terrain d’innovation et, comme nous l’avons vu
dans le chapitre précédent, cette différenciation des contenus entre papier et web semble
revêtir un enjeu crucial pour le devenir de la presse. Il serait faux de penser que rien n’est
expérimenté à ce niveau-là dans la PQR. Elle a essayé et continue d’essayer de nouvelles
formes spécifiques au web pour traiter l’information. Mais la tâche n’est pas simple et elle
échoue parfois à l’image d’un premier bilan dressé par Sébastien Marraud, responsable du
service numérique à Sud Ouest : « On a tenté de faire des formats différents avec du son mais
la sanction a été immédiate. Nos internautes demandaient de la qualité et on s’est donc
concentré à nouveau sur notre métier de base : l’écrit4.»
L’objet de cette partie est d’établir l’état des lieux d’une majorité des pratiques innovantes de
la PQR sur le web, format après format, pour constater quels sont les atouts, les faiblesses ou
les freins qui caractérisent leur développement.
1- Les réseaux sociaux
Ce chapitre-là s’appuie sur deux analyses : l’enquête sur les réseaux sociaux de la PQR intitu-
lée « L’émergence des réseaux sociaux sur les sites de PQR: stratégies et usages » réalisée par
Nathalie Pignard-Cheynel et Brigitte Sebbah, membres de l’Obsweb, et mon travail d’ob-
servation présenté en début de mémoire.
Nathalie Pignard-Cheynel et Brigitte Sebbah ont observé pendant une semaine, au mois de
septembre 2011, l’utilisation des réseaux sociaux par la PQR. Elles ont abordé ce travail en
posant deux questions : est-ce que l’investissement des réseaux sociaux favorise l’émergence
de nouveaux contenus et cet investissement s’accompagne-t-il d’une interaction accrue avec
l’audience ? Je reprends ici les principaux résultats qu’elles ont livrés au terme de cette en-
quête5.
4 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz , 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a5 Nathalie Pignard-Cheynel et Arnaud Mercier, « L’appropriation des réseaux sociaux par mes webjournalistes en France », p.13 à 16 - http://www.medias011.univ-cezanne.fr/fileadmin/Medias11/Documents/A4/MERCIER_PICHARD.pdf, vidéo du compte-rendu partiel de l’enquête : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a
14
1-1 Le nombre d’abonnés
Premier constat : sur les 58 titres répertoriés par le Syndicat de la Presse Quotidienne Régio-
nale, 45 sont présents sur Facebook et Twitter. « Le premier, analysent-elles, qui est le réseau
le plus populaire en France avec ses 22 millions d’utilisateurs, est également prédominant en
presse régionale où il supplante Twitter et ses 3 millions de membres en France. »
En septembre 2011, mois de l’enquête, La Voix du Nord et Sud Ouest sont les titres qui dé-
tiennent les plus grandes communautés sur Facebook, avec respectivement 30 282 et 22 436
fans. Ils étaient plus de 51 000 abonnés en mai 2012 pour La Voix du Nord, toujours leader, et
27 523 pour La Dépêche du Midi. Ces deux quotidiens représentent également deux des plus
grandes communautés sur Twitter, avec respectivement 8 027 et 7 711 abonnés.
D’une manière plus générale, Nathalie Pignard-Cheynel et Brigitte Sebbah constatent que
« contrairement à la presse nationale, la corrélation entre l’audience sur les réseaux sociaux
et l’audience des titres papier n’est pas évidente. Cela met en exergue l’absence d’un effet
15
mécanique entre le titre-source et ses déclinaisons numériques et la nécessité pour eux d’envi-
sager une véritable stratégie de fédération et de fidélisation sur les réseaux sociaux. Ainsi,
parmi les dix journaux de PQR ayant la plus forte diffusion en France, selon les chiffres de
l’OJD en 2011, quatre sont absents du « top dix » de la présence sur les réseaux sociaux : Le
Dauphiné Libéré, La Nouvelle République, La Montagne et La Dépêche du Midi. Ils se re-
trouvent même, pour certains, loin dans le classement, respectivement en 29e, 26e, 12e et
31e place. A l’inverse, Paris-Normandie qui apparaît avec la 4ème plus forte communauté
sur les réseaux sociaux ne se place qu’à la 24e place dans le classement OJD. » Elles pré-
sentent ensuite le diagramme qui fait apparaître le rapport entre l’audience du titre papier,
celles des réseaux sociaux et le ratio entre les deux :
Il est donc étonnant de constater que, selon mes relevés du mois de janvier 2012, Le Dau-
phiné Libéré (ayant toujours un nombre relativement faible d’abonnés au mois de mai 2012 :
6 800 sur Facebook et 1400 sur Twitter) soit le site le plus actif de la PQR.
1-2 Le contenu des messages
Les deux enquêtrices se sont ensuite intéressées à l’intérieur même des pages et comptes où
elles ont constaté une même hétérogénéité. « Le format et le ton des messages postés sur les
16
murs se révèlent particulièrement labiles : au sein de la journée, voire d’une heure à l’autre,
les modalités d’exposition de ces médias varient, traduisant indéniablement des changements
au sein des équipes en charge de l’alimentation de ces pages et surtout, de manière plus pro-
fonde, l’absence de règles communes permettant de calibrer les interventions et leurs modali-
tés. Cette variation dans l’alimentation des pages apparaît de manière flagrante grâce aux
statistiques fournies par Tweetstats qui soulignent une irrégularité quasi généralisée, cer-
taines timelines n’étant par exemple plus alimentées le week-end ! A noter que si certains
titres font exception et témoignent au contraire d’une régularité à toute épreuve dans la diffu-
sion de messages sur Twitter, c’est principalement en raison du choix qu’ils ont fait de l’auto-
matisme de diffusion de liens via des outils spécialisés, notamment Twitterfeed, HootSuite ou
encore la publication automatisée depuis Facebook. »
Ce qui n’est cependant pas le cas du Dauphine.com, malgré le nombre important de tweets
(plus de 70 par jour en moyenne). Guy Abonnenc, responsable du pôle internet du quoti-
dien, confirme que le travail se fait de manière manuelle par les deux journalistes web se re-
layant de 6 h 30 à 23 heures, sans faire appel à un community manager. Concernant le nombre
d’abonnés, il a été calculé que les post envoyés sur Facebook avait augmenté l’audience du
site de 2 %, « ce qui peut paraître peu mais qui représente en fait un plus non négligeable
quand on sait que nous sommes aujourd’hui entre 900 000 et 1 000 000 de pages vues jour »,
soit entre 18 000 et 20 000 pages vues par jour supplémentaires grâce au seul réseau Face-
book.
Comme nous l’avons vu auparavant, le nombre d’abonnés du dauphine.com sur Twitter et Fa-
cebook reste relativement faible comparé à l’investissement fait pour « occuper » l’espace de
ces réseaux. Cela peut s’expliquer en partie par l’existence, selon Nathalie Pignard-Cheynel et
Brigitte Sebbah, d’un « manque de stratégie et de règles d’usage de ces nouveaux outils dans
moult titres qui traduisent l’absence d’une ligne éditoriale au sein de ces nouveaux espaces
de diffusion et production de contenus informationnels. »
Elles appuient leur argumentation par l’analyse qualitative des contenus publiés par les titres
de PQR sur les réseaux sociaux. « Encore aujourd’hui, un cinquième des titres de presse ré-
gionale ne savent pas, ou ne se donnent pas la peine peut-être, de calibrer les tweets pour
qu’ils fassent moins de 140 caractères. Cela entraîne la publication de messages tronqués. 16
% d’entre eux n’utilisent pas les « raccourcisseurs » d’URL et 20 % les hashtags dans leurs
messages. À l’inverse, sur leurs pages Facebook, certains titres publient des messages
avec des hashtags alors même que cette fonctionnalité n’existe pas sur ce réseau social. Cela
17
révèle le peu d’intérêt porté au formatage et au calibrage des messages en fonction de l’outil
utilisé. »
Autre élément dans cette démonstration, le manque d’appropriation des caractéristiques
propres de communication par ces réseaux, ce que certains appellent « l’engagement
conversationnel ». « Dans 57 % des cas sur Twitter et 53 % sur Facebook, les titres de PQR
se contentent de diffuser des liens bruts vers les articles de leurs sites, sans aucune valeur
ajoutée spécifique au média social. Il s’agit de courts messages constitués d’un lien et du titre
de l’article ; parfois accompagné, sur Facebook, du chapeau de l’article.» Ils seraient donc
moins de la moitié à proposer des liens enrichis, offrant à l’internaute une plus-value par rap-
port à ce qui est publié sur le site. « Cette plus-value prend souvent la forme de textes incita-
tifs, enjoignant à la lecture, utilisant des formules impliquantes (sic) telles que « Qu’en pen-
sez-vous ? » ou « Venez regarder cette vidéo ». »
De par mes observations, Letelegramme.com est le site qui joue le plus sur cette interacti-
vité et qui n’utilise pas ces réseaux sociaux, surtout Twitter, comme un simple relai pour ai-
guiller l’internaute vers les informations se trouvant sur son site mais comme un outil de
18
conversation avec le lecteur. Cela n’est possible que grâce à la présence d’une personne char-
gée exclusivement de ce travail : le community manager. Selon Erwann Gaucher, journaliste
et consultant pour les médias de proximité, seuls deux journaux de la PQR française sont do-
tés d’un community manager salarié à plein temps : Le Télégramme et Ouest France. Olivier
Clech, rédacteur en chef en charge du multimédia au Télégramme explique dans un entretien
accordé à Erwann Gaucher6, comment est considéré ce community manager : « Ce n'est pas
un journaliste, il n'en n'a d'ailleurs pas le statut, c'est quelqu'un qui est à mi-chemin de la ré-
daction et du marketing. Le but est d’ "exploiter" les conversations qui se mettent en place sur
les réseaux au bénéfice de notre marque, mais aussi homogénéiser sa présence, éviter que
notre marque soit utilisée ici ou là pour des initiatives dont nous
n'étions pas forcément au courant. Notre community manager aura également un rôle impor-
tant de feed-back pour la rédaction et le marketing, il accompagnera les rédactions pour
qu'elles soient autonomes sur les réseaux, dans leur veille et leurs recherches, nous aidera à
mieux comprendre les usages de ceux qui sont sur les réseaux ".
6 Erwann Gaucher, « Community manager en PQR : le Télégramme dégaine », 26 septembre 2011 - http://www.erwanngaucher.com/26092011Community-Manager-en-PQR--le-Telegramme-degaine-,.media?a=717)
19
Ainsi Erwann Gaucher, journaliste et consultant pour les nouveaux médias, considère que les
sites de PQR « ont tout à gagner à mettre le paquet tant l'utilisation grandissante des réseaux
sociaux se rapproche de l'ADN de la presse locale sans pour autant mettre en danger la va-
leur de l'info des éditions papier » et son analyse est appuyée par les propos d’Olivier Clech :
« Après tout, les journaux régionaux font du réseau social depuis des décennies sans le savoir
ou sans le dire. Animer des réseaux de correspondants, c'est déjà cela. Le numérique modifie
l'échelle et permet encore plus de choses. »
Pour en revenir à l’enquête de Nathalie Pignard-Cheynel et Brigitte Sebbah, elles ont voulu
aussi vérifier si les contenus des messages sur les réseaux sociaux proposaient autre chose que
des liens avec, par exemple, de l’information pratique (météo, trafic...), des sondages ou une
couverture « live » d’événements locaux (concerts, festivals, événements politiques...). Ainsi
« sur Facebook, ils ne sont que 11 % des titres de PQR à offrir des contenus non spécifique-
ment liés à leur site, tandis que 30 % le font sur Twitter ».
En conclusion, les enquêtrices observent que « les réseaux sociaux en sont ainsi réduits à leur
plus simple expression, celle de caisse de résonnance des contenus produits pour le site web.
Toute la logique consiste donc à ramener le lecteur vers le site à travers l’exploitation ex-
trême des liens, 82 % sur Twitter et 96 % sur Facebook des titres de PQR proposent des liens
vers les articles de leurs sites, alors même que 13 % seulement des tweets à l’échelle globale
contiennent un lien ». Pour elles, seuls deux titres de la PQR apparaissent réellement inno-
vants sur les deux plateformes au niveau des contenus et de l’interactivité : Letelegramme.-
com et Larepubliquedespyrenees.fr.
20
« A l’inverse, près d’un tiers des titres se situent dans une pratique minimale des réseaux so-
ciaux, combinant une absence d’interaction avec le lecteur à un déficit manifeste de réflexion
éditoriale relative à la production de contenus enrichis voire spécifiques. Entre ces deux ex-
trêmes, une douzaine de sites peuvent être qualifiés « d’émergents » ; leurs positionnements
sur les réseaux sociaux font apparaître un usage progressif mais non abouti. »
1-3 L’importance d’une présence sur les réseaux sociaux
Enfin je terminerai ce chapitre par des anecdotes illustrant l’importance que peut avoir pour
les journalistes une utilisation opportune des réseaux sociaux.
Twitter se révèle être parfois davantage qu’un moyen de communication. Il peut jouer aussi le
rôle de « détecteur » d’informations. Pierre France, ancien journaliste multimédia des Der-
nières Nouvelles d’Alsace, raconte sur son blog7 ce qu’il considère son « exemple ultime » dé-
montrant l’intérêt journalistique de Twitter. C’est sur ce réseau social qu’il a découvert, en
août 2011, l’annonce de la vente d’une usine de papier strasbourgeoise par le groupe finlan-
dais UPM qui la détenait jusqu’alors. « L’annonce de cette vente a été publiée par un commu-
niqué de presse sur le site d’UPM à 8 h 30, raconte-t-il. Pour un journal de PQR comme les
DNA, il n’y avait aucun moyen d’être prévenu : personne n’était au courant, pas même le di-
recteur de l’usine strasbourgeoise, et évidemment pas les syndicats. (…) Nous aurions pu
prendre 24 heures dans la vue sur cette information. Mais grâce à Twitter, nous avons été
alertés quasiment en temps-réel. La revue France Graphique suit de près l’industrie de l’im-
pression et donc du papier. Le communiqué de presse d’UPM leur est naturellement envoyé.
Ils rédigent un billet sur leur site et twittent l’info vers 11 h (...) Comme nous surveillons le
mot-clé « Strasbourg » sur Twitter, ce tweet apparaît sur ma timeline (…) J’alerte la rédac-
tion économique qui peut suivre la conférence de presse téléphonique à 13h ! » Le sujet a fait
la une des DNA le lendemain. « Cet exemple montre à quel point aujourd’hui l’information
est devenue virale, poursuit Pierre France. D’une part, grâce aux mots-clés croisés, l’informa-
tion touche son public de manière beaucoup plus directe (dans ce cas Strasbourg) et d’autre
part, grâce à la spécialisation des sources, une veille ultra-efficace est assurée ». Une anec-
dote qui incite le journaliste à se demander si la présence sur Twitter ne pourrait pas un jour se
substituer à un abonnement au fil AFP par exemple. En effet, cette information était parue
seulement sur le fil économique de l’agence de presse auquel ne sont pas abonnées les DNA.
Jean Lombardozzi, coresponsable du pôle internet de La Provence, évoque également la dé-
7 Pierre France, « Surveiller Twitter paie parfois », 1er septembre 2011 - http://www.pierrefrance.com/onestmal/2011/09/01/surveiller-twitter-paie-parfois/#more-514
21
couverte sur Twitter d’un règlement de compte à Marseille. L’information avait été « twittée »
par un passant qui venait de découvrir la scène avant l’arrivée des policiers. Elle avait suffi
alors au service des faits divers d’un coup de téléphone pour vérifier l’information. Un gain
de quelques minutes qui peut s’avérer payant quand on sait l’importance, sur internet, de
transmettre les informations le plus rapidement possible.
Sur le site journalisme.info8, Sarah Lachhab démontre elle l’utilité d’un réseau comme Face-
book. Elle rapporte que, lors d'un orage violent à la hauteur de Montbéliard en juin 2010, le
journal Le Pays a posté un appel à témoin sur Facebook pour récupérer des témoignages et
des photos de l’événement. Ces éléments ont été ensuite publiés sur le site internet du journal
qui est alors passé « de 500 visites à 4000 visites en deux heures ». Mais l’effet ne s’est pas ar-
rêté là car Le Pays a connu, avec l’édition papier du lendemain, une augmentation de plus de
96 % de la moyenne de ses ventes. Les envois de témoignages et de photos ont même conti-
nué ce jour-là, ce qui a permis au journal de sortir trois pages thématiques le
surlendemain de l’orage.
2- Les commentaires
Internet offre au lecteur la possibilité inestimable d’échanger avec le journaliste. Certes, avant
cela, il pouvait toujours envoyer un courrier à l’auteur d’un article et certain de ces avis pou-
vaient figurer dans la page du journal consacrée au courrier des lecteurs. Dorénavant, c’est un
8 Sarah Lachhab, « Twitter : la PQR est dans la course », 28 septembre 2010 - http://www.journalismes.info/Twitter-la-PQR-est-dans-la-course_a2871.html
22
échange direct qui est permis. Mais encore faut-il que le journaliste joue le jeu, ce qui est rare-
ment le cas.
Philippe Larue, journaliste à La Provence, est l’un des rares de sa rédaction, comme il
l’avoue lui-même, à répondre parfois aux internautes quand l’un de ses articles est publié sur
le site du journal et suscite des réactions. Pour lui, il est évident que le journaliste se doit de
répondre aux commentaires des internautes mais, quand ce n’est pas la volonté, c’est souvent
le temps qu’il lui manque pour accomplir cette « pratique ». Il avoue le faire dans un pre-
mier temps pour « éviter que des internautes malfaisants utilisent (s)on papier pour faire de
la propagande. »
Capture d’écran d’une partie des commentaires sur l’article de Philippe Larue : « Marseille : c’est ainsi que les
Roms vivent aujourd’hui » publié sur laprovence.com le 15 août 2011.
Certes il convient que « tous les reporters ne doivent pas se transformer en modérateur mais
il ne faut pas laisser polluer son sujet. Cela peut permettre aussi de rebondir sur d'autres ar-
ticles et il s'est instauré parfois des dialogues intéressants, avec des personnes qui peuvent
être des témoins dans d'autres dossiers. » Ainsi, pour un journaliste, lire des commentaires
peut être source de nouvelles idées pour les prochains articles.
Il existe cependant des limites comme l’indique ensuite Philippe Larue : « Certains sont des
pros du commentaire, passent leur temps sur l'écran sans apporter grand-chose et peuvent te
23
poursuivre dans les commentaires systématiquement, en voulant toujours avoir le dernier
mot. » Enfin, il perçoit « une vraie attente des lecteurs » mais relève un autre intérêt pour le
journaliste. « Ce n'est pas la même logique que le journalisme mais cela peut représenter une
saine pratique démocratique, une manière de se remettre en cause sur certains angles et
choix, résume-t-il. Y passer plus de temps me paraît difficile mais j'aimerais bien engager un
dialogue avec les internautes dans le cadre d'un « chat » sur certains thèmes. »
Alors oui l’usage des commentaires est un fort atout pour attirer de l’audience, encore
faut-il l’utiliser au maximum de ses possibilités. Pour un « internaute-contributeur », le fait de
savoir que son commentaire va ou a de fortes chances d’être lu par l’auteur de l’article est va-
lorisant et peut l’inciter fortement à aller sur un site. Mais les rédactions disposent-elles du
temps nécessaire pour accomplir ce travail ? Des sites de presse quotidienne nationale (Li-
beration.fr, Lefigaro.fr ou Lejdd.fr) sous-traitent la gestion des commentaires à des sociétés
spécialisées comme Concileo9. Bien sûr, cela a un coût important difficile à supporter pour la
plupart des rédactions.
La Provence ne fait donc pas appel à un animateur de communauté pour gérer les commen-
taires et un seul journaliste à ma connaissance s’y prête parfois. Ce sont les membres de la ré-
daction web qui sont chargés à tour de rôle de surveiller les commentaires et de les modérer si
nécessaire. Cela représente une charge importante et souvent seuls les commentaires mis en
« alertes » par des internautes sont relus. Les sujets sensibles, comme la politique par
exemple, sont davantage surveillés – les articles sur les faits divers ne sont pas ouverts aux
commentaires sur Laprovence.com et la majorité des sites d’information – mais une grande
partie des commentaires ne peuvent être lus et donc modérés.
Dans une autre rédaction de la PQR, celle de La Voix du Nord, la gestion des commentaires
est également effectuée en interne par l’animateur du site, qui n’a pas de formation de journa-
liste, mais souvent aidé par le reste de la rédaction web. L’une de ses membres, Nathalie
Grosskopf, avoue cependant la difficulté pour les journalistes web de lavoixdunord.fr de se
consacrer pleinement à ce travail : « Entre la hiérarchisation et l’enrichissement de l’informa-
tion en ligne, la veille informatique, l’écriture des brèves, l’actualisation des profils sur Twit-
ter et Facebook et parfois la réalisation de reportages vidéo pour le site, les journalistes web
ont de nombreuses tâches à effectuer en plus de s’occuper des commentaires. Et la modéra-
9 Julia Gaudon , « Les commentaires sur les sites de presse : chacun sa méthode », 7 novembre 2010 - http://www.journalismes.info/Les-commentaires-sur-les-sites-de-presse-chacun-sa-methode_a2922.html
24
tion n’est pas toujours la priorité car elle n’est pas nécessairement perçue comme un travail
journalistique10. »
3- L’utilisation des blogs
L’utilisation des blogs est très hétérogène au sein des sites de la presse régionale. Chez cer-
tains, les blogs des rédacteurs sont rares ou la fréquence des billets assez faible. Chez
d’autres, ce sont ceux des lecteurs qui tardent à se développer. Ces formats de communica-
tion, permettant une certaine liberté de ton et offrant un espace de créativité, paraissent avoir
dans l’ensemble une influence marginale sur le nombre de visites des sites.
Cependant, le journal Midi Libre s’est fait remarqué en 2005 en créant Midi Blogs. L’origi-
nalité du principe ? Ce sont ici les correspondants locaux du journal qui tiennent un blog d’ac-
tualité de leur village. Pour Michel Pelamourgue, le créateur de ce projet, « la première moti-
vation, c’était d’attirer un public plus jeune car le blog est un outil qui concerne davantage ce
public. Ensuite, c’était d’être complémentaire avec le quotidien car le blog représente un es-
pace de liberté infini sans problème de pagination, ce qui permet de donner un véritable es-
pace de parole qui n’existe peut-être pas dans le journal11 ».
En 2011, 300 blogs étaient ouverts12 aux contenus parfois distincts de l’édition papier. Les
blogueurs peuvent par exemple illustrer leurs articles avec davantage de photos, publier inté-
gralement ceux coupés lors de leur publication papier, etc. Par ailleurs, le blog se révèle être
un outil stimulant pour les correspondants car il permet de voir en temps réel le nombre d’in-
ternautes présents sur leur page.
Selon Erwann Gaucher13, le total de ces blogs représentait en 2010 un trafic supplémentaire de
25 % pour le site de Midi Libre et aurait généré un chiffre d’affaires de près de 200 000 euros
grâce aux revenus publicitaires. Ces blogs représentent pour les annonceurs locaux un
support avantageux pour diffuser leurs publicités. Elles sont adressées à un public hyper
ciblé et le tarif y est moins élevé que pour le journal papier. Les correspondants locaux, main
10 Ibid.11 Interview de Michel Pelamourgue par Cyril Cahouzard, 25 novembre 2006 - http://www.dailymotion.com/video/xzvba_michel-pelamourgue_news12 Erwann Gaucher, « Le nouveau site de Midi Libre vise les 200 000 visites par jour », 20 avril 2011 - http://www.erwanngaucher.com/20042011Le-nouveau-site-de-Midi-Libre-vise-les-200-000-visitesjours,.media?a=61813 Erwann Gaucher, « Une expérience réussie sur un site d’infos (pour une fois) », 20 septembre 2010 - http://www.erwanngaucher.com/20092010Une-experience-reussie-sur-un-site-d39infos-pour-une-fois,2.media?a=435
25
d’œuvre qualifiée parfois de « bon marché » pour la PQR, profitent de quelques faveurs grâce
à cette initiative : ils touchent 15 % des publicités vendues sur leur blog, soit jusqu’à 400 eu-
ros pour certains.
A ce jour, Midi Libre est le seul quotidien régional à avoir utilisé ce savoir-faire du travail en
réseau et cela étonne quelque peu Erwann Gaucher : « La PQR c’est déjà de la gestion de
communauté. Toutes les rédactions le font à travers leur réseau de correspondants. Le travail
qu’on lance auprès de blogueurs quand on lance une plate-forme contributive, ça fait 40 ans
que la PQR le fait ! Ca fait 40 ans qu’elle fait travailler des correspondants locaux, qui le
font d’ailleurs non pas pour l’argent mais pour leur reconnaissance (…) C’est exactement les
leviers utilisés par les pure players pour faire travailler les gens et faire du contributif et pour
l’instant la PQR est très en retard ».
4- La vidéo
La vidéo figure comme l’un des éléments les plus attirants sur le web et symbolise d’une ma-
nière évidente la distinction entre l’édition papier et le web. Or, la presse régionale sous-uti-
lise ses capacités.
Le lecteur va vite sur Internet. Il préfère le texte court et, pour s’informer sur un thème, à
choisir entre la lecture et le visionnage d’une vidéo, il préférera la majorité du temps le second
choix. Dans l’ouvrage « Presse en ligne » de la revue Réseaux14, un journaliste du Parisien.fr
explique que, sur le web, « les gens qui vont voir nos vidéos ne vont pas voir ce qu’ils vont
voir à la télévision, c’est-à-dire des plans bien cadrés (…) ils vont voir autre chose. Donc il y
a des conséquences sur la qualité. Mais c’est un petit format sur un écran d’ordinateur, ce
n’est pas un écran de 66 cm donc il y a des défauts qui passent plus facilement (…). Et puis
on est dans l’univers du web donc ce n’est pas la même consommation. Le regard n’est pas le
même, sur le fond comme sur la forme, et je suis persuadé que l’internaute n’a pas la même
exigence, il attend autre chose. »
Tout d’abord, j’ai pu remarquer que, pour l’ensemble des sites supervisés, les vidéos sont sou-
vent peu mises en valeur. Exemple ici avec la capture d’écran de Lavoixdunord.fr où la fe-
14 Stéphane Cabriolé, « Les journalistes du Parisien.fr et le dispositif technique de production de l’information », Presse en ligne, dossier coordonné par Eric Dagiral et Sylvain Parasie, Collection Réseaux, 2010
26
nêtre ouvrant sur les vidéos est perdue au milieu d’autres liens mais surtout cette partie du site
n’est visible qu’une fois le scroll descendu à mi-niveau.
Capture d’écran d’une partie de la page d’accueil de lavoixdunord.fr (16 avril 2012)
D’autre part, quand elles ont la chance de se trouver en haut de page, les vidéos sont la plu-
part du temps réduites à de petites vignettes qui diminuent de fait leur mise en valeur et
peuvent ainsi signifier à l’internaute qu’elles n’ont pas beaucoup d’importance. Bref, cela
donne l’impression que les sites de la PQR ne sont pas fiers de leurs vidéos. Or comme cela a
été dit auparavant, et il est crucial d’insister là-dessus, la vidéo est un élément prisé par les in-
ternautes.
Ce défaut de présentation découle de la volonté initiale et encore visible sur beaucoup de sites
d’aller vers l’exhaustivité en matière d’entrées. « Le second trait commun (des sites de PQR)
tient à la diversité et la densité des entrées proposées sur la plupart des pages d’accueil des
sites d’actualité locaux, observent Jean-Marie Charon et Patrick Le Floch15. Ceux-ci en-
tendent proposer une sélection des dernières nouvelles nationales et internationales. Ils y
ajoutent une dimension régionale qui peut donner la tonalité dominante de l’entrée sur le site.
Outre l’actualité locale figurent également les informations pratiques, la vie quotidienne, les
loisirs, la culture, le divertissement. » Et trop d’informations peut tuer l’information…
15Jean-Marie Charon et Patrick Le Floch, La Presse en ligne, 2011, p.40
27
D’après Sébastien Marraud, chef de la rédaction Internet de Sud Ouest, « il semblerait que
les annonceurs de PQR soient demandeurs de pubs en vidéo. Vus les tarifs pratiqués par les
grandes chaînes de télé, un spot de 30 secondes sur un site de PQR sera toujours beaucoup
plus abordable qu'un prime sur TF1. Cela voudrait dire que la PQR intéresse toujours les an-
nonceurs 16». A noter au passage les inconvénients parfois engendrés par ces écrans publici-
taires. Souvent, les vidéos créées par les journalistes de la PQR sont courtes (moins d’une mi-
nute) et la publicité très longue (30 secondes par exemple) par rapport au temps de vidéo in-
formative, rapport qui peut parfois dissuader l’internaute de regarder la vidéo. Cet élément
peut aussi renforcer le degré d’exigence de ce dernier. D’autant qu’il peut arriver que, après
avoir visionné une publicité de plus de 40 secondes, la vidéo ne démarre pas…
Selon Sébastien Marraud, les expériences menées en PQR tendent à prouver que l’information
dite « de petite locale » en vidéos a beaucoup de difficultés à trouver une audience. Le
nombre de vues d’une vidéo ayant demandé beaucoup de temps au journaliste pour la réalisa-
tion et le montage peut se révéler très faible, parfois une centaine de vues seulement. Se pose
alors la question de la rentabilité et du choix d’envoyer ou non des journalistes « faire des vi-
déos ». « Seule une vidéo sur de l'info dite "chaude" et particulièrement du fait divers peut
trouver son public », ajoute Sébastien Marraud.
A La Provence, on privilégie d’ailleurs de plus en plus les « petites » vidéos faites avec des
smartphones. Ainsi, un fait-diversier comme Romain Luongo qui se rend sur un événement
pour son article papier en profite également pour faire une vidéo quand l’occasion se présente.
20 secondes montrant le périmètre bouclé à la suite d’un règlement de compte où ne sont vi-
sibles que des policiers semblent à ce jour très prisés par les internautes. C’est donc grâce à
son mobile que, par hasard, il a pu réaliser la vidéo de l’attaque d’un fourgon blindé, vidéo la
plus regardée à ce jour sur le site de La Provence (plus de 50 000 vues en août 2011 depuis sa
mise en ligne).
« Autre exemple qui marche, toujours selon Sébastien Marraud, l'actu à dimension nationale
traitée localement. Comme cette vidéo de l’entraînement de l'équipe de France de basket-ball
à Pau qui a dépassé les 10 000 vues sur le site de la République des Pyrénées. » Ou celle
d’Eric Cantona appelant les Français à retirer leur argent des banques, vidéo tournée par le
site de Presse Océan, basé à Nantes. Ce site s’était également distingué par une vidéo d’un re-
quin vivant échoué sur la plage de La Baule. L’avantage de la presse locale est là : la démulti-
16 Sébastien Marraud , « La vidéo va-t-elle sauver la PQR ? », octobre 2011 -http://sebmarraud.blogspot.fr/2011/10/la-video-va-t-elle-sauver-la-pqr.html
28
plication des possibilités de faire des vidéos « buzz » par une couverture plus proche du ter-
rain, par la facilité à filmer un événement grâce à un smartphone et celle de la contribution
éventuelle de tout un chacun.
Pour conclure, Sébastien Marraud observe qu’ « un site de PQR ne peut pas se contenter de
l'information écrite locale et régionale. Il faut donc trouver une troisième voie entre l'auto-
route de l'info en vidéo et le chemin cahoteux de la pleine campagne. Sans doute en faisant
des choix très précis des sujets traités, en privilégiant les sujets qui ont une portée largement
régionale voire au-delà et surtout en apprenant, en se formant. La vidéo c'est un métier et l'à
peu près serait particulièrement préjudiciable pour l'image de la PQR. »
Pourtant, lorsqu’on observe les sites de la presse régionale, on peut constater que certains,
pour ne pas dire la grande majorité, usent plus que de raison l’attrait de vidéos qui font le «
buzz » mais qui n’ont rien à voir avec l’actualité locale concernée. Cela bien sûr dans le seul
but de faire de l’audience, quitte à reléguer loin en arrière le souci éventuel de cohérence.
Mais sur ce point, Sébastien Marraud répond aussi par l’obligation du journaliste à s’adapter
au rythme du web : « On se frotte aussi à l’actualité nationale et internationale car on ne peut
pas tenir tous les jours au rythme web avec de l’info locale17».
5- Le diaporama sonore
Un autre format médiatique né avec l’arrivée du web est le diaporama sonore ou portfolio so-
nore. Peu utilisé par les médias, il présente pourtant plusieurs avantages. Aurélien Charten-
drault est l’un des deux auteurs du web documentaire « Les ouvriers de l'ombre » sur le tra-
vail en prison pour le site de L’Express. Il explique quels sont les atouts de ce format par rap-
port à la vidéo qu’il a l’habitude d’utiliser : « Il est beaucoup plus riche en terme d'illustration
d'un propos quand on a peu de temps. J'ai aussi l'impression qu'on est plus discret avec un
appareil photo qu'avec une caméra. La caméra fait peur, elle prend toutes les images, on ne
sait pas trop ce qu'elle filme...18». Benoit Vochelet, journaliste papier et web pour le quotidien
17 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a18 Morgane Tual, « Le diaporama sonore, format privilégié dans le webdoc “Les ouvriers de l’ombre”»,
29
Paris-Normandie, a réalisé un diaporama sonore sur le lieu de mémoire consacré à l’Abbé
Pierre à Esteville, diffusé sur pelerin.info19. Pour lui, c’est surtout la facilité à acquérir les
techniques du diaporama sonore qui compte : « J'ai 55 ans et je n'appartiens pas la géné-
ration web. C'est ce qui a accentué ma curiosité puis mon goût pour le multimédia. Je
confesse un attrait pour le diaporama sonore, un mode narratif d’une grande richesse. Il a
cette capacité de restituer, avec peu de contraintes techniques, la qualité d'une ambiance et la
profondeur d'une émotion20. »
La facilité de réalisation, c’est aussi ce qu’avance Guillaume Clère, stagiaire à La Provence
durant l’été 2011 et étudiant au Cuej de Strasbourg. De sa propre initiative, il a fait deux dia-
poramas sonores en parallèle de son travail pour le papier. Il a pu réaliser ce travail avec son
propre appareil photo, le dictaphone de son iPhone et le logiciel Final Cut pour le montage.
Moi-même, j’ai pu constater qu’il était tout à fait possible de réaliser un tel diaporama simple-
ment à l’aide d’un smartphone pour la prise de son et des images puis utiliser un logiciel de
montage (Vuvox) très simple et très rapide21.
Guillaume Clère relève cependant le peu d’encouragements des responsables de la locale du
journal qui ne voulait surtout pas que ce travail empiète sur celui demandé pour le papier :
« J'ai eu le sentiment d'une collaboration quasi inexistante entre le web et le papier. »
http://diasporamas.com/blog/le-diaporama-sonore-format-privilegie-dans-le-webdoc-les-ouvriers-de-lombre/post/19 Benoit Vochelet, « Esteville, bienvenue dans le “nid” de l’Abbé Pierre », http://www.pelerin.info/Photo-video/Diaporama-sonore/Esteville-bienvenue-dans-le-nid-de-l-Abbe-Pierre20 Ibid.21 http://camboulivesyvan.wordpress.com/category/diaporamas-sonores/
Cécile Gregoriades s’est installée comme journaliste free-lance aux Etats-Unis et s’est spécia-
lisée dans le diaporama sonore. Elle soulève les inconvénients de ce format-là et en quoi il
n’est pas totalement adapté à la presse quotidienne régionale : « Les portfolios sonores sont
idéaux pour des sujets plutôt magazine. Ils sont l’occasion de revenir ou de faire un point sur
un thème donné, loin de l’actu brûlante, pour laquelle les formats traditionnels sont plus ap-
propriés22.» Un argument qui résonne d’autant plus quand on sait que le desk web de la PQR
n’est composé en moyenne que de très peu de journalistes. « Faire un portfolio sonore, c’est
aussi beaucoup de travail en postproduction que l’on peut sous-estimer, continue-t-elle. Déru-
sher, éditer, sélectionner, faire son script, peaufiner et exporter un sujet multimédia, ça prend
autant de temps que de tourner sur le terrain, sinon plus. »
5-1 Un format qui attire l’internaute ?
Nous pouvons comprendre alors la réticence des sites de la PQR à utiliser le diaporama so-
nore. Pourtant, certains le font comme Lavoixdunord.fr. Nathalie Grosscoff y est journaliste
web et elle confirme le temps important que nécessite parfois la réalisation : « Tous les diapo-
ramas sonores ne prennent pas le même temps de réalisation, mais c'est assez long, à peu 22 Laurie Goret, « Le portfolio sonore : “une forme narrative fantastique” », 3 février 2010 - http://www.journalismes.info/Le-portfolio-sonore-une-forme-narrative-fantastique_a2486.html
près comme le montage d'une vidéo. Mais nous ne raisonnons pas en "rentabilité" (rapport
temps passé / nombre de visites) : une audience pas très élevée mais qui se dit "Beau boulot"
peut être aussi intéressante qu'un plus grand nombre d'internautes qui se diraient "Hum... pas
terrible". » Et justement, pour elle, il est difficile de juger les retombées d’un diaporama
sonore ou d’un reportage audio. « Si le sujet intéresse, il aurait peut-être été tout aussi vu
ou lu dans un autre format... Mais certaines initiatives plus travaillées ou plus "exclusives"
peuvent rencontrer un bon succès, comme cela a été le cas avec notre diaporama sonore sur
Dodo La Saumure ».
Capture d’écran de Lavoixdunord.fr (4 mai 2012)
Alors pourquoi choisir le format du diaporama sonore ? « Nous faisons le choix du diaporama
sonore quand c'est le format qui nous semble le plus adapté, par rapport à la vidéo par
exemple, si le sujet est sensible ou compliqué à filmer techniquement. En terme de matériel,
32
nous avions jusqu'il y a peu des enregistreurs MP3 de type Olympus. Nous avons maintenant
des Zoom H4/H2 et nous utilisons le logiciel Audacity pour effectuer le montage des sons.
Pour les photos, elles seront la plupart du temps réalisées par nos photographes profession-
nels car, pour ce format-là, il faut être sûr de disposer de photos de bonne qualité. »
5-2 Utiliser la photo autrement
Internet offre d’autres possibilités que le diaporama sonore dans l’utilisation de la photogra-
phie. Les balades virtuelles réalisées par Maxime Jegat pour le journal Le Progrès en sont un
exemple23. « A l'origine, ce projet avait pour objectif de proposer un traitement novateur, im-
mersif et ludique aux internautes du Progres.fr sur un événement d'ampleur comme peut l'être
la Fête des Lumières à Lyon », explique-t-il à Erwann Gaucher 24. Au final, l’internaute peut
revivre virtuellement la célèbre Fête des Lumières (sans les inconvénients de la foule !). La
première expérience s’est déroulée en 2010 et a été renouvelée l’an dernier.
A chaque fois, on retrouve plusieurs lieux emblématiques de l’événement grâce à une photo
panoramique. L’internaute peut alors décider d'aller où il le souhaite, de zoomer sur certains
zones ou de se laisser guider par l'autorotation. Chaque image est accompagnée d'un son
d'ambiance et favorise l'immersion.
23 « Balades virtuelles : Fête des Lumières 2011 », Leprogres.fr, décembre 2011 -http://www.leprogres.fr/multimedia/fete-lumieres201124 Erwann Gaucher, « Réinventer le métier de photographe en PQR », 12 décembre 2010 - http://www.erwanngaucher.com/12122010Reinventer-le-metier-de-photographe-en-PQR--l39exemple-du-Progres,2.media?a=508
33
Après la découverte d’un logiciel rapide d’utilisation, Maxime Jegat a alors imaginé « qu'il
était possible de réaliser ce genre de production en J+1. Et c'est tout l'enjeu de cette produc-
tion. Diffuser cette visite en J+2 ou pire seulement après la fête des Lumières aurait été ridi-
cule. Il fallait pouvoir la mettre en ligne le lendemain de la première soirée pour pouvoir être
dans le tempo de l'actu. » Et le succès a été au rendez-vous car le site a enregistré 10 000 vi-
sites dès le premier jour. Auparavant, le photographe avait déjà réalisé une balade virtuelle
« Sur les toits de Lyon » et a reproduit le modèle pour la ville voisine de Saint-Etienne. Des
exemples très intéressants de formats innovants sur le net pour traiter l’information locale.
6- Le webdocumentaire
Le webdocumentaire, « c’est intéressant mais extrêmement chronophage et ça demande d’ar-
river à se libérer de l’actu » pour Olivier Grandin, responsable éditorial multimédia du
groupe La Montage. Jean-François Eyraud, responsable des nouveaux médias à La Provence,
confirme ce point de vue et compare ce phénomène à celui du CD-Rom dans les années 90 :
« Ce sont de vrais œuvres interactives mais en termes d’audience, de partage et de fréquenta-
tion, ça reste assez modeste25 ».
Pourtant, certains se sont essayés au format. Les premiers dans la presse régionale furent en
2008 Pierre France et Matthieu Mondoloni, journalistes aux Dernières Nouvelles d’Alsace,
avec un web documentaire sur la maraude à Strasbourg. Dans un entretien pour le site webd-
docu.fr26, Pierre France raconte : « La maraude est un marronnier dans le journalisme. Avec
Matthieu, nous avons décidé de le traiter d’une manière différente avec un format innovant. A
la base, c’est un reportage photo avec des éléments sonores. L’idée, c’était de raconter la
tournée de la maraude et de faire participer l’internaute ». Il leur a fallu au total 40 heures de
travail pour réaliser ce reportage. « Cette expérience a permis de montrer ce qu'il était pos-
sible de faire sans moyens financiers, souligne Pierre France.
25 « Web et actu : Pierre Boucaud et Jean-François Eyraud, invités d’Albert et radio Grenouille », 22 avril 2012 - http://www.chez-albert.fr/Journaux-regionaux-et-internet-le.html26 Paul Capian, « Webdocu.fr rencontre Pierre France », 7 janvier 2010 – http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/01/07/linterviewfr-rencontre-pierre-france/
34
Capture d‘écran de la page d’accueil du webdocumentaire sur la maraude diffusé sur dna.fr : http://www.dna.fr/dossiers/maraude
Dans un webdocumentaire professionnel, il y a un monteur professionnel et un développeur
professionnel. Tout ça, nous ne l’avions pas. Au niveau financier, du coup les seules charges
restaient nos salaires. Les DNA ont produit le webdoc mais nous ont dit « Faites-le mais
vous aurez zéro argent supplémentaire ». C’est aussi pour ça qu’on n’en a pas refait. »
Comme le montre l’un des tableaux d’observation des sites de PQR27, ils sont peu nombreux
dans la presse régionale à s’être lancés dans l’aventure du webdocumentaire et l’objectif com-
mun à ces projets reste la nécessité de travailler avec de petits moyens. « Une caméra de
poing HD Sony, un pied et un Nikon D300 » pour Maude Milekovic et Stéphanie Para, co-
auteures du web doc « Dans la cuisine des petits jouets » diffusé sur Leberry.fr en décembre
2010. Un projet qui a nécessité un mois de travail. « Il s'agissait d'un projet complémentaire
27 Annexes p. 66-67
35
entre le journal et son site web, explique Maude Milekovic. Le 24 décembre, nous avons pu-
blié deux pages exclusivement disponibles dans la version papier du Berry républicain, en pa-
rallèle du web documentaire accessible sur le site. L'idée de ce travail c'est vraiment de pré-
senter un ensemble inédit sur un sujet local, où chaque media, journal et site, était complé-
mentaire de l'autre28. » Mickaël Brunner, journaliste multimédia du site de la République du
Centre et auteur du web documentaire Les travailleurs de la Loire, voit aussi dans ce format
l’avantage d’attirer un nouveau public : « Le web documentaire est une forme de journalisme
qui peut intéresser les jeunes qui font partie d'une génération qui a grandi avec les ordina-
teurs et Internet29 ». L’objectif est aussi de travailler, internet oblige, sur un sujet local qui pré-
sente un intérêt général pouvant attirer le plus de « visiteurs » possible.
Pour autant, le web documentaire présente aujourd’hui un écart important entre le temps
investi et les retombées économiques. Les coréalisateurs de La Maraude ont une réflexion
tant au niveau régional que national. Ainsi pour Matthieu Mondoloni30, « la presse régionale
ou nationale a tout intérêt à diffuser ces œuvres parce que c’est une véritable plus-value, c’est
un récit qui est très intéressant pour les gens. Par exemple, Voyage au bout du charbon de Sa-
muel Bollendorf diffusé sur Lemonde.fr, c’est 150 000 visites et 2 millions de clics, c’est
énorme. Cela montre que les gens aiment ce type d’exercice. Donc en termes de diffusion,
c’est intéressant pour les journaux mais en termes de production, ça l’est moins parce que ça
coûte très cher pour une rentrée d’argent qui est nulle. C’est pourquoi je comprends qu’ils ne
soient pas dans une logique de produire du web doc à gros budget. » Son ancien collègue
Pierre France le rejoint et précise le problème de la publicité : « Sur le net, nous sommes dans
l’économie du clic. La publicité rémunère les sites en fonction de l’audience qu’ils génèrent.
Que cette publicité soit accolée à une dépêche de 1000 signes ou à un web documentaire qui
a pris trois mois pour être fait, elle paye exactement la même chose. Peut-être plus tard, il y
aura des webdoc intelligents qui intégreront la publicité dans le déroulé du webdoc avec des
bandeaux à l’intérieur par exemple et elle deviendra ainsi partie prenante de la production du
webdocumentaire »
28 Erwann Gaucher, « Quand la PQR se lance dans le webdocumentaire », 28 décembre 2010 -http://www.erwanngaucher.com/28122010Quand-la-PQR-se-lance-dans-le-webdocumentaire,2.media?a=52429 Jennifer Delrieux, « Quand webdocumentaire rime avec PQR », 26 avril 2011 -http://www.journalismes.info/Quand-webdocumentaire-rime-avec-PQR_a3348.html, 30 Margaïd Quioc, « Le web-reportage met l’image à l’honneur », 21 octobre 2009 -http://www.journalismes.info/Le-web-reportage-met-l-image-a-l-honneur_a2246.html
36
7- Les applications pour téléphones mobiles et tablettes numériques
Pour le sociologue Jean-Marie Charron et l’économiste Patrick Le Floch31, « la décennie 2010
ne s’annonce pas comme une période de stabilisation, ni dans les techniques disponibles, ni
dans les fonctionnalités de conception de contenu ou d’accès de celles-ci au grand public
(…). Peut-être les nouveaux matériels et services offriront-ils des opportunités de rémunéra-
tion de l’information et de modèles économiques plus confortables. Tel est en tout cas l’espoir
de nombreux éditeurs de presse en ligne à propos du mobile. » Pour les auteurs, les usagers
ont pris la « bonne » habitude, via les nombreuses applications, de payer pour accéder à dif-
férents contenus. Alors pourquoi pas payer également un jour pour accéder à de l’information
locale ? Le problème est que les groupes de PQR tardent à proposer des offres intéressantes et
confortables sur téléphone mobile et tablettes numériques. « Pour l’instant, on a une toute pe-
tite utilisation du mobile dans la PQR, confirme Erwann Gaucher32. Mais quel autre média
que le local a plus une raison d’être sur le mobile ? » Il y voit également un autre enjeu im-
portant : « Le mobile est une excellente façon d’aller vers un public jeune que la PQR essaie
d’attirer depuis des années. Ces jeunes-là ne sont déjà plus sur ordinateurs, ils sont sur mo-
biles. Il faut aller sur leurs usages : les mobiles, les réseaux sociaux. Et en plus, ça peut per-
mettre d’aller vers un lectorat plus urbain car on sait que la presse régionale n’est pas bonne
sur son cœur de zone : les grandes villes. »
Presque 20 millions de français possédaient un smart phone fin 201133. Le taux d’équipement
en tablette numérique reste bien sûr inférieur mais il est fort à parier qu’il augmente de ma-
nière exponentielle, les prix devant logiquement baisser. Selon l’institut Gfk34, spécialisé dans
les études de marché et d'audit marketing, 435 000 tablettes ont été vendues en France en
2010, 1,5 million au total en 2011 et le chiffre devrait doubler en 2012 pour représenter 10 %
du trafic internet sur ce nouveau support. De là à penser que les ventes concerneront les zones
couvertes essentiellement par la presse régionale…
31 Jean-Marie Charron et Le Floch Patrick, La presse en ligne, 2011, p.2232 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a33 « L’audience de l’Internet mobile en France au 4ème trimestre 2011 », Médiamétrie, 27 janvier 2011 - http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/l-audience-de-l-internet-mobile-en-france-au-4eme-trimestre-2011.php?id=59534 « Infographie : l’état du marché des tablettes en France », Le Journal du Net - 15 février 2012 - http://www.journaldunet.com/ebusiness/internet-mobile/infographie-tablettes-0212.shtml
37
Sur son blog35, Pascal Lainé, en charge du développement web du journal Le Pays, fait en
2010 un premier état des lieux de l’offre mobile sur son site. Ses observations démontrent les
points clés à développer. Selon ses chiffres, 3 % des visites du site son effectuées depuis des
smart phones. « Dans le contexte, 3 % des visites, c’est peu et c’est beaucoup, explique-t-il,
surtout si l’on prend en compte les freins qui devraient rebuter tout propriétaire d’iPhone
candidat à la lecture du Pays et des autres journaux hébergés sur la même plateforme tech-
nologique (L’Alsace, Le Progrès, L’Est Républicain et les Dernières Nouvelles d’Alsace).
D’abord, l’affichage n’est pas optimisé pour les petits écrans et il faut jouer du zoom pour
lire. Plus handicapant encore, les vidéos, les diaporamas et même certaines pubs refusent de
s’afficher, faute de prise en compte du format flash par le smart phone d’Apple. » En janvier
2011, le journal a sorti une nouvelle application optimisée pour les mobiles.
En août 2011, c’est Le Télégramme qui a sorti sa nouvelle application pour iPhone et a comp-
té dans le mois suivant plus de 8000 téléchargements. « Visiblement, les notes des utilisateurs
sont très bonnes, se réjouissait peu après Olivier Clech, rédacteur en chef en charge du multi-
média auprès d’Erwann Gaucher36 . L’objectif n’était pas de se contenter de proposer le jour-
nal sur mobile. Nous n’avons pas de certitudes en la matière mais au fil des expériences et
parfois des échecs, nous pensons que chaque canal a vocation à être le complément des
autres au service de notre marque. » Ainsi, comme l’explique Erwann Gaucher dans son ar-
ticle, le journal s’est concentré sur les « alertes info », l’agenda des loisirs et les sorties géo-
localisées.
Et pour Erwann Gaucher37, « la géo localisation est le cœur même de la PQR. L’information
de la PQR, c’est de l’information localisée ». Mais il pense ici surtout aux offres de services
qui se trouvent dans les journaux de PQR et donc sur les sites internet. « Le serviciel (sic) est
évidemment une voie à développer. A quel moment j’ai envie de regarder quelque chose sur
mon mobile si ce n’est pour me dire ce qu’il se passe autour de moi. Un des services mobile
les plus utilisés est celui des pages jaunes, la PQR peut très bien aller vers ce genre de ser -
vices. »
35 Pascal Lainé, « Presse locale sur iPhone : les lecteurs attendent », août 2010 -http://pascallaine.wordpress.com/2010/08/25/liphone-de-plus-en-plus-utilise-pour-lire-la-presse-locale/36 Erwann Gaucher, « Community manager en PQR : le Télégramme dégaine », 26 septembre 2011 -http://www.erwanngaucher.com/26092011Community-Manager-en-PQR--le-Telegramme-degaine-,.media?a=71737 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a
38
Pour les tablettes numériques, certains quotidiens de la presse régionale ont répondu rapide-
ment et ont proposé leur application sur iPad via le Syndicat de la Presse Quotidienne Régio-
nale (SPQR)38 dès le mois d’août 2010. Ils sont dix à s’être regroupés pour proposer cette
nouvelle application qui permet simplement, pour 0,79 euro, de lire le journal en version élec-
tronique.
Un effort pas assez suffisant selon Erwann Gaucher. Avec cette opération, il juge que les res-
ponsables de ces quotidiens ont pris le problème à l’envers s’ils ne proposent pas rapidement
une nouvelle version. « Les quotidiens régionaux se demandent aujourd'hui comment diffuser
leurs contenus sur les nouveaux supports qui sont à leur disposition. Ils devraient sans doute
se poser la question inverse : que veulent les possesseurs de ces nouveaux supports ? Que
cherchent-ils comme contenus ? Quelles sont leurs habitudes de navigation, leurs envies ?
Comment pouvons-nous produire un contenu adapté à ces envies, à ces habitudes39? ». Et il
poursuit sa réflexion dans un autre billet40 : « Elles pourraient proposer une navigation dédiée
aux lecteurs sur iPad, l'intégration des contenus enrichis que plusieurs quotidiens proposent
déjà sur le web (vidéos, diaporamas...). En étant par exemple l'une des rares formes de presse
ayant encore beaucoup recours aux photographes professionnels, les quotidiens régionaux
ont à travers l'iPad un support leur permettant de mettre vraiment en valeur leur contenu ». A
ce jour, les offres pour tablettes numériques sont toujours identiques aux premières versions41.
38 Erwann Gaucher, « La PQR se lance sur iPad », 3 août 2010 - http://www.erwanngaucher.com/03082010Le-PQR-se-lance-sur-iPad,.media?a=36739 Erwann Gaucher, « Pourquoi le kiosque de la PQR sur iPad ne servira à rien ou presque ? », 21 septembre 2010 - http://www.erwanngaucher.com/21/09/2010/Pourquoi-le-kiosque-de-la-PQR-sur-iPad-ne-servira-agrave-rien-ou-presque,2.media?a=43740 Erwann Gaucher, « La PQR se lance sur iPad », 3 août 2010 - http://www.erwanngaucher.com/03082010Le-PQR-se-lance-sur-iPad,.media?a=36741 http://itunes.apple.com/fr/app/presse-regionale/id380936379?mt=8
39
IV - Les contraintes économiques et organisationnelles
Dans son introduction de la table ronde intitulée « La PQR et les médias locaux au défi de
l’Internet et de la mobilité », le sociologue Jean-Marie Charron évoque la stratégie finale de la
présence de la presse locale sur le web et en dégage trois réponses possibles : « Pour
compléter son offre imprimée mais auprès de son public traditionnel qui est de plus en plus
sur internet, pour préparer un transfert total possible de l’imprimé au web, pour aller vers un
nouveau public : les jeunes, les femmes et les urbains. » Trois axes auxquels une journaliste
du Télégramme ajoute la possibilité, pour un journal, d’être présent hors de ses « frontières.
Une option confirmée par les résultats de La Voix du Nord où 40 % des internautes sont
extérieurs à la région42.
Passé ces considérations stratégiques, vient alors rapidement se poser la question qui revient
souvent aux oreilles des responsables web des rédactions : quel modèle économique pour les
sites d’information ? Longtemps réduits à un service minimum, les sites des grands journaux
régionaux tentent petit à petit de nouvelles expérimentations. La nouvelle concurrence entre le
papier et le web, et celle existante entre ces deux supports au sein d’un même titre, constitue
un premier dilemme : il faut à la fois être présent sur le net et toucher ce nouveau lectorat sans
accentuer pour autant la baisse existante du nombre de lecteurs papier. Rivalité relative pour
Erwann Gaucher si l’on considère la situation de la presse papier : « Je commence à trouver
particulièrement lassant le débat sur le modèle économique de l’info sur le web. Si on ne
devait faire que de l’information rentable, il n’y aurait quasiment aucun quotidien en France.
L’info sur le web perd un petit peu d’argent, l’info sur le papier perd énormément d’argent.
Hersant, c’est 200 millions de dette, Le Monde c’était 120 millions en 2010 »43. Et de citer
comme autre argument le rôle des aides publiques qui, selon leur destination, pourrait
influencer fortement le basculement du papier vers le web. Un argument que ne partage pas
Jean Lombardozzi, coresponsable du site de La Provence. « Laprovence.com aujourd’hui, ce
n’est pas le résultat du travail d’une dizaine de journalistes du desk web mais celui des 300
journalistes du journal, insiste-t-il. Or notre site ne génère pas encore énormément de
revenus, alors quand j’entends ceux qui parlent de passer au tout numérique… »
42 Erwann Gaucher, « En France, Google réalise un milliard d’euros avec 180 jeunes, la PQR 900 millions avec 1800 commerciaux », 23 mars 2011 - http://www.erwanngaucher.com/23032011En-France--Google-realise-1milliard-euro-avec-180-jeunes--la-PQR-900-millions-avec-1-800-commerciaux,1.media?a=59143« La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a
40
Mais outre ces débats, c’est le rôle des journalistes et l’organisation des rédactions qui est
également en constante évolution. L’une des premières batailles s’est jouée sur le plan
juridique et concernait le droit d’auteurs des journalistes qui voyaient leurs articles utilisés sur
un autre support sans avoir donné leur accord préalable et sans contrepartie financière. Dès
1998, des procès ont lieu et condamnent les Dernières Nouvelles d’Alsace ou Le Progrès44.
Aujourd’hui, les mentalités progressent et le web n’est plus toujours vu comme un « ennemi »
au sein des rédactions. La gravité de la situation de la presse semble concerner tous les acteurs
et l’enjeu nécessite de trouver les solutions adéquates. Modèle économique et structure des
rédactions représentent ainsi les deux points principaux qui structurent l’évolution de la
présence de la PQR sur le net.
1- Le financement des sites
1-1 L’impact des revenus publicitaires
Après son arrivée sur le net dans les années 1990 (Sud Ouest et les Dernières Nouvelles
d’Alsace furent les premiers quotidiens régionaux français à créer un site, respectivement en
1994 et 199545), la PQR s’est contentée dans un premier temps de dupliquer simplement le
contenu du papier sur le web avec un accès complètement gratuit. La réflexion sur le modèle
économique n’est pas encore prégnante : seul le fait d’être présent sur la toile paraît le plus
important, comme le concède après coup les différents responsables46, l’objectif souvent est
d’avoir une « vitrine » sur le web.
Une stratégie du « tout gratuit » comparée par Matthieu Pigasse, l’un des actuels propriétaires
du Monde, à la « la théorie des deux magasins : l'un où l'on propose le contenu du journal, à
acheter, sur le papier, et un second magasin où l'on propose le même contenu gratuitement.
Moi en français, j'appelle cela du suicide ». Pour La Provence par exemple, le lecteur peut
retrouver gratuitement en fin de journée sur le site internet du journal les articles les plus
importants parus le matin dans l’édition papier et payante. Il lui suffit d’être patient. Si le
44 Jean-Marie Charon et Patrick Le Floch, La Presse en ligne, 2011, p.3345 Dominique Augey « La fin de la gratuité ? La PQR en ligne cherche modèle économique désespérement… », - [email protected] : le paysage médiatique régional à l’ère électronique , 2001, p.5046 Laurent Geslin et Olivier Tallès « La PQR sur internet : attention chantier », juin 2011 - http://mapage.noos.fr/lgeslin/pqr/pg/article23.htm
41
lecteur se contente au quotidien des informations majeures, seule la volonté d’y avoir accès
plus rapidement (c’est-à-dire quelques heures) pourrait l’inciter à payer pour l’obtenir. Une
situation de concurrence apparemment déloyale entre deux supports d’un même titre et qui
pourrait expliquer pour certains le manque d’investissement de la PQR dans le web.
« Certains se disent : « On ne va pas trop aller sur le web parce qu’on a peur de faire tomber
le papier », résume Erwann Gaucher47. Mais ce n’est pas le même public et le papier a
commencé à se casser la gueule avant l’arrivée du web ! ».
Aujourd’hui, toujours selon le même Erwann Gaucher, « toute la PQR, et pas seulement elle,
rêve de rendre payant son contenu »48. Une situation confirmée en mars 2011 par le directeur
général de La Voix du Nord, Jacques Hardouin, dans un discours adressé au comité
d’entreprise49 : « Notre challenge est d’aller plus loin sur le numérique pour sortir de la
gratuité, où nous avons été enfermés comme tous les autres confrères. »
En effet, pour la PQR, la stratégie du « tout info » gratuit sur le net semble tarder à porter ses
fruits. La publicité ne rapporte pas autant sur le web que sur le papier de par la frilosité
persistante des annonceurs. Lors de la table ronde organisée en décembre 2011 sur « La PQR
et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Antoine de Tarlé, ancien directeur
général adjoint du groupe Ouest France, avouait que « le papier continue à financer le web ».
Ainsi l’objectif du journal est d’ « aller de plus en plus vers le payant car la publicité
commerciale reste très insuffisante. En plus sur internet, on est en concurrence totale sur ce
marché avec d’autres sites qui ne font pas de l’information et qui collectent des masses
considérables de pub50». Une concurrence symbolisée par Google qui, d’après Jacques
Hardouin, a réalisé 1 milliard de chiffre d'affaires publicitaire en France, davantage que les
900 millions d'euros de la PQR (papier et web). « Ce milliard, Google le réalise avec 180
jeunes basés à Paris, la PQR avec 1 800 commerciaux répartis sur la France. Et c'est depuis
cette plateforme que sont démarchés les commerçants locaux qui achètent des liens
sponsorisés51».
Mais la presse régionale présente de nombreux atouts et un potentiel important à exploiter
47, 50 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a48 Erwann Gaucher, « Un quotidien régional passe au presque payant », 30 septembre 2010 - http://www.erwanngaucher.com/30092010Un-quotidien-regional-passe-au-presque-payant,2.media?a=445 49, 51 Erwann Gaucher, « En France, Google réalise un milliard d’euros avec 180 jeunes, la PQR 900 millions avec 1800 commerciaux », 23 mars 2011 - http://www.erwanngaucher.com/23032011En-France--Google-realise-1milliard-euro-avec-180-jeunes--la-PQR-900-millions-avec-1-800-commerciaux,1.media?a=591
50
51
42
comme l’avançait David Flament, coordinateur des éditions du groupe Sudpresse en
Belgique, lors de la même table ronde sur la PQR et le net évoqué précédemment : « Avec le
web nous avons 100 000 lecteurs en plus tout en ayant gardé le même nombre de lecteurs
papier. Nous pouvons donc faire passer le message suivant aux annonceurs : malgré la
difficulté du secteur, nous avons plus de gens qui consomment l’information aujourd’hui qu’il
y a dix ans. C’est un message important à faire passer en interne car même nos journalistes
n’en ont pas une bonne vision. »
Ainsi l’enjeu des quotidiens régionaux est d’utiliser au mieux ce surplus de lecteurs. Pour
Jean-François Eyraud, responsable des nouveaux médias à La Provence – dont le chiffre
d’affaires des revenus publicitaires liés au site web augmente chaque année de 30 à 40 %52 et
représente à ce jour 5 % des revenus publicitaires totaux du journal selon Jean Lombardozzi,
rédacteur en chef de Laprovence.com – l’objectif est de « qualifier » l’audience : « C’est-à-
dire que nous essayons de la segmenter selon les profils, nous développons par exemple trois
chaînes dédiées à l’économie, aux femmes et au tourisme. Pour les annonceurs, l’avantage
premier du net est de pouvoir adresser leur message à un public ciblé », ce que permet
beaucoup plus difficilement la radio ou la télévision. Idem à La Voix du Nord où l’objectif est
double : mieux connaître les internautes et les fidéliser. La stratégie consiste à « développer
notre audience puis apprendre à la connaître avec à ce jour 95 000 inscrits dans nos bases de
données qualifiées (…) Moins de 3 % des visiteurs de notre site web sont des réguliers à
raison d’au moins une visite par semaine, poursuit Jacques Hardouin. Les internautes du
Nord-Pas-de-Calais constituent donc un potentiel d’accroissement important si nous arrivons
à augmenter leur fidélité sur nos produits numériques. » Alors oui, utiliser au maximum les
données personnelles des internautes pour attirer des annonceurs spécifiques, mais cette
stratégie ne semble pas suffisante pour certains qui, à l’image de Médiapart, tentent de
manière plus ou moins importante de faire payer leur contenu.
1-2- Des contenus gratuits ou payants ?
Pour ce chapitre, je vais m’en référer principalement à l’expérience de Nord Littoral,
quotidien basé à Calais et appartenant au groupe de La Voix du Nord. Il est devenu en
novembre 2011 le premier site de quotidien régional avec accès payant à la grande majorité de
52 « Web et actu : Pierre Boucaud et Jean-François Eyraud, invités d’Albert et radio Grenouille », 22 avril 2012 - http://www.chez-albert.fr/Journaux-regionaux-et-internet-le.html
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ses contenus, hormis la première page avec les alertes info, les portfolios, les forums, les
livres de sports ou d'élections, les vidéos et les rubriques horoscope, hippisme, magazine,
jeux, télé et ciné. Le site propose un pass 1 jour à 0,79 euro donnant l’accès à tous les
contenus. Le journal papier coûte lui un euro.
En octobre 2010, le site avait déjà franchi une première étape en autorisant l’accès à ses
contenus aux seuls internautes déjà enregistrés, les « lecteurs privilège ». Pour appartenir à
cette catégorie, il suffisait de s’enregistrer en fournissant nom, prénom et adresse mail. Un
premier biais pour mieux connaître son audience, l’un des objectifs affichés précédemment
par Jacques Hardouin, et la valoriser « en constituant un fichier qualifié de ses internautes qui
devrait intéresser le service abonnements du journal, ainsi que ses annonceurs », comme le
devinait Erwann Gaucher53.
Selon cet observateur de la presse régionale, cette première expérience du tout payant au sein
de l’un des quotidiens du groupe La Voix du Nord préfigurait des possibles changements à
venir pour les autres membres du groupe. « Savoir que l'un des poids lourds de la PQR (…)
teste en conditions réelles des sites payants est un signe fort. (…) Toute la PQR va sans doute
scruter de près cette expérience. La question du payant est centrale dans les stratégies web de
tous les groupes de PQR depuis deux ans avec, pour tous, beaucoup plus de questions que de
réponses. Peut-on faire payer les internautes pour de l'info régionale et locale ? Pour la
même info que dans le journal ou avec des offres différentes et complémentaires ? Faut-il
créer de nouvelles offres ou faire "tomber purement et simplement un paywall" sur les sites ?
La chute d'audience qui s'en suit naturellement, et donc de chiffre d'affaires publicitaire, est-il
au moins compensé par les souscriptions d'abonnements numériques ? Même si le risque est
certes moins évident que pour les journaux nationaux, les régies de pub des quotidiens
régionaux n'étant pas, aujourd'hui, très efficaces sur la pub en ligne, tous redoutent ce trou
d'air d'une audience se fracassant sur un paywall54. »
Et sa prédiction se réalisa car, en mai 2012, ce fut au tour du site de La Voix du Nord de
passer au payant. Comme expérimentée auparavant à Nord Littoral, la partie "information en
continu", constituée d'informations brèves et de dépêches, reste gratuite tandis que les articles
du journal papier ont basculé dans la zone payante. L’internaute doit s'inscrire en laissant ses
coordonnées pour consulter gratuitement cinq articles, puis le site propose à l'internaute de
53 Erwann Gaucher, « Un quotidien régional passe au presque payant », 30 septembre 2010 - http://www.erwanngaucher.com/30092010Un-quotidien-regional-passe-au-presque-payant,2.media?a=44554 Erwann Gaucher, « Les quotidiens passent au payant les uns après les autres », 2 novembre 2011 - http://www.erwanngaucher.com/02112011Les-quotidiens-passent-au-payant-les-uns-apres-les-autres,.media?a=742
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s'abonner. Le prix reste le même que celui proposé pour nordlittoral.fr.
Pourtant, quelques mois après le lancement de l'expérience à Calais, le bilan paraît en « demi-
teinte » comme décrit dans un article du Monde.fr55.
La fréquentation du site est passée de 8 000 à 6 000 visiteurs par jour mais beaucoup d'inter-
nautes se contentent de lire les titres et les quelques lignes de résumé des articles car, en
termes d'achats, les résultats sont modestes. « Entre 20 et 30 internautes sortent chaque jour
leur carte bleue pour avoir accès au contenu payant. Leur préférence va au passe journée,
plutôt qu'à l'abonnement payant. Les recettes sont de 1 000 à 1 500 euros par mois » selon
Pascal Dejean, le directeur du journal. Des résultats qui confirment les réserves émises par Sé-
bastien Marraud, responsable du pôle web de Sud Ouest, qui posait la question basique :
« Mais est-ce que ça se vend l’information locale 56 ?».
D’autres quotidiens régionaux comme les sites du groupe Centre-France (Lamontagne.fr,
Lepopulaire.fr, Leberry.fr…) ont opté pour des formules légèrement moins contraignantes.
Depuis décembre 2011, 75 % des articles mis en ligne et provenant de la version papier sont
en accès payant57. Dna.fr a également opté depuis 2005 pour un accès payant aux articles
d’info locale issus de la version papier, ainsi que Lepays.fr. Mais selon Erwann Gaucher, ces
derniers n’ayant pas communiqué les résultats de ces expériences, cela présagerait « des
retours pour le moins timides ».
1-3 Des horizons différents envisagés
Il est à noter que tous les acteurs de la presse en ligne ne partagent pas le même avis dans ce
débat gratuit/payant. Et à travers ces expériences-là, diverses pistes sont abordées quant à
l’avenir de la presse en ligne et de la presse en général. Benoît Raphaël, ancien du Dauphiné
Libéré et actuellement créateur de médias sociaux, voit dans le net et la gratuité un avantage.
Un avantage qui a permis l’émergence du phénomène appelé « reverse publishing », où le
papier devient un complément du net. « On a renversé le modèle, explique-t-il. On s’est rendu
55 Xavier Ternisien, « La Voix du Nord fait le pari du payant sur internet », 18 avril 2012 -http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2012/04/18/la-voix-du-nord-fait-le-pari-du-payant-sur-internet_1687271_3236.html56 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a57 Frédéric Legrand, « Journaux régionaux et internet, le jeu des vases communicants », 20 mars 2012 - http://www.chez-albert.fr/Journaux-regionaux-et-internet-le.html
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compte que la communauté est sur le digital, c’est là que les gens conversent. Le papier
devient alors un accessoire intelligent et utile. Et c’est ce qu’on a fait avec Grenews.com
(ndlr : site internet créé par Le Dauphiné Libéré) : un média présent uniquement sur internet
avec de l’information locale, des vidéos… et ensuite on sort le gratuit papier, qui lui permet
de financer le site web 58 ». De là à penser qu’un jour, ce modèle de publication, où le papier
dépendrait du net, vienne à s’imposer dans le milieu de la presse régionale… Mais il semble
certain que la complémentarité entre les deux supports soit amenée à se renforcer rapidement.
Ainsi Antoine de Tarlé prédit la fin de la diffusion quotidienne du journal papier : « Je pense
que dans dix à quinze ans, on passera à une parution de deux à trois fois par semaine et le
reste du temps, on alimentera des sites et des applications sur le web ». Alors, allons-nous
vers la fin de la presse « quotidienne » régionale ? L’avis est partagé par Erwann Gaucher.
« Nous nous orientons plutôt vers des quotidiens qui ne seront plus quotidiens. Au bout d’un
moment, on va finir par constater qu’on n’a plus le temps de produire, avec des outils de
productions et de distributions aussi lourds, une information sur le papier qui fait la
différence avec celle qu’on peut produire sur le web, estime-t-il. Qu’est-ce que j’ai dans mon
journal papier que je n’ai pas trouvé sur le web ? Pour l’instant, ça s’équilibre encore (…)
Alors qu’avec un journal qui sortirait en tri-hebdo, les journalistes auraient deux journées
complètes pour travailler leur contenu, on peut aller vers des choses très intéressantes. Peut-
être, ce sera l’une des directions choisies. »
Cette vision paraît difficilement concevable quand on prend l’exemple d’un site comme
Laprovence.com qui tire la majorité de son contenu (y compris le fil actu censé donner
l’actualité du jour) de l’édition papier de la veille. Mais il est indéniable que ce choix
éditorial ne puisse durer et que le succès des sites web passe par l’offre de contenus propres.
La fin de la parution quotidienne d’un journal régional devient effectivement intéressante
quand on se rappelle que l’atout du web reste l’instantanéité. Et sur cet aspect-là, il est certain
que le papier ne pourra jamais rivaliser avec le numérique. Sa survie passe alors par des atouts
complémentaires ou inverses à ceux du web. Si ce dernier peut faire vite, il n’a pas forcément
la possibilité de prendre le temps de l’analyse. Faculté qui pourrait donc devenir la qualité
principale de l’édition papier : « Je vais sur le web pour être informé rapidement et
régulièrement, j’achète l’’édition papier pour me donner le temps d’analyser et comprendre
58 « La presse quotidienne régionale et le web », programme diffusée le 10 avril 2009 lors de l’émission « Place de la toile » sur France Culture (http://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-08-09-la-presse-quotidienne-regionale-et-le-web-2009-04-10.html) et ré-écoutable sur le site : http://www.observatoiredesmedias.com/2009/04/10/la-presse-quotidienne-regionale-et-le-web/
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l’information lue sur internet. » En attendant de voir comment évolue l’articulation future du
papier/numérique ou du payant/gratuit, les rédactions on déjà dû faire face et continuent de
faire face à de nouvelles organisations, mettant à jour une autre interdépendance entre papier
et web… Mais cette fois-ci elle concerne directement le travail des journalistes.
2- Les journalistes des sites internet de la presse régionale
2-1 De la rivalité à la complémentarité entre journalistes papier et web
Durant mon stage l’été précédent au service web de La Provence, j’ai pu entendre cette
anecdote. Un journaliste du web s’est vu demander un jour par un journaliste du papier s’il
était bien écrit « journaliste » sur sa fiche de paie… Certes les relations ne sont pas toujours
aussi tendues entre papier et web mais cela prouve l’existence d’une certaine mentalité. Chez
certains du papier, on considère presque ceux du web comme des « pilleurs » d’information.
Quand on constate le degré d’articles parus dans le papier puis repris sur le net, on peut leur
donner raison. Et si on devait faire le ratio entre contenus créés et contenus repris, cela irait
largement dans leur sens.
J’ai pu également constater les difficultés de communication entre les deux services à travers
l‘actualisation du fil info par d’éventuelles « breaking news ». Dans le fonctionnement de La
Provence, l’information dépend des journalistes papier. C’est-à-dire que par exemple, pour un
règlement de compte, l’information doit être donnée par le journaliste des faits divers. Pour
l’affaire Guérini, par celui du service politique, etc. Or certains journalistes jouent le jeu,
d’autres non. Dans ces conditions, il est arrivé que des sites internet précèdent
Laprovence.com sur des informations pourtant déjà connues par certains de la rédaction
papier. Volonté de garder l’information pour l’édition papier ? Jalousie de transmettre le
résultat obtenu sur le terrain à un collègue qui reste assis devant son ordinateur la majorité de
son temps ? Manque de « réflexe internet », mauvaise habitude ? Manque de temps ou défaut
de volonté d’y consacrer le temps nécessaire ? Les hypothèses peuvent être multiples. De par
son expérience, Sébastien Marraud dégage une principale explication. A Sud Ouest, quand les
agences locales envoient des informations destinées au web, elles le font souvent vers 19
heures, une fois que le travail pour l’édition papier est terminé. Trop tard pour le temps de
47
l’instantanéité du web. « Mes collègues des locales me répondent : « Nous voudrions bien le
faire plus tôt… mais comment ? ». Avant l’arrivée du web, leur journée était déjà bien
chargée alors maintenant il leur est quasi impossible de dégager un créneau pour se
consacrer au site du journal59… ». Quant à l’éventuelle rivalité entre web et papier, il voit
dans le web un atout pour les journalistes papier : « Dans une période où il y a de moins en
moins de lecteurs papier, notre site, lui, bat des records d’audience. C’est donc une nouvelle
motivation pour eux »
Mais ce n’est pas forcément l’avis de tous les journalistes et il est facile de s’apercevoir qu’il
existe également un problème de mentalité dans la considération du web. Mauricette Boutin
est journaliste à l’agence de Barbezieux en Charente. Elle se dit « réfractaire » à l’utilisation
d’internet pour informer les habitants de son secteur. « Je le fais seulement pour les gros faits
divers. Pour le reste, je privilégie le papier parce que je considère qu’internet est surtout fait
pour picorer l’information. » Elle avance également l’argument de la concurrence que fait
l’internet gratuit au journal payant et confirme le manque de temps à sa disposition : « Dans
mon cas, je suis seule en poste donc pour me consacrer davantage à l’alimentation du site il
faudrait des moyens supplémentaires. » Elle évoque aussi les lacunes au niveau du
matériel quand il lui est demandé de faire des vidéos « mais on n’a même pas d’appareil pour
filmer ! ». Autre anecdote à La Provence, Jean Lombardozzi avoue connaître certains
collègues du papier qui ne possèdent pas d’ordinateurs à leur domicile.
2-2 L’organisation des rédactions
Aux Dernières Nouvelles d’Alsace, ce sont quatre journalistes qui sont au « desk web ».
Quatre parmi les deux cents journalistes qui travaillent pour le titre… Idem à La Montagne où
ils sont quatre en charge de l’alimentation du site internet. Et pour le reste des titres régionaux
du groupe Centre France, une seule personne s’occupe du site.
Chez Midi Libre, une première réorganisation a eu lieu l’an dernier. Désormais le desk est
composé de sept journalistes qui se relaient. Mais l’objectif est d’aller vers une participation
plus active des agences locales pour alimenter le site. La tendance se veut à l’autonomisation
de ces dernières par la possibilité d’une interaction directe sur le site60. La volonté est 59 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a60 Erwann Gaucher, « Le nouveau site de Midi Libre vise les 200 000 visites par jour », 20 avril 2011 - http://www.erwanngaucher.com/20042011Le-nouveau-site-de-Midi-Libre-vise-les-200-000-
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similaire chez le voisin de L’Indépendant où les trois journalistes web du desk sont voués à
s’occuper prioritairement de l’information régionale, du sport et de la veille web alors que le
reste des contenus du site sont à la charge « de l’ensemble des quatre-vingt journalistes de la
rédaction et des locales61».
Pour Erwann Gaucher, la PQR sur le web « arrive à une nouvelle étape qui va se jouer sur la
différenciation des contenus et donc sur une réorganisation profonde. La PQR ne va plus
pouvoir gérer son info web à partir d’un desk situé au siège car l’information vient de la
micro locale62».
Une réorganisation dans laquelle il faut cependant tenir compte des réserves émises
précédemment par Sébastien Marraud sur le manque de temps à disposition qu’il a pu
observer chez les journalistes des locales de Sud Ouest. Dans ce cas-là, un investissement
paraît nécessaire qui passerait semble-t-il par la création de postes supplémentaires.
A La Provence, on est passé au mois d’octobre 2011 d’un desk web de six journalistes se
relayant de 7 h à 21 h à une équipe bi-média de 13 personnes. L’objectif est de travailler à la
fois pour le site et le papier pour tout ce qui concerne les informations générales. L’activité du
site est ainsi prolongée jusqu’à 1 heure du matin.
A la Voix du Nord, est également prévue pour cette année la création de salles de rédactions
intégrées, comprenant des journalistes traitant le papier et le web. Comme le rapporte Xavier
Ternisien, « les négociations avec les syndicats de journalistes, portant sur les droits d'auteur
et la réorganisation de la rédaction, qui devient bi-média, ont abouti début avril63.»
L’avenir du journaliste de PQR se dirige de plus en plus vers le travail simultané pour les
deux supports comme chez Ouest France où l’on a basculé vers ce mode opératoire depuis
quelques années. « Chaque journaliste a été équipé d’iPhone pour communiquer et pouvoir
filmer à tout moment, explique Antoine de Tarlé64. Ainsi chaque rédaction locale peut donner
sa pierre à l’édifice en livrant sa part de “dernières minutes d’actualité” (ndlr : équivalent
des “alertes actu”) ».
visitesjours,.media?a=61861 Erwann Gaucher, « Le nouveau site de L'indépendant est en ligne », 12 avril 2011 -http://www.erwanngaucher.com/12042011Le-nouveau-site-de-L39independant-est-en-ligne,.media?a=61062 64 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a63 Xavier Ternisien, « La voix du Nord fait le pari du payant sur internet », Lemonde.fr, 18 avril 2012 -http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2012/04/18/la-voix-du-nord-fait-le-pari-du-payant-sur-internet_1687271_3236.html64
49
A La Charente Libre, l’ensemble des rédactions est également équipé d’iPhone ou de caméra
Flip et contribue ainsi à la production du contenu digital65. Le travail des quatre journalistes
qui constituent le desk numérique consiste alors essentiellement à récupérer ce contenu pour
le mettre en forme pour le web et l’enrichir quand cela est possible.
L’importance de l’équipement informatique et la formation à ces nouveaux outils sont
capitales pour maximiser le rendement d’un site web et la bonne collaboration de l’ensemble
des journalistes. Pour cette année, Jacques Hardouin a annoncé la mise en place d’un nouveau
système éditorial informatique, le CCI Newsgate, qui doit permettre à la rédaction bi-médias
en cours de création « de stocker, rechercher, exploiter et ré-exploiter plus facilement nos
contenus, y compris le son et l’image. Il doit nous aider également à les diffuser plusieurs fois
dans la journée, à agir sur les différents supports et à renforcer l’interactivité entre nos
internautes à travers notre médiation66.»
2-3 La formation des journalistes
Entre des journalistes quadragénaires ou plus et les jeunes composant en majorité les
départements web des rédactions, la complicité et la communication peuvent être parfois
difficiles. La clé d’une meilleure collaboration peut relever simplement de la formation des
journalistes papier aux nouvelles technologies. C’est ce que s’emploie à faire de manière
concrète La Nouvelle République comme l’explique Chantal Pétillat, secrétaire générale de
rédaction, à Erwann Gaucher67: « Un important plan de formation a été mis en place en
collaboration avec le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes. Chaque
journaliste a suivi une formation-action de six jours : culture générale web, veille internet,
réseaux sociaux, infos en temps réel, rédiger pour le web et vidéo, captation, montage,
publication ». L’exemple est à suivre également du côté de la Belgique où le groupe
Sudpresse impose deux jours de formation par an à l’ensemble de ses journalistes. « Nous
envoyons également tous les jours une newsletter présentant des bons exemples du traitement 65 Benoit Raphaël, « Nouveau site de la Charente Libre : la rédaction au rythme du digital », 20 octobre 2010 - http://benoitraphael.com/2010/10/20/nouveau-site-de-la-charente-libre-la-redaction-au-rythme-du-digital/66 Erwann Gaucher, « En France, Google réalise un milliard d’euros avec 180 jeunes, la PQR 900 millions avec 1800 commerciaux », 23 mars 2011 - http://www.erwanngaucher.com/23032011En-France--Google-realise-1milliard-euro-avec-180-jeunes--la-PQR-900-millions-avec-1-800-commerciaux,1.media?a=59167 Erwann Gaucher, « Dans les coulisses du nouveau site de La Nouvelle République », 4 mai 2010 -http://www.erwanngaucher.com/04/05/2010/Dans-les-coulisses-du-nouveau-site-de-La-Nouvelle-Republique,1.media?a=128
50
de l’information sur le web et le papier, écrit David Flament68. On donne des séances de
coaching individuel pour les personnes qui sont un peu plus à la traîne et l’ensemble des
journalistes a une fois par an des entretiens d’évolution pour fixer des objectifs ».
Toujours dans la considération du problème important du manque de temps disponible aux
journalistes papier, la question de la formation est fondamentale pour permettre notamment à
ces derniers un gain de temps dans la création de nouveaux contenus. En soi, filmer un
événement pour un journaliste, en parallèle de la couverture papier, puis créer la vidéo, sans
faire un montage très élaboré, ne peut pas lui demander un temps excessif s’il maîtrise
parfaitement les outils et logiciels nécessaires à cette réalisation. L’enjeu est d’aller vers la
complémentarité entre les deux supports que sont le web et le papier, vers un système
d’interconnexion avec des liens qui renvoient de l’un à l’autre comme par exemple, à la fin
d’un article paru sur un site, l’information suivante : « Retrouvez de plus amples informations
dans la version complète de cet article dans notre édition papier de demain » ou à la suite d’un
compte-rendu d’un événement publié dans le journal « Retrouvez plus de photos de cet
événement sur notre site »… L’enjeu serait de multiplier les passerelles pour fidéliser au
maximum le lecteur. D’ailleurs, selon une étude de l’université de Strasbourg citée par
Christian Blach69, responsable web aux DNA, l’articulation du web au papier fonctionnerait
plutôt bien. Parmi les lecteurs interrogés qui vont d’abord chercher une information sur le net,
84 % d’entre eux achèteraient un journal papier pour trouver un complément.
68 « La PQR et les médias locaux au défi de l’Internet et de la mobilité », Université de Metz - 2 décembre 2011 - http://obsweb.net/2011/11/05/le-programme-des-2e-entretiens-du-webjournalisme/, vidéo de la table-ronde : http://www.livestream.com/obsweb/video?clipId=pla_2edfbe50-2fc3-4037-b757-6eb88abda91a69 Frédéric Legrand, « Journaux régionaux et internet, le jeu des vases communicants », 20 mars 2012 - http://www.chez-albert.fr/Journaux-regionaux-et-internet-le.html
51
Conclusion
« Pourquoi aller sur un site web de PQR ? » C’est la question transversale de ce mémoire.
Parce que c’est gratuit ? « Oui mais pour combien de temps », aurait-on envie de répondre à
la lecture de la troisième partie du mémoire… Et si les sites deviennent payants, est-ce que le
lecteur est prêt à payer même si le prix se veut moins élevé que sur le papier (0.79 contre 1
euro pour le papier) ?
Pour accéder tout simplement à de l’information locale ?? Oui mais à l’inverse du papier, la
concurrence existe en ligne et les sites pure players naissant un peu partout dans les grandes
villes françaises. Certes, la PQR a encore un temps d’avance important sur l’information
hyper locale mais il est sûr, à l’avenir, que les internautes et les parts de marchés publicitaires
(qui, elles, pourraient continuer à baisser encore longtemps…) vont devoir être de plus en plus
partagés.
Non, la réponse la plus convaincante demeure celle-ci : parce que le contenu est différent,
parce que ce que l’internaute va y trouver ce qu’il trouvera nulle part ailleurs. Je me
remémore la lecture d’un magazine national hebdomadaire, M pour ne pas le nommer. Il y
était écrit sous la légende de la dernière photo d’un article : « Sur iPad, découvrez des
contenus enrichis ». Des contenus enrichis. Alors oui la presse régionale n’a pas toujours les
moyens de la presse nationale, oui il est encore loin le temps où, dans les campagnes, la
majorité des gens seront équipés de tablettes numériques. Mais l’idée est là, la modernité que
pourrait incarnée la presse régionale est là.
Il y a plus de dix ans, Dominique Augey dressait un bilan de la présence de la PQR sur
Internet et envisageait son avenir. Il semble que le constat soit encore d’actualité : « Les
recettes dues à la valorisation de l’information constituent la source de revenu la plus sûre
pour la PQR en ligne et passe par l’abandon de la gratuité totale. Le site peut conserver un
accès partiellement gratuit pour des informations sans originalité ou sans valeur ajoutée. En
revanche, les informations offrant une valeur ajoutée doivent être commercialisées via des
abonnements. (…) Mais les recettes dues aux abonnements impliquent deux exigences. La
première est que l’internaute doit trouver un service en échange de son paiement. Or les sites
52
de PQR ont de nombreux atouts non suffisamment valorisés ou exploités. Toutes les
possibilités techniques n’y sont pas encore présentes : son, « richmédia », interactivité. La
seconde est que la qualité de l’information doit être élevée. Ces deux exigences impliquent
une modification de la nature de l’offre d’information70. »
Modèle économique, spécificité des contenus proposés : les deux champs sont étroitement
liés. Dix ans plus tard, Erwann Gaucher, dont le travail a été très utilisé pour l’écriture de ce
mémoire, évoque la situation plus récente et met le doigt sur un autre problème jusque là pas
encore abordé.
En tant que consultant auprès des médias, il explique avoir senti « une vraie bascule » depuis
plus d’un an. « Il n’y a plus d’hostilité dans les rédactions, il y a des interrogations, de la
peur mais plus d’hostilité, nuance-t-il. En revanche, il existe une inculture numérique
étonnante de la part des directions des médias, en PQR comme ailleurs71 » et Erwann
Gaucher observe un profond décalage entre les connaissances numériques de ces directions
avec celles des équipes du web. « Le discours des patrons, c’est : “On investira quand il y
aura un modèle économique”. Mais c’est une stratégie qui ne se trouvera pas sans connaître
un minimum les usages. (…) Il faut que la culture numérique se diffuse jusqu’en haut. »
Une évolution des mentalités qui pourrait s’accélérer fortement en fonction de la situation
économique et financière future des grands groupes de presse.
70 Dominique Augey « La fin de la gratuité ? La PQR en ligne cherche modèle économique désespérement… », - [email protected] : le paysage médiatique régional à l’ère électronique , 2001, p.5071
53
Glossaire
Agrégateur : application ou site qui rassemble des contenus d’origines diverses issus du web
concernant un sujet précis
Blog : de l’abréviation anglaise « web log » qui signifie « journal de bord sur le web », il
s’agit d’un espace individuel d’expression censé proposer régulièrement de nouveaux articles
ou billets
Community manager : en français, le gestionnaire de communauté. Il anime et fédère pour
une entreprise, une marque… les échanges avec les internautes sur différents supports et
notamment les réseaux sociaux.
Desk web : appellation qui désigne l’ensemble des journalistes d’une rédaction chargés de
l’animation du site Internet du journal
Hashtag : employé dans un message sur Twitter notamment, il sert à centraliser les messages
autour d’un thème bien précis. Les utilisateurs peuvent ainsi suivre tout ce qui se rapporte à ce
mot-clé.
Pure player : dans le domaine des médias, il désigne les sites d’information créés sur Internet
et indépendants des groupes de presse
Smartphone : téléphone mobile « intelligent » permettant l’accès à Internet et d’autres
fonctionnalités ou applications. Le plus connu reste à ce jour l’iPhone d’Apple.
54
Annexes
I - Résultats du travail d’observation des sites Internet de la Presse Quotidienne
Régionale72……………………………………………………………….………………......55
1- Classement des sites selon le nombre de visites...................................................................55
2- Classement selon le rapport diffusion papier/nombre de visites..........................................57
3- Classement selon le rapport nombre de visites/population concernée.................................58
4- Classement des sites selon le nombre de pages vues............................................................59
5- Classement des sites selon le rapport pages vues/nombre de visites....................................61
6- Classement selon le nombre de post/jour sur Facebook.......................................................63
7- Classement selon le nombre de tweets/jour sur Twitter.......................................................65
8- Tableau d’observation des formats et outils utilisés par les sites..........................................67
II - Résultats de l’étude réalisée par le groupe M@rsouin sur « La Presse Quotidienne
Régionale face aux enjeux numériques »……………………………………………..........69
72 Pour les graphiques en annexes, la liste des sites web qui apparaît dans la colonne de droite correspond, de haut en bas, à l’ordre de leurs résultats présentés de gauche à droite.
55
56
Classement février 2012 Nombre de visites(fév. 2012)
Classement janvier 2012
Ouestfrance.fr 11 192 600 Ladepeche.fr
Ladepeche.fr 9 831 577 Ouestfrance.fr
Sudouest.fr 7 514 206 Sudouest.fr
Midilibre.fr 4 945 202 Midilibre.fr
Lavoixdunord.fr 4 792 623 Lavoixdunord.fr
Leprogres.fr 4 562 952 Letelegramme.com
Laprovence.com 4 066 185 Leprogres.fr
Ledauphine.com 3 949 508 Laprovence.com
Letelegramme.com 3 909 830 Ledauphine.com
Nicematin.com 3 418 535 Nicematin.com
Lanouvellerepublique.fr 2 575 737 Lanouvellerepublique.fr
Dna.fr 1 682 390 Dna.fr
Charentelibre.fr 1 530 666 Lindependant.fr
Lindependant.fr 1 464 746 Charentelibre.fr
Lalsace.fr 1 164 094 Lalsace.fr
Lamontagne.fr 950 679 Lamontagne.fr
Larepdespyrenees.fr 877 992 Larepubliquedespyrenees.fr
Courrierpicard.fr 795 182 Courrierpicard.fr
Lepays.fr 448 533 Lepays.fr
Lepopulaire.fr 307 818 Lepopulaire.fr
Leberry.fr 287 932 Lyonne.fr
Lyonne.fr 249 200 Leberry.fr
Lejdc.fr 201 007 Lejdc.fr
Lamanchelibre.fr 133 326 Lamanchelibre.fr
Larep.fr 97 443 Larep.fr
Dordognelibre.fr 76 173 Dordognelibre.fr
Classement PQR papier Diffusion Classement sites internet
57
février 2012 selon le nombre de visites
1 - Ouest France 748 213 1
2 – Sud Ouest 288 370 3
4 – La Voix du Nord 259 791 5
5 – Le Dauphiné Libéré 226 975 8
6 – Le Télégramme 204 777 9
7 – Le Progrès 202 791 6
8 – La Montagne 183 982 16
9 – La Nouvelle République 183 482 11
10 – La Dépêche du Midi 177 715 2
11 – DNA 168 047 12
13 – Midi Libre 133 632 4
14 – La Provence 130 385 7
16 – Nice Matin 101 699 10
19 – L’Alsace 91 991 15
21 – L’Indépendant 59 904 14
22 – Le Courier Picard 58 239 18
28 – Le Populaire du Centre 40 884 20
30 – La République du
Centre
39 905 25
31 – La Charente Libre 34 929 13
32 – Le Berry Républicain 34 915 21
34 – L’Yonne Républicaine 32 608 22
35 – La République des Py-
rénées
31 825 17
27 – Le Journal du Centre 27 940 23
49 – La Dordogne Libre 6 008 26
N.C. - Le Pays - 19
N.C. - La Manche Libre - 24
58
Classement sites février
2012
Rapport nombre de visites /
population concernée
Population concernée
(chiffres 2009 ou 2012)
Charentelibre.fr 4,35 351 563
Nicematin.com 3,16 1 079 100
Ladepeche.fr 2,77 3 546 384
Midilibre.fr 2,02 2 442 048
Lindependant.fr 1,83 799 870
Letelegramme.com 1,78 2 197 615
Sudouest.fr 1,70 4 413 351
Laprovence.com 1,45 2 802 650
Ouestfrance.fr 1,36 8 208 483
Lanouvellerepublique.fr 1,33 1 940 961
Lavoixdunord.fr 1,19 4 033 197
Leprogres.fr 1,11 4 082 758
Leberry.fr 0,93 311 022
Dna.fr 0,91 1 851 443
Lejdc.fr 0,91 220 199
Ledauphine.com 0,86 4 563 942
Lyonne.fr 0,72 343 377
Lalsace.fr 0,63 1 851 443
Lepopulaire.fr 0,62 498 433
Lamontagne.fr 0,60 1 587 316
Courrierpicard.fr 0,42 1 911 157
Lamanchelibre.fr 0,27 497 762
Dordognelibre.fr 0,18 412 082
Larep.fr 0,15 653 510
Larepubliquedespyrenees.fr73
Lepays.fr
73 Pour les deux sites non classés, le calcul n’a pas été fait car le territoire couvert par ces journaux ne correspond pas à un département ou à une région administrative donnés.
59
60
Classement sites février 2012 Nombre de pages vues
Ouestfrance.fr 48 018 154
Ladepeche.fr 43 306 926
Sudouest.fr 27 330 944
Leprogres.fr 20 940 350
Ledauphine.fr 19 848 268
Lanouvellerepublique.fr 19 062 090
Midilibre.fr 17 883 712
Laprovence.com 17 574 599
Lavoixdunord.fr 15 579 674
Nicematin.com 14 121 280
Letelegramme.com 11 783 924
Charentelibre.fr 6 357 588
Lindependant.fr 6 236 296
Dna.fr 5 962 445
Lamontagne.fr 4 122 871
Lalsace.fr 4 024 818
Larepubliquedespyenees.fr 3 574 107
Courrierpicard.fr 2 350 079
Lepays.fr 1 771 239
Leberry.fr 1 218 005
Lyonne.fr 1 175 591
Lepopulaire.fr 1 175 309
Lejdc.fr 970 094
Larep.fr 461 735
Lamanchelibre.fr 441 312
Dordognelibre.fr 201 875
61
62
Classement sites février 2012 Nombre de pages vues par visite
Lanouvellerepublique.fr 7,4
Ledauphine.com 4,94
Lejdc.fr 4,83
Larep.fr 4,74
Lyonne.fr 4,72
Leprogres.fr 4,59
Ladepeche.fr 4,4
Lamontagne.fr 4,34
Laprovence.com 4,32
Ouestfrance.fr 4,29
Lindependant.fr 4,26
Leberry.fr 4,23
Charentelibre.fr 4,15
Nicematin.com 4,13
Larepubliquedespyrenees.fr 4,07
Lepays.fr 3,95
Lepopulaire.fr 3,82
Sudouest.fr 3,64
Midilibre.fr 3,62
Dna.fr 3,54
Lalsace.fr 3,46
Lamanchelibre.fr 3,31
Lavoixdunord.fr 3,25
Letelegramme.com 3,01
Courrierpicard.fr 2,96
Dordognelibre.fr 2,65
63
64
Classement sites PQR janvier
2012
Moyenne de post / jour
(entre le lundi 2 janvier
et le dimanche 29 janvier)
Nombre de post total
Ledauphine.com 20,8 581
Charentelibre.fr 19,5 546
Lalsace.fr 13,1 366
Leprogres.fr 12,4 348
Lindependant.fr 12,3 345
Dna.fr 11,3 317
Sudouest.fr 11,1 312
Larepubliquedespyrenees.fr 10,9 304
Laprovence.com 8,6 242
Lejdc.fr 7,1 200
Nicematin.com 7 197
Ladepeche.fr 6,7 188
Larep.fr 6,4 180
Courrierpicard.fr 5,9 165
Lyonne.fr 5,1 144
Leberry.fr 5 139
Lepopulaire.fr 4,9 136
Lamontagne.fr 4,2 118
Midilibre.fr 3,7 104
Lavoixdunord.fr 3,1 88
Letelegramme.com 3 83
Lepays.fr 2,6 73
Ouestfrance.fr 2,4 67
Lanouvellerepublique.fr 2 55
Lamanchelibre.fr 1,2 33
Dordognelibre.fr 0,5 13
65
66
Classement sites PQR janvier
2012
Moyenne de tweets / jour
(entre le lundi 2 janvier
et le dimanche 29 janvier)
Nombre de tweets total
Ledauphine.com 74,7 2 092
Ouestfrance.fr 26,7 748
Leprogres.fr 24,7 692
Sudouest.fr 22,4 628
Charentelibre.fr 22 617
Letelegramme.com 17,4 486
Midilibre.fr 17,1 480
Lamanchelibre.fr 16,9 472
Lejdc.fr 12,3 344
Lalsace.fr 10,9 306
Dna.fr 10,3 287
Lamontagne.fr 9,9 276
Lyonne.fr 9,4 262
Courrierpicard.fr 8,9 249
Lindependant.fr 8,9 249
Laprovence.com 8,6 241
Nicematin.com 7,8 218
Lavoixdunord.fr 7,2 202
Ladepeche.fr 6,8 191
Larepubliquedespyrenees.fr 6,1 170
Leberry.fr 5,9 165
Lepopulaire.fr 4,6 128
Larep.fr 3,3 93
Dordognelibre.fr 2,3 64
Lepays.fr 2 57
Lanouvellerepublique.fr 0 0
67
Sites PQR(classés en fonction du nombre de pages vues)
Usage de la vidéo74
Usage du diaporama
Usage du diaporama sonore
Présence de web documentaire
Pratique du direct commenté d’un événement
Présence de blogs de correspondants locaux
Animation de blogs de journalistes
Application smartphone
Application tablette numérique
Ouestfrance.fr
Ladepeche.fr
Sudouest.fr
Midilibre.fr
Lavoixdunord.fr
Leprogres.fr
Laprovence.com
Ledauphine.com
Letelegramme.com
Nicematin.com
Lanouvellerepublique.fr
Dna.fr
Charentelibre.fr
74 : excellent, : très bon, : bon, : moyen, : passable, : faible, pas d’étoile : nul
68
Sites PQR(classés en fonction du nombre de pages vues)
Usage de la vidéo
Usage du diaporama
Usage du diaporama sonore
Présence de web documentaire
Pratique du direct commenté d’un événement
Présence de blogs de correspondants locaux
Présence de blogs de journalistes
Application smart phone
Application tablette numérique
Lindependant.fr
Lalsace.fr
Lamontagne.fr
Larepdespyreneess.fr
Courrierpicard.fr
Lepays.fr
Lepopulaire.fr
Leberry.fr
Lyonne.fr
Lejdc.fr
Lamanchelibre.fr
Larep.fr
Dordognelibre.fr
69
70