LA PRIERE DANS LE JUDAÏSME ET LA KABBALE

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LA PRIERE DANS LE JUDASME ET LA KABBALE.

Objectifs du cours : Savoir quest ce que la prire dans la Tradition juive ; Savoir pourquoi on prie ; Connatre les fonctions de la prire ; Connatre lorigine et les lments de la prire.

I - Dfinition de la prire Les Sages du Talmud (Berakot 6B.) nous enseignent que "la prire est lune des grandes choses dans le monde". Elle est le lien qui unit Dieu sa crature, son peuple. La prire est le moyen par lequel lHomme sapproche, dialogue avec ltre qui est capable de rpondre ses ententes. R. Moshe Trani (1500-1580, Safed Isral) dfinit la prire comme tant la supplication de lHomme adresse Dieu pour les besoins qui sont au-del des capacits et moyens humains dobtention . La prire est ainsi le moyen qua lHomme (il est le seul tre vivant qui prie) pour bnficier des grces de Dieu (les prires ne sont adresses quau Saint Bni Soit-Il) pour nos besoins lgitimes et que nous ne pouvons pas par nous-mmes obtenir. Le mot hbreu pour la prire est "tfila". Il signifie aussi supplication, imploration. Nos prires sont plus que des requtes adresses Dieu pour nos besoins, elles sont des voies de communication et de communion avec notre Crateur, Le Matre du Monde.

II Pourquoi prie ton ? La prire est un commandement de Dieu. Dieu nous a prescrit de sadresser Lui, et Lui seul. En temps de dtresse, nous devons nous tourner vers Lui pour obtenir son aide ; en temps de confort, nous devons Lui exprimer notre gratitude ; et quand tout va bien pour nous, nous devons toujours prier quotidiennement afin quIl continue nous montrer sa Misricorde et nous garantir nos besoins quotidiens. Les Sages nous enseignent que "tout provient du Ciel sauf la Crainte de Dieu". Ainsi il est bon pour nous dtre conscient de notre dpendance de Dieu pour notre vie, notre sant, notre pain quotidien et notre bien-tre en gnral. Et nous1

devons nous le rappeler chaque jour et plusieurs fois. Ce processus de rptition de prires renforce notre confiance en Dieu (qui nous le savons est bon et que rien ne Lui est impossible) et solidifie notre relation avec Lui. La prire est galement une opportunit pour nous de nous rapprocher de notre Crateur. En reconnaissant notre dpendance vis--vis de Dieu, nous partageons la perfection Divine en nous attachant Lui et temporairement nous nous levons au dessus de lexistence physique mondaine.

III Les Fonctions de la prire Le mot hbreu pour la prire "tfila" provient du verbe "pallel" qui signifie "juger". Le verbe rflexif "lehitpallel" (prier) signifie aussi "se juger". Ainsi, le temps de la prire est le temps pour se juger et svaluer. Lorsquune personne sadresse elle-mme Dieu et prie pour Ses bndictions, il doit invitablement chercher dans son cur et examiner luimme sil se conforme aux standards de conduite quotidienne que Dieu lui a prescrit de suivre. Si celui-ci ne se ment pas, il sera rempli dhumilit et ralisera quil doit mriter ardemment les bndictions et les faveurs quil demande. Cest pourquoi nous demandons dans nos prires la bont infinie de Dieu et sa Misricorde, et quIl nous donne les dsirs de nos curs mme si nous navons pas le mrite. Cest aussi la raison pour laquelle les prires lors des jours de la semaine contiennent une confession de pchs que nous avons commis. Nous prions pour le pardon de Dieu et pour nous amliorer. Les prires nous aident mener une meilleure vie, en vivant plus pleinement la Voie de la Torah et des prceptes que Dieu nous a ordonns. A un niveau plus lev, la prire devient "avodah" le service. La Torah nous a ordonn de servir Dieu avec nos curs (Deut. 11 vs 13) et nos Sages disent : Quest ce que le service du cur ? Cest la prire (Talmud Trait Taanit 2a). Dans ce sens, la prire a pour but de purifier nos curs et notre nature. Le sens usuel d"avodah" est le travail. Il sagit de travailler sur la matire brute pour la raffiner et en faire un produit fini. La "tfila" dans le sens de l"avodah" est le raffinage des impurets de notre caractre. Ces mauvais traits de caractre proviennent de lme "animale" de lHomme et sont inhrents celle-ci. Nous sommes dous dune me "divine", qui est une tincelle de la Divinit Elle-mme. Durant la prire, notre me divine parle 2

Dieu, et mme lme animale en nous est remplie de saintet. Nous nous sentons nettoy et purifi par un tel service , et lorsque nous retournons notre routine quotidienne, le sentiment de puret et saintet persiste et lve notre conduite du jour un niveau plus lev. Le niveau le plus lev de lchelle quest la prire est atteint lorsque nous sommes si inspirs que nous ne voulons rien dautre que le sentiment dattachement Dieu. Cet tat de proximit avec le Crateur est nomm "dvkout " ou adhsion. LHomme sunit avec La Cause et participe ainsi sa mission primordiale de restauration de lunit perdue.

IV Origine des textes standards de la prire

La prire informelle a commenc avec la cration du premier Homme. Jusqu lpoque du Second Temple (Vme sicle av JC), la prire tait spontane. Tout Homme pouvait prier le nombre de fois quil veut, quant il ressent le besoin. Lassimilation progressive des Juifs en Perse, Grce et dautres nations entrana la perte de lhbreu et des rudiments du Judasme. Lorsquil fallait prier, la langue comme le contenu leur manquaient. La Grande Assemble (assemble de 120 Sages cre par Ezra le scribe vers 410 av JC) dcida alors de composer une prire type qui exprimerait les vux et les aspirations du peuple tout entier. Celle-ci comporterait dix-huit bndictions (une dix-neuvime fut ajoute plus tard). Cette prire a survcu jusqu nos jours et constitue la prire centrale du Judasme. Elle fut nomme "amida" - debout en hbreu car elle est rcite debout, les pieds joints. On lappelle aussi "Shemoneh esreh" les dix huit bndictions. Les Sages de la Grande Assemble ont galement dtermin des moments fixes pour la prire, correspondant ceux des crmonies publiques de sacrifices au Temple : une prire tait dite laube sacrifice matinal, une autre dans laprs-midi sacrifice du soir (tombe de la nuit) et une troisime la nuit aprs le crpuscule. Le Talmud (Trait Berochot 26b) nous apprend que ce sont les Trois Patriarches qui ont institu ces prires ; Abraham pour le matin (cf. Gen 19 vs 27), Isaac pour laprs-midi (cf. Gen 24 vs 63) et Jacob pour le soir (cf. Gen 28 vs 11). Ainsi la prire du "amida" est rcite trois fois par jour, en voici les lments.

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V Les lments de la prire 1 Les lments de bases de la prire Mamonide (1135 1204) a dress une liste, partir des diffrentes sources talmudiques, de cinq lments requis et huit lments essentiels de la prire. Cinq lments requis 1. Les mains doivent tre propres ; 2. le corps doit tre couvert (la poitrine et les parties intimes doivent tre couvertes) ; 3. un local propre (le lieu o lon prie doit tre propre, distant des toilettes et de la salle de bains, pas de poubelles et de mauvaises odeurs) ; 4. ne pas tre indispos par des besoins naturels ; 5. Concentration. Huit lments essentiels 1. 2. 3. 4. 5. position debout ; faire face Isral/Jrusalem/Temple ; les pieds joints ; tre bien habill (la tte couverte, tre chausse) ; le lieu de prire (il est prfrable de faire sa prire un lieu dsign ce but) ; 6. modulation de la voix (la prire doit tre rcite voix basse, douce, mlodieuse) ; 7. gnuflexions ; 8. prosternations.

2 La concentration ou Kavanah Channah parla en son cur (I Sam 1 vs 13). Cela nous enseigne que la prire requiert la "kavanah". (Talmud, Trait berachot 32b). La "Kavanah" est llment central de toute prire. La "kavanah" signifie concentration, direction, intention. Il sagit de lapplication que lorant met se concentrer, orienter sa prire vers un but prcis.4

R. Bachyai Ibn Pakudah (1050-1100) nous claire de la fonction de la concentration : Ainsi que la prire et les louanges Dieu impliquent tant le cur/lesprit et le corps, les deux composantes doivent tre impliques dans la prparation de la prire. La prparation corporelle requiert un lieu dsign la prire o il ny a pas de dchets, dordures et dodeurs putrides. En plus, lon devra cesser toute implication dans toute autre activit, quelles nous soient bnfiques matriellement ou spirituellement. La prparation du cur (ou de lesprit) requiert llimination de toutes penses trangres qui pourraient perturber notre "kavanah" durant la prire . Tandis que les textes de prires sont compars la peau qui enveloppe le fruit, ou le corps humain qui hberge lme, la "kavanah" est compar au fruit ou lme elle-mme. La prire sans "kavanah" est analogue une coquille vide ou un corps sans vie. Le prophte Isae dcrit cette prire fallacieuse (cf. Is 29 vs 13) . R. Bachyai dfinit trois composantes que comprend la "kavanah" : Je parle Dieu ; Je sollicite Dieu pour des besoins dfinis ; Je comprends les mots que jutilise dans la prire. La "kavanah" est le support qui vivifie la prire. Les Sages nous associent galement la "kavanah" la concentration sur le texte de la prire. Elle a pour but de nous guider dans la comprhension de la Providence Divine et pour louer Dieu de faon irrprochable. En tudiant le sens des textes de prires avant de sy engager et en contemplant leur sens durant la prire, nous pouvons incommensurablement amliorer notre "kavanah". Il est trs important de prier avec intention, ferveur et concentration. Les Sages nous disent quil est mieux de prier peu avec "kavanah" que de prier beaucoup sans "kavanah".

3 Laudibilit Le Talmud (Trait Berachot 31a) tablit partir de la Torah (I Sam 1 vs 13) les principes pour les degrs daudibilit des prires : "Elle parla en son cur " la prire doit tre dite avec "kavanah" ; "seules ses lvres bougeaient" lon doit prononcer les mots ;5

"sa voix ne pouvait tre entendue" (cependant) la voix ne doit pas tre leve dans la prire. Ce passage du Talmud nous enseigne que la prire doit tre prononce mais sans lever la voix. Dautres passages talmudiques et dautres sources expliquent cette restriction. Celui qui fait entendre sa voix lors de la prire a une petite foi Talmud Trait Berachot 24b ; La prire affirme la vrit que La "Shechinah" (La Prsence Divine) est partout. Alors quil est vrai que la "Shechinah" est plus manifeste dans une synagogue et dans dautres lieux tablis pour la prire, Dieu examine partout les curs des personnes. Par consquent, la prire bruyante nest pas ncessaire, car Dieu nous entend quelque soit o nous prions - Beit Elokim / La Maison de Dieu (Porte de la prire, Ch. 6) R. Moshe Trani. Dans le but de minimiser les distractions mentales, les Sages ont institu que la prire doit tre prononce. Les penses suivent aisment la parole ; elles sont lies aux mots que nous rcitons - Les devoirs du cur (Porte de lintrospection Ch. 3) R. Bachyai Ibn Pakuda. Bien que gnralement la prire soit rcite tranquillement, la prire voix haute est permise si elle sert tre plus concentre (si lon prie seul) ou en priode de grande dtresse ou danger.

4 La langue La langue utilise pour la prire est lhbreu (mis part certaines prires telles que le "kaddish" et le "kegavna" etc.). Rabbi Moshe ben Nachman (Nachmanides) (1195-1270) dcrit le caractre unique de la langue hbraque : Commentaire de la Torah de Nachmanides (Ex 30 vs 13) : Nos Sages (Talmud Trait Sotah 32a) ont appel la langue de la Bible, "Lashon Hakodesh" (la langue sainte) car cest la langue de la parole sanctifie. Cest la langue avec laquelle Dieu a cr lunivers, et par laquelle Il parle Ses prophtes et Son peuple les dix commandements au Sina et dautres communications prophtiques. Les Noms de Dieu sont dans cette langue, comme les noms

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divins de Sa cration, en incluant les noms des Saints Patriarches et dautres Justes . R. Moshe Sofer (1763-1839) fournit une explication complmentaire : Les Sages ont dlibrment compos les prires en Hbreu parce que lHbreu a la capacit unique de transmettre avec prcision des concepts spirituels. Ils ont choisi soigneusement chaque mot hbreu pour utiliser dans le texte de la prire, et leffet de chaque mot ne peut tre dupliqu dans toute autre langue. Bien quaujourdhui nous nayons pas une comprhension complte des profonds concepts avec lesquels les Sages ont imprgns leurs mots choisis avec grande attention, en utilisant le texte hbraque original nous obtenons leffet puissant de la prire - Rponse de Rabbi Moshe Sofer (addenda, #84). Lhbreu, la langue sainte, est le vhicule par lequel nous pouvons lever nos prires et nos curs afin de communier avec Dieu et participer Son uvre de cration.

5 Le Lieu Le Talmud nous enseigne dans le Trait Berachot 6b (cf. Gen 19 vs 27) limportance de prier un lieu dsign car nous y recevons laide de Dieu. R. Moshe Trani nous fournit plus amples explications dans son livre Beit Elokim / La Maison de Dieu (Porte de la prire Ch. 5) : Le bnfice de prier dans un lieu fixe peut tre compris en reconnaissant que la " Shechinah" (La Prsence Divine) est plus manifeste certains endroits qu dautres. Le Jardin dEden, Jrusalem, la Terre dIsral et la synagogue sont des exemples de lieux qui sont prdisposs une Prsence Divine spciale. Similairement, la prire en tout lieu tabli est reue plus favorablement, car les prires antrieures en ce lieu ont eu leffet dy crer une Prsence Divine spciale .

6 La posture et la position Les Sages nous ont prescrit de prier debout car lHomme est le seul tre se tenir debout. Outre cette posture qui nous diffrencie des autres animaux, nous avons une me spirituelle qui nous donne la facult de la parole. En nous tenant debout face notre Crateur, nous manifestons notre dsir de prendre en main notre destine et de se rapprocher de Dieu.

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Nous joignons galement les deux pieds ensemble lors de la prire de la "amida" pour deux principales raisons, explicites par Rabbi Shlomo Iben Aderet (1235-1310, Barcelone, Espagne) dans son commentaire talmudique (cf. Trait Berachot 10b) sur ce sujet : Garder les pieds joints ensemble durant la "amida" engendre les penses suivantes : 1. En gardant les pieds joints comme sils sont lis ensemble, lon dmontre sa dpendance vis--vis de laide Divine ; sans laide de Dieu, lon est incapable daller vers une direction de quelque de bnfique pour nous ou nous loigner dun danger ; 2. Dieu a cre lHomme avec la tche double de reconnatre Dieu et de sefforcer se parfaire moralement proche de la perfection dun ange (cf. Ez 1 vs 7).

Les lments de la prire cits plus haut nous livrent les cls permettant deffectuer convenablement notre prire. A prsent, nous pouvons dbuter notre tude du livre de prire, notre instrument du service divin.

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