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1 La prévention en orthopédie dento-faciale Permis de (se) construire Donnons toutes leurs chances à nos jeunes patients Danielle Deroze Peut-on dès le plus jeune âge, influencer positivement la mise en place de l’architecture crânio- maxillo-faciale de l’enfant ? Les problèmes rencontrés dans le tout jeune âge sont pour l’essentiel des dysfonctions, qui risquent de « vriller » le schéma de développement crânio-maxillo-facial en influençant négativement le patron génétique. La présentation analytique des différentes fonctions ne doit pas masquer le fait qu’elles sont totalement interactives : succion, mastication, déglutition, ventilation, occlusion doivent être harmonisées pour un développement crânio-facial optimal. Fonctions de la sphère bucco dentaire Nutrition-succion Elle commence à la naissance : c’est la succion nutritive par alimentation au sein ou au biberon. Depuis longtemps, les médecins ont fait l’apologie de l’allaitement au sein, qui, en dehors de son aspect alimentaire qualitatif, joue un rôle morphogénétique primordial. Limme (1,2) rappelle : « les fonctions d’alimentation vont jouer dès le plus jeune âge, un rôle important pour la croissance des mâchoires et des structures dentaires. L’allaitement au sein est une matrice fonctionnelle puissante pour stimuler la croissance, grâce aux mouvements de propulsion mandibulaire ». L’aspect fonctionnel de la tétée est maintenant acquis : « l’importante activité musculaire et la synchronisation précise des diverses fonctions qu’elle requiert, conjuguées à l’énorme potentiel de croissance de cette période, lui confère un rôle morphogénétique déterminant pour le développement du nourrisson. ». (3) La tétée sollicite les ptérygoïdiens latéraux, stimule le ligament sphéno-mandibulaire et permet ainsi un développement mandibulaire complet et symétrique. Les groupes d’enfants allaités au sein par rapport aux groupes témoins ont montré une baisse de prévalence des malocclusions (1) Le schéma fonctionnel de tétée au biberon est lui, caractérisé par une posture linguale et mandibulaire moins protrusive, avec pour conséquence une inhibition de toute une gamme d’excitations et de tensions physiologiques à point de départ buccal et articulaire. Nutrition - Mastication (1,4-6) C’est une fonction acquise qui succède progressivement à la fonction de nutrition-succion. Ce phénomène complexe met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou, ainsi que les muscles peauciers des lèvres, de la langue et des joues. Les mouvements masticatoires se développent pendant l’apparition des dents temporaires, la proprioception jouant un rôle essentiel dans l’apprentissage. L’éruption des incisives temporaires supérieures et inférieures va permettre la fonction de préhension-morsure, qui va alors jouer son rôle dans les stimulations de croissance mandibulaire. La mise en place des premières molaires temporaires vers 1 an donne la limite verticale de l’occlusion et définit pour la première fois une référence antéro-postérieure d’intercuspidation qui sera pérennisée par l’apparition des deuxièmes molaires temporaires vers 2 ans.

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La prévention en orthopédie dento-faciale

Permis de (se) construire

Donnons toutes leurs chances à nos jeunes patients

Danielle Deroze

Peut-on dès le plus jeune âge, influencer positivement la mise en place de l’architecture

crânio- maxillo-faciale de l’enfant ?

Les problèmes rencontrés dans le tout jeune âge sont pour l’essentiel des dysfonctions, qui

risquent de « vriller » le schéma de développement crânio-maxillo-facial en influençant

négativement le patron génétique. La présentation analytique des différentes fonctions ne

doit pas masquer le fait qu’elles sont totalement interactives : succion, mastication,

déglutition, ventilation, occlusion doivent être harmonisées pour un développement

crânio-facial optimal.

Fonctions de la sphère bucco dentaire Nutrition-succion Elle commence à la naissance : c’est la succion nutritive par alimentation au sein ou au

biberon. Depuis longtemps, les médecins ont fait l’apologie de l’allaitement au sein, qui, en

dehors de son aspect alimentaire qualitatif, joue un rôle morphogénétique primordial.

Limme (1,2)

rappelle : « les fonctions d’alimentation vont jouer dès le plus jeune âge, un rôle

important pour la croissance des mâchoires et des structures dentaires. L’allaitement au sein

est une matrice fonctionnelle puissante pour stimuler la croissance, grâce aux mouvements de

propulsion mandibulaire ».

L’aspect fonctionnel de la tétée est maintenant acquis : « l’importante activité musculaire et

la synchronisation précise des diverses fonctions qu’elle requiert, conjuguées à l’énorme

potentiel de croissance de cette période, lui confère un rôle morphogénétique déterminant

pour le développement du nourrisson. ».(3)

La tétée sollicite les ptérygoïdiens latéraux, stimule le ligament sphéno-mandibulaire et

permet ainsi un développement mandibulaire complet et symétrique. Les groupes d’enfants

allaités au sein par rapport aux groupes témoins ont montré une baisse de prévalence des

malocclusions (1)

Le schéma fonctionnel de tétée au biberon est lui, caractérisé par une posture linguale et

mandibulaire moins protrusive, avec pour conséquence une inhibition de toute une gamme

d’excitations et de tensions physiologiques à point de départ buccal et articulaire.

Nutrition - Mastication (1,4-6)

C’est une fonction acquise qui succède progressivement à la fonction de nutrition-succion.

Ce phénomène complexe met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou,

ainsi que les muscles peauciers des lèvres, de la langue et des joues.

Les mouvements masticatoires se développent pendant l’apparition des dents temporaires, la

proprioception jouant un rôle essentiel dans l’apprentissage. L’éruption des incisives

temporaires supérieures et inférieures va permettre la fonction de préhension-morsure, qui va

alors jouer son rôle dans les stimulations de croissance mandibulaire.

La mise en place des premières molaires temporaires vers 1 an donne la limite verticale de

l’occlusion et définit pour la première fois une référence antéro-postérieure d’intercuspidation

qui sera pérennisée par l’apparition des deuxièmes molaires temporaires vers 2 ans.

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Les mouvements masticatoires se complexifient, se spécialisent et se structurent vers une

mastication efficace, de type unilatéral alterné avec symétrie de forme et d’amplitude.

L’évolution de la texture des aliments ainsi que les changements de comportement alimentaire

vont conditionner les paramètres caractéristiques des cycles masticatoires : en présence d’une

alimentation molle ou semi-molle, les cycles sont étroits, de faible amplitude et peu

dépensiers en énergie musculaire.

Les performances masticatrices ne s’exercent qu’en présence d’aliments durs et résistants qui

demandent un travail musculaire important.

La diminution des sollicitations masticatrices entraîne une absence de stimulation du

potentiel de croissance structurelle et peut créer une déficience de croissance morphologique

(pommettes effacées, maxillaire supérieur hypodéveloppé..) dans les trois sens de l’espace.

Pour M.J. Deshayes (7)

: « c’est tout l’équilibrage du puzzle crânio-mandibulaire qui ne

s’effectue pas en l’absence d’une mastication puissante. »

Déglutition

(8).

Cette fonction intéresse trois étages anatomiques différents : la cavité buccale, le pharynx,

l’œsophage et ceci pour un seul objectif : transporter les aliments vers l’estomac à l’aide

d’effecteurs musculaires et de commandes nerveuse spécifiques.

Si la déglutition est réflexe in utero (succion-déglutition), elle devient praxie à la naissance en

intégrant progressivement un contrôle volontaire, ce qui sous-entend une possibilité

d’apprentissage, au moins du temps buccal.

De 0 à 4 mois, la langue a une posture de repos horizontale. Ensuite, elle recule et n’est plus

interposée chez la plupart des enfants. Après 6 mois, la langue au repos est reculée et en

contact avec le palais.

La persistance de la déglutition type succion est considérée comme normale jusqu’à la fin

de la première dentition (environ 2 ans) et est caractérisée par un contact entre la langue et les

lèvres. Elle subit ensuite une évolution spontanée induite par le développement de la dentition

et des praxies de mastication où théoriquement, le contact langue/ lèvres est rompu par la

barrière incisive : la capture des aliments n’est plus labiale mais incisive.

Les dents doivent être en contact léger lors de la déglutition dite de sujet denté, avec une

pression linguale s’exerçant sur le palais et permettant ainsi le développement optimal de la

voûte palatine (vers 6 ans). La déglutition s’effectuant de 1500 à 2000 fois par 24 heures, il

est logique de penser qu’une perturbation systématique des appuis linguaux puisse avoir des

conséquences sur la morphologie des arcades dentaires et des pièces squelettiques de

l’appareil manducateur.

La persistance d’une déglutition infantile, ainsi qu’une mauvais posture de la langue au repos

risque d’ entraîner des troubles de la croissance faciale par absence de stimulation de

l’expansion transversale de la voûte palatine lors de chaque déglutition , par l’intervention de

pressions musculaires inadéquates ( pressions buccinatrices, contraction de la musculature

mentonnière et de la musculature labiale inférieure..) et par des stimulations musculaires

inappropriées ( ptérygoidiens latéraux ) (Fig.1.)

Fig. 1 -Posture linguale dysfonctionnelle au repos et à

la déglutition.

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Ces appuis anormaux vont avoir des conséquences dans les trois sens sur la croissance faciale,

et ceci différemment selon le patron génétique : endoalvéolie, rétrognathie ou prognathie

mandibulaire, aggravation du sens vertical squelettique, infraclusion antérieure,

hypodéveloppement de la partie moyenne de la face, apparition de troubles des ATM...

Les raisons pour lesquelles le passage à une déglutition physiologique ne s’effectue pas chez

un enfant sont multiples et peuvent être concomitantes : immaturité neuromusculaire ou

déficience psychologique, persistance de parafonctions (sucette, pouce, doigt, biberon..),

problème anatomique (ankyloglossie), ventilation buccale.

Ventilation Seule la ventilation nasale est physiologique et eumorphique chez l’enfant.

La respiration buccale est un type de respiration acquise, compensatrice d’une obstruction

nasale existante ou ayant existée (habitude acquise).

La ventilation nasale apporte des avantages que la respiration buccale ignore (9)

: filtration de

l’air respiré, humidification de l’air inspiré et des muqueuses buccales, thermorégulation (les

enfants respirateurs buccaux ont tendance à transpirer plus que ceux ventilant par le nez).

Les causes de l’obstruction nasale (10)

peuvent être anatomiques (déviation de cloison,

malformation des cornets..), infectieuses (rhino-pharyngites chroniques compliquées ou non

par des otites ou angines, cornets hypertrophiés..) ou allergiques (augmentation de 30% des

allergies dans les 10 dernières années). Elle peut également être aggravée par le tabagisme

passif ou les pollutions urbaines.

De simples habitudes acquises dans la petite enfance, telles qu’une alimentation au biberon

prolongée, l’utilisation d’une sucette ou la succion du pouce, même si elles n’ont pas

perduré , encourage une ouverture buccale par abaissement lingual alors qu’une

ventilation nasale est tout à fait possible. Un défaut d’éducation du mouchage peut avoir les

mêmes conséquences négatives pour l’enfant, dont le nez est toujours encombré et qui est

alors obligé d’ouvrir sa bouche pour ventiler.

Les syndromes obstructifs de l’enfant peuvent avoir des retentissements importants à court et

à long terme :

• symptomatologie nocturne : ronflements, sommeil agité avec réveils fréquents, sueurs

abondantes, énurésie tardive, apnée du sommeil, postures de sommeil particulières

dysmorphofonctionnelles (hyperextension dorsale pour dégager les voies respiratoires), ou

posture unilatérale prolongée pour dégager la narine bouchée avec compression ATM

controlatérale, ou encore posture ventrale avec torsion mandibulaire,

L’obstruction nasale négligée de l’enfant, source de ronflement, pourrait être une cause de

syndromes d’apnées du sommeil de l’adulte ;

• Symptomatologie diurne : céphalées, somnolence, inappétence, inattention scolaire ;

• Retard staturo-pondéral (sécrétion nocturne de l’hormone de croissance perturbée),

troubles du comportement, réduction des capacités physiques et psychologiques par

hypoventilation chronique (le respirateur buccal est privé d’environ 20% de l’oxygène

de l’air inspiré, ceci ajouté à une vitesse d’échange de l’air ralentie).

Un organisme « bien nourri » par une ventilation nasale correcte pourra donner le meilleur de

sa performance(9).

Il est admis maintenant que l’obstruction nasale et son corollaire, la ventilation buccale,

peuvent, chez l’enfant, influencer la morphogenèse maxillo-faciale et la posture crânio-

rachidienne(10)

.

L’hyper extension céphalique est de règle pour dégager le carrefour respiratoire (Fig. 2).

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Ceci rejoint la fonction de déglutition : la respiration buccale implique une position abaissée

de la langue qui non seulement ne peut pas jouer son rôle morphogénétique d’expansion au

maxillaire mais continue à s’interposer entre les arcades au repos et à la déglutition.

Les conséquences sont des anomalies transversales et sagittales maxillaires dont les

dimensions ne s’accordent plus avec la croissance mandibulaire (74% de classes II chez les

respirateurs buccaux 11

).

Au niveau dentaire, l’égression des dents postérieures liée à l’ouverture buccale permanente

est favorisée, l’hyperdivergence est facilitée ou aggravée.

Le comportement musculaire des lèvres est modifié, l’inoclusion labiale devient la règle

(Fig.3). C’est tout le cycle de l’aggravation du sens vertical qui est mis en route (12)

.

Pour Talmant (9,13)

: « il est nécessaire de bien connaître les caractéristiques de la ventilation

nasale optimale pour apprendre à en dépister les troubles si fréquents au cours de la période

initiale de l’ontogenèse post-natale, car en altérant les diverses postures cervicales et faciales,

l’obstruction nasale partielle chronique peut entraîner n’importe quelle malocclusion ».

Phonation (14,15)

C’est une fonction de communication essentielle, qui nécessite la participation des muscles de

la cavité bucco pharyngée et du larynx, y compris la langue, les lèvres et les joues.

Il existe une très forte corrélation entre les troubles articulatoires et les troubles de la

déglutition, ce qui nous contraint à ne pas considérer les troubles de la phonation comme des

symptômes isolés mais comme l’un des signes cliniques de la perturbation des fonctions

orales. Il est cependant admis que les troubles du positionnement lingual lors de la

prononciation des phonèmes ne feront que renforcer les déformations existantes par la

perturbation des autres fonctions.

Occlusion Le système manducateur est construit pour mastiquer.

La stimulation mandibulaire par l’allaitement maternel, la sollicitation de la fonction de

préhension antérieure ensuite et la présence d’une ventilation nasale autorisant un bon

positionnement lingual permettront des rendez-vous dentaires corrects au fur et à mesure de

l’éruption des dents lactéales et ensuite des dents définitives.

Les affrontements dentaires idéaux (1 dent /2 dents) mis en place pendant la croissance,

garantissent une mastication active, de préférence unilatérale alternée, avec stimulation des

Fig.3- Signes faciaux de la ventilation

buccale : cernes, pommettes effacées,

inocclusion labiale, lèvres gercées..

Fig.2- Posture de tête en

hyperextension souvent associée à

la ventilation buccale.

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éléments de l’appareil manducateur et symétrisation des comportements musculaires. Ceci

est un des garants de la protection des structures environnantes (A.T.M.).

Qu’elle soit due à la déglutition et/ou à la ventilation et à la déficience masticatoire,

l’étroitesse maxillaire induite provoque un latéroglissement mandibulaire et constitue ainsi

une matrice fonctionnelle masticatrice asymétrique en pleine période de croissance (Fig.4 et 5).

Fig. 4 et 5 – Exemples d’articulé croisé droit et gauche sur deux enfants de 5 ans

Prévention des malocclusions Dès le plus jeune âge, il est bon de tenter d’interrompre la cascade dysfonctionelle et

dysmorphogénétique qui risque de se mettre en place si les fonctions sont perturbées.

Chez le bébé et le tout jeune enfant : c’est l’information parentale qui doit primer.

Dans la mesure du possible, l’allaitement maternel doit être privilégié, aucune tétine n’étant

capable de reconstituer le système de nutrition au sein.

Cependant, si l’allaitement est impossible, la position du bébé alimenté au biberon doit être

modifiée et verticalisée pour entraîner un maximum de propulsion mandibulaire.

Il convient de vérifier l’absence d’ankyloglossie chez le nourrisson car elle rend difficile et

douloureuse l’allaitement au sein. La section du pédicule lingual chez le nourrisson est

simple et libératrice de la mobilité linguale, notamment de la propulsion et de l’élévation de

la langue au palais (16)

(fig. 6).

L’usage actuellement banalisé des « sucettes » doit être révisé et déconseillé,

y compris celui des sucettes dites « orthodontiques », qui, en obligeant la langue à adopter

une position basse, ont les mêmes conséquences négatives que les autres sucettes.

Dès les premières dents, la fonction de préhension-morsure qui pérennise le jeu

mandibulaire sagittal doit être encouragée et stimulée pour équilibrer le jeu vertical de la

mastication. L’alimentation du jeune enfant denté doit être variée, non sucrée et la moins

molle possible.

Il faut veiller à ce que l’enfant ne prenne pas toujours la même posture de sommeil

(ventrale ou toujours sur le même coté), la meilleure position étant une position latérale

alternée.

Fig. 6 – Douleurs ressenties lors de

l’allaitement avant et après freinectomie dans

des cas d’ankyloglossie du nourrisson.

(D’après Gorodzinsky F. Telch 16)

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Consultation orthodontique précoce En 2002, l’ANAES recommandait : « L’examen de dépistage doit avoir lieu avant 6 ans :

toute dysfonction maxillo-faciale doit être considérée comme un signal d’alerte et conduire à

un examen morphologique ; Sont à surveiller : ventilation, déglutition, phonation, mastication,

succion et cinématique mandibulaire. »

Ceci implique qu’un questionnaire de santé complet soit mis en place lors de l’examen

clinique et ce quel que soit l’âge de l’enfant. Il doit être à la fois systématisé pour éviter

un oubli et individualisé en fonction des découvertes cliniques.

Les éléments suivants doivent être notés et vérifiés :

• Habitudes néfastes passées et présentes : biberon, sucette, pouce, doigt..,

• Etat ventilatoire passé et actuel : des épisodes infectieux de la petite enfance, bien que

guéris, ont pu perturber les fonctions,

• Signes d’allergie (dépistée ou non) : des signes associés peuvent orienter vers une

consultation spécialisée de recherche de facteurs d’allergie (Fig .7),

• Interventions subies : amygdales, végétations, drains, cautérisations nasales..,

• Qualité et posture du sommeil : un nez se juge la nuit ! Un enfant en difficulté

respiratoire, qu’elle qu’en soit la cause, a un comportement nocturne modifié

(agitation, transpiration excessive, réveils, troubles de l’énurésie..),

• Signes cliniques de la respiration buccale : cernes, inocclusion labiale, lèvres sèches,

nez étroit, pincé, narines étroites, anomalies anatomiques visibles (Fig.8 et 9),

• Perturbations de la déglutition : déglutition atypique, antérieure ou latérale, mobilité

linguale, frein,

• Perturbations de la phonation,

• Perturbations de la dynamique mandibulaire : mouvements d’ouverture / fermeture,

de propulsion, de latéralité ( poser les doigts sur les ATM ),

• Problèmes dentaires et parodontaux,

• Perturbations occlusales,

• Asymétries faciales (attention au torticolis congénital non dépisté),

• Perturbations posturales : cyphose dorsale, épaules en avant, tête en hyper extension..,

• Mode alimentaire, comportement social et scolaire.

Si nécessaire, des examens radiographiques sont prescrits, la radiographie panoramique étant

primordiale. Une consultation de spécialiste(s) peut être demandée : pédiatre, ORL,

allergologue, kinésithérapeute, orthophoniste..

Fig. 8 et 9-Photo gauche : Narines étroites

Photo droite : pied de cloison

-Obstacles à la ventilation nasale-

Fig.7 « Trait » sur le nez :-Signe

caractéristique de l’allergie

-« salut allergique »-.

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Quels sont les moyens d’agir ? Sur le développement dentaire

Le praticien doit faire en sorte qu’aucun élément ne vienne perturber les fonctions

masticatoires :

• Soins des dents lactéales,

• Meulages sélectifs,

• Extraction d’une dent lactéale persistante après évolution de la dent définitive

correspondante,

• Vérification des séquences d’éruption par la radiographie panoramique. Toute

perturbation de l’éruption pouvant être la conséquence d’un obstacle jusqu’à

preuve radiologique du contraire.

Sur les matrices fonctionnelles Il est souhaitable de mettre en place une éducation fonctionnelle, après vérification auprès

d’un spécialiste si nécessaire, de la possibilité physiologique de ventilation nasale de l’enfant :

• Encourager l’enfant à se moucher, le matin et le soir (« je me couche, je me

mouche »), en utilisant un pulvérisateur nasal (Quinton®, Stérimar®..) pour

humidifier les muqueuses : mouchage d’une narine après l’autre et vérification

bouche fermée de la possibilité du passage de l’air par les fosses nasales,

• Apprendre à l’enfant à fermer sa bouche avec les lèvres jointes et à corriger sa

posture. Des fiches d’ exercices ludiques sont données et expliquées à

l’enfant ainsi que des procédés mnémotechniques visuels simples (gommettes,

Post-it®..),

• Inciter l’enfant à utiliser des appareils d’éducation fonctionnelle ; ce sont

des dispositifs simples et faciles d’utilisation :

- Ecran buccal® avec exercices de traction sur les lèvres et ventilation

nasale en posture rectifiée pour les plus petits (3 à 5 ans) (Fig.10),

- Infant trainer® (à partir de 5 ans) ou Positionner-trainer ® pour les

plus grands: les éléments de l’appareil (rampes latérales, picots antérieurs..),

aident à repositionner la langue, favorisent la fermeture des lèvres et inhibent

la participation des muscles mentonniers lors de la déglutition (Fig. 11 et 12).

Fig.10-Ecran buccal (le modèle souple est à

privilégier).A utiliser avec des exercices de

fermeture buccale et de tonification des lèvres.

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- Autres types d’appareils d’éducation fonctionnelle proposés

actuellement : ils sont nombreux et en évolution constante ; citons l’

EF2®ou EF3® (tailles différentes selon l’âge) et l’ EFT® (Fig12 et 13)

Fig. 12 et 13 : Exemples d’appareils d’éducation fonctionnelle EF2® et EFT®

Quelque soit l’appareil d’éducation fonctionnelle utilisé, il doit être décrit à l’enfant, mis en

bouche, vérifié et être remis à l’enfant accompagné de fiches explicatives. Il est conseillé de

le porter exclusivement à la maison, environ 2 à 4 heures par jour (selon l’âge de l’enfant), et

la nuit.

L’enfant doit devenir acteur et partenaire, avec l’orthodontiste ou le pédiatre, de son propre

traitement. Il doit être vu régulièrement, félicité et encouragé dans ses progrès. Des

photographies sont prises à chaque rendez-vous pour vérifier et encourager sa progression.

Cette éducation fonctionnelle et comportementale, peut résoudre, à elle seule des cas simples

ou du moins réduire la difficulté du traitement orthodontique ultérieur(17).

Elle pourra éviter des extractions de dents définitives dans certains cas en autorisant

l’expression complète du potentiel de croissance. Elle permet aussi, et ce n’est pas le moindre

de ses avantages, d’assurer une stabilité des traitements ultérieurs, qui ne seront plus perturbés

par des éléments dysmorphofonctionnels.

En outre, si l’on se réfère à la notion juridique de perte de chance, la correction précoce des

problèmes de positionnement dentaire ne peut qu’être qu’encouragée, les traumatismes sur les

dents antérieures étant très fréquents chez l’enfant.

Dans le cas ou la ventilation nasale est impossible, l’enfant est dirigé vers un spécialiste qui

décide de la conduite à tenir, médication ou chirurgie : ablation des amygdales, des

végétations, geste chirurgical sur la cloison.., suivis nécessairement d’une éducation linguale

destinée à donner une posture physiologique à la langue, en dynamique et au repos.

Fig.11 et 12- Infant trainer® et positionner trainer ®

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Conclusion Le dépistage des anomalies fonctionnelles de l’appareil manducateur doit être mis en place le

plus tôt possible. Ces dysfonctions surviennent essentiellement dans les premières années de la

vie et même transitoires ; elles risquent d’imprimer un comportement dysmorphofonctionnel

définitif.

La plasticité des os de la face des jeunes enfants justifie le dépistage précoce et la mise en

place de traitements comportementaux simples et adaptés à la petite enfance.

Cette attitude préventive permet de réduire les besoins de correction ultérieure en diminuant

la difficulté des cas orthodontiques et augmente la stabilité des résultats.

Le rôle des pédiatres, médecins traitants, chirurgiens-dentistes et orthodontistes devient

essentiel pour la détection la plus précoce possible des problèmes dysfonctionnels .

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