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Actualités pharmaceutiques n° 540 novembre 2014 59 juridique fiche Mots clés - allégation de santé ; allégation nutritionnelle ; autorité de sécurité des aliments ; nutriment ; plante Références [1] Règlement CE n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. http://eur-lex.europa.eu/ LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ: L:2006:404:0009:0025:FR:PDF [2] Directive 90/496/CEE du Conseil du 24 septembre 1990 relative à l’étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires. http:// eur-lex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do?uri=CONSLEG:19 90L0496:20081211:FR:PDF © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.09.013 La réglementation des allégations santé sur les compléments alimentaires Le règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires vise à harmoniser l’emploi de ces allégations. Le but est de garantir qu’aucune denrée alimentaire ne puisse plus revendiquer une allégation trompeuse. E n décembre 2006, après des années de discus- sion, la Commission européenne est parvenue à un texte de consensus, adopté sous la forme d’un règlement (c’est-à-dire applicable directement dans l’ordonnancement juridique interne des États membres [1]), dédié aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. Ce règlement s’applique à toutes denrées alimentaires, y compris les denrées non emballées et les complé- ments alimentaires. L’objectif était d’harmoniser l’emploi des allégations nutritionnelles et de santé dans toutes les communica- tions à caractère commercial (étiquetage, présentation, publicité) dans le but de protéger le consommateur, par un encadrement des messages des industriels, très souvent ambigus. Le principe est le suivant : le texte prévoit une liste d’allégations autorisées. Si un industriel souhaite utiliser une allégation qui n’est pas contenue dans la liste, il doit déposer un dossier de justification auprès de l’autorité de sécurité des aliments ou Efsa (European Food Safety Agency), qui transmet, après examen du dossier, un avis à la Commission européenne, qui prend in fine, si ce dernier est positif, la décision d’inscription sur la liste. Si l’industriel prouve que ce sont ses propres travaux qui, à eux seuls, ont permis de valider une allégation, il obtien- dra la garantie que ces données ne seront pas utilisées au profit d’un autre industriel pendant une période de cinq ans. Ceci est une façon de le récompenser face à la lour- deur et au coût du dossier qu’il a dû soumettre. Allégation et nutriment, définitions F Une allégation est tout message ou toute représen- tation, non obligatoire en vertu de la législation commu- nautaire ou nationale, y compris une représentation sous la forme d’images, d’éléments graphiques ou de sym- boles, quelle qu’en soit la forme, qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des carac- téristiques particulières. F Les nutriments regroupent les protéines, les glucides, les lipides, les fibres alimentaires, le sodium, les vitamines et les sels minéraux visés à l’annexe de la directive 90/496/CEE [2], ainsi que les substances qui relèvent ou sont des composants de l’une de ces catégories. Afin d’éviter tout contournement de la réglementation, une marque de fabrique ou un nom commercial peuvent être considérés comme contenant une allégation. En effet, les industriels déposaient auparavant leur allé- gation en tant que nom de marque, en accolant leur nom d’enseigne à une allégation santé – “enseigne anti- tartre”, par exemple pour un dentifrice – et échappaient ainsi à la réglementation, bénéficiant alors de la protec- tion liée au droit des marques. Depuis la parution du règlement européen [1], ils ne peuvent plus échapper à l’obligation de justification de l’allégation déposée. Allégations nutritionnelles F Une allégation nutritionnelle est toute allégation qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques par- ticulières de par : • l’énergie (valeur calorique) qu’elle : – fournit ; – fournit à un degré moindre ou plus élevé, ou ; – ne fournit pas, et/ou ; • les nutriments ou autres substances qu’elle : – contient ; – contient en proportion moindre ou plus élevée ; – ou ne contient pas. F Ces allégations nutritionnelles doivent être conformes à la liste positive figurant en annexe I du règlement de décembre 2006 [1], et qui a été complétée en 2010 par cinq nouvelles allégations nutritionnelles sur les acides gras [3] (encadré 1). Allégations de santé Une allégation de santé est toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Caroline MASCRET Maître de conférences en droit pharmaceutique Adresse e-mail : [email protected] (C. Mascret). Faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, Université Paris-Sud, 5 rue Jean-Baptiste-Clément, 92296 Châtenay-Malabry, France

La réglementation des allégations santé sur les compléments alimentaires

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Page 1: La réglementation des allégations santé sur les compléments alimentaires

Actualités pharmaceutiques

• n° 540 • novembre 2014 • 59

juridique

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Mots clés - allégation de santé ; allégation nutritionnelle ; autorité de sécurité des aliments ; nutriment ; plante

Références[1] Règlement CE n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:404:0009:0025:FR:PDF

[2] Directive 90/496/CEE du Conseil du 24 septembre 1990 relative à l’étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1990L0496:20081211:FR:PDF

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.09.013

La réglementation des allégations santé sur les compléments alimentairesLe règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les

allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires vise à harmoniser

l’emploi de ces allégations. Le but est de garantir qu’aucune denrée alimentaire ne puisse

plus revendiquer une allégation trompeuse.

E n décembre 2006, après des années de discus-sion, la Commission européenne est parvenue à un texte de consensus, adopté sous la forme

d’un règlement (c’est-à-dire applicable directement dans l’ordonnancement juridique interne des États membres [1]), dédié aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. Ce règlement s’applique à toutes denrées alimentaires, y compris les denrées non emballées et les complé-ments alimentaires.L’objectif était d’harmoniser l’emploi des allégations nutritionnelles et de santé dans toutes les communica-tions à caractère commercial (étiquetage, présentation, publicité) dans le but de protéger le consommateur, par un encadrement des messages des industriels, très souvent ambigus.Le principe est le suivant : le texte prévoit une liste d’allégations autorisées. Si un industriel souhaite utiliser une allégation qui n’est pas contenue dans la liste, il doit déposer un dossier de justification auprès de l’autorité de sécurité des aliments ou Efsa (European Food Safety Agency), qui transmet, après examen du dossier, un avis à la Commission européenne, qui prend in fine, si ce dernier est positif, la décision d’inscription sur la liste.Si l’industriel prouve que ce sont ses propres travaux qui, à eux seuls, ont permis de valider une allégation, il obtien-dra la garantie que ces données ne seront pas utilisées au profit d’un autre industriel pendant une période de cinq ans. Ceci est une façon de le récompenser face à la lour-deur et au coût du dossier qu’il a dû soumettre.

Allégation et nutriment, défi nitions F Une allégation est tout message ou toute représen-

tation, non obligatoire en vertu de la législation commu-nautaire ou nationale, y compris une représentation sous la forme d’images, d’éléments graphiques ou de sym-boles, quelle qu’en soit la forme, qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des carac-téristiques particulières.

F Les nutriments regroupent les protéines, les glucides, les lipides, les fibres alimentaires, le sodium, les vitamines et les sels minéraux visés à l’annexe de la directive 90/496/CEE [2], ainsi que les substances qui relèvent ou sont des composants de l’une de ces catégories.Afin d’éviter tout contournement de la réglementation, une marque de fabrique ou un nom commercial peuvent être considérés comme contenant une allégation. En effet, les industriels déposaient auparavant leur allé-gation en tant que nom de marque, en accolant leur nom d’enseigne à une allégation santé – “enseigne anti-tartre”, par exemple pour un dentifrice – et échappaient ainsi à la réglementation, bénéficiant alors de la protec-tion liée au droit des marques. Depuis la parution du règlement européen [1], ils ne peuvent plus échapper à l’obligation de justification de l’allégation déposée.

Allégations nutritionnelles F Une allégation nutritionnelle est toute allégation qui

affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques par-ticulières de par :• l’énergie (valeur calorique) qu’elle :

– fournit ;– fournit à un degré moindre ou plus élevé, ou ; – ne fournit pas, et/ou ;

• les nutriments ou autres substances qu’elle : – contient ;– contient en proportion moindre ou plus élevée ; – ou ne contient pas. F Ces allégations nutritionnelles doivent être

conformes à la liste positive figurant en annexe I du règlement de décembre 2006 [1], et qui a été complétée en 2010 par cinq nouvelles allégations nutritionnelles sur les acides gras [3] (encadré 1).

Allégations de santéUne allégation de santé est toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre,

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Caroline MASCRETMaître de conférences en droit pharmaceutique

Adresse e-mail : [email protected] (C. Mascret).

Faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, Université Paris-Sud, 5 rue Jean-Baptiste-Clément, 92296 Châtenay-Malabry, France

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Actualités pharmaceutiques

• n° 540 • novembre 2014 •60

fi chejuridique

Déclaration d’intérêts 

L’auteur déclare ne pas avoir

de confl its d’intérêts en relation

avec cet article.

Pour en savoir plus• European Food Safety Agency : www.efsa.europa.eu/fr

[3] Règlement UE n° 116/2010 de la Commission du 9 février 2010 modifi ant le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des allégations nutritionnelles. www.critt-iaa-paca.com/uploads/documents/Nutrition/Rgt_116_2010_alleg_nut.pdf

[4] Directive 80/777/CEE du Conseil du 15 juillet 1980 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’exploitation et la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1980L0777:20031120:FR:PDF

[5] Règlement UE n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:136:0001:0040:FR:PDF

[6] Règlement UE n° 536/2013 de la Commission du 11 juin 2013 modifi ant le règlement UE n° 432/2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:160:0004:0008:FR:PDF

[7] EFSA. Water-soluble tomato concentrate (WSTC I and II) and platelet aggregation. http://www.efsa.europa.eu/de/efsajournal/doc/1101.pdf

Références

d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé.L’allégation relative à la réduction d’un risque de maladie est définie comme toute allégation de santé qui affirme, suggè re ou implique que la consommation d’une caté-gorie de denrées alimentaires, d’une denrée alimentaire ou de l’un de ses composants réduit sensiblement un facteur de risque de développement d’une maladie humaine. Au sein de ce groupe sont distinguées les allégations fonctionnelles génériques (visées à l’article 13.1 du règlement), et les nouvelles allégations de santé (visées aux articles 13-5 et 14 du règlement) [1].

F Les allégations fonctionnelles génériques sont celles qui font référence :• au rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans

la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme ;

• aux fonctions psychologiques et comportementales ;• à l’amaigrissement, au contrôle du poids, à la réduc-

tion de la sensation de faim, à l’accentuation de la sensation de satiété ou à la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire.

Les États membres ont transmis, fin janvier 2008, leur propre liste à la Commission européenne afin qu’elle établisse, après avis de l’Efsa, une liste d’allégations autorisées. Sur les 44 000 demandes d’allégations, deux règlements en date de mai 2012 et juin 2013 ont, au final, retenu 230 allégations santé possibles [5,6].La liste précise le libellé de l’allégation autorisée, les conditions d’utilisation et, le cas échéant, toute

condition ou restriction d’utilisation et/ou avertissement supplémentaire.

F Les nouvelles allégations de santé sont relatives soit à la fonction, soit à la réduction d’un risque de mala-die ou se rapportent au développement et à la santé infantile. Les articles 13-5 et 14 du règlement instaurent un contrôle a priori avant commercialisation de ce type d’allégation [1].

F L’article 13-5 du règlement européen vise les nou-

velles allégations relatives à la fonction, c’est-à-dire celles qui sont basées sur des preuves scientifiques nouvellement établies ou qui contiennent une demande de protection des données qui seront la propriété exclu-sive du demandeur pendant cinq ans. Dans ce cas, les industriels sont tenus de fournir les preuves scientifiques justifiant l’allégation proposée par le produit. C’est dans ce cadre que certains, tels que Danone, ont décidé de procéder au retrait de leurs dos-siers Activia® et Actimel®.À l’heure actuelle, sur 48 demandes, très peu ont reçu un avis positif. Par exemple, un concentré de tomates hydro-soluble a obtenu l’allégation “aide à maintenir une agrégation plaquettaire” [7].

F L’article 14 du règlement européen vise les allé-

gations relatives à la réduction d’un risque de mala-

die et se rapportant au développement et à la santé infantile. Dans ce cadre, les demandeurs sont tenus de fournir les preuves scientifiques justifiant l’allégation proposée. Sur 268 dossiers déposés, seule une dou-zaine d’allé gations a été autorisée : “réduction du risque de carie dentaire” pour un chewing-gum au xylitol ; “effets hypocholestériolémant” pour les phytostérols et phyto stanols ; “contribue au bon développement cogni-tif de l’enfant” pour le fer et “contribue à la bonne crois-sance des enfants” pour l’iode.

Le cas particulier des plantesLors de cette évaluation, la majorité des allégations santé relative aux plantes a été retirée du processus et mise en attente.En effet, avec les mêmes critères que ceux appliqués aux vitamines et minéraux, ainsi que les études cliniques demandées, les allégations relatives aux plantes n’au-raient eu aucune chance de prospérer. La Commission européenne a donc pris la décision de reporter à une date ultérieure l’examen, par l’Efsa, de ces allégations.L’option qui se profilerait actuellement serait de recon-naître la particularité des plantes en prenant en compte l’usage traditionnel, et de proposer une révision de la réglementation des plantes dans les aliments en incluant les notions de qualité et de sécurité.Le débat se poursuit actuellement et l’évaluation des plantes est toujours bloquée en attente de décision de Bruxelles. w

Encadré 1. Exemples d’allégations nutritionnelles

F “Source d’acide gras oméga 3” : une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source d’acide gras oméga 3, ou toute allégation susceptible d’avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être envisagée que si le produit contient au moins 0,3 g d’acide alphalinolénique pour 100 g et 100 kcal, ou au moins 40 mg d’acide eicosapentaénoïque et d’acide docosahexénoïque combinés pour 100 g et 100 kcal.

F “Pauvre en sodium”, “pauvre en sel” : une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est pauvre en sodium ou en sel, ou toute autre allégation susceptible d’avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être possible que si le produit ne contient pas plus de 0,12 g de sodium ou de l’équivalent en sel par 100 g ou par 100 mL. En ce qui concerne les eaux autres que les eaux minérales naturelles relevant du champ d’application de la directive 80/777/CEE [4], cette valeur ne devrait pas être supé-rieure à 2 mg de sodium par 100 mL.