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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES
ET GESTION
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
Formation : Régulation
La régulation des télécommunications au Sénégal
THESE
POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIVE Présentée et soutenue publiquement le 17 novembre 2012
Par Baye Samba DIOP
JURY Président : Isaac Yakhoba NDIAYE, Agrégé en droit privé, Vice Président du Conseil Constitutionnel, Professeur titulaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques.
Membres : MM. NDiaw DIOUF, Agrégé en droit privé, Professeur titulaire, Doyen de
la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques. Abdoulaye SAKHO, Agrégé en droit privé, Directeur de l’Ecole
Doctorale Sciences Juridiques, Politiques, Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Directeur de thèse). Mbissane NGOM, Maitre de conférences Agrégé, Directeur Adjoint de l’Unité de Formation et de Recherche de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Alex Louis Gabriel CORENTHIN, Maitre Assistant, Département Génie Informatique de l’Ecole Supérieure Polytechnique, Directeur des Systèmes d'Informations de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.
2
La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Celles-ci sont propres à leur auteur.
3
SOMMAIRE
(Un plan détaillé figure à la fin de l’ouvrage)
PREMIERE PARTIE :
L’EXISTENCE D’UN CADRE JURIDIQUE PERMETTANT
L’ACTIVITE DE REGULATION
TITRE PREMIER : LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL DE
LA REGULATION
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE NORMATIF DE LA REGULATION
CHAPITRE II : LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION
TITRE II : L’ACTIVITE DE REGULATION AU SENEGAL
CHAPITRE PREMIER : L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE
CHAPITRE II : L’ACTIVTE DE REGULATION EX POST
4
DEUXIEME PARTIE :
DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL
TITRE PREMIER : AMELIORATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA
REGULATION
CHAPITRE PREMIER : AMELIORATION DU CADRE NORMATIF
CHAPITRE II : AMELIORATION DU CADRE INSTITUTIONNEL :
MISE EN PLACE D’UNE REGULATION CONVERGENTE ET
INDEPENDANTE
TITRE II : L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION
CHAPITRE PREMIER : AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE
REGUALTION EX ANTE
CHAPITRE II : AMELIORATION DE LA REGULATION EX POST
5
DEDICACES
Je dédie ce travail à Serigne Saliou MBACKE.
6
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail scientifique est
une étape dans l’évolution d’un apprenti
chercheur. De l’école primaire à l’université, que
tous ceux qui ont contribué à ma formation
trouvent ici l’expression de ma gratitude.
Dans le cadre de ce processus, j’ai connu des
professeurs d’ici et d’ailleurs, parmi lesquels le
Professeur Abdoulaye SAKHO. C’est un honneur
et un bonheur de recevoir ses enseignements.
Je souhaiterais également remercier tous mes
collègues de l’’ARTP, mes parents et amis.
7
PRINCIPALES ABREVIATIONS
A.A.I : Autorité administrative indépendante
A.D.S.L: Asymmetric Digital Subscriber Line
AFF : Affaire
AJDA : Actualités juridiques – Droit administratif
Al : Alinéa
API : Application program interface (interface de programmation)
Art: Article
ARMP: Agence de Régulation des Marchés Publics
ARTP : Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes
AU : Acte Uniforme
BF : Bande de Fréquence
BLR : Bande Latérale Résiduelle
BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
BM : Banque Mondiale
BOCCRF : Bulletin Officiel Consommation Concurrence Répression des
Fraudes
Bull. : Bulletin
C.A : Cour d’Appel
CAGR : Compound Annual Growth Rate (taux composé annuel moyenne)
C.civ : Code Civil
CA : Cour d’appel
CE : Conseil d’Etat
8
CCC : Comité Consultatif de la Concurrence (de l’UEMOA)
CNRA : Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel
CE : Commission européenne
CEDEAO : Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest
CEI : Communauté des Etats Indépendants
CEM : Compatibilité Electromagnétique
Cf. : Confer
CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes
Chr.: Chronique
CNC: Commission Nationale de la Concurrence (du Sénégal
C/ : Contre
CMR : Conférence Mondiale des Radiocommunications de l’UIT.
CPR : Configuration de Planification de Référence
COCC : Code des Obligations Civiles et Commerciales
Coll. : Collection
Conc. : Concurrence
Cons. : Considérant
Consom. : Consommation
CPC : Code de Procédure Civile
CRSE : Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (au Sénégal)
CS : Cour Suprême
CRR : Conférence Régionale des Radiocommunications
CS : Cour Suprême
9
DAB : Digital Audio Broadcasting
D. : Dalloz
Dir. : sous la direction de
DN : Dividende Numérique
DVB : Digital Video Broadcasting
éd. : Edition
FMI : Fonds Monétaire International
FNF : Fichier National des Fréquences
GAJA : Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative
ISDB-T: Integrated System Digital Broadcasting – Terrestrial
Ibid. : « du même article »
Idem : « du même auteur»
JCP : Jurisclasseur Périodique
JO : Journal Officiel (National ou de l’Union)
JOCE : Journal Officiel des Communautés Européennes
JORS : Journal Officiel de la République du Sénégal
LTE: Long Term Evolution
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
LPA : Les Petites Affiches
10
MAQ : Modulation d’Amplitude en Quadrature
MFN: Multiple Frequencies Network
MMDS: Multichannel Multipoint Distribution Services
MPEG: Moving Picture Expert Group
MPTS: Multiple Program Transport Group
NAL: Network Abstraction Layer
NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
NCPC : Nouveau Code de Procédure Civile
OAPI : Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique
ODSENT : Organisation des distributeurs de services numériques et de
télécommunications
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
OFDM: Orthogonal Division Frequency Multiplexing
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONECCA : Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agréés
ONU : Organisation des Nations Unies
OSIRIS : Observatoire sur les Systèmes d'Information, les Réseaux et les
Inforoutes au Sénégal
PES: Packetized Elementary Stream
PMR: Public Mobile Radio
QPSK: Quaternary Phase Shift Keying
11
RFU : Réseau à Fréquence Unique
RMF: Réseau Multifréquence
RDA : Revue de Droit Administratif
RDP : Revue de Droit Public
Rec. : Recueil
Rev. : Revue
Rev. Cont. Conc. Cons. : Revue Contrat, Concurrence, Consommation
RCES : Revue du Conseil Economique et Social
RIDE : Revue Internationale de Droit Economique
RMCUE : Revue du Marché Commun de l’Union Européenne
RTDC : Revue Trimestrielle de Droit Civil
RTD. Com. : Revue Trimestrielle de Droit Commercial
RTDE : Revue Trimestrielle de Droit Européen
SFN: Single Frequency Network
SPTS: Single Program Transport Stream
T. : Tome
TC : Tribunal des Conflits
TCE : Traité des Communautés Européennes
TIC : Technologies de l ’Information et de la Communication
TMP : Télévision Mobile Personnelle
TNT : Télévision Numérique Terrestre
TS : Transport Stream
TVHD : Télévision à Haute Définition
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
12
UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine
UNIDROIT : International Institute for the Unification of Private Law
UHF : Ultra High Frequency
UIT : Union Internationale des Télécommunications
UIT-R : Union Internationale des Télécommunications/ Secteur des
Radiocommunications
USD: Dollar des Etats-Unis
VCEG: Video Coding Experts Group
VCL: Video Coding Layer
VHF : Very High Frequency
V. : Voir
V. / vol. : Volume
2G : Réseau ou service mobile de deuxième génération
3G : Réseau ou service mobile de troisième génération
4G : Réseau ou service mobile de quatrième génération
13
INTRODUCTION GENERALE
14
« Le juriste qui ne sait que du droit ne connaît pas le Droit. Pour comprendre
le sens, apprécier sa valeur et déterminer la portée d’une règle de droit, il faut
recourir aux méthodes d’analyse et aux sciences qui permettent de connaître
les phénomènes qui l’ont engendrée, ceux qui en conditionnent l’application,
et ceux dont elle va provoquer l’apparition. Il convient aussi de maîtriser les
techniques opérationnelles et les processus logiques proprement juridiques qui
forment le second volet de la connaissance, cette didactique par laquelle le
savoir se transmet »1.
1Champaud, Le droit des affaires, Paris PUF, « Que sais-je ? » n°1978, cité par Abdoulaye Sakho, Les groupes
de sociétés en Afrique : Droit, pouvoir et dépendance économique, Dakar, Karthala CRES, 2010, p. 21.
15
Les télécommunications constituent un secteur essentiel de l’économie du
Sénégal dont le contexte est évolutif (I). Mais une étude de ce secteur appelle
une bonne compréhension des concepts qui ne sont pas souvent familiers aux
juristes (II). Celle-ci permettra de bien délimiter le sujet (III) et de bien poser la
problématique (IV). Cette dernière doit nous permettre d’atteindre des objectifs
précis (V), grâce à une méthodologie empruntée aux juristes et à d’autres
spécialistes de sciences sociales (VI), à travers un plan binaire (VII).
I/ LES CONCEPTS
Le Dictionnaire « Petit Larousse » définit la communication comme étant
« l’ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion de messages
écrits ou audiovisuels auprès du public plus ou moins vaste et hétérogène »2.
Cette définition de la communication met en exergue deux critères, à savoir : le
moyen et la finalité. Elle a l’avantage de provoquer la sensation d’observer le
processus historique qui a débouché sur l’utilisation des moyens de
communication d’aujourd’hui.
Bien avant les télécommunications, le tam-tam a été utilisé comme instrument
de communication entre autres. Mais le génie de l’homme permettant la création
d’instruments de communication s’est manifesté sous différentes formes
jusqu’à l’avènement des télécommunications modernes.
2 Le petit Larousse, Paris, 100 ème édition Larousse, 2005, p. 271.
16
Les télécommunications sont définies par l’article 2 du Règlement
des télécommunications internationales comme étant « toute
transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d’écrits,
d’images de renseignements de toute nature par fil, radioélectricité,
optique ou autres systèmes électromagnétiques »3.
Le mot télécommunication vient du préfixe grec tele, signifiant loin, et du
latin communicare, signifiant partager. Il a été utilisé pour la première fois en
1904 par Édouard Estaunié, ingénieur des Postes et Télégraphes, directeur de
1901 à 1910 de l'Ecole Professionnelle des Postes et Télégraphes de Paris4, dans
son Traité pratique de télécommunication électrique5.
Les télécommunications ne sont pas considérées comme une science mais
comme des technologies et techniques appliquées.
L’histoire des télécommunications, comme celle de toutes les techniques,
est marquée par son environnement politique et social, en même temps que
l’évolution des connaissances. Elle connaît des avancées et des blocages, au
rythme de l’un et de l’autre.
Les débuts des télécommunications remontent à la fin du XVIIIe siècle, avec le
télégraphe optique6. Pendant tout le XIXème siècle, et jusqu’à la guerre de
1914-1918, la communication est d’abord un instrument de pouvoir. Cependant,
une certaine ouverture économique apparaît. Elle est lente et durera jusqu’à la
seconde Guerre Mondiale. T. Stourdzé a caractérisé cette période comme « la
3 Actes finals de la conférence administrative mondiale télégraphique et téléphonique de Melbourne
« Règlement des télécommunications internationales », Genève, édition UIT 1989, p. 5. 4 C’est l’ancêtre de l'École nationale supérieure des télécommunications de Paris. 5http://www.techno-science.net (page consultée le 8 novembre 2010). 6 Catherine Bertho Lavenir Les grandes découvertes des télécommunications, Paris, éditions Romain 1991, p.
2.
17
lente agonie du monologue », conduisant à un téléphone de « notable »7. Il faut
attendre la seconde moitié du XXème siècle pour que les télécommunications
deviennent accessibles aux masses, sous l’autorité de l’Etat, avant que les lois du
marché ne l’emportent8.
Ce secteur connaît une forte croissance depuis les années 19809 grâce aux
progrès technologiques réalisés dans certains domaines, à savoir:
Les mathématiques : le traitement du signal10, la cryptographie11, la
théorie de l'information et le numérique ;
La physique : l'électromagnétisme12, les semi-conducteurs13,
l'électronique14 et l'optoélectronique ; 7 Au sortir de la première guerre mondiale, le télégraphe demeure le principal moyen de communication pour les
usages officiels ou professionnels. Le téléphone est essentiellement un système manuel, objet de luxe pour
quelques riches citadins, mais déjà apprécié des responsables économiques. 8 A. JIPP, « Richesse des nations et densité téléphonique », in Journal des Télécommunications, pp. 199 à 201. 9 Dominique Desbois, « Enjeux économiques de la réglementation sur les infrastructures des
télécommunications », in Terminal, 68, 1995, pp. 31 à 44. 10 Le signal est une grandeur mesurable qui véhicule une information. Le traitement du signal est une procédure
pour extraire l’information, la mettre en forme, afin de faciliter sa reconnaissance ; Serge Sanou « Cour de
bases de l’électronique », Ouagadougou, Formation Badge Télécoms, 2012. 11 L’article premier de la loi sénégalaise 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie définit la cryptographie
comme l’étude des moyens et produits de chiffrement permettant de rendre illisible des informations afin de
garantir l’accès à un seul destinataires authentifiés.
12 L'électromagnétisme est la branche de la physique qui étudie le champ électromagnétique et son interaction
avec les particules dotées d'une charge électrique.
Le concept de champ électromagnétique a été forgé au XIXe siècle pour décrire de manière unifiée les
phénomènes électriques et magnétiques. Des phénomènes tels que l'induction montrent en effet que les champs
électrique et magnétique sont liés :
un champ magnétique variable engendre un champ électrique ;
un champ électrique variable est source d'un champ magnétique. Voir http://www.escio.net/electromag/.
Page consultée le 12 juin 2011.
18
L’informatique : le génie logiciel et la diffusion de la micro-
informatique ;
La chimie : réaction d'oxydoréduction (miniaturisation et autonomie
prolongée des batteries des appareils portatifs).
Dans une première période, l’histoire des télécommunications se présente
comme la succession de réseaux techniques. De la fin du XIXème siècle aux
années 1950, ils se sont juxtaposés sans s’annuler et se substituer les uns aux
autres. Les grandes étapes techniques de ce processus peuvent se présenter ainsi.
A la télégraphie optique ou aérienne (à partir de 1795/1800), a succédé la
télégraphie électrique (à partir de 1840/1850)15. A partir de 1850/1860, le
réseau s’est mondialisé. La création des premiers réseaux téléphoniques (à partir
de 1880)16 et l’essor des liaisons radioélectriques (à partir de 1910) ont marqué
un tournant essentiel dans l’histoire des télécommunications.
L’innovation majeure qui marque ce tournant est la triode de Lee de Forest en
1906. Les techniques se sont accélérées avec :
- un réseau “longue distance” ;
- une commutation automatique/électromécanique (à partir de 1920) ;
- un réseau de radiodiffusion à partir de 1920/1930 ;
- une naissance de la télévision à partir de 1930/1940. 13Un semi-conducteur est un matériau qui a les caractéristiques électriques d'un isolant, mais pour lequel la
probabilité qu'un électron puisse contribuer à un courant électrique, quoique faible, est suffisamment importante.
En d'autres termes, la conductivité électrique d'un semi-conducteur est intermédiaire entre celle des métaux et
celle des isolants. 14 L’électronique est l’ensemble des techniques qui utilisent des signaux électriques pour capter, transmettre et
exploiter une information ; SANOU Serge, op.cit. 15 Louis-Joseph Libois, Genèse et croissance des télécommunications, Paris, éditions Masson 1983, pp. 23 à
29. 16 François Du Castel, France télécom, Les télécommunications s, Paris, éditions X.A Descours, Berger-
Levrault International 1993, pp. 30 à 32.
19
Les premières réalisations efficaces, durables, et surtout la mise en place d’un
réseau cohérent, sont dues à un Français du nom de Claude Chappe17. Sur le
plan technique, il s’agit tout simplement d’un système proche des sémaphores.
Ce qui caractérise le réseau Chappe, premier réseau moderne de
télécommunications, c’est qu’il est codé18 le long d’un parcours et il permet
l’échange. C’est un réseau dont les fins sont essentiellement militaires et qui est
intimement lié à l’histoire des guerres révolutionnaires.
Le télégraphe aérien fit rapidement la preuve de ses limites. C’est de
l’électricité qu’allaient naître les télécommunications modernes : permanentes et
universelles. Les grandes lignes de cette histoire sont globalement connues. En
effet, c’est la radioélectricité qui a permis le développement de l’électricité.
Cette innovation peut être considérée comme l’amorce d’un nouveau système
technique. A partir de son invention et pendant trente à quarante ans, s’est
accompli un important processus de développement. Expériences pratiques et
avancées théoriques s’enchaînèrent et se répandirent dans un dialogue constant.
Or, si la radioélectricité est dans l’histoire de la télégraphie un élément essentiel,
la découverte fondamentale, celle qui a réellement ouvert la voie à la télégraphie
électrique fut celle de l’électroaimant.
17 Fils de savant, Claude Chappe se destinait à l’état ecclésiastique et faisait ses études dans un séminaire, alors
que ses frères fréquentaient un pensionnat voisin disposé de telle sorte qu’il était possible d’échanger des
signaux entre les deux établissements. Claude Chappe imagina de communiquer avec ses frères à l’aide de
signaux transmis par un appareil formé de trois règles en bois. Les choses auraient pu en rester là si la
Révolution n’avait pas privé Claude Chappe des privilèges qui lui permettaient de s’adonner librement aux
sciences. Alors, pensant à ses jeux d’enfant, il se mit à la recherche d’une véritable machine télégraphique.
Claude Chappe travailla en étroite collaboration avec ses quatre frères qui, notons-le en passant, se consacrèrent
tous, eux aussi, à la télégraphie aérienne et furent, tous les quatre, administrateurs des télégraphes. Sur ce sujet,
voir Louis-Joseph Libois, op.cit. pp. 19 à 20. 18 Ce code s’apparente aux techniques de cryptographie : il fallait un dictionnaire pour décrypter les signaux et
que l’information qu’il transmet soit répétée.
20
Le télégraphe électrique ne fut pas l’invention d’un chercheur isolé mais
le résultat d’une convergence entre plusieurs travaux de théoriciens et
d’expérimentations pratiques19. L’Angleterre fut le premier pays à quitter le
stade de l’expérimentation. En 1837, Cooke et Wheatstone mirent au point un
télégraphe d’un fonctionnement encore complexe, toutefois beaucoup plus
simple et donc plus opérationnel que ce qui avait été proposé jusque-là20. Mais
cette période de démarrage fut caractérisée par le flou et l’hésitation. Sur le plan
technologique, il était encore question de tâtonnement dans la recherche de
meilleures solutions. Ce processus d’amélioration continuelle des solutions a
permis d’obtenir les techniques de télécommunication actuelles.
Les télécommunications utilisent plusieurs techniques telles que les liaisons de
télécommunication, les canaux de transmission, la radioélectricité, le traitement
du signal, les réseaux etc.
Une liaison de télécommunication comporte trois éléments principaux 21:
un émetteur qui prend l’information et la convertit en signal électrique,
optique ou radioélectrique ;
19 Avant même que le télégraphe optique n’ait quitté le stade de l’expérimentation, des recherches étaient
entreprises pour appliquer l’électricité au problème de la transmission à distance. Nous pouvons citer le
télégraphe installé par Lesage à Genève en 1774. Mais ce sont la pile de Volta et les découvertes d’Oersted et
Ampère sur l’électromagnétisme qui ouvriront la voie à la télégraphie électrique. La grande étape est évidement
le système de Samuel Morse. Sur ce sujet, voir la thèse de DURAND-BARTHEZ sur l’Union Internationales
des Télécommunications, thèse pour le Doctorat en droit, Université de Paris I-Panthéon – Sorbonne- Sciences
économiques-sciences humaines-sciences juridiques, 1979. Pages 2 et 3. Elle est disponible à la bibliothèque de
l’UIT à Genève ; mail : [email protected]. Je remercie Madame Kristine CLARA Directrice de la bibliothèque de
l’UIT pour sa disponibilité. 20Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed NIMAGA, Ingénieur des télécommunications, Abderhamane
DIALLO et Mamadou Lamine DIALLO, Oumar KANOUTE, Sada DIARRA, Amadou Daouda DIALLO Le
Grand Livre des Postes et Télécommunications du Mali (1960-2010), Bamako, éditions Comité de Régulation
du Mali, 2010, p. 432. 21 Voir la thèse de Tareck Bchini Gestion de la mobilité, de la qualité de service et Interconnexion des réseaux
mobiles de Nouvelles Génération, thèse en réseaux télécoms, Université de Toulouse, 10/06/2010.
21
une ligne de transmission, une fibre optique ou l'espace radioélectrique,
qui relie émetteur et récepteur ;
un récepteur qui reçoit le signal et le convertit en information utilisable.
Par exemple, en radiodiffusion, l’émetteur de radiodiffusion émet grâce à son
antenne la voix ou la musique qui passe dans l’espace sous forme d’ondes
électromagnétiques jusqu’au récepteur AM22 ou FM qui la restitue. Les liaisons
de télécommunication peuvent être monodirectionnelles, comme en
radiodiffusion ou télévision, ou bidirectionnelles, utilisant alors un émetteur-
récepteur. Quand plusieurs liaisons sont interconnectées entre plusieurs
utilisateurs, nous obtenons un réseau tel que celui téléphonique ou Internet.
Le canal de transmission est quant à lui une division d’un support de
transmission affectée à une liaison. Ainsi, dans le cas d’une radiodiffusion en
FM, une station émet à 96,1Mhz, une autre à 94,5Mhz. Ce qui est du au fait que
l’espace hertzien est réparti en fréquence et que chaque canal est affecté à un
émetteur, dans un multiplexage en fréquence. En communications numériques,
le multiplexage peut également être temporel ou par codes orthogonaux.
La radioélectricité concerne la transmission hertzienne, la propagation des
ondes, les interfaces avec l'émetteur et le récepteur par l'intermédiaire des
antennes. Dans un canal de transmission hertzienne, le signal porté par l'onde
22 AM désigne la modulation d'amplitude qui est la variation en amplitude d'un signal électrique haute fréquence
HF modulé par un signal électrique basse fréquence BF. Elle se traduit par l'adjonction à la fréquence porteuse
HF de deux bandes latérales (supérieure et inférieure qui transportent le signal audio. Cependant, la modulation
de fréquence ou MF ou FM est un mode de modulation consistant à transmettre un signal par la modulation de la
fréquence porteuse d'un signal . Nous parlons de modulation de fréquence par opposition à la modulation
d'amplitude. En modulation de fréquence, l'information est portée par une modification de la fréquence de la
porteuse, et non par une variation d'amplitude. www.techno-science.net, « encyclopédie scientifique », (page
consultée le 6 septembre 2011).
22
radioélectrique23 est atténué par la perte dans l'espace, les absorptions
atmosphériques, et dégradé par les diffractions et réflexions. L'analyse du bilan
de liaison inclut tous ces facteurs.
Les signaux de transmissions furent à l’origine analogiques comme la
musique, la voix ou l’image, ou numériques24 comme les fichiers ou les textes.
Un signal analogique peut également être converti en numérique. Un signal
analogique varie continûment alors qu’un signal numérique est une succession
d’états discrets, binaires dans le cas le plus simple, se succédant en séquences.
Le traitement du signal, pour l’adapter au moyen de transmission et le restituer
après réception, nécessite l’utilisation de techniques de codage, de modulation,
de compression et leur inverse à la restitution. Ces traitements sont de plus en
plus numérisés, à l’exception de la modulation.
Le signal après passage dans le média de transmission est entaché de bruit qui
dégrade la qualité. Il doit être filtré en analogique ou subir des algorithmes de
correction en numérique. Un avantage des transmissions numériques est la
correction totale du bruit au-dessus d’un seuil.
Un ensemble d’émetteurs et de récepteurs qui communiquent entre eux est un
réseau.
23 L’article premier du Règlement des radiocommunications définit les ondes radioélectriques ou ondes
hertziennes comme des ondes électromagnétiques dont la fréquence est par convention inférieure à 3000Ghz, se
propageant dans l’espace sans guide artificiel. Voir UIT Règlement des Radiocommunications, Genève,
éditions de 2008, p. 7. 24 Voir Thierry Pénard ; Sophie Larribeau, Économie des télécommunications et de l’Internet, Rennes,
Université de Rennes 1. CREREG. Centre de recherche rennais en économie et gestion. France, 2003. (En ligne :
//perso.univ-rennes1.fr/thierry.penard/dess.htm. Page consultée le 12 juin 2011).
23
Le mot réseau vient du latin retiolus qui signifie petit filet et a comme
diminutif retis, qui désigne filet. Un réseau est un ensemble d’éléments de
même nature reliés les uns aux autres25.
Un réseau de télécommunication, d’un point de vue technique, est défini
comme une infrastructure de transmission partageable par l’ensemble des
récepteurs et émetteurs potentiels ou l’interconnexion d’équipements
complémentaires, coopérant entre eux afin de transporter des flux
d’informations et d’acheminer ces flux d’une origine vers une
destination26. L’idée de partage, de mise en commun et de coopération, est
centrale dans la notion de réseau27. De même que nous ne pouvons imaginer
que chaque utilisateur potentiel du chemin de fer puisse se faire construire une
ligne personnelle. Nous ne voyons pas non plus l’intérêt de bâtir un réseau de
lignes téléphoniques reliant deux à deux tous les abonnés. Il faut en fait, ne
serait-ce que pour des raisons économiques, concevoir un réseau partageable
dans l’espace, en reliant plusieurs terminaux ou abonnés à un même canal, et
dans le temps, éviter d’affecter le même canal successivement à plusieurs
utilisateurs.
D’un point de vue économique, le réseau est un ensemble organisé d’unités
productives partiellement séparables28. Chaque unité est capable d’offrir un bien
ou un service mais c’est bien la structure qui les relie « qui donne une forme aux
relations entre les agents, comme des trames qui polarisent ces relations »29. 25 Dictionnaire le Petit Larousse, Paris 100ème édition 2005, p. 125. 26 Jean-Paul Goulvestre, Economie des télécoms, Paris, éditions Hermès 1996, p. 15. 27 Voir sur cette question la thèse de Vladimir Bulatovic, Les enjeux économiques des réseaux de
télécommunications, Thèse en Sciences Economiques, Université d’Orléans, 12 mai 2004. 28 Thierry Pénard, Principes économiques des réseaux, Rennes, Université de Rennes 1. Faculté des Sciences
économiques. France, 2007. (En ligne : http://perso.univ-rennes1.fr/thierry.penard/M2SR.htm. Page consultée le
18 février 2011). 29 Nicolas Curien & M. Gensollen, Economie des télécommunications : ouverture et réglementation, Paris,
Economica, collection ENSPTT, Paris 1992, p. 13.
24
Ainsi, il contribue directement au façonnage des structures de marchés en
agissant sur les coûts de transaction et en améliorant, par exemple, leur
coordination, voire leur intégration comme dans le cas des marchés financiers
internationaux.
Donc, l’établissement d’un réseau de télécommunication permet d’offrir des
services dans le secteur des télécommunications.
Le secteur des télécommunications a longtemps été caractérisé par une
grande stabilité, un cloisonnement par rapport aux autres secteurs de l’économie
et une dimension strictement nationale. Son cloisonnement se concrétisait par
des technologies analogiques spécifiques, ainsi que par une organisation en
monopoles nationaux, les aspects internationaux étant abordés sous forme
d’accords bilatéraux entre ces monopoles.
Comme l’a démontré Pierre Vialle30, ces caractéristiques ont été remises en
cause par l’adoption de technologies issues de l’électronique et de
l’informatique, notamment la numérisation des signaux et l’utilisation de plus en
plus intensive de logiciels. L’adoption d’une nouvelle base technologique,
accompagnée d’innovations technologiques plus spécifiques à ce secteur,
comme la fibre optique, a entraîné plusieurs conséquences.
D’abord, elle met fin à l’isolement technologique du secteur au profit de la
convergence. En effet, le langage numérique est devenu un langage universel
adopté par de nombreuses industries utilisant auparavant des technologies
analogiques propres.
D’une part, cela permet aux opérateurs d’étendre leur offre
traditionnellement axée sur la voix, à d’autres types de signaux, à savoir les
données et l’image. 30 Pierre Vialle, Stratégie des opérateurs de télécoms, Paris, éditions Hermès février 1998, pp. 13 à 14.
25
D’autre part, des entreprises maîtrisant cette base technologique, plus
particulièrement au sein du secteur informatique31, ont la possibilité d’entrer
dans ce secteur pour valoriser leurs compétences. Avec l’adoption du mode
numérique, les acteurs de l’audiovisuel sont maintenant, eux aussi, concernés.
Ensuite, l’adoption d’une nouvelle base technologique a des conséquences
économiques déterminantes. En premier lieu, elle annule partiellement l’effet
des investissements effectués dans les anciennes technologies, et permet donc
l’entrée de nouveaux concurrents, à l’instar des marchés britanniques et
américains, ou de pays en voie de développement incapables de financer de
nouveaux investissements32.
En deuxième, elle modifie sensiblement les caractéristiques économiques
des réseaux, sous un angle nouveau : la question du monopole naturel.
Et enfin, elle se traduit par une extension et une différenciation des
services proposés, ce qui accroît le rôle structurant des télécommunications pour
la production et les échanges économiques33.
De plus, les différentes évolutions technologiques ont incité les Etats à
ouvrir progressivement leur marché des télécommunications, par des politiques
de segmentation. Ce mouvement qui atteindra son point culminant avec la
libéralisation générale des marchés n’est pas sans corrélation avec un
31 Voir la thèse de François Horn, L’économie de l’informatique à l’économie du logiciel, Thèse en économie,
Université des Sciences et technologiques de Lille, Faculté des Sciences Economiques et Sociales, 2000. 32Pavlic Breda, Cees J. Hamelink, 1985, Le nouvel ordre économique international : économie et
communication, Paris, Unesco, (unesdoc.unesco.org/image/0013/001343/134363fo.pdf ; page consultée le 18
février 2011). 33 La contribution du secteur des télécommunications au Sénégal est estimée à 7% du PIB. En 2009, la
contribution du secteur des télécommunications à l’économie nationale est estimée à 418 milliards de FCFA, soit
6,9% du PIB. En 2015, le pourcentage devrait atteindre 15% du PIB. Voir le rapport de OXFORD BUSINESS
GROUP “The report: Senegal 2011”, p. 94, (en ligne au www.oxfordbusinessgroup.com/country/senegal. Page
consultée le 2 septembre 2011).
Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Français (France)
26
mouvement plus général de diffusion du libéralisme économique dans le monde
à l’échelle globale.
Cette dynamique mondiale de l’économie des télécoms exclue-t-elle l’Afrique,
particulièrement le Sénégal ?
II/ LE CONTEXTE
Le Sénégal est un pays francophone d’Afrique, membre de la CEDEAO.
Le propre de la CEDEAO est de regrouper, en son sein, des traditions juridiques
différentes, principalement anglophones et francophones. C’est pourquoi il est
nécessaire de connaître le contexte de l’avènement des services de
télécommunication en Afrique (A) et en France pour mieux comprendre leur
évolution dans l’espace francophone (B). Et compte tenu du caractère de la
CEDEAO, il est aussi utile d’examiner le contexte des télécommunications aux
Etats-Unis (C), au Royaume-Uni (D) ; deux principaux modèles qui ont inspiré
les télécommunications dans les pays anglophones membres de la CEDEAO.
L’analyse de ces modèles permettra de mieux comprendre le contexte des
télécommunications au Sénégal (E).
A/ L’avènement des télécommunications en Afrique
L’avènement des services de télécommunication en Afrique date de la
période coloniale34.
34 C’est ce qui explique d’une part les accords qui existent entre France Câbles et Radio et les opérateurs
historiques des pays d’Afrique. Par exemple, au Tchad, les télécommunications sont héritées de l’Office
Equatorial des Postes et Télécommunications. Les activités des Postes et Télécommunications du Tchad étaient
érigées après l’indépendance en un service des Postes et Télécommunications placé sous la tutelle du Ministère
des Finances. Ce service a existé jusqu’en 1976, date à laquelle furent créées l’Office National des Postes et
Télécommunications (ONPT) et la société des Télécommunications Internationales du Tchad (TIT). Le 18 Juillet
1975, un protocole relatif à la création de la Société des Télécommunications Internationales du Tchad est signé
entre le Gouvernement tchadien et la Compagnie France Câbles et Radio.
27
La construction d’infrastructures de télécommunication à cette époque,
initialement celle des lignes télégraphiques et téléphoniques puis des câbles
sous-marins, a répondu à un triple besoin : administration du territoire à partir
de la métropole35 (communication avec les commandants de cercle), exploitation
des ressources naturelles (que le train permettait d’évacuer vers les côtes et dont
les télécommunications permettaient, elles aussi, d’organiser l’exploitation) et
assujettissement des populations à la merci de l’administration coloniale. C’est
ce qui explique le caractère extraverti des réseaux de transport, de
communication et de télécommunication pendant la période coloniale36. Les
communications intra-africaines devaient transiter par Paris avant d’être
redirigées vers le pays voisin.
Les nœuds d’interconnexion desservaient « les régions utiles » que sont le
Sénégal et la Côte d’Ivoire. Ces régions étaient les zones qui présentaient des
ressources minières ou agricoles essentielles pour le Colonisateur.
Ces infrastructures étaient financées par le Fonds d’Investissement pour le
Développement Economique et Social (FIDES). Le Sénégal, abritant la capitale
de l’Afrique occidentale française à l’époque, s’est attribué la plus large part.
Lorsque la résistance armée des royaumes africains de jadis fut anéantie en
Afrique occidentale française, la France nomma un gouverneur général basé à
Dakar en 189537. Ce dernier représentait l’administration coloniale au Sénégal,
en Côte d’Ivoire, au Niger, au Dahomey et en Guinée. Ces Pays disposaient
d’une administration des postes et des télégraphes, distincte, organisée sous le
35 Omar KANE L’organisation des télécommunications au Sénégal, Paris, édition Karthala, février 2010, pp. 28
à 34. 36 Cette extraversion est similaire à celle identifiée par Harold Innis (1972) dans l’ancienne colonie britannique
américaine. Avant la révolution américaine, ce mécanisme qualifié d’impérial par l’auteur, fait transiter toutes
les télécommunications par Londres, même quand elles concernent deux villes américaines très proches. 37 Voir Gerti Hesseling Histoire politique du Sénégal : institutions, droit et société, Paris Karthala, 1985.
28
régime des offices avec, chacun, une autonomie budgétaire. Mais
l’administration coloniale, sous la tutelle du gouverneur général Ernest ROUME
va recentrer les structures en une Inspection des Postes et Télégraphes de l’AOF.
Ce projecteur sur le processus de pénétration des télécommunications au
Sénégal révèle le caractère exclusivement étatique de l’offre des services de
télécommunication. Cette situation est l’application d’une position d’école de la
pensée économique d’alors, à savoir celle de l’économie publique traditionnelle.
Selon les théoriciens de cette pensée, l’Etat doit intervenir dans les secteurs
essentiels de l’économie en orientant les choix stratégiques de l’opérateur en
matière d’investissements et de technologies. Cette conception mercantiliste de
l’économie des réseaux soutenue par Colbert était relayée par P.A. Samuelson38
et d’autres. Selon eux, l’intervention de l’Etat se justifie par la nécessité de
corriger les défaillances du marché39.
Cette perception de l’économie publique traditionnelle est combattue
par l’un des ténors de l’économie libérale. A. Smith 40 soutient que l’Etat doit
se limiter à sa fonction d’Etat-gendarme, c'est-à-dire à la défense de la nation et
38 P.A Samuelson, The transfer problem and transport costs, II: Analysis of effect of trade impediments,
Economic Journal, Vol. 64, pp. 264-289. 39 La théorie économique a identifié trois sources de défaillance du marché à savoir :
- les biens publics. On distingue deux catégories de biens publics à savoir les biens publics « excluables », pour
lesquels on peut exclure un consommateur de l’utilisation (C’est le cas des télécommunications) ; les biens
publics « non excluables », pour lesquels on ne peut exclure un consommateur de l’utilisation. (C’est le cas de
l’air, relativement les routes qui ne sont pas à péage) ;
- les externalités qui sont les situations dans lesquels le comportement d’un acteur économique peut avoir des
conséquences positives ou négatives sur la situation des autres ;
- le monopole naturel qui est une situation dans laquelle il n’existe qu’un seul offreur et que l’entrée sur le
marché est extrêmement difficile voire impossible du fait des barrières à l’entrée. Voir à ce propos Phillip
BARBET, Imperfection des marchés et télécommunications : régulation et dérégulation, Ouagadougou, Cours
de Formation BADGE Télécoms, ARCEP Burkina Faso. 40 A. Smith Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Gallimard, 1976.
29
à l’administration de la justice. Mais, il reconnaît aussi que les biens et services
collectifs essentiels comme les routes, les ports, les canaux, etc., ne peuvent pas
être produits par le marché en raison de leur insuffisante rentabilité et
recommande à l’Etat de veiller à leur réalisation.
Les apôtres de l’économie industrielle ne sont pas muets dans ce débat.
Ils s’intéressent au comportement stratégique des entreprises et mettent en
évidence leurs différentes stratégies pour influencer, à leur avantage, les
politiques publiques. Ils considèrent, en effet, que l’Etat législateur n’est pas a
priori bienveillant et qu’il peut même être vénal, parce qu’il est soumis à
l’influence des groupes de pression.
Il ne peut être considéré, a priori, comme le garant de l’intérêt général. Le
législateur peut se mettre au service des intérêts des entreprises, aux dépens des
consommateurs et des contribuables, et le risque est d’autant plus grand que
l’information est asymétrique en sa défaveur. G. J. Stigler41 analyse la
réglementation comme un service échangé entre des offreurs (les décideurs
politiques et les fonctionnaires) et des demandeurs (les dirigeants des
entreprises), qui ne sont mus que par leurs intérêts privés.
Les offreurs de réglementation ont pour objectif leur réélection (pour les
politiques), ou leur embauche dans les industries réglementées. Les demandeurs
de réglementation, quant à eux, cherchent à se protéger de la concurrence.
Devant le risque inévitable de capture42 qui s’ensuit, certains auteurs préconisent
41 STIGLER G.J (1971) “The theory of economic regulation”, in Bell Journal of Economic and Management
Science, n° 2, pp. 3-21. 42 Selon certains auteurs, trois sources de capture du régulateur par des groupes d’intérêts sont identifiées : la
première est liée aux conflits entre influences externes (des groupes d’intérêts) et internes (du mandat politique)
sur les régulateurs ; la deuxième relève des conflits entre le pouvoir législatif et l’administration ; la troisième est
due aux modalités de comportement de l’administration. Voir Bertrand Quelin et Delphine Riccardi « la
Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)
Mis en forme : Anglais (États-Unis)
30
de limiter au maximum l’intervention étatique43. Cette pensée ne va pas tarder à
influencer les décideurs. Les processus de libéralisation du secteur des
télécommunications en France, aux Etats -Unis et au Royaume-Uni en sont de
parfaites illustrations.
B / Le contexte des télécommunications en France
Le cas de la France44est caractéristique des difficultés rencontrées, par les
PTT45en Europe, pour développer les réseaux de télécommunications.
Appartenant à la fonction publique, les PTT subissent, au même titre qu’une
administration dépensière, les rigueurs budgétaires ; de plus, elles n’ont pas
toujours disposé de l’accès aux financements qui auraient permis la satisfaction
de la demande solvable.
L’opérateur, à qui incombait la mise en œuvre de la politique industrielle du
gouvernement dans ce secteur, a dû souvent arbitrer entre la minimisation à
court terme de ses coûts d’approvisionnement et une action stratégique à plus
long terme de restructuration du secteur des équipementiers46. Le souci
d’exercer cette tutelle a souvent mené l’administration des PTT à privilégier une
croissance poussée par le progrès technique, plutôt que suscité les besoins de la
demande solvable. Il faudra attendre les lois du 26 juillet 199647 pour assister à
régulation nationale des télécommunications : une lecture économique néo institutionnelle », in Revue française
d’administration, 2004/1 n°109, p. 73. 43 Une partie de la doctrine considère que trop de régulation sectorielle risque de tuer la régulation. Voir .H.
Ungerer “15 years- A Short Look Back and into the future communications and Média”, Annual conference,
Dutch telecom society, The Hague, 23rd January 2003, COMP/C/2/HU/rdu, p. 9. 44 Laurence Bancel-Charensol Op. cit. , pp 165 -211. 45 Les PTT sont les entreprises des postes et des télécommunications. 46 Herbert Mails, « Droit des télécommunications : entre déréglementation et régulation, les transformations
récentes », in Actualité Juridique de Droit administratif, 20 mars 197, p. 213. 47 Voir les commentaires de Jacques Chevallier, RFDA 1996, p. 909.
31
un nouveau et spectaculaire bouleversement dans le système français des
télécommunications.
D’une part, elle ouvre l’ensemble des activités y compris la téléphonie
vocale du secteur à la concurrence.
D’autre part, en transformant, donc, France Télécom en société de droit
privé, le capital se trouve détenu en majorité par l’Etat.
Le secteur des télécommunications en France est-il distinct de celui des Etats-
Unis ?
C/ Le contexte des télécommunications aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis48, les services de télécommunication étaient fournis par des
entreprises privées monopolistiques astreintes à des obligations de service
universel et étroitement régulées. Comme le notent Robert Crandall et Leonard
Waverman, jusqu’au début des années 1960, l’entrée de concurrents dans le
secteur des télécommunications téléphoniques devait rester distincte du secteur
du câble de crainte que l’opérateur monopolistique des télécommunications ne
finisse par acquérir également un monopole sur le câble49. Dans ces pays,
jusqu’au début des années 1980, le contrôle de l’opérateur avait essentiellement
pour but de s’assurer que le monopole (privé) pratiquerait des prix équitables ou
non abusifs. Ainsi, elle visait non pas à introduire la concurrence dans le secteur,
mais principalement à limiter le taux de profit ou le taux de croissance des prix
pratiqués par l’opérateur privé.
Cependant, ce type de contrôle du marché s’est révélé insuffisant pour
garantir l’efficacité des opérateurs en cause, voire même contradictoire avec ce
souci d’efficacité. La nature du contrôle évolua lentement à partir du début des
48 Laurence Bancel-Carensol, op.cit., pp. 17-77. 49 Robert W. Crandall et Leonard Waverman, Liberalization, Deregulation and Private Networks :
Telecommunications Infrastructure, 1990 Contribution au Tokyo Club, Londres, septembre 1994.
32
années 1960, et cette évolution s’accéléra au tournant des années 1980.
L’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence s’est faite aux
Etats-Unis, principalement sous l’influence des plaintes déposées, soit devant la
Federal Communication Commission (FCC)50 qui a, de 1956 à 1982,
progressivement réduit le champ du monopole de l’opérateur public, soit devant
les juridictions ordinaires chargées du contentieux de la concurrence51.
Dès 1959, une première décision de la FCC 52ouvrait le marché de la
transmission longue distance par micro-ondes, et au début des années 1970,
diverses décisions de la FCC ouvraient le marché des services de téléphonie et
de transmission des données à longue distance. Tel est, en particulier, le cas de
la décision prise en 1969 par la FCC autorisant MCI53 à entrer sur le marché de
la transmission longue distance, puis des décisions prises à partir de 1971,
admettant de nouveaux entrants sur le segment des services privés sur lignes
dédiées. A partir de 1974, MCI décidait de s’attaquer au marché général de la
transmission longue distance et obtint une autorisation après une bataille
50 Voir l’analyse de Bruno Lasserre sur le rôle des régulateurs dans le processus d’introduction de la
concurrence, « Droit des télécommunications : entre déréglementation et régulation, l’Autorité de régulation des
télécommunications », in Actualité Juridique de Droit Administratif, 20 mars 1997.
51Voir l’article de Greald W. Brock, "Telecommunication policy for the information age from monopoly to
competition ", Harvard University Press, 1998.
52 Sur la succession des différentes étapes de l’ouverture de la concurrence aux Etats -Unis et le rôle joué par
Federation Communication Commission dans le processus, voir l’article de Jean Guy Ren, « Du monopole à la
compétition : la déréglementation au Canada et aux Etats -Unis », in Canadian Journal of Communication, vol.
25 n°4 2000, disponible en ligne au www.cjc-online.ca (page consultée le 19 septembre 2010). 53 MCI désigne Communication Corporation en anglais. C’est un opérateur télécom américain qui offre aux
entreprises et aux particuliers un portefeuille de services intégrés, comprenant des communications longues
distances et sans fil, des services de radiomessagerie, de messagerie, d’information, de sous -traitance ainsi que
des communications à l’échelle planétaire, y compris l’Internet.
33
juridique de trois ans contre la FCC54. Parallèlement, la FCC permettait, dès le
milieu des années 1970, la vente concurrentielle des équipements terminaux de
téléphonie.
Toujours en 1974, le département de la Justice américaine estimant, d’une
part, qu’ATT55 utilisait son pouvoir pour limiter la concurrence sur le marché
des équipements terminaux et, d’autre part, que la FCC n’avait pas les moyens
d’éliminer de tels abus, décidait de poursuivre ATT pour abus de position
dominante sur le fondement des dispositions du droit antitrust.
Cette voie devait aboutir, quelques années plus tard (en 1982), à la décision du
juge Green, (Modification of Final Jugement), obligeant ATT à se scinder en
huit sociétés (sept sociétés régionales de télécommunications locales et une de
téléphonie longue distance), interdisant par ailleurs à ces sociétés de s’intéresser
à la fabrication de terminaux56.
Ce mouvement de libéralisation des télécommunications reposait sur le
principe, qui avait été antérieurement adopté par la FCC, de la séparation des
acteurs sur les différents marchés. Elle permettait une réelle ouverture des
54 Voir à ce propos Philippe Le Cœur, « Un géant du téléphone américain», BILAN DU MONDE, p. 169,
EDITION 1998.
55AT&T est le plus grand fournisseur de services téléphoniques locaux et longue distance, de services sans fil et
de xDSL des États-Unis. Le siège social mondial d'AT&T est basé à Dallas, au Texas. Anciennement SBC
Communications, Inc., la compagnie a abandonné son nom commercial pour prendre la désormais célèbre
appellation AT&T et le symbole T sur le marché boursier (pour « téléphone ») après son acquisition de AT&T
Corporation en 2005.
Voir le mémoire d’Alex Serge VIEUX Bilan de la réglementation ou de la déréglementation aux Etats -Unis,
DESS 226, Paris Dauphine, 1999.
34
marchés des communications longue distance avec la permanence de monopoles
régionaux pour la téléphonie locale57.
Ce processus de libéralisation des télécommunications aux Etats -Unis est-il
différent de ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni ?
D / Le contexte des télécommunications au Royaume-Uni
Le processus britannique de libéralisation58des télécommunications a été
sensiblement différent de celui observé aux Etats-Unis. Le British
Télécommunications Act de 1981 a séparé la Poste des Télécommunications,
permettant au gouvernement britannique de donner des licences à des opérateurs
autres que British Telecom, d’ouvrir la concurrence dans le secteur des services
à valeur ajoutée et de libéraliser le régime des équipements terminaux.
En 1982, une licence a été octroyée à Mercury Communications Ltd59 pour
établir un réseau public de téléphonie fixe concurrent de celui de British
Telecom.
En 1983, le gouvernement britannique a annoncé qu’aucune autre licence
(que celle de Mercury), pour l’établissement de réseaux de télécommunications
entre postes fixes, ne serait octroyée jusqu’en 1990.
En 1984, une nouvelle loi (1984 Télécommunication Act) permettait la
privatisation de British60 Telecom et créait un nouvel organisme de régulation
indépendant, l’OFTEL.
57Greald W. Brock, "Telecommunication policy for the information age from monopoly to competition ", Harvard
University Press, 1998.
58 Laurence Bancel-Charensol, op.cit., pp.225-256. 59Mercury Communications est un opérateur de télécommunications en Grande-Bretagne. Il est créé en 1981
pour offrir le câble et les technologies sans fil en vue de concurrencer British Telecom (BT). Ce dernier a été
privatisé en 1984.
35
De 1985 à 1992, les autorités britanniques ont donc pris le parti de limiter
la concurrence en créant un « duopole ». Pour celles-ci, l’entrée d’un seul
concurrent (Mercury) face à l’opérateur historique paraissait être le moyen le
plus efficace pour réduire la puissance de marché de ce dernier. Elles
craignaient, en revanche, qu’une ouverture plus large à la concurrence ne
conduise les nouveaux entrants à s’entre-déchirer pour gagner des parts de
marché les uns sur les autres et à s’affaiblir mutuellement face à la puissance de
l’opérateur historique.
Que viennent faire les modèles de libéralisation des pays du Nord dans une
étude portant sur un pays en développement ?
E / Le contexte des télécommunications au Sénégal
En 1960, le Sénégal, à l’instar des autres pays de l’AOF,61 mit en place une
administration des postes et des télécommunications (OPT)62. En 1968, la
société « Télé Sénégal » est créée pour s’occuper, entre autres, des
communications internationales63 qui étaient gérées par France Câbles et Radio
(FCR). Quelques années plus tard, l’Etat du Sénégal adoptera la loi n° 72- 39 60 J-J Thiebault, « Une réforme nécessaire pour un développement de la concurrence loyale dans les
télécommunications britanniques », in communication et Stratégie, 1996, n°23, p. 199. 61 Le Mali a adressé à la Confédération Suisse des demandes d’adhésion à l’Union Internationale des
Télécommunications et à l’Union Postale Universelle, le 12 octobre 1960 (moins de trois semaines après la
proclamation solennelle de l’indépendance). Le 29 novembre 1960, les textes législatifs de création de l’Office
des Postes et Télécommunications du Mali sont adoptés. Voir Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed
NIMAGA, Ingénieur des télécommunications, Abderhamane DIALLO, Mamadou Lamine DIALLO, Oumar
KANOUTE, SADA DIARRA et Amadou Daouda DIALLO, op.cit., p. 23. 62Um Paul Noumba, « Public Entreprise in Sub- Saharan Africa », Washington D.C., World Bank, world Bank
Discussion Paper 1, 1993. 63 Annie Cheneau-Loquay, « Entre local et global, quel rôle de l’Etat africain face au déploiement des réseaux
de télécommunications ? Exemple du Mali et du Sénégal », in Afrique Contemporaine, 2001, pp. 36 -46.
36
relative aux télécommunications. En 1985, l’Office des Postes et des
Télécommunications du Sénégal voit le jour. Cette entreprise publique, qui
assurait jadis le monopole de l’Etat dans le secteur des télécommunications et
des Postes, était composée de deux démembrements qui s’occupaient
respectivement du service postal et du service des télécommunications.64
Par ailleurs, le Sénégal est, d’une part, un pays qui a inscrit, dans sa
Constitution, sa volonté de promouvoir l’Union africaine. D’autre part, c’est un
pays membre de la CEDEAO qui regroupe des pays anglophones et
francophones. Cette institution communautaire est génératrice de règles de droit
applicables à l’ensemble des Etats membres. Elle a pour objectif, entre autres, de
promouvoir l’intégration sous-régionale en favorisant particulièrement le
développement d’un marché commun65.
L’ensemble de ces pays appliquent actuellement des modèles économiques
largement inspirés par ceux connus dans ces pays du Nord précités66. Par
64 Jacques IYOK, « Les politiques de réformes des télécommunications au Sénégal », Dakar Association for
progressive communications, rapport disponible en septembre 2009 (http://www.osiris.sn. Page consultée le 27
octobre 2010). 65 Voir l’article 32 du traité révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993.
66 C’est ce qui justifie la ressemblance des modèles de régulation appliqués dans les pays francophones
d’Afrique. En effet, la comparaison des réformes intervenues au Sénégal et au Niger révèle une grande
similitude. Au Niger, c'est l'Ordonnance N° 59-103 du 4 juillet 1959 qui a fixé à titre provisoire les conditions
d'exploitation du service des Postes et Télécommunications au Niger. Le décret N° 59-104 du 4 juillet 1959 a
érigé ce service en un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " OFFICE DES
POSTES ET TELECOMMUNICATIONS " (O.P.T.). En 1970, la loi N° 70-18 du 27 août 1970 a transformé
l'O.P.T en un établissement public de l'Etat qui a fonctionné comme un établissement public à caractère
administratif. A la suite de la restructuration du secteur parapublic nigérien en 1986, l'Ordonnance N°88-042 du
30 juin est intervenue créant à nouveau un établissement à caractère industriel et commercial dénommé O.P.T.
Le décret N° 88-214 du 30 juin 1988 a approuvé les statuts de ce nouvel établissement. La politique de
libéralisation du secteur des télécommunications au Niger a été un processus long et progressif amorcé en 1996
par l’adoption de l’Ordonnance N°96-031 du 11 juin 1996 portant réglementation des télécommunications. Ce
texte consacrait pour la première fois la sortie d’un "paquet télécoms" du monopole hérité par l’exploitant public,
l’Office des Postes et Télécommunications (EX-OPT). Cette libéralisation allait se poursuivre avec l’adoption en
37
conséquent, nous pouvons constater en Afrique des caractéristiques de
l’application du libéralisme économique67.
Le processus de libéralisation au Sénégal, qui en est une illustration, forme avec
la privatisation et la régulation le schéma adopté.
La privatisation est le transfert à des actionnaires privés, de la propriété des
participations majoritaires détenues par l'Etat dans le capital d'une entreprise68. 1999 de l’Ordonnance N°99-045 du 26 octobre 1999 portant réglementation des télécommunications qui, tout en
abrogeant celle de 1996, consacrait expressément le principe de la liberté d’exercice des activités dans le secteur
des télécommunications au Niger ; Voir Malam Garba Abdou , « TRIBUNE LIBRE : La libéralisation totale du
secteur des Télécommunications au Niger : Quelles conséquences sur les cadres politique, institutionnel et
réglementaire ? » (http://www.csdptt.org/article319.html. Page consultée le 12 septembre 2011).
67 L’analyse du processus d’introduction de la concurrence dans les pays membres de l’UEMOA révèle un
rapprochement avec ce qui s’est passé dans les pays du Nord. Par exemple au Togo, jusqu’en 1986, les activités
de télécommunications étaient exploitées par une direction du ministère en charge des télécommunications.
De 1986 à 1990, l’exploitation des activités de télécommunication a été confiée à l’Office des postes et
télécommunications du Togo (OPTT) ;
En 1991, l’OPTT a été transformé en une société d’Etat soumise aux règles de gestion des sociétés privées.
En 1996, la déclaration de politique sectorielle retrace les grands axes du développement des secteurs, la
dissociation des fonctions de réglementation et d’exploitation, l’introduction d’un régulateur objectif et
indépendant ;
La même année, l’OPTT est scindée en deux sociétés d’Etat à savoir : la société des télécommunications du
Togo (Togo Télécom) et la Société des Postes du Togo (SPT) ;
En 1998, la loi sur les télécommunications consacrant la création de l’organe de régulation et l’ouverture du
secteur à la concurrence est promulguée. Voir sur cette question l’article de Marc Renard, « Togo : un marché
des télécommunications qui devrait s’ouvrir » ; in Actualité Télécoms,
(http://www.reseautelecom.com/20110826365/Actualites-Telecom/togo-un-marche-des-telecommunications-
qui-devrait-souvrir.html. Page consultée le 13décembre 2011). 68 En droit comparé, il est constaté en France trois vagues de privatisation sur le plan légal. Il s’agit de celles
déterminées par les deux lois de 1986 et de 1993.
La première loi de privatisation, celle de 1986, a pour trait central d’organiser la dissolution complète
de l’immense parc industriel qui avait été rendu publique par les nationalisations conduites sous le 1er
gouvernement de la présidence de Mitterrand. En pratique cependant, les privatisations incluses dans la
loi de 1986 vont au-delà, puisqu’elles incluent 28 groupes ou sous -groupes ainsi que la quasi-totalité
du secteur bancaire.
La deuxième vague initiée par la loi de juillet 1993 approfondit en parachevant le mouvement. Après
les « nationalisées de 1981 », visées par la loi de 1986, la loi 1993 « remontre » aux entreprises
38
Elle est un processus qui permet à l'Etat de confier au secteur privé la fourniture
de services assurés auparavant par lui- même69.
Le poids des pertes des entreprises publiques sur le budget de l’Etat était
devenu intolérable au Sénégal. Il s'est traduit par une dette extérieure sans cesse
croissante qui a fini par imposer la dévaluation du franc CFA. Le déficit public
se manifeste aussi par une dette intérieure qui paralyse la trésorerie des
entreprises privées et menace le système bancaire70.
D`après le rapport annuel de 1997 de la Banque mondiale, la dette extérieure
en pourcentage du Produit National Brut (PNB) était en 1980 de 50,5% et de
82,3% en 199571. La dette multilatérale en pourcentage de la dette extérieure
totale s'élevait en 1980 à 17,8% et à 48,4 % en 1995.
C’est ainsi qu’un groupe de réflexion composé des représentants de
l’administration, du patronat, des syndicats, du monde rural et des
consommateurs, fut institué sous l’appellation de Groupe de Réflexion sur la
Compétitivité et la Croissance (GRCC). Son mandat était d’organiser la
historiques du secteur public nationalisé juste après la deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, après les
banques (incluse dans la loi de 1986), c’est le secteur des assurances qui pour la quasi-totalité est cédé à
des actionnaires privés.
Une troisième vague est constatée en 1997 avec le gouvernement de Jospin. Elle concerne des
entreprises en charge de délivrer des services publics comme France Télécoms, Air France.
Voir sur cette question Benjamin Coriat, « L’installation de la Finance en France : genèse, formes
spécifiques et impacts sur l’industrie » in « Revue de régulation : capitalisme, institution, et pouvoir »,
n°3/04/2008, (http://régulation.revues.org. Page consultée le 13 aout 2010).
69 J-F. Bigay et J-L. Levet, La nouvelle nationalité de l’entreprise dans la mondialisation, rapport pour le
Commissariat général du plan,, Paris, La Documentation française, 1999. 70 Voir Banque Africaine de Développement, 2005 Rapport sur le développement en Afrique, Paris Economica,
2005. 71Cheriff Younouss Dianté, « TRIBUNE LIBRE Télécoms : Les privatisations en Afrique, l’exemple de la
Sonatel au Sénégal » (.http://www.csdptt.org/imprimre.php3. Page consultée le 20 octobre 2010).
39
concertation entre acteurs, d’analyser les informations et d’identifier les entraves
à la compétitivité afin de formuler des recommandations72.
La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994, les nombreuses politiques
d'ajustement structurels73 édictées depuis Bretton Woods74, la gabegie et la
mauvaise gestion des entreprises publiques confiées à des politiciens et la
sécheresse persistante avaient fini de mettre les finances publiques à genoux75.
Complétant la gamme, les détournements et les mauvais choix d'investissements
finirent, aussi, d'assécher les caisses de l'Etat.
C’est dans ce contexte que l’Etat a accepté les réformes proposées par la GRCC,
malgré la résistance des syndicalistes de la SONATEL. Le choix était clair. Il
s’agissait d’ouvrir le secteur à la concurrence. Mais l’Etat devait trancher entre
la proposition du patronat consistant à libéraliser d’abord avant de privatiser.
Tandis que les travailleurs de la SONATEL demandaient l’inverse, à savoir la
privatisation d’abord pour permettre à l’opérateur historique de se préparer à la
concurrence76. Accédant à la proposition des syndicalistes, l’Etat se décida à
privatiser d’abord avant de libéraliser.
72 Voir le décret 95-414 du 15 mai 1995 portant création du Groupe de réflexion sur la compétitive et sur la croissance au Sénégal. 73 C’est à la suite des politiques monétaristes, de l’évolution des taux de change et des taux d’intérêt justifiées par l’explosion de la dette, que le G7 d’alors avait invité la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) à mettre en œuvre les plans d’ajustement structurel dans les pays sous -développés. 74 Pour le FMI, le but de la politique d’ajustement est en effet de redonner une position viable à la balance des paiements du pays intéressé dans un contexte de stabilité des prix et de croissance économique soutenue, tout en évitant l’emploi de mesures contraires à la liberté du commerce et des paiements extérieurs, l’expression d’une position viable de la balance des paiement pouvant être traduite par compatibilité entre déficit des paiements courants et service de la dette. Définition citée par Problèmes économiques, n°1953, du 19 décembre 1985, p. 13. 75 G. MASSIAH, Grandeur et décadence de l'ajustement structurel, les programmes d'ajustement structurel et le développement, avril 2000, Article disponible sur le site globenet.org/aitec/.../pasetdeveloppement.htm. Page consultée le 12 mars 2010. 76 SAGNA Olivier, Privatisation, libéralisation et régulation : la réforme des télécommunications au Sénégal,
Dakar, page 115 ; (disponible au www.osiris.sn.Page consultée le 30 octobre 2011).
40
La privatisation de la SONATEL fut consacrée après le vote de la loi 95 - 25 du
29 /08 /95 par l’Assemblée Nationale du Sénégal. Ainsi, l'entreprise phare du
pays allait ouvrir son capital à un partenaire stratégique pour les raisons
invoquées plus haut. L’Etat sénégalais venait ainsi d'empocher sa meilleure
opération de privatisation. En conséquence, la SONATEL est devenue une
Société Anonyme avec France Télécom comme partenaire stratégique
(42,33 %), l’Etat du Sénégal (27, 67%), Institutionnel et Grand Public (20%),
enfin salariés et anciens salariés (10%)77. La deuxième phase de la réforme
consistait à libéraliser le secteur des télécommunications78. L’Etat décida de
mettre fin au monopole de la SONATEL le 19 juillet 200479.
C’est en prélude à cette décision qu’il faut noter l’adoption de la loi 96-03
portant code des télécommunications qui, pour la première fois, sépare la
fonction réglementaire exercée par le Ministre, au nom de l’Etat, de la fonction
d’exploitation des réseaux et services, confiée à des opérateurs agissant dans le
cadre de la concession, l’autorisation ou même librement80.
Donc, par convention en date du 15 Juillet 1977, l’Etat du Sénégal a concédé à
la SONATEL une licence d’exploitation d’un réseau de télécommunication
ouvert au public. A la dite Convention de concession, a été annexé un Cahier
des charges qui en fait partie intégrante. La Convention et le Cahier des charges
ont été tous approuvés par le décret n° 97-715 du 19 Juillet 1997. La concession
77 Voir Oumar DJIGO, Bilan des privatisations dans le secteur des télécommunications en Afrique et recherche
de modèles économiques alternatifs, Abidjan, mémoire de DESS professionnel en Hautes Etudes en Gestion de
la Politique Economique, Université de COCODY 2006. p. 32. 78 Voir le mémoire de Cheikh Ahmed Tidiane MBENGUE, La libéralisation des télécommunications au
Sénégal : concurrence, innovation et réglementation, mémoire de Master 2 recherche en économie de
l'innovation et dynamique industrielle 2004, Université de Université de Nice Sophia Antipolis, 2004. 79 Voir la lettre de politique sectorielle publiée en 2005 ;( disponible au www.gouv.sn. Page consultée le 12
mars 2010). 80 Ahmed Sidy Sarr, « Mécanismes et opportunités des financements public/privé » in Forum de la régulation
et le partenariat des télécom/TIC en Afrique, Dakar le 05/06/2008.
41
de la SONATEL était alors régie par la loi 96-03 du 22 février 1996 portant
Code des Télécommunications et la société disposait entre autres d’un monopole
en matière de télécommunications internationales.
Pour achever la réforme, l’Etat a mis en place la régulation par la loi 2001-15 du
27 décembre 2001 portant code des télécommunications.
Donc le schéma appliqué est la privatisation, la libéralisation et la régulation
afin de transformer le monopole en une concurrence.81
Cette logique de transformation de l’environnement monopolistique en
environnement concurrentiel est défendue par l’école de l’économie de la
régulation dont l’un des chantres est le Doyen Laffont.82
La nouvelle économie publique ou l’économie de la régulation se situe
entre l’économie publique traditionnelle et l’économie industrielle. Elle fonde
la régulation sur l’existence de défaillances du marché. Mais à la différence de
l’économie publique traditionnelle, elle tient compte des défaillances de la
régulation, dont la première, qui est l’asymétrie informationnelle entre le
régulateur et le réglementé. En outre, la nouvelle économie publique reconnaît
que les régulateurs peuvent poursuivre leurs intérêts personnels, c'est-à-dire ceux
de leurs membres, et qu’ils peuvent parfois être opportunistes dans leurs
décisions. Tout ceci rejaillit donc sur leur crédibilité et sur leur pouvoir de
contrôle et de sanction.
Ainsi, le secteur des télécommunications au Sénégal n’est pas exempt de la
libéralisation qui a vu le jour dans plusieurs pays du Nord et du Sud.
C’est à l’étalon de ces modèles qu’il faut étudier la régulation des
télécommunications au Sénégal. 81 Voir SAGNA Oliver, op.cit. 82 J.J Laffont, “The new economics of regulation ten years after”, Paris, Econometrica, vol. 62, n°3, mai, pp.
921 à 937.
Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)
Mis en forme : Anglais (États-Unis)
42
III/ DELIMITATION
Dans le cadre de cette étude, il ne sera traité que de la régulation des
télécommunications au Sénégal.
Il s’agit de l’apprécier à l’épreuve de l’environnement juridique
communautaire, aux mutations technologiques face auxquelles elle ne peut
pas être neutre.
La régulation est un système de gouvernance qui englobe un nouveau
concept pour les sciences sociales. Elle est utilisée dans le langage scientifique,
en embryologie comme en physiologie (régulation thermique)83. En mécanique,
la régulation exprime le fait d’agir sur un système complexe et d’en coordonner
les actions afin d’en maintenir l’équilibre, de l’adapter aux circonstances et d’en
obtenir un fonctionnement correct eu égard à ses finalités.
Après avoir fait l’objet de nombreuses investigations chez les économistes, le
concept de régulation est devenu aujourd’hui une référence incontournable du
discours juridique.
A partir des années 1960, le paradigme des relations, entre l’Etat et le
marché, entre la sphère de l’intervention publique et celle de l’initiative privée, a
été profondément remis en cause aux Etats-Unis.
Depuis l’immédiate Après-guerre, l’Etat, dans les pays occidentaux, avait été
amené à intervenir à la fois massivement et directement dans le fonctionnement
de l’économie. Il s’agissait de satisfaire des besoins sociaux, « hors du
83 Abdou Salam Sall, Forum de la régulation II : la régulation dans un contexte de développement in Forum de
la régulation, Dakar, éditions du Forum de la régulation, octobre 2007, p. 45.
43
commun », dus notamment à la fin de la Guerre et à la reconstruction. Cette
intervention répondait également aux prescriptions des théories centrées sur les
équilibres macroéconomiques, nées dans les années 1930 et inspirées du
Keynésianisme.
Vers la moitié des années 1960, la critique de ce modèle procède d’une
nouvelle théorie économique. L’école de Chicago et « l’économie de l’offre »
accompagnent un retour à l’analyse des équilibres micro-économiques84. En
outre, le dogme prévalant en sciences politiques, celui de la bienveillance d’un
Etat détenteur du monopole de l’intérêt général qu’il incarne est sévèrement
remis en cause par de nouvelles approches de la bureaucratie et des choix
publics, formulées par des économistes. Sociologiquement enfin, nous assistons
également à une évolution vers un libéralisme plus individualiste85. Le mode
d’intervention et la place de la puissance publique dans l’économie américaine
sont alors sévèrement contestés. D’un point de vue concret, au nom de la
concurrence, ces critiques remettent en cause certaines activités de services
collectifs, jusqu’alors gérées en monopole avec la bénédiction des pouvoirs
publics fédéraux et sous le contrôle d’agences spécialisées86. Les effets les plus
flagrants de ce changement de paradigme se trouveront au début des années
1980, pendant les deux mandats du Président Reagan d’une part, avec la scission
84 Bertrand Du Marais Droit public de la régulation économique, Paris, Dalloz 2004, p. 1. 85 Sur la définition du libéralisme, voir L. Alexandre, in La Revue du Conseil Economique et social, n° 2,
février-avril 1997, pp. 23-27, il affirme que : « Le libéralisme économique ne signifie nullement, le «laisser-
aller» et le «laisser-faire», sinon, nous risquons dans un pays en développement comme le Sénégal, de voir
s'installer la «loi de la jungle» où les plus forts écraseront les plus faibles. C'est pourquoi, il revient à l'Etat, de
définir «les règles du jeu» où les acteurs économiques tout en ayant l'esprit d'entreprise ou l'initiative
d'entreprendre et étant conscients de leurs droits et de leurs devoirs, s'organisent en conséquence, pour créer
ou développer leurs affaires dans le respect du cadre défini par l'Etat pour la sauvegarde de l'intérêt général
national et de la cohésion nationale ». 86 Voir G. RIPERT, « L’ordre économique et la liberté contractuelle », in Mélanges Gény, G. 2, 1934, p. 347.
44
d’ATT sur le marché des télécommunications et, d’autre part, avec la
réglementation du transport aérien87.
C’est cette évolution d’une économie administrée vers une économie
concurrentielle qui est désignée sous le vocable de régulation.
La régulation a fait l’objet de plusieurs tentatives de définition à tel
point qu’il est difficile de la ranger dans un domaine du droit.
Le Professeur Bertrand du Marais traite de la régulation dans son ouvrage
de « Droit public de la régulation économique ». Il définit la régulation comme :
« l’ensemble des techniques qui permettent d’instaurer et de maintenir un
équilibre économique optimum qui serait requis par un marché qui n’est pas
capable, en lui-même, de produire cet équilibre.
Cet équilibre se trouve, selon la théorie classique, dans l’état de concurrence
».88
Selon lui, l’analyse juridique de ce phénomène a donné naissance au droit public
de la régulation économique.
Le Professeur Sophie NICINSKI soutient que le droit public des affaires est
le « droit des relations entre l’administration et les opérateurs économiques »89
C’est dans un ouvrage de droit public des affaires qu’elle propose une définition
de la régulation. Dans cet ouvrage, l’auteur considère que la régulation peut
s’appliquer soit à une mission générale de l’Etat vis-à-vis de l’économie, soit à
la mission d’autorité indépendante agissant dans un secteur donné.
87Alex-Serge VIEUX, op.cit. 88 DU MARAIS Bertrand, op.cit., p. 3. 89 Sophie Nicinski, Droit public des affaires, Paris, édition Lextenso Montchretien 2009, p. 1.
45
Le Professeur FRISON-ROCHE précise que la régulation ne se confond pas
avec « la réglementation laquelle demeure comme un instrument disponible »90.
Elle est « le moyen dynamique de faire passer un secteur d’un état à un
autre »91 . Il s’agit donc d’une transformation qui peut être le passage d’une
structure monopolistique du secteur vers une structure pluraliste, voire
concurrentielle. Elle est alors une « intervention qui accompagne un
mouvement » dans la recherche d’un équilibre92.
Jean Michel Hubert93, ancien Président de l’Autorité de régulation des
télécommunications de la France, distingue la régulation de la réglementation.
Car selon lui, la langue anglaise confond la réglementation avec la régulation.
Cependant, la langue française opère une distinction entre les deux termes.
Elle définit la régulation comme « …l’ajustement, conformément à une règle ou
une norme, d’une pluralité d’actions et de leurs effets, l’arbitrage des différends
entre les différents acteurs. Elle recouvre donc la réglementation,…le contrôle,
ainsi que les nécessaires adaptations….La régulation relève d’une combinatoire
de marché associant les mécanismes de marché et l’intervention publique ».
Monsieur Hervé Bourges, ancien Président du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel de la France, n’est pas d’un avis contraire. Il précise que la
réglementation « est le fait du pouvoir exécutif qui, selon les principes fixés par
90 M. A. FRISON-ROCHE, Le Droit de la Régulation, Paris, Dalloz 2001 p. 610. 91 M. A. FRISON-ROCHE, « Les différentes définitions de la Régulation » P. A. 10 juillet 1998 n°82. 92 La loi française sur les nouvelles régulations économique du 15 mai 2001, retient que la régulation est
l’ensemble des mécanismes qui rééquilibrent des intérêts contradictoires. Voir les commentaires de TH. Bonneau
« Nouvelles régulations économiques », Paris Litec, 2002 ; « La loi NRE et le droit des sociétés », Paris
Montchretien, 2003. 93 Jean Michel Hubert « Intervention Azia télécom » 4 décembre 2000 ; (http://www.vie-publique/fr. Page
consultée le 30 juin 2009).
46
le pouvoir législatif, définit précisément les règlements qui doivent être observés
dans tous les domaines d’activités »94.
Tandis que la régulation est « une manière, plus moderne pour les Etats
d’accompagnement économique, sociale et culturelle en assurant une plus
grande liberté aux acteurs auxquels elle s’applique ».
Pour le Professeur CHAMPAUD, la régulation est un système
d’organisation juridique de relation économique et de solution de conflit la
qualifiant de technique de droit économique95 .
Le Professeur CHEROT considère qu’elle a pour objet l’efficacité et la
gestion de la concurrence de sorte qu’elle a besoin d’une certaine flexibilité et
d’une adaptabilité en raison de l’instabilité de son objet96.
Le Professeur Abdoulaye SAKHO97 retient, quant à lui, que « la régulation
est la tâche qui consiste à assurer, entre les droits et obligations de chacun, le
type d’équilibre voulu par la loi. »98
De ces définitions, il reste constant que la régulation consiste à assurer le
fonctionnement de systèmes socio-économiques complexes en harmonisant les 94 Hervé Bourges, « Enjeux et contraintes de la régulation dans un contexte de développement », in Forum de la
régulation, Dakar, éditions du forum de la Régulation, octobre 2007, p. 49. 95 Claude Champaud, Régulation et droit économique R .I.D.E 2002, pp. 23-66. 96J. Chérot, « L’imprégnation du droit de la régulation par le droit communautaire, » P. A. 10 juillet 1998, pp.
17-25. 97 SAKHO Abdoulaye, Directeur Fondateur du Forum de la régulation, Eau - Electricité –
Télécommunications : activités de régulation dans l’UEMOA, Dakar, Cour de Master en droit de la régulation,
promotion 2007-2008.
98 Cette conception du Professeur SAKHO est proche de celle de Frison-Roche. Voir à ce propos « Droit du
travail et droit des sociétés : l’unité de la régulation des pouvoirs dans l’entreprise », in regards croisés sur le
droit social, Semaine Sociale Lamy, suppl. n° 1095, octobre 2002, pp. 45- 51.
47
points de vue, en arbitrant les divers intérêts présents, aussi bien en aval pour
résoudre les litiges qu’en amont pour fixer les règles du jeu et définir les
équilibres souhaitables.
Néanmoins, si la régulation connaît un succès indéniable chez les juristes, le
terme apparaît en grande partie galvaudé. Son succès fulgurant a généré des
effets pervers. Comme le souligne Laurence CALANDRI99, le discours actuel
sur la régulation ne s’apparente plus à un concert de louanges ; c’est davantage
une période de « crise » que la régulation semble désormais traverser ; la
régulation tend à être critiquée100. L’emploi du terme tend même à être supplanté
par d’autres, plus attractifs, car bénéficiant, à leur tour, des attraits de la
nouveauté. On lui préféré celui de « Gouvernance »101. C’est parce
qu’aujourd’hui le terme est galvaudé par le discours et par la pratique de
« certaines régulations ». Les définitions proposées, ne sont pas toujours claires.
La régulation est convoquée dans les domaines les plus divers, et fonde les
théories les plus contradictoires. Au-delà de l’apparent consensus entourant ce
thème, de profondes interrogations sur sa signification juridique perdurent. Le
besoin d’une définition juridique de la régulation est constamment réaffirmé par
la doctrine102. Une clarification du sujet s’impose en raison non seulement de la
teneur juridique encore imprécise de la régulation, mais encore de la controverse
entourant son statut épistémologique en droit administratif. Pour les uns, la
99 Voir la thèse de Laurence CALANDRI, Maître de conférences en droit public, au Centre universitaire J-F
Champollion d’Albi, Recherches sur la notion de régulation en droit administratif français, thèse en droit
public, Université Champollion d’Albi, 2009. 100 Voir P. Gérald, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié,
Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, n°404, Sénat, Paris, 2006. 101 Nicolas Ponty, « Quelques enjeux de la régulation pour les politiques de développement », in Forum de la
régulation, Dakar, éditions du Forum de la régulation, octobre 2007, p. 65. 102 Voir les notes de G. Marcou, « La notion juridique de régulation », AJDA, 20 février 2006, p. 347.
48
régulation serait un « concept ». Pour les autres, elle serait une « notion
juridique » établie ou encore en cours de construction103.
A voir de près la régulation dans les télécommunications, nous nous
apercevons avec Thierry PENARD et Nicolas THIRON104, que celle-ci est
essentiellement préoccupée par trois soucis :
- la volonté de créer et de préserver une concurrence effective sur les
marchés concernés ;
- la nécessité de conserver un certain contrôle sur la production et
l’évolution de celle-ci ;
- la préoccupation d’assurer une certaine redistribution en faveur des
catégories déterminées de populations ou de territoires.
En droit sénégalais des télécommunications, ce concept a fait son apparition
en 2001. Dans l’exposé des motifs de la loi 2001-15 du 27 décembre 2001
portant Code des télécommunications105, le législateur sénégalais cite parmi les
innovations apportées par ce code « la mise en place d’un organe de régulation
indépendant susceptible de garantir l’exercice d’une concurrence saine et
loyale, au bénéfice des consommateurs, des opérateurs du secteur et, en
général, de l’économie globale ».
103 Ce même débat doctrinal oppose au niveau national les juristes de l’organe de régulation des
télécommunications et certains magistrats de la Cour Suprême et Hauts fonctionnaires de l’Etat du Sénégal pour
donner à l’ARTP le statut d’Autorité administrative indépendante. Voir les comptes-rendus des travaux du
comité national de transposition de janvier 2011. 104 Thierry Penard et Nicolas Thiron, La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de
l’économie et du droit, Bruxelles, édition, Larcier 2007, pp. 87 -124. 105 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6030 du Samedi 16 février 2002.
49
Dans le prolongement de ce texte, le législateur sénégalais précise le concept à
travers l’exposé des motifs de la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002106 portant
cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics.
Dans ce texte, il affirme que :
La régulation des services d’infrastructures repose sur deux éléments-clés :
des règles et des institutions chargées de faire respecter ces règles. Un nombre
croissant de pays mettent en place des institutions spécialisées afin de compléter
l’action de la justice et de tenir dûment compte des spécificités des services
d’infrastructures. Les règles relatives à l’activité doivent porter sur la sécurité
et la protection de l’environnement, la limitation des abus de monopole éventuel
et une utilisation correcte des installations.
C’est dire que le droit national applicable au secteur des télécommunications n’a
pas encore consacré, dans le corps d’un texte légal, une définition du concept de
régulation.
Il faudra attendre 2007 pour que le droit communautaire ouest- africain
évoque le concept dans une définition légale. L’Acte Additionnel A/SA
1/01/07, relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du
secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC)107,
définit en son article premier l’« autorité (s) nationales (s) de régulation »
comme suit :
« organisme(s) chargé(s), par un Etat membre, des missions de régulation
prévues par le présent Acte Additionnel »108.
106 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du Samedi 28 décembre 2002. 107 Les Actes Additionnels de la CEDEAO sont disponibles sur le site de l’ARTP www.artp.sn et sur le site de
l’Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal. www.osiris.sn (pages
consultées le 30 décembre2010).
50
Ainsi, le Sénégal, à, l’instar des autres Etats membres de la CEDEAO est soumis
à ces dispositions du droit communautaire.
Le droit communautaire peut être sommairement défini comme
l’ensemble des règles juridiques édictées par une organisation supranationale
dans le cadre d’un processus d’intégration régionale.
Une conception organique du droit communautaire laisse entrevoir cette
dernière comme le droit produit par les organisations intergouvernementales
d’intégration.
L’Organisation Intergouvernementale (OIG) communément appelée
organisation internationale est « une association d’Etats constituée par un traité,
dotée d’un statut et d’organes possédant une personnalité distincte de celle de
ses Etats membres »109. C’est dire qu’il s’agit d’un groupement permanent
d’Etats doté d’organes destinés à exprimer, sur des matières d’intérêt commun,
une volonté distincte de celles des Etats membres. La principale caractéristique
de cette structure réside dans le fait qu’elle est dotée d’une possibilité d’action
autonome en ce qu’elle possède une personnalité juridique distincte de celle de
ses Etats membres et des compétences propres.
Cependant, cette définition organique ne permet pas de rendre compte de sa
spécificité. Pour reprendre le Pr Denys SIMON : « Le droit communautaire
n’est pas du droit international perfectionné. Il appartient à un autre univers
juridique »110.
La spécificité du droit communautaire par rapport au droit international général
se ressent à un double niveau, à savoir le mode d’élaboration, la nature des
normes et les rapports avec les ordres nationaux. 109 Ch. Euzet, Relations internationales, Paris, Ellipses, 2004, p.63. 110 D. Simon, « Les fondements de l'autonomie du droit communautaire », Paris, in Droit international et Droit
Communautaire, Perspectives actuelles, actes du colloque de la SFDI 1999, Paris, Ed. A. Pedone 2000, 448p.
51
S’agissant du mode d’élaboration du droit communautaire, l’OIG est
un champ clos de rivalités entre entités hégémoniques parce que souveraines. De
ce point de vue, elle se présente comme un consensus hémogénique réalisé à un
moment donné pour l’exécution d’une tâche précise. C’est donc dire que
composées d’Etats souverains juridiquement égaux, les OIG ne peuvent
fonctionner que conformément au principe d’égalité des Etats, principe qui
appelle le mode « unanimiste » de décision.
Concernant la nature des normes et les rapports avec les ordres
juridiques nationaux, l’inventaire des normes du droit communautaire permet
de dresser une typologie faisant ressortir trois composantes majeures : le droit
primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire.
Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » de l’organisation
parce qu’il détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la
nature des actes pris par ces derniers. De nature conventionnelle, parce que
soumis aux procédures d’élaboration du droit des traités (négociation, signature,
ratification), le droit primaire est constitué par les Traités constitutifs des
organisations d’intégration et les protocoles additionnels.
Le droit dérivé, lui, est le droit sécrété par les organes mis en place par le
droit primaire111.
Nous distinguons en la matière le droit dérivé unilatéral du droit dérivé
conventionnel. Le droit dérivé unilatéral désigne les actes unilatéraux112 pris par 111 La conférence des Chefs d’Etat, le Conseil des Ministres, la Commission de l’Union sont les organes qui
secrètent le droit dérivé dans l’UEMOA et la CEDEAO. 112 Nous discutons la question de savoir si les Actes Additionnels relèvent du droit primaire ou du droit dérivé ;
la seconde qualification nous paraît préférable et à ce titre. Les Actes Additionnels peuvent être assimilés aux
52
les organes et qui régissent les sujets du droit de l’organisation d’intégration
(Acte additionnel, règlement, directive, décision, actes uniformes, avis,
recommandations, déclarations) tandis que le droit dérivé conventionnel, lui,
résulte des accords passés par les organes institués avec des partenaires
extérieurs (Etats ou organisations internationales).
Quant au droit subsidiaire, il est constitué des principes généraux du droit et
de la jurisprudence. En effet, le droit communautaire ne se résume pas au Traité
constitutif et à l’œuvre « législative » des organes de décision mais s’étend à
l’activité jurisprudentielle des différentes cours de justice. La spécificité du droit
communautaire au titre de ses caractéristiques se décline en deux particularités.
La première réside dans les caractéristiques qui s’attachent au droit dérivé
unilatéral. En effet, dans la plupart des OIG, les actes unilatéraux n’ont pas un
caractère obligatoire. Mais, en la matière, il existe deux exceptions :
- A l’assemblée de l’ONU, dans le cadre du maintien de la paix et de la
sécurité internationale, le Conseil de sécurité peut prendre des actes
unilatéraux obligatoires113 en vertu du chapitre 7 de la charte des Nations-
Unies. Cela peut se traduire par une mise en garde, un embargo ou même
le recours à la force militaire (Guerre de Corée, lors de l’invasion du
Koweït par l’Irak, embargo contre la Côte d’Ivoire suite au refus du
Président Gbagbo de céder le pouvoir) ;
- dans le cadre des organisations supranationales d’intégration (, UEMOA,
lois organiques au plan interne, sauf que, contrairement à ces dernières qui sont obligatoirement soumises au
contrôle de constitutionnalité, les Actes Additionnels échappent à tout « contrôle de conventionalité ». Voir sur
la question Batchassi Y. et Yougbaré R., Les Actes Additionnels de l'UEMOA : analyse juridique, Faculté de
droit et de science politique, Université de Ouagadougou, Cahiers du Centre d'études européennes et de
l'intégration, Centre Emile Noël, n° 001, juin 1999,33 p. 113 FAURE Justin et PROST Yannick Relations internationales, Paris, éditions ellipses 2008, pp. 443- 456.
53
CEDEAO, OHADA) du fait des caractères de primauté, d’effet direct et
d’applicabilité immédiate reconnus au droit secrété par ces organisations114. En
droit communautaire, les actes obligatoires du droit dérivé unilatéral s’imposent
à leurs destinataires.
La deuxième particularité est liée aux caractéristiques découlant de
l’application du principe d’intégration de l’ordre juridique communautaire aux
ordres juridiques des Etats. Principe qui appelle l’applicabilité directe des
normes communautaires contrairement à l’applicabilité immédiate du droit
international et à l’effet direct des règles communautaires. Ce qui est l’exception
en droit international. Il en résulte que du fait des spécificités attachées aux
rapports qu’il entretient avec les ordres juridiques nationaux, le droit
communautaire diffère fondamentalement du droit international.
Fort de ce constat, la régulation doit se conformer aux normes juridiques
secrétées par les institutions communautaires auxquelles le Sénégal appartient. Il
s’agit notamment de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit
communautaire), de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats
d’Afrique de l’Ouest) et de L’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine). Ces différentes organisations ont mis en place des mécanismes
d’harmonisation. 114 Saisie par le Président de la Commission de l’UEMOA, la Cour de Justice de l’UEMOA, en interprétant les
articles 88, 89, 90 du traité de l’Union, a retenu la primauté du droit communautaire comme le socle de
l’intégration entre les systèmes juridiques nationaux des Etats membres et le système juridique communautaire.
En effet, cette saisine fait suite à une divergence d’interprétation, entre d’une part, un Comité des experts qui
était d’avis que la législation communautaire n’abolit pas le pouvoir à réglementer dans les matières de l’Union
et que les deux ordres de réglementation pouvaient coexister . Tandis que d’autre part, la Commission considère
que les Etats membres avaient perdu toute compétence pour légiférer dans les domaines couverts par les trois
articles précités. Voir les commentaires du Professeur Alioune SALL sur l’avis n° l’avis n°002/2000 du 22 mars
1999 relatif à la demande d’avis complémentaire du Président de la Commission de l’UEMOA relative à
l’interprétation de l’ARTICLE 84 du traité de l’UEMOA, in Réflexion sur les institutions judiciaires de la
CEDEAO et l’UEMOA, Dakar, éditions CREDILA, mai 2011, p. 139.
54
A la suite du Cabinet d’avocats Eric Vève et Associés115, nous pouvons
retenir cinq modèles d’harmonisation que sont :
- le modèle « moniste » : dans ce cas, les Etats acceptent d’appliquer la
norme supranationale sans lui faire subir des transformations. La norme
internationale prime sur le droit interne et elle est d’applicabilité
directe116. Ce modèle est utilisé pour assurer une unification du droit. La
CEDEAO a utilisé ce modèle en prenant des Actes additionnels au traité.
De même, l’OHADA a fait la même chose en prenant des Actes
uniformes applicables à l’environnement des affaires117. Mais elle n’a pas
encore adopté d’actes uniformes dans le domaine des
télécommunications ;
- le modèle de la « subsidiarité » : où les normes édictées par le Conseil des
ministres priment sur les droits nationaux et sont d’applicabilité directe.
Mais elles ne peuvent porter que sur des questions transfrontalières
(liaisons inter-états, litiges internationaux, fréquences etc.) ;
- le modèle « interétatique » : dans lequel les normes n’ont pas une force
contraignante. Elles constituent des lignes directrices dont les Etats
régulateurs apprécient l’opportunité de s’y conformer ou non ;
115 Cabinet d’avocats Eric Vève et Associés. Harmonisation réglementaire des Télécommunications en Afrique
francophone sub-saharienne, Paris, édition ARCEP 2006, pp. 49 à 59. Disponible sur le site www.fratel.org
(document produit le 6 avril 2009). 116 Carreau Dominique, Droit international, Paris, Les cours de droit, Paris, Dalloz 1984, pp. 88 à 103. 117L'OHADA prévoit également la possibilité d'adopter des règlements pour l'application du traité, chaque fois
que de besoin, par le Conseil des Ministres, à la majorité absolue mais ces règlements sont plutôt relatifs à
l'organisation et au fonctionnement des organes créés par le traité, comme le règlement de procédure et le
règlement d'arbitrage de la CCJA. Nous pouvons, au regard de l'exigence de l'unanimité pour l'adoption des actes
uniformes, penser que ceux-ci ont un rang supérieur à celui des règlements.
55
- le modèle « dualiste » : qui consiste à fixer les grands principes et les
objectifs à atteindre dans la norme communautaire. Les Etats membres
devront prendre des dispositions de droit interne pour s’y conformer118 ;
- le modèle dit du « réseau des régulateurs » : ce modèle consiste à faire
des recommandations sur une manière d’appliquer les textes communs
aux différents Etats, et en particulier les pouvoirs des organes de
régulation notamment en matière de modification des conventions
d’interconnexion, d’approbation des catalogues d’interconnexion, de
gestion et attribution des ressources rares, d’attribution des licences, de
règlement de différends, d’enquêtes, de sanctions, etc.
L’OHADA a un projet d’élaboration d’actes uniformes applicables au
secteur des télécommunications. Mais il n’est pas encore réalisé.
La Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest est créée par le traité du 24
juillet 1993 à Cotonou (CEDEAO). Selon l’article 33 du traité révisé de la
CEDEAO:
Dans le domaine des Télécommunications, les Etats membres s’engagent à :
a) Développer, moderniser, coordonner et normaliser les
réseaux nationaux de télécommunications en vue de
permettre une interconnexion fiable entre les Etats
membres ;
b) Réaliser rapidement la partie ouest-africaine du réseau
panafricain de télécommunications ;
c) Coordonner les efforts pour assurer le fonctionnement et la
maintenance de la partie ouest-africaine du réseau
118G.Isaac, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1983, p. 151.
56
panafricain de télécommunications et mobiliser les
ressources financières aux niveaux national et international.
Afin d’atteindre les objectifs énoncés au présent article, les Etats membres
s’engagent également à encourager la participation du secteur privé dans la
prestation des services postaux et des télécommunications.
C’est dans ce sillage que les chefs d’Etats de la CEDEAO ont signé le 19
janvier 2007 à Ouagadougou, des Actes additionnels au traité. Ces actes revêtus
de la force obligatoire doivent être transposés en droit interne des Etats membres
dans un délai maximum de deux ans.
L’UEMOA a choisi des directives qui fixent des objectifs et déterminent
des orientations communes pour la réalisation du marché communautaire des
télécommunications.
L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) 119a été
créée par un traité signé à Dakar, le 10 janvier 1994, par les Chefs d’Etat et de
Gouvernement de 7 pays qui sont celui du Sénégal, du Bénin, du Burkina Faso,
de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger et du Togo. Ce traité est entré en vigueur
le 1er août 1994.
L’UEMOA a pour objectif :
- de renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des
Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un
environnement juridique rationalisé ;
119 Les dernières transformations de l’UEMOA sont exposées dans l’ouvrage du Professeur Alioune SALL Les
mutations de l’intégration des Etats en Afrique de l’Ouest. Une approche institutionnelle, Paris, L’Harmattan,
2006.
57
- d’assurer la convergence des performances et des politiques économiques
des Etats membres par l’instauration d’une procédure de surveillance
multilatérale ;
- de créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre
circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, le droit
d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou
salariale, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique
commerciale;
- d’instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise
en œuvre d’actions communes, notamment dans les domaines douaniers,
aménagement territorial, agriculture, énergie, industrie, transport,
infrastructure et télécommunications.
Dans ce dernier domaine, le Conseil des Ministres sectoriels en charge des
Télécommunications a adopté, le 23 Mars 2006 à Abidjan, les six directives
suivantes :
Directive Nº [01]/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des
politiques de contrôle et de régulation du secteur des
Télécommunications ;
Directive Nº [02]/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation du
régime applicable aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de
services ;
Directive Nº [03]/2006/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des
réseaux et services de Télécommunications ;
58
Directive Nº [04]/2006/CM/UEMOA relative au service universel et
aux obligations de performances du réseau ;
Directive Nº [05]/2006/CM/UEMOA relative à la tarification des
services de Télécommunications ;
Directive Nº [06]/2006/CM/UEMOA organisant le cadre général d’une
coopération entre les Autorités Nationales de Régulation (ANR) en
matière de Télécommunications.
Ces directives ont été adoptées le 23 mars 2006 à Abidjan.
Selon Monsieur Antoine Masson, « la directive a pour destinataires les Etats
membres »120. Elle ne fixe qu’un objectif à atteindre mais laisse aux Etats
membres le choix de la forme et des moyens pour atteindre ce résultat. Selon
l’article 43 du traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994 révisé le 29 janvier 2003,
« les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ». Elle doit
être transposée dans un délai déterminé par la directive elle-même. En pratique,
le degré de précision de la directive quant aux objectifs à atteindre déterminera
la marge de manœuvre dont les Etats disposent pour la transposer121. La
directive est un droit dérivé du traité qui est le droit primaire.
En cohérence avec ces textes l’UEMOA, la CEDEAO a adopté des Actes
additionnels au traité.
La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest a été créée à Lagos
(Nigéria) le 28 mai 1975 par un traité signé par 15 pays.
Elle regroupe tous les pays de l’Afrique de l’Ouest dont 8 d’expression
française en plus du Nigeria, du Cap-Vert, de la Gambie, du Ghana, de la
Guinée, du Libéria et de la Sierra Léone. Elle vise à promouvoir le
120 Antoine Masson Droit communautaire : Droit institutionnel et droit matériel, théorie, exercices et éléments
de méthodologie, Bruxelles, éditions Larcier 2008, p. 54. 121 CJCE, 26 octobre 1982, Hauptzollamt Mainz contre C.A Kupferberg et Cie KG, affaire 104/81 recueil 364.
59
développement dans les domaines de l’activité économique, à abolir à cette fin,
les restrictions au commerce, à supprimer les obstacles à la libre circulation des
personnes, des services et des biens, à l’harmonisation des politiques
sectorielles régionales.
Pour toutes ces raisons, la 31ème session ordinaire de la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO (Ouagadougou, le 19 janvier
2007)122 a adopté sous la forme de six Actes Additionnels, les textes juridiques
relatifs à la mise en place d’un marché commun des TIC dans cet espace
d’intégration économique.
Ces Actes Additionnels sont les suivants :
Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et
du cadre réglementaire des secteurs des Technologies de l’Information et
de la Communication (TIC).
Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des
réseaux et services du secteur des TIC.
122 Ont participé et signé les Actes Additionnels à la réunion du 19 janvier 2007 d’Ouagadougou, Son
Excellence Thomas BONI YAYI, Président de la République du Benin ; Son Excellence Blaise COMPAORE,
Président du Conseil des Ministres Président du Burkina Faso ; Son Excellence Laurent BAGBO, Président de
la République de Côte d’Ivoire ; Son Excellence John A. COUFUOR Président de la République du Ghana ;
Son Excellence Madame SIDIBE Fatoumata KABA , Ministre de la Coopération Internationale pour et par ordre
du Président de la République de Guinée ; Son Excellence Joao Bernardo VIEIRA, Président de la République
de Guinée Bissau ; Son Excellence Ellen JOHNSON-SIRLEAF, Président de la République de Libéria ; Son
Excellence TOUMANI TOURE, Président de la République du Mali ; Son Excellence Mamadou TANDIAN,
Président de la République du Niger ; Son Excellence OLUSEGUN OBASANJO, Président Commandant en
Chef des Forces Armées de la République Fédérale du Nigéria ; Son Excellence Abdoulaye WADE, Président
de la République du Sénégal ; Son Excellence Mohamed DARAMY, Ministre du Plan et du Développement ,
pour et par ordre du Président de la République de Sierra Léone ; Son Excellence Faure Essozimna
GNASSIGBE, Président de la République Togolaise.
60
Acte Additionnel A/SA 3/01/07 relatif au régime juridique applicable aux
opérateurs et fournisseurs de services.
Acte Additionnel A/SA 4/01/07 relatif à la gestion du plan de
numérotation.
Acte Additionnel A/SA 5/01/07 relatif à la gestion du spectre de
fréquences radioélectriques.
Acte Additionnel A/SA 6/01/07 relatif à l’accès universel/service
universel.
Ces six Actes Additionnels sont pris en application de l’Article 33 du
Traité CEDEAO qui prévoit que les Etats membres s’engagent dans le domaine
des Télécommunications à développer, moderniser, coordonner et normaliser les
réseaux nationaux de Télécommunications pour permettre une interconnexion
fiable entre les Etats membres et coordonner leurs efforts en vue de mobiliser les
ressources financières au niveau national et international par la participation du
secteur privé dans la prestation des services de Télécommunications.
Conformément à l’Article 12 du protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant
amendement du traité révisé de la CEDEAO, ces Actes Additionnels sont
directement applicables par les Etats membres123. En effet, l’Acte Additionnel
n’est qu’une modification du traité.
Pour se conformer à ce nouveau cadre juridique communautaire des
télécommunications, le Sénégal a adopté une nouvelle loi sur les
télécommunications qui abroge et remplace la loi 2001-15.
123 Cependant, il faut noter que les Actes Additionnels de la conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO à
Ouagadougou comportent des dispositions qui accordent aux Etats membres un délai de deux ans pour adapter le
droit national à ces Actes Additionnels. Voir l’article 17 de l’Acte Additionnel A SA/ 5/01/07 relatif à la gestion
du spectre des fréquences radioélectriques, l’article 30 de l’Acte Additionnel A SA/02/01/07 relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, l’article 19 de l’Acte Additionnel A SA/01/01/07
relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et
de la communication.
61
C’est ainsi que nous trouvons intéressant d’analyser la régulation des
télécommunications au Sénégal.
PROBLEMATIQUE
Selon le Secrétaire général de l’UIT, l 'Afrique a accompli des « progrès
incroyables en matière de développement des TIC », avec un taux de pénétration
de la téléphonie cellulaire atteignant 44% dans plusieurs pays124, alors qu’il était
de 15% en 2006. Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique a besoin
d’instrumentaliser les technologies de l’information et de la communication
pour relever les défis du développement. Dès lors, nous comprenons aisément
que la régulation des télécommunications au Sénégal doit permettre la
réalisation d’un marché concurrentiel et partant un développement économique
et social.
C’est pourquoi nous voulons démontrer à travers cette thèse que la
régulation des télécommunications au Sénégal doit être, d’une part,
indépendante et convergente.
D’autre part, nous voulons démontrer qu’une régulation ex ante et ex
post de l’interconnexion efficace, constitue le principal défi de l’organe de
régulation, surtout dans un environnement convergent.
C’est ainsi que l’étude d’un tel sujet présente plusieurs enjeux.
Le premier enjeu est lié à la gouvernance institutionnelle et politique
au Sénégal, avec notamment la gestion du service public d'un secteur
d'infrastructures. Et à ce niveau, la régulation démontre la capacité de l'Etat à
affirmer sa neutralité par rapport au marché. Selon certains auteurs, la légitimé
politique de l’Etat régulateur résulte de sa capacité à élaborer des compromis 124Balancing Act « Dernières Nouvelles »-, édition Française, 19 novembre 2010, n° 146.
62
institutionnalisés sur des bases conjuguant principe d’efficacité économique et
valeur de justice sociale125.
Dans ce courant, l'option est de déléguer la gestion du secteur aux acteurs et
techniciens par le biais d'institutions autonomes, au-dessus des intérêts
partisans126. C’est ce qui a fait dire à Jacques Chevallier que :
Le développement des autorités de régulation peut être conçu comme l’indice
d’un désengagement de l’Etat qui, renonçant à agir sur les structures, voire à se
substituer aux agents économiques, fait appel à des experts derrière lesquels il
s’efface pour assurer le respect de certaines règles du jeu, ou bien, au contraire,
comme la manifestation d’une emprise plus subtile d’un Etat qui, s’avançant
masqué, s’assure la maîtrise de nouveaux leviers d’intervention 127.
Le second enjeu est la gouvernance économique du secteur des
télécommunications au Sénégal, plus particulièrement celle du marché. Les
secteurs (eau, télécoms, transports,...) soumis à régulation sont généralement
ceux qui sont essentiels et fondamentaux pour le bien-être des populations.
Ces secteurs, par le biais des privatisations et des déréglementations sont
maintenant ouverts à la concurrence et aux privés. Ce qui suppose la mise en 125 EL AOUFI Noureddine, « Théorie de la régulation : la perspective oubliée du développement » in Revue de
la régulation : institution, régulation, et développement n°6 du 2ème semestre 2009 page 9. (www.revues.org;
http ; //regulation.revues.org. Page consultée le 15 janvier 2010). 126 Selon certains auteurs, en transférant la compétence de régulation à des structures indépendantes, les
politiques se lient les mains, permettant ainsi d’augmenter la crédibilité et la perspective temporelle de l’action
de régulation. Voir GILARDI F., Policy Credibility and delegation to Independ Regulatory Agencies: a
Comparative Empirical analysis”, in Journal of European Public Policy, vol. 9. n° 6, 2002, pp.873 à 893.
127 J. Chevallier, Les autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés, Paris, Justices
1995-1, Justice et économie, p. 86.
63
place d’une régulation favorable à l’attraction des investissements128. Or, le
marché n'est pas forcément synonyme de service public. L'objet de la régulation,
dont la principale contrainte est relative à l'autorité des organes, est justement de
les concilier par une articulation alliant équité et efficacité.
Le troisième enjeu est lié au modèle de régulation approprié au
Sénégal. En effet, il existe un débat doctrinal sur les deux approches de la
régulation à savoir la régulation ex post et la régulation ex ante.
La régulation ex post consiste à minimiser l’intervention du régulateur et à
privilégier la liberté contractuelle en amont entre les opérateurs. Selon les
tenants de cette approche, beaucoup d’interventions du régulateur et des
directives très détaillées peuvent provoquer des charges injustifiées. Ils
supposent que les détails financiers, techniques et opérationnels des accords
d’interconnexion pouvaient être complexes et estiment aussi que les opérateurs
historiques et les nouveaux venus sur le marché avaient, en général, une
meilleure connaissance de ces questions que les régulateurs. C’est pourquoi ils
considèrent qu’au fur et à mesure que les marchés deviennent plus matures et
concurrentiels, les règles ex ante apparaissent de moins en moins justifiées129.
Par contre, la régulation ex ante est une intervention a priori du régulateur
pour anticiper les problèmes et spécifier les droits et les obligations des acteurs
en détail. Selon les partisans de cette approche, l’élaboration des règles
particulières à l’interconnexion pourrait faciliter les négociations entre les
128 C’est en ce sens que la concurrence régulatrice permet à l’investisseur d’apprécier entre plusieurs systèmes
de régulation appliqués dans bon nombre de pays pour identifier ceux qui répondent plus à ses attentes avant
d’investir. Ce qui pousse les Etats à adopter des normes juridiques efficaces, garantissant la sécurité des
investissements et la rentabilité économique afin d’attirer les capitaux. Voir à ce propos Ségolène Barbou Des
Places « Contribution (s) du modèle de concurrence régulatrice à l’analyse des modes et niveaux de régulation »,
in Revue française d’administration publique, 2004/1 n°109, pp. 37 à 47. 129 Janet Hermandes, LEZA Daniel et Kari Ballot-Lena, TMG, « La réglementation des TIC dans l’économie
numérique » in Tendances des réformes dans les télécommunications : favoriser le monde numérique de
demain, Genève, UIT 2011, p. 101.
64
opérateurs. Ce dernier enjeu est d’une importance capitale. En ce sens que
l’efficacité de la régulation dépend essentiellement du modèle appliqué.
Une régulation efficace est un préalable pour maintenir la croissance dans
le secteur des télécommunications et par conséquent atteindre les Objectifs du
millénaire pour le développement. Il est de notoriété publique que l’ouverture de
la concurrence dans ce secteur anciennement monopolistique, et dont les
investissements en matière d’infrastructures sont lourds, passe
indispensablement par l’interconnexion des réseaux de télécommunications.
Dans la déclaration de principe du Sommet mondial sur la société de
l’information, les acteurs ont retenu que « l’accès universel, ubiquitaire,
équitable et financièrement abordables aux infrastructures et aux TIC, constitue
l’un des défis de la société de l’information et devrait être l’un des objectifs de
tous ceux qui participent à son édification ».130 Pour cela, les participants à ce
Sommet mondial sont d’avis qu’ « il faut créer les conditions favorables de
stabilité, de prévisibilité et d’équité dans la concurrence ». Dans le secteur des
télécommunications, la régulation de l’interconnexion conditionne fortement
l’environnement concurrentiel.
Par ailleurs, la cible 8 des Objectifs du millénaire pour le développement
est : « en coopération avec le secteur privé et mettre les avantages des nouvelles
technologies, en particulier des nouvelles technologies de l’information et des
communications, à la portée de tous »131.
130 Annie Chéneau-Loquay, Le Sommet mondial sur La société de l’information et après, Bruxelles 2007,
Chap. 11 pp. 216-238. 131 Rapport d’un groupe de réflexion sur le retard pris dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le
développement Résultat du partenariat mondial pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le
développement (http://www.un.org. Page consultée le 20 mars 2009).
65
Mieux, ces nouvelles technologies constituent un levier essentiel pour
soutenir et accompagner l’atteinte de tous les autres Objectifs du millénaire pour
le développement d’ici à 2015. En effet, en septembre 2000, lors du Sommet du
Millénaire des Nations unies, la communauté internationale s’est entendue sur
un certain nombre d’objectifs et de cibles mesurables devant être atteints dans
des délais déterminés afin de combattre la pauvreté, la faim, la maladie,
l’analphabétisme, la dégradation de l’environnement et la discrimination à
l’égard des femmes. Les Etats membres ont pris l’engagement concret de centrer
leur attention, en particulier, sur les domaines du commerce, de l’aide publique
au développement, de la dette extérieure, des médicaments essentiels et de la
technologie. Selon Monsieur Banki Moon, Secrétaire général des Nations unies,
« il reste beaucoup à faire pour améliorer l’accès aux technologies clés qui sont
essentielles pour développer la productivité, soutenir la croissance économique
et améliorer la prestation des services dans des domaines comme la santé et
l’éducation.»132
Compte tenu de ces enjeux multiples, il convient de se poser la question de
savoir :
Quelle est la régulation adaptée dans un contexte de convergence des
technologies de l’information et de la communication au Sénégal, à l’heure
de l’intégration juridique communautaire ?
La réponse à cette question passe par le traitement d’autres questions préalables
telles que :
- le cadre institutionnel actuel est-il adapté à la régulation à l’heure de la
convergence ?
132 Rapport du groupe de réflexion sur le retard pris dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le
développement, 2008, Résultat du Partenariat mondial pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le
développement (http://www.un.org. Page consultée le 20 mars 2009).
66
- le cadre normatif actuel est-il adapté à la régulation à l’heure de la
convergence ?
- quels sont les correctifs institutionnels et normatifs nécessaires pour adapter
la régulation à la convergence ?
V/ OBJECTIFS
L’analyse de la régulation des télécommunications au Sénégal intervient
dans un contexte où un nouveau code de celles-ci, en vue d’adapter la
régulation aux exigences de l’intégration juridique dans le domaine, est adopté.
Par conséquent, l’objectif principal est d’étudier ce nouveau code des
télécommunications à l’étalon du droit communautaire. Considérant que
l’essentiel des pays membres de la sous-région présente quasiment les mêmes
réalités juridiques, sociales et économiques, une bonne étude du modèle
sénégalais pourrait contribuer à faciliter les processus de transposition dans les
autres pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO.
Le second objectif est de rendre compte, en tant que praticien de la
régulation, d’une jeune expérience dans un pays en voie de développement. De
cette reddition de compte, nous espérons bénéficier de la lumière académique
dans un secteur économiquement caractérisé par une évolution technologique
constante.
De cette pratique, nous avons compris que les principaux défis du régulateur
pour développer la concurrence sont d’adapter son environnement institutionnel
à la convergence et de réussir une interconnexion efficace des réseaux de
télécommunications. Aujourd’hui, l’essentiel des contentieux qui sont soumis au
traitement du régulateur relève de l’interconnexion. C’est pourquoi ce travail
nous permettra, par une analyse de la régulation de l’interconnexion dans les
67
autres pays du monde, de proposer des solutions au traitement du contentieux de
l’interconnexion au Sénégal.
Le troisième objectif est pédagogique. En effet, l’université africaine est
caractérisée par des mutations tendant vers une plus grande prise en charges des
attentes de l’entreprise. Donc loin de nous, la prétention de nous mettre sur le
même piédestal des « prétendants à la doctrine ». En revanche, il s’agit de
proposer des pistes d’amélioration afin de provoquer l’appétit de la doctrine
africaine dans un secteur des télécommunications qui est déjà convergent avec
d’autres.
VI/ METHODOLOGIE
L’examen de ce sujet exige une bonne connaissance de l’environnement des
télécommunications. Pour cela, trois moyens sont mis à notre disposition, à
savoir la formation, le « benckmarking » et la recherche documentaire.
S’agissant du premier moyen, outre notre Master en Droit de la régulation
obtenu à l’Université Cheikh Anta DIOP133, nous avons participé à un séminaire
de formation en droit communautaire à l’Institut de droit communautaire
d’Abidjan pour une meilleure compréhension de l’environnement juridique
communautaire. De même, nous avons poursuivi une formation de Master en
gestion des télécommunications à l’Ecole multinationale des
télécommunications134 en vue de mieux connaître l’environnement des
télécommunications. C’est dans cette même logique que nous avons aussi 133 Nous sommes membres de la première promotion du Master II en droit de la régulation de l’Université
Cheikh Anta DIOP de Dakar dont le Directeur de cette Thèse est fondateur. 134 L’Ecole Multinationale des Télécommunications de Dakar est un Centre d’Excellence de l’UIT qui offre des
formations dans le domaine des télécommunications.
68
participé à plusieurs séminaires aux niveaux national et international, portant sur
les nouveaux défis de la régulation.
Pour faciliter notre accès à la documentation anglo-saxonne, nous avons
suivi des sessions de formation au british Council135.
Concernant le second moyen, notre position de travail professionnel nous a
permis de faire du « benchmark » dans plusieurs pays du monde. De même,
nous avons l’avantage, d’une part, de participer à l’essentiel des réunions des
ministres et des régulateurs portant sur la transposition des normes
communautaires de l’UEMOA et de la CEDEAO. D’autre part, notre qualité de
rapporteur au sein de la « Commission d’étude 1 », qui travaille sur la
réglementation des NGN, nous a permis de découvrir les pratiques
réglementaires dans plusieurs pays du monde.
Et pour le troisième, nous avons pu constater l’insuffisance de la doctrine
nationale sur la question136. Cependant, notre position de travail professionnel
nous a permis d’échanger directement avec le Ministre en charge des
Télécommunications du Sénégal137, la Présidente du Collège de régulation, le
Ministre Conseiller juridique du Président de la République, le Directeur général
de l’ARTP, le Fondateur du forum africain de la régulation, Premier Président
135 British Council est un centre culturel rattaché à l’Ambassade de Grande Bretagne à Dakar, qui offre entre
autres une formation de communication en anglais. 136En effet, en dehors de la thèse du Docteur Isaac CISSOKO intitulée Contribution à la compréhension du
concept de régulation, thèse en droit privé soutenue en 2008, nous n’avons constaté que des publications de
forum ou d’articles d’universitaires sur le sujet. 137 Nous remercions Monsieur Moustapha GUIRASSY, Ministre en charge des Télécommunications ayant porté
le code des télécommunications de 2011, pour sa disponibilité à échanger avec nous sur l’environnement
juridique des télécommunications du Sénégal.
69
du Conseil de régulation138 et d’autres acteurs du secteur. De même, nous avons
eu l’avantage de participer à toutes les étapes de validation du code des
télécommunications de 2011. Ce qui nous a permis, par ailleurs, d’accéder à des
documents inédits en plus de la doctrine sur la question.
Pour mettre en synergie ces connaissances dans le cadre de cette thèse, nous
avons utilisé l’analyse substantielle à la suite du professeur Gérard FARJAT139 .
Elle se distingue de l’analyse formelle qui enferme la pratique juridique dans le
cadre formel du droit positif140. L’analyse substantielle envisage « l’ensemble
de la réalité sociale sans d’autres apriorismes juridiques que les éléments
irréductibles du droit. Cette recherche doit être menée chaque fois qu’un
divorce apparaît au sein d’une catégorie juridique. L’analyse substantielle doit
être menée jusqu’au point où une nouvelle cohérence est établie, soit par une
correction des catégories juridiques formelles, soit par l’établissement d’une
nouvelle catégorie substantielle, même si cette catégorie n’est pas « reconnue
par le droit »141.
En effet, la régulation des télécommunications est à la lisière du droit, de
l’économie, du management, de la sociologie et de la technologie. L’utilisation
de l’analyse substantielle nous permettra de confronter le droit aux faits
technologiques, sociaux et économiques dans le secteur des télécommunications.
C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons proposé dans cette thèse un
glossaire des termes pour permettre au lecteur de connaître la signification des
termes techniques, économiques et juridiques utilisés dans ce travail.
138 Le Professeur Abdoulaye SAKHO, Directeur de cette thèse est le fondateur du Forum Africain de la
régulation et Premier Président du Conseil de Régulation du Sénégal. Il a participé, en qualité d’expert de l’UIT,
à l’élaboration des Actes Additionnels de la CEDEAO. De même, il a accompagné, toujours en qualité d’expert,
le Sénégal et le Burkina Faso dans la transposition de ces Actes Additionnels. 139 Gérard Farjat, Droit économique, Paris, Presse universitaire de France 2ème édition 1982, p. 732. 140 Gérard Farjat, op.cit, p. 731. 141 Gérard Farjat, ibid., p. 734.
Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)
Mis en forme : Anglais (États-Unis)
70
Pour compléter l’analyse substantielle, nous avons saisi la perche
méthodologique tendue par le Professeur Mireille Delmas Marty dans son
célèbre ouvrage « Les grands systèmes de politique criminelle »142 . Cette
méthodologie consiste à identifier le modèle et ses mouvements afin d’apprécier
la cohérence interne et externe des normes. Dans ce sillage, l’examen du modèle
institutionnel sera effectué avec la méthode SWOT « analysis »143. La
méthodologie SWOT a été éprouvée dans la rédaction juridique par le
Professeur Mireille Delmas Marty à travers le flou du droit144.
Elle permettra d’une part, d’observer les forces et les faiblesses du cadre
national de la régulation, et d’autre part, d’étudier les menaces de
l’environnement international et les opportunités. Ce qui nous permettra dans la
stratégie d’amélioration du modèle de régulation, d’utiliser les forces afin de
corriger les faiblesses et profiter des opportunités pour neutraliser les menaces.
VII/ PLAN
Ces méthodes permettent d’apprécier la cohérence interne et externe de la
régulation au Sénégal pour l’élaboration d’un modèle, conforme au droit
communautaire, et qui s’aligne aux meilleures pratiques de régulation au niveau
mondial.
142M. Delmas-Marty, Les grands systèmes de politique criminelle , Paris, PUF, 1992. 143 Le modèle stratégique SWOT analysis, connu aussi sous le nom LCAG, faisant référence aux professeurs qui
l’ont élaboré à savoir Learned, Christensen, Andrews et Guth, est un modèle de synthèse de diagnostic
stratégique parce qu’il consiste à évaluer les forces et les faiblesses de l’institution d’une part et de déterminer
les opportunités et les menaces propres à l’environnement d’autre part. Voir l’ouvrage collectif de Gerry
Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington et Frédéric Frery Stratégique, Paris, 7ème édition Pearson
Education France 2005, p. 125. 144 M. Delmas-Marty, Le flou du droit, Paris, PUF, 1986.
71
Donc, l’utilisation complémentaire de ces méthodes devrait nous conduire
à proposer un modèle de régulation des télécommunications au Sénégal
approprié pour soutenir la croissance et accompagner le développement
économique et social.
C’est en ce sens que sera étudié le cadre juridique qui permet l’activité de
régulation (première partie) avant de proposer une stratégie d’amélioration de
cette régulation au Sénégal (deuxième partie).
PREMIERE PARTIE :
L’EXISTENCE D’UN CADRE JURIDIQUE PERMETTANT
L’ACTIVITE DE REGULATION
L’étude du cadre juridique de la régulation des télécommunications au
Sénégal nous amènera à connaître l’environnement institutionnel et normatif de
la régulation d’une part et à identifier le modèle de régulation mis en place au
Sénégal, d’autre part.
72
Ainsi, il sera examiné le cadre normatif et institutionnel de la régulation des
télécommunications prévu par le code des télécommunications (Titre I). De
cette étude, il sera aisé d’analyser les activités des télécommunications au
Sénégal (Titre II).
73
TITRE PREMIER :
LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION
L’étude du cadre normatif et institutionnel permettra de connaître les forces
et les faiblesses du cadre juridique de la régulation des télécommunications au
Sénégal. Mais aussi, elle permettra d’en apprécier les opportunités et les
menaces compte tenu des mutations au niveau international.
Le cadre normatif (chapitre premier) et le cadre institutionnel (chapitre II)
prévus par le code des télécommunications de 2011 retiendront notre attention.
74
CHAPITRE PREMIER :
LE CADRE NORMATIF DE LA REGULATION AU SENEGAL
La régulation des télécommunications au Sénégal obéit aux règles de droit
dont les sources sont multiples (section I). Elle doit aussi se conformer à
certains principes généraux pour son efficacité (section II).
75
SECTION I
DES SOURCES NORMATIVES DE LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS
Le droit applicable à la régulation des télécommunications a deux sources
principales. Le Sénégal, en sa qualité de membre d’organismes internationaux et
communautaires, est assujetti à des normes juridiques supranationales
(paragraphe I). Ces dernières peuvent être d’application immédiate ou faire
l’objet de transposition à travers des normes juridiques nationales (paragraphe
II).
76
PARAGRAPHE I :
Des normes juridiques supranationales de la régulation des
télécommunications
Le Sénégal, en tant que membre de certains organismes internationaux, est
assujetti aux normes secrétées par ces institutions (A). De même, à l’heure des
grands ensembles, il est membre des organisations sous-régionales. A ce titre, il
se doit d’appliquer le droit communautaire (B).
A. Des normes juridiques internationales applicables à la
régulation des télécommunications au Sénégal
Les sources du droit international sont variées145.Les normes internationales
peuvent procéder des traités internationaux par lesquels les Etats s’engagent à
observer des dispositions convenues. Ce sont là les normes conventionnelles du
droit international146. Mais elles peuvent aussi résulter de la coutume, c'est-à-
dire d’usages acceptés comme étant de droit. Il s’agit alors de normes dites
coutumières du droit international.
De même, les institutions internationales ont désormais également un rôle
normatif. C’est pourquoi le droit international n’est pas seulement relationnel, il
est aussi partiellement institutionnel. C’est dans ce cadre qu’il faut aussi inscrire
les sources jurisprudentielles du droit international. Les juridictions d’arbitrages
ont contribué à la formulation des règles coutumières en précisant leur 145L’article 38 du statut de la Cour internationale de justice (celles-ci étant un organe des Nations unies, presque
tous les Etats en font partie) propose un recensement non exclusif : les conventions internationales, la coutume
internationale, les principes généraux de droit « reconnus par les nations civilisées, les décisions judiciaires et la
doctrine des publicistes les plus qualifiés. 146 Thierry. H « Les relations internationales et le droit », in Droit international public, Paris, éditions
Montchrestiens, 1981, p. 8.
77
contenu147. Il n’existe pas de hiérarchie des sources du droit, nous pouvons juste
rappeler que la logique juridique exige que la règle postérieure l’emporte sur la
règle antérieure. Nous pouvons de ce fait, outre le principe que les normes
spéciales dérogent aux normes générales, dégager une subordination de ces
normes à celles du jus cogens, dont relève la « norme impérative du droit
international général ».
Selon l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « elle est
reconnue et acceptée par la communauté internationale des Etats dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui
ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général
ayant le même caractère. »148
Dans le cadre de cette étude, il ne sera traité que les deux principales sources du
droit international applicable au secteur des télécommunications. En ce sens que
les normes secrétées par les institutions communautaires et les meilleures
pratiques réglementaires s’inspirent de ces sources. Il s’agit notamment des
normes de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) (a) et de celles de
l’Union Internationale des Télécommunications (b).
1. Les normes de l’Organisation Mondiale du Commerce applicables à
la régulation des télécommunications au Sénégal
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)149 est une organisation
internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce international entre
les pays. Au cœur de l'organisation se trouvent les accords de l'OMC, négociés
147 Voir CIJ arrêt du 27 aout 1952, l’affaire Droits des ressortissants américains au Maroc, 119. 148 Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969. 149 Elle signifie dans la langue anglaise World Trade Organization.
78
et signés en avril 1994 à Marrakech par la majeure partie des puissances
commerciales du monde et ratifiés par leurs assemblées parlementaires150.
Les accords de l’OMC régissent les marchandises, les services et la propriété
intellectuelle. Ils énoncent les principes de la libéralisation et les exceptions
autorisées. Ils reproduisent les engagements pris par chaque pays pour réduire
les droits de douane et d’autres obstacles au commerce, et pour ouvrir et
maintenir ouverts les marchés de services. Ils définissent les procédures de
règlement des différends et prévoient un traitement spécial en faveur des pays en
développement. Ils font obligation aux gouvernements d’assurer la transparence
de leur politique commerciale en notifiant à l’OMC les lois en vigueur et les
mesures adoptées, parallèlement aux rapports périodiques établis par le
Secrétariat au sujet des politiques commerciales des pays151.
a. C’est ainsi qu’il faut inscrire les accords des télécommunications sous
l’égide de l’OMC. Le Sénégal a signé ces accords lors de la conclusion
des négociations de l’OMC sur les services de télécommunication de
base en 1997.152
Le système juridique de l’OMC comporte une réglementation détaillée sur les
télécommunications. Il y a l’Accord sur les Télécommunications, l’Accord sur
les Télécommunications de base et les engagements pris par les Etats membres
dans le cadre des négociations153.
150 « Les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce»
(http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm. Page consultée le 10 novembre 2010). 151 OMC « Comprendre l’OMC : les accords »,
(http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm1_f.htm. Page consultée le 12 février 2011) 152 Document de l’OMC, GATS/SC/75 Supplément 1. Il s’agit notamment de l’engagement à mettre fin au
monopole exclusif de la SONATEL sur la téléphonie fixe (appels locaux et de longue distance) le
31 décembre 2003 au plus tôt, et le 31 décembre 2006 au plus tard. 153 Selon la liste établie par le secrétaire du GATT, 12 grands secteurs sont visés : services fournis aux
entreprises ; services de Communication ; services de construction et services d’ingénierie ; services de
79
Ces engagements ont été formalisés dans un document de référence qui traite de
la réglementation des pratiques concurrentielles, de la réglementation de
l’interconnexion, de la réglementation du service universel, de l’indépendance
des organes réglementaires et de la répartition et de l’utilisation des ressources
limitées. Ce document lie les Etats qui se sont engagés154.
Au cours du cycle de l’Uruguay Round, des engagements avaient été pris sur
les télécommunications, à valeur ajoutée155seulement. C’est entre 1994-1997
que les services de télécommunication de base ont fait l’objet de négociations
qui aboutirent à l’Accord sur les Télécommunications de base156.
b. Pour libéraliser, un pays membre établit une liste d’engagements
spécifiques et une liste d’exemptions. L’engagement spécifique
constitue une obligation, pour ce pays, à accorder l’accès aux marchés et
le traitement national sur une activité de service bien déterminée selon
les conditions et modalités indiquées dans la liste. Il fait partie
intégrante de l’AGCS157.
distribution ; services d’éducation ; services concernant l’environnement ; services financiers ; services de santé ;
services relatifs au tourisme et aux voyages ; services récréatifs ; culturels et sportifs ; services de transports ;
« autres services ». 154 Pour le respect des engagements du Sénégal, voir OMC « Examen des politiques commerciales : rapport du
Niger et du Sénégal », Genève, WT/TPR/223 du 07 octobre 2009.
(http://docsonline.wto.org/imrd/gen_searchResult. Page consultée le 12 février 2011). 155 Les services à valeur ajoutée sont des services dans le cadre auxquels les fournisseurs « ajoutent une valeur »
aux informations fournies par le client en améliorant leur forme ou leur contenu ou en prévoyant leur stockage et
leur recherche. http://www.wto.org/french (page consultée le 22 février 2009). 156 Ces accords sont à la base des réformes structurelles du secteur des télécommunications au moyen d’efforts
concertés pour supprimer les barrières à l’entrée de la concurrence. La nature des services ouverts à la
concurrence, et les différentes restrictions maintenues reflètent le type de réformes adoptées ou envisagées par
chaque gouvernement au moment des négociations. Voir info Dev, UIT, Les aspects juridiques et institutionnels
de la réglementation, Genève, module 6, kid d’aide sur la réglementation des TIC, p. 9, novembre 2006. 157 Marco C.F.J. Bronckers, « Droits des télécommunications : entre réglementation et régulation, les
télécommunications et l’Organisation mondiale du commerce », in Actualité juridique de Droit administratif du
20 mars 1997, p.. 268.
80
Lorsqu’un pays prend un engagement spécifique, il promet de ne pas ajouter de
nouvelles mesures qui restreindraient l’entrée sur le marché ou le
fonctionnement du service. Nous disons ainsi que l’engagement est
« consolidé ».
Le retrait ou la modification d’un engagement spécifique pourrait entraîner,
en faveur des pays affectés, des mesures de compensation. Le gouvernement en
question pourra, toutefois, améliorer ou ajouter d’autres engagements.
Concrètement, les listes d’engagements sont présentées comme suit :
- en l’absence de limitation de l’accès aux marchés ou du traitement national
dans un secteur donné et pour un mode de fourniture donné, il est indiqué la
mention « NEANT »158 ;
- tous les engagements portés sur une liste sont consolidés sous réserve d’une
indication contraire. La mention « NON CONSOLIDE » signifie qu’un
membre manifeste son désir de demeurer libre d’introduire ou de se
maintenir dans un secteur donné et pour un mode de fourniture, des mesures
incompatibles avec l’accès aux marchés ou le traitement national ;
- dans tous les cas où la mention « NON CONSOLIDE » est accompagnée de
la note explicative indiquant « non consolidé parce que techniquement
impraticable », le mode de fourniture particulier n’est pas, techniquement,
possible ou applicable.
Les listes d’engagements sont des documents complexes contenant les secteurs
de services auxquels s’appliquent les obligations énoncées dans l’AGCS en
matière d’accès aux marchés et de traitement national, et les éventuelles
158 Mamadou Alhadji, SYLLA LY, Cathy Dieng Mar, SAWARE Alioune, NDIAYE Marie Suzanne Badji
Analyse des impacts de la libéralisation du commerce des services TIC au Sénégal, Dakar, Rapport sous la
supervision du Professeur Abdoulaye SAKHO et de Gaye DAFFE, publié par CRES et Institut Panos, Afrique
de l’Ouest en août 2010, p. 31.
81
exceptions apportées auxdites obligations. Dans chaque cas, les engagements et
limitations sont indiqués pour chacun des quatre modes de fournitures de
services :
- les fournitures transfrontalières (mode 1) : ce mode vise les informations
envoyées par voie postale ou au moyen de communication électronique aux
consommateurs potentiels étrangers pour les amener à contracter
(enseignement en ligne);
- la consommation à l’étranger (mode 2) : il englobe les offres de services
destinés à des consommateurs étrangers qui se sont eux- mêmes déplacés
pour se les procurer ;
- la présence commerciale (mode 3) : ce sont des offres de services fournies
par une filiale ou une succursale d’une entreprise étrangère (services de la
filiale d’une entreprise étrangère) :
- la présence de personnes physiques (mode 4) : ce mode regroupe les
prestations de services fournies par le biais d’expatriés temporaires ou
permanents (faire venir des infirmiers d’un autre pays).
Contrairement aux listes des engagements spécifiques, celles des exemptions
sont simples. Elles concernent le traitement de la nation la plus favorisée. Sous
le cycle d’Uruguay, il avait, en effet, été admis que des mesures particulières
incompatibles avec la NPF159 pouvaient être maintenues pendant un délai d’un
an avec la possibilité d’un réexamen après cinq ans au plus. Après l’entrée en
vigueur de l’Accord de Marrakech, les demandes restent liées à la réunion d’un
certain nombre de renseignements de la part du pays présentateur.
c. En vertu de ces principes et obligations, le Sénégal a pris
successivement les 15 avril 1994, 11 avril 1997 et 26 février 1998, des
159 NPF signifie la clause de la nation la plus favorisée.
82
engagements spécifiques portant sur les services d’architecture,
médicaux et dentaires, de location simple ou en crédit-bail de bateaux,
des télécommunications, de distribution, récréatifs, culturels et sportifs
(la pêche récréative), de transport et de finances160.
Conformément à ce qui précède, le Sénégal avait pris l’engagement
supplémentaire de mettre en place un cadre réglementaire approprié à
l’ouverture de la concurrence dans ce sous-secteur et d’octroyer des licences à
d’autres opérateurs, ce qui a été fait sous le Code des télécommunications
adopté en 2001.161 L’Autorité de régulation des télécommunications et des
postes (ARTP)162 gère les fréquences, attribue les licences aux opérateurs de
réseaux de télécommunications ouverts au public (en principe soumis à la
procédure de l’appel d’offres ouvert)163, fournit les agréments pour les
équipements radioélectriques (y compris les terminaux selon les normes de
l’UIT), arbitre les litiges, veille sur l’interconnexion équitable, et instruit les
plaintes des associations de consommateurs. Le régime de la déclaration régit les
fournisseurs des services à valeur ajoutée (y compris les fournisseurs d’accès à
l’Internet). Les tarifs aux consommateurs sont libres pour les (segments ouverts
à la concurrence), tandis que ceux qui relèvent du monopole sont soumis à
l’approbation; ceux qui sont fixés librement par les opérateurs sont
160Op.cit. 161 Loi N° 2001-15 du 27 décembre 2001. 162 Devenue l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) à partir de l’adoption du
Code des Postes en 2006 (Loi N° 2006-01 du 4 janvier 2006), et la révision du Code des télécommunications
(Loi N° 2006-02 du 4 janvier 2006). L’ARTP est alimentée par ses propres ressources constituées d’une partie
du montant payable à l’Etat pour l’obtention d’une licence et des redevances diverses liées aux régimes
d’autorisation et d’agrément. Son site (www.artp-senegal.org) propose des informations complètes sur les textes
législatifs et ceux à caractère réglementaire qu'elle a adoptés. Voir Journal Officiel de la République du Sénégal
n°6264 du Samedi 11 février 2006. 163Le régime de l’autorisation s’applique à l’installation et/ou l’exploitation de réseaux indépendants.
83
communiqués pour information à l’ARTP. L’infrastructure fixe de la SONATEL
consiste en un réseau en fibre optique de 2.200 kilomètres reliant Dakar aux
principaux centres régionaux; celui-ci est relié aux réseaux internationaux par
deux câbles sous-marins (Atlantis II et Afrique-Europe-Asie SAT
3/WASC/SAFE) et par satellite. La boucle locale fixe est équipée pour fournir
les services d’accès à l’Internet haut débit de type ADSL. Le Sénégal dispose
d’une des bandes passantes Internet les plus importantes d’Afrique avec
9Gbit/s164.
Ainsi, la consécration de régime juridique favorisant la concurrence et
l’existence d’une bonne bande passante démontre l’effort du Sénégal vers la
conformité aux engagements pris dans le cadre de l’OMC. Qu’en est –il des
règles de l’Union Internationale des télécommunications ?
2. Les normes de l’Union internationale des télécommunications
applicables à la régulation des télécommunications au Sénégal
Le phénomène de la réglementation internationale des télécommunications
est très ancien. Il remonte à la Convention Télégraphique Internationale du 17
mai 1865 et se poursuit avec la création de l’Union Internationale des
Télécommunications (UIT) dont le siège est à Genève165. Créée sous le nom
d’Union télégraphique internationale, l’UIT a été rattachée en 1947 au système
des Nations unies dont elle est l’institution spécialisée dans le domaine des
télécommunications166. L’Union compte aujourd’hui 190 Etats membres et plus 164 Isabel Gross Obstacles et opportunités pour la démocratisation de l’Internet au Sénégal, Balancing
act/Google, 2012, p. 11. 165 « L’histoire de l’Union Internationale des Télécommunications », (http://www.itu.int/library/BIBAR_ITU-
NEWS_article-F.pdf. Page consultée le 10 novembre 2010). 166 Selon l’article 49 de la constitution de l’UIT, les relations entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union
internationale des télécommunications sont définies dans l’Accord conclu entre ces deux organisations. Par
ailleurs, afin d’aider à la réalisation d’une entière coordination internationale dans le domaine des
télécommunications, l’UIT collabore avec les organisations internationales qui ont des intérêts et des activités
connexes.
84
de 590 membres de secteur représentant celui privé (opérateurs et industriels).
Elle compte également 110 associés.
L'UIT repose sur le principe de la coopération internationale entre le secteur
public et le secteur privé167. Elle représente une instance mondiale au sein de
laquelle les deux secteurs (public et privé) peuvent se réunir pour parvenir à un
consensus sur une grande diversité de questions, et sur les orientations futures
d'un secteur des télécommunications qui joue un rôle de plus en plus important.
Le texte fondateur de cette organisation, ainsi que ceux qui ont été adoptés par
la suite, constituent l’une des sources du droit international des
télécommunications du Sénégal168.
Le Sénégal a adhéré à l’UIT en 1960. En tant que membre ayant ratifié les
instruments fondamentaux de cette organisation, les normes juridiques de
l’Union lui sont applicables.
Ces normes sont constituées notamment par tous les instruments juridiques qui
ont valeur de traité, c’est-à-dire, d'une part, la Constitution et la Convention et
d'autre part, le Protocole facultatif, les Décisions, les Résolutions, les
Recommandations et les Règlements des télécommunications. Le protocole
167 Le préambule de la constitution de l’UIT précise que l’objet de l’UIT est de « faciliter les relations pacifiques
et la coopération internationale entre les peuples ainsi que le développement économique et social par le bon
fonctionnement des télécommunications » ; Voir Recueil des textes fondamentaux de l’Union internationale des
télécommunications adoptés par la conférence de plénipotentiaires, Genève, UIT édition 2011, p. 3. 168 Au sens de l’article 6 de la constitution de l’Union internationale des télécommunications, les Etats Membres
sont tenus de se conformer aux dispositions des instruments juridiques de l’Union notamment de la constitution,
de la Convention et des Règlements administratifs dans tous les bureaux et dans toutes les stations de
télécommunication établies ou exploitées par eux et qui assurent des services internationaux ou qui peuvent
causer des brouillages préjudiciables aux services de radiocommunication d’autres pays . Voir le Recueil des
textes fondamentaux de l’Union internationale des télécommunications adoptés par la Conférence des
plénipotentiaires., Genève UIT édition 2011, p. 9.
85
facultatif, les décisions et les recommandations sont plutôt des instruments
internes à l’UIT. Par contre, la Constitution, la Convention et les Règlements
administratifs méritent que nous nous y attardions un peu.
a. La Constitution et la Convention de l’Union Internationale des
Télécommunications ont été signées le 22 décembre 1992 à Genève et
sont entrées en vigueur le 1er juillet 1994.
Depuis leur adoption, elles ont été amendées à plusieurs reprises par les
Conférences de plénipotentiaires169.
a.1 La Constitution de l’UIT :
La Constitution définit les secteurs suivants :
les radiocommunications ;
la normalisation des télécommunications ;
le développement des télécommunications.
Concernant ces trois points, la Constitution précise : la définition de
certains termes employés, le nombre de commissions d’étude à constituer, les
conférences mondiales à organiser, le droit du public applicable au service
international de télécommunication, les conditions d’arrêt ou de suspension des
télécommunications, les différentes responsabilités, l’obligation d’assurer le
169C’est l'organe suprême de l'UIT composé des délégations accréditées des Etats Membres et qui se réunit tous
les quatre ans.
86
secret des télécommunications, la sécurité des installations des équipements de
télécommunication et de la vie humaine, etc.170.
La Constitution se prononce aussi sur :
les modalités de fonctionnement de l'Union (les fonctionnaires élus et le
personnel d’appui, les finances, la capacité juridique, le règlement
intérieur, etc.) ;
les relations avec l'ONU, les autres organisations internationales et les
Etats non membres.
L’autre instrument de l’UIT est la Convention.
a.2 La Convention de l’UIT
Le texte de la Convention se prononce sur171 :
les dispositions générales concernant les conférences et les assemblées ;
les conditions d'exploitation des services de télécommunication ;
les règles d’arbitrage et amendement ;
les finances et les responsabilités financières des conférences.
A la Convention, est annexée aussi une liste de définitions portant sur les
termes les plus usités.
170 UIT Recueil des textes fondamentaux de l’Union Internationale des Télécommunications adoptés par la
Conférence de plénipotentiaires, Genève, édition 2007, pp. 3 à 44. 171 UIT Recueil des textes fondamentaux de l’Union Internationale des Télécommunications adoptés par la
Conférence de plénipotentiaires, Genève, édition 2007, pp. 57 à 121.
87
a.3 Les règlements administratifs (Règlement des radiocommunications et
Règlement des télécommunications internationales) qui complètent la
Constitution et la Convention.
Le Règlement des Radiocommunications vise à :
faciliter l'accès équitable aux ressources naturelles du spectre des
fréquences radioélectriques172, de l'orbite des satellites géostationnaires et
l'utilisation rationnelle de ces ressources;
assurer la mise à disposition et la protection contre les brouillages173
préjudiciables des fréquences utilisées à des fins de détresse et de sécurité;
aider à prévenir et à résoudre les cas de brouillage préjudiciable174 entre
les services radioélectriques des différentes administrations ;
faciliter l'exploitation efficace et efficiente de tous les services de
radiocommunication175;
172 C’est l’ensemble des ondes radioélectriques dont la fréquence est comprise dans les normes fixées par le
Code des télécommunications. 173 Le brouillage est l’effet sur la réception dans un système de radiocommunication, d’une énergie non désirée
due à une émission, à un rayonnement ou à une induction (ou à une combinaison de ces émissions, rayonnements
ou inductions), se manifestant par une dégradation de la qualité de transmission, ou une déformation ou une perte
d’information que l’on aurait pu extraire en l’absence de cette énergie non désirée. Voir l’article 1.166 du
Règlement des Radiocommunications, UIT édition 2008, page 23. 174 Le brouillage préjudiciable est celui qui compromet le fonctionnement d’un service de radionavigation ou
d’autres services de sécurité ou qui dégrade sérieusement, interrompt de manière répétée ou empêche le
fonctionnement d’un service de radiocommunication utilisé conformément au Règlement des
radiocommunications. Voir article 1.169 du Règlement des radiocommunications éditions UIT 2008, p. 23. 175 Le Règlement des radiocommunications précise dans son préambule que, lors de l’utilisation de bandes de
fréquences pour les radiocommunications, les Membres tiennent compte du fait que les fréquences et l’orbite des
satellites géostationnaires sont des ressources naturelles limitées. Elles doivent être utilisées de manière
rationnelle, efficace et économique, conformément aux dispositions du Règlement des radiocommunications afin
qu’elles soient équitablement accessibles aux différents pays, ou groupes de pays, compte tenu, surtout, des
besoins spéciaux des pays en développement et de leur situation géographique.
Voir le Règlement des radiocommunications, Genève, édition UIT 2008, p. 3.
88
prendre en compte, et si nécessaire, réglementer les nouvelles applications
des techniques de radiocommunication.
L'UIT est donc responsable de la réglementation, de la normalisation, de la
coordination et du développement des télécommunications internationales ainsi
que de l'harmonisation des politiques nationales. C’est un organe incontournable
en matière de réglementation des télécommunications.
B. Des sources communautaires de la régulation
Les systèmes normatifs de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’OHADA sont
d’essence supranationale.
La supranationalité relève du pouvoir externe des OIG et notamment, de la
capacité donnée à ces dernières de soumettre ou plutôt de lier les Etats par leurs
décisions parce que ces derniers dans la charte constitutive ont délégué à l’OIG,
elle même, certaines de leurs prérogatives souveraines pour la réalisation des
fonctions qui lui sont assignées. La supranationalité a un caractère fonctionnel.
Elle doit être analysée comme une capacité, nullement un pouvoir propre des
OIG d’intégration.
La supranationalité signifie dans son essence un système institutionnel et
normatif qui permet de privilégier le bien commun, c’est-à-dire celui de la
communauté par rapport aux intérêts nationaux des Etats membres. Elle est
susceptible de se manifester dans le processus décisionnel qui attribue un rôle
éminent à une institution purement communautaire. Cette supranationalité
s’observe dans le pouvoir d’édicter des normes communautaires ou régionales
qui sont immédiatement applicables et ont des effets directs. En outre la
89
supériorité des normes communautaires sur les règles juridiques nationales,
antérieures mais surtout postérieures, est clairement affirmée176.
La Cour de Luxembourg a aussi défini la supranationalité en considérant que
les caractères originaux du droit communautaire le différencient du droit
international d’une double manière :
Parce que, pouvant être le résultat de décisions prises non à l’unanimité, mais à
une majorité même qualifiée, il revêt un caractère supranational ; parce que,
ayant vocation à être immédiatement et directement applicable dans l’ordre
juridique de chaque Etat membre, il revêt alors un caractère transnational177.
La supranationalité consiste donc en l’existence d’un système institutionnel
autonome permettant de privilégier le bien commun par rapport aux intérêts
nationaux et capable d’édicter des normes qui, non seulement s’imposent aux
Etats, mais aussi régissent directement la situation juridique des particuliers.
Il ressort de ces définitions que la notion de supranationalité repose sur trois
critères fondamentaux :
1. le critère du mode décisionnel : la majorité ;
2. le critère du mode de relation entre ordres juridiques : applicabilité
immédiate et effet direct ;
176Pierre Meyer, « Les conflits de juridictions dans l’espace OHADA, UEMOA, CEDEAO » in Sensibilisation
au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou, 6 – 10 octobre 2003,
p.177.
177François Terre, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 5e éd., 2000, n° 189.
90
3. le critère du rang du droit communautaire : la primauté
Cette supranationalité, dans l’UEMOA, tout comme dans la CEDEAO, est
manifeste tant au regard des conditions d’insertion du droit communautaire dans
l’ordonnancement juridique des Etats membres que du degré d’effet juridique
que peuvent produire ces différentes normes communautaires. De ce point de
vue, la primauté du droit de ces trois organisations se vérifie avec la
consécration par leurs traités respectifs du principe d’applicabilité directe. Ce
principe trouve à s’affirmer dans le régime juridique des Actes des trois
organisations, respectivement aux articles 9, 43 et 10 des Traités de la
CEDEAO, de l’UEMOA et de l’OHADA, dont les dispositions mettent en
évidence les différents effets juridiques que peuvent produire ces différents
Actes. En la matière, il convient de souligner que le souci d’élaborer un droit
uniforme de substitution est plus explicite dans l’OHADA178que dans la
CEDEAO et l’UEMOA. Dans ces dernières, la substitution se déduit plus de la
nature des objectifs en cause179 que du type de norme prévu pour leur
réalisation180. L’effet direct est affirmé dans les trois organisations d’intégration.
Il en est ainsi du règlement de la CEDEAO181, du règlement de l’UEMOA182 et
des Actes uniformes de l’OHADA183.
178Article 5 du Traité de l’O.H.A.D.A 179Le fondement de l’applicabilité directe des normes communautaires, CEDEAO et U.E.M.O.A, se trouve en
premier lieu, dans les dispositions des articles 3 du Traité CEDEAO et 4 du Traité UEMOA. En décidant de
créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des
services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariale,
sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune (articles 3 d CEDEAO 4 c UEMOA), les
Etats ont entendu reconnaître le principe de l’applicabilité directe puisque la logique inhérente au marché
commun destine ses règles à s’adresser directement aux particuliers. 180Le système d’articulation des rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux, prévu par le Traité,
privilégie deux modes de relation : l’harmonisation et la substitution. L’harmonisation avec la directive, la
substitution avec le règlement. 181 Article 9 nouveau §.4. 182Article 43 al.1er. 183Article 10.
91
L’affirmation de la primauté du droit communautaire signifie qu’en
présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle
constitutionnelle légale, réglementaire ou administrative de son propre droit, le
juge national doit faire prévaloir le droit communautaire sur le droit national, en
appliquant le premier et en écartant le second. Cette caractéristique vaut pour
l’ensemble des règles obligatoires du droit communautaire sur les règles du droit
interne.
C’est d’ailleurs la position de la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis
n° 001/2003 du 18 mars 2003184 dans lequel il affirme :
La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme
dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes
les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et, même,
constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans
son intégralité sur les ordres juridiques nationaux.
Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national
incompatible avec une norme de droit communautaire qui répond aux
engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être valablement opposée à celle-ci.
Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme communautaire
sur la norme interne.
Ainsi le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit
communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier
sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre.185
Cette affirmation jurisprudentielle doublée de l’affirmation formelle, inscrite
dans les articles 6186 et 10187des Traités de Dakar et de Port Louis, confirme 184 Inédit. 185 Alioune Sall, op.cit.pp. 173 à 179. Selon le Professeur Alioune SALL, cette jurisprudence est une reprise
d’une jurisprudence constante de la Cour européenne.
92
l’adoption du postulat moniste pour résoudre le problème de l’intégration du
droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La solution est non
équivoque : le droit d’essence communautaire prime sur le droit interne des
Etats membres.
C’est pourquoi les normes juridiques adoptées par l’UEMOA et la CEDEAO en
matière de télécommunications méritent une attention particulière.
L’UEMOA et la CEDEAO ont adopté des normes juridiques
communautaires. La première a adopté des directives, tandis que la seconde a
adopté des Actes Additionnels.
Les directives de l’UEMOA188 invitent les Etats membres à mettre en œuvre un
programme d’actions communes dans le domaine des télécommunications
s’articulant autour :
du développement des télécommunications, par la libéralisation du
secteur, la création d’un cadre favorable à la participation du secteur privé 186 « Les Actes, arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et
conformément aux règles de procédure instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre
nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». 187« Les Actes uniformes sont directement applicables dans les Etats Parties nonobstant toute disposition
contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». 188 Les Ministres des Télécommunications et des Technologies de l’Information et de la Communication des
Etats membre de l’UEMOA ont approuvé les directives relatives à l’harmonisation des cadres législatifs et
réglementaires concernant les télécommunications, le 2 décembre 2005. Cette réunion a eu lieu en présence
d’observateurs de la CEDEAO, de la BCEAO, de la BOAD et de l’Union Internationale des
Télécommunications (UIT). Cette décision est une première étape décisive du processus d’intégration juridique
dans le domaine des télécommunications engagé sur l’impulsion du Président de la commission de l‘UEMOA,
Monsieur Soumaila CISSE, du Président Abdou DIOUF, Secrétaire Général de la Francophonie, mandaté sur ce
sujet par les Chefs d’Etat lors du Sommet de la Francophonie de novembre 2004 à Ouagadougou , du Président
Abdoulaye WADE en sa qualité de promoteur de la solidarité numérique et du Président de l’Association
UNIDA, Monsieur Kéba MBAYE. ; Voir www.cipaco.org. Page consultée le 27 septembre 2011).
93
et la mise en place d’un mécanisme de financement pour l’accès au
service universel ;
de la convergence des politiques sectorielles nationales, par
l’harmonisation des cadres législatifs et réglementaires nationaux avec, à
terme, l’élaboration d’une réglementation communautaire ainsi que la
création d’une base de données communautaires ;
l’amélioration des télécommunications et la promotion des NTIC, par la
modernisation des liaisons inter-états pour améliorer l’interconnexion au
sein de l’espace communautaire, la promotion des NTIC par la mise en
place d’infrastructures de base appropriées, et le soutien au
développement d’une industrie de télécommunication ;
le développement des ressources humaines, par la sauvegarde et
l’adaptation des structures de formation ;
l’adaptation du cadre institutionnel, par la création d’un comité des
régulateurs nationaux chargés des télécommunications des Etats membres
et la mise en place d’une structure de concertation entre les opérateurs et
les fournisseurs de services de télécommunication.
Placé sous la responsabilité d’un Commissaire, le volet télécommunication
relève du Département de l'Aménagement du Territoire Communautaire, des
Infrastructures, des Transports et des Télécommunications. A cet effet, le
Conseil des Ministres sectoriel en charge des Télécommunications a adopté six
directives le 23 mars 2006 à Abidjan.189
Ces directives prévoient ce qui suit :
Les Etats membres prennent toutes les dispositions pour adapter leurs
dispositions législatives et réglementaires nationales sectorielles, à la présente
189 Op.cit.
94
Directive, deux (02) ans au plus tard après sa date d’entrée en vigueur. Ils en
informent immédiatement la Commission.190
Quelques années plus tard, la CEDEAO a adopté des Actes Additionnels.
Depuis le Protocole Additionnel A/SP 1/06/07 portant amendement du Traité
révisé de la CEDEAO, la transformation du Secrétariat en Commission a été
accompagnée de l’adoption d’un nouveau régime pour les Actes de la
communauté qui sont désormais dénommés « Actes Additionnels, Règlements,
Directives, Décisions, Recommandations et Avis ». Dès la lecture de ces Actes
Additionnels, nous nous rendons compte que l’exigence de la transposition de la
réglementation communautaire des TIC provient de cette réglementation elle-
même191. En effet, chacun des six Actes Additionnels contient dans ses
dispositions finales192, un article intitulé délai de transposition et qui fait
obligation aux Etats membres de prendre toutes leurs dispositions pour adapter
leurs droits nationaux sectoriels aux Actes additionnels dans les deux ans de leur
entrée en vigueur193. D’après le Protocole Additionnel portant amendement du
Traité révisé, les Actes Additionnels sont ceux pris par la Conférence, qui
complètent le Traité et qui y sont annexés194. Ces Actes Additionnels s’adressent
aux Etats membres et aux Institutions de la Communauté, sous réserve des
dispositions de l’Article 15 du Traité.
En tant qu’Acte annexé au Traité, le complétant et pris par la Conférence
des Chefs d’Etat et de Gouvernement, l’Acte additionnel peut, à certains égards, 190 Voir article 18.2 de la Directive n°02/2006/CM/UEMOA/ relative à l’harmonisation des régimes applicables
aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services ; article 18.2 de la Directive n°3/2006/CM/UEMOA
relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications. 191 Voir Abdoulaye Sakho Rapport sur la transposition des Actes Additionnels de la CEDEAO en droit interne
du Burkina Faso, Burkina Faso, Janvier 2008, p. 3, document inédit. 192 Voir par exemple l’article 30 de l’Acte Additionnel A/SA 02/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des
réseaux et services du secteur des TIC. 193 Cela signifie que la transposition devait être effective pour les Directives de l’UEMOA, au plus tard en avril
2008 et pour les Actes Additionnels de la CEDEAO, au plus tard en février 2009. 194 L’article 9 du Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du traité de la CEDEAO.
95
être considéré comme relevant du « droit primaire », de l’intégration
économique.
Mais, le droit primaire est en principe soumis au régime des actes
conventionnels du droit international public195. Ce qui suppose que ces actes ont
besoin, pour leur application dans le territoire des Etats membres, d’une
procédure spéciale de ratification et de réception. Or, c’est pour accélérer le
processus d’intégration que la CEDEAO a adopté un nouveau régime des Actes
communautaires qui permet de contourner les procédures de paralysie ou de
retard dans l’entrée en vigueur des textes communautaires196. En conséquence,
l’Acte Additionnel peut être détaché, de ce point de vue, du « droit primaire » et
se rapprocher du « droit dérivé ».
L’Acte Additionnel se rapproche également du « droit dérivé » par son
application immédiate et directe dans les Etats membres. Il n’est pas nécessaire
de passer par une procédure de ratification ou un parlement quelconque pour sa
réception dans le droit interne197.
C’est ce qui fait dire à Maître Salifou Dembélé que : « L’U.E.M.O.A et la
C.E.D.E.A.O ont opté pour des textes plus souples qui nécessitent encore
l’intervention des Etats membres pour assurer leur effectivité à travers
l’obligation de transposition dans l’ordre juridique des Etats membres. »198
195 Le traité qui constitue le droit primaire est défini comme suit par la convention de Vienne du 23 mai 1969 : «
L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit
international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et
quelle que soit sa dénomination particulière. ». Le principe Pacta sunt servanda détermine l’autorité particulière
du traité. En effet, les traités sont faits pour être respectés par les parties. 196 Professeur Abdoulaye Sakho, Op.cit. 197 Voir les explications de Florence Guthfreund-Roland, partenaire du cabinet Simmons, qui explique la mise
en place progressive des lois communautaires et la situation réglementaire en Afrique de l’Ouest et du Centre. In
Magazine Réseau Telecom Network N° 51. 198Salifou Dembélé Cour de droit pour la formation d’ingénieur de télécommunication et de régulation,
Formation BADGE Télécoms, Télécom Paris, Ouagadougou 2012, p. 40.
96
Dès lors, nous comprenons aisément l’obligation qui pèse sur le Sénégal
d’adapter ces textes aux cadres communautaires et internationaux et d’informer
les organes compétents.
Sur le plan économique, la mutation dynamique des technologies influe
considérablement sur les économies de réseaux. Ce qui impose des règles
adaptées à la libéralisation économique et à la protection des droits du
consommateur. Sur cet aspect, les règles communautaires ont proposé des
solutions. Par ailleurs, la création d’un marché commun dans l’espace
communautaire et la prise en compte de la convergence des technologies forcent
les pays à rendre plus souple leur réglementation et à favoriser une ouverture
accrue du secteur pour permettre à leurs populations et à leurs industries d’en
tirer le maximum de profit199.
L’ensemble de ces normes juridiques supranationales appelle à une cohérence
avec les normes nationales.
Le BADGE est le Brevet d’Aptitude Délivré par les Grandes Ecoles sur la régulation des Télécommunications.
C’est une formation organisée par le Forum des régulateurs francophones, et l’Ecole Télécom Paris pour
renforcer les capacités des organes de régulation des pays francophones. L’Autorité de Régulation des
Communications Electroniques et des Postes du Burkina Faso a accueilli la formation en 2012. Nous avons
l’avantage d’être membre de la promotion de 2012. 199 Voir Raphaël Koffi « Harmonisation du secteur des télécoms/TIC dans l’espace CEDEAO », Addis Abeba,
présentation à la réunion du projet de lancement du projet HIPSSA, les 11 et 12 décembre 2008.
97
PARAGRAPHE II :
Des normes juridiques nationales de la régulation des télécommunications
La constitution du Sénégal, dans ses articles 8 et 13, accorde une valeur
suprême à l’accès aux services de télécommunication.
Tout d’abord, l’article 8 garantit à tous les citoyens la liberté d’expression
qui se réalise essentiellement à travers les supports de télécommunication.
Ensuite, l’article 13 stipule expressément comme droits inviolables du citoyen le
secret des correspondances, des communications postales, télégraphiques et
téléphoniques. En application de ces dispositions, des normes législatives et
réglementaires sont adoptées.
Certaines sont applicables à la régulation ex ante (1), d’autres sont relatives à la
régulation ex post (2).
1. Normes juridiques relatives à la régulation ex ante
La régulation ex ante consiste à mettre en place le cadre normatif dans
lequel les acteurs doivent évoluer. Cette catégorie de normes concerne souvent
la régulation de l’accès et de la dominance.
La régulation de l’accès apparaît comme « un appareillage juridico-
économique » utilisé pour construire un secteur et maintenir en son sein des
équilibres. La régulation de l’accès consiste à utiliser des moyens pour faire
98
advenir une concurrence effective lorsque la simple abolition des droits
exclusifs, naguère conférés à des monopoles, ne suffit pas200.
Tandis que la régulation de la dominance peut consister à appliquer des
principes tendant à promouvoir la concurrence, comme le droit d’accès aux
facilités essentielles201.
Elles déterminent les conditions d’accès aux marchés et les obligations
permettant de créer ou de renforcer la concurrence.
a. Concernant la régulation de l’accès202, le code des télécommunications du
Sénégal a consacré trois régimes juridiques à savoir le régime de la licence, le
régime de l’autorisation et le régime de la déclaration.
Aux termes de l’article 20 du nouveau code des télécommunications203 du
Sénégal :
Les réseaux et services de télécommunications sont soumis, dans les conditions
définies par le présent code et ses textes d'application, à l'un des régimes
suivants :
- le régime de la licence ;
- le régime de l'autorisation ;
- le régime de la déclaration.
200 Voir l’analyse de Marie-Anne Frison « Les nouveaux champs de régulation », in Revue français
d’administration publique, 2004/01 n°109, pp. 53 à 63. 201P. Areeda « Essential facilities: an epithet in need of limiting principles », in Antitrust Law Journal, vol.108,
n°448, mai 1999, pp.545-564. 202 Nous avons emprunté cette classification à Monsieur Bruno Lasserre, Président de l’Autorité de concurrence
de la France lors de sa communication au Forum de la régulation en 2008 à l’UCAD. 203 Journal Officiel de la République du Sénégal, n° 6576 du lundi 14mars 2011.
99
Dans le nouveau code des télécommunications, tout réseau ou service de
télécommunication ne relevant pas des régimes juridiques prévus par l’article 20
est libre.
Aux termes de l’article 23 du nouveau code des télécommunications :
L’établissement et l’exploitation de réseaux ou services de télécommunications
ouverts aux publics, faisant appel à des ressources rares ou empruntant le
domaine public, sont subordonnés à l’obtention d’une licence délivrée par
décret portant approbation d’une convention de concession et d’un cahier de
charges.
Il découle de ces dispositions que l’exploitation ou l’établissement d’un
réseau de télécommunication ouvert au public est soumis à la licence. Cette
licence est attribuée par décret portant approbation d’une convention de
concession et d’un cahier des charges. Les obligations de cahier des charges sont
constituées du respect des conditions d’établissement et d’exploitation d’un
réseau de télécommunication prévu dans le code. C’est dans ce cahier des
charges que sont prévus les obligations et les droits attachés à la licence.
L’attribution de la licence est faite à la suite d’une procédure d’adjudication.
A côté de la licence, le droit sénégalais des télécommunications prévoit
l’autorisation.
L’autorisation est le régime juridique applicable aux réseaux indépendants.
Selon l’article 29 du nouveau code des télécommunications du Sénégal :
Sont soumis à autorisation l'établissement et l'exploitation de réseaux
indépendants. Un réseau indépendant ne peut être connecté au réseau public
qu'en un seul point sauf autorisation de l’Autorité de régulation.
100
Il convient de préciser que le réseau indépendant est différent d’un réseau
ouvert au public.
L’article 3 du code des télécommunications du Sénégal qualifie comme
réseau indépendant un réseau de télécommunication réservé à un usage privé ou
partagé. Un réseau indépendant est appelé à usage privé lorsqu’il est réservé à
l’usage de la personne physique ou morale qui l’établit et à usage partagé,
lorsqu’il est réservé à l’usage de plusieurs personnes physiques ou morales
constituées en un ou plusieurs groupes fermés d’utilisateurs, en vue d’échanger
des communications internes au sein d’un même groupe.
Par contre, le réseau public est l’ensemble des réseaux de
télécommunications établis ou utilisés par une entreprise de télécommunication
pour les besoins du public.
Le troisième régime prévu par le code sénégalais des télécommunications
est la déclaration. Ce régime concerne les services à valeur ajoutée (SVA).
L’article 3 du code considère comme SVA tous les services de
télécommunication qui n’étant pas des services de diffusion et utilisant des
services de supports ou les services de télécommunication finals, ajoutent
d’autres services au service support ou répondent à de nouveaux besoins
spécifiques de télécommunication.
L’exploitation des services à valeur ajoutée est soumise à une simple
déclaration.
Les appareils de faible puissance peuvent être exploités librement sous réserve
du respect des limites prévues par l’Autorité de régulation.
101
Contrairement au code de 2001, le nouveau code des télécommunications
n’énumère pas l’agrément parmi les régimes juridiques. Au sens de l’article 35
du nouveau code des télécommunications :
Les équipements terminaux sont fournis librement, sans agrément préalable.
A l’exception des installations radioélectriques des opérateurs titulaires de
licence, l'agrément des équipements est exigé dans tous les cas pour les
installations radioélectriques, qu'elles soient destinées ou non à être connectées
à un réseau de télécommunication ouvert au public.
L'agrément doit être notifié dans un délai ne dépassant pas les deux mois à
compter de la réception de la demande complète. Tout refus d'agrément doit
être motivé.
Contrairement au code des télécommunications de 2001 qui soumet les
équipements terminaux destinés à être connecté à un réseau public à l’agrément,
le nouveau code des télécommunications les soumet à la liberté. Cette
innovation vise un souci d’efficacité et d’effectivité de la norme. Dans les faits,
nombreux sont les Sénégalais qui disposent de terminaux sans agrément. Par
ailleurs, la volonté du Sénégal de démocratiser l’accès à la téléphonie mobile
s’accommode difficilement à la soumission des terminaux à l’agrément.
Aux termes de l’article 2 du décret 2003-64 du 17 février 2003204 relatif aux
fréquences et bandes de fréquences radioélectriques, aux appareils
radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, l’agrément est :
Une procédure par laquelle un organisme public reconnaît qu’un type de
matériel a subi avec succès une série de tests démontrant sa conformité aux
204 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6088 numéro spécial du lundi 17 février 2003.
102
règlements ou normes de fonctionnement, tant sur le plan technique que sur le
plan de la sécurité, et qui autorise le branchement de celui-ci au réseau public.
L’article 35 du nouveau code des télécommunications du Sénégal soumet à
l’agrément les équipements radios électriques indifféremment de leur destination
ou non à être connectés à un réseau de télécommunication ouvert au public. De
même l’activité d’importation, de mise en vente de ces équipements
radioélectriques est soumise à l’agrément.
Il apparaît à travers ce qui précède que le droit sénégalais des
télécommunications est caractérisé par la neutralité technologique.
Selon Maître Eric A. Caprioli, c’est un concept
selon lequel aucune discrimination ne devait être faite entre les diverses
techniques susceptibles d’être utilisées pour créer, communiquer ou stocker
électroniquement l’information.
Concept que l’on trouve en droit des télécoms avec la convergence et en
droit des données à caractère personnel où sont visés les traitements
automatisés et non automatisés.205
Sous cet angle, le code sénégalais des télécommunications est conforme au
cadre supranational. L’Acte Additionnel A/SA 3/01/07/ relatif au régime
juridique applicable aux opérateurs et fournisseurs de services prévoit en son
article 5 que les Etats parties « veillent à promouvoir la neutralité technologique
et des services.»
205 ERIC A. Caprioli « Que veut dire la neutralité technologique ?, du concept au principe généraux de droit »,
Acte du séminaire de « droit du commerce électronique : un droit différent », QUEBEC, 2 octobre 2008,
(www.gautrais.com/IMG/ppt/SeminaireQuebec_Pres021008.ppt .Page consultée le 24 octobre 2011).
103
De même, les trois niveaux d’intervention réglementaire pour l’entrée sur
le marché des TIC recommandés par l’Acte additionnel précité sont la licence,
l’autorisation et l’entrée libre. Ces trois régimes constituent les modes d’accès
sur le marché sénégalais des télécommunications en plus de la déclaration.
En plus de ces régimes, le droit sénégalais a consacré des facilités
essentielles pour réduire les barrières à l’entrée.
S’agissant de la régulation de la dominance206, le code des
télécommunications met à la charge de l’opérateur dominant certaines
obligations. Selon l’article 3 du code des télécommunications :
Est présumé exercer une telle influence tout opérateur qui détient une part
supérieure à 25% du marché des télécommunications. Il peut être tenu compte
également du chiffre d’affaires de l’opérateur par rapport à la taille du marché,
de son contrôle des moyens d’accès à l’utilisateur final, de son accès aux
ressources financières et de son expérience dans la fourniture de produits et de
services de télécommunication.
206Le concept de domination s’est imposé dans la littérature économique à partir d’un article de François
Perroux («Esquisse d’une théorie de l’économie dominante». Réagissant contre les conceptions
classiques, qui culminent dans l’œuvre de Wilfredo Pareto, d’une économie «pure» où toutes les relations
s’effectuent entre unités de force égale (qu’il s’agisse d’individus, de firmes ou de nations), l’auteur
entendait remettre au centre de l’analyse économique des données et des éléments jusque-là considérés
comme extra-économiques. Puisque la réalité est, en fait, un «ensemble de rapports patents ou dissimulés
entre dominants et dominés», ce sont ces rapports qu’il faut saisir comme tels. L’application du concept
de domination à l’étude des firmes et des groupes sociaux est une façon de renouveler la théorie des
monopoles et oligopoles. Sur le plan des relations internationales, nous pouvons également considérer
qu’elle est une façon de renouveler la théorie de l’impérialisme et du colonialisme. Voir Perroy Henry in
« Encyclopédie Universalis, »1997, T.7, p.620. Voir aussi PERROUX François « Esquisse d’une théorie
de l’économie dominante » in Economie appliquée, n°2-3. 1948 ; Voir aussi Abdoulaye Sakho. Op.cit.
104
Les obligations qui pèsent sur l’opérateur en position dominante sont souvent
des facilités essentielles.
Pour Madame Isabelle CROCO, « une facilité est essentielle si sa duplication
est raisonnablement impossible et si sans cette facilité les concurrents ne
peuvent pas accéder au marché et concurrencer l’opérateur historique »207.
Le concept de facilité essentielle a pour origine l’arrêt de la Cour Suprême
des Etats-Unis rendu en 1912 à l’encontre de Terminal Railroad Association of
Saint-Louis. Si le terme n’est pas utilisé explicitement, le concept est bien
présent dans l’analyse de la Cour. Dans cette affaire, un groupe de compagnies
de chemin de fer, qui contrôlait les ponts et les gares de triage d’accès à Saint-
Louis208, empêche les compagnies concurrentes de desservir Saint-Louis. La
Cour, en application du Sherman Act209, estimant qu’il s’agissait d’une
restriction illégale au commerce et d’une tentative de monopolisation du
marché, imposa au groupe de compagnies propriétaires du terminal Railroad
d’en ouvrir l’accès à leurs concurrents.210
Donc, dans la conception américaine, l’objectif est d’éviter autant que possible
les abus de position dominante dans les industries caractérisées par des
« goulots d’étranglement »211.
207 Isabel Croco, Régulation et Réglementation dans les Télécommunications, Paris Economica, p. 109. 208 Saint-Louis est une ville américaine. 209 Selon le Sherman Act, les firmes qui obtiennent une position dominante non du fait de leurs mérites, mais par
pratiques anticoncurrentielles doivent être sanctionnées. Voir Cour de Laurent Gille, Les régimes de
l’interconnexion, Ouagadougou, Formation BADGE TELECOMS 2012. 210 Voir l’article De Lipsky A.B et Sidak J.G (1999), « Essential facilities », Stanford Law Review, vol. 51, mai,
pp. 1187-1248. 211Tye W.B, « Competitive access: a comparative industry approach to the essential facility doctrine », in Energy
Law Journal, vol.8, 1987.
105
Au Sénégal, les facilités essentielles ont été introduites comme des leviers
de la concurrence. Il n’est pour s’en convaincre que de visiter la problématique
de l’interconnexion. L’article 48 du nouveau code des télécommunications du
Sénégal pose le principe de la liberté contractuelle dans le domaine de
l’interconnexion. Il stipule que :
L’interconnexion fait l'objet d'une convention de droit privé, appelée
convention d’interconnexion, entre les deux parties concernées. Cette
convention détermine, dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires applicables, les conditions techniques et financières de
l'interconnexion. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation dès sa
signature.
L’interconnexion est définie par l’article 3 du code des télécommunications
du Sénégal comme étant les prestations réciproques, offertes par deux
exploitants de réseaux ouverts au public, ou les prestations, offertes par un
exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au
public, qui permettent à l’ensemble des utilisateurs de communiquer librement
entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les
services. Le décret prévoit certains critères de l’application de la théorie des
facilités essentielles :
- l’obligation pèse sur l’opérateur ayant une puissance significative sur le
marché. L’article 3 du code des télécommunications définit l’opérateur
qui a une puissance significative sur un marché pertinent (opérateur
puissant) comme suit :
Une entreprise est considérée comme disposant d'une puissance significative
sur un marché pertinent si, individuellement ou conjointement avec d'autres,
elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c'est-
à-dire qu'elle est en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable,
106
de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de
compte, des consommateurs ;
- l’obligation d’interconnexion sous réserve de la faisabilité technique.
L’article 47 du nouveau code des télécommunications prévoit que :
Les opérateurs font droits, dans des conditions objectives, transparentes et non
discriminatoires, aux demandes d’interconnexion des autres opérateurs.
La demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est raisonnable au
regard des besoins du demandeur et des capacités de l’opérateur à la satisfaire.
Tout refus d’interconnexion est motivé et notifié au demandeur et à l’Autorité de
régulation.
Cette intervention ex ante de la régulation est complétée par une intervention
ex post pour garantir le droit d’accès à l’interconnexion.
Les investissements que requiert la construction d’infrastructures de
télécommunication sont lourds et difficilement supportables par le nouvel
entrant. Alors qu’il n’est pas souvent dans l’intérêt de l’opérateur historique ou
existant de s’interconnecter avec son concurrent. Ce qui rend éventuel le refus
d’interconnexion ou l’offre d’interconnexion à des coûts exorbitants. De telles
pratiques constituent une barrière à l’entrée, d’où la nécessité de qualifier
l’obligation d’interconnexion comme étant une facilité essentielle. C’est
pourquoi le nouveau code des télécommunications, à l’instar du décret 2005-
1183 du 06 décembre 2005 relatif à l’interconnexion des réseaux de
télécommunications ouverts au public, adopte une intervention ex ante dans le
domaine de l’interconnexion. Il pose le principe du caractère obligatoire de
l’interconnexion.
107
L’article 3 du décret 2005-1183 du 06 décembre 2005 dispose que :
Les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public en situation
de position dominante font droit, dans des conditions objectives transparentes et
non discriminatoires, aux demandes d’interconnexion émanant des titulaires de
licences d’exploitation de réseaux publics de télécommunications ainsi que des
fournisseurs de services de télécommunications .
Le régulateur, pour garantir ce droit d’accès, prévoit des obligations
asymétriques à la charge de l’opérateur ayant une puissance significative sur le
marché. Aux termes de l’article 14 du nouveau code des télécommunications :
Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché
pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière
d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :
1) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,
notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée
d'interconnexion ou d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre
d’interconnexion peut être modifiée au cours de la période de validité
d’un catalogue sous réserve que tous les exploitants puissent bénéficier
également de la modification. Toutefois, les modifications doivent être
approuvées préalablement par l’Autorité de régulation.
L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la modification
du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les conditions de
concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de
télécommunications ne sont pas garanties.
Elle peut également décider d’ajouter ou de supprimer des prestations
inscrites au catalogue pour mettre en œuvre les principes d’orientation
108
des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou pour mieux satisfaire les
besoins de la communauté des exploitants et fournisseurs de services de
télécommunications ;
2) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions
non discriminatoires ;
3) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau
ou à des moyens qui y sont associés ;
4) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;
5) isoler, sur le plan comptable, certaines activités en matière
d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des
activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au
titre du présent article ; le respect de ces prescriptions est vérifié, aux
frais de l'opérateur, par un organisme indépendant désigné par l'Autorité
de régulation.
Ces dispositions permettent entre autres de vérifier si les coûts
d’interconnexion ne constituent pas une barrière à l’entrée. Cette obligation
bénéficie avec le nouveau code des télécommunications, d’une valeur
législative.
Mieux, l’article 49 du code prévoit que :
Les opérateurs puissants sont tenus de publier annuellement une offre
technique et tarifaire d’interconnexion appelée catalogue d’interconnexion qui
inclut un catalogue de prix ainsi que les prestations techniques offertes.
109
L’offre doit contenir au minimum les prestations suivantes :
- les services d'acheminement du trafic commuté (terminaison et initiation
des appels);
- les liaisons louées;
- les liaisons d’interconnexion ;
- les services complémentaires et modalités d'exécution de ces services ;
- la description de l'ensemble des points d’interconnexion et des conditions
d'accès à ces points, pour fin de co-localisation physique ;
- la description complète des interfaces d'interconnexion proposées et
notamment le protocole de signalisation et éventuellement les méthodes de
chiffrement utilisés pour ces interfaces ;
- le cas échéant, les conditions techniques et tarifaires de la sélection du
transporteur et de la portabilité des numéros.
La présentation du catalogue est prévue au plus tard le 30 avril de l’année
en cours. Il est fondé sur l’analyse des résultats comptables au 31 décembre de
l’exercice précédent. L’ARTP dispose d’un délai de quarante-cinq jours
calendaires pour l’approuver ou demander des amendements. Cependant, il faut
noter que des retards sont récurrents dans le processus d’approbation du
catalogue d’interconnexion au préjudice de la concurrence. En France, l’ART
qui est aujourd’hui l’ARCEP fait ce constat dans son rapport de 2002 en ces
termes :
Il faut souligner les inconvénients du mécanisme actuel d’approbation du
catalogue d’interconnexion de France Télécom : il s’agit d’abord d’un
mécanisme qui donnait davantage l’initiative à l’opérateur historique qu’à
l’Autorité. Il en résulte un processus de négociation qui conduit à une
approbation du catalogue en général trop tardive par rapport aux attentes du
marché. Par ailleurs, afin que les opérateurs puissent effectivement disposer
110
d’une offre dans les délais raisonnables, l’Autorité est conduite à approuver un
document qui n’est pas pleinement satisfaisant, et à compléter certains points
par la suite. 212
Par ailleurs, cette soumission du catalogue à l’approbation permet de
contrôler si les tarifs prévus sont orientés vers les coûts. En ce sens que les
tarifs d’interconnexion et de location de capacité doivent être établis dans le
respect du principe d’orientation vers les coûts. La consécration de l’obligation
d’interconnexion vise à empêcher l’établissement de barrières à l’entrée de
nouveaux acteurs. Ce qui est conforme aux engagements internationaux du
Sénégal. Les accords des télécommunications de base de l’OMC prévoient que
l’interconnexion doit se faire à tout point du territoire national si sa faisabilité
technique est établie.
Dans l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion
des réseaux et services du secteur des TIC, il transparaît ce même souhait
d’instaurer un cadre concurrentiel. L’article 4 de l’Acte dispose que les Etats
membres veillent à ce que la réglementation nationale de l’interconnexion et de
l’accès respecte les principes de la libre et loyale concurrence. A cet effet, elle
doit favoriser l’élimination des barrières à l’entrée de nouveaux opérateurs sur le
marché. Il met à la charge des opérateurs de réseaux de télécommunications
ouverts au public l’obligation de faire droit dans des conditions objectives,
transparentes et non discriminatoires, aux demandes d’interconnexion des autres
opérateurs de réseaux publics dûment autorisés. De même, l’article 7 de l’Acte
prévoit que la demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est
raisonnable au regard des besoins du demandeur d’une part, et des capacités de
l’opérateur à la satisfaire, d’autre part.
212 Extrait de la synthèse de l’ART de France devenu l’ARCEP, sur l’adaptation de la régulation, adapter la
régulation au nouveau contexte du marché des télécommunications, Paris, juillet 2002.
111
Cette même obligation d’interconnexion est consacrée à travers la directive
n°2/2005/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des réseaux et services de
télécommunications. Selon l’article 3 de la directive, « les opérateurs de
réseaux de télécommunications ouverts au public sont tenus d’interconnecter
leurs réseaux avec les réseaux ouverts au public techniquement
compatibles »213. Dans la même logique, le décret prévoit le respect du principe
de la transparence, de l’obligation de non-discrimination et l’objectivité des
conditions d’accès à l’interconnexion.
A côté de ces normes relatives à la régulation ex ante, le droit sénégalais
des télécommunications a prévu des normes relatives à la régulation ex post,
adaptées au cadre communautaire.
2. Normes juridiques relatives à la régulation ex post
Les normes relatives à la régulation ex post sont celles relatives aux
comportements des acteurs du marché des télécommunications. Dans l’activité
de fourniture de services de télécommunication, les opérateurs sont tenus de
respecter certains principes dont la non-discrimination, la transparence, la
concurrence saine et loyale et l’égalité de traitement des usagers.
L’article 6 prévoit que l’accès des usagers aux réseaux des opérateurs de
télécommunication ouverts au public doit être assuré dans des conditions
objectives, transparentes et non discriminatoires.
Le respect de la concurrence saine et loyale est contrôlé par le régulateur.
En effet, la concurrence a un but essentiellement économique qui peut
213 Les directives de l’UEMOA sur les télécommunications sont disponibles sur le site officiel de l’UEMOA
(www.uemoa.int. Page consultée le 15 juin 2009).
112
synthétiquement s’analyser à trois niveaux. Au premier, se trouve l’existence
d’un marché donné où la concurrence serait un facteur de baisse des prix et
d’augmentation de la qualité des produits ou des prestations.
Au deuxième, la concurrence aurait une mission plus large consistant à
assurer le fonctionnement de l’économie ; ce qui s’étendrait à un rôle de
maintien des équilibres.
Enfin, au troisième niveau, est perceptible la fonction d’impact ou
d’influence sur les autres secteurs dont l’effet est le renouvellement des outils
économiques par l’innovation. C’est pourquoi le droit de la concurrence ne
sanctionne les comportements déloyaux que lorsqu’ils perturbent le libre jeu de
la concurrence214. C’est ainsi qu’il interdit aux exploitants de réseaux de
télécommunications ouverts au public des pratiques anticoncurrentielles215 telles
que :
- les subventions croisées à caractère anticoncurrentiel;
- l’utilisation des renseignements obtenus auprès de concurrents à des fins de
concurrence déloyale216 ;
- le refus de mettre à la disposition des autres exploitants autorisés, en temps
opportun, les renseignements techniques sur les installations essentielles et
les renseignements commerciaux pertinents qui leur sont nécessaires pour la
fourniture des services ;
- les mesures en matière d’exploitation de réseau pouvant porter atteinte à la
qualité du service des réseaux concurrents ;
- l’abus de position dominante217.
214 L. Boy, « L'ordre concurrentiel : essai de définition d'un concept », in L'ordre concurrentiel, Ed. Frison-Roche, 2003, 23. 215 Toutes les pratiques anticoncurrentielles prévues par la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des
télécommunications sont aussi sanctionnées par le Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002.
113
La violation de ces principes est constatée et sanctionnée par le régulateur
des télécommunications. En cas de pratiques anticoncurrentielles dans le
secteur des télécommunications, l’ARTP rend une décision sur la réalité de
ces pratiques.
De ce qui précède, il est aisé de retenir globalement que le cadre
institutionnel et normatif de la régulation, prévu en droit sénégalais des
télécommunications, est conforme au droit communautaire.
217 La notion d’ « abus de position dominante » a été introduite dans le Droit français le 2 juillet 1963. Selon
l’article L 420-2 a 1 du code de commerce, « Est prohibée, dans les conditions prévues par l’article L. 420-1,
l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché
intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en
ventes liées ou en conditions de ventes discriminatoires… ».
114
SECTION II
DES PRINCIPES GOUVERNANT LA REGULATION AU SENEGAL
La régulation concilie les intérêts privés et l’intérêt général. C’est en ce sens
que certains principes visent à protéger la concurrence (paragraphe I) tandis que
d’autres protègent le service public (paragraphe II).
115
PARAGRAPHE PREMIER :
Des principes protecteurs visant à protéger la concurrence
La Constitution du Sénégal en son article 8 pose le principe de la liberté
concurrentielle. Dans ce sillage, la loi sénégalaise n°94-63 du 22 août 1994218
sur les prix, la concurrence et le contentieux économique, prévoit en son article
2 que : « Les prix des biens, produits et services, sont librement déterminés par
le jeu de la concurrence».
En son article 23, la loi sénégalaise sur la concurrence oblige tous les opérateurs
économiques à respecter le jeu de la concurrence sous peine de sanction.
En France, les décisions du Conseil de la concurrence et les arrêts des
juridictions permettent de recevoir quelques indications à cet égard. L’autorité
française, en outre, dans ses rapports annuels, a eu l’occasion de préciser le rôle
économique du processus concurrentiel ainsi que les conditions dans lesquelles
ce processus peut agir219.
Le Conseil français de la concurrence a rappelé qu’une situation de concurrence
se caractérisait essentiellement par trois principes220. Il est admis qu’une atteinte
à la concurrence résulte :
218 Journal Officiel de la République du Sénégal du 27 août 1994. 219 Selon Monsieur Bruno Lasserre, Président de l’Autorité de la concurrence de la France, la régulation
concurrentielle implique une politique d’orientation des comportements, de pédagogie, de prévention, de
surveillance de marché, de détection des cas d’infraction à la règle et enfin des sanctions. Voir l’éditorial
Autorité de la Concurrence, Rapport annuel 2010, l’Autorité de la Concurrence de la France ;
www.autoritedelaconcurrence.fr (Page consultée le 27 mai 2011). 220 Nations Unies Manuel sur la mise en application des règles de la concurrence, Genève, Banque mondiale,
pp. 15 et 16, édition 2004.
116
- d’une limitation à l’autonomie d’action des entreprises du marché
considéré ;
- d’une restriction à l’incertitude dans laquelle doit se trouver chaque
opérateur par rapport à ce que vont faire ses concurrents, cette incertitude
étant l’un des moteurs de l’économie de marché ;
- d’une érection de barrières à l’entrée du marché considéré.
Pour éviter ces atteintes, il est consacré des principes généraux dont le respect
s’impose à l’ensemble des acteurs du secteur.
C’est dans ce cas qu’il faut inscrire notamment les principes de l’impartialité(1),
du traitement équitable (2), de la qualité de service de l’offre (3), de la neutralité
technologique (4), de la transparence (5) et de l’orientation des tarifs vers les
coûts (6).
1. Principe d’impartialité
Ce principe s’entend comme la possibilité offerte à un utilisateur d’un réseau
commuté de télécommunication de communiquer avec un autre utilisateur
quelconque. Autrement dit, aucun opérateur en position dominante sur le marché
des installations et des services essentiels ne doit empêcher un utilisateur de
faire aboutir les appels acheminés sur son réseau, quelle que soit la technologie
utilisée pour établir l’appel. C’est pourquoi l’Agence de Régulation des
Télécommunications de la Côte d’Ivoire, dans sa décision portant tarifs
d’interconnexion plafond pour l’année 2009, prévoit en son article 2 que :
« Chaque opérateur doit respecter le principe d’égal traitement. Par
conséquent, il applique à tous les opérateurs le même tarif d’accès à son
réseau. »221.
221 ATCI Décision portant tarifs d’interconnexion plafond pour l’année 2009 (http://www.atci.ci. Page
consultée le 18 mars 2009).
117
2. Principe du traitement équitable
Selon l’article 6 du code des télécommunications du Sénégal, les
exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public doivent
respecter le principe d’égalité de traitement des usagers. L’accès de ces derniers
aux réseaux de télécommunications ouverts au public doit être assuré dans des
conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
Aux termes de l’article 3 de l’Acte Additionnel A/ SA.2/01/07 relatif à
l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC :
Les Etats membres veillent à ce que le cadre général de la réglementation pour
l’accès et l’interconnexion intègre les principes généraux de la réglementation
communautaire destinés à la mise en place du marché commun ouest africain
notamment, la non-discrimination entre entreprises implantées dans des Etats
différents.
Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les
opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des domaines
équivalents, et qu’ils fournissent aux autres des services et informations dans les
mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu’ils assurent pour leur
propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
Nous considérons qu’il y a discrimination injuste ou déloyale dès lors
qu’un concurrent en s’interconnectant se trouve dans une situation de
désavantage important du fait d’accords d’interconnexion moins favorables.
Au Nigéria222, l’article 96 du Communication Acte de 2003 prévoit que
les opérateurs titulaires de licence sont tenus d’accéder aux demandes
222Le premier réseau de télécommunications au Nigéria est établi en 1886 par l’administration coloniale
dans le but de promouvoir le fonctionnement de l’administration et le développement économique et social.
Depuis l’accession à l’indépendance, le Nigéria a eu à adopter plusieurs plans de développement des réseaux de
télécommunications. De 1960 à 1985, la gestion du secteur était assurée par le ministère en charge des postes et
118
d’interconnexion des concurrents si les conditions techniques et économiques de
faisabilité sont réunies.
Selon l’article 97, cette interconnexion est assujettie aux principes de la
neutralité technologique, de la non-discrimination, de la transparence et de
l’égalité d’accès.
De même, elle doit respecter les lignes directrices de l’interconnexion
publiées et régulièrement mises à jour par la Commission de Régulation.
Elle est établie sur la base d’une convention librement négociée entre les
parties dans le respect des principes ci-dessus.
Selon l’article 98 du Communication Acte, les parties sont tenues de
communiquer à la commission la convention d’interconnexion conclue dans un
délai de 30 jours à compter de la signature.
Est également réprimé, le fait pour l’opérateur dominant de consentir, à ses
propres services ou sociétés affiliées, de meilleures conditions d’interconnexion
que celles proposées aux autres concurrents.
télécommunications. Le secteur télécom du Nigéria de cette époque souffrait des insuffisances dont l’absence de
transparence et le manque de ressources humaines. Il faudra attendre la réforme de 1985, pour assister à la
séparation entre postes et télécommunications qui donnera naissance au Nigérian Télécommunications Limited
(NITEL) dont la mission principale était la promotion de l’accès universel au service de télécommunications. A
l’instar de l’essentiel des marchés de télécommunications des pays africains, le secteur des télécommunications
sera ouvert à la concurrence. Le décret 75 de 1992 va mettre en place un cadre réglementaire favorable à la
concurrence en facilitant l’accès des entreprises privées au marché du secteur des télécommunications. Par la
même occasion, cette loi créera la Commission de Communication et lui confiera la mission de définir les règles
d’interconnexion et de contrôler le respect des règles concurrentielles. C’est dans ce sillage que l’opérateur
historique a été privatisé pour être soumis aux mêmes règles que les entreprises privées. Dans ce souci de mettre
en place un cadre favorable à la concurrence, une réforme de 2003 débouchera sur l’adoption de la
« Communication Acte » qui abroge toute disposition contraire.
119
Une autre mouture du principe de la non-discrimination tient à la qualité de
service.
3. Principe de la qualité de service de l’offre
Le service « est un travail effectué pour une tierce personne »223 tandis que
la qualité est ce qui est apte à l’emploi224.
Selon la Recommandation de l’Union Internationale des
Télécommunications UIT-T E 800, la qualité de service est « l’effet global
produit par la performance d’un service qui détermine le degré de satisfaction
de l’usager de ce service.»225
La qualité de service peut introduire une des formes de discrimination
portant gravement atteinte au principe du traitement équitable et égal. Elle est
particulièrement préjudiciable aux nouveaux entrants parce que les abonnés
perçoivent les appels qui ont pour origine le réseau du nouvel opérateur comme
étant d’une qualité inférieure à ceux qui proviennent du réseau du fournisseur
principal. C’est pourquoi l’article 3 de l’Acte Additionnel sur l’interconnexion
prévoit que l’opérateur doit offrir l’interconnexion avec « la même qualité que
ceux qu’ils assurent pour leur propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou
partenaires ».
En droit comparé, l’article 22 de la directive 2009/136 CE du parlement
européen et du Conseil du 25 novembre prévoit que les autorités de régulation
doivent être en mesure de fixer les exigences minimales en matière de qualité de
223 Joseph Juran, La qualité dans les services, Paris, éditions Afnor Gestion, 1987, p. 8. 224Joseph Juran, op.cit., p. 12. 225 Recommandation de l’Union Internationale des Télécommunications UIT-T E 800. www.uit.int Page
consultée le 13 février 2011.
120
service imposées à une entreprise ou à des entreprises fournissant des réseaux de
communications publics226.
Dans la pratique, les indicateurs de qualité de service et leurs seuils
respectifs sont définis dans les cahiers des charges des opérateurs. Le non
respect de ces exigences expose l’opérateur à des sanctions. C’est le sens des
décisions prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques
et des postes du Burkina Faso contre les opérateurs TELMOB S.A227,
TELECEL228 Faso S.A et AIRTEL Burkina Faso S.A229.
Suite à des missions d’audits effectuées auprès des trois opérateurs, une mise
en demeure de se conformer aux dispositions du cahier des charges dans un
délai maximum de trois mois est respectivement envoyée à AIRTEL Burkina
226 Directive 2009/136/CE du parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, modifiant la directive
2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de
communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère
personnel et la protection de la vie privée du secteur des communications électroniques et le règlement (CE)
n°2006/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le
secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les
autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des
consommateurs. Journal officiel de l’Union L337/11 du 18.12.2009. 227 Par arrêté n°2010-00015/MPTIC/CAB du 21 juin 2010, TELMOB S.A est attributaire d’une licence
individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de téléphonie cellulaire ouvert au public sur le
territoire du Burkina Faso. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à
l’opérateur TELMOB S.A, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité
de service à fournir aux utilisateurs. Des limites de couverture, des indicateurs de qualité de service et leurs
seuils respectifs ont été définis et consignés dans son cahier des charges. 228 Par arrêté n°2010-00013/MPTIC/CAB du 07 juin 2010, la République du Faso a attribué à TELECEL Faso
S.A une licence individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques
ouvert au public. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à l’opérateur
TELECEL, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité de service à
fournir aux usagers. 229 Par arrêté n°2010-000010/MPTIC/CAB du 27 mai 2010, l’Etat Burkinabé a attribué à AIRTEL Faso S.A
une licence individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques
ouvert au public. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à AIRTEL
Burkina Faso S.A, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité de service
à fournir aux utilisateurs.
121
Faso S. A230, à TELMOB S.A231 et à TELECEL Faso S.A232. Au terme de ce
délai, une autre mission a été effectuée auprès des trois opérateurs. Suite à cette
dernière, constatant que les correctifs nécessaires n’ont pas été effectués sur
l’offre de qualité des services, ARCEP a appliqué des sanctions pécuniaires à
TELMOB S.A233, à TELECEL Faso S.A234 et à AIRTEL Faso S.A235.
4. Principe de la neutralité technologique
Le débat, sur la neutralité d’Internet et des réseaux, a pris de l’ampleur aux
Etats-Unis, où il est apparu au milieu des années 2000236, et en Europe à partir
de 2008. La perception américaine est conceptualisée par Lawrence Lessig et
Tim Wu. Ils considèrent que la neutralité du net signifie qu’il ne doit pas avoir
de discrimination237 appliquée à l’accès aux contenus du net238. De même, les
230 Décision n°2011-000102/ARCEP/SG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de AIRTEL Burkina
Faso S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 231 Décision n°2011-000104/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de TELMOB S.A
de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 232 Décision n°2011-000103/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de TELECEL Faso
S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 233 Décision n°2012 -000001/ARCEP/CR portant sanction de TELMOB S.A pour manquements aux
prescriptions de son cahier des charges.
234 Décision n°2012-000002/ARCEP/CR portant sanction de TELECEL Faso S.A pour manquements aux
prescriptions de son cahier des charges. 235 Décision n° 2012-000003/ARCEP/CR portant sanction de AIRTEL Burkina Faso S.A pour manquements
aux prescriptions de son cahier des charges. 236 Laurent Gille, La neutralité du Net, Ouagadougou, Formation BADGE Télécom, Télécom Paritech, 2012. 237 Dans un communiqué publié le 8 novembre 2011, l’Administration du Président des Etats-Unis a souligné
qu’un Internet « libre et ouvert est nécessaire à la création d’emplois, à la croissance économique et à la
compétitivité mondiale ». Communiqué disponible sur le site
http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/omb/legislative/sap/112/sapsjr6s 20111108.pdf Page consultée le
12 mars 2102. 238 Flash NPA « A l’heure de la TV numérique, les clés du succès pour les chaines de la TNT », n°608 du 16
novembre 2011, p. 15.
122
opérations de concentration verticale doivent être évitées pour empêcher les
fournisseurs d’accès de contrôler l’industrie des réseaux.
Alors qu’en Europe il est question de neutralité des réseaux, elle signifie que
l’accès discriminatoire entre les individus doit être interdit239. De même, il faut
éviter la concentration verticale pour empêcher les opérateurs de réseaux de
capturer l’industrie du contenu.
A la fin de l’année 2009, les directives révisées du « paquet télécom » ont fixé
comme nouveaux objectifs pour les autorités de régulation nationales, de
promouvoir « la concurrence (…) pour la transmission de contenu » ainsi que
« la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser, de
même qu’à utiliser des applications et des services de leur choix »240.
En France, le Parlement avait demandé au Gouvernement « un rapport sur la
question de la neutralité des réseaux et des communications électroniques »241.
Ces initiatives ont souligné le rôle essentiel des technologies dans la société, à la
fois économique et social, et attribué aux gouvernements et aux autorités de
régulation la responsabilité de veiller à un accès large et aisé des citoyens à
l’ensemble des fonctionnalités de télécoms/TIC.
Au terme d’une large concertation, le régulateur français a formulé dix
recommandations pour rendre effective la neutralité technologique 242:
- la liberté et qualité dans l’accès à l’Internet ;
239 C’est ainsi que l’ARCEP a lancé une consultation publique pour recueillir l’avis des professionnels du secteur
sur la question. La consultation est publiée le 10 septembre 2010. Voir http://www.arcep.fr/uploads/tx
gspublication/net-neutralite-orientation-sept210.pdf. Page consultée le 15 février 2011. 240 Article 8.2.b et .4.g de la directive européenne 2002/21/CE (directive cadre) modifiée le 25 novembre 2009. 241 Ce rapport a débouché sur l’adoption de la loi 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la
fracture numérique (dite « loi Pintat »), publiée au Journal Officiel le 18 décembre 2009. 242 ARCEP Rapport public d’activités de l’ARCEP 2010, op.cit. pp. 104 à 107.
123
- la non-discrimination des flux dans l’accès à l’Internet ;
- l’encadrement des mécanismes de gestion de trafic de l’accès à l’Internet ;
- les services gérés ;
- la transparence accrue vis-à-vis des utilisateurs finals ;
- le suivi des pratiques de gestion de trafic ;
- le suivi de la qualité de service de l’Internet ;
- le suivi du marché de l’interconnexion de données ;
- la prise en compte du rôle des prestataires de la société de l’information dans
la neutralité de l’internet ;
- le renforcement de la neutralité des terminaux.
En droit sénégalais, le code des télécommunications de 2001 n’avait pas
consacré expressément ce principe. Mais dans le nouveau code des
télécommunications de 2011, le principe trouve son siège à l’article 5 qui
prévoit que : « l’octroi des licences et autorisations prévues par le présent code
doit se faire dans le respect du principe de la neutralité technologique qui
consiste à s’abstenir de privilégier de manière injustifiée un type particulier de
technologie.»
L’article 10 de l’Acte Additionnel A/SA.1/01/07 relatif à l’harmonisation
des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de
l’information et de la communication (TIC) prévoit que les Etats membres
veillent à l’adoption du principe de la neutralité technologique. Ce qui signifie
une interdiction de « privilégier de manière injustifiée un type particulier de
technologie. »
Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance du Mali n°2011-024/P- RM, du
28 septembre 2011, portant régulation du secteur des télécommunications et des
124
postes, le régulateur est chargé de veiller au respect de la neutralité
technologique.243
Le principe de la neutralité technologique fait partie intégrante du principe de la
non-discrimination. Il s’agit d’éviter de privilégier une technologie par rapport à
une autre. Autrement dit, les accords d’interconnexion ne doivent pas contenir,
au détriment d’une autre, les caractéristiques d’une seule technologie. Une telle
attitude est en défaveur de l’interopérabilité244.
Les concurrents doivent pouvoir choisir dans une palette de technologies,
celles qui conviendrait le mieux à leurs réseaux avec un rapport qualité/prix
donné. Limiter les technologies, en optant pour une technologie particulière,
réduirait les interconnexions et le jeu de la concurrence.
Or, l’existence d’interface souple et ouverte, élargit en matière de choix de
technologies et de produits, encourage l’innovation et stimule la concurrence au
niveau des prix et offre une plus grande commodité aux utilisateurs.
5. Principe de la transparence
Le code de la transparence de l’UEMOA retient dans son préambule la
définition :
Elle se réfère à la franchise, à la loyauté et à la clarté dans l’exercice des
responsabilités et fonctions assignées. Elle est aussi la qualité de ce qui fait
paraître la vérité toute entière sans l’altérer. Une institution transparente est
celle qui fait apparaître au grand jour la totalité de ses procédures. La
243 Journal officiel du Mali n°1823 du 18 novembre 2011. 244 ARCEP Rapport public d’activités de l’ARCEP 2010, Paris, ARCEP, juin 2011.
125
transparence est ce qui est visible, compréhensible par tous. Le contraire de la
transparence c’est l’opacité. 245
Au sens de l’article 6 du code des télécommunications du Sénégal de 2011,
les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public fournissent
les services dans des conditions de transparence.
La transparence est un objectif politique principal des accords commerciaux
multilatéraux ainsi que des politiques nationales en matière de
télécommunication dans de nombreux pays. Nous considérons que c’est un
principe qui fait exception à la règle de confidentialité.
Elle joue un rôle important dans la mise en œuvre d’une réglementation
d’interconnexion au cours de la transition entre monopole et environnement
concurrentiel.
Elle s’étend à la mise à disposition de tous les opérateurs ou personnes
concernés par le secteur, les accords d’interconnexion proprement dits.
La transparence des accords d’interconnexion contribue à assainir le marché
libéralisé des télécommunications. Elle permet d’éviter ou de prévenir les
comportements anticoncurrentiels stratégiques (restriction de la fonctionnalité
des types d’interconnexion, facturation excessive, retard supplémentaire dans les
négociations…) qui pourraient se négocier à l’insu de tous.
En outre, elle permet de réduire considérablement le nombre de différends
portant sur les pratiques discriminatoires car tous les participants du secteur
peuvent désormais comparer les taxes, modalités et conditions d’interconnexion. 245 Commission de l’UEMOA « Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de
l’UEMOA », Ouagadougou, Bulletin officiel de l’UEMOA août 2000 ; www.uemoa.int (page consultée le 25
février 2010).
126
6. Principe d’orientation des tarifs vers les coûts
Ce principe trouve son fondement dans l’article 23 de l’Acte Additionnel
A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du
secteur des TIC. Il dispose que :
Les opérateurs puissants respectent le principe d’orientation des tarifs vers les
coûts pertinents, c'est-à-dire les coûts des composantes du réseau ou des
structures de gestion de l’opérateur intervenant effectivement dans la prestation
d’interconnexion.
Au sens de l’article 50 du code des télécommunications :
Les opérateurs puissants respectent le principe d’orientation des tarifs
d’interconnexion vers les coûts pertinents, c’est-à-dire les coûts des
composantes du réseau ou des structures de gestion de l’opérateur intervenant
effectivement dans la prestation d’interconnexion.
L’injonction faite à une entreprise d’orienter ses tarifs vers ses coûts, déroge
au principe de la libre détermination des prix par le jeu de la concurrence,
institué par l’article 2 de la loi 94 -63 du 22 août 1994246 sur les prix, sur la
concurrence et sur le contentieux économique. De façon générale, les prix
s’établissent à un niveau concurrentiel, en fonction non pas des seuls coûts des
entreprises mais de la demande qui leur est adressée. Il n’est donc pas
surprenant que la jurisprudence, en matière d’orientation vers les coûts, soit peu
abondante.
246 Journal officiel de la République du Sénégal du 27 août 1994.
127
Pour faciliter la mise en œuvre de ce principe, les opérateurs sont tenus de
mettre en place une comptabilité analytique247. Cette dernière est définie
souvent par rapport à la comptabilité générale ou financière qui a deux fonctions
principales, à savoir :
- la détermination du patrimoine de l’entreprise et de son évolution ;
- la détermination du résultat global de l’exercice courant.
Selon Monsieur Moussa DIAGNE248, la comptabilité analytique ou
comptabilité de gestion, conçue généralement à partir de la première, a pour
mission principale :
- la maîtrise des coûts et des résultats par produit ;
- la fixation des prix de vente ;
- l’appréciation des performances de l’entreprise, l’évaluation de certains
postes du bilan dont les stocks et productions en cours, l’estimation par les
prévisions ;
- la contribution aux travaux d’analyses financières afin de porter un jugement
sur la santé financière de l’entreprise pour ne pas se limiter uniquement à la
comptabilité générale.
L’article 42 de la loi 2011-01 portant code des télécommunications prévoit
que « les opérateurs doivent tenir une comptabilité analytique permettant de
déterminer les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou chaque
service offert».
En outre, il est souvent prévu dans le cahier des charges de l’opérateur,
l’obligation d’orienter ses tarifs vers les coûts.
247 Voir Béatrice Girardi, Régulation des tarifs d’interconnexion : analyse en vue de déterminer son impact sur
les systèmes comptables des entreprises des télécoms, Paris, Université Paris Dauphine, pp. 8 et 9. 248 Moussa Diagne, Guide de comptabilité analytique, Dakar Tome 1, collection GEF, édition 2011, p. 13.
128
En droit comparé, à titre d’exemple, le Conseil de Régulation du Niger a
mis en demeure CELTEL Niger S.A pour, entre autres griefs, la non orientation
de ses tarifs vers les coûts249. Dans cette affaire, le régulateur a constaté
qu’après quatre années d’exercices, CELTEL Niger S.A n’a pas mis en place sa
comptabilité et que les tarifs appliqués ne sont pas orientés vers les coûts. Le
régulateur a retenu que celle-ci constitue une obligation de résultat inscrit dans
le cahier des charges de l’opérateur. Par conséquent, le défaut d’exécution
expose l’opérateur à des sanctions. C’est ainsi qu’une mise en demeure est
adressée à CELTEL Niger S.A par le régulateur, pour manquement à
l’obligation de mise en place d’une comptabilité analytique et d’une orientation
de ses tarifs vers les coûts.
Par ailleurs, l’article 20 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès
et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC consacre le
caractère obligatoire de la mise en place de la comptabilité analytique. Elle doit
présenter des comptes séparés. Au sens de l’article 14 du code des
télécommunications :
Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché
pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière
d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :
1º) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,
notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou
d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre d’interconnexion peut être
modifiée au cours de la période de validité d’un catalogue sous réserve que tous
les exploitants puissent bénéficier également de la modification. Toutefois, les 249 Décision N° 005 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation portant mise en demeure de CELTEL
Niger S.A de se conformer à son cahier des charges signé le 08 décembre 2000 et à l'ordonnance 99-045 du 26
octobre 1999 portant réglementation des télécommunications. Page consultée lewww.arm-niger.org/.Page
consultée le 30 février 2011.
129
modifications doivent être approuvées préalablement par l’Autorité de
régulation. L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la
modification du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les
conditions de concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de
télécommunications ne sont pas garanties. Elle peut également décider
d’ajouter ou de supprimer des prestations inscrites au catalogue pour mettre en
œuvre les principes d’orientation des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou
pour mieux satisfaire les besoins de la communauté des exploitants et
fournisseurs de services de télécommunication ;
2º) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non
discriminatoires ;
3º) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à
des moyens qui y sont associés ;
4º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;
5º) isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion
ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette
de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le
respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un
organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.
Cette comptabilité, séparée, doit permettre d’identifier les types de coûts
suivants :
1. les coûts de réseau général, c'est-à-dire les coûts relatifs aux éléments de
réseaux utilisés à la fois par l’exploitant pour les services à ses propres
130
utilisateurs et pour les services d’interconnexion ou de la location des
capacités ;
2. les coûts spécifiques aux services d’interconnexion, c'est-à-dire les coûts
directement induits par les seuls services d’interconnexion ou de location
de capacité ;
3. les coûts spécifiques aux services de l’exploitant autres que
l’interconnexion, c'est-à-dire les coûts induits par ses seuls services ;
4. les coûts communs, c'est-à-dire les coûts qui ne relèvent pas de l’une des
catégories précédentes.250
Ces principes exposés visent à protéger le développement de la concurrence.
D’autres principes tendent à la protection du service public.
250Décision N°004 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation (CNR) portant mise en demeure de
SAHELCOM S. A. de se conformer à son cahier des charges signé le 3 décembre et à l’ordonnance 99-045 du
26 octobre 1999 portant règlementation des télécommunications (http://www.csdptt.org/article382.html. Page
consultée le 16 novembre 2010).
131
Paragraphe II :
Des principes tendant à la protection du service public
L’analyse des grands principes du service public dans le secteur des
télécommunications (2) suppose au préalable une bonne compréhension de sa
signification (1).
1. Signification du service public dans le secteur des télécommunications
au Sénégal
La notion de service public est sans doute l’une des plus complexes,
évolutives et controversées du droit administratif251. Ses origines sont lointaines.
Dès le XIIIe siècle en Europe, nous avons pu constater l’existence
d’infrastructures et de bâtiments publics résultant soit du féodalisme, soit de
l’apparition de systèmes collectifs (les villes « franches »). Progressivement, il
est constaté une séparation entre la propriété personnelle du roi, qui induisait
une gestion patrimoniale des biens de la Couronne, avec une dimension plus
politique et sociale. Cette dernière fonction donne naissance assez rapidement à
des services rendus « publics ».
La poste semble être l’un des premiers secteurs dans lesquels apparaît cette
fonction collective. Initialement organisé en 1464 pour faciliter les
communications royales avec les échelons politiques locaux, le service des
251 Voir Jean-Francois Lachaume, Claudie Boiteau et Helene Pauliat Droit des services publics, Paris, 3ème
édition, p. 5 et suivante, éditions Armand Colin, septembre 2004.
132
« chevaux de poste » s’ouvre unifié sous la forme d’un monopole dès le
XVIème siècle252.
Le terme même de « service public » apparaîtrait pour la première fois en 1638,
dans un édit relatif aux transports.
En 1973, le Tribunal des conflits, à travers l’arrêt Blanco, l’a consacré comme
critère d’application du droit administratif253. Cette perception a ensuite été
enrichie par les théoriciens du droit254.
L’expression de « service public » est définie dans la doctrine au tournant
du XXème siècle, par les tenants de « l’Ecole du service public » dont la tête de
file fut le Professeur Léon Duguit. Ce dernier définit le « service public »
comme :« toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et
contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette activité est
indispensable à la réalisation et à l’accomplissement de l’interdépendance
sociale et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée que par
l’intervention de la force gouvernante ».255
252Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed NIMAGA, Ingénieur des télécommunications,
Abderhamane DIALLO, et Mamadou Lamine DIALLO, Oumar KANOUTE, SADA DIARRA et Amadou
Daouda DIALLO, op.cit. p. 430.
253 Tribunal des Conflits, 8 février 1873, Blanco, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, n°4. 254 Il n’est pas dans le propos de cette thèse d’explorer toutes les implications de la notion de service public, qui
sont évidemment extrêmement diverses, presque autant que les points d’application du droit administratif. En ce
sens, l’intéressé peut consulter les écrits de Michel Gentot, « L’identification du service public par le juge
administratif », AJDA, numéro spécial « le Service public », 1997, 164 pages. 255 Léon Duguit, traité de droit constitutionnel, tome II, p. 61, 1928, cité dans L’intérêt général, Rapport
public du Conseil d’Etat pour 1994, EDCE n°46, Paris, La Documentation française, 1995, p. 126.
133
Le code des obligations de l’administration définit le service public en son
article 11, comme étant « toute activité d’une personne morale de droit public
en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général. »
Cette définition manifestement restrictive ne correspond pas à la réalité. En
effet, elle suppose que seules les personnes publiques peuvent gérer un service
public. Il s’agit d’une définition reprise de la jurisprudence administrative du
Conseil d’Etat français à un moment donné de son évolution. Après sa
naissance, le service public a évolué et subi des changements que nous pouvons
reclasser en trois grandes étapes :
- la première correspond à une définition organique de la notion de service
public. C’est une définition qui faisait référence à l’organe de gestion du
service public. Selon le Professeur Demba SY, « cela signifie que les
personnes publiques n’exercent que des activités d’intérêt général et toutes
les activités d’intérêt général sont exercées par des personnes publiques»256.
Pendant cette période, il existait une coïncidence entre l’administration et la
gestion d’activité d’intérêt général. Elle s’est étalée de 1873 à 1910. C’est
cette conception qui est consacrée par l’arrêt Blanco257 ;
- la deuxième phase correspond à une définition qui n’est ni organique, ni
matérielle. Cela signifie qu’elle a évolué dans le sens de la prise en compte,
non seulement de l’organe de gestion, mais aussi de l’activité. Donc, le
service public apparaît comme une activité d’intérêt général gérée par ou
sous le contrôle d’une personne publique. C’est le sens de l’arrêt du 20
décembre 1935, l’arrêt établissement Vézia258 ;
256Demba Sy, Droit Administratif, Dakar, édition CREDILA, édition 2011, p. 78. 257 Cet arrêt a retenu cette conception comme critère d’application du droit administratif. Op.cit. 258 GAJA. N°50.
134
- la troisième phase correspond à une définition matérielle de la jurisprudence.
C’est une définition qui prend en compte l’activité gérée, quelle que soit la
personne publique ou privée qui gère l’activité d’intérêt général. C’est la
signification retenue par l’arrêt de l’Assemblée du Conseil d’Etat du 31
juillet 1942, à travers l’affaire Monpeurt259. Elle correspond à une période de
diversification non seulement des moyens mais aussi des méthodes
d’intervention de l’administration et de gestion du service public. Lorsque le
texte crée une activité et ne la qualifie pas, le juge peut se fonder sur des
critères pour déterminer sa nature. Ainsi, le juge peut prendre en
considération l’intérêt du législateur (le but visé), l’existence de prérogative
de puissance publique et le droit de regard des pouvoirs publics. Ces critères
de définition du droit administratif sont retenus par le juge administratif
français dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 juin 1993 dit l’arrêt Narcy260.
C’est cette dernière conception qui correspond aujourd’hui à la réalité du
service public au Sénégal. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la loi
n°90-07 du 26 juin 1990261, relative à l’organisation et au contrôle des
entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de
droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique,
justifie le contrôle sur ces entreprises publiques ou privées par la mission de
service public qui leur est dévolue.
Les opérateurs de télécommunications sont des entreprises
concessionnaires de service public des télécommunications. Le Professeur
Demba SY définit la concession de service public comme étant « un contrat par
lequel une collectivité publique que l’on appelle le concédant charge une
personne privée que l’on appelle le concessionnaire, de faire fonctionner le
259 GAJA 1963. 260 CE 28 juin 1963. NARCY AJDA 1964. p. 91, note A. de Laubadère ; RDP 1963 1186 note Waline. 261 Journal Officiel de la République du Sénégal du 07 juillet 1990.
135
service public à ses frais et en le rémunérant au moyen de redevances perçues
sur les usagers. »262
Au sens de l’article 23 du code des télécommunications, la licence
d’établissement et/ou d’exploitation d’un réseau de télécommunication ouvert
au public est un droit attribué par décret portant approbation d’une convention
de concession et d’un cahier des charges. La convention de concession fixe
l’objet et la durée de la licence, les conditions et les procédures de son
renouvellement, de la modification de ses termes et de sa fin ainsi que les
dispositions relatives au règlement des litiges. C’est le cahier des charges qui
fixe les conditions d’établissement et d’exploitation du réseau et de fourniture
de service public de télécommunication. Parmi ces conditions, il faut retenir
surtout le respect des principes qui visent à protéger le service public.
2. Contenu des principes visant à protéger le service public
Les principes visant à protéger le service public ont été mis en évidence par
la jurisprudence du Conseil d’Etat français dès le XIXème siècle. Appelés
également « lois de Rolland », du nom de l’universitaire qui les a théorisés, ces
principes constituent, en droit interne, des conditions communes à l’exécution
des services publics, des modalités particulières que doit respecter le
gestionnaire du service public. L’existence de ces contraintes particulières a
d’ailleurs été consacrée par le Conseil constitutionnel français comme « des
prescriptions à valeur constitutionnelle »263.
En droit sénégalais des télécommunications, ces principes trouvent leur
siège dans le code des télécommunications et les différents cahiers des charges
262Demba Sy, op.cit, p. 276. ; Voir aussi les articles 140 et 141 du Code des obligations de l’administration. Loi
n°65-51 du 19 juillet 1965 modifiée, Journal Officiel de la République du Sénégal de 1965. 263 Conseil Constitutionnel, DC 96-380 du 23 juillet 1996, l’affaire France télécom.
136
des opérateurs. Il s’agit notamment des principes de continuité (a),
d’adaptabilité(b) et d’égalité(c), qui ont pour corollaire l’universalité.
a. Le principe de la continuité
Aux termes de l’article 7 du code des télécommunications du Sénégal, les
exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public et les
fournisseurs au public des services de télécommunication, ainsi que les membres
de leurs personnels sont tenus au secret des correspondances et à la continuité
de la prestation sous peine de poursuites judiciaires conformément à l’article
167 du code pénal.
En principe, un service public doit fonctionner de manière continue et
régulière, sans autres interruptions que celles prévues par la réglementation en
vigueur. Ce principe a une valeur constitutionnelle. En effet, c'est parce que la
puissance publique lui reconnaît une importance particulière, sur le plan social,
qu'un service est considéré comme appartenant à la catégorie des services
publics. Il est consacré en France depuis le milieu du XIXème siècle par le juge
administratif, et a été érigé en principe à valeur constitutionnelle.264
Il possède une composante « négative », en ce qu’il limite l’action et la
liberté de fonctionnement des gestionnaires du service public.
264 Conseil Constitutionnel, DC 25 juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision, les grandes décisions
du Conseil Constitutionnel n°27, et Cons. const, DC 96-380 du 23 juillet 1996, France télécom précitée.
137
La continuité du service public permet en outre au régulateur de disposer du
pouvoir de contraindre l’exploitant du réseau public de télécommunication, à
assurer ses obligations265.
Le principe revêt cependant une conception « positive », en particulier pour
le gestionnaire privé du service, mais aussi pour les usagers qui se voient
octroyer une garantie implicite de bonne fin.
Le principe de la continuité du service public des télécommunications est
applicable à l’exploitant de réseau de télécommunication ouvert au public
indifféremment de l’évolution technologique. Il est complété par le principe
d’adaptabilité.
b. Le principe d’adaptabilité
Ce principe a été dégagé par le juge administratif français au tournant du
XXème siècle, à l’époque du plein essor des concessions de service public
comme mode de réalisation des équipements collectifs266. L’article 23 du code
des télécommunications prévoit la fixation dans le cahier des charges des
opérateurs, entre autres, l’obligation d’assurer la permanence du service public.
Selon l’article 3.2.3.1 du cahier des charges de la SONATEL, relative aux
conditions générales d’exécution des services publics, l’opérateur doit adapter
constamment ses prestations pour assurer cette permanence du service. Il
265 Sur l’application des principes du service public dans les secteurs régulés, le Docteur Isaac CISSOKO a
consacré de larges développements dans sa thèse soutenue en 2008 à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
sur le sujet Contribution à la compréhension du concept de régulation dans le secteur des entreprises de
réseau : le cas des télécommunications. La Thèse est disponible au Centre de documentation de l’ARTP. 266 CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle gaz de Deville-Lès-Rouen, les grands arrêts de la jurisprudence
administrative n°9, et CE, 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, les grands arrêts de la
jurisprudence administrative n°24.
138
suppose que le service public doit s’adapter aux nouvelles circonstances
techniques ou sociales pour continuer à remplir son objet d’intérêt général. Son
contenu peut alors se décliner selon deux niveaux d’exigences, mis en évidence
par les deux jurisprudences historiques du Conseil d’Etat français.
A un niveau d’exigence minimale, il s’agit, comme dans l’affaire
Compagnie générale des tramways, « d’assurer dans l’intérêt du public, la
marche normale du service »267, en modifiant les horaires des trains, dans
l’intérêt de la sécurité et de la commodité de circulation. Dans un niveau au
contraire d’exigence maximale, il s’agit de répondre « aux exigences constantes
du plus grand service268 ». Cette dimension se perçoit clairement dans la
nécessité que le service public a de s’adapter aux derniers développements de la
technique, comme la Compagnie de gaz de Deville-Lès Rouen devait s’adapter
et passer de l’éclairage au gaz à l’éclairage à électricité. Dans le secteur des
télécommunications, un opérateur ne peut pas alléguer des mutations
technologiques pour ne pas assurer la permanence du service public des
télécommunications. Le non-respect de ce principe expose l’opérateur de
télécommunications à une sanction d’amende qui peut aller jusqu’à 3% du
chiffre d’affaire. Selon l’article 106 du code des télécommunications de 2011 :
Lorsque le titulaire d'une licence, d’une autorisation ou d'un agrément où le
souscripteur d'une déclaration ne respecte pas les obligations qui lui sont
imposées par les textes législatifs et réglementaires, ainsi que par les conditions
fixées à l'occasion d'attribution de fréquences radioélectriques ou par la licence, 267Dans cette affaire, Le Préfet avait imposé à la Compagnie concessionnaire d'augmenter le nombre des rames
en circulation et de changer les horaires. La Compagnie a contesté ce pouvoir de l'administration. Le Conseil
d’Etat, quant à lui, a reconnu à l'administration le pouvoir de modifier unilatéralement les conditions
d'exploitation du service public dans l'intérêt de l'usager à condition d'indemniser le concessionnaire le surcroît
de charges que cela lui incombe.
268 Selon les termes d’une doctrine autorisée : R. Chapus, Droit administratif général, Tome I, Paris,
Montchrestien, 2000, n°776 et suivants.
139
l'autorisation ou par l'agrément, l’Autorité de régulation le met en demeure de
s'y conformer dans un délai de trente jours. La mise en demeure est rendue
publique.
Si le titulaire de la licence, de l'autorisation ou de l'agrément où le souscripteur
d’une déclaration cité à l'alinéa précédent, ne se conforme pas à la mise en
demeure qui lui a été adressée, l’Autorité de régulation prononce à son encontre
et à sa charge, par une décision motivée :
- pour les opérateurs titulaires de licence : une pénalité d’un maximum de
3% du chiffre d’affaire tel que déclaré dans l’exercice comptable de
l’année précédente ;
- pour les personnes morales titulaires d’une autorisation ou d’un
agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas
dépasser 20.000.000 FCFA ;
- pour les personnes physiques titulaires d’une autorisation ou d’un
agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas
dépasser 10.000.000 FCFA.
En cas de récidive, le montant de l’amende est doublé.
Le montant de la pénalité doit être fixé en fonction de la gravité des
manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces
manquements.
Si la violation constatée et notifiée persiste, l’Autorité de régulation, prononce,
par une décision motivée, le retrait définitif de l’autorisation ou de l’agrément.
Elle peut, dans les mêmes conditions, mettre fin aux effets de la déclaration. S’il
s’agit d’un titulaire de licence, le Président de la République prononce par
décret, sur proposition motivée de l’Autorité de régulation, soit :
140
- la suspension totale ou partielle de la licence pour une durée de trente
jours au plus ;
- la suspension temporaire de la licence ou la réduction de la durée de
cette dernière dans la limite d'une année ;
- le retrait définitif de la licence.
c. Le principe d’égalité
L’égalité, devant le service public, constitue une variante du concept, plus
large, du principe d’égalité269. Aux termes de l’article 6 du code des
télécommunications, les exploitants des réseaux de télécommunications ouverts
au public doivent respecter le principe d’égalité de traitement des usagers.
L’accès de ces derniers aux réseaux de télécommunications ouverts au public
doit être assuré dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Les
tarifs de raccordement, d’abonnement et des communications doivent respecter
le principe d’égalité de traitement des usagers et être établis de manière à éviter
une discrimination fondée sur la localisation géographique. Toutefois, en cas de
difficultés exceptionnelles pour effectuer le raccordement de certains abonnés,
les exploitants doivent prévoir dans leur catalogue, les prix, les conditions et les
tarifs de tels raccordements.
L’égalité, plus encore la liberté de concourir, constitue le principe de base de
toute concurrence270.Ce principe, posé par le code, a une signification identique
269 Conseil d’Etat, Le principe d’égalité, Rapport public pour 1996, EDCE n°48, Paris, la Documentation
française, 1997 ; B. Genevois, Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Paris,
octobre 2000, n°111 à 440. 270 Voir sur cette question JAPPONT Frédéric, « La dualité, égalité ? Équité dans la pratique des autorités de
régulation », in Revue international de droit économique, 2006/2, t. XX, 2, pp. 156 à 165.
141
dans la jurisprudence. En France, le Conseil d’Etat a reconnu très tôt le principe
d’égalité des usagers du service public, érigé en principe général du droit271. Le
Conseil constitutionnel l’a également reconnu comme principe constitutionnel
dès 1973272. Il existe cependant une certaine nuance de points de vue entre les
deux Cours suprêmes. Si le Conseil d’Etat français applique le principe d’égalité
devant la loi et donc notamment, devant le service public, le Conseil
constitutionnel, lui, fait respecter ce principe d’égalité dans la loi, et donc dans
les dispositions constitutives du service public.
Le contenu du principe est cependant très proche dans les deux cas. Ne sont
ainsi admises que les différences de traitement :
- justifiées par une différence objective de situation ;
- ou tenant à des considérations d’intérêt général liées au fonctionnement du
service public ou à son objet.
Le respect du principe dans le secteur des télécommunications conditionne,
d’une part, les restrictions à l’accès des services publics et, d’autre part, les
possibilités de discriminations tarifaires.
L’analyse du cadre normatif applicable à la régulation des
télécommunications permet de constater un effort d’établissement d’un
environnement normatif nécessaire à l’activité de régulation des
télécommunications. A côté de ce dispositif normatif, il faut constater
l’établissement d’un cadre institutionnel.
271CE, Ass., 1er avril 1938, Soc, L’alcool dénaturé, Rec. Lebon p. 337. 272Cons. const. DC 73-51 du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Les grandes décisions du Conseil
constitutionnel n°32.
142
CHAPITRE II :
LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION
L’analyse de l’environnement institutionnel de la régulation des
télécommunications au Sénégal permet d’identifier les forces et les faiblesses du
cadre (section I) avant d’apprécier les opportunités et les menaces liées à
l’internationalisation de l’offre de services de télécommunications (section II).
143
SECTION I:
LES FORCES ET LES FAIBLESSES DU CADRE INSTITUTIONNEL DE
LA REGULATION
Le cadre institutionnel actuel de la régulation au Sénégal a la force d’être
caractérisé par l’existence d’une indépendance consacrée (paragraphe I).
Cependant, sa faiblesse est relative à l’indépendance de l’organe dans la pratique
(paragraphe II).
144
Paragraphe Premier :
Existence d’une régulation indépendante consacrée
L’existence d’une régulation indépendante au Sénégal s’apprécie à travers
l’indépendance fonctionnelle (1) et l’indépendance organique (1).
1. Indépendance fonctionnelle
Par indépendance fonctionnelle, nous entendons la faculté du régulateur de
pouvoir exercer sa mission sans ingérence de toute autre autorité politique.
Nous partageons avec Christophe GENOUD273 que l’indépendance du
régulateur par rapport au processus politique et administratif peut contribuer à
renforcer la qualité et l’efficience de son intervention. Cette indépendance
fonctionnelle se manifeste par son détachement fonctionnel à l’administration.
Autrement dit, le Directeur général de l’ARTP n’est soumis au pouvoir
hiérarchique d’aucune autorité politique, ni au pouvoir de tutelle du ministère en
charge des télécommunications.
Par ailleurs, l’indépendance fonctionnelle ne peut être une réalité si l’organe
n’a pas son budget propre. En réalité, il a toujours été relevé l’inexistence
d’indépendance de certaines autorités administratives du fait qu’elles tirent leur
budget d’une Autorité politique. C’est pourquoi l’article 4 de la directive de
l’UEMOA relative à l’Harmonisation des Politiques de Contrôle et de
Régulation du secteur des Télécommunications dispose que :
Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de
régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant 273 GENOUD Christophe, « Libéralisation et régulation des industries de réseau : diversité dans la
convergence ?», Revue internationale de politique comparée, 2004/2, Vol 11, p. 199.
145
la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et
de toute autre organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que
ces autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement
indépendantes.
Ce souci de garantir l’indépendance fonctionnelle du régulateur transparaît aussi
à travers l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’Harmonisation des
politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information
et de la communication (TIC). Selon l’article 11 de cet Acte Additionnel :
Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de
régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant
la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et
de toute organisation intervenant dans le secteur, en faisant de sorte que ces
autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.
Cette exigence d’indépendance qui transparaît dans le cadre communautaire
est la même que celle qui se dégage à travers les engagements internationaux du
Sénégal dans le cadre de l’OMC. Le quatrième Protocole d’Accord Général sur
le Commerce des Services (AGCS), à savoir « l’Accord sur les
télécommunications de base » négocié sous les auspices de l’OMC
« Organisation Mondiale du Commerce », en février 1997, est entré en vigueur
le 1er janvier 1998. L’accord exige que les organes qui s’occupent de la
réglementation dans le secteur des télécommunications soient indépendants des
fournisseurs de services.
L’activité de régulation est une forme de gouvernance politique qui affirme
la neutralité de l’Etat par rapport aux différentes parties prenantes du secteur.
146
Certains auteurs soutiennent que la régulation vise à préserver le secteur des
effets des jeux d’intérêts des autorités politiques et des entreprises274. L’autorité
politique éprouve le besoin d’être réélue. Alors que les entreprises existantes
dans le secteur souhaiteraient dominer le marché, d’où l’éventualité de la
« capture » des autorités politiques par les Chefs d’entreprise. Les théories de
l’école des choix publics 275 et de l’économie positive de la réglementation276
nous renseignent sur les comportements opportunistes que peuvent avoir les
politiques ou les régulateurs.
La première nous indique que les hommes politiques poursuivent des intérêts
personnels, souvent éloignés de l’intérêt général, notamment dans le but de
maximiser leurs chances de réélection ou la taille de leur administration.
La seconde met en évidence l’influence des groupes de pression sur les
décisions du régulateur du secteur, et analyse la réglementation comme un
service échangé entre les décideurs et les entreprises régulées277.
Une autorité politique capturée peine à rester neutre pour prévenir et rétablir
l’équilibre dans le secteur régulé. Les meilleures pratiques internationales
voudraient que la régulation soit assurée par un régulateur indépendant des
politiques et des différentes parties prenantes278.
274 Selon ces auteurs, déléguer des responsabilités à une agence indépendante permet d’extraire un enjeu
spécifique, par exemple la tarification de l’interconnexion à l’arène politique et gouvernementale prompt à
modifier les choix en fonction du jeu politique. Voir à ce sujet les développements de F. GILARDI “ Policy
credibility and delegation to independent to regulatory agencies: a comparative empirical analysis”, in Journal
of European Public policy, vol 9, n°6, 2002, pp. 873 à 893. 275 Voir les écrits de Downs, 1957 ; Niskanen, 1971. 276 Voir J. Stigler, 1971. 277 MM. Aké G.M N’Gbo et Cremide, « Indépendance du régulateur », éditions Forum de la régulation, octobre
2007, p. 150. 278 Selon l’UIT, l’élaboration des politiques doit être de la compétence du gouvernement. La compétence de
régulation doit être dévolue à une autorité indépendante .Et enfin, l’exploitation des réseaux et services doit être
attribuée aux opérateurs privés. Voir UIT, Les aspects juridiques et institutionnels de la réglementation, Genève,
novembre 2006 ; disponible sur le site www.ictregulation toolkit.org. Page consultée le 18 mars 2010.
147
Au Sénégal, le code des télécommunications a accordé au régulateur une
indépendance fonctionnelle. C’est dans cet esprit que le mode de financement
des activités de l’Autorité de régulation est caractérisé par l’autonomie. En effet,
l’ARTP tire ses ressources des redevances versées par les acteurs du secteur. Au
sens de l’article 146 du nouveau code des télécommunications :
L’ARTP dispose des ressources financières suivantes :
- Ressources ordinaires :
les redevances annuelles versées par les entreprises titulaires d’une
habilitation (autorisation, agrément, déclaration, attribution de
ressources) déterminée par la réglementation applicable aux
secteurs régulés ;
les frais d’instruction des dossiers, d’inspection et de contrôle des
installations et les frais de procédure ;
les revenus des travaux et prestations de services.
- Ressources extraordinaires :
le produit des placements ;
un pourcentage du montant de la contrepartie financière versée
par les opérateurs de télécommunications à la suite de l’attribution
ou du renouvellement d’une licence. Ce pourcentage et les
modalités de répartition seront fixés par décret.
les produits et les revenus provenant de biens mobiliers ou
immobiliers;
les subventions reçues de l’Etat et d’organismes publics ou privés,
nationaux ou internationaux ;
les dons et legs ;
tous autres produits liés à l’exercice de sa mission.
148
De ce qui précède, il découle un effort du législateur sénégalais à consacrer
une indépendance fonctionnelle du régulateur.
Qu’en est-il de l’indépendance organique ?
2. Indépendance organique
L’indépendance organique est le non rattachement à une autorité
hiérarchique ou de tutelle. Elle se manifeste à travers le statut de l’organe de
régulation. Pour accorder cette indépendance à l’ARTP, le code des
télécommunications du Sénégal lui attribue en son article 123 la qualité
d’Autorité administrative indépendante. Il dispose : « Il est créé, auprès du
Président de la République, une autorité administrative indépendante, chargée
de réguler les secteurs des télécommunications et des postes, dénommée
Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes, en abrégé
« ARTP ».
L’ARTP est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et de
gestion.
Ce nouveau code des télécommunications, en consacrant le statut d’Autorité
administrative indépendante de l’ARTP, pose un acte majeur de bonne
gouvernance par rapport à la loi 2001-15. En effet, l’exposé des motifs du Code
des télécommunications de 2001 précise qu’il s’agit « d’un établissement public
de catégorie particulière, ce qui constitue une dérogation à la Loi n°90-07 du 26
juin 1990 ». L’ARTP est composée de deux organes à savoir le Collège de
Régulation et la Direction générale. Les membres du Collège de Régulation, à
l’instar du Directeur général, sont nommés par décret.
Aux termes de l’article 123 du nouveau code des télécommunications :
Le Collège est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat
irrévocable de cinq ans non renouvelable.
149
Le Président du Collège est nommé par décret du Président de la République
parmi ces sept membres. Il est en même temps le Président de l’Autorité de
Régulation.
Par dérogation aux dispositions de l’alinéa premier du présent article, deux
parmi les premiers membres autres que le Président, sont nommés pour un
mandat de trois ans non renouvelable. Les modalités d’application de cette
disposition sont fixées par décret.
Mieux, la nomination des membres du Collège est soumise à la procédure
d’appel à candidature. Selon l’article 124 :
Le Collège est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat
irrévocable de cinq ans non renouvelable.
Le Président du Collège est nommé par décret du Président de la République
parmi ces sept membres. Il est en même temps le Président de l’Autorité de
Régulation.
Par ailleurs, le Directeur général est autonome dans l’établissement de
l’organigramme interne. Le code des télécommunications lui attribue la qualité
d’employeur279. Cependant, l’organigramme280et le recrutement du personnel
sont soumis à l’approbation du Collège281 . Les employés de l’ARTP ne sont pas
soumis au statut général de la fonction publique. Ils sont soumis au code du
travail, à l’exception des fonctionnaires affectés par l’Etat.
Cette indépendance n’a pour finalité que de sauvegarder la neutralité de
l’Autorité de régulation vis-à-vis des différentes parties prenantes du secteur. 279 Article 165 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. Journal officiel
n°6576 du 14 mars 2011. 280 Article 161 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. 281 Article 168 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications.
150
En consacrant cette indépendance organique et fonctionnelle, le Sénégal s’est
conformé aux normes communautaires, notamment dans le cadre de la
CEDEAO et de l’UEMOA.
Cependant, cette conformité aux exigences d’indépendance au niveau
communautaire n’est pas absolue.
151
Paragraphe II :
Une indépendance limitée
Les limites d’adaptabilité au cadre communautaire apparaissent à travers
l’indépendance de l’Autorité (A) mais aussi à travers l’articulation de ses
organes (B).
A. Limites de l’indépendance liées à l’organisation de l’organe de
régulation
Malgré la proclamation expresse de l’indépendance de l’Autorité de
régulation, le modèle sénégalais présente des insuffisances quant à
l’indépendance souhaitée par le cadre communautaire. Cette insuffisance se
manifeste d’abord à travers le mode de nomination du Directeur général. Celui-
ci est nommé par décret. Contrairement aux membres du Collège de Régulation,
le Directeur général ne bénéficie pas de l’inamovibilité dans l’exercice de sa
mission. Cette instabilité institutionnelle n’est pas de nature à encourager une
régulation efficace282. La nomination du Directeur général de l’ARTP par décret
sans une durée de mandat et une garantie d’inamovibilité, n’est pas de nature à
mettre à l’aise le régulateur. Car elle ne préserve pas la régulation contre la
282 Le régulateur dans sa pratique tient compte des grandes orientations des politiques publiques sectorielles.
Toutefois, il ne doit pas oublier que son activité est exclusivement « technique ». La valeur ajoutée de son action
par rapport à l’action politique est de se situer sur le registre technico-économico-juridique qui permet de
favoriser le développement durable du marché au bénéfice des utilisateurs. Pour cela, le régulateur doit être
neutre et parfois « ingrat » vis-à-vis de l’Autorité politique. En vue d’assurer cette neutralité, le mécanisme de
nomination et la durée du mandat doivent garantir l’indépendance du Directeur général. Voir Seydi AHMED
Sy SARR, « L’indépendance du régulateur, facteur de crédibilité et de stabilité » in Forum de la régulation,
Dakar, édition du Forum de la régulation, octobre 2007, pp. 162 à 163.
152
capture du politique283, car comme nous l’avons relevé plus haut, le régulateur
peut être capturé par les puissantes entreprises du secteur.
Le Docteur Isaac CISSOKO a identifié trois critères permettant de mesurer
l’autonomie du régulateur284. Il s’agit du mandat des personnes, des moyens
humains et des moyens financiers. En plus de ces critères, le mode de
désignation des membres, des organes et des dirigeants nous paraît essentiel
pour asseoir l’indépendance et la légitimé de l’organe.
Aux termes de l’article 163 du nouveau code des télécommunications :
La Direction générale de l’ARTP est placée sous l’autorité d’un Directeur
général, nommé par décret , sur la base de critères d’intégrité morale, de
qualification et d’expérience en matière de gestion d’institutions publiques ou
privées intervenant en particulier dans les secteurs régulés.
La rémunération et les avantages du Directeur général sont fixés par le
Président de la République sur proposition de l’autorité gouvernementale, par
référence aux salaires et avantages prévalant dans les entreprises privées des
secteurs régulés pour un poste équivalent.
Cet environnement est-il propice pour garantir à l’organe de régulation une
expertise dont la qualité est incontestable ?
A l’épreuve des faits, la réponse ne peut pas être affirmative. Il n’est pour s’en
convaincre que de convoquer le décret n°2010 – 406 du 30 mars 2010 portant
nomination des membres du Conseil de Régulation de l’Agence de Régulation 283 Voir l’intervention de MM.AKé G.M N’Gbo et Cremide de l’Université de Cocody, « L’indépendance du
régulateur », in Forum de la régulation, op.cit, page 151. 284 Issa Isaac Cissoko, Contribution à la compréhension de la notion de régulation dans le secteur des
entreprises de réseau : le cas des télécommunications, Dakar, Thèse pour le Doctorat d’Etat en Droit privé,
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, 10 mai 2008.
153
des Télécommunications et des Postes. Quels sont les profils des membres
nommés par ce décret ?
Ils sont ingénieur en pétrochimie, juriste, professeur à l’ESP, auditeur
comptable et financier, animateur du développement, ingénieur en
télécommunication, attaché d’administration, de communication et de
marketing, conseiller en organisation.285
Ces profils ne sont pas des meilleurs pour assurer une régulation efficace.
En effet, nous concédons à Christophe GENOUD que « dans des secteurs aussi
techniques et complexes que les industries des réseaux, l’expertise et la qualité
de l’information sont des outils précieux pour une bonne régulation »286.
Prenant conscience de ce fait, le Président de la République, en violation de la
Loi 2001-15287, a modifié ce décret par le décret n°2010-1540 portant
nomination des membres du Conseil de Régulation de l’Agence de Régulation
des Télécommunications et des Postes.
Dans ce contexte, il est difficile de promouvoir l’efficacité de la régulation.
Ces limites à l’indépendance du régulateur ne sont pas en phase avec le cadre
communautaire actuel. Au sens de l’article 11 de l’Acte Additionnel
A/SA/1/01/01 relatif à l’harmonisation des politiques et des cadres
réglementaires du secteur des technologies de l’information, « les Etats
285C’est le lieu de préciser que le seul ingénieur en télécommunication dans ce Conseil n’avait pas encore une
année d’expérience professionnelle effective. 286 Christophe GENOUD, « Libéralisation et régulation des industries de réseau : diversité dans la
convergence ? », in Revue internationale de politique comparée, op.cit. Page 198. 287 Car selon l’article 47 du code des télécommunications de 2001, les membres du Conseil de Régulation sont
nommés pour une durée de trois ans renouvelables.
154
membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de régulation
vis-à-vis du pouvoir politique. ».
En plus de ces insuffisances, l’articulation institutionnelle constitue une autre
limitation à l’indépendance.
B. Limites de l’indépendance liées au fonctionnement de l’organe de
régulation
Au sens de l’article 165 du code des télécommunications, le Directeur
général détient tous les pouvoirs et attributions nécessaires à la gestion interne
de l’ARTP. Il accomplit et autorise tous les actes et opérations relatifs à l’objet
de l’ARTP dans le respect des décisions du Collège de Régulation.
Selon l’article 160, le Collège de Régulation délibère sur les orientations
générales, le plan d’action, le programme annuel d'activités présenté par le
Directeur général, le rapport d’activités, le rapport de gestion et le rapport social
de l’ARTP présenté par le Directeur général.
C’est dire que le Collège de Régulation a un pouvoir de contrôle sur les actes
de gestion posés par le Directeur général de L’ARTP dans le cadre du
fonctionnement interne de l’Autorité.
Cependant, la gestion des finances de l’ARTP est assurée par un Agent
comptable nommé par le Ministre de l’économie et des finances en application
du décret n°002980 du 07 avril 2011 portant régime financier et comptable des
établissements publics, des agences et autres organismes publics similaires288.
288 L’application du décret n°002980 du 07 avril 2011 à l’ARTP est une recommandation d’une étude
commanditée par la « Délégation au management public de l’Etat ». Voir Rapport Kpmg, Mission d’évaluation
des agences, Dakar, Rapport n°01-07 /06/2006.
155
Selon l’article premier, le décret « s’applique aux établissements publics, aux
agences et aux autres organismes publics similaires, existants ou à créer,
lorsqu’ils ne sont pas dotés de textes spécifiques ayant le même objet que le
présent décret. »289.
La lecture de cette disposition appelle quelques constats.
L’ARTP est une autorité administrative indépendante au sens de l’article 123
de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. Cette
disposition constitue une transposition de l’article 11 de l’Acte Additionnel
A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire
du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Selon l’article 11 de cet Acte Additionnel :
Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de
régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant
la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et
de toute organisation intervenant dans le secteur, en faisant de sorte que ces
autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.
C’est d’ailleurs pourquoi certaines règles matérielles du décret n°002980 du 07
avril 2011 sont contraires aux dispositions du code des télécommunications et
des Actes Additionnels de la CEDEAO.
289 Pour renforcer la bonne gouvernance dans les finances publiques, l’Etat a adopté la Loi 2009-20, portant loi
d’orientation sur les agences d’exécution. Dans l’exposé des motifs de cette loi, le législateur constate que la
création d’agence a conduit à des dysfonctionnements préjudiciables à l’administration, voire des pratiques peu
orthodoxes. Ce qui rend nécessaire la nomination d’agent comptable pour séparer les fonctions d’ordonnateur et
de comptable. Même si l’intention du législateur est de renforcer la bonne gouvernance financière dans les
structures publiques y compris l’ARTP, cette loi n’est pas applicable au régulateur des télécommunications qui
est une autorité administrative indépendante créée par une loi. Journal Officiel de la République du Sénégal
n°6481du 25 juillet 2009.
156
En effet, l’article 169 du code des télécommunications prévoit que « le projet de
dotation du budget annuel de l’ARTP est préparé par le Directeur général et
soumis à l’approbation du Collège, au plus tard deux mois avant la fin de
l'année budgétaire en cours. ».
L’article 12 du décret n °002980 du 07 avril 2011, quant à lui, prévoit
l’approbation du budget des organismes concernés par le Ministère des finances.
Cette disposition est contraire à l’indépendance budgétaire. Selon le Professeur
Abdoulaye SAKHO, le budget de l’ARTP doit respecter certains principes à
savoir « l’indépendance de la programmation et d’exécution budgétaire et
l’indépendance de gestion budgétaire qui sont les normes de fonctionnement de
toutes les Autorités administratives indépendantes disposant de ressources
propres et donc de l’indépendance budgétaire. »290
Cette contradiction dans les règles matérielles parmi d’autres rend impossible
l’application du décret à l’ARTP. En ce sens qu’en cas de conflits de normes
entre les dispositions d’un décret et celles d’une loi, celles du décret sont
écartées au profit des dispositions législatives291.
Dans les faits, il est fréquent de constater des incompréhensions entre
l’agent comptable et la Direction général de l’ARTP. Par ailleurs, l’agent
comptable nommé est souvent un inspecteur du Trésor. La régulation étant un
métier nouveau, elle requiert parfois l’acquisition de certains équipements et la
participation à certaines rencontres stratégiques pour le développement des 290 Ces arguments sont développés par le fondateur du forum de la régulation dans un entretien accordé à deux
journalistes à la suite de l’ordonnance de non-lieu rendu par le juge d’instruction qui a blanchi totalement les
inculpés, sur les accusations de détournement de deniers publics contre les membres du premier Conseil de
Régulation de l’ARTP dont le Professeur Abdoulaye SAKHO était le Président. Voir SAKHO Abdoulaye, Ma
part de vérité : entretiens avec Bachir FOFANA et Baye Dame WADE, Préface de Madiambal DIAGNE, édition
juillet 2012, Le Quotidien/ Groupe Avenir Communication, p. 48. 291 Brami Cyril, La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français, Thèse de Doctorat d’Etat, Université
CERGY Pointoise, 4 décembre 2008, p. 25.
157
télécommunications292. Ces réalités ne sont pas souvent comprises par des
fonctionnaires de l’administration classique dont le principal souci est la
recherche de fonds pour alimenter le Trésor public.
Cette analyse de l’adaptabilité du cadre institutionnel au droit supranational a
révélé l’existence d’une certaine conformité. Mais des limites ont été
identifiées.
De même, l’environnement mondial des télécommunications comporte des
opportunités, mais aussi des menaces qui méritent d’être prises en compte pour
une régulation efficace.
292 Si la nomination d’un agent comptable par le ministre des finances est une garantie de bonne gestion des
finances de l’ARTP, le premier nommé ne serait pas inculpé pour détournement de deniers publics. En effet, Le
Doyen des juges d’instruction du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a mis sous mandat de dépôt Monsieur
Ndongo DIAW Directeur général de l’ARTP, Monsieur Mamadou Yaké BA, agent comptable de l’ARTP et
Monsieur Léon Pierre SAGNA, Chef de division finance pour détournement de deniers publics. Dans le cadre de
l’instruction de ce dossier, le Directeur général de l’ARTP a demandé entre autres, l’audition du Ministre des
Finances qui avait nommé l’agent comptable inculpé. C’est dire que cette nomination n’est pas une garantie de
bonne gouvernance financière. Voir Rewmi « L’ancien DG de l’ARTP, Ndongo DIAW invite le doyen des
juges à auditionner Maître WADE et Cie, édition du samedi premier septembre 2012. www.rewmi.com. Page
consultée le 3 septembre 2012.
158
SECTION II :
MENACES ET OPPORTUNITES SUR LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL
L’environnement de la régulation des télécommunications au Sénégal n’est
pas seulement un creuset de faiblesses. Des menaces (paragraphe I) se sont aussi
dessinées par rapport à l’environnement national et international. Mais le
Sénégal peut tirer profit des opportunités pour tempérer les risques liés à ces
menaces (paragraphe II).
159
PARAGRAPHE PREMIER :
MENACES LIEES A L’ACTIVITE DE REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL
La régulation des télécommunications au Sénégal fait face à des menaces par
rapport à l’environnement national des télécommunications (1), mais aussi par
rapport à l’environnement mondial (2).
1. Les menaces par rapport à l’environnement national des
télécommunications
L’environnement national des télécommunications est caractérisé par la
présence de plusieurs acteurs publics. En dehors de l’organe de régulation des
télécommunications, rares sont les organes publics intervenant dans le secteur
des télécommunications qui disposent de moyens suffisants. C’est pourquoi, ils
adressent souvent des requêtes à l’organe de régulation pour qu’il leur apporte
un appui financier. Ils considèrent que les ressources collectées par l’organe
doivent servir au développement des télécommunications indifféremment de
l’organe public qui en est le maître d’œuvre. Toutefois, l’article 171 du code
des télécommunications de 2001 précise que :
Les ressources de l'ARTP sont affectées à la réalisation de ses missions et à son
fonctionnement. Ces ressources sont également utilisées, entre autres, à :
1. la prise en charge des frais d’études et d’organisation des rencontres
relatives à l’élaboration et au suivi des politiques, des stratégies et de la
réglementation des secteurs régulés et des TIC ;
160
2. la prise en charge des participations du Sénégal aux rencontres
internationales des secteurs régulés et des TIC ;
3. l’appui au renforcement des capacités et à la recherche dans les
secteurs régulés et des TIC ;
4. la prise en charge des contributions et cotisations du Sénégal dans les
organisations internationales des secteurs régulés et des TIC ;
5. l’appui aux structures publiques intervenant dans le secteur des
télécommunications et des TIC.
Dans les faits, l’ARTP a sponsorisé des combats de lutte au lieu de financer des
activités de développement des télécommunications. Ce fait est critiqué par les
acteurs du secteur293. Ils considèrent que le régulateur des télécommunications
n’est pas dans un environnement concurrentiel, par conséquent, il ne doit pas
ravir la vedette aux opérateurs de télécommunications qui ont besoin de rendre
visibles leurs produits à travers ces événements.
En plus, la fonction de régulation n’est pas très bien comprise par certains
organismes étatiques dont l’opinion est souvent prise en compte dans la décision
de l’Autorité politique.
L’ensemble de ces facteurs expose le régulateur à des risques de refonte totale,
voire de disparation dans l’environnement institutionnel du pays.
A côté de ces risques, l’environnement international expose des dangers.
2. Risques liés à l’environnement mondial des télécommunications
Le secteur des télécommunications est caractérisé par sa dimension mondiale.
En effet, l’essentiel des opérateurs de télécommunications au Sénégal sont des
293 Je remercie Monsieur Adama Sidibé, Chef de division Réglementation de la SONATEL, Monsieur Babacar
Ba, Regulatory manger de SENTEL Gsm, pour avoir accepté de répondre à notre questionnaire.
161
filiales de grands groupes souvent présents dans le marché boursier294. Avec la
crise financière et les risques qui pèsent sur le système financier mondial, le
secteur des télécommunications ne saurait rester indifférent. C’est pourquoi, le
régulateur dont la fonction est de développer un marché compétitif doit avoir un
observatoire permettant d’éclairer les acteurs du secteur sur l’environnement
financier mondial, pour une meilleure intégration de la notion de risque par les
entreprises du secteur dans leur stratégie.
Par ailleurs, les défis de la sécurité des infrastructures et contenus des
réseaux de télécommunications ont fini d’installer le spectre de la peur au niveau
mondial295.
C’est pourquoi, une étude commandée par l’UIT invite les Etats à
encourager la sensibilisation, l’éducation contre les attaques cybercriminelles
dans le cadre de la prévention296. Ainsi, la menace cybercriminelle a incité à la
mise en place d’un groupe de travail dénommé « Sécurisation des réseaux
d'information et de communication : bonnes pratiques pour créer une culture de
cyber sécurité », au sein de la commission 1 de l’UIT-D297.
294 SONATEL est une filiale de France Télécoms, SENTEL Gsm est une filiale du Groupe Millicom
International, EXPRESSO Sénégal est une filiale du groupe SUDATEL. 295 Cependant, il convient de noter que le Sénégal s’est doté d’une législation sur la société de l’information
depuis 2008 même si l’évolution technologique rend de plus en plus les infractions cybercriminelles complexes.
Il s’agit de la Loi 2008-08 sur les transactions électroniques, J.O n°6404 du 26 avril 2008 ; de la Loi 20
08-10 portant lois d’orientation sur la société de l’information, J.O n°6406 du 3 mai 2008 ; de la Loi 2008-11 du
25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité, J.O n°6404 du 3 mai 2008 ; de la Loi 2008-12 sur la protection
des données à caractère personnel, J.O n°6404 du 3 mai 2008. 296ITU “Children on line protection: statistical fromework and indicators 2010”, IUT-D 2010, p. 69. 297 Dans le cadre des travaux de ce groupe de travail, des pays comme la Corée et le Maroc ont exposé leur
expérience en matière de cyber sécurité avant de proposer des pratiques tendant à combattre en amont la
cybercriminalité. Voir document 1/7-F du 23 septembre 2010. (www.itu.int. Page consultée le 9 septembre
2010.)
162
En 2010, la CEDEAO a adopté des textes portant sur la cybercriminalité, la
protection des données à caractère personnel et sur les transactions électroniques
afin de lutter contre les menaces cybercriminelles298.
C’est pourquoi, il est fondamental que le régulateur puisse intégrer dans sa
stratégie d’intervention, la gestion du risque d’insécurité pesant surtout sur les
infrastructures sensibles.
298 Voir l’Acte Additionnel A/SA.2/01/10 portant sur les transactions électroniques dans l’espace CEDEAO du
16 février 2010, l’Acte Additionnel A/SA.01/01/10 relatif à la protection des données à caractère personnel dans
l’espace de la CEDEAO.
163
PARAGRAPHE II :
OPPORTUNITES DE LA REGULATION
Les opportunités de la régulation sont analysées au niveau national (1) et
supranational(2).
1. Les opportunités au niveau national
L’environnement national de la régulation présente beaucoup
d’opportunités pour la régulation.
D’abord, l’environnement national est caractérisé par l’existence d’une
société civile dynamique. La société civile sénégalaise s’est très tôt positionnée
dans celle de l’information299. C’est ainsi qu’elle participe activement à la
gouvernance de l’Internet. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’avènement
de l’Internet au Sénégal est à l’honneur de la société civile qui a joué un rôle
déterminant dans sa pénétration au Sénégal. Elle est porteuse de plusieurs
initiatives tendant au développement de l’Internet au Sénégal. La participation
de la société civile dans la société de l’information à tous les niveaux, de la
planification de politiques de l’intégration, la supervision et l’évaluation, devrait
être assurée et maintenue.
Le gouvernement doit s’assurer que la compétition du marché est loyale et
que les monopoles ne se perpétuent pas. Même si les gouvernements devaient
promouvoir et faciliter la construction d’infrastructures, offrir la formation et
créer un environnement permettant à tous d’accéder aux TIC, ils ne devraient
pas contrôler le flot de l’information ni son contenu. La société a un rôle actif
dans la construction d’une société de l’information inclusive. 299 Sur le rôle de la société civile dans la société de l’information, voir SAGNA Olivier, Société civile et
construction de la société de l’information en Afrique de l’Ouest : entre marginalisation et implication , Dakar,
disponible sur le site (www.osiris.sn. Page consultée le 10 septembre 2011).
164
Face à une société civile dynamique, le régulateur a l’avantage de compter
sur celle-ci pour poser les bonnes questions et rechercher avec l’ensemble des
acteurs les meilleures solutions pour le développement du secteur. Compte tenu
des limites de l’indépendance du régulateur, celui-ci peut bénéficier du soutien
de la société civile pour inciter l’Etat à engager certaines réformes ou prendre
certaines décisions nécessaires pour le développement du secteur des
télécommunications au Sénégal300.
2. Les opportunités de l’environnement supranational
Des études de plus en plus nombreuses montrent que le niveau national de
régulation retenu et l’environnement institutionnel ne sont plus ajustés301.
Devant la puissance et l’influence de l’opérateur historique sur l’autorité
politique, le régulateur se heurte à la difficulté de faire prendre certaines
décisions nécessaires pour le développement de la concurrence. Aujourd’hui, en
faveur de l’intégration sous-régionale, les organismes communautaires
300 Cependant, il faut regretter la dispersion des associations de consommateurs au Sénégal qui ne partagent pas
souvent leur position sur des questions stratégiques pour l’avenir du secteur. Par exemple, sur le contrôle du
trafic international entrant, ASCOSEN, dirigée par Momar Ndao, soutient la mise en œuvre tandis que d’autres
associations demandent à l’Etat d’annuler le décret portant mise en œuvre du contrôle du trafic international
entrant. 301 Le rapport Stofaës mentionne trois exemples :
- le premier exemple porte sur la crise du secteur des télécommunications, engendrée notamment par le
défaut de coordination lors de l’attribution des licences UMTS en France ;
- le deuxième concerne la fluidité insuffisante des échanges d’électricité sur le marché européen,
résultant de cloisonnements persistants des réseaux nationaux de transport ;
- et enfin, le troisième exemple a trait à la problématique de l’évaluation des services d’intérêt
économique général. in Vers une régulation européenne des réseaux, Rapport de la Ministre déléguée
aux affaires européennes, Paris, ISUPE, 2003, p. 36 et suivante.
165
définissent leur plan stratégique communautaire et associent les Etats membres
à la mise en œuvre.
C’est ainsi que l’UEMOA a soumis à la validation des experts des pays
membres son plan stratégique sectoriel dans le domaine des télécommunications
entre les 8 et 10 décembre 2010302.
A cette occasion, l’organisation communautaire a prévu, entre autres, la mise en
œuvre du dégroupage dans les pays membres, l’adaptation du cadre juridique
pour attirer des investissements dans l’infrastructure, le partenariat entre acteurs
du secteur des télécommunications et ceux du secteur de l’énergie pour favoriser
la réalisation du service universel dans les Etats membres. L’introduction de ces
leviers de régulation pour le développement de la concurrence et le service
universel se heurtaient classiquement à la résistance des opérateurs historiques
qui ont tendance à utiliser les syndicats de leur personnel pour faire reculer
l’Autorité politique devant les réformes nécessaires. Aujourd’hui, l’UEMOA, en
adoptant un plan stratégique communautaire avec des objectifs dont la
réalisation obéit à un chronogramme précis, permet la naissance d’une nouvelle
ère d’efficacité pour les régulateurs en marche vers la construction d’un marché
communautaire dynamique et compétitif.
302 Voir le rapport de l’atelier de validation de la stratégie et du plan d’actions pour la promotion des
technologies de l’information et de la communication dans l’espace UEMOA du 8 au 10 décembre 2010,
Ouagadougou, Rapport inédit.
166
CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE PREMIER DE LA
PREMIERE PARTIE
L’étude du cadre institutionnel et normatif de la régulation a permis
d’identifier les sources nationales et internationales du droit des
télécommunications applicables à la régulation des télécommunications au
Sénégal. De même, elle a permis de comprendre l’organisation et le
fonctionnement de la régulation au Sénégal.
Ce qui a mis à nu des faiblesses de l’organe de régulation au Sénégal et des
menaces qui appellent à une vigilance et des actions correctives.
Mais heureusement, ces inquiétudes sont tempérées par des opportunités
principalement liées à l’évolution technologique et à l’existence de cadres
supranationaux favorables à l’harmonisation des meilleures pratiques de
régulation.
Après l’étude des normes et de l’institution de régulation, il est nécessaire
d’examiner l’activité de régulation.
167
TITRE II :
L’ACTIVITE DE REGULATION AU SENEGAL
L’étude de l’activité de régulation permet d’identifier le modèle de
régulation appliqué au Sénégal et d’apprécier le degré d’efficacité des outils mis
en place pour développer la concurrence dans le secteur des
télécommunications.
Cette activité de régulation des télécommunications au Sénégal est effectuée de
deux manières : ex ante (chapitre I) et ex post (chapitre II).
168
CHAPITRE PREMIER :
L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE
L’examen de l’activité de régulation ex ante permettra de mesurer la
capacité des instruments et mécanismes mis en place par le régulateur pour
introduire et asseoir la concurrence, et favoriser l’accès universel dans le
secteur des télécommunications.
L’activité de régulation ex ante consiste principalement à développer la
concurrence (section I) et à contribuer au développement du service universel
(section II).
169
SECTION PREMIERE :
L’ACTIVITE DE DEVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE
Pour développer la concurrence, l’autorité assure une régulation de
l’interconnexion (paragraphe I) et la gestion des ressources rares (paragraphe II).
170
PARAGRAPHE PREMIER :
L’activité de régulation de l’interconnexion
L’interconnexion entre les opérateurs est une obligation légale303. Dans
l’activité de régulation de l’interconnexion, il convient d’abord d’identifier
l’opérateur ayant une puissance significative sur le marché (1) avant de
répertorier ses obligations (2).
1. Identification de l’opérateur ayant une puissance significative sur
le marché
Conformément aux dispositions de la directive européenne du 30 juin 1997,
l’interconnexion est :
La liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par le
même organisme ou un organisme différent, est de permettre aux utilisateurs
d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs du même ou d'un autre
organisme, et d'accéder aux services fournis par un autre organisme. Les
services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties
qui ont accès au réseau.304
D’après l’Union Internationale des Télécommunications (UIT),
l’interconnexion est un ensemble de dispositions commerciales et techniques
suivant lesquelles les prestataires de services connectent leurs équipements,
303 Nous avons disserté sur l’obligation d’interconnexion dans le titre premier de cette première partie. 304Directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le
secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des
principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), Journal officiel n° L 199 du 26/07/1997 p. 0032 – 0052.
171
réseaux et services pour permettre à la clientèle d’accéder aux clients, services et
réseaux d’autres prestataires de services305.
La directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA relative à
l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications définit
l’interconnexion comme :
a) une liaison physique des réseaux de télécommunications, en vue de
fournir des prestations réciproques entre deux exploitants de réseaux
ouverts au public, permettant à l'ensemble de leurs utilisateurs de
communiquer librement entre eux, quel que soit le réseau auquel ils sont
raccordés ;
b) des prestations d'accès au réseau ouvert au public offertes dans le même
cadre par son exploitant à un fournisseur de services de
télécommunications.
L’article 3 du code des télécommunications du Sénégal définit l’interconnexion
comme :
La liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le
même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs
d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un
autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. Les
services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties
qui ont accès au réseau. L'interconnexion constitue un type particulier d'accès
mis en œuvre entre opérateurs de réseaux ouverts au public.
305 Rapport du colloque de l’UIT, Genève, édition UIT, 1995.
172
De ces définitions, il ressort que l’interconnexion consiste à raccorder différents
réseaux de télécommunications entre eux pour permettre à l’ensemble des
utilisateurs de communiquer librement. De même, elle désigne l’ensemble des
droits et des obligations qui sont associés. Elle est un élément essentiel de la
concurrence, en raison du jeu stratégique des acteurs du marché. Elle dépend
d’un environnement complexe (asymétrie d’information, aléas contractuels,
cadre juridique, situation économique) qui varie d’un pays à un autre.
Il convient de rappeler qu’au Sénégal, le secteur des télécommunications a
été caractérisé jusqu’à 1996 par le régime du monopole d’Etat. Le vent de la
privatisation qui a soufflé dans les pays d’Afrique de l’ouest a conduit l’Etat du
Sénégal à privatiser l’opérateur historique en 1996 avant d’attribuer une
deuxième licence mobile en 1997; c’est le début de la libéralisation. Les deux
opérateurs signèrent une convention d’interconnexion dans un contexte où le
régulateur n’était pas encore né. Il faudra attendre l’adoption de la Loi n°2001-
15 du 27 décembre 2001 portant code des télécommunications pour assister à la
création d’un régulateur des télécommunications. Ce code pose, par la même
occasion, le principe de l’interconnexion équitable. Ce principe est repris par le
nouveau code des télécommunications. L’article 47 du nouveau code des
télécommunications consacre le caractère obligatoire de l’interconnexion entre
les opérateurs titulaires de licence. De même, il prévoit des obligations
asymétriques à la charge de l’opérateur ayant une puissance significative sur le
marché.
L’article 3 du nouveau code des télécommunications du Sénégal prévoit qu’un
opérateur est présumé être en position dominante s’il détient une part supérieure
à 25% du marché des télécommunications306. Il peut être tenu compte également
306 Le critère d’identification de l’opérateur en position dominante varie en fonction des législations. En
Tanzanie, « Tanzania communications regulatory Authority act, 2003 » prévoit qu’un opérateur est présumé être
173
du chiffre d’affaires de l’opérateur par rapport à la taille du marché, de son
contrôle des moyens d’accès à l’utilisateur final, de son expérience dans la
fourniture de produits et de services de télécommunications.
A la place du concept « d’opérateur en position dominante », l’UEMOA a
consacré le concept « d’opérateur puissant ». Mais ces deux concepts visent le
même objectif. En effet, il s’agit pour le régulateur d’éviter que les « pouvoirs
privés économiques »307 qui disposent « au plan économique, du pouvoir plus ou
moins étendu, d’influencer sur les conditions de la production et de la
distribution », pour reprendre le Professeur Abdoulaye SAKHO308.
Selon l’article premier de la directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA
relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications :
Un opérateur de réseau public de télécommunications peut être qualifié de
puissant sur le marché d’un service ou d’un groupe de services s’il détient au
moins 25% du volume de ce marché. Il peut être également tenu compte :
- de la capacité de l’opérateur à influencer les conditions du marché ;
- de son chiffre d’affaires par rapport à la taille du marché ;
- du contrôle qu’il exerce sur les moyens d’accès à l’utilisateur final ;
- de son expérience dans la fourniture de service sur le marché.
Quant à la CEDEAO, elle utilise le concept d’« opérateur ayant une puissance
significative sur le marché »309. Aux termes de l’article premier de l’Acte en position dominante s’il détient une part supérieure à 35%. Voir la contribution de la Tanzanie aux travaux de
la commission d’étude 1 du secteur du développement de l’UIT. www.iut.int Document RGQ 10-3/1/INF/001-
(page consultée le 6 juin 2011). Voir aussi le rapport du groupe des rapporteurs de la question 10-3 /1 du 2 mai
2001 à Genève. Document n°1/53-E du 8 juin 2011.
307 Gérard Farjat, Droit économique, Paris PUF/Thémis, 1967, p. 373. 308 Abdoulaye Sakho, op.cit p. 264. 309 Cette conception est celle retenue par l’article L 37-1 du code des communications électroniques qui dispose
qu’« est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques
174
Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et
services du secteur des TIC :
Une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance significative
sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve
dans une position équivalente à une position dominante, c'est-à-dire qu’elle est
en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière
indépendante de ses concurrents, de ses clients, et enfin de compte, de ses
consommateurs.
De l’analyse de ces définitions, il apparaît que les critères d’identification de
l’opérateur en position dominante, de l’opérateur puissant, de l’opérateur ayant
une puissance significative sur le marché sont les mêmes310. En effet, l’opérateur
ayant une puissance significative sur le marché est une signification du concept
anglais « The significat market power », qui n’est rien d’autre que l’opérateur en
position dominante dans les pays anglophones. Au Nigéria, la commission de
régulation définit chaque année les lignes directrices pour identifier les
tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d’autres, se trouve dans une position équivalente
à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents,
de ses clients et des consommateurs ». 310 En Europe, le cadre réglementaire européen aligne la définition de la puissance sur le marché sur la définition
que donne la Cour de la position dominante. C’est pourquoi les Autorités de régulation des communications
électroniques des pays membres sont tenues de veiller à ce que leurs décisions soient cohérentes avec la pratique
de la commission ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice et du tribunal de première instance en matière
de position dominante. Toutefois, l’application ex ante de cette définition nécessite certaines adaptations
méthodologiques quant à la façon dont la puissance sur le marché est appréciée. Plus particulièrement,
lorsqu’elles déterminent ex ante, si une ou plusieurs entreprises détiennent une position dominante sur les
marchés en cause, les régulateurs sectoriels appuient en règle générale leur analyse sur un ensemble
d’hypothèses et d’anticipations qui n’est pas le même que celui utilisé par les autorités de la concurrence. Voir
la directive européenne 2002/C 165/03 relative aux “lignes directrices de la Commission sur l’analyse du
marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour
les réseaux et services de communications électroniques. point 70, p. 15.
Au Sénégal, il est attendu le même effet. En ce sens que les normes communautaires sur la question et les
normes nationales sont inspirées du droit européen.
175
opérateurs en position dominante. Conformément aux lignes directrices sur
l’interconnexion, les opérateurs en position dominante sont tenus d’offrir des
facilités essentielles aux opérateurs concurrents. L’ensemble des éléments
constituant des facilités essentielles sera fixé par les lignes directrices sur
l’interconnexion311.
Par conséquent, c’est le même régime juridique qui est applicable.
L’identification de l’opérateur en position dominante se fait sur un marché.
Dans son rapport annuel de 2010, le Conseil de la Concurrence de la France
définit le marché comme suit : « Le marché, au sens où l’entend le droit de la
concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la
demande pour un produit ou un service spécifique. » 312Lorsque les produits ou
les services sont substituables313, le marché peut être qualifié de pertinent. En
droit comparé, les directives européennes314 adoptées en 2002315 prévoient que
l’imposition d’obligation a priori à des opérateurs de télécommunications doit
passer par des analyses des marchés. A cet effet, la directive 2002/21/CE316
prévoit que la commission est appelée à formuler des recommandations et des
lignes directrices en la matière.317 La démarche d’analyse comprend trois étapes 311 Voir “Guidelines on technical standards for interconnectivity of networks” p. 12. Disponible sur le site
www.ncc.gouv.ng. Page consultée le 20 janvier 2010. 312L’Autorité de la concurrence, Rapport annuel 2010, Paris, Autorité de la concurrence, p. 143. Disponible sur
le site http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/index.php. Page consultée le 20 septembre 2011. 313 Une substituabilité parfaite s’observant rarement, l’Autorité de la concurrence de la France considère que
sont substituables et par conséquent se situent sur un même marché, les produits et les services dont on peut
raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer
pour satisfaire une même demande. Voir sur cette question les décisions 10-D-13 ; 10-D-14 ; 10-D-15. Voir
aussi « le rapport annuel 2010 » de l’Autorité de la concurrence de la France p. 144. 314 Il s’agit des directives dites « du paquet télécoms ». 315 Quatre directives du 07 mars 2002 (directive 2002/19/CE, dite directive « accès » ; directive 2002/20/CE, dite
directive « autorisation » ; directive 2002/21/CE, dite directive « cadre » ; directive 2002/22/CE, dite directive
« service universel ») publiées au JOCE du 31 juillet 2002, L 201, p. 37. 316 Elle est la directive cadre. 317 Article 15 de la directive 2002/21/CE.
176
dont la définition du marché pertinent318. Les frontières de ce marché sont
définies sur la base du critère de « substituabilité » par la demande et par
l’offre319. Avec ce critère, il est distingué le marché de produits du marché
géographique.
Le marché des produits en cause comprend tous les produits et/ou services
que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en
raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auxquels ils sont
destinés.
Le marché géographique comprend le territoire sur lequel les entreprises
concernées concourent à l’offre et à la demande des produits ou services en 318 Dans les lignes directrices sur la concurrence, la Commission européenne reconnaît les difficultés inhérentes
à la définition du marché pertinent dans un domaine connaissant une évolution technologique rapide tel que le
secteur des télécommunications. Grâce à l’expérience capitalisée dans l’application des règles de concurrence à
un secteur dynamique, la Commission a retenu deux principaux critères liés aux contraintes concurrentielles, à
savoir les possibilités de substitution du côté de la demande et les possibilités de substitution du côté de l’offre.
Une troisième source de pression concurrentielle, à savoir la concurrence potentielle, peut influencer le
comportement d’un opérateur. La différence entre la concurrence potentielle et les possibilités de substitution du
côté de l’offre réside dans le fait que le second facteur réagit rapidement à une augmentation des prix, alors qu’il
faut plus de temps à de nouveaux concurrents potentiels pour commencer à approvisionner le marché. Voir la
directive 2002/C165/03 relative aux « lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et
l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les
réseaux et les services de communications électroniques », point 38, p. 11. 319 La délimitation des marchés, du point de vue des services, repose sur l’analyse de :
- la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s’ils sont
suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, notamment du point de vue de l’usage qui est fait
des produits et des services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de
distribution, des coûts de migration d’un produit vers l’autre. Afin d’apprécier cette notion
d’interchangeabilité, l’analyse doit, entre autres, prouver que la substitution entre les deux produits est
rapide et doit prendre en compte les coûts d’adaptation qui en découlent ;
- la substituabilité du côté de l’offre : elle est caractérisée lorsqu’un opérateur, qui n’est pas actuellement
présent sur un marché donné, est susceptible d’y entrer rapidement en réponse à une augmentation du
prix des produits qui y sont vendus.
Voir sur cette question, la décision de l’ARCEP n° 2010-0402 en date du 8 avril 2010 portant sur la définition
des marchés pertinents des services de capacités, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative
sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.
177
cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et
qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en
particulier, les conditions de concurrence y diffèrent320.
Au Sénégal, le nouveau code des télécommunications met à la charge de
l’opérateur, ayant une puissance significative sur le marché, certaines
obligations. Aux termes de l’article 14 du nouveau code des
télécommunications :
Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché
pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière
d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :
1º) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,
notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou
d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre d’interconnexion peut être
modifiée au cours de la période de validité d’un catalogue sous réserve que tous
les exploitants puissent bénéficier également de la modification. Toutefois, les
modifications doivent être approuvées préalablement par l’Autorité de
régulation. L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la
modification du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les
conditions de concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de
télécommunications ne sont pas garanties. Elle peut également décider
d’ajouter ou de supprimer des prestations inscrites au catalogue pour mettre en
œuvre les principes d’orientation des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou
pour mieux satisfaire les besoins de la communauté des exploitants et
fournisseurs de services de télécommunication ;
320 Autorité de concurrence de la France, Rapport annuel 2009, Paris, Autorité de la concurrence France, pp.
161 à 163. (www.autoritedelaconcurrence.fr. Page consultée le 8 septembre 2011).
178
2º) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non
discriminatoires ;
3º) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à
des moyens qui y sont associés ;
4º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;
5º) isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion
ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette
de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le
respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un
organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.
Par ailleurs, le nouveau code des télécommunications prévoit l’encadrement des
tarifs de détail de l’opérateur ayant une puissance significative sur le marché. Il
dispose en son article 62 que :
Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de
détail du secteur des télécommunications peuvent se voir imposer par l’Autorité
de régulation, une ou plusieurs des obligations suivantes:
1º) fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires, ne
pas coupler abusivement de telles prestations ;
2º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;
3°) respecter un encadrement pluriannuel des tarifs défini par l'Autorité de
régulation des télécommunications ;
179
4°) informer l'Autorité de régulation de ses tarifs préalablement à leur mise en
œuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés ; l'autorité peut
s'opposer à la mise en œuvre d'un tarif qui, lui, est communiqué en application
du présent alinéa par une décision motivée explicitant les analyses, notamment
économiques, qui sous-tendent son opposition ;
5º) tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le
respect des obligations prévues par le présent article ; le respect de ces
prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un organisme indépendant
désigné par l'Autorité de régulation.
Cette disposition est une innovation positive par rapport au code des
télécommunications de 2001 qui ne prévoyait pas l’encadrement des tarifs de
détail321. Ce qui installait souvent le client à la merci des opérateurs dans les
segments concurrentiels. La théorie de la régulation sectorielle souligne que la
régulation des prix de détail peut, en dernier recours, s’avérer nécessaire322.
Dans ce cas, les missions du régulateur s’attachent à surveiller, suivant les cas,
que les entreprises ne pratiquent pas :
- des prix excessifs;
- des prix d’éviction;
- de discrimination;
- et de ventes liées abusives.
Les prix sont dits excessifs lorsqu’ils s’écartent significativement des coûts.
Une telle situation est possible lorsqu’un opérateur dispose d’un pouvoir de
marché important. Elle conduit à des rentes considérées (d’un point de vue
321 L’encadrement des tarifs de détail est une transposition de l’article 4 de la Directive n°05/2006/CM/UEMOA/
relative à l’harmonisation de la tarification des services de télécommunications. 322 David Flacher et Hugues Jennequin, Réguler le secteur des télécommunications ? Enjeux et perspectives.,
Paris, éditions Economica 2007, pp. 111 et 112.
180
statique) comme sources d’inefficience323. Le régulateur peut alors demander
une orientation des prix vers les coûts.
Le régulateur parle de prix d’éviction lorsqu’un bien ou service est vendu à
un prix trop bas pour pouvoir être produit de manière rentable par des
concurrents de l’opérateur puissant aussi efficaces que ce dernier ou par des
concurrents raisonnablement efficaces.
La pratique des prix prédateurs (vente à perte) est ainsi un cas particulier de
prix d’éviction. De manière assez paradoxale, pour faire face à ce type de
risque, le régulateur peut être amené à exiger de l’opérateur puissant qu’il
pratique des prix significativement supérieurs aux coûts afin de laisser ( de
manière artificielle) des marges aux concurrents potentiels et donc pour que se
développe une concurrence significative. A noter, enfin, que l’éviction de
concurrents peut également se faire sur une base contractuelle (abonnement
d’une durée fixée…).
La discrimination s’entend sur les prix mais également sur les conditions et
modalités de vente. Le régulateur peut donc interdire les pratiques
discriminatoires qu’il juge anticoncurrentielles ou inacceptables.
Le couplage entre deux offres, qu’il soit d’ordre tarifaire, contractuel ou
technique, peut donner lieu à la vente liée d’une offre sur un marché peu (ou
non) concurrentiel et d’une offre sur un marché concurrentiel. Ce type de vente
323 L’efficience désigne le rapport entre les résultats obtenus et les moyens mis en œuvre. Nous trouvons dans la
littérature économique la notion d’efficience absolue d’une part, et l’efficience relative d’autre part.
S’agissant de l’efficience absolue, nous dirons d’un agent, d’un marché ou d’une économie qu’ils sont
efficients s’ils atteignent un optimum, c'est-à-dire s’ils sont les plus efficients possibles.
Concernant l’efficience relative, c’est une situation qui apparaît comme plus efficiente qu’une autre si des
résultats semblables sont obtenus à partir d’une quantité de ressource inférieure. Voir H. Leibenstein,
« Allocative efficiency vs. X-efficiency », American Economic Review, juin 1996, pp. 392-415.
181
liée devient alors abusif lorsqu’elle nuit à l’intérêt des clients. Le régulateur
peut être amené à interdire ces pratiques324.
Le régulateur est également amené, dans le cadre de ses missions, à établir des
obligations en matière de comptabilisation et de transparence.
Le marché sénégalais est composé de trois opérateurs dont les
comportements dans le marché de détail n’est pas souvent optimal pour le
consommateur. Par exemple, dans le marché du fixe et de l’Internet, le client qui
n’est pas satisfait de la prestation de SONATEL n’a qu’un seul choix de produit
relativement substituable, à savoir les offres de l’opérateur EXPRESSO Sénégal.
En droit comparé, la sanction infligée par le régulateur malien à SOTELMA325
attire notre attention en ce qu’elle caractérise la détermination du régulateur à
ne pas laisser le consommateur à la merci des opérateurs puissants ou
dominants. Quels sont les faits de l’espèce ?
Par décision du 04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand
public de Malitel,326 le régulateur malien a approuvé un tarif de 150FCFA/mn
pour la communication internationale.
Suite à l’augmentation du tarif de terminaison d’appel au Sénégal, en Mauritanie
et au Gabon, SOTELMA327 a appliqué un tarif de 198FCFA/mn sans informé
encore moins obtenu l’approbation du régulateur Malien. ARMTP du Mali a
324 Au Sénégal, l’article 127 point 14 du code des télécommunications de 2011 prévoit que l’ARTP peut
analyser, de sa propre initiative ou à la demande des consommateurs, et le cas échéant, exiger la
modification des clauses abusives des contrats conclus avec des utilisateurs ou des conventions
régissant l’interconnexion ou l’accès aux réseaux des opérateurs,
325 Décision n°12-004/MPNT/AMRTP-DG de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications/TIC et
des postes. 326 Décision n°08-09MCNT-CRT du 04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand public de
Malitel. 327 Société de Télécommunications du Mali est titulaire d’une licence d’établissement et d’exploitation de
réseaux et de services de télécommunications approuvée par décret n°09-394/P-RM du 31 juillet 2009. Elle
exploite des services de téléphonie mobile par sa filiale Malitel.
182
considéré que SOTELMA a violé les dispositions de l’article 39 de l’ordonnance
n°2011-023 du 28 septembre 2011 relatives aux télécommunications / TIC Aux
termes de l’article :
Les opérateurs sont tenus de communiquer à l’Autorité leurs tarifs détaillés au
début de chaque année et les modifications ultérieures avant leur mise en
application.
L’Autorité peut s’opposer à l’application des tarifs au cas où ceux-ci ne
respecteraient pas les dispositions de la présente loi et les règles de la
concurrence.
Il est clair que dans des pays ou le marché n’est pas mature, l’encadrement
des tarifs de détail des opérateurs puissants est nécessaire pour protéger le
consommateur contre les abus.
Dans une analyse effectuée en 2006, l’ARTP du Sénégal avait estimé que la
liste des opérateurs exerçant une position dominante devait être déterminée au
regard de l’examen du marché global national des télécommunications. Dans le
cadre de ses travaux conduisant à la désignation des opérateurs considérés
comme exerçant une position dominante pour l’année 2007, l’ARTP a complété
son analyse afin de tenir compte de l’évolution de la concurrence en 2006, des
meilleures pratiques internationales et des observations des différents acteurs,
notamment au sein du Comité de l’interconnexion328.
Au mois de juin 2007, à la suite d’une consultation publique relative à la mise
en place d’une méthodologie de définition des segments de marché en vue de la
détermination des opérateurs exerçant une position dominante sur le marché des
328 Le comité d’interconnexion était institué par le Directeur général de l’ARTP pour consulter les acteurs sur les
questions portant sur l’interconnexion. L’article 131 du code des télécommunications prévoit, à la charge de
l’ARTP, l’obligation de consultation du public et des acteurs du secteur des télécommunications dans le cadre
de l’exercice de ses missions.
183
télécommunications et par décision du 1er juin 2007 déterminant les segments
de marchés329, l’ARTP a défini dix segments de marché répartis comme suit :
dans le marché de la téléphonie fixe : le marché de la téléphonie fixe est
réparti en quatre segments de marché, à savoir la terminaison de
trafic330sur les réseaux fixes, la collecte de trafic331 sur les réseaux fixes,
le transit national332 et le transit international. Dans ces segments de
marché, l’indicateur de la pertinence du marché est le volume de minutes
échangées ;
dans le marché de la téléphonie mobile : la terminaison de trafic sur les
réseaux mobiles est le seul segment de marché identifié dans ce marché.
L’indicateur de la pertinence du marché est le volume de minutes
entrantes ;
329Décision n°022007/ARTP/DG/DJ/DT du 1er juin 2007 déterminant les segments de marchés. 330 La terminaison de trafic permet d’acheminer le trafic terminal destiné aux abonnés raccordés directement au
commutateur de l’opérateur qui offre l’interconnexion. Lorsqu’un abonné téléphonique veut appeler un autre, la
communication part du combiné de l’appelant pour traverser la boucle locale de son opérateur (la partie qui lie le
terminal de l’abonné au centre de rattachement ou commutateur de l’opérateur) puis elle transite par différents
éléments du réseau pour se terminer sur la boucle locale de l’opérateur de l’appelé. La communication emprunte
donc une boucle locale de départ et une boucle locale de terminaison.
En général, les flux financiers associés ont deux niveaux. Sur le marché de détail, l’appelant paie à son
opérateur de boucle locale un tarif de détail pour joindre l’appelé mobile : c’est le principe du calling Party Pays
(l’appelé ne paie rien). Sur le marché de gros, l’opérateur de l’appelant paie l’opérateur de l’appelé pour
l’utilisation de la partie terminale de son réseau : c’est la tarification de la terminaison d’appel qui est fixée dans
la convention de concession entre les opérateurs. S’il s’agit d’un opérateur puissant ou dominant, ce tarif est fixé
dans son catalogue d’interconnexion approuvé par l’Autorité de régulation. Cette activité est la principale source
de contentieux devant le régulateur. 331 La collecte de trafic permet d’écouler le trafic des clients de l’opérateur interconnecté qui sont raccordés
directement au commutateur de l’opérateur qui offre l’interconnexion. 332 Le transit national permet d’écouler le trafic à destination des abonnés raccordés sur les commutateurs
d’abonnés accessibles, en transit, à partir du commutateur de raccordement. Nous parlons, ainsi, de « simple
transit » ou de « double transit » ou d’accéder au Sénégal aux abonnés des autres opérateurs interconnectés avec
l’opérateur offreur d’interconnexion.
184
dans le marché de la transmission de données : la transmission de
données est le segment identifié. L’indicateur de pertinence est le nombre
d’accès de gros DSL ;
dans le marché des services de capacité : la location de capacité et le
transit IP sont les deux segments de marché. Le chiffre d’affaires lié à la
fourniture de liaisons spécialisées de gros constitue l’indicateur de la
pertinence du marché ;
dans le marché des services de fonctionnalités complémentaires et
avancés : les services de signalisation nécessaires au roaming
international et l’accès aux services spéciaux sont les deux segments de
marché. L’indicateur de pertinence de ces marchés est le volume de
minutes vers les numéros spéciaux.
Le cadre réglementaire du Sénégal oblige chaque opérateur dominant dans un
segment de marché à publier un catalogue d’interconnexion.
2. Contrôle ex ante des obligations de l’opérateur ayant une puissance
significative sur le marché.
Le code des télécommunications du Sénégal oblige chaque opérateur
puissant, à publier un catalogue d’interconnexion.
Selon l’article premier de la directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA
relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications, le
catalogue d’interconnexion est une« offre technique et tarifaire d’interconnexion
publiée par les opérateurs de réseaux publics de télécommunications
conformément aux dispositions de la présente directive. »
185
De même, l’article 4 de la directive de l’UEMOA sur l’interconnexion, les
opérateurs puissants sont tenus de publier et de mettre à jour, annuellement, un
catalogue d’interconnexion décrivant leur offre standard d’interconnexion. Ce
catalogue comporte une offre destinée aux opérateurs de réseaux de
télécommunications ouverts au public et une offre destinée aux fournisseurs de
services de télécommunications.
Aux termes de l’article premier de cette directive, le catalogue est une« offre
technique et tarifaire d’interconnexion publiée par les opérateurs de réseaux
publics de télécommunications conformément aux dispositions de la présente
directive. »
L’objectif visé par l’imposition de cette obligation aux opérateurs en position
dominante sur le marché, est de garantir que ces opérateurs ne puissent utiliser
leur puissance de marché pour restreindre ou fausser la concurrence sur le
marché pertinent ni faire jouer cette puissance sur des marchés adjacents.
Conformément à ses dispositions, l’ARTP engage le processus d’approbation du
catalogue d’interconnexion.
En 2009, SONATEL a été déclarée opérateur en position dominante dans tous
les segments de marché333.
SENTEL GSM aussi a été déclarée opérateur en position dominante dans le
marché de la terminaison du trafic sur les réseaux mobiles par la même décision.
Chacun de ces opérateurs est tenu de soumettre à l’approbation du régulateur un
catalogue d’interconnexion.
En 2010, le processus d’approbation a permis d’approuver les catalogues
d’interconnexion de SENTEL GSM et de SONATEL334.
333Décision n°0005/ARTP/DG/SG/DO (www.artp.sn. Page consultée le 15 novembre 2009).
186
Par décision n°00005/ARTP/DG/SG/DO du 30 mars 2009 fixant la liste des
opérateurs en position dominante, SENTEL GSM est déclarée opérateur en
position dominante sur le segment de marché de la terminaison de trafic sur le
réseau mobile.
La même décision déclare SONATEL opérateur en position dominante sur les
10 segments de marché, y compris le marché de la terminaison de trafic sur le
réseau mobile.
C’est ainsi que les deux opérateurs sont tenus de publier chacun un catalogue
d’interconnexion approuvé par l’ARTP. Ces catalogues sont applicables du 1er
juillet 2009 au 30 juin 2010.
Mais l’approbation de ces deux catalogues a débouché sur un contentieux
portant sur la détermination du tarif de terminaison d’appel international335.
Quels sont les faits de l’espèce ?
SENTEL GSM a envoyé à SONATEL un courrier, référencé
KK/DG/AS/2009/053 du 4 août 2009 relatif au changement de tarif de
terminaison du trafic international, pour lui notifier sa décision d’appliquer le
tarif de 81 F CFA HT la minute à SONATEL pour toute terminaison de trafic
international sur son réseau et transitant par le réseau de SONATEL.
Par courrier, référencé 0143/SNT/DG/DRJ/DRG du 23 septembre 2009,
SONATEL répond à SENTEL GSM en lui exprimant sa décision de ne plus
334 La décision est disponible sur le site de l’Autorité de régulation des télécommunications www.artp.sn (page
consultée le 20 février 2010). 335 Décision n°3492 ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 31 décembre 2010 (www.artp.sn. Page consultée le 1er janvier
2011).
187
acheminer du trafic international à destination de SENTEL GSM si ce tarif de
81 F CFA HT la minute entre en vigueur.
C’est ainsi que SENTEL GSM a envoyé un courrier, référencé
KK/DG/AS/2009/094 du 25 novembre 2009 relatif à la terminaison du trafic
international, pour rendre compte à l’ARTP, du désaccord existant sur le tarif
qu’il veut appliquer à SONATEL pour le trafic international en transitant dans le
réseau de SONATEL vers le réseau de SENTEL GSM.
L’ARTP, conformément à l’article 16 du décret 2005-1183 du 06 décembre
2005 relatif à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications
ouverts au public, s’est saisie d’office. En effet, l’article 16 du décret 2005-
1183 du 06 décembre 2005 relatif à l’interconnexion des réseaux et services de
télécommunications ouverts au public, prévoit que l’ARTP peut, soit d’office à
tout moment, soit à la demande d’une des parties, intervenir afin de définir les
rubriques qui doivent être couvertes par une convention d’interconnexion ou de
fixer les conditions spécifiques que doit respecter une telle convention.
Considérant que ce désaccord sur la tarification de la terminaison de trafic
international sur le réseau de SENTEL GSM peut avoir des conséquences
négatives sur la continuité du service public des télécommunications, l’ARTP a
décidé de dire sa position sur la question.
Dans une réunion d’audition des parties en date du 29 décembre 2010,
SENTEL GSM a confirmé sa volonté d’appliquer la symétrie des tarifs relatifs à
la terminaison d’appel international transitant par un réseau tiers. A l’appui de
cette requête, elle a soutenu que puisque cette asymétrie est consacrée pour la
terminaison de trafic national, elle doit l’être pour le trafic international.
SONATEL, par contre, considère que le tarif qu’elle doit payer à SENTEL
GSM est de 23, 4FCFA la minute. A l’appui de cette position, elle invoque la
convention de concession qui renvoie au cahier des charges pour la tarification
de la terminaison d’appel mobile.
188
Mais le régulateur, en prenant en compte le principe de l’orientation des tarifs
vers les coûts et le fait que ni le catalogue, ni la convention ne prévoient un tarif
pour la terminaison d’appel international sur le réseau de SENTEL GSM, a
proposé un tarif de 43,8FCA HT la minute336.
Parce que c’est ce tarif qui était prévu dans la convention antérieure à
savoir celle signée le 16 décembre 2009 et que SENTEL GSM n’a pas apporté
des justificatifs d’une augmentation des coûts de la terminaison d’appel
international sur son réseau.
Cette décision rendue par le régulateur a été attaquée par SENTEL GSM
devant la Cour Suprême337. Par requête aux fins de pourvoi en cassation en date
du 21 février 2011, SENTEL GSM a saisi la Cour Suprême pour obtenir la
cassation de la décision rendue par l’ARTP le 31 décembre 2010 sous le numéro
3492/ARTP/DG/DRT/DRPAJ. A l’appui de sa requête, SENTEL GSM invoque
la violation de l’article 4 du règlement n°002/2002/CM/UEMOA en son article 4
alinéa 4.2 relatif à l’abus de position dominante. SENTEL GSM considère que
la décision de l’ARTP devrait imposer aux deux opérateurs une asymétrie
tarifaire.
Les allégations de SENTEL GSM concernant l’asymétrie tarifaire de notre
point de vue, ne sont pas conformes au droit sectoriel des télécommunications
en vigueur au Sénégal.
Par conséquent, les significations de la convention d’interconnexion et du
catalogue d’interconnexion méritent d’être précisées.
336 Voir le Compte rendu de la réunion du 29 décembre 2010 disponible à l’ARTP et au niveau de SENTEL
GSM et SONATEL. 337 Au moment où nous rédigeons ce travail, l’affaire reste pendante devant la Cour Suprême.
189
Qu’est-ce qu’un catalogue d’interconnexion ?
Il ressort de l’article 13 du décret n°2005-1183 du 6 décembre 2005 relatif à
l'interconnexion des réseaux de télécommunications ouverts au public, repris
substantiellement par l’article 49 du nouveau code des télécommunications, que
le catalogue d’interconnexion est une offre à la charge d’un opérateur déclaré en
position dominante par le régulateur, et est formulée en termes de services à
fournir, de conditions techniques et tarifaires pour l’accès des autres opérateurs à
son réseau. Le catalogue d’interconnexion est approuvé chaque année par
l’ARTP.
Qu’est-ce qu’une convention d’interconnexion ?
Aux termes de l’article 16 du décret précité, la convention détermine les
conditions techniques et financières de l’interconnexion entre les parties
concernées conformément aux dispositions en vigueur.
Plus précisément, la convention d’interconnexion complète le catalogue
d’interconnexion et fixe toutes les conditions techniques et financières non
prévues par le catalogue d’interconnexion. L’approbation des catalogues
d’interconnexion précède donc la négociation et la signature des conventions
d’interconnexion entre les opérateurs. En effet, cette chronologie ressort très
nettement des décisions d’approbation des catalogues d’interconnexion dans
lesquelles l’ARTP prescrit aux opérateurs la mise en conformité avec les
conventions d'interconnexion existantes avec le catalogue approuvé et de
conclure et signer leurs conventions d’interconnexion au plus tard trente (30)
190
jours à compter de la notification de la décision d’approbation des catalogues
d’interconnexion338.
Or, SENTEL GSM, en affirmant que « la SENTEL et la SONATEL sont
liées par une convention d’interconnexion et tenues de publier chacune un
catalogue de tarifs », présente la situation comme si c’est la convention
d’interconnexion qui précède et détermine le catalogue d’interconnexion.
Par ailleurs, SENTEL GSM affirme dans sa requête :
Qu’Il est important de souligner que la fixation des tarifs de terminaison des
opérateurs qui ne sont pas déclarés dominants dans un segment de marché est
librement déterminée par ces derniers.
Si l’opérateur interconnecté et déclaré dominant sur ce segment de marché n’est
pas d’accord sur le tarif qui lui est fixé, il peut recourir à l’arbitrage de
l’ARTP.
Cette assertion est erronée car elle ne correspond pas aux dispositions
législatives ou règlementaires applicables à l’interconnexion.
En vérité, l’article 16 du décret n°2005-1183 du 6 décembre 2005339 relatif à
l'interconnexion, reprise substantiellement par les articles 47 et 48 du nouveau
code des télécommunications, précise que l’interconnexion fait l’objet d’une
convention de droit privé entre les parties concernées, conformément aux
dispositions en vigueur. Ce qui veut dire que les parties négocient librement le
contenu de leur convention, y compris les tarifs de l’opérateur qui n’est pas en
position dominante. Les tarifs de cet opérateur ne sont ni fixés ni approuvés par
l’ARTP, comme pour ceux de l’opérateur en position dominante à travers son 338 Voir la décision n°2010-0009 modifiant la décision 2010-0001 relative à la convention d’interconnexion
SONATEL-EXPRESSO du 25 mai 2010 disponible sur le site : (www.artp-senegal.org. Page consultée le 15
septembre 2011). 339 Journal Officiel de la République du Sénégal n° 6268 du samedi 11 mars 2006.
191
catalogue d’interconnexion mais négociés entre les opérateurs concernés. C’est
seulement lorsque les opérateurs ne s’entendent pas sur le tarif ou sur toute autre
clause de la convention que l’un ou l’autre peut saisir l’ARTP pour arbitrage.
L’opérateur qui n’est pas en position dominante ne fixe donc pas de manière
unilatérale les tarifs d’interconnexion sur son réseau.
La licence de SENTEL GSM ne permet pas à cet opérateur de terminer
directement du trafic international. Ce qui constitue une infraction que l’ARTP
avait constatée avant d’en informer le Procureur de la République.
Il convient de rappeler que depuis 2006, l’ARTP approuve chaque année, au
plus tard le 30 juin, les catalogues d’interconnexion des opérateurs
préalablement désignés comme exerçant une position dominante sur les
segments de marchés340. Excepté la première fois où il a été tenu compte du
marché global, ces segments de marchés, fixés par décision
n°022007/ARTP/DG/DJ/DT du 1er juin 2007, sont au nombre dix :
1. la terminaison de trafic sur les réseaux fixes ;
2. la collecte de trafic sur les réseaux fixes ;
3. le transit national ;
4. le transit international ;
5. la terminaison de trafic sur les réseaux mobiles ;
6. la transmission de données ;
7. la location de capacités ;
8. le transit IP ;
9. les services de signalisation nécessaires au roaming international ;
10. l’accès aux services spéciaux.
340 Toutefois, il faut relever que compte tenu des changements intervenus dans le management de l’ARTP, le
régulateur a accusé du retard à approuver les catalogues d’interconnexion de 2010-2011.
192
Ainsi, pour l’ensemble des services pour lesquels un opérateur a été désigné
comme étant en position dominante, ce dernier doit proposer une offre technique
et tarifaire qui sera approuvée par l’ARTP.
Le catalogue contenant ces différentes offres sera valable du 1er juillet de l’année
en cours au 30 juin de l’année suivante341. A la suite de l’approbation des
catalogues, les opérateurs sont tenus de signer des conventions d’interconnexion
contenant les services qu’ils auront décidé de s’offrir entre eux. Chaque
convention est envoyée à l’ARTP pour information et vérification. Il faut noter
que les conventions peuvent contenir des prestations non présentes dans les
catalogues d’interconnexion telles que le service de transit du trafic provenant
de l’international. Pour ces services, les opérateurs négocient librement la valeur
des tarifs qui seront appliqués. L’ARTP n’intervient que si les parties n’arrivent
pas à s’entendre.
En définitive, SENTEL GSM ne peut faire prévaloir des actions de pratiques
anticoncurrentielles à son encontre puisque n’ayant pas le droit d’accéder par
son propre réseau à l’international. Il n’est même pas réputé être acteur de ce
segment de marché.
Ainsi, il est aisé de constater que le contrôle des obligations ex ante de
l’opérateur en position dominante est effectué dans un processus concerté.
A côté de la régulation de l’interconnexion, le régulateur assure une gestion des
ressources rares.
341 Dans le cadre des travaux de rédaction de la partie réglementaire du code des télécommunications, il est
proposé par les opérateurs de télécommunications d’arrimer la durée de validité du catalogue d’interconnexion
avec l’année civile. Voir compte rendu de la réunion du comité national de transposition du Sénégal du 22 août
2011.
193
PARAGRAPHE II :
Activité de gestion des ressources rares
Les ressources rares sont des ressources limitées dont la disponibilité est
nécessaire pour le développement de la concurrence dans le secteur des
télécommunications. Les fréquences, la numérotation et les noms de domaine
constituent aujourd’hui les principales ressources rares dans le secteur des
télécommunications.
1. Ressources de fréquences
L’article premier de l’Acte Additionnel A/SA 5/01/07, relatif à la gestion
du spectre des fréquences radioélectriques, définit les fréquences
radioélectriques ou spectre des fréquences radioélectriques342 comme « les
fréquences ou spectres d’ondes électromagnétiques propagées naturellement
dans la bande fourchette de 3 kilo hertz à 300 giga hertz qui sont utilisés pour la
transmission et la réception des signaux de télécommunications ».
Au sens de l’article 3 du nouveau code des télécommunications, les fréquences
radioélectriques sont :
342 Le spectre des fréquences radioélectriques est subdivisé en neuf bandes de fréquences, désignées par des
nombres entiers consécutifs conformément au tableau des bandes de fréquences de l’UIT. L’Unité de fréquence
étant l’Hertz (Hz), les fréquences sont exprimées :
- en kilohertz (kHz), jusqu’ à 3000 kH inclus ;
- en mégahertz (MHz), au-delà de 3 MHz jusqu’à 3000MHz inclus ;
- en gigahertz (GHz), au-delà de 3 GHz jusqu’à 3000GHz inclus.
Voir l’article 2.1 du Règlement des radiocommunications, Genève, éditons UIT 2008, p. 27.
194
Le nombre de cycles par seconde à partir duquel un courant électrique de
signal analogique change de sens ; elle est généralement mesurée en hertz (Hz).
Un hertz est égal à un cycle par seconde. La fréquence permet aussi de désigner
un emplacement sur les spectres radioélectriques, par exemple 800, 900 ou
1800 MHz.
Le Conseil Constitutionnel de la France a rappelé que les fréquences sont
des ressources publiques343. C’est pourquoi la gestion des fréquences est assurée
par l’organe de régulation dans le respect de la réglementation internationale des
radiocommunications. Dans le modèle réglementaire le plus commun, nous
considérons que le spectre radioélectrique est un bien collectif national géré par
chaque Etat en conformité avec la réglementation internationale344.
Selon le manuel de gestion de contrôle du spectre de l’UIT, le rôle du secteur
des radiocommunications est d’assurer l’utilisation rationnelle, équitable,
efficace et économique du spectre radioélectrique par tous les services de
radiocommunication, y compris les services par satellite345, et de procéder à des
études pour toutes les gammes de fréquences, à partir desquelles les
recommandations seront élaborées et adoptées.
Chaque Etat organise le partage de la ressource hertzienne sur son territoire en
conformité avec les normes de l’UIT346. Ce partage peut s’effectuer en référence
à divers critères, comme par exemple :
- les affectataires, c'est-à-dire des autorités particulières, secondaires, à qui
l’Etat délègue la pouvoir d’affectation de fréquence.
343 Décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000. J.O n° 303 du 31 décembre 2000, p. 21194. 344 Pierre Huet, « Allocation et gestion des ressources rares », in Actualité juridique de Droit Administratif, 20
mars 1997, p. 251. 345 Voir UIT, Manuel de contrôle du spectre, Genève, 2004, p. 1. 346 Voir l’article 5 de CRR06 qui organise la procédure d’assignation de fréquences. Op.cit. p. 19.
195
Au niveau national, le code des télécommunications pose les principes de
gestion des fréquences. Au sens de l’article 70 du nouveau code des
télécommunications du Sénégal :
Le spectre des fréquences radioélectriques fait partie du domaine public de
l’Etat. L'utilisation, par les titulaires d'autorisation de fréquences
radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode
d'occupation privatif du domaine public de l'Etat.
L’Autorité de régulation est chargée, pour le compte de l’Etat, de la gestion, de
la planification, de l’attribution, de l’assignation et du contrôle du spectre de
fréquences radioélectriques, ainsi que des conditions d’utilisation des
fréquences. A ce titre, elle assure la gestion et la surveillance du spectre des
fréquences relatives aux télécommunications, à la radiodiffusion et à la
télévision.
Dans le respect des traités internationaux, notamment en concordance avec le
tableau d’attribution international des fréquences et les plans internationaux de
fréquences de l’UIT, l’Autorité de régulation établit un Plan national des
fréquences et un Fichier national des fréquences.
Ces dispositions sont en cohérence avec celles de la CEDEAO. Dans sa
perspective de promotion de l’intégration communautaire, cette dernière a défini
des objectifs communs que les régulateurs doivent suivre dans le cadre de la
gestion des fréquences.
Au sens de l’article 2 de l’Acte Additionnel A/SA 5/01/07 relatif à la gestion du
spectre des fréquences radioélectriques qui définit les fréquences
radioélectriques ou spectres des fréquences radio, la gestion des fréquences doit
reposer sur les objectifs suivants :
196
a) efficacité économique 347: en faisant en sorte que, sur le marché, l’attribution
des fréquences aux utilisateurs, et en fonction des utilisations, ait pour résultat
une augmentation de la valeur procurée par la ressource ; en réagissant à
l’évolution et des marchés et des techniques avec rapidité et avec souplesse, les
nouveaux services étant adoptés lorsqu’ils deviennent techniquement et
commercialement viables ; et, en minimisant les coûts de transaction, les
obstacles à l’accès et toutes autres contraintes contraires à une activité
économique efficiente ;
b) efficacité technique : en veillant à une utilisation intensive des
disponibilités en fréquences limitées, dans le respect des contraintes
techniques348 définies compte tenu des considérations de brouillage349 ; et, en
promouvant la mise au point et l’introduction de nouvelles techniques
permettant d’économiser le spectre, lorsque le coût desdites techniques est
justifié par la valeur des économies réalisées ;
c) politique générale : en veillant à ce qu’il soit conforme à la politique des
pouvoirs publics, en assurant la sauvegarde de certains domaines d’utilisation
des fréquences, pour le bon fonctionnement des services de défense nationale,
des services d’urgence et des autres services publics, et en veillant à ce que toute 347 La jurisprudence a retenu que le principe de la liberté tarifaire dont peut se prévaloir un opérateur « non
puissant » n’exclut pas que le régulateur apporte des restrictions en tenant compte d’un objectif d’efficacité
économique. Voir Cour d’Appel de Paris 1ère chambre, arrêt du 20 janvier 2004, RG N° 2003/13088, 7ème
page. 348 348 Voir l’article 3 du Règlement des radiocommunications révisé par la conférence mondiale des
radiocommunications de 2012. IUT Actes finals de la Conférence mondiale des radiocommunications, Genève
2012, p. 3.
349 Selon l’article 2.2.4 de l’annexe 2 du chapitre 2 de l’appendice 1.1 de CRR-06, pendant les processus de
planification et de coordination, il faut prévoir le niveau du champ brouilleur produit dans la zone de service
d’une assignation/allotissement par une autre assignation/allotissement. Voir UIT, Acte final de l’Acte final de la
conférence des régionales des radiocommunications chargée de planifier le service de radiodiffusion numérique
de terre dans certaines parties des Régions 1.3, dans les bandes de fréquences 174-230 Mhz et 470-862 Mhz.
Genève, 2006, p. 56.
197
modification apportée à l’utilisation des fréquences dans un Etat membre de la
CEDEAO respecte en tout état de cause les obligations internationales et
régionales des Etats membres.
A côté des fréquences, l’ARTP assure la gestion des ressources en numérotation.
2. Ressources en numérotation
Aux termes de l’article 80 du nouveau code des télécommunications :
Le plan national de numérotation garantit un accès égal et facile des
utilisateurs aux différents réseaux et services de télécommunications ainsi
qu'aux numéros d'urgence, à l'annuaire et aux renseignements publics, quels
que soient le réseau utilisé et l'équivalence des formats de numérotation.
Il est institué au profit de l'Autorité de régulation des frais et des redevances
annuelles en contrepartie de l’attribution de ressources en numérotation dont
les montants et les modalités de recouvrement sont fixés par décret.
Les numéros sont des ressources rares dont l’ARTP a la charge de gérer le
plan national. L’ARTP fixe la structure et les règles de gestion du Plan national
de numérotation. Il garantit un accès égal des utilisateurs aux différents réseaux
et services de télécommunications et l’équivalence des formats de numérotation.
Pour reprendre Pierre Huet, « l’objectif n’est pas seulement d’assurer un
partage équitable entre les exploitants de services, mais aussi de garantir
l’interfonctionnement des réseaux et des services offerts, ainsi que la portabilité
des numéros et l’accès des usagers. »350
Donc, l’accès aux ressources en numérotation pose des enjeux concurrentiels
immenses. C’est pourquoi la jurisprudence, a rappelé, dans plusieurs décisions,
350 HUET Pierre, op.cit, p. 252.
198
la nécessité de respecter le principe de la non-discrimination dans l’accès à ces
ressources. C’est le sens d’un Arrêt du Conseil d’Etat français du 25 juin
2004351. Le contentieux portait sur le numéro 12 mis en œuvre par France
Télécom352 au bénéfice de ses abonnés fixes et par les trois opérateurs de
téléphonie mobile. Dans l’ensemble, le 12 représentait 80% des numéros
composés pour atteindre un service de renseignements, le solde étant constitué
pour l’essentiel des appels à destination des numéros à trois chiffres des
opérateurs mobiles. Une part significative des accès aux services de
renseignements depuis un téléphone mobile avait pour destination le 12, en dépit
des efforts consentis par les opérateurs mobiles pour promouvoir leurs numéros
à trois chiffres respectifs.
Sur saisine au contentieux par les sociétés Scott France et Connecta contre une
décision de l’Autorité de régulation des télécommunications (devenue ARCEP),
le Conseil d’Etat français a enjoint à cette dernière, après avoir annulé la
décision attaquée, de :
Définir, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente
décision, les conditions de l’attribution de numéros d’un même format à tous les
opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et de la
révision du plan de numérotation, afin que, sous réserve le cas échéant d’une
période transitoire, le numéro 12 ne puisse plus être utilisé pour le service de
renseignements.
351 Conseil d’Etat, arrêt n° 249300 du 25 juin 2004 ; 352 France Télécom est l’opérateur historique de la France qui exploitait les télécommunications sous le régime
du monopole avant l’ouverture de la concurrence. C’est dans ce sillage qu’il a construit la notoriété du numéro
12 pour les services de renseignements. Ce qui lui donnait un avantage concurrentiel vis-à-vis des nouveaux
entrants.
199
C’est le même esprit qui a gouverné l’ARCEP dans un avis du 14 janvier
2003353.
Dans cette affaire, ARCEP était saisie sur la dénomination « numéro vert »,
« numéro azur » et « numéro indigo », qui sont des marques de France Télécom
désignant les numéros libres appels 354et les numéros à coûts partagés355. Ces
numéros permettent aux particuliers de joindre un service d’une administration
ou d’une association. Ces deux catégories de numéros sont complémentaires au
service téléphonique. Après avoir considéré que France Télécom est en position
dominante sur ce marché et que la protection de ses numéros par un droit de
marque par France Télécom peut porter atteinte à une concurrence saine et
loyale, ARCEP a demandé au Conseil de la Concurrence de déclarer recevable
la demande de mesure conservatoire et que la mise en œuvre ne provoque pas
une discontinuité du service public.
C’est le lieu de rappeler qu’en droit sénégalais, les ressources en
numérotation sont des ressources publiques. Elles ne peuvent faire l’objet de
droit de propriété. La gestion des ressources en numérotation obéit au respect de
353 Avis n°03-64 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 14 janvier 2003 relatif à la
demande d’avis du Conseil de la concurrence portant sur les demandes de mesures conservatoires présentées par
la société Cégétel visant à faire cesser des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société France
Télécom. 354 Le numéro libre appel est gratuit pour l’appelant, lorsque celui-ci appelle d’un poste fixe. Quand les
appelants appellent d’un poste mobile, la communication est facturée en partie à ces mêmes appelants. D’où
l’appellation technique de « numéro libre appel » et non « numéro gratuit ». Les coûts afférents à
l’acheminement des communications sont à la charge de l’appelé (entreprises, administrations, associations) et
versés à l’opérateur détenteur du numéro. Le plan de numérotation français attribue les tranches 08 0A PQ MC
DU aux numéros libres appels. 355 S’agissant des numéros à coûts partagés, le coût des communications est partagé entre l’appelant et l’appelé
(entreprises, administrations, associations). Les numéros à coûts partagés regroupent des numéros pour lesquels
l’appelant paye une communication locale (les numéros en 0810 PA MC DU ; par exemple les numéros dits
« azur » de France Télécom) ou un prix unique sur toute la France (les numéros en 08 20 PQ MC DU ; par
exemple les numéros dits « indigo » de France Télécom).
200
certaines conditions qui protègent l’intérêt général. Selon l’article 83 du
nouveau code des télécommunications :
L’Autorité de régulation s’assure que la gestion du plan de numérotation
respecte les points essentiels suivants :
le plan doit être durable et équilibré;
le plan doit tenir compte des nécessités des numéros courts et
spéciaux réservés aux services d’urgence, aux services de
renseignements, aux service d’opérateurs, aux services d’assistance
aux usagers et garantir que les préfixes et les numéros ou blocs de
numéros soient attribués aux exploitants de télécommunications
ouverts au public dans des conditions objectives, transparentes et
non-discriminatoires;
la définition du plan doit tenir compte de l'avis des opérateurs et
des utilisateurs ;
le plan doit être assorti d'une stratégie cohérente, claire et publiée ;
le plan doit tenir compte des normes internationales applicables,
notamment en matière d’accès au service international et doit prendre
en compte les besoins des voisins qui se trouvent tant sur le même
continent que dans le reste du monde ;
le plan ne doit pas être anticoncurrentiel pour les opérateurs et
fournisseurs de services de télécommunications ;
le plan ne doit pas être anticoncurrentiel pour les utilisateurs ;
le plan doit être apte à une gestion adéquate ;
le plan doit être évolutif et prévoir une réserve suffisante pour faire
face à tout besoin imprévu.
Aujourd’hui, le droit communautaire permet au régulateur de déléguer la
gestion du plan de numérotation. Selon l’article 3 de l’Acte Additionnel A/SA
201
4/01/07 relatif à la gestion du plan de numérotation, l’organe de régulation peut
déléguer la gestion administrative ou technique des ressources en numérotation.
Mais le régulateur doit veiller dans ce cas au respect des règles de gestion et
d’attribution.
A côté de la numérotation, les noms de domaines font l’objet d’une gestion
qui interpelle le régulateur.
3. Gestion des noms de domaine
Un domaine est un ensemble d'ordinateurs reliés à Internet et possédant une
caractéristique commune356. Le domaine sn est l'ensemble des ordinateurs
hébergeant des activités pour des personnes ou des organisations qui se sont
enregistrées auprès de l'AFNIC qui est le registre responsable du domaine de
premier niveau .sn. En général, ces personnes ou ces entreprises ont une certaine
relation avec le Sénégal.
Un nom de domaine est un « masque » sur une adresse IP. Le but d'un nom de
domaine est de retenir facilement l'adresse d'un site. Par exemple, www.artp-
senegal.org est plus simple à mémoriser que 91.198.174.2.
L’article 2.6 de la charte de nommage NIC Sénégal définit un nom de
domaine comme « terme alphanumérique constitué d’une suite de caractères,
dénommé radical et d’un suffixe appelé aussi extension (.sn pour la présente
charte). A chaque nom de domaine correspond une adresse IP, et
inversement. »357
356 Voir Chritiane Féral-Schuhl Cyberdroit : le droit à l’ épreuve de l’Internet, Paris, 5ème édition Dalloz,
2010, p. 535. 357 Charte de nommage de NIC Sénégal. Disponible au www.nic.sn/index.php, page consultée le 23 novembre
2011).
202
L’article 13 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif, à l’harmonisation des
politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information
et de la communication (TIC), attribue à l’organe la mission de gérer les noms
de domaine.
La gestion des noms de domaine est assurée dans le respect de règles édictées
par ICANN358.
Selon l’article 1.2 des lignes directrices portant les principes de gestion des
noms de domaine de l’ICANN :
Le principe principal est le principe de subsidiarité. Les politiques de gestion
des CCTLD doivent être fixées au niveau local, sauf s’il peut être démontré que
le problème a un impact mondial et doit être résolu dans un cadre international.
La plupart des enjeux des politiques CCTLD, sont de nature locale et doivent
donc être abordés par la communauté internet locale conformément au droit
national.359
Au Sénégal, un arrêté du rectorat du 15 janvier 1996360, attribue à l’Université
Cheikh Anta DIOP de Dakar la mission de gérer les noms de domaine361. Mais
358 ICANN est l’instance mondiale en charge de la gouvernance de l’Internet. 359http://gac.icann.org/web/home/ccTLD. Page consultée le 20 novembre 2010.
360 Arrêté du Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar n°0004 du 15 janvier 1996 instituant une
commission dénommée Université-Réseaux d’information. La gestion du domaine sn par l’UCAD est due par le
fait que ce sont des enseignants de l’UCAD qui sont à l’origine de l’accès du Sénégal à l’Internet. En 1990,
Alex Corenthin et Mouhamed Tidiane Seck, deux enseignants chercheurs du département « Génie
informatique » de l'Ecole nationale supérieure universitaire de technologie (Ensut), aujourd’hui intégrée à
l’Ecole Supérieure Polytechnique (Esp) , configurent un PC 286 avec UUPC/Extended et un modem 1200 b/s
pour se connecter au Rio (Réseau Intertropical d'ordinateurs, créé par Pascal Renaud de l'ORSTOM ).
Cependant, le processus n’aboutit qu’en février 1993, lorsque la gestion administrative du domaine national est
attribuée par l’InterNIC à l’Ensut, avec comme point de contact Alex Corenthin. La gestion technique d’un
ccTLD nécessite une connexion permanente IP, ce qui n’est pas le cas au Sénégal à l’époque. C’est donc
l’Orstom qui assure la gestion technique du ccTLD en accord avec l’Ensut, jusqu’à ce que cette dernière dispose
203
après la mise en place de l’organe de régulation, l’UCAD a proposé la mise en
place d’une gestion concertée du domaine sn. C’est en ce sens qu’il est mis en
place un comité national d’orientation du domaine sn sous la Présidence de
l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes. Aux termes de
l’article 5 de l’arrêté n°1020/CAB du 02 juin 2008362 modifiant l’arrêté du 15
janvier 1996 :
La Commission nationale d’orientation du NIC Sénégal est composée comme
suit :
- Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP)-
Président ;
- Université Cheikh Anta DIOP, Directeur informatique- Secrétaire
permanent ;
Membres de droit :
- Représentant du Ministère chargé des TIC ;
- Représentant de l’Agence de l’informatique de l’Etat ;
- Représentant de la SONATEL ;
- Représentant des organisations consuméristes ;
- Représentant des prestataires des services Internet.
elle-même d’une connexion IP permanente. En Mai 1995, à l’occasion du Troisième sommet Africain-
Américain qui s’est tenu à Dakar, une étape majeure est franchie, la délégation à l’informatique se saisit de
l’opportunité pour organiser un coup médiatique en demandant à la société Omnes Cables and Wireless de
connecter le Sénégal à Internet pendant la durée du sommet. Devant le succès de l’opération et sous la pression
des autorités officielles, la Sonatel annonce son intention de connecter le pays à Internet dans les mois qui
suivent. Suite au dépouillement des offres lancées par la Sonatel, c’est la proposition d’Omnes qui est retenue et
le matériel – Sun et Cisco – est installé en décembre 1995. Voir Christophe Brun, Olivier SAGNA et Steven
Huter « L’histoire de l’Internet au Sénégal 1984-2009 » ; www.nic.sn (page consultée le 14 septembre 2011).
362Arrêté du Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar n°1020/CAB du 02 juin 2008.
204
La commission peut s’adjoindre tout membre susceptible d’apporter une
contribution significative dans la gestion des noms de domaines au Sénégal.
Il ressort de cette disposition que l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
a voulu promouvoir une co-régulation du domaine sn363. L’administration et la
gestion technique restent assurées par l’U.C.A.D sous la supervision de ce
comité.
Le nouveau code des télécommunications attribue maintenant la mission de
gérer les noms de domaine. L’article 88 prévoit que :
L’autorité gouvernementale définit les orientations et les principes de gestion du
domaine « .sn » dont la mise en œuvre est assurée par un comité présidé par
l’autorité de régulation.
L’Autorité de régulation est chargée de veiller à l’application de la
réglementation de la gestion du domaine « .sn ».
Cette nouvelle disposition a l’avantage de faciliter la prise en charge des
questions de convergence relatives à la numérotation des noms de domaine.
Suite à l’étude de l’activité de régulation pour le développement de la
concurrence, il apparaît que la régulation de l’interconnexion et la gestion des
ressources rares constituent les principales activités du régulateur pour le
développement de la concurrence. Cependant, les opérateurs à la recherche du
profit, ne sont pas obligés de se déployer dans des zones non rentables. Pour
cela, il faut une régulation du service universel. 363 Voir la communication d’Alex CORENTHIN, « Gestion multipartite ». Disponible au
http://blogs.haayo.org/westafict/public/presentations/Alex_Corenthin_Gestion_multipartite; page consultée le 10
janvier 2012.
205
SECTION II :
L’ACTIVITE DE DEVELOPPEMENT DU SERVICE UNIVERSEL
L’analyse de l’activité de développement du service universel permet
d’apprécier l’efficacité du dispositif mis en place au Sénégal pour la promotion
de l’accès universel.
Cette activité de développement du service universel a une signification précise
(paragraphe I) dont la mise en œuvre est assurée selon des mécanismes de
désignation de l’opérateur et de son financement (paragraphe II).
206
PARAGRAPHE PREMIER :
Signification et finalité du service universel des télécommunications
Le service universel des télécommunications a une signification évolutive
(1) car il poursuit des objectifs qui traversent le temps (2).
1. Signification évolutive du service universel des télécommunications
« L’accès universel » et « le service universel » sont des concepts très
anciens, antérieurs à la naissance du secteur des technologies de l’information et
de la communication. L’Union internationale des télécommunications en donne
les définitions suivantes :
- le service universel signifie que chaque ménage ou habitant d’un pays a la
possibilité de bénéficier du service téléphonique364 ;
- l’accès universel suppose que chaque membre d’une communauté peut
accéder à un téléphone public, mais pas nécessairement à domicile365.
Mais ces notions sont en train d’évoluer dans le sillage des changements que
connaissent la technologie366, les applications367 et les sociétés368.
Les politiques de service universel des télécommunications visent
généralement à promouvoir ou à maintenir la disponibilité « universelle » des
364 Manuel sur la réglementation, chapitre 5 consacré à l’accès et au service universels,
www.ictregulationtoolkit.org/en/Section.3116.html. Page consultée le 12 juin 2012. 365 Manuel sur la réglementation. Op.cit. 366 Les TIC ne se limitent pas au téléphone. 367 Le développement des offres autres que la téléphonie vocale uniquement. 368 Nous assistons au développement de la mobilité des populations, à l’urbanisation accrue, à la mondialisation
et à l’évolution des niveaux d’éducation dans la plupart des pays.
207
connexions des particuliers aux réseaux publics de télécommunications369.
L’objectif visant à raccorder la totalité ou la plupart des particuliers aux réseaux
publics de télécommunications est généralement appelé « l’obligation de service
universel ». Le service universel est un objectif politique concret dans de
nombreux pays industrialisés370, mais il n’est pas réalisable économiquement
dans la plupart des pays en développement où il est davantage question d’accès
universel.
En France, une politique d’aménagement numérique du territoire associant
les collectivités locales, a contribué à l’atteinte des objectifs de service
universel. En effet, elle consiste à permettre aux collectivités locales de mettre
en place une infrastructure publique de télécommunication en cas de carence
de l’initiative privée371.
En général, l’accès universel des télécommunications est une situation dans
laquelle chaque individu a un moyen d’accès raisonnable aux services de
télécommunication mis à la disposition du public. Il peut être assuré au moyen
de publiphones, de centres téléphoniques communautaires, de téléboutiques, de
terminaux d’accès Internet communautaires372 ou de dispositifs analogues.
369 Dominique ROUX, « Les bonnes pratiques sur le service et l’accès universel », Paris, Editions FRATEL
2004, p. 2. 370 En France, le service universel est l’une des trois composantes du service public en matière de
télécommunications, avec la fourniture de services obligatoires de communications électroniques et des missions
d’intérêt général. C’est la seule composante à être financée par un fonds sectoriel. Selon l’article L35-2 du code
des communications électroniques, peut être chargé de fournir l’une des composantes du service universel à
tout opérateur qui accepte la fourniture sur l’ensemble du territoire national et qui serait capable de l’assurer.
Voir ARCEP, « Le service universel des télécommunications », in les Grands dossiers, Paris, Paris 27, janvier
2012. Disponible sur le site http://www.arcep.fr/index.php?id=8102. Page consultée le 12 mars 2012. 371 ARCEP, L’intervention des collectivités territoriales dans le secteur des communications électroniques,
Paris, septembre 2010, 89 pages. 372 En Estonie, le Parlement estonien a adopté depuis 2000 une nouvelle loi sur les télécommunications, qui
inscrit l’accès à Internet sur la liste des composantes du service universel. Voir IUT Tendances des réformes
dans les télécommunications, édition UIT, 2012, p. 88.
208
L’Acte Additionnel A/SA 6/01/07, relatif à l’accès universel/service
universel des télécommunications de la CEDEAO, ne fait pas la distinction entre
service universel et accès universel. Selon l’article premier de cet Acte
Additionnel, accès universel / service universel désigne l’accès à l’ensemble de
service minimal de télécommunication, sur le territoire des Etats membres de la
CEDEAO à l’ensemble de la population, indépendamment de leur localité
géographique et à des conditions tarifaires abordables. Cette définition retenue
est justifiée par le fait que l’Afrique doit à la foi régler le problème de l’accès à
l’infrastructure et aux services. C’est pourquoi lors de la Conférence mondiale
de développement des télécommunications de Hyderabad, l’UIT s’est fixée,
comme entre autres, objectifs ; le développement d’une infrastructure large
bande, la réalisation de l’inter connectivité régionale et de l’accès universel373.
Au sens de l’article 3 du nouveau code des télécommunications,
l’accès/service universel est un « ensemble minimal des services de
télécommunications et de TIC de bonne qualité qui, indépendamment de la
localisation géographique, est accessible à l’ensemble de la population dans des
conditions tarifaires abordables.» Cette conception du service universel retenue
par le code des télécommunications est évolutive en vertu du principe
d’adaptabilité.
En effet, le contenu du service universel est fonction des objectifs.
2. Objectifs du service universel
L’Etat applique une politique de service universel pour différentes raisons
dont les principales sont de :
373 UIT, Rapport final de la Conférence mondiale de développement des télécommunications du 24 mai au 5
juin 2010 à Hyderabad, Inde, Genève, éditions UIT 2010, p. 72.
209
- permettre la participation pleine de toute la population à la société de
l’information. De plus en plus, les décideurs politiques considèrent que l’accès
aux télécommunications est un droit fondamental de tous les citoyens374,
essentiel pour être membre de la communauté à part entière. En vertu de ce
principe, l’UIT considère que des dispositions spécifiques doivent être prises par
les Etats pour l’accès des personnes handicapées dans la société de
l’information375. La fourniture d’un accès est un objectif qui gagne en popularité
car tous les secteurs de la société dépendent chaque jour davantage de l’Internet
et des nouveaux médias et réseaux associés376. Il est aujourd’hui largement
admis que les services de télécommunications sont beaucoup plus
indispensables que les communications personnelles et commerciales. De nos
jours, les télécommunications fournissent différents types d’information, de
biens et de services au public, notamment des services essentiels dans les
domaines public, social, éducatif et médical377, ainsi qu’un large éventail de
services de commerce électronique. Les individus qui n’ont pas accès aux
services de télécommunication risquent de devenir des membres toujours
marginalisés de la société de l’information.
374 En Costa Rica, le Tribunal a déclaré, en septembre 2010, l’accès à Internet droit juridique fondamental. Voir
« Politique en matière d’Internet, www.i-policy.org/2010/09/costa-rican-constitutional-court-declares-internet-
access-a-fundamental-right.html. Page consultée le 12 février 2012.www.assemblee-
nationale.fr/13/dossiers/protection_information_consommateurs.asp. Page consultée le 20 février 2012. 375 Voir le Kid pratique connecter une école, connecter une communauté module 4 « Utilisation des TIC pour
promouvoir l’éducation et la formation professionnelle des personnes handicapés », ITU mai 2011. 376 En 2011, 1,1milliard de personnes se seraient connectées à un réseau social à l’aide de leur mobile. Voir la
synthèse du Report on mobile social networking 2011-2016, Washington de Visiongain Research 2011
accessible à : www.reportlinker.com/p0629373-summary/Mobile-Social-Networking.html. Page consultée le 20
février 2012. 377 C’est pourquoi lors de la Conférence mondiale de développement des télécommunications de Hyderabad, en
2010, il a été retenu, parmi les questions devant faire l’objet de discussion dans la commission d’étude 1 du
secteur du développement des télécommunications, les questions 14-3/2 sur l’information et les
télécommunications/TIC au service de la cybersanté ; 17-3/2 sur les Etats d’avancement des activités relatives au
cyber gouvernement et à l’identification des domaines d’application du cyber gouvernement présentant un intérêt
pour les pays en développement. Voir le rapport de Hyderabab, op.cit. p. 35.
210
C’est pourquoi aux Etats-Unis, le Télécom Act de 1996 prévoit des subventions
pour l’accès à Internet pour les écoles, les bibliothèques et centres de santé en
zone rurale. Environ 2 milliards de dollars de subvention par an sont accordés378
pour :
- promouvoir la cohésion politique, économique et culturelle à l’échelle
nationale379. Ces considérations relatives à l’édification de la nation nécessitent
une large disponibilité des télécommunications sur l’ensemble du territoire
national. Pour créer un marché unique, et même un Etat-nation unique, il faut
des moyens de télécommunication efficaces ;
- favoriser le développement économique. A l’heure où il existe une relation
complexe entre le développement économique et celui des télécommunications,
un nombre de plus en plus grand de recherches donnent à penser que les
télécommunications mènent à la croissance économique. Avec l’omniprésence
de l’Internet et du commerce électronique, les pays ou les régions qui ne
disposent pas d’infrastructures de télécommunication adaptées ne pourront
cueillir les fruits de la « nouvelle économie » ;
- encourager une répartition plus équilibrée de la population. Les
télécommunications peuvent stimuler le développement en dehors des zones
métropolitaines surpeuplées. Cet objectif est souvent cité dans les pays
industrialisés où les télécommunications peuvent permettre de réduire les
problèmes de circulation et de pollution dans les zones urbaines ;
378 Alain VALLEE, Le service universel des télécommunications, Ouagadougou, Badge régulation 2012. 379 UIT. Op.cit., p. 87.
211
- éliminer les disparités entre les zones rurales et les zones urbaines. Cet
objectif est particulièrement louable dans les pays à revenu faible comme le
Sénégal.
La compréhension de la signification du service universel et de ses objectifs est
un préalable pour l’appréciation des mécanismes de mise en œuvre.
212
PARAGRAPHE II :
La mise en œuvre du service universel
Au Sénégal, la mise en œuvre du service universel est effectuée par la mise
en place d’un fonds de développement du service universel(1) et la
détermination d’une procédure de désignation d’un opérateur de service
universel(2).
1. La mise en place du fonds de développement du service universel
Deux mécanismes principaux sont souvent utilisés pour la mise en œuvre du
service universel. Le premier consiste à assigner aux opérateurs des obligations
de couverture. Le second met en place un fond de service universel qui sera
destiné à financer le développement du service universel. Le Sénégal a choisi la
mise en place d’un fond de service universel. L’article 90 du nouveau code des
télécommunications prévoit qu’ « Il est créé un fonds destiné au développement
de l’accès/service universel et au financement des charges de tout service public
utile au développement des services de télécommunication, des TIC ainsi qu’à
celui des services publics de l’énergie et de l’audiovisuel. Sa gestion est confiée
à un comité. »
Le fonds de service universel mis en place a pour objectif de :
- rendre les services de télécommunication et des TIC accessibles sur
l’ensemble du territoire, notamment grâce à l’implantation de points
d’accès publics ;
- mettre en place et maintenir les services de télécommunication et des TIC
d’intérêt public, lorsque ceux-ci ne sont pas financièrement rentables,
213
- contribuer au financement de l’extension de la desserte téléphonique aux
zones rurales et aux zones démunies, y compris urbaines, lorsque cette
extension ne peut se réaliser sans être subventionnée ;
- de financer la desserte en énergie ainsi que les services audiovisuels
connexes au développement/TIC.
Le fonds de développement du service universel est géré par un comité de
direction présidé par un représentant du Président de la République. Les
opérateurs de télécommunications, les fournisseurs de services, les associations
de consommateurs, les ministères ayant une activité liée à la mise en œuvre du
fonds sont représentés dans ce comité.
L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes assure
l’administration du fonds, identifie et propose des projets visant à l’atteinte des
objectifs du fonds, pour les soumettre au comité de gestion.
La loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications a étendu
l’objet du fonds de service universel au financement de l’énergie et de
l’audiovisuel. Selon l’exposé des motifs de la loi 2011-01, cette disposition est
une recommandation du document de stratégie de politique sectorielle de
l’UEMOA, adoptée à Ouagadougou, le 10 décembre 2010380, et visant
notamment à encourager le partenariat entre acteurs de l’énergie et ceux du
secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la
communication (TIC). C’est ainsi que les pouvoirs publics ont décidé de
mutualiser les ressources de ce fonds qui doivent également contribuer à
financer le secteur de l’énergie, en vue d’aider à remédier à la crise énergétique
actuelle et, partant, favoriser le développement du service universel des
télécommunications lui-même. L’article 90 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 380 Ce document est cité dans l’exposé des motifs de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des
télécommunications.
214
portant code des télécommunications a créé un fonds destiné au développement
de l’accès/ service universel et au financement des charges de tout service public
utile au développement des services de télécommunication, des TIC ainsi qu’à
celui des services publics de l’énergie et de l’audiovisuel. En application de
cette disposition, le décret 2011-311 du 7 mars 2011 instituant une taxe
parafiscale dénommée contribution au développement du service universel des
Télécommunications et du service de l’Energie (CODETE) précise des
modalités de collecte des contributions des opérateurs.
Les contributions des opérateurs au fonds de service universel sont versées au
Fonds spécial de Soutien au secteur de l’Energie. L’article premier du décret
2001-311 du 7 mars 2011381 institue une taxe parafiscale dénommée
« contribution au développement du service universel des Télécommunications
et du secteur de l’Energie (CODETE) ».
Selon l’article 3 du décret 2001-311, le paiement de la taxe se fait sous forme
de versements à effectuer dans les quinze premiers jours suivant la fin de chaque
trimestre de l’année civile, sur le montant trimestriel de l’assiette qui est de 3%
du chiffre d’affaires hors taxes de l’exploitant, net des frais d’interconnexion
réglés aux autres exploitants de réseaux publics de télécommunications. Selon
l’article 5 du code 95%, ces ressources du fond de service universel des
télécommunications sont affectées au Fonds spécial de Soutien au secteur de
l’Energie (FSE) ; tandis que les 5% des recettes sont destinés au fonds de service
universel des télécommunications. Ce mécanisme de financement du service
universel au Sénégal ne fait pas partie des meilleures pratiques internationales.
Dans la réalité, il s’agit, pour les autorités compétentes de prendre les ressources
substantielles destinées au développement des télécommunications pour régler
un problème énergétique. 381 Journal officiel de la République du Sénégal n°306 du 14 mars 2011.
215
En outre, l’article 91 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 prévoit que la
contribution des opérateurs au fonds de service universel soit collectée par
l’ARTP et versée au fonds de service universel des télécommunications, créé à
cet effet. Tandis que l’article 4 du décret n°2011-311 du 07 mars 2011 prévoit
que le recouvrement de la contribution de 3% des opérateurs au fonds de service
universel est du ressort de la Direction générale des Impôts et des Domaines.
Ces dispositions contradictoires de la loi et du décret provoque un malaise
juridique et expose le décret n°2011-311 du 07 mars 2011 à la censure du juge
de l’excès de pouvoir et aux critiques des acteurs382.
A côté du fonds de service universel, il est mis en place une procédure de
désignation des opérateurs de service universel.
2. La désignation de l’opérateur du service universel
Les opérateurs de télécommunications ont des obligations de service
universel prévues par leurs cahiers des charges dans leurs zones de déploiement.
Cependant, il est aisé de comprendre que ces opérateurs peuvent ne pas se
déployer dans des zones non rentables. C’est pourquoi, il est mis en place un
mécanisme d’identification d’un opérateur qui serait disposé à aller dans les
zones non rentables. Mais ce dernier est subventionné par le fonds du service 382 A ce propos, l’ODSENT, à la lecture de l’art. 90 de ce nouveau code, s’interroge légitimement « comment
comprendre que dans un contexte de rareté des ressources, de fracture numérique poussée, de connectivité
nulle, que le code des télécommunications et des postes recommande de financer l’énergie et l’audiovisuel par le
fonds destiné au développement à l’accès universel ? »
Elle rappelle dans ce sens que :
Des milliers de villages, sur les 14 000 que compte le Sénégal, sont pourtant bien électrifiés et couverts par
l’ADSL, grâce à la SONATEL, mais malheureusement ne sont pas connectés faute de moyens. .Le prétexte
évoqué par le Ministre reste donc erroné car la crise de l’énergie, conséquence d’une mauvaise gestion, n’est
pas forcément la cause de la fracture numérique.
216
universel. L’opérateur de service universel est désigné par appel à candidature
organisé par l’Autorité de régulation. Une convention de financement va aussi
lier l’Administration du fond et l’opérateur de service universel pour les besoins
du financement du service universel. Cette convention doit contenir au
minimum :
- les services autorisés ;
- la zone de desserte autorisée ;
- le délai autorisé ;
- la description du projet ;
- les engagements pour le fonctionnement, la maintenance et les garanties
pour ces engagements, le cas échéant ;
- les engagements à transférer le fonctionnement au cas où sa continuation
serait impossible ;
- les mécanismes de traitement des différends liés à l’exécution de la
convention.
Au Sénégal, la première licence de service universel, a été attribuée à un
consortium d’entreprise qui doit se déployer dans la région de Matam qui
constitue une zone pilote.
L’étude de la régulation ex ante des télécommunications permet de faire deux
constats. D’une part, le développement de la concurrence est une activité
principale du régulateur. Elle consiste notamment à réguler l’interconnexion et à
gérer les ressources rares.
D’autre part, le régulateur joue un rôle important dans le développement du
service universel.
Auprès de ces activités, le régulateur exerce une régulation ex post.
217
CHAPITRE II :
ACTIVITE DE REGULATION EX POST
L’étude de l’activité de régulation ex post permet d’évaluer l’efficacité de
l’intervention du régulateur pour rétablir l’équilibre dans le marché des
télécommunications et sa conformité aux principes juridictionnels applicables au
traitement des différends.
Cette activité de régulation ex post consiste principalement à traiter les
différends entre acteurs du secteur (section I). Les décisions prises dans le cadre
de ce traitement des différends sont contrôlées par le juge (section II).
218
SECTION PREMIERE :
TRAITEMENT DES DIFFERENDS PAR LE REGULATEUR
Le régulateur utilise des mécanismes de règlement des différends (paragraphe
I). Dans cet exercice, il est assujetti au respect de certains principes dans la
procédure (paragraphe II).
219
PARAGRAPHE PREMIER :
Mécanismes de règlement des différends utilisés par le régulateur
Le régulateur utilise deux mécanismes de règlement des différends, à savoir
la conciliation et l’arbitrage383.
1. Conciliation
Le différend est un litige. Nous parlons de litige lorsqu’une personne ne
peut obtenir amiablement la reconnaissance d’une prérogative qu’elle croit avoir
et envisage de saisir un tribunal pour lui soumettre sa prétention. Quant au
règlement, c’est une solution donnée à un différend.
La fonction de règlement des différends, de tous ordres, est confiée à l’Etat.
Ce dernier fait exécuter cette fonction par une organisation judiciaire,
comprenant les Cours et Tribunaux ; organisation dans laquelle les juges,
appelés Magistrats, sont des fonctionnaires qui ont reçu une délégation officielle
et permanente à cet effet : c’est la justice étatique. A côté de cette justice
étatique, il existe depuis longtemps une justice privée qui a toujours permis de
soustraire les litiges à la justice de l’Etat pour les soumettre à des arbitres
investis, pour la circonstance, de la mission de juger. C’est l’arbitrage qui est la
forme la plus connue de justice privée384.
383 Voir décision n°2005-001/ART/DG/DR/D/Rég du 24 janvier 2004 fixant la procédure de traitement des
litiges. 384Voir notamment, Motulsky, Etudes et Notes sur l’arbitrage, Dalloz 1974 ; Jarosson, La notion d’arbitrage,
LGDJ, Paris, 1987 ; Meyer Pierre, OHADA, Droit de l’arbitrage, Bruylant 2002.
220
Mais avec l’avènement des organes de régulation, nous assistons à une
délégation de pouvoirs de règlement des différends à ces dernières.
L’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et
du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la
communication (TIC) définit les litiges pour lesquels le régulateur doit être
compétent.
Il s’agit des litiges relatifs à :
- toute violation par un opérateur ou un fournisseur de services de
télécommunication de dispositions légales ou réglementaires en matière de
télécommunication ou de clauses conventionnelles ;
- tout refus d’interconnexion ou de location de capacité ou d’infrastructures,
non conformes aux conditions prévues par les textes applicables, et tout
désaccord relatif à l’application et à l’interprétation des conventions et des
catalogues d’interconnexion ;
- aux conditions d’octroi ou de refus d’octroi à un opérateur des droits
d’occupation sur le domaine des personnes publiques ou de droits de passage sur
une propriété privée aux fins de l’établissement et de l’exploitation d’un réseau
de télécommunication ;
- l’exercice de droits spéciaux ou exclusifs par un acteur du secteur.
Les pouvoirs du régulateur des télécommunications au Sénégal en matière
de conciliation s’inscrivent dans ce sillage.
221
La conciliation est une procédure visant à un accord entre des parties opposées
par une mésentente avant l'intervention d'une décision potentiellement
contraignante.
Le Président Comilla HOGUIE a rappelé que « le monde des affaires se nourrit
de sécurité, de célérité et aussi de discrétion »385. Du fait de sa célérité, la
conciliation est un mécanisme privilégié par les organes de régulation.
En France, l’article 18 du Règlement Intérieur 386 prévoit que lorsque
l’Autorité est saisie d’une demande de conciliation, le Président de l’Autorité
désigne un conciliateur choisi par les membres du Collège. Celui-ci est assisté
en cas de besoin par les agents de l’Autorité. Le conciliateur peut inviter les
intéressés à une audition. Il peut entendre, sous réserve de leur acceptation,
toutes les personnes dont l’audition lui paraît utile. A l’issue de la procédure un
procès-verbal de conciliation ou de non-conciliation est signé par le conciliateur
et les parties. En cas de succès de la conciliation, ce procès-verbal vaut accord
entre les parties. Un exemplaire du constat d’accord est remis.
Selon son article 143, l’Autorité édicte et publie une procédure transparente et
non discriminatoire de règlement des différends.
Cette procédure doit contenir notamment des dispositions soumettant l’ARTP
aux obligations suivantes :
- rendre ses décisions dans les délais fixés par la présente loi ou décret ;
- respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense en
mettant les parties à même de présenter leurs observations ;
- rendre des décisions dûment motivées ;
- rendre publiques ses décisions dans les conditions et sous les réserves
prévues dans les lois et règlements applicables.
385 Camille HOGUIE, « L’arbitrage et la conciliation : quels intérêts pour les entreprises ? », in Actualités
Juridiques n°64 -65/2009, p. 324, Ohadata D-10-23 (www.ohada.com, Page consultée le 12 septembre 2011). 386Voir la décision n° 2010 -1354 en date du 16 décembre 2004 portant modification du règlement
intérieur de l’ARCEP. (www.arcep.fr. Page consultée le 12 juin 2011).
222
L’article 158 sur le Collège dispose que celui-ci est l’organe délibérant et
l’instance décisionnelle de l’Autorité de Régulation.
Le Collège est compétent pour prendre sur la base des dossiers qui sont
préparés par le Directeur général, des décisions portant sur les litiges et
différends pour lesquels il est attendu une conciliation, un arbitrage ou une
décision de l’ARTP.
L’article 142 du code des télécommunications prévoit que l’ARTP peut être
saisie pour conciliation, par tout consommateur, par lui-même ou par
l’intermédiaire d’une association légalement constituée. Cette disposition est
une innovation positive par rapport au code de 2001 qui obligeait le
consommateur à passer par une association de consommateur afin de saisir
l’ARTP pour conciliation. Ce qui justifie certainement la non abondance de la
jurisprudence relative au traitement des plaintes du consommateur par le
régulateur.
Par ailleurs, l’ARTP peut être saisie pour conciliation par un opérateur ou
fournisseur de services, sur le fondement de l’article 141 du code des
télécommunications.
Dans la pratique, une demande d’arbitrage introduite devant l’organe de
régulation peut déboucher sur une conciliation entre les parties. C’est le cas d’un
différend opposant la Société Ferlo SA à SONATEL, suite à un rejet par cette
dernière d’une demande de connexion au SMS-C387. En Mars 2001, la société
« Netwyz» avait conclu avec SONATEL un contrat ayant pour objet la
commercialisation de cartes prépayées « Diamono » utilisables sur le réseau
Alizé. Dans cette lancée, SONATEL avait remis à la société « Netwyz »
plusieurs lots de code de recharge pour une valeur de cent quatre-vingt-six
millions trente-six mille deux cent cinquante francs (186.936.250 F CFA)
387 Le SMS-C est un équipement qui permet au fournisseur de services à valeur ajoutée d’offrir des services en
passant par l’opérateur.
223
depuis 2003. Le recouvrement de cette somme a été rendu difficile du fait de la
fermeture de la société « Netwyz ». En 2006, SONATEL a constaté que le
Directeur général de la défunte société « Netwyz » est devenu Directeur général
de la société « Ferlo S.A ». C’est ainsi que SONATEL a poursuivi ce Directeur
général pour banqueroute frauduleuse et escroquerie devant le juge pénal. Suite
à cette plainte, il avait versé deux acomptes et s’était engagé sur un procès-
verbal établi par la Division des investigations criminelles, à solder le reliquat en
dix-neuf mensualités (19). Ce qu’il n’a pas respecté.
Du fait que c’est la même personne qui est devenue Directeur général de la
société « Ferlo SA », SONATEL a refusé la demande de raccordement au SMS-
C. L’ARTP, après avoir recueilli les observations écrites des deux parties, a
convoqué une rencontre de confrontation le 05 octobre 2010.388 Lors de cette
rencontre, SONATEL a exigé le paiement du reliquat dû par la défunte société
« Netwyz » pour accéder à la demande de « Ferlo SA ». Tandis que « Ferlo
SA » considère que SONATEL abuse de sa position dominante en faisant
amalgame entre deux sociétés différentes. En définitive, le régulateur, avec le
consentement des parties, a proposé que ces dernières se rencontrent dans un
délai de deux semaines et qu’elles lui fassent parvenir le procès-verbal.
Dans une autre affaire opposant Arc Informatique et SONATEL portant sur des
clauses dites « anticoncurrentielles », le régulateur a pu obtenir la conciliation
des parties après audition.
Dans cette affaire, ARC informatique, fournisseur de services d’Internet était en
négociation avec SONATEL pour la signature d’un contrat portant
raccordement de ARC pour l’exploitation d’un service à valeur ajoutée. Suite à
un blocage des négociations, ARC Informatique a constaté que SONATEL
faisait une publicité portant l’exploitation de la même offre par sa filiale 388Procès verbal inédit, source ARTP
224
SONATEL multimédia (concurrent de ARC Informatique dans le même
segment de marché). C’est ainsi que ARC Informatique a saisi le régulateur pour
arbitrage389. Suite à la notification de la saisine à SONATEL pour observations,
cette dernière a accepté de poursuivre les négociations en enlevant les clauses
que ARC Informatique qualifiait d’« anticoncurrentielles ». C’est que le
régulateur, après avoir entendu les deux parties, a fixé un délai pour l’effectivité
de la signature et de l’exécution du contrat pour que la société ARC
Informatique puisse exploiter le service.
Dans tous les cas, la procédure de conciliation se termine par un procès-verbal
de conciliation signé par les deux parties ou par un procès-verbal de constat
d’échec. Mais la difficulté réside dans le caractère non contraignant de ces
procès-verbaux de conciliation390.
Dans ce cas, l’intéressé peut saisir le juge compétent. L’opérateur ou le
fournisseur de services peut saisir le régulateur pour qu’il puisse prendre une
décision contraignante, ou ester devant le juge compétent.
2. Arbitrage devant le régulateur
Selon le Professeur Abdoulaye SAKHO, l’arbitrage est « l’institution d’une
justice privée grâce à laquelle les litiges sont soustraits aux juridictions
étatiques pour être résolus par des arbitres investis par la circonstance de la
mission de juger »391. L’arbitrage devant l’Autorité de régulation est
institutionnel. Le Professeur SAKHO précise que les parties à l’arbitrage
389Procès-verbal de conciliation disponible à l’ARTP, ARC Informatique et la SONATEL. 390 Pour rendre contraignante la conciliation, il a été proposé, lors d’un séminaire avec la magistrature, de faire
homologuer les procès-verbaux de conciliation par le juge. 391 SAKHO Abdoulaye, « La législation communautaire de la concurrence et les mécanismes alternatifs aux
règlements des conflits commerciaux », Ohadata D-05-12 (www.ohada.com , page consultée le 15 juin 2011).
225
institutionnel doivent mener les opérations conformément aux règles de
procédure de l’institution d’arbitrage concernée392.
Mais il faut préciser que cette forme d’arbitrage est différente de celle
exercée par les organes de régulation.
En ce sens que cet arbitrage découle d’une convention des parties telles que
prévues par les articles 2393 et 3394 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur
l’arbitrage.
Tandis que l’arbitrage exercé par le régulateur constitue une compétence
d’attribution dans un secteur spécifique.
En effet, l’article 141 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des
télécommunications prévoit :
Tout opérateur ou fournisseur de services a la faculté de saisir l’ARTP en cas
de litige relatif, notamment :
- à toute violation par un opérateur ou fournisseur de services de
dispositions législatives ou règlementaires en matière de
télécommunications et de postes ou de clauses conventionnelles ;
- à tout refus d’interconnexion ou de location de capacité ou
d’infrastructures, non conformes aux conditions prévues par les textes
392 SAKHO Abdoulaye ; op.cit. 393 Article 2 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage : « Toute personne physique ou morale peut
recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.
Les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent
également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester le caractère
arbitraire d'un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage. » 394 Article 3 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, « La convention d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout
autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la
stipulant. »
226
applicables et tout désaccord relatif à l’application ou à l’interprétation
des conventions et des catalogues d'interconnexion ;
- aux conditions d’octroi ou de refus d’octroi à un opérateur des droits
d’occupation sur le domaine des personnes publiques ou de droits de
passage sur une propriété privée aux fins de l’établissement et de
l’exploitation d’un réseau de communication ;
- aux pratiques anticoncurrentielles.
Ces dispositions du nouveau code des télécommunications confirment les
compétences de l’ARTP en matière de traitement des différends. En effet,
l’article 44 du code des télécommunications de 2001 donnait à l’ARTP la
compétence d’arbitrer les différends entre l’Administration de l’Etat et les
exploitants de réseaux et fournisseurs de services de télécommunication ainsi
qu’entre exploitants de réseaux et fournisseurs de services de
télécommunications.
Par une décision n°2005-001/ART/DG/DRC/D.Rég du 24 janvier 2004, l’ARTP
fixe une procédure de traitement des litiges. Il s’agit, en effet, de combler le
silence de l’article 44 du code des télécommunications accordant à l’ARTP un
pouvoir général d’arbitrer les différends entre les acteurs sans en préciser la
procédure de saisine, d’instruction et de règlement. Cette procédure est uniforme
pour le traitement de tous les différends portés devant le régulateur des
télécommunications, à l’exception du contentieux d’interconnexion. Les
dispositions substantielles de cette décision sont conformes aux exigences du
code des télécommunications de 2011395.
395 Voir l’article 143 du code des télécommunications de 2011 cité plus haut.
227
Dans le nouveau code des télécommunications, la procédure de traitement des
différends est plus précise.
S’agissant de la procédure de traitement de contentieux liés à l’interconnexion,
elle trouvait une organisation dans l’article 24 du décret n°2005-1183 du 06
décembre 2005 relatif à l’interconnexion. A l’instar de la procédure prévue par
la décision n°2005-001/ART/DG/DRC/D.rég du 24 janvier 2004396, cette
procédure revêt les caractéristiques suivantes :
- toute la procédure est contradictoire, les parties pouvant se faire assister par
un conseil ;
- les décisions doivent être motivées en fait comme en droit ;
- les décisions doivent être publiées ;
- les délais d’instruction sont fixés suffisamment courts (90 jours maximum).
Maintenant, il est organisé par l’article 141 du nouveau code des
télécommunications.
Selon l’article 28 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, les litiges relatifs à
l’interconnexion et aux conditions d’accès sont portés devant l’Autorité de
régulation. Cette dernière doit se prononcer dans un délai de trois mois (3) après
avoir demandé aux parties de présenter leurs observations.
Cependant, il est permis de porter, de manière dérogatoire, le délai des
investigations à six mois en cas de complexité de l’affaire.
L’article 13 de l’Acte Additionnel relatif à l’harmonisation des politiques et du
cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la 396www.artp.sn (page consultée les 20 janvier 2009).
228
communication (TIC) dispose que le régulateur doit assurer « l’examen et le
contrôle de la mise en œuvre des conditions relatives à l’interconnexion et à
l’accès aux réseaux, conformément aux dispositions de l’Acte Additionnel relatif
à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC ».
De même, l’article 29 de l’Acte Additionnel relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services dispose que « les litiges relatifs aux
refus d’interconnexion, aux conventions d’interconnexion et aux conditions
d’accès sont portés devant l’Autorité nationale de régulation ».
La procédure de saisine doit être rendue publique par le régulateur pour
permettre aux intéressés de le saisir en cas de besoin.
L’article 127 du code des télécommunications de 2011 du Sénégal attribue à
l’ARTP la compétence de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles dans le
secteur des télécommunications dans le respect des compétences des organes
communautaires.
Le règlement n°03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux
ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union économique
monétaire ouest africaine, limite la compétence des autorités nationales de
concurrence dans la phase d’enquête.
A la manière des autres litiges, le régulateur doit appliquer la procédure de
traitement des litiges d’interconnexion dans le respect de certains principes.
229
PARAGRAPHE II :
Principes de procédure applicables au régulateur dans le traitement des
différends
Aux termes de l’article 28 de l’Acte Additionnel de la CEDEAO sur les
régimes juridiques, les Etats membres doivent veiller à ce que le comité en
charge de la prise de décision soit impartial et formé de personnes reconnues
pour leurs compétences et nommées intuitu personae.
II ressort de ces dispositions que le régulateur est tenu de respecter le principe
du procès équitable dans le traitement du litige. La doctrine a essayé de répondre
à la question de savoir pourquoi le droit au procès équitable est applicable au
traitement des différends devant le régulateur ?
Mais une bonne partie a retenu que l’une des garanties fondamentales octroyées
aux justiciables est de lui permettre que sa cause puisse être entendue deux fois.
Aussi, naturellement, les sanctions prononcées par les autorités administratives
indépendantes peuvent faire l’objet d’un recours devant une juridiction. Bien
que qualifiées d’ « administratives », ces autorités doivent relever le contentieux
relatif aux sanctions qu’elles prononcent tant de l’ordre administratif que de
celui judiciaire397.
En Europe, les autorités administratives justifient l’application de ce principe
par les impératifs de rendre effectifs les droits de la défense. C’est au nom de ce
principe que la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg s’est
reconnue le droit de contrôler si le rejet d’un moyen nouveau par la Cour de 397 TEITGEN-COLLY, « Les autorités de régulation et la constitution », RDP, 1990, n°1, p. 186.
230
Cassation était ou non contraire au « droit au procès équitable »398, et a
condamné la France à verser des dommages et intérêts à la requérante. Le
moyen formé par cette dernière ayant été déclaré irrecevable puisque soulevé
pour la première fois devant la Cour de Cassation, dans la mesure où le but de la
convention européenne des Droits de l’Homme, est de garantir aux justiciables
des droits concrets et effectifs et non point théoriques ou illusoires399.
En Europe, il s’était posé aussi dans la jurisprudence la question de savoir si les
dispositions de l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des
Droits de l’Homme étaient ou non applicables aux sanctions prononcées par le
régulateur. L’article dispose :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement, et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera soit de contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle.
La solution retenue par la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire KPMG, le 7 mars
2000, marque, sur ce point, l’aboutissement d’un « mouvement jurisprudentiel »
parvenu à sa maturité. En effet, pour les magistrats parisiens, bien que de nature
administrative, les sanctions prononcées par la COB visent, comme en matière
pénale, à punir les auteurs de manquements mais aussi à dissuader les opérateurs
de se livrer à de tels manquements.
Ce pragmatisme du juge parisien a trouvé un écho favorable à travers le monde.
Les critères d’applicabilité du principe du procès équitable sont d’origine
jurisprudentielle. En effet, la Cour européenne des Droits de l’Homme a retenu
398 CEDH, 21 mars 2000, Affaire Dulanrans C/France, JCP éd G, 2000, actualité p. 948. 399 CEDH, 9 octobre 1979, arrêt Airey, Série A §24.
231
un critère matériel et non organique du champ d’application de l’article 6-1 de la
convention européenne des Droits de l’Homme. Dans un arrêt rendu le 8 juin
1976 sur l’affaire Engel et autres c/Pays-Bas, les notions conventionnelles qui
fondent le champ d’application matériel de ses stipulations sont autonomes400.
La Cour précise que :
Si l’accusation peut en général se définir comme la notification officielle,
émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction
pénale, elle peut dans certains cas revêtir la forme d’autres mesures impliquant
un tel reproche et entraînant aussi des répercussions importantes sur la
situation du suspect.
Il est clair que la Cour de Strasbourg ne part pas de l’organe pour parvenir à un
régime procédural applicable. Au contraire, elle s’intéresse à ce qui peut arriver
à une personne pour en déduire que la mesure qui s’applique à elle doit être
qualifiée de sanction, selon qu’elle vise à réparer exclusivement ou non un
préjudice. A cette fin, selon la Cour, trois critères permettent d’apprécier si une
sanction tombe ou non dans le champ d’application du droit au procès équitable.
Ces critères sont, en premier lieu, la qualification donnée à l’infraction par le
droit interne qui n’a qu’une valeur relative étant donné les risques de
dévoiement déjà soulignés.
En second lieu, la nature de l’infraction doit refléter une nature pénale, eu égard
au « caractère général de la norme et le but, à la fois préventif et répressif, de la
sanction ».
400 CEDH, 8 juin 1976, Série A n°22, affaire. Engel ; voir sur ce point GUINCHARD(S), art précis, Mélange
Farjat, p. 155.
232
En troisième lieu, enfin, la Cour s’attache à révéler la nature véritable de la
sanction encourue, son caractère sévère qui doit conduire « à exercer un effet
dissuasif » sur ses destinataires.
Selon la Cour, il suffit que l’un de ces critères soit présent pour faire tomber
l’infraction dans la matière pénale401. En analysant la sanction applicable par les
organes de régulation, il est aisé de constater qu’elle tombe dans ce champ
d’application de l’article 6 de la convention européenne des Droits de l’Homme
qui est la pendante de l’article 10 de la déclaration des Droits de l’Homme de
1948 visée par le préambule de la constitution de janvier 2001 du Sénégal. Il
n’est, pour s’en convaincre, que d’analyser les sanctions prévues par l’article
106 du code des télécommunications de 2011 :
Lorsque le titulaire d'une licence, d’une autorisation ou d'un agrément ou le
souscripteur d'une déclaration ne respecte pas les obligations qui lui sont
imposées par les textes législatifs et réglementaires et les conditions fixées à
l'occasion d'attribution de fréquences radioélectriques ou par la licence,
l'autorisation ou par l'agrément, l’Autorité de régulation le met en demeure de
s'y conformer dans un délai de trente jours. La mise en demeure peut être
rendue publique.
Si le titulaire de la licence, de l'autorisation ou de l'agrément ou le souscripteur
d’une déclaration cité à l'alinéa précédent, ne se conforme pas à la mise en
demeure qui lui a été adressée, l’Autorité de régulation prononce à son encontre
et à sa charge, par une décision motivée :
401 Samuel Eto et Jean- Marc Moulin, L’application de la notion conventionnelle de procès équitable aux
autorités administratives indépendantes en droit économique et financier, Paris, Dalloz 2001, p. 52.
233
- pour les opérateurs titulaires de licence : une pénalité d’un maximum de
trois pour cent (3%) du chiffre d’affaires tel que déclaré dans l’exercice
comptable de l’année précédente ;
- pour les personnes morales titulaires d’une autorisation ou d’un agrément
ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas dépasser
vingt millions de francs CFA (20.000.000 FCFA);
- pour les personnes physiques titulaires d’une autorisation ou d’un
agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas
dépasser dix millions de francs CFA (10.000.000 FCFA).
En cas de récidive, le montant de l’amende est doublé.
Le montant de la pénalité doit être fixé en fonction de la gravité des
manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces
manquements.
Si la violation constatée et notifiée persiste, l’Autorité de régulation prononce,
par une décision motivée, le retrait définitif de l’autorisation ou de l’agrément.
Elle peut, dans les mêmes conditions, mettre fin aux effets de la déclaration. S’il
s’agit d’un titulaire de licence, le Président de la République prononce par
décret, sur proposition motivée de l’Autorité de régulation, soit :
- la suspension totale ou partielle de la licence pour une durée de trente
jours au plus ;
- la suspension temporaire de la licence ou la réduction de la durée de
cette dernière dans la limite d'une année ;
234
- le retrait définitif de la licence.
Dès lors que l’applicabilité est établie, il convient d’analyser l’application.
Le droit au procès équitable connaît une application effective dans la procédure
de traitement des différends devant le régulateur.
Cette application se manifeste par une consécration effective du principe du
contradictoire.
En droit sénégalais, le décret n°2005-1183 relatif à l’interconnexion consacre ce
principe.
En son article 24, elle prévoit que l’ARTP adresse, par lettre recommandée, à la
partie mentionnée dans la requête, la copie du dossier de saisine pour qu’elle
formule ses observations.
Par ailleurs, l’article 34 du code des télécommunications de 2001 du Sénégal
prévoit que l’ARTP doit permettre au titulaire de la licence, de l’agrément, de
l’autorisation ou au souscripteur de la déclaration, de présenter ses observations
avant l’application de la sanction. De même, l’article 25 du code des
télécommunications 2001 précise que si le titulaire d’une licence ne se conforme
pas à la mise en demeure servie, le Directeur général de l’ARTP doit inviter
l’opérateur à formuler ses observations avant de prononcer une sanction par
décision motivée. Aujourd’hui, l’article 106 du code des télécommunications de
2011 a renforcé la protection des droits de la défense.
C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 29 de l’Acte Additionnel de la CEDEAO
relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux. Il dispose que :
L’Autorité nationale de régulation se prononce dans un délai de trois mois,
après avoir demandé aux parties de présenter leurs observations. Toutefois, ce
235
délai peut être porté à six mois lorsqu’il est nécessaire de procéder à des
investigations et expertises, complémentaires. Sa décision qui est motivée,
précise les conditions équitables d’ordre technique et financier, dans lesquelles
l’interconnexion doit être assurée. Les contestations sont portées devant les
juridictions compétentes.
Le respect de ce principe a été invoqué récemment devant le Conseil d’ Etat
sénégalais. Dans un arrêt rendu le 08 août 2007402, affaire SONATEL c/
l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) et l’Etat
du Sénégal, l’opérateur historique a soutenu qu’il n’était pas mis à même de
présenter ses justifications écrites ou verbales avant toute application de
pénalité. Mais le Conseil d’Etat a rejeté ce moyen du fait que, suite à l’incident
du 21 janvier 2007, l’ARTP a sollicité des explications à la Société Nationale de
Télécommunications qui a répondu par courriel de son Directeur des réseaux en
date du 24 janvier 2007.
En droit français, le règlement intérieur fixé par décision du n°06-0044 du 10
janvier 2006 403prévoit ce principe. Nous rappelons que ce règlement intérieur
est pris en application de l’article D 188 du Code des postes et communications
électroniques (CPCE) qui dispose : « l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes adopte son règlement intérieur qui
fixe notamment les modalités de délibérations ainsi que les règles de procédure
applicables devant elles ».
L’article R 11-1 du code donne brièvement quelques éléments de procédure
concernant les règlements de différends en matière de communications
402 L’arrêt est disponible en ligne (www.artp.sn.Page consultée le 20 octobre 2009). 403 Op.cit.
236
électroniques, notamment en fixant le délai dans lequel l’Autorité doit statuer404,
le principe de l’application du contradictoire, et la possibilité de former
accessoirement une demande de mesures conservatoires. Aucun article du code
n’encadre la procédure prévue par ses articles405 L5-5 et L 36-11406. Le
règlement intérieur joue donc le rôle de code minimal de procédure que les
décisions de l’ARCEP doivent respecter. Ce sont, entre autres, les principes du
contradictoire, d’impartialité et d’indépendance.
L’article 11 du règlement intérieur de l’ARCEP prévoit les conditions dans
lesquelles le service juridique doit permettre aux parties de formuler leurs
observations.
La Cour d’appel de Paris a contrôlé le respect du principe du contradictoire dans
plusieurs décisions. Sur un recours formé par la société France Télécom, en
annulation d’une décision 407de l’ART de la France pour entre autres moyens, la
violation du principe du contradictoire, la Cour d’appel a rappelé que le principe
du contradictoire impose à celle-ci de ne se prononcer qu’après avoir mis les
parties à même de présenter leurs observations. Par conséquent, l’ART est
obligée de s’assurer que chaque partie a eu la faculté de prendre connaissance
des observations et pièces produites par l’autre partie afin de discuter408.
Donc le principe du procès équitable doit être appliqué par les régulateurs des
Etats membres de la CEDEAO dans le cadre du traitement des différends liés à
l’interconnexion.
404 Le délai est de 4 mois pouvant être porté à 6 mois en cas de circonstances exceptionnelles. 405 Article L5-5 : « Elle se prononce après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations ». 406Article l 36-11 : « L’Autorité se prononce après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations ». 407 La décision attaquée est celle rendue sous le n°00-30de l’Autorité de Régulation des Télécommunications en
date du 05/01/2000. 408 Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 27 juin 2000, n°2000/02659.
237
Pour sauvegarder le respect du principe du procès équitable dans le prononcé de
la sanction, le droit français procède à la séparation des fonctions d’instruction
et de jugement.
C’est ainsi que l’article 11 du règlement intérieur de l’ARCEP prévoit la
désignation d’un rapporteur. Il dispose que « dès lors que la saisine est
complète, le chef du service juridique ou son adjoint désigne un rapporteur et un
rapporteur adjoint ».
En son article 16, il prévoit que « le collège délibère, hors la présence du
rapporteur, de son adjoint, du chef du service juridique, de son adjoint et des
parties, conformément aux règles de fonctionnement fixées au chapitre 1er ci-
dessus ».
Ces dispositions du règlement intérieur visent à sauvegarder l’impartialité de la
décision.
Le respect du principe du contradictoire et la séparation des organes
d’instruction et de jugement constituent des moyens de garantie du droit au
procès équitable. Le juge contrôle souvent leur effectivité. Il en est ainsi dans la
jurisprudence COB c/ Oury de la Cour de cassation du 5 février 2000409. Cet
arrêt a confirmé la décision de la Cour d’appel de Paris annulant une sanction
pécuniaire pour violation de l’article 6-1 de la CEDH, en vertu duquel toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi, qui décide des contestations sur ses droits et obligations à caractère civil. La
Cour d’appel avait retenu, en premier lieu, un manquement à la procédure
contradictoire dès lors que la sanction se fondait sur un rapport qui n’avait pas
409Cass, Ass. Plén, 4 février 1999, COBc/Oury, Gaz Pal 24-25 février 1999 ? CONCLUSION M.A. La fortune ;
CJP éd, 1999, II, 10060, note H. Matsopoulou. Pour le Conseil de la Concurrence, Cass.com, 5 Octobre 1999,
Campenou Bernard SGE, JCP éd.G, 2000, note d’E. Cadou.
238
été communiqué à l’intéressé ; en second lieu, la confusion organique : le
collège de la COB avait décidé de la mise en accusation des poursuites et avait
constaté la culpabilité, enfin le rapport d’instruction avait été établi par l’un des
membres ayant pris ensuite part au délibéré.
La Cour d’appel de Paris du 27 juin 2000, se prononçant sur le règlement du
différend opposant la société Télécom Développement à France Télécom,
affirme qu’il n’est contestable ni contesté par l’ART qui est soumise à
l’obligation d’impartialité au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne
des droits de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Dans un considérant de principe, la Cour estime que « l’impartialité doit
s’apprécier selon une démarche subjective qui tente d’établir ce que le juge
pensait en son for intérieur en la circonstance et aussi selon une démarche
objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure
à ce stade tout doute légitime ». Dans ce cas d’espèce, France Télécom mettait
en cause un courrier du président de l’ART détaillant l’ensemble des points que
l’Autorité souhaitait voir figurer dans le projet de catalogue d’interconnexion,
antérieur à la saisine de règlement de différend. La Cour d’appel relève que «
les termes du courrier ne reflètent ni parti pris ni préjugé, et ne justifient pas un
doute légitime sur l’impartialité de celui qui les a écrits ».
De ce qui précède, il est à noter que le principe du droit au procès équitable doit
faire l’objet d’un respect strict dans les bonnes pratiques de régulation. Les Etats
membres de la CEDEAO n’ont pas voulu déroger à ce principe dont le contrôle
du respect est assuré par le juge.
239
SECTION II :
RECOURS CONTRE LA DECISION DU REGULATEUR
L’étude du recours contre la décision du régulateur permettra d’apprécier
l’efficacité du contrôle juridictionnel sur la régulation.
Ce contrôle est exercé lors d’un recours devant la haute juridiction
administrative nationale (paragraphe I) et devant le juge communautaire
(paragraphe II).
240
Paragraphe Premier :
Le recours devant la haute juridiction administrative nationale
II convient d’étudier la forme du recours (1) avant d’en venir à la procédure
de cette saisine (2).
1. La forme du recours contre la décision du régulateur
De manière générale, les voies de recours sont des « moyens mis à la
disposition des plaideurs ou des tiers pour obtenir un examen nouveau de leurs
affaires »410. Elles permettent de contester d’abord la régularité formelle de la
décision du régulateur ainsi que celle de la procédure suivie dans le cadre du
traitement des litiges. La grande majorité des décisions administratives et
juridiques est susceptible de contestation.
Il existe différents types de recours selon l’organe, l’acte et la matière traitée.
La démarche à adopter varie selon qu’il s’agisse de remettre en cause une
mesure administrative ou le comportement ou l’acte d’une personne privée.
Le recours contre la décision du régulateur vise la censure de l’excès de
pouvoir411 du régulateur.
L’article 39 du code des télécommunications de 2001 prévoit que « les décisions
de l’ART portant sanction peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou
d’une demande de sursis à exécution devant le Conseil d’Etat. ».
410 Jean Vincent et Serge Guinchard, Procédure civile, Paris, 25ème édition Dalloz 1999, p. 901. 411 P. Weil, Le droit administratif, collection "Que sais-je ?", Paris, n°1152, PUF, 17éme édition, 1997.
241
Selon l’article 149 de la loi 2011-01 du 24 février 2001 portant code des
télécommunications :
Les décisions de l’ARTP peuvent faire l’objet de recours devant la haute
juridiction administrative nonobstant un recours gracieux préalable.
Le recours contentieux n’est pas suspensif. Le sursis à exécution de la décision
peut être ordonné par la haute juridiction administrative.
Toutefois, après épuisement des voies de recours internes, l’institution judiciaire
de la CEDEAO peut être saisie.
La loi organique du 8 août 2008412 a créé la Cour suprême du Sénégal qui
regroupe maintenant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.
Aujourd’hui, les décisions prises par l’organe de régulation sont attaquables
devant la chambre administrative de la Cour Suprême. Aux termes de l’article
1er de la loi organique n° 2008-35 du 07 Août 2008 portant sur la Cour Suprême,
« la Cour Suprême, créée en lieu et place du Conseil d’Etat et de la Cour de
Cassation, est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des
autorités exécutives, ainsi que de la légalité des actes des collectivités locales ».
Par ailleurs, l’article 82-1 de la loi organique sur la Cour Suprême prévoit que
« les recours en cassation contre les décisions des organismes administratifs à
caractère juridictionnel sont portés devant les Chambres réunies de la Cour
Suprême ». C’est ainsi que l’article 149 du code des télécommunications de
2011 soumet à la censure du juge de l’excès de pouvoir les décisions prises par
l’ARTP. Mais ce recours n’est pas suspensif.
412 La loi organique est disponible sur le site officiel du Gouvernement de la République du Sénégal.
(http://www.gouv.sn/spip.php?article706. Page consultée le 20 décembre 2010).
242
Le recours pour excès de pouvoir est un « recours contentieux tendant à
l'annulation d'une décision administrative et fondé sur la violation par cette
décision d'une règle de droit »413. Il « est ouvert même sans texte et a pour effet
d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la
légalité »414. Il permet de demander au juge administratif de prononcer
l'annulation d'un acte édicté par une personne morale de droit public ou de droit
privé qui s'est vue conférer des prérogatives de puissance publique415.
Aujourd’hui, les décisions prises par l’organe de régulation sont attaquables
devant la chambre administrative de la Cour Suprême. Au sens de l’article
premier du titre premier de la loi organique du 8 août 2008416, la Cour Suprême
est le juge de l’excès de pouvoir. Mais ce recours est soumis à une procédure.
2. La procédure devant la Haute juridiction administrative
La procédure devant la Cour Suprême est une procédure administrative
contentieuse. « C’est la procédure qui regroupe l’ensemble des règles relatives
à l’introduction, à l’instruction, au jugement des recours, et aux différents types
de recours susceptibles d’être conduits devant les juridictions
administratives »417.
La procédure devant la Cour Suprême est écrite, non-suspensive418.
413 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 7e édition, Presses universitaires de France, Paris, 2005 (ISBN
2130550975), « Recours pour excès de pouvoir ». 414CE. Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte, N° 86949. Texte intégral de la décision sur
www.legifrance.gouv.fr (page consultée le 13 juin 2009). 415 J. RIVERO, « Le Huron au Palais-royal ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », 1962. 416http://www.gouv.sn/spip.php?article706. Page consultée le 20 décembre 2010. 417Demba SY, Op.cit. p. 131. 418 Dans le recours pour excès de pouvoir qui nous intéresse principalement, l’introduction de l’instance n’a pas
d’effet suspensif. Cependant, le justiciable peut demander le sursis à exécution sur le fondement de l’article 73-
2 de la loi organique 2008 sur la Cour Suprême.
243
La procédure comprend trois phases, la saisine de la Cour Suprême, l’instruction
de l’affaire et le jugement.
La saisine pour excès de pouvoir doit être formé dans un délai de deux mois à
partir de la prise de connaissance de la décision. Pour les actes réglementaires, le
point de départ du délai est sa publication au journal officiel.
S’agissant des actes non réglementaires, il faut distinguer deux cas :
- à l’égard du destinataire de l’acte, le point de départ du délai est la date de
notification ;
- à l’égard des tiers, c’est la date de publication : exemple, la nomination d’un
membre du Collège de Régulation.
Toutefois, une jurisprudence constante a consacré la théorie de la connaissance
acquise419 qui est la conception selon laquelle, en l’absence d’une publicité
régulière, le délai peut être considéré comme commençant à courir, s’il est
avéré, d’une manière quelconque que l’intéressé avait connaissance de l’acte.
Par ailleurs, l’existence d’un recours administratif peut proroger le délai du
recours pour excès de pouvoir contre la décision du régulateur.
Il est consacré deux formes de recours administratifs, à savoir le recours
hiérarchique et le recours gracieux.
Le recours hiérarchique n’est pas envisageable en ce qu’il est porté devant le
supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte. Le régulateur n’est pas soumis au
pouvoir hiérarchique.
419 C.E 27 octobre 1993, Moctar Traoré c/Etat du Sénégal; C.E 26 juin 1997, Baïdy Sow c/Etat du Sénégal.
244
Par contre, le recours gracieux qui est porté devant le régulateur lui-même,
pour qu’il reconsidère sa décision, est bel et bien possible. Dans ce cas, le délai
du recours pour excès de pouvoir ne commence à courir qu’à compter de la
notification de la décision de rejet. Dans l’affaire Hassane DIALLO contre le
Conseil rural de Dabia, le Conseil d’Etat a déclaré irrecevable le recours du fait
que le recours gracieux a été formé quatre mois après l’intervention de la
décision querellée. En effet, le recours pour excès de pouvoir n’est recevable
que lorsque le recours gracieux a été fait dans les délais du recours
contentieux.420
Le renouveau de la Cour suprême est porté notamment par les règles qui
assurent l’accélération des procédures et la satisfaction de la demande de qualité
des justiciables, celles qui déterminent, en les différenciant, les formes de
procéder de la Cour ou celles qui ont une tendance s’inscrivant dans le sens
d’un progrès de l’accès à la justice et au droit, et dans celui d’une plus grande
transparence de la fonction juridictionnelle.
Ainsi, le recours pour excès de pouvoir est introduit par requête écrite. Si le
requérant n’est pas en mesure de rédiger correctement l’acte, il peut constituer
un Conseil. Mais le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
A peine de déchéance, le demandeur est tenu de consigner une amende de 5000
FCFA sur liquidation faite par le greffier en Chef. Cette somme est versée au
receveur de l’Enregistrement. Un récépissé est remis au requérant pour servir de
preuve de la consignation. L’amende de consignation est acquise au Trésor
public en cas de rejet de pourvoi. Sont dispensés de la consignation : les
personnes morales de droit public, les bénéficiaires de l’assistance judiciaire.
420 C.E du Sénégal « Hassane DIALLOC/ Conseil Rural de Dabia », arrêt n°16 du 29/06/2000, bulletin des arrêts
du Conseil d’Etat, éditions 2000.
245
Le requérant doit signifier dans un délai de deux mois suivant la date
d’introduction de son recours, sa requête accompagnée d’une copie de la
décision administrative attaquée à l’Agence Judiciaire de l’Etat, par exploit
d’Huissier. Celui-ci doit, à peine de nullité, indiquer à la partie adverse qu’elle a,
à compter de sa signification, un délai de deux mois pour produire sa défense.
L’original de l’exploit, accompagné des pièces qui lui sont annexées, est déposé
au greffe dès la formalité de signification accomplie. Le non-respect de cette
formalité entraîne la déchéance.
Le recours pour excès de pouvoir n’est pas suspensif. Cependant, le requérant
peut demander le sursis à exécution. Il est accordé si les moyens soulevés à la
Cour de l’instruction paraissent sérieux et que le préjudice encouru s’avère
irréparable421. Dans l’affaire Momar GUEYE, le Conseil d’Etat sénégalais a
rappelé que « le sursis à exécution d’une décision faisant l’objet d’un recours en
annulation pour excès de pouvoir ne saurait être accordé si le préjudice
encouru par le requérant n’est pas difficilement réparable »422.
Le juge de l’excès de pouvoir dispose d’un pouvoir d’annulation de la décision
si celle-ci a violé les lois ou les règlements que le régulateur est obligé de
respecter. Cependant, la chambre administrative de la Cour Suprême, statuant en
excès de pouvoir, n’a pas pouvoir d’accorder une indemnité pécuniaire en
réparation du préjudice subi423.
La décision du juge de la Cour Suprême a un effet erga omnes. En effet, il s’agit
d’une annulation absolue qui vaut à l’égard de tous. La décision annulée est
421 C.E du Sénégal, « Société Racine S.A C/ Ordre National des Experts et évaluateur agréés du Sénégal »,
bulletin des arrêts du Conseil d’Etat, édition 1998, arrêt n°20 du 20/08 1998. 422 C.E du Sénégal, « Momar GUEYE C/ Etat du Sénégal », bulletin des arrêts du Conseil d’Etat, Dakar, édition
2000 arrêt n°07 du 13/04/ 2000.
423 C.S 4 mai 1977, Abdoulaye BA C/ Régie des Chemins de fer du Sénégal.
246
censée n’avoir jamais existé et ne peut produire aucune conséquence. Ainsi, au
cas où la décision du régulateur est censurée, il a l’obligation de tirer toutes les
conséquences liées à l’effet rétroactif de cette annulation, sous réserve des
impossibilités matérielles juridiques ou pratiques.
247
PARAGRAPHE II :
Le recours devant les instances communautaires
L’introduction d’un recours devant les juridictions communautaires nécessite
l’identification du juge compétent (1) et la connaissance des procédures de
saisine(2).
1. Identification du juge communautaire compétent
Tout ordre juridique constitue d'une part, un ensemble organisé et structuré
de normes juridiques, possédant leur propre source, dotées d'organes et de
procédures aptes à les émettre et à les interpréter. C’est ainsi que l’OHADA,
l’UEMOA et la CEDEAO sont des institutions communautaires disposant de
juridiction compétente pour l’interprétation et l’appréciation des normes
communautaires. C’est pourquoi des recours pour l’interprétation des textes
communautaires peuvent être portés devant elles.
L’OHADA (a), l’UEMOA (b), la CEDEAO (c) ont toutes des juridictions
compétentes.
a) OHADA
L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires a un projet
d’élaboration d’Actes uniformes applicables aux télécommunications. Ce qui
n’est pas encore effectif.
Mais les normes de l’OHADA sont applicables au Sénégal424. Pour assurer une
marche sûre, solide et assurée vers l'intégration juridique sur tout le territoire des
16 Etats membres, l'organisation communautaire a mis sur pied, depuis sa
424 Alioune Dièye, Régime juridique des sociétés commerciales et du G.I.E dans l’espace OHADA, Dakar,
Cabinet Aziz DIEYE, troisième édition 2008, p. 5.
248
création, une Cour communautaire qui doit jouer le rôle de sentinelle sur
l'intégralité des territoires de l'Organisation.
En effet, au regard du Titre III du Traité du 17 octobre 1993 instituant
l'OHADA, la Cour de Justice et d'Arbitrage425 a compétence par rapport à tout
ce qui relève du contentieux relatif à l'interprétation et à l'application des Actes
uniformes. Selon l’article 13 du traité de l’OHADA, le contentieux relatif à
l'application des Actes uniformes demeure, de la compétence des juridictions
nationales, en première instance et en appel. C'est à la CCJA qu'est dévolue la
mission d'assurer dans les Etats parties, l'application et l'interprétation commune
du Traité et des règlements pris pour son application, et des Actes uniformes.
Pour ce faire, la CCJA jouit de fonctions juridictionnelles, consultatives et
arbitrales.
En matière juridictionnelle, l’article 14 du traité de l’OHADA prévoit que la
Cour est saisie par la voie du recours en cassation. La Cour, au stade de la
cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des
Etats membres, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à
l'application des Actes uniformes et des Règlements426. A l'exception toutefois
des décisions impliquant des sanctions pénales. La CCJA se prononce également
sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats
parties, dans les mêmes contentieux. Mais en matière de cassation, l'OHADA
425http://www.ohada.org/ccja.html (page consultée le 12 janvier 2011). 426 En matière de contentieux, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne retient sa compétence que lorsque
le pourvoi qui lui est adressé est formé soit contre une décision rendue par une Cour d’appel d’un Etat parti, soit
contre une décision non susceptible d’appel rendue par une juridiction nationale (c'est-à-dire en dernier ressort),
et que l’affaire examinée soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ou d’un Règlement
prévu au traité. Voir l’ordonnance n°002/2001/CCJA du 13 juin 2001 (Affaire Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale du Cameroun dite CNPS et Maître EHONGO NEMES C/ SARL PAMOL PLANTATION LTD) ; Arrêt
n°19/2004/CCJA du 17 juin 2004 ( Affaire Société Guinéenne d’Assurances Mutuelles dite SOGAM C/ Société
Nationale d’Assurances Mutuelles dite SONAM et Autres ; Arrêt n°032/2006 du 28 décembre 2006 « Affaire
Nouvelle Scierie Serve et autres C/ Vincent Pierre LOUKROU. »
249
présente une certaine originalité. Car, à ce niveau, contrairement aux juridictions
nationales de cassation qui sont de simples juridictions de droit, la CCJA évoque
et statue au fond de l'affaire427. Cette option de l'OHADA se justifie par la
volonté très manifeste d'imposer une réglementation juridique unifiée, unique
pour tous les Etats de l'OHADA. Car si la CCJA a la faculté d'évoquer et de
statuer au fond, quand un litige est porté à sa connaissance, la Cour peut non
seulement indiquer la juste application de l'Acte uniforme ou du Règlement,
mais en outre lorsqu'elle évoque et statue sans renvoi, cela permet de gagner du
temps, d'éviter les divergences de solutions qui proviendraient des différentes
Cours d'appel nationales, et le risque d'un second pourvoi devant la cour
supranationale. Dans ce cas, la jurisprudence a retenu une compétence générale
pour examiner un pourvoi en cassation mixte dont les moyens sont fondés aussi
bien sur les dispositions d’Acte uniforme OHADA que sur les règles de droit
interne d’un Etat partie428.
Cette option originale de la CCJA a, entre autres vertus, celle de réaliser une
unification de la jurisprudence. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour
publie périodiquement ses Arrêts dans un recueil spécialement prévu à cet effet.
La Cour commune a également des fonctions en matière consultative. En effet,
selon l'article 14 alinéa 2 du Traité de l'OHADA, la Cour peut être consultée par
tout Etat partie, ou par le Conseil des ministres pour toute question relative à
l'application des Actes uniformes et des Règlements. La même faculté est
également reconnue aux juridictions nationales saisies pour les mêmes 427 Toutefois, il convient de préciser que ce pouvoir exorbitant confié à une Cour de cassation avait déjà été
retenu en Côte d’Ivoire dans le cadre d’une réforme du Code de Procédure Civile relativement aux procédures
d’exécution. Voir l’ouvrage collectif de ETOUNDI Félix Onana, BOUBOU Pierre, M’BOSSO Jacques, La
problématique de l’Unification de la Jurisprudence par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage,
éditions, « Droit au service du développement », février 2008, p. 16. 428 Arrêt n°11/2002/CCJA du 28mars 2002 (Affaire Société MANUTECH C/ Société DOLOMIES et DERIVES
DE COTE D’IVOIRE) ; Arrêt n°18/2005/CCJA du 31 mars 2005 (Affaire AFRICOF et ZAHER NAJIB C/
SGBCI).
250
questions. En outre, la CCJA a des compétences arbitrales, car l'objectif de
l'OHADA est de promouvoir, aujourd'hui, le règlement de tout litige relatif à
l'application des Actes uniformes par le recours à l'arbitrage. En effet,
l'organisation veut aujourd'hui casser le monopole de l'arbitrage étranger qui
avait cours, même lorsque le litige faisait intervenir un Etat ou une entreprise
africaine. Ainsi l'OHADA a élaboré un système dualiste d'arbitrage : d'une part,
il existe un Acte uniforme relatif à l'arbitrage de manière générale ; il s'agit de
l'Acte uniforme du 11mars 1999, entré en vigueur le 15 juin de la même année ;
il régit l'arbitrage ad hoc et les arbitrages qui se tiennent sous les auspices des
centres nationaux d'arbitrage, telle que la chambre de commerce, d'industrie, et
d'agriculture de Dakar (CCIA) ou la Cour d'Arbitrage de la Côte d'Ivoire
(CACI).
D'autre part, il existe un système d'arbitrage conçu et placé sous les auspices
de la CCJA, régi par les articles 21 à 25 du Traité et par les dispositions du
règlement d'arbitrage du 11mars 1999.
b) UEMOA
La Cour de Justice de l'UEMOA est la clef de voûte du contrôle
juridictionnel au sein de l'Union. Instituée par l’article 38 alinéa 1 du Traité, la
Cour de Justice de l’UEMOA est organisée par le Protocole additionnel N°I et
l’Acte N°10/96 du 10 mai 1996 portant statut de la Cour de Justice de
l’UEMOA. Les juges, désignés par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement429 « parmi des personnalités offrant toutes les garanties
d’indépendance et de compétence juridique, nécessaires à l’exercice des plus
hautes fonctions juridictionnelles », le sont pour un mandat de six (6) ans
renouvelable. Leur statut vise à conforter cette indépendance (prestation de
serment, octroi de privilèges et immunités, secret des délibérations, interdiction
429 Article 2 du protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
251
de tout cumul avec des fonctions politique, administrative ou juridictionnelle).
Le président de la Cour de Justice est désigné par ses pairs pour un mandat de
trois (3) ans.
Selon l’article 1er du Protocole additionnel N°1, « la Cour de Justice veille au
respect du droit quant à l’interprétation et à l’application »430. Dans le cadre de
cette mission, elle assume deux (2) fonctions essentielles : l’une contentieuse,
l’autre consultative.
Dans sa fonction contentieuse, la Cour est, à titre principal, en charge du
« contentieux de la déclaration »431, du contentieux de l’annulation et du
« contentieux de l’éviction »432.
Le « contentieux de la déclaration » qu’elle a à connaître comprend deux
branches.
La première est constituée, selon l’article 5 du Protocole additionnel N°1, par le
recours en manquement des Etats, et est uniquement ouvert aux Etats membres
et à la Commission. Si la commission estime qu’un Etat membre ne s'est pas
conformé aux obligations communautaires, elle adresse à cet Etat un avis motivé
à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Si
l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai imparti par la
Commission, celle-ci peut saisir la Cour de Justice.
Cette procédure est également ouverte à chaque Etat membre, après saisine
préalable de la Commission. Celle-ci doit émettre un avis motivé, après avoir
mis l'Etat concerné en mesure de présenter ses observations. Si la Commission
430 Article premier du Protocole additionnel n° 1 de1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 431Ce type de contentieux aboutit à la constatation d’une situation ou à l’interprétation d’une norme non assortie
de sanctions. 432Ce type de contentieux aboutit à écarter l’application d’une norme, voire son annulation.
252
n'a pas émis d'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'affaire
peut être portée directement devant la Cour.
Si la Cour estime le recours fondé, elle constate le manquement. Tous les
organes de l'Etat membre concerné ont l'obligation d'assurer, dans les domaines
de leurs pouvoirs respectifs, l'exécution de l'arrêt. En cas d'abstention de l'Etat
membre dont le manquement a été constaté, la Commission a la faculté de saisir
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement afin qu'elle invite l'Etat
membre défaillant à s'exécuter sans préjudice des sanctions prévues à l'article 74
du Traité de l'Union relatif à l'exercice de la surveillance multilatérale.
La seconde est représentée par le renvoi préjudiciel en interprétation qui ne peut
être déclenchée que par une juridiction nationale ou une autorité à fonction
juridictionnelle.433
Lorsqu'un problème d'interprétation du Traité de l'Union, de la légalité et
d'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, de la légalité et
d'interprétation des statuts des organismes créés par acte du Conseil, se pose
devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours,
cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions
préjudicielles à la Cour434.
Lorsqu'une question de même nature est soulevée devant une juridiction
nationale statuant en dernier ressort, celle-ci est obligée de saisir la Cour.
433Article 12 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 434 Voir l’arrêt n°02/2005, affaire « Compagnie Air France représentée par Maîtres GENIE, SANKALE ET
FAYE contre Syndicat des Agents de voyage et de Tourisme du Sénégal, représenté par Maîtres TOUKARA et
ASSOCIES ». Dans cette affaire, le Conseil d’Etat du Sénégal a posé, en application de l’article 12 du Protocole
additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, une question préjudicielle portant sur
l’interprétation de l’article 7-2° de la Directive n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative à la coopération
entre la Commission et les structures nationales de concurrence des Etats membres pour l’application de l’article
88, 89 et 90 du traité de l’UEMOA.
253
Le contentieux de l’annulation repose sur l’aménagement d’un recours objectif
en annulation des actes du Conseil et de la Commission dans le délai de deux
mois ; ce recours est ouvert aux particuliers435. Le recours en appréciation de la
légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires436 ; les
règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le
Conseil et la Commission. Ce recours est ouvert à toute personne physique ou
morale, contre tout acte d'un organe de l'Union faisant grief437.
Les Etats membres, le Conseil et la Commission peuvent former un recours en
appréciation de la légalité contre les règlements, directives et décisions.
Le recours en appréciation de la légalité doit être formé dans un délai de deux
(2) mois, à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou,
à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
Quant au « contentieux de l’éviction », il se développe dans deux directions
avec :
1. la possibilité de soulever, lors d’un litige, l’exception d’illégalité 438 ;
2. l’existence d’un recours préjudiciel en appréciation de la validité d’un
acte émanant des instances de l’Union439.
A titre accessoire, la Cour de Justice est compétente pour connaître, dans le
cadre du contentieux de pleine juridiction, des litiges relatifs à la réparation des
dommages causés par les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans 435Article 8 al.2 du Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 436 Voir arrêt n°001/2006 du 05 avril 2006, affaire « Eugene YAÏ c/ la Conférence des chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’UEMOA ». Dans cette affaire, il s’agit d’un recours en appréciation de la légalité de l’Acte
Additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005 pris à Niamey par le Président en exercice de la conférence des chefs
d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA. 437 Voir Affaire n°02/2002 « Akakpo Tobi Edoé contre la commission de l’UEMOA ». En l’espèce, il s’agit d’un
recours en annulation contre une décision de non renouvellement de contrat de travail. 438 Article 11 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 439Article 12 al.1er du Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
254
l’exercice de leurs fonctions440, ceux opposant l’Union à ses agents dans les
conditions déterminées au statut du personnel441 et les différends entre Etats
membres relatifs au Traité de l’Union442. La Cour de Justice est seule
compétente pour déclarer engager la responsabilité non contractuelle et
condamner l'Union à la réparation du préjudice causé, soit par des agissements
matériels, soit par des actes normatifs des organes de l'Union ou de ses agents
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Les agents de l'Union ne peuvent engager la responsabilité de celle-ci que pour
des dommages causés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs
fonctions443. Toutefois, ces agents peuvent être tenus de réparer en totalité, ou en
partie, les préjudices subis par l'Union en raison de faute personnelle commise
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
L'action en responsabilité contre l'Union ou celle de l'Union contre les tiers ou
ses agents se prescrivent par trois (3) ans à compter de la réalisation des
dommages. En cas de pluralité de fautes ou de mise en jeu de la responsabilité
d'un tiers, les juridictions nationales peuvent être saisies. Dans ce cas, la Cour ne
peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours devant les juridictions
nationales.
La Cour peut aussi être amenée, en plein contentieux, à se prononcer sur les
décisions et sanctions que la Commission a pu prendre contre des entreprises qui
n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou qui ont abusé de leur
440 Article 15 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 441Article 16 du Protocole additionnel N°1. 442Article 17 du Protocole additionnel N°1. 443 Voir affaire n°01/2000 « Dieng Ababacar contre Commission de l’UEMOA ». Dans cette affaire, la Cour a
rejeté un recours en indemnisation d’un fonctionnaire qui a concouru personnellement à la réalisation de son
propre préjudice.
255
position dominante sur le marché de l'Union444. Elle peut modifier ou annuler de
telles décisions, réduire ou augmenter le montant des amendes et des astreintes,
opérer des constatations, imposer aux entreprises des obligations.
Dans le cadre de sa fonction consultative, la Cour peut non seulement être
amenée, à la demande du Conseil, de la Commission445 ou d’un Etat membre446,
à opérer un contrôle préventif de conventionalité d’un acte communautaire ou
international, mais aussi à jouer un rôle de jurisconsulte puisqu’investie d’une
compétence d’avis et de recommandation. Elle peut émettre des avis et
recommandations sur tout projet de texte soumis par la Commission447.
Le Conseil des Ministres, la Commission ou un Etat membre, peut recueillir
l'avis de la Cour sur la compatibilité d'un accord international existant, ou en
voie de négociation, avec les dispositions du Traité de l'UEMOA.
444 Voir l’arrêt avant-dire droit n°01/2012 du 22 février 2012, affaire « SUNEOR SA et autres c/ UNILEVER CI
et autres, Commission UEMOA ». Dans cette affaire, le juge de l’UEMOA a demandé à la Commission de
l’UEMOA, la production de tout document, la fourniture de tout renseignement permettant d’apprécier les
conséquences au plan de la concurrence, de la mise en œuvre de l’opération de concentration visée par l’article 1
de la décision n°09/2008 du 22 octobre 2008 et/ou de désigner un expert pour éclairer la Cour sur l’opération de
concentration sanctionnée par la commission de la concurrence. 445 Voir Avis n°02/2000 « Avis de la Cour de Justice de l’UEMOA du 2 février 2000 relatif à l’interprétation de
l’article 84 du Traité de l’UEMOA ». 446 Voir Avis n°01/2003 « Avis de la Cour du 18 mars 2003 relatif à la création d’une Cour des Comptes au
Mali ». 447 L’article 15 paragraphe 7, premier alinéa du Règlement de Procédures, donne compétence à la Commission,
au Conseil des Ministres et aux Etats membres de l’Union, pour saisir la Cour en consultation pour avis sur un
texte au stade de projet. Aux termes de l’article 16 alinéa 4 des Statuts de la Cour, cette dernière doit, en la
matière, être saisie par un organe compétent. Cependant, la Cour, par souci d’efficacité, apprécie avec flexibilité
les conditions de recevabilité. C’est pourquoi elle a déclaré recevable en la forme une demande d’avis émanant
du Directeur des Affaires Juridiques de la BCEAO qui n’est pas un représentant d’un organe de l’Union
compétent pour agir en son nom dans ses rapports avec les autres organes de l’Union. Voir AVIS n°1/96 du 10
décembre 1996 portant demande d’avis de la BCEAO sur le projet d’agrément unique pour les banques et les
établissements financiers.
256
Lorsqu'elle est saisie par la Commission, le Conseil des Ministres, la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement, ou un Etat membre, la Cour peut émettre
un avis, sur toute difficulté rencontrée dans l'application ou l'interprétation des
actes relevant du droit communautaire.
La question sur laquelle l'avis consultatif est demandé, est exposée à la Cour par
requête écrite qui précise le point sur lequel l'avis de la Cour est demandé. Il y
est joint tout document pouvant servir à élucider la question.
La Cour remplit également des fonctions d'arbitre en vertu d'un compromis
établi par les Etats membres, à l'occasion de la survenance d'un litige relatif à
l'interprétation ou à l'application du Traité. Selon le Professeur Alioune Sall, « il
s’agit de la possibilité de recourir, pour les Etats qui le désirent, au mode de
règlement arbitral. »448
Les Etats parties au compromis y précisent la procédure applicable à leur litige.
Par sa structure et surtout ses compétences, la Cour de Justice de l’UEMOA se
révèle une juridiction d’intégration sans précédent en Afrique de l’Ouest. Par la
centralisation de l’interprétation du droit et l’institution d’un contrôle de légalité
de l’activité exécutive et normative de l’Union, les concepteurs de l’UEMOA
ont entendu soumettre cette dernière à un contrôle juridictionnel étroit.
c) CEDEAO
Aux termes de l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour de Justice de la
CEDEAO est composée de sept (7) juges indépendants, choisis parmi les
personnes de haute valeur morale, ressortissants des Etats membres449, possédant 448 SALL Alioune, La justice de l’intégration : réflexion sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de
l’UEMOA, Dakar, éditions CREDILA, 2010, p. 29. 449 La Décision A/DEC.02.06/06 portant création d’un Conseil judiciaire de la Communauté a mis en place une
instance chargée de « gérer le processus de recrutement des juges de la Cour de Justice de la Communauté ».
257
les qualifications requises dans leurs pays respectifs pour occuper les plus hautes
fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes de compétence notoire
en matière de droit international450 et dont l’âge varie entre 40 et 60 ans. Ils sont
nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois par la Conférence,
sur proposition du Conseil des Ministres451.
Dans le Protocole originel relatif à la Cour de Justice, tout comme dans le
Protocole A/P/17/91 signé le 6 juillet 1991 à Abuja et portant amendement du
protocole originel, la Cour de Justice de la CEDEAO avait été pensée comme
une juridiction internationale dont le prétoire était ouvert aux seuls Etats. Ce
faisant, le particulier ne pouvait accéder à la Cour que par le biais de son Etat
d'origine452.
Mais depuis l’adoption du Protocole A/SP.1/01/05 signé le 19 janvier 2005 à
Accra et portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de
Justice, nous sommes passés d’une saisine fermée à une saisine ouverte aux
particuliers communautaires. La Cour de Justice de la CEDEAO est devenue
une véritable juridiction communautaire que les particuliers peuvent saisir sans
intermédiaire en matière d’appréciation de la légalité des Actes communautaires
et de droits de l’homme. Elle a des compétences en matière contentieuse et
consultative.
Dans sa fonction contentieuse, la Cour est en charge de plusieurs contentieux,
à savoir le contentieux de la déclaration, le contentieux de l’annulation, le
contentieux de pleine juridiction et le contentieux relatif aux Droits de
l’Homme. 450 Selon le Professeur Alioune SALL, le texte de la CEDEAO ne constitue pas un obstacle à la désignation de
juges issus de professions non judiciaires, comme des universitaires. SALL Alioune Op.cit. p. 50. 451Article 4 du protocole d’Abuja de 1991. 452Article 9 §.2 et 3 du Protocole A/P/17/91.
258
Le contentieux de la déclaration qu’elle peut connaître comprend non
seulement le recours en manquement des Etats 453ouvert aux Etats membres et à
la Commission 454et le renvoi préjudiciel455 en interprétation qui peut être
déclenché par une juridiction nationale de sa propre initiative ou à la demande
d’une des parties au différend456.
Le contentieux de l’annulation concerne le recours objectif en appréciation de
la légalité457:
- d’une action par rapport aux textes de la Communauté, ouvert aux
Etats membres, au Conseil des ministres et à la Commission;
- contre tout Acte de la Communauté faisant grief, ouvert à toute
personne physique ou morale. Le recours en appréciation de légalité
n'est d’ailleurs pas enfermé dans des délais comme c'est le cas dans le
cadre de l'Union Européenne ou celui de l'UEMOA.
Le contentieux de pleine juridiction est relatif à la réparation des dommages
causés par les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de
leurs fonctions 458et aux litiges opposant la CEDEAO à ses agents 459mais après
épuisement des voies de recours interne460. 453Article 9 §.1 d. 454Article 10.a. 455 Article 10 f. 456Les juridictions nationales ou les parties concernées, lorsque la Cour doit statuer à titre préjudiciel sur
l’interprétation du Traité, des Protocoles et Règlements ; les juridictions nationales peuvent décider d’elles-
mêmes, ou à la demande d’une partie au différend de porter la question devant la Cour de Justice de la
Communauté pour interprétation. Contrairement à la situation en vigueur dans l’UEMOA où le juge a un pouvoir
discrétionnaire dans le déclenchement de la procédure préjudicielle, dans la CEDEAO, référence faite à l’article
10.f du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005, le juge national se trouve en situation de compétence liée.
Une différence qui risque d’être source de problèmes. 457Article 9 §.1 c. 458Article 9 §.1.g et 9 §.2.
259
Quant aux contentieux des Droits de l’Homme, il échoit à la Cour
conformément aux dispositions de l’article 9 §.4 du Protocole A/SP.1/01/05 du
19 janvier 2005 en ces termes : « La Cour est compétente pour connaître des cas
de violation des Droits de l’Homme dans tout Etat membre ». Cette compétence
est étendue puisque selon l’article 10.d, pour :
toute personne victime de violations des Droits de l'Homme ; la demande
soumise à cet effet :
i) ne sera pas anonyme;
ii) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu'elle
a déjà été portée devant une autre Cour internationale compétente.
Le texte ne pose pas la condition d’usage de l’épuisement des voies de recours
interne.
Désormais l'individu ouest-africain peut contester devant la Cour de Justice de la
Communauté tout Acte de la communauté, entendu au sens large, c'est-à-dire
englobant à la fois les Etats membres, et les institutions de la CEDEAO, qui
porte atteinte à ses intérêts ou qui lui fait grief. Il en est de même dans les cas de
violation des Droits de l'Homme. La seule limitation à ce droit d'accès garanti
par le Protocole additionnel est l’absence de moyens du requérant. La
reconnaissance de ce droit au particulier appelle plus de prudence des Etats
membres dans le cadre de l’adoption de normes juridiques internes en vue
d’assurer un cyber-sécurité. En ce sens que certaines restrictions d’accès
peuvent être qualifiées comme des atteintes au droit à l’information.
459Article 9 §.1.f. 460Article 10.e.
260
En ce qui concerne la fonction consultative, la Cour émet des avis juridiques
sur des questions qui requièrent l’interprétation des dispositions du Traité sur
saisine de la Conférence, du Conseil des ministres, de tout Etat membre, la
Commission et de toute autre institution de la Communauté. En cas de difficulté
sur le sens et la portée d’une décision ou d’un avis consultatif de la Cour de
Justice, il appartient à la Cour de l’interpréter461.
Selon l’article 28 de l’Acte Additionnel A/SA 3/01/07 relatif au régime
juridique applicable aux opérateurs et fournisseurs de services « tous les
différends doivent être traités conformément à la législation nationale.
Toutefois, les parties peuvent faire recours auprès de l’instance judiciaire de la
CEDEAO ou auprès de toute autre instance juridique compétente. ».
Ce nouvel Acte Additionnel ouvre une voie de recours aux opérateurs devant le
juge communautaire de la CEDEAO. A l’occasion des travaux du Comité
national de la transposition, un débat de fond a eu lieu sur le recours devant le
juge de la CEDEAO. La question est de savoir s’il s’agit d’un recours après
avoir épuisé toutes les voies de recours ou un recours alternatif devant la Cour
Suprême nationale. Les opérateurs de télécommunications étaient pour la
consécration en droit national du caractère alternatif au recours devant la Cour
Suprême. Tandis que les représentants du ministère de la justice voudraient qu’il
soit un recours possible après épuisement de voies de recours internes462. Ce
débat est tranché en faveur de la position des représentants de l’Etat. Selon
l’article 149, « Les décisions de l’ARTP peuvent faire l’objet de recours devant
la haute juridiction administrative nonobstant un recours gracieux préalable.
461Art 23 du Protocole d’Abuja de 1991. 462 Voir le rapport du comité national de transposition du 2 aout 2010. Document inédit, mais disponible à
l’ARTP et au Ministère de la communication.
261
Le recours contentieux n’est pas suspensif. Le sursis à exécution de la décision
peut être ordonné par la haute juridiction administrative.
Toutefois, après épuisement des voies de recours internes, l’institution judiciaire
de la CEDEAO peut être saisie. ».
L’analyse des textes fondateurs des juridictions communautaires révèle une
réelle volonté d’intégration juridique. Les procédures de saisine de ces juges
communautaires en constituent de parfaites illustrations.
2. La procédure devant le juge communautaire
L’OHADA, l’UEMOA et la CEDEAO ont chacune une procédure
spécifique.
a) OHADA
Toute partie, à un litige devant la CCJA, doit se faire représenter par un
conseil étant entendu que la procédure en vigueur dans cette institution est
essentiellement écrite. Hormis les principales parties litigieuses, une possibilité
d'intervention des tiers au contentieux, objet du recours en cassation a été prévue
par le droit communautaire de l’OHADA.
Selon l'article 23 du Règlement de Procédure de la CCJA, « le ministère
d'avocat est obligatoire devant la Cour (...) ». C'est donc dire que, contrairement
aux juridictions de fond des Etats parties où les parties peuvent conclure en
personne, tel n'est pas le cas devant la CCJA où la représentation de chacune des
parties par un avocat est d'ordre public. En outre, l'avocat, qui doit
nécessairement être inscrit à l'un des barreaux des Etats membres, doit être muni
d'un mandat spécial de la partie qu'il représente. Dans une affaire rendue le 26
262
mai 2005, la CCJA a déclaré irrecevable un mémoire qui ne porte pas la
signature de l’avocat investi du mandat spécial de représentation par les
défendeurs au pourvoi463.
La procédure, aux termes de l'article 34 du même texte, est essentiellement
écrite. En d'autres termes, ni les parties ni leurs avocats ne sont tenus de se
déplacer devant la Cour. Il leur suffit seulement de faire parvenir le recours en
cassation dans le délai de deux mois de la signification de la décision attaquée.
Dans plusieurs affaires, la CCJA a déclaré le pourvoi irrecevable pour non-
respect du délai464. Le recours doit obéir aux conditions de l'article 28 du
Règlement. Tandis que le mémoire en réponse doit respecter les conditions de
l'article 30 du même Règlement et être envoyé au greffe de la CCJA soit par
envoi postal recommandé avec accusé de réception, soit par remise contre
récépissé ou attestation de dépôt. Toutes ces formalités doivent, évidemment, se
faire dans le respect du principe du contradictoire.
Toutefois, la Cour peut, à la demande de l'une des parties, organiser, dans
certaines affaires, une procédure orale. Les parties sont alors entendues à
l'audience par la voie de leurs conseils après que le juge-rapporteur, désigné à
cet effet, ait présenté son rapport. La Cour rend ensuite son arrêt. Mais il y a lieu
de retenir que dans la plupart des procédures orales, la Cour met l'affaire en
délibéré pour arrêt à être rendu à une date ultérieure.
Actuellement, la langue de travail de la Cour est le français.
463 Arrêt n°030/2005/CCJA du 26 mai 2005 ; affaire Société SATOYA GUINEE S.A c/ Maîtres ABOUBACAR
CAMARA et BOUBACAR TELIME SYLLA. 464 Arrêt n°17/2005/CCJA du 24 février ; Affaire Murielle Corinne Christelle et KOFFI SAHOUOT Cédric c/
Société ECOBANK ; arrêt n°005/2004 du 08 janvier 2004 ; affaire OGUNBEKUN IBUKU OLUWA c/ SCI
COLIBRIS ; dans cette affaire, le pourvoi est déclaré irrecevable pour avoir était formé hors délai.
263
b) UEMOA
A l'analyse, il apparaît que ce sont les mêmes règles que celles que nous
trouvons habituellement dans les organisations internationales qui sont en
vigueur au sein de l'UEMOA et de l'OHADA. Il s'agit, en effet, de la
détermination du siège des cours. Le siège est fixé par la Conférence des chefs
d'Etats et de gouvernement. Ainsi, la Cour de Justice de l'Union, conformément
à l'Acte Additionnel n° 10/96 portant statut de la Cour, au regard du Protocole
additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA, a son siège à
Ouagadougou.
Le Président de la Cour, en fonction du rôle des audiences, détermine la date,
convoque les membres, et fixe la durée des sessions.
Le français est la langue de travail465, par conséquent il est utilisé devant la Cour
communautaire, mais il est toutefois donné à la juridiction d'utiliser la langue du
défendeur lorsque celui-ci ne comprend pas la langue de travail.
La procédure ordinaire ou normale en vigueur au sein de la juridiction de
l'UEMOA est de nature mixte. Car elle comporte une double phase : une phase
écrite, et une seconde étape orale. Toutefois, entre les deux phases, il peut y
avoir une phase d'instruction. Pour ce qui est de l'étape écrite, il faut tout d'abord
distinguer l'introduction de l'instance et la conduite de l'instance. Pour ce qui est
de la première, il s'agit d'une requête introductive d'instance, accompagnée d'une
consignation au greffe de la juridiction. Tout demandeur à la Cour de l'UEMOA
doit introduire une requête adressée au greffe des cours466. Les cours peuvent
être saisies soit par un Etat, soit par un organe de l'organisation, ou de la
465 Article 21 du Règlement n° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant règlement de procédure de la Cour
de Justice de l’UEMOA. 466 Article 26 du Règlement n° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant règlement de procédure de la Cour
de Justice de l’UEMOA.
264
communauté, soit enfin par toute personne physique ou morale justifiant d'un
intérêt légitime. Lorsque la requête est introduite, elle doit contenir un certain
nombre de mentions à peine d'irrecevabilité. Il s'agit de l'état civil (nom,
prénom...), domicile du requérant, les statuts et ou extrait du registre de
commerce, ou toute autre preuve de l'existence juridique, lorsqu'il s'agit de
personnes morales, et le nom et l'adresse de l'agent ou de l'avocat des constitués.
Elle doit contenir également la désignation de la partie défenderesse, l'objet du
litige, les conclusions, l'exposé des faits et des moyens et, éventuellement, l'acte
dont l'annulation est demandée. L'article 15 du règlement de procédure de
l’UEMOA fixe également le délai à deux mois, à compter de la publication de
l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu
connaissance. Mais lorsqu'il s'agit d'une action en responsabilité contre l'Union,
ou celle de l'Union contre les tiers ou ses agents, elle se prescrit par trois mois.
Par ailleurs, après l'introduction de l'instance, c'est-à-dire la remise du recours
auprès des greffes, il y a la phase de conduite de l'instance. A ce niveau, le
greffier inscrit d'abord le dossier au rôle général, mais c'est le président qui
désigne un juge rapporteur.
Après la phase écrite, prévue par le chapitre II du Règlement
n°01/96/CE/UEMOA, il est prévu au sein de l'UEMOA une phase d'instruction.
Celle-ci correspond aux investigations et recherches à la solution du litige C'est
ainsi que le juge peut rendre, par exemple, un arrêt avant dire droit où il fixe les
mesures d'instructions. De ce fait, le juge peut procéder à des vérifications
d'écritures, à des constatations de fait, en faisant des descentes sur les lieux. S'il
en est ainsi, c'est que la procédure au plan communautaire est de nature
inquisitoriale, parce qu'il apparaît que le juge participe à la recherche de la
preuve de manière très active. Le rôle de ce juge rapporteur sera ponctué par
l'ordonnance de clôture qu'il rend lorsque l'affaire est en état, et par son rapport
265
qu'il présente à l'audience. Ainsi, c'est après l'accomplissement de toutes les
mesures d'instruction que la date de la procédure orale sera fixée.
Selon l’article 35 du Règlement n°01/CE/UEMOA portant Règlement de
procédure de la Cour de Justice de l’UEMOA, « les débats sont ouverts et
dirigés par le Président après présentation du rapport par le juge désigné. Il
exerce la police de l'audience. »
La décision de huis clos comporte défense de publication des débats. Dans la
conduite de l’audience, le Président peut, au cours des débats, poser des
questions aux agents ou aux avocats des parties. La même faculté appartient à
chaque juge, à l'avocat général, aux parties et à leurs représentants. Devant le
juge de l’UEMOA, le ministère d’avocat est obligatoire. Avant la clôture de la
procédure orale, l’avocat général présente ses conclusions. Après avoir entendu
l’avocat général, la Cour peut ordonner à tout moment une mesure d'instruction.
Elle peut donner mission au juge rapporteur d'exécuter cette mesure. La Cour
peut, par arrêt avant dire droit, demander aux parties de produire tous les
documents, de fournir tous les renseignements qu'elle estime nécessaires. En cas
de refus, elle en prend acte. La Cour peut également demander aux Etats
membres et aux institutions, qui ne sont pas parties au procès, tous les
renseignements qu'elle estime nécessaires aux fins du procès. La Cour peut, par
ailleurs, ordonner et confier une expertise à toute personne, corps, organe,
commission ou bureau de son choix et ce dans les conditions déterminées par le
Règlement de procédures. Des témoins peuvent être entendus dans les
conditions fixées par le Règlement de procédures.
La Cour peut aussi ordonner rogatoirement qu'un témoin ou un expert soit
entendu par l'autorité judiciaire de son domicile.
La Cour assume les frais, sous réserve le cas échéant de les faire supporter par
les parties.
266
C) CEDEAO
Une des principales innovations du Protocole additionnel en 2005 a permis
de passer d'une saisine fermée, où le ressortissant de la CEDEAO ne pouvait
accéder à la Cour que par le biais de son Etat d'origine, à une saisine ouverte où
les personnes physiques 467ou morales peuvent saisir la juridiction
communautaire sans intermédiaire. Désormais, le citoyen ouest africain peut
contester devant la Cour tout acte émanant des Etats membres et des institutions,
qui porte atteinte à ses intérêts ou qui lui fait grief. Il en est de même dans les
cas de violation des Droits de l'Homme. L'ouverture de la saisine de la Cour de
Justice de la Communauté a des incidences certaines sur le renforcement du
respect des libertés et des droits fondamentaux.
Sur le plan contentieux, la Cour est saisie par une requête adressée au Greffe.
Cette requête énonce l'objet du différend, les parties en cause et contient un
exposé sommaire des moyens invoqués ainsi que les conclusions du requérant.
Sur le plan consultatif, la requête est faite par écrit et adressée au Greffe. Elle
contient une indication exacte des questions sur lesquelles l'avis est requis et est
accompagnée de tous les documents pertinents susceptibles d'éclairer la Cour.
La saisine de la Cour n'est pas conditionnée par la conclusion d'un compromis.
Tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application des instruments de la
CEDEAO peut être soumis unilatéralement à la Cour par l'une des parties
intéressées au conflit. Avant l'adoption du Protocole additionnel, la saisine de la
Cour était limitée aux Etats membres, aux institutions de la Communauté et aux
467 Nous pensons, à la suite du Professeur Alioune SALL, que l’élargissement de la compétence du juge aux
violations des Droits de l’Homme risque d’avoir deux effets à savoir l’encombrement du prétoire de la Cour et la
dilution du « droit communautaire ». Ce qui risque d’impacter l’efficacité requise dans le traitement du
contentieux communautaire. SALL Alioune op.cit., p. 26.
267
individus. Cependant, il faut noter que les individus n'avaient pas un accès direct
à la Cour. Pour la saisir sur le plan contentieux, ils étaient obligés de faire
endosser leurs requêtes par leur Etat d'origine conformément à l'article 9. 3 du
Protocole de 1991 et ce, après échec des tentatives de règlement à l'amiable. Il
était bien entendu loisible à un Etat de saisir la Cour de Justice de la
Communauté au nom de son ressortissant, lequel était dépourvu de tout recours
face à l'inertie de son Etat. Le citoyen qui est victime de la violation de ses droits
légitimes n'avait aucun recours contre les institutions. Depuis le 19 janvier 2005,
la saisine directe de la Cour par le citoyen a été rendue possible par l'adoption du
Protocole additionnel. C’est ainsi qu’un opérateur de télécommunication est bel
et bien autorisé à saisir le juge de la CEDEAO pour l’interprétation d’un Acte
Additionnel de la CEDEAO sur les télécommunications.
Par ailleurs, avec le mécanisme des questions préjudicielles, le Protocole
additionnel de 2005 règle le problème des rapports entre la Cour de Justice de la
Communauté et les juridictions nationales des Etats membres de la CEDEAO.
La Cour communautaire étant seule compétente pour interpréter les textes
adoptés par ou sous les auspices de la CEDEAO, les juridictions nationales
doivent surseoir à statuer lorsque les textes communautaires qui commandent la
solution du litige pendant devant elles sont ambigus, et renvoyer la question de
leur interprétation à la Cour468. Il faut noter que les juridictions nationales ne
sont pas dessaisies. Le procès est seulement suspendu jusqu'à ce que la Cour
donne son interprétation et permette au juge national de dire le droit.
L'interprétation de la Cour de Justice de la CEDEAO fait foi et a pour effet de
s'imposer aux juridictions nationales. Nous pouvons dire tout simplement que la 468 L’esprit du renvoi préjudiciel est de favoriser une bonne collaboration entre le juge national et le juge
communautaire en vue de promouvoir une cohérence jurisprudentielle. Cela revêt une importance capitale en
droit des télécommunications. En ce sens que le droit national des pays membres n’est qu’une transposition du
droit communautaire en principe. De même, les solutions aux conflits dans le secteur des télécommunications
d’un Etat membre peuvent avoir des incidents dans d’autres pays membres du fait de la dimension transnationale
des réseaux.
268
Cour entretient des rapports de coopération avec les juridictions nationales des
Etats membres. Ces relations peuvent se manifester dans le domaine des
commissions rogatoires, des questions préjudicielles et des voies d'exécution.
S’agissant de l’exécution des décisions du juge communautaire, l'insuffisance de
l'infrastructure administrative communautaire et l'absence de moyens
communautaires de coercition expliquent que les administrations et les
juridictions nationales soient ainsi mises au service de l'application des règles
communautaires.
Le Protocole dispose que « les Etats Membres et les Institutions de la
Communauté sont tenus de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires de
nature à assurer l'exécution des décisions de la Cour ». Il est par ailleurs stipulé
à l'article 15-4 du Traité révisé que: « Les arrêts de la Cour ont force obligatoire
à l'égard des Etats membres, des institutions de la Communauté et des
personnes physiques et morales ».
Les nouvelles compétences de la Cour, après l'adoption du Protocole
additionnel, offrent des perspectives importantes, tant dans le contenu du
contentieux que dans la prise en compte des droits des citoyens de l'espace
communautaire ouest africain. Ceci constitue un défi qui peut être relevé par la
coopération de tous les Etats membres et les différentes institutions de la
CEDEAO.
269
CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE II DE LA PREMIERE PARTIE
L’étude de l’activité de régulation au Sénégal révèle une prise en charge de la
régulation ex ante et de la régulation ex post par le même organe de régulation
au Sénégal.
La principale caractéristique de la régulation ex ante est son orientation vers
le développement de la concurrence et de la promotion du service universel. A
cet effet, des efforts de mise en place d’une régulation asymétrique sur
l’opérateur puissant en vue de favoriser l’interconnexion et un réseau de
télécommunication nationale sont constatés.
De même, des mécanismes de traitement des différends visant la célérité et le
respect des principes du droit processuel sont identifiés.
270
CONCLUSION PARTIELLE DE LA PREMIERE PARTIE
Le cadre institutionnel et normatif de la régulation des télécommunications
au Sénégal est caractérisé par sa genèse et son ouverture à l’intégration africaine
et les meilleures pratiques mondiales. Cependant, à l’épreuve des faits, il est
nécessaire de constater des faiblesses dans ce cadre qui impactent la pratique de
la régulation.
C’est pourquoi il est essentiel de poser une stratégie juridique tendant à
l’amélioration du cadre institutionnel et normatif de la régulation pour espérer
son efficacité.
Dès lors, il nous parait important de poser la question de savoir s’il est
possible de l’améliorer.
271
DEUXIEME PARTIE :
DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGEAL
La formulation d’une stratégie d’amélioration de la régulation des
télécommunications au Sénégal vise à renforcer leur rôle dans la stratégie de
croissance accélérée et à ériger ce secteur au Sénégal au rang de référence en
Afrique.
Cette stratégie d’amélioration porte sur le cadre juridique de la régulation
(Titre I) ainsi que sur l’activité de régulation des télécommunications (Titre II).
272
TITRE PREMIER :
AMELIORATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA REGULATION
La stratégie d’amélioration du cadre juridique de la régulation vise à adapter
l’environnement juridique de la régulation à l’évolution technologique.
Par conséquent, elle va porter sur le cadre normatif (chapitre I) et sur le cadre
institutionnel (chapitre II).
273
CHAPITRE I :
AMELIORATION DU CADRE NORMATIF DE LA REGULATION
La stratégie de renforcement du cadre normatif consiste à profiter des
opportunités de l’environnement normatif supranational et à renforcer
l’efficacité des mécanismes nationaux d’adoption de normes applicables au
secteur des télécommunications.
Ce qui équivaut à améliorer le cadre normatif de la régulation par la
rationalisation du droit applicable d’une part (section I) et, d’autre part, à rendre
flexible ce même droit (section II).
274
SECTION I :
RATIONALISATION DU DROIT APPLICABLE
La rationalisation du droit applicable permettra d’éviter les conflits de
normes juridiques nationales et internationales applicables à la régulation des
télécommunications.
Pour rationaliser le droit applicable, il convient de rationaliser les sources
supranationales (paragraphe I) et les sources nationales (paragraphe II).
275
Paragraphe Premier :
Rationalisation des sources supranationales
La rationalisation des sources supranationales passe par la coordination
entre les organisations sous-régionales dans lesquelles le Sénégal est membre (1)
et la mise en place d’un mécanisme permettant la cohérence entre le droit
communautaire et les engagements internationaux des pays membres (2).
1. Coordination entre les organisations sous -régionales dans lesquelles le
Sénégal est membre
Le Sénégal est un Etat membre de l’UEMOA, de la CEDEAO et de
l’OHADA. Par conséquent, il est assujetti aux règles juridiques adoptées par ces
différentes organisations communautaires.
L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a des
compétences dans le domaine des télécommunications. Aux termes de l’article
63 du traité de l’UEMOA, les Etats membres considèrent leurs politiques
économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein
du Conseil en vue de la réalisation des objectifs de l’Union. C’est ainsi que
l’UEMOA a adopté, en 2006, des directives portant sur les télécommunications
pour favoriser la création d’un marché commun.
A l’instar de l’UEMOA, la Communauté Economique Des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a aussi adopté des Actes Additionnels, en
2007, pour permettre l’existence d’un marché communautaire des
télécommunications.
276
Dans cette même veine, le projet « OHADA télécoms »469 de l’Organisation
pour l’Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA) vise la mise en place
d’un cadre harmonisé des télécommunications dans les Etats membres.
Devant cette pluralité des sources communautaires, il est nécessaire d’établir des
mécanismes de coordination entre ces instances communautaires pour éviter des
conflits de normes. En effet, « les ordres juridiques ne constituent pas des
mondes clos sur eux-mêmes, ils entretiennent au contraire des relations de
complémentarité ou de contradiction »470. Les organisations supranationales
d’intégration sont d’autant plus concernées par cette affirmation qu’elles sont
habilitées à sécréter un droit à la charnière du droit international et des droits
internes471. L’ordre juridique supra-étatique qu’elles mettent en place se
caractérise par un mode particulier de production et de réalisation du droit
ressortissant au schéma fédéral, schéma caractérisé par :
La superposition de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque
élément composant l’ensemble soient simultanément soumis au droit de
l’élément et à celui de l’ensemble et que ses organes agissent simultanément
comme organes propres de l’élément et comme organe commun de
l’ensemble.472
Déjà fort complexe quand il s’agit d’une relation duale, la situation devient
presque inextricable quand elle met en présence plusieurs ordres juridiques au 469Mohamadou Diallo, « L’Afrique, l’harmonisation du cadre réglementaire des télécoms, une super priorité »,
19 février 2005 (http://www.ohada.com/infohada_detail.php/ . Page consultée le 18 février 2010). 470 Jet S. Combacau, Droit international public, Paris, 2ème édition Montchrestien, 1995, p.17.
471 Chapitres III du titre II et du titre III concernant respectivement le régime juridique des Actes pris par les
organes et les ressources de l’Union. 472E. Cerexhe, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », Revue Burkinabè de Droit, n°
39et 40, spécial vingtième anniversaire, thème : intégration régionale et droit, p.19.
277
niveau supérieur de la superposition comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest.
Le problème, ici, réside non seulement dans la multitude des repères proposés au
juge national, mais aussi dans la nature des rapports qu’il entretient avec le juge
communautaire. L’intégration ne peut se réaliser dans le cadre d’un espace
juridique diversifié et il n’est pas de droit communautaire sans une unité de
jurisprudence473.
La rationalisation des dispositions institutionnelles de l’intégration africaine
s’impose donc aujourd’hui comme une thérapeutique au manque de
performance des diverses tentatives d’intégration474. La résolution de ce
problème, souvent évoqué mais presque toujours éludé, est primordiale, car le
désordre qui caractérise les multiples interventions des O.I.G.475 africaines
d’intégration constitue un frein à l'efficacité des actions de ces dernières et
expliquent les contre-performances qu’elles affichent depuis plus d’une trentaine
d’années. La rationalisation des Communautés Economiques Régionales (CER)
revient par conséquent à s’attaquer à la fragmentation des espaces régionaux. A
ce propos, le Pr C. ROUSSEAU nous invite à la prudence quand il écrit : « A
beaucoup d’égards, le problème de la contrariété des règles conventionnelles
est encore largement dominé par des facteurs d’ordre politique et son règlement
est fonction des progrès du sentiment du droit chez les Etats contractants »476.
La rationalisation des OIG, leur mise en synergie pour une meilleure efficience,
a des implications de plusieurs ordres qui bousculent des intérêts divers et
solidement établis. En effet, les arrangements institutionnels relatifs à
l’intégration sont plus politiques que techniques. Ils reflètent ou affectent les
473R. Lecourt, « Le juge communautaire », Gazette du Palais, 1964, I, doctrine, pp. 49-54. 474 Certains auteurs proposent l’adoption de mécanismes juridiques permettant une harmonisation ou une
coordination de plusieurs ordres juridiques tout en laissant à chaque logique ses spécificités ; ce qui permet
d’obtenir dans l’articulation des normes. Voir M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, Paris, Seuil,
1994. 475 Organisation intergouvernementale. 476C. ROUSSEAU, Droit international public, Paris, 11ème édition, Dalloz, 1987, p.55.
278
relations entre Etats ou groupes d’Etats, et ont des implications pour la carrière
des fonctionnaires qui sont ressortissants de ces Etats477. Pour donc avoir
quelques chances de réussir, il faut, en effet, éviter un écueil majeur, celui de
vouloir penser la rationalisation exclusivement en termes de hiérarchie, de
rapports de préséance ou de subordination. Recourir à la seule rationalité
managériale pour asseoir un système de coopération inter-OIG., c’est
assurément courir à l’échec. Ceci étant, la coordination des organisations
communautaires s’impose.
Elle suppose que chacune des organisations d’intégration maintienne
l’intégralité de son mandat et de ses objectifs actuels. L’idée, ici, n’est pas de
supprimer les OIG existantes mais plutôt de s’assurer d’une meilleure
harmonisation et coordination des programmes et activités. La rationalisation
devrait par conséquent être entreprise à travers non seulement la stricte
observance des principes et règles inscrits dans les traités constitutifs, mais aussi
dans la normalisation et l’harmonisation des stratégies, des programmes, des
projets sectoriels et des instruments de coopération. Il s’agit d’une part d’œuvrer
à l’amélioration de la pratique institutionnelle et, d’autre part, de promouvoir le
dialogue institutionnel. Ce qui permet d’alimenter « la coopération
477 Voir « L’affaire YAÏ ». Monsieur Eugène YAÏ, de nationalité ivoirienne, avait été désigné par son Etat
comme Commissaire à l’UEMOA. Alors que son mandat n’était pas encore terminé, il a été remplacé sur
autorisation de la conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement. Le Président en exercice avait pris un Acte
Additionnel portant nomination d’un autre Commissaire de nationalité ivoirienne, M. Jérôme Bro GREBE.
Monsieur YAÏ a saisi la Cour de Justice de l’UEMOA aux fins d’annulation de l’Acte Additionnel lui faisant
grief, sur le fondement des textes régissant le statut des commissaires qui prévoient l’irrévocabilité des
commissaires en cours de mandat. En effet, les commissaires ne peuvent être démis qu’en cas de faute lourde ou
d’incapacité, sur décision de la Cour de Justice de l’Union saisie par le Conseil des ministres. La cour, en se
pliant à la volonté des politiques, retient le caractère « manifeste de la volonté de la Conférence des chefs d’Etat
et de Gouvernement de remplacer M. Eugène YAÏ ». Voir arrêt n°03/2005 du 27 avril 2005 entre Eugène YAÏ et
la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement et la Commission de l’UEMOA.
279
juridictionnelle fondée sur une répartition consentie des compétences pour
résoudre les conflits normatifs »478 .
Par ailleurs, les organisations d’intégration ouest-africaines souffrent d’une
absence de pratique institutionnelle, résultat du peu de considérations faites aux
règles régissant l’organisation et des violations des engagements souscrits. En
effet, un scrupuleux respect des actes constitutifs des trois organisations et des
règles du droit international général permettrait d’entrevoir des possibilités de
prévention des crises inhérentes aux éventuelles incompatibilités479.
A cet effet, l’article 14 du Traité UEMOA dispose :
Dès l’entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au
sein du Conseil afin de prendre toute mesure destinée à éliminer les
incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de
l’Union d’une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats
membres d’autre part, en particulier celles instituant des organisations
économiques internationales spécialisées480.
Cette disposition est complétée par les termes de l’article 60 al.2 qui affirme que
« ... la conférence tient compte des progrès réalisés en matière de
rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre
d’organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’Union ».
La CEDEAO, en son article 5 alinéa 1er du Traité dispose que « Les Etats
membres s’engagent […] en particulier à prendre toute mesure requise pour 478 BRAMI Cyril, La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français : essai n’analyse systémique,
Université de Sergy Pontoise Thèse de doctorat soutenue publiquement le 4 décembre 2008», p. 151. 479J. ISSA-SAYEGH, « La production normative de l'UEMOA : essai d'un bilan et de perspectives »,
OHADA.Com, OHADATA D-03-18. 480 Une disposition analogue à l’article 14 figure dans le Traité (CE) de Rome à l’article 234, alinéa 2.
280
harmoniser leurs stratégies et politiques et à s’abstenir d’entreprendre toute
action susceptible d’en compromettre la réalisation ». C’est dire qu’une stricte
application des dispositions suscitées aurait permis d’éviter bon nombre
d’écueils que nous connaissons aujourd’hui.
L’OHADA, enfin, par le truchement de l’article 8, offre, elle aussi, une solution
préventive dans la mesure où selon cet article :
L’adoption des Actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert
l’unanimité des Etats présents et votants. L’adoption des Actes uniformes n’est
valable que si les deux tiers au moins des Etats parties sont représentés.
L’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des Actes uniformes.
Cette disposition du droit originaire OHADA ouvre aux Etats membres de
l’UEMOA la possibilité d’empêcher l’adoption de tout Acte uniforme qui leur
paraîtrait incompatible ou comporter de sérieux risques d’incompatibilité avec le
droit communautaire soit en votant contre, du fait de l’exigence de
l’unanimité481, soit en pratiquant la politique de « la chaise vide » ; leur absence
ne permettant pas d’atteindre le quorum requis des deux tiers482.
Quant au droit international général, il permet, grâce à l’article 30, § 4, b de la
Convention de Vienne, d’envisager un début de solution puisque « Dans les
relations entre un Etat partie aux deux traités [incompatibles] et un Etat partie
à l’un de ces traités seulement, le traité auquel les deux Etats sont parties régit
leurs droits et obligations réciproques »483.
481Article 8 al. 1er. 482Article 8 al. 2. L’O.H.A.D.A. compte, à ce jour, 16 Etats parties dont 7 pays membres de l’UEMOA. 483Une solution, du reste, consacrée, par le droit européen à l’article Article 234, alinéa 1, dispose que: “ Les
droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l’entrée en vigueur du présent traité,
entre un ou plusieurs Etats membres d’une part, et un ou plusieurs Etats tiers d’autre part, ne sont pas affectés
par les dispositions du présent traité ” ; tout comme par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg (CJCE, 12
281
Et comme nous pouvons le constater, ces solutions sont soit très fragiles soit
trop négatives. Ce qui explique peut-être la recherche de solutions alternatives
par la voie politico-diplomatique visant à promouvoir le dialogue institutionnel.
En effet :
L’existence de nombreuses OIG en Afrique de l’Ouest, poursuivant les mêmes
objectifs, a entraîné une duplication des efforts et un gaspillage des ressources
qui auraient pu servir au développement de la sous-région ouest-africaine. D’où
la nécessité de rationaliser les efforts de coopération en Afrique de l’Ouest pour
maximiser les gains de l’intégration régionale484.
Cette prise de conscience est de plus en plus forte en Afrique de l’Ouest où des
actions ont été entreprises par l’UEMOA, le CILSS et la CEDEAO en vue de
parvenir à une cohabitation raisonnable entre les trois OIG485. La première
réunion de coopération entre les premiers responsables de ces trois
organisations486 a débouché sur deux résultats majeurs à savoir l’identification
de dix-sept (17) domaines de coopération et la création de trois (3) commissions
techniques pour préparer le cadre de coopération et les activités de suivi entre
les trois organisations487. Cet effort de coordination est encouragé par les décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21 à 24/72, Rec. 1972, p. 1219 ; CJCE, 14 octobre 1980,
Burgoa, Aff. 812/79, Rec.
1980, p. 2787. 484Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, Mémorandum sur “ Les axes de coopération entre l’UEMOA, le CILSS
et la CEDEAO ”, document référencé ECW/MINCFN/3 septembre 1998, p.1.
485Le Mémorandum sur “ Les axes de coopération entre l’UEMOA, le CILSS et la CEDEAO ” élaboré suite à la
Cinquième réunion du Forum consultatif des Ministres des Finances, Ministres du Plan et Gouverneurs des
Banques Centrales, tenue à Abuja le 24 octobre 1998. 48610 février 1998. 487La commission institutionnelle et juridique, la commission du Commerce et des Echanges commerciaux et la
commission des politiques économiques et sectorielles communes.
282
partenaires financiers de ces OIG et notamment par l’Union européenne qui, à
travers son appui financier aux Etats de la sous-région, travaille à l’instauration
d’une synergie d’action des OIG ouest-africaines.
Ainsi, dans le cadre du Programme Indicatif Régional (PIR) (8ème FED), l’UE
participe, de façon indirecte, à la coordination des activités de la CEDEAO, du
CILSS et de l’UEMOA par l’entremise du Secrétariat permanent chargé de la
coordination et du suivi des activités du Programme Indicatif Régional. Mais
déjà en 1996488, la Commission européenne avait approuvé un programme
d’appui à l’UEMOA489 dénommé Programme d’Appui Régional à l’Intégration
(PARI.) dont l’objectif était d’établir un cadre cohérent d’actions d’appui à la
mise en œuvre du processus d’intégration des pays de l’UEMOA. Cet appui a
contribué à la conception et à l’élaboration des réformes.
Dans une phase ultérieure, aujourd’hui ouverte, l’appui vise à aider les Etats de
l’UEMOA à appliquer ces réformes. Mais il est à souligner que pendant que
l’UEMOA sera dans la phase II de son P.A.R.I., il est prévu un PARI -
CEDEAO (hors UEMOA) sur les réformes à mettre en place. Ainsi, par le biais
de l’article 160 de la Convention de Lomé IV, un début de concertation dans le
sens de la rationalisation s’est instauré. Une tendance que l’Accord de
Cotonou490 renforce et institutionnalise491.
Dans le même ordre d’idée, l’UEMOA a obtenu le statut d’observateur auprès
de l’OHADA pour mieux assurer la coordination des actions des deux
organisations.
488Le 4 octobre 1996 voir, Convention de financement n° 5670/REG). 489Convention de financement n° 5670/REG d’un montant de 12 millions d’euros élargie à 14,4 millions d’euros
par un avenant en 1998. 490Il s’agit de l’Accord de partenariat ACP-CE signé à Cotonou le 23 juin 2000. 491Les articles 28 d) et 7 de l’annexe IV.
283
Dans ce cadre, la Commission de l’UEMOA participe aux réunions techniques
et à celles des instances de l’OHADA. La Commission de l’UEMOA et le
Secrétariat général de l’OHADA se communiquent régulièrement le Bulletin
officiel de l’UEMOA et le Journal officiel de l’OHADA dans lesquels sont
publiés les actes adoptés par les différents organes des deux institutions. C’est
d’ailleurs cette volonté de dialogue qui transparaît dans un avis du 2 février
2000492de l’Union dans lequel la Cour de Justice de l’UEMOA, après avoir
relevé la possible survenance de problèmes de contrariété entre normes UEMOA
et OHADA, affirme « la nécessité d’une concertation entre les deux
organisations en vue de la coordination de leurs politiques normatives et de
l’activité de leurs juridictions respectives ».
En attendant l’aboutissement de la politique de rapprochement institutionnelle
des trois organisations, il convient, dans l’intervalle, d’élaborer un code de
conduite, c’est-à-dire d’édicter des normes assurant les rapports de cohérence
entre les différents ordres juridiques et des principes clairs de résolution des
contrariétés qui pourraient survenir.
Dans cette perspective, l’article 233 du Traité CE dispose que :
Les dispositions du présent Traité ne font pas obstacle à l’existence et à
l’accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg,
ainsi qu’entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas dans la mesure où les
objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application du présent
Traité.
De même le principe “ Lex posterior derogat priori ” prrait trouver à
s’appliquer mais avec un correctif, celui du degré du potentiel intégratif de la
norme en cause. Ce correctif serait assis sur une méthode d’appréciation
téléologique fondée sur la règle de l’effet utile. Ainsi, le critère de référence,
serait celui de la norme la plus porteuse de l’idéal d’intégration. 492 Cour de Justice de l’UEMOA, Avis n°01/2000 du 2 février 2000.
284
A ces règles, il faudrait adjoindre une structure de concertation, de coordination
et de suivi qui regrouperait les responsables des différents organes intégrés des
organisations aux fins d’instaurer une synergie des actions dans la perspective
de la fusion. Il importe d’institutionnaliser la pratique de la concertation. En
effet, « pour éviter les conflits de compétences ou de normes, il semble
raisonnable d'instituer des organes ou des procédures de règlement préventif ou
a posteriori ou, à tout le moins, d'instaurer une concertation permanente entre
les organisations internationales chargées de l'intégration juridique et d'assurer
une publication des résultats de telles concertations »493.
Mais malgré ces efforts de coordination et de mise en cohérence de l’action des
différentes organisations, il y a lieu de dépasser les actions ponctuelles pour
inscrire cette tendance dans la durée par son institutionnalisation.
C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir des mécanismes de mise en cohérence
des normes juridiques communautaires. Le Professeur Alioune SALL494, dans
une réflexion sur le renvoi préjudiciel, propose des mécanismes de collaboration
entre les juges communautaires. Comme il l’a évoqué, le Traité de l’UEMOA et
celui de la CEDEAO ont prévu la possibilité de saisine de leur juge pour avis
par certaines autorités politiques.
La Cour de l’UEMOA peut être saisie par la Commission, le Conseil des
ministres, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement. Quant à la Cour
de la CEDEAO, elle peut être saisie pour avis par la Conférence des Chefs
493J. ISSA-SAYEGH, « La production normative de l'UEMOA : essai d'un bilan et de perspectives », OHADA.
Com, OHADATA D-03-18.
494 Alioune SALL, « Pour une grande pédagogie du contentieux communautaire : réflexions sur la mise en
œuvre des procédures de collaboration avec les juridictions sous régionales (renvoi préjudiciel et demande
d’avis). »
285
d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des ministres, d’un ou de plusieurs Etats
membres et du Président de la Commission.
Cependant, le Professeur note avec regret le caractère disproportionné de
l’usage de cette procédure et propose une plus grande vulgarisation du droit
communautaire.
A notre sens, au-delà de la vulgarisation, les deux juridictions doivent
organiser des séminaires d’échanges d’expériences et signer un accord de
reconnaissance réciproque de leur jurisprudence.
Cette cohérence est nécessaire entre les normes juridiques communautaires.
Mais aussi elle est indispensable entre normes juridiques communautaires et
normes supra communautaires.
2. Mise en place de mécanismes permettant une cohérence entre le droit
communautaire et les règles de droit supra communautaire
Traditionnellement, et en dépit des multiples limites que nos ordres
juridiques ont toujours imposé au principe de la séparation des pouvoirs, s'est
développée une conception essentiellement hiérarchique, linéaire et arborescente
de la structure d'un système juridique. Il « n’existe pas dans la nature de norme
juridique isolée »495. Largement intériorisée tant par les gouvernants que par les
gouvernés, cette conception a traditionnellement dominé et domine souvent
encore la pensée juridique dans ses formes d'expression les plus diverses.
Hiérarchique, la structure du système juridique le sera tant que ses organes,
495 M. Virally, « Le phénomène juridique », RDP, 1966, pp. 5 et suivante, p. 32.
286
comme ses normes, seront tous placés dans une situation de supériorité ou de
subordination les uns par rapport aux autres.
Parmi les théoriciens du droit, Kelsen est incontestablement celui qui a
développé de la manière la plus radicale ce type de conception, en affirmant :
Qu’il est impossible de saisir la nature du droit si nous nous limitons à une
règle isolée. Les relations qui unissent les règles particulières d’un ordre
juridique sont, elles aussi, essentielles à la nature du droit. Il faut donner un
sens clair aux relations qui constituent l’ordre juridique, alors, seulement, nous
comprenons pleinement la nature du droit.496
Cette construction pyramidale et hiérarchique affecte nécessairement, selon lui,
les rapports entre systèmes juridiques, qu'il s'agisse des rapports entre le droit
étatique et le droit international, ou des rapports entre le droit étatique et les
ordres juridiques corporatifs ou ceux des collectivités publiques décentralisées.
Mais comme le relèvent de nombreux auteurs, tels F. OST et M. Van de
KERCHOVE, nous ne pouvons pas nier que ce modèle pyramidal ait connu une
crise profonde. C’est d’ailleurs de cette crise qu’ont émergé d’autres modèles de
hiérarchisation des normes497.
Pour certains, tels H. de VAUPLANE et J. P. de BORNET498, à ce modèle
pyramidal, s’est substitué un système circulaire « qui tend plutôt à concilier des
règles d’origines différentes ».
Pour d’autres, tels OST et Van de KERCHOVE de la crise du modèle
pyramidal émerge progressivement le droit en réseau499 avec lequel l’Etat n’est
plus le foyer central de la souveraineté, les systèmes juridiques s’enchevêtrant. 496 H. Kelsen, Théorie générale du droit et l’Etat, Bruxelles- Paris, Bruylant –LGDJ, 1997, p. 55. 497 F. OST et M. Van de Kerchove, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, p. 232. 498« La hiérarchie des normes communautaires » (http:/www.oboulo.com, Page consultée le 18 décembre 2010). 499 F. Ost, « De la pyramide au réseau : un nouveau paradigme pour la science du droit ? » in A. Supiot, édition,
Tisser le lien social, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004.
287
Le pluralisme normatif caractérisé par la diversité des sources normatives à la
fois publiques (UEMOA, CEDEAO, UIT, OMC) et privées (ISO,
ICANN,…) sonne la fin du monopole de l’Etat sur la production normative.
Le pluralisme « postule l’existence simultanée de plusieurs systèmes juridiques,
notamment non étatiques, en relation d’opposition, de coopération ou
d’ignorance réciproque »500.
Dans une acception plus générale, certains auteurs qualifient de pluraliste toute
situation où une pluralité d’ordres juridiques coexiste au même moment, que ce
soit à l’intérieur de la sphère étatique ou non.501
En vérité, le droit des télécommunications applicable au Sénégal est
essentiellement conforme à la réglementation des télécommunications élaborée
au sein de l’Union Internationale des Télécommunications, de l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) et d’autres institutions internationales publiques
ou privées ayant compétence à secréter des normes applicables dans les Etats
membres.
Devant ce pluralisme exposé au désordre, certains auteurs proposent le dialogue
des cultures juridiques502. Ce dialogue des cultures juridiques passe par une
organisation et posera le défi de la coopération. D’autres parlent de « pluralisme
ordonné »503.
Comme nous l’avons évoqué plus haut, le pluralisme renvoie à la dispersion, au
libre mouvement, donc à la séparation de systèmes autonomes et fermés. Alors
500 N. Rouland, « Acculturation juridique » in D. Alland et S. Rias, Dictionnaire de la culture juridique, PUF,
Paris, 2003, p. 4. 501 M. Van de Kerchove, « Les rapports entre systèmes juridiques : en clôture et ouverture », in J-L Bergel, Le
plurijurisdime P .U.A.M, Aix-en-Provence, 2003 p. 39. 502 Ghislain Otis, Abdallah CISSE, Paul De Deckker Wanda Mastor, « Cultures juridiques et gouvernance dans
l’espace francophone », éditions des archives contemporaines 41 rue Barrault 75013 Paris, 2010 p. 33. 503 M. Delmas-MARTY, Le pluralisme ordonné, Paris, le Seuil 2006.
288
que le terme d’ordre invite à penser en termes de structuration, voire de
contrainte. Pour dépasser la contradiction, il faut réussir à respecter la diversité
tout en permettant une harmonie d’ensemble. Autrement dit, emprunter au
Professeur Mireille Delmas Marty un « pluralisme ordonné »504, c’est prendre
le pari qu’il est possible de renoncer au pluralisme de séparation. Car la clôture
des systèmes de droit est devenue illusoire à l’heure où la mondialisation
multiplie les interdépendances, mais sans adhérer pour autant à l’utopie de
l’unité juridique du monde au nom d’une sorte de pluralisme de fusion.
Elle suppose des relations entre des ensembles normatifs non hiérarchisés entre
eux, à quelque niveau qu’ils se trouvent dans l’espace normatif. De telles
relations peuvent s’établir d’un niveau à un autre, comme une façon de pallier
les discontinuités dans la chaîne hiérarchique, mais le phénomène s’observe
surtout entre des ensembles de même niveau (national, régional ou mondial), par
imitation d’abord, et ensuite par renvoi, plus ou moins explicite, selon les cas.
Ainsi, dans le domaine des télécommunications, le Sénégal est membre de
l’Union Internationale des Télécommunications. Par conséquent, les règles
adoptées par cette organisation lui sont applicables.
De même, il est membre de l’ICANN505. C’est l’organisation mondiale en
charge de la gestion des noms de domaine. Elle est créée en 1998 pour assurer
une gouvernance mondiale de l’Internet.
Ces deux organisations internationales secrètent des normes dont l’application
est nécessaire pour l’interopérabilité des réseaux de télécommunications établis
au Sénégal avec les autres réseaux.
504 M. Delmas –Marty, op.cit, p. 256. 505Internet Corporation Assigned Name and Numbers.
289
Il est heureux de constater que les représentants de l’ICANN participent aux
travaux des groupes d’étude de l’UIT. Ce qui facilite l’harmonisation dans
l’élaboration de la norme applicable aux Etats membres. De même, les emprunts
pourraient donc être facilités et leurs effets renforcés par la nouveauté même de
la construction juridique. Ils sont néanmoins difficiles à repérer, sauf au cas où
les textes, de ces emprunts flagrants, sont quasiment recopiés l’un sur l’autre
avec de faibles variantes.
Par ailleurs, dans le domaine de l’interconnexion, il est plus indiqué que les
organisations sous-régionales empruntent les dispositions qui régissent
l’interconnexion au niveau international comme celles contenues dans la
Convention de Melbourne de 1988 portant règlement des télécommunications
internationales. L’avantage est de garantir une cohérence entre le droit
communautaire et le droit international sur les obligations et les droits des Etats
dans le cadre du contrôle du trafic international entre deux réseaux se situant
dans des pays différents.
Il ne suffit pas, seulement, d’assurer la rationalité des sources normatives
supranationales mais d’assurer aussi celle des sources normatives nationales.
290
PARAGRAPHE II :
Rationalisation des sources nationales
La rationalisation des sources nationales du droit des télécommunications
passe par une mise en cohérence entre les sources nationales(1) et une
adaptation des cahiers des charges des opérateurs de télécommunications (2).
1. Mise en cohérence entre les sources nationales
Les sources nationales du droit des télécommunications, outre la
Constitution, sont la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002506 portant cadre de
régulation des entreprises concessionnaires de service public, la loi 94-63 du 22
août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique, les lois de
2008 sur la société de l’information507 et le code des télécommunications. Ce
dernier est le droit sectoriel de la régulation au Sénégal. Elle définit les règles
d’organisation et de fonctionnement d’un organe de régulation. Tandis que le
code des télécommunications est la source principale du droit sectoriel des
télécommunications.
A l’analyse des dispositions substantielles de ces textes, il est aisé de relever
certaines incohérences. L’exposé des motifs de la loi n°2002 -23 a donné
quelques lignes directrices pour asseoir cette indépendance, à savoir
l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des pouvoirs privés, la 506 . Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002. 507 Il s’agit de :
- la loi 2008-10 du 25 janvier 2008 portant loi d’orientation sur la société de l’information ;
- la loi 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel ;
- la loi 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité ;
- la loi 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques ;
- la loi 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie. Journal Officiel n° 6441 du 6 décembre 2008.
291
désignation par appel à candidature des dirigeants et des cadres. Dans l’article
12, la loi consacre le principe d’incompatibilité avec une autre fonction
rémunérée. Cependant, ces dispositions sont fondamentalement différentes des
dispositions des articles 46, 47 et 48 du code des télécommunications de 2001
qui ne consacrent pas ces principes dans la désignation des dirigeants de
l’organe de régulation. Il est heureux de constater que la loi 2011-01 du 24
février 2011 est en phase avec ces dispositions de la loi 2002-23. Selon l’article
151 du code des télécommunications de 2011 :
La qualité de membre du Collège et de Directeur général de l’ARTP est
incompatible avec quelque autre fonction rémunérée ou non, tout mandat électif
national, toute fonction gouvernementale ainsi que toute détention directe ou
indirecte d’intérêts dans une ou des entreprises d’un des secteurs régulés. Les
membres du Collège ne peuvent pas avoir une relation commerciale avec
l’ARTP.
L’ARTP devra se doter d’un code d’éthique applicable aux membres du Collège,
au Directeur général et aux employés. Ce code d’éthique, élaboré par le
Directeur général, est adopté par le Collège.
Par ailleurs, le Sénégal a engagé une réforme du secteur de l’audiovisuel au
terme de laquelle de nouvelles dispositions seraient applicables dans le secteur.
Le projet de Code de la presse a adopté des dispositions qui seraient applicables
à l’attribution des fréquences audiovisuelles. Il est impératif que les dispositions
substantielles des différents codes et leurs décrets d’application ne soient pas en
contradiction pour éviter des difficultés d’application.
2. Adaptation des cahiers des charges
Le cahier des charges fixe les conditions d’établissement et d’exploitation
du réseau et de la fourniture de services de télécommunications ainsi que les
292
engagements du titulaire de la licence. Ci-dessous sont présentés pour chaque
opérateur les objectifs relatifs aux niveaux de qualité de service à fournir.
SONATEL Mobiles
Les objectifs fixés à SONATEL concernent prioritairement l’accessibilité
et la qualité de service commercial et technique du service de téléphonie fixe.
Des objectifs portant sur les services mobiles ne figuraient pas dans le cahier
des charges de SONATEL. Mais avec le décret n°2011-265 du 23 février
2011 portant approbation du cahier des charges de SONATEL modifié, le
cahier des charges de SONATEL est harmonisé avec celui d’EXPRESSO
Sénégal508. .
- SENTEL GSM
Les obligations mentionnées dans le cahier des charges de SENTEL GSM et
concernant la qualité de services sont citées ci-après :
- Le service doit être opérationnel de façon continue, 24h/24 y
compris les samedis, dimanches et jours fériés 509;
- assurer une qualité de service respectant les niveaux des
indicateurs ci-après :
taux de perte < 4% ;
offrir une qualité d’écoute au moins équivalente au minimum
spécifié dans les normes en vigueur ;
508 Ce nouveau décret accorde à SONATEL les droits d’établissement et d’exploitation de service de troisième
génération. C’est pourquoi le nouveau cahier des charges de SONATEL est quasiment une copie du cahier des
charges d’EXPRESSO Sénégal pour respecter une égalité de traitement entre les deux opérateurs titulaires de
licence globale. 509 Voir l’article 2.1 et 2.2 du cahier des charges de SENTEL Gsm.
293
- EXPRESSO Sénégal
L’Annexe 5 du cahier des charges de l’opérateur EXPRESSO Sénégal 510définit les valeurs des objectifs annuels minimaux de couverture et de qualité
de service.
Il convient de rappeler que l’interconnexion est un mécanisme de connexion
entre les différents réseaux de télécommunications, dont l'objectif est de
permettre à chaque abonné d'un opérateur de communiquer librement avec
d’autres abonnés, quel que soit le réseau auquel ils sont raccordés. Cela
nécessite une harmonisation technique ainsi qu’un accord contractuel souvent
bilatéral entre les opérateurs de réseau. Beaucoup de problèmes de QOS511
soulignés sont liés à l’interconnexion des différents réseaux.
Le code des télécommunications de 2011 prévoit des dispositions sur
l’interconnexion notamment, les conditions générales techniques et financières
d’interconnexion des réseaux de télécommunications ouverts au public ainsi que
les procédures d’arbitrage des litiges entre les exploitants desdits réseaux.
Par ailleurs, il faut préciser que l’ARTP approuve le catalogue d’interconnexion
des opérateurs désignés en position dominante512. Les obligations des opérateurs
dans le cadre de l’interconnexion sont souvent relatives à :
510 Voir la page 29 du cahier des charges d’EXPRESSO Sénégal approuvé par le décret n°2007-1333 du 7
novembre 2007 portant approbation de la Convention de concession entre l’Etat du Sénégal et la société
« SUDAN TELECOM COMPANY Ltd ». 511 C’est l’abréviation en anglais de la qualité de service « Quality of service ». 512La position dominante est une position sur le marché de produits ou de services qui donne à l'entreprise qui la
détient des comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrentes, de ses clients
et finalement des consommateurs. L’analyse de position dominante passe par la définition préalable du marché
pertinent. Celle-ci se fait en fonction du critère de substituabilité des produits ou services susceptibles de
constituer le marché. Voir les développements sur la partie concernant la régulation ex ante.
294
- l’acheminement du trafic qui se fait dans les mêmes conditions
techniques, de disponibilité et de qualité de l’ensemble des
communications écoulées dans leur réseau ;
- l’ouverture de chaque point d’interconnexion suivant la
disponibilité d’accès sur ces commutateurs, la disponibilité
d’équipements sémaphores, la disponibilité de ressources en
processeurs ;
- la responsabilité du dimensionnement des faisceaux.
En outre, il est demandé de respecter la qualité de bout en bout du service
téléphonique de base, les spécifications en ce qui concerne la répartition des
allocations de dégradation de la qualité vocale entre les réseaux. En ce sens,
c’est dans la convention que sont précisés les paramètres de retard d’écho,
d’affaiblissement du trajet d’écho, de stabilité, de distorsion, de quantification et
de bruit.
De même, il est exigé que la qualité de transmission vocale soit conforme aux
normes internationales de l’UIT relatives aux réseaux fixes et aux réseaux
mobiles.
Les paramètres de dégradation de la qualité vocale à prendre en compte sont les
suivants :
- les paramètres de l’écho (affaiblissement sur le trajet d’écho et
retard sur le trajet d’écho) ;
- la stabilité ;
- la distorsion de quantification ;
- le bruit.
Les opérateurs titulaires de licence sont liés avec l’Etat par une convention de
concession à laquelle est annexé un cahier des charges. En vertu du principe de
295
non-discrimination, l’Etat devrait actualiser les cahiers de charges des opérateurs
pour y introduire les indicateurs de qualité conformes à l’évolution
technologique. En plus, cette harmonisation permettra de garantir les mêmes
obligations à la charge des opérateurs qui sont dans le marché sénégalais.
De cette analyse des cahiers des charges des opérateurs et du cadre
réglementaire, nous constatons que les engagements des opérateurs et le code
des télécommunications, et ses décrets d’application, ne prévoient pas
d’indicateurs de qualité de service encore moins d’indicateurs adaptés à
l’évolution technologique513.
C’est pourquoi, il est nécessaire de faire un benchmark pour définir des
indicateurs adaptés à l’environnement de la convergence. En effet,
l’harmonisation des conventions de concession et des cahiers des charges des
opérateurs titulaires de licence permettra de garantir le respect des principes de
transparence, de non-discrimination et d’égal accès.
Cette harmonisation ne serait efficace que si les obligations prévues à la charge
des opérateurs sont adaptées à l’évolution technologique. Ce qui permettra en
conséquence de disposer des conventions d’interconnexion et des catalogues
d’interconnexion adaptés à l’évolution technologique.
C’est cette évolution technologique qui appelle l’application d’un droit flexible.
513 Voir Fatou Diack « Note technique d’analyse sur le dispositif de suivi de la qualité de service des réseaux
mobiles au Sénégal », document inédit. Disponible à l’ARTP du Sénégal.
296
SECTION II :
NECESSAIRE FLEXIBILITE DU DROIT APPLICABLE
La flexibilité du droit applicable vise à adapter la capacité d’intervention du
régulateur à l’évolution technologique.
Elle passe par un renforcement du pouvoir réglementaire de l’ARTP
(paragraphe I) et de celui du caractère inclusif du processus d’élaboration des
normes (paragraphe II).
297
Paragraphe Premier :
Renforcement du pouvoir réglementaire résiduel du régulateur
Le renforcement du pouvoir réglementaire résiduel se justifie (1) mais il doit
être encadré (2).
1. Renforcement du pouvoir réglementaire résiduel du régulateur
L’ARTP a actuellement un pouvoir réglementaire résiduel. En effet, le
pouvoir réglementaire appartient au Président de la République. Mais les
« Décisions » prises par les organes dirigeants de l’ARTP peuvent contenir des
dispositions réglementaires. C’est ainsi que la liste des services à valeur ajoutée
est fixée par décision de l’ARTP. Aux termes de l’article 34 de la loi 2011-01 du
24 février 2011 :
L’exploitation commerciale des services à valeur ajoutée est assurée librement
par toute personne physique ou morale après avoir déposé, auprès de l'Autorité
de régulation, une déclaration d'intention d'ouverture du service.
L’Autorité de régulation tient la liste des services à valeur ajoutée.
Par ailleurs, l’ARTP, en vertu de son pouvoir réglementaire résiduel, détermine
les marchés pertinents et les opérateurs puissants. Selon l’article 13 :
L’Autorité de régulation détermine, au regard notamment des obstacles au
développement d'une concurrence effective, les marchés pertinents du secteur
des télécommunications.
298
Après avoir analysé l'état de la concurrence sur ces marchés, l'Autorité de
régulation établit annuellement la liste des opérateurs réputés exercés une
puissance significative sur chacun de ces marchés.
De même, dans le cadre du contrôle de la concurrence, le régulateur peut utiliser
son pouvoir réglementaire pour éviter des pratiques anticoncurrentielles dans le
marché de détail. En effet, l’article 15 de la loi 2011-01 du 24 février 2011
prévoit qu’une décision de l’ARTP peut imposer aux opérateurs puissants les
obligations suivantes :
1. fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires;
ne pas coupler abusivement de telles prestations ;
2. pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;
3. respecter un encadrement pluriannuel des tarifs défini par l'Autorité de
régulation des télécommunications et des postes ;
4. informer l'Autorité de régulation de ces tarifs préalablement à leur mise en
œuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés ; l'autorité peut
s'opposer à la mise en œuvre d'un tarif qui lui est communiqué en
application du présent alinéa par une décision motivée explicitant les
analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition ;
5. tenir une comptabilité des services et des activités qui permettent de
vérifier le respect des obligations prévues par l’article 15 du code des
télécommunications.
Le respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un
organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.
299
L’attribution d’un pouvoir réglementaire résiduel au régulateur permet de
rendre plus efficace l’intervention du régulateur. Le Professeur Marie-Anne
Frison Roche considère que les pouvoirs d’éditer des normes générales, de
tarifer, le pouvoir d’agréer, de sanctionner doivent être reconnus du régulateur
pour renforcer son efficacité514. En effet, les télécommunications sont
caractérisées par une évolution constante. De ce fait, l’efficacité de la régulation
dépend, en grande partie, de sa capacité à anticiper les mutations ou à réagir
rapidement dans le sens d’accompagner l’innovation.
Par contre, l’environnement réglementaire actuel n’est pas de nature à faciliter
l’intervention rapide du régulateur. S’il est établi que certaines dispositions des
décrets d’application du code des télécommunications tombent en désuétude du
fait de l’évolution de la technologie, le régulateur ne pourra que faire une
proposition à l’adresse du Président de la République. Dans les faits, la
procédure de signature d’un décret est souvent longue et peut donner lieu à des
modifications dans le texte qui en vident souvent l’efficacité.
Pourtant le pouvoir réglementaire du régulateur ne doit pas être sans limite.
2. L’encadrement du pouvoir réglementaire renforcé
Le régulateur concentre en son sein un pouvoir judiciaire, un pouvoir
exécutif et un pouvoir législatif. Le défaut d’encadrement de ce pouvoir expose
à des abus pour reprendre la pensée de Montesquieu en la matière. C’est
pourquoi il faut contrôler et encadrer le pouvoir réglementaire de l’ARTP. Elle,
l’ARTP, doit être indépendante du gouvernement. La légitimité de son
indépendance tient dans sa capacité à rendre des comptes mais aussi dans 514 Marie-Anne FRISON ROCHE, « La régulation, nouveau mode de gouvernance économique », in Forum de
la régulation, op.cit., p. 29.
300
l’obligation de respecter les principes consacrés par le code des
télécommunications et la possibilité de censure de ses décisions par la Haute
juridiction administrative. La violation de ses exigences nécessaires à une
régulation saine, est sanctionnée par la mise en œuvre de la responsabilité
civile, voire pénale, du régulateur. Nous pensons, avec le Professeur Fabrizio
KAFAGGI, que la qualification de l’activité de régulation et de ses règles doit
conditionner, au moins partiellement, la nature et les effets de la responsabilité
mise en cause lorsque les régulateurs exercent « incorrectement » ou manquent
à l’exercice de leur activité515.
Par ailleurs, le dynamisme des associations de société civile, notamment les
associations de consommateurs, constitue un contre-pouvoir efficace pour
contrôler et limiter le pouvoir réglementaire du régulateur. C’est en ce sens qu’il
est nécessaire de procéder au renforcement de leurs compétences.
C’est pourquoi il est nécessaire d’étendre le pouvoir de décision du régulateur
pour la prise de certaines décisions nécessaires pour dynamiser le secteur.
Cependant, ce pouvoir doit être exercé en écoutant les acteurs du secteur.
515 Fabrizio Cafaggi, « Gouvernance et responsabilité des régulateurs privés », in revue internationale de droit
économique, 2005/2 t.XIX, 2 p. 128.
301
Paragraphe II :
Renforcement du caractère inclusif du processus d’élaboration des normes
Deux moyens essentiels permettent de rendre inclusif le processus
d’élaboration des normes. Il s’agit de l’association des acteurs dans le processus
d’élaboration de la norme (1) et la mise en place d’une procédure de
consultation publique (2).
1. Implication des acteurs dans le processus d’élaboration de la
norme
Le secteur des télécommunications est composé d’acteurs publics et privés.
Les acteurs publics sont l’Etat et ses démembrements. Tandis que les acteurs
privés sont les opérateurs titulaires de licence, les fournisseurs de services, les
associations de consommateurs et les autres acteurs de la société civile.
L’association des acteurs dans le processus d’élaboration de la norme renforce la
légitimé de celle-ci. Certains auteurs considèrent que l’implication des acteurs
dans le processus de décision et d’élaboration de la norme est au cœur du droit
de la régulation. Ainsi, soutiennent ils516que « le droit de la régulation apparaît
comme le droit de l’articulation tant par le processus d’élaboration que par ses
sanctions. ». La norme revêt souvent un caractère négocié par la participation
de ses destinataires à cette élaboration.
Prenant conscience de cette nécessité, l’UIT a soumis parmi les questions
devant faire l’objet d’examen au sein de la commission d’étude 1 le thème
suivant : « Application des politiques et réglementations nationales relatives à
516 Voir Fabris Siriainen de Boeck université, « Droit d’auteur » contrat « droit de la concurrence » : versus
« droit de la régulation » », in revue international de droit économique, 2001/4-t . XV, 4, p. 435.
302
la protection du consommateur, en particulier dans le contexte de la
convergence »517. Car elle considère la participation des consommateurs dans la
conception de la législation renforce la légitimité et l’efficacité de la norme.
La légitimité est la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en
équité518.
Elle repose sur une autorité fondée sur des bases juridiques, éthiques ou morales,
et permet de recevoir le consentement des membres d'un groupe.
La participation des acteurs à l’élaboration de la norme renforce la légitimité et
la légalité.
L’efficacité est une marque de l’américanisation du droit, un signe de l’influence
croissante du droit économique, ou la preuve d’un salutaire retour au réalisme.
Le critère de l’efficacité tend, de plus en plus, à paraître décisif, à la fois pour la
justification de la règle, pour sa validité juridique, et pour la crédibilité de son
auteur.
Le souci de l’efficacité du droit marque une rupture avec les conceptions
dogmatiques suivant lesquelles la validité du droit réside plus en lui-même, dans
la logique de sa propre construction, qu’elle ne résulte de sa réalisation sociale.
Jusqu’à une époque récente, la justification de la règle de droit était en effet
exclusivement recherchée non dans les effets qu’elle était susceptible de
produire, mais dans le respect des critères de légitimité tenant à la règle elle-
même. C’était déjà le cas dans le perspectif jus naturaliste, où la valeur de la
règle était essentiellement liée à sa conformité à certains idéaux ou valeurs :
Justice, « droite raison » ou « ordre naturel ». Cela l’était encore dans le cadre
du positivisme, où la légitimité de la norme venait de ce qu’elle était établie
517 Voir document de la réunion de la commission d’étude 1 du 05 au 9 septembre 2011 à Genève, Document n°
1/117E du 30 aout 2011. (www.itu.int. Page consultée le 18 septembre 2011). 518 Définition du dictionnaire Petit Larousse. Op.cit.
303
conformément au principe de légalité, édicté par les autorités compétentes et
selon une procédure établie. Or, depuis quelques années, au contraire, ce qui
vient justifier la loi, ce sont moins ses qualités intrinsèques ou l’identité de son
auteur que son efficacité.
A l’inverse, même s’il est vrai qu’une norme juridique ne cesse pas d’être
juridique lorsqu’elle n’est pas respectée , même si, juridiquement, la désuétude
n’entraîne pas en tant que telle l’annulation d’une règle de droit qui peut, après
une longue période de non application, être redécouverte par ses destinataires, il
n’en reste pas moins vrai que même une notion aussi étroitement juridique que
celle de validité renvoie à des phénomènes sociopolitiques d’acceptation et de
légitimation de la norme, lesquels sont également indissociables de l’efficacité
de celle-ci. En d’autres termes, il existe un lien qu’il ne faut pas négliger entre
l’efficacité du droit, sa validité, et la représentation du droit dans l’esprit de ses
destinataires (reconnaissance de la légitimité d’un ordre juridique et des règles
qu’il comporte).
Donc, l’efficacité de la norme ne peut être dissociée du problème de sa validité.
Dans un secteur aussi stratégique que les télécommunications, les acteurs
doivent être associés à l’élaboration de la norme pour sa légitimité et son
efficacité.
De même, le public devrait être saisi pour donner son opinion.
2. Mise en place d’une procédure de consultation publique
La procédure de consultation publique consiste à recueillir l’avis du public
dans toute décision essentielle pour le secteur des télécommunications,
notamment à travers :
- l’organisation d’audiences publiques ;
- la mise en place d’organes consultatifs et de conseil ;
304
- la représentation des consommateurs.
C’est le sens de l’article 131 du nouveau code des télécommunications.
Aujourd’hui, certains régulateurs organisent des discussions en ligne à travers
des forums sur les grands enjeux de la régulation519. La consultation peut
consister en organisation de séminaires d’échanges avec les différents groupes
d’acteurs du secteur (associations de consommateurs, parlement, magistrature,
ordre des avocats, collectivités locales, administration publique).
Il est heureux de constater que le code des télécommunications consacre
l’obligation de consultation publique. L’article 131 de la loi 2011-01 du 24
février 2011 portant code des télécommunications prévoit que l’ARTP consulte
les entreprises des secteurs régulés, les associations de consommateurs et, le cas
échéant, le grand public, avant de faire aux ministères sectoriels compétents des
propositions motivées pour tout projet les concernant.
D’autre part, le régulateur peut mettre en place des comités consultatifs sur les
grands sujets comme l’interconnexion, la portabilité, le dégroupage.
Une régulation efficace s’appuie sur des mécanismes d’échange efficace avec
les acteurs du secteur.
519 C’est le cas de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques de la France qui organise des
forums de discussion en ligne sur les grands enjeux de la régulation comme le dégroupage, la portabilité entre
autres. (www.arcep.fr. Page consultée le 12 juin 2009).
305
CHAPITRE II :
Amélioration du cadre institutionnel : mise en place d’une régulation
convergente et indépendante
La mise en place d’une régulation convergente consiste à fusionner les
deux institutions de régulation qui s’occupent, respectivement, des
télécommunications et de l’audiovisuel (section I). Cette nouvelle autorité
multisectorielle doit être indépendante pour assumer les missions qui lui sont
dévolues (section II).
306
SECTION I : FUSION DE L’ARTP ET DU CNRA
L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes est chargée
de la régulation des télécommunications et des postes, par la loi 2011-01 du 24
février 2011.
Tandis que le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA)
assure la régulation du secteur de l’Audiovisuel, en application de l’article
premier de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création de cette
institution.
De la fusion de ces deux organes de régulation naîtra une autorité de
régulation multisectorielle.
Les justifications de cette fusion sont à rechercher dans la convergence elle-
même (paragraphe I). Car celle–ci appelle une unité institutionnelle de la
régulation des télécommunications et de l’audiovisuel et des postes, capable de
rendre effective le service universel (paragraphe II).
307
PARAGRAPHE I :
JUSTIFICATIONS D’UNE REGULATION CONVERGENTE
De prime abord, il convient de rappeler qu’il n’existe pas une définition
universelle de la convergence. Toutefois, nous pouvons retenir avec le livre vert
de la Commission européenne sur la convergence qu’elle est « la capacité de
différentes plateformes à transporter des services essentiellement similaires, soit
le regroupement des équipements grands publics comme le téléphone, la
télévision et les ordinateurs personnels. »520.
De cette définition, nous pouvons retenir que la convergence des réseaux est née
de l’association des télécommunications à l’informatique et à l’audiovisuel.
Les réglementations de ces différentes activités présentent deux
caractéristiques fondamentales.
La première est leur forte sectorisation. Les télécommunications et
l’audiovisuel font l’objet d’une réglementation distincte.
Dans le contexte actuel du Sénégal, l’étanchéité des réglementations relatives
aux télécommunications et à l’audiovisuel est fondée sur la distinction cardinale
entre la correspondance privée désignant les communications circulant sur les
réseaux de télécommunications ou par les services postaux, au caractère
inviolable521, et la communication audiovisuelle véhiculée par les médias de
masse, et dont le caractère public légitime une réglementation distincte522.
La seconde caractéristique de ses dispositifs réglementaires est leur relative
complexité, liée à la complémentarité entre la régulation sectorielle propre à
520 Livre vert sur la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de
l’information, et les implications pour la réglementation , Commission Européenne, Bruxelles, décembre 1997,
p. 1. 521 La violation du secret de correspondance est sanctionnée par l’article 167 du code pénal sénégalais. 522 L’article 3 du code des télécommunications exclut du champ d’application du code les contenus audiovisuels.
308
chaque secteur et en principe transitoire523, et la régulation de la concurrence
d’application générale et permanente524.
Devant cette situation, nous constatons, à la suite de Laurent Cohen Tanugi,
que la convergence a provoqué un « brouillage des frontières sectorielles»525.
En effet, il n’y a plus de frontière entre les télécommunications et les médias526.
Grâce aux technologies informatiques, un consommateur peut : recevoir sur son
micro-ordinateur des images d’une chaîne de télévision diffusée par câbles527,
naviguer sur Internet tout en communiquant avec un interlocuteur à l’autre bout
du monde par la Voix sur IP (VoIP)528.
Les technologies IP ont complètement révolutionné l’architecture des réseaux de
communication529, en particulier avec le développement des réseaux large
bande, avec ou sans fil.
C’est pourquoi nous assistons aujourd’hui, dans le cadre du processus de
transition de l’analogie vers le numérique, à deux phénomènes.
523 Il faut noter que l’ARTP assure à la fois les missions de régulation sectorielle et de la concurrence dans le
secteur des télécommunications sur le fondement de l’article 127 de la loi 2011-01 du 24 février 2011.
De la même manière, le CNRA assure la régulation sectorielle et de la concurrence dans le secteur de
l’Audiovisuel sur le fondement de la loi 2006-04 du 4 janvier 2006. 524 Voir Flash NPA, « L’analyse de la régulation du marché de la TNT soumis à l’avis des acteurs du marché »,
n°617 du 08 février 2012, p. 9. 525 Laurent Cohen Tanugi, « Quelle régulation en Europe pour l’ère de la convergence ? », in Réseau, Volume
18 n°100, p. 289. 526 Voir présentation de Constant Nemale, Président et Fondateur de la chaine d’information numérique Africa24
« Offre des Services de TV attrayants pour l’Afrique ». Disponible sur
http://comworldseries.msgfocus.com/c/&N0CutsDB2jlZvqu4yY2MBngZ9. Page consultée le 20 juin 2012. 527 En France, le marché de la télévision connectée est en pleine expansion. 52 millions d’unités seront installées.
D’ici à 2014, 60 % des foyers seront équipés en écrans connectés. Voir Flash NPA, « 5 sujets TV à la une : TV
numérique -TV connectée - Apps TV - Catch Up TV- social TV », n°609 du 23 novembre 2011. 528 Institut Panos Afrique de l’Ouest, « Dialogue entre acteurs de la régulation des médias et des
télécommunications à l’ère de la convergence en Afrique : enjeux et perspectives », Cotonou, février 2006.
Disponible sur le site www.cipaco.org/.../convergence/cotonou%20convergence%20app; page consultée le 12
mars 2011. 529 Voir Hazar Aouad, Transport de flux Temps Réels dans un Réseau IP Mobile, Londres, Ecole Nationale de
Télécommunications, thèse de doctorat en Télécommunications, 2005.
309
D’une part, des opérateurs audiovisuels demandent la modification de leur
convention de concession pour pouvoir utiliser la technologie IP530.
Et d’autre part, les opérateurs de télécommunications sollicitent une
extension du périmètre de leur licence à l’offre de contenus audiovisuels531.
De ce fait, nous avons constaté une tentative d’opérateur multinational de
télécommunication d’entrer dans le marché de l’Audiovisuel en signant des
conventions532 de partenariat avec des opérateurs du secteur de l’Audiovisuel533.
Est-ce sous la régulation des télécommunications pour leurs offres de service de
communication ? , ou est-ce sous la régulation des médias pour leurs offres de
service en information ?
Telles sont les interrogations qui interpellent l’Etat, surtout devant la
convergence des marchés.
Déjà le cinquième (5ème) forum des régulateurs de télécommunications en
Afrique qui s’est tenu à Kampala en 2004, avec le soutien de l’UIT/BDT534,
tirait la sonnette d’alarme. La recommandation Un (1) du Forum précise que
« les pays devraient mettre en place des cadres juridiques, institutionnels,
530 EXCAF Télécom, opérateur audiovisuel au Sénégal a obtenu l’extension du périmètre de sa convention à
l’utilisation de la technologie IP. De même, « Hizbut-Tarqiyyah TV » a signé avec l’Etat du Sénégal une
convention de concession lui permettant d’utiliser la technologie IP. Voir Rédaction de Htcom «C’est parti : Al
Mouridiyyah TV enfin disponible sur Roku ». http://www.htcom.sn/article2907.html. Page consultée le 20 juillet
2012. 531 La SONATEL sollicite une extension du périmètre de sa licence à la production de contenus audiovisuels.
Déjà, l’opérateur historique du Sénégal offre de la télévision sur ADSL. 532Startimes, opérateur multinationale appartenant à des Chinois, a signé une convention de consortium avec la
Radio télévision sénégalaise pour offrir des services de transport audiovisuel et un service d’accès à l’Internet. 533 Voir Arnauld Blondet, Directeur Orange Technocentre « Vue d’Ensemble de la Stratégie d’Innovation
d’Orange dans la Région ». Disponible sur
http://comworldseries.msgfocus.com/c/&N0CutsDB2jlZvqu4yY2MBngZ9. Page consultée le 20 juin 20. 534 UIT/BDT : Le BDT est le Bureau du Développement des Télécommunications de l’Union Internationale des
Télécommunications. C’est le secteur de l’UIT qui s’occupe des questions de développement de l’industrie des
télécommunications.
310
politiques et réglementaires appropriés dans un contexte de convergence. L’UIT
devrait apporter le soutien nécessaire aux pays pendant cette transition. »535
Selon l’Union Internationale des Télécommunications, face à la convergence,
les Etats ont le choix entre quatre grandes solutions réglementaires536 :
- maintenir le statu quo ;
- s’appuyer sur les structures en vigueur ;
- élaborer un modèle réglementaire distinct applicable aux nouvelles
activités et qui coexistera avec la réglementation en vigueur pour les
télécommunications et la radiodiffusion ;
- mettre en œuvre un nouveau modèle réglementaire applicable à la totalité
des services existants et nouveaux.
Toutefois, de ces quatre solutions,
Aucun consensus ne s’est toutefois dégagé sur la nécessité d’élaborer une
nouvelle législation ou une nouvelle réglementation face à la convergence des
réseaux et des services. De l’avis de certains gouvernements, il n’est pas
nécessaire d’apporter des changements sur le plan de la réglementation ou des
institutions, tandis que d’autres ont déjà mis ses changements en œuvre537.
Le livre vert de la Commission Européenne proposait trois options
réglementaires pour faire face à la convergence538 :
535 Communiqué final du FTRA, Kampala (Ouagadougou), 3 et 5 novembre 2004. (Disponible en ligne :
http://www.itu.int/ITU-D/afr/events/FTRA-communique-fr.pdf. Page consultée le 18 novembre 2010).
Cité par Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, Régulation des communications électroniques à l’heure de la
convergence en Afrique de l’Ouest et du Centre, Dakar, Instituts Panos Afrique de l’Ouest, août 2005, p. 14. 536 UIT, Tendance des réformes des télécommunications 2003 : promouvoir l’accès universel aux TIC, outils
pratiques pour les régulateurs, chapitre 1, p. 15. 537Opt.cit. pp. 15 -16. 538Cité par Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, Régulation des communications électroniques à l’heure de
la convergence en Afrique de l’Ouest et du Centre, Dakar, Instituts Panos Afrique de l’Ouest, août 2005, p. 54.
311
- option 1 : adapter les réglementations actuelles pour prendre en compte
les caractéristiques spécifiques des nouveaux services ;
- option 2 : créer une catégorie nouvelle de nouveaux services peu
réglementée, coexistant avec les deux grandes catégories traditionnelles
(audiovisuelle, télécommunications) ;
- option 3 : élaborer un nouveau cadre réglementaire commun aux
différents secteurs de la communication.
En notre sens, le Sénégal doit épouser l’option 3 du livre vert en mettant en
place un organe de régulation unique. En effet, le débat s’est reposé dans les
pays du nord et la situation actuelle de la convergence simple l’impose.
En France, le Conseil d’Etat a annulé une décision du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel539 pour défaut de compétence dans une affaire liée à la
convergence. Dans cette affaire, le CSA devait répondre à la question de
savoir « est-ce que le distributeur et l’éditeur sont libres de choisir leurs
partenaires commerciaux ? »540. Le Conseil d’Etat a censuré la décision en
considérant que le CSA n’avait pas compétence à se prononcer sur la
question. Le rapport Mitterrand et Besson proposait de donner à l’ARCEP la
compétence de gérer ces questions541.
539 Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2011 dit l’affaire M6. 540 Décision du CSA du 8 juillet 2008 dit l’affaire M6. 541 En France, le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2011, a annulé une décision du Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel. Il s’agit de la décision du 8 juillet 2008. Dans cette affaire, le CSA devait répondre à
la question de savoir « est-ce que le distributeur et l’éditeur sont libres de choisir leurs partenaires
commerciaux ? ». Le Conseil de la concurrence a censuré la décision en considérant que le CSA n’avait pas
compétence à se prononcer sur la question. Le rapport Mitterrand et Besson proposait de transférer cette
compétence à l’ARCEP. Voir Flash NPA, « 5 sujet TV à la Une : TV numérique-TV connecté-apps TV-catch
UP TV- social TV », n°612 du 14 décembre 2011, p. 6.
312
Par ailleurs, le Président Sarkozy évoque l'hypothèse d'un rapprochement
entre les deux autorités administratives indépendantes à l'heure où « la
diffusion hertzienne [...] va devoir affronter la télévision délinéarisée »542.
Dans un rapport remis le 21 mars 2012 à Claude Greff, Secrétaire d’Etat
à la famille, sur la protection des mineurs à l’heure de la convergence des
médias audiovisuels et d’Internet, le CSA a proposé la création d’un «
référent national » chargé d’harmoniser la protection des mineurs dans
l’Audiovisuel et dans l’Internet. 543 Et tout comme au Sénégal544, le
régulateur audiovisuel français a une mission de protection des publics
mineurs.
Au Royaume-Uni, la convergence a favorisé la fusion de différents
organismes de régulation sectorielle. Cinq instances de réglementation, à
savoir l’Independent Télévision Commission (ITC), la Broadcasting
Standards Commission (BSC), l’Office of Télécommunications (OFTEL), la
Radio Authority (RAU) et la Radiocommunication Agency (RA), ont
fusionné pour former une nouvelle instance de réglementation (OFCOM)545.
En Suisse, il est constaté une forte concurrence entre les câblo-opérateurs
qui offrent un service de transport de contenus audiovisuels et les opérateurs
de télécommunications qui interviennent dans ce marché546.
542 Voir MINDO, « La fusion du CSA et de l'Arcep toujours envisagée », in Réfléchir le numérique : numerama,
Paris, 16 mars 2012. Disponible sur le site : http://www.numerama.com/f/118388-t-la-fusion-du-csa-et-de-
l39arcep-toujours-envisagee.html. Page consultée le 20 mars 2012.
543 Voir Flash NPA, « A la fin du suspens : chérie HD, l’équipe HD, HD1, RMC Découverte, Tvous la
diversité et 6 Ter sélectionnées », n°624 du mercredi 28 mars 2012, page 10. 544 Voir l’article 7 de loi 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de Régulation de
l’Audiovisuel. 545 Voir IUT-T, Réseaux convergents, Genève, édition 2010, p. 153. 546 Les statistiques en Suisse ont révélé les informations suivantes :
313
Dans son rapport annuel de 2011, le CNRA considère qu’elle « devra
étendre sa compétence à des secteurs traditionnellement cloisonnés comme
l’informatique, l’audiovisuel et les télécommunications jetant les bases d’une
nouvelle forme de régulation des médias »547.
De surcroit, l’un des avantages de la fusion de l’ARTP et du CNRA serait de
réaliser des économies d’échelle pour réguler efficacement les différents
secteurs et industries infrastructurelles548.
C’est dire que la convergence des marchés expose la séparation organique
des organes de régulation télécoms et audiovisuel à un risque d’inefficacité.
C’est pourquoi 53,8% des 158 régulateurs de télécommunications que
compte le monde, ont étendu leurs compétences à la radiodiffusion549.
En définitive, la mise en place d’une régulation convergente semble être
inéluctable et pourrait favoriser la convergence des services universels.
PARAGRAPHE II :
OBJECTIFS ET MISSIONS DE L’ORGANE EN CHARGE DE LA
REGULATION CONVERGENTE
• le raccordement à Internet à haut débit fait partie des prestations du service universel : 1Mbit/s depuis le
1er mars 2012 ;
• les raccordements autres que sur fibres optiques (2011) sont ADSL 98%, CATV : 85%, GSM : 100%,
UMTS: 93%, VDSL : extension couverture à 95% prévue pour fin 2013. Voir la présentation de Armin
BLUM, « Haut débit en Suisse: promotions économiques et facteurs d'implantation », FRATEL, 9e
séminaire, Ouagadougou, Burkina Faso, 3 avril 2012.
547 CNRA « Rapport annuel au Président de la République », 2011, p. 51. 548 Emmanuel Machet, « Résumé de la 14ème réunion de l’observatoire européen de l’audiovisuel », in IRIS
Observations juridiques de l’observatoire européen et audiovisuel. Malte 2001. 549 Voir IUT Tendances des réformes dans les Télécommunications 2012 : une réglementation intelligente dans
un monde placé sous le signe de large bande, édition UIT, Genève, 2012.
314
La mise en place d’une Autorité de régulation unique permet au Sénégal
d’épouser une politique sectorielle convergente portée par un ministère déjà
« convergent »550.
Par ailleurs, cette convergence institutionnelle permettra au Sénégal de faire des
économies à l’instar des pays qui ont déjà mis en place une régulation
sectorielle551.
La mise en place d’une régulation convergente permettra d’une part, de faire
revivre l’industrie de la production culturelle locale, notamment la production
audiovisuelle.
D’autre part, elle permettra de développer l’activité des fournisseurs de
services à valeur ajoutée552.
En effet, l’offre de service de contenus audiovisuels échappe au champ
d’application du code des télécommunications553.
550A l’heure où nous rédigeons cette thèse, c’est le même ministre qui est en charge des télécommunications, de
la poste, des technologies de l’information et de la communication. 551 En Afrique, certains pays ont déjà mis en place un organe de régulation multisectorielle. Il s’agit entre autres,
de l’Afrique du Sud (création en juillet 2000 de l’Independent Communications Authority of South Africa
ICASA), du Kenya (la Communication Commission of Kenya, CCKa en charge de la régulation des
télécommunications, de l’audiovisuel et de la poste). En 2004, une réforme de la réglementation a permis de
mieux tenir compte de la convergence. Voir Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, op.cit., p. 27. 552 Selon l’article 3 du code des télécommunications, sont services à valeur ajoutée tous les services de
télécommunications qui, n'étant pas des services de diffusion et utilisant des services supports ou les services de
télécommunications finales, ajoutent d'autres services au service support ou répondent à de nouveaux besoins
spécifiques de télécommunications.
553 L’article 3 du code des télécommunications définit le service de télécommunications comme étant « le
service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission
ou l’acheminement de signaux ou en une combinaison de ces fonctions sur des réseaux de télécommunications, y
compris les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services
consistant à fournir des contenus à l'aide de réseaux et de services de télécommunications ou à exercer une
responsabilité éditoriale sur ces contenus. »
315
L’exploitation de services audiovisuels est régie par la loi n°2000-07 du 10
janvier 2000554 abrogeant l’article 2 de la loi n°92-02 du 6 janvier 1992 portant
création de la Société Nationale de Radiodiffusion-Télévision Sénégalaise.
La loi n°2000-07 du 10 janvier 2000 dispose en effet que les droits de diffusion
et de distribution d’émissions de radio et de télévision à destination du
public, « appartenant exclusivement à l’Etat, peuvent faire l’objet d’une
concession totale ou partielle à un ou plusieurs concessionnaires de droit public
ou privé, par voie de conventions et cahiers des charges précisant les
obligations réciproques du concessionnaire et de l’Etat. Ces conventions sont
approuvées par décret. »
Par conséquent, la licence de télécommunication ne donne pas droit à son
titulaire d’établir et d’exploiter une activité de contenu audiovisuel. C’est
pourquoi pour contourner cette situation juridique, les opérateurs sont obligés
d’entrer en partenariat avec un acteur qui bénéficie de ce droit conformément à
la loi n°2000-07 du 10 janvier 2000.
S’agissant des jeux, le principe de la neutralité technologique permet
aujourd’hui aux opérateurs titulaires de licence et aux titulaires de récépissé de
déclaration de services à valeur ajoutée d’exploiter ces services. Mais
malheureusement ce récépissé ne suffit pas à l’acteur pour jouer le jeu. Il est
tenu de requérir le consentement de la LONASE (Loterie Nationale
Sénégalaise).
En 1987, une loi n°87-43 du 28 décembre 1987 portant création d’une Société
Nationale dénommée « Loterie Nationale Sénégalaise » dite LONASE, concède
à ladite société l’exploitation d’un monopole en matière de loterie, jeux et
pronostics avec en contrepartie de l’exploitation de la concession, le versement à
554 Journal Officiel du Sénégal n°5904 du 5 février 2000.
316
l’Etat d’une redevance représentée par un pourcentage du chiffre d’affaires net
réalisé sur chaque type de loterie ou de jeux de pronostics.
En ce sens, le tribunal régional Hors classe de Dakar, dans une décision rendue
le 21 avril 2008, considère que l’organisation de jeux SMS, sans autorisation ni
contrôle de la LONASE constitue une violation du monopole.
Cette situation a pour conséquence une disparition progressive des fournisseurs
de services à valeur ajoutée du fait de ce monopole de la LONASE.
Une stratégie de régulation convergente permettra de positionner les
fournisseurs de services à valeur ajoutée dans le segment de l’offre de contenu
cinématographique qu’ils peuvent vendre aux clients finals par le biais des
réseaux des opérateurs titulaires de licence de télécommunication et des
opérateurs concessionnaires de droit d’exploitation d’activités audiovisuelles.
Aujourd’hui, en Europe et aux Etats Unis555, nous constatons une forte présence
des fournisseurs d’accès à l’Internet dans le marché de l’offre de la télévision
payante 556.
Et, partant, nous rappelons que la volonté des pouvoirs publics d’organiser et de
soutenir le secteur de la cinématographie nationale s’est traduite par :
- l’adoption des lois n°66-40 du 27 mai 1966 sur le contrôle des films
cinématographiques et de leur représentation, n°74-12 du 22 Avril 1974,
réservant à l’Etat le monopole de l’importation et de la distribution des films
cinématographiques, et n°85-22 du 25 février 1985, organisant l’importation, la
commercialisation et la distribution commerciale des supports enregistrés pour
la reproduction de l’image et du son en télévision ; 555 Aux Etats -Unis, plus de 1,2 million de personnes ont un box d’Apple TV. Nous trouvons au moins un poste
de télévision dans 115 millions de foyers. Voir Flash NPA, « La télévision reste indétrônable aux Etats -Unis »,
n°613 du mercredi 11 janvier 2012, p. 23. 556 Dossier NPA, « Offre de streaming over top USA/UK : un enjeu de marché stratégique », n°617 du 8 février
2012.
317
- la création, en 1972 de la Société Nationale de la Cinématographie (SNC), en
1973, de la Société Sénégalaise d’Importation, de Distribution et
d’Exploitation Cinématographique (SIDEC), en 1978, du Fonds de soutien à
l’industrie Cinématographique (FOSIC) et en 1984, de la Société Nouvelle de
Promotion Cinématographique (SNPC).
Malgré ces efforts, il faut reconnaître que les foyers sénégalais sont inondés
par les produits culturels du nord557 au détriment de l’industrie
cinématographique nationale.
C’est pourquoi certains auteurs plaident pour le développement de « l’inter
régulation ». « L’ambition de l’inter régulation tient dans l’obtention d’une
décision unifiée prenant en considération plusieurs régulations autonomes,
alors même qu’on ne peut mettre en hiérarchie ces diverses régulations ».558
Une régulation convergente permettra d’utiliser le Fonds de Service Universel
pour accompagner les acteurs culturels, notamment de la cinématographie, à
développer des contenus locaux capables de substituer les produits du nord, dans
les foyers sénégalais et aux rendez-vous du donner et du recevoir. Ces derniers
seront des fournisseurs à valeur ajoutée et permettront aux opérateurs de
télécommunications d’avoir des produits innovants devant ce contexte d’érosion
des services voix.
En France, les fournisseurs d’accès Internet qui ont prospéré grâce aux contenus
culturels via leur réseau, contribuent au financement de l’industrie culturelle à
travers le Centre National de Musique559.
557 En France, il a été relevé la nécessité de tempérer le développement des séries étrangères comme enjeu
d’audience de la TNT au détriment des produits culturels locaux. Voir Flash NPA, « « 5 sujet TV à la Une : TV
numérique-TV connecté-apps TV-catch UP TV- social TV », n°610 du 30 novembre 2011, p. 26. 558 FRISON-ROCHE Marie-Anne, Les nouveaux champs de régulation, op.cit, p. 63 559 Flash NPA, « 5 sujet TV à la Une : TV numérique-TV connecté-apps TV-catch UP TV- social TV », n°609
du 23 novembre 2011, p. 15.
318
Pour rappel, l’article 3 du code des télécommunications définit comme service à
valeur ajoutée « tous les services de télécommunications qui, n'étant pas des
services de diffusion et utilisant des services supports ou les services de
télécommunications finales, ajoutent d'autres services au service support ou
répondent à de nouveaux besoins spécifiques de télécommunications ».
De ce qui précède, il est établi que la convergence des réseaux et des marchés
appelle une mise en place d’un organe de régulation unique des
télécommunications et de l’Audiovisuel pour développer ces secteurs
convergents.
Cet organe de régulation unique doit être indépendant.
En cohérence avec d’autres arguments développés dans cette thèse, nous
systématisons les recommandations relatives aux objectifs et missions de
l’Autorité de régulation convergente à travers le tableau ci-dessous.
Recommandations objectifs moyens
Créer un environnement
juridique favorable à
l’investissement et à
l’innovation
Encourager
l’investissement, la
concurrence et la
croissance
Attribuer des licences
générales,
Supprimer la
segmentation entre filiale
mobile, fixe, internet
Elaborer une
réglementation adaptée
au partage des
infrastructures
Eviter que le
déploiement de la fibre
plus près des abonnés
soit des goulets
Faire une étude
débouchant sur un texte
applicable au partage
d’infrastructure
319
d’étranglement
impactant la
concurrence
Adapter la
réglementation de
l’interconnexion au
NGN
Permettre à tous les
prestataires de services
d’accéder aux nouveaux
réseaux et proposer leurs
contenus, services et
applications
Réexaminer le
fonctionnement et
l’évolution du système
d’interconnexion existant
et suivre l’évolution dans
la transition vers les
NGN par des
consultations auprès des
professionnels du secteur
et des utilisateurs.
Adapter la
réglementation de la
numérotation à
l’environnement des
NGN
-Encourager
l’introduction de la
nouvelle version du
protocole Internet (IPv6),
en particulier par son
adoption rapide par les
pouvoirs publics de
même que par les
utilisateurs importants
d’adresses IpV, compte
tenu de l’épuisement
prochain des adresses
IPv4 ;
- revoir le plan de
numérotage pour
Organiser une
consultation avec les
acteurs nationaux et les
partenaires
internationaux comme
Afrinic, ICANN
320
disposer de plus de
souplesse, faciliter les
nouveaux services
convergés et améliorer le
nomadisme des
personnes.
- suivre l’utilisation
d’ENUM comme
mécanisme de routage et
d’interconnexion entre
réseaux
Revoir la réglementation
du service universel
d’adapter les obligations
de service universel et
les mécanismes
permettant de les
assumer dans le contexte
de la convergence
Veiller à ce que les
contributions aux fonds
pour le service universel
respectent l’évolution
vers la convergence des
réseaux et des services,
et revoir la façon dont le
service universel est
financé.
Adapter les cahiers des
charges des opérateurs
en y encourageant le
développement de
réseaux large bande
Eviter de créer avec les
NGN des dissymétries en
matière d’accès dans les
régions non desservies
par des infrastructures à
- Encourager le
développement de
réseaux à large
bande et haut débit
à l’échelle de tout
321
large bande et haut débit.
Ce qui pourrait impacter
la compétitivité entre
zones
le territoire.
- Encourager le
partenariat public-
privé pour offrir
une solution dans
certaines zones
pour réduire les
coûts
d’investissement.
Adapter la législation de
l’audiovisuelle et des
télécommunications à
l’environnement pluri
plateforme découlant de
la convergence
télécommunications et
de la radiodiffusion
Permettre une plus
grande libéralisation du
marché, tout en
maintenant les objectifs
de base de service public
des médias
Organiser une
consultation publique
avec les acteurs du
secteur des
télécommunications et
de l’audiovisuel.
Adapter les exigences
réglementaires en
matière de qualité de
service dans
l’environnement des
NGN
Faire en sorte que la
convergence profite aux
consommateurs et aux
entreprises, en leur
offrant des choix
suffisants en ce qui
concerne la connectivité,
l’accès et l’utilisation des
applications, des
équipements terminaux
Faire une enquête et une
consultation des acteurs
sur la question
322
et du contenu sur
Internet, de même que
des informations claires
et exactes sur la qualité
et les coûts des services
leur permettant de faire
des choix en
connaissance de cause
323
SECTION II :
RENFORCEMENT DE L’INDEPENDANCE DU REGULATEUR
Le renforcement de l’indépendance du régulateur consiste à le soustraire
aux risques de capture.
C’est pourquoi il faudrait renforcer l’indépendance organique (paragraphe I) et
fonctionnelle (paragraphe II).
Paragraphe Premier :
Renforcement de l’indépendance organique
324
La nomination des membres des organes dirigeants par appel à candidature
(1) et la précision de leurs mandats (2) participent à asseoir l’indépendance du
régulateur.
1. Nomination des membres des organes dirigeants par appel à
candidature
Selon l’article 154 du nouveau code des télécommunications, « Le Collège
est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat irrévocable
de cinq ans non renouvelable. » De même, l’article 155 prévoit que « Les
membres du Collège sont nommés par décret après appel public à candidatures
assuré par l’autorité gouvernementale sur la base de critères d’intégrité morale,
de qualification et d’expérience professionnelle dans les domaines technique,
juridique, économique et financier se rapportant aux secteurs régulés. ».
Cette innovation de taille montre la volonté des autorités à respecter les
principes de bonne gouvernance dans la régulation. Mais il faudrait que les faits
ne trahissent pas l’esprit du nouveau code des télécommunications. En effet, la
mise en œuvre du principe de l’indépendance du régulateur suppose que le
processus de nomination des régulateurs repose sur le mérite et la collégialité560.
L’article 4 de la Directive n°01/2006/CM/UEMOA invite les Etats membres à
garantir l’indépendance des Autorités nationales de régulation vis-à-vis du
pouvoir politique et de toutes les organisations assurant la fourniture de réseau,
d’équipements ou de services de télécommunications et de toute autre
organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que ces Autorités
soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.
560 CARANTA Roberto Caranta, Professeur à l’Université de Turin, « Les conditions et modalités juridiques de
l’indépendance du régulateur », in Régulation économique : légitimité et efficacité, volume 1 sous la direction
de Marie-Anne Frison-Roche, Dalloz 2004 p 83.
325
Aussi, l’article 11 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07, relatif à
l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des
technologies de l’information et de la communication, demande aux Etats de
garantir l’indépendance des Autorités nationales de régulation vis-à-vis du
pouvoir politique et de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux,
d’équipements ou de services de télécommunications et de toute autre
organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que ces autorités
soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes. Pour cela, il
demande entre autres, que le recrutement des membres des organes décisionnels
soit effectué selon une procédure transparente d’appel à candidature sur la base
de compétences et de qualifications professionnelles avérées.
L’avantage de cet appel à candidature est de garantir la légitimité scientifique
des membres des organes dirigeants de l’Autorité de régulation. En effet, cette
crédibilité scientifique permettra de favoriser l’efficacité des décisions et leur
acceptation par les acteurs du secteur561. Tandis que dans un contexte où les
dirigeants de l’organe sont nommés sans appel à candidature, il est possible que
les responsables ne soient pas les plus indiqués à assumer cette fonction.
2. Précision du mandat des membres des organes dirigeants
L’article 11 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation
des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de 561 P. SABOURIN (P), « Les Autorités administratives indépendantes, une catégorie nouvelle », AJDA, 1983 J.
CHEVALLIER, « Réflexion sur l’institution des autorités administratives indépendantes », JCP, 1986.II.3254 ;
La philosophie des autorités administratives indépendantes, in Regards sur l’actualité, décembre 1988 ; C.A.
COLLIARD et G.TIMSIT, Les Autorités administratives indépendantes , Paris, PUF, 1988 ; C. TEITGEN-
COLLY, « Les instances de régulation et la constitution », RDP, Paris, 1990 ; Sanctions administratives et
autorités administratives indépendantes, in Les petites affiches, 17 juillet 1990 ; M. GENTOT (M), « Les
Autorités administratives indépendantes », Paris, Montchrestien, 1991.-
326
l’information et de la communication demande aux Etats membres « de prévoir
un mandat clair et précis des Autorités nationales de régulation ainsi que de
leurs organes décisionnels ».
Ce mandat doit être irrévocable sauf en cas de faute lourde. Selon, l’article 4 de
la directive n°01/2006/CM/UEMOA, les Etats membres doivent garantir
l’irrévocabilité de ce mandat. Cette irrévocabilité facilite « l’ingratitude »562 du
régulateur vis à vis de l’autorité politique qui l’a nommé.
Le Professeur Nadine DERMIT-RICHARD563retient quatre critères de
l’indépendance du régulateur à savoir :
- la pluralité des sources de nomination des membres ;
- l’irrévocabilité de la durée de leur mandat afin de les soustraire à toute
pression utilisant l’argument du renvoi ;
- l’impossibilité de voir renouveler un mandat, ce qui exclut toute influence
de la part de ceux qui nomment le régulateur ;
- l’existence d’un régime d’incompatibilité vis-à-vis du secteur concerné, ce
qui permet au régulateur, personne physique, d’être indépendant des entreprises
régulées.
Nous pensons, avec M. Christoph GRABENWARTER, qu’il est tout à fait
justifié de renforcer le degré d'indépendance des régulateurs vis-à-vis des
pouvoirs publics564. Cette indépendance est le garant de la neutralité, telle que
562 Anne -Marie FRISON-ROCHE, « Licence UMTS, coûts des ressources fréquences et numéros », cité par
Seydi Ahmed Sy SARR, « L’indépendance du régulateur, facteur de crédibilité et de stabilité », op.cit, p. 162. 563 Nadine DERMIT-RICHARD, Régulation financière et sport professionnel : les conditions de l’indépendance
du régulateur ; 2007/2- n°76, p. 96. 564 M.Christoph GRABENWARTER, Rapport sur l’indépendance des organes de régulation des médias,
Strasbourg, 07 avril 2008, p. 5.
327
nous pouvons la percevoir, et d'une certaine immunité à l'égard des pressions
politiques et des pressions sur le plan de l'exploitation565. Cette perception de
l'indépendance est particulièrement importante dans le cas où un Etat conserve
la propriété de l'opérateur public de télécommunication (PTO: public
télécommunication operator), ou y détient des actions (comme le cas actuel de
la SONATEL).
En général, les opérateurs des télécommunications et les investisseurs auront
davantage confiance dans l'aptitude d'un organisme indépendant à réguler le
marché objectivement dans un souci de transparence. Cela peut se traduire par
un plus grand volume d'investissements dans le secteur, avec les avantages
économiques qui en découlent. Toutefois, ce climat de confiance dépend de la
crédibilité du régulateur, qui devra faire la preuve de sa capacité à s'acquitter de
sa tâche avec professionnalisme et impartialité.
Paragraphe II :
Renforcement de l’indépendance fonctionnelle du régulateur
565 Les mesures existantes de l’indépendance des régulateurs se fondent sur une définition strictement formelle
de l’indépendance, par exemple, en évaluant les modes de nomination des dirigeants et les règles de leur
révocation. Mais la crédibilité d’une autorité de régulation ne se mesure pas seulement à cette seule aune. Les
pouvoirs et les moyens dont il dispose constituent une autre indication de sa capacité et donc de sa crédibilité ;
Voir l’analyse empirique de C.GENOUD, “Toward a content and contextual approach of delegation, or “How
and why we should open the regulatory black box”, in ECPR Joint Session 2003 “Delegation in contemporary
democracies”, Edinburgh, March 28th, April 2nd 2003.
328
Le renforcement de l’indépendance fonctionnelle passe par une indépendance
financière (1) et un contrôle efficace sur l’utilisation des ressources (2).
1. Indépendance financière de l’Autorité de régulation
L’article 5 de la directive n°01/2006/CM/UEMOA invite les Etats membres
à « mettre en œuvre les dispositions nécessaires afin de conférer aux Autorités
nationales de régulation les moyens financiers et humains leur permettant
d’assurer leurs missions, de manière indépendante. ». Il ressort de ces
dispositions que l’indépendance financière doit être garantie à l’Autorité
nationale de régulation. Olivier Storch566 précise que l’indépendance
« budgétaire » englobe trois réalités distinctes : l’indépendance financière, qui
renvoie aux modalités de financement de l’organisme, par ressources propres ou
subventions budgétaires ; l’indépendance de programmation et d’exécution
budgétaire ; l’indépendance gestionnaire (dans la gestion de la paie, des achats,
des locaux, etc.).
Cette conception de l’indépendance financière est conforme aux textes de la
CEDEAO. L’article 12 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à
l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des
technologies de l’information et de la communication (TIC) demande aux Etats
membres de « mettre en œuvre les dispositions nécessaires afin de conférer aux
Autorités nationales de régulation les moyens financiers et humains leur
permettant d’assurer leurs missions, de manière, impartiale, autonome et
transparente. »
Il est essentiel que le processus de régulation bénéficie d'un financement adéquat 566 Olivier STORCH, Les conditions et modalités budgétaires de l’indépendance du régulateur », in « Les
régulations économiques : légitimité et efficacités, Paris, Dalloz 2004, volume 1, p. 65.
329
pour permettre de recruter un personnel professionnel hautement qualifié,
capable de réaliser les objectifs de la régulation. Celle-ci se révélera en général
inefficace si ses conditions de financement ne sont pas remplies. Et nous aurons
alors peu de chances de réaliser les objectifs, que sont: ouverture de marchés
concurrentiels et traitement de tous les acteurs sur un même pied d'égalité.
Les régulateurs, séparés, peuvent être financés selon des modalités diverses.
Traditionnellement, les fonctions de régulation étaient financées par des crédits
dégagés par le budget national, en particulier si ces fonctions étaient exercées au
sein du ministère des communications ou de l'administration des PTT567. Nous
avons également recours au système des crédits budgétaires dans le cas d'un
grand nombre de régulateurs séparés. Cependant, les redevances de licence et
celles pour utilisation du spectre payées par les opérateurs sont utilisées de plus
en plus pour financer la fonction de régulation568.
En Afrique, les Etats cherchent un équilibre entre la sauvegarde de
l’indépendance financière des Autorités de régulation et la bonne gouvernance
financière de redevances perçues des acteurs du secteur des télécommunications.
Ce qui provoque souvent des conflits entre les Autorités de régulation et les
ministères des finances des Etats membres. Pour tempérer ces
incompréhensions, le compromis retenu est une autonomie de financement des
Autorités de régulation qui versent les excédents budgétaires au Trésor public.
Au Togo, l’article 15 du décret n°2006-041/PR fixant les taux, les modalités
d’affectation et de recouvrement des redevances dues par les opérateurs,
exploitants et prestataires de services de télécommunications, prévoit que les
30% des redevances collectées sont versés au Trésor Public, tandis que les 70%
567 STORCH Olivier op.cit, p. 66. 568 C’est ce qui est prévu au Sénégal. Même en cas de réaménagement du spectre, le coût est supporté par les
titulaires d’autorisation de fréquence. Voir l’article 71 de la loi 2011-01 du 24 février 2011.
330
sont destinés au financement de l’Autorité de régulation. Mais l’excédent
budgétaire est versé au Trésor public569.
Au Burkina Faso, l’article 177 de loi n°061-2008/AN portant réglementation
générale des réseaux et services de communications électroniques au Burkina
Faso prévoit que le budget de l’Autorité de régulation est financé par les
redevances du secteur. Mais l’excédent est versé au Trésor public570.
Par ailleurs, certains ministères des finances des Etats de la sous-région
proposent une nomination d’Agent comptable dépendant du ministère des
finances pour assurer le respect du principe de la séparation de l’ordonnateur et
des comptables dans la gestion des deniers publics collectés par les Autorités de
régulation571.
Et à notre avis, aucune de ces pratiques n’est en contradiction avec les Actes
Additionnels de la CEDEAO. En effet, l’alinéa 2 de l’article 12 de l’Acte
Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre
réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la
communication (TIC) consacre le principe de l’autofinancement des Autorités
de régulation. Il demande « l’affectation de tout ou partie des taxes, redevances
et autres contreparties financières versées par les opérateurs pour l’exercice de
leurs activités dans le secteur.»
Il y a des avantages à financer une Autorité de régulation par prélèvement sur les
redevances de licence et sur celles pour utilisation du spectre, plutôt que par des
crédits budgétaires. Les redevances de licence sont un moyen de récupérer les 569 http://www.artp.tg/. Page consultée le 9 novembre 2011. 570http://www.artel.bf. Page consultée le 9 novembre 2011. 571 Le débat s’est posé dans le cadre de l’élaboration de la loi du Mali du 28 septembre 2011 portant code des
télécommunications. De même au Sénégal, un agent comptable est nommé auprès de l’Autorité de régulation. En
Guinée Conakry, un régisseur des recettes est nommé auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications.
331
coûts des services publics par application du principe de « paiement par
l'utilisateur ». Ces redevances, dans le secteur des télécommunications, peuvent
être la source de recettes suffisamment élevées pour garantir que la régulation se
fera de manière professionnelle. Ce qui n'est pas toujours le cas dans les pays en
développement, où les gouvernements manquent de moyens financiers.
D'autres secteurs de la société et de l'économie n'ont pas à supporter le poids
des dépenses afférentes à la régulation. Il faut une certaine responsabilisation et
une assez grande transparence pour reconnaître les cas où les budgets de la
régulation sont dépensés à bon escient, et ceux où il n'en est pas ainsi.
Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 12 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif
à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des
technologies de l’information et de la communication (TIC) demande que le
mécanisme de financement ne réintroduise pas « les influences et intérêts des
organisations que la séparation des fonctions de réglementation et
d’exploitation avait l’intention d’exclure. ». La garantie de ce principe est de
ne pas faire approuver le budget du régulateur par le ministère des finances.
Mais le régulateur doit être contrôlé.
2. Aménagement de mécanismes de contrôle efficace de l’utilisation des
deniers publics
L’exposé des motifs de la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002572 portant
cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics
prévoit que l’indépendance du régulateur doit être assortie d’une obligation de
rendre compte. Il précise que :
L’obligation de rendre compte passe par des exigences rigoureuses de
transparence, la possibilité de faire appel à l’encontre des décisions du
régulateur, l’introduction d’une clause d’audit des performances du régulateur,
572 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002.
332
d’une clause d’approbation annuelle du budget du régulateur, et d’une clause
de révocation pour mauvaise conduite ou incapacité.
Deux mécanismes de contrôle sont consacrés à savoir la mise en place
d’une structure d’audit interne573 et la mise en place des mécanismes de contrôle
externe. Pour l’audit interne, la meilleure pratique est celle de l’OHADA avec
les sociétés anonymes574. Dans ce cas, la structure d’audit interne est sous
l’Autorité du Président du Conseil d’Administration. Cette structure d’audit peut
être rattachée au Président du Collège de l’Autorité.
Cependant, le nouveau code des télécommunications du Sénégal rattache la
structure de contrôle interne au Directeur général. Selon l’article 163 de la loi
2011-01 du 24 février 2001 portant code des télécommunications, une structure
de contrôle de gestion et d'audit interne est placée sous l'autorité directe du
Directeur général.
Par contre, le contrôle externe doit être exercé par un auditeur indépendant et les
corps et organes de contrôle de l’Etat.
Ces derniers sont principalement de l’Inspection Générale d’Etat575, le Service
du Contrôle Financier de l’Etat576, la Direction Centrale des Marchés Publics et
l’Agence de Régulation des Marchés Publics577. 573 NIKUE. C et HANS-KWETEVIE, « Introduction à l’audit interne de recherche de la fraude », juillet 2009. 574 François ANOUKAHA, Abdoullah CISSE, NDIAW DIOUF, Josette Nguebou TOUKAM, Paul-Gérard
POUGOUE, Moussa SAMB, Sociétés commerciales et G.I.E, Bruxelles éditions UNIDA, page 449. Article 480
de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et G.I.E. 575L’IGE, corps de contrôle supérieur, est sous l’autorité directe du Président de la République. Ses membres
sont recrutés dans la haute hiérarchie administrative. Elle est dirigée par un inspecteur général d’État qui porte le
titre de vérificateur général. Ce dernier est secondé par un vérificateur général adjoint. Elle est créée à partir des
cendres des inspections coloniales, et a connu une évolution particulièrement à travers les réformes de 1960,
1964,1974, 1987, 2005 et 2007.
Outre ses missions traditionnelles de vérification, d’enquêtes et d’audit, elle est chargée :
d’impulser et de coordonner tout le dispositif de contrôle interne;
de donner son avis sur des dossiers d’arbitrage soumis au chef de l’État ;
333
CONCLUSION DU TITRE PREMIER DE LA DEUXIEME PARTIE
elle est représentée à l’assemblé générale consultative du Conseil d’État;
elle supervise les passations de service entre membres du gouvernement. Voir Présentation de
Madame Nafy Ngom KEITA, « Contrôle et Audit au Sénégal : état des lieux et perspective »,
Marakeck, novembre 2007. 576 Le Contrôle financier (CF) assure au nom du Président de la République. Il a, a priori des opérations
financières de l’État. A ce titre, tout projet de loi, d’acte réglementaire ou de contrat, ayant une incidence
financière est soumis à son avis préalable. Cet avis est suspensif de l’acte de dépense, à charge pour le service
émetteur de donner les justifications nécessaires. L’avis du CF doit être motivé et formulé dans les huit jours qui
suivent la réception du projet. Il ne s’étend pas aux dépenses de matériel exécutées sur bon d’engagement. Le
contrôle sur pièce, préventif et concomitant exercé par le CF présente le double avantage d’empêcher, d’une part,
la violation des lois et règlements dans l’exécution du budget, et, d’autre part, certains gaspillages et
détournements de deniers publics. Les compétences du CF s’étendent également aux entreprises du secteur
parapublic et aux collectivités locales. Voir Nafy Ngom KEITA ; Op.cit.
577 Voir le décret 207 -645 du 27 avril 2007 portant code des marchés publics.
334
La stratégie d’amélioration du cadre juridique de la régulation découlant de
cette étude porte sur le cadre normatif et le cadre institutionnel.
S’agissant du cadre normatif, il a été constaté d’une part, une nécessaire
rationalisation des sources du droit des télécommunications et, d’autre part, une
flexibilité requise dans la production de la norme.
Dans le cadre institutionnel, nous soulignons la nécessité de mettre en place
une institution de régulation convergente et indépendante.
Cette indépendance du régulateur sera à la fois organique et fonctionnelle dans
le respect des règles de bonne gouvernance.
TITRE II :
L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION
La stratégie d’amélioration de la régulation des télécommunications consiste
à saisir les opportunités de l’évolution technologique pour aligner la pratique de
la régulation au Sénégal aux meilleures pratiques au niveau mondial.
335
Elle porte sur l’activité de régulation ex ante (chapitre I) et sur celle ex post
(chapitre II).
CHAPITRE PREMIER :
AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE
L’activité de régulation vise essentiellement à asseoir une concurrence saine
et loyale. Pour cela, il convient d’améliorer la régulation de l’interconnexion
(section I) et celle des ressources rares (section II).
336
SECTION I :
AMELIORATION DE LA REGULATION DE L’INTERCONNEXION
Le contexte actuel de régulation de l’interconnexion nécessite
essentiellement une amélioration à deux niveaux. D’abord, la régulation de
337
l’interconnexion doit être adaptée à l’environnement des NGN578 (paragraphe I).
Mais aussi, il est nécessaire d’introduire de nouveaux leviers de concurrence liés
à l’interconnexion (paragraphe II).
Paragraphe Premier :
Amélioration de la régulation de l’interconnexion par rapport à
l’environnement des NGN
La présentation de l’environnement des NGN (1) permettra de mieux
identifier les mécanismes d’adaptation de la régulation de l’interconnexion à cet
environnement (2).
1. Présentation de l’environnement des NGN
Les NGN font l’objet de plusieurs tentatives de définition. Certains
opérateurs donnent à leurs réseaux de prochaine génération une définition
propre. A titre d’illustration, Korea Telecom utilise l’appellation Réseau de 578Next Generation Network : il désigne en français les réseaux de nouvelle génération.
338
convergence large bande (BCN, broadband, convergence network)579, British
Télécoms (BT) parle de réseau du XXI° siècle (21CN, 21st century network)580,
Deutsche Telekom a adopté la formule Telekom Global Network (TGN)581 et
NTT a défini son architecture RENA (resonant communication network
architecture). Nous notons aussi que le sigle NGN est utilisé pour faire
référence à des choses différentes. Pour certains, NGN signifie simplement
passage d’un réseau RTPC (Réseau Téléphonie Publique Commuté)582 à un
réseau IP. Pour d’autres, la référence est plus spécifique. Nous parlons de
communication internationale IP ou de protocole IP583 dans la boucle locale.
Devant cette pluralité de définitions, celle que nous retenons est consacrée par
la Recommandation UIT-TY 2001584. Selon cette recommandation, un réseau de
prochaine génération est par définition :
Un réseau de communication par paquets pouvant assurer les services de
télécommunications et utiliser de multiples techniques de transport large bande, 579http://dictionnaire.sensagent.com/korea+telecom/, page consultée le 12octobre 2010. 580 “British Telecom & 21st Century Technologies Connect Nigeria To Global Network”, Nigéria 28 mai 2007
(http://www.thenigeriabusiness.com/tnit33.html, page consultée le 12 février 2011). 581 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications 2007 : la route vers les réseaux de prochaines
générations, Genève, édition UIT 2007, p. 46. 582 Les RTCP sont les réseaux de téléphonie classiques qui sont analogiques, tandis que le réseau IP est
numérique. 583 Le modèle du protocole Internet (IP) peut être représenté sous la forme d’un sablier dont le protocole IP serait
la partie la plus étroite. Au-dessus du protocole IP, nous avons les protocoles destinés à répondre aux besoins
d’applications telles que les navigateurs web ou les systèmes de messagerie électronique et de communication
vocale ; au-dessous, se trouvent les protocoles servant au transfert des paquets IP sur un support physique
spécifique, par exemple les liaisons sans fils Ethernet ou IEE 802.11.
Ces protocoles sont structurés en couches. Si nous commençons par examiner les couches inférieures, nous
trouverons tout d’abord les interfaces physiques réservées à des supports spécifiques, comme les câbles ou les
ondes hertziennes, puis les protocoles de liaisons de transmission. Viennent ensuite les protocoles de bout en
bout qui comprennent des fonctionnalités de routage (dans ce cas IP) et, enfin, les protocoles dits de transport qui
fournissent un service aux applications en termes de fiabilité et de réactivité. Voir sur cette question une
publication du secteur de la normalisation des télécommunications de l’UIT, « Réseaux convergents », éditions
janvier 2010 UIT p. 15. 584Recommandation UIT-T Y 2001. (www.itu.int. Page consultée le 30 Septembre 2009).
339
définies en fonction de la qualité de service, un réseau dans lequel les fonctions
concernant les services sont indépendantes des techniques de transport qui les
sous-tendent. Dans une telle infrastructure, les utilisateurs ont un libre accès à
l’ensemble des réseaux et des fournisseurs de services et/ou services en
concurrence. Un réseau NGN ainsi défini se caractérise par une mobilité
généralisée : la fourniture des services est constante et universelle.
Un NGN se distingue d’un système ancien ou d’un système traditionnel à
commutation par circuits585 en ce sens que toutes les informations sont
acheminées par paquets, lesquels sont étiquetés par type (données, voix, etc.) et
traités en conséquence par l’équipement de gestion du trafic. Un NGN peut
reposer sur diverses plates-formes, notamment en fibres optiques, câbles,
système hertzien, réseau à fils de cuivre amélioré. Cette souplesse annonce un
changement d’approche, la conception « un réseau, plusieurs services »586. A cet
égard, les NGN sont considérés comme des éléments stratégiques par des
opérateurs qui doivent actuellement affronter un monde placé sous le signe de la
convergence des services et de contenus, dans lesquels la voix n’est plus la seule
source de recettes587.
Sur le marché, le passage aux réseaux NGN se fait, en partie, sous l’impulsion
de la demande de plus en plus vive de produits universels et intégrés combinant,
sur des plates-formes mobiles et des plates-formes fixes, l’ensemble des services
données/ voix/vidéo588. La demande et l’évolution technique sont à l’origine de 585 PUJOLLE Gut « “ Les réseaux” », 5eme édition, « Source d’Or », septembre 2005. 586European Telecommunications Platform, « On the technology, business models and regulatory aspects of
NGN », ETP (06)01, 17 janvier 2006, p. 5. 587 Voir Michel Feneyrol, « Les réalités de la convergence », in la lettre de l’Autorité, n°48, janvier – février
2006. 588 Cabinet Arcome pour Autorité de Régulation des Télécommunications de la France, « Etude technique,
économique et réglementaire de l’évolution vers les réseaux de nouvelle génération », septembre 2002, page
161 à 175. (www.arcep.fr .Page consultée le 18 juin 2009).
340
la convergence inévitable des réseaux IP et des RTPC traditionnels. Les
opérateurs et les investisseurs cherchent à accroître leurs recettes et leur
rentabilité, à améliorer leur productivité et à élargir leur offre de service. Ces
tendances facilitent l’intégration des techniques mobiles et des techniques fixes,
et annoncent au bout du compte une offre de service continue sur un réseau
multiservice IP unifié589.
Le passage à l’infrastructure NGN est un processus progressif mais, selon les
prévisions de l’UIT, les réseaux NGN fixes devraient être opérationnels d’ici à
2012, et les réseaux mobiles d’ici à 2020 dans les pays développés. Ce qui
permettrait une véritable et totale convergence entre, d’une part, les services
fixes, les services mobiles, les services vocaux et les services de données et,
d’autre part, les secteurs des TIC et de la radiodiffusion590. Cela signifie que le
choix de la technique utilisée pour l’infrastructure n’aura plus d’incidence sur
les types et sur la variété des services fournis sur cette infrastructure. Ainsi,
l’avènement des NGN annonce une transition vers des réseaux intégrés non plus
verticalement mais horizontalement, qui offriront alors à leurs utilisateurs et aux
fournisseurs de services en concurrence un accès illimité, cohérent et
universel.591
Le modèle type de réglementation applicable aux réseaux RTCP, avec son
orientation très « dirigiste » de la réglementation technique et économique,
diffère très nettement de la façon de concevoir la réglementation d’un réseau à
commutation par paquets tel que l’Internet, généralement moins soumis à des
589 Voir Aboubacar Haman, « Le passage aux réseaux de la prochaine génération et son impacte sur la
régulation. », Yaoundé, Fratel 2006, p. 3. 590 Voir IUT-T, Réseaux convergents, Genève, édition UIT, 2010, p. 153. 591 UIT, Recommandation UIT-TY.2001, décembre 2004, (www.itu.int/pup, Page consultée le 20 novembre
2010)
341
interventions d’ordre réglementaire592. Ces deux domaines ont évolué
indépendamment. Ce qui a parfois donné des tendances assez disparates dans la
réglementation. Dans certains cas, la simple extension des pratiques en usage
suffit, comme rendre obligatoire le droit des opérateurs de téléphonie sur
Internet (VoIP, voice over Internet protocole) de s’interconnecter avec d’autres
opérateurs. Mais du fait que les NGN reprennent certaines des caractéristiques
du modèle de télécommunication classique et certains aspects techniques du
nouveau modèle Internet, la réglementation en la matière exigera de la part des
régulateurs et des décideurs davantage de planification et d’initiative. Il faudra,
en effet, que les structures de la réglementation soient conçues ou étendues pour
faciliter le développement et la mise en place des NGN.
592 Dans un environnement NGN, des pays ont aménagé graduellement les règles ex ante, voire de supprimer
certains cas afin de tenir compte de l’évolution des conditions de la concurrence sur le marché et de servir au
mieux l’intérêt des consommateurs. Lorsque la situation du marché impose leur abandon progressif, le régulateur
examine au cas par cas s’il est nécessaire de prévoir des clauses d’extinction ou une période de transition pour en
assurer une sans heurts vers une régulation ex post. Les périodes de transition, adoptées par exemple au
Royaume-Uni et au Portugal, permettent aux parties prenantes, aux consommateurs et aux fournisseurs de
services de s’adapter graduellement au nouveau cadre réglementaire. En mai 2008, examinant les marchés de
gros à l’accès à la large bande, l’OFCOM a constaté que British Telecom ne disposait plus, à l’échelle locale,
d’un pouvoir de marché significatif, d’autres fournisseurs de services étant apparus. Partant, l’autorité a décidé
de retirer immédiatement certaines obligations réglementaires, relatives par exemple à la non-discrimination et à
la transparence, obligeant toutefois British Telecom à fournir un accès au réseau durant une période de transition
de 12 mois afin de permettre à ses clients du marché de gros de trouver des solutions de remplacement. Voir
ERG, « “Report on Transition from sector-specific regulation to competition law”, ERG (09) 40, Londres,
octobre 2009, p. 24.
Contrairement au régulateur britannique, le régulateur portugais a choisi, lui, de maintenir durant une période de
transition de 12 mois la plupart des obligations ex ante imposées à Portugal Telecom dans ces zones
géographiques et notamment celles relatives à la non-discrimination, à la transparence, à l’accès, à la
comptabilisation des coûts et à l’information financière. Le contrôle des prix a toutefois été supprimé
immédiatement dès l’adoption. Voir ICP-ANACOM, « Mercados de fornecimentogrossista de acesso (fisico) à
infra-estrutura de redenum local fixo e de fornecimentoGrossista de acessoem banda larga », janvier 2009 ;
Voir aussi, « Tendances des réformes dans les télécommunications : favoriser le monde numérique de demain »,
édition 2010-2011, pp. 101- 102.
342
Le passage aux NGN offre au Sénégal une excellente occasion d’analyser
l’impact de la réglementation actuelle sur le triple plan de l’innovation, des
investissements et de l’accessibilité. Et il lui appartiendra ainsi de concevoir,
pour les NGN, des structures permettant de parvenir à ces objectifs. A cet effet,
le passage aux NGN est une autre occasion de redéfinir à l’avance les règles du
jeu de la réglementation et d’examiner l’approche à adopter quant à la
réglementation et aux politiques générales, afin de faire en sorte que ces
dernières facilitent la concurrence, les investissements et l’accès des utilisateurs
finals.
Dès lors, il est aisé d’appréhender la nécessité d’adapter le cadre de
l’interconnexion à ce nouvel environnement.
2. Mécanismes d’adaptation de l’interconnexion à l’environnement des
NGN
L’adaptation de la réglementation doit porter d’une part, sur l’interconnexion
au niveau international et, d’autre part, sur l’interconnexion au niveau national.
S’agissant de l’interconnexion au niveau international, le passage du réseau
téléphonique public commuté (RTCP) aux réseaux de prochaine génération
(NGN) se traduit par une nouvelle diminution du volume de trafic RTPC593. Ce
trafic est soumis au système des taxes de répartition, qui entrainera à son tour
une baisse des montants en devises versés par les autres pays en développement.
De même, cette transition devrait aussi représenter un poids supplémentaire
pour les pays en développement dû aux coûts de la connectivité. Etant donné 593 Tracey Cohen, Conseiller ICASA, République sud-africaine, « Aperçu de la réglementation des réseaux de
prochaine génération », in Tendance des réformes dans les télécommunications 2007, Genève, édition IUT
2007, p. 45.
343
que le trafic acheminé par les réseaux NGN est en augmentation, de nombreux
pays cherchent des solutions à ce problème pour que ces coûts n’augmentent
pas. Ainsi, le Sénégal qui est un pays en développement, doit bâtir une stratégie
lui permettant de profiter, au mieux, du système des taxes de répartition.
Le système des taxes de répartition consiste en une série d’accords conclus
entre les opérateurs en vertu desquels ils assurent conjointement l’acheminement
des appels internationaux et se partagent les recettes perçues à ce titre.594 Afin de
répartir les recettes perçues pour les services téléphoniques internationaux et de
couvrir les coûts des passerelles internationales, de la transmission au niveau
international et de la terminaison des appels, ce système prévoit un ensemble de
prix convenus appelés « taxes de répartition » qui sont appliqués à
l’interconnexion des appels internationaux. L’opérateur d’origine facture au
client, effectuant l’appel, un prix de vente au détail puis reverse la moitié de la
taxe de répartition à l’opérateur d’arrivée pour la terminaison de l’appel
international. Dans ce système, la fourniture de services se fait à plusieurs :
chaque opérateur assure le service jusqu’à un point imaginaire situé à mi-
distance sur le circuit international. Il faut cependant noter que les taxes de
répartition ne tiennent pas nécessairement compte des coûts.
Le système des taxes de répartition est décrit dans le Règlement des
télécommunications internationales (RTI), traité administré par l’Union
Internationale des télécommunications (UIT). Ce Règlement est complété par les
Recommandations de la « série D», qui résultent des travaux de la Commission
d’étude 3 du Secteur de la normalisation des télécommunications de l’UIT (UIT-
T).595 594 De plus amples informations sur le système des taxes de répartition internationales sont disponibles dans le
module réglementation des TIC à l’adresse www.ictregulationtoolkit.org/en/Section2145.html. 595 Le Règlement est disponible à l’adresse www.itu.int/ITU-T/itr/ywww.itu.int/pub/R-REC. Page consultée le
12 décembre 2011.
344
Il fait appel à plusieurs méthodes différentes, mais le système de rémunération le
plus utilisé est la procédure de division des recettes de répartition, selon laquelle
un paiement net est effectué sur la base de la différence de trafic (en minute)
multiplié par la moitié de la taxe de répartition. Ce montant est généralement
versé en dollars des Etats-Unis (USD) ou en Droits de tirage spécial (DTS)596. Si
les flux de trafic, le long d’une voie d’acheminement, sont équilibrés, le système
des taxes de répartition ne génère pas de flux de trésorerie significatifs.
Toutefois, le trafic sur les voies d’acheminement internationales n’est pas
équilibré, car nous recensons davantage d’appels à destination qu’en provenance
des pays en développement. Ainsi, le système des taxes de répartition a entrainé
des flux considérables pour bon nombre de pays du tiers-monde. C’est pourquoi
certains de ces pays ont instauré une taxe sur le trafic international entrant.
C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, par ordonnance n°2008-381 du 18 décembre
2008 portant budget de l’Etat pour la gestion 2009, a institué en son article 54,
une taxe sur l’interconnexion téléphonique internationale à la charge des
entreprises de téléphonie installées en Côte d’Ivoire. Cette taxe était fixée à 20
francs la minute de communication internationale. Le mode de paiement de cette
taxe était déterminé par l’article 1132-3° du Code Général des Impôts de la Cote
d’Ivoire.597 Mais aujourd’hui, sous la pression de l’Union nationale des
entreprises de télécommunications de la Côte d’Ivoire, cette taxe a été
annulée.598 596 DTS est une valeur déterminée à partir d’un panier de grandes monnaies internationales. Pour plus de
renseignements, voir l’adresse : www.imf.org/external/np/exr/facts/sdr.htm. Page consultée le 12 décembre
2011. 597 Les informations concernant la taxe sur les communications internationales entrantes étaient disponible
jusqu’à une date récente sur le site de suivant : http://www.atci.ci/. Mais elles ont été retirées. 598 A ce titre, de plus amples informations sont disponibles dans la lettre adressée au Ministre en charge des
télécommunications de l’époque par Monsieur André APETE, alors Directeur Exécutif de l’Union nationale des
entreprises de télécommunications ; inédit.
345
A l’instar de la Côte d’Ivoire, la République de Guinée, par arrêté conjoint
A/2009/1135/MCNT/MEF/SGG du 29 mai 2009, fixa le tarif international de la
destination République de Guinée et la quote-part à reverser à l’Autorité de
Régulation des Postes et Télécommunications, et aux opérateurs locaux des
réseaux de télécommunications ouverts au public, les fonds ainsi collectés.
L’article 2 de l’arrêté fixe ce tarif à 28 cents US Dollar la minute. Cette taxe est
toujours en vigueur.
Le Sénégal, par décret n°2010-632 du 28 mai 2010 instaurant un système de
contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales
entrant en République du Sénégal, avait fixé un seuil minimal du tarif de
communications internationales entrantes à destination du Sénégal. L’article 6
du décret avait fixé ce tarif à 141, 03 FCFA par minute de terminaison vers les
réseaux fixes et mobiles. Dans ce tarif, l’opérateur avait le droit de retenir les
65,59FCFA la minute pour le réseau fixe et 91, 83FCFA la minute pour le
réseau mobile. Le reste du montant facturé devrait être versé à l’ARTP au profit
de l’Etat.
La SONATEL, principal opérateur dominant dans le segment de l’international,
a contesté la légalité de cette taxe devant le juge de la Cour Suprême avant que
le Président de la République ne décide de suspendre les articles 6 à 11 du
décret relatifs au seuil minimal et à la quote-part de l’Etat.
Tandis que le régulateur soutenait qu’il ne s’agissait pas en réalité d’une taxe,
mais d’une modulation du tarif de terminaison d’appel international pour lutter
contre la fraude.
Lors du Conseil présidentiel du 19 Août 2011, le Président de la République a
informé sa volonté d’instituer à nouveau le mécanisme de tarification du trafic
international entrant au Sénégal. En effet, il s’agit du décret n°2011-1271 du 24
346
août 2011 abrogeant et remplaçant le décret n°2010-632 du 28 mai 2010
instituant un système de contrôle et de taxation des communications
internationales entrant en République du Sénégal.
Ce décret est à nouveau attaqué par la SONATEL devant le juge de la Cour
Suprême599.
Le Doyen Gaudemer définit la taxe comme :
Un prélèvement pécuniaire opéré au profit de l’Etat, sur des collectivités locales
ou des établissements publics administratifs (ce qui le distingue de la
parafiscalité) sur le bénéficiaire d’un avantage particulier procuré à l’occasion
du fonctionnement d’un service public (ce qui le distingue d’un impôt) sans
corrélation nécessaire avec le coût du service (ce qui le distingue de la
redevance600.
Par conséquent, SONATEL considère que la ressource est qualifiée comme taxe
dès lors que le prélèvement est obligatoire au profit de l’Etat. Ce qui est le cas
en l’espèce601.
A l’appui de son recours, SONATEL invoque la suprématie des engagements
internationaux et l’impossibilité d’instituer une taxe par décret. L’article 98 de la
Constitution prévoit le caractère supra législatif d’une convention internationale
à la condition de son application par l’autre partie.602
599 Journal officiel de la République du Sénégal. 156 années, n°6609 du jeudi 25 aout 2011. 600 Ive. Gaudemet, Finances publiques, tome 2, 3° édition. Paris, Montchrestien 1981, n°534, page 116 601Les arguments de la SONATEL sont exprimés dans le recours adressé à la Cour Suprême contre le décret
n°2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de taxation des communications internationales
entrant en République du Sénégal. Cependant, ce décret est abrogé et remplacé par le décret n°2011-1271 du 24
août 2011. 602 Cette convention est disponible sur le site de l’UIT (www.uit.int. Page consultée le 2 janvier 2011).
347
Le Sénégal, en tant que membre de l’Union Internationale des
Télécommunications (UIT), a signé en 1989 la Convention de Melbourne qui
régit les télécommunications internationales.603
En diverses dispositions, la Convention stipule, notamment à :
L’article 1.6 d’appendice 1 : « Lorsqu’une administration ou exploitation
privée est assujettie à un impôt ou à une taxe fiscale sur les quotes-parts
de répartition ou autres rémunérations qui lui reviennent, elle ne doit pas
prélever à son tour un impôt ou une taxe fiscale sur les autres
administrations ou exploitations privées » ;
L’article 6.3.1 précise : « quand la législation nationale d’un pays prévoit
l’application d’une taxe fiscale sur la taxe de perception pour les services
internationaux de télécommunications, cette taxe fiscale n’est
normalement perçue que pour les services internationaux facturés aux
clients de ce pays ».
D’autre part, sur la forme, la compétence de fixer une taxe est du domaine de la
loi. En vertu de l’article 67 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant
l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute
nature.
Contrairement à cette norme suprême, la taxe était instituée par un décret. De
même, le Conseil des Ministre de l’UEMOA, lors de sa réunion du mois de
novembre 2010 à Bamako, a demandé au Sénégal de ne pas appliquer cette taxe
aux appels en provenance des pays membres de l’UEMOA604. C’est dire que 604 Le compte rendu de cette réunion est inédit. Mais il est disponible au Ministère en charge des
télécommunications, à l’ARTP et en principe, dans tous les départements ministériels qui s’occupent des
télécommunications dans les membres de l’espace UEMOA.
348
cette taxe est contraire à la perspective de construction d’un marché
communautaire.
Contre ces arguments de SONATEL, ARTP soutient que l’Etat est libre
d’organiser souverainement les télécommunications sur son propre territoire,
comme il l’entend et de les soumettre au régime juridique de leur choix, c'est-à-
dire à celui qui leur paraît le mieux adapté aux traditions juridiques du pays, à la
doctrine politique dominante, aux nécessités de développement économique
national. C’est d’ailleurs pourquoi le préambule du Règlement des
télécommunications internationales consacre expressément que le droit
souverain de réglementer ses télécommunications est pleinement reconnu à
chaque pays605.
Par ailleurs, le régulateur des télécommunications du Sénégal rappelle les
réserves formulées par l’Etat du Sénégal en signant la convention de Melbourne.
En effet :
En signant les Actes finaux de la Conférence administrative mondiale
télégraphique et téléphonique (Melbourne 1988), la délégation de la République
du Sénégal déclare formellement, au nom de son Gouvernement, que son pays
n’accepte aucune obligation au sujet de l’application d’une quelconque
disposition relative aux arrangements particuliers figurant dans le présent
Règlement.606
Donc pour le régulateur, l’Etat est fondé de prendre des dispositions législatives
et réglementaires applicables aux télécommunications sans être en violation du
droit international.
605 UIT, Règlement des télécommunications internationales, Genève, UIT 1989, p.3. 606 IUT, Règlement des télécommunications internationales. op.cit, p. 55.
349
Sur la qualification de la taxe, l’Etat précise que la quote-part n’est pas payée
par le contribuable sénégalais mais par les opérateurs étrangers607. De la
même façon que les ressources du sous-sol constituent un patrimoine, le
territoire de la République du Sénégal, ainsi que l’espace qu’il renferme, y
compris tout le domaine public artificiel, le potentiel de communication avec
sa population notamment avec celle émigrée, constituent un patrimoine dont
la gestion est assurée par le pouvoir exécutif. Ce dernier est par conséquent en
droit de réclamer une contrepartie financière imposée comme condition à
l’interconnexion au réseau national de télécommunication par les opérateurs
étrangers.
Par ailleurs, le Ministre de la communication soutient que le terme taxe ne doit
pas être entendu au sens d’impôt. En effet, la « taxe » est une terminologie
utilisée dans les télécommunications internationales. Dans le règlement des
télécommunications internationales (RTI) :
La taxe est le prix interne fixé d’un commun accord entre opérateurs de
télécommunications pour l'acheminement du trafic international entre deux
points. Ce prix sert à déterminer le prix facturé par l’opérateur d'arrivée à
l’opérateur de départ, et correspond généralement à la moitié de la taxe de
répartition (également appelée quote-part de répartition)608. 607 Ces arguments sont de Monsieur Moustapha GUIRASSY, Ministre en charge de la communication dans les
ondes de la RFM. L’interview a été reprise par seneweb le 6 septembtre 2011. (www.seneweb.com. Page
consultée le 7 septembre 2011). 608La taxe de répartition est définie par l’article 2 du Règlement des télécommunications comme étant une taxe
fixée par accord entre administration pour une relation donnée et servant à l’établissement des comptes
internationaux. Tandis que la taxe de perception est celle établie et perçue par une administration sur ses clients
pour l’utilisation d’un service international de télécommunication.
Dans le secteur des télécommunications, lorsqu’un appel téléphonique international est effectué d’un pays à un
autre, l’exploitant du pays d’où vient l’appel procède généralement à un paiement de compensation en faveur de
l’exploitant du pays où aboutit l’appel. Ces paiements sont effectués lorsque le trafic est plus important dans un
sens que dans l’autre. Leur montant est calculé sur la base des "taxes de répartition" négociées au niveau
bilatéral. Le système dit de taxes de répartition est décrit dans le Règlement des télécommunications
350
Par conséquent, ici la notion de « taxe » ne signifie pas un impôt au sens de la
législation fiscale en vigueur au Sénégal.
Enfin, la quotte - part de l’Etat n’est pas un seuil standard, mais est établie à la
suite d’études et de benchmark sur les niveaux des tarifs des appels entrant dans
les pays voisins et étrangers.
Ce contentieux entre l’Etat du Sénégal et la SONATEL a l’avantage de
mettre à nu une volonté des autorités politiques de capturer des ressources
financières générées par le secteur des télécommunications pour financer le
développement d’autres secteurs moins rentables. Ce qui constitue une ambition
légitime.
Cependant, une telle pratique pourrait impacter sur le développement de
réseau unique au sein de l’espace communautaire. Selon une étude de
l’UEMOA, il existe deux conceptions du réseau unique :
1. le réseau unique désigne les facilités offertes à un client d’un réseau A
pour utiliser les services (voix et data) d’un réseau B, en général situé
dans un autre pays, avec la carte SIM de son réseau d’origine ;
2. le réseau unique se définit également au sens des infrastructures ; dans
ce cas, il peut désigner une infrastructure construite par plusieurs
opérateurs et exploitée par chacun d’eux pour offrir des services à leurs
internationales (RTI), Traité international administré par l’UIT, dont la dernière mise à jour date de 1988. Le
RTI est complété par les Recommandations de la "Série-D", qui sont l’œuvre de la Commission d’études 3 du
Secteur de l’UIT de la normalisation des télécommunications.
Le système des taxes de répartition fait appel à plusieurs méthodes différentes mais, depuis quelques années, le
système de rémunération le plus souvent utilisé est la "méthode de division des recettes de répartition". Selon ce
système, un règlement net est effectué sur la base de la différence de trafic (en minutes), multipliée par la moitié
de la taxe de répartition (quote-part de répartition ou taxe de règlement). Voir IUT, Règlement des
télécommunications internationales, Genève, IUT 1989, page 6. Voir aussi les recommandations D-150 de
l’UIT-T sur le site officiel de l’UIT (www.itu.int.Page consultée le 18 mars 2010).
351
clients respectifs. 609
Aujourd’hui, certains opérateurs sont présents dans plusieurs pays de la sous-
région et proposent des tarifs avantageux au profit de leurs abonnés610. Ce qui
pourrait encourager la baisse des tarifs de télécommunication.
C’est pourquoi nous considérons que le Sénégal, en cohérence avec le cadre
juridique communautaire, doit construire une stratégie pour mieux profiter des
échanges du trafic international.
Par la même occasion, il doit adapter la régulation nationale à l’interconnexion.
Pour une régulation efficace de l’interconnexion au niveau national, le Sénégal
doit s’approprier les directives sur les meilleures pratiques pour le passage aux
réseaux de prochaines générations (NGN) au colloque des régulateurs de
2007611.
Ce colloque avait formulé entre autre, les recommandations suivantes :
a. du fait que l'interconnexion est un élément décisif dans toute transition
vers un nouvel environnement, le régulateur doit définir des modèles
609 Performance Management consulting pour le compte de l’UEMOA, « Etude sur la mise en place d’un réseau
unique de téléphonie mobile dans l’espace UEMOA », Ouagadougou, septembre 2011. 610 Certains groupes présents dans l’espace UEMOA proposent des tarifs préférentiels pour leurs abonnés dans
les pays membres de l’UEMOA. Il s’agit des entreprises suivantes :
- le groupe Orange est présent dans cinq pays de l’UEMOA à savoir, le Sénégal, le Niger, le Mali, la
Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire ;
- le groupe MTN est présent dans trois pays de l’UEMOA. Il s’agit de la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire,
le Bénin ;
- le groupe Moov est présent dans quatre pays qui sont la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Niger. 611http://www.itu.int/newsroom/press_releases/Guidelines-fr.html.Page consultée le 31 décembre 2010.
352
d'interconnexion souples et précis, de sorte que la transition vers les
réseaux NGN puisse se faire sans heurt;
b. le régulateur doit analyser l'ensemble des questions qui se posent en
matière de transition vers les réseaux NGN, par exemple: définition des
marchés économiques ou des marchés importants, évolution des modèles
de tarification de l'interconnexion, qualité de bout en bout dans le cas de
l'interconnexion dans un environnement IP et interconnexion de réseaux de
données ou de services par opposition à l'interconnexion de réseaux
téléphoniques;
c. le régulateur doit prendre des initiatives débouchant sur de nouveaux types
d'activités économiques, à l'exemple des "espaces d'interconnexion" qui
offrent aux fournisseurs de services de télécommunications et de réseau, et
à leurs clients un lieu d'installation des routeurs, des équipements de
réseau et des équipements de stockage, qui se trouvent ainsi à proximité
les uns des autres;
d. dans un environnement IP612où la question des connexions entre les
services quelles qu'elles soient n'est plus claire et que l'interopérabilité des
services dépend de nombreux paramètres techniques qui doivent faire
l'objet d'un accord entre les parties intéressées, de politiques d'échange de
trafic613 entre entités homologues ainsi que des conditions d'admission
particulières. Le cas échéant, le régulateur doit suivre et analyser
l'évolution dans ce domaine et, quand cela s’avère nécessaire, définir des
politiques réglementaires en ce qui concerne les services obligatoires.
612 Voir les travaux de la commission d’études 1, notamment sur la question 19-2/ « Mise en place des services
de télécommunications IP dans les pays en développement ». Rapport de la commission d’étude 1 du Document
n°1/115-E du 29 août 2011, du 5 au 9 septembre 2011 à Genève ; (www.itu.int. Page consultée le 19 septembre
2011). 613 Voir William B. Norton The internet Peering: connecting to the core of the internet, California Dr Peering
Press, edition 2012, p. 9.
353
Ainsi, l’adaptation de la réglementation de l’interconnexion à l’environnement
des NGN est un impératif. De même, pour mieux renforcer la concurrence, il
convient d’introduire des services avancés de l’interconnexion.
Paragraphe II :
Introduction des services avancés de l’interconnexion
Pour renforcer la concurrence dans le secteur des télécommunications,
certains acteurs ont proposé l’introduction de nouveaux leviers de régulation
dont principalement le dégroupage (1) et le partage des infrastructures (2).
1. Dégroupage de la boucle locale et partage des infrastructures
Aux termes de l’article 15 de l’Acte Additionnel A/SA.2/01/07 relatif à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, « les Etats membres
doivent veiller à ce que :
- les opérateurs alternatifs à travers le dégroupage puissent offrir des
services de type triple play (Internet haut débit, voix et télévision) ;
- tous les équipements des opérateurs alternatifs nécessaires à la mise en
œuvre de l’accès à la boucle locale puissent être co-localisés … »
354
La boucle locale614est le nom donné à la partie d'un réseau de
télécommunication situé entre la prise téléphonique de l'abonné final et le
central local. Plus précisément, le terminal de l'abonné peut être un poste
téléphonique, un modem ou une installation complexe (PABX) d'une grande
entreprise. De l'autre côté, la boucle locale s'arrête au " répartiteur ", armoire qui
concentre l'ensemble des lignes d'usagers avant de les renvoyer vers le
commutateur téléphonique lui-même. Le support physique à ces raccordements
d'abonnés est, dans le cas général, une paire de cuivre torsadée615.
Le réseau local, existant au Sénégal, est la propriété d’opérateurs privés, à savoir
SONATEL, SENTEL Gsm et EXPRESSO Sénégal. Il n'est pas possible
économiquement, pour un nouvel opérateur, de le répliquer intégralement.
Pourtant, y avoir un accès direct est d'une importance stratégique pour un nouvel
opérateur de télécommunications entrant : il lui permet de gérer de bout en bout
le réseau qui le relie à ses clients, et de proposer des offres différenciées. Ainsi,
il est prévu par l’article 15 de l’Acte Additionnel sur l’interconnexion, que les
Etats membres veillent à ce que les opérateurs historiques de leurs pays
respectifs fournissent à leurs concurrents un accès direct à leur boucle locale :
c'est le dégroupage.
Le nouveau code des télécommunications conformément aux dispositions du
droit communautaire a consacré le dégroupage. Aux termes de l’article 53 de la
loi 2011-01 portant code des télécommunications du 24 février 2011, l’ARTP
veille à ce que :
614 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications : réglementation de l’interconnexion, Genève,
3ème édition 2000, p. 265. 615http://www.arcep.fr/index.php?id=69. Page consultée le premier janvier 2011.
355
- les nouveaux entrants puissent accéder à la boucle locale sur la base d’un
calendrier prédéfini ;
- les nouveaux entrants soient tenus, de par le cahier des charges, à un
déploiement minimal d’infrastructure tandis que les opérateurs puissants
s’engagent à leur fournir l’accès aux paires de cuivre en même temps que
la possibilité de co-localisation dans leurs propres locaux pour faciliter le
dégroupage.
Dans la mise en œuvre, l’organe de régulation est chargé d’approuver l’offre
technique et tarifaire de dégroupage.
Cet accès dégroupé au réseau local consiste en la fourniture de paires de cuivre
nues à l'opérateur alternatif qui installe, alors lui-même, ses propres équipements
de transmission sur ces paires. L'usage du réseau local de l'opérateur historique
est naturellement rémunéré par l'opérateur utilisateur. Ce dernier doit placer ses
équipements de transmission à l'extrémité de la boucle locale, pour pouvoir
relier ces lignes à son propre réseau. Il doit pouvoir héberger ces équipements à
proximité immédiate du répartiteur de l'opérateur historique : une offre de co-
localisation dans les locaux de l'opérateur historique doit donc être proposée aux
opérateurs tiers comme corollaire au dégroupage lui-même.
Le dégroupage se décline en deux possibilités que sont:
le dégroupage616 " total ", ou accès totalement dégroupé à la boucle
locale, qui consiste en la mise à disposition de l'intégralité des bandes de
fréquence de la paire de cuivre. L'utilisateur final n'est alors plus relié au
réseau de l’opérateur historique propriétaire de l’infrastructure, mais à
celui de l'opérateur nouvel entrant ; 616 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications : réglementation de l’interconnexion, Genève,
3me édition 2000, p. 55.
356
le dégroupage " partiel ", ou accès partiellement dégroupé à la boucle
locale, consistant en la mise à disposition de l'opérateur tiers de la bande
de fréquence " haute " de la paire de cuivre, sur laquelle il peut alors
construire, par exemple, un service ADSL617. La bande de fréquence basse
(celle utilisée traditionnellement pour le téléphone) reste gérée par
l’opérateur historique propriétaire de l’infrastructure, qui continue de
fournir le service téléphonique à son abonné, sans aucun changement
induit par le dégroupage sur ce service.
Les politiques de dégroupage visent à réduire les obstacles économiques et
techniques qui freinent l'entrée des concurrents sur le marché. Les coûts
importants en capitaux, qu'implique la construction de réseaux, faisant double
emploi, constituent un obstacle notable pour les nouveaux arrivants. Les
concurrents ne seront peut-être pas désireux ou en mesure de financer la
construction de réseaux complets. En revanche, ils accepteront peut-être de
construire des éléments de ces réseaux.
Par exemple, ils peuvent mettre en place certains commutateurs, installations de
transmission entre centres et lignes d'accès dans quelques endroits. Si le cadre
réglementaire le permet, les concurrents peuvent alors obtenir de l'opérateur
historique d'autres éléments de réseaux à d'autres endroits tels que capacité de
commutation et lignes d'accès. Les nouveaux opérateurs peuvent ainsi combiner
de manière efficace les éléments de réseau qu'ils ont construits eux-mêmes avec
ceux de l'opérateur historique.
L’introduction de levier est une garantie souvent demandée par le nouvel 617 ADSL c’est la ligne d’abonné numérique asymétrique. C’est une technique permettant d’offrir des services
de transmission de données à haut débit sur des câbles à paires de fils de cuivre torsadés, généralement avec un
débit de plus de 256 kbit/s en aval, mais avec un débit inférieur en amont. Voir la Recommandation UIT-T
G.992.1.
357
entrant, ce qui permettra de favoriser la mise en concurrence au cas où cela ne
serait pas possible. L'utilisation des éléments de réseau de l'opérateur historique
par des concurrents sera souvent provisoire. Le concurrent bâtira peu à peu ses
propres installations et deviendra un opérateur à part entière utilisant ses propres
installations.
De nombreux opérateurs historiques ne sont disposés à laisser leurs concurrents
accéder à des éléments de réseau dégroupés que si la réglementation les y
oblige618. Il s’agit, là encore, d'un sujet de controverse dans certains pays et pour
certains experts. Mais le dégroupage obligatoire des réseaux est de plus en plus
courant.
La tendance au dégroupage a été fortement renforcée dans le Document de
référence de l'OMC sur les télécommunications de base. Il est dit, dans ce
Document, que les principaux fournisseurs doivent accorder l'interconnexion
selon une approche suffisamment dégroupée pour qu'un fournisseur n'ait pas à
payer pour des éléments de réseau ou des installations dont il n'a pas besoin pour
le service à assurer. Cette déclaration va dans le sens de la politique du
dégroupage mais elle n'en reste pas moins très générale. Elle ne donne guère
d'orientations pour l'élaboration de politiques nationales de dégroupage. Et
certains pays se sont engagés à sa mise en œuvre.
Les politiques de dégroupage sont apparues aux Etats-Unis, au Canada, en
Australie, à Singapour, à Hongkong et dans d'autres pays, et, plus récemment,
dans l'Union européenne.619Le cadre réglementaire, concernant les services de
618Voir la Communication de F.F. Tusubura “ West african telecommunication regulators association
forum on open access and SAT-3: Uganda’s national data backbone”, Abuja, 2007. (http://www.nettelafrica.org
Page consultée le 8 juin 2008).
619HankIntven Mc CarthyTétrault, Manuel sur la réglementation des télécommunications,
Washington édition Cabinet Hank Intven, Jeremy Olivier, Edgardo Sepulveda, première édition
novembre 2000, p. 42.
358
communications électroniques proposés par la Commission européenne le 12
juillet 2000, donne un nouvel essor bien marqué pour la mise en œuvre de
politiques nationales de dégroupage. Il convient tout particulièrement à cet égard
de noter la réglementation de l'Union européenne sur les dégroupages de la
boucle locale qui entre en vigueur le 31 décembre 2000620.
Comme dans ces pays, le régulateur doit prendre les dispositions nécessaires
pour rendre effective le dégroupage. Et la mise en œuvre de ce dégroupage au
Sénégal est une opportunité pour développer l’activité des fournisseurs de
services de télécommunications car ils auront un accès plus avantageux à
l’infrastructure de l’opérateur historique.
2. Partage d’infrastructures
Le partage des infrastructures constitue un enjeu de taille pour promouvoir la
concurrence dans les marchés nationaux des pays membres et le marché
communautaire621. C’est pourquoi l’article 10 de l’Acte Additionnel
A/SA.2/01/07, relatif à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des
TIC, définit les modalités du partage. L’alinéa premier de l’article 10 prévoit
que « les Etats membres s’assurent que les Autorités nationales de régulation
encouragent le partage d’infrastructures passives et actives. »
620HankIntven Mc CarthyTétrault. Op.cit. p. 43. 621 C’est pourquoi la Banque Mondiale accompagne certains pays pour l’installation de Câbles dont la demande
de capacité est importante, pour promouvoir la concurrence. Actuellement, cinq projets de construction de
câbles dans des pays africains sont validés par le Conseil d’administration de la Banque Mondiale. Les pays
concernés sont le Cameroun, la République Centre Africaine, le Tchad, le Gabon et le Sao tomé Principe. Voir
Jérôme BEZZINA, Chef de projet CAB, Banque Mondiale, « le projet CAB », Ouagadougou, séminaire
FRATEL 2012.
359
Nous distinguons deux formes de partages d’infrastructures, à savoir le partage
d’infrastructures passives et le partage d’infrastructures actives622.
Le partage d’infrastructures passives623permet aux opérateurs d’utiliser en
commun les éléments non électriques des réseaux de télécommunications, qui
relèvent des travaux de génie civil : droit de passage et servitudes, conduites,
pylônes, tours, tranchées, poteaux, locaux techniques et systèmes connexes
d’alimentation électrique, de climatisation et de sécurité624. Ces installations et
systèmes ne sont naturellement pas les mêmes d'un réseau à un autre. Les
réseaux mobiles nécessitent l'installation de tours, tandis que les réseaux de
raccordement et les dorsales à fibres optiques imposent l'acquisition de droits de
passage pour la mise en place des câbles, sur pylônes ou dans des tranchées. Les
installations passerelles internationales, par exemple les stations d'atterrissage de
câbles sous-marins625, peuvent se prêter à la co- localisation ou servir de points
de connexion, de sorte que les opérateurs peuvent ici se faire directement
concurrencer sur le marché des services internationaux626.
Le partage des infrastructures passives peut rendre plus efficace la fourniture
des télécommunications627. La possibilité de partager et de co-implanter
622 Susan Schorr, Chef a.i de la Division de l’environnement réglementaire et commercial, BDT/ITU « six
degrés de partage », in Tendances des réformes dans les télécommunications 2008, Genève, édition 2008 page
33. 623http://www.itu.int/ITU-D/treg/publications/Trends08_summary-F.pdf .page consultée le 3 janvier 2011. 624 Voir Eric VEVE « les enjeux des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, séminaire FRATEL 2012 625 Voir M. Nezih DINCBUDAK, directeur des affaires réglementaires Afrique, Moyen-Orient et Asie, France
Télécom, « Connectivités terrestres et sous-marines : un enjeu majeur pour bâtir une e-société », Ouagadougou,
séminaire FRATEL, 2012. 626 Voir Brahim OUMAR, Coordonnateur du Projet CAB, Tchad, « Câble à fibre optique du Tchad »,
Ouagadougou, séminaire FRATEL, 2012. 627 En France, France Télécom dispose d’infrastructures considérables qui supportent le réseau téléphonique :
- 350 000 Km d’artères de génie civil souterrain en conduite (fourreaux) ;
- Environ 13 millions de poteaux et plusieurs millions de supports sur les poteaux électriques,
généralement gérés par ERDF.
360
l’infrastructure peut considérablement réduire les obstacles à la mise en
concurrence628. L’acquisition, des droits de passage et d’autres autorisations
nécessaires pour construire les lignes de poteaux ou les pylônes, creuser les
tranchées ou installer des conduites, peut prendre beaucoup de temps et coûter
très cher. Partager l’infrastructure et la co-implantation peut réduire les frais
pour le nouvel opérateur tout en assurant des recettes supplémentaires aux
opérateurs historiques629.
Un autre avantage peut aussi être noté avec son faible impact sur
l’environnement et aussi sur le public.
Il arrive que le partage des infrastructures s’effectue sans qu’il soit nécessaire
d’intervenir au niveau de la réglementation. Les deux parties peuvent prévoir le
partage dans la convention d’interconnexion signée. Mais lorsqu’il s’agit d’un
opérateur en position dominante, il est tenu de prévoir les tarifs et les conditions
techniques d’accès à ses infrastructures dans le catalogue d’interconnexion.
L’article 6.1 du catalogue d’interconnexion de 2010 630de la SONATEL prévoit
une offre de co -localisation. Il prévoit :
C’est dans ce sillage que l’ARCEP encourage le partage des infrastructures de génie civil existantes, notamment
les infrastructures de France Télécom, pour réduire significativement les coûts de déploiement. Voir les
Rapports de l’ARCEP, « La montée vers le très haut débit sur l’ensemble du territoire : Guide sur le déploiement
de la fibre optique à l’usage des élus et des collectivités territoriales », Paris, ARCEP, juillet 2011, p. 19.
628 Voir M. Ali SOUNGUI, sous-directeur interconnexion ART Cameroun, « Partage et mutualisation des
infrastructures : Expérience du Cameroun », Ouagadougou, séminaire FRATEL 2012. Au Cameroun, un accord
cadre est mis en place pour permettre un partage des infrastructures entres acteurs du secteur de l’électricité et
des télécommunications. 629 Selon les chiffres de 2011, les pays du FRATEL constituent 26 % de la population africaine et utilisent 5%
de la bande passante internationale. De ce constat, Monsieur Claude De JACQUELOT propose une
mutualisation des infrastructures pour promouvoir la compétition. Voir Claude De JACQUELOT, « Les enjeux
des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, FRATEL 2012. 630 Le catalogue d’interconnexion de SONATEL est disponible sur le site de l’ARTP. (www.artp.sn. Page
consultée le 13 novembre 2010).
361
Qu’un opérateur qui souhaite réaliser lui-même la liaison d’interconnexion
jusqu’au répartiteur MIC du commutateur de rattachement (commutateur
d’abonnés, commutateur de transit, commutateur mobile) peut le faire, dans la
limite de la capacité technique du bâtiment où est situé le commutateur, et
accepter la Co-localisation ainsi que des disponibilités en capacités
d’hébergement du site.
SONATEL donnera sa réponse sur la faisabilité et le délai de réalisation de
l’offre de Co- localisation au plus tard un mois après la réception de la
demande de Co -localisation. L’opérateur interconnecté devra préciser le type
d’équipement envisagé (fournisseur, dimensions, débits prévus). En cas de refus,
SONATEL motivera les raisons de rejet d’une demande de Co- localisation
exprimée par l’opérateur interconnecté.
Ces dispositions du catalogue d’interconnexion ne garantissent pas l’effectivité
du partage d’infrastructures et ouvrent la porte à des abus de position dominante.
C’est pourquoi, l’alinéa premier de l’article 10 de l’Acte Additionnel
A/SA.2/01/07 relatif à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des
TIC prévoit que le partage doit se faire dans des conditions d’équité, de non-
discrimination et d’égalité d’accès. En ce sens, le régulateur doit élaborer une
procédure traitant des relations entre les exploitants des réseaux publics quant
aux conditions et au partage d’infrastructures, notamment celles relatives aux
délais et à l’accès aux informations nécessaires pour la mise en place.
Dans le contexte actuel du marché des télécommunications, le Sénégal qui ne
s’est pas encore doté d’une bonne réglementation en matière de partage des
infrastructures, pourrait transposer ces dispositions.
362
Le partage d’infrastructures actives631concerne les éléments électroniques du
réseau notamment, l’intelligence du réseau installé dans les stations de base et
les équipements des réseaux mobiles, les commutateurs des nœuds d’accès et
enfin les systèmes de gestion des réseaux à fibres optiques. Le partage des
infrastructures actives prête davantage à controverse, puisqu’il porte sur les
éléments essentiels de création de valeur dans la chaine d’activité économique.
Ce partage peut donner lieu à des pratiques anticoncurrentielles comme l’entente
sur les prix ou sur les offres de service632.
Mais il reste pertinent que le partage d’infrastructures est un levier essentiel
pour encourager la concurrence dans les pays comme le Sénégal.
631 Susan Schorr. Op.cit. Page 35. 632 En Côte d’Ivoire, la situation de monopole de Côte d’Ivoire Télécom sur le Câble SAT3 a impacté sur la
concurrence dans le marché des Télécoms du fait des tarifs appliqués aux concurrents. C’est pourquoi l’Etat
compte réaliser un Réseau National Haut Débit pour encourager la baisse des tarifs d’accès afin de promouvoir
la concurrence. Voir Jean –Michel KOUAKOU, sous-directeur de la qualité de l’audit et de la qualité, ATCI,
« Les enjeux des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, FRATEL 2012.
363
SECTION II :
ADAPTATION DE LA REGULATION DES RESSOURCES RARES A
L’EVOLUTION TECHNOLOGIQUE
L’adaptation de la régulation à l’évolution technologique consiste d’une part,
à adapter la régulation du passage de l’analogie au numérique (paragraphe I), et
d’autre part, à adapter la gestion des ressources en numérotation, des adresses
IP et des noms de domaine par rapport à la convergence (paragraphe II).
364
Paragraphe Premier :
Adaptation de la régulation du passage de l’analogie au numérique
L’adaptation de la régulation du passage de l’analogie au numérique passe
par l’encadrement juridique de celui-ci (1) et l’utilisation efficace du dividende
numérique (2).
1. Encadrement juridique du passage de l’analogie au numérique
Le passage au numérique intervient lorsque le signal de télévision analogique
est converti en services de radiodiffusion télévisuelle numérique633 qui s’y
substituent. Ce passage se fait quelquefois en une seule fois, et nous parlons
alors d’extinction de l’analogique. Toutefois, les deux peuvent coexister pendant
un temps, le temps d’une phase de transition.
Le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) requiert
l’utilisation de ressources hertziennes. Pour cela, deux options sont possibles, à
savoir l’utilisation de fréquences libérées par l’extinction de la télévision
analogique ou l’utilisation de ressource spécifique634. Rappelons au passage que
la Coordination de la gestion des fréquences est une mission de l’Union
Internationale des Télécommunications (UIT) au niveau mondial.
Du 15 mai au 16 juin 2006, s’est tenue à Genève sous l’égide de l’UIT, la
CRR-06635. Cette conférence mondiale des radiocommunications avait pour
objet d’organiser le paysage de la diffusion hertzienne le jour où l’analogique 633 Jean-Marc Chaduc, La gestion des fréquences, Paris, édition Hermès, du juillet 2005, p. 143. 634 L’annexe 1 de l’accord CRR-06 définit la composition du plan numérique et du plan analogique.
Selon l’article 3.1.1, le plan numérique est composé de deux bandes à savoir la bande 174-230 Mhz et la bande
470-862 Mhz. Cette dernière comprend les assignations du plan pour la radiodiffusion T-DAB, les allotissements
du Plan pour la radiodiffusion DVB-T, les assignations pour la radiodiffusion DVB-T et les allotissements pour
la radiodiffusion DVB-T). Voir l’Acte final CRR-06. Op.cit. p 10. 635 Voir l’Acte final de CRR-06. Ibidem.
365
disparaîtrait. Lors de cette conférence, 119 des 189 pays membres de l’Union
Internationale de la Télécommunication (UIT) étaient présents dont le Sénégal.
Le plan de fréquences adopté à Genève en 2006 est issu des Conférences
régionales sur les radiocommunications de 2004636 et de 2006637, et remplace
celui de Stockholm de 1961 (ST61) qui établissait le plan de fréquences de
radiodiffusion pour l’Europe, l’Afrique et de nombreuses parties de l’Asie638.
Ce traité, initié par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), a
fixé la date limite de la migration de la télévision analogique vers la télévision
numérique au 17 juin 2015.
Aux termes de l’article 8 de l’Accord CRR-06, « l’Accord engage les Membres
contractants dans leurs rapports mutuels mais n’engage pas les Membres dans
leurs relations vis-à-vis des membres non contractants.
Si un membre contractant formule des réserves au sujet de l’application d’une
disposition de l’Accord, les autres membres contractants ne sont pas tenus
d’observer cette disposition avec le membre qui a formulé les réserves. »639
Le passage de l’audiovisuel analogique au numérique consiste à arrêter la
diffusion analogique des chaines de télévision et de radio, et à la remplacer par
celle numérique.
La télévision analogique est régie par l’Accord régional de Genève 1989, plus
connu sous le nom de GE89640.
636 La première session chargée de préparer un rapport à l’intention de la seconde de 2006 s’est tenue du 10 au
28 mai 2004. Op.cit. p. 9 637 La seconde session chargée de rédiger l’Accord et le plan associés s’est tenue à Genève du 15 mai au 16 juin
2006. Voir Acte final Accord CRR-06. Ibid. p. 9. 638 Les pays africains ont signé l’Accord ST61 en 1989. Voir Tendances des réformes des télécommunications
2010/2011 : favoriser le monde numérique de demain, Genève, UIT 2011 p. 176 et p. 199. 639 Voir l’Acte final Accord CRR-06. Ibidem. p. 23.
366
Cet Accord contient des Plans d’assignation de fréquences aux stations de
radiodiffusion télévisuelle et les caractéristiques associées en ondes métriques et
décimétriques dans la zone africaine de radiodiffusion641.
Les Actes finals décrivent les procédures de coordination entre les pays
signataires de cet Accord et les procédures de notification642. Ils permettent aussi
de calculer les rapports de protections inter-porteuses et de faire des prévisions
en matière de propagation.
La zone africaine de radiodiffusion est composée :
- des pays africains situés entre les parallèles 40 Sud et 30 Nord ;
640 Selon le préambule de l’Accord GE89, les délégués, dûment accrédités des membres de l'Union
Internationale des Télécommunications, sont réunis à Genève pour une conférence administrative régionale des
radiocommunications convoquée aux termes des articles 7 et 54 de la Convention internationale des
télécommunications (Nairobi, 1982) afin de fixer les termes d'un Accord comportant un Plan pour la
radiodiffusion télévisuelle dans les bandes indiquées. Dans l'article 3 du présent Accord, ont adopté, sous
réserve de l'approbation des autorités compétentes de leurs pays respectifs, les dispositions suivantes et le Plan
relatif à cela concernant le service de radiodiffusion télévisuelle dans ces bandes ainsi que des dispositions
relatives à d'autres services primaires ou permis dans la zone de planification définie à l'article 1 du présent
Accord. Voir l’Acte final de « l’Accord régional relatif à la planification de la radiodiffusion télévisuelle en
ondes métriques et décimétriques dans la zone africaine de radiodiffusion et les pays voisins ». Genève, 1989, p.
1.
641 Pape CIRE CISSE, Directeur de la Direction des Radiocommunications de l’ARTP et Président de la
Commission technique nationale de transition de la télévision analogique à la télévision numérique, « Stratégie
nationale de passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique », Dakar, 2010, p. 14,
document inédit. 642 Voir l’article 4 de l’Accord CRR-06. Op.cit. pp. 11-19.
367
- des îles de l’Océan indien à l’Ouest du méridien 60Est de Greenwich
situées entre le parallèle 40 Sud et l’arc de grand cercle joignant les
points de coordonnées 45 Est, 1130’ Nord et 60 Est, 15 Nord ;
- des îles de l’Océan atlantique à l’Est de la ligne B comme indiqué dans
l’annexe 1, situées entre les parallèles 40 Sud et 30 Nord.
Le Plan de Genève 89 a adopté les bandes métriques et décimétriques
suivantes pour le Sénégal643 :
Bande III : 174 à 230 MHz644 (7 canaux de 8 MHz);
Bande IV : 470 à 582 MHz (14 canaux de 8 MHz);
Bande V : 582 à 862 MHz (35 canaux de 8 MHz).
Les caractéristiques d’émission qui sont utilisées dans le Plan de GE89 sont :
système couleur : SECAM K1645, ou PAL B/G646 ;
directivité des antennes d’émission : non-directif (ND) ou directif (D)
selon les localités ;
polarisation : horizontale (H) ;
largeur nominale du canal : 7 ou 8 MHz ;
écart entre porteuse son et porteuse image : 5,5 ou 6.5 MHz ;
modulation pour l’image : modulation d’amplitude négative à bande
latérale résiduelle ;
modulation pour le son : modulation de fréquence ;
excursion de fréquence pour le son : ± 50 kHz ; 643 Voir l’article 3.1 de l’Accord GE 89.Op. cit. p. 3. 644 Hz est une unité de mesure de la fréquence égale à un cycle par seconde. Il convient de rappeler qu’une
fréquence est le rythme auquel un courant électrique alterne, généralement exprimé en Hertz. Le terme Hz est
utilisé pour se référer à un endroit sur le spectre radioélectrique, comme 800, 900 ou 1800Mhz. 645 SECAM est un système de télévision analogique utilisé en France, en Russie et dans les anciens pays de la
CEI et dans certaines parties de l’Afrique. 646 PAL est un système de télévision analogique utilisé principalement en Europe. Il a été créé en grande partie
pour répondre aux insuffisances constatées avec le système NTSC pour la télévision européenne standard
50Hertz.
368
rapport PAR image/son : 10dB ;
fréquence ligne : 15625 Hz ;
espacement entre canaux : 8 MHz.
Il a été recensé, au Sénégal647, pour :
les bandes hertziennes VHF et UHF : RTS1, SN2, WALF TV,
2STV, CANAL INFO, RDV, AFRICABLE et TFM;
les exploitants de réseaux hertziens MMDS : EXCAF
TELECOM et DELTA NET TV ;
les chaînes satellitaires : RTS1, WALF TV, 2STV et TOUBA TV
les chaines sur câbles (TVIP/Orange): WALF TV, RTS1, SN2,
CANAL INFO, 2STV et AFRICABLE.
Au plan initial GE89 (Cf. Tableau 2), le Sénégal avait bénéficié de 35
fréquences TV dans les bandes UHF648 et VHF649 réparties dans 18 villes. Ce
plan a subi une modification en 2000 avec l’ajout de quatre (04) nouvelles
fréquences à Dakar.
Nonobstant cette modification du Plan GE89, les fréquences deviennent de plus
en plus rares dans cette partie du spectre à cause d’une demande accrue en
647 Voir le document de la commission technique du Comité national du Sénégal de transition de la télévision
analogique à la télévision numérique, « Passage à la radiodiffusion numérique », février 2011, pp. 5-10. Je
remercie en passant Monsieur Malick NDIAYE, Président du Comité national de transition de l’Audiovisuelle
analogique vers le numérique et Monsieur Pape CIRE CISSE, Président de la Commission technique pour leur
assistance scientifique. 648 UHF désigne des ondes décimétriques (698-806/862Mhz). 649 VHF signifie très hautes fréquences en anglais. Ces concepts techniques sont définis dans les glossaires des
« tendances des réformes dans les télécommunications », régulièrement publiées par l’UIT. Genève. Voir la
publication de 2011, pp. 408-421.
369
fréquences. C’est pourquoi, l’UIT a organisé en Juin 2006, la Conférence
Régionale des Radiocommunications dans le but de mettre en place un nouveau
plan numérique pour la radiodiffusion terrestre.
Le plan GE89 a été remplacé en 2006 par le plan GE06A et les assignations du
Plan GE89 sont transférées dans le nouveau Plan GE06A.
Au plan mondial, les pays européens et africains comprenant très tôt l’enjeu et
les avantages de la TNT ont participé sous l’égide de l’UIT, à la Conférence
Régionale des Radiocommunications 2006, chargée de planifier les fréquences
de la radiodiffusion numérique terrestre dans les bandes de fréquences 174 - 230
MHz et 470 - 862 MHz, qui s'est tenue à Genève du 15 mai au 16 juin 2006.
Cette conférence a permis d’adopter un plan numérique de radiodiffusion qui
remplacera les plans pour la radiodiffusion analogique existants depuis 1961, en
Europe, et depuis 1989, en Afrique650.
Le plan couvre une grande partie du globe: l'Europe, les pays de la CEI,
l'Afrique, le Moyen-Orient et la République islamique d'Iran.
Le système de transmission numérique actuellement utilisé pour la radio est la
DAB pour Digital Audio Broadcasting. La composante terrestre T-DAB utilise
des canaux de télévision dans la bande III VHF. Chaque "ancien canal TV" est
divisé en 4 blocs DAB de 1,75 MHz651. L'objectif de la CRR-06 était d'organiser
au plan international le paysage de la diffusion hertzienne, le jour où 650 Voir annexe 1.5 de l’Accord CRR-06 portant Plan d’assignation de fréquences pour la radiodiffusion
télévisuelle analogique dans les bandes de fréquences 174-230 Mhz et de 470-862 pendant la période de
transition. Op. Cit. p. 33. 651 Voir le chapitre 3 de l’annexe 2 portant base technique pour les services de radiodiffusion de terre, de
l’Accord CRR-06.Op.cit. p. 160.
370
l'analogique aura disparu. Ce Plan régional d'utilisation des fréquences, adopté à
l'issue de la Conférence de Genève 2006, prend ainsi la forme d'un immense
puzzle, avec des accords réciproques pour 78.000 fréquences au total, dont 513
pour le Sénégal.
La généralisation de la radiodiffusion numérique sera un progrès majeur dans
l'édification d'une société de l'information plus équitable, plus juste et à
dimension humaine. Le passage au numérique permettra de brûler les étapes
technologiques pour connecter les communautés mal desservies ou isolées et
pour réduire la fracture numérique652.
La période de transition a commencé depuis le 17 juin 2006. En principe, dans la
Région 1 de l’UIT, dont le Sénégal fait partie, il a été retenu l’année 2015 pour
l’extinction de la télévision analogique en bandes de fréquences UHF - IV et V
et VHF - III. Aux termes de l’article 12.6 de l’Accord CRR-06 :
La période de transition prendra fin le 17 juin 2015 à 0001UTC. Toutefois, pour
les pays indiqués dans la note de bas de page 1 ci-dessous, s’agissant de la
bande 174 -230 Mhz, la période de transition prendra fin le 17 juin 2020 à
0001UTC. Après la fin de la période de transition applicable, les inscriptions
correspondantes dans le Plan analogique seront annulées par le Bureau…
Cependant, pour beaucoup de pays européens qui ont déjà entamé le processus
de migration, l’arrêt de la télévision analogique est fixé en 2012653.
652 Voir Isabelle Gross, Responsable de recherche Balancing Act, « La transition de numérique : Etat des lieux
et Enjeux en Afrique », présentation effectuée le 29 juin 2011 à Dakar. Document inédit. 653 En Europe, une recommandation de la Commission européenne préconise un passage au tout numérique le 1er
janvier 2012. Voir EU REC 2009/848/EC de octobre 2009.
371
Une poignée de pays de cette région a obtenu une dérogation spéciale quant à
l’abandon de la télévision analogique dans la bande de fréquences VHF - III. Il
leur a été spécialement concédé la date butoir de 2020654.
Selon l’article 3 du nouveau code des télécommunications de 2011, une
assignation (d’une fréquence ou d’un canal radioélectrique) est une autorisation
donnée par l’Autorité de régulation pour l’utilisation par une station
radioélectrique d’une fréquence ou d’un canal radioélectrique déterminé selon
des conditions spécifiées.
De même, un allotissement655 est une inscription d'un canal donné dans un plan
adopté par une conférence compétente, aux fins de son utilisation par une ou
plusieurs administrations pour un service de radiocommunication terrestre ou
spatiale, dans un ou plusieurs pays ou zones géographiques déterminées et selon
des conditions spécifiées656.
Lors du processus de planification de la CRR-06 de Genève, le Sénégal a
exprimé un besoin de 513 demandes en numérique, toutes satisfaites.
Pour la DVB-T, un total de 385 besoins a été satisfait et réparti dans les
différentes bandes :
654 Les pays concernés sont : Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Egypte, Gabon, Ghana,
Guinée Conakry, Iran, Jordanie, Mali, Maroc, Mauritanie, Nigéria, République arabe Syrienne, Soudan, Tchad,
Togo, Tunisie, Yémen. Voir Accord CRR-06. Ibid. p. 24. 655 Article 1.17 du Règlement des Radiocommunications, édition UIT 2008, p. 8. 656 Cette définition est tirée de l’article premier du décret 2003 –64 relatif aux fréquences et bandes de
fréquences radioélectriques. Mais considérant que la partie réglementaire du nouveau code des télécoms n’est
pas en adoptée à l’heure où cette thèse est rédigée, nous nous tenons à cette définition qui sera certainement
maintenue par la partie réglementaire du nouveau code des télécommunications.
372
Bandes IV et V (470-582 MHz et 582-862 MHz) : 339 besoins ;
Bande III (174-230 MHz) : 46 besoins.
Pour la T-DAB, le Sénégal a exprimé 66 besoins dans la bande III.
Les tableaux 3,4 et 5 donnent la liste des localités pour lesquelles
les fréquences sont assignées respectivement pour la DVB-T en
bande UHF et en bande VHF ainsi que pour la T-DAB.
Les allotissements
Les 62 demandes d’allotissements exprimées par le Sénégal pour la DVB-T657
sont distribuées comme suit :
En VHF, 25 demandes ;
Et en UHF, 37 demandes.
Pour opérer la migration vers la télévision numérique, l’une des étapes
principales est le choix, par l’autorité compétente, de la norme de diffusion et
de compression du signal.
Quatre systèmes de télévision numérique ont été développés pour la
radiodiffusion terrestre.
Ces systèmes appliquent les normes MPEG-2658 et MPEG-4659 pour la
compression et le codage de source. La norme MPEG-2 TS (Transport Stream)
est utilisée pour le transport. La principale différence entre ces systèmes en
657 DVB-T désigne la radiodiffusion vidéonumérique de terre. Voir également glossaire des tendances des
reformes dans mes télécommunications, édition 2011 op.cit. p. 406. 658 MPEG désigne MovingPictures Experts Group; norme universelle ISO/IUT qui comprime la vidéo
numérique pour la télévision numérique, les DVD et les PVR. La norme MPEG-2 est utilisée pour les unités
terminales d’abonnés à la télévision numérique et les DVD. 659 La norme MPEG-4 offre une meilleure technologie de multimédia pour la vidéo fixe mobile que MPEG-2.
373
question, réside dans la couche diffusion RF ou physique, où sont déterminés le
type de modulation utilisé et le mode d'émission en radiofréquence.
Le système NTSC660 mis au point en Amérique du Nord est un système à une
seule porteuse, fonctionnant avec modulation d'une bande latérale résiduelle
(BLR-8).
Le système DVB-T et le système ISDB-T, développés respectivement en Europe
et au Japon, sont des systèmes multi-porteurs dans lesquels nous appliquons le
multiplexage par répartition en fréquence orthogonale avec codage et la
modulation MAQ661. Ces systèmes de modulation peuvent être appliqués, soit à
une porteuse unique modulée à un débit de données élevé, soit à un grand
nombre de porteuses modulées à des débits relativement faibles ; c'est l'approche
multi-porteuse.
La DMB662 est une norme utilisée particulièrement en Chine et en Corée du
Sud.
Aujourd’hui, le Sénégal doit faire un arbitrage pour le choix de la norme à
adopter. Dans les discussions avec les acteurs du secteur, certains proposent
l’adoption de la norme européenne compte tenu de la proximité de nos systèmes
juridiques et de nos relations économiques et politiques. D’autres plaident pour
la norme chinoise en ce qu’elle offre plus de qualité.
660 NTSC est le système de télévision analogique utilisé dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord, dans
la majorité des pays d’Amérique du Sud, au Myanmar, en République de Corée, au Japon, aux Philippines, et
dans certains pays insulaires et territoires du pacifique. Le National Television System Committe est l’organisme
de règlementation des Etats –Unis ayant mis au point cette norme de radiodiffusion. Voir « Tendance des
réformes de l’UIT 2010 /2011 : favoriser le monde numérique de demain », Genève, 2011, p. 199. 661 Voir l’annexe 3.1 de l’Accord CRR-06 portant variante de système DVB-T. Op.cit. p. 171. 662 Digital Mobile Broadcasting.
374
Une fois que la norme est choisie663, se pose maintenant la question de
l’encadrement juridique de la migration vers la télévision numérique.
Ce cadre juridique, consacré à l’avènement de cet environnement de
l’audiovisuel au Sénégal, mérite d’être présenté.
A propos du cadre normatif, l’activité, consistant à offrir des services
audiovisuels, a pendant longtemps été assujettie au monopole d’Etat. En effet,
l’article 2 de la loi n°92-02 du 6 janvier 1992 portant création de la Société
Nationale de Radiodiffusion - Télévision Sénégalaise avait maintenu ce
monopole. Et il faudra attendre l’an 2000 pour assister à la libéralisation des
ondes à travers l’article unique de la loi n° 2000-7 du 10 janvier 2000. Selon cet
article, « Ces droits (de diffusion et de distribution d’émissions de radio et de
télévision à destination du public) appartenant exclusivement à l’Etat, peuvent
faire l’objet d’une concession totale ou partielle à un ou plusieurs
concessionnaires de droit public ou privé, par voie de conventions et cahiers des
charges précisant les obligations réciproques du concessionnaire et de l’Etat.
Ces conventions sont approuvées par décret ».
C’est sur la base de ces dispositions que le ministre signe une convention de
concession et un cahier des charges avec les entreprises audiovisuelles qui sont
au Sénégal.
663 Le choix de la norme de diffusion de la TNT peut relever de la compétence du Gouvernement comme de
l’Autorité de régulation de l’audiovisuel. En France, le choix de la norme est effectué par le Gouvernement sur
proposition de l’Autorité de régulation. Voir l’article 3 de l’arrêté du 24 décembre 2001 relatif à la télévision
numérique hertzienne terrestre fixant les caractéristiques des signaux émis (Journal officiel du 27 décembre
2001) modifié par :
- l'arrêté du 26 mai 2005 (Journal officiel du 27 mai 2005)
- l'arrêté du 25 août 2010 (Journal officiel du 9 septembre 2010) www.csa.fr (page consultée le 18 janvier 2011).
375
Par ailleurs, certaines dispositions du nouveau code des télécommunications de
2011 sont applicables au secteur de l’audiovisuel. Il s’agit notamment de :
l’article 70 du nouveau code des télécommunications : qui prévoit que
l’ARTP est chargée d’assurer la planification, la gestion et le contrôle du
spectre des fréquences;
l’article 71 du nouveau code des télécommunications : qui dispose que les
titulaires des autorisations supportent l’intégralité du coût des
réaménagements nécessaires à la mise à disposition des fréquences qui leur
sont assignées. Le préfinancement d’une partie de cette dépense peut être
assuré par le fonds de réaménagement du spectre géré par l’Autorité de
régulation. Les modalités de création, d’organisation et de fonctionnement
sont fixées par décret.
l’article 74 du nouveau code des télécommunications : qui prévoit qu’en ce
qui concerne les fréquences radioélectriques attribuées aux opérateurs de
radiodiffusion ou de télédistribution conformément au plan national
d’attribution des bandes de fréquences radioélectriques, l’Autorité de
régulation assigne une ou plusieurs fréquences aux demandeurs sur
présentation de l’autorisation d’exercice délivrée par l’autorité compétente, et
pour la même durée.
Ces normes applicables au secteur de l’Audiovisuel sont mises en œuvre par les
acteurs institutionnels.
Dans le cadre institutionnel, il convient de rappeler que trois (3) structures sont
compétentes en matière de communication audiovisuelle, chacune dans un
domaine spécifique. Il s’agit du Ministère chargé de l’information et de la
communication, du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) et
de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP).
376
Le Ministère chargé de l’Information, en vertu de l’article unique de la
loi n°2000-07 du 10 janvier 2000 abrogeant et remplaçant l’article 2 de la
loi n°92-02 du 06 janvier 1992 portant création de la RTS, accorde au
nom de l’Etat, les droits de diffusion et de distribution d’émissions de
radio et de télévision. En effet, ces droits sont attribués à travers une
convention de concession à laquelle est annexé un cahier des charges.
Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), en
application de l’article premier de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006
portant création de cette institution, est chargée de « la mission
essentielle :
o d’assurer le contrôle de l’application de la réglementation sur
l’audiovisuel ;
o de veiller au respect des dispositions de la présente loi et de celles
des cahiers des charges et conventions régissant le secteur ».
En outre, l’article 7 de la loi précitée précise que le CNRA veille « au
respect des cahiers des charges applicables aux titulaires de concession
portant autorisation d’exploitation d’un service de communication
audiovisuelle ».
L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes
(ARTP), au vu des articles pertinents du Code, remplit une mission
purement technique. Elle se limite à l’assignation de fréquences sur la
base de l’autorisation d’exercice délivrée par le Ministère chargé de
l’information ainsi qu’aux conditions techniques d’utilisation des stations
et des fréquences.
377
C’est ainsi que ces institutions collaborent pour la prise de décisions applicables
aux acteurs du secteur de l’Audiovisuel dans le respect de leurs compétences
respectives.
Pour l’entrée d’un nouvel acteur dans la fourniture de service audiovisuel, la
procédure convenue entre le Ministère chargé de l’information et l’ARTP est la
suivante :
1. le requérant saisit le Ministère pour une autorisation d’exploitation d’une
station de radiodiffusion ou de télévision ;
2. en cas d’accord, le Ministère envoie une lettre à l’ARTP pour lui
demander de procéder à l’étude de faisabilité technique en vue d’une
assignation de fréquence ;
3. l’ARTP mène les études techniques et en cas de disponibilité de la
fréquence, répond positivement au Ministère ;
4. le Ministère écrit de nouveau à l’ARTP pour lui demander d’assigner la
fréquence ;
5. l’ARTP établit, signe et transmet au Ministère la décision d’assignation de
fréquences ;
6. le Ministère signe avec le requérant la convention de concession et le
cahier des charges auxquels est annexée la décision d’assignation de
fréquence de l’ARTP ;
7. un décret approuve la convention de concession et le cahier des charges.
Une copie du dossier complet (décret, convention de concession et cahier des
charges signés) est transmise à l’ARTP pour information.
Ce cadre juridique nécessite des réaménagements pour permettre au Sénégal de
mieux tirer profit du passage de la télévision analogique vers la télévision
numérique.
378
Dans cette perspective, le Gouvernement du Sénégal vient de mettre en place
un Comité national pour le passage de l’audiovisuel analogique au numérique.
Ainsi, le Premier Ministre a institué, par arrêté n°07593 du 26 aout 2010, le
Comité national pour le passage de l’analogie au numérique664.
Selon l’article 2 dudit arrêté, « le Comité national, pour le passage de
l’Audiovisuel analogique au numérique, a pour mission d’orienter, de
coordonner et de piloter pour assurer le passage de l’Audiovisuelle analogique
au numérique ».
L’ARTP peut, en vertu de l’article 71 du nouveau code des télécommunications,
conduire des analyses prospectives du spectre des fréquences radioélectriques
en vue de son utilisation optimale par les acteurs publics ou privés. Elle
procède à l’examen périodique de l’utilisation du spectre et aux aménagements
qui lui paraissent nécessaires. Même si l’article 71 prévoit que les titulaires des
fréquences supportent l’intégralité des coûts des réaménagements du spectre, la
solution la plus efficace pour une migration avec succès est de les faire
préfinancer par l’Etat. En effet, l’essentiel des acteurs du secteur public de
l’audiovisuel utilisant des fréquences sont déficitaires. Déjà, ils ne parviennent
pas à honorer leur facture de redevance et demandent à l’autorité publique la
réduction665. Dans ce contexte, il est illusoire de leur demander le financement.
664 A l’instar du Sénégal, le suivi du processus de transition de la télévision analogique vers le numérique est
souvent assuré par le Chef de Gouvernement. Par exemple, au Burkina Faso, un arrêté n°2011 -
0011/PRES/PM/DIEE portant création, composition, attribution et fonctionnement de la commission technique
de la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, est pris par le Premier Ministre.
Cette commission assure le travail technique, rend compte et propose au Chef de Gouvernement la stratégie à
adopter. Disponible sur le site www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012. 665 Voir SY Jacques Habib, Crise de l’Audiovisuel au Sénégal, édition « Programme d’Aide Transparence sur
la transparence budgétaire et la décentralisation participative », Dakar, p. 46. Par ailleurs, à l’occasion de la
présentation des vœux de la presse à Monsieur le Président de la République en 2011, Monsieur Madiambal
DIAGNE a demandé au Chef de l’Etat, au nom de sa corporation, la réduction des redevances de fréquences.
379
Et de ce fait, l’Etat doit mettre en place le fonds de réaménagement du spectre
pour que les dépenses nécessaires à la migration soient engagées.
Il est utile de mentionner également la durée d’une autorisation pour le
distributeur de services TNT ainsi que les modalités de son renouvellement par
l’ARTP.
L’analyse de ces dispositions révèle les pouvoirs importants de l’ARTP dont la
mise en œuvre permettra, après une migration en douceur, de réaffecter les
fréquences à d’autres services innovants.
En effet, le principe de la continuité du service public, l’onérosité des CAPEX
(des investissements en capital), nécessaires pour la migration, appellent
l’adoption d’une transition progressive. Une décision de l’ARTP ou un arrêté du
Ministre en charge des télécommunications pourrait fixer les différentes étapes
du « switch over » pendant lesquelles l’audiovisuel analogique et celui
numérique cohabiteraient « simulcast ». Cette cohabitation doit démarrer, en
notre sens, en 2013 pour donner du temps aux fournisseurs de services
audiovisuels et aux utilisateurs de ces services de changer leurs équipements
afin que l’extinction totale du signal analogique soit une réalité paisible en 2015.
Ce qui nécessite un choix dans les modalités d’attribution des licences
audiovisuelles d’une part, et les modalités d’attribution des ressources du
spectre, d’autre part.
S’agissant de l’attribution des licences, la législation actuelle prévoit une
convention de concession et un cahier des charges attribués par décret. Mais
dans l’intérêt de la concurrence, l’Etat doit éviter des opérations de
concentration surtout verticale. Selon le Professeur Abdoulaye SAKHO, « la
concentration peut être perçue, dans un premier sens, comme un état particulier
de la structure économique. A l’opposé de cette vision statique, il est possible de
380
voir dans la concentration un processus, dès lors que l’accent est mis sur le
mouvement de transformation des structures économiques dispersées en une
structure unitaire »666. Dans cet ouvrage, le Professeur Abdoulaye SAKHO
démontre que la concentration est une source de pouvoir. Compte tenu de la
sensibilité et du rôle de la télévision dans l’effectivité du droit d’accès à
l’information, il est risqué d’accepter une concentration verticale dans un
environnement numérique.
C’est pourquoi en France667, l’organe de régulation a introduit une régulation ex
ante du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle. En ce sens qu’il
estime qu’il existe un marché de gros en aval, intermédiaire, correspondant aux
prestations de diffusion offertes par les diffuseurs aux éditeurs ou aux opérateurs
de multiplex. En effet, la délimitation des marchés, en termes de produits et de
services, repose sur l’analyse de la substituabilité du côté de la demande et de la
substituabilité du côté de l’offre.
Pour établir l’existence d’une éventuelle substituabilité du côté de la demande
ou de l’offre, l’analyse peut impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du
« test du monopoleur hypothétique »668.
666 SAKHO Abdoulaye ; op.cit, p. 13. 667 Voir document consultation publique et notification à la commission européenne, « Notification à la
commission européenne de l’analyse du marché 18 de la recommandation « marchés pertinents » de janvier
2006 ; (www.arcep.fr.Page consultée le 8 septembre 2011). 668 Ce test consiste à étudier les effets qu’aurait sur la demande une augmentation légère mais durable des prix
d’un service (5 à 10% par exemple), de manière à déterminer s’il existe des services considérés comme
substituables par les demandeurs vers lesquels ils sont susceptibles de s’orienter. Ainsi que le mentionnent les
lignes directrices européennes. L’utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en
œuvre n’implique pas une étude économétrique systématique poussée. Voir la directive européenne 2002/C
165/03 relative aux « lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance
sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et services de
communications électroniques », point 40. Op.cit.
381
Dans un environnement numérique, après l’édition de programme, le contenu est
numérisé. La numérisation des signaux permet de multiplier le nombre de
canaux disponibles. En analogique, une fréquence correspond à un service de
télévision. En numérique, plusieurs services de télévision peuvent utiliser une
même fréquence. Nous disons que cette fréquence est multiplexée et permet la
réception d’un groupe de plusieurs chaînes. Ces dernières utilisent une même
source et de fait il convient de faire appel à un opérateur technique dit
« opérateur multiplex » qui assure la numérisation du signal et la distribution des
chaînes.
Au Sénégal, nous proposons dans une première phase pilote, de choisir
l’opérateur public, la RTS, comme opérateur multiplex. Ce qui permettra à ses
concurrents WALF TV, 2STV, TFM de le choisir comme opérateur multiplex.
Dans ce cas, l’Etat doit exiger que cette activité soit exercée dans le cadre d’une
filiale qui respectera les principes de séparation comptable pour assurer une
compétition saine avec ses concurrents conformément à l’article 22 de la loi
2002-23 portant cadre de régulation des entreprises concessionnaires de service
public qui qualifie comme abus de position dominante l’utilisation abusive par
une entreprise, de la dépendance économique dans laquelle se trouve à son égard
un client ou un fournisseur qui ne dispose pas de solutions de substitution
équivalentes.
S’agissant des modalités d’attribution de ressources, trois possibilités existent à
savoir :
une attribution par multiplex. Un multiplex peut supporter au minimum
trois chaines de télévision. Alors que dans l’environnement analogique
actuel, une fréquence ne peut supporter qu’une seule chaine;
une attribution par service. Ce qui permet de faire partager un multiplex à
plusieurs chaines de télévision;
382
une attribution par multiplex avec possibilité de revente des capacités
excédentaires. Ce qui permettra à l’attributaire en cas d’excédent de
capacité par rapport à ses besoins de revendre de l’espace. Ce qui crée un
marché secondaire.
Nous proposons une attribution par multiplex avec possibilité de revendre
des services. Mais pour la phase de migration, nous proposons d’attribuer un
multiplex à la RTS. De même, il est nécessaire d’attribuer aux opérateurs
actuels qui libèrent leurs fréquences analogiques des canaux compensatoires
dans le multiplex de la RTS.
Maintenant, le dividende qui sera libéré du passage doit faire l’objet d’une
utilisation efficace.
2. L’utilisation efficace du dividende numérique
Le terme « dividende numérique »669 désigne les ressources en fréquences
libérées par l’arrêt de la télévision analogique. L’utilisation du dividende
numérique ne sera donc possible qu’après l’extinction de la télévision
analogique et le basculement vers la diffusion numérique.
Les fréquences ainsi libérées pourraient servir à lancer de nouveaux services ou
encore étendre et enrichir des services déjà existants. Selon une autre
interprétation, les services additionnels peuvent être intégrés au même spectre,
d’où un dividende numérique encore plus conséquent. Et pour, l’Union
européenne:
Le spectre, qu’occupe actuellement les services de programmes analogiques,
peut sans doute supporter un plus grand nombre de programmes numériques et
de services connexes (y compris des services multimédia interactifs) que le 669« La télévision numérique terrestre (TNT) : un nouveau mode de diffusion de programmes de télévision »
(http://www.ddm.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=152. Page consultée le 03 janvier 2011).
383
nombre existant de programmes analogiques (encore que ce ne soit pas
forcément vrai des services haute définition). 670
Le dividende numérique fait l’objet d’une attention particulière de la part de
nombreux acteurs qui y voient l’occasion d’accéder à de nouvelles fréquences et
de développer de nouveaux services.
Ces fréquences pourraient être utilisées d’une part pour le déploiement de
nouveaux services de télévision numérique terrestre (TNT) : nouvelles chaînes
de télévision nationales ou locales, chaînes à haute définition, télévision mobile
personnelle (TMP), services interactifs. Elles pourraient être également utilisées
pour la couverture des services de radio numérique et l’offre de service.
Elles pourraient, d’autre part, être utilisées pour le déploiement de réseaux de
communication mobile (réseaux cellulaires de troisième génération ou
ultérieurs) et d’accès Internet à haut débit sans fils, en particulier dans les zones
non couvertes par l’ADSL.
Enfin, outre les secteurs des communications électroniques et de l’audiovisuel,
le dividende numérique pourrait servir, en partie, à déployer des réseaux de
sécurité civile ou liés à la défense nationale. Le Sénégal a l’avantage de pouvoir
s’inspirer des modèles d’utilisation du dividende numérique des pays du Nord.
En France, la loi du 5 mars 2007 671prévoit que les fréquences libérées par l’arrêt
de la diffusion analogique d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre
(autres que celles résultant de la mise en œuvre de l’article 98, nécessaires au
déploiement des services de TNT déjà autorisés) font l’objet d’une réaffectation
par le Premier ministre aux administrations, au Conseil Supérieur de 670Union européenne de radio-télévision, Technical Review- Spectrum Management, Bruxelles, octobre 2006,
Page 17. 671Loi n°2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du
futur (1) ; NOR: MCCX0600104L. Version consolidée au 19 mai 2011. Voir (www.legifrance.gouv.fr. Page
consultée le 12 décembre 2011).
384
l’Audiovisuel (CSA) ou à l’Autorité de Régulation des Communications
Electroniques et des Postes (ARCEP), dans le cadre d’un schéma national de
réutilisation des fréquences libérées par l’arrêt de la diffusion analogique.
L’article 2 de la loi du 5 mars 2007 dispose, lui, que :
Ce schéma vise à favoriser la diversification de l’offre de service, à améliorer
sur le territoire la couverture numérique et l’égalité d’accès aux réseaux de
communications électroniques et à développer l’efficacité des liaisons
hertziennes des services publics et la gestion optimale du domaine public
hertzien. Il prévoit que la majorité des fréquences ainsi libérées reste affectée
aux services audiovisuels.
Il est par ailleurs institué une Commission du dividende numérique, constituée
de quatre députés et quatre sénateurs, désignés par leur assemblée respective en
parité, parmi les membres des deux commissions permanentes chargées des
affaires culturelles et des affaires économiques. La Commission du dividende
numérique a lancé le 3 avril 2008, conjointement avec le comité stratégique pour
le numérique, une consultation publique sur le dividende numérique672.
Conformément aux dispositions de l’article 21 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée par la loi du 5 mars 2007, le Premier ministre français a approuvé le
22 décembre 2008 le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par
l’arrêt de la diffusion analogique. Ce schéma vise à :
poursuivre le développement de l’offre de télévision numérique terrestre, en
permettant notamment le passage en haute définition de services existants de
télévision et le lancement de nouveaux services, locaux ou nationaux, en qualité
d’image standard, en haute définition ou au format de la télévision mobile
personnelle ainsi que le développement de la radio numérique terrestre ;
672www.dividendenumerique.fr. Page consultée le 03 janvier 2011
385
améliorer la couverture des services de communications électroniques, en
particulier par le lancement sur l’ensemble du territoire des services d’internet
mobile à très haut débit, permettant ainsi à nos concitoyens de disposer des
services personnels ou professionnels de diverses natures : services de contenus,
services d’administration électronique, services médicaux.
Le Sénégal pourrait s’inspirer de ce modèle français. Ce qui nous fera prendre
les mesures suivantes :
1. élaborer une loi sur la transition de la télévision analogique à la
télévision numérique ;
2. confier un mandat de négociation à un comité composé de l’ARTP,
du CNRA673 et du ministère chargé des télécommunications et des
TIC pour :
la signature de convention de concession avec de nouveaux opérateurs
multiplex afin de permettre la diffusion nationale de multiplex TNT et
d’étendre la licence des opérateurs de télécommunications à l’activité de
multiplex TMP ;
l’utilisation des fréquences libérées pour des services mobiles de
télécommunications et l’harmonisation de l’usage de ces fréquences avec
les pays membres de l’UEMOA ;
3. confier à un comité composé de l’ARTP, du CNRA et le ministère
en charge de la communication, le mandat de définir l’option et les
priorités d’attribution.
673 Dans l’hypothèse d’une fusion des régulateurs sectoriels, le comité sera composé du ministère sectoriel et du
régulateur convergent issu de la fusion de l’ARTP et du CNRA.
386
Dans tous les cas, l’option et les priorités choisies doivent tenir compte de deux
impératifs :
- la nécessité de la fixation d’un quota de fréquences afin d’éviter un cumul
d’autorisations ;
- le danger d’une capture du secteur de l’audiovisuel.
387
Paragraphe II :
Prise en charge de la gestion de la numérotation, des adresses IP et des
noms de domaine par rapport à la convergence
L’avènement de la convergence appelle une nécessaire prise en charge de la
gestion des adresses IP et des noms de domaine (1). De la même manière, la
convergence impose une actualisation de la gestion de la numérotation (2).
1. Gestion des adresses IP et des noms de domaine
Internet permet de relier, entre eux, les ordinateurs présents sur le réseau. Pour
que ce système fonctionne, tous les ordinateurs du réseau doivent être identifiés
auprès des organismes en charge de la gestion du réseau674. Cette identification
se fait grâce à l'attribution d'une adresse IP – Internet Protocol – à chaque
ordinateur675. C'est cette adresse qui leur permet de recevoir les paquets d'octets
qui permettent la transmission d'informations sur le réseau.
Ces adresses IP sont constituées d'une série de quatre nombres entiers (4 octets)
situés entre 0 et 255 et notées sous la forme xxx.xxx.xxx.xxx676. Ils sont à
l'évidence difficilement mémorisable. Ces adresses représentant à l'origine le
seul moyen d'accéder au réseau risquaient donc de ralentir le développement de
ce même réseau.
674 ARCHIMBAUD, CNRS/UREC, Interconnexion et conception de réseau, Cour de 24 Heures pour troisième
année, Ecole d’ingénieur de réseaux 2002, (infothèque.info, page consultée le 10 février 2011). 675 LESCOP Yves, « DNS Et WINS » (http:// ylescop.free.fr/mrim/cours/dns_wins.pdf.Page consultée le 19
octobre 2011). 676http://www.domainesinfo.fr/definition/6/adresse-ip-internet-protocol.php. Page consultée le 5 janvier 2011.
388
Jon Postel a alors trouvé le moyen de désigner les ordinateurs de façon plus
pratique: c'est la naissance des noms de domaine677.
Les noms de domaine sont des équivalents alphanumériques des adresses IP.
Ils identifient un lieu sur le réseau, c'est-à-dire de fait, une machine à laquelle un
site et une prestation peuvent être attachés678. Plus techniquement, il désignerait,
selon Christian Féral Schul, « l’adresse symbolique permettant une
mémorisation et une identification plus facile du site disponible sur le
réseau »679.
L’article 2 de la loi du Burkina Faso n°011-2010/AN portant réglementation
des noms de domaine sous domaine de premier niveau. BF680 définit les noms de
domaine comme :
une représentation alphanumérique d’une adresse IP (Internet Protocol) qui
permet d’identifier un ensemble de ressources accessibles via Internet ; un nom
de domaine est enregistré sous un domaine de premier niveau correspondant
soit à un des domaines génériques (gTLD) définis par l’Internet corporation for
assigned number names and numbers (ICANN) soit à un des codes pays
(ccTLD) en vertu de la norme ISO-3166-1.
Ils sont composés de termes choisis par le titulaire de l'adresse IP et sont très
faciles à mémoriser.
Un nom de domaine est constitué de plusieurs éléments :
677 ALBRESCHTON Claire, « Droit de l’Internet, administration - l’entreprise », mémoire de DEA, Université
Paris I Panthéon, –Sorbonne, septembre 2005, p. 3. 678 Lamy, Droit de l’informatique et des réseaux, Paris, n°2331. 679 FERAL SCHUL Christian, « Cyber droit », Bruxelles édition Larcier 2010, p. 177. 680 La loi est disponible sur le site www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012.
389
la racine: (par ex: voilà) qui est en principe le nom de votre entreprise ou
de votre activité; ce nom peut être composé d’un ou de plusieurs mots
séparés ou non par un tiret ;
une extension ou suffixe séparée de la racine par un point ( ex : .sn) ;
L’ensemble accolé formant le nom de domaine (ex : artp.sn) ;
une adresse Internet (www.artp.sn) est l'ensemble accolé, généralement
précédé par les trois W qui signifient World Wide Web (en Français :
réseau mondial).681
Ils ont très largement contribué à la diffusion du réseau Internet et à le rendre
indispensable682.
Comme les adresses IP, ils peuvent être entrés dans la barre d'adresse du
navigateur pour accéder à un site. Lorsqu'un internaute utilise le nom de
domaine, voici un exemple de ce qu'il inscrit dans cette barre d'adresse :
<http://www.talibe.sn>.
Le nom de domaine n'est qu'une partie de cette adresse qui se décompose
comme suit :
"Http" (Hyper text transfer protocol) précise le protocole utilisé pour accéder au
serveur indiqué situé sur le réseau internet "www" (world wide web, la
"toile")683. Vient alors un nom choisi par le titulaire de l'adresse IP et souvent
qualifié de radical, "talibé", et choisi à l'intérieur du domaine de premier niveau,
ou suffixe, ".sn". Le nom de domaine proprement dit est donc : "talibe.sn".
681 http://www.lesmoteursderecherche.com/ressources_creation_nomdedomaineexplic2.htm#noms. Page
consultée le 5 janvier 2011) 682 HAAS Gérard, « Pseudonyme et nom de domaine », 12 août 1898, Juriscom.net, Revue de droit des
technologies et de l’information, (http://www.juriscom.net/chr/1/fr19980812.htm, Page consultée le 19 octobre
2011). 683 LEDRICH. E, Statut des noms de domaine, mémoire de DEA, Université de Montpellier, 2000, p. 2.
390
Les noms de domaine ainsi définis peuvent être enregistrés dans plus de deux
cents domaines de premiers niveaux684. Ces domaines peuvent être génériques
ou géographiques.
Les domaines génériques de type ".com." (Commercial) ou ".info" (information)
donnent une indication sur la nature du site685 tandis que les extensions
géographiques de type ".sn" (pour le Sénégal) ou ".ma" (pour le Maroc)
indiquent son origine.
Les noms de domaine, qui sont la méthode choisie par l'immense majorité des
internautes pour accéder au réseau Internet, sont aujourd'hui gérés par des
organismes privés après avoir longtemps été gérés directement par le
gouvernement américain, plus précisément, le ministère de la défense686.
La gestion du DNS (Domain Name System), qui permet de faire la
correspondance entre les noms de domaine et les adresses IP pour que les
serveurs comprennent l'information entrée dans la barre d'adresse du navigateur,
est assurée par des organismes privés de droit américain, à savoir l'IANA687 et
l'ICANN 688. Ces organismes attribuent les adresses IP des ordinateurs et
contrôlent la base de données qui les contient ainsi que les noms de domaine qui
684Dans le système du nom de domaine, le domaine de premier niveau - en anglais Top-Level Domain, en abrégé
TLD - est la terminaison du nom de domaine, après le dernier point à droit. Par exemple, le domaine de premier
niveau dans talibe.com est le «com».Voir (http://noms-domaine.com/domaine_de_premier_niveau_tld.html,
page consultée le 18 janvier 2011). 685 ICANN « Final report of the joint SO/AC New g TLD Applicant Support working group »
(http://gnso.icann.org/. Page consultée le 10 Septembre 2011). 686 PORLON Sadry, « Informatique et Droit », La lute contre le cybersquatting (France, OMPI, Etats-
Unis). Mémoire de DEA, Université de Montpellier 1, faculté de droit, 2000-2001, (www.droit-ntic.com. Page
consultée le 19 octobre 2011 ; http://www.infotheque.info/, page consultée le 19 octobre 2011). 687 Internet Assigned numbers authority “number resources”, (http://www.iana.org/numbers/. Page consultée le
14 février 2011). 688Internet corporation for assigned names and numbers.
391
leur correspondent à travers treize serveurs majoritairement situés sur le
territoire américain689.
C'est dans ces serveurs, et surtout dans le serveur racine "A" qui appartient
au gouvernement des Etats-Unis, que nous trouvons tous les domaines de
premiers niveaux690. Ils peuvent être crées ou détruits selon la volonté de celui
qui contrôle cette base de données.
Nous voyons, dès lors, se dessiner des menaces sur la mainmise des Etats sur
l'extension correspondant à leur territoire. Leur souveraineté est en jeu691. Les
domaines de premier niveau sont un élément essentiel à l'accès au réseau qui ne
peut donc pas être approprié par des personnes privées692. Parmi les noms de
domaine de premier niveau, nous distinguons, d’une part, les noms de domaine
générique ou GTLD693. Et d’autre part, nous identifions les noms de domaine
géographique ou CCTLD694.
689 ROGERGRAUX Marie Claire, « Bien public, bien privé, bien commun : approche juridique, approche
économique », 30 juin 2005 (http://www.voxinternet.org/spip.php. Page consultée le 18 juillet 2011). 690 BERGER Myriam, RFI/Autrans, 9 janvier 1999, « DE l’IANNA à l’ICANN : de nombreuses questions en
suspens » (www.droit-tic.com.Page consultée le 14 septembre 2011). 691cf. Kim G. von Arx and Gregory R. Hagen, Sovereign domains, A declaration of independence of ccTLDs
from foreign control, 9 RICH. J.L. & TECH. 4 (Fall 2002) disponible sur
<http://www.law.richmond.edu/jolt/v9il/article4.html>. Page consultée le 17 janvier 2010). 692 Lamy de Droit de l’informatique et des réseaux, n°2342. 693gTLD abréviation de Top Level Domain qui est la signification en anglais du nom de domaine générique. Les
extensions génériques qui se réfèrent à la nature du site – commercial, informatif, éducatif etc. – comportent trois
lettres ou plus et n'ont normalement aucun lien avec un territoire. Il s'agit par exemple des ".com", ".biz", ".info",
".org", ".aero" ou ".travel". Ces domaines génériques ont donc normalement un caractère international. Certains
de ces domaines, cependant, se rattachent au territoire américain et trouveraient mieux leur place en tant que
domaine de deuxième niveau américain si l'on souhaite que les génériques soient dépourvus de tout lien
territorial. Il s'agit des ".gov", ".edu" et ".mil" réservés à des institutions aux Etats-Unis. 694CcTLD est l’abréviation de code Top Level Domain –, c'est-à-dire des domaines indiquant le territoire
d'origine du site et non son pays d'origine.
392
Les extensions géographiques sont composées de deux lettres qui correspondent
au territoire désigné dans la norme ISO 3166-1-alpha-2 établie en 1974695.
C’est pourquoi, certains auteurs ont comparé les noms de domaine comme une
simple adresse qui ne fait naître aucun droit privatif au profit de celui qui la
détient696.Cependant, les noms de domaines qui étaient de simples adresses sont
devenus des signes de ralliement pour la clientèle. Cette fonction les rapproche
indubitablement des signes distinctifs tels que la marque de fabrique, la marque
de commerce ou de service, le nom commercial et l’enseigne697.
Ce qui pose le débat sur la nature juridique du nom de domaine : est-il ou non
un bien susceptible d'être approprié ?
Des solutions ont été apportées par la jurisprudence surtout dans le cadre de la
lutte contre le cyberquatting. Il consiste à enregistrer intentionnellement un nom
de domaine correspondant à un nom commercial ou une marque, afin soit de
mettre obstacle à la réalisation par le titulaire des droits d’un site web, soit de lui
revendre le nom de domaine moyennant le paiement d’un prix supérieur à celui
des frais d’enregistrement698. Même si c’est un phénomène récent, le juge
français a appliqué des règles de droit classique pour sanctionner cette pratique.
Dans un arrêt rendu le 30 juin 1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre
a retenu que le dépôt et l’usage indu du nom de domaine sont constitutifs de
695 Cette norme ISO est consultable sur : < http://www.iso.org/iso/en/prods-services/iso3166ma/02iso-3166-
code-lists/list-fr1.html >, dernière visite le 27 août 2005.
696 ALBRECHTSON Claire, op.cit.; Voir aussi COLOMBANI Pascaline, « Droit des marques et nom de
domaines », juin 2002 (http://www.avocats-publishing.com/Droit-des-marques-et-noms-deDROIT &
MARQUES DE LUXE. Page consultée le 20 octobre 2011).
697G. HAAS, O. TISSOT, « Les règles de nommage de l’internet en question ? », Les Annonces de la Seine, 8 février 1999, n°10. 698 PORLON Sadry, op.cit, p. 4.
393
contrefaçon699. Dans une autre affaire, le juge de Marseille a qualifié un acte de
cyberquatting de pratique de concurrence déloyale700.
La loi du Burkina Faso n°0011-2010/AN du 30 mars 2010 , portant
réglementation de la gestion des noms de domaine sous le domaine de premier
niveau.bf701, a prévu des sanctions contre ce phénomène. Selon l’article 27 de
cette loi, est considéré comme un enregistrement abusif, le fait de faire
enregistrer un nom de domaine ou d’utiliser un nom de domaine enregistré,
lorsque le titulaire n’a ni droit ni intérêt légitime à l’égard du nom de domaine
ou lorsque le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi.
Compte tenu de ces risques, les Ministres en charge des technologies de
l’information et de la communication de l’Afrique ont plaidé lors de la quarante
deuxième réunion d’ICANN à Dakar, pour la protection du « .Africa » des noms
des pays et villes africaines contre le cyberquatting702.
Le DotAfrica 703est proposé comme un nouveau nom de domaine pour la
promotion des entreprises, des peuples et de la culture africaine dans l'Internet.
Au départ, DotAfrica a été revendiqué par des entreprises non-africaines au
cours des sessions de l’'ICANN sur les premiers gTLD en 2000. Quelques
professionnels africains se sont fortement opposés à cette tentative qui n’était
pas perçue comme allant dans l’intérêt du continent. En 2002, une note
699 Tribunal de Grande Instance de Nanterre, réf. 30 juin 1999 (www.legalis.net. Page consultée le 18 janvier
2009) ; Voir aussi Tribunal grande instance Draguignan 21août 1995, cahiers Lamy, Décembre 1997 (H), p. 25,
observation Nardon. 700 Tribunal de grande instance de Marseille, réf. 18 décembre 1998, « Société Lumiserve » c/ M P CJP, édition
E 1999 I, p. 908, n°23, observations Michel VIVANT et Le Stanc. 701Voir le décret n°2010-191/PRES promulguant la loi n° 0011-2010/AN du 30 mars 2010 portant
réglementation de la gestion des noms de domaine sous le domaine de premier niveau.bf. Disponible en ligne
sur le site http://www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012. 702 Voir la « Approved board resolutions », 28 octobre 2011 (http://www.icann.org/en/minutes/resolutions-
28oct11-en.htm#9. Page consultée le 30 octobre 2011 ; Voir le rapport de « La réunion des Ministres de la
réunion des Ministres africains en charge des TIC du 19 au 21 octobre 2011. 703 Dot Africa désigne point Africa en français.
394
conceptuelle a été développée par ces professionnels africains qui participaient
activement aux activités de l'ICANN704 pour une éventuelle exploitation de
DotAfrica par les Africains et pour l'Afrique. 705
ICANN travaille, depuis 2002, sur les modalités d'introduction d'une série de
demandes de nouveaux TLD génériques (gTLD). Ce qui a suscité un regain
d'intérêt dans l'espace de noms de domaine DotAfrica.
Le 28 juin 2008, l’ICANN annonçait vouloir libéraliser les extensions
génériques de noms de domaine et permettre la création de nouvelles extensions
de type « .masociete »706.
De nombreuses critiques, notamment de la part du gouvernement américain et
des titulaires de marques, ne permirent pas à ce projet de voir le jour.
Pourquoi l’Afrique doit-elle s’offrir une extension Internet « .Africa » à son
nom ?
C’est pour répondre à cette question, que dans le cadre du second Forum sur
la gouvernance internet de l’Afrique Centrale, ARC707 a sensibilisée la
communauté de l’Afrique centrale sur les enjeux du projet DotAfrica (.Africa),
le registre continental africain.
De quoi s’agit- il ?
704 Voir Jean François Poussard, « Le .africa, nouvelle extension continentale pour l’Afrique », Paris, in
PRODOMAINES : Les professionnels pour la protection et la gestion de vos noms de domaine, le 15 mars 2012.
Disponible sur le site http://www.prodomaines.com/noms-domaine-extension-newgtld-dot-africa-interviewp;
page consultée le 20 mars 2012. 705 Voir le rapport de la « table ronde des Ministres africains chargés des TIC en prélude de la 42ème réunion de
l’ICANN », Dakar, 21 octobre 2011. 706 Voir Alain Bensoussan, « De nouvelles extensions de noms de domaine : un changement historique en
perspective, in Droit des technologies avancées, Paris, juin 2011. Disponible sur le site :
http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2011/06/. Page consultée le 12 février 2012. 707 AFRICAN REGISTRY CONSORTIUM est l’entreprise retenue pour la gestion du point Africa. Voir
http://www.dotconnectafrica.org/tag/africa-registry-consortium/. Page consultée le 12 février 2012.
395
Parce qu’après les adresses internet se terminant par «.com», «.org», «.net»,
c’est la place aux «.Bmw», «.Apple», «.Losangeles»… Et au «.Africa». En effet,
du 12 janvier au 12 avril 2012, tout comme les entreprises, l’Afrique pourra
aussi demander à l'ICANN708, l'instance mondiale chargée de réguler l'Internet,
l'enregistrement de son propre suffixe ou extension DotAfrica.
L’Union Européenne, elle, a obtenu son nom de domaine de premier niveau
«.eu» en 2005 709et l’Asie a aussi son extension «.asia» depuis 2007710.
A l’instar de ces derniers, le « .africa » permettra aux entreprises et
organisations opérant en Afrique de mettre en exergue leurs opérations711 mais
aussi, les multinationales africaines pourront utiliser ce nom de domaine plutôt
qu’un « .com » non parlant du point de vue de la localisation géographique et
leur évitera de réserver un nom de domaine dans chaque pays où elles sont
présentes. Le « .africa » devrait également représenter un atout pour les villes et
les régions présentes sur le web tout en affichant leur ‘’africanité’’.
708 Internet corporation for assigned names and numbers; 709 Voir Alexandre Nappey, « Affaire Eurstar.eu : le premier nom de domaine européen devant la justice », in
VoxPI Actualité du droit de la propriété industrielle et du numérique, Paris 24 janvier 2006. Disponible sur le
site http://www.voxpi.info/2006/01/24/affaire-eurostareu-le-premier-nom-de-domaine-europeen-devant-la-
justice. Page consultée le 12 février 2012.
710 Le .asia s’adresse à tous (particulier, société, organisation, association, ...). Certains profils, non titulaires de
marques déposées, devront attendre l'ouverture complète de l'extension et les autres pourront éventuellement
s'appuyer sur la présence locale que nous offrons pour déposer un nom de domaine en .asia.
Voirhttp://www.namebay.com/asia/nom-de-domaine-asia/enregistrement-nom-de-domaine-asia.aspx ; page
consultée e 12 février 2012.
711 Elvire Brugne, « Dot Africa : un enjeu web pour l’Afrique », in Digital Blonde. Disponible sur le site
http://www.digitaleblonde.com/article-dot-africa-un-enjeu-web-pour-l-afrique-87306581.html; page consultée le
12 février 2012.
396
Cette « révolution historique », qui présage un « nouvel âge de l’Internet »,
permettra, notamment, aux organismes publics et privés d’avoir leurs propres
extensions personnalisées712.
Ainsi, la gestion des noms de domaine pose à la fois des enjeux concurrentiels et
des enjeux de sûreté étatique. Ce qui justifie d’une part la prise en charge de sa
gestion par le régulateur.
L’utilisation des noms de domaine fait l’objet souvent de contentieux qui
sont portés devant le juge de droit commun. Pour désengorger le prétoire du
juge, il serait nécessaire que le régulateur, en assurant la gestion des noms de
domaine, soit compétent pour assurer un traitement efficace des litiges y
afférents.
C’est pourquoi, à l’instar de la numérotation et des fréquences, l’Acte
Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre
réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la
communication (TIC) de la CEDEAO prévoit, en son article 13, que ces noms
de domaine doivent être gérés par le régulateur.
Cela est d’autant plus important que la gestion du plan de numérotation,
des adresses et IP et les noms de domaine connaîtront une convergence.
Adaptation de la gestion du plan de numérotation à l’environnement des
NGN
Le Plan National de Numérotation (PNN) actuel était un plan fermé à 9
chiffres depuis le 07 octobre 2007, au format SA BPQ MCDU713. Ce plan a été 712 Voir Koffi Fabrice Diossou, « Vers l’attribution par l’ICANN de l’extension .africa », in ECOFIN TIC ET
TELECOM, Genève le 18 aout 2011. Disponible sur le site http://www.agenceecofin.com/internet/1808-925-
vers-l-attribution-par-l-icann-de-l-extension-africa. Page consultée le 20 mars 2012.
397
mis en service, pour la première fois, le 10 octobre 1997, avec un passage de 6 à
7 chiffres, par SONATEL qui était chargée de sa gestion. En décembre 2001, le
code des télécommunications du 27 décembre 2001 confie à l’ARTP la gestion
du PNN et prévoit également la publication d’un décret relatif à sa gestion. Le
décret n°2004-839 du 2 juillet 2004 fixe ainsi les modalités de gestion du PNN,
les conditions d’utilisations des ressources en numérotation ainsi que les
redevances y afférentes. Ce décret a été modifié et complété par le décret
n°2007-1445 du 27 novembre 2007.
Le plan national de numérotation du Sénégal est un plan fermé dans
lequel les services se distinguent par les tranches de numéros qui leur sont
affectés. L’ensemble de l’organisation du plan a pour objectif de renforcer la
clarté du plan de numérotation pour les exploitants, les fournisseurs de services
et les utilisateurs.
Le plan de numérotation distingue deux types de numéros :
- Les numéros longs : tout numéro à 9 chiffres ;
- Les numéros courts : tout numéro inférieur à 9 chiffres. A la suite du
basculement vers un plan à 9 chiffres le 07 octobre 2007, l’ARTP avait
organisé une rencontre avec les fournisseurs de services à valeur ajoutée
et les opérateurs titulaires de licence de télécommunication, à une réunion
de concertation le 10 avril 2008. A cette occasion, il a été décidé que les
numéros courts d’accès aux services à valeur ajoutée changeraient de
format à partir du 19 mai 2008. Ce format permet aux fournisseurs
d’utiliser un seul numéro quel que soit l’opérateur.
Les nouveaux numéros courts sont organisés par paliers de tarification afin de
permettre aux consommateurs des services d’avoir une idée précise du tarif qui
leur sera appliqué. 713 Agence de régulation des télécommunications, Rapport Annuel d’activité 2008, Dakar, 2009 (disponible au
www.artp.sn. Page consultée le 5 janvier 2010).
398
L’ARTP avait aussi demandé aux opérateurs, aux fournisseurs de SVA
détenteurs de numéros courts ainsi qu’aux diffuseurs (presse écrite, télévision,
radio, etc.), de faire la publicité des tarifs des services à valeur ajoutée714. En
effet, la publicité des tarifs demandés par l’ARTP trouve son fondement dans
l’article 32 de la loi n°94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le
contentieux économique.
Par ailleurs, l’ARTP, après concertation avec les opérateurs de
télécommunications, avait décidé de lever les restrictions sur l’ouverture des BP
réservés précédemment à chaque opérateur, à partir du 1 er juillet 2008.
Concernant l’ancien plan à sept chiffres (7), il était conçu de sorte que chaque
BP ne soit attribué qu’à un seul opérateur. Et avec le nouveau plan à neuf
chiffres (9), ces mêmes BP peuvent être attribués aux opérateurs concurrents.
En conséquence, un opérateur pourrait, si la tranche contenant le numéro lui a
été préalablement attribuée, proposer à un abonné de rejoindre son réseau en ne
modifiant que les deux premiers chiffres de son numéro. C’est ce qu’on appelle
la « semi-portabilité ». L’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC définit la portabilité
des numéros comme étant « la possibilité pour un usager d’utiliser le même
numéro d’abonnement, indépendamment de l’exploitant chez lequel il est
abonné, et même dans le cas où il change d’exploitant. »
Ces politiques et réglementations appliquées par le Sénégal sont en phase avec
les exigences communautaires. Mais elles sont élaborées dans le contexte de la
714 Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes, « Rapport d’activité 2008 », p 25 disponible au
www.artp.sn (page consultée le 05 janvier 2010).
399
téléphonie vocale traditionnelle. De ce fait, le plan de numérotation attribue
différentes séries de numéros distinguant les services mobiles des services fixes
et, dans le cas de ces derniers, distinguant différentes zones géographiques.
Cette différentiation a une double fonction, à savoir informer les utilisateurs
finaux des tarifs de communication et maintenir la structure de coût de
l’interconnexion fondée sur le type de service et sur la distance. Néanmoins, en
raison de la convergence et du passage aux réseaux NGN IP715, le régulateur
s’aperçoit qu’il faut aujourd’hui modifier la politique et la réglementation en la
matière. Du fait de l’utilisation croissante des services VoIP716, le régulateur doit
715"Next Generation Network" ou "NGN" (littéralement "Réseau de Nouvelle Génération") est une expression
fréquemment employée dans l'industrie des télécommunications, notamment depuis le début des années 1990. Il
n'existe pas de définition unique. Le sens varie en fonction du contexte et du domaine d'application. Toutefois, le
terme désigne le plus souvent le réseau d'une compagnie de télécommunications dont l'architecture repose sur un
plan de transfert en mode paquet, capable de se substituer au réseau téléphonique commuté et aux autres réseaux
traditionnels. L'opérateur dispose d'un cœur de réseau unique qui lui permet de fournir aux abonnés de multiples
services (voix, données, contenus audiovisuels…) sur différentes technologies d'accès fixes et mobiles. Ce type
d'architecture fait l'objet de travaux de normalisation formelle (voir section "Travaux de normalisation"), au
niveau international au sein de l'ITU-T, au niveau régional au sein de l'ETSI en Europe (voir ci-dessous) ou de
l'ATIS en Amérique du Nord, et au sein de divers forums comme le 3GPP ou l'IETF pour certains aspects
spécifiques. Autrement, "NGN" est également utilisé très souvent à des fins marketings par les opérateurs et les
fabricants (voir section "Autres sens possibles") pour rendre compte de la nouveauté d'un réseau ou d'un
équipement de réseau.
Internet Protocol (abrégé en IP) est une famille de protocoles de communication de réseau informatique conçus
pour être utilisés par Internet. Les protocoles IP sont au niveau 3 dans le modèle OSI. Les protocoles IP
s'intègrent dans la suite des protocoles Internet et permettent un service d'adressage unique pour l'ensemble des
terminaux connectés. Ce protocole est utilisé par les réseaux NGN pour la transmission des informations. C’est
pourquoi nous parlons de NGN IP.
716La voix sur IP, ou « VoIP » pour Voice over IP, est une technique qui permet de communiquer par la voix sur
des réseaux compatibles IP, qu'il s'agisse de réseaux privés ou d'Internet, filaire (cable/ADSL/optique) ou non
(satellite, wifi, GSM) . Cette technologie est notamment utilisée pour prendre en charge le service de téléphonie
sur IP (« ToIP » pour Telephony over Internet Protocol).
400
se demander si des ressources de numérotage devraient être attribuées aux
services VoIP et si les obligations imposées aux opérateurs traditionnels du
RTCP717 devraient également s’imposer aux prestataires de services VoIP. Ainsi
le régulateur sénégalais peut adopter différentes solutions, par exemple en
autorisant les prestataires de services VoIP à utiliser des numéros
géographiques718. Dans ce cas, il doit exiger d’eux une offre de service relevant
du RTCP traditionnel avec les obligations qui l’accompagnent, ou en créant des
séries de numéros propres à la téléphonie IP qui tiennent compte des
caractéristiques de ce service, et notamment de son utilisation en mode itinérant.
Plusieurs pays, comme le Japon, l’Espagne ou le Royaume-Uni, ont conjugué
ces deux types de mesures en accordant des numéros géographiques aux
prestataires de services VoIP qui relèvent du régime traditionnel du RTCP et des
séries de numéros propres aux prestataires de services VoIP qui relèvent du
régime « services d’informations »719.
Par ailleurs, la convergence entre l’adresse IP et le plan de numérotation actuel
va aboutir à ENUM720. Ce qui va définir l’orientation des politiques de
numérotage. De même, elle pourrait permettre de répondre à certaines
préoccupations concernant la transparence de la VoIP par la mise en
717 RTCP est un acronyme qui signifie ici, Real-time Transport Control Protocol, protocole fonctionnant en
association avec le protocole RTP et reposant sur UDP, mis en œuvre notamment sur les réseaux téléphoniques
commutés.
718Pour comprendre l’efficacité de ce système, consulter le site de l’UIT à l’adresse
http://www.itu.int/osg/spu/presentationS/ 2004/enum-country-experiences-ftra-uganda-rs.pdf. Pour un exemple
d’un essai du système EUNM, consulter également le site ENUM à l’adresse http://www.enum.org. La page est
consultée le 13 mars 2011. 719 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications 2007, édition UIT 2007, p. 216 disponible à
l’adresse suivante : (www.itu.int/publications. Page consultée le 28 décembre 2010). 720 C’est la convergence entre le numéro de téléphone et l’adresse IP.
401
correspondance de numéros du RTCP avec des « identificateurs uniformes de
ressources » (URL721). La commission d’étude 2 de l’UIT-T et le Comité
d’architecture Internet collaborent à la mise en œuvre du protocole ENUM. La
CE 2 de l’UIT-T a déjà approuvé une procédure intérimaire visant à administrer
la délégation des ressources ENUM722. Le protocole ENUM est déjà exploité
dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays –Bas. D’autres
comme les Etats-Unis sont en train de faire des essais ENUM723.
Toutefois, il est nécessaire d’apprécier le degré de maturité de solutions qui
autorisent l’accès à tous les services NGN au moyen d’un identificateur unique.
Etant donné que les NGN permettront des communications ubiquitaires dans un
environnement fixe comme dans un environnement mobile, le régulateur doit
commencer à étudier la question de la convergence fixe mobile et la portabilité
des numéros d’un mode à un autre. La portabilité des numéros peut être
commune à plusieurs modes et autoriser le portage du numéro d’un réseau fixe à
un réseau mobile, ou être restreint à un seul type de réseau.
721Le sigle URL (de l'anglais Uniform Resource Locator, littéralement « Localisateur Uniforme de Ressource »),
auquel se substitue informellement le terme « adresse web », désigne une chaîne de caractères utilisée pour
adresser les ressources du World Wide Web : document HTML, image, son, forum Usenet, boîte aux lettres
électronique, etc. Les URL constituent un sous-ensemble des identifiants uniformisés de ressource (URI). Le
format (syntaxe) d'une URL est décrit dans la RFC 3986.
722 Voir www.itu.int/ITU-T/inr/enum/procédures.html et www.itu.int/ITU-T/int/ITU-T/inr/enum/procédures-
02html. Page consultée le 30 mai 2010. 723 Voir www.iu.int/osg/spu/presentations/2004/ enum-contry-experiences-ftra-uganda-rs.pdf. Pour avoir un
exemple d’essai ENUM, voir également www.enum.org. Page consultée le 20 février 2010.
402
CHAPITRE II :
AMELIORATION DE LA REGULATION EX POST
La régulation ex post est le fait d’intervenir pour rétablir l’équilibre ou
sanctionner la violation d’une concurrence saine et loyale. C’est pourquoi, il
sera proposé une amélioration du traitement du contentieux de la concurrence
(section I) avant de renforcer les procédures de traitement des différends devant
le régulateur (section II).
403
SECTION I :
AMELIORATION DU TRAITEMENT DU CONTENTIEUX
CONCURRENTIEL
Les améliorations qu’il faudrait apporter au traitement du contentieux de la
concurrence visent la célérité et l’adaptabilité des réponses pour une
concurrence saine et loyale.
Elles concernent le niveau national (paragraphe I) et le niveau communautaire
(paragraphe II).
404
Paragraphe Premier:
Amélioration du traitement du contentieux concurrentiel au niveau
national
Le traitement du contentieux concurrentiel au niveau national pourrait passer
par une séparation entre la régulation sectorielle et la régulation de la
concurrence (1). Mais cette séparation n’exclut pas une nécessaire collaboration
(2).
1. Séparation entre la régulation sectorielle et la régulation de la
concurrence
Le concept de concurrence ne fait pas encore l’objet de définition précise
dans un texte communautaire, ni dans la loi nationale sénégalaise.
Malgré cette absence de définition directe, il ressort que, conformément à
l’option libérale prise par certaines organisations communautaires comme
l’UEMOA, le concept de concurrence repose sur le principe de liberté laissée à
tout opérateur économique de produire et de vendre ce qu’il veut, aux conditions
qu’il choisit724. Cette conception et les instruments mis en place s’inscrivent
dans la notion de concurrence praticable725 par opposition à la conception de la
724 Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, « Manuel sur la mise en application des
règles de la concurrence », Genève, Nations Unies éditions 2004, p. 15.
725Dans les années 50, le concept de concurrence praticable fait son apparition, essentiellement pour remédier
aux insuffisances de l'approche structuraliste. Il s'agissait de rendre utilisable la conception structuraliste, mais en
l'affaiblissant pour tenir compte des contraintes concrètes du marché analysé. En clair, c’est un concept de
concurrence adapté aux besoins des décideurs dans le domaine de l'antitrust, qui leur permettra d'identifier la
meilleure structure pour chaque marché, une fois établie la liste de toutes les contraintes (inévitables) qui
éloignent de la structure "idéale" de la CPP. Une fois précisée, cette structure "sous-optimale" sera adoptée
405
concurrence pure et parfaite. Ainsi, un marché où le jeu de la concurrence est
libre est un marché où les entreprises, indépendantes les unes des autres,
exerçant la même activité, rivalisent pour attirer les consommateurs.
Les conditions de la concurrence pure ont été explicitées par Frank Knight726en
1921. La concurrence pure et parfaite représente un des deux cas extrêmes de
structures de marché étudiés par les économistes néoclassiques, le second étant
le cas de monopole727. La concurrence pure et parfaite est censée permettre
l’équilibre sur tous les marchés sous des conditions suffisantes très particulières.
La concurrence pure doit remplir les trois conditions suivantes728 :
l’atomicité : le nombre d’acheteurs et de vendeurs est très grand donc
l’offre ou la demande de chaque agent est négligeable par rapport à l’offre
totale ; aucun agent ne peut fixer les prix. Cette hypothèse exclut
notamment la possibilité de rendements croissants à la production, dans la
mesure où ils conduisent à la formation de monopoles naturels, pourtant
possibles en pratique.
l’homogénéité des produits : les biens échangés sont semblables en
qualité et en caractéristiques, et donc interchangeables ; un produit de
meilleure qualité réelle ou supposée constitue donc un autre marché ;
comme référence ou comme cible. La concurrence praticable est l’objectif visé par le droit et la politique de
concurrence d’un pays donné.
726 Denis Clerc, « La mauvaise concurrence chasse la bonne », Alternatives économiques mars 2001.
727 Philippe Barbet, Doyen de la Faculté de Sciences Economiques de Paris 13, Imperfection des marchés,
régulation et libéralisation multilatérale et régionale des échanges internationaux , BADGE Télécoms,
Ouagadougou, Télécoms Paris 2012. 728 La concurrence pure et parfaite est, pour les économistes libéraux, une situation théorique idéale vers
laquelle il faudrait tendre afin que l’ « autorégulation » des marchés puisse se réaliser. Voir définition de la
concurrence pure et parfaite sous la direction de Pierre Bezbakhet et Sophie Gherardi, « Dictionnaire de
l’économie », Espagne, Larousse, édition janvier 2011, p. 202.
406
la transparence de l’information : l’information parfaite de tous les
agents sur tous les autres et sur le bien échangé suppose une information
gratuite et immédiate ; la théorie montre que le processus de fixation des
prix est alors équivalent à la présence d’un « commissaire-priseur », qui
centralise les offres et les demandes, et qui calcule le prix d’équilibre, et
par conséquent la production et la consommation de chacun. Dans ce cas
nous supposons l’absence d’échange de gré à gré729.
La concurrence parfaite doit remplir les deux conditions suivantes730 :
la libre entrée et sortie sur le marché : il ne doit y avoir aucune entrave
tarifaire (protectionnisme), administrative (numerus clausus), technique à
l’entrée d’un offreur ou d’un demandeur supplémentaire.
la libre circulation des facteurs de production (le capital et le travail) : la
main-d’œuvre et les capitaux se dirigent spontanément vers les marchés
où la demande est supérieure à l’offre ; il n’y a pas de délai ni de coût
dans leur reconversion.
Ces deux dernières hypothèses permettent une convergence sur le long terme
des taux de salaire et de profit entre les différents secteurs économiques et les
différents pays.
Il s’agit donc d’un cadre très contraignant. Pour répondre à la question de la
fixation des prix, les néoclassiques ont développé dans la théorie de l’équilibre
général l’idée d’une convergence progressive des prix vers le prix d’équilibre.
Léon Walras a introduit un mécanisme de tâtonnements. Le concept est différent
730 Moustapha Mouhamadou, Les bases de l’économie, Formation BADGE Télécoms, Ouagadougou 2012, pp. 15-16.
407
de la main invisible d’Adam Smith731, et semble plus proche de la notion
d’ordre que nous trouvons chez Malebranche.
Les conditions d'une concurrence pure et parfaite sont rarement réunies en
dehors des marchés purement financiers et ceux des matières premières. Et la
régulation sectorielle vise la réalisation de cette concurrence pure et parfaite. Si
elle arrive à la réaliser, elle doit disparaître.
Au Sénégal, la mission de régulation de la concurrence est attribuée à
l’ARTP732. L’attribution de la régulation de la concurrence au régulateur
sectoriel ne permet pas l’efficacité du traitement du contentieux. Le régulateur
sectoriel, dans le cadre de la mise en œuvre des leviers de la régulation pour
développer la concurrence, négocie avec les acteurs du secteur. Par conséquent,
il n’est pas souvent à l’aise pour sanctionner les opérateurs de
télécommunications733.
Par ailleurs, même si la régulation sectorielle et celle de la concurrence sont
complémentaires, elles sont bien différentes. Dans le cas de la régulation
sectorielle, comme l’a démontré le Professeur Laurence BOY734, le régulateur
sectoriel a en charge la mise en œuvre d’une politique publique. Le régulateur
731Clavé, « Adam Smith face au système de l’optimisme de Leibniz », Revue de philosophie économique.
2005, p.5.
732 Voir l’article 127 du code des télécommunications. Voir aussi la thèse de Mbissane NGOM, Droit et
intégration économique dans l’espace UEMOA : le cas de la régulation juridique de la concurrence, thèse de
doctorat, UGB Saint-Louis, 2007. 733 Cette position est soutenue par Bruno Lasserre devant les étudiants du Master II en droit de la régulation,
UCAD 2008. Voir archive vidéo des cours du Master II de la régulation, promotion 2008. 734 Laurence Boy, « Les pouvoirs de régulation de l’Autorité de régulation des télécommunications », Nice,
édition Centre de Recherche en Droit Economique/ Centre National de la Recherche Scientifique
(CREDECO/IDEFI), juillet 2000.
408
sectoriel a une mission d’organisation du marché, tandis que la régulation de la
concurrence consiste à appliquer des sanctions aux pratiques
anticoncurrentielles. La mission primordiale de l’ARTP est d’accompagner
l’ouverture du marché des télécommunications. Pour ce faire, elle doit définir et
délimiter ces marchés en assurant une certaine égalité et un certain équilibre
entre les opérateurs. L’ARTP veille à l’équilibre concurrentiel entre les
opérateurs et à la loyauté de la compétition de l’exercice de la concurrence. Elle
fixe les conditions de la concurrence et, à ce titre, elle est compétente pour
l’attribution des préfixes et le règlement des différends en matière
d’interconnexion.
Le Conseil de la concurrence doit disposer, pour sa part, et sous réserve des
compétences des instances communautaires, d’une compétence exclusive
concernant les infractions prévues par le code des télécommunications à savoir :
- les subventions croisées à caractère anticoncurrentiel ;
- l’utilisation des renseignements obtenus auprès de concurrents à des fins
de concurrence déloyale ;
- le refus de mettre à la disposition des autres exploitants autorisés, en
temps opportun, les renseignements techniques sur les installations
essentielles et les renseignements commerciaux pertinents qui leur sont
nécessaires à la fourniture des services ;
- les mesures en matière d’exploitation de réseau pouvant porter atteinte à
la qualité de service des réseaux concurrents ;
- l’abus de position dominante735.
En principe, la mise en place de la régulation sectorielle ne devrait pas remettre
en cause cette compétence. Mais compte tenu de l’insuffisance de moyens de
409
l’organe en charge de la concurrence au niveau national, cette mission a été
conférée à l’ARTP, par dérogation à la loi de 1994 sur la concurrence précitée.
C’est dire que le marché des télécommunications est soumis tant à la régulation
qu’à la surveillance et que le partage des compétences peut parfois être délicat,
voire aboutir à des conflits. C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir un
mécanisme de collaboration.
2. Collaboration entre régulateur sectoriel et régulateur de la concurrence
La complémentarité entre la régulation sectorielle et la régulation de la
concurrence impose une collaboration, surtout pour éviter les conflits de
compétence. C’est le modèle appliqué par la France et l’Egypte736.Ainsi, certains
domaines peuvent faire appel concurremment au droit de la concurrence et au
droit sectoriel des télécommunications737. C’est le cas du contentieux de
l’interconnexion.738 Le code des télécommunications prévoit la compétence de
l’ARTP pour connaître ce contentieux. De même, le refus d’accès à
l’interconnexion par un opérateur puissant peut être qualifié d’abus de position
736 En Egypte, un accord de partenariat est signé en juin 2011 entre l’Autorité de régulation des
télécommunications et l’Autorité de concurrence pour d’une part, ex ante définir les marchés pertinents et,
d’autre part, identifier et sanctionner les abus de position dominante dans le secteur des télécommunications.
Voir contribution de l’Egypte n° document 1/INF/37-E ; Voir aussi Document 1/REP/11-E du 5 septembre
2011 portant rapport de la question 10-3/1 (www.iut.int. Page consultée le 7 septembre 2011).
737 En France, la Régulation de la concurrence est du domaine des compétences de l’Autorité de concurrence.
Cependant, dans la définition des marchés pertinents du secteur des communications électroniques, elle collabore
avec l’ARCEP qui est le régulateur sectoriel. En effet, l’ARCEP requiert l’avis de l’Autorité de concurrence.
Vois Avis 09-A-47 du 22 septembre 2009 relatif au dispositif proposé par l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes en ce qui concerne les modalités de mutualisation de la partie
terminale des réseaux à très haut débit en fibre optique.( www.autoritedelaconcurrence.fr. Page consultée le 10
septembre 2011.)
410
dominante. Un contentieux opposant SONATEL et EXPRESSO Sénégal sur la
terminaison de trafic international en est une illustration739.
Quels sont les faits de l’espèce ? SONATEL et EXPRESSO Sénégal sont
tenus de signer une convention d’interconnexion conformément à l’article 3 du
décret sur l’interconnexion. Aux termes de l’article 2 alinéa 3 de la décision
n°2009-0014/ARTP/DG/SG/DO/DRS du 31 juillet 2011 portant approbation du
catalogue d’interconnexion de SONATEL pour la période du 1er juillet 2009 au
30 juin 2010, l’ARTP a prescrit aux deux opérateurs de signer une convention
d’interconnexion. Mais les négociations des deux opérateurs ont achoppé sur la
détermination du tarif de terminaison de trafic international sur le réseau de
SONATEL. Cette dernière considère que ce tarif est orienté vers les coûts.
Tandis que EXPRESSO considère que l’application de ce tarif est un abus de
position dominante et permet à SONATEL de consolider son monopole de fait
sur le segment de l’international. En conséquence, elle demande une baisse de ce
tarif.
Quant à SONATEL, elle avait informé le régulateur de sa volonté d’augmenter
les tarifs de terminaison internationale compte tenu de l’évolution des coûts par
rapport au niveau international. Par contre, elle demande une baisse des tarifs de
terminaison sur le réseau d’EXPRESSO Sénégal. Ce que le régulateur n’a pas
accepté.
Les faits de ce contentieux appellent deux constats :
- l’ARTP peut intervenir en tant que régulateur ex ante pour refus
d’interconnexion;
- l’ARTP peut être saisie en tant que régulateur ex post pour abus de
position dominante. 739 Décision relative à la signature d’une convention d’interconnexion entre SONATEL et Expresso Sénégal pour
la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010 (www.artp.sn. Page consultée le 2 janvier 2010).
411
Dans un environnement où la régulation sectorielle est séparée de la régulation
de la concurrence, une collaboration s’impose.
En France, le problème est réglé en attribuant à la Cour d’appel de Paris la
compétence de connaître les recours contre les décisions du Conseil de la
concurrence et des décisions de l’ARCEP en matière d’interconnexion. De
même, cette juridiction est compétente pour connaître les conflits de
compétence. Ce qui permet à cette juridiction d’harmoniser la jurisprudence
entre ces deux organes de régulation.
Au Sénégal, compte tenu du fait que les décisions du régulateur de la
concurrence et celles du régulateur des télécommunications sont attaquables
devant la Cour Suprême, la haute juridiction a la possibilité d’harmoniser la
jurisprudence. Pour la construction d’une concurrence effective, les deux
régulateurs doivent nécessairement collaborer.
Aux Etats-Unis, la Federal Communication Commission (FCC) est l’organe
de régulation indépendant responsable de la surveillance des communications
interétatiques et internationales. Toutefois, pour ce qui est des questions de
concurrence, elle doit travailler en collaboration avec le département de la
justice des Etats-Unis (DOJ) ou la Federal Trade Commission, selon les secteurs
concernés et l’impact économique740. Par exemple, dans le cas de l’analyse
d’une fusion, le DOJ et la FCC se concentrent strictement sur les problèmes de
concurrence, basant leurs décisions sur les effets de réduction de la concurrence
et sur les atteintes aux consommateurs pouvant résulter de l’accumulation de
pouvoir commercial résultant d’une transaction particulière741. La FTC peut
740 Voir Communication Acte of 1934, 2.a 47 U.S.C. 741 Dans l’analyse d’une fusion, la FCC se pose les questions suivantes pour protéger la concurrence :
- la cession contrevient-elle à la loi ?
- la cession contrevient-elle à la réglementation ?
- la cession réduit-elle à néant le but de la Communication Act ?
412
également entreprendre une analyse de la concurrence. Toutefois, au lieu de
limiter son analyse au seul cadre du secteur visé, la FTC tente de déterminer si le
transfert profite ou nuit à l’intérêt, à la commodité et à la nécessité publics. Dans
certains cas, elle peut approuver une fusion mais lui imposera certaines
conditions après avoir consulté le DOJ sur les questions de concurrence.
En France, la collaboration entre le Conseil de la concurrence et l’Autorité de
Régulation des Communications Electroniques (ARCEP) a contribué à préciser
certains concepts utilisés en droit économique, notamment la notion de
« marché ». Grâce à cette collaboration, le régulateur sectoriel a su distinguer
deux notions de marché selon qu’il s’agisse de régler la question de la
compétence ou de rechercher des pratiques anticoncurrentielles. Celui-ci a ainsi
retenu constamment une large définition du marché pertinent pour justifier sa
saisine, et défini, par la suite, les segments de marchés beaucoup plus étroits
dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles. Rappelons ici toute l’importance
de la notion de marché pertinent dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles
et notamment le fait que, plus le marché considéré est grand, moins il y a
possibilité de retenir l’existence d’une position dominante et, en conséquence,
un abus.
Ainsi, le Sénégal peut consacrer dans son droit positif l’obligation pour l’organe
de régulation de la concurrence de requérir l’avis de l’organe de régulation
sectoriel en cas de traitement de contentieux concurrentiel concernant le secteur
des télécommunications.
Et comme au niveau national, le traitement du contentieux de la concurrence
doit, aussi, être amélioré au niveau communautaire.
- la cession est-elle susceptible de produire des avantages concrets au public ?
Voir Christopher J. Wright “Introducing the transactions team presentation on timely consideration of the
applications accompagnying mergers”, Washington, 1 mars 2000. Le texte peut être consulté à l’adresse
http://www.fcc.gov/Speeches/misc/statements/wright.030100.html. Page consultée le 18 avril 2011.
413
Paragraphe II :
Amélioration du traitement du contentieux au niveau communautaire
L’amélioration du traitement du contentieux au niveau communautaire
consiste, d’une part, à réaménager les compétences du régulateur
communautaire (1), et à renforcer ses compétences techniques dans le domaine
des télécommunications, d’autre part.
1. Réaménagement des compétences du régulateur communautaire
Parmi les organisations communautaires auxquelles le Sénégal fait partie,
l’UEMOA et la CEDEAO sont celles qui ont adopté des dispositions
concurrentielles applicables aux secteurs des télécommunications.
Dans l’espace UEMOA, la directive n°02/2002/CM/UEMOA relative à la
coopération entre la Commission et les structures nationales de concurrence des
Etats membres dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles prévoit une
répartition des compétences entre le régulateur communautaire de la
concurrence et les structures nationales de la concurrence742.Et si l’édiction des
règles de fond est réservée aux structures communautaires, nous notons dans
leur mise en œuvre de fond un partage des fonctions d’enquête entre les
structures nationales de concurrence et la Commission743.
Dans le cadre du partage des fonctions d’enquête entre les structures nationales
de concurrence et la Commission, seule cette dernière peut connaître des 742 Sur la répartition des compétences entre la Commission de la concurrence de l’UEMOA et les structures
nationales de concurrence, voir Mor Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux
de la concurrence dans l’Union économique et monétaire ouest -africaine, Berne-Bruxelles, Stamplifi-Bruyant,
2007. 743 Voir en particulier l’article 3 et l’article 5 paragraphes 5.1, 5.2 et 5.3 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA.
414
pratiques que sont les aides d’Etat, les pratiques anticoncurrentielles concernant
les monopoles et entreprises publiques et les pratiques anticoncurrentielles
susceptibles d’avoir un effet sur les échanges entre Etats membres.744 De même,
la Commission doit informer les structures nationales de concurrence des Etats
membres des procédures d’investigation concernant les entreprises situées sur
leur territoire, en leur transmettant les copies de certains documents que sont
notamment les pièces les plus importantes constatant les infractions, les
entreprises et les vérifications projetées auprès des entreprises en question745.
Dans le cas précis du secteur des télécommunications, les directives adoptées le
23 mars 2006 établissent une réglementation commune pour fixer le calendrier
homogène d’ouverture à la concurrence.
S’agissant de la CEDEAO, l’examen des dispositions de ces différents textes
montre qu’elle poursuit à l’heure actuelle deux grands objectifs : d’abord la mise
en place d’un marché commun en tant qu’objectif fondamental, et ensuite, la
mise en place d’une union économique et monétaire en tant qu’objectif ultime.
C’est dans cette recherche fondamentale que la mise en place d’un marché
commun, que l’adoption d’un droit et d’une politique de concurrence, est
envisagée, même si le Traité révisé ne le prévoit pas clairement. Les seules
dispositions concernant la concurrence sont contenues dans le Traité révisé et
sont uniquement destinées aux Etats. Il s’agit des dispositions sur les restrictions
quantitatives et sur le dumping. Aux termes de l’article 41 du traité révisé,
« …chaque Etat membre s’engage à assouplir progressivement et à éliminer
totalement dans un délai maximum de quatre ans, après le démarrage du
schéma visé à l’article 54(schéma de libéralisation des échanges commerciaux
mis en œuvre en 1990), toutes restrictions ou interdictions de nature
contingentaire, quantitative et assimilée qui s’appliquent à l’importation dans 744 Article 5 paragraphe 5.2 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA. 745 Article 5 paragraphe 5.3 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA.
415
cet Etat membre de marchandises originaires des autres Etats membres et à ne
pas imposer plus tard d’autres restrictions ou interdictions .»
L’article 13 de l’Acte Additionnel A SA 01/02/2007/ relatif à l’harmonisation
des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de
l’information et de la communication prévoit que l’organe de régulation
nationale assure une mission de contrôle de la concurrence dans le secteur des
télécommunications.
L’existence de plusieurs droits de la concurrence de rang communautaire
applicables au Sénégal soulève un certain nombre de questions : quels sont les
rapports de conformité, de compatibilité, de hiérarchie entre le droit
communautaire de la concurrence de l’UEMOA et ces différents droits, de
collaboration ou de coopération, voire de compétition ou de conflit sinon de
totale ignorance entre les institutions respectives dont elles émanent ou qui sont
chargées de les mettre en œuvre ?
S’agissant de l’UEMOA et de la CEDEAO, l’élaboration des textes sectoriels a
heureusement été cohérente. Parce que les experts de l’UEMOA qui ont validé
les directives de l’UEMOA ont participé à la validation des Actes Additionnels
de la CEDEAO.
Cependant, il est nécessaire que ce pluralisme normatif soit ordonné pour
reprendre la Doyenne Mireille Delmas Marty746. Autrement dit, les dispositions
matérielles de ces textes doivent être compatibles. Pour une efficacité du droit
de la concurrence, la compétence du régulateur communautaire doit se limiter
aux contentieux impactant directement le marché communautaire, par exemple
lorsqu’un contentieux oppose deux opérateurs de pays différents, ou deux
opérateurs du même pays ayant une incidence directe dans un autre Etat.
746 Mireille Delmas Marty, op.cit. p. 96.
416
Donc l’aménagement des compétences du régulateur communautaire est
nécessaire, mais aussi il doit renforcer ses capacités.
2. Le renforcement des capacités du régulateur communautaire
Le traitement du contentieux des télécommunications appelle parfois une
expertise pointue dans le domaine. Ce qui n’est pas tout le temps à la portée du
régulateur communautaire. Cela a pour conséquence l’allongement du délai de
traitement et son inefficacité. En effet, un litige opposant Orange Mali à Malitel
en est une parfaite illustration. Ce litige concernant la mise en place d’un réseau
unique entre SONATEL du Sénégal et Orange Mali a provoqué une
discrimination tarifaire entre les clients des deux réseaux maliens dans le
domaine des communications internationales à destination du Sénégal. Ce qui a
été porté à la diligence de la commission de l’UEMOA qui n’a pas encore rendu
sa décision. A défaut de créer un régulateur sectoriel dans le domaine des
télécommunications, les commissions de l’UEMOA et de la CEDEAO doivent
se renforcer en expertise télécoms pour satisfaire l’exigence d’efficacité qui doit
gouverner le traitement du contentieux dans le domaine des télécommunications.
Ainsi, la régulation de la concurrence mérite un renforcement aux niveaux
national et communautaire. Mais aussi, les procédures de traitement des
différends doivent être améliorées.
417
SECTION II :
AMELIORATION DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES
DIFFERENDS
La stratégie d’amélioration consiste à apporter des actions correctives aux
processus et procédures de traitement du contentieux de la régulation au
Sénégal.
Il s’agit ici de renforcer le traitement du contentieux devant le régulateur
(paragraphe II) et de rendre plus efficace le contrôle de la régulation par le juge
(paragraphe II).
418
Paragraphe Premier :
Renforcement du traitement du contentieux devant le régulateur
Compte tenu du fait que l’essentiel des litiges soumis au régulateur est lié à
l’interconnexion. Il sera proposé des solutions par rapport aux différents types
de contentieux de l’interconnexion. La classification des litiges liés à
l’interconnexion proposée dans la présente étude est inspirée d’un document
produit par le cabinet TERA télécom 747dans le cadre d’une formation.
Les solutions proposées constituent une tentative d’adaptation des réponses par
rapport au cadre communautaire, inspirées d’une jurisprudence constante748. Il
s’agit d’une identification de certains litiges récurrents, et de proposer des
solutions de règlement à l’organe de régulation dans le cas où il serait saisi de
différends similaires, conformément au droit communautaire. Les solutions
portent d’une part, sur le refus ou le délai de fourniture de l’interconnexion (A)
et, d’autre part, sur la qualité de service et la tarification de l’interconnexion (B).
747 Le Cabinet TERA est consultant dans le domaine des télécommunications. Il accompagne les régulateurs, les
opérateurs et les équipementiers dans le traitement des questions liées à l’environnement des
télécommunications. 748 Nous nous sommes inspirés surtout des solutions adoptées par l’Autorité de la concurrence de la France, le
l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques de la France (ARCEP), de l’Agence National de
Régulation des Télécommunications du Maroc. En ce sens que le Sénégal et les autres pays de l’espace
communautaire s’inspirent souvent du Maroc et de la France pour mettre en place des leviers de régulation.
Cependant, nous avons aussi pris en compte certaines solutions proposées par d’autres régulateurs.
419
A. Refus ou le délai de fourniture de l’interconnexion
Le refus de fourniture de l’interconnexion consiste à empêcher les clients
des autres réseaux de pouvoir communiquer avec les clients de son propre
réseau. Lorsque l’opérateur est en position dominante, il peut ne pas avoir intérêt
à s’interconnecter avec le nouvel entrant.
Le délai, c’est la séquence temporelle dans laquelle l’opérateur réalise
l’interconnexion demandée par son concurrent.
Et s’agissant, aussi, du refus, il est nécessaire de préciser que les modalités de
fourniture d’une prestation d’interconnexion peuvent être régies par :
- le catalogue d’interconnexion de l’opérateur ;
- le cahier des charges de l’opérateur ;
- la convention d’interconnexion.
Selon l’article 7 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, une demande ne
peut être refusée que si elle est justifiée au regard, d’une part, des besoins du
demandeur, et d’autre part, des capacités techniques de l’exploitant à la
satisfaire.
PARTIES
Demandeur : Opérateur historique
Défendeur : Opérateur concurrent de l’opérateur historique
420
CONTEXTE
Le contexte est caractérisé par le refus de l’opérateur historique de fournir une
prestation de sécurisation des interconnexions de l’opérateur concurrent en vue
de garantir la qualité des services offerts aux utilisateurs.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Sur l’obligation de proposer une offre :
Bien que la convention d’interconnexion, en vigueur entre les parties, n’oblige
pas l’opérateur historique à fournir à l’opérateur concurrent la solution de
sécurisation demandée, l’opérateur historique ne peut refuser de faire droit à une
demande de prestation d’interconnexion, dès lors que cette demande est
raisonnable au regard des besoins du demandeur et des capacités de l’exploitant
à les satisfaire. C’est le sens d’une décision de l’Autorité de Régulation de la
Mauritanie en date du 15 septembre 2009749. Dans cette affaire, le régulateur
mauritanien a été saisi par la société Mauritel SA, suite au refus de Chinguitel
S.A de lui louer une liaison FH750 située sur l’axe routier Nouakchott-
749 Décision n°008/09/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15 septembre 2009 se prononçant sur
un différend entre Mauritel S.A et Chinguitel S.A relatif à la location de capacité de transmission sur la liaison
FH de Chinguitel sur l’axe Nouakchott-Nouadhibou. 750 FH désigne Faisceau Hertzien. C’est est un système de transmission de signaux entre deux points fixes. Il
utilise comme support les ondes radioélectriques, avec des fréquences porteuses de 1GHz à 40GHz (domaine des
micro-ondes), très fortement concentrées à l'aide de directives. Ces ondes sont principalement sensibles aux
masquages (relief, végétation, bâtiments…), aux précipitations, aux conditions de réfractivité de l'atmosphère et
présentent une sensibilité assez forte aux phénomènes de réflexion.
A l’instar de la fibre optique, du satellite, le FH est un support de transmission.
Un réseau de télécommunication est composé de trois parties à savoir la partie accès, la partie commutation et la
partie transmission.
D’ abord, la partie accès commence du terminal de l’abonné jusqu’ au commutateur de raccordement.
421
Nouadhibou. Chinguitel S.A avait déclaré qu’elle ne disposait pas de capacité
demandée par Mauritel S.A. Ce qui a été confirmé par la mission d’audit
effectuée par le régulateur. En conséquence, l’autorité de régulation a déclaré
irrecevable la requête de Mauritel S.A au fond. En ce sens que la demande
n’était pas raisonnable vis-à-vis des besoins du demandeur et des capacités de
Chinguitel S.A à la satisfaire.
Dans une autre décision du même jour, le régulateur de la Mauritanie, saisi par
Chinguitel SA751 pour refus de Mauritel S.A d’étendre une liaison
d’interconnexion entre le MSC752 de Chinguitel SA et le MSC2 de Mauritel S.A, Ensuite, la partie commutation est le cœur du réseau. C’est la partie qui regroupe les commutateurs
interconnectés.
Enfin, la partie transmission est composée de l’ensemble des infrastructures et/ou équipements qui permettent de
raccorder les zones distantes (par exemple deux villes ou deux pays). Les supports de transmission sont la fibre
optique, le satellite et le FH ou Faisceau Hertzien. Voir Serge Sanou, « Les bases de l’électronique ».Op.cit.
751 Décision n°009/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15 septembre 2009 se prononçant sur un
différend entre Chinguitel S.A et Mauritel S.A relatif à l’extension de la liaison d’interconnexion entre le MSC
DE Chinguintel SA. Et le MSC2 de Mauritel S.A. 752 Le MSC désigne en anglais Mobile Switchers Center ou centre de commutation mobile. Le centre de
commutation est un lieu où sont installés des commutateurs. Ces derniers mettent les clients en relation de
communication : nous parlons de commutateur de raccordement. A ce niveau, nous distinguons deux types de
raccordement à savoir le raccordement terminal à un commutateur et le raccordement transit à un commutateur
de transit.
Pour le raccordement terminal à un commutateur :
- dans le cadre de l’interconnexion directe où la terminaison de trafic, la commutation permet
d’acheminer le trafic terminal destiné aux abonnés raccordés directement à ce commutateur. ;
- pour l’interconnexion indirecte où la collecte de trafic, le service permet d’écouler le trafic des clients
des opérateurs interconnectés qui sont raccordés directement à ce commutateur.
Concernant le raccordement transit à un commutateur de transit :
- pour l’interconnexion directe où la terminaison de trafic, le service permet d’écouler le trafic à
destination des abonnés raccordés sur les commutateurs d’abonnés accessibles, en transit, à partir du
commutateur de rattachement. Nous parlons de « simple transit » ou de « double transit » ou d’accéder
aux abonnés des autres opérateurs ;
422
a déclaré recevable la saisine. En ce sens que la mission d’audit effectuée par le
régulateur le 28 juillet 2009 confirmait que Mauritel S.A disposait de
suffisamment de capacité au niveau de son MSC2 pour satisfaire la demande de
Chinguitel.
Au demeurant, les conventions d’interconnexion doivent préciser, au minimum,
au titre des caractéristiques techniques des services d’interconnexion, la qualité
des prestations fournies dont la sécurisation753.
Evaluation des besoins de l’opérateur alternatif :
En cas de défaillance de l’interconnexion, les clients de l’opérateur concurrent
raccordés au commutateur d’abonnés concerné n’ont plus la possibilité
d’accéder à son service. D’après les chiffres fournis, le préjudice subi par
l’opérateur concurrent est important.
L’Autorité estime donc que les interconnexions aux commutateurs de
l’opérateur concurrent doivent pouvoir être sécurisées.
Evaluation de la capacité de l’opérateur historique à satisfaire cette demande :
- et pour ce qui est du cadre de l’interconnexion indirecte où collecte de trafic, le service permet
d’acheminer le trafic des clients de l’opérateur interconnecté qui se trouvent dans la zone de transit
uniquement. Nous parlons de collecte « simple transit ».
Sur cette question, voir le catalogue d’interconnexion de SONATEL 2010. (Disponible sur le site :
www.artp.sn. Page consultée le 17 février 2011).
753Article 16 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion.
423
L’opérateur historique propose des offres qui permettent la sécurisation des
interconnexions. Il utilise d’ailleurs la prestation demandée par l’opérateur
concurrent pour sécuriser son propre trafic.
Au vu de ces éléments, l’Autorité considère que l’opérateur historique doit, en
application du principe de non-discrimination, proposer à l’opérateur concurrent
un mécanisme similaire.
Toutefois, l’opérateur historique n’utilise cette possibilité qu’en complément à
d’autres solutions de sécurisation. Il est donc légitime et proportionné que
l’opérateur historique demande à terme à l’opérateur concurrent de mettre
également en œuvre des mesures de sécurisation complémentaire.
SOLUTION
Une obligation est faite à l’opérateur historique de fournir une prestation de
sécurisation des interconnexions. A terme, l’opérateur concurrent est obligé de
mettre en place des mesures complémentaires.
L’ART de la France, devenue l’ARCEP a adopté cette solution dans une
décision du 5 janvier 2000754. Il ressort des énonciations de la décision que la
société Télécom Développement (ci-après TD), filiale commune de Cegetel et
de la SNCF, a pour objet de développer et d’exploiter un réseau de
télécommunication longue distance interurbain, ouvert au public. Pour remplir
son rôle d’opérateur longue distance, elle a nécessairement besoin d’être
interconnectée au réseau de la société France Télécoms (ci-après FT), qui en tant
qu’opérateur historique, a un quasi-monopole sur l’activité d’opérateur de
boucle locale du fait des infrastructures dont elle dispose. Ayant choisi pour
chacune des deux prestations d’interconnexion qu’elle doit acheter à FT (trafic
entrant et trafic sortant) d’investir dans un réseau d’infrastructures de
754 Décision n°00-30 du 5 janvier 2000 (www.arcep.fr, page consultée le 18 juin 2009).
424
télécommunications très dense consistant à s’interconnecter au niveau des
commutateurs d’abonnés de FT (dit CA), et non à un niveau relativement
éloigné des abonnés, via un PRO755, TD, afin d’assurer une bonne qualité de
service sur son réseau, a demandé à son partenaire de réacheminer
automatiquement les appels à destination de son réseau vers son interconnexion
au PRO dès lors que l’interconnexion au commutateur d’abonnés connaissait un
dysfonctionnement. Pour qu’en cas de défaillance d’éléments de transmission ou
de commutation, il y ait « débordement » du trafic ainsi affecté vers un autre
centre de transit de FT.
Et suite au refus de FT, TD a saisi l’Autorité de régulation des
télécommunications du différend l’opposant à la première relatif à la
sécurisation automatique des interconnexions aux commutateurs d’abonnés du
réseau de FT.
C’est ainsi que le régulateur a décidé, entre autres, que pour le trafic entrant sur
le réseau de Télécom Développement, France Télécom fournira une prestation
de sécurisation des interconnexions aux CA756par débordement du trafic sur le
point de raccordement de Télécom Développement. Ce dernier ne pourra utiliser
ce débordement qu’à des fins de sécurisation de son réseau.
Sur recours formé par France Télécom, en annulation de la décision de la Cour
d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 27 juin 2000757, a confirmé la décision
de l’ART de la France. Dans son analyse, la Cour d’Appel rappelle que :
La sécurisation de transmission et de commutation assurent l’interconnexion
du réseau de Télécom Développement et les différents CAA758de France
755 Point de Raccordement Opérateur. 756 Commutateur d’abonné. 757 Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 27 juin 2000, RG N° : 2000/02659 – 16ème page. 758 Commutateur à autonomie d’acheminement. C’est un équipement qui met les clients en relation pour
permettre la communication.
425
Télécom auxquels l’opérateur qui a saisi l’Autorité s’interconnecte dès lors que
le service de Télécom Développement ne peut assurer au client final que par le
biais des interconnexions au réseau de France Télécom, aux deux extrémités du
chemin emprunté par la communication.
Ensuite, concernant le délai de traitement, le litige peut tirer sa source d’un
délai non raisonnable de la réalisation de l’interconnexion ou une
discrimination dans le traitement de la demande d’interconnexion.
C. Délai non raisonnable d’exécution de la demande d’interconnexion
2. Délai de traitement de la demande
PARTIES
Demandeur : Opérateur concurrent
Défendeur : Opérateur historique
CONTEXTE
Il s’agit d’une dénonciation par un opérateur concurrent du délai de traitement
des demandes de portabilité759 imposé par l’opérateur historique.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
La détermination du seuil incompressible :
L’Autorité examine si une réduction du délai par l’opérateur historique est
techniquement possible, et quel est le délai minimum (« seuil incompressible »).
En l’espèce, l’Autorité constate que le seuil incompressible est de 4 jours. Elle
estime donc que le délai de 7 jours revendiqué par l’opérateur historique doit
759 La portabilité des numéros est la possibilité pour un usager d’utiliser le même numéro d’abonnement,
indépendamment de l’exploitant chez lequel il est abonné, et même au cas où il change d’exploitant.
426
être réduit. C’est le sens de la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008760 de
l’ARCEP relative à France Télécom. En effet, le cadre législatif et réglementaire
mis en place pour le déploiement de la fibre en France comporte plusieurs
volets. En vertu de sa compétence d’analyse des marchés, l’ARCEP a imposé en
2008 des mesures de régulation « asymétriques », c’est-à-dire portant
uniquement sur l’opérateur historique, France Télécom, et obligeant ce dernier à
donner accès à ses fourreaux de génie civil pour permettre à l’ensemble des
opérateurs d’y déployer de la fibre dans des délais raisonnables.
Prise en compte des contrats clients :
L’Autorité précise que les parties doivent fixer ce délai en fonction des délais
prévus dans les contrats souscrits avec leurs clients.
Le renvoi à la négociation par les parties :
L’Autorité indique que ce nouveau délai doit être décidé par les parties par voie
contractuelle, au regard des deux considérations ci-dessus.
SOLUTION
L’Autorité impose aux parties de négocier un délai inférieur au délai actuel.
C’est le sens d’une décision du 20 juillet 2005 de l’Agence de Régulation des
Télécommunications du Maroc concernant l’interconnexion entre Medi Télécom
et IAM. Dans cette affaire, le régulateur marocain était saisi par Medi Télécom
pour faire aboutir les négociations d’interconnexion qui achoppaient sur des
questions techniques. Selon Medi Télécom, après plus de deux années de
négociations, elle et IAM ne sont pas arrivées à un accord sur les termes et
760 Décision n°2008-0835 du 24 juillet 2008 de l’ARCEP.
427
conditions d’un nouveau contrat d’interconnexion. Dans l’analyse de l’affaire, le
régulateur a précisé :
Eu égard aux enjeux que représente pour les opérateurs la conclusion d’une
convention d’interconnexion et la nécessité, pour eux, de lui conférer la
pérennité requise au regard de son objet, le contrat d’interconnexion doit être
un contrat à durée indéterminée, dont l’échéance interviendra, sauf
manquement grave ou faute de l’une des parties, à l’expiration de la licence de
l’un des opérateurs ; une telle disposition n’entre pas en contradiction avec la
stipulation de conditions négociées par les parties sur les modalités de sa
renégociation. 761
Constatant que sur les dix points de désaccord, identifiés comme tels, seuls cinq
points restent en suspens, le régulateur a décidé que IAM et Médi Télécom
procèdent dans un délai ne dépassant pas 2 (deux) mois, à compter de la
notification de sa décision, à la conclusion d’un nouveau contrat
d’interconnexion, dans les conditions et selon la démarche qu’il aura définies.
3. Discrimination dans le traitement des demandes
2.1 Discrimination dans le traitement des demandes par le refus
d’offre d’interconnexion
PARTIES
Demandeur : opérateur concurrent
Défendeur : opérateur historique
761Décision n°04/05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 20 juillet 2005 relative au litige entre Medi
Télécom et IAM concernant la renégociation du contrat d’interconnexion. http://www.anrt.net.ma/fr/. Page
consultée le 14 octobre 2011).
428
CONTEXTE
L’opérateur historique refuse un service d’interconnexion à l’opérateur
concurrent, qui invoque une discrimination.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Le principe
Les exploitants de réseaux ouverts au public font droits, dans des conditions
objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes
d’interconnexion des autres opérateurs762.
L’application
L’opérateur historique rapporte la preuve qu’il avait manifestée à tous les
opérateurs concernés et sa volonté de résilier la prestation d’interconnexion en
cause.
Au regard de cet élément de fait, l’Autorité a considéré que le refus opposé par
l’opérateur historique, d’offrir la prestation d’interconnexion demandée par
l’opérateur concurrent, ne saurait être regardé comme une discrimination.
SOLUTION
Le refus de l’opérateur historique de faire droit à la demande d’interconnexion
n’est pas discriminatoire dans ce cas d’espèce.
762Article 7 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion. De même, l’article 17 de l’ordonnance n°99-
043/P-RM du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en République du Mali prévoit que les
opérateurs assurent l’accès à leurs réseaux et services aux demandeurs à des conditions générales de fourniture
sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires, garantissant l’accès. A cet effet, l’opérateur qui
dispose de plusieurs réseaux ne peut accorder à son propre réseau un régime d’interconnexion plus favorable
que celui qu’il accorde à un autre opérateur.
429
Par contre, le refus d’accès à l’interconnexion et le dilatoire ou la discrimination
dans le traitement des demandes d’interconnexion constituent des obstacles à
une sérieuse concurrence, d’où la nécessité de la vigilance du régulateur sur le
traitement. C’est le sens d’une décision du 1er juin 2005 de l’ANRT du Maroc,
relative au litige entre Medi Télécom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant
la co -localisation dans les sites d’IAM763.
Dans ce cas d’espèce, Medi Télécom demandait à l’ANRT de confirmer son
droit de bénéficier du service de co-localisation d’IAM et l’obligation de cette
dernière de fournir à Medi Télécom la prestation effective et immédiate de la co-
localisation dans tous les sites d’IAM soit dans les conditions décrites dans son
Catalogue d’Interconnexion ou dans des conditions différentes dans le cas où
IAM ne peut pas assumer la fourniture de la co-localisation dans les conditions
fixées dans ledit Catalogue. Dans son argumentaire, l’ANRT a rappelé que :
La co-localisation constitue un des moyens de l’interconnexion physique des
réseaux, qui permet à un opérateur souhaitant réaliser lui-même la liaison
d’interconnexion d’installer ses équipements dans les locaux de l’opérateur
offrant cette prestation, au lieu de louer ladite liaison auprès de ce dernier ;
ainsi définie, elle constitue un facteur déterminant pour l’exercice d’une
concurrence saine, en ce sens que chaque opérateur se trouve libre de décider
par lui-même de son mode d’organisation et de l’architecture de son réseau, par
des choix techniques et économiques autonomes ; qu’en conséquence, elle
constitue un droit subséquent au droit à l’interconnexion des réseaux de
télécommunications.
Suite à la mission d’expertise, l’ANRT a considéré que la demande était
raisonnable compte tenu des conditions techniques et du délai y afférentes. Par
conséquent, elle décida : 763Décision n°03 /05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 1er juin 2005 relative au litige entre Medi
Télécom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant la co-localisation dans les sites d’IAM.
(http://www.anrt.net.ma/fr/. Page consultée le 14 octobre 2011).
430
IAM est tenue de donner suite à toute demande de co-localisation dans ses
sites, conformément à la réglementation en vigueur et aux dispositions de la
présente décision.
A cet effet, elle établit et transmet à l’ANRT, au plus tard un (1) mois à compter
de la date de notification de la présente décision, la liste de ses sites ouverts à la
co-localisation physique par salle dédiée.
De même, le régulateur doit aussi être regardant sur les questions de qualité de
service et de tarification.
2.2 Discrimination par la qualité de service à l’interconnexion
La qualité de service est l’aptitude d'un service à répondre adéquatement à des
exigences, exprimées ou implicites, qui visent à satisfaire ses usagers. Ces
exigences peuvent être liées à plusieurs aspects d'un service : son accessibilité,
sa continuité, sa disponibilité, sa fiabilité et sa maintenance764.
Tandis que la tarification est le fait de fixer un prix pour le service
d’interconnexion.
Concernant la qualité de service, l’article 16 de l’Acte Additionnel sur l’accès
et à l’interconnexion stipule :
L’interconnexion fait l’objet d’une Convention de Droit Privé, appelé
communément Contrat d’Interconnexion, entre deux parties concernées. Cette
convention détermine, dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires applicables, les conditions techniques financières de
l’interconnexion. Elle est communiquée à l’Autorité nationale de régulation dès
sa signature. 764http://www.journaldunet.com/encyclopedie/definition/1026/51/20/quality_of_service.shtml. (Page consultée le
6 janvier 2011)
431
Lorsque cela est indispensable pour garantir le respect de la loyauté de la
concurrence, la non-discrimination entre opérateurs ou l’interopérabilité des
services et des réseaux, l’Autorité nationale de régulation peut demander aux
parties de modifier la convention d’interconnexion.
PARTIES
Demandeur : opérateur concurrent
Défendeur : opérateur historique
CONTEXTE
Le litige est relatif à la qualité des services de liaisons loués et à la mise en place
d’un suivi de qualité consécutif à la mise sur pieds d’une nouvelle architecture
d’interconnexion entre les parties.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Les conditions de la qualité de service
L’Autorité constate que l’opérateur historique propose, dans ses contrats actuels,
un certain niveau de qualité de service pour les liaisons louées.
Elle indique que la nature technique des liaisons louées est sans incidence sur le
niveau de qualité de service.
De plus, l’Autorité précise que l’interconnexion doit être fournie dans des
conditions non discriminatoires. Cela signifie que les opérateurs doivent offrir
432
aux concurrents des conditions techniques et financières équivalentes à celles
retenues pour leurs propres services ou ceux de leurs filiales ou partenaires.
En conséquence, l’Autorité ne considère qu’une différence de qualité de service
entre les liaisons louées existantes et celles de la nouvelle offre :
- ne serait pas fondée sur des critères objectifs ;
- introduirait une discrimination entre la qualité de service que l’opérateur
historique a proposée à ses clients finals et celle réservée aux opérateurs.
Dans la mesure où le catalogue d’interconnexion de l’opérateur historique
propose un niveau de qualité de service standard, l’Autorité décide que la
convention d’interconnexion avec l’opérateur concurrent appliquera ce niveau
de qualité de service, au moins égal à celui des offres de liaisons louées en
cours.
La mise en place d’un suivi de qualité
L’Autorité estime que la mise en œuvre d’un système de suivi rend plus
transparent le respect des engagements de l’opérateur historique. Elle considère
donc qu’un tel système peut être défini dans le cadre de la convention
d’interconnexion.
L’Autorité note par ailleurs que l’opérateur historique propose dans le cadre de
ses contrats existants des options de suivi de la qualité de service.
En conséquence, l’Autorité demande à l’opérateur historique d’inclure dans ses
conventions avec l’opérateur concurrent un système de suivi de la qualité de
service, dont les conditions seront au moins aussi favorables que dans les
options des contrats existants.
433
En outre, s’agissant de prestations d’interconnexion, l’Autorité précise que les
tarifs de cette offre de suivi de la qualité de service seront orientés vers les coûts
correspondants.
SOLUTION
La convention d’interconnexion appliquera le niveau de qualité défini pour
l’ancienne architecture d’interconnexion.
Un système de suivi de la qualité de service, dont les conditions seront au moins
aussi favorables que pour l’ancienne architecture de liaisons louées, devra
également être proposé à des tarifs orientés vers les coûts.
L’opérateur historique ne doit pas appliquer une qualité de service
discriminatoire entre ses filiales et ses concurrents, entre ses clients et ceux de
ses filiales.
C’est le sens d’une décision rendue par le Conseil de la Concurrence de la
France le 27 février 2002765. Les faits sont les suivants : T-Online France, qui
commercialisait ses services de détail de fournisseur d’accès à Internet sous la
marque « Club-Internet », soutenait que France Télécom aurait octroyé, de
manière discriminatoire, à sa filiale Wanadoo Interactive, une offre sur mesure
(OSM) préférentielle pour la fourniture d’accès ADSL en gros. T-Online France
considérait ensuite que France Télécom avait avantagé sa filiale Wanadoo
Interactive par l’ « octroi de subventions illicites indirectes ». La plaignante
reprochait également à France Télécom d’avoir consenti un avantage
discriminatoire à sa filiale Wanadoo Interactive en ce qui concerne l’accès aux
informations relatives à l’éligibilité des lignes à l’ADSL ainsi que la passation
des commandes de lignes ADSL. Ainsi, les agences Frances Télécom
commercialisant les services de Wanadoo Interactive auraient bénéficié
765 Décision n°02-MC-03 du 27 février 2002.
434
d’informations de processus de commande bien plus rapides et bien plus fiables
que les FAI766 alternatifs (FAI autres que Wanadoo Interactive).
Le Conseil de la Concurrence a prononcé des mesures conservatoires à
l’encontre de la société France Télécom, notamment en enjoignant à cette
dernière :
De mettre à la disposition de l’ensemble des fournisseurs d’accès à l’Internet,
un serveur Extranet permettant d’accéder aux mêmes informations sur
l’éligibilité des lignes téléphoniques à l’ADSL et sur les caractéristiques des
modems compatibles avec l’équipement de ces lignes autres que celles dont
dispose Wanadoo Interactive, et de commander aux services spécialisés de
France Télécom, l’opération matérielle de la connexion dans les mêmes
conditions d’efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive, selon les
mêmes conditions tarifaires, mais avec des conditions techniques autorisant le
traitement de masse en ligne.
D. Les solutions aux contentieux de la tarification peuvent être
appliquées de manière rétroactive.
Elles portent souvent sur le tarif de la terminaison d’appel ou le tarif de la
collecte d’appel.
Aux termes de l’article 3 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion,
les conventions d’interconnexion sont librement négociées dans des conditions
réglementaires, techniques et financières objectives et non discriminatoires qui
assurent des conditions de concurrence loyale.
De même, l’article 23 dispose que les opérateurs puissants respectent le principe
d’orientation vers les coûts.
766 Fournisseur d’accès à Internet.
435
1. Rétroactivité des décisions de règlement des différends
PARTIES
Demandeur : opérateur historique
Défendeur : opérateur concurrent
CONTEXTE
Le litige porte sur la faculté d’appliquer, pour l’Autorité, une décision sur une
période antérieure à la date de sa décision.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
La fixation rétroactive de tarifs est compatible avec le principe de non
rétroactivité des actes administratifs.
L’Autorité n’a fait qu’adapter ce principe aux réalités économiques dans un
souci d’équité sans contrevenir aux nécessités de sécurité juridique.
Investie par la loi du pouvoir de régler les différends opposant les opérateurs de
télécommunications sur les conditions financières des prestations
d’interconnexion pour lesquelles ils ont conclu une convention, l’Autorité est
fondée de fixer, pour l’ensemble de la période litigieuse qui, en l’espèce,
commençait à courir au premier janvier 2003, les méthodes permettant de
déterminer les tarifs de ces prestations.
SOLUTION
L’Autorité applique les tarifs fixés dans sa décision pour l’ensemble de la
période litigieuse. C’est le sens de la décision rendue par l’ARTP du Sénégal, en
436
date du 21 avril 2010, dans un litige opposant EXPRESSO Sénégal à
SONATEL767.
Quels sont les faits ?
SONATEL et EXPRESSO Sénégal sont des opérateurs titulaires de licence de
télécommunication au Sénégal. Par conséquent, ils sont assujettis à l’obligation
d’interconnexion. De même SONATEL, en sa qualité d’opérateur en position
dominante, est tenue de publier un catalogue d’interconnexion approuvé par
l’Autorité de régulation des télécommunications. Ainsi, par décision du 31
juillet 2009,768 l’ARTP approuve le catalogue d’interconnexion de SONATEL
pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010. Après l’approbation du
catalogue d’interconnexion de SONATEL, l’ARTP a prescrit à SONATEL et à
EXPRESSO de signer leur convention de concession avant le 1er septembre
2009. Le délai fixé ayant expiré, EXPRESSO Sénégal saisit l’ARTP le 3
septembre 2009. En effet, les négociations entre SONATEL et EXPRESSO
Sénégal ont achoppé sur la détermination du tarif de terminaison du trafic
international entrant vers le réseau de SONATEL en transit par EXPRESSO
Sénégal. Le régulateur, par décision rendue le 21 avril 2010 confirme les tarifs
prévus dans la convention d’interconnexion de SONATEL qui seront
applicables pour la séquence temporaire du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010.
2. Tarifs de la terminaison d’appel
La terminaison d'appels est le coût de transmission facturé par un opérateur à un
autre opérateur pour faire transiter l'appel sur son réseau769. Lorsque l'abonné
d'un opérateur A appelle un abonné d'un opérateur B, l'opérateur A devra payer
767 Décision relative à la conclusion d’une convention d’interconnexion entre SONATEL et EXPRESSO Sénégal
pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010 (www.artp.sn Page consultée le 18 février 2011). 768Décision n°2009-00014ARTP/DG/SG/DO/DRS du 31 juillet 2009768 portant approbation du catalogue
d’interconnexion de SONATEL pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010.
437
à l'opérateur B une terminaison d'appels pour chaque minute de communication.
Une sorte de taxe douanière donc qui existe depuis l'ouverture du marché de la
téléphonie fixe à la concurrence.
PARTIES
Demandeur : Opérateur historique
Défendeur : Opérateur concurrent
CONTEXTE
Le litige est relatif aux tarifs des prestations de terminaison d’appel sur le réseau
d’un opérateur alternatif pour le trafic téléphone.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Principe d’orientation vers les coûts
Qu’ils soient soumis ou non à l’obligation de publier un catalogue
d’interconnexion, les opérateurs sont tenus d’orienter leurs tarifs
d’interconnexion vers les coûts770.
La détermination du coût de l’interconnexion
L’Autorité considère que les coûts à prendre en compte doivent être établis en
référence aux Coûts Moyens Incrémentaux de Long Terme (CMILT)771, en
769http://www.degroupnews.com/dico/definition-terminaison-d-appels.html (Page consultée le 7 janvier 2011)
770Article 23 de l’Acte Additionnel sur l’accès et l’interconnexion. 771 C’est le coût additionnel d’un volume donné de services utilisant un réseau ajusté pour ces demandes avec un
degré d’ajustement qui dépend de la facilité d’adaptation de l’actif. Le CMILT, utilisé en France comme base de
tarification de l’interconnexion, prend en compte les coûts fixes directs et utilise une valorisation au coût
prospectif. Voir la décision n°00-1171 du 31 octobre 2000 de l’Autorité de régulation des Télécommunications
de la France devenue ARCEP.
438
cohérence avec les prestations d’interconnexion figurant au catalogue
d’interconnexion de l’opérateur historique.
Méthode du Benchmark
Dans le cas où l’un des opérateurs refuserait de communiquer les données
nécessaires au calcul du coût moyen de terminaison d’appel, la possibilité de
retenir la méthode de « benchmark »772 international sera envisagée.
Comparaison des marges sur coûts CMILT des opérateurs
L’Autorité note qu’elle a validé le niveau de marge sur coût CMILT des tarifs de
terminaison de l’opérateur historique.
Il convient dès lors de comparer les marges sur coûts CMILT de l’opérateur
historique avec les marges sur coûts CMILT obtenues avec les tarifs proposés
par l’opérateur concurrent.
L’Autorité indique que les écarts de tarifs de terminaison d’appel entre les deux
opérateurs sont ainsi justifiés par les écarts de coûts entre ces deux opérateurs773.
SOLUTION
L’Autorité examine si les tarifs proposés respectent le principe d’orientation
vers les coûts774 et, dans le cas contraire, fixe un tarif. C’est le sens d’une 772 Le « benchmark » ou « yarstick competition » est une pratique de régulation qui consiste à s’inspirer des
solutions retenues dans d’autres pays ou d’autres entreprises. 773 Les coûts retenus sont des coûts incrémentaux. Les coûts incrémentaux sont les coûts supplémentaires
engendrés par l’ajout à un portefeuille de service offerts d’un nouveau service. Ce sont principalement les coûts
d’éléments de réseau dont le dimensionnement dépend du volume des services considérés : il doit y avoir une
relation de causalité entre le trafic et le dimensionnement des éléments de réseau. Voir Laurent Gille, Modèle de
calculs des coûts d’interconnexion : CMILT-Bottom-up, Paris, édition Télécom Paris tech, décembre 2011, p. 14. 774 L’article 6 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services
du secteur des technologies de l’information et de la communication prévoit que les Autorités nationales de
régulation doivent harmoniser leur méthode de calcul des coûts. Cette méthodologie doit définir :
- les coûts pertinents à prendre en compte ;
439
décision rendue par le Conseil de la concurrence concernant France Télécom et
9 Télécom. Dans cette affaire, concernant l'exécution de la décision n° 00-MC-
01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires
présentée par la société 9 Télécom Réseau, le Conseil de la concurrence a
appliqué le principe voulant, qu'en certaines circonstances, des entreprises soient
invitées à orienter leurs tarifs vers les coûts. Ce faisant, le Conseil adopte des
solutions qui dérogent au principe de la libre détermination des prix par le jeu de
la concurrence tel qu'institué par l'article L. 410-2 du Code de commerce.
L'opérateur de réseau de télécommunication 9 Télécom Réseau avait souhaité,
courant 1999, offrir aux fournisseurs d'accès à Internet un service de collecte du
trafic généré par leurs abonnements ADSL, concurrent du service proposé par
France Télécom. La société 9 Télécom Réseau, ne pouvant alors accéder à la
boucle locale et donc desservir directement les abonnés, demandait à France
Télécom de pouvoir accéder au "circuit virtuel", solution qui consiste en la
fourniture de transport de données à haut débit entre l'abonné et un point de
présence de l'opérateur, un "circuit virtuel" étant dédié à chaque raccordement à
haut débit. La mise en œuvre de cette option permet à l'abonné d'être le client du
nouvel opérateur, pour un service de transport de données à haut débit, tout en
restant le client de France Télécom pour le service de téléphonie. En novembre
1999, France Télécom devait informer le demandeur de l'élaboration « d'une
offre de vente en gros de ses services, destinée aux opérateurs tiers pour leur
permettre d'offrir des services équivalents à ceux de France Télécom ». Mais,
faute d'obtenir une réponse précise, le demandeur devait saisir le Conseil de la
concurrence le 29 novembre 1999 : des mesures conservatoires étaient
prononcées le 18 février 2000 et il était fait injonction à France Télécom de : - la structure du modèle de calcul des coûts ;
- les données de base à incorporer dans le modèle ;
- le mode d’évaluation du coût de revient du capital ;
- l’interprétation des résultats du modèle. La finalité est d’assurer une efficacité économique de
l’interconnexion.
440
proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines [...],
une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la
fourniture d'accès à Internet par la technologie ADSL ou toute autre solution
technique et économique équivalente permettant aux opérateurs d'exercer une
concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations
offertes.
Le 15 février 2001, la société 9 Télécom Réseau a, à nouveau, saisi le Conseil de
la concurrence pour non-respect de l'injonction antérieurement formulée. Elle
devait alors faire valoir que si France Télécom a effectivement transmis en avril
2000 une offre aux opérateurs tiers, cette offre aurait du contenir de multiples
restrictions techniques et tarifaires. Dans sa décision du 13 mai 2004, le Conseil
de la concurrence rappellera la condition posée par l'injonction : la possibilité
pour des tiers d'exercer une concurrence effective implique de s'assurer que les
conditions techniques et commerciales proposées par France Télécom soient
d'une nature telle qu'elles permettent à des opérateurs tiers de mettre à la
disposition des fournisseurs d'accès Internet des prestations équivalentes à celles
proposées par France Télécom. En d'autres termes, le Conseil, recourant à de
nombreux exercices de simulation, cherchera à vérifier en quoi un opérateur
efficace, achetant à France Télécom les prestations correspondant au "circuit
virtuel", pour revendre un service équivalent à celui offert par ailleurs par
France Télécom, parvient ou non à dégager une marge suffisante pour faire face
à ses coûts. Parce que tous les tests ont révélé l'existence d'un ciseau tarifaire775,
le Conseil de la concurrence a considéré que France Télécom ne s'était pas
775 Il existe un risque d’effet de ciseau tarifaire quand deux entreprises A et B sont concurrentes sur un marché de
détail et que B dépend de A sur un marché intermédiaire. Il y a effet de ciseau tarifaire quand le tarif de détail de
l’opérateur A (lame supérieure des ciseaux) est inférieur à la somme du tarif de gros pour les ressources
intermédiaires (lame inférieure des ciseaux) et des coûts propres de l’opérateur B. Voir décision portant
approbation du catalogue d’interconnexion de SONATEL pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 ;
(www.artp.sn. Page consultée le 18 septembre 2010).
441
conformée à l'injonction prononcée le 18 février 2000. Ainsi, pour le Conseil,
les pratiques tarifaires de France Télécom ont eu pour effet de verrouiller le
marché au détriment des opérateurs concurrents. Ce n'est qu'à partir du moment
où l'Autorité de régulation des télécommunications a obtenu, fin 2002, de la part
de France Télécom, un ensemble de baisses de prix que la situation a pu se
débloquer, et à partir de 2003, pour les souscriptions à l'offre sur la base de
circuit virtuel aussi. Subséquemment, tout au long des années 2000 à 2002, les
opérateurs tiers ont été exclus du marché naissant de la fourniture en gros des
accès ADSL et, dans le même temps, les fournisseurs d'accès Internet ont dû
faire face à un fournisseur - France Télécom- se maintenant artificiellement en
situation de quasi-monopole pour des prestations qui représentent une part
importante de leurs charges et conditionnent étroitement leur rentabilité ou les
prix qu'ils sont en mesure de proposer776.
3. Niveau de rémunération
PARTIES
Demandeur : Opérateur concurrent
Défendeur : Opérateur historique
CONTEXTE
Le litige porte sur le niveau de la rémunération (charge de terminaison d’appel
international) versée par l’opérateur historique à l’opérateur concurrent pour
l’acheminement du trafic de cet opérateur en provenance de l’international.
L’opérateur concurrent réclame l’alignement de la charge de terminaison
d’appel international sur la charge de terminaison d’appel national.
776 Décision n° 04-D-18 du 13 mai 2004 (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/index.php, page consultée
le 18 juin 2009).
442
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Les conventions d’interconnexion doivent respecter le principe de non-
discrimination. De plus, elles ne doivent pas conduire à imposer indûment des
charges excessives aux opérateurs utilisant l’interconnexion.
L’Autorité estime que l’alignement est souhaitable afin de limiter un recours
abusif au re-routage des appels fixes vers mobile par les coûts qu’ils supportent
au titre de la terminaison des appels internationaux.
Toutefois, l’Autorité constate qu’un alignement des charges ferait supporter à
l’opérateur historique une charge excessive, car la charge de terminaison d’appel
locale est élevée.
La charge est, en l’espèce, considérée comme excessive car elle excède les
recettes que l’opérateur historique est en mesure de négocier dans les accords
internationaux et qu’elle peut reverser à l’opérateur concurrent mobile.
SOLUTION
L’Autorité fixe le tarif de terminaison d’appel en fonction de la recette moyenne
perçue par l’opérateur historique lors de la signature d’accord international.
C’est le sens d’une décision rendue par l’ANRT du Maroc le 27 décembre
2004777. Dans cette affaire, Itissalat AL Maghrib a saisi le régulateur télécom
marocain pour demander :
777 Décision n°10/04 du Comité de Gestion de l’ANRT du 27 décembre 2004, relative au litige entre Itissala AL
Maghrib et Medi Télécom relatif à la coupure de la liaison permettant l’acheminement du trafic international
entrant à destination de Medi Télécom via le réseau d’IAM ;( http://www.anrt.net.ma/fr/. Page consultée le 14
octobre 2011).
443
- le constat de l’illégalité de la coupure unilatérale de la liaison
d’interconnexion permettant l’acheminement des communications
internationales effectuées par Medi Télécom le 1er août 2003 ;
- l’injonction à Medi Télécom (i) de rétablir immédiatement
l’interconnexion coupée et (ii) d’informer l’ensemble des opérateurs
étrangers contactés que le trafic à destination de ses abonnés pourra
désormais continuer à être acheminé par IAM.
Dans son analyse, le régulateur a rappelé l’article 8 de la loi marocaine 24-96
qui prévoit que :
L’interconnexion entre les différents réseaux de télécommunications doit être
faite dans des conditions réglementaires, techniques et financières, acceptables,
objectives et non discriminatoires qui assurent des conditions de concurrence
loyale. L’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications est
chargée de veiller au respect des dispositions qui précèdent et tranche les litiges
y relatifs.
Ainsi, il a été décidé entre autres :
Qu’en application des dispositions de l’article 2 de la décision n°09/04 du 25
octobre 2004, le Comité de Gestion de l’ANRT arrête le tarif moyen de
terminaison du trafic international entrant vers Medi Télécom via le réseau
d’IAM à 1.6289 DH/HT/min. Ce tarif ne faisant pas de distinction entre heure
creuse ou heure pleine.
4. Conditions tarifaires de la prestation de terminaison d’appel
PARTIES
Demandeur : Opérateur historique
Défendeur : Opérateur concurrent
444
CONTEXTE
Le litige porte sur les conditions tarifaires de la prestation de terminaison
d’appel.
L’opérateur concurrent souhaite appliquer des tarifs de terminaisons distincts
selon que l’appel est entrant ou sortant de son réseau.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
L’Autorité retient la méthode dite « réciprocité tarifaire », selon laquelle le prix
pratiqué par un opérateur, pour acheminer vers l’abonné un appel entrant sur son
réseau, doit être équivalent au tarif d’interconnexion, pour l’acheminement des
appels sortant de son réseau.
L’Autorité a toutefois jugé nécessaire de tenir compte de la situation transitoire
et spécifique dans laquelle l’opérateur concurrent est placé. En raison du
caractère récent de son entrée sur le marché de la boucle locale, il n’était pas
encore en mesure de bénéficier des effets d’apprentissage déjà enregistrés par
l’opérateur historique, et ainsi d’atteindre des niveaux de coûts de réseaux
comparables. Ainsi, l’Autorité a décidé d’une modulation dans le temps des
tarifs de terminaison d’appel et de l’application de la méthode dite de « la
réciprocité tarifaire retardée », en insistant sur le caractère provisoire que cette
situation devait présenter.
SOLUTION
L’Autorité autorise de manière temporaire la pratique de tarifs de terminaison
d’appels entrants et sortants distincts. C’est la solution retenue par le régulateur
sénégalais sur la terminaison d’appel mobile. En effet, jusqu’en 2009, SENTEL
Gsm n’étant pas un opérateur dominant, n’était pas assujetti à l’obligation de
publication d’un catalogue d’interconnexion approuvé par le régulateur. Mais à
445
partir de 2009, SENTEL Gsm est déclaré opérateur dominant pour la
terminaison d’appel mobile sur son réseau. Par la même occasion, le régulateur
approuve une réciprocité de la terminaison des appels mobiles entre SENTEL
Gsm et SONATEL778.
C’est le sens aussi de la décision de l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes en date du 18 février 2010, portant
définition de l’encadrement tarifaire de la prestation de Bouygues Télécom pour
la période du 1er juillet au 31 décembre 2010779. Dans cette décision, ARCEP a
imposé à Bouygues Télécom l’asymétrie tarifaire. Le régulateur français fonde
cette décision sur le raisonnement suivant :
s’il n’était pas partiellement compensé, l’important écart qui demeure entre les
tarifs de terminaison d’appel mobile et les coûts sous-jacents, conjugués aux
déséquilibres de trafic mobile et les coûts sous-jacents, conjugués aux
déséquilibres de trafic mobile off net entre Bouygues Télécom et ses
concurrents, provoqueraient un déséquilibre financier artificiellement élevé des
soldes financiers d’interconnexion au détriment de Bouygues Télécom, et par
suite une distorsion de concurrence pénalisante pour cette dernière et procédant
du choix de l’Autorité de mettre en œuvre une période de transition. A contrario,
d’éventuels effets de l’entrée tardive ou surcoûts de réseau subis par Bouygues
778 Voir les catalogues d’interconnexion de SONATEL et de SENTEL Gsm approuvés respectivement par les
décisions n°2011-06/ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 8 mars 2011 portant approbation du catalogue d’interconnexion
de SONATEL pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 et n°2011-07/ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 8
mars 2011 portant approbation du catalogue d’interconnexion de SENTEL Gsm pour la période du 1er juillet
2010 au 30 juin 2011.
779 Décision n°210-0211 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du
18 février 2010, portant définition de l’encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d’appel vocal
mobile de l’opérateur Bouygues Télécom pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010.
446
Télécom ne sont plus significatifs en matière de coûts incrémentaux780 et ne sont
donc plus pris en compte pour la fixation de l’asymétrie tarifaire.
5. Tarifs de collecte d’appel
La collecte d’appels est le fait pour un opérateur tiers, par un mécanisme
d’interconnexion, de prendre des appels d’un concurrent A pour les terminer
dans le réseau du concurrent B. L’opérateur tiers qui collecte l’appel est désigné
sous le vocable de transporteur. Le mécanisme qui consiste pour le client à
désigner celui qui collecte ses appels est la sélection du transporteur.
6. Désaccord sur la détermination du prix payé par l’abonné dans le cadre
du recours au service de facturation et de recouvrement pour le compte de
tiers.
PARTIES
Demandeur : Opérateur concurrent
Défendeur : Opérateur historique
CONTEXTE
Indépendamment des options tarifaires proposées par l’opérateur historique,
l’opérateur concurrent fait valoir qu’il doit pouvoir déterminer lui-même le
montant perçu par l’opérateur historique auprès de l’abonné en contrepartie du
service pour pouvoir maîtriser la fixation du prix d’accès à ses services.
780 Les Coûts incrémentaux de long terme sont les coûts supplémentaires encourus par un opérateur efficace pour
terminer sur son réseau les appels off net d’un opérateur tiers, par rapport à une situation où il ne fournirait pas
cette prestation de terminaison d’appel. Voir décision n° 07- 0810 de l’Autorité de régulation des
communications électroniques en date du 04 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents
relatifs à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d’opérateurs
exerçant une influence significative sur ses marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-
2010.
447
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
Les modalités de mise en œuvre d’une telle prestation relèvent de la négociation
des parties, sous le contrôle de l’Autorité.
Le régulateur doit veiller à ce qu’aucune mesure discriminatoire ne prive un
opérateur tiers des effets de la libre concurrence.
Sur ce fondement, l’opérateur concurrent doit pouvoir déterminer lui-même le
tarif pratiqué à l’égard de l’abonné, sous réserve de ne pas imposer de charge
excessive à l’opérateur historique.
A ce titre, l’opérateur concurrent peut décider d’appliquer au minimum les tarifs
téléphoniques locaux pratiqués par l’opérateur historique pour l’abonnement
principal.
SOLUTION
L’Autorité enjoint à l’opérateur historique d’appliquer les tarifs proposés par
l’opérateur concurrent. C’est le sens d’une décision rendue le 07 novembre 2001
par l’Autorité de régulation des télécommunications de la France devenue
ARCEP781. Le 19 juillet 2001, la société FREE Télécom a saisi l’Autorité de
régulation des télécommunications (A.R.T) d’un différend l’opposant à la
société France Télécom au sujet de la fixation du tarif pour le client de l’accès à
internet par le réseau téléphonique. En effet, la société FREE Télécom est l’un
des opérateurs de collecte et de transport interconnecté au réseau de France
Télécom. Elle met en relation les clients et l’un des fournisseurs d’accès à
Internet au nombre desquels figure la société FREE.fr. Le 17 février 2000, la
société FREE Télécom a conclu avec France Télécom une convention
781 Décision n°01-1055 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 07/11/2001.
(www.arcep.fr.Page consultée le 18 février 2010).
448
d’interconnexion. Celle-ci a fait l’objet de plusieurs avenants, notamment les
avenants n°1, 3 et 4 relatifs à l’accès à Internet. L’avenant n°1 prévoyait en
particulier que le prix d’accès au service pour l’appelant est le tarif local internet
de France Télécom .
Au cours de l’année 2001, FREE Télécom a demandé à France Télécom la
conclusion d’un nouvel avenant à la convention d’interconnexion permettant
l’application d’un tarif pour le client final dont la responsabilité relevait de
FREE Télécom.
FREE Télécom faisait en effet valoir que la fixation par France Télécom du tarif
pour le client ne lui permettait pas de maîtriser la fixation du prix d’accès à ses
services et la plaçait en situation de dépendance vis-à-vis de la politique tarifaire
de France Télécom.
Elle relevait également que les conditions de la grille tarifaire associée au tarif
Internet de France Télécom ne répondaient pas à la demande de lisibilité
tarifaire exprimée par les clients. Elle demandait enfin que son tarif internet ne
soit pas éligible aux options tarifaires de France Télécom afin de réduire les
risques d’interférence des clients de FREE Télécom avec le réseau commercial
de France Télécom. C’est à la suite de l’échec des négociations entre les deux
sociétés que l’ART a été saisi.
Dans sa décision, l’ART de la France, devenue ARCEP, a retenu que :
FREE Télécom a la responsabilité de la fixation du tarif pour l’appelant de
l’accès commuté à Internet via les numéros de la forme 0860 PQMCDU en
facturation pour les comptes tiers. »Par là même, l’ART précise que le
« mécanisme de facturation par FREE Télécom, des communications émises par
ses clients à destination des numéros de la forme 0860PAMCDU facturés à
l’appelant avec le palier tarifaire défini à l’article 1, devra être rédigé
conformément à la demande formulée par FREE Télécom dans sa saisine.
449
Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Paris le 28 mai 2002782.
C’est aussi la solution retenue par le régulateur des télécommunications de La
Tunisie dans une décision rendu le 16 février 2004783.
7. Prix du service de facturation et de recouvrement pour le compte
de tiers
L’opérateur historique ayant le contrôle de la boucle locale doit proposer une
prestation de facturation pour le compte de tiers pour permettre l’ouverture
effective à la concurrence du marché du fixe (accès à l’Internet par exemple).
PARTIES
Demandeur : Opérateur concurrent
Défendeur : Opérateur historique
CONTEXTE
Désaccord sur les conditions, du service de facturation et de recouvrement pour
le compte d’un tiers, offertes par l’opérateur historique.
L’opérateur concurrent demande que l’opérateur historique offre des conditions
de facturations identiques à celles pratiquées par ses services.
ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE
En tant que prestation d’interconnexion, les conditions, dans lesquelles la
facturation et le recouvrement des services à revenus partagés sont fournis,
782 Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 28 mai 2002, RG n° :2001/21416, 3ème page. 783 Décision n°4 du 16 février 2004, relative à l’imposition d’un tarif d’interconnexion du trafic international
supérieur au prix de détail et à une tarification des liaisons louées ne tenant pas compte de l’importance de leur
volume et du statut de leur demandeur en tant qu’opérateur public de télécommunications.
450
doivent garantir l’égalité de celles de la concurrence et du principe de non-
discrimination. L’Autorité doit apprécier si la prestation de facturation et de
recouvrement proposée par l’opérateur puissant implique pour l’opérateur
concurrent des coûts nettement plus importants que ceux que l’opérateur
dominant encourt lorsqu’il facture pour ses propres besoins les services à
revenus partagés.
A cette fin, elle compare le coût engendré par l’opérateur puissant qui utilise la
facture courante de l’abonné pour faire figurer les montants de ses propres
services comme ceux engendrés par l’autre opérateur, pour la facturation.
Si ce dernier bénéficie de conditions beaucoup plus avantageuses que celles
qu’il propose à l’opérateur concurrent, de nature à lui permettre d’en tirer un
avantage concurrentiel substantiel, l’Autorité estimera que les conditions de
l’offre de facturation sont discriminatoires et fixera les conditions équitables de
l’offre.
Le même raisonnement est mis en œuvre pour le recouvrement.
SOLUTION
Le cas échéant, l’Autorité enjoint à l’opérateur historique de modifier son offre
de facturation et de recouvrement pour le compte de tiers. C’est le sens d’une
décision rendue le 16 septembre 2009 par l’Agence de Régulation des
Télécommunications du Gabon784. Dans cette décision, l’Autorité de régulation
fixe les tarifs plafonds d’interconnexion sur le marché des télécommunications
en République gabonaise, pour la période 2009-2010. Mais L’article 2 prévoit
que l’Agence de Régulation des Télécommunications se réserve le droit
784 Décision n°005709/PCR/ARTEL/09 du 16 septembre 2009 fixant les tarifs d’interconnexion sur le marché
des télécommunications en République gabonaise. (www.artel.ga; page consultée le 13 février 2010).
451
d’encadrer les tarifs d’accès ainsi que les tarifs des autres prestations
d’interconnexion ne figurant pas dans cette décision. Le pouvoir de fixation et
de modification des tarifs vise à éviter les pratiques anticoncurrentielles.
452
PARAGRAPHE II :
LE RENFORCEMENT DE L’EFFICACITE DU CONTROLE DE LA
REGULATION
Pour renforcer l’efficacité du juge dans le traitement du contentieux, il
convient de diminuer les délais de traitement (1) et de renforcer l’indépendance
du juge en droit des télécommunications (2).
1. La diminution des délais de traitement
L’angoisse est ancrée au cœur de l’homme devant l’emprise de la dictature
sous toutes ses formes. C’est ainsi que demeurent présentes en mémoires ces
cités-fourmilières décrites par Orwell dans 1984 où les organes du Ministère de
la Vérité précisaient les heures où chacun pouvait accomplir tous les actes
ordinaires de l’existence. La contrainte la plus caractéristique de la condition
humaine est bien celle du temps avec son ministère dévoreur. 785
Cette affirmation de Jean-Marie Coulon met en lumière la nécessité de la
gestion du temps dans le cadre d’une procédure de traitement de différends par
les institutions judiciaires.
La mondialisation de l’économie depuis des années, c'est-à-dire depuis la fin de
la Guerre froide, a sublimé la démocratie de marché avec un effet pervers absolu
puisqu’aucun autre type de société ne lui est opposé ou même imaginé. Les lois
du marché mondial ont éliminé toutes les failles nées du temps ainsi que de
l’espace et remis en cause toutes les forces de régulation politiques,
économiques, sociales et naturellement juridiques et judiciaires. Le temps
immédiat des marchés financiers libère les échanges des règles de la production
785 Jean Marie Coulon, « Réflexions sur la durée de la justice et le temps économique », in Revue Internationale
de Droit Economique édition 1999, pp. 235 – 236.
453
et des droits fondamentaux de l’homme ; le temps immédiat de la
communication contrarie le sens de son objet et écarte toute relation dynamique.
Le temps juridique n’échappe pas à ce phénomène de bouleversement comme,
d’une manière générale, l’ordre juridique et l’ordre judiciaire, c'est-à-dire l’ordre
du droit. La loi est trop souvent fugace et superficielle. Moyen de
communication, elle est affectée. Le temps, pourrait-on avancer avec défi,
pénètre dans la vie judiciaire, particulièrement dans la procédure, comme regret.
Cependant, il est devenu un droit subjectif fondamental. Cette évolution
implique que le temps soit modulé dans chaque procédure. Chaque affaire doit
suivre son cours. Mais l’urgence est partout, dit-on. Devons-nous oublier que la
finalité objective d’une procédure et donc de la justice est d’établir la vérité ?
Concilier vérité judiciaire et vérité tout court, telle est la perfection qui est
demandée au juge et recherchée par lui.
Un rapport de François Ost et d’Yves Cartayes a mis en évidence la crise du
temps social due aux difficultés d’articuler passé et avenir, de formuler des
alternatives sérieuses au cours déterminé des choses et enfin d’assurer la
coordination des différents rythmes de plus en plus hétérogènes786 .
La synchronisation du temps est un enjeu essentiel, un enjeu de la régulation. Si
le champ économique a éliminé la contrainte du temps, il ne peut en être de
même pour l’ordre juridique. Le temps du droit, c’est l’expression et la
compréhension d’une thèse et c’est aussi l’aspiration immédiate à une décision
effective.
Les idées cheminent, les clôtures s’effondrent, aucune norme, quelle que soit sa
nature, n’est autonome. La nécessité de penser l’espace économique,
conjointement avec l’ordre juridique, s’impose.
Le concept même de la régulation doit permettre une vision moderne d’un
développement économique rationalisé. Les composantes de ce concept 786 Ost François et Cartuvels, « Crise du lien social et crise du temps juridique », séminaire interdisciplinaire
d’études juridiques, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, février 1998.
454
prennent en compte l’impact du droit dans l’économie et celui de l’économie
dans le droit, la montée en puissance du juge, la force de la norme
supranationale et l’éclatement des pouvoirs et des structures.
Le juge considère que la gestion des flux judiciaires a une spécificité proprement
judiciaire dès lors qu’il regarde le droit non comme un produit mais comme une
référence. Dans le cas contraire, il s’agirait de mettre en compétition les diverses
sources du droit et de privatiser la justice. L’ordinateur donnerait donc une
réponse, la procédure également, dans le cadre de ces conceptions divergentes
du droit. Il est difficile d’imaginer une telle régulation à l’échelon d’un pays.
Les obstacles liés à la carte judiciaire et aux règles de compétence ne sont pas
rédhibitoires. Ceux liés à la politique judiciaire sont plus forts dès lors qu’ils
impliquent nécessairement un pouvoir d’impulsion et de direction qui n’est pas
aujourd’hui toujours reconnu au juge mais que celui-ci s’est souvent approprié.
Longtemps, il s’est agi, pour les acteurs économiques, de régler leurs différends
en marge de l’appareil d’Etat. La longueur de la durée du traitement du
contentieux devant la Haute juridiction administrative n’est pas de nature à
rendre efficace le recours. Au-delà des frais divers qu’il entraine, le procès
devant le juge, par sa durée même, provoque un coût financier spécifique pour la
partie qui obtiendra finalement gain de cause. Il en va ainsi, au moins, chaque
fois que le litige porte sur un objet économique.
En général, l’administration de la justice au Sénégal souffre de lenteurs et de
dysfonctionnement qui mécontentent toutes les parties prenantes, justiciables et
leurs représentants, juges et auxiliaires de justice, et minent l’Etat de droit dont
se réclame notre pays787. La lenteur, en elle-même, met en cause la bonne
administration de la justice. Comme le soulignait Lord Deming, « le retard dans
la justice est un déni de justice »788. Cette lenteur, parfois pudiquement mais 787 Sur les dysfonctionnements du système judiciaire du Sénégal voir le rapport d’IOS Partners, Dalberg, GENI
et KEBE, Réforme du contentieux économique et financier et protection des investisseurs, Dakar, APIX
Sénégal, 2011. 788 DEMING Lord, “The due process of low”, Butterworth, London, 1980
455
hypocritement justifiée au prétexte que la justice doit être administrée
« sereinement », n’est toutefois que l’effet visible par tous des
dysfonctionnements dans le processus d’administration de la justice. Ces
dysfonctionnements ont bien sûr un coût789. Ce coût peut être financier et
apparent, mais aussi financier caché790, loin d’être négligeable.
L’indicateur « Qualité du cadre juridique et judiciaire » de l’indice de la
gouvernance dans le monde, de la Banque Mondiale, évalue la mesure dans
laquelle la formulation et la mise en œuvre de politiques et réglementations
saines permettent et promeuvent le développement du secteur privé. Cet
indicateur classe la qualité du cadre juridique et judiciaire du Sénégal en dessous
de celle des pays comme le Ghana, la Tunisie, l’Afrique du Sud et tous les pays
non africains figurant dans l’échantillon de référence791.
C’est pourquoi la modernisation de la justice doit tendre à attribuer au juge
étatique la qualité de maître du temps, et spécialement du temps économique.
Pour cela, il est nécessaire que la juridiction sénégalaise, la Cour Suprême en
particulier, s’inscrive dans une démarche de qualité.
D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi organique n°2008-35 du 7 août 2008
portant création de la Cour Suprême792 évoque parmi les motifs de cette loi le
fait que les objectifs visés par la loi n° 92-22 du 30 mai 1992 portant révision
constitutionnelle n’ont pas été atteints. Cette loi avait prévu entre autres
objectifs :
- la spécialisation des magistrats, aujourd’hui confrontés à des questions
nouvelles dans le contexte de la mondialisation des dispositifs juridiques et
judiciaires ; 789 Frais d’actes de procédure, honoraires d’avocats. 790 Un coût caché est en gestion un coût qui n’apparaît pas en tant que tel dans la comptabilité de l’entreprise
mais qui est pourtant supporté par l’entreprise (par exemple le coût de l’absentéisme). 791 Voir à ce propose SCA (Stratégie de Croissance Accélérée), « Rapport sur la compétitivité du Sénégal »,
Dakar, Ministère de l’Economie et des Finances et USAID, 2011, p. 52. 792http://www.gouv.sn/spip.php?article706 (page consultée le 9 janvier 2011).
456
- le traitement des affaires dans un délai raisonnable ;
- l’utilisation rationnelle des ressources budgétaires allouées à la justice.
Fort de ce constat, le Sénégal peut s’inspirer de certaines réformes observées
ailleurs. En Angleterre, sous la pression des nécessités économiques et du
mécontentement des justiciables, une réforme radicale de la procédure a été
entreprise793. L’objectif premier du gouvernement britannique, à travers le Lord
Chancellor794, est d’accroître l’efficacité du système795 et l’efficience, c'est-à-
dire de traiter plus d’affaires, plus rapidement, sans augmenter le nombre de
juges. La tradition mettait le juge en position centrale, comme diseur de droit
hors de toute contrainte temporelle ou financière. La nouvelle approche était
fortement inspirée des techniques de management des entreprises privées
concurrentielles. Elle est même à la pointe de ces techniques en se saisissant du
problème dans une optique processus- qualité. La procédure est ainsi considérée
comme un processus, au sens du management, c'est-à-dire « l’ensemble de
moyens et d’activités liées qui transforment des éléments entrants en éléments
sortants »796. Le processus a « une finalité client et des objectifs à atteindre » 797
et doit apporter « une valeur ajoutée »798. Il semble d’ailleurs naturel de
considérer une procédure judiciaire comme un processus799.
793 Cette réforme concerne la procédure civile. 794Le Lord Chancellor est en gros l’équivalent du Ministre de la Justice au Sénégal. 795 Nous faisons la différence entre efficacité, c'est-à-dire le fait que nous atteignions l’objectif fixé, et
l’efficience, c'est-à-dire le fait que nous atteignions l’objectif au moindre coût. 796 Norme ISO 8402,1994. 797 P. CANDAU et C. MAYEUR, L’évaluation de la qualité de projet tertiaires : modèles et applications. IAE,
Aix –en-Provence, WP 411, mai 1993. 798 Selon l’expression utilisée par Boston Consulting Group. 799 Les deux termes renvoient à la même racine. Le nom « Procédure » est d’ailleurs utilisé en management pour
désigner « la manière spécifiée d’accomplir une activité » (ISO 8402). Dans cette acception, la procédure se situe
à un niveau plus opérationnel que le processus.
457
La dimension « qualité » introduit la notion de satisfaction du client dans le
processus judiciaire. En management, le terme de qualité n’a pas le même sens
que dans son acception commune. « Qualité » ne signifie pas « degré
d’excellence dans un sens comparatif »800.Elle est perçue le plus souvent de
manière subjective par le client. Il s’agit de « l’ensemble des caractéristiques
d’une entité qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou
implicites »801 .
En matière de procédure, dans cette optique processus-qualité, le point de
départ n’est plus le juge mais le justiciable. Ce justiciable devient un client et
l’institution judiciaire, un fournisseur. Le justiciable/client exprime des attentes
et exigences que l’institution judiciaire doit satisfaire dans le délai fixé et au
moindre coût. Le processus de démarrage avec la demande du justiciable et
aboutit au jugement qui est le résultat. L’efficacité et l’efficience du système
reposent sur l’identification et la maîtrise de toutes les étapes entre ces deux
bornes.
Dans un pays où déjà des cabinets de notaires se sont certifiés ISO à côté des
banques et sociétés de télécommunications, il n’est pas impossible que la justice
s’inscrive dans une démarche qualité.
La procédure, qui serait mise à l’aune de cette démarche, permettra une véritable
gestion des affaires tout au long du processus. Il est significatif que le terme
management soit régulièrement utilisé et que l’une des innovations majeures se
nomme case management.
L’adoption de cette démarche par la justice sénégalaise permettra de renforcer la
confiance des investisseurs et, par conséquent, d’attirer des investissements.
800 Norme ISO 8402. 801 Norme ISO 8402.
458
2. Renforcement de l’indépendance du juge
La prise de décision judiciaire s’inscrit dans un contexte complexe combinant
des éléments à la fois politiques et juridiques. Trois acteurs ou groupes d’acteurs
coexistent, liés par trois relations distinctes mais susceptibles d’interagir les unes
sur les autres.
La première relation lie magistrats et justiciables802. A la demande des
justiciables, les magistrats rendent une décision qui doit être impartiale.
La deuxième relation lie décideurs politiques et justiciables qui se confondent
alors avec les citoyens et les électeurs. Cette relation a donc un fondement
électoral, les décideurs politiques représentant normalement les préférences des
citoyens.
La troisième et dernière relation lie, quant à elle, les magistrats et le décideur
politique. Les premiers sont, en effet, des fonctionnaires, le second, employeur,
leur fournissant notamment salaires et budgets de fonctionnement.
Parmi ces trois relations, chacune est susceptible de dominer, selon les rapports
de force entre les trois types d’acteurs considérés. Si le magistrat entretient, par
exemple, des relations plus étroites avec les justiciables qu’avec le décideur
politique, il est considéré comme plutôt indépendant803. Inversement, s’il se
montre attentif aux préférences du décideur politique, il est plutôt dépendant.
La notion d’indépendance s’entend ainsi dans l’acception de l’Ecole des choix
publics. Il s’agit ici du pouvoir discrétionnaire du magistrat, en liaison avec ses
802 Selon le Professeur Demba SY, cette impartialité constitue un rempart contre l’arbitraire éventuel de
l’Autorité publique ;(http://www.infotheque. Page consultée le 19 novembre 2011) Voir Demba SY, « La
condition du juge en Afrique : l’exemple du Sénégal », in revue électronique Afrilix n°3/2003, p. 36.
803http://www.infotheque.info/recherche ? Alioune Badara FALL, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs
publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », in revue
électronique Afrilex n°03/2003, p. 7.
459
objectifs personnels qui divergent, en partie, de ceux des justiciables804. Les
rapports de force entre les différents acteurs sont déterminés, notamment, par
l’information dont disposent les uns sur les autres et par les garanties
institutionnelles dont ils bénéficient. Le statut d’indépendance de la magistrature
entre dans cette catégorie.
Dans les deux relations décrites ci-dessus qui font intervenir directement les
magistrats, l’action de ces derniers n’est pas directement observable. Seul le
résultat de l’action, exprimé dans la décision finale en faveur de l’une des parties
au conflit, est observable, par les justiciables, d’une part, par les décideurs
politiques et les supérieurs hiérarchiques du magistrat, d’autre part. Lorsqu’il
s’agit d’un contentieux dans le domaine des télécommunications, l’intérêt de
l’Etat peut s’opposer à celui d’un opérateur. Par exemple, lorsque l’organe de
régulation prononce une sanction pécuniaire dont le versement doit se faire dans
les caisses de l’Etat. Dans ce cas, l’intérêt de l’opérateur est la censure de la
décision du régulateur. Tandis que l’Etat a besoin de liquidité pour faire face aux
dépenses publiques. Devant cette situation, le juge a besoin d’être indépendant
vis-à-vis de l’Etat et par rapport à l’opérateur.
L’indépendance vis-à-vis de l’Etat est certes affirmée par la constitution805. Mais
au-delà d’une simple affirmation, le système judicaire doit permettre de rendre
effective cette indépendance. C’est pourquoi certains auteurs plaident pour une
bonne rémunération du magistrat pour le mettre à l’abri de la corruption806.
De même vis-à-vis des opérateurs, il y a deux risques par rapport à
l’indépendance. Le premier risque est celui de la corruption. Car le secteur des
télécommunications est très liquide et les conséquences d’une décision de justice
804 Voir, M.S Yonoba, Indépendance de la justice et Droit de l’Homme : le cas du Burkina Faso,
Ouagadougou, édition Pioom, 1997, p. 94. 805 Voir l’article 92 de la Constitution du Sénégal. 806 Selon M.S Yonoba (dans l’ouvrage précité, page 77), la population reste généralement persuadée que le juge
ne résiste pas à la tentation de recevoir des pots de vin de la part d’hommes d’affaires riches et influents. Par
conséquent, pour le mettre à l’abri de la corruption, sa rémunération doit être substantielle).
460
peuvent être évaluées à coût de milliards au détriment de l’opérateur. Ce dernier,
serait tenté d’ « avoir le juge » avec des millions.
L’autre risque est celui de l’asymétrie d’informations. En effet, l’opérateur de
télécommunications peut détenir une information stratégique et des
connaissances pointues sur la matière objet de contentieux qui ne sont pas à la
portée du juge. Ce qu’il pourrait utiliser pour tromper l’efficacité du juge.
Devant ces risques, il est indispensable de renforcer les compétences du juge
suprême et, au besoin, de mettre à sa disposition des experts de haut niveau dans
le domaine des télécommunications pour l’éclairer sur certaines questions
techniques.
461
CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE II DE LA DEUXIEME PARTIE
Pour améliorer l’activité de régulation, il est retenu des solutions portant sur
la régulation ex ante et la régulation ex post.
S’agissant de la régulation ex ante, il s’agit essentiellement de l’adaptation de
l’activité de régulation à l’évolution technologique.
En ce qui concerne la régulation ex post, des solutions tendant à améliorer le
traitement du contentieux concurrentiel et de l’interconnexion, ont attiré notre
attention.
Mais aussi, face à une exigence de célérité du monde des affaires, des solutions
ont été identifiées pour améliorer l’efficacité du juge dans sa mission de contrôle
du régulateur sectoriel des télécommunications au Sénégal.
462
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
L’amélioration du cadre juridique de la régulation et une meilleure prise en
charge de l’activité de régulation constituent les principales contributions de ce
travail.
S’agissant du cadre juridique, ce travail a permis de relever d’une part, l’utilité
de rationaliser les sources et la promotion d’un droit flexible et, d’autre part,
d’attirer l’attention sur les avantages de l’effectivité de l’indépendance du
régulateur. Cette indépendance doit à la fois être organique et fonctionnelle.
Mais elle n’exclut pas le contrôle.
463
CONCLUSION GENERALE
464
En adoptant le code des télécommunications en 2001, le Sénégal a voulu
franchir une nouvelle étape dans le processus de construction d’un marché
concurrentiel des télécommunications. Avant cette date, suivant la marche du
monde vers le libéralisme économique et les recommandations de ses
partenaires au développement, le Sénégal avait déjà privatisé l’opérateur
historique avant d’ouvrir le secteur à la concurrence.
Mais l’ouverture à la concurrence d’un secteur d’infrastructure, où la
satisfaction de l’intérêt général est dévolue à une personne privée, appelle
certaines exigences.
D’une part, il était nécessaire de contrôler le respect des principes qui
gouvernent le service public et de protéger le droit de tout citoyen d’accéder aux
services des télécommunications.
D’autre part, il était fondamental d’offrir aux investisseurs un cadre de
confiance pour attirer les capitaux dans ce secteur dans lequel le coût des
infrastructures serait onéreux.
C’est à cette fin que la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des
télécommunications a été adoptée.
Pour gagner la confiance des investisseurs, le code a consacré d’abord des
principes sacro-saints pour garantir une concurrence saine et loyale, notamment
la transparence, la non-discrimination, la qualité de service, l’orientation des
tarifs vers les coûts, la concurrence saine et loyale.
Ensuite, il a mis en place un régulateur dont les mécanismes de financement,
les relations avec le ministère sectoriel, les prérogatives en matière contentieuse
devraient permettre d’asseoir une régulation efficace au profit d’une
concurrence saine.
Pour assurer la protection du service public, le législateur a consacré l’obligation
de respecter les principes de la continuité, de la disponibilité, d’égalité devant le
service public des télécommunications. La garantie du droit au service public a
465
aussi concerné les populations vivant dans des zones défavorisées, surtout les
populations rurales.
Pour ces dernières, le législateur a mis en place un mécanisme pour assurer le
service universel. Il s’agit de prévoir des obligations de service universel pour
les opérateurs titulaire de licence, dans les zones où ils sont établis. Pour les
zones non desservies, le législateur a prévu de désigner un opérateur de service
universel par appel à candidature, qui sera subventionné par un fonds financé
par les opérateurs titulaires de licence entre autres sources.
A l’épreuve de la pratique, le code des télécommunications a-t-il atteint ses
objectifs ?
La réponse reste nuancée. D’une part, le Sénégal dispose aujourd’hui de l’une
des meilleures infrastructures de télécommunications de la sous-région ouest-
africaine et son marché reste compétitif.
Toutefois, certains acteurs faibles dans le marché souffrent de la puissance des
opérateurs titulaires de licence, il s’agit principalement de fournisseurs de
services de télécommunications.
D’autre part, la jeunesse de l’organe de régulation, le mécanisme de désignation
de ses dirigeants n’ont pas manqué d’impacter l’efficacité de celui-ci dans sa
mission de garantir l’équilibre entre les intérêts multiples des acteurs.
Heureusement, le Sénégal, à l’heure des grands ensembles, est membre de
certaines institutions communautaires qui secrètent des normes tendant à
développer un marché communautaire des télécommunications. Ces normes sont
souvent conformes à celles de l’Union Internationale des Télécommunications et
de l’Organisation Mondiale du Commerce. L’essentiel des Etats parties est aussi
membre de ses organismes internationaux.
En 2006, l’UEMOA a adopté des directives applicables aux secteurs des
télécommunications. La CEDEAO, en cohérence avec les textes de l’UEMOA, a
adopté des Actes Additionnels en 2007. Le Sénégal a transposé les dispositions
466
du droit communautaire à travers la loi 2011-01 d 24 février 2011 portant code
des télécommunications.
Considérant que la technologie évolue plus vite que le droit, le Sénégal, en
s’acquittant de son obligation de transposition des normes communautaires, doit
aussi adapter sa législation à l’environnement actuel des technologies. Il s’agit,
entre autres, des réseaux de nouvelle génération, de la convergence, du
changement de la télévision analogique vers la télévision numérique dont
l’échéance est prévue pour 2015, de l’interconnexion dans un environnement
NGN.
Cette dernière a surtout attiré notre attention du fait de sa complexité et de sa
place dans le contentieux de la régulation.
C’est ainsi que cette réflexion constitue une modeste contribution d’un apprenti
juriste, praticien de la régulation, dans le cadre d’un travail académique, afin de
rendre compte et de proposer des recommandations pour une régulation adaptée
aux enjeux actuels du secteur des télécommunications.
467
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JURISPRUDENCES
IUT
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radiodiffusion télévisuelle en ondes métriques et décimétriques dans la Zone
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UIT « Acte final de la conférence régionale des radiocommunications chargée
de planifier le service de radiodiffusion numérique de terre dans certaines parties
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Union Européenne
Directive 2009/136/CE du parlement européen et du Conseil du 25 novembre
2009, modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les
droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques.
Directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère
personnel et la protection de la vie privée du secteur des communications
électroniques.
491
Règlement (CE) n°2006/58/CE concernant le traitement des données à caractère
personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques.
Règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités
nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de
protection des consommateurs. Journal officiel de l’Union L337/11 du
18.12.2009.
CEDEAO
- Le traité de la CEDEAO et normes dérivées.
- Acte additionnel A/SA 1/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’harmonisation
des politiques et du cadre règlementaire du secteur des technologies de
l’information et de la communication (TIC).
- Acte additionnel A/SA 2/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’accès et à
l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC.
- Acte additionnel A/SA 3/01/07 du 19 janvier 2007 relatif au régime juridique
applicable aux opérateurs et fournisseurs de services.
- Acte additionnel A/SA 4/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à la gestion du plan
de numérotation.
- Acte additionnel A/SA 5/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à la gestion du
spectre de fréquences radioélectriques.
492
- Acte additionnel A/SA 6/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’accès
universel/service universel.
- l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant sur les transactions électroniques
dans l’espace CEDEAO du 16 février 2010,
- l’Acte additionnel A/SA.01/01/10 relatif à la protection des données à
caractère personnel dans l’espace de la CEDEAO.
- Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté.
- Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du
préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du protocole A/P1/7/91 relatif à la
Cour de Justice de la de la CEDEAO, ainsi que de l’article 4 paragraphe 1
de la version anglaise dudit protocole.
Règlement de la Cour de Justice de la CEDEAO du 03 juin 2002.
OHADA
Le traité de l’OHADA de 1993 et normes dérivées.
- Règlement de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage 1996.
UEMOA
- Le traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994.
- Le traité révisé de l’UEMOA 23 janvier 2003.
493
- Acte additionnel n°10/96 du 10 mai 1996 portant statuts de la Cour de Justice
de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.
- Directive n°01/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des politiques
de contrôle et de régulation du secteur des télécommunications.
- Directive n°02/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des régimes
applicables aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services.
- Directive n°03/2006/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des réseaux et
services de télécommunications.
- Directive n°04/2006/CM/UEMOA relative au service universel et aux
obligations de performance du réseau.
- Directive n°05/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation de la
tarification des services de télécommunications.
- Directive n°06/2006/CM/UEMOA organisant le cadre général de la
coopération entre les autorités nationales de régulation en matière de
télécommunications.
- Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de
l’UEMOA.
494
- Règlement n°15/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux systèmes de
paiement dans les états membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEOMA)
- Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 sur les pratiques
anticoncurrentielles.
- Règlement n°3/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures
applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de
l’UEMOA.
- Règlement n°01/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant Règlement de
procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA.
- Règlement n°02/96/CM.UEMOA du 20 décembre 1996 portant statut du
Greffier de la Cour de Justice de l’UEMOA.
- Traité révisé de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) du 24 juillet 1993.
495
LOIS ET REGLEMENTS
- La loi n°94-63 du 22 aout 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux
économique, Journal officiel de la République du Sénégal du 27 août 1994.
- La loi n°2002-23 du 4 septembre 2002 portant cadre de régulation pour les
entreprises concessionnaires de services publics, Journal Officiel de la
République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002.
- La loi n°2001-15 du 27 décembre 2001, modifiée, portant codes des
télécommunications, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6030 du
Samedi 16 février 2002.
- La loi 2006-02 portant modification de la loi 2001-15 de 27 décembre 2001
portant code des télécommunications, Journal Officiel de la République du
Sénégal n°6264 du 11 février 2006.
- Loi 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de
Régulation de l’Audiovisuel. Journal Officiel de la République du Sénégal
n°6264 du 11 février 2006.
- La loi 2008-10 du 25 janvier 2008 portant loi d’orientation sur la société de
l’information, Journal Officiel de la République du Sénégal, n°6406 du 3 mai
2008.
496
- La loi 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère
personnel, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6406 du 3 mai
2008.
- La loi 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité, Journal
Officiel de la République du Sénégal n°6406 du 3 mai 2008.
- La loi 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques, Journal
Officiel de la République du Sénégal n°6404 du 26 avril 2008.
- La loi 2008-41 du 20 aout 2008 sur la cryptologie, n° 6441 du Samedi 6
décembre 2008.
- Loi n°061/2008/AN du 27 novembre 2008 portant réglementation générale
des réseaux et services de communications électroniques au Burkina Faso.
- Loi n°11-2010/AN du 30 mars 2010 portant réglementation de la gestion des
noms de domaine sous le domaine de premier niveau. bf Burkina Faso.
- Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications du
Sénégal, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6576.
- L’ordonnance n°2011-24/P-RM du 28 septembre 2011 portant régulation du
secteur des télécommunications et des postes.
- Décret 95-414 du 15 mai 1995 portant création du Groupe de réflexion sur la
compétitivité et sur la croissance.
497
- Décret n°2007-593 du 10 mai 2007 fixant les modalités de développement du
service universel des télécommunications ainsi que les règles d’organisations
et de fonctionnement du fonds de développement du service universel des
télécommunications.
- Décret n°2005-1185 du 06 décembre 2005 fixant les conditions générales
d’établissement et d’exploitation des réseaux de télécommunications ouvert
au public.
- Décret n°2004-1038 du 23 juillet 2004 portant création fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement de l’Agence De l’Informatique de l’Etat
(ADIE).
- Décision n°2005-01 ART/DG/MJ/DRC/D.Rég.ind fixant la procédure de
traitement des litiges.
498
JURISPRUDENCE
CE 28 juin 1963. NARCY AJDA 1964.
CEDH, 21 mars 2000, Affaire DulanransC/France, JCP éd G, 2000.
CEDH, 9 octobre 1979, arrêt Airey, Série A §24.
Tribunal des conflits, 8 février 1873, Blanco, « Les grands arrêts de la
jurisprudence administratives, n°1.
Conseil constitutionnel, DC 96-380 du 23 juillet 1996, l’affaire France Télécom.
CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle gaz de Deville-Lès-Rouen, les grands
arrêts de la jurisprudence administrative n°9.
CE,Ass., 1er avril 1938, Soc, L’Alcool dénaturé, Rec.Lebon.
Cons. const., DC 73-51 du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel n°32.
Cass, Ass. Plén, 4 février 1999, COBc/Oury, Gaz Pal 24-25 février 1999.
Conclusion M. A. Lafortune ; CJP éd, 1999, II, 10060, note H. Matsopoulou.
Pour le Conseil de la concurrence, Cass.com, 5 Octobre 1999, Campenou
Bernard SGE, JCP éd.G, 2000, note d’E.Cadou.
Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 27 juin 2000, RG N° :
2000/02659 – 16éme page.
Décision n°3492 ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 31 décembre 2010 Sénégal.
499
Décision n°008/09/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15
septembre 2009 se prononçant sur un différend entre Mauritel S.A et Chinguitel
S.A relatif à la location de capacité de transmission sur la liaison FH de
Chinguitel sur l’axe Nouakchott-Nouadhibou.
Décision n°009/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15
septembre 2009 se prononçant sur un différend entre Chinguitel S.A et Mauritel
S.A relatif à l’extension de la liaison d’interconnexion entre le MSC DE
Chinguintel SA. Et le MSC2 de Mauritels S.A.
Décision n°00-30 du 5 janvier 2000 de l’Autorité de Régulation des
télécommunications de France.
Décision n°2008-0835 du 24 juillet 2008 de l’ARCEP de France.
Décision n°04/05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 20 juillet 2005
relative au litige entre Medi Télécom et IAM concernant la renégociation du
contrat d’interconnexion.
Décision N°004 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation (CNR)
portant mise en demeure de SAHELCOM S. A. de se conformer à son cahier des
charges signé le 3 décembre et à l’ordonnance 99-045 du 26 octobre 1999
portant règlementation des télécommunications (page consultée le 16 novembre
2010.
500
Décision n°03 /05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 1er juin 2005
relative au litige entre Medi Telecom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant
la co localisation dans les sites d’IAM.
Décision n°02-MC-03 du 27 février 2002 de l’Autorité de concurrence de la
France.
Décision n°10/04 du Comité de Gestion de l’ANRT du 27 décembre 2004,
relatif au litige entre Itissala AL Maghrib et Medi Télécom relatif à la coupure
de la liaison permettant l’acheminement du trafic international entrant à
destination de Medi Télécom via le réseau d’IAM.
Décision n°01-1055 de l’Autorité de régulation des télécommunications.
Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 28 mai 2002, RG
n° :2001/21416, 3ème page.
Décision n°4 du 16 février 2004, relative à l’imposition d’un tarif
d’interconnexion du trafic international supérieur au prix de détail et à une
tarification des liaisons louées ne tenant pas compte de l’importance de leur
volume et du statut de leur demandeur en tant qu’opérateur public de
télécommunications du régulateur de la Tunisie.
Décision n°005709/PCR/ARTEL/09 du 16 septembre 2009 fixant les tarifs
d’interconnexion sur le marché des télécommunications en République
gabonaise.
501
Décision n° 07- 0810 de l’Autorité de régulation des communications
électroniques en date du 04 octobre 2007 portant sur la détermination des
marchés pertinents relatifs à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux
mobiles français en métropole, la désignation d’opérateurs exerçant une
influence significative sur ses marchés et les obligations imposées à ce titre pour
la période 2008-2010.
Décision n°210-0211 de l’Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes en date du 18 février 2010, portant définition de
l’encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d’appel vocal mobile de
l’opérateur Bouygues Télécom pour la période du 1er juillet au 31 décembre
2010.
Décision de l’ARCEP n° 2010-0402 en date du 8 avril 2010 portant sur la
définition des marchés pertinents des services de capacités, la désignation
d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les
obligations imposées à ce titre.
Décision n°12 004/MPNT/AMRTP-DG de l’Autorité malienne de régulation des
télécommunications/tic et des postes (AMRTP) du 6 janvier 2012 portant
sanction pour violation par SOTELMA de la décision n°08-09/MCNT/CRT du
04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand public de Malitel.
Décision n°2011-000102/ARCEP/SG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en
demeure de AIRTEL Burkina Faso S.A de se conformer aux prescriptions de
son cahier des charges.
502
Décision n°2011-000104/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en
demeure de TELMOB S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des
charges.
Décision n°2011-000103/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en
demeure de TELECEL Faso S.A de se conformer aux prescriptions de son
cahier des charges.
Décision n°2012 -000001/ARCEP/CR portant sanction de TELMOB S.A pour
manquements aux prescriptions de son cahier des charges.
Décision n°2012-000002/ARCEP/CR portant sanction de TELECEL Faso S.A
pour manquements aux prescriptions de son cahier des charges.
Décision n° 2012-000003/ARCEP/CR portant sanction de AIRTEL Burkina
Faso S.A pour manquements aux prescriptions de son cahier des charges.
503
WEBOGRAPHIE
Liens utiles
http://www.a-brest.net/article1283.html
http://www.csdptt.org/article382.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_de_domain
http://gac.icann.org/web/home/ccTLD
http://www.uemoa.int/actes/Indec/Deploiement.htm
http://www.itu.int/ITU-D/treg/publications/Trends08_summary-F.pd
VoIP : réel danger pour les opérateurs historiques ? Par Olivier
Chicheportiche
http://www.silicon.fr/articles/11999/VoIP-reel-danger-pour-les-
operateurs-historiques.html
France Télécom lance 2 offres VoIP pour PME, par Pierre Mangin
http://www.silicon.fr/articles/11769/France-Telecom-lance-2-offres-
VoIP-pour-PME.html
http://www.artp.sn
La révolution VoIP en P2P est en marche, par Yves Grand montagne
http://www.silicon.fr/articles/11983/La-revolution-VoIP-en-P2P-est-en-
marche.html
VoIP: Bruxelles préconise de généraliser l'option française, par Arnaud
Dimberton
http://www.silicon.fr/articles/11504/VoIP-Bruxelles-preconise-de-
generaliser-l-option-francaise.html
Airbus passe à la VoIP avec France Télécom, par Par Olivier
Chicheportiche
http://www.silicon.fr/articles/10673/Airbus-passe-a-la-VoIP-avec-France-
Telecom.html
504
Conférence VoIP: des attentes prometteuses, par Pierre-Antoine Baubion
http://www.silicon.fr/articles/10333/Conference-VoIP-des-attentes-
prometteuses.html
Deux millions de Livebox écoulés, deux millions de courageux ? Par
Olivier Chicheportiche
http://www.silicon.fr/articles/14661/Deux-millions-de-Livebox-ecoulees-
deux-millions-de-courageux.html
Un million de clients VoIP France Télécom en Europe Par Olivier
Chicheportiche
http://www.silicon.fr/articles/14239/Un-million-de-clients-VoIP-France-
Telecom-en-Europe.html
ToIP ou VoIP: des études et des guides donnent le 'la', Par Pierre Mangin
http://www.silicon.fr/articles/14053/ToIP-ou-VoIP-des-etudes-et-des-
guides-donnent-le-la.html
"Guide AFUTT, Voix et téléphonie sur IP"
http://www.futura-sciences.com/news-livebox-nouveautes-venir-2-
millions-internautes_8641.php
Live Services : France Telecom réinvente le téléphone résidentiel, Source
: NetEco.com, le 10/07/2005
http://www.futura-sciences.com/news-live-services-france-telecom-
reinvente-telephone-residentiel_6709.php
http://www.sonatel.sn/communike/tvnum.htm
http://www.itu.int/ITU-D/afr/events/FTRA/Kampala/FTRA-
communique-fr.pdfμ
http://www.idate.fr
http://www.itu.int/ITU-D/treg
http://www.vie-
publique.fr/dossier_polpublic/regulation_sp/hubert00.shtml
http://ww.fcc.gov/ib/initiative/files/cg/french/2.pdf
505
http://www.crtc.gc.ca
http://www.are.me
http://www.arcep.fr
http://www.autoritedeconcurrence.fr
http://www.anrt.net.ma
http:// www.artel.g
506
GLOSSAIRE
Accès ouvert : Ouverture à la concurrence dans toutes les couches du réseau, ce
qui permet à une grande variété de réseaux physiques et d’applications
d’interagir dans une architecture ouverte (info Dev. 2005).
Accès par trains de bits : Forme de dégroupage de réseau avec l’accès par
trains de bits, l’opérateur historique maintient le contrôle de gestion sur la ligne
physique. Contrairement au dégroupage total et au partage de lignes, les
chercheurs d’accès ne peuvent fournir que les services désignés par l’opérateur
historique.
Accès universel : ce terme se réfère à l’accès raisonnable aux
télécommunications pour tous. Il recouvre le service universel pour ceux qui
peuvent bénéficier d’un téléphone individuel ou autres services TIC et la
fourniture répandue de l’accès public aux TIC (c’est-à-dire, télécentres,
cybercafés, etc.) dans un rayon raisonnable.
Accord OMC (GATS) : Terminologie informelle pour désigner le Quatrième
Protocole à l’Accord général sur le commerce des services (GATS). Cet accord
conclu début 1997 incluait des engagements de la plupart des 70 pays à ouvrir
leurs marchés aux services de télécommunications de base. Le document de
référence, qui l’accompagnait, énonçait les principes d’un traitement
réglementaire pour les prestataires de services de télécommunications de base, y
compris les « grands fournisseurs ».
ADSL : Asymmetric digital subscriber line ou ligne d’abonné numérique
asymétrique. C’est une technique permettant l’acheminement de services de
507
données à grande vitesse sur un câble en cuivre à paires torsadées, avec une
vitesse de téléchargement vers l’aval généralement supérieure à 256 Kbit/sec,
mais avec une vitesse de téléchargement vers l’amont inférieure. Correspond à
la Recommandation UIT-T (standard) G.992.1.
Architecture en couches : Concept d’architecture de réseau en couches qui
divise un réseau, en tout point spécifique, en couches, chacune ajoutant de la
valeur au support physique de communication.
ARPU : Average revenue per user ou chiffre d’affaires moyen par utilisateur)
généralement exprimé en mois mais aussi en années.
ATM : Asynchronoustransfer mode ou mode de transfert asynchrone par lequel
les informations sont organisées en cellules. Le terme « asynchrone » signifie
que la récurrence de cellules d’un utilisateur individuel n’est pas nécessairement
périodique.
Analogique : Transmission de la voix et d’images au moyen de signaux
électriques. Les systèmes cellulaires mobiles analogiques comprennent l’AMPS,
le NMT et le TACS.
Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) :
Institution de droit public créée par le code des télécommunications, dotée de la
personnalité juridique et de l’autonomie financière, chargée pour le compte de
l’Etat, de la veille technologique, de l’application de la réglementation, et du
développement et de la promotion du secteur des télécommunications et des
technologies de l’information.
508
Arbitrage : procédure par laquelle l’ARTP prend une décision sur un litige ou
un différend.
ARTAO : Assemblée des Régulateurs des Télécommunications de l’Afrique de
l’Ouest.
Artère : dans le cas d’une utilisation du sous-sol, un tube de protection
contenant ou non des câbles ou un câble en pleine terre dans les autres cas,
l’ensemble des câbles tirés entre deux supports.
Autorité(s) nationale(s) de régulation(s) : organisme(s) chargé(s) par un état
membre d’une quelconque des missions de régulation dans le secteur des
télécommunications.
Autorisation : acte administratif (licence, contrat de concession ou autorisation
générale) qui confère à une entreprise un ensemble de droits et d’obligations
spécifiques, en vertu desquels cette entreprise est fondée à établir, exploiter des
réseaux ou fournir des services de télécommunications.
Abonné : une personne qui reçoit et paie un service de télécommunication
pendant une certaine période en vertu d’un accord conformément aux modalités
établies par le fournisseur de services avec l’approbation de l’Autorité nationale
de régulation ;
Accès : prestation offerte par un exploitant de réseau public de
télécommunications permettant à un autre exploitant de réseau public de
télécommunication ou à un fournisseur de service d’accéder à ses ressources
notamment à ses infrastructures physiques.
509
Accès au service universel : l’accès à un ensemble de service minimal, défini
dans l’Acte Additionnel (Acte Additionnel « service universel »), sur le territoire
des Etats membres de la CEDEAO à l’ensemble de la population,
indépendamment de leur localisation géographique et à des conditions tarifaires
abordables.
Bit/s : Bits par seconde. Mesure de la vitesse de transmission d’unités de
données (bit) sur un réseau. Egalement Kbit/s : mégabits ; (1000 000) par
seconde ; et Tbit/s : térabits (1000 000 000 000) par seconde.
BLR (boucle locale radio) : ensemble des liens radioélectriques existants entre
le poste de l’abonné et le commutateur d’abonné auquel il est rattaché. La
boucle locale est ainsi la partie du réseau d’un opérateur qui lui permet
d’accéder directement à l’abonné. C’est également une technologie de
transmission de données à haut débit par voie hertzienne.
Canal : L’une des nombreuses gammes de fréquences discrètes utilisées par une
station de base pour émettre et recevoir des informations provenant de
terminaux cellulaires (comme des téléphones mobiles).
CATV : Télévision câblée. Système d’acheminement de contenus vidéo, audio
et télévision via un réseau câblé, et qui utilise soit un câble coaxial soit des
fibres optiques.
Co-localisation : Partage d’installations qui permet à l’opérateur historique
d’accueillir des équipements de communication d’opérateurs concurrents pour
faciliter le raccordement avec des utilisateurs.
510
Commutateur : Partie d’un système téléphonique mobile ou fixe qui achemine
les appels ou les données jusqu’à leur destination.
Commutation de paquets : Technique d’acheminement de messages par
laquelle des paquets sont relayés par des stations dans un réseau.
Connectivité : Capacité de fournir à des utilisateurs des connexions à l’Internet
ou autres réseaux de communication.
Convergence : Terme utilisé pour décrire une variété de tendances
technologiques et commerciales visant à estomper les frontières entre segments
du marché comme la télévision câblée, la téléphonie et l’accès à l’Internet,
autant de services qui peuvent être aujourd’hui fournis par une variété de
plateformes de réseaux différentes.
CEDEAO : Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest.
Cellulaire : Service téléphonique mobile fourni par un réseau de stations de
base, chaque station couvrant une cellule géographique au sein d’une zone totale
de services d’un système cellulaire.
Dégroupage de la boucle locale : prestation, qui inclut également les
prestations associées notamment celles de co-localisation, offerte par un
exploitant de réseau public de télécommunication, pour permettre à un
exploitant tiers de réseau public de télécommunication d’accéder à tous les
éléments de la boucle locale du premier exploitant pour desservir directement
ses abonnés.
511
DSLAM : (prononcer : /deslam/), est le sigle de l'anglais « Digital Subscriber
Line Access Multiplexer », soit en français, « Multiplexeur d'Accès à la Ligne
d'Abonné Numérique » (plus simplement : « Multiplexeur d'accès DS ». Le
DSLAM est un multiplexeur (appareil assurant une fonction de multiplexage)
qui permet d'assurer sur les lignes téléphoniques un service de type DSL
(VDSL, ADSL 2+, SDSL, …).
Techniquement, le DSLAM récupère le trafic de données, issu de l'utilisation
des technologies DSL (internet haut débit, télévision par ADSL, VoIP …),
transitant sur les lignes téléphoniques qui lui sont raccordées, après que ce trafic
a été séparé du trafic de voix issu de la téléphonie classique, grâce à un filtre.
Ensuite, le DSLAM regroupe le trafic des différentes lignes qui lui sont
raccordées (« petits tuyaux ») et le redirige vers le réseau de l'opérateur ou du
fournisseur d'accès (« gros tuyau ») selon le principe du multiplexage temporel
où les données sont transportées en Ethernet ou en ATM.
Géographiquement, le DSLAM se situe à la terminaison de la boucle locale
(partie entre la prise téléphonique et le répartiteur).
DVB : Digital videobroadcasting. Radiodiffusion télévisuelle numérique.
Norme ouverte de télévision numérique du projet DVB, consortium industriel
comptant plus de 270 membres, et publiée par un Comité Technique conjoint
(JTC) de l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), le
Comité européen de normalisation en électronique et en électrotechnique
(CENELEC) et l’Union européenne de radiotélévision (UER). Il existe un
certain nombre de norme DVB, notamment DVB-C (câble), DVB-H (portable),
DVB-T (télévision terrestre), RCS (canal de retour via satellite).
512
E.164 : Recommandation UIT-T qui définit le plan de numérotation des
télécommunications publiques internationales utilisé dans le PSTN et quelques
autres réseaux de données.
ENUM : Norme adoptée par le groupe de travail d’ingénierie d’Internet (IETF)
qui utilise le système de nom de domaine (DNS) pour cartographier les numéros
de téléphone sur des adresses web ou des URL (localisateur uniforme de
ressource). L’objectif, à long terme de la norme ENUM, est de fournir un
numéro unique qui remplacera les nombreux numéros et adresses des lignes
fixes, lignes mobiles et adresses électroniques des utilisateurs.
Fréquence : Cadence à laquelle un courant électrique alterne, généralement
mesurée en hertz. Nous utilisons également ce terme pour se référer à un
emplacement sur le spectre radioélectrique, comme 800, 900 ou 1800 Mhz
Interconnexion : la liaison physique et logique des réseaux de communication
publics utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente, afin de
permettre aux utilisateurs d’une entreprise de communiquer avec les utilisateurs
de la même entreprise ou d’une autre, ou bien d’accéder aux services fournis par
une autre entreprise. Les services peuvent être fournis par les parties concernées
ou par d’autres parties qui ont accès au réseau. L’interconnexion constitue un
type particulier d’accès mis en œuvre entre opérateurs de réseaux publics.
IP : Protocole Internet. Protocole principal au niveau de la couche réseau, utilisé
avec la suite de protocole TCP/IP. Aujourd’hui, le Protocole IP version 4 (IPv4)
est en voie de saturation. C’est pourquoi des travaux sont engagés pour migrer
vers le Protocole IP version 6 qui offrira davantage de possibilités.
513
Large bande : Gamme de fréquences disponible pour être occupée par des
signaux. Dans les systèmes analogiques, elle est exprimée en Hertz (Hz) et dans
les systèmes numériques en bits par seconde (bit/s). Plus la largeur de bande est
élevée, plus important est le volume d’informations que nous pouvons
transmettre pendant une période donnée.
Opérateur : toute personne morale exploitant un réseau de télécommunication
ouvert au public ou fournissant au public un service de télécommunication.
Opérateur dominant : un opérateur de réseau de télécommunication ouvert au
public qui détient une part supérieure à 25 % du marché des
télécommunications. Il peut être tenu compte également du chiffre d’affaires de
l’opérateur par rapport à la taille du marché, de son contrôle des moyens d’accès
à l’utilisateur final, de son accès aux ressources financières et de son expérience
dans la fourniture de produits et de services de télécommunication.
Opérateur puissant, opérateur avec une puissance significative (opérateur
puissant) : une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance
significative sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres,
elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c’est-à-
dire qu’elle est en mesure de se comporter dans une mesure appréciable, de
manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte de
ses consommateurs.
Paquets : Bloc ou groupe de données traité comme une unité unique dans un
réseau de communication.
Point de terminaison du réseau (PTR) : point physique par lequel un abonné
obtient l’accès à un réseau de communication publique. Dans le cas de réseau
514
utilisant la commutation et l’acheminement, le PTR est identifié par une adresse
réseau spécifique qui peut être rattachée aux numéros ou au nom de l’abonné. Le
point de connexion physique répond à des spécifications techniques nécessaires
pour avoir accès à un réseau de télécommunication et communiquer
efficacement par son intermédiaire. Il fait partie intégrante du réseau et ne
constitue pas en soi un réseau de télécommunication. Lorsqu’un réseau de
télécommunication est connecté à un réseau étranger, les points de connexion à
ce réseau sont considérés comme des points de terminaison. Et Lorsqu’il est
destiné à transmettre des signaux vers des installations de radiodiffusion, les
points de connexion à ces installations sont considérés comme des points de
terminaison.
Point d’interconnexion : lieu où un opérateur de réseau établit les équipements
d’interfaces permettant l’interconnexion avec les exploitants des autres réseaux.
Prestation d’interconnexion : prestation offerte par un exploitant de réseau
public de télécommunication à un exploitant tiers ou à un fournisseur de services
de télécommunication au public, et qui permet à l’ensemble des utilisateurs de
communiquer librement entre eux quels que soient les réseaux auxquels ils sont
rattachés ou les services qu’ils utilisent.
POTS (Plain Old Téléphone Service): Le service de téléphone standard (Appel
en attente...).
Cabinet TERA : Cabinet d’expertise spécialiste des questions techniques,
juridiques et économiques des télécommunications.
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.
515
SENTEL GSM : opérateur titulaire de licence mobile au Sénégal
SONATEL : opérateur titulaire de licence globale
Service universel : mise à la disposition de tous d’un service minimum
consistant en un service téléphonique d’une qualité spécifiée à un prix abordable
ainsi que l’acheminement des appels d’urgence, à la fourniture du service de
renseignement et d’un annuaire d’abonnés, sous forme imprimée ou électronique
et desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le
domaine public et ce, dans le respect des principes d’égalité, de continuité,
d’universalité et d’adaptabilité.
Radiodiffusion : Transmission provenant d’un seul émetteur et destinée à tous
les dispositifs connectés.
Réseau analogique : Réseau de télécommunication sur lequel l’information est
acheminée en continu sous la forme d’un signal électronique variable.
Réseau numérique : Réseau de télécommunication sur lequel les informations
sont converties en une série d’impulsions électroniques distinctes puis
transmises sous la forme d’un flux de bits.
516
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n°1 : Les exploitants de stations de radiodiffusion.
Tableau n°2 : Plan GE89 (plan de Genève 1989).
Tableau n°3 : Les assignations pour la DVB-T en UHF.
Tableau n°4 : Les assignations pour la DVB-T en VHF.
Tableau n°5 : Les assignations pour la T-DAB.
Tableau n°6 : Les allotissements pour la DVB-T en VHF.
Tableau n° 7 : Les allotissements pour la DVBT- en UHF.
517
Table des matières
SOMMAIRE......................................................................................................................................................... 3
DEDICACES ....................................................................................................................................................... 5
REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... 6
PRINCIPALES ABREVIATIONS .................................................................................................................. 7
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................. 13
PREMIERE PARTIE : L’existence d’un cadre juridique permettant l’activité de régulation ................ 71
Titre premier : Le cadre normatif et institutionnel de la régulation ........................................................... 73
CHAPITRE PREMIER : Le cadre normatif de la régulation au Sénégal ................................................. 74
SECTION I : Des sources normatives de la régulation des télécommunications ................................... 75
SECTION II : Des principes gouvernant la régulation au Sénégal .......................................................... 114
CHAPITRE II : Le cadre institutionnel de la régulation ........................................................................... 142
SECTION I: Les forces et les faiblesses du cadre institutionnel de la régulation .................................. 143
SECTION II : MENACES ET OPPORTUNiTES SUR LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL .......................................................................................... 158
Titre II : L’activité de régulation au Sénégal................................................................................................. 167
Chapitre premier : L’activité de régulation ex ante ..................................................................................... 168
SECTION PREMIERE : L’activité de développement de la concurrence ............................................ 169
SECTION II : L’activité de développement du service universel ............................................................ 205
CHAPITRE II : Activité de régulation ex post ........................................................................................... 217
SECTION PREMIERE : Traitement des différends par le régulateur .................................................. 218
Section II : Recours contre la décision du régulateur ................................................................................. 239
DEUXIEME PARTIE : DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES
TELECOMMUNICATIONS AU SENEGEAL ....................................................................................... 271
TITRE PREMIER : Amélioration du cadre juridique de la régulation ................................................... 272
Chapitre I : Amélioration du cadre normatif de la régulation ................................................................... 273
Section I : Rationalisation du droit applicable ............................................................................................. 274
SECTION II : Nécessaire flexibilité du droit applicable ........................................................................... 296
518
Chapitre II : Amélioration du cadre institutionnel : mise en place d’une régulation convergente ....... 305
Section II : Renforcement de l’indépendance du régulateur...................................................................... 323
TITRE II : L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION ......................................... 334
Chapitre premier : Amélioration de l’activité de régulation ex ante ......................................................... 335
Section I : Amélioration de la régulation de l’interconnexion ................................................................... 336
Section II : Adaptation de la régulation des ressources rares à l’évolution technologique ................... 363
Chapitre II : Amélioration de la régulation ex post .................................................................................... 402
Section I : Amélioration du traitement du contentieux concurrentiel ...................................................... 403
Section II : Amélioration des procédures de traitement des différends ................................................... 417
CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................................... 463
BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................................467
WEBOGRAPHIE....................................................................................................................................503
GLOSSAIRE.............................................................................................................................................506
LISTE DES TABLEAUX......................................................................................................................516