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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES ET GESTION FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES Formation : Régulation La régulation des télécommunications au Sénégal THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIVE Présentée et soutenue publiquement le 17 novembre 2012 Par Baye Samba DIOP JURY Président : Isaac Yakhoba NDIAYE, Agrégé en droit privé, Vice Président du Conseil Constitutionnel, Professeur titulaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques. Membres : MM. NDiaw DIOUF, Agrégé en droit privé, Professeur titulaire, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques. Abdoulaye SAKHO, Agrégé en droit privé, Directeur de l’Ecole Doctorale Sciences Juridiques, Politiques, Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Directeur de thèse). Mbissane NGOM, Maitre de conférences Agrégé, Directeur Adjoint de l’Unité de Formation et de Recherche de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Alex Louis Gabriel CORENTHIN, Maitre Assistant, Département Génie Informatique de l’Ecole Supérieure Polytechnique, Directeur des Systèmes d'Informations de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.

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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES

ET GESTION

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

Formation : Régulation

La régulation des télécommunications au Sénégal

THESE

POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIVE Présentée et soutenue publiquement le 17 novembre 2012

Par Baye Samba DIOP

JURY Président : Isaac Yakhoba NDIAYE, Agrégé en droit privé, Vice Président du Conseil Constitutionnel, Professeur titulaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques.

Membres : MM. NDiaw DIOUF, Agrégé en droit privé, Professeur titulaire, Doyen de

la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques. Abdoulaye SAKHO, Agrégé en droit privé, Directeur de l’Ecole

Doctorale Sciences Juridiques, Politiques, Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Directeur de thèse). Mbissane NGOM, Maitre de conférences Agrégé, Directeur Adjoint de l’Unité de Formation et de Recherche de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Alex Louis Gabriel CORENTHIN, Maitre Assistant, Département Génie Informatique de l’Ecole Supérieure Polytechnique, Directeur des Systèmes d'Informations de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.

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La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Celles-ci sont propres à leur auteur.

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SOMMAIRE

(Un plan détaillé figure à la fin de l’ouvrage)

PREMIERE PARTIE :

L’EXISTENCE D’UN CADRE JURIDIQUE PERMETTANT

L’ACTIVITE DE REGULATION

TITRE PREMIER : LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL DE

LA REGULATION

CHAPITRE PREMIER : LE CADRE NORMATIF DE LA REGULATION

CHAPITRE II : LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION

TITRE II : L’ACTIVITE DE REGULATION AU SENEGAL

CHAPITRE PREMIER : L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE

CHAPITRE II : L’ACTIVTE DE REGULATION EX POST

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DEUXIEME PARTIE :

DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL

TITRE PREMIER : AMELIORATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA

REGULATION

CHAPITRE PREMIER : AMELIORATION DU CADRE NORMATIF

CHAPITRE II : AMELIORATION DU CADRE INSTITUTIONNEL :

MISE EN PLACE D’UNE REGULATION CONVERGENTE ET

INDEPENDANTE

TITRE II : L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION

CHAPITRE PREMIER : AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE

REGUALTION EX ANTE

CHAPITRE II : AMELIORATION DE LA REGULATION EX POST

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DEDICACES

Je dédie ce travail à Serigne Saliou MBACKE.

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6

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail scientifique est

une étape dans l’évolution d’un apprenti

chercheur. De l’école primaire à l’université, que

tous ceux qui ont contribué à ma formation

trouvent ici l’expression de ma gratitude.

Dans le cadre de ce processus, j’ai connu des

professeurs d’ici et d’ailleurs, parmi lesquels le

Professeur Abdoulaye SAKHO. C’est un honneur

et un bonheur de recevoir ses enseignements.

Je souhaiterais également remercier tous mes

collègues de l’’ARTP, mes parents et amis.

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PRINCIPALES ABREVIATIONS

A.A.I : Autorité administrative indépendante

A.D.S.L: Asymmetric Digital Subscriber Line

AFF : Affaire

AJDA : Actualités juridiques – Droit administratif

Al : Alinéa

API : Application program interface (interface de programmation)

Art: Article

ARMP: Agence de Régulation des Marchés Publics

ARTP : Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes

AU : Acte Uniforme

BF : Bande de Fréquence

BLR : Bande Latérale Résiduelle

BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest

BM : Banque Mondiale

BOCCRF : Bulletin Officiel Consommation Concurrence Répression des

Fraudes

Bull. : Bulletin

C.A : Cour d’Appel

CAGR : Compound Annual Growth Rate (taux composé annuel moyenne)

C.civ : Code Civil

CA : Cour d’appel

CE : Conseil d’Etat

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CCC : Comité Consultatif de la Concurrence (de l’UEMOA)

CNRA : Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel

CE : Commission européenne

CEDEAO : Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest

CEI : Communauté des Etats Indépendants

CEM : Compatibilité Electromagnétique

Cf. : Confer

CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

Chr.: Chronique

CNC: Commission Nationale de la Concurrence (du Sénégal

C/ : Contre

CMR : Conférence Mondiale des Radiocommunications de l’UIT.

CPR : Configuration de Planification de Référence

COCC : Code des Obligations Civiles et Commerciales

Coll. : Collection

Conc. : Concurrence

Cons. : Considérant

Consom. : Consommation

CPC : Code de Procédure Civile

CRSE : Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (au Sénégal)

CS : Cour Suprême

CRR : Conférence Régionale des Radiocommunications

CS : Cour Suprême

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DAB : Digital Audio Broadcasting

D. : Dalloz

Dir. : sous la direction de

DN : Dividende Numérique

DVB : Digital Video Broadcasting

éd. : Edition

FMI : Fonds Monétaire International

FNF : Fichier National des Fréquences

GAJA : Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

ISDB-T: Integrated System Digital Broadcasting – Terrestrial

Ibid. : « du même article »

Idem : « du même auteur»

JCP : Jurisclasseur Périodique

JO : Journal Officiel (National ou de l’Union)

JOCE : Journal Officiel des Communautés Européennes

JORS : Journal Officiel de la République du Sénégal

LTE: Long Term Evolution

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

LPA : Les Petites Affiches

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MAQ : Modulation d’Amplitude en Quadrature

MFN: Multiple Frequencies Network

MMDS: Multichannel Multipoint Distribution Services

MPEG: Moving Picture Expert Group

MPTS: Multiple Program Transport Group

NAL: Network Abstraction Layer

NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

NCPC : Nouveau Code de Procédure Civile

OAPI : Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle

OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique

ODSENT : Organisation des distributeurs de services numériques et de

télécommunications

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

OFDM: Orthogonal Division Frequency Multiplexing

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONECCA : Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agréés

ONU : Organisation des Nations Unies

OSIRIS : Observatoire sur les Systèmes d'Information, les Réseaux et les

Inforoutes au Sénégal

PES: Packetized Elementary Stream

PMR: Public Mobile Radio

QPSK: Quaternary Phase Shift Keying

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RFU : Réseau à Fréquence Unique

RMF: Réseau Multifréquence

RDA : Revue de Droit Administratif

RDP : Revue de Droit Public

Rec. : Recueil

Rev. : Revue

Rev. Cont. Conc. Cons. : Revue Contrat, Concurrence, Consommation

RCES : Revue du Conseil Economique et Social

RIDE : Revue Internationale de Droit Economique

RMCUE : Revue du Marché Commun de l’Union Européenne

RTDC : Revue Trimestrielle de Droit Civil

RTD. Com. : Revue Trimestrielle de Droit Commercial

RTDE : Revue Trimestrielle de Droit Européen

SFN: Single Frequency Network

SPTS: Single Program Transport Stream

T. : Tome

TC : Tribunal des Conflits

TCE : Traité des Communautés Européennes

TIC : Technologies de l ’Information et de la Communication

TMP : Télévision Mobile Personnelle

TNT : Télévision Numérique Terrestre

TS : Transport Stream

TVHD : Télévision à Haute Définition

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

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UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine

UNIDROIT : International Institute for the Unification of Private Law

UHF : Ultra High Frequency

UIT : Union Internationale des Télécommunications

UIT-R : Union Internationale des Télécommunications/ Secteur des

Radiocommunications

USD: Dollar des Etats-Unis

VCEG: Video Coding Experts Group

VCL: Video Coding Layer

VHF : Very High Frequency

V. : Voir

V. / vol. : Volume

2G : Réseau ou service mobile de deuxième génération

3G : Réseau ou service mobile de troisième génération

4G : Réseau ou service mobile de quatrième génération

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INTRODUCTION GENERALE

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« Le juriste qui ne sait que du droit ne connaît pas le Droit. Pour comprendre

le sens, apprécier sa valeur et déterminer la portée d’une règle de droit, il faut

recourir aux méthodes d’analyse et aux sciences qui permettent de connaître

les phénomènes qui l’ont engendrée, ceux qui en conditionnent l’application,

et ceux dont elle va provoquer l’apparition. Il convient aussi de maîtriser les

techniques opérationnelles et les processus logiques proprement juridiques qui

forment le second volet de la connaissance, cette didactique par laquelle le

savoir se transmet »1.

1Champaud, Le droit des affaires, Paris PUF, « Que sais-je ? » n°1978, cité par Abdoulaye Sakho, Les groupes

de sociétés en Afrique : Droit, pouvoir et dépendance économique, Dakar, Karthala CRES, 2010, p. 21.

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Les télécommunications constituent un secteur essentiel de l’économie du

Sénégal dont le contexte est évolutif (I). Mais une étude de ce secteur appelle

une bonne compréhension des concepts qui ne sont pas souvent familiers aux

juristes (II). Celle-ci permettra de bien délimiter le sujet (III) et de bien poser la

problématique (IV). Cette dernière doit nous permettre d’atteindre des objectifs

précis (V), grâce à une méthodologie empruntée aux juristes et à d’autres

spécialistes de sciences sociales (VI), à travers un plan binaire (VII).

I/ LES CONCEPTS

Le Dictionnaire « Petit Larousse » définit la communication comme étant

« l’ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion de messages

écrits ou audiovisuels auprès du public plus ou moins vaste et hétérogène »2.

Cette définition de la communication met en exergue deux critères, à savoir : le

moyen et la finalité. Elle a l’avantage de provoquer la sensation d’observer le

processus historique qui a débouché sur l’utilisation des moyens de

communication d’aujourd’hui.

Bien avant les télécommunications, le tam-tam a été utilisé comme instrument

de communication entre autres. Mais le génie de l’homme permettant la création

d’instruments de communication s’est manifesté sous différentes formes

jusqu’à l’avènement des télécommunications modernes.

2 Le petit Larousse, Paris, 100 ème édition Larousse, 2005, p. 271.

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Les télécommunications sont définies par l’article 2 du Règlement

des télécommunications internationales comme étant « toute

transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d’écrits,

d’images de renseignements de toute nature par fil, radioélectricité,

optique ou autres systèmes électromagnétiques »3.

Le mot télécommunication vient du préfixe grec tele, signifiant loin, et du

latin communicare, signifiant partager. Il a été utilisé pour la première fois en

1904 par Édouard Estaunié, ingénieur des Postes et Télégraphes, directeur de

1901 à 1910 de l'Ecole Professionnelle des Postes et Télégraphes de Paris4, dans

son Traité pratique de télécommunication électrique5.

Les télécommunications ne sont pas considérées comme une science mais

comme des technologies et techniques appliquées.

L’histoire des télécommunications, comme celle de toutes les techniques,

est marquée par son environnement politique et social, en même temps que

l’évolution des connaissances. Elle connaît des avancées et des blocages, au

rythme de l’un et de l’autre.

Les débuts des télécommunications remontent à la fin du XVIIIe siècle, avec le

télégraphe optique6. Pendant tout le XIXème siècle, et jusqu’à la guerre de

1914-1918, la communication est d’abord un instrument de pouvoir. Cependant,

une certaine ouverture économique apparaît. Elle est lente et durera jusqu’à la

seconde Guerre Mondiale. T. Stourdzé a caractérisé cette période comme « la

3 Actes finals de la conférence administrative mondiale télégraphique et téléphonique de Melbourne

« Règlement des télécommunications internationales », Genève, édition UIT 1989, p. 5. 4 C’est l’ancêtre de l'École nationale supérieure des télécommunications de Paris. 5http://www.techno-science.net (page consultée le 8 novembre 2010). 6 Catherine Bertho Lavenir Les grandes découvertes des télécommunications, Paris, éditions Romain 1991, p.

2.

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lente agonie du monologue », conduisant à un téléphone de « notable »7. Il faut

attendre la seconde moitié du XXème siècle pour que les télécommunications

deviennent accessibles aux masses, sous l’autorité de l’Etat, avant que les lois du

marché ne l’emportent8.

Ce secteur connaît une forte croissance depuis les années 19809 grâce aux

progrès technologiques réalisés dans certains domaines, à savoir:

Les mathématiques : le traitement du signal10, la cryptographie11, la

théorie de l'information et le numérique ;

La physique : l'électromagnétisme12, les semi-conducteurs13,

l'électronique14 et l'optoélectronique ; 7 Au sortir de la première guerre mondiale, le télégraphe demeure le principal moyen de communication pour les

usages officiels ou professionnels. Le téléphone est essentiellement un système manuel, objet de luxe pour

quelques riches citadins, mais déjà apprécié des responsables économiques. 8 A. JIPP, « Richesse des nations et densité téléphonique », in Journal des Télécommunications, pp. 199 à 201. 9 Dominique Desbois, « Enjeux économiques de la réglementation sur les infrastructures des

télécommunications », in Terminal, 68, 1995, pp. 31 à 44. 10 Le signal est une grandeur mesurable qui véhicule une information. Le traitement du signal est une procédure

pour extraire l’information, la mettre en forme, afin de faciliter sa reconnaissance ; Serge Sanou « Cour de

bases de l’électronique », Ouagadougou, Formation Badge Télécoms, 2012. 11 L’article premier de la loi sénégalaise 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie définit la cryptographie

comme l’étude des moyens et produits de chiffrement permettant de rendre illisible des informations afin de

garantir l’accès à un seul destinataires authentifiés.

12 L'électromagnétisme est la branche de la physique qui étudie le champ électromagnétique et son interaction

avec les particules dotées d'une charge électrique.

Le concept de champ électromagnétique a été forgé au XIXe siècle pour décrire de manière unifiée les

phénomènes électriques et magnétiques. Des phénomènes tels que l'induction montrent en effet que les champs

électrique et magnétique sont liés :

un champ magnétique variable engendre un champ électrique ;

un champ électrique variable est source d'un champ magnétique. Voir http://www.escio.net/electromag/.

Page consultée le 12 juin 2011.

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L’informatique : le génie logiciel et la diffusion de la micro-

informatique ;

La chimie : réaction d'oxydoréduction (miniaturisation et autonomie

prolongée des batteries des appareils portatifs).

Dans une première période, l’histoire des télécommunications se présente

comme la succession de réseaux techniques. De la fin du XIXème siècle aux

années 1950, ils se sont juxtaposés sans s’annuler et se substituer les uns aux

autres. Les grandes étapes techniques de ce processus peuvent se présenter ainsi.

A la télégraphie optique ou aérienne (à partir de 1795/1800), a succédé la

télégraphie électrique (à partir de 1840/1850)15. A partir de 1850/1860, le

réseau s’est mondialisé. La création des premiers réseaux téléphoniques (à partir

de 1880)16 et l’essor des liaisons radioélectriques (à partir de 1910) ont marqué

un tournant essentiel dans l’histoire des télécommunications.

L’innovation majeure qui marque ce tournant est la triode de Lee de Forest en

1906. Les techniques se sont accélérées avec :

- un réseau “longue distance” ;

- une commutation automatique/électromécanique (à partir de 1920) ;

- un réseau de radiodiffusion à partir de 1920/1930 ;

- une naissance de la télévision à partir de 1930/1940. 13Un semi-conducteur est un matériau qui a les caractéristiques électriques d'un isolant, mais pour lequel la

probabilité qu'un électron puisse contribuer à un courant électrique, quoique faible, est suffisamment importante.

En d'autres termes, la conductivité électrique d'un semi-conducteur est intermédiaire entre celle des métaux et

celle des isolants. 14 L’électronique est l’ensemble des techniques qui utilisent des signaux électriques pour capter, transmettre et

exploiter une information ; SANOU Serge, op.cit. 15 Louis-Joseph Libois, Genèse et croissance des télécommunications, Paris, éditions Masson 1983, pp. 23 à

29. 16 François Du Castel, France télécom, Les télécommunications s, Paris, éditions X.A Descours, Berger-

Levrault International 1993, pp. 30 à 32.

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Les premières réalisations efficaces, durables, et surtout la mise en place d’un

réseau cohérent, sont dues à un Français du nom de Claude Chappe17. Sur le

plan technique, il s’agit tout simplement d’un système proche des sémaphores.

Ce qui caractérise le réseau Chappe, premier réseau moderne de

télécommunications, c’est qu’il est codé18 le long d’un parcours et il permet

l’échange. C’est un réseau dont les fins sont essentiellement militaires et qui est

intimement lié à l’histoire des guerres révolutionnaires.

Le télégraphe aérien fit rapidement la preuve de ses limites. C’est de

l’électricité qu’allaient naître les télécommunications modernes : permanentes et

universelles. Les grandes lignes de cette histoire sont globalement connues. En

effet, c’est la radioélectricité qui a permis le développement de l’électricité.

Cette innovation peut être considérée comme l’amorce d’un nouveau système

technique. A partir de son invention et pendant trente à quarante ans, s’est

accompli un important processus de développement. Expériences pratiques et

avancées théoriques s’enchaînèrent et se répandirent dans un dialogue constant.

Or, si la radioélectricité est dans l’histoire de la télégraphie un élément essentiel,

la découverte fondamentale, celle qui a réellement ouvert la voie à la télégraphie

électrique fut celle de l’électroaimant.

17 Fils de savant, Claude Chappe se destinait à l’état ecclésiastique et faisait ses études dans un séminaire, alors

que ses frères fréquentaient un pensionnat voisin disposé de telle sorte qu’il était possible d’échanger des

signaux entre les deux établissements. Claude Chappe imagina de communiquer avec ses frères à l’aide de

signaux transmis par un appareil formé de trois règles en bois. Les choses auraient pu en rester là si la

Révolution n’avait pas privé Claude Chappe des privilèges qui lui permettaient de s’adonner librement aux

sciences. Alors, pensant à ses jeux d’enfant, il se mit à la recherche d’une véritable machine télégraphique.

Claude Chappe travailla en étroite collaboration avec ses quatre frères qui, notons-le en passant, se consacrèrent

tous, eux aussi, à la télégraphie aérienne et furent, tous les quatre, administrateurs des télégraphes. Sur ce sujet,

voir Louis-Joseph Libois, op.cit. pp. 19 à 20. 18 Ce code s’apparente aux techniques de cryptographie : il fallait un dictionnaire pour décrypter les signaux et

que l’information qu’il transmet soit répétée.

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Le télégraphe électrique ne fut pas l’invention d’un chercheur isolé mais

le résultat d’une convergence entre plusieurs travaux de théoriciens et

d’expérimentations pratiques19. L’Angleterre fut le premier pays à quitter le

stade de l’expérimentation. En 1837, Cooke et Wheatstone mirent au point un

télégraphe d’un fonctionnement encore complexe, toutefois beaucoup plus

simple et donc plus opérationnel que ce qui avait été proposé jusque-là20. Mais

cette période de démarrage fut caractérisée par le flou et l’hésitation. Sur le plan

technologique, il était encore question de tâtonnement dans la recherche de

meilleures solutions. Ce processus d’amélioration continuelle des solutions a

permis d’obtenir les techniques de télécommunication actuelles.

Les télécommunications utilisent plusieurs techniques telles que les liaisons de

télécommunication, les canaux de transmission, la radioélectricité, le traitement

du signal, les réseaux etc.

Une liaison de télécommunication comporte trois éléments principaux 21:

un émetteur qui prend l’information et la convertit en signal électrique,

optique ou radioélectrique ;

19 Avant même que le télégraphe optique n’ait quitté le stade de l’expérimentation, des recherches étaient

entreprises pour appliquer l’électricité au problème de la transmission à distance. Nous pouvons citer le

télégraphe installé par Lesage à Genève en 1774. Mais ce sont la pile de Volta et les découvertes d’Oersted et

Ampère sur l’électromagnétisme qui ouvriront la voie à la télégraphie électrique. La grande étape est évidement

le système de Samuel Morse. Sur ce sujet, voir la thèse de DURAND-BARTHEZ sur l’Union Internationales

des Télécommunications, thèse pour le Doctorat en droit, Université de Paris I-Panthéon – Sorbonne- Sciences

économiques-sciences humaines-sciences juridiques, 1979. Pages 2 et 3. Elle est disponible à la bibliothèque de

l’UIT à Genève ; mail : [email protected]. Je remercie Madame Kristine CLARA Directrice de la bibliothèque de

l’UIT pour sa disponibilité. 20Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed NIMAGA, Ingénieur des télécommunications, Abderhamane

DIALLO et Mamadou Lamine DIALLO, Oumar KANOUTE, Sada DIARRA, Amadou Daouda DIALLO Le

Grand Livre des Postes et Télécommunications du Mali (1960-2010), Bamako, éditions Comité de Régulation

du Mali, 2010, p. 432. 21 Voir la thèse de Tareck Bchini Gestion de la mobilité, de la qualité de service et Interconnexion des réseaux

mobiles de Nouvelles Génération, thèse en réseaux télécoms, Université de Toulouse, 10/06/2010.

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une ligne de transmission, une fibre optique ou l'espace radioélectrique,

qui relie émetteur et récepteur ;

un récepteur qui reçoit le signal et le convertit en information utilisable.

Par exemple, en radiodiffusion, l’émetteur de radiodiffusion émet grâce à son

antenne la voix ou la musique qui passe dans l’espace sous forme d’ondes

électromagnétiques jusqu’au récepteur AM22 ou FM qui la restitue. Les liaisons

de télécommunication peuvent être monodirectionnelles, comme en

radiodiffusion ou télévision, ou bidirectionnelles, utilisant alors un émetteur-

récepteur. Quand plusieurs liaisons sont interconnectées entre plusieurs

utilisateurs, nous obtenons un réseau tel que celui téléphonique ou Internet.

Le canal de transmission est quant à lui une division d’un support de

transmission affectée à une liaison. Ainsi, dans le cas d’une radiodiffusion en

FM, une station émet à 96,1Mhz, une autre à 94,5Mhz. Ce qui est du au fait que

l’espace hertzien est réparti en fréquence et que chaque canal est affecté à un

émetteur, dans un multiplexage en fréquence. En communications numériques,

le multiplexage peut également être temporel ou par codes orthogonaux.

La radioélectricité concerne la transmission hertzienne, la propagation des

ondes, les interfaces avec l'émetteur et le récepteur par l'intermédiaire des

antennes. Dans un canal de transmission hertzienne, le signal porté par l'onde

22 AM désigne la modulation d'amplitude qui est la variation en amplitude d'un signal électrique haute fréquence

HF modulé par un signal électrique basse fréquence BF. Elle se traduit par l'adjonction à la fréquence porteuse

HF de deux bandes latérales (supérieure et inférieure qui transportent le signal audio. Cependant, la modulation

de fréquence ou MF ou FM est un mode de modulation consistant à transmettre un signal par la modulation de la

fréquence porteuse d'un signal . Nous parlons de modulation de fréquence par opposition à la modulation

d'amplitude. En modulation de fréquence, l'information est portée par une modification de la fréquence de la

porteuse, et non par une variation d'amplitude. www.techno-science.net, « encyclopédie scientifique », (page

consultée le 6 septembre 2011).

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radioélectrique23 est atténué par la perte dans l'espace, les absorptions

atmosphériques, et dégradé par les diffractions et réflexions. L'analyse du bilan

de liaison inclut tous ces facteurs.

Les signaux de transmissions furent à l’origine analogiques comme la

musique, la voix ou l’image, ou numériques24 comme les fichiers ou les textes.

Un signal analogique peut également être converti en numérique. Un signal

analogique varie continûment alors qu’un signal numérique est une succession

d’états discrets, binaires dans le cas le plus simple, se succédant en séquences.

Le traitement du signal, pour l’adapter au moyen de transmission et le restituer

après réception, nécessite l’utilisation de techniques de codage, de modulation,

de compression et leur inverse à la restitution. Ces traitements sont de plus en

plus numérisés, à l’exception de la modulation.

Le signal après passage dans le média de transmission est entaché de bruit qui

dégrade la qualité. Il doit être filtré en analogique ou subir des algorithmes de

correction en numérique. Un avantage des transmissions numériques est la

correction totale du bruit au-dessus d’un seuil.

Un ensemble d’émetteurs et de récepteurs qui communiquent entre eux est un

réseau.

23 L’article premier du Règlement des radiocommunications définit les ondes radioélectriques ou ondes

hertziennes comme des ondes électromagnétiques dont la fréquence est par convention inférieure à 3000Ghz, se

propageant dans l’espace sans guide artificiel. Voir UIT Règlement des Radiocommunications, Genève,

éditions de 2008, p. 7. 24 Voir Thierry Pénard ; Sophie Larribeau, Économie des télécommunications et de l’Internet, Rennes,

Université de Rennes 1. CREREG. Centre de recherche rennais en économie et gestion. France, 2003. (En ligne :

//perso.univ-rennes1.fr/thierry.penard/dess.htm. Page consultée le 12 juin 2011).

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23

Le mot réseau vient du latin retiolus qui signifie petit filet et a comme

diminutif retis, qui désigne filet. Un réseau est un ensemble d’éléments de

même nature reliés les uns aux autres25.

Un réseau de télécommunication, d’un point de vue technique, est défini

comme une infrastructure de transmission partageable par l’ensemble des

récepteurs et émetteurs potentiels ou l’interconnexion d’équipements

complémentaires, coopérant entre eux afin de transporter des flux

d’informations et d’acheminer ces flux d’une origine vers une

destination26. L’idée de partage, de mise en commun et de coopération, est

centrale dans la notion de réseau27. De même que nous ne pouvons imaginer

que chaque utilisateur potentiel du chemin de fer puisse se faire construire une

ligne personnelle. Nous ne voyons pas non plus l’intérêt de bâtir un réseau de

lignes téléphoniques reliant deux à deux tous les abonnés. Il faut en fait, ne

serait-ce que pour des raisons économiques, concevoir un réseau partageable

dans l’espace, en reliant plusieurs terminaux ou abonnés à un même canal, et

dans le temps, éviter d’affecter le même canal successivement à plusieurs

utilisateurs.

D’un point de vue économique, le réseau est un ensemble organisé d’unités

productives partiellement séparables28. Chaque unité est capable d’offrir un bien

ou un service mais c’est bien la structure qui les relie « qui donne une forme aux

relations entre les agents, comme des trames qui polarisent ces relations »29. 25 Dictionnaire le Petit Larousse, Paris 100ème édition 2005, p. 125. 26 Jean-Paul Goulvestre, Economie des télécoms, Paris, éditions Hermès 1996, p. 15. 27 Voir sur cette question la thèse de Vladimir Bulatovic, Les enjeux économiques des réseaux de

télécommunications, Thèse en Sciences Economiques, Université d’Orléans, 12 mai 2004. 28 Thierry Pénard, Principes économiques des réseaux, Rennes, Université de Rennes 1. Faculté des Sciences

économiques. France, 2007. (En ligne : http://perso.univ-rennes1.fr/thierry.penard/M2SR.htm. Page consultée le

18 février 2011). 29 Nicolas Curien & M. Gensollen, Economie des télécommunications : ouverture et réglementation, Paris,

Economica, collection ENSPTT, Paris 1992, p. 13.

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24

Ainsi, il contribue directement au façonnage des structures de marchés en

agissant sur les coûts de transaction et en améliorant, par exemple, leur

coordination, voire leur intégration comme dans le cas des marchés financiers

internationaux.

Donc, l’établissement d’un réseau de télécommunication permet d’offrir des

services dans le secteur des télécommunications.

Le secteur des télécommunications a longtemps été caractérisé par une

grande stabilité, un cloisonnement par rapport aux autres secteurs de l’économie

et une dimension strictement nationale. Son cloisonnement se concrétisait par

des technologies analogiques spécifiques, ainsi que par une organisation en

monopoles nationaux, les aspects internationaux étant abordés sous forme

d’accords bilatéraux entre ces monopoles.

Comme l’a démontré Pierre Vialle30, ces caractéristiques ont été remises en

cause par l’adoption de technologies issues de l’électronique et de

l’informatique, notamment la numérisation des signaux et l’utilisation de plus en

plus intensive de logiciels. L’adoption d’une nouvelle base technologique,

accompagnée d’innovations technologiques plus spécifiques à ce secteur,

comme la fibre optique, a entraîné plusieurs conséquences.

D’abord, elle met fin à l’isolement technologique du secteur au profit de la

convergence. En effet, le langage numérique est devenu un langage universel

adopté par de nombreuses industries utilisant auparavant des technologies

analogiques propres.

D’une part, cela permet aux opérateurs d’étendre leur offre

traditionnellement axée sur la voix, à d’autres types de signaux, à savoir les

données et l’image. 30 Pierre Vialle, Stratégie des opérateurs de télécoms, Paris, éditions Hermès février 1998, pp. 13 à 14.

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D’autre part, des entreprises maîtrisant cette base technologique, plus

particulièrement au sein du secteur informatique31, ont la possibilité d’entrer

dans ce secteur pour valoriser leurs compétences. Avec l’adoption du mode

numérique, les acteurs de l’audiovisuel sont maintenant, eux aussi, concernés.

Ensuite, l’adoption d’une nouvelle base technologique a des conséquences

économiques déterminantes. En premier lieu, elle annule partiellement l’effet

des investissements effectués dans les anciennes technologies, et permet donc

l’entrée de nouveaux concurrents, à l’instar des marchés britanniques et

américains, ou de pays en voie de développement incapables de financer de

nouveaux investissements32.

En deuxième, elle modifie sensiblement les caractéristiques économiques

des réseaux, sous un angle nouveau : la question du monopole naturel.

Et enfin, elle se traduit par une extension et une différenciation des

services proposés, ce qui accroît le rôle structurant des télécommunications pour

la production et les échanges économiques33.

De plus, les différentes évolutions technologiques ont incité les Etats à

ouvrir progressivement leur marché des télécommunications, par des politiques

de segmentation. Ce mouvement qui atteindra son point culminant avec la

libéralisation générale des marchés n’est pas sans corrélation avec un

31 Voir la thèse de François Horn, L’économie de l’informatique à l’économie du logiciel, Thèse en économie,

Université des Sciences et technologiques de Lille, Faculté des Sciences Economiques et Sociales, 2000. 32Pavlic Breda, Cees J. Hamelink, 1985, Le nouvel ordre économique international : économie et

communication, Paris, Unesco, (unesdoc.unesco.org/image/0013/001343/134363fo.pdf ; page consultée le 18

février 2011). 33 La contribution du secteur des télécommunications au Sénégal est estimée à 7% du PIB. En 2009, la

contribution du secteur des télécommunications à l’économie nationale est estimée à 418 milliards de FCFA, soit

6,9% du PIB. En 2015, le pourcentage devrait atteindre 15% du PIB. Voir le rapport de OXFORD BUSINESS

GROUP “The report: Senegal 2011”, p. 94, (en ligne au www.oxfordbusinessgroup.com/country/senegal. Page

consultée le 2 septembre 2011).

Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Français (France)

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mouvement plus général de diffusion du libéralisme économique dans le monde

à l’échelle globale.

Cette dynamique mondiale de l’économie des télécoms exclue-t-elle l’Afrique,

particulièrement le Sénégal ?

II/ LE CONTEXTE

Le Sénégal est un pays francophone d’Afrique, membre de la CEDEAO.

Le propre de la CEDEAO est de regrouper, en son sein, des traditions juridiques

différentes, principalement anglophones et francophones. C’est pourquoi il est

nécessaire de connaître le contexte de l’avènement des services de

télécommunication en Afrique (A) et en France pour mieux comprendre leur

évolution dans l’espace francophone (B). Et compte tenu du caractère de la

CEDEAO, il est aussi utile d’examiner le contexte des télécommunications aux

Etats-Unis (C), au Royaume-Uni (D) ; deux principaux modèles qui ont inspiré

les télécommunications dans les pays anglophones membres de la CEDEAO.

L’analyse de ces modèles permettra de mieux comprendre le contexte des

télécommunications au Sénégal (E).

A/ L’avènement des télécommunications en Afrique

L’avènement des services de télécommunication en Afrique date de la

période coloniale34.

34 C’est ce qui explique d’une part les accords qui existent entre France Câbles et Radio et les opérateurs

historiques des pays d’Afrique. Par exemple, au Tchad, les télécommunications sont héritées de l’Office

Equatorial des Postes et Télécommunications. Les activités des Postes et Télécommunications du Tchad étaient

érigées après l’indépendance en un service des Postes et Télécommunications placé sous la tutelle du Ministère

des Finances. Ce service a existé jusqu’en 1976, date à laquelle furent créées l’Office National des Postes et

Télécommunications (ONPT) et la société des Télécommunications Internationales du Tchad (TIT). Le 18 Juillet

1975, un protocole relatif à la création de la Société des Télécommunications Internationales du Tchad est signé

entre le Gouvernement tchadien et la Compagnie France Câbles et Radio.

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27

La construction d’infrastructures de télécommunication à cette époque,

initialement celle des lignes télégraphiques et téléphoniques puis des câbles

sous-marins, a répondu à un triple besoin : administration du territoire à partir

de la métropole35 (communication avec les commandants de cercle), exploitation

des ressources naturelles (que le train permettait d’évacuer vers les côtes et dont

les télécommunications permettaient, elles aussi, d’organiser l’exploitation) et

assujettissement des populations à la merci de l’administration coloniale. C’est

ce qui explique le caractère extraverti des réseaux de transport, de

communication et de télécommunication pendant la période coloniale36. Les

communications intra-africaines devaient transiter par Paris avant d’être

redirigées vers le pays voisin.

Les nœuds d’interconnexion desservaient « les régions utiles » que sont le

Sénégal et la Côte d’Ivoire. Ces régions étaient les zones qui présentaient des

ressources minières ou agricoles essentielles pour le Colonisateur.

Ces infrastructures étaient financées par le Fonds d’Investissement pour le

Développement Economique et Social (FIDES). Le Sénégal, abritant la capitale

de l’Afrique occidentale française à l’époque, s’est attribué la plus large part.

Lorsque la résistance armée des royaumes africains de jadis fut anéantie en

Afrique occidentale française, la France nomma un gouverneur général basé à

Dakar en 189537. Ce dernier représentait l’administration coloniale au Sénégal,

en Côte d’Ivoire, au Niger, au Dahomey et en Guinée. Ces Pays disposaient

d’une administration des postes et des télégraphes, distincte, organisée sous le

35 Omar KANE L’organisation des télécommunications au Sénégal, Paris, édition Karthala, février 2010, pp. 28

à 34. 36 Cette extraversion est similaire à celle identifiée par Harold Innis (1972) dans l’ancienne colonie britannique

américaine. Avant la révolution américaine, ce mécanisme qualifié d’impérial par l’auteur, fait transiter toutes

les télécommunications par Londres, même quand elles concernent deux villes américaines très proches. 37 Voir Gerti Hesseling Histoire politique du Sénégal : institutions, droit et société, Paris Karthala, 1985.

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régime des offices avec, chacun, une autonomie budgétaire. Mais

l’administration coloniale, sous la tutelle du gouverneur général Ernest ROUME

va recentrer les structures en une Inspection des Postes et Télégraphes de l’AOF.

Ce projecteur sur le processus de pénétration des télécommunications au

Sénégal révèle le caractère exclusivement étatique de l’offre des services de

télécommunication. Cette situation est l’application d’une position d’école de la

pensée économique d’alors, à savoir celle de l’économie publique traditionnelle.

Selon les théoriciens de cette pensée, l’Etat doit intervenir dans les secteurs

essentiels de l’économie en orientant les choix stratégiques de l’opérateur en

matière d’investissements et de technologies. Cette conception mercantiliste de

l’économie des réseaux soutenue par Colbert était relayée par P.A. Samuelson38

et d’autres. Selon eux, l’intervention de l’Etat se justifie par la nécessité de

corriger les défaillances du marché39.

Cette perception de l’économie publique traditionnelle est combattue

par l’un des ténors de l’économie libérale. A. Smith 40 soutient que l’Etat doit

se limiter à sa fonction d’Etat-gendarme, c'est-à-dire à la défense de la nation et

38 P.A Samuelson, The transfer problem and transport costs, II: Analysis of effect of trade impediments,

Economic Journal, Vol. 64, pp. 264-289. 39 La théorie économique a identifié trois sources de défaillance du marché à savoir :

- les biens publics. On distingue deux catégories de biens publics à savoir les biens publics « excluables », pour

lesquels on peut exclure un consommateur de l’utilisation (C’est le cas des télécommunications) ; les biens

publics « non excluables », pour lesquels on ne peut exclure un consommateur de l’utilisation. (C’est le cas de

l’air, relativement les routes qui ne sont pas à péage) ;

- les externalités qui sont les situations dans lesquels le comportement d’un acteur économique peut avoir des

conséquences positives ou négatives sur la situation des autres ;

- le monopole naturel qui est une situation dans laquelle il n’existe qu’un seul offreur et que l’entrée sur le

marché est extrêmement difficile voire impossible du fait des barrières à l’entrée. Voir à ce propos Phillip

BARBET, Imperfection des marchés et télécommunications : régulation et dérégulation, Ouagadougou, Cours

de Formation BADGE Télécoms, ARCEP Burkina Faso. 40 A. Smith Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Gallimard, 1976.

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à l’administration de la justice. Mais, il reconnaît aussi que les biens et services

collectifs essentiels comme les routes, les ports, les canaux, etc., ne peuvent pas

être produits par le marché en raison de leur insuffisante rentabilité et

recommande à l’Etat de veiller à leur réalisation.

Les apôtres de l’économie industrielle ne sont pas muets dans ce débat.

Ils s’intéressent au comportement stratégique des entreprises et mettent en

évidence leurs différentes stratégies pour influencer, à leur avantage, les

politiques publiques. Ils considèrent, en effet, que l’Etat législateur n’est pas a

priori bienveillant et qu’il peut même être vénal, parce qu’il est soumis à

l’influence des groupes de pression.

Il ne peut être considéré, a priori, comme le garant de l’intérêt général. Le

législateur peut se mettre au service des intérêts des entreprises, aux dépens des

consommateurs et des contribuables, et le risque est d’autant plus grand que

l’information est asymétrique en sa défaveur. G. J. Stigler41 analyse la

réglementation comme un service échangé entre des offreurs (les décideurs

politiques et les fonctionnaires) et des demandeurs (les dirigeants des

entreprises), qui ne sont mus que par leurs intérêts privés.

Les offreurs de réglementation ont pour objectif leur réélection (pour les

politiques), ou leur embauche dans les industries réglementées. Les demandeurs

de réglementation, quant à eux, cherchent à se protéger de la concurrence.

Devant le risque inévitable de capture42 qui s’ensuit, certains auteurs préconisent

41 STIGLER G.J (1971) “The theory of economic regulation”, in Bell Journal of Economic and Management

Science, n° 2, pp. 3-21. 42 Selon certains auteurs, trois sources de capture du régulateur par des groupes d’intérêts sont identifiées : la

première est liée aux conflits entre influences externes (des groupes d’intérêts) et internes (du mandat politique)

sur les régulateurs ; la deuxième relève des conflits entre le pouvoir législatif et l’administration ; la troisième est

due aux modalités de comportement de l’administration. Voir Bertrand Quelin et Delphine Riccardi « la

Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)

Mis en forme : Anglais (États-Unis)

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de limiter au maximum l’intervention étatique43. Cette pensée ne va pas tarder à

influencer les décideurs. Les processus de libéralisation du secteur des

télécommunications en France, aux Etats -Unis et au Royaume-Uni en sont de

parfaites illustrations.

B / Le contexte des télécommunications en France

Le cas de la France44est caractéristique des difficultés rencontrées, par les

PTT45en Europe, pour développer les réseaux de télécommunications.

Appartenant à la fonction publique, les PTT subissent, au même titre qu’une

administration dépensière, les rigueurs budgétaires ; de plus, elles n’ont pas

toujours disposé de l’accès aux financements qui auraient permis la satisfaction

de la demande solvable.

L’opérateur, à qui incombait la mise en œuvre de la politique industrielle du

gouvernement dans ce secteur, a dû souvent arbitrer entre la minimisation à

court terme de ses coûts d’approvisionnement et une action stratégique à plus

long terme de restructuration du secteur des équipementiers46. Le souci

d’exercer cette tutelle a souvent mené l’administration des PTT à privilégier une

croissance poussée par le progrès technique, plutôt que suscité les besoins de la

demande solvable. Il faudra attendre les lois du 26 juillet 199647 pour assister à

régulation nationale des télécommunications : une lecture économique néo institutionnelle », in Revue française

d’administration, 2004/1 n°109, p. 73. 43 Une partie de la doctrine considère que trop de régulation sectorielle risque de tuer la régulation. Voir .H.

Ungerer “15 years- A Short Look Back and into the future communications and Média”, Annual conference,

Dutch telecom society, The Hague, 23rd January 2003, COMP/C/2/HU/rdu, p. 9. 44 Laurence Bancel-Charensol Op. cit. , pp 165 -211. 45 Les PTT sont les entreprises des postes et des télécommunications. 46 Herbert Mails, « Droit des télécommunications : entre déréglementation et régulation, les transformations

récentes », in Actualité Juridique de Droit administratif, 20 mars 197, p. 213. 47 Voir les commentaires de Jacques Chevallier, RFDA 1996, p. 909.

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un nouveau et spectaculaire bouleversement dans le système français des

télécommunications.

D’une part, elle ouvre l’ensemble des activités y compris la téléphonie

vocale du secteur à la concurrence.

D’autre part, en transformant, donc, France Télécom en société de droit

privé, le capital se trouve détenu en majorité par l’Etat.

Le secteur des télécommunications en France est-il distinct de celui des Etats-

Unis ?

C/ Le contexte des télécommunications aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis48, les services de télécommunication étaient fournis par des

entreprises privées monopolistiques astreintes à des obligations de service

universel et étroitement régulées. Comme le notent Robert Crandall et Leonard

Waverman, jusqu’au début des années 1960, l’entrée de concurrents dans le

secteur des télécommunications téléphoniques devait rester distincte du secteur

du câble de crainte que l’opérateur monopolistique des télécommunications ne

finisse par acquérir également un monopole sur le câble49. Dans ces pays,

jusqu’au début des années 1980, le contrôle de l’opérateur avait essentiellement

pour but de s’assurer que le monopole (privé) pratiquerait des prix équitables ou

non abusifs. Ainsi, elle visait non pas à introduire la concurrence dans le secteur,

mais principalement à limiter le taux de profit ou le taux de croissance des prix

pratiqués par l’opérateur privé.

Cependant, ce type de contrôle du marché s’est révélé insuffisant pour

garantir l’efficacité des opérateurs en cause, voire même contradictoire avec ce

souci d’efficacité. La nature du contrôle évolua lentement à partir du début des

48 Laurence Bancel-Carensol, op.cit., pp. 17-77. 49 Robert W. Crandall et Leonard Waverman, Liberalization, Deregulation and Private Networks :

Telecommunications Infrastructure, 1990 Contribution au Tokyo Club, Londres, septembre 1994.

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années 1960, et cette évolution s’accéléra au tournant des années 1980.

L’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence s’est faite aux

Etats-Unis, principalement sous l’influence des plaintes déposées, soit devant la

Federal Communication Commission (FCC)50 qui a, de 1956 à 1982,

progressivement réduit le champ du monopole de l’opérateur public, soit devant

les juridictions ordinaires chargées du contentieux de la concurrence51.

Dès 1959, une première décision de la FCC 52ouvrait le marché de la

transmission longue distance par micro-ondes, et au début des années 1970,

diverses décisions de la FCC ouvraient le marché des services de téléphonie et

de transmission des données à longue distance. Tel est, en particulier, le cas de

la décision prise en 1969 par la FCC autorisant MCI53 à entrer sur le marché de

la transmission longue distance, puis des décisions prises à partir de 1971,

admettant de nouveaux entrants sur le segment des services privés sur lignes

dédiées. A partir de 1974, MCI décidait de s’attaquer au marché général de la

transmission longue distance et obtint une autorisation après une bataille

50 Voir l’analyse de Bruno Lasserre sur le rôle des régulateurs dans le processus d’introduction de la

concurrence, « Droit des télécommunications : entre déréglementation et régulation, l’Autorité de régulation des

télécommunications », in Actualité Juridique de Droit Administratif, 20 mars 1997.

51Voir l’article de Greald W. Brock, "Telecommunication policy for the information age from monopoly to

competition ", Harvard University Press, 1998.

52 Sur la succession des différentes étapes de l’ouverture de la concurrence aux Etats -Unis et le rôle joué par

Federation Communication Commission dans le processus, voir l’article de Jean Guy Ren, « Du monopole à la

compétition : la déréglementation au Canada et aux Etats -Unis », in Canadian Journal of Communication, vol.

25 n°4 2000, disponible en ligne au www.cjc-online.ca (page consultée le 19 septembre 2010). 53 MCI désigne Communication Corporation en anglais. C’est un opérateur télécom américain qui offre aux

entreprises et aux particuliers un portefeuille de services intégrés, comprenant des communications longues

distances et sans fil, des services de radiomessagerie, de messagerie, d’information, de sous -traitance ainsi que

des communications à l’échelle planétaire, y compris l’Internet.

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juridique de trois ans contre la FCC54. Parallèlement, la FCC permettait, dès le

milieu des années 1970, la vente concurrentielle des équipements terminaux de

téléphonie.

Toujours en 1974, le département de la Justice américaine estimant, d’une

part, qu’ATT55 utilisait son pouvoir pour limiter la concurrence sur le marché

des équipements terminaux et, d’autre part, que la FCC n’avait pas les moyens

d’éliminer de tels abus, décidait de poursuivre ATT pour abus de position

dominante sur le fondement des dispositions du droit antitrust.

Cette voie devait aboutir, quelques années plus tard (en 1982), à la décision du

juge Green, (Modification of Final Jugement), obligeant ATT à se scinder en

huit sociétés (sept sociétés régionales de télécommunications locales et une de

téléphonie longue distance), interdisant par ailleurs à ces sociétés de s’intéresser

à la fabrication de terminaux56.

Ce mouvement de libéralisation des télécommunications reposait sur le

principe, qui avait été antérieurement adopté par la FCC, de la séparation des

acteurs sur les différents marchés. Elle permettait une réelle ouverture des

54 Voir à ce propos Philippe Le Cœur, « Un géant du téléphone américain», BILAN DU MONDE, p. 169,

EDITION 1998.

55AT&T est le plus grand fournisseur de services téléphoniques locaux et longue distance, de services sans fil et

de xDSL des États-Unis. Le siège social mondial d'AT&T est basé à Dallas, au Texas. Anciennement SBC

Communications, Inc., la compagnie a abandonné son nom commercial pour prendre la désormais célèbre

appellation AT&T et le symbole T sur le marché boursier (pour « téléphone ») après son acquisition de AT&T

Corporation en 2005.

Voir le mémoire d’Alex Serge VIEUX Bilan de la réglementation ou de la déréglementation aux Etats -Unis,

DESS 226, Paris Dauphine, 1999.

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marchés des communications longue distance avec la permanence de monopoles

régionaux pour la téléphonie locale57.

Ce processus de libéralisation des télécommunications aux Etats -Unis est-il

différent de ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni ?

D / Le contexte des télécommunications au Royaume-Uni

Le processus britannique de libéralisation58des télécommunications a été

sensiblement différent de celui observé aux Etats-Unis. Le British

Télécommunications Act de 1981 a séparé la Poste des Télécommunications,

permettant au gouvernement britannique de donner des licences à des opérateurs

autres que British Telecom, d’ouvrir la concurrence dans le secteur des services

à valeur ajoutée et de libéraliser le régime des équipements terminaux.

En 1982, une licence a été octroyée à Mercury Communications Ltd59 pour

établir un réseau public de téléphonie fixe concurrent de celui de British

Telecom.

En 1983, le gouvernement britannique a annoncé qu’aucune autre licence

(que celle de Mercury), pour l’établissement de réseaux de télécommunications

entre postes fixes, ne serait octroyée jusqu’en 1990.

En 1984, une nouvelle loi (1984 Télécommunication Act) permettait la

privatisation de British60 Telecom et créait un nouvel organisme de régulation

indépendant, l’OFTEL.

57Greald W. Brock, "Telecommunication policy for the information age from monopoly to competition ", Harvard

University Press, 1998.

58 Laurence Bancel-Charensol, op.cit., pp.225-256. 59Mercury Communications est un opérateur de télécommunications en Grande-Bretagne. Il est créé en 1981

pour offrir le câble et les technologies sans fil en vue de concurrencer British Telecom (BT). Ce dernier a été

privatisé en 1984.

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De 1985 à 1992, les autorités britanniques ont donc pris le parti de limiter

la concurrence en créant un « duopole ». Pour celles-ci, l’entrée d’un seul

concurrent (Mercury) face à l’opérateur historique paraissait être le moyen le

plus efficace pour réduire la puissance de marché de ce dernier. Elles

craignaient, en revanche, qu’une ouverture plus large à la concurrence ne

conduise les nouveaux entrants à s’entre-déchirer pour gagner des parts de

marché les uns sur les autres et à s’affaiblir mutuellement face à la puissance de

l’opérateur historique.

Que viennent faire les modèles de libéralisation des pays du Nord dans une

étude portant sur un pays en développement ?

E / Le contexte des télécommunications au Sénégal

En 1960, le Sénégal, à l’instar des autres pays de l’AOF,61 mit en place une

administration des postes et des télécommunications (OPT)62. En 1968, la

société « Télé Sénégal » est créée pour s’occuper, entre autres, des

communications internationales63 qui étaient gérées par France Câbles et Radio

(FCR). Quelques années plus tard, l’Etat du Sénégal adoptera la loi n° 72- 39 60 J-J Thiebault, « Une réforme nécessaire pour un développement de la concurrence loyale dans les

télécommunications britanniques », in communication et Stratégie, 1996, n°23, p. 199. 61 Le Mali a adressé à la Confédération Suisse des demandes d’adhésion à l’Union Internationale des

Télécommunications et à l’Union Postale Universelle, le 12 octobre 1960 (moins de trois semaines après la

proclamation solennelle de l’indépendance). Le 29 novembre 1960, les textes législatifs de création de l’Office

des Postes et Télécommunications du Mali sont adoptés. Voir Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed

NIMAGA, Ingénieur des télécommunications, Abderhamane DIALLO, Mamadou Lamine DIALLO, Oumar

KANOUTE, SADA DIARRA et Amadou Daouda DIALLO, op.cit., p. 23. 62Um Paul Noumba, « Public Entreprise in Sub- Saharan Africa », Washington D.C., World Bank, world Bank

Discussion Paper 1, 1993. 63 Annie Cheneau-Loquay, « Entre local et global, quel rôle de l’Etat africain face au déploiement des réseaux

de télécommunications ? Exemple du Mali et du Sénégal », in Afrique Contemporaine, 2001, pp. 36 -46.

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relative aux télécommunications. En 1985, l’Office des Postes et des

Télécommunications du Sénégal voit le jour. Cette entreprise publique, qui

assurait jadis le monopole de l’Etat dans le secteur des télécommunications et

des Postes, était composée de deux démembrements qui s’occupaient

respectivement du service postal et du service des télécommunications.64

Par ailleurs, le Sénégal est, d’une part, un pays qui a inscrit, dans sa

Constitution, sa volonté de promouvoir l’Union africaine. D’autre part, c’est un

pays membre de la CEDEAO qui regroupe des pays anglophones et

francophones. Cette institution communautaire est génératrice de règles de droit

applicables à l’ensemble des Etats membres. Elle a pour objectif, entre autres, de

promouvoir l’intégration sous-régionale en favorisant particulièrement le

développement d’un marché commun65.

L’ensemble de ces pays appliquent actuellement des modèles économiques

largement inspirés par ceux connus dans ces pays du Nord précités66. Par

64 Jacques IYOK, « Les politiques de réformes des télécommunications au Sénégal », Dakar Association for

progressive communications, rapport disponible en septembre 2009 (http://www.osiris.sn. Page consultée le 27

octobre 2010). 65 Voir l’article 32 du traité révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993.

66 C’est ce qui justifie la ressemblance des modèles de régulation appliqués dans les pays francophones

d’Afrique. En effet, la comparaison des réformes intervenues au Sénégal et au Niger révèle une grande

similitude. Au Niger, c'est l'Ordonnance N° 59-103 du 4 juillet 1959 qui a fixé à titre provisoire les conditions

d'exploitation du service des Postes et Télécommunications au Niger. Le décret N° 59-104 du 4 juillet 1959 a

érigé ce service en un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " OFFICE DES

POSTES ET TELECOMMUNICATIONS " (O.P.T.). En 1970, la loi N° 70-18 du 27 août 1970 a transformé

l'O.P.T en un établissement public de l'Etat qui a fonctionné comme un établissement public à caractère

administratif. A la suite de la restructuration du secteur parapublic nigérien en 1986, l'Ordonnance N°88-042 du

30 juin est intervenue créant à nouveau un établissement à caractère industriel et commercial dénommé O.P.T.

Le décret N° 88-214 du 30 juin 1988 a approuvé les statuts de ce nouvel établissement. La politique de

libéralisation du secteur des télécommunications au Niger a été un processus long et progressif amorcé en 1996

par l’adoption de l’Ordonnance N°96-031 du 11 juin 1996 portant réglementation des télécommunications. Ce

texte consacrait pour la première fois la sortie d’un "paquet télécoms" du monopole hérité par l’exploitant public,

l’Office des Postes et Télécommunications (EX-OPT). Cette libéralisation allait se poursuivre avec l’adoption en

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conséquent, nous pouvons constater en Afrique des caractéristiques de

l’application du libéralisme économique67.

Le processus de libéralisation au Sénégal, qui en est une illustration, forme avec

la privatisation et la régulation le schéma adopté.

La privatisation est le transfert à des actionnaires privés, de la propriété des

participations majoritaires détenues par l'Etat dans le capital d'une entreprise68. 1999 de l’Ordonnance N°99-045 du 26 octobre 1999 portant réglementation des télécommunications qui, tout en

abrogeant celle de 1996, consacrait expressément le principe de la liberté d’exercice des activités dans le secteur

des télécommunications au Niger ; Voir Malam Garba Abdou , « TRIBUNE LIBRE : La libéralisation totale du

secteur des Télécommunications au Niger : Quelles conséquences sur les cadres politique, institutionnel et

réglementaire ? » (http://www.csdptt.org/article319.html. Page consultée le 12 septembre 2011).

67 L’analyse du processus d’introduction de la concurrence dans les pays membres de l’UEMOA révèle un

rapprochement avec ce qui s’est passé dans les pays du Nord. Par exemple au Togo, jusqu’en 1986, les activités

de télécommunications étaient exploitées par une direction du ministère en charge des télécommunications.

De 1986 à 1990, l’exploitation des activités de télécommunication a été confiée à l’Office des postes et

télécommunications du Togo (OPTT) ;

En 1991, l’OPTT a été transformé en une société d’Etat soumise aux règles de gestion des sociétés privées.

En 1996, la déclaration de politique sectorielle retrace les grands axes du développement des secteurs, la

dissociation des fonctions de réglementation et d’exploitation, l’introduction d’un régulateur objectif et

indépendant ;

La même année, l’OPTT est scindée en deux sociétés d’Etat à savoir : la société des télécommunications du

Togo (Togo Télécom) et la Société des Postes du Togo (SPT) ;

En 1998, la loi sur les télécommunications consacrant la création de l’organe de régulation et l’ouverture du

secteur à la concurrence est promulguée. Voir sur cette question l’article de Marc Renard, « Togo : un marché

des télécommunications qui devrait s’ouvrir » ; in Actualité Télécoms,

(http://www.reseautelecom.com/20110826365/Actualites-Telecom/togo-un-marche-des-telecommunications-

qui-devrait-souvrir.html. Page consultée le 13décembre 2011). 68 En droit comparé, il est constaté en France trois vagues de privatisation sur le plan légal. Il s’agit de celles

déterminées par les deux lois de 1986 et de 1993.

La première loi de privatisation, celle de 1986, a pour trait central d’organiser la dissolution complète

de l’immense parc industriel qui avait été rendu publique par les nationalisations conduites sous le 1er

gouvernement de la présidence de Mitterrand. En pratique cependant, les privatisations incluses dans la

loi de 1986 vont au-delà, puisqu’elles incluent 28 groupes ou sous -groupes ainsi que la quasi-totalité

du secteur bancaire.

La deuxième vague initiée par la loi de juillet 1993 approfondit en parachevant le mouvement. Après

les « nationalisées de 1981 », visées par la loi de 1986, la loi 1993 « remontre » aux entreprises

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Elle est un processus qui permet à l'Etat de confier au secteur privé la fourniture

de services assurés auparavant par lui- même69.

Le poids des pertes des entreprises publiques sur le budget de l’Etat était

devenu intolérable au Sénégal. Il s'est traduit par une dette extérieure sans cesse

croissante qui a fini par imposer la dévaluation du franc CFA. Le déficit public

se manifeste aussi par une dette intérieure qui paralyse la trésorerie des

entreprises privées et menace le système bancaire70.

D`après le rapport annuel de 1997 de la Banque mondiale, la dette extérieure

en pourcentage du Produit National Brut (PNB) était en 1980 de 50,5% et de

82,3% en 199571. La dette multilatérale en pourcentage de la dette extérieure

totale s'élevait en 1980 à 17,8% et à 48,4 % en 1995.

C’est ainsi qu’un groupe de réflexion composé des représentants de

l’administration, du patronat, des syndicats, du monde rural et des

consommateurs, fut institué sous l’appellation de Groupe de Réflexion sur la

Compétitivité et la Croissance (GRCC). Son mandat était d’organiser la

historiques du secteur public nationalisé juste après la deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, après les

banques (incluse dans la loi de 1986), c’est le secteur des assurances qui pour la quasi-totalité est cédé à

des actionnaires privés.

Une troisième vague est constatée en 1997 avec le gouvernement de Jospin. Elle concerne des

entreprises en charge de délivrer des services publics comme France Télécoms, Air France.

Voir sur cette question Benjamin Coriat, « L’installation de la Finance en France : genèse, formes

spécifiques et impacts sur l’industrie » in « Revue de régulation : capitalisme, institution, et pouvoir »,

n°3/04/2008, (http://régulation.revues.org. Page consultée le 13 aout 2010).

69 J-F. Bigay et J-L. Levet, La nouvelle nationalité de l’entreprise dans la mondialisation, rapport pour le

Commissariat général du plan,, Paris, La Documentation française, 1999. 70 Voir Banque Africaine de Développement, 2005 Rapport sur le développement en Afrique, Paris Economica,

2005. 71Cheriff Younouss Dianté, « TRIBUNE LIBRE Télécoms : Les privatisations en Afrique, l’exemple de la

Sonatel au Sénégal » (.http://www.csdptt.org/imprimre.php3. Page consultée le 20 octobre 2010).

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concertation entre acteurs, d’analyser les informations et d’identifier les entraves

à la compétitivité afin de formuler des recommandations72.

La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994, les nombreuses politiques

d'ajustement structurels73 édictées depuis Bretton Woods74, la gabegie et la

mauvaise gestion des entreprises publiques confiées à des politiciens et la

sécheresse persistante avaient fini de mettre les finances publiques à genoux75.

Complétant la gamme, les détournements et les mauvais choix d'investissements

finirent, aussi, d'assécher les caisses de l'Etat.

C’est dans ce contexte que l’Etat a accepté les réformes proposées par la GRCC,

malgré la résistance des syndicalistes de la SONATEL. Le choix était clair. Il

s’agissait d’ouvrir le secteur à la concurrence. Mais l’Etat devait trancher entre

la proposition du patronat consistant à libéraliser d’abord avant de privatiser.

Tandis que les travailleurs de la SONATEL demandaient l’inverse, à savoir la

privatisation d’abord pour permettre à l’opérateur historique de se préparer à la

concurrence76. Accédant à la proposition des syndicalistes, l’Etat se décida à

privatiser d’abord avant de libéraliser.

72 Voir le décret 95-414 du 15 mai 1995 portant création du Groupe de réflexion sur la compétitive et sur la croissance au Sénégal. 73 C’est à la suite des politiques monétaristes, de l’évolution des taux de change et des taux d’intérêt justifiées par l’explosion de la dette, que le G7 d’alors avait invité la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) à mettre en œuvre les plans d’ajustement structurel dans les pays sous -développés. 74 Pour le FMI, le but de la politique d’ajustement est en effet de redonner une position viable à la balance des paiements du pays intéressé dans un contexte de stabilité des prix et de croissance économique soutenue, tout en évitant l’emploi de mesures contraires à la liberté du commerce et des paiements extérieurs, l’expression d’une position viable de la balance des paiement pouvant être traduite par compatibilité entre déficit des paiements courants et service de la dette. Définition citée par Problèmes économiques, n°1953, du 19 décembre 1985, p. 13. 75 G. MASSIAH, Grandeur et décadence de l'ajustement structurel, les programmes d'ajustement structurel et le développement, avril 2000, Article disponible sur le site globenet.org/aitec/.../pasetdeveloppement.htm. Page consultée le 12 mars 2010. 76 SAGNA Olivier, Privatisation, libéralisation et régulation : la réforme des télécommunications au Sénégal,

Dakar, page 115 ; (disponible au www.osiris.sn.Page consultée le 30 octobre 2011).

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La privatisation de la SONATEL fut consacrée après le vote de la loi 95 - 25 du

29 /08 /95 par l’Assemblée Nationale du Sénégal. Ainsi, l'entreprise phare du

pays allait ouvrir son capital à un partenaire stratégique pour les raisons

invoquées plus haut. L’Etat sénégalais venait ainsi d'empocher sa meilleure

opération de privatisation. En conséquence, la SONATEL est devenue une

Société Anonyme avec France Télécom comme partenaire stratégique

(42,33 %), l’Etat du Sénégal (27, 67%), Institutionnel et Grand Public (20%),

enfin salariés et anciens salariés (10%)77. La deuxième phase de la réforme

consistait à libéraliser le secteur des télécommunications78. L’Etat décida de

mettre fin au monopole de la SONATEL le 19 juillet 200479.

C’est en prélude à cette décision qu’il faut noter l’adoption de la loi 96-03

portant code des télécommunications qui, pour la première fois, sépare la

fonction réglementaire exercée par le Ministre, au nom de l’Etat, de la fonction

d’exploitation des réseaux et services, confiée à des opérateurs agissant dans le

cadre de la concession, l’autorisation ou même librement80.

Donc, par convention en date du 15 Juillet 1977, l’Etat du Sénégal a concédé à

la SONATEL une licence d’exploitation d’un réseau de télécommunication

ouvert au public. A la dite Convention de concession, a été annexé un Cahier

des charges qui en fait partie intégrante. La Convention et le Cahier des charges

ont été tous approuvés par le décret n° 97-715 du 19 Juillet 1997. La concession

77 Voir Oumar DJIGO, Bilan des privatisations dans le secteur des télécommunications en Afrique et recherche

de modèles économiques alternatifs, Abidjan, mémoire de DESS professionnel en Hautes Etudes en Gestion de

la Politique Economique, Université de COCODY 2006. p. 32. 78 Voir le mémoire de Cheikh Ahmed Tidiane MBENGUE, La libéralisation des télécommunications au

Sénégal : concurrence, innovation et réglementation, mémoire de Master 2 recherche en économie de

l'innovation et dynamique industrielle 2004, Université de Université de Nice Sophia Antipolis, 2004. 79 Voir la lettre de politique sectorielle publiée en 2005 ;( disponible au www.gouv.sn. Page consultée le 12

mars 2010). 80 Ahmed Sidy Sarr, « Mécanismes et opportunités des financements public/privé » in Forum de la régulation

et le partenariat des télécom/TIC en Afrique, Dakar le 05/06/2008.

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de la SONATEL était alors régie par la loi 96-03 du 22 février 1996 portant

Code des Télécommunications et la société disposait entre autres d’un monopole

en matière de télécommunications internationales.

Pour achever la réforme, l’Etat a mis en place la régulation par la loi 2001-15 du

27 décembre 2001 portant code des télécommunications.

Donc le schéma appliqué est la privatisation, la libéralisation et la régulation

afin de transformer le monopole en une concurrence.81

Cette logique de transformation de l’environnement monopolistique en

environnement concurrentiel est défendue par l’école de l’économie de la

régulation dont l’un des chantres est le Doyen Laffont.82

La nouvelle économie publique ou l’économie de la régulation se situe

entre l’économie publique traditionnelle et l’économie industrielle. Elle fonde

la régulation sur l’existence de défaillances du marché. Mais à la différence de

l’économie publique traditionnelle, elle tient compte des défaillances de la

régulation, dont la première, qui est l’asymétrie informationnelle entre le

régulateur et le réglementé. En outre, la nouvelle économie publique reconnaît

que les régulateurs peuvent poursuivre leurs intérêts personnels, c'est-à-dire ceux

de leurs membres, et qu’ils peuvent parfois être opportunistes dans leurs

décisions. Tout ceci rejaillit donc sur leur crédibilité et sur leur pouvoir de

contrôle et de sanction.

Ainsi, le secteur des télécommunications au Sénégal n’est pas exempt de la

libéralisation qui a vu le jour dans plusieurs pays du Nord et du Sud.

C’est à l’étalon de ces modèles qu’il faut étudier la régulation des

télécommunications au Sénégal. 81 Voir SAGNA Oliver, op.cit. 82 J.J Laffont, “The new economics of regulation ten years after”, Paris, Econometrica, vol. 62, n°3, mai, pp.

921 à 937.

Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)

Mis en forme : Anglais (États-Unis)

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III/ DELIMITATION

Dans le cadre de cette étude, il ne sera traité que de la régulation des

télécommunications au Sénégal.

Il s’agit de l’apprécier à l’épreuve de l’environnement juridique

communautaire, aux mutations technologiques face auxquelles elle ne peut

pas être neutre.

La régulation est un système de gouvernance qui englobe un nouveau

concept pour les sciences sociales. Elle est utilisée dans le langage scientifique,

en embryologie comme en physiologie (régulation thermique)83. En mécanique,

la régulation exprime le fait d’agir sur un système complexe et d’en coordonner

les actions afin d’en maintenir l’équilibre, de l’adapter aux circonstances et d’en

obtenir un fonctionnement correct eu égard à ses finalités.

Après avoir fait l’objet de nombreuses investigations chez les économistes, le

concept de régulation est devenu aujourd’hui une référence incontournable du

discours juridique.

A partir des années 1960, le paradigme des relations, entre l’Etat et le

marché, entre la sphère de l’intervention publique et celle de l’initiative privée, a

été profondément remis en cause aux Etats-Unis.

Depuis l’immédiate Après-guerre, l’Etat, dans les pays occidentaux, avait été

amené à intervenir à la fois massivement et directement dans le fonctionnement

de l’économie. Il s’agissait de satisfaire des besoins sociaux, « hors du

83 Abdou Salam Sall, Forum de la régulation II : la régulation dans un contexte de développement in Forum de

la régulation, Dakar, éditions du Forum de la régulation, octobre 2007, p. 45.

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commun », dus notamment à la fin de la Guerre et à la reconstruction. Cette

intervention répondait également aux prescriptions des théories centrées sur les

équilibres macroéconomiques, nées dans les années 1930 et inspirées du

Keynésianisme.

Vers la moitié des années 1960, la critique de ce modèle procède d’une

nouvelle théorie économique. L’école de Chicago et « l’économie de l’offre »

accompagnent un retour à l’analyse des équilibres micro-économiques84. En

outre, le dogme prévalant en sciences politiques, celui de la bienveillance d’un

Etat détenteur du monopole de l’intérêt général qu’il incarne est sévèrement

remis en cause par de nouvelles approches de la bureaucratie et des choix

publics, formulées par des économistes. Sociologiquement enfin, nous assistons

également à une évolution vers un libéralisme plus individualiste85. Le mode

d’intervention et la place de la puissance publique dans l’économie américaine

sont alors sévèrement contestés. D’un point de vue concret, au nom de la

concurrence, ces critiques remettent en cause certaines activités de services

collectifs, jusqu’alors gérées en monopole avec la bénédiction des pouvoirs

publics fédéraux et sous le contrôle d’agences spécialisées86. Les effets les plus

flagrants de ce changement de paradigme se trouveront au début des années

1980, pendant les deux mandats du Président Reagan d’une part, avec la scission

84 Bertrand Du Marais Droit public de la régulation économique, Paris, Dalloz 2004, p. 1. 85 Sur la définition du libéralisme, voir L. Alexandre, in La Revue du Conseil Economique et social, n° 2,

février-avril 1997, pp. 23-27, il affirme que : « Le libéralisme économique ne signifie nullement, le «laisser-

aller» et le «laisser-faire», sinon, nous risquons dans un pays en développement comme le Sénégal, de voir

s'installer la «loi de la jungle» où les plus forts écraseront les plus faibles. C'est pourquoi, il revient à l'Etat, de

définir «les règles du jeu» où les acteurs économiques tout en ayant l'esprit d'entreprise ou l'initiative

d'entreprendre et étant conscients de leurs droits et de leurs devoirs, s'organisent en conséquence, pour créer

ou développer leurs affaires dans le respect du cadre défini par l'Etat pour la sauvegarde de l'intérêt général

national et de la cohésion nationale ». 86 Voir G. RIPERT, « L’ordre économique et la liberté contractuelle », in Mélanges Gény, G. 2, 1934, p. 347.

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d’ATT sur le marché des télécommunications et, d’autre part, avec la

réglementation du transport aérien87.

C’est cette évolution d’une économie administrée vers une économie

concurrentielle qui est désignée sous le vocable de régulation.

La régulation a fait l’objet de plusieurs tentatives de définition à tel

point qu’il est difficile de la ranger dans un domaine du droit.

Le Professeur Bertrand du Marais traite de la régulation dans son ouvrage

de « Droit public de la régulation économique ». Il définit la régulation comme :

« l’ensemble des techniques qui permettent d’instaurer et de maintenir un

équilibre économique optimum qui serait requis par un marché qui n’est pas

capable, en lui-même, de produire cet équilibre.

Cet équilibre se trouve, selon la théorie classique, dans l’état de concurrence

».88

Selon lui, l’analyse juridique de ce phénomène a donné naissance au droit public

de la régulation économique.

Le Professeur Sophie NICINSKI soutient que le droit public des affaires est

le « droit des relations entre l’administration et les opérateurs économiques »89

C’est dans un ouvrage de droit public des affaires qu’elle propose une définition

de la régulation. Dans cet ouvrage, l’auteur considère que la régulation peut

s’appliquer soit à une mission générale de l’Etat vis-à-vis de l’économie, soit à

la mission d’autorité indépendante agissant dans un secteur donné.

87Alex-Serge VIEUX, op.cit. 88 DU MARAIS Bertrand, op.cit., p. 3. 89 Sophie Nicinski, Droit public des affaires, Paris, édition Lextenso Montchretien 2009, p. 1.

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Le Professeur FRISON-ROCHE précise que la régulation ne se confond pas

avec « la réglementation laquelle demeure comme un instrument disponible »90.

Elle est « le moyen dynamique de faire passer un secteur d’un état à un

autre »91 . Il s’agit donc d’une transformation qui peut être le passage d’une

structure monopolistique du secteur vers une structure pluraliste, voire

concurrentielle. Elle est alors une « intervention qui accompagne un

mouvement » dans la recherche d’un équilibre92.

Jean Michel Hubert93, ancien Président de l’Autorité de régulation des

télécommunications de la France, distingue la régulation de la réglementation.

Car selon lui, la langue anglaise confond la réglementation avec la régulation.

Cependant, la langue française opère une distinction entre les deux termes.

Elle définit la régulation comme « …l’ajustement, conformément à une règle ou

une norme, d’une pluralité d’actions et de leurs effets, l’arbitrage des différends

entre les différents acteurs. Elle recouvre donc la réglementation,…le contrôle,

ainsi que les nécessaires adaptations….La régulation relève d’une combinatoire

de marché associant les mécanismes de marché et l’intervention publique ».

Monsieur Hervé Bourges, ancien Président du Conseil Supérieur de

l’Audiovisuel de la France, n’est pas d’un avis contraire. Il précise que la

réglementation « est le fait du pouvoir exécutif qui, selon les principes fixés par

90 M. A. FRISON-ROCHE, Le Droit de la Régulation, Paris, Dalloz 2001 p. 610. 91 M. A. FRISON-ROCHE, « Les différentes définitions de la Régulation » P. A. 10 juillet 1998 n°82. 92 La loi française sur les nouvelles régulations économique du 15 mai 2001, retient que la régulation est

l’ensemble des mécanismes qui rééquilibrent des intérêts contradictoires. Voir les commentaires de TH. Bonneau

« Nouvelles régulations économiques », Paris Litec, 2002 ; « La loi NRE et le droit des sociétés », Paris

Montchretien, 2003. 93 Jean Michel Hubert « Intervention Azia télécom » 4 décembre 2000 ; (http://www.vie-publique/fr. Page

consultée le 30 juin 2009).

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le pouvoir législatif, définit précisément les règlements qui doivent être observés

dans tous les domaines d’activités »94.

Tandis que la régulation est « une manière, plus moderne pour les Etats

d’accompagnement économique, sociale et culturelle en assurant une plus

grande liberté aux acteurs auxquels elle s’applique ».

Pour le Professeur CHAMPAUD, la régulation est un système

d’organisation juridique de relation économique et de solution de conflit la

qualifiant de technique de droit économique95 .

Le Professeur CHEROT considère qu’elle a pour objet l’efficacité et la

gestion de la concurrence de sorte qu’elle a besoin d’une certaine flexibilité et

d’une adaptabilité en raison de l’instabilité de son objet96.

Le Professeur Abdoulaye SAKHO97 retient, quant à lui, que « la régulation

est la tâche qui consiste à assurer, entre les droits et obligations de chacun, le

type d’équilibre voulu par la loi. »98

De ces définitions, il reste constant que la régulation consiste à assurer le

fonctionnement de systèmes socio-économiques complexes en harmonisant les 94 Hervé Bourges, « Enjeux et contraintes de la régulation dans un contexte de développement », in Forum de la

régulation, Dakar, éditions du forum de la Régulation, octobre 2007, p. 49. 95 Claude Champaud, Régulation et droit économique R .I.D.E 2002, pp. 23-66. 96J. Chérot, « L’imprégnation du droit de la régulation par le droit communautaire, » P. A. 10 juillet 1998, pp.

17-25. 97 SAKHO Abdoulaye, Directeur Fondateur du Forum de la régulation, Eau - Electricité –

Télécommunications : activités de régulation dans l’UEMOA, Dakar, Cour de Master en droit de la régulation,

promotion 2007-2008.

98 Cette conception du Professeur SAKHO est proche de celle de Frison-Roche. Voir à ce propos « Droit du

travail et droit des sociétés : l’unité de la régulation des pouvoirs dans l’entreprise », in regards croisés sur le

droit social, Semaine Sociale Lamy, suppl. n° 1095, octobre 2002, pp. 45- 51.

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points de vue, en arbitrant les divers intérêts présents, aussi bien en aval pour

résoudre les litiges qu’en amont pour fixer les règles du jeu et définir les

équilibres souhaitables.

Néanmoins, si la régulation connaît un succès indéniable chez les juristes, le

terme apparaît en grande partie galvaudé. Son succès fulgurant a généré des

effets pervers. Comme le souligne Laurence CALANDRI99, le discours actuel

sur la régulation ne s’apparente plus à un concert de louanges ; c’est davantage

une période de « crise » que la régulation semble désormais traverser ; la

régulation tend à être critiquée100. L’emploi du terme tend même à être supplanté

par d’autres, plus attractifs, car bénéficiant, à leur tour, des attraits de la

nouveauté. On lui préféré celui de « Gouvernance »101. C’est parce

qu’aujourd’hui le terme est galvaudé par le discours et par la pratique de

« certaines régulations ». Les définitions proposées, ne sont pas toujours claires.

La régulation est convoquée dans les domaines les plus divers, et fonde les

théories les plus contradictoires. Au-delà de l’apparent consensus entourant ce

thème, de profondes interrogations sur sa signification juridique perdurent. Le

besoin d’une définition juridique de la régulation est constamment réaffirmé par

la doctrine102. Une clarification du sujet s’impose en raison non seulement de la

teneur juridique encore imprécise de la régulation, mais encore de la controverse

entourant son statut épistémologique en droit administratif. Pour les uns, la

99 Voir la thèse de Laurence CALANDRI, Maître de conférences en droit public, au Centre universitaire J-F

Champollion d’Albi, Recherches sur la notion de régulation en droit administratif français, thèse en droit

public, Université Champollion d’Albi, 2009. 100 Voir P. Gérald, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié,

Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, n°404, Sénat, Paris, 2006. 101 Nicolas Ponty, « Quelques enjeux de la régulation pour les politiques de développement », in Forum de la

régulation, Dakar, éditions du Forum de la régulation, octobre 2007, p. 65. 102 Voir les notes de G. Marcou, « La notion juridique de régulation », AJDA, 20 février 2006, p. 347.

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régulation serait un « concept ». Pour les autres, elle serait une « notion

juridique » établie ou encore en cours de construction103.

A voir de près la régulation dans les télécommunications, nous nous

apercevons avec Thierry PENARD et Nicolas THIRON104, que celle-ci est

essentiellement préoccupée par trois soucis :

- la volonté de créer et de préserver une concurrence effective sur les

marchés concernés ;

- la nécessité de conserver un certain contrôle sur la production et

l’évolution de celle-ci ;

- la préoccupation d’assurer une certaine redistribution en faveur des

catégories déterminées de populations ou de territoires.

En droit sénégalais des télécommunications, ce concept a fait son apparition

en 2001. Dans l’exposé des motifs de la loi 2001-15 du 27 décembre 2001

portant Code des télécommunications105, le législateur sénégalais cite parmi les

innovations apportées par ce code « la mise en place d’un organe de régulation

indépendant susceptible de garantir l’exercice d’une concurrence saine et

loyale, au bénéfice des consommateurs, des opérateurs du secteur et, en

général, de l’économie globale ».

103 Ce même débat doctrinal oppose au niveau national les juristes de l’organe de régulation des

télécommunications et certains magistrats de la Cour Suprême et Hauts fonctionnaires de l’Etat du Sénégal pour

donner à l’ARTP le statut d’Autorité administrative indépendante. Voir les comptes-rendus des travaux du

comité national de transposition de janvier 2011. 104 Thierry Penard et Nicolas Thiron, La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de

l’économie et du droit, Bruxelles, édition, Larcier 2007, pp. 87 -124. 105 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6030 du Samedi 16 février 2002.

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Dans le prolongement de ce texte, le législateur sénégalais précise le concept à

travers l’exposé des motifs de la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002106 portant

cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics.

Dans ce texte, il affirme que :

La régulation des services d’infrastructures repose sur deux éléments-clés :

des règles et des institutions chargées de faire respecter ces règles. Un nombre

croissant de pays mettent en place des institutions spécialisées afin de compléter

l’action de la justice et de tenir dûment compte des spécificités des services

d’infrastructures. Les règles relatives à l’activité doivent porter sur la sécurité

et la protection de l’environnement, la limitation des abus de monopole éventuel

et une utilisation correcte des installations.

C’est dire que le droit national applicable au secteur des télécommunications n’a

pas encore consacré, dans le corps d’un texte légal, une définition du concept de

régulation.

Il faudra attendre 2007 pour que le droit communautaire ouest- africain

évoque le concept dans une définition légale. L’Acte Additionnel A/SA

1/01/07, relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du

secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC)107,

définit en son article premier l’« autorité (s) nationales (s) de régulation »

comme suit :

« organisme(s) chargé(s), par un Etat membre, des missions de régulation

prévues par le présent Acte Additionnel »108.

106 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du Samedi 28 décembre 2002. 107 Les Actes Additionnels de la CEDEAO sont disponibles sur le site de l’ARTP www.artp.sn et sur le site de

l’Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal. www.osiris.sn (pages

consultées le 30 décembre2010).

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Ainsi, le Sénégal, à, l’instar des autres Etats membres de la CEDEAO est soumis

à ces dispositions du droit communautaire.

Le droit communautaire peut être sommairement défini comme

l’ensemble des règles juridiques édictées par une organisation supranationale

dans le cadre d’un processus d’intégration régionale.

Une conception organique du droit communautaire laisse entrevoir cette

dernière comme le droit produit par les organisations intergouvernementales

d’intégration.

L’Organisation Intergouvernementale (OIG) communément appelée

organisation internationale est « une association d’Etats constituée par un traité,

dotée d’un statut et d’organes possédant une personnalité distincte de celle de

ses Etats membres »109. C’est dire qu’il s’agit d’un groupement permanent

d’Etats doté d’organes destinés à exprimer, sur des matières d’intérêt commun,

une volonté distincte de celles des Etats membres. La principale caractéristique

de cette structure réside dans le fait qu’elle est dotée d’une possibilité d’action

autonome en ce qu’elle possède une personnalité juridique distincte de celle de

ses Etats membres et des compétences propres.

Cependant, cette définition organique ne permet pas de rendre compte de sa

spécificité. Pour reprendre le Pr Denys SIMON : « Le droit communautaire

n’est pas du droit international perfectionné. Il appartient à un autre univers

juridique »110.

La spécificité du droit communautaire par rapport au droit international général

se ressent à un double niveau, à savoir le mode d’élaboration, la nature des

normes et les rapports avec les ordres nationaux. 109 Ch. Euzet, Relations internationales, Paris, Ellipses, 2004, p.63. 110 D. Simon, « Les fondements de l'autonomie du droit communautaire », Paris, in Droit international et Droit

Communautaire, Perspectives actuelles, actes du colloque de la SFDI 1999, Paris, Ed. A. Pedone 2000, 448p.

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S’agissant du mode d’élaboration du droit communautaire, l’OIG est

un champ clos de rivalités entre entités hégémoniques parce que souveraines. De

ce point de vue, elle se présente comme un consensus hémogénique réalisé à un

moment donné pour l’exécution d’une tâche précise. C’est donc dire que

composées d’Etats souverains juridiquement égaux, les OIG ne peuvent

fonctionner que conformément au principe d’égalité des Etats, principe qui

appelle le mode « unanimiste » de décision.

Concernant la nature des normes et les rapports avec les ordres

juridiques nationaux, l’inventaire des normes du droit communautaire permet

de dresser une typologie faisant ressortir trois composantes majeures : le droit

primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire.

Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » de l’organisation

parce qu’il détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la

nature des actes pris par ces derniers. De nature conventionnelle, parce que

soumis aux procédures d’élaboration du droit des traités (négociation, signature,

ratification), le droit primaire est constitué par les Traités constitutifs des

organisations d’intégration et les protocoles additionnels.

Le droit dérivé, lui, est le droit sécrété par les organes mis en place par le

droit primaire111.

Nous distinguons en la matière le droit dérivé unilatéral du droit dérivé

conventionnel. Le droit dérivé unilatéral désigne les actes unilatéraux112 pris par 111 La conférence des Chefs d’Etat, le Conseil des Ministres, la Commission de l’Union sont les organes qui

secrètent le droit dérivé dans l’UEMOA et la CEDEAO. 112 Nous discutons la question de savoir si les Actes Additionnels relèvent du droit primaire ou du droit dérivé ;

la seconde qualification nous paraît préférable et à ce titre. Les Actes Additionnels peuvent être assimilés aux

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les organes et qui régissent les sujets du droit de l’organisation d’intégration

(Acte additionnel, règlement, directive, décision, actes uniformes, avis,

recommandations, déclarations) tandis que le droit dérivé conventionnel, lui,

résulte des accords passés par les organes institués avec des partenaires

extérieurs (Etats ou organisations internationales).

Quant au droit subsidiaire, il est constitué des principes généraux du droit et

de la jurisprudence. En effet, le droit communautaire ne se résume pas au Traité

constitutif et à l’œuvre « législative » des organes de décision mais s’étend à

l’activité jurisprudentielle des différentes cours de justice. La spécificité du droit

communautaire au titre de ses caractéristiques se décline en deux particularités.

La première réside dans les caractéristiques qui s’attachent au droit dérivé

unilatéral. En effet, dans la plupart des OIG, les actes unilatéraux n’ont pas un

caractère obligatoire. Mais, en la matière, il existe deux exceptions :

- A l’assemblée de l’ONU, dans le cadre du maintien de la paix et de la

sécurité internationale, le Conseil de sécurité peut prendre des actes

unilatéraux obligatoires113 en vertu du chapitre 7 de la charte des Nations-

Unies. Cela peut se traduire par une mise en garde, un embargo ou même

le recours à la force militaire (Guerre de Corée, lors de l’invasion du

Koweït par l’Irak, embargo contre la Côte d’Ivoire suite au refus du

Président Gbagbo de céder le pouvoir) ;

- dans le cadre des organisations supranationales d’intégration (, UEMOA,

lois organiques au plan interne, sauf que, contrairement à ces dernières qui sont obligatoirement soumises au

contrôle de constitutionnalité, les Actes Additionnels échappent à tout « contrôle de conventionalité ». Voir sur

la question Batchassi Y. et Yougbaré R., Les Actes Additionnels de l'UEMOA : analyse juridique, Faculté de

droit et de science politique, Université de Ouagadougou, Cahiers du Centre d'études européennes et de

l'intégration, Centre Emile Noël, n° 001, juin 1999,33 p. 113 FAURE Justin et PROST Yannick Relations internationales, Paris, éditions ellipses 2008, pp. 443- 456.

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CEDEAO, OHADA) du fait des caractères de primauté, d’effet direct et

d’applicabilité immédiate reconnus au droit secrété par ces organisations114. En

droit communautaire, les actes obligatoires du droit dérivé unilatéral s’imposent

à leurs destinataires.

La deuxième particularité est liée aux caractéristiques découlant de

l’application du principe d’intégration de l’ordre juridique communautaire aux

ordres juridiques des Etats. Principe qui appelle l’applicabilité directe des

normes communautaires contrairement à l’applicabilité immédiate du droit

international et à l’effet direct des règles communautaires. Ce qui est l’exception

en droit international. Il en résulte que du fait des spécificités attachées aux

rapports qu’il entretient avec les ordres juridiques nationaux, le droit

communautaire diffère fondamentalement du droit international.

Fort de ce constat, la régulation doit se conformer aux normes juridiques

secrétées par les institutions communautaires auxquelles le Sénégal appartient. Il

s’agit notamment de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit

communautaire), de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats

d’Afrique de l’Ouest) et de L’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine). Ces différentes organisations ont mis en place des mécanismes

d’harmonisation. 114 Saisie par le Président de la Commission de l’UEMOA, la Cour de Justice de l’UEMOA, en interprétant les

articles 88, 89, 90 du traité de l’Union, a retenu la primauté du droit communautaire comme le socle de

l’intégration entre les systèmes juridiques nationaux des Etats membres et le système juridique communautaire.

En effet, cette saisine fait suite à une divergence d’interprétation, entre d’une part, un Comité des experts qui

était d’avis que la législation communautaire n’abolit pas le pouvoir à réglementer dans les matières de l’Union

et que les deux ordres de réglementation pouvaient coexister . Tandis que d’autre part, la Commission considère

que les Etats membres avaient perdu toute compétence pour légiférer dans les domaines couverts par les trois

articles précités. Voir les commentaires du Professeur Alioune SALL sur l’avis n° l’avis n°002/2000 du 22 mars

1999 relatif à la demande d’avis complémentaire du Président de la Commission de l’UEMOA relative à

l’interprétation de l’ARTICLE 84 du traité de l’UEMOA, in Réflexion sur les institutions judiciaires de la

CEDEAO et l’UEMOA, Dakar, éditions CREDILA, mai 2011, p. 139.

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A la suite du Cabinet d’avocats Eric Vève et Associés115, nous pouvons

retenir cinq modèles d’harmonisation que sont :

- le modèle « moniste » : dans ce cas, les Etats acceptent d’appliquer la

norme supranationale sans lui faire subir des transformations. La norme

internationale prime sur le droit interne et elle est d’applicabilité

directe116. Ce modèle est utilisé pour assurer une unification du droit. La

CEDEAO a utilisé ce modèle en prenant des Actes additionnels au traité.

De même, l’OHADA a fait la même chose en prenant des Actes

uniformes applicables à l’environnement des affaires117. Mais elle n’a pas

encore adopté d’actes uniformes dans le domaine des

télécommunications ;

- le modèle de la « subsidiarité » : où les normes édictées par le Conseil des

ministres priment sur les droits nationaux et sont d’applicabilité directe.

Mais elles ne peuvent porter que sur des questions transfrontalières

(liaisons inter-états, litiges internationaux, fréquences etc.) ;

- le modèle « interétatique » : dans lequel les normes n’ont pas une force

contraignante. Elles constituent des lignes directrices dont les Etats

régulateurs apprécient l’opportunité de s’y conformer ou non ;

115 Cabinet d’avocats Eric Vève et Associés. Harmonisation réglementaire des Télécommunications en Afrique

francophone sub-saharienne, Paris, édition ARCEP 2006, pp. 49 à 59. Disponible sur le site www.fratel.org

(document produit le 6 avril 2009). 116 Carreau Dominique, Droit international, Paris, Les cours de droit, Paris, Dalloz 1984, pp. 88 à 103. 117L'OHADA prévoit également la possibilité d'adopter des règlements pour l'application du traité, chaque fois

que de besoin, par le Conseil des Ministres, à la majorité absolue mais ces règlements sont plutôt relatifs à

l'organisation et au fonctionnement des organes créés par le traité, comme le règlement de procédure et le

règlement d'arbitrage de la CCJA. Nous pouvons, au regard de l'exigence de l'unanimité pour l'adoption des actes

uniformes, penser que ceux-ci ont un rang supérieur à celui des règlements.

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- le modèle « dualiste » : qui consiste à fixer les grands principes et les

objectifs à atteindre dans la norme communautaire. Les Etats membres

devront prendre des dispositions de droit interne pour s’y conformer118 ;

- le modèle dit du « réseau des régulateurs » : ce modèle consiste à faire

des recommandations sur une manière d’appliquer les textes communs

aux différents Etats, et en particulier les pouvoirs des organes de

régulation notamment en matière de modification des conventions

d’interconnexion, d’approbation des catalogues d’interconnexion, de

gestion et attribution des ressources rares, d’attribution des licences, de

règlement de différends, d’enquêtes, de sanctions, etc.

L’OHADA a un projet d’élaboration d’actes uniformes applicables au

secteur des télécommunications. Mais il n’est pas encore réalisé.

La Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest est créée par le traité du 24

juillet 1993 à Cotonou (CEDEAO). Selon l’article 33 du traité révisé de la

CEDEAO:

Dans le domaine des Télécommunications, les Etats membres s’engagent à :

a) Développer, moderniser, coordonner et normaliser les

réseaux nationaux de télécommunications en vue de

permettre une interconnexion fiable entre les Etats

membres ;

b) Réaliser rapidement la partie ouest-africaine du réseau

panafricain de télécommunications ;

c) Coordonner les efforts pour assurer le fonctionnement et la

maintenance de la partie ouest-africaine du réseau

118G.Isaac, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1983, p. 151.

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panafricain de télécommunications et mobiliser les

ressources financières aux niveaux national et international.

Afin d’atteindre les objectifs énoncés au présent article, les Etats membres

s’engagent également à encourager la participation du secteur privé dans la

prestation des services postaux et des télécommunications.

C’est dans ce sillage que les chefs d’Etats de la CEDEAO ont signé le 19

janvier 2007 à Ouagadougou, des Actes additionnels au traité. Ces actes revêtus

de la force obligatoire doivent être transposés en droit interne des Etats membres

dans un délai maximum de deux ans.

L’UEMOA a choisi des directives qui fixent des objectifs et déterminent

des orientations communes pour la réalisation du marché communautaire des

télécommunications.

L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) 119a été

créée par un traité signé à Dakar, le 10 janvier 1994, par les Chefs d’Etat et de

Gouvernement de 7 pays qui sont celui du Sénégal, du Bénin, du Burkina Faso,

de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger et du Togo. Ce traité est entré en vigueur

le 1er août 1994.

L’UEMOA a pour objectif :

- de renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des

Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un

environnement juridique rationalisé ;

119 Les dernières transformations de l’UEMOA sont exposées dans l’ouvrage du Professeur Alioune SALL Les

mutations de l’intégration des Etats en Afrique de l’Ouest. Une approche institutionnelle, Paris, L’Harmattan,

2006.

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- d’assurer la convergence des performances et des politiques économiques

des Etats membres par l’instauration d’une procédure de surveillance

multilatérale ;

- de créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre

circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, le droit

d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou

salariale, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique

commerciale;

- d’instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise

en œuvre d’actions communes, notamment dans les domaines douaniers,

aménagement territorial, agriculture, énergie, industrie, transport,

infrastructure et télécommunications.

Dans ce dernier domaine, le Conseil des Ministres sectoriels en charge des

Télécommunications a adopté, le 23 Mars 2006 à Abidjan, les six directives

suivantes :

Directive Nº [01]/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des

politiques de contrôle et de régulation du secteur des

Télécommunications ;

Directive Nº [02]/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation du

régime applicable aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de

services ;

Directive Nº [03]/2006/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des

réseaux et services de Télécommunications ;

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Directive Nº [04]/2006/CM/UEMOA relative au service universel et

aux obligations de performances du réseau ;

Directive Nº [05]/2006/CM/UEMOA relative à la tarification des

services de Télécommunications ;

Directive Nº [06]/2006/CM/UEMOA organisant le cadre général d’une

coopération entre les Autorités Nationales de Régulation (ANR) en

matière de Télécommunications.

Ces directives ont été adoptées le 23 mars 2006 à Abidjan.

Selon Monsieur Antoine Masson, « la directive a pour destinataires les Etats

membres »120. Elle ne fixe qu’un objectif à atteindre mais laisse aux Etats

membres le choix de la forme et des moyens pour atteindre ce résultat. Selon

l’article 43 du traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994 révisé le 29 janvier 2003,

« les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ». Elle doit

être transposée dans un délai déterminé par la directive elle-même. En pratique,

le degré de précision de la directive quant aux objectifs à atteindre déterminera

la marge de manœuvre dont les Etats disposent pour la transposer121. La

directive est un droit dérivé du traité qui est le droit primaire.

En cohérence avec ces textes l’UEMOA, la CEDEAO a adopté des Actes

additionnels au traité.

La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest a été créée à Lagos

(Nigéria) le 28 mai 1975 par un traité signé par 15 pays.

Elle regroupe tous les pays de l’Afrique de l’Ouest dont 8 d’expression

française en plus du Nigeria, du Cap-Vert, de la Gambie, du Ghana, de la

Guinée, du Libéria et de la Sierra Léone. Elle vise à promouvoir le

120 Antoine Masson Droit communautaire : Droit institutionnel et droit matériel, théorie, exercices et éléments

de méthodologie, Bruxelles, éditions Larcier 2008, p. 54. 121 CJCE, 26 octobre 1982, Hauptzollamt Mainz contre C.A Kupferberg et Cie KG, affaire 104/81 recueil 364.

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développement dans les domaines de l’activité économique, à abolir à cette fin,

les restrictions au commerce, à supprimer les obstacles à la libre circulation des

personnes, des services et des biens, à l’harmonisation des politiques

sectorielles régionales.

Pour toutes ces raisons, la 31ème session ordinaire de la Conférence des Chefs

d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO (Ouagadougou, le 19 janvier

2007)122 a adopté sous la forme de six Actes Additionnels, les textes juridiques

relatifs à la mise en place d’un marché commun des TIC dans cet espace

d’intégration économique.

Ces Actes Additionnels sont les suivants :

Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et

du cadre réglementaire des secteurs des Technologies de l’Information et

de la Communication (TIC).

Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des

réseaux et services du secteur des TIC.

122 Ont participé et signé les Actes Additionnels à la réunion du 19 janvier 2007 d’Ouagadougou, Son

Excellence Thomas BONI YAYI, Président de la République du Benin ; Son Excellence Blaise COMPAORE,

Président du Conseil des Ministres Président du Burkina Faso ; Son Excellence Laurent BAGBO, Président de

la République de Côte d’Ivoire ; Son Excellence John A. COUFUOR Président de la République du Ghana ;

Son Excellence Madame SIDIBE Fatoumata KABA , Ministre de la Coopération Internationale pour et par ordre

du Président de la République de Guinée ; Son Excellence Joao Bernardo VIEIRA, Président de la République

de Guinée Bissau ; Son Excellence Ellen JOHNSON-SIRLEAF, Président de la République de Libéria ; Son

Excellence TOUMANI TOURE, Président de la République du Mali ; Son Excellence Mamadou TANDIAN,

Président de la République du Niger ; Son Excellence OLUSEGUN OBASANJO, Président Commandant en

Chef des Forces Armées de la République Fédérale du Nigéria ; Son Excellence Abdoulaye WADE, Président

de la République du Sénégal ; Son Excellence Mohamed DARAMY, Ministre du Plan et du Développement ,

pour et par ordre du Président de la République de Sierra Léone ; Son Excellence Faure Essozimna

GNASSIGBE, Président de la République Togolaise.

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Acte Additionnel A/SA 3/01/07 relatif au régime juridique applicable aux

opérateurs et fournisseurs de services.

Acte Additionnel A/SA 4/01/07 relatif à la gestion du plan de

numérotation.

Acte Additionnel A/SA 5/01/07 relatif à la gestion du spectre de

fréquences radioélectriques.

Acte Additionnel A/SA 6/01/07 relatif à l’accès universel/service

universel.

Ces six Actes Additionnels sont pris en application de l’Article 33 du

Traité CEDEAO qui prévoit que les Etats membres s’engagent dans le domaine

des Télécommunications à développer, moderniser, coordonner et normaliser les

réseaux nationaux de Télécommunications pour permettre une interconnexion

fiable entre les Etats membres et coordonner leurs efforts en vue de mobiliser les

ressources financières au niveau national et international par la participation du

secteur privé dans la prestation des services de Télécommunications.

Conformément à l’Article 12 du protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant

amendement du traité révisé de la CEDEAO, ces Actes Additionnels sont

directement applicables par les Etats membres123. En effet, l’Acte Additionnel

n’est qu’une modification du traité.

Pour se conformer à ce nouveau cadre juridique communautaire des

télécommunications, le Sénégal a adopté une nouvelle loi sur les

télécommunications qui abroge et remplace la loi 2001-15.

123 Cependant, il faut noter que les Actes Additionnels de la conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO à

Ouagadougou comportent des dispositions qui accordent aux Etats membres un délai de deux ans pour adapter le

droit national à ces Actes Additionnels. Voir l’article 17 de l’Acte Additionnel A SA/ 5/01/07 relatif à la gestion

du spectre des fréquences radioélectriques, l’article 30 de l’Acte Additionnel A SA/02/01/07 relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, l’article 19 de l’Acte Additionnel A SA/01/01/07

relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et

de la communication.

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C’est ainsi que nous trouvons intéressant d’analyser la régulation des

télécommunications au Sénégal.

PROBLEMATIQUE

Selon le Secrétaire général de l’UIT, l 'Afrique a accompli des « progrès

incroyables en matière de développement des TIC », avec un taux de pénétration

de la téléphonie cellulaire atteignant 44% dans plusieurs pays124, alors qu’il était

de 15% en 2006. Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique a besoin

d’instrumentaliser les technologies de l’information et de la communication

pour relever les défis du développement. Dès lors, nous comprenons aisément

que la régulation des télécommunications au Sénégal doit permettre la

réalisation d’un marché concurrentiel et partant un développement économique

et social.

C’est pourquoi nous voulons démontrer à travers cette thèse que la

régulation des télécommunications au Sénégal doit être, d’une part,

indépendante et convergente.

D’autre part, nous voulons démontrer qu’une régulation ex ante et ex

post de l’interconnexion efficace, constitue le principal défi de l’organe de

régulation, surtout dans un environnement convergent.

C’est ainsi que l’étude d’un tel sujet présente plusieurs enjeux.

Le premier enjeu est lié à la gouvernance institutionnelle et politique

au Sénégal, avec notamment la gestion du service public d'un secteur

d'infrastructures. Et à ce niveau, la régulation démontre la capacité de l'Etat à

affirmer sa neutralité par rapport au marché. Selon certains auteurs, la légitimé

politique de l’Etat régulateur résulte de sa capacité à élaborer des compromis 124Balancing Act « Dernières Nouvelles »-, édition Française, 19 novembre 2010, n° 146.

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institutionnalisés sur des bases conjuguant principe d’efficacité économique et

valeur de justice sociale125.

Dans ce courant, l'option est de déléguer la gestion du secteur aux acteurs et

techniciens par le biais d'institutions autonomes, au-dessus des intérêts

partisans126. C’est ce qui a fait dire à Jacques Chevallier que :

Le développement des autorités de régulation peut être conçu comme l’indice

d’un désengagement de l’Etat qui, renonçant à agir sur les structures, voire à se

substituer aux agents économiques, fait appel à des experts derrière lesquels il

s’efface pour assurer le respect de certaines règles du jeu, ou bien, au contraire,

comme la manifestation d’une emprise plus subtile d’un Etat qui, s’avançant

masqué, s’assure la maîtrise de nouveaux leviers d’intervention 127.

Le second enjeu est la gouvernance économique du secteur des

télécommunications au Sénégal, plus particulièrement celle du marché. Les

secteurs (eau, télécoms, transports,...) soumis à régulation sont généralement

ceux qui sont essentiels et fondamentaux pour le bien-être des populations.

Ces secteurs, par le biais des privatisations et des déréglementations sont

maintenant ouverts à la concurrence et aux privés. Ce qui suppose la mise en 125 EL AOUFI Noureddine, « Théorie de la régulation : la perspective oubliée du développement » in Revue de

la régulation : institution, régulation, et développement n°6 du 2ème semestre 2009 page 9. (www.revues.org;

http ; //regulation.revues.org. Page consultée le 15 janvier 2010). 126 Selon certains auteurs, en transférant la compétence de régulation à des structures indépendantes, les

politiques se lient les mains, permettant ainsi d’augmenter la crédibilité et la perspective temporelle de l’action

de régulation. Voir GILARDI F., Policy Credibility and delegation to Independ Regulatory Agencies: a

Comparative Empirical analysis”, in Journal of European Public Policy, vol. 9. n° 6, 2002, pp.873 à 893.

127 J. Chevallier, Les autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés, Paris, Justices

1995-1, Justice et économie, p. 86.

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place d’une régulation favorable à l’attraction des investissements128. Or, le

marché n'est pas forcément synonyme de service public. L'objet de la régulation,

dont la principale contrainte est relative à l'autorité des organes, est justement de

les concilier par une articulation alliant équité et efficacité.

Le troisième enjeu est lié au modèle de régulation approprié au

Sénégal. En effet, il existe un débat doctrinal sur les deux approches de la

régulation à savoir la régulation ex post et la régulation ex ante.

La régulation ex post consiste à minimiser l’intervention du régulateur et à

privilégier la liberté contractuelle en amont entre les opérateurs. Selon les

tenants de cette approche, beaucoup d’interventions du régulateur et des

directives très détaillées peuvent provoquer des charges injustifiées. Ils

supposent que les détails financiers, techniques et opérationnels des accords

d’interconnexion pouvaient être complexes et estiment aussi que les opérateurs

historiques et les nouveaux venus sur le marché avaient, en général, une

meilleure connaissance de ces questions que les régulateurs. C’est pourquoi ils

considèrent qu’au fur et à mesure que les marchés deviennent plus matures et

concurrentiels, les règles ex ante apparaissent de moins en moins justifiées129.

Par contre, la régulation ex ante est une intervention a priori du régulateur

pour anticiper les problèmes et spécifier les droits et les obligations des acteurs

en détail. Selon les partisans de cette approche, l’élaboration des règles

particulières à l’interconnexion pourrait faciliter les négociations entre les

128 C’est en ce sens que la concurrence régulatrice permet à l’investisseur d’apprécier entre plusieurs systèmes

de régulation appliqués dans bon nombre de pays pour identifier ceux qui répondent plus à ses attentes avant

d’investir. Ce qui pousse les Etats à adopter des normes juridiques efficaces, garantissant la sécurité des

investissements et la rentabilité économique afin d’attirer les capitaux. Voir à ce propos Ségolène Barbou Des

Places « Contribution (s) du modèle de concurrence régulatrice à l’analyse des modes et niveaux de régulation »,

in Revue française d’administration publique, 2004/1 n°109, pp. 37 à 47. 129 Janet Hermandes, LEZA Daniel et Kari Ballot-Lena, TMG, « La réglementation des TIC dans l’économie

numérique » in Tendances des réformes dans les télécommunications : favoriser le monde numérique de

demain, Genève, UIT 2011, p. 101.

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opérateurs. Ce dernier enjeu est d’une importance capitale. En ce sens que

l’efficacité de la régulation dépend essentiellement du modèle appliqué.

Une régulation efficace est un préalable pour maintenir la croissance dans

le secteur des télécommunications et par conséquent atteindre les Objectifs du

millénaire pour le développement. Il est de notoriété publique que l’ouverture de

la concurrence dans ce secteur anciennement monopolistique, et dont les

investissements en matière d’infrastructures sont lourds, passe

indispensablement par l’interconnexion des réseaux de télécommunications.

Dans la déclaration de principe du Sommet mondial sur la société de

l’information, les acteurs ont retenu que « l’accès universel, ubiquitaire,

équitable et financièrement abordables aux infrastructures et aux TIC, constitue

l’un des défis de la société de l’information et devrait être l’un des objectifs de

tous ceux qui participent à son édification ».130 Pour cela, les participants à ce

Sommet mondial sont d’avis qu’ « il faut créer les conditions favorables de

stabilité, de prévisibilité et d’équité dans la concurrence ». Dans le secteur des

télécommunications, la régulation de l’interconnexion conditionne fortement

l’environnement concurrentiel.

Par ailleurs, la cible 8 des Objectifs du millénaire pour le développement

est : « en coopération avec le secteur privé et mettre les avantages des nouvelles

technologies, en particulier des nouvelles technologies de l’information et des

communications, à la portée de tous »131.

130 Annie Chéneau-Loquay, Le Sommet mondial sur La société de l’information et après, Bruxelles 2007,

Chap. 11 pp. 216-238. 131 Rapport d’un groupe de réflexion sur le retard pris dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le

développement Résultat du partenariat mondial pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le

développement (http://www.un.org. Page consultée le 20 mars 2009).

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Mieux, ces nouvelles technologies constituent un levier essentiel pour

soutenir et accompagner l’atteinte de tous les autres Objectifs du millénaire pour

le développement d’ici à 2015. En effet, en septembre 2000, lors du Sommet du

Millénaire des Nations unies, la communauté internationale s’est entendue sur

un certain nombre d’objectifs et de cibles mesurables devant être atteints dans

des délais déterminés afin de combattre la pauvreté, la faim, la maladie,

l’analphabétisme, la dégradation de l’environnement et la discrimination à

l’égard des femmes. Les Etats membres ont pris l’engagement concret de centrer

leur attention, en particulier, sur les domaines du commerce, de l’aide publique

au développement, de la dette extérieure, des médicaments essentiels et de la

technologie. Selon Monsieur Banki Moon, Secrétaire général des Nations unies,

« il reste beaucoup à faire pour améliorer l’accès aux technologies clés qui sont

essentielles pour développer la productivité, soutenir la croissance économique

et améliorer la prestation des services dans des domaines comme la santé et

l’éducation.»132

Compte tenu de ces enjeux multiples, il convient de se poser la question de

savoir :

Quelle est la régulation adaptée dans un contexte de convergence des

technologies de l’information et de la communication au Sénégal, à l’heure

de l’intégration juridique communautaire ?

La réponse à cette question passe par le traitement d’autres questions préalables

telles que :

- le cadre institutionnel actuel est-il adapté à la régulation à l’heure de la

convergence ?

132 Rapport du groupe de réflexion sur le retard pris dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le

développement, 2008, Résultat du Partenariat mondial pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le

développement (http://www.un.org. Page consultée le 20 mars 2009).

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- le cadre normatif actuel est-il adapté à la régulation à l’heure de la

convergence ?

- quels sont les correctifs institutionnels et normatifs nécessaires pour adapter

la régulation à la convergence ?

V/ OBJECTIFS

L’analyse de la régulation des télécommunications au Sénégal intervient

dans un contexte où un nouveau code de celles-ci, en vue d’adapter la

régulation aux exigences de l’intégration juridique dans le domaine, est adopté.

Par conséquent, l’objectif principal est d’étudier ce nouveau code des

télécommunications à l’étalon du droit communautaire. Considérant que

l’essentiel des pays membres de la sous-région présente quasiment les mêmes

réalités juridiques, sociales et économiques, une bonne étude du modèle

sénégalais pourrait contribuer à faciliter les processus de transposition dans les

autres pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO.

Le second objectif est de rendre compte, en tant que praticien de la

régulation, d’une jeune expérience dans un pays en voie de développement. De

cette reddition de compte, nous espérons bénéficier de la lumière académique

dans un secteur économiquement caractérisé par une évolution technologique

constante.

De cette pratique, nous avons compris que les principaux défis du régulateur

pour développer la concurrence sont d’adapter son environnement institutionnel

à la convergence et de réussir une interconnexion efficace des réseaux de

télécommunications. Aujourd’hui, l’essentiel des contentieux qui sont soumis au

traitement du régulateur relève de l’interconnexion. C’est pourquoi ce travail

nous permettra, par une analyse de la régulation de l’interconnexion dans les

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autres pays du monde, de proposer des solutions au traitement du contentieux de

l’interconnexion au Sénégal.

Le troisième objectif est pédagogique. En effet, l’université africaine est

caractérisée par des mutations tendant vers une plus grande prise en charges des

attentes de l’entreprise. Donc loin de nous, la prétention de nous mettre sur le

même piédestal des « prétendants à la doctrine ». En revanche, il s’agit de

proposer des pistes d’amélioration afin de provoquer l’appétit de la doctrine

africaine dans un secteur des télécommunications qui est déjà convergent avec

d’autres.

VI/ METHODOLOGIE

L’examen de ce sujet exige une bonne connaissance de l’environnement des

télécommunications. Pour cela, trois moyens sont mis à notre disposition, à

savoir la formation, le « benckmarking » et la recherche documentaire.

S’agissant du premier moyen, outre notre Master en Droit de la régulation

obtenu à l’Université Cheikh Anta DIOP133, nous avons participé à un séminaire

de formation en droit communautaire à l’Institut de droit communautaire

d’Abidjan pour une meilleure compréhension de l’environnement juridique

communautaire. De même, nous avons poursuivi une formation de Master en

gestion des télécommunications à l’Ecole multinationale des

télécommunications134 en vue de mieux connaître l’environnement des

télécommunications. C’est dans cette même logique que nous avons aussi 133 Nous sommes membres de la première promotion du Master II en droit de la régulation de l’Université

Cheikh Anta DIOP de Dakar dont le Directeur de cette Thèse est fondateur. 134 L’Ecole Multinationale des Télécommunications de Dakar est un Centre d’Excellence de l’UIT qui offre des

formations dans le domaine des télécommunications.

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participé à plusieurs séminaires aux niveaux national et international, portant sur

les nouveaux défis de la régulation.

Pour faciliter notre accès à la documentation anglo-saxonne, nous avons

suivi des sessions de formation au british Council135.

Concernant le second moyen, notre position de travail professionnel nous a

permis de faire du « benchmark » dans plusieurs pays du monde. De même,

nous avons l’avantage, d’une part, de participer à l’essentiel des réunions des

ministres et des régulateurs portant sur la transposition des normes

communautaires de l’UEMOA et de la CEDEAO. D’autre part, notre qualité de

rapporteur au sein de la « Commission d’étude 1 », qui travaille sur la

réglementation des NGN, nous a permis de découvrir les pratiques

réglementaires dans plusieurs pays du monde.

Et pour le troisième, nous avons pu constater l’insuffisance de la doctrine

nationale sur la question136. Cependant, notre position de travail professionnel

nous a permis d’échanger directement avec le Ministre en charge des

Télécommunications du Sénégal137, la Présidente du Collège de régulation, le

Ministre Conseiller juridique du Président de la République, le Directeur général

de l’ARTP, le Fondateur du forum africain de la régulation, Premier Président

135 British Council est un centre culturel rattaché à l’Ambassade de Grande Bretagne à Dakar, qui offre entre

autres une formation de communication en anglais. 136En effet, en dehors de la thèse du Docteur Isaac CISSOKO intitulée Contribution à la compréhension du

concept de régulation, thèse en droit privé soutenue en 2008, nous n’avons constaté que des publications de

forum ou d’articles d’universitaires sur le sujet. 137 Nous remercions Monsieur Moustapha GUIRASSY, Ministre en charge des Télécommunications ayant porté

le code des télécommunications de 2011, pour sa disponibilité à échanger avec nous sur l’environnement

juridique des télécommunications du Sénégal.

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du Conseil de régulation138 et d’autres acteurs du secteur. De même, nous avons

eu l’avantage de participer à toutes les étapes de validation du code des

télécommunications de 2011. Ce qui nous a permis, par ailleurs, d’accéder à des

documents inédits en plus de la doctrine sur la question.

Pour mettre en synergie ces connaissances dans le cadre de cette thèse, nous

avons utilisé l’analyse substantielle à la suite du professeur Gérard FARJAT139 .

Elle se distingue de l’analyse formelle qui enferme la pratique juridique dans le

cadre formel du droit positif140. L’analyse substantielle envisage « l’ensemble

de la réalité sociale sans d’autres apriorismes juridiques que les éléments

irréductibles du droit. Cette recherche doit être menée chaque fois qu’un

divorce apparaît au sein d’une catégorie juridique. L’analyse substantielle doit

être menée jusqu’au point où une nouvelle cohérence est établie, soit par une

correction des catégories juridiques formelles, soit par l’établissement d’une

nouvelle catégorie substantielle, même si cette catégorie n’est pas « reconnue

par le droit »141.

En effet, la régulation des télécommunications est à la lisière du droit, de

l’économie, du management, de la sociologie et de la technologie. L’utilisation

de l’analyse substantielle nous permettra de confronter le droit aux faits

technologiques, sociaux et économiques dans le secteur des télécommunications.

C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons proposé dans cette thèse un

glossaire des termes pour permettre au lecteur de connaître la signification des

termes techniques, économiques et juridiques utilisés dans ce travail.

138 Le Professeur Abdoulaye SAKHO, Directeur de cette thèse est le fondateur du Forum Africain de la

régulation et Premier Président du Conseil de Régulation du Sénégal. Il a participé, en qualité d’expert de l’UIT,

à l’élaboration des Actes Additionnels de la CEDEAO. De même, il a accompagné, toujours en qualité d’expert,

le Sénégal et le Burkina Faso dans la transposition de ces Actes Additionnels. 139 Gérard Farjat, Droit économique, Paris, Presse universitaire de France 2ème édition 1982, p. 732. 140 Gérard Farjat, op.cit, p. 731. 141 Gérard Farjat, ibid., p. 734.

Mis en forme : Police :(Par défaut)+Corps, 10 pt, Anglais (États-Unis)

Mis en forme : Anglais (États-Unis)

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Pour compléter l’analyse substantielle, nous avons saisi la perche

méthodologique tendue par le Professeur Mireille Delmas Marty dans son

célèbre ouvrage « Les grands systèmes de politique criminelle »142 . Cette

méthodologie consiste à identifier le modèle et ses mouvements afin d’apprécier

la cohérence interne et externe des normes. Dans ce sillage, l’examen du modèle

institutionnel sera effectué avec la méthode SWOT « analysis »143. La

méthodologie SWOT a été éprouvée dans la rédaction juridique par le

Professeur Mireille Delmas Marty à travers le flou du droit144.

Elle permettra d’une part, d’observer les forces et les faiblesses du cadre

national de la régulation, et d’autre part, d’étudier les menaces de

l’environnement international et les opportunités. Ce qui nous permettra dans la

stratégie d’amélioration du modèle de régulation, d’utiliser les forces afin de

corriger les faiblesses et profiter des opportunités pour neutraliser les menaces.

VII/ PLAN

Ces méthodes permettent d’apprécier la cohérence interne et externe de la

régulation au Sénégal pour l’élaboration d’un modèle, conforme au droit

communautaire, et qui s’aligne aux meilleures pratiques de régulation au niveau

mondial.

142M. Delmas-Marty, Les grands systèmes de politique criminelle , Paris, PUF, 1992. 143 Le modèle stratégique SWOT analysis, connu aussi sous le nom LCAG, faisant référence aux professeurs qui

l’ont élaboré à savoir Learned, Christensen, Andrews et Guth, est un modèle de synthèse de diagnostic

stratégique parce qu’il consiste à évaluer les forces et les faiblesses de l’institution d’une part et de déterminer

les opportunités et les menaces propres à l’environnement d’autre part. Voir l’ouvrage collectif de Gerry

Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington et Frédéric Frery Stratégique, Paris, 7ème édition Pearson

Education France 2005, p. 125. 144 M. Delmas-Marty, Le flou du droit, Paris, PUF, 1986.

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Donc, l’utilisation complémentaire de ces méthodes devrait nous conduire

à proposer un modèle de régulation des télécommunications au Sénégal

approprié pour soutenir la croissance et accompagner le développement

économique et social.

C’est en ce sens que sera étudié le cadre juridique qui permet l’activité de

régulation (première partie) avant de proposer une stratégie d’amélioration de

cette régulation au Sénégal (deuxième partie).

PREMIERE PARTIE :

L’EXISTENCE D’UN CADRE JURIDIQUE PERMETTANT

L’ACTIVITE DE REGULATION

L’étude du cadre juridique de la régulation des télécommunications au

Sénégal nous amènera à connaître l’environnement institutionnel et normatif de

la régulation d’une part et à identifier le modèle de régulation mis en place au

Sénégal, d’autre part.

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Ainsi, il sera examiné le cadre normatif et institutionnel de la régulation des

télécommunications prévu par le code des télécommunications (Titre I). De

cette étude, il sera aisé d’analyser les activités des télécommunications au

Sénégal (Titre II).

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TITRE PREMIER :

LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION

L’étude du cadre normatif et institutionnel permettra de connaître les forces

et les faiblesses du cadre juridique de la régulation des télécommunications au

Sénégal. Mais aussi, elle permettra d’en apprécier les opportunités et les

menaces compte tenu des mutations au niveau international.

Le cadre normatif (chapitre premier) et le cadre institutionnel (chapitre II)

prévus par le code des télécommunications de 2011 retiendront notre attention.

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CHAPITRE PREMIER :

LE CADRE NORMATIF DE LA REGULATION AU SENEGAL

La régulation des télécommunications au Sénégal obéit aux règles de droit

dont les sources sont multiples (section I). Elle doit aussi se conformer à

certains principes généraux pour son efficacité (section II).

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SECTION I

DES SOURCES NORMATIVES DE LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS

Le droit applicable à la régulation des télécommunications a deux sources

principales. Le Sénégal, en sa qualité de membre d’organismes internationaux et

communautaires, est assujetti à des normes juridiques supranationales

(paragraphe I). Ces dernières peuvent être d’application immédiate ou faire

l’objet de transposition à travers des normes juridiques nationales (paragraphe

II).

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PARAGRAPHE I :

Des normes juridiques supranationales de la régulation des

télécommunications

Le Sénégal, en tant que membre de certains organismes internationaux, est

assujetti aux normes secrétées par ces institutions (A). De même, à l’heure des

grands ensembles, il est membre des organisations sous-régionales. A ce titre, il

se doit d’appliquer le droit communautaire (B).

A. Des normes juridiques internationales applicables à la

régulation des télécommunications au Sénégal

Les sources du droit international sont variées145.Les normes internationales

peuvent procéder des traités internationaux par lesquels les Etats s’engagent à

observer des dispositions convenues. Ce sont là les normes conventionnelles du

droit international146. Mais elles peuvent aussi résulter de la coutume, c'est-à-

dire d’usages acceptés comme étant de droit. Il s’agit alors de normes dites

coutumières du droit international.

De même, les institutions internationales ont désormais également un rôle

normatif. C’est pourquoi le droit international n’est pas seulement relationnel, il

est aussi partiellement institutionnel. C’est dans ce cadre qu’il faut aussi inscrire

les sources jurisprudentielles du droit international. Les juridictions d’arbitrages

ont contribué à la formulation des règles coutumières en précisant leur 145L’article 38 du statut de la Cour internationale de justice (celles-ci étant un organe des Nations unies, presque

tous les Etats en font partie) propose un recensement non exclusif : les conventions internationales, la coutume

internationale, les principes généraux de droit « reconnus par les nations civilisées, les décisions judiciaires et la

doctrine des publicistes les plus qualifiés. 146 Thierry. H « Les relations internationales et le droit », in Droit international public, Paris, éditions

Montchrestiens, 1981, p. 8.

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contenu147. Il n’existe pas de hiérarchie des sources du droit, nous pouvons juste

rappeler que la logique juridique exige que la règle postérieure l’emporte sur la

règle antérieure. Nous pouvons de ce fait, outre le principe que les normes

spéciales dérogent aux normes générales, dégager une subordination de ces

normes à celles du jus cogens, dont relève la « norme impérative du droit

international général ».

Selon l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « elle est

reconnue et acceptée par la communauté internationale des Etats dans son

ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui

ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général

ayant le même caractère. »148

Dans le cadre de cette étude, il ne sera traité que les deux principales sources du

droit international applicable au secteur des télécommunications. En ce sens que

les normes secrétées par les institutions communautaires et les meilleures

pratiques réglementaires s’inspirent de ces sources. Il s’agit notamment des

normes de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) (a) et de celles de

l’Union Internationale des Télécommunications (b).

1. Les normes de l’Organisation Mondiale du Commerce applicables à

la régulation des télécommunications au Sénégal

L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)149 est une organisation

internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce international entre

les pays. Au cœur de l'organisation se trouvent les accords de l'OMC, négociés

147 Voir CIJ arrêt du 27 aout 1952, l’affaire Droits des ressortissants américains au Maroc, 119. 148 Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969. 149 Elle signifie dans la langue anglaise World Trade Organization.

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et signés en avril 1994 à Marrakech par la majeure partie des puissances

commerciales du monde et ratifiés par leurs assemblées parlementaires150.

Les accords de l’OMC régissent les marchandises, les services et la propriété

intellectuelle. Ils énoncent les principes de la libéralisation et les exceptions

autorisées. Ils reproduisent les engagements pris par chaque pays pour réduire

les droits de douane et d’autres obstacles au commerce, et pour ouvrir et

maintenir ouverts les marchés de services. Ils définissent les procédures de

règlement des différends et prévoient un traitement spécial en faveur des pays en

développement. Ils font obligation aux gouvernements d’assurer la transparence

de leur politique commerciale en notifiant à l’OMC les lois en vigueur et les

mesures adoptées, parallèlement aux rapports périodiques établis par le

Secrétariat au sujet des politiques commerciales des pays151.

a. C’est ainsi qu’il faut inscrire les accords des télécommunications sous

l’égide de l’OMC. Le Sénégal a signé ces accords lors de la conclusion

des négociations de l’OMC sur les services de télécommunication de

base en 1997.152

Le système juridique de l’OMC comporte une réglementation détaillée sur les

télécommunications. Il y a l’Accord sur les Télécommunications, l’Accord sur

les Télécommunications de base et les engagements pris par les Etats membres

dans le cadre des négociations153.

150 « Les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce»

(http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm. Page consultée le 10 novembre 2010). 151 OMC « Comprendre l’OMC : les accords »,

(http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm1_f.htm. Page consultée le 12 février 2011) 152 Document de l’OMC, GATS/SC/75 Supplément 1. Il s’agit notamment de l’engagement à mettre fin au

monopole exclusif de la SONATEL sur la téléphonie fixe (appels locaux et de longue distance) le

31 décembre 2003 au plus tôt, et le 31 décembre 2006 au plus tard. 153 Selon la liste établie par le secrétaire du GATT, 12 grands secteurs sont visés : services fournis aux

entreprises ; services de Communication ; services de construction et services d’ingénierie ; services de

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Ces engagements ont été formalisés dans un document de référence qui traite de

la réglementation des pratiques concurrentielles, de la réglementation de

l’interconnexion, de la réglementation du service universel, de l’indépendance

des organes réglementaires et de la répartition et de l’utilisation des ressources

limitées. Ce document lie les Etats qui se sont engagés154.

Au cours du cycle de l’Uruguay Round, des engagements avaient été pris sur

les télécommunications, à valeur ajoutée155seulement. C’est entre 1994-1997

que les services de télécommunication de base ont fait l’objet de négociations

qui aboutirent à l’Accord sur les Télécommunications de base156.

b. Pour libéraliser, un pays membre établit une liste d’engagements

spécifiques et une liste d’exemptions. L’engagement spécifique

constitue une obligation, pour ce pays, à accorder l’accès aux marchés et

le traitement national sur une activité de service bien déterminée selon

les conditions et modalités indiquées dans la liste. Il fait partie

intégrante de l’AGCS157.

distribution ; services d’éducation ; services concernant l’environnement ; services financiers ; services de santé ;

services relatifs au tourisme et aux voyages ; services récréatifs ; culturels et sportifs ; services de transports ;

« autres services ». 154 Pour le respect des engagements du Sénégal, voir OMC « Examen des politiques commerciales : rapport du

Niger et du Sénégal », Genève, WT/TPR/223 du 07 octobre 2009.

(http://docsonline.wto.org/imrd/gen_searchResult. Page consultée le 12 février 2011). 155 Les services à valeur ajoutée sont des services dans le cadre auxquels les fournisseurs « ajoutent une valeur »

aux informations fournies par le client en améliorant leur forme ou leur contenu ou en prévoyant leur stockage et

leur recherche. http://www.wto.org/french (page consultée le 22 février 2009). 156 Ces accords sont à la base des réformes structurelles du secteur des télécommunications au moyen d’efforts

concertés pour supprimer les barrières à l’entrée de la concurrence. La nature des services ouverts à la

concurrence, et les différentes restrictions maintenues reflètent le type de réformes adoptées ou envisagées par

chaque gouvernement au moment des négociations. Voir info Dev, UIT, Les aspects juridiques et institutionnels

de la réglementation, Genève, module 6, kid d’aide sur la réglementation des TIC, p. 9, novembre 2006. 157 Marco C.F.J. Bronckers, « Droits des télécommunications : entre réglementation et régulation, les

télécommunications et l’Organisation mondiale du commerce », in Actualité juridique de Droit administratif du

20 mars 1997, p.. 268.

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Lorsqu’un pays prend un engagement spécifique, il promet de ne pas ajouter de

nouvelles mesures qui restreindraient l’entrée sur le marché ou le

fonctionnement du service. Nous disons ainsi que l’engagement est

« consolidé ».

Le retrait ou la modification d’un engagement spécifique pourrait entraîner,

en faveur des pays affectés, des mesures de compensation. Le gouvernement en

question pourra, toutefois, améliorer ou ajouter d’autres engagements.

Concrètement, les listes d’engagements sont présentées comme suit :

- en l’absence de limitation de l’accès aux marchés ou du traitement national

dans un secteur donné et pour un mode de fourniture donné, il est indiqué la

mention « NEANT »158 ;

- tous les engagements portés sur une liste sont consolidés sous réserve d’une

indication contraire. La mention « NON CONSOLIDE » signifie qu’un

membre manifeste son désir de demeurer libre d’introduire ou de se

maintenir dans un secteur donné et pour un mode de fourniture, des mesures

incompatibles avec l’accès aux marchés ou le traitement national ;

- dans tous les cas où la mention « NON CONSOLIDE » est accompagnée de

la note explicative indiquant « non consolidé parce que techniquement

impraticable », le mode de fourniture particulier n’est pas, techniquement,

possible ou applicable.

Les listes d’engagements sont des documents complexes contenant les secteurs

de services auxquels s’appliquent les obligations énoncées dans l’AGCS en

matière d’accès aux marchés et de traitement national, et les éventuelles

158 Mamadou Alhadji, SYLLA LY, Cathy Dieng Mar, SAWARE Alioune, NDIAYE Marie Suzanne Badji

Analyse des impacts de la libéralisation du commerce des services TIC au Sénégal, Dakar, Rapport sous la

supervision du Professeur Abdoulaye SAKHO et de Gaye DAFFE, publié par CRES et Institut Panos, Afrique

de l’Ouest en août 2010, p. 31.

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exceptions apportées auxdites obligations. Dans chaque cas, les engagements et

limitations sont indiqués pour chacun des quatre modes de fournitures de

services :

- les fournitures transfrontalières (mode 1) : ce mode vise les informations

envoyées par voie postale ou au moyen de communication électronique aux

consommateurs potentiels étrangers pour les amener à contracter

(enseignement en ligne);

- la consommation à l’étranger (mode 2) : il englobe les offres de services

destinés à des consommateurs étrangers qui se sont eux- mêmes déplacés

pour se les procurer ;

- la présence commerciale (mode 3) : ce sont des offres de services fournies

par une filiale ou une succursale d’une entreprise étrangère (services de la

filiale d’une entreprise étrangère) :

- la présence de personnes physiques (mode 4) : ce mode regroupe les

prestations de services fournies par le biais d’expatriés temporaires ou

permanents (faire venir des infirmiers d’un autre pays).

Contrairement aux listes des engagements spécifiques, celles des exemptions

sont simples. Elles concernent le traitement de la nation la plus favorisée. Sous

le cycle d’Uruguay, il avait, en effet, été admis que des mesures particulières

incompatibles avec la NPF159 pouvaient être maintenues pendant un délai d’un

an avec la possibilité d’un réexamen après cinq ans au plus. Après l’entrée en

vigueur de l’Accord de Marrakech, les demandes restent liées à la réunion d’un

certain nombre de renseignements de la part du pays présentateur.

c. En vertu de ces principes et obligations, le Sénégal a pris

successivement les 15 avril 1994, 11 avril 1997 et 26 février 1998, des

159 NPF signifie la clause de la nation la plus favorisée.

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engagements spécifiques portant sur les services d’architecture,

médicaux et dentaires, de location simple ou en crédit-bail de bateaux,

des télécommunications, de distribution, récréatifs, culturels et sportifs

(la pêche récréative), de transport et de finances160.

Conformément à ce qui précède, le Sénégal avait pris l’engagement

supplémentaire de mettre en place un cadre réglementaire approprié à

l’ouverture de la concurrence dans ce sous-secteur et d’octroyer des licences à

d’autres opérateurs, ce qui a été fait sous le Code des télécommunications

adopté en 2001.161 L’Autorité de régulation des télécommunications et des

postes (ARTP)162 gère les fréquences, attribue les licences aux opérateurs de

réseaux de télécommunications ouverts au public (en principe soumis à la

procédure de l’appel d’offres ouvert)163, fournit les agréments pour les

équipements radioélectriques (y compris les terminaux selon les normes de

l’UIT), arbitre les litiges, veille sur l’interconnexion équitable, et instruit les

plaintes des associations de consommateurs. Le régime de la déclaration régit les

fournisseurs des services à valeur ajoutée (y compris les fournisseurs d’accès à

l’Internet). Les tarifs aux consommateurs sont libres pour les (segments ouverts

à la concurrence), tandis que ceux qui relèvent du monopole sont soumis à

l’approbation; ceux qui sont fixés librement par les opérateurs sont

160Op.cit. 161 Loi N° 2001-15 du 27 décembre 2001. 162 Devenue l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) à partir de l’adoption du

Code des Postes en 2006 (Loi N° 2006-01 du 4 janvier 2006), et la révision du Code des télécommunications

(Loi N° 2006-02 du 4 janvier 2006). L’ARTP est alimentée par ses propres ressources constituées d’une partie

du montant payable à l’Etat pour l’obtention d’une licence et des redevances diverses liées aux régimes

d’autorisation et d’agrément. Son site (www.artp-senegal.org) propose des informations complètes sur les textes

législatifs et ceux à caractère réglementaire qu'elle a adoptés. Voir Journal Officiel de la République du Sénégal

n°6264 du Samedi 11 février 2006. 163Le régime de l’autorisation s’applique à l’installation et/ou l’exploitation de réseaux indépendants.

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communiqués pour information à l’ARTP. L’infrastructure fixe de la SONATEL

consiste en un réseau en fibre optique de 2.200 kilomètres reliant Dakar aux

principaux centres régionaux; celui-ci est relié aux réseaux internationaux par

deux câbles sous-marins (Atlantis II et Afrique-Europe-Asie SAT

3/WASC/SAFE) et par satellite. La boucle locale fixe est équipée pour fournir

les services d’accès à l’Internet haut débit de type ADSL. Le Sénégal dispose

d’une des bandes passantes Internet les plus importantes d’Afrique avec

9Gbit/s164.

Ainsi, la consécration de régime juridique favorisant la concurrence et

l’existence d’une bonne bande passante démontre l’effort du Sénégal vers la

conformité aux engagements pris dans le cadre de l’OMC. Qu’en est –il des

règles de l’Union Internationale des télécommunications ?

2. Les normes de l’Union internationale des télécommunications

applicables à la régulation des télécommunications au Sénégal

Le phénomène de la réglementation internationale des télécommunications

est très ancien. Il remonte à la Convention Télégraphique Internationale du 17

mai 1865 et se poursuit avec la création de l’Union Internationale des

Télécommunications (UIT) dont le siège est à Genève165. Créée sous le nom

d’Union télégraphique internationale, l’UIT a été rattachée en 1947 au système

des Nations unies dont elle est l’institution spécialisée dans le domaine des

télécommunications166. L’Union compte aujourd’hui 190 Etats membres et plus 164 Isabel Gross Obstacles et opportunités pour la démocratisation de l’Internet au Sénégal, Balancing

act/Google, 2012, p. 11. 165 « L’histoire de l’Union Internationale des Télécommunications », (http://www.itu.int/library/BIBAR_ITU-

NEWS_article-F.pdf. Page consultée le 10 novembre 2010). 166 Selon l’article 49 de la constitution de l’UIT, les relations entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union

internationale des télécommunications sont définies dans l’Accord conclu entre ces deux organisations. Par

ailleurs, afin d’aider à la réalisation d’une entière coordination internationale dans le domaine des

télécommunications, l’UIT collabore avec les organisations internationales qui ont des intérêts et des activités

connexes.

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de 590 membres de secteur représentant celui privé (opérateurs et industriels).

Elle compte également 110 associés.

L'UIT repose sur le principe de la coopération internationale entre le secteur

public et le secteur privé167. Elle représente une instance mondiale au sein de

laquelle les deux secteurs (public et privé) peuvent se réunir pour parvenir à un

consensus sur une grande diversité de questions, et sur les orientations futures

d'un secteur des télécommunications qui joue un rôle de plus en plus important.

Le texte fondateur de cette organisation, ainsi que ceux qui ont été adoptés par

la suite, constituent l’une des sources du droit international des

télécommunications du Sénégal168.

Le Sénégal a adhéré à l’UIT en 1960. En tant que membre ayant ratifié les

instruments fondamentaux de cette organisation, les normes juridiques de

l’Union lui sont applicables.

Ces normes sont constituées notamment par tous les instruments juridiques qui

ont valeur de traité, c’est-à-dire, d'une part, la Constitution et la Convention et

d'autre part, le Protocole facultatif, les Décisions, les Résolutions, les

Recommandations et les Règlements des télécommunications. Le protocole

167 Le préambule de la constitution de l’UIT précise que l’objet de l’UIT est de « faciliter les relations pacifiques

et la coopération internationale entre les peuples ainsi que le développement économique et social par le bon

fonctionnement des télécommunications » ; Voir Recueil des textes fondamentaux de l’Union internationale des

télécommunications adoptés par la conférence de plénipotentiaires, Genève, UIT édition 2011, p. 3. 168 Au sens de l’article 6 de la constitution de l’Union internationale des télécommunications, les Etats Membres

sont tenus de se conformer aux dispositions des instruments juridiques de l’Union notamment de la constitution,

de la Convention et des Règlements administratifs dans tous les bureaux et dans toutes les stations de

télécommunication établies ou exploitées par eux et qui assurent des services internationaux ou qui peuvent

causer des brouillages préjudiciables aux services de radiocommunication d’autres pays . Voir le Recueil des

textes fondamentaux de l’Union internationale des télécommunications adoptés par la Conférence des

plénipotentiaires., Genève UIT édition 2011, p. 9.

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facultatif, les décisions et les recommandations sont plutôt des instruments

internes à l’UIT. Par contre, la Constitution, la Convention et les Règlements

administratifs méritent que nous nous y attardions un peu.

a. La Constitution et la Convention de l’Union Internationale des

Télécommunications ont été signées le 22 décembre 1992 à Genève et

sont entrées en vigueur le 1er juillet 1994.

Depuis leur adoption, elles ont été amendées à plusieurs reprises par les

Conférences de plénipotentiaires169.

a.1 La Constitution de l’UIT :

La Constitution définit les secteurs suivants :

les radiocommunications ;

la normalisation des télécommunications ;

le développement des télécommunications.

Concernant ces trois points, la Constitution précise : la définition de

certains termes employés, le nombre de commissions d’étude à constituer, les

conférences mondiales à organiser, le droit du public applicable au service

international de télécommunication, les conditions d’arrêt ou de suspension des

télécommunications, les différentes responsabilités, l’obligation d’assurer le

169C’est l'organe suprême de l'UIT composé des délégations accréditées des Etats Membres et qui se réunit tous

les quatre ans.

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secret des télécommunications, la sécurité des installations des équipements de

télécommunication et de la vie humaine, etc.170.

La Constitution se prononce aussi sur :

les modalités de fonctionnement de l'Union (les fonctionnaires élus et le

personnel d’appui, les finances, la capacité juridique, le règlement

intérieur, etc.) ;

les relations avec l'ONU, les autres organisations internationales et les

Etats non membres.

L’autre instrument de l’UIT est la Convention.

a.2 La Convention de l’UIT

Le texte de la Convention se prononce sur171 :

les dispositions générales concernant les conférences et les assemblées ;

les conditions d'exploitation des services de télécommunication ;

les règles d’arbitrage et amendement ;

les finances et les responsabilités financières des conférences.

A la Convention, est annexée aussi une liste de définitions portant sur les

termes les plus usités.

170 UIT Recueil des textes fondamentaux de l’Union Internationale des Télécommunications adoptés par la

Conférence de plénipotentiaires, Genève, édition 2007, pp. 3 à 44. 171 UIT Recueil des textes fondamentaux de l’Union Internationale des Télécommunications adoptés par la

Conférence de plénipotentiaires, Genève, édition 2007, pp. 57 à 121.

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a.3 Les règlements administratifs (Règlement des radiocommunications et

Règlement des télécommunications internationales) qui complètent la

Constitution et la Convention.

Le Règlement des Radiocommunications vise à :

faciliter l'accès équitable aux ressources naturelles du spectre des

fréquences radioélectriques172, de l'orbite des satellites géostationnaires et

l'utilisation rationnelle de ces ressources;

assurer la mise à disposition et la protection contre les brouillages173

préjudiciables des fréquences utilisées à des fins de détresse et de sécurité;

aider à prévenir et à résoudre les cas de brouillage préjudiciable174 entre

les services radioélectriques des différentes administrations ;

faciliter l'exploitation efficace et efficiente de tous les services de

radiocommunication175;

172 C’est l’ensemble des ondes radioélectriques dont la fréquence est comprise dans les normes fixées par le

Code des télécommunications. 173 Le brouillage est l’effet sur la réception dans un système de radiocommunication, d’une énergie non désirée

due à une émission, à un rayonnement ou à une induction (ou à une combinaison de ces émissions, rayonnements

ou inductions), se manifestant par une dégradation de la qualité de transmission, ou une déformation ou une perte

d’information que l’on aurait pu extraire en l’absence de cette énergie non désirée. Voir l’article 1.166 du

Règlement des Radiocommunications, UIT édition 2008, page 23. 174 Le brouillage préjudiciable est celui qui compromet le fonctionnement d’un service de radionavigation ou

d’autres services de sécurité ou qui dégrade sérieusement, interrompt de manière répétée ou empêche le

fonctionnement d’un service de radiocommunication utilisé conformément au Règlement des

radiocommunications. Voir article 1.169 du Règlement des radiocommunications éditions UIT 2008, p. 23. 175 Le Règlement des radiocommunications précise dans son préambule que, lors de l’utilisation de bandes de

fréquences pour les radiocommunications, les Membres tiennent compte du fait que les fréquences et l’orbite des

satellites géostationnaires sont des ressources naturelles limitées. Elles doivent être utilisées de manière

rationnelle, efficace et économique, conformément aux dispositions du Règlement des radiocommunications afin

qu’elles soient équitablement accessibles aux différents pays, ou groupes de pays, compte tenu, surtout, des

besoins spéciaux des pays en développement et de leur situation géographique.

Voir le Règlement des radiocommunications, Genève, édition UIT 2008, p. 3.

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prendre en compte, et si nécessaire, réglementer les nouvelles applications

des techniques de radiocommunication.

L'UIT est donc responsable de la réglementation, de la normalisation, de la

coordination et du développement des télécommunications internationales ainsi

que de l'harmonisation des politiques nationales. C’est un organe incontournable

en matière de réglementation des télécommunications.

B. Des sources communautaires de la régulation

Les systèmes normatifs de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’OHADA sont

d’essence supranationale.

La supranationalité relève du pouvoir externe des OIG et notamment, de la

capacité donnée à ces dernières de soumettre ou plutôt de lier les Etats par leurs

décisions parce que ces derniers dans la charte constitutive ont délégué à l’OIG,

elle même, certaines de leurs prérogatives souveraines pour la réalisation des

fonctions qui lui sont assignées. La supranationalité a un caractère fonctionnel.

Elle doit être analysée comme une capacité, nullement un pouvoir propre des

OIG d’intégration.

La supranationalité signifie dans son essence un système institutionnel et

normatif qui permet de privilégier le bien commun, c’est-à-dire celui de la

communauté par rapport aux intérêts nationaux des Etats membres. Elle est

susceptible de se manifester dans le processus décisionnel qui attribue un rôle

éminent à une institution purement communautaire. Cette supranationalité

s’observe dans le pouvoir d’édicter des normes communautaires ou régionales

qui sont immédiatement applicables et ont des effets directs. En outre la

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supériorité des normes communautaires sur les règles juridiques nationales,

antérieures mais surtout postérieures, est clairement affirmée176.

La Cour de Luxembourg a aussi défini la supranationalité en considérant que

les caractères originaux du droit communautaire le différencient du droit

international d’une double manière :

Parce que, pouvant être le résultat de décisions prises non à l’unanimité, mais à

une majorité même qualifiée, il revêt un caractère supranational ; parce que,

ayant vocation à être immédiatement et directement applicable dans l’ordre

juridique de chaque Etat membre, il revêt alors un caractère transnational177.

La supranationalité consiste donc en l’existence d’un système institutionnel

autonome permettant de privilégier le bien commun par rapport aux intérêts

nationaux et capable d’édicter des normes qui, non seulement s’imposent aux

Etats, mais aussi régissent directement la situation juridique des particuliers.

Il ressort de ces définitions que la notion de supranationalité repose sur trois

critères fondamentaux :

1. le critère du mode décisionnel : la majorité ;

2. le critère du mode de relation entre ordres juridiques : applicabilité

immédiate et effet direct ;

176Pierre Meyer, « Les conflits de juridictions dans l’espace OHADA, UEMOA, CEDEAO » in Sensibilisation

au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou, 6 – 10 octobre 2003,

p.177.

177François Terre, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 5e éd., 2000, n° 189.

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3. le critère du rang du droit communautaire : la primauté

Cette supranationalité, dans l’UEMOA, tout comme dans la CEDEAO, est

manifeste tant au regard des conditions d’insertion du droit communautaire dans

l’ordonnancement juridique des Etats membres que du degré d’effet juridique

que peuvent produire ces différentes normes communautaires. De ce point de

vue, la primauté du droit de ces trois organisations se vérifie avec la

consécration par leurs traités respectifs du principe d’applicabilité directe. Ce

principe trouve à s’affirmer dans le régime juridique des Actes des trois

organisations, respectivement aux articles 9, 43 et 10 des Traités de la

CEDEAO, de l’UEMOA et de l’OHADA, dont les dispositions mettent en

évidence les différents effets juridiques que peuvent produire ces différents

Actes. En la matière, il convient de souligner que le souci d’élaborer un droit

uniforme de substitution est plus explicite dans l’OHADA178que dans la

CEDEAO et l’UEMOA. Dans ces dernières, la substitution se déduit plus de la

nature des objectifs en cause179 que du type de norme prévu pour leur

réalisation180. L’effet direct est affirmé dans les trois organisations d’intégration.

Il en est ainsi du règlement de la CEDEAO181, du règlement de l’UEMOA182 et

des Actes uniformes de l’OHADA183.

178Article 5 du Traité de l’O.H.A.D.A 179Le fondement de l’applicabilité directe des normes communautaires, CEDEAO et U.E.M.O.A, se trouve en

premier lieu, dans les dispositions des articles 3 du Traité CEDEAO et 4 du Traité UEMOA. En décidant de

créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des

services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariale,

sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune (articles 3 d CEDEAO 4 c UEMOA), les

Etats ont entendu reconnaître le principe de l’applicabilité directe puisque la logique inhérente au marché

commun destine ses règles à s’adresser directement aux particuliers. 180Le système d’articulation des rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux, prévu par le Traité,

privilégie deux modes de relation : l’harmonisation et la substitution. L’harmonisation avec la directive, la

substitution avec le règlement. 181 Article 9 nouveau §.4. 182Article 43 al.1er. 183Article 10.

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L’affirmation de la primauté du droit communautaire signifie qu’en

présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle

constitutionnelle légale, réglementaire ou administrative de son propre droit, le

juge national doit faire prévaloir le droit communautaire sur le droit national, en

appliquant le premier et en écartant le second. Cette caractéristique vaut pour

l’ensemble des règles obligatoires du droit communautaire sur les règles du droit

interne.

C’est d’ailleurs la position de la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis

n° 001/2003 du 18 mars 2003184 dans lequel il affirme :

La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme

dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes

les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et, même,

constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans

son intégralité sur les ordres juridiques nationaux.

Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national

incompatible avec une norme de droit communautaire qui répond aux

engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être valablement opposée à celle-ci.

Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme communautaire

sur la norme interne.

Ainsi le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit

communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier

sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre.185

Cette affirmation jurisprudentielle doublée de l’affirmation formelle, inscrite

dans les articles 6186 et 10187des Traités de Dakar et de Port Louis, confirme 184 Inédit. 185 Alioune Sall, op.cit.pp. 173 à 179. Selon le Professeur Alioune SALL, cette jurisprudence est une reprise

d’une jurisprudence constante de la Cour européenne.

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l’adoption du postulat moniste pour résoudre le problème de l’intégration du

droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La solution est non

équivoque : le droit d’essence communautaire prime sur le droit interne des

Etats membres.

C’est pourquoi les normes juridiques adoptées par l’UEMOA et la CEDEAO en

matière de télécommunications méritent une attention particulière.

L’UEMOA et la CEDEAO ont adopté des normes juridiques

communautaires. La première a adopté des directives, tandis que la seconde a

adopté des Actes Additionnels.

Les directives de l’UEMOA188 invitent les Etats membres à mettre en œuvre un

programme d’actions communes dans le domaine des télécommunications

s’articulant autour :

du développement des télécommunications, par la libéralisation du

secteur, la création d’un cadre favorable à la participation du secteur privé 186 « Les Actes, arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et

conformément aux règles de procédure instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre

nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». 187« Les Actes uniformes sont directement applicables dans les Etats Parties nonobstant toute disposition

contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». 188 Les Ministres des Télécommunications et des Technologies de l’Information et de la Communication des

Etats membre de l’UEMOA ont approuvé les directives relatives à l’harmonisation des cadres législatifs et

réglementaires concernant les télécommunications, le 2 décembre 2005. Cette réunion a eu lieu en présence

d’observateurs de la CEDEAO, de la BCEAO, de la BOAD et de l’Union Internationale des

Télécommunications (UIT). Cette décision est une première étape décisive du processus d’intégration juridique

dans le domaine des télécommunications engagé sur l’impulsion du Président de la commission de l‘UEMOA,

Monsieur Soumaila CISSE, du Président Abdou DIOUF, Secrétaire Général de la Francophonie, mandaté sur ce

sujet par les Chefs d’Etat lors du Sommet de la Francophonie de novembre 2004 à Ouagadougou , du Président

Abdoulaye WADE en sa qualité de promoteur de la solidarité numérique et du Président de l’Association

UNIDA, Monsieur Kéba MBAYE. ; Voir www.cipaco.org. Page consultée le 27 septembre 2011).

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et la mise en place d’un mécanisme de financement pour l’accès au

service universel ;

de la convergence des politiques sectorielles nationales, par

l’harmonisation des cadres législatifs et réglementaires nationaux avec, à

terme, l’élaboration d’une réglementation communautaire ainsi que la

création d’une base de données communautaires ;

l’amélioration des télécommunications et la promotion des NTIC, par la

modernisation des liaisons inter-états pour améliorer l’interconnexion au

sein de l’espace communautaire, la promotion des NTIC par la mise en

place d’infrastructures de base appropriées, et le soutien au

développement d’une industrie de télécommunication ;

le développement des ressources humaines, par la sauvegarde et

l’adaptation des structures de formation ;

l’adaptation du cadre institutionnel, par la création d’un comité des

régulateurs nationaux chargés des télécommunications des Etats membres

et la mise en place d’une structure de concertation entre les opérateurs et

les fournisseurs de services de télécommunication.

Placé sous la responsabilité d’un Commissaire, le volet télécommunication

relève du Département de l'Aménagement du Territoire Communautaire, des

Infrastructures, des Transports et des Télécommunications. A cet effet, le

Conseil des Ministres sectoriel en charge des Télécommunications a adopté six

directives le 23 mars 2006 à Abidjan.189

Ces directives prévoient ce qui suit :

Les Etats membres prennent toutes les dispositions pour adapter leurs

dispositions législatives et réglementaires nationales sectorielles, à la présente

189 Op.cit.

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Directive, deux (02) ans au plus tard après sa date d’entrée en vigueur. Ils en

informent immédiatement la Commission.190

Quelques années plus tard, la CEDEAO a adopté des Actes Additionnels.

Depuis le Protocole Additionnel A/SP 1/06/07 portant amendement du Traité

révisé de la CEDEAO, la transformation du Secrétariat en Commission a été

accompagnée de l’adoption d’un nouveau régime pour les Actes de la

communauté qui sont désormais dénommés « Actes Additionnels, Règlements,

Directives, Décisions, Recommandations et Avis ». Dès la lecture de ces Actes

Additionnels, nous nous rendons compte que l’exigence de la transposition de la

réglementation communautaire des TIC provient de cette réglementation elle-

même191. En effet, chacun des six Actes Additionnels contient dans ses

dispositions finales192, un article intitulé délai de transposition et qui fait

obligation aux Etats membres de prendre toutes leurs dispositions pour adapter

leurs droits nationaux sectoriels aux Actes additionnels dans les deux ans de leur

entrée en vigueur193. D’après le Protocole Additionnel portant amendement du

Traité révisé, les Actes Additionnels sont ceux pris par la Conférence, qui

complètent le Traité et qui y sont annexés194. Ces Actes Additionnels s’adressent

aux Etats membres et aux Institutions de la Communauté, sous réserve des

dispositions de l’Article 15 du Traité.

En tant qu’Acte annexé au Traité, le complétant et pris par la Conférence

des Chefs d’Etat et de Gouvernement, l’Acte additionnel peut, à certains égards, 190 Voir article 18.2 de la Directive n°02/2006/CM/UEMOA/ relative à l’harmonisation des régimes applicables

aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services ; article 18.2 de la Directive n°3/2006/CM/UEMOA

relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications. 191 Voir Abdoulaye Sakho Rapport sur la transposition des Actes Additionnels de la CEDEAO en droit interne

du Burkina Faso, Burkina Faso, Janvier 2008, p. 3, document inédit. 192 Voir par exemple l’article 30 de l’Acte Additionnel A/SA 02/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des

réseaux et services du secteur des TIC. 193 Cela signifie que la transposition devait être effective pour les Directives de l’UEMOA, au plus tard en avril

2008 et pour les Actes Additionnels de la CEDEAO, au plus tard en février 2009. 194 L’article 9 du Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du traité de la CEDEAO.

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être considéré comme relevant du « droit primaire », de l’intégration

économique.

Mais, le droit primaire est en principe soumis au régime des actes

conventionnels du droit international public195. Ce qui suppose que ces actes ont

besoin, pour leur application dans le territoire des Etats membres, d’une

procédure spéciale de ratification et de réception. Or, c’est pour accélérer le

processus d’intégration que la CEDEAO a adopté un nouveau régime des Actes

communautaires qui permet de contourner les procédures de paralysie ou de

retard dans l’entrée en vigueur des textes communautaires196. En conséquence,

l’Acte Additionnel peut être détaché, de ce point de vue, du « droit primaire » et

se rapprocher du « droit dérivé ».

L’Acte Additionnel se rapproche également du « droit dérivé » par son

application immédiate et directe dans les Etats membres. Il n’est pas nécessaire

de passer par une procédure de ratification ou un parlement quelconque pour sa

réception dans le droit interne197.

C’est ce qui fait dire à Maître Salifou Dembélé que : « L’U.E.M.O.A et la

C.E.D.E.A.O ont opté pour des textes plus souples qui nécessitent encore

l’intervention des Etats membres pour assurer leur effectivité à travers

l’obligation de transposition dans l’ordre juridique des Etats membres. »198

195 Le traité qui constitue le droit primaire est défini comme suit par la convention de Vienne du 23 mai 1969 : «

L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit

international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et

quelle que soit sa dénomination particulière. ». Le principe Pacta sunt servanda détermine l’autorité particulière

du traité. En effet, les traités sont faits pour être respectés par les parties. 196 Professeur Abdoulaye Sakho, Op.cit. 197 Voir les explications de Florence Guthfreund-Roland, partenaire du cabinet Simmons, qui explique la mise

en place progressive des lois communautaires et la situation réglementaire en Afrique de l’Ouest et du Centre. In

Magazine Réseau Telecom Network N° 51. 198Salifou Dembélé Cour de droit pour la formation d’ingénieur de télécommunication et de régulation,

Formation BADGE Télécoms, Télécom Paris, Ouagadougou 2012, p. 40.

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Dès lors, nous comprenons aisément l’obligation qui pèse sur le Sénégal

d’adapter ces textes aux cadres communautaires et internationaux et d’informer

les organes compétents.

Sur le plan économique, la mutation dynamique des technologies influe

considérablement sur les économies de réseaux. Ce qui impose des règles

adaptées à la libéralisation économique et à la protection des droits du

consommateur. Sur cet aspect, les règles communautaires ont proposé des

solutions. Par ailleurs, la création d’un marché commun dans l’espace

communautaire et la prise en compte de la convergence des technologies forcent

les pays à rendre plus souple leur réglementation et à favoriser une ouverture

accrue du secteur pour permettre à leurs populations et à leurs industries d’en

tirer le maximum de profit199.

L’ensemble de ces normes juridiques supranationales appelle à une cohérence

avec les normes nationales.

Le BADGE est le Brevet d’Aptitude Délivré par les Grandes Ecoles sur la régulation des Télécommunications.

C’est une formation organisée par le Forum des régulateurs francophones, et l’Ecole Télécom Paris pour

renforcer les capacités des organes de régulation des pays francophones. L’Autorité de Régulation des

Communications Electroniques et des Postes du Burkina Faso a accueilli la formation en 2012. Nous avons

l’avantage d’être membre de la promotion de 2012. 199 Voir Raphaël Koffi « Harmonisation du secteur des télécoms/TIC dans l’espace CEDEAO », Addis Abeba,

présentation à la réunion du projet de lancement du projet HIPSSA, les 11 et 12 décembre 2008.

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PARAGRAPHE II :

Des normes juridiques nationales de la régulation des télécommunications

La constitution du Sénégal, dans ses articles 8 et 13, accorde une valeur

suprême à l’accès aux services de télécommunication.

Tout d’abord, l’article 8 garantit à tous les citoyens la liberté d’expression

qui se réalise essentiellement à travers les supports de télécommunication.

Ensuite, l’article 13 stipule expressément comme droits inviolables du citoyen le

secret des correspondances, des communications postales, télégraphiques et

téléphoniques. En application de ces dispositions, des normes législatives et

réglementaires sont adoptées.

Certaines sont applicables à la régulation ex ante (1), d’autres sont relatives à la

régulation ex post (2).

1. Normes juridiques relatives à la régulation ex ante

La régulation ex ante consiste à mettre en place le cadre normatif dans

lequel les acteurs doivent évoluer. Cette catégorie de normes concerne souvent

la régulation de l’accès et de la dominance.

La régulation de l’accès apparaît comme « un appareillage juridico-

économique » utilisé pour construire un secteur et maintenir en son sein des

équilibres. La régulation de l’accès consiste à utiliser des moyens pour faire

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advenir une concurrence effective lorsque la simple abolition des droits

exclusifs, naguère conférés à des monopoles, ne suffit pas200.

Tandis que la régulation de la dominance peut consister à appliquer des

principes tendant à promouvoir la concurrence, comme le droit d’accès aux

facilités essentielles201.

Elles déterminent les conditions d’accès aux marchés et les obligations

permettant de créer ou de renforcer la concurrence.

a. Concernant la régulation de l’accès202, le code des télécommunications du

Sénégal a consacré trois régimes juridiques à savoir le régime de la licence, le

régime de l’autorisation et le régime de la déclaration.

Aux termes de l’article 20 du nouveau code des télécommunications203 du

Sénégal :

Les réseaux et services de télécommunications sont soumis, dans les conditions

définies par le présent code et ses textes d'application, à l'un des régimes

suivants :

- le régime de la licence ;

- le régime de l'autorisation ;

- le régime de la déclaration.

200 Voir l’analyse de Marie-Anne Frison « Les nouveaux champs de régulation », in Revue français

d’administration publique, 2004/01 n°109, pp. 53 à 63. 201P. Areeda « Essential facilities: an epithet in need of limiting principles », in Antitrust Law Journal, vol.108,

n°448, mai 1999, pp.545-564. 202 Nous avons emprunté cette classification à Monsieur Bruno Lasserre, Président de l’Autorité de concurrence

de la France lors de sa communication au Forum de la régulation en 2008 à l’UCAD. 203 Journal Officiel de la République du Sénégal, n° 6576 du lundi 14mars 2011.

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Dans le nouveau code des télécommunications, tout réseau ou service de

télécommunication ne relevant pas des régimes juridiques prévus par l’article 20

est libre.

Aux termes de l’article 23 du nouveau code des télécommunications :

L’établissement et l’exploitation de réseaux ou services de télécommunications

ouverts aux publics, faisant appel à des ressources rares ou empruntant le

domaine public, sont subordonnés à l’obtention d’une licence délivrée par

décret portant approbation d’une convention de concession et d’un cahier de

charges.

Il découle de ces dispositions que l’exploitation ou l’établissement d’un

réseau de télécommunication ouvert au public est soumis à la licence. Cette

licence est attribuée par décret portant approbation d’une convention de

concession et d’un cahier des charges. Les obligations de cahier des charges sont

constituées du respect des conditions d’établissement et d’exploitation d’un

réseau de télécommunication prévu dans le code. C’est dans ce cahier des

charges que sont prévus les obligations et les droits attachés à la licence.

L’attribution de la licence est faite à la suite d’une procédure d’adjudication.

A côté de la licence, le droit sénégalais des télécommunications prévoit

l’autorisation.

L’autorisation est le régime juridique applicable aux réseaux indépendants.

Selon l’article 29 du nouveau code des télécommunications du Sénégal :

Sont soumis à autorisation l'établissement et l'exploitation de réseaux

indépendants. Un réseau indépendant ne peut être connecté au réseau public

qu'en un seul point sauf autorisation de l’Autorité de régulation.

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Il convient de préciser que le réseau indépendant est différent d’un réseau

ouvert au public.

L’article 3 du code des télécommunications du Sénégal qualifie comme

réseau indépendant un réseau de télécommunication réservé à un usage privé ou

partagé. Un réseau indépendant est appelé à usage privé lorsqu’il est réservé à

l’usage de la personne physique ou morale qui l’établit et à usage partagé,

lorsqu’il est réservé à l’usage de plusieurs personnes physiques ou morales

constituées en un ou plusieurs groupes fermés d’utilisateurs, en vue d’échanger

des communications internes au sein d’un même groupe.

Par contre, le réseau public est l’ensemble des réseaux de

télécommunications établis ou utilisés par une entreprise de télécommunication

pour les besoins du public.

Le troisième régime prévu par le code sénégalais des télécommunications

est la déclaration. Ce régime concerne les services à valeur ajoutée (SVA).

L’article 3 du code considère comme SVA tous les services de

télécommunication qui n’étant pas des services de diffusion et utilisant des

services de supports ou les services de télécommunication finals, ajoutent

d’autres services au service support ou répondent à de nouveaux besoins

spécifiques de télécommunication.

L’exploitation des services à valeur ajoutée est soumise à une simple

déclaration.

Les appareils de faible puissance peuvent être exploités librement sous réserve

du respect des limites prévues par l’Autorité de régulation.

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Contrairement au code de 2001, le nouveau code des télécommunications

n’énumère pas l’agrément parmi les régimes juridiques. Au sens de l’article 35

du nouveau code des télécommunications :

Les équipements terminaux sont fournis librement, sans agrément préalable.

A l’exception des installations radioélectriques des opérateurs titulaires de

licence, l'agrément des équipements est exigé dans tous les cas pour les

installations radioélectriques, qu'elles soient destinées ou non à être connectées

à un réseau de télécommunication ouvert au public.

L'agrément doit être notifié dans un délai ne dépassant pas les deux mois à

compter de la réception de la demande complète. Tout refus d'agrément doit

être motivé.

Contrairement au code des télécommunications de 2001 qui soumet les

équipements terminaux destinés à être connecté à un réseau public à l’agrément,

le nouveau code des télécommunications les soumet à la liberté. Cette

innovation vise un souci d’efficacité et d’effectivité de la norme. Dans les faits,

nombreux sont les Sénégalais qui disposent de terminaux sans agrément. Par

ailleurs, la volonté du Sénégal de démocratiser l’accès à la téléphonie mobile

s’accommode difficilement à la soumission des terminaux à l’agrément.

Aux termes de l’article 2 du décret 2003-64 du 17 février 2003204 relatif aux

fréquences et bandes de fréquences radioélectriques, aux appareils

radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, l’agrément est :

Une procédure par laquelle un organisme public reconnaît qu’un type de

matériel a subi avec succès une série de tests démontrant sa conformité aux

204 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6088 numéro spécial du lundi 17 février 2003.

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règlements ou normes de fonctionnement, tant sur le plan technique que sur le

plan de la sécurité, et qui autorise le branchement de celui-ci au réseau public.

L’article 35 du nouveau code des télécommunications du Sénégal soumet à

l’agrément les équipements radios électriques indifféremment de leur destination

ou non à être connectés à un réseau de télécommunication ouvert au public. De

même l’activité d’importation, de mise en vente de ces équipements

radioélectriques est soumise à l’agrément.

Il apparaît à travers ce qui précède que le droit sénégalais des

télécommunications est caractérisé par la neutralité technologique.

Selon Maître Eric A. Caprioli, c’est un concept

selon lequel aucune discrimination ne devait être faite entre les diverses

techniques susceptibles d’être utilisées pour créer, communiquer ou stocker

électroniquement l’information.

Concept que l’on trouve en droit des télécoms avec la convergence et en

droit des données à caractère personnel où sont visés les traitements

automatisés et non automatisés.205

Sous cet angle, le code sénégalais des télécommunications est conforme au

cadre supranational. L’Acte Additionnel A/SA 3/01/07/ relatif au régime

juridique applicable aux opérateurs et fournisseurs de services prévoit en son

article 5 que les Etats parties « veillent à promouvoir la neutralité technologique

et des services.»

205 ERIC A. Caprioli « Que veut dire la neutralité technologique ?, du concept au principe généraux de droit »,

Acte du séminaire de « droit du commerce électronique : un droit différent », QUEBEC, 2 octobre 2008,

(www.gautrais.com/IMG/ppt/SeminaireQuebec_Pres021008.ppt .Page consultée le 24 octobre 2011).

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De même, les trois niveaux d’intervention réglementaire pour l’entrée sur

le marché des TIC recommandés par l’Acte additionnel précité sont la licence,

l’autorisation et l’entrée libre. Ces trois régimes constituent les modes d’accès

sur le marché sénégalais des télécommunications en plus de la déclaration.

En plus de ces régimes, le droit sénégalais a consacré des facilités

essentielles pour réduire les barrières à l’entrée.

S’agissant de la régulation de la dominance206, le code des

télécommunications met à la charge de l’opérateur dominant certaines

obligations. Selon l’article 3 du code des télécommunications :

Est présumé exercer une telle influence tout opérateur qui détient une part

supérieure à 25% du marché des télécommunications. Il peut être tenu compte

également du chiffre d’affaires de l’opérateur par rapport à la taille du marché,

de son contrôle des moyens d’accès à l’utilisateur final, de son accès aux

ressources financières et de son expérience dans la fourniture de produits et de

services de télécommunication.

206Le concept de domination s’est imposé dans la littérature économique à partir d’un article de François

Perroux («Esquisse d’une théorie de l’économie dominante». Réagissant contre les conceptions

classiques, qui culminent dans l’œuvre de Wilfredo Pareto, d’une économie «pure» où toutes les relations

s’effectuent entre unités de force égale (qu’il s’agisse d’individus, de firmes ou de nations), l’auteur

entendait remettre au centre de l’analyse économique des données et des éléments jusque-là considérés

comme extra-économiques. Puisque la réalité est, en fait, un «ensemble de rapports patents ou dissimulés

entre dominants et dominés», ce sont ces rapports qu’il faut saisir comme tels. L’application du concept

de domination à l’étude des firmes et des groupes sociaux est une façon de renouveler la théorie des

monopoles et oligopoles. Sur le plan des relations internationales, nous pouvons également considérer

qu’elle est une façon de renouveler la théorie de l’impérialisme et du colonialisme. Voir Perroy Henry in

« Encyclopédie Universalis, »1997, T.7, p.620. Voir aussi PERROUX François « Esquisse d’une théorie

de l’économie dominante » in Economie appliquée, n°2-3. 1948 ; Voir aussi Abdoulaye Sakho. Op.cit.

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Les obligations qui pèsent sur l’opérateur en position dominante sont souvent

des facilités essentielles.

Pour Madame Isabelle CROCO, « une facilité est essentielle si sa duplication

est raisonnablement impossible et si sans cette facilité les concurrents ne

peuvent pas accéder au marché et concurrencer l’opérateur historique »207.

Le concept de facilité essentielle a pour origine l’arrêt de la Cour Suprême

des Etats-Unis rendu en 1912 à l’encontre de Terminal Railroad Association of

Saint-Louis. Si le terme n’est pas utilisé explicitement, le concept est bien

présent dans l’analyse de la Cour. Dans cette affaire, un groupe de compagnies

de chemin de fer, qui contrôlait les ponts et les gares de triage d’accès à Saint-

Louis208, empêche les compagnies concurrentes de desservir Saint-Louis. La

Cour, en application du Sherman Act209, estimant qu’il s’agissait d’une

restriction illégale au commerce et d’une tentative de monopolisation du

marché, imposa au groupe de compagnies propriétaires du terminal Railroad

d’en ouvrir l’accès à leurs concurrents.210

Donc, dans la conception américaine, l’objectif est d’éviter autant que possible

les abus de position dominante dans les industries caractérisées par des

« goulots d’étranglement »211.

207 Isabel Croco, Régulation et Réglementation dans les Télécommunications, Paris Economica, p. 109. 208 Saint-Louis est une ville américaine. 209 Selon le Sherman Act, les firmes qui obtiennent une position dominante non du fait de leurs mérites, mais par

pratiques anticoncurrentielles doivent être sanctionnées. Voir Cour de Laurent Gille, Les régimes de

l’interconnexion, Ouagadougou, Formation BADGE TELECOMS 2012. 210 Voir l’article De Lipsky A.B et Sidak J.G (1999), « Essential facilities », Stanford Law Review, vol. 51, mai,

pp. 1187-1248. 211Tye W.B, « Competitive access: a comparative industry approach to the essential facility doctrine », in Energy

Law Journal, vol.8, 1987.

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Au Sénégal, les facilités essentielles ont été introduites comme des leviers

de la concurrence. Il n’est pour s’en convaincre que de visiter la problématique

de l’interconnexion. L’article 48 du nouveau code des télécommunications du

Sénégal pose le principe de la liberté contractuelle dans le domaine de

l’interconnexion. Il stipule que :

L’interconnexion fait l'objet d'une convention de droit privé, appelée

convention d’interconnexion, entre les deux parties concernées. Cette

convention détermine, dans le respect des dispositions législatives et

réglementaires applicables, les conditions techniques et financières de

l'interconnexion. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation dès sa

signature.

L’interconnexion est définie par l’article 3 du code des télécommunications

du Sénégal comme étant les prestations réciproques, offertes par deux

exploitants de réseaux ouverts au public, ou les prestations, offertes par un

exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au

public, qui permettent à l’ensemble des utilisateurs de communiquer librement

entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les

services. Le décret prévoit certains critères de l’application de la théorie des

facilités essentielles :

- l’obligation pèse sur l’opérateur ayant une puissance significative sur le

marché. L’article 3 du code des télécommunications définit l’opérateur

qui a une puissance significative sur un marché pertinent (opérateur

puissant) comme suit :

Une entreprise est considérée comme disposant d'une puissance significative

sur un marché pertinent si, individuellement ou conjointement avec d'autres,

elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c'est-

à-dire qu'elle est en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable,

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de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de

compte, des consommateurs ;

- l’obligation d’interconnexion sous réserve de la faisabilité technique.

L’article 47 du nouveau code des télécommunications prévoit que :

Les opérateurs font droits, dans des conditions objectives, transparentes et non

discriminatoires, aux demandes d’interconnexion des autres opérateurs.

La demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est raisonnable au

regard des besoins du demandeur et des capacités de l’opérateur à la satisfaire.

Tout refus d’interconnexion est motivé et notifié au demandeur et à l’Autorité de

régulation.

Cette intervention ex ante de la régulation est complétée par une intervention

ex post pour garantir le droit d’accès à l’interconnexion.

Les investissements que requiert la construction d’infrastructures de

télécommunication sont lourds et difficilement supportables par le nouvel

entrant. Alors qu’il n’est pas souvent dans l’intérêt de l’opérateur historique ou

existant de s’interconnecter avec son concurrent. Ce qui rend éventuel le refus

d’interconnexion ou l’offre d’interconnexion à des coûts exorbitants. De telles

pratiques constituent une barrière à l’entrée, d’où la nécessité de qualifier

l’obligation d’interconnexion comme étant une facilité essentielle. C’est

pourquoi le nouveau code des télécommunications, à l’instar du décret 2005-

1183 du 06 décembre 2005 relatif à l’interconnexion des réseaux de

télécommunications ouverts au public, adopte une intervention ex ante dans le

domaine de l’interconnexion. Il pose le principe du caractère obligatoire de

l’interconnexion.

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L’article 3 du décret 2005-1183 du 06 décembre 2005 dispose que :

Les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public en situation

de position dominante font droit, dans des conditions objectives transparentes et

non discriminatoires, aux demandes d’interconnexion émanant des titulaires de

licences d’exploitation de réseaux publics de télécommunications ainsi que des

fournisseurs de services de télécommunications .

Le régulateur, pour garantir ce droit d’accès, prévoit des obligations

asymétriques à la charge de l’opérateur ayant une puissance significative sur le

marché. Aux termes de l’article 14 du nouveau code des télécommunications :

Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché

pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière

d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :

1) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,

notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée

d'interconnexion ou d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre

d’interconnexion peut être modifiée au cours de la période de validité

d’un catalogue sous réserve que tous les exploitants puissent bénéficier

également de la modification. Toutefois, les modifications doivent être

approuvées préalablement par l’Autorité de régulation.

L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la modification

du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les conditions de

concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de

télécommunications ne sont pas garanties.

Elle peut également décider d’ajouter ou de supprimer des prestations

inscrites au catalogue pour mettre en œuvre les principes d’orientation

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des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou pour mieux satisfaire les

besoins de la communauté des exploitants et fournisseurs de services de

télécommunications ;

2) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions

non discriminatoires ;

3) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau

ou à des moyens qui y sont associés ;

4) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;

5) isoler, sur le plan comptable, certaines activités en matière

d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des

activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au

titre du présent article ; le respect de ces prescriptions est vérifié, aux

frais de l'opérateur, par un organisme indépendant désigné par l'Autorité

de régulation.

Ces dispositions permettent entre autres de vérifier si les coûts

d’interconnexion ne constituent pas une barrière à l’entrée. Cette obligation

bénéficie avec le nouveau code des télécommunications, d’une valeur

législative.

Mieux, l’article 49 du code prévoit que :

Les opérateurs puissants sont tenus de publier annuellement une offre

technique et tarifaire d’interconnexion appelée catalogue d’interconnexion qui

inclut un catalogue de prix ainsi que les prestations techniques offertes.

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L’offre doit contenir au minimum les prestations suivantes :

- les services d'acheminement du trafic commuté (terminaison et initiation

des appels);

- les liaisons louées;

- les liaisons d’interconnexion ;

- les services complémentaires et modalités d'exécution de ces services ;

- la description de l'ensemble des points d’interconnexion et des conditions

d'accès à ces points, pour fin de co-localisation physique ;

- la description complète des interfaces d'interconnexion proposées et

notamment le protocole de signalisation et éventuellement les méthodes de

chiffrement utilisés pour ces interfaces ;

- le cas échéant, les conditions techniques et tarifaires de la sélection du

transporteur et de la portabilité des numéros.

La présentation du catalogue est prévue au plus tard le 30 avril de l’année

en cours. Il est fondé sur l’analyse des résultats comptables au 31 décembre de

l’exercice précédent. L’ARTP dispose d’un délai de quarante-cinq jours

calendaires pour l’approuver ou demander des amendements. Cependant, il faut

noter que des retards sont récurrents dans le processus d’approbation du

catalogue d’interconnexion au préjudice de la concurrence. En France, l’ART

qui est aujourd’hui l’ARCEP fait ce constat dans son rapport de 2002 en ces

termes :

Il faut souligner les inconvénients du mécanisme actuel d’approbation du

catalogue d’interconnexion de France Télécom : il s’agit d’abord d’un

mécanisme qui donnait davantage l’initiative à l’opérateur historique qu’à

l’Autorité. Il en résulte un processus de négociation qui conduit à une

approbation du catalogue en général trop tardive par rapport aux attentes du

marché. Par ailleurs, afin que les opérateurs puissent effectivement disposer

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d’une offre dans les délais raisonnables, l’Autorité est conduite à approuver un

document qui n’est pas pleinement satisfaisant, et à compléter certains points

par la suite. 212

Par ailleurs, cette soumission du catalogue à l’approbation permet de

contrôler si les tarifs prévus sont orientés vers les coûts. En ce sens que les

tarifs d’interconnexion et de location de capacité doivent être établis dans le

respect du principe d’orientation vers les coûts. La consécration de l’obligation

d’interconnexion vise à empêcher l’établissement de barrières à l’entrée de

nouveaux acteurs. Ce qui est conforme aux engagements internationaux du

Sénégal. Les accords des télécommunications de base de l’OMC prévoient que

l’interconnexion doit se faire à tout point du territoire national si sa faisabilité

technique est établie.

Dans l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion

des réseaux et services du secteur des TIC, il transparaît ce même souhait

d’instaurer un cadre concurrentiel. L’article 4 de l’Acte dispose que les Etats

membres veillent à ce que la réglementation nationale de l’interconnexion et de

l’accès respecte les principes de la libre et loyale concurrence. A cet effet, elle

doit favoriser l’élimination des barrières à l’entrée de nouveaux opérateurs sur le

marché. Il met à la charge des opérateurs de réseaux de télécommunications

ouverts au public l’obligation de faire droit dans des conditions objectives,

transparentes et non discriminatoires, aux demandes d’interconnexion des autres

opérateurs de réseaux publics dûment autorisés. De même, l’article 7 de l’Acte

prévoit que la demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est

raisonnable au regard des besoins du demandeur d’une part, et des capacités de

l’opérateur à la satisfaire, d’autre part.

212 Extrait de la synthèse de l’ART de France devenu l’ARCEP, sur l’adaptation de la régulation, adapter la

régulation au nouveau contexte du marché des télécommunications, Paris, juillet 2002.

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Cette même obligation d’interconnexion est consacrée à travers la directive

n°2/2005/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des réseaux et services de

télécommunications. Selon l’article 3 de la directive, « les opérateurs de

réseaux de télécommunications ouverts au public sont tenus d’interconnecter

leurs réseaux avec les réseaux ouverts au public techniquement

compatibles »213. Dans la même logique, le décret prévoit le respect du principe

de la transparence, de l’obligation de non-discrimination et l’objectivité des

conditions d’accès à l’interconnexion.

A côté de ces normes relatives à la régulation ex ante, le droit sénégalais

des télécommunications a prévu des normes relatives à la régulation ex post,

adaptées au cadre communautaire.

2. Normes juridiques relatives à la régulation ex post

Les normes relatives à la régulation ex post sont celles relatives aux

comportements des acteurs du marché des télécommunications. Dans l’activité

de fourniture de services de télécommunication, les opérateurs sont tenus de

respecter certains principes dont la non-discrimination, la transparence, la

concurrence saine et loyale et l’égalité de traitement des usagers.

L’article 6 prévoit que l’accès des usagers aux réseaux des opérateurs de

télécommunication ouverts au public doit être assuré dans des conditions

objectives, transparentes et non discriminatoires.

Le respect de la concurrence saine et loyale est contrôlé par le régulateur.

En effet, la concurrence a un but essentiellement économique qui peut

213 Les directives de l’UEMOA sur les télécommunications sont disponibles sur le site officiel de l’UEMOA

(www.uemoa.int. Page consultée le 15 juin 2009).

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synthétiquement s’analyser à trois niveaux. Au premier, se trouve l’existence

d’un marché donné où la concurrence serait un facteur de baisse des prix et

d’augmentation de la qualité des produits ou des prestations.

Au deuxième, la concurrence aurait une mission plus large consistant à

assurer le fonctionnement de l’économie ; ce qui s’étendrait à un rôle de

maintien des équilibres.

Enfin, au troisième niveau, est perceptible la fonction d’impact ou

d’influence sur les autres secteurs dont l’effet est le renouvellement des outils

économiques par l’innovation. C’est pourquoi le droit de la concurrence ne

sanctionne les comportements déloyaux que lorsqu’ils perturbent le libre jeu de

la concurrence214. C’est ainsi qu’il interdit aux exploitants de réseaux de

télécommunications ouverts au public des pratiques anticoncurrentielles215 telles

que :

- les subventions croisées à caractère anticoncurrentiel;

- l’utilisation des renseignements obtenus auprès de concurrents à des fins de

concurrence déloyale216 ;

- le refus de mettre à la disposition des autres exploitants autorisés, en temps

opportun, les renseignements techniques sur les installations essentielles et

les renseignements commerciaux pertinents qui leur sont nécessaires pour la

fourniture des services ;

- les mesures en matière d’exploitation de réseau pouvant porter atteinte à la

qualité du service des réseaux concurrents ;

- l’abus de position dominante217.

214 L. Boy, « L'ordre concurrentiel : essai de définition d'un concept », in L'ordre concurrentiel, Ed. Frison-Roche, 2003, 23. 215 Toutes les pratiques anticoncurrentielles prévues par la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des

télécommunications sont aussi sanctionnées par le Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002.

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La violation de ces principes est constatée et sanctionnée par le régulateur

des télécommunications. En cas de pratiques anticoncurrentielles dans le

secteur des télécommunications, l’ARTP rend une décision sur la réalité de

ces pratiques.

De ce qui précède, il est aisé de retenir globalement que le cadre

institutionnel et normatif de la régulation, prévu en droit sénégalais des

télécommunications, est conforme au droit communautaire.

217 La notion d’ « abus de position dominante » a été introduite dans le Droit français le 2 juillet 1963. Selon

l’article L 420-2 a 1 du code de commerce, « Est prohibée, dans les conditions prévues par l’article L. 420-1,

l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché

intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en

ventes liées ou en conditions de ventes discriminatoires… ».

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SECTION II

DES PRINCIPES GOUVERNANT LA REGULATION AU SENEGAL

La régulation concilie les intérêts privés et l’intérêt général. C’est en ce sens

que certains principes visent à protéger la concurrence (paragraphe I) tandis que

d’autres protègent le service public (paragraphe II).

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PARAGRAPHE PREMIER :

Des principes protecteurs visant à protéger la concurrence

La Constitution du Sénégal en son article 8 pose le principe de la liberté

concurrentielle. Dans ce sillage, la loi sénégalaise n°94-63 du 22 août 1994218

sur les prix, la concurrence et le contentieux économique, prévoit en son article

2 que : « Les prix des biens, produits et services, sont librement déterminés par

le jeu de la concurrence».

En son article 23, la loi sénégalaise sur la concurrence oblige tous les opérateurs

économiques à respecter le jeu de la concurrence sous peine de sanction.

En France, les décisions du Conseil de la concurrence et les arrêts des

juridictions permettent de recevoir quelques indications à cet égard. L’autorité

française, en outre, dans ses rapports annuels, a eu l’occasion de préciser le rôle

économique du processus concurrentiel ainsi que les conditions dans lesquelles

ce processus peut agir219.

Le Conseil français de la concurrence a rappelé qu’une situation de concurrence

se caractérisait essentiellement par trois principes220. Il est admis qu’une atteinte

à la concurrence résulte :

218 Journal Officiel de la République du Sénégal du 27 août 1994. 219 Selon Monsieur Bruno Lasserre, Président de l’Autorité de la concurrence de la France, la régulation

concurrentielle implique une politique d’orientation des comportements, de pédagogie, de prévention, de

surveillance de marché, de détection des cas d’infraction à la règle et enfin des sanctions. Voir l’éditorial

Autorité de la Concurrence, Rapport annuel 2010, l’Autorité de la Concurrence de la France ;

www.autoritedelaconcurrence.fr (Page consultée le 27 mai 2011). 220 Nations Unies Manuel sur la mise en application des règles de la concurrence, Genève, Banque mondiale,

pp. 15 et 16, édition 2004.

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- d’une limitation à l’autonomie d’action des entreprises du marché

considéré ;

- d’une restriction à l’incertitude dans laquelle doit se trouver chaque

opérateur par rapport à ce que vont faire ses concurrents, cette incertitude

étant l’un des moteurs de l’économie de marché ;

- d’une érection de barrières à l’entrée du marché considéré.

Pour éviter ces atteintes, il est consacré des principes généraux dont le respect

s’impose à l’ensemble des acteurs du secteur.

C’est dans ce cas qu’il faut inscrire notamment les principes de l’impartialité(1),

du traitement équitable (2), de la qualité de service de l’offre (3), de la neutralité

technologique (4), de la transparence (5) et de l’orientation des tarifs vers les

coûts (6).

1. Principe d’impartialité

Ce principe s’entend comme la possibilité offerte à un utilisateur d’un réseau

commuté de télécommunication de communiquer avec un autre utilisateur

quelconque. Autrement dit, aucun opérateur en position dominante sur le marché

des installations et des services essentiels ne doit empêcher un utilisateur de

faire aboutir les appels acheminés sur son réseau, quelle que soit la technologie

utilisée pour établir l’appel. C’est pourquoi l’Agence de Régulation des

Télécommunications de la Côte d’Ivoire, dans sa décision portant tarifs

d’interconnexion plafond pour l’année 2009, prévoit en son article 2 que :

« Chaque opérateur doit respecter le principe d’égal traitement. Par

conséquent, il applique à tous les opérateurs le même tarif d’accès à son

réseau. »221.

221 ATCI Décision portant tarifs d’interconnexion plafond pour l’année 2009 (http://www.atci.ci. Page

consultée le 18 mars 2009).

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2. Principe du traitement équitable

Selon l’article 6 du code des télécommunications du Sénégal, les

exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public doivent

respecter le principe d’égalité de traitement des usagers. L’accès de ces derniers

aux réseaux de télécommunications ouverts au public doit être assuré dans des

conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.

Aux termes de l’article 3 de l’Acte Additionnel A/ SA.2/01/07 relatif à

l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC :

Les Etats membres veillent à ce que le cadre général de la réglementation pour

l’accès et l’interconnexion intègre les principes généraux de la réglementation

communautaire destinés à la mise en place du marché commun ouest africain

notamment, la non-discrimination entre entreprises implantées dans des Etats

différents.

Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les

opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des domaines

équivalents, et qu’ils fournissent aux autres des services et informations dans les

mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu’ils assurent pour leur

propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.

Nous considérons qu’il y a discrimination injuste ou déloyale dès lors

qu’un concurrent en s’interconnectant se trouve dans une situation de

désavantage important du fait d’accords d’interconnexion moins favorables.

Au Nigéria222, l’article 96 du Communication Acte de 2003 prévoit que

les opérateurs titulaires de licence sont tenus d’accéder aux demandes

222Le premier réseau de télécommunications au Nigéria est établi en 1886 par l’administration coloniale

dans le but de promouvoir le fonctionnement de l’administration et le développement économique et social.

Depuis l’accession à l’indépendance, le Nigéria a eu à adopter plusieurs plans de développement des réseaux de

télécommunications. De 1960 à 1985, la gestion du secteur était assurée par le ministère en charge des postes et

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d’interconnexion des concurrents si les conditions techniques et économiques de

faisabilité sont réunies.

Selon l’article 97, cette interconnexion est assujettie aux principes de la

neutralité technologique, de la non-discrimination, de la transparence et de

l’égalité d’accès.

De même, elle doit respecter les lignes directrices de l’interconnexion

publiées et régulièrement mises à jour par la Commission de Régulation.

Elle est établie sur la base d’une convention librement négociée entre les

parties dans le respect des principes ci-dessus.

Selon l’article 98 du Communication Acte, les parties sont tenues de

communiquer à la commission la convention d’interconnexion conclue dans un

délai de 30 jours à compter de la signature.

Est également réprimé, le fait pour l’opérateur dominant de consentir, à ses

propres services ou sociétés affiliées, de meilleures conditions d’interconnexion

que celles proposées aux autres concurrents.

télécommunications. Le secteur télécom du Nigéria de cette époque souffrait des insuffisances dont l’absence de

transparence et le manque de ressources humaines. Il faudra attendre la réforme de 1985, pour assister à la

séparation entre postes et télécommunications qui donnera naissance au Nigérian Télécommunications Limited

(NITEL) dont la mission principale était la promotion de l’accès universel au service de télécommunications. A

l’instar de l’essentiel des marchés de télécommunications des pays africains, le secteur des télécommunications

sera ouvert à la concurrence. Le décret 75 de 1992 va mettre en place un cadre réglementaire favorable à la

concurrence en facilitant l’accès des entreprises privées au marché du secteur des télécommunications. Par la

même occasion, cette loi créera la Commission de Communication et lui confiera la mission de définir les règles

d’interconnexion et de contrôler le respect des règles concurrentielles. C’est dans ce sillage que l’opérateur

historique a été privatisé pour être soumis aux mêmes règles que les entreprises privées. Dans ce souci de mettre

en place un cadre favorable à la concurrence, une réforme de 2003 débouchera sur l’adoption de la

« Communication Acte » qui abroge toute disposition contraire.

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Une autre mouture du principe de la non-discrimination tient à la qualité de

service.

3. Principe de la qualité de service de l’offre

Le service « est un travail effectué pour une tierce personne »223 tandis que

la qualité est ce qui est apte à l’emploi224.

Selon la Recommandation de l’Union Internationale des

Télécommunications UIT-T E 800, la qualité de service est « l’effet global

produit par la performance d’un service qui détermine le degré de satisfaction

de l’usager de ce service.»225

La qualité de service peut introduire une des formes de discrimination

portant gravement atteinte au principe du traitement équitable et égal. Elle est

particulièrement préjudiciable aux nouveaux entrants parce que les abonnés

perçoivent les appels qui ont pour origine le réseau du nouvel opérateur comme

étant d’une qualité inférieure à ceux qui proviennent du réseau du fournisseur

principal. C’est pourquoi l’article 3 de l’Acte Additionnel sur l’interconnexion

prévoit que l’opérateur doit offrir l’interconnexion avec « la même qualité que

ceux qu’ils assurent pour leur propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou

partenaires ».

En droit comparé, l’article 22 de la directive 2009/136 CE du parlement

européen et du Conseil du 25 novembre prévoit que les autorités de régulation

doivent être en mesure de fixer les exigences minimales en matière de qualité de

223 Joseph Juran, La qualité dans les services, Paris, éditions Afnor Gestion, 1987, p. 8. 224Joseph Juran, op.cit., p. 12. 225 Recommandation de l’Union Internationale des Télécommunications UIT-T E 800. www.uit.int Page

consultée le 13 février 2011.

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service imposées à une entreprise ou à des entreprises fournissant des réseaux de

communications publics226.

Dans la pratique, les indicateurs de qualité de service et leurs seuils

respectifs sont définis dans les cahiers des charges des opérateurs. Le non

respect de ces exigences expose l’opérateur à des sanctions. C’est le sens des

décisions prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques

et des postes du Burkina Faso contre les opérateurs TELMOB S.A227,

TELECEL228 Faso S.A et AIRTEL Burkina Faso S.A229.

Suite à des missions d’audits effectuées auprès des trois opérateurs, une mise

en demeure de se conformer aux dispositions du cahier des charges dans un

délai maximum de trois mois est respectivement envoyée à AIRTEL Burkina

226 Directive 2009/136/CE du parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, modifiant la directive

2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de

communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère

personnel et la protection de la vie privée du secteur des communications électroniques et le règlement (CE)

n°2006/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le

secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les

autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des

consommateurs. Journal officiel de l’Union L337/11 du 18.12.2009. 227 Par arrêté n°2010-00015/MPTIC/CAB du 21 juin 2010, TELMOB S.A est attributaire d’une licence

individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de téléphonie cellulaire ouvert au public sur le

territoire du Burkina Faso. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à

l’opérateur TELMOB S.A, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité

de service à fournir aux utilisateurs. Des limites de couverture, des indicateurs de qualité de service et leurs

seuils respectifs ont été définis et consignés dans son cahier des charges. 228 Par arrêté n°2010-00013/MPTIC/CAB du 07 juin 2010, la République du Faso a attribué à TELECEL Faso

S.A une licence individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques

ouvert au public. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à l’opérateur

TELECEL, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité de service à

fournir aux usagers. 229 Par arrêté n°2010-000010/MPTIC/CAB du 27 mai 2010, l’Etat Burkinabé a attribué à AIRTEL Faso S.A

une licence individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques

ouvert au public. A cette licence, est annexé un cahier des charges qui impose des obligations à AIRTEL

Burkina Faso S.A, notamment en ce qui concerne la couverture géographique du territoire et la qualité de service

à fournir aux utilisateurs.

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Faso S. A230, à TELMOB S.A231 et à TELECEL Faso S.A232. Au terme de ce

délai, une autre mission a été effectuée auprès des trois opérateurs. Suite à cette

dernière, constatant que les correctifs nécessaires n’ont pas été effectués sur

l’offre de qualité des services, ARCEP a appliqué des sanctions pécuniaires à

TELMOB S.A233, à TELECEL Faso S.A234 et à AIRTEL Faso S.A235.

4. Principe de la neutralité technologique

Le débat, sur la neutralité d’Internet et des réseaux, a pris de l’ampleur aux

Etats-Unis, où il est apparu au milieu des années 2000236, et en Europe à partir

de 2008. La perception américaine est conceptualisée par Lawrence Lessig et

Tim Wu. Ils considèrent que la neutralité du net signifie qu’il ne doit pas avoir

de discrimination237 appliquée à l’accès aux contenus du net238. De même, les

230 Décision n°2011-000102/ARCEP/SG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de AIRTEL Burkina

Faso S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 231 Décision n°2011-000104/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de TELMOB S.A

de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 232 Décision n°2011-000103/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en demeure de TELECEL Faso

S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des charges. 233 Décision n°2012 -000001/ARCEP/CR portant sanction de TELMOB S.A pour manquements aux

prescriptions de son cahier des charges.

234 Décision n°2012-000002/ARCEP/CR portant sanction de TELECEL Faso S.A pour manquements aux

prescriptions de son cahier des charges. 235 Décision n° 2012-000003/ARCEP/CR portant sanction de AIRTEL Burkina Faso S.A pour manquements

aux prescriptions de son cahier des charges. 236 Laurent Gille, La neutralité du Net, Ouagadougou, Formation BADGE Télécom, Télécom Paritech, 2012. 237 Dans un communiqué publié le 8 novembre 2011, l’Administration du Président des Etats-Unis a souligné

qu’un Internet « libre et ouvert est nécessaire à la création d’emplois, à la croissance économique et à la

compétitivité mondiale ». Communiqué disponible sur le site

http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/omb/legislative/sap/112/sapsjr6s 20111108.pdf Page consultée le

12 mars 2102. 238 Flash NPA « A l’heure de la TV numérique, les clés du succès pour les chaines de la TNT », n°608 du 16

novembre 2011, p. 15.

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opérations de concentration verticale doivent être évitées pour empêcher les

fournisseurs d’accès de contrôler l’industrie des réseaux.

Alors qu’en Europe il est question de neutralité des réseaux, elle signifie que

l’accès discriminatoire entre les individus doit être interdit239. De même, il faut

éviter la concentration verticale pour empêcher les opérateurs de réseaux de

capturer l’industrie du contenu.

A la fin de l’année 2009, les directives révisées du « paquet télécom » ont fixé

comme nouveaux objectifs pour les autorités de régulation nationales, de

promouvoir « la concurrence (…) pour la transmission de contenu » ainsi que

« la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser, de

même qu’à utiliser des applications et des services de leur choix »240.

En France, le Parlement avait demandé au Gouvernement « un rapport sur la

question de la neutralité des réseaux et des communications électroniques »241.

Ces initiatives ont souligné le rôle essentiel des technologies dans la société, à la

fois économique et social, et attribué aux gouvernements et aux autorités de

régulation la responsabilité de veiller à un accès large et aisé des citoyens à

l’ensemble des fonctionnalités de télécoms/TIC.

Au terme d’une large concertation, le régulateur français a formulé dix

recommandations pour rendre effective la neutralité technologique 242:

- la liberté et qualité dans l’accès à l’Internet ;

239 C’est ainsi que l’ARCEP a lancé une consultation publique pour recueillir l’avis des professionnels du secteur

sur la question. La consultation est publiée le 10 septembre 2010. Voir http://www.arcep.fr/uploads/tx

gspublication/net-neutralite-orientation-sept210.pdf. Page consultée le 15 février 2011. 240 Article 8.2.b et .4.g de la directive européenne 2002/21/CE (directive cadre) modifiée le 25 novembre 2009. 241 Ce rapport a débouché sur l’adoption de la loi 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la

fracture numérique (dite « loi Pintat »), publiée au Journal Officiel le 18 décembre 2009. 242 ARCEP Rapport public d’activités de l’ARCEP 2010, op.cit. pp. 104 à 107.

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- la non-discrimination des flux dans l’accès à l’Internet ;

- l’encadrement des mécanismes de gestion de trafic de l’accès à l’Internet ;

- les services gérés ;

- la transparence accrue vis-à-vis des utilisateurs finals ;

- le suivi des pratiques de gestion de trafic ;

- le suivi de la qualité de service de l’Internet ;

- le suivi du marché de l’interconnexion de données ;

- la prise en compte du rôle des prestataires de la société de l’information dans

la neutralité de l’internet ;

- le renforcement de la neutralité des terminaux.

En droit sénégalais, le code des télécommunications de 2001 n’avait pas

consacré expressément ce principe. Mais dans le nouveau code des

télécommunications de 2011, le principe trouve son siège à l’article 5 qui

prévoit que : « l’octroi des licences et autorisations prévues par le présent code

doit se faire dans le respect du principe de la neutralité technologique qui

consiste à s’abstenir de privilégier de manière injustifiée un type particulier de

technologie.»

L’article 10 de l’Acte Additionnel A/SA.1/01/07 relatif à l’harmonisation

des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de

l’information et de la communication (TIC) prévoit que les Etats membres

veillent à l’adoption du principe de la neutralité technologique. Ce qui signifie

une interdiction de « privilégier de manière injustifiée un type particulier de

technologie. »

Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance du Mali n°2011-024/P- RM, du

28 septembre 2011, portant régulation du secteur des télécommunications et des

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postes, le régulateur est chargé de veiller au respect de la neutralité

technologique.243

Le principe de la neutralité technologique fait partie intégrante du principe de la

non-discrimination. Il s’agit d’éviter de privilégier une technologie par rapport à

une autre. Autrement dit, les accords d’interconnexion ne doivent pas contenir,

au détriment d’une autre, les caractéristiques d’une seule technologie. Une telle

attitude est en défaveur de l’interopérabilité244.

Les concurrents doivent pouvoir choisir dans une palette de technologies,

celles qui conviendrait le mieux à leurs réseaux avec un rapport qualité/prix

donné. Limiter les technologies, en optant pour une technologie particulière,

réduirait les interconnexions et le jeu de la concurrence.

Or, l’existence d’interface souple et ouverte, élargit en matière de choix de

technologies et de produits, encourage l’innovation et stimule la concurrence au

niveau des prix et offre une plus grande commodité aux utilisateurs.

5. Principe de la transparence

Le code de la transparence de l’UEMOA retient dans son préambule la

définition :

Elle se réfère à la franchise, à la loyauté et à la clarté dans l’exercice des

responsabilités et fonctions assignées. Elle est aussi la qualité de ce qui fait

paraître la vérité toute entière sans l’altérer. Une institution transparente est

celle qui fait apparaître au grand jour la totalité de ses procédures. La

243 Journal officiel du Mali n°1823 du 18 novembre 2011. 244 ARCEP Rapport public d’activités de l’ARCEP 2010, Paris, ARCEP, juin 2011.

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transparence est ce qui est visible, compréhensible par tous. Le contraire de la

transparence c’est l’opacité. 245

Au sens de l’article 6 du code des télécommunications du Sénégal de 2011,

les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public fournissent

les services dans des conditions de transparence.

La transparence est un objectif politique principal des accords commerciaux

multilatéraux ainsi que des politiques nationales en matière de

télécommunication dans de nombreux pays. Nous considérons que c’est un

principe qui fait exception à la règle de confidentialité.

Elle joue un rôle important dans la mise en œuvre d’une réglementation

d’interconnexion au cours de la transition entre monopole et environnement

concurrentiel.

Elle s’étend à la mise à disposition de tous les opérateurs ou personnes

concernés par le secteur, les accords d’interconnexion proprement dits.

La transparence des accords d’interconnexion contribue à assainir le marché

libéralisé des télécommunications. Elle permet d’éviter ou de prévenir les

comportements anticoncurrentiels stratégiques (restriction de la fonctionnalité

des types d’interconnexion, facturation excessive, retard supplémentaire dans les

négociations…) qui pourraient se négocier à l’insu de tous.

En outre, elle permet de réduire considérablement le nombre de différends

portant sur les pratiques discriminatoires car tous les participants du secteur

peuvent désormais comparer les taxes, modalités et conditions d’interconnexion. 245 Commission de l’UEMOA « Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de

l’UEMOA », Ouagadougou, Bulletin officiel de l’UEMOA août 2000 ; www.uemoa.int (page consultée le 25

février 2010).

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6. Principe d’orientation des tarifs vers les coûts

Ce principe trouve son fondement dans l’article 23 de l’Acte Additionnel

A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du

secteur des TIC. Il dispose que :

Les opérateurs puissants respectent le principe d’orientation des tarifs vers les

coûts pertinents, c'est-à-dire les coûts des composantes du réseau ou des

structures de gestion de l’opérateur intervenant effectivement dans la prestation

d’interconnexion.

Au sens de l’article 50 du code des télécommunications :

Les opérateurs puissants respectent le principe d’orientation des tarifs

d’interconnexion vers les coûts pertinents, c’est-à-dire les coûts des

composantes du réseau ou des structures de gestion de l’opérateur intervenant

effectivement dans la prestation d’interconnexion.

L’injonction faite à une entreprise d’orienter ses tarifs vers ses coûts, déroge

au principe de la libre détermination des prix par le jeu de la concurrence,

institué par l’article 2 de la loi 94 -63 du 22 août 1994246 sur les prix, sur la

concurrence et sur le contentieux économique. De façon générale, les prix

s’établissent à un niveau concurrentiel, en fonction non pas des seuls coûts des

entreprises mais de la demande qui leur est adressée. Il n’est donc pas

surprenant que la jurisprudence, en matière d’orientation vers les coûts, soit peu

abondante.

246 Journal officiel de la République du Sénégal du 27 août 1994.

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127

Pour faciliter la mise en œuvre de ce principe, les opérateurs sont tenus de

mettre en place une comptabilité analytique247. Cette dernière est définie

souvent par rapport à la comptabilité générale ou financière qui a deux fonctions

principales, à savoir :

- la détermination du patrimoine de l’entreprise et de son évolution ;

- la détermination du résultat global de l’exercice courant.

Selon Monsieur Moussa DIAGNE248, la comptabilité analytique ou

comptabilité de gestion, conçue généralement à partir de la première, a pour

mission principale :

- la maîtrise des coûts et des résultats par produit ;

- la fixation des prix de vente ;

- l’appréciation des performances de l’entreprise, l’évaluation de certains

postes du bilan dont les stocks et productions en cours, l’estimation par les

prévisions ;

- la contribution aux travaux d’analyses financières afin de porter un jugement

sur la santé financière de l’entreprise pour ne pas se limiter uniquement à la

comptabilité générale.

L’article 42 de la loi 2011-01 portant code des télécommunications prévoit

que « les opérateurs doivent tenir une comptabilité analytique permettant de

déterminer les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou chaque

service offert».

En outre, il est souvent prévu dans le cahier des charges de l’opérateur,

l’obligation d’orienter ses tarifs vers les coûts.

247 Voir Béatrice Girardi, Régulation des tarifs d’interconnexion : analyse en vue de déterminer son impact sur

les systèmes comptables des entreprises des télécoms, Paris, Université Paris Dauphine, pp. 8 et 9. 248 Moussa Diagne, Guide de comptabilité analytique, Dakar Tome 1, collection GEF, édition 2011, p. 13.

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128

En droit comparé, à titre d’exemple, le Conseil de Régulation du Niger a

mis en demeure CELTEL Niger S.A pour, entre autres griefs, la non orientation

de ses tarifs vers les coûts249. Dans cette affaire, le régulateur a constaté

qu’après quatre années d’exercices, CELTEL Niger S.A n’a pas mis en place sa

comptabilité et que les tarifs appliqués ne sont pas orientés vers les coûts. Le

régulateur a retenu que celle-ci constitue une obligation de résultat inscrit dans

le cahier des charges de l’opérateur. Par conséquent, le défaut d’exécution

expose l’opérateur à des sanctions. C’est ainsi qu’une mise en demeure est

adressée à CELTEL Niger S.A par le régulateur, pour manquement à

l’obligation de mise en place d’une comptabilité analytique et d’une orientation

de ses tarifs vers les coûts.

Par ailleurs, l’article 20 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès

et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC consacre le

caractère obligatoire de la mise en place de la comptabilité analytique. Elle doit

présenter des comptes séparés. Au sens de l’article 14 du code des

télécommunications :

Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché

pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière

d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :

1º) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,

notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou

d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre d’interconnexion peut être

modifiée au cours de la période de validité d’un catalogue sous réserve que tous

les exploitants puissent bénéficier également de la modification. Toutefois, les 249 Décision N° 005 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation portant mise en demeure de CELTEL

Niger S.A de se conformer à son cahier des charges signé le 08 décembre 2000 et à l'ordonnance 99-045 du 26

octobre 1999 portant réglementation des télécommunications. Page consultée lewww.arm-niger.org/.Page

consultée le 30 février 2011.

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modifications doivent être approuvées préalablement par l’Autorité de

régulation. L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la

modification du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les

conditions de concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de

télécommunications ne sont pas garanties. Elle peut également décider

d’ajouter ou de supprimer des prestations inscrites au catalogue pour mettre en

œuvre les principes d’orientation des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou

pour mieux satisfaire les besoins de la communauté des exploitants et

fournisseurs de services de télécommunication ;

2º) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non

discriminatoires ;

3º) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à

des moyens qui y sont associés ;

4º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;

5º) isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion

ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette

de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le

respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un

organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.

Cette comptabilité, séparée, doit permettre d’identifier les types de coûts

suivants :

1. les coûts de réseau général, c'est-à-dire les coûts relatifs aux éléments de

réseaux utilisés à la fois par l’exploitant pour les services à ses propres

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utilisateurs et pour les services d’interconnexion ou de la location des

capacités ;

2. les coûts spécifiques aux services d’interconnexion, c'est-à-dire les coûts

directement induits par les seuls services d’interconnexion ou de location

de capacité ;

3. les coûts spécifiques aux services de l’exploitant autres que

l’interconnexion, c'est-à-dire les coûts induits par ses seuls services ;

4. les coûts communs, c'est-à-dire les coûts qui ne relèvent pas de l’une des

catégories précédentes.250

Ces principes exposés visent à protéger le développement de la concurrence.

D’autres principes tendent à la protection du service public.

250Décision N°004 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation (CNR) portant mise en demeure de

SAHELCOM S. A. de se conformer à son cahier des charges signé le 3 décembre et à l’ordonnance 99-045 du

26 octobre 1999 portant règlementation des télécommunications (http://www.csdptt.org/article382.html. Page

consultée le 16 novembre 2010).

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Paragraphe II :

Des principes tendant à la protection du service public

L’analyse des grands principes du service public dans le secteur des

télécommunications (2) suppose au préalable une bonne compréhension de sa

signification (1).

1. Signification du service public dans le secteur des télécommunications

au Sénégal

La notion de service public est sans doute l’une des plus complexes,

évolutives et controversées du droit administratif251. Ses origines sont lointaines.

Dès le XIIIe siècle en Europe, nous avons pu constater l’existence

d’infrastructures et de bâtiments publics résultant soit du féodalisme, soit de

l’apparition de systèmes collectifs (les villes « franches »). Progressivement, il

est constaté une séparation entre la propriété personnelle du roi, qui induisait

une gestion patrimoniale des biens de la Couronne, avec une dimension plus

politique et sociale. Cette dernière fonction donne naissance assez rapidement à

des services rendus « publics ».

La poste semble être l’un des premiers secteurs dans lesquels apparaît cette

fonction collective. Initialement organisé en 1464 pour faciliter les

communications royales avec les échelons politiques locaux, le service des

251 Voir Jean-Francois Lachaume, Claudie Boiteau et Helene Pauliat Droit des services publics, Paris, 3ème

édition, p. 5 et suivante, éditions Armand Colin, septembre 2004.

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« chevaux de poste » s’ouvre unifié sous la forme d’un monopole dès le

XVIème siècle252.

Le terme même de « service public » apparaîtrait pour la première fois en 1638,

dans un édit relatif aux transports.

En 1973, le Tribunal des conflits, à travers l’arrêt Blanco, l’a consacré comme

critère d’application du droit administratif253. Cette perception a ensuite été

enrichie par les théoriciens du droit254.

L’expression de « service public » est définie dans la doctrine au tournant

du XXème siècle, par les tenants de « l’Ecole du service public » dont la tête de

file fut le Professeur Léon Duguit. Ce dernier définit le « service public »

comme :« toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et

contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette activité est

indispensable à la réalisation et à l’accomplissement de l’interdépendance

sociale et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée que par

l’intervention de la force gouvernante ».255

252Choguel Kakala MAIGA, Cheick Sidi Mohamed NIMAGA, Ingénieur des télécommunications,

Abderhamane DIALLO, et Mamadou Lamine DIALLO, Oumar KANOUTE, SADA DIARRA et Amadou

Daouda DIALLO, op.cit. p. 430.

253 Tribunal des Conflits, 8 février 1873, Blanco, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, n°4. 254 Il n’est pas dans le propos de cette thèse d’explorer toutes les implications de la notion de service public, qui

sont évidemment extrêmement diverses, presque autant que les points d’application du droit administratif. En ce

sens, l’intéressé peut consulter les écrits de Michel Gentot, « L’identification du service public par le juge

administratif », AJDA, numéro spécial « le Service public », 1997, 164 pages. 255 Léon Duguit, traité de droit constitutionnel, tome II, p. 61, 1928, cité dans L’intérêt général, Rapport

public du Conseil d’Etat pour 1994, EDCE n°46, Paris, La Documentation française, 1995, p. 126.

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133

Le code des obligations de l’administration définit le service public en son

article 11, comme étant « toute activité d’une personne morale de droit public

en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général. »

Cette définition manifestement restrictive ne correspond pas à la réalité. En

effet, elle suppose que seules les personnes publiques peuvent gérer un service

public. Il s’agit d’une définition reprise de la jurisprudence administrative du

Conseil d’Etat français à un moment donné de son évolution. Après sa

naissance, le service public a évolué et subi des changements que nous pouvons

reclasser en trois grandes étapes :

- la première correspond à une définition organique de la notion de service

public. C’est une définition qui faisait référence à l’organe de gestion du

service public. Selon le Professeur Demba SY, « cela signifie que les

personnes publiques n’exercent que des activités d’intérêt général et toutes

les activités d’intérêt général sont exercées par des personnes publiques»256.

Pendant cette période, il existait une coïncidence entre l’administration et la

gestion d’activité d’intérêt général. Elle s’est étalée de 1873 à 1910. C’est

cette conception qui est consacrée par l’arrêt Blanco257 ;

- la deuxième phase correspond à une définition qui n’est ni organique, ni

matérielle. Cela signifie qu’elle a évolué dans le sens de la prise en compte,

non seulement de l’organe de gestion, mais aussi de l’activité. Donc, le

service public apparaît comme une activité d’intérêt général gérée par ou

sous le contrôle d’une personne publique. C’est le sens de l’arrêt du 20

décembre 1935, l’arrêt établissement Vézia258 ;

256Demba Sy, Droit Administratif, Dakar, édition CREDILA, édition 2011, p. 78. 257 Cet arrêt a retenu cette conception comme critère d’application du droit administratif. Op.cit. 258 GAJA. N°50.

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- la troisième phase correspond à une définition matérielle de la jurisprudence.

C’est une définition qui prend en compte l’activité gérée, quelle que soit la

personne publique ou privée qui gère l’activité d’intérêt général. C’est la

signification retenue par l’arrêt de l’Assemblée du Conseil d’Etat du 31

juillet 1942, à travers l’affaire Monpeurt259. Elle correspond à une période de

diversification non seulement des moyens mais aussi des méthodes

d’intervention de l’administration et de gestion du service public. Lorsque le

texte crée une activité et ne la qualifie pas, le juge peut se fonder sur des

critères pour déterminer sa nature. Ainsi, le juge peut prendre en

considération l’intérêt du législateur (le but visé), l’existence de prérogative

de puissance publique et le droit de regard des pouvoirs publics. Ces critères

de définition du droit administratif sont retenus par le juge administratif

français dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 juin 1993 dit l’arrêt Narcy260.

C’est cette dernière conception qui correspond aujourd’hui à la réalité du

service public au Sénégal. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la loi

n°90-07 du 26 juin 1990261, relative à l’organisation et au contrôle des

entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de

droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique,

justifie le contrôle sur ces entreprises publiques ou privées par la mission de

service public qui leur est dévolue.

Les opérateurs de télécommunications sont des entreprises

concessionnaires de service public des télécommunications. Le Professeur

Demba SY définit la concession de service public comme étant « un contrat par

lequel une collectivité publique que l’on appelle le concédant charge une

personne privée que l’on appelle le concessionnaire, de faire fonctionner le

259 GAJA 1963. 260 CE 28 juin 1963. NARCY AJDA 1964. p. 91, note A. de Laubadère ; RDP 1963 1186 note Waline. 261 Journal Officiel de la République du Sénégal du 07 juillet 1990.

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service public à ses frais et en le rémunérant au moyen de redevances perçues

sur les usagers. »262

Au sens de l’article 23 du code des télécommunications, la licence

d’établissement et/ou d’exploitation d’un réseau de télécommunication ouvert

au public est un droit attribué par décret portant approbation d’une convention

de concession et d’un cahier des charges. La convention de concession fixe

l’objet et la durée de la licence, les conditions et les procédures de son

renouvellement, de la modification de ses termes et de sa fin ainsi que les

dispositions relatives au règlement des litiges. C’est le cahier des charges qui

fixe les conditions d’établissement et d’exploitation du réseau et de fourniture

de service public de télécommunication. Parmi ces conditions, il faut retenir

surtout le respect des principes qui visent à protéger le service public.

2. Contenu des principes visant à protéger le service public

Les principes visant à protéger le service public ont été mis en évidence par

la jurisprudence du Conseil d’Etat français dès le XIXème siècle. Appelés

également « lois de Rolland », du nom de l’universitaire qui les a théorisés, ces

principes constituent, en droit interne, des conditions communes à l’exécution

des services publics, des modalités particulières que doit respecter le

gestionnaire du service public. L’existence de ces contraintes particulières a

d’ailleurs été consacrée par le Conseil constitutionnel français comme « des

prescriptions à valeur constitutionnelle »263.

En droit sénégalais des télécommunications, ces principes trouvent leur

siège dans le code des télécommunications et les différents cahiers des charges

262Demba Sy, op.cit, p. 276. ; Voir aussi les articles 140 et 141 du Code des obligations de l’administration. Loi

n°65-51 du 19 juillet 1965 modifiée, Journal Officiel de la République du Sénégal de 1965. 263 Conseil Constitutionnel, DC 96-380 du 23 juillet 1996, l’affaire France télécom.

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136

des opérateurs. Il s’agit notamment des principes de continuité (a),

d’adaptabilité(b) et d’égalité(c), qui ont pour corollaire l’universalité.

a. Le principe de la continuité

Aux termes de l’article 7 du code des télécommunications du Sénégal, les

exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public et les

fournisseurs au public des services de télécommunication, ainsi que les membres

de leurs personnels sont tenus au secret des correspondances et à la continuité

de la prestation sous peine de poursuites judiciaires conformément à l’article

167 du code pénal.

En principe, un service public doit fonctionner de manière continue et

régulière, sans autres interruptions que celles prévues par la réglementation en

vigueur. Ce principe a une valeur constitutionnelle. En effet, c'est parce que la

puissance publique lui reconnaît une importance particulière, sur le plan social,

qu'un service est considéré comme appartenant à la catégorie des services

publics. Il est consacré en France depuis le milieu du XIXème siècle par le juge

administratif, et a été érigé en principe à valeur constitutionnelle.264

Il possède une composante « négative », en ce qu’il limite l’action et la

liberté de fonctionnement des gestionnaires du service public.

264 Conseil Constitutionnel, DC 25 juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision, les grandes décisions

du Conseil Constitutionnel n°27, et Cons. const, DC 96-380 du 23 juillet 1996, France télécom précitée.

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137

La continuité du service public permet en outre au régulateur de disposer du

pouvoir de contraindre l’exploitant du réseau public de télécommunication, à

assurer ses obligations265.

Le principe revêt cependant une conception « positive », en particulier pour

le gestionnaire privé du service, mais aussi pour les usagers qui se voient

octroyer une garantie implicite de bonne fin.

Le principe de la continuité du service public des télécommunications est

applicable à l’exploitant de réseau de télécommunication ouvert au public

indifféremment de l’évolution technologique. Il est complété par le principe

d’adaptabilité.

b. Le principe d’adaptabilité

Ce principe a été dégagé par le juge administratif français au tournant du

XXème siècle, à l’époque du plein essor des concessions de service public

comme mode de réalisation des équipements collectifs266. L’article 23 du code

des télécommunications prévoit la fixation dans le cahier des charges des

opérateurs, entre autres, l’obligation d’assurer la permanence du service public.

Selon l’article 3.2.3.1 du cahier des charges de la SONATEL, relative aux

conditions générales d’exécution des services publics, l’opérateur doit adapter

constamment ses prestations pour assurer cette permanence du service. Il

265 Sur l’application des principes du service public dans les secteurs régulés, le Docteur Isaac CISSOKO a

consacré de larges développements dans sa thèse soutenue en 2008 à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar

sur le sujet Contribution à la compréhension du concept de régulation dans le secteur des entreprises de

réseau : le cas des télécommunications. La Thèse est disponible au Centre de documentation de l’ARTP. 266 CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle gaz de Deville-Lès-Rouen, les grands arrêts de la jurisprudence

administrative n°9, et CE, 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, les grands arrêts de la

jurisprudence administrative n°24.

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suppose que le service public doit s’adapter aux nouvelles circonstances

techniques ou sociales pour continuer à remplir son objet d’intérêt général. Son

contenu peut alors se décliner selon deux niveaux d’exigences, mis en évidence

par les deux jurisprudences historiques du Conseil d’Etat français.

A un niveau d’exigence minimale, il s’agit, comme dans l’affaire

Compagnie générale des tramways, « d’assurer dans l’intérêt du public, la

marche normale du service »267, en modifiant les horaires des trains, dans

l’intérêt de la sécurité et de la commodité de circulation. Dans un niveau au

contraire d’exigence maximale, il s’agit de répondre « aux exigences constantes

du plus grand service268 ». Cette dimension se perçoit clairement dans la

nécessité que le service public a de s’adapter aux derniers développements de la

technique, comme la Compagnie de gaz de Deville-Lès Rouen devait s’adapter

et passer de l’éclairage au gaz à l’éclairage à électricité. Dans le secteur des

télécommunications, un opérateur ne peut pas alléguer des mutations

technologiques pour ne pas assurer la permanence du service public des

télécommunications. Le non-respect de ce principe expose l’opérateur de

télécommunications à une sanction d’amende qui peut aller jusqu’à 3% du

chiffre d’affaire. Selon l’article 106 du code des télécommunications de 2011 :

Lorsque le titulaire d'une licence, d’une autorisation ou d'un agrément où le

souscripteur d'une déclaration ne respecte pas les obligations qui lui sont

imposées par les textes législatifs et réglementaires, ainsi que par les conditions

fixées à l'occasion d'attribution de fréquences radioélectriques ou par la licence, 267Dans cette affaire, Le Préfet avait imposé à la Compagnie concessionnaire d'augmenter le nombre des rames

en circulation et de changer les horaires. La Compagnie a contesté ce pouvoir de l'administration. Le Conseil

d’Etat, quant à lui, a reconnu à l'administration le pouvoir de modifier unilatéralement les conditions

d'exploitation du service public dans l'intérêt de l'usager à condition d'indemniser le concessionnaire le surcroît

de charges que cela lui incombe.

268 Selon les termes d’une doctrine autorisée : R. Chapus, Droit administratif général, Tome I, Paris,

Montchrestien, 2000, n°776 et suivants.

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l'autorisation ou par l'agrément, l’Autorité de régulation le met en demeure de

s'y conformer dans un délai de trente jours. La mise en demeure est rendue

publique.

Si le titulaire de la licence, de l'autorisation ou de l'agrément où le souscripteur

d’une déclaration cité à l'alinéa précédent, ne se conforme pas à la mise en

demeure qui lui a été adressée, l’Autorité de régulation prononce à son encontre

et à sa charge, par une décision motivée :

- pour les opérateurs titulaires de licence : une pénalité d’un maximum de

3% du chiffre d’affaire tel que déclaré dans l’exercice comptable de

l’année précédente ;

- pour les personnes morales titulaires d’une autorisation ou d’un

agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas

dépasser 20.000.000 FCFA ;

- pour les personnes physiques titulaires d’une autorisation ou d’un

agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas

dépasser 10.000.000 FCFA.

En cas de récidive, le montant de l’amende est doublé.

Le montant de la pénalité doit être fixé en fonction de la gravité des

manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces

manquements.

Si la violation constatée et notifiée persiste, l’Autorité de régulation, prononce,

par une décision motivée, le retrait définitif de l’autorisation ou de l’agrément.

Elle peut, dans les mêmes conditions, mettre fin aux effets de la déclaration. S’il

s’agit d’un titulaire de licence, le Président de la République prononce par

décret, sur proposition motivée de l’Autorité de régulation, soit :

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- la suspension totale ou partielle de la licence pour une durée de trente

jours au plus ;

- la suspension temporaire de la licence ou la réduction de la durée de

cette dernière dans la limite d'une année ;

- le retrait définitif de la licence.

c. Le principe d’égalité

L’égalité, devant le service public, constitue une variante du concept, plus

large, du principe d’égalité269. Aux termes de l’article 6 du code des

télécommunications, les exploitants des réseaux de télécommunications ouverts

au public doivent respecter le principe d’égalité de traitement des usagers.

L’accès de ces derniers aux réseaux de télécommunications ouverts au public

doit être assuré dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Les

tarifs de raccordement, d’abonnement et des communications doivent respecter

le principe d’égalité de traitement des usagers et être établis de manière à éviter

une discrimination fondée sur la localisation géographique. Toutefois, en cas de

difficultés exceptionnelles pour effectuer le raccordement de certains abonnés,

les exploitants doivent prévoir dans leur catalogue, les prix, les conditions et les

tarifs de tels raccordements.

L’égalité, plus encore la liberté de concourir, constitue le principe de base de

toute concurrence270.Ce principe, posé par le code, a une signification identique

269 Conseil d’Etat, Le principe d’égalité, Rapport public pour 1996, EDCE n°48, Paris, la Documentation

française, 1997 ; B. Genevois, Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Paris,

octobre 2000, n°111 à 440. 270 Voir sur cette question JAPPONT Frédéric, « La dualité, égalité ? Équité dans la pratique des autorités de

régulation », in Revue international de droit économique, 2006/2, t. XX, 2, pp. 156 à 165.

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dans la jurisprudence. En France, le Conseil d’Etat a reconnu très tôt le principe

d’égalité des usagers du service public, érigé en principe général du droit271. Le

Conseil constitutionnel l’a également reconnu comme principe constitutionnel

dès 1973272. Il existe cependant une certaine nuance de points de vue entre les

deux Cours suprêmes. Si le Conseil d’Etat français applique le principe d’égalité

devant la loi et donc notamment, devant le service public, le Conseil

constitutionnel, lui, fait respecter ce principe d’égalité dans la loi, et donc dans

les dispositions constitutives du service public.

Le contenu du principe est cependant très proche dans les deux cas. Ne sont

ainsi admises que les différences de traitement :

- justifiées par une différence objective de situation ;

- ou tenant à des considérations d’intérêt général liées au fonctionnement du

service public ou à son objet.

Le respect du principe dans le secteur des télécommunications conditionne,

d’une part, les restrictions à l’accès des services publics et, d’autre part, les

possibilités de discriminations tarifaires.

L’analyse du cadre normatif applicable à la régulation des

télécommunications permet de constater un effort d’établissement d’un

environnement normatif nécessaire à l’activité de régulation des

télécommunications. A côté de ce dispositif normatif, il faut constater

l’établissement d’un cadre institutionnel.

271CE, Ass., 1er avril 1938, Soc, L’alcool dénaturé, Rec. Lebon p. 337. 272Cons. const. DC 73-51 du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Les grandes décisions du Conseil

constitutionnel n°32.

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CHAPITRE II :

LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA REGULATION

L’analyse de l’environnement institutionnel de la régulation des

télécommunications au Sénégal permet d’identifier les forces et les faiblesses du

cadre (section I) avant d’apprécier les opportunités et les menaces liées à

l’internationalisation de l’offre de services de télécommunications (section II).

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SECTION I:

LES FORCES ET LES FAIBLESSES DU CADRE INSTITUTIONNEL DE

LA REGULATION

Le cadre institutionnel actuel de la régulation au Sénégal a la force d’être

caractérisé par l’existence d’une indépendance consacrée (paragraphe I).

Cependant, sa faiblesse est relative à l’indépendance de l’organe dans la pratique

(paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Existence d’une régulation indépendante consacrée

L’existence d’une régulation indépendante au Sénégal s’apprécie à travers

l’indépendance fonctionnelle (1) et l’indépendance organique (1).

1. Indépendance fonctionnelle

Par indépendance fonctionnelle, nous entendons la faculté du régulateur de

pouvoir exercer sa mission sans ingérence de toute autre autorité politique.

Nous partageons avec Christophe GENOUD273 que l’indépendance du

régulateur par rapport au processus politique et administratif peut contribuer à

renforcer la qualité et l’efficience de son intervention. Cette indépendance

fonctionnelle se manifeste par son détachement fonctionnel à l’administration.

Autrement dit, le Directeur général de l’ARTP n’est soumis au pouvoir

hiérarchique d’aucune autorité politique, ni au pouvoir de tutelle du ministère en

charge des télécommunications.

Par ailleurs, l’indépendance fonctionnelle ne peut être une réalité si l’organe

n’a pas son budget propre. En réalité, il a toujours été relevé l’inexistence

d’indépendance de certaines autorités administratives du fait qu’elles tirent leur

budget d’une Autorité politique. C’est pourquoi l’article 4 de la directive de

l’UEMOA relative à l’Harmonisation des Politiques de Contrôle et de

Régulation du secteur des Télécommunications dispose que :

Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de

régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant 273 GENOUD Christophe, « Libéralisation et régulation des industries de réseau : diversité dans la

convergence ?», Revue internationale de politique comparée, 2004/2, Vol 11, p. 199.

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la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et

de toute autre organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que

ces autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement

indépendantes.

Ce souci de garantir l’indépendance fonctionnelle du régulateur transparaît aussi

à travers l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’Harmonisation des

politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information

et de la communication (TIC). Selon l’article 11 de cet Acte Additionnel :

Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de

régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant

la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et

de toute organisation intervenant dans le secteur, en faisant de sorte que ces

autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.

Cette exigence d’indépendance qui transparaît dans le cadre communautaire

est la même que celle qui se dégage à travers les engagements internationaux du

Sénégal dans le cadre de l’OMC. Le quatrième Protocole d’Accord Général sur

le Commerce des Services (AGCS), à savoir « l’Accord sur les

télécommunications de base » négocié sous les auspices de l’OMC

« Organisation Mondiale du Commerce », en février 1997, est entré en vigueur

le 1er janvier 1998. L’accord exige que les organes qui s’occupent de la

réglementation dans le secteur des télécommunications soient indépendants des

fournisseurs de services.

L’activité de régulation est une forme de gouvernance politique qui affirme

la neutralité de l’Etat par rapport aux différentes parties prenantes du secteur.

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Certains auteurs soutiennent que la régulation vise à préserver le secteur des

effets des jeux d’intérêts des autorités politiques et des entreprises274. L’autorité

politique éprouve le besoin d’être réélue. Alors que les entreprises existantes

dans le secteur souhaiteraient dominer le marché, d’où l’éventualité de la

« capture » des autorités politiques par les Chefs d’entreprise. Les théories de

l’école des choix publics 275 et de l’économie positive de la réglementation276

nous renseignent sur les comportements opportunistes que peuvent avoir les

politiques ou les régulateurs.

La première nous indique que les hommes politiques poursuivent des intérêts

personnels, souvent éloignés de l’intérêt général, notamment dans le but de

maximiser leurs chances de réélection ou la taille de leur administration.

La seconde met en évidence l’influence des groupes de pression sur les

décisions du régulateur du secteur, et analyse la réglementation comme un

service échangé entre les décideurs et les entreprises régulées277.

Une autorité politique capturée peine à rester neutre pour prévenir et rétablir

l’équilibre dans le secteur régulé. Les meilleures pratiques internationales

voudraient que la régulation soit assurée par un régulateur indépendant des

politiques et des différentes parties prenantes278.

274 Selon ces auteurs, déléguer des responsabilités à une agence indépendante permet d’extraire un enjeu

spécifique, par exemple la tarification de l’interconnexion à l’arène politique et gouvernementale prompt à

modifier les choix en fonction du jeu politique. Voir à ce sujet les développements de F. GILARDI “ Policy

credibility and delegation to independent to regulatory agencies: a comparative empirical analysis”, in Journal

of European Public policy, vol 9, n°6, 2002, pp. 873 à 893. 275 Voir les écrits de Downs, 1957 ; Niskanen, 1971. 276 Voir J. Stigler, 1971. 277 MM. Aké G.M N’Gbo et Cremide, « Indépendance du régulateur », éditions Forum de la régulation, octobre

2007, p. 150. 278 Selon l’UIT, l’élaboration des politiques doit être de la compétence du gouvernement. La compétence de

régulation doit être dévolue à une autorité indépendante .Et enfin, l’exploitation des réseaux et services doit être

attribuée aux opérateurs privés. Voir UIT, Les aspects juridiques et institutionnels de la réglementation, Genève,

novembre 2006 ; disponible sur le site www.ictregulation toolkit.org. Page consultée le 18 mars 2010.

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Au Sénégal, le code des télécommunications a accordé au régulateur une

indépendance fonctionnelle. C’est dans cet esprit que le mode de financement

des activités de l’Autorité de régulation est caractérisé par l’autonomie. En effet,

l’ARTP tire ses ressources des redevances versées par les acteurs du secteur. Au

sens de l’article 146 du nouveau code des télécommunications :

L’ARTP dispose des ressources financières suivantes :

- Ressources ordinaires :

les redevances annuelles versées par les entreprises titulaires d’une

habilitation (autorisation, agrément, déclaration, attribution de

ressources) déterminée par la réglementation applicable aux

secteurs régulés ;

les frais d’instruction des dossiers, d’inspection et de contrôle des

installations et les frais de procédure ;

les revenus des travaux et prestations de services.

- Ressources extraordinaires :

le produit des placements ;

un pourcentage du montant de la contrepartie financière versée

par les opérateurs de télécommunications à la suite de l’attribution

ou du renouvellement d’une licence. Ce pourcentage et les

modalités de répartition seront fixés par décret.

les produits et les revenus provenant de biens mobiliers ou

immobiliers;

les subventions reçues de l’Etat et d’organismes publics ou privés,

nationaux ou internationaux ;

les dons et legs ;

tous autres produits liés à l’exercice de sa mission.

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De ce qui précède, il découle un effort du législateur sénégalais à consacrer

une indépendance fonctionnelle du régulateur.

Qu’en est-il de l’indépendance organique ?

2. Indépendance organique

L’indépendance organique est le non rattachement à une autorité

hiérarchique ou de tutelle. Elle se manifeste à travers le statut de l’organe de

régulation. Pour accorder cette indépendance à l’ARTP, le code des

télécommunications du Sénégal lui attribue en son article 123 la qualité

d’Autorité administrative indépendante. Il dispose : « Il est créé, auprès du

Président de la République, une autorité administrative indépendante, chargée

de réguler les secteurs des télécommunications et des postes, dénommée

Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes, en abrégé

« ARTP ».

L’ARTP est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et de

gestion.

Ce nouveau code des télécommunications, en consacrant le statut d’Autorité

administrative indépendante de l’ARTP, pose un acte majeur de bonne

gouvernance par rapport à la loi 2001-15. En effet, l’exposé des motifs du Code

des télécommunications de 2001 précise qu’il s’agit « d’un établissement public

de catégorie particulière, ce qui constitue une dérogation à la Loi n°90-07 du 26

juin 1990 ». L’ARTP est composée de deux organes à savoir le Collège de

Régulation et la Direction générale. Les membres du Collège de Régulation, à

l’instar du Directeur général, sont nommés par décret.

Aux termes de l’article 123 du nouveau code des télécommunications :

Le Collège est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat

irrévocable de cinq ans non renouvelable.

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Le Président du Collège est nommé par décret du Président de la République

parmi ces sept membres. Il est en même temps le Président de l’Autorité de

Régulation.

Par dérogation aux dispositions de l’alinéa premier du présent article, deux

parmi les premiers membres autres que le Président, sont nommés pour un

mandat de trois ans non renouvelable. Les modalités d’application de cette

disposition sont fixées par décret.

Mieux, la nomination des membres du Collège est soumise à la procédure

d’appel à candidature. Selon l’article 124 :

Le Collège est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat

irrévocable de cinq ans non renouvelable.

Le Président du Collège est nommé par décret du Président de la République

parmi ces sept membres. Il est en même temps le Président de l’Autorité de

Régulation.

Par ailleurs, le Directeur général est autonome dans l’établissement de

l’organigramme interne. Le code des télécommunications lui attribue la qualité

d’employeur279. Cependant, l’organigramme280et le recrutement du personnel

sont soumis à l’approbation du Collège281 . Les employés de l’ARTP ne sont pas

soumis au statut général de la fonction publique. Ils sont soumis au code du

travail, à l’exception des fonctionnaires affectés par l’Etat.

Cette indépendance n’a pour finalité que de sauvegarder la neutralité de

l’Autorité de régulation vis-à-vis des différentes parties prenantes du secteur. 279 Article 165 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. Journal officiel

n°6576 du 14 mars 2011. 280 Article 161 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. 281 Article 168 de la Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications.

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En consacrant cette indépendance organique et fonctionnelle, le Sénégal s’est

conformé aux normes communautaires, notamment dans le cadre de la

CEDEAO et de l’UEMOA.

Cependant, cette conformité aux exigences d’indépendance au niveau

communautaire n’est pas absolue.

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Paragraphe II :

Une indépendance limitée

Les limites d’adaptabilité au cadre communautaire apparaissent à travers

l’indépendance de l’Autorité (A) mais aussi à travers l’articulation de ses

organes (B).

A. Limites de l’indépendance liées à l’organisation de l’organe de

régulation

Malgré la proclamation expresse de l’indépendance de l’Autorité de

régulation, le modèle sénégalais présente des insuffisances quant à

l’indépendance souhaitée par le cadre communautaire. Cette insuffisance se

manifeste d’abord à travers le mode de nomination du Directeur général. Celui-

ci est nommé par décret. Contrairement aux membres du Collège de Régulation,

le Directeur général ne bénéficie pas de l’inamovibilité dans l’exercice de sa

mission. Cette instabilité institutionnelle n’est pas de nature à encourager une

régulation efficace282. La nomination du Directeur général de l’ARTP par décret

sans une durée de mandat et une garantie d’inamovibilité, n’est pas de nature à

mettre à l’aise le régulateur. Car elle ne préserve pas la régulation contre la

282 Le régulateur dans sa pratique tient compte des grandes orientations des politiques publiques sectorielles.

Toutefois, il ne doit pas oublier que son activité est exclusivement « technique ». La valeur ajoutée de son action

par rapport à l’action politique est de se situer sur le registre technico-économico-juridique qui permet de

favoriser le développement durable du marché au bénéfice des utilisateurs. Pour cela, le régulateur doit être

neutre et parfois « ingrat » vis-à-vis de l’Autorité politique. En vue d’assurer cette neutralité, le mécanisme de

nomination et la durée du mandat doivent garantir l’indépendance du Directeur général. Voir Seydi AHMED

Sy SARR, « L’indépendance du régulateur, facteur de crédibilité et de stabilité » in Forum de la régulation,

Dakar, édition du Forum de la régulation, octobre 2007, pp. 162 à 163.

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capture du politique283, car comme nous l’avons relevé plus haut, le régulateur

peut être capturé par les puissantes entreprises du secteur.

Le Docteur Isaac CISSOKO a identifié trois critères permettant de mesurer

l’autonomie du régulateur284. Il s’agit du mandat des personnes, des moyens

humains et des moyens financiers. En plus de ces critères, le mode de

désignation des membres, des organes et des dirigeants nous paraît essentiel

pour asseoir l’indépendance et la légitimé de l’organe.

Aux termes de l’article 163 du nouveau code des télécommunications :

La Direction générale de l’ARTP est placée sous l’autorité d’un Directeur

général, nommé par décret , sur la base de critères d’intégrité morale, de

qualification et d’expérience en matière de gestion d’institutions publiques ou

privées intervenant en particulier dans les secteurs régulés.

La rémunération et les avantages du Directeur général sont fixés par le

Président de la République sur proposition de l’autorité gouvernementale, par

référence aux salaires et avantages prévalant dans les entreprises privées des

secteurs régulés pour un poste équivalent.

Cet environnement est-il propice pour garantir à l’organe de régulation une

expertise dont la qualité est incontestable ?

A l’épreuve des faits, la réponse ne peut pas être affirmative. Il n’est pour s’en

convaincre que de convoquer le décret n°2010 – 406 du 30 mars 2010 portant

nomination des membres du Conseil de Régulation de l’Agence de Régulation 283 Voir l’intervention de MM.AKé G.M N’Gbo et Cremide de l’Université de Cocody, « L’indépendance du

régulateur », in Forum de la régulation, op.cit, page 151. 284 Issa Isaac Cissoko, Contribution à la compréhension de la notion de régulation dans le secteur des

entreprises de réseau : le cas des télécommunications, Dakar, Thèse pour le Doctorat d’Etat en Droit privé,

Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, 10 mai 2008.

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des Télécommunications et des Postes. Quels sont les profils des membres

nommés par ce décret ?

Ils sont ingénieur en pétrochimie, juriste, professeur à l’ESP, auditeur

comptable et financier, animateur du développement, ingénieur en

télécommunication, attaché d’administration, de communication et de

marketing, conseiller en organisation.285

Ces profils ne sont pas des meilleurs pour assurer une régulation efficace.

En effet, nous concédons à Christophe GENOUD que « dans des secteurs aussi

techniques et complexes que les industries des réseaux, l’expertise et la qualité

de l’information sont des outils précieux pour une bonne régulation »286.

Prenant conscience de ce fait, le Président de la République, en violation de la

Loi 2001-15287, a modifié ce décret par le décret n°2010-1540 portant

nomination des membres du Conseil de Régulation de l’Agence de Régulation

des Télécommunications et des Postes.

Dans ce contexte, il est difficile de promouvoir l’efficacité de la régulation.

Ces limites à l’indépendance du régulateur ne sont pas en phase avec le cadre

communautaire actuel. Au sens de l’article 11 de l’Acte Additionnel

A/SA/1/01/01 relatif à l’harmonisation des politiques et des cadres

réglementaires du secteur des technologies de l’information, « les Etats

285C’est le lieu de préciser que le seul ingénieur en télécommunication dans ce Conseil n’avait pas encore une

année d’expérience professionnelle effective. 286 Christophe GENOUD, « Libéralisation et régulation des industries de réseau : diversité dans la

convergence ? », in Revue internationale de politique comparée, op.cit. Page 198. 287 Car selon l’article 47 du code des télécommunications de 2001, les membres du Conseil de Régulation sont

nommés pour une durée de trois ans renouvelables.

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membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de régulation

vis-à-vis du pouvoir politique. ».

En plus de ces insuffisances, l’articulation institutionnelle constitue une autre

limitation à l’indépendance.

B. Limites de l’indépendance liées au fonctionnement de l’organe de

régulation

Au sens de l’article 165 du code des télécommunications, le Directeur

général détient tous les pouvoirs et attributions nécessaires à la gestion interne

de l’ARTP. Il accomplit et autorise tous les actes et opérations relatifs à l’objet

de l’ARTP dans le respect des décisions du Collège de Régulation.

Selon l’article 160, le Collège de Régulation délibère sur les orientations

générales, le plan d’action, le programme annuel d'activités présenté par le

Directeur général, le rapport d’activités, le rapport de gestion et le rapport social

de l’ARTP présenté par le Directeur général.

C’est dire que le Collège de Régulation a un pouvoir de contrôle sur les actes

de gestion posés par le Directeur général de L’ARTP dans le cadre du

fonctionnement interne de l’Autorité.

Cependant, la gestion des finances de l’ARTP est assurée par un Agent

comptable nommé par le Ministre de l’économie et des finances en application

du décret n°002980 du 07 avril 2011 portant régime financier et comptable des

établissements publics, des agences et autres organismes publics similaires288.

288 L’application du décret n°002980 du 07 avril 2011 à l’ARTP est une recommandation d’une étude

commanditée par la « Délégation au management public de l’Etat ». Voir Rapport Kpmg, Mission d’évaluation

des agences, Dakar, Rapport n°01-07 /06/2006.

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Selon l’article premier, le décret « s’applique aux établissements publics, aux

agences et aux autres organismes publics similaires, existants ou à créer,

lorsqu’ils ne sont pas dotés de textes spécifiques ayant le même objet que le

présent décret. »289.

La lecture de cette disposition appelle quelques constats.

L’ARTP est une autorité administrative indépendante au sens de l’article 123

de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications. Cette

disposition constitue une transposition de l’article 11 de l’Acte Additionnel

A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire

du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Selon l’article 11 de cet Acte Additionnel :

Les Etats membres garantissent l’indépendance des Autorités nationales de

régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant

la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et

de toute organisation intervenant dans le secteur, en faisant de sorte que ces

autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.

C’est d’ailleurs pourquoi certaines règles matérielles du décret n°002980 du 07

avril 2011 sont contraires aux dispositions du code des télécommunications et

des Actes Additionnels de la CEDEAO.

289 Pour renforcer la bonne gouvernance dans les finances publiques, l’Etat a adopté la Loi 2009-20, portant loi

d’orientation sur les agences d’exécution. Dans l’exposé des motifs de cette loi, le législateur constate que la

création d’agence a conduit à des dysfonctionnements préjudiciables à l’administration, voire des pratiques peu

orthodoxes. Ce qui rend nécessaire la nomination d’agent comptable pour séparer les fonctions d’ordonnateur et

de comptable. Même si l’intention du législateur est de renforcer la bonne gouvernance financière dans les

structures publiques y compris l’ARTP, cette loi n’est pas applicable au régulateur des télécommunications qui

est une autorité administrative indépendante créée par une loi. Journal Officiel de la République du Sénégal

n°6481du 25 juillet 2009.

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En effet, l’article 169 du code des télécommunications prévoit que « le projet de

dotation du budget annuel de l’ARTP est préparé par le Directeur général et

soumis à l’approbation du Collège, au plus tard deux mois avant la fin de

l'année budgétaire en cours. ».

L’article 12 du décret n °002980 du 07 avril 2011, quant à lui, prévoit

l’approbation du budget des organismes concernés par le Ministère des finances.

Cette disposition est contraire à l’indépendance budgétaire. Selon le Professeur

Abdoulaye SAKHO, le budget de l’ARTP doit respecter certains principes à

savoir « l’indépendance de la programmation et d’exécution budgétaire et

l’indépendance de gestion budgétaire qui sont les normes de fonctionnement de

toutes les Autorités administratives indépendantes disposant de ressources

propres et donc de l’indépendance budgétaire. »290

Cette contradiction dans les règles matérielles parmi d’autres rend impossible

l’application du décret à l’ARTP. En ce sens qu’en cas de conflits de normes

entre les dispositions d’un décret et celles d’une loi, celles du décret sont

écartées au profit des dispositions législatives291.

Dans les faits, il est fréquent de constater des incompréhensions entre

l’agent comptable et la Direction général de l’ARTP. Par ailleurs, l’agent

comptable nommé est souvent un inspecteur du Trésor. La régulation étant un

métier nouveau, elle requiert parfois l’acquisition de certains équipements et la

participation à certaines rencontres stratégiques pour le développement des 290 Ces arguments sont développés par le fondateur du forum de la régulation dans un entretien accordé à deux

journalistes à la suite de l’ordonnance de non-lieu rendu par le juge d’instruction qui a blanchi totalement les

inculpés, sur les accusations de détournement de deniers publics contre les membres du premier Conseil de

Régulation de l’ARTP dont le Professeur Abdoulaye SAKHO était le Président. Voir SAKHO Abdoulaye, Ma

part de vérité : entretiens avec Bachir FOFANA et Baye Dame WADE, Préface de Madiambal DIAGNE, édition

juillet 2012, Le Quotidien/ Groupe Avenir Communication, p. 48. 291 Brami Cyril, La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français, Thèse de Doctorat d’Etat, Université

CERGY Pointoise, 4 décembre 2008, p. 25.

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télécommunications292. Ces réalités ne sont pas souvent comprises par des

fonctionnaires de l’administration classique dont le principal souci est la

recherche de fonds pour alimenter le Trésor public.

Cette analyse de l’adaptabilité du cadre institutionnel au droit supranational a

révélé l’existence d’une certaine conformité. Mais des limites ont été

identifiées.

De même, l’environnement mondial des télécommunications comporte des

opportunités, mais aussi des menaces qui méritent d’être prises en compte pour

une régulation efficace.

292 Si la nomination d’un agent comptable par le ministre des finances est une garantie de bonne gestion des

finances de l’ARTP, le premier nommé ne serait pas inculpé pour détournement de deniers publics. En effet, Le

Doyen des juges d’instruction du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a mis sous mandat de dépôt Monsieur

Ndongo DIAW Directeur général de l’ARTP, Monsieur Mamadou Yaké BA, agent comptable de l’ARTP et

Monsieur Léon Pierre SAGNA, Chef de division finance pour détournement de deniers publics. Dans le cadre de

l’instruction de ce dossier, le Directeur général de l’ARTP a demandé entre autres, l’audition du Ministre des

Finances qui avait nommé l’agent comptable inculpé. C’est dire que cette nomination n’est pas une garantie de

bonne gouvernance financière. Voir Rewmi « L’ancien DG de l’ARTP, Ndongo DIAW invite le doyen des

juges à auditionner Maître WADE et Cie, édition du samedi premier septembre 2012. www.rewmi.com. Page

consultée le 3 septembre 2012.

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SECTION II :

MENACES ET OPPORTUNITES SUR LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL

L’environnement de la régulation des télécommunications au Sénégal n’est

pas seulement un creuset de faiblesses. Des menaces (paragraphe I) se sont aussi

dessinées par rapport à l’environnement national et international. Mais le

Sénégal peut tirer profit des opportunités pour tempérer les risques liés à ces

menaces (paragraphe II).

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PARAGRAPHE PREMIER :

MENACES LIEES A L’ACTIVITE DE REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL

La régulation des télécommunications au Sénégal fait face à des menaces par

rapport à l’environnement national des télécommunications (1), mais aussi par

rapport à l’environnement mondial (2).

1. Les menaces par rapport à l’environnement national des

télécommunications

L’environnement national des télécommunications est caractérisé par la

présence de plusieurs acteurs publics. En dehors de l’organe de régulation des

télécommunications, rares sont les organes publics intervenant dans le secteur

des télécommunications qui disposent de moyens suffisants. C’est pourquoi, ils

adressent souvent des requêtes à l’organe de régulation pour qu’il leur apporte

un appui financier. Ils considèrent que les ressources collectées par l’organe

doivent servir au développement des télécommunications indifféremment de

l’organe public qui en est le maître d’œuvre. Toutefois, l’article 171 du code

des télécommunications de 2001 précise que :

Les ressources de l'ARTP sont affectées à la réalisation de ses missions et à son

fonctionnement. Ces ressources sont également utilisées, entre autres, à :

1. la prise en charge des frais d’études et d’organisation des rencontres

relatives à l’élaboration et au suivi des politiques, des stratégies et de la

réglementation des secteurs régulés et des TIC ;

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2. la prise en charge des participations du Sénégal aux rencontres

internationales des secteurs régulés et des TIC ;

3. l’appui au renforcement des capacités et à la recherche dans les

secteurs régulés et des TIC ;

4. la prise en charge des contributions et cotisations du Sénégal dans les

organisations internationales des secteurs régulés et des TIC ;

5. l’appui aux structures publiques intervenant dans le secteur des

télécommunications et des TIC.

Dans les faits, l’ARTP a sponsorisé des combats de lutte au lieu de financer des

activités de développement des télécommunications. Ce fait est critiqué par les

acteurs du secteur293. Ils considèrent que le régulateur des télécommunications

n’est pas dans un environnement concurrentiel, par conséquent, il ne doit pas

ravir la vedette aux opérateurs de télécommunications qui ont besoin de rendre

visibles leurs produits à travers ces événements.

En plus, la fonction de régulation n’est pas très bien comprise par certains

organismes étatiques dont l’opinion est souvent prise en compte dans la décision

de l’Autorité politique.

L’ensemble de ces facteurs expose le régulateur à des risques de refonte totale,

voire de disparation dans l’environnement institutionnel du pays.

A côté de ces risques, l’environnement international expose des dangers.

2. Risques liés à l’environnement mondial des télécommunications

Le secteur des télécommunications est caractérisé par sa dimension mondiale.

En effet, l’essentiel des opérateurs de télécommunications au Sénégal sont des

293 Je remercie Monsieur Adama Sidibé, Chef de division Réglementation de la SONATEL, Monsieur Babacar

Ba, Regulatory manger de SENTEL Gsm, pour avoir accepté de répondre à notre questionnaire.

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filiales de grands groupes souvent présents dans le marché boursier294. Avec la

crise financière et les risques qui pèsent sur le système financier mondial, le

secteur des télécommunications ne saurait rester indifférent. C’est pourquoi, le

régulateur dont la fonction est de développer un marché compétitif doit avoir un

observatoire permettant d’éclairer les acteurs du secteur sur l’environnement

financier mondial, pour une meilleure intégration de la notion de risque par les

entreprises du secteur dans leur stratégie.

Par ailleurs, les défis de la sécurité des infrastructures et contenus des

réseaux de télécommunications ont fini d’installer le spectre de la peur au niveau

mondial295.

C’est pourquoi, une étude commandée par l’UIT invite les Etats à

encourager la sensibilisation, l’éducation contre les attaques cybercriminelles

dans le cadre de la prévention296. Ainsi, la menace cybercriminelle a incité à la

mise en place d’un groupe de travail dénommé « Sécurisation des réseaux

d'information et de communication : bonnes pratiques pour créer une culture de

cyber sécurité », au sein de la commission 1 de l’UIT-D297.

294 SONATEL est une filiale de France Télécoms, SENTEL Gsm est une filiale du Groupe Millicom

International, EXPRESSO Sénégal est une filiale du groupe SUDATEL. 295 Cependant, il convient de noter que le Sénégal s’est doté d’une législation sur la société de l’information

depuis 2008 même si l’évolution technologique rend de plus en plus les infractions cybercriminelles complexes.

Il s’agit de la Loi 2008-08 sur les transactions électroniques, J.O n°6404 du 26 avril 2008 ; de la Loi 20

08-10 portant lois d’orientation sur la société de l’information, J.O n°6406 du 3 mai 2008 ; de la Loi 2008-11 du

25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité, J.O n°6404 du 3 mai 2008 ; de la Loi 2008-12 sur la protection

des données à caractère personnel, J.O n°6404 du 3 mai 2008. 296ITU “Children on line protection: statistical fromework and indicators 2010”, IUT-D 2010, p. 69. 297 Dans le cadre des travaux de ce groupe de travail, des pays comme la Corée et le Maroc ont exposé leur

expérience en matière de cyber sécurité avant de proposer des pratiques tendant à combattre en amont la

cybercriminalité. Voir document 1/7-F du 23 septembre 2010. (www.itu.int. Page consultée le 9 septembre

2010.)

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En 2010, la CEDEAO a adopté des textes portant sur la cybercriminalité, la

protection des données à caractère personnel et sur les transactions électroniques

afin de lutter contre les menaces cybercriminelles298.

C’est pourquoi, il est fondamental que le régulateur puisse intégrer dans sa

stratégie d’intervention, la gestion du risque d’insécurité pesant surtout sur les

infrastructures sensibles.

298 Voir l’Acte Additionnel A/SA.2/01/10 portant sur les transactions électroniques dans l’espace CEDEAO du

16 février 2010, l’Acte Additionnel A/SA.01/01/10 relatif à la protection des données à caractère personnel dans

l’espace de la CEDEAO.

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163

PARAGRAPHE II :

OPPORTUNITES DE LA REGULATION

Les opportunités de la régulation sont analysées au niveau national (1) et

supranational(2).

1. Les opportunités au niveau national

L’environnement national de la régulation présente beaucoup

d’opportunités pour la régulation.

D’abord, l’environnement national est caractérisé par l’existence d’une

société civile dynamique. La société civile sénégalaise s’est très tôt positionnée

dans celle de l’information299. C’est ainsi qu’elle participe activement à la

gouvernance de l’Internet. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’avènement

de l’Internet au Sénégal est à l’honneur de la société civile qui a joué un rôle

déterminant dans sa pénétration au Sénégal. Elle est porteuse de plusieurs

initiatives tendant au développement de l’Internet au Sénégal. La participation

de la société civile dans la société de l’information à tous les niveaux, de la

planification de politiques de l’intégration, la supervision et l’évaluation, devrait

être assurée et maintenue.

Le gouvernement doit s’assurer que la compétition du marché est loyale et

que les monopoles ne se perpétuent pas. Même si les gouvernements devaient

promouvoir et faciliter la construction d’infrastructures, offrir la formation et

créer un environnement permettant à tous d’accéder aux TIC, ils ne devraient

pas contrôler le flot de l’information ni son contenu. La société a un rôle actif

dans la construction d’une société de l’information inclusive. 299 Sur le rôle de la société civile dans la société de l’information, voir SAGNA Olivier, Société civile et

construction de la société de l’information en Afrique de l’Ouest : entre marginalisation et implication , Dakar,

disponible sur le site (www.osiris.sn. Page consultée le 10 septembre 2011).

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Face à une société civile dynamique, le régulateur a l’avantage de compter

sur celle-ci pour poser les bonnes questions et rechercher avec l’ensemble des

acteurs les meilleures solutions pour le développement du secteur. Compte tenu

des limites de l’indépendance du régulateur, celui-ci peut bénéficier du soutien

de la société civile pour inciter l’Etat à engager certaines réformes ou prendre

certaines décisions nécessaires pour le développement du secteur des

télécommunications au Sénégal300.

2. Les opportunités de l’environnement supranational

Des études de plus en plus nombreuses montrent que le niveau national de

régulation retenu et l’environnement institutionnel ne sont plus ajustés301.

Devant la puissance et l’influence de l’opérateur historique sur l’autorité

politique, le régulateur se heurte à la difficulté de faire prendre certaines

décisions nécessaires pour le développement de la concurrence. Aujourd’hui, en

faveur de l’intégration sous-régionale, les organismes communautaires

300 Cependant, il faut regretter la dispersion des associations de consommateurs au Sénégal qui ne partagent pas

souvent leur position sur des questions stratégiques pour l’avenir du secteur. Par exemple, sur le contrôle du

trafic international entrant, ASCOSEN, dirigée par Momar Ndao, soutient la mise en œuvre tandis que d’autres

associations demandent à l’Etat d’annuler le décret portant mise en œuvre du contrôle du trafic international

entrant. 301 Le rapport Stofaës mentionne trois exemples :

- le premier exemple porte sur la crise du secteur des télécommunications, engendrée notamment par le

défaut de coordination lors de l’attribution des licences UMTS en France ;

- le deuxième concerne la fluidité insuffisante des échanges d’électricité sur le marché européen,

résultant de cloisonnements persistants des réseaux nationaux de transport ;

- et enfin, le troisième exemple a trait à la problématique de l’évaluation des services d’intérêt

économique général. in Vers une régulation européenne des réseaux, Rapport de la Ministre déléguée

aux affaires européennes, Paris, ISUPE, 2003, p. 36 et suivante.

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165

définissent leur plan stratégique communautaire et associent les Etats membres

à la mise en œuvre.

C’est ainsi que l’UEMOA a soumis à la validation des experts des pays

membres son plan stratégique sectoriel dans le domaine des télécommunications

entre les 8 et 10 décembre 2010302.

A cette occasion, l’organisation communautaire a prévu, entre autres, la mise en

œuvre du dégroupage dans les pays membres, l’adaptation du cadre juridique

pour attirer des investissements dans l’infrastructure, le partenariat entre acteurs

du secteur des télécommunications et ceux du secteur de l’énergie pour favoriser

la réalisation du service universel dans les Etats membres. L’introduction de ces

leviers de régulation pour le développement de la concurrence et le service

universel se heurtaient classiquement à la résistance des opérateurs historiques

qui ont tendance à utiliser les syndicats de leur personnel pour faire reculer

l’Autorité politique devant les réformes nécessaires. Aujourd’hui, l’UEMOA, en

adoptant un plan stratégique communautaire avec des objectifs dont la

réalisation obéit à un chronogramme précis, permet la naissance d’une nouvelle

ère d’efficacité pour les régulateurs en marche vers la construction d’un marché

communautaire dynamique et compétitif.

302 Voir le rapport de l’atelier de validation de la stratégie et du plan d’actions pour la promotion des

technologies de l’information et de la communication dans l’espace UEMOA du 8 au 10 décembre 2010,

Ouagadougou, Rapport inédit.

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CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE PREMIER DE LA

PREMIERE PARTIE

L’étude du cadre institutionnel et normatif de la régulation a permis

d’identifier les sources nationales et internationales du droit des

télécommunications applicables à la régulation des télécommunications au

Sénégal. De même, elle a permis de comprendre l’organisation et le

fonctionnement de la régulation au Sénégal.

Ce qui a mis à nu des faiblesses de l’organe de régulation au Sénégal et des

menaces qui appellent à une vigilance et des actions correctives.

Mais heureusement, ces inquiétudes sont tempérées par des opportunités

principalement liées à l’évolution technologique et à l’existence de cadres

supranationaux favorables à l’harmonisation des meilleures pratiques de

régulation.

Après l’étude des normes et de l’institution de régulation, il est nécessaire

d’examiner l’activité de régulation.

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TITRE II :

L’ACTIVITE DE REGULATION AU SENEGAL

L’étude de l’activité de régulation permet d’identifier le modèle de

régulation appliqué au Sénégal et d’apprécier le degré d’efficacité des outils mis

en place pour développer la concurrence dans le secteur des

télécommunications.

Cette activité de régulation des télécommunications au Sénégal est effectuée de

deux manières : ex ante (chapitre I) et ex post (chapitre II).

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CHAPITRE PREMIER :

L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE

L’examen de l’activité de régulation ex ante permettra de mesurer la

capacité des instruments et mécanismes mis en place par le régulateur pour

introduire et asseoir la concurrence, et favoriser l’accès universel dans le

secteur des télécommunications.

L’activité de régulation ex ante consiste principalement à développer la

concurrence (section I) et à contribuer au développement du service universel

(section II).

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SECTION PREMIERE :

L’ACTIVITE DE DEVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE

Pour développer la concurrence, l’autorité assure une régulation de

l’interconnexion (paragraphe I) et la gestion des ressources rares (paragraphe II).

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PARAGRAPHE PREMIER :

L’activité de régulation de l’interconnexion

L’interconnexion entre les opérateurs est une obligation légale303. Dans

l’activité de régulation de l’interconnexion, il convient d’abord d’identifier

l’opérateur ayant une puissance significative sur le marché (1) avant de

répertorier ses obligations (2).

1. Identification de l’opérateur ayant une puissance significative sur

le marché

Conformément aux dispositions de la directive européenne du 30 juin 1997,

l’interconnexion est :

La liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par le

même organisme ou un organisme différent, est de permettre aux utilisateurs

d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs du même ou d'un autre

organisme, et d'accéder aux services fournis par un autre organisme. Les

services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties

qui ont accès au réseau.304

D’après l’Union Internationale des Télécommunications (UIT),

l’interconnexion est un ensemble de dispositions commerciales et techniques

suivant lesquelles les prestataires de services connectent leurs équipements,

303 Nous avons disserté sur l’obligation d’interconnexion dans le titre premier de cette première partie. 304Directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le

secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des

principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), Journal officiel n° L 199 du 26/07/1997 p. 0032 – 0052.

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réseaux et services pour permettre à la clientèle d’accéder aux clients, services et

réseaux d’autres prestataires de services305.

La directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA relative à

l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications définit

l’interconnexion comme :

a) une liaison physique des réseaux de télécommunications, en vue de

fournir des prestations réciproques entre deux exploitants de réseaux

ouverts au public, permettant à l'ensemble de leurs utilisateurs de

communiquer librement entre eux, quel que soit le réseau auquel ils sont

raccordés ;

b) des prestations d'accès au réseau ouvert au public offertes dans le même

cadre par son exploitant à un fournisseur de services de

télécommunications.

L’article 3 du code des télécommunications du Sénégal définit l’interconnexion

comme :

La liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le

même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs

d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un

autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. Les

services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties

qui ont accès au réseau. L'interconnexion constitue un type particulier d'accès

mis en œuvre entre opérateurs de réseaux ouverts au public.

305 Rapport du colloque de l’UIT, Genève, édition UIT, 1995.

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De ces définitions, il ressort que l’interconnexion consiste à raccorder différents

réseaux de télécommunications entre eux pour permettre à l’ensemble des

utilisateurs de communiquer librement. De même, elle désigne l’ensemble des

droits et des obligations qui sont associés. Elle est un élément essentiel de la

concurrence, en raison du jeu stratégique des acteurs du marché. Elle dépend

d’un environnement complexe (asymétrie d’information, aléas contractuels,

cadre juridique, situation économique) qui varie d’un pays à un autre.

Il convient de rappeler qu’au Sénégal, le secteur des télécommunications a

été caractérisé jusqu’à 1996 par le régime du monopole d’Etat. Le vent de la

privatisation qui a soufflé dans les pays d’Afrique de l’ouest a conduit l’Etat du

Sénégal à privatiser l’opérateur historique en 1996 avant d’attribuer une

deuxième licence mobile en 1997; c’est le début de la libéralisation. Les deux

opérateurs signèrent une convention d’interconnexion dans un contexte où le

régulateur n’était pas encore né. Il faudra attendre l’adoption de la Loi n°2001-

15 du 27 décembre 2001 portant code des télécommunications pour assister à la

création d’un régulateur des télécommunications. Ce code pose, par la même

occasion, le principe de l’interconnexion équitable. Ce principe est repris par le

nouveau code des télécommunications. L’article 47 du nouveau code des

télécommunications consacre le caractère obligatoire de l’interconnexion entre

les opérateurs titulaires de licence. De même, il prévoit des obligations

asymétriques à la charge de l’opérateur ayant une puissance significative sur le

marché.

L’article 3 du nouveau code des télécommunications du Sénégal prévoit qu’un

opérateur est présumé être en position dominante s’il détient une part supérieure

à 25% du marché des télécommunications306. Il peut être tenu compte également

306 Le critère d’identification de l’opérateur en position dominante varie en fonction des législations. En

Tanzanie, « Tanzania communications regulatory Authority act, 2003 » prévoit qu’un opérateur est présumé être

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du chiffre d’affaires de l’opérateur par rapport à la taille du marché, de son

contrôle des moyens d’accès à l’utilisateur final, de son expérience dans la

fourniture de produits et de services de télécommunications.

A la place du concept « d’opérateur en position dominante », l’UEMOA a

consacré le concept « d’opérateur puissant ». Mais ces deux concepts visent le

même objectif. En effet, il s’agit pour le régulateur d’éviter que les « pouvoirs

privés économiques »307 qui disposent « au plan économique, du pouvoir plus ou

moins étendu, d’influencer sur les conditions de la production et de la

distribution », pour reprendre le Professeur Abdoulaye SAKHO308.

Selon l’article premier de la directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA

relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications :

Un opérateur de réseau public de télécommunications peut être qualifié de

puissant sur le marché d’un service ou d’un groupe de services s’il détient au

moins 25% du volume de ce marché. Il peut être également tenu compte :

- de la capacité de l’opérateur à influencer les conditions du marché ;

- de son chiffre d’affaires par rapport à la taille du marché ;

- du contrôle qu’il exerce sur les moyens d’accès à l’utilisateur final ;

- de son expérience dans la fourniture de service sur le marché.

Quant à la CEDEAO, elle utilise le concept d’« opérateur ayant une puissance

significative sur le marché »309. Aux termes de l’article premier de l’Acte en position dominante s’il détient une part supérieure à 35%. Voir la contribution de la Tanzanie aux travaux de

la commission d’étude 1 du secteur du développement de l’UIT. www.iut.int Document RGQ 10-3/1/INF/001-

(page consultée le 6 juin 2011). Voir aussi le rapport du groupe des rapporteurs de la question 10-3 /1 du 2 mai

2001 à Genève. Document n°1/53-E du 8 juin 2011.

307 Gérard Farjat, Droit économique, Paris PUF/Thémis, 1967, p. 373. 308 Abdoulaye Sakho, op.cit p. 264. 309 Cette conception est celle retenue par l’article L 37-1 du code des communications électroniques qui dispose

qu’« est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques

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Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et

services du secteur des TIC :

Une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance significative

sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve

dans une position équivalente à une position dominante, c'est-à-dire qu’elle est

en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière

indépendante de ses concurrents, de ses clients, et enfin de compte, de ses

consommateurs.

De l’analyse de ces définitions, il apparaît que les critères d’identification de

l’opérateur en position dominante, de l’opérateur puissant, de l’opérateur ayant

une puissance significative sur le marché sont les mêmes310. En effet, l’opérateur

ayant une puissance significative sur le marché est une signification du concept

anglais « The significat market power », qui n’est rien d’autre que l’opérateur en

position dominante dans les pays anglophones. Au Nigéria, la commission de

régulation définit chaque année les lignes directrices pour identifier les

tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d’autres, se trouve dans une position équivalente

à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents,

de ses clients et des consommateurs ». 310 En Europe, le cadre réglementaire européen aligne la définition de la puissance sur le marché sur la définition

que donne la Cour de la position dominante. C’est pourquoi les Autorités de régulation des communications

électroniques des pays membres sont tenues de veiller à ce que leurs décisions soient cohérentes avec la pratique

de la commission ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice et du tribunal de première instance en matière

de position dominante. Toutefois, l’application ex ante de cette définition nécessite certaines adaptations

méthodologiques quant à la façon dont la puissance sur le marché est appréciée. Plus particulièrement,

lorsqu’elles déterminent ex ante, si une ou plusieurs entreprises détiennent une position dominante sur les

marchés en cause, les régulateurs sectoriels appuient en règle générale leur analyse sur un ensemble

d’hypothèses et d’anticipations qui n’est pas le même que celui utilisé par les autorités de la concurrence. Voir

la directive européenne 2002/C 165/03 relative aux “lignes directrices de la Commission sur l’analyse du

marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour

les réseaux et services de communications électroniques. point 70, p. 15.

Au Sénégal, il est attendu le même effet. En ce sens que les normes communautaires sur la question et les

normes nationales sont inspirées du droit européen.

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opérateurs en position dominante. Conformément aux lignes directrices sur

l’interconnexion, les opérateurs en position dominante sont tenus d’offrir des

facilités essentielles aux opérateurs concurrents. L’ensemble des éléments

constituant des facilités essentielles sera fixé par les lignes directrices sur

l’interconnexion311.

Par conséquent, c’est le même régime juridique qui est applicable.

L’identification de l’opérateur en position dominante se fait sur un marché.

Dans son rapport annuel de 2010, le Conseil de la Concurrence de la France

définit le marché comme suit : « Le marché, au sens où l’entend le droit de la

concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la

demande pour un produit ou un service spécifique. » 312Lorsque les produits ou

les services sont substituables313, le marché peut être qualifié de pertinent. En

droit comparé, les directives européennes314 adoptées en 2002315 prévoient que

l’imposition d’obligation a priori à des opérateurs de télécommunications doit

passer par des analyses des marchés. A cet effet, la directive 2002/21/CE316

prévoit que la commission est appelée à formuler des recommandations et des

lignes directrices en la matière.317 La démarche d’analyse comprend trois étapes 311 Voir “Guidelines on technical standards for interconnectivity of networks” p. 12. Disponible sur le site

www.ncc.gouv.ng. Page consultée le 20 janvier 2010. 312L’Autorité de la concurrence, Rapport annuel 2010, Paris, Autorité de la concurrence, p. 143. Disponible sur

le site http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/index.php. Page consultée le 20 septembre 2011. 313 Une substituabilité parfaite s’observant rarement, l’Autorité de la concurrence de la France considère que

sont substituables et par conséquent se situent sur un même marché, les produits et les services dont on peut

raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer

pour satisfaire une même demande. Voir sur cette question les décisions 10-D-13 ; 10-D-14 ; 10-D-15. Voir

aussi « le rapport annuel 2010 » de l’Autorité de la concurrence de la France p. 144. 314 Il s’agit des directives dites « du paquet télécoms ». 315 Quatre directives du 07 mars 2002 (directive 2002/19/CE, dite directive « accès » ; directive 2002/20/CE, dite

directive « autorisation » ; directive 2002/21/CE, dite directive « cadre » ; directive 2002/22/CE, dite directive

« service universel ») publiées au JOCE du 31 juillet 2002, L 201, p. 37. 316 Elle est la directive cadre. 317 Article 15 de la directive 2002/21/CE.

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dont la définition du marché pertinent318. Les frontières de ce marché sont

définies sur la base du critère de « substituabilité » par la demande et par

l’offre319. Avec ce critère, il est distingué le marché de produits du marché

géographique.

Le marché des produits en cause comprend tous les produits et/ou services

que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en

raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auxquels ils sont

destinés.

Le marché géographique comprend le territoire sur lequel les entreprises

concernées concourent à l’offre et à la demande des produits ou services en 318 Dans les lignes directrices sur la concurrence, la Commission européenne reconnaît les difficultés inhérentes

à la définition du marché pertinent dans un domaine connaissant une évolution technologique rapide tel que le

secteur des télécommunications. Grâce à l’expérience capitalisée dans l’application des règles de concurrence à

un secteur dynamique, la Commission a retenu deux principaux critères liés aux contraintes concurrentielles, à

savoir les possibilités de substitution du côté de la demande et les possibilités de substitution du côté de l’offre.

Une troisième source de pression concurrentielle, à savoir la concurrence potentielle, peut influencer le

comportement d’un opérateur. La différence entre la concurrence potentielle et les possibilités de substitution du

côté de l’offre réside dans le fait que le second facteur réagit rapidement à une augmentation des prix, alors qu’il

faut plus de temps à de nouveaux concurrents potentiels pour commencer à approvisionner le marché. Voir la

directive 2002/C165/03 relative aux « lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et

l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les

réseaux et les services de communications électroniques », point 38, p. 11. 319 La délimitation des marchés, du point de vue des services, repose sur l’analyse de :

- la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s’ils sont

suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, notamment du point de vue de l’usage qui est fait

des produits et des services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de

distribution, des coûts de migration d’un produit vers l’autre. Afin d’apprécier cette notion

d’interchangeabilité, l’analyse doit, entre autres, prouver que la substitution entre les deux produits est

rapide et doit prendre en compte les coûts d’adaptation qui en découlent ;

- la substituabilité du côté de l’offre : elle est caractérisée lorsqu’un opérateur, qui n’est pas actuellement

présent sur un marché donné, est susceptible d’y entrer rapidement en réponse à une augmentation du

prix des produits qui y sont vendus.

Voir sur cette question, la décision de l’ARCEP n° 2010-0402 en date du 8 avril 2010 portant sur la définition

des marchés pertinents des services de capacités, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative

sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.

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cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et

qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en

particulier, les conditions de concurrence y diffèrent320.

Au Sénégal, le nouveau code des télécommunications met à la charge de

l’opérateur, ayant une puissance significative sur le marché, certaines

obligations. Aux termes de l’article 14 du nouveau code des

télécommunications :

Les opérateurs réputés exercés une puissance significative sur un marché

pertinent du secteur des télécommunications sont soumis, en matière

d'interconnexion et d'accès, aux obligations suivantes :

1º) rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès,

notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou

d'accès, appelée catalogue d’interconnexion. L’offre d’interconnexion peut être

modifiée au cours de la période de validité d’un catalogue sous réserve que tous

les exploitants puissent bénéficier également de la modification. Toutefois, les

modifications doivent être approuvées préalablement par l’Autorité de

régulation. L’Autorité de régulation peut demander, à tout moment, la

modification du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les

conditions de concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de

télécommunications ne sont pas garanties. Elle peut également décider

d’ajouter ou de supprimer des prestations inscrites au catalogue pour mettre en

œuvre les principes d’orientation des tarifs d’interconnexion vers les coûts, ou

pour mieux satisfaire les besoins de la communauté des exploitants et

fournisseurs de services de télécommunication ;

320 Autorité de concurrence de la France, Rapport annuel 2009, Paris, Autorité de la concurrence France, pp.

161 à 163. (www.autoritedelaconcurrence.fr. Page consultée le 8 septembre 2011).

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178

2º) fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non

discriminatoires ;

3º) faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à

des moyens qui y sont associés ;

4º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;

5º) isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion

ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette

de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le

respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un

organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.

Par ailleurs, le nouveau code des télécommunications prévoit l’encadrement des

tarifs de détail de l’opérateur ayant une puissance significative sur le marché. Il

dispose en son article 62 que :

Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de

détail du secteur des télécommunications peuvent se voir imposer par l’Autorité

de régulation, une ou plusieurs des obligations suivantes:

1º) fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires, ne

pas coupler abusivement de telles prestations ;

2º) pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;

3°) respecter un encadrement pluriannuel des tarifs défini par l'Autorité de

régulation des télécommunications ;

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179

4°) informer l'Autorité de régulation de ses tarifs préalablement à leur mise en

œuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés ; l'autorité peut

s'opposer à la mise en œuvre d'un tarif qui, lui, est communiqué en application

du présent alinéa par une décision motivée explicitant les analyses, notamment

économiques, qui sous-tendent son opposition ;

5º) tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le

respect des obligations prévues par le présent article ; le respect de ces

prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un organisme indépendant

désigné par l'Autorité de régulation.

Cette disposition est une innovation positive par rapport au code des

télécommunications de 2001 qui ne prévoyait pas l’encadrement des tarifs de

détail321. Ce qui installait souvent le client à la merci des opérateurs dans les

segments concurrentiels. La théorie de la régulation sectorielle souligne que la

régulation des prix de détail peut, en dernier recours, s’avérer nécessaire322.

Dans ce cas, les missions du régulateur s’attachent à surveiller, suivant les cas,

que les entreprises ne pratiquent pas :

- des prix excessifs;

- des prix d’éviction;

- de discrimination;

- et de ventes liées abusives.

Les prix sont dits excessifs lorsqu’ils s’écartent significativement des coûts.

Une telle situation est possible lorsqu’un opérateur dispose d’un pouvoir de

marché important. Elle conduit à des rentes considérées (d’un point de vue

321 L’encadrement des tarifs de détail est une transposition de l’article 4 de la Directive n°05/2006/CM/UEMOA/

relative à l’harmonisation de la tarification des services de télécommunications. 322 David Flacher et Hugues Jennequin, Réguler le secteur des télécommunications ? Enjeux et perspectives.,

Paris, éditions Economica 2007, pp. 111 et 112.

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180

statique) comme sources d’inefficience323. Le régulateur peut alors demander

une orientation des prix vers les coûts.

Le régulateur parle de prix d’éviction lorsqu’un bien ou service est vendu à

un prix trop bas pour pouvoir être produit de manière rentable par des

concurrents de l’opérateur puissant aussi efficaces que ce dernier ou par des

concurrents raisonnablement efficaces.

La pratique des prix prédateurs (vente à perte) est ainsi un cas particulier de

prix d’éviction. De manière assez paradoxale, pour faire face à ce type de

risque, le régulateur peut être amené à exiger de l’opérateur puissant qu’il

pratique des prix significativement supérieurs aux coûts afin de laisser ( de

manière artificielle) des marges aux concurrents potentiels et donc pour que se

développe une concurrence significative. A noter, enfin, que l’éviction de

concurrents peut également se faire sur une base contractuelle (abonnement

d’une durée fixée…).

La discrimination s’entend sur les prix mais également sur les conditions et

modalités de vente. Le régulateur peut donc interdire les pratiques

discriminatoires qu’il juge anticoncurrentielles ou inacceptables.

Le couplage entre deux offres, qu’il soit d’ordre tarifaire, contractuel ou

technique, peut donner lieu à la vente liée d’une offre sur un marché peu (ou

non) concurrentiel et d’une offre sur un marché concurrentiel. Ce type de vente

323 L’efficience désigne le rapport entre les résultats obtenus et les moyens mis en œuvre. Nous trouvons dans la

littérature économique la notion d’efficience absolue d’une part, et l’efficience relative d’autre part.

S’agissant de l’efficience absolue, nous dirons d’un agent, d’un marché ou d’une économie qu’ils sont

efficients s’ils atteignent un optimum, c'est-à-dire s’ils sont les plus efficients possibles.

Concernant l’efficience relative, c’est une situation qui apparaît comme plus efficiente qu’une autre si des

résultats semblables sont obtenus à partir d’une quantité de ressource inférieure. Voir H. Leibenstein,

« Allocative efficiency vs. X-efficiency », American Economic Review, juin 1996, pp. 392-415.

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liée devient alors abusif lorsqu’elle nuit à l’intérêt des clients. Le régulateur

peut être amené à interdire ces pratiques324.

Le régulateur est également amené, dans le cadre de ses missions, à établir des

obligations en matière de comptabilisation et de transparence.

Le marché sénégalais est composé de trois opérateurs dont les

comportements dans le marché de détail n’est pas souvent optimal pour le

consommateur. Par exemple, dans le marché du fixe et de l’Internet, le client qui

n’est pas satisfait de la prestation de SONATEL n’a qu’un seul choix de produit

relativement substituable, à savoir les offres de l’opérateur EXPRESSO Sénégal.

En droit comparé, la sanction infligée par le régulateur malien à SOTELMA325

attire notre attention en ce qu’elle caractérise la détermination du régulateur à

ne pas laisser le consommateur à la merci des opérateurs puissants ou

dominants. Quels sont les faits de l’espèce ?

Par décision du 04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand

public de Malitel,326 le régulateur malien a approuvé un tarif de 150FCFA/mn

pour la communication internationale.

Suite à l’augmentation du tarif de terminaison d’appel au Sénégal, en Mauritanie

et au Gabon, SOTELMA327 a appliqué un tarif de 198FCFA/mn sans informé

encore moins obtenu l’approbation du régulateur Malien. ARMTP du Mali a

324 Au Sénégal, l’article 127 point 14 du code des télécommunications de 2011 prévoit que l’ARTP peut

analyser, de sa propre initiative ou à la demande des consommateurs, et le cas échéant, exiger la

modification des clauses abusives des contrats conclus avec des utilisateurs ou des conventions

régissant l’interconnexion ou l’accès aux réseaux des opérateurs,

325 Décision n°12-004/MPNT/AMRTP-DG de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications/TIC et

des postes. 326 Décision n°08-09MCNT-CRT du 04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand public de

Malitel. 327 Société de Télécommunications du Mali est titulaire d’une licence d’établissement et d’exploitation de

réseaux et de services de télécommunications approuvée par décret n°09-394/P-RM du 31 juillet 2009. Elle

exploite des services de téléphonie mobile par sa filiale Malitel.

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considéré que SOTELMA a violé les dispositions de l’article 39 de l’ordonnance

n°2011-023 du 28 septembre 2011 relatives aux télécommunications / TIC Aux

termes de l’article :

Les opérateurs sont tenus de communiquer à l’Autorité leurs tarifs détaillés au

début de chaque année et les modifications ultérieures avant leur mise en

application.

L’Autorité peut s’opposer à l’application des tarifs au cas où ceux-ci ne

respecteraient pas les dispositions de la présente loi et les règles de la

concurrence.

Il est clair que dans des pays ou le marché n’est pas mature, l’encadrement

des tarifs de détail des opérateurs puissants est nécessaire pour protéger le

consommateur contre les abus.

Dans une analyse effectuée en 2006, l’ARTP du Sénégal avait estimé que la

liste des opérateurs exerçant une position dominante devait être déterminée au

regard de l’examen du marché global national des télécommunications. Dans le

cadre de ses travaux conduisant à la désignation des opérateurs considérés

comme exerçant une position dominante pour l’année 2007, l’ARTP a complété

son analyse afin de tenir compte de l’évolution de la concurrence en 2006, des

meilleures pratiques internationales et des observations des différents acteurs,

notamment au sein du Comité de l’interconnexion328.

Au mois de juin 2007, à la suite d’une consultation publique relative à la mise

en place d’une méthodologie de définition des segments de marché en vue de la

détermination des opérateurs exerçant une position dominante sur le marché des

328 Le comité d’interconnexion était institué par le Directeur général de l’ARTP pour consulter les acteurs sur les

questions portant sur l’interconnexion. L’article 131 du code des télécommunications prévoit, à la charge de

l’ARTP, l’obligation de consultation du public et des acteurs du secteur des télécommunications dans le cadre

de l’exercice de ses missions.

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télécommunications et par décision du 1er juin 2007 déterminant les segments

de marchés329, l’ARTP a défini dix segments de marché répartis comme suit :

dans le marché de la téléphonie fixe : le marché de la téléphonie fixe est

réparti en quatre segments de marché, à savoir la terminaison de

trafic330sur les réseaux fixes, la collecte de trafic331 sur les réseaux fixes,

le transit national332 et le transit international. Dans ces segments de

marché, l’indicateur de la pertinence du marché est le volume de minutes

échangées ;

dans le marché de la téléphonie mobile : la terminaison de trafic sur les

réseaux mobiles est le seul segment de marché identifié dans ce marché.

L’indicateur de la pertinence du marché est le volume de minutes

entrantes ;

329Décision n°022007/ARTP/DG/DJ/DT du 1er juin 2007 déterminant les segments de marchés. 330 La terminaison de trafic permet d’acheminer le trafic terminal destiné aux abonnés raccordés directement au

commutateur de l’opérateur qui offre l’interconnexion. Lorsqu’un abonné téléphonique veut appeler un autre, la

communication part du combiné de l’appelant pour traverser la boucle locale de son opérateur (la partie qui lie le

terminal de l’abonné au centre de rattachement ou commutateur de l’opérateur) puis elle transite par différents

éléments du réseau pour se terminer sur la boucle locale de l’opérateur de l’appelé. La communication emprunte

donc une boucle locale de départ et une boucle locale de terminaison.

En général, les flux financiers associés ont deux niveaux. Sur le marché de détail, l’appelant paie à son

opérateur de boucle locale un tarif de détail pour joindre l’appelé mobile : c’est le principe du calling Party Pays

(l’appelé ne paie rien). Sur le marché de gros, l’opérateur de l’appelant paie l’opérateur de l’appelé pour

l’utilisation de la partie terminale de son réseau : c’est la tarification de la terminaison d’appel qui est fixée dans

la convention de concession entre les opérateurs. S’il s’agit d’un opérateur puissant ou dominant, ce tarif est fixé

dans son catalogue d’interconnexion approuvé par l’Autorité de régulation. Cette activité est la principale source

de contentieux devant le régulateur. 331 La collecte de trafic permet d’écouler le trafic des clients de l’opérateur interconnecté qui sont raccordés

directement au commutateur de l’opérateur qui offre l’interconnexion. 332 Le transit national permet d’écouler le trafic à destination des abonnés raccordés sur les commutateurs

d’abonnés accessibles, en transit, à partir du commutateur de raccordement. Nous parlons, ainsi, de « simple

transit » ou de « double transit » ou d’accéder au Sénégal aux abonnés des autres opérateurs interconnectés avec

l’opérateur offreur d’interconnexion.

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dans le marché de la transmission de données : la transmission de

données est le segment identifié. L’indicateur de pertinence est le nombre

d’accès de gros DSL ;

dans le marché des services de capacité : la location de capacité et le

transit IP sont les deux segments de marché. Le chiffre d’affaires lié à la

fourniture de liaisons spécialisées de gros constitue l’indicateur de la

pertinence du marché ;

dans le marché des services de fonctionnalités complémentaires et

avancés : les services de signalisation nécessaires au roaming

international et l’accès aux services spéciaux sont les deux segments de

marché. L’indicateur de pertinence de ces marchés est le volume de

minutes vers les numéros spéciaux.

Le cadre réglementaire du Sénégal oblige chaque opérateur dominant dans un

segment de marché à publier un catalogue d’interconnexion.

2. Contrôle ex ante des obligations de l’opérateur ayant une puissance

significative sur le marché.

Le code des télécommunications du Sénégal oblige chaque opérateur

puissant, à publier un catalogue d’interconnexion.

Selon l’article premier de la directive n°03/2006/CM/UEMOA/CM/UEMOA

relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications, le

catalogue d’interconnexion est une« offre technique et tarifaire d’interconnexion

publiée par les opérateurs de réseaux publics de télécommunications

conformément aux dispositions de la présente directive. »

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De même, l’article 4 de la directive de l’UEMOA sur l’interconnexion, les

opérateurs puissants sont tenus de publier et de mettre à jour, annuellement, un

catalogue d’interconnexion décrivant leur offre standard d’interconnexion. Ce

catalogue comporte une offre destinée aux opérateurs de réseaux de

télécommunications ouverts au public et une offre destinée aux fournisseurs de

services de télécommunications.

Aux termes de l’article premier de cette directive, le catalogue est une« offre

technique et tarifaire d’interconnexion publiée par les opérateurs de réseaux

publics de télécommunications conformément aux dispositions de la présente

directive. »

L’objectif visé par l’imposition de cette obligation aux opérateurs en position

dominante sur le marché, est de garantir que ces opérateurs ne puissent utiliser

leur puissance de marché pour restreindre ou fausser la concurrence sur le

marché pertinent ni faire jouer cette puissance sur des marchés adjacents.

Conformément à ses dispositions, l’ARTP engage le processus d’approbation du

catalogue d’interconnexion.

En 2009, SONATEL a été déclarée opérateur en position dominante dans tous

les segments de marché333.

SENTEL GSM aussi a été déclarée opérateur en position dominante dans le

marché de la terminaison du trafic sur les réseaux mobiles par la même décision.

Chacun de ces opérateurs est tenu de soumettre à l’approbation du régulateur un

catalogue d’interconnexion.

En 2010, le processus d’approbation a permis d’approuver les catalogues

d’interconnexion de SENTEL GSM et de SONATEL334.

333Décision n°0005/ARTP/DG/SG/DO (www.artp.sn. Page consultée le 15 novembre 2009).

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Par décision n°00005/ARTP/DG/SG/DO du 30 mars 2009 fixant la liste des

opérateurs en position dominante, SENTEL GSM est déclarée opérateur en

position dominante sur le segment de marché de la terminaison de trafic sur le

réseau mobile.

La même décision déclare SONATEL opérateur en position dominante sur les

10 segments de marché, y compris le marché de la terminaison de trafic sur le

réseau mobile.

C’est ainsi que les deux opérateurs sont tenus de publier chacun un catalogue

d’interconnexion approuvé par l’ARTP. Ces catalogues sont applicables du 1er

juillet 2009 au 30 juin 2010.

Mais l’approbation de ces deux catalogues a débouché sur un contentieux

portant sur la détermination du tarif de terminaison d’appel international335.

Quels sont les faits de l’espèce ?

SENTEL GSM a envoyé à SONATEL un courrier, référencé

KK/DG/AS/2009/053 du 4 août 2009 relatif au changement de tarif de

terminaison du trafic international, pour lui notifier sa décision d’appliquer le

tarif de 81 F CFA HT la minute à SONATEL pour toute terminaison de trafic

international sur son réseau et transitant par le réseau de SONATEL.

Par courrier, référencé 0143/SNT/DG/DRJ/DRG du 23 septembre 2009,

SONATEL répond à SENTEL GSM en lui exprimant sa décision de ne plus

334 La décision est disponible sur le site de l’Autorité de régulation des télécommunications www.artp.sn (page

consultée le 20 février 2010). 335 Décision n°3492 ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 31 décembre 2010 (www.artp.sn. Page consultée le 1er janvier

2011).

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acheminer du trafic international à destination de SENTEL GSM si ce tarif de

81 F CFA HT la minute entre en vigueur.

C’est ainsi que SENTEL GSM a envoyé un courrier, référencé

KK/DG/AS/2009/094 du 25 novembre 2009 relatif à la terminaison du trafic

international, pour rendre compte à l’ARTP, du désaccord existant sur le tarif

qu’il veut appliquer à SONATEL pour le trafic international en transitant dans le

réseau de SONATEL vers le réseau de SENTEL GSM.

L’ARTP, conformément à l’article 16 du décret 2005-1183 du 06 décembre

2005 relatif à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunications

ouverts au public, s’est saisie d’office. En effet, l’article 16 du décret 2005-

1183 du 06 décembre 2005 relatif à l’interconnexion des réseaux et services de

télécommunications ouverts au public, prévoit que l’ARTP peut, soit d’office à

tout moment, soit à la demande d’une des parties, intervenir afin de définir les

rubriques qui doivent être couvertes par une convention d’interconnexion ou de

fixer les conditions spécifiques que doit respecter une telle convention.

Considérant que ce désaccord sur la tarification de la terminaison de trafic

international sur le réseau de SENTEL GSM peut avoir des conséquences

négatives sur la continuité du service public des télécommunications, l’ARTP a

décidé de dire sa position sur la question.

Dans une réunion d’audition des parties en date du 29 décembre 2010,

SENTEL GSM a confirmé sa volonté d’appliquer la symétrie des tarifs relatifs à

la terminaison d’appel international transitant par un réseau tiers. A l’appui de

cette requête, elle a soutenu que puisque cette asymétrie est consacrée pour la

terminaison de trafic national, elle doit l’être pour le trafic international.

SONATEL, par contre, considère que le tarif qu’elle doit payer à SENTEL

GSM est de 23, 4FCFA la minute. A l’appui de cette position, elle invoque la

convention de concession qui renvoie au cahier des charges pour la tarification

de la terminaison d’appel mobile.

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Mais le régulateur, en prenant en compte le principe de l’orientation des tarifs

vers les coûts et le fait que ni le catalogue, ni la convention ne prévoient un tarif

pour la terminaison d’appel international sur le réseau de SENTEL GSM, a

proposé un tarif de 43,8FCA HT la minute336.

Parce que c’est ce tarif qui était prévu dans la convention antérieure à

savoir celle signée le 16 décembre 2009 et que SENTEL GSM n’a pas apporté

des justificatifs d’une augmentation des coûts de la terminaison d’appel

international sur son réseau.

Cette décision rendue par le régulateur a été attaquée par SENTEL GSM

devant la Cour Suprême337. Par requête aux fins de pourvoi en cassation en date

du 21 février 2011, SENTEL GSM a saisi la Cour Suprême pour obtenir la

cassation de la décision rendue par l’ARTP le 31 décembre 2010 sous le numéro

3492/ARTP/DG/DRT/DRPAJ. A l’appui de sa requête, SENTEL GSM invoque

la violation de l’article 4 du règlement n°002/2002/CM/UEMOA en son article 4

alinéa 4.2 relatif à l’abus de position dominante. SENTEL GSM considère que

la décision de l’ARTP devrait imposer aux deux opérateurs une asymétrie

tarifaire.

Les allégations de SENTEL GSM concernant l’asymétrie tarifaire de notre

point de vue, ne sont pas conformes au droit sectoriel des télécommunications

en vigueur au Sénégal.

Par conséquent, les significations de la convention d’interconnexion et du

catalogue d’interconnexion méritent d’être précisées.

336 Voir le Compte rendu de la réunion du 29 décembre 2010 disponible à l’ARTP et au niveau de SENTEL

GSM et SONATEL. 337 Au moment où nous rédigeons ce travail, l’affaire reste pendante devant la Cour Suprême.

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Qu’est-ce qu’un catalogue d’interconnexion ?

Il ressort de l’article 13 du décret n°2005-1183 du 6 décembre 2005 relatif à

l'interconnexion des réseaux de télécommunications ouverts au public, repris

substantiellement par l’article 49 du nouveau code des télécommunications, que

le catalogue d’interconnexion est une offre à la charge d’un opérateur déclaré en

position dominante par le régulateur, et est formulée en termes de services à

fournir, de conditions techniques et tarifaires pour l’accès des autres opérateurs à

son réseau. Le catalogue d’interconnexion est approuvé chaque année par

l’ARTP.

Qu’est-ce qu’une convention d’interconnexion ?

Aux termes de l’article 16 du décret précité, la convention détermine les

conditions techniques et financières de l’interconnexion entre les parties

concernées conformément aux dispositions en vigueur.

Plus précisément, la convention d’interconnexion complète le catalogue

d’interconnexion et fixe toutes les conditions techniques et financières non

prévues par le catalogue d’interconnexion. L’approbation des catalogues

d’interconnexion précède donc la négociation et la signature des conventions

d’interconnexion entre les opérateurs. En effet, cette chronologie ressort très

nettement des décisions d’approbation des catalogues d’interconnexion dans

lesquelles l’ARTP prescrit aux opérateurs la mise en conformité avec les

conventions d'interconnexion existantes avec le catalogue approuvé et de

conclure et signer leurs conventions d’interconnexion au plus tard trente (30)

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jours à compter de la notification de la décision d’approbation des catalogues

d’interconnexion338.

Or, SENTEL GSM, en affirmant que « la SENTEL et la SONATEL sont

liées par une convention d’interconnexion et tenues de publier chacune un

catalogue de tarifs », présente la situation comme si c’est la convention

d’interconnexion qui précède et détermine le catalogue d’interconnexion.

Par ailleurs, SENTEL GSM affirme dans sa requête :

Qu’Il est important de souligner que la fixation des tarifs de terminaison des

opérateurs qui ne sont pas déclarés dominants dans un segment de marché est

librement déterminée par ces derniers.

Si l’opérateur interconnecté et déclaré dominant sur ce segment de marché n’est

pas d’accord sur le tarif qui lui est fixé, il peut recourir à l’arbitrage de

l’ARTP.

Cette assertion est erronée car elle ne correspond pas aux dispositions

législatives ou règlementaires applicables à l’interconnexion.

En vérité, l’article 16 du décret n°2005-1183 du 6 décembre 2005339 relatif à

l'interconnexion, reprise substantiellement par les articles 47 et 48 du nouveau

code des télécommunications, précise que l’interconnexion fait l’objet d’une

convention de droit privé entre les parties concernées, conformément aux

dispositions en vigueur. Ce qui veut dire que les parties négocient librement le

contenu de leur convention, y compris les tarifs de l’opérateur qui n’est pas en

position dominante. Les tarifs de cet opérateur ne sont ni fixés ni approuvés par

l’ARTP, comme pour ceux de l’opérateur en position dominante à travers son 338 Voir la décision n°2010-0009 modifiant la décision 2010-0001 relative à la convention d’interconnexion

SONATEL-EXPRESSO du 25 mai 2010 disponible sur le site : (www.artp-senegal.org. Page consultée le 15

septembre 2011). 339 Journal Officiel de la République du Sénégal n° 6268 du samedi 11 mars 2006.

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catalogue d’interconnexion mais négociés entre les opérateurs concernés. C’est

seulement lorsque les opérateurs ne s’entendent pas sur le tarif ou sur toute autre

clause de la convention que l’un ou l’autre peut saisir l’ARTP pour arbitrage.

L’opérateur qui n’est pas en position dominante ne fixe donc pas de manière

unilatérale les tarifs d’interconnexion sur son réseau.

La licence de SENTEL GSM ne permet pas à cet opérateur de terminer

directement du trafic international. Ce qui constitue une infraction que l’ARTP

avait constatée avant d’en informer le Procureur de la République.

Il convient de rappeler que depuis 2006, l’ARTP approuve chaque année, au

plus tard le 30 juin, les catalogues d’interconnexion des opérateurs

préalablement désignés comme exerçant une position dominante sur les

segments de marchés340. Excepté la première fois où il a été tenu compte du

marché global, ces segments de marchés, fixés par décision

n°022007/ARTP/DG/DJ/DT du 1er juin 2007, sont au nombre dix :

1. la terminaison de trafic sur les réseaux fixes ;

2. la collecte de trafic sur les réseaux fixes ;

3. le transit national ;

4. le transit international ;

5. la terminaison de trafic sur les réseaux mobiles ;

6. la transmission de données ;

7. la location de capacités ;

8. le transit IP ;

9. les services de signalisation nécessaires au roaming international ;

10. l’accès aux services spéciaux.

340 Toutefois, il faut relever que compte tenu des changements intervenus dans le management de l’ARTP, le

régulateur a accusé du retard à approuver les catalogues d’interconnexion de 2010-2011.

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Ainsi, pour l’ensemble des services pour lesquels un opérateur a été désigné

comme étant en position dominante, ce dernier doit proposer une offre technique

et tarifaire qui sera approuvée par l’ARTP.

Le catalogue contenant ces différentes offres sera valable du 1er juillet de l’année

en cours au 30 juin de l’année suivante341. A la suite de l’approbation des

catalogues, les opérateurs sont tenus de signer des conventions d’interconnexion

contenant les services qu’ils auront décidé de s’offrir entre eux. Chaque

convention est envoyée à l’ARTP pour information et vérification. Il faut noter

que les conventions peuvent contenir des prestations non présentes dans les

catalogues d’interconnexion telles que le service de transit du trafic provenant

de l’international. Pour ces services, les opérateurs négocient librement la valeur

des tarifs qui seront appliqués. L’ARTP n’intervient que si les parties n’arrivent

pas à s’entendre.

En définitive, SENTEL GSM ne peut faire prévaloir des actions de pratiques

anticoncurrentielles à son encontre puisque n’ayant pas le droit d’accéder par

son propre réseau à l’international. Il n’est même pas réputé être acteur de ce

segment de marché.

Ainsi, il est aisé de constater que le contrôle des obligations ex ante de

l’opérateur en position dominante est effectué dans un processus concerté.

A côté de la régulation de l’interconnexion, le régulateur assure une gestion des

ressources rares.

341 Dans le cadre des travaux de rédaction de la partie réglementaire du code des télécommunications, il est

proposé par les opérateurs de télécommunications d’arrimer la durée de validité du catalogue d’interconnexion

avec l’année civile. Voir compte rendu de la réunion du comité national de transposition du Sénégal du 22 août

2011.

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193

PARAGRAPHE II :

Activité de gestion des ressources rares

Les ressources rares sont des ressources limitées dont la disponibilité est

nécessaire pour le développement de la concurrence dans le secteur des

télécommunications. Les fréquences, la numérotation et les noms de domaine

constituent aujourd’hui les principales ressources rares dans le secteur des

télécommunications.

1. Ressources de fréquences

L’article premier de l’Acte Additionnel A/SA 5/01/07, relatif à la gestion

du spectre des fréquences radioélectriques, définit les fréquences

radioélectriques ou spectre des fréquences radioélectriques342 comme « les

fréquences ou spectres d’ondes électromagnétiques propagées naturellement

dans la bande fourchette de 3 kilo hertz à 300 giga hertz qui sont utilisés pour la

transmission et la réception des signaux de télécommunications ».

Au sens de l’article 3 du nouveau code des télécommunications, les fréquences

radioélectriques sont :

342 Le spectre des fréquences radioélectriques est subdivisé en neuf bandes de fréquences, désignées par des

nombres entiers consécutifs conformément au tableau des bandes de fréquences de l’UIT. L’Unité de fréquence

étant l’Hertz (Hz), les fréquences sont exprimées :

- en kilohertz (kHz), jusqu’ à 3000 kH inclus ;

- en mégahertz (MHz), au-delà de 3 MHz jusqu’à 3000MHz inclus ;

- en gigahertz (GHz), au-delà de 3 GHz jusqu’à 3000GHz inclus.

Voir l’article 2.1 du Règlement des radiocommunications, Genève, éditons UIT 2008, p. 27.

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194

Le nombre de cycles par seconde à partir duquel un courant électrique de

signal analogique change de sens ; elle est généralement mesurée en hertz (Hz).

Un hertz est égal à un cycle par seconde. La fréquence permet aussi de désigner

un emplacement sur les spectres radioélectriques, par exemple 800, 900 ou

1800 MHz.

Le Conseil Constitutionnel de la France a rappelé que les fréquences sont

des ressources publiques343. C’est pourquoi la gestion des fréquences est assurée

par l’organe de régulation dans le respect de la réglementation internationale des

radiocommunications. Dans le modèle réglementaire le plus commun, nous

considérons que le spectre radioélectrique est un bien collectif national géré par

chaque Etat en conformité avec la réglementation internationale344.

Selon le manuel de gestion de contrôle du spectre de l’UIT, le rôle du secteur

des radiocommunications est d’assurer l’utilisation rationnelle, équitable,

efficace et économique du spectre radioélectrique par tous les services de

radiocommunication, y compris les services par satellite345, et de procéder à des

études pour toutes les gammes de fréquences, à partir desquelles les

recommandations seront élaborées et adoptées.

Chaque Etat organise le partage de la ressource hertzienne sur son territoire en

conformité avec les normes de l’UIT346. Ce partage peut s’effectuer en référence

à divers critères, comme par exemple :

- les affectataires, c'est-à-dire des autorités particulières, secondaires, à qui

l’Etat délègue la pouvoir d’affectation de fréquence.

343 Décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000. J.O n° 303 du 31 décembre 2000, p. 21194. 344 Pierre Huet, « Allocation et gestion des ressources rares », in Actualité juridique de Droit Administratif, 20

mars 1997, p. 251. 345 Voir UIT, Manuel de contrôle du spectre, Genève, 2004, p. 1. 346 Voir l’article 5 de CRR06 qui organise la procédure d’assignation de fréquences. Op.cit. p. 19.

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195

Au niveau national, le code des télécommunications pose les principes de

gestion des fréquences. Au sens de l’article 70 du nouveau code des

télécommunications du Sénégal :

Le spectre des fréquences radioélectriques fait partie du domaine public de

l’Etat. L'utilisation, par les titulaires d'autorisation de fréquences

radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode

d'occupation privatif du domaine public de l'Etat.

L’Autorité de régulation est chargée, pour le compte de l’Etat, de la gestion, de

la planification, de l’attribution, de l’assignation et du contrôle du spectre de

fréquences radioélectriques, ainsi que des conditions d’utilisation des

fréquences. A ce titre, elle assure la gestion et la surveillance du spectre des

fréquences relatives aux télécommunications, à la radiodiffusion et à la

télévision.

Dans le respect des traités internationaux, notamment en concordance avec le

tableau d’attribution international des fréquences et les plans internationaux de

fréquences de l’UIT, l’Autorité de régulation établit un Plan national des

fréquences et un Fichier national des fréquences.

Ces dispositions sont en cohérence avec celles de la CEDEAO. Dans sa

perspective de promotion de l’intégration communautaire, cette dernière a défini

des objectifs communs que les régulateurs doivent suivre dans le cadre de la

gestion des fréquences.

Au sens de l’article 2 de l’Acte Additionnel A/SA 5/01/07 relatif à la gestion du

spectre des fréquences radioélectriques qui définit les fréquences

radioélectriques ou spectres des fréquences radio, la gestion des fréquences doit

reposer sur les objectifs suivants :

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196

a) efficacité économique 347: en faisant en sorte que, sur le marché, l’attribution

des fréquences aux utilisateurs, et en fonction des utilisations, ait pour résultat

une augmentation de la valeur procurée par la ressource ; en réagissant à

l’évolution et des marchés et des techniques avec rapidité et avec souplesse, les

nouveaux services étant adoptés lorsqu’ils deviennent techniquement et

commercialement viables ; et, en minimisant les coûts de transaction, les

obstacles à l’accès et toutes autres contraintes contraires à une activité

économique efficiente ;

b) efficacité technique : en veillant à une utilisation intensive des

disponibilités en fréquences limitées, dans le respect des contraintes

techniques348 définies compte tenu des considérations de brouillage349 ; et, en

promouvant la mise au point et l’introduction de nouvelles techniques

permettant d’économiser le spectre, lorsque le coût desdites techniques est

justifié par la valeur des économies réalisées ;

c) politique générale : en veillant à ce qu’il soit conforme à la politique des

pouvoirs publics, en assurant la sauvegarde de certains domaines d’utilisation

des fréquences, pour le bon fonctionnement des services de défense nationale,

des services d’urgence et des autres services publics, et en veillant à ce que toute 347 La jurisprudence a retenu que le principe de la liberté tarifaire dont peut se prévaloir un opérateur « non

puissant » n’exclut pas que le régulateur apporte des restrictions en tenant compte d’un objectif d’efficacité

économique. Voir Cour d’Appel de Paris 1ère chambre, arrêt du 20 janvier 2004, RG N° 2003/13088, 7ème

page. 348 348 Voir l’article 3 du Règlement des radiocommunications révisé par la conférence mondiale des

radiocommunications de 2012. IUT Actes finals de la Conférence mondiale des radiocommunications, Genève

2012, p. 3.

349 Selon l’article 2.2.4 de l’annexe 2 du chapitre 2 de l’appendice 1.1 de CRR-06, pendant les processus de

planification et de coordination, il faut prévoir le niveau du champ brouilleur produit dans la zone de service

d’une assignation/allotissement par une autre assignation/allotissement. Voir UIT, Acte final de l’Acte final de la

conférence des régionales des radiocommunications chargée de planifier le service de radiodiffusion numérique

de terre dans certaines parties des Régions 1.3, dans les bandes de fréquences 174-230 Mhz et 470-862 Mhz.

Genève, 2006, p. 56.

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197

modification apportée à l’utilisation des fréquences dans un Etat membre de la

CEDEAO respecte en tout état de cause les obligations internationales et

régionales des Etats membres.

A côté des fréquences, l’ARTP assure la gestion des ressources en numérotation.

2. Ressources en numérotation

Aux termes de l’article 80 du nouveau code des télécommunications :

Le plan national de numérotation garantit un accès égal et facile des

utilisateurs aux différents réseaux et services de télécommunications ainsi

qu'aux numéros d'urgence, à l'annuaire et aux renseignements publics, quels

que soient le réseau utilisé et l'équivalence des formats de numérotation.

Il est institué au profit de l'Autorité de régulation des frais et des redevances

annuelles en contrepartie de l’attribution de ressources en numérotation dont

les montants et les modalités de recouvrement sont fixés par décret.

Les numéros sont des ressources rares dont l’ARTP a la charge de gérer le

plan national. L’ARTP fixe la structure et les règles de gestion du Plan national

de numérotation. Il garantit un accès égal des utilisateurs aux différents réseaux

et services de télécommunications et l’équivalence des formats de numérotation.

Pour reprendre Pierre Huet, « l’objectif n’est pas seulement d’assurer un

partage équitable entre les exploitants de services, mais aussi de garantir

l’interfonctionnement des réseaux et des services offerts, ainsi que la portabilité

des numéros et l’accès des usagers. »350

Donc, l’accès aux ressources en numérotation pose des enjeux concurrentiels

immenses. C’est pourquoi la jurisprudence, a rappelé, dans plusieurs décisions,

350 HUET Pierre, op.cit, p. 252.

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198

la nécessité de respecter le principe de la non-discrimination dans l’accès à ces

ressources. C’est le sens d’un Arrêt du Conseil d’Etat français du 25 juin

2004351. Le contentieux portait sur le numéro 12 mis en œuvre par France

Télécom352 au bénéfice de ses abonnés fixes et par les trois opérateurs de

téléphonie mobile. Dans l’ensemble, le 12 représentait 80% des numéros

composés pour atteindre un service de renseignements, le solde étant constitué

pour l’essentiel des appels à destination des numéros à trois chiffres des

opérateurs mobiles. Une part significative des accès aux services de

renseignements depuis un téléphone mobile avait pour destination le 12, en dépit

des efforts consentis par les opérateurs mobiles pour promouvoir leurs numéros

à trois chiffres respectifs.

Sur saisine au contentieux par les sociétés Scott France et Connecta contre une

décision de l’Autorité de régulation des télécommunications (devenue ARCEP),

le Conseil d’Etat français a enjoint à cette dernière, après avoir annulé la

décision attaquée, de :

Définir, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente

décision, les conditions de l’attribution de numéros d’un même format à tous les

opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et de la

révision du plan de numérotation, afin que, sous réserve le cas échéant d’une

période transitoire, le numéro 12 ne puisse plus être utilisé pour le service de

renseignements.

351 Conseil d’Etat, arrêt n° 249300 du 25 juin 2004 ; 352 France Télécom est l’opérateur historique de la France qui exploitait les télécommunications sous le régime

du monopole avant l’ouverture de la concurrence. C’est dans ce sillage qu’il a construit la notoriété du numéro

12 pour les services de renseignements. Ce qui lui donnait un avantage concurrentiel vis-à-vis des nouveaux

entrants.

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199

C’est le même esprit qui a gouverné l’ARCEP dans un avis du 14 janvier

2003353.

Dans cette affaire, ARCEP était saisie sur la dénomination « numéro vert »,

« numéro azur » et « numéro indigo », qui sont des marques de France Télécom

désignant les numéros libres appels 354et les numéros à coûts partagés355. Ces

numéros permettent aux particuliers de joindre un service d’une administration

ou d’une association. Ces deux catégories de numéros sont complémentaires au

service téléphonique. Après avoir considéré que France Télécom est en position

dominante sur ce marché et que la protection de ses numéros par un droit de

marque par France Télécom peut porter atteinte à une concurrence saine et

loyale, ARCEP a demandé au Conseil de la Concurrence de déclarer recevable

la demande de mesure conservatoire et que la mise en œuvre ne provoque pas

une discontinuité du service public.

C’est le lieu de rappeler qu’en droit sénégalais, les ressources en

numérotation sont des ressources publiques. Elles ne peuvent faire l’objet de

droit de propriété. La gestion des ressources en numérotation obéit au respect de

353 Avis n°03-64 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 14 janvier 2003 relatif à la

demande d’avis du Conseil de la concurrence portant sur les demandes de mesures conservatoires présentées par

la société Cégétel visant à faire cesser des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société France

Télécom. 354 Le numéro libre appel est gratuit pour l’appelant, lorsque celui-ci appelle d’un poste fixe. Quand les

appelants appellent d’un poste mobile, la communication est facturée en partie à ces mêmes appelants. D’où

l’appellation technique de « numéro libre appel » et non « numéro gratuit ». Les coûts afférents à

l’acheminement des communications sont à la charge de l’appelé (entreprises, administrations, associations) et

versés à l’opérateur détenteur du numéro. Le plan de numérotation français attribue les tranches 08 0A PQ MC

DU aux numéros libres appels. 355 S’agissant des numéros à coûts partagés, le coût des communications est partagé entre l’appelant et l’appelé

(entreprises, administrations, associations). Les numéros à coûts partagés regroupent des numéros pour lesquels

l’appelant paye une communication locale (les numéros en 0810 PA MC DU ; par exemple les numéros dits

« azur » de France Télécom) ou un prix unique sur toute la France (les numéros en 08 20 PQ MC DU ; par

exemple les numéros dits « indigo » de France Télécom).

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200

certaines conditions qui protègent l’intérêt général. Selon l’article 83 du

nouveau code des télécommunications :

L’Autorité de régulation s’assure que la gestion du plan de numérotation

respecte les points essentiels suivants :

le plan doit être durable et équilibré;

le plan doit tenir compte des nécessités des numéros courts et

spéciaux réservés aux services d’urgence, aux services de

renseignements, aux service d’opérateurs, aux services d’assistance

aux usagers et garantir que les préfixes et les numéros ou blocs de

numéros soient attribués aux exploitants de télécommunications

ouverts au public dans des conditions objectives, transparentes et

non-discriminatoires;

la définition du plan doit tenir compte de l'avis des opérateurs et

des utilisateurs ;

le plan doit être assorti d'une stratégie cohérente, claire et publiée ;

le plan doit tenir compte des normes internationales applicables,

notamment en matière d’accès au service international et doit prendre

en compte les besoins des voisins qui se trouvent tant sur le même

continent que dans le reste du monde ;

le plan ne doit pas être anticoncurrentiel pour les opérateurs et

fournisseurs de services de télécommunications ;

le plan ne doit pas être anticoncurrentiel pour les utilisateurs ;

le plan doit être apte à une gestion adéquate ;

le plan doit être évolutif et prévoir une réserve suffisante pour faire

face à tout besoin imprévu.

Aujourd’hui, le droit communautaire permet au régulateur de déléguer la

gestion du plan de numérotation. Selon l’article 3 de l’Acte Additionnel A/SA

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4/01/07 relatif à la gestion du plan de numérotation, l’organe de régulation peut

déléguer la gestion administrative ou technique des ressources en numérotation.

Mais le régulateur doit veiller dans ce cas au respect des règles de gestion et

d’attribution.

A côté de la numérotation, les noms de domaines font l’objet d’une gestion

qui interpelle le régulateur.

3. Gestion des noms de domaine

Un domaine est un ensemble d'ordinateurs reliés à Internet et possédant une

caractéristique commune356. Le domaine sn est l'ensemble des ordinateurs

hébergeant des activités pour des personnes ou des organisations qui se sont

enregistrées auprès de l'AFNIC qui est le registre responsable du domaine de

premier niveau .sn. En général, ces personnes ou ces entreprises ont une certaine

relation avec le Sénégal.

Un nom de domaine est un « masque » sur une adresse IP. Le but d'un nom de

domaine est de retenir facilement l'adresse d'un site. Par exemple, www.artp-

senegal.org est plus simple à mémoriser que 91.198.174.2.

L’article 2.6 de la charte de nommage NIC Sénégal définit un nom de

domaine comme « terme alphanumérique constitué d’une suite de caractères,

dénommé radical et d’un suffixe appelé aussi extension (.sn pour la présente

charte). A chaque nom de domaine correspond une adresse IP, et

inversement. »357

356 Voir Chritiane Féral-Schuhl Cyberdroit : le droit à l’ épreuve de l’Internet, Paris, 5ème édition Dalloz,

2010, p. 535. 357 Charte de nommage de NIC Sénégal. Disponible au www.nic.sn/index.php, page consultée le 23 novembre

2011).

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L’article 13 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif, à l’harmonisation des

politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information

et de la communication (TIC), attribue à l’organe la mission de gérer les noms

de domaine.

La gestion des noms de domaine est assurée dans le respect de règles édictées

par ICANN358.

Selon l’article 1.2 des lignes directrices portant les principes de gestion des

noms de domaine de l’ICANN :

Le principe principal est le principe de subsidiarité. Les politiques de gestion

des CCTLD doivent être fixées au niveau local, sauf s’il peut être démontré que

le problème a un impact mondial et doit être résolu dans un cadre international.

La plupart des enjeux des politiques CCTLD, sont de nature locale et doivent

donc être abordés par la communauté internet locale conformément au droit

national.359

Au Sénégal, un arrêté du rectorat du 15 janvier 1996360, attribue à l’Université

Cheikh Anta DIOP de Dakar la mission de gérer les noms de domaine361. Mais

358 ICANN est l’instance mondiale en charge de la gouvernance de l’Internet. 359http://gac.icann.org/web/home/ccTLD. Page consultée le 20 novembre 2010.

360 Arrêté du Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar n°0004 du 15 janvier 1996 instituant une

commission dénommée Université-Réseaux d’information. La gestion du domaine sn par l’UCAD est due par le

fait que ce sont des enseignants de l’UCAD qui sont à l’origine de l’accès du Sénégal à l’Internet. En 1990,

Alex Corenthin et Mouhamed Tidiane Seck, deux enseignants chercheurs du département « Génie

informatique » de l'Ecole nationale supérieure universitaire de technologie (Ensut), aujourd’hui intégrée à

l’Ecole Supérieure Polytechnique (Esp) , configurent un PC 286 avec UUPC/Extended et un modem 1200 b/s

pour se connecter au Rio (Réseau Intertropical d'ordinateurs, créé par Pascal Renaud de l'ORSTOM ).

Cependant, le processus n’aboutit qu’en février 1993, lorsque la gestion administrative du domaine national est

attribuée par l’InterNIC à l’Ensut, avec comme point de contact Alex Corenthin. La gestion technique d’un

ccTLD nécessite une connexion permanente IP, ce qui n’est pas le cas au Sénégal à l’époque. C’est donc

l’Orstom qui assure la gestion technique du ccTLD en accord avec l’Ensut, jusqu’à ce que cette dernière dispose

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après la mise en place de l’organe de régulation, l’UCAD a proposé la mise en

place d’une gestion concertée du domaine sn. C’est en ce sens qu’il est mis en

place un comité national d’orientation du domaine sn sous la Présidence de

l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes. Aux termes de

l’article 5 de l’arrêté n°1020/CAB du 02 juin 2008362 modifiant l’arrêté du 15

janvier 1996 :

La Commission nationale d’orientation du NIC Sénégal est composée comme

suit :

- Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP)-

Président ;

- Université Cheikh Anta DIOP, Directeur informatique- Secrétaire

permanent ;

Membres de droit :

- Représentant du Ministère chargé des TIC ;

- Représentant de l’Agence de l’informatique de l’Etat ;

- Représentant de la SONATEL ;

- Représentant des organisations consuméristes ;

- Représentant des prestataires des services Internet.

elle-même d’une connexion IP permanente. En Mai 1995, à l’occasion du Troisième sommet Africain-

Américain qui s’est tenu à Dakar, une étape majeure est franchie, la délégation à l’informatique se saisit de

l’opportunité pour organiser un coup médiatique en demandant à la société Omnes Cables and Wireless de

connecter le Sénégal à Internet pendant la durée du sommet. Devant le succès de l’opération et sous la pression

des autorités officielles, la Sonatel annonce son intention de connecter le pays à Internet dans les mois qui

suivent. Suite au dépouillement des offres lancées par la Sonatel, c’est la proposition d’Omnes qui est retenue et

le matériel – Sun et Cisco – est installé en décembre 1995. Voir Christophe Brun, Olivier SAGNA et Steven

Huter « L’histoire de l’Internet au Sénégal 1984-2009 » ; www.nic.sn (page consultée le 14 septembre 2011).

362Arrêté du Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar n°1020/CAB du 02 juin 2008.

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La commission peut s’adjoindre tout membre susceptible d’apporter une

contribution significative dans la gestion des noms de domaines au Sénégal.

Il ressort de cette disposition que l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar

a voulu promouvoir une co-régulation du domaine sn363. L’administration et la

gestion technique restent assurées par l’U.C.A.D sous la supervision de ce

comité.

Le nouveau code des télécommunications attribue maintenant la mission de

gérer les noms de domaine. L’article 88 prévoit que :

L’autorité gouvernementale définit les orientations et les principes de gestion du

domaine « .sn » dont la mise en œuvre est assurée par un comité présidé par

l’autorité de régulation.

L’Autorité de régulation est chargée de veiller à l’application de la

réglementation de la gestion du domaine « .sn ».

Cette nouvelle disposition a l’avantage de faciliter la prise en charge des

questions de convergence relatives à la numérotation des noms de domaine.

Suite à l’étude de l’activité de régulation pour le développement de la

concurrence, il apparaît que la régulation de l’interconnexion et la gestion des

ressources rares constituent les principales activités du régulateur pour le

développement de la concurrence. Cependant, les opérateurs à la recherche du

profit, ne sont pas obligés de se déployer dans des zones non rentables. Pour

cela, il faut une régulation du service universel. 363 Voir la communication d’Alex CORENTHIN, « Gestion multipartite ». Disponible au

http://blogs.haayo.org/westafict/public/presentations/Alex_Corenthin_Gestion_multipartite; page consultée le 10

janvier 2012.

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SECTION II :

L’ACTIVITE DE DEVELOPPEMENT DU SERVICE UNIVERSEL

L’analyse de l’activité de développement du service universel permet

d’apprécier l’efficacité du dispositif mis en place au Sénégal pour la promotion

de l’accès universel.

Cette activité de développement du service universel a une signification précise

(paragraphe I) dont la mise en œuvre est assurée selon des mécanismes de

désignation de l’opérateur et de son financement (paragraphe II).

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PARAGRAPHE PREMIER :

Signification et finalité du service universel des télécommunications

Le service universel des télécommunications a une signification évolutive

(1) car il poursuit des objectifs qui traversent le temps (2).

1. Signification évolutive du service universel des télécommunications

« L’accès universel » et « le service universel » sont des concepts très

anciens, antérieurs à la naissance du secteur des technologies de l’information et

de la communication. L’Union internationale des télécommunications en donne

les définitions suivantes :

- le service universel signifie que chaque ménage ou habitant d’un pays a la

possibilité de bénéficier du service téléphonique364 ;

- l’accès universel suppose que chaque membre d’une communauté peut

accéder à un téléphone public, mais pas nécessairement à domicile365.

Mais ces notions sont en train d’évoluer dans le sillage des changements que

connaissent la technologie366, les applications367 et les sociétés368.

Les politiques de service universel des télécommunications visent

généralement à promouvoir ou à maintenir la disponibilité « universelle » des

364 Manuel sur la réglementation, chapitre 5 consacré à l’accès et au service universels,

www.ictregulationtoolkit.org/en/Section.3116.html. Page consultée le 12 juin 2012. 365 Manuel sur la réglementation. Op.cit. 366 Les TIC ne se limitent pas au téléphone. 367 Le développement des offres autres que la téléphonie vocale uniquement. 368 Nous assistons au développement de la mobilité des populations, à l’urbanisation accrue, à la mondialisation

et à l’évolution des niveaux d’éducation dans la plupart des pays.

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connexions des particuliers aux réseaux publics de télécommunications369.

L’objectif visant à raccorder la totalité ou la plupart des particuliers aux réseaux

publics de télécommunications est généralement appelé « l’obligation de service

universel ». Le service universel est un objectif politique concret dans de

nombreux pays industrialisés370, mais il n’est pas réalisable économiquement

dans la plupart des pays en développement où il est davantage question d’accès

universel.

En France, une politique d’aménagement numérique du territoire associant

les collectivités locales, a contribué à l’atteinte des objectifs de service

universel. En effet, elle consiste à permettre aux collectivités locales de mettre

en place une infrastructure publique de télécommunication en cas de carence

de l’initiative privée371.

En général, l’accès universel des télécommunications est une situation dans

laquelle chaque individu a un moyen d’accès raisonnable aux services de

télécommunication mis à la disposition du public. Il peut être assuré au moyen

de publiphones, de centres téléphoniques communautaires, de téléboutiques, de

terminaux d’accès Internet communautaires372 ou de dispositifs analogues.

369 Dominique ROUX, « Les bonnes pratiques sur le service et l’accès universel », Paris, Editions FRATEL

2004, p. 2. 370 En France, le service universel est l’une des trois composantes du service public en matière de

télécommunications, avec la fourniture de services obligatoires de communications électroniques et des missions

d’intérêt général. C’est la seule composante à être financée par un fonds sectoriel. Selon l’article L35-2 du code

des communications électroniques, peut être chargé de fournir l’une des composantes du service universel à

tout opérateur qui accepte la fourniture sur l’ensemble du territoire national et qui serait capable de l’assurer.

Voir ARCEP, « Le service universel des télécommunications », in les Grands dossiers, Paris, Paris 27, janvier

2012. Disponible sur le site http://www.arcep.fr/index.php?id=8102. Page consultée le 12 mars 2012. 371 ARCEP, L’intervention des collectivités territoriales dans le secteur des communications électroniques,

Paris, septembre 2010, 89 pages. 372 En Estonie, le Parlement estonien a adopté depuis 2000 une nouvelle loi sur les télécommunications, qui

inscrit l’accès à Internet sur la liste des composantes du service universel. Voir IUT Tendances des réformes

dans les télécommunications, édition UIT, 2012, p. 88.

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208

L’Acte Additionnel A/SA 6/01/07, relatif à l’accès universel/service

universel des télécommunications de la CEDEAO, ne fait pas la distinction entre

service universel et accès universel. Selon l’article premier de cet Acte

Additionnel, accès universel / service universel désigne l’accès à l’ensemble de

service minimal de télécommunication, sur le territoire des Etats membres de la

CEDEAO à l’ensemble de la population, indépendamment de leur localité

géographique et à des conditions tarifaires abordables. Cette définition retenue

est justifiée par le fait que l’Afrique doit à la foi régler le problème de l’accès à

l’infrastructure et aux services. C’est pourquoi lors de la Conférence mondiale

de développement des télécommunications de Hyderabad, l’UIT s’est fixée,

comme entre autres, objectifs ; le développement d’une infrastructure large

bande, la réalisation de l’inter connectivité régionale et de l’accès universel373.

Au sens de l’article 3 du nouveau code des télécommunications,

l’accès/service universel est un « ensemble minimal des services de

télécommunications et de TIC de bonne qualité qui, indépendamment de la

localisation géographique, est accessible à l’ensemble de la population dans des

conditions tarifaires abordables.» Cette conception du service universel retenue

par le code des télécommunications est évolutive en vertu du principe

d’adaptabilité.

En effet, le contenu du service universel est fonction des objectifs.

2. Objectifs du service universel

L’Etat applique une politique de service universel pour différentes raisons

dont les principales sont de :

373 UIT, Rapport final de la Conférence mondiale de développement des télécommunications du 24 mai au 5

juin 2010 à Hyderabad, Inde, Genève, éditions UIT 2010, p. 72.

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209

- permettre la participation pleine de toute la population à la société de

l’information. De plus en plus, les décideurs politiques considèrent que l’accès

aux télécommunications est un droit fondamental de tous les citoyens374,

essentiel pour être membre de la communauté à part entière. En vertu de ce

principe, l’UIT considère que des dispositions spécifiques doivent être prises par

les Etats pour l’accès des personnes handicapées dans la société de

l’information375. La fourniture d’un accès est un objectif qui gagne en popularité

car tous les secteurs de la société dépendent chaque jour davantage de l’Internet

et des nouveaux médias et réseaux associés376. Il est aujourd’hui largement

admis que les services de télécommunications sont beaucoup plus

indispensables que les communications personnelles et commerciales. De nos

jours, les télécommunications fournissent différents types d’information, de

biens et de services au public, notamment des services essentiels dans les

domaines public, social, éducatif et médical377, ainsi qu’un large éventail de

services de commerce électronique. Les individus qui n’ont pas accès aux

services de télécommunication risquent de devenir des membres toujours

marginalisés de la société de l’information.

374 En Costa Rica, le Tribunal a déclaré, en septembre 2010, l’accès à Internet droit juridique fondamental. Voir

« Politique en matière d’Internet, www.i-policy.org/2010/09/costa-rican-constitutional-court-declares-internet-

access-a-fundamental-right.html. Page consultée le 12 février 2012.www.assemblee-

nationale.fr/13/dossiers/protection_information_consommateurs.asp. Page consultée le 20 février 2012. 375 Voir le Kid pratique connecter une école, connecter une communauté module 4 « Utilisation des TIC pour

promouvoir l’éducation et la formation professionnelle des personnes handicapés », ITU mai 2011. 376 En 2011, 1,1milliard de personnes se seraient connectées à un réseau social à l’aide de leur mobile. Voir la

synthèse du Report on mobile social networking 2011-2016, Washington de Visiongain Research 2011

accessible à : www.reportlinker.com/p0629373-summary/Mobile-Social-Networking.html. Page consultée le 20

février 2012. 377 C’est pourquoi lors de la Conférence mondiale de développement des télécommunications de Hyderabad, en

2010, il a été retenu, parmi les questions devant faire l’objet de discussion dans la commission d’étude 1 du

secteur du développement des télécommunications, les questions 14-3/2 sur l’information et les

télécommunications/TIC au service de la cybersanté ; 17-3/2 sur les Etats d’avancement des activités relatives au

cyber gouvernement et à l’identification des domaines d’application du cyber gouvernement présentant un intérêt

pour les pays en développement. Voir le rapport de Hyderabab, op.cit. p. 35.

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C’est pourquoi aux Etats-Unis, le Télécom Act de 1996 prévoit des subventions

pour l’accès à Internet pour les écoles, les bibliothèques et centres de santé en

zone rurale. Environ 2 milliards de dollars de subvention par an sont accordés378

pour :

- promouvoir la cohésion politique, économique et culturelle à l’échelle

nationale379. Ces considérations relatives à l’édification de la nation nécessitent

une large disponibilité des télécommunications sur l’ensemble du territoire

national. Pour créer un marché unique, et même un Etat-nation unique, il faut

des moyens de télécommunication efficaces ;

- favoriser le développement économique. A l’heure où il existe une relation

complexe entre le développement économique et celui des télécommunications,

un nombre de plus en plus grand de recherches donnent à penser que les

télécommunications mènent à la croissance économique. Avec l’omniprésence

de l’Internet et du commerce électronique, les pays ou les régions qui ne

disposent pas d’infrastructures de télécommunication adaptées ne pourront

cueillir les fruits de la « nouvelle économie » ;

- encourager une répartition plus équilibrée de la population. Les

télécommunications peuvent stimuler le développement en dehors des zones

métropolitaines surpeuplées. Cet objectif est souvent cité dans les pays

industrialisés où les télécommunications peuvent permettre de réduire les

problèmes de circulation et de pollution dans les zones urbaines ;

378 Alain VALLEE, Le service universel des télécommunications, Ouagadougou, Badge régulation 2012. 379 UIT. Op.cit., p. 87.

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211

- éliminer les disparités entre les zones rurales et les zones urbaines. Cet

objectif est particulièrement louable dans les pays à revenu faible comme le

Sénégal.

La compréhension de la signification du service universel et de ses objectifs est

un préalable pour l’appréciation des mécanismes de mise en œuvre.

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212

PARAGRAPHE II :

La mise en œuvre du service universel

Au Sénégal, la mise en œuvre du service universel est effectuée par la mise

en place d’un fonds de développement du service universel(1) et la

détermination d’une procédure de désignation d’un opérateur de service

universel(2).

1. La mise en place du fonds de développement du service universel

Deux mécanismes principaux sont souvent utilisés pour la mise en œuvre du

service universel. Le premier consiste à assigner aux opérateurs des obligations

de couverture. Le second met en place un fond de service universel qui sera

destiné à financer le développement du service universel. Le Sénégal a choisi la

mise en place d’un fond de service universel. L’article 90 du nouveau code des

télécommunications prévoit qu’ « Il est créé un fonds destiné au développement

de l’accès/service universel et au financement des charges de tout service public

utile au développement des services de télécommunication, des TIC ainsi qu’à

celui des services publics de l’énergie et de l’audiovisuel. Sa gestion est confiée

à un comité. »

Le fonds de service universel mis en place a pour objectif de :

- rendre les services de télécommunication et des TIC accessibles sur

l’ensemble du territoire, notamment grâce à l’implantation de points

d’accès publics ;

- mettre en place et maintenir les services de télécommunication et des TIC

d’intérêt public, lorsque ceux-ci ne sont pas financièrement rentables,

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- contribuer au financement de l’extension de la desserte téléphonique aux

zones rurales et aux zones démunies, y compris urbaines, lorsque cette

extension ne peut se réaliser sans être subventionnée ;

- de financer la desserte en énergie ainsi que les services audiovisuels

connexes au développement/TIC.

Le fonds de développement du service universel est géré par un comité de

direction présidé par un représentant du Président de la République. Les

opérateurs de télécommunications, les fournisseurs de services, les associations

de consommateurs, les ministères ayant une activité liée à la mise en œuvre du

fonds sont représentés dans ce comité.

L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes assure

l’administration du fonds, identifie et propose des projets visant à l’atteinte des

objectifs du fonds, pour les soumettre au comité de gestion.

La loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications a étendu

l’objet du fonds de service universel au financement de l’énergie et de

l’audiovisuel. Selon l’exposé des motifs de la loi 2011-01, cette disposition est

une recommandation du document de stratégie de politique sectorielle de

l’UEMOA, adoptée à Ouagadougou, le 10 décembre 2010380, et visant

notamment à encourager le partenariat entre acteurs de l’énergie et ceux du

secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la

communication (TIC). C’est ainsi que les pouvoirs publics ont décidé de

mutualiser les ressources de ce fonds qui doivent également contribuer à

financer le secteur de l’énergie, en vue d’aider à remédier à la crise énergétique

actuelle et, partant, favoriser le développement du service universel des

télécommunications lui-même. L’article 90 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 380 Ce document est cité dans l’exposé des motifs de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des

télécommunications.

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portant code des télécommunications a créé un fonds destiné au développement

de l’accès/ service universel et au financement des charges de tout service public

utile au développement des services de télécommunication, des TIC ainsi qu’à

celui des services publics de l’énergie et de l’audiovisuel. En application de

cette disposition, le décret 2011-311 du 7 mars 2011 instituant une taxe

parafiscale dénommée contribution au développement du service universel des

Télécommunications et du service de l’Energie (CODETE) précise des

modalités de collecte des contributions des opérateurs.

Les contributions des opérateurs au fonds de service universel sont versées au

Fonds spécial de Soutien au secteur de l’Energie. L’article premier du décret

2001-311 du 7 mars 2011381 institue une taxe parafiscale dénommée

« contribution au développement du service universel des Télécommunications

et du secteur de l’Energie (CODETE) ».

Selon l’article 3 du décret 2001-311, le paiement de la taxe se fait sous forme

de versements à effectuer dans les quinze premiers jours suivant la fin de chaque

trimestre de l’année civile, sur le montant trimestriel de l’assiette qui est de 3%

du chiffre d’affaires hors taxes de l’exploitant, net des frais d’interconnexion

réglés aux autres exploitants de réseaux publics de télécommunications. Selon

l’article 5 du code 95%, ces ressources du fond de service universel des

télécommunications sont affectées au Fonds spécial de Soutien au secteur de

l’Energie (FSE) ; tandis que les 5% des recettes sont destinés au fonds de service

universel des télécommunications. Ce mécanisme de financement du service

universel au Sénégal ne fait pas partie des meilleures pratiques internationales.

Dans la réalité, il s’agit, pour les autorités compétentes de prendre les ressources

substantielles destinées au développement des télécommunications pour régler

un problème énergétique. 381 Journal officiel de la République du Sénégal n°306 du 14 mars 2011.

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215

En outre, l’article 91 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 prévoit que la

contribution des opérateurs au fonds de service universel soit collectée par

l’ARTP et versée au fonds de service universel des télécommunications, créé à

cet effet. Tandis que l’article 4 du décret n°2011-311 du 07 mars 2011 prévoit

que le recouvrement de la contribution de 3% des opérateurs au fonds de service

universel est du ressort de la Direction générale des Impôts et des Domaines.

Ces dispositions contradictoires de la loi et du décret provoque un malaise

juridique et expose le décret n°2011-311 du 07 mars 2011 à la censure du juge

de l’excès de pouvoir et aux critiques des acteurs382.

A côté du fonds de service universel, il est mis en place une procédure de

désignation des opérateurs de service universel.

2. La désignation de l’opérateur du service universel

Les opérateurs de télécommunications ont des obligations de service

universel prévues par leurs cahiers des charges dans leurs zones de déploiement.

Cependant, il est aisé de comprendre que ces opérateurs peuvent ne pas se

déployer dans des zones non rentables. C’est pourquoi, il est mis en place un

mécanisme d’identification d’un opérateur qui serait disposé à aller dans les

zones non rentables. Mais ce dernier est subventionné par le fonds du service 382 A ce propos, l’ODSENT, à la lecture de l’art. 90 de ce nouveau code, s’interroge légitimement « comment

comprendre que dans un contexte de rareté des ressources, de fracture numérique poussée, de connectivité

nulle, que le code des télécommunications et des postes recommande de financer l’énergie et l’audiovisuel par le

fonds destiné au développement à l’accès universel ? »

Elle rappelle dans ce sens que :

Des milliers de villages, sur les 14 000 que compte le Sénégal, sont pourtant bien électrifiés et couverts par

l’ADSL, grâce à la SONATEL, mais malheureusement ne sont pas connectés faute de moyens. .Le prétexte

évoqué par le Ministre reste donc erroné car la crise de l’énergie, conséquence d’une mauvaise gestion, n’est

pas forcément la cause de la fracture numérique.

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universel. L’opérateur de service universel est désigné par appel à candidature

organisé par l’Autorité de régulation. Une convention de financement va aussi

lier l’Administration du fond et l’opérateur de service universel pour les besoins

du financement du service universel. Cette convention doit contenir au

minimum :

- les services autorisés ;

- la zone de desserte autorisée ;

- le délai autorisé ;

- la description du projet ;

- les engagements pour le fonctionnement, la maintenance et les garanties

pour ces engagements, le cas échéant ;

- les engagements à transférer le fonctionnement au cas où sa continuation

serait impossible ;

- les mécanismes de traitement des différends liés à l’exécution de la

convention.

Au Sénégal, la première licence de service universel, a été attribuée à un

consortium d’entreprise qui doit se déployer dans la région de Matam qui

constitue une zone pilote.

L’étude de la régulation ex ante des télécommunications permet de faire deux

constats. D’une part, le développement de la concurrence est une activité

principale du régulateur. Elle consiste notamment à réguler l’interconnexion et à

gérer les ressources rares.

D’autre part, le régulateur joue un rôle important dans le développement du

service universel.

Auprès de ces activités, le régulateur exerce une régulation ex post.

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217

CHAPITRE II :

ACTIVITE DE REGULATION EX POST

L’étude de l’activité de régulation ex post permet d’évaluer l’efficacité de

l’intervention du régulateur pour rétablir l’équilibre dans le marché des

télécommunications et sa conformité aux principes juridictionnels applicables au

traitement des différends.

Cette activité de régulation ex post consiste principalement à traiter les

différends entre acteurs du secteur (section I). Les décisions prises dans le cadre

de ce traitement des différends sont contrôlées par le juge (section II).

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SECTION PREMIERE :

TRAITEMENT DES DIFFERENDS PAR LE REGULATEUR

Le régulateur utilise des mécanismes de règlement des différends (paragraphe

I). Dans cet exercice, il est assujetti au respect de certains principes dans la

procédure (paragraphe II).

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PARAGRAPHE PREMIER :

Mécanismes de règlement des différends utilisés par le régulateur

Le régulateur utilise deux mécanismes de règlement des différends, à savoir

la conciliation et l’arbitrage383.

1. Conciliation

Le différend est un litige. Nous parlons de litige lorsqu’une personne ne

peut obtenir amiablement la reconnaissance d’une prérogative qu’elle croit avoir

et envisage de saisir un tribunal pour lui soumettre sa prétention. Quant au

règlement, c’est une solution donnée à un différend.

La fonction de règlement des différends, de tous ordres, est confiée à l’Etat.

Ce dernier fait exécuter cette fonction par une organisation judiciaire,

comprenant les Cours et Tribunaux ; organisation dans laquelle les juges,

appelés Magistrats, sont des fonctionnaires qui ont reçu une délégation officielle

et permanente à cet effet : c’est la justice étatique. A côté de cette justice

étatique, il existe depuis longtemps une justice privée qui a toujours permis de

soustraire les litiges à la justice de l’Etat pour les soumettre à des arbitres

investis, pour la circonstance, de la mission de juger. C’est l’arbitrage qui est la

forme la plus connue de justice privée384.

383 Voir décision n°2005-001/ART/DG/DR/D/Rég du 24 janvier 2004 fixant la procédure de traitement des

litiges. 384Voir notamment, Motulsky, Etudes et Notes sur l’arbitrage, Dalloz 1974 ; Jarosson, La notion d’arbitrage,

LGDJ, Paris, 1987 ; Meyer Pierre, OHADA, Droit de l’arbitrage, Bruylant 2002.

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Mais avec l’avènement des organes de régulation, nous assistons à une

délégation de pouvoirs de règlement des différends à ces dernières.

L’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et

du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la

communication (TIC) définit les litiges pour lesquels le régulateur doit être

compétent.

Il s’agit des litiges relatifs à :

- toute violation par un opérateur ou un fournisseur de services de

télécommunication de dispositions légales ou réglementaires en matière de

télécommunication ou de clauses conventionnelles ;

- tout refus d’interconnexion ou de location de capacité ou d’infrastructures,

non conformes aux conditions prévues par les textes applicables, et tout

désaccord relatif à l’application et à l’interprétation des conventions et des

catalogues d’interconnexion ;

- aux conditions d’octroi ou de refus d’octroi à un opérateur des droits

d’occupation sur le domaine des personnes publiques ou de droits de passage sur

une propriété privée aux fins de l’établissement et de l’exploitation d’un réseau

de télécommunication ;

- l’exercice de droits spéciaux ou exclusifs par un acteur du secteur.

Les pouvoirs du régulateur des télécommunications au Sénégal en matière

de conciliation s’inscrivent dans ce sillage.

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221

La conciliation est une procédure visant à un accord entre des parties opposées

par une mésentente avant l'intervention d'une décision potentiellement

contraignante.

Le Président Comilla HOGUIE a rappelé que « le monde des affaires se nourrit

de sécurité, de célérité et aussi de discrétion »385. Du fait de sa célérité, la

conciliation est un mécanisme privilégié par les organes de régulation.

En France, l’article 18 du Règlement Intérieur 386 prévoit que lorsque

l’Autorité est saisie d’une demande de conciliation, le Président de l’Autorité

désigne un conciliateur choisi par les membres du Collège. Celui-ci est assisté

en cas de besoin par les agents de l’Autorité. Le conciliateur peut inviter les

intéressés à une audition. Il peut entendre, sous réserve de leur acceptation,

toutes les personnes dont l’audition lui paraît utile. A l’issue de la procédure un

procès-verbal de conciliation ou de non-conciliation est signé par le conciliateur

et les parties. En cas de succès de la conciliation, ce procès-verbal vaut accord

entre les parties. Un exemplaire du constat d’accord est remis.

Selon son article 143, l’Autorité édicte et publie une procédure transparente et

non discriminatoire de règlement des différends.

Cette procédure doit contenir notamment des dispositions soumettant l’ARTP

aux obligations suivantes :

- rendre ses décisions dans les délais fixés par la présente loi ou décret ;

- respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense en

mettant les parties à même de présenter leurs observations ;

- rendre des décisions dûment motivées ;

- rendre publiques ses décisions dans les conditions et sous les réserves

prévues dans les lois et règlements applicables.

385 Camille HOGUIE, « L’arbitrage et la conciliation : quels intérêts pour les entreprises ? », in Actualités

Juridiques n°64 -65/2009, p. 324, Ohadata D-10-23 (www.ohada.com, Page consultée le 12 septembre 2011). 386Voir la décision n° 2010 -1354 en date du 16 décembre 2004 portant modification du règlement

intérieur de l’ARCEP. (www.arcep.fr. Page consultée le 12 juin 2011).

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L’article 158 sur le Collège dispose que celui-ci est l’organe délibérant et

l’instance décisionnelle de l’Autorité de Régulation.

Le Collège est compétent pour prendre sur la base des dossiers qui sont

préparés par le Directeur général, des décisions portant sur les litiges et

différends pour lesquels il est attendu une conciliation, un arbitrage ou une

décision de l’ARTP.

L’article 142 du code des télécommunications prévoit que l’ARTP peut être

saisie pour conciliation, par tout consommateur, par lui-même ou par

l’intermédiaire d’une association légalement constituée. Cette disposition est

une innovation positive par rapport au code de 2001 qui obligeait le

consommateur à passer par une association de consommateur afin de saisir

l’ARTP pour conciliation. Ce qui justifie certainement la non abondance de la

jurisprudence relative au traitement des plaintes du consommateur par le

régulateur.

Par ailleurs, l’ARTP peut être saisie pour conciliation par un opérateur ou

fournisseur de services, sur le fondement de l’article 141 du code des

télécommunications.

Dans la pratique, une demande d’arbitrage introduite devant l’organe de

régulation peut déboucher sur une conciliation entre les parties. C’est le cas d’un

différend opposant la Société Ferlo SA à SONATEL, suite à un rejet par cette

dernière d’une demande de connexion au SMS-C387. En Mars 2001, la société

« Netwyz» avait conclu avec SONATEL un contrat ayant pour objet la

commercialisation de cartes prépayées « Diamono » utilisables sur le réseau

Alizé. Dans cette lancée, SONATEL avait remis à la société « Netwyz »

plusieurs lots de code de recharge pour une valeur de cent quatre-vingt-six

millions trente-six mille deux cent cinquante francs (186.936.250 F CFA)

387 Le SMS-C est un équipement qui permet au fournisseur de services à valeur ajoutée d’offrir des services en

passant par l’opérateur.

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depuis 2003. Le recouvrement de cette somme a été rendu difficile du fait de la

fermeture de la société « Netwyz ». En 2006, SONATEL a constaté que le

Directeur général de la défunte société « Netwyz » est devenu Directeur général

de la société « Ferlo S.A ». C’est ainsi que SONATEL a poursuivi ce Directeur

général pour banqueroute frauduleuse et escroquerie devant le juge pénal. Suite

à cette plainte, il avait versé deux acomptes et s’était engagé sur un procès-

verbal établi par la Division des investigations criminelles, à solder le reliquat en

dix-neuf mensualités (19). Ce qu’il n’a pas respecté.

Du fait que c’est la même personne qui est devenue Directeur général de la

société « Ferlo SA », SONATEL a refusé la demande de raccordement au SMS-

C. L’ARTP, après avoir recueilli les observations écrites des deux parties, a

convoqué une rencontre de confrontation le 05 octobre 2010.388 Lors de cette

rencontre, SONATEL a exigé le paiement du reliquat dû par la défunte société

« Netwyz » pour accéder à la demande de « Ferlo SA ». Tandis que « Ferlo

SA » considère que SONATEL abuse de sa position dominante en faisant

amalgame entre deux sociétés différentes. En définitive, le régulateur, avec le

consentement des parties, a proposé que ces dernières se rencontrent dans un

délai de deux semaines et qu’elles lui fassent parvenir le procès-verbal.

Dans une autre affaire opposant Arc Informatique et SONATEL portant sur des

clauses dites « anticoncurrentielles », le régulateur a pu obtenir la conciliation

des parties après audition.

Dans cette affaire, ARC informatique, fournisseur de services d’Internet était en

négociation avec SONATEL pour la signature d’un contrat portant

raccordement de ARC pour l’exploitation d’un service à valeur ajoutée. Suite à

un blocage des négociations, ARC Informatique a constaté que SONATEL

faisait une publicité portant l’exploitation de la même offre par sa filiale 388Procès verbal inédit, source ARTP

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SONATEL multimédia (concurrent de ARC Informatique dans le même

segment de marché). C’est ainsi que ARC Informatique a saisi le régulateur pour

arbitrage389. Suite à la notification de la saisine à SONATEL pour observations,

cette dernière a accepté de poursuivre les négociations en enlevant les clauses

que ARC Informatique qualifiait d’« anticoncurrentielles ». C’est que le

régulateur, après avoir entendu les deux parties, a fixé un délai pour l’effectivité

de la signature et de l’exécution du contrat pour que la société ARC

Informatique puisse exploiter le service.

Dans tous les cas, la procédure de conciliation se termine par un procès-verbal

de conciliation signé par les deux parties ou par un procès-verbal de constat

d’échec. Mais la difficulté réside dans le caractère non contraignant de ces

procès-verbaux de conciliation390.

Dans ce cas, l’intéressé peut saisir le juge compétent. L’opérateur ou le

fournisseur de services peut saisir le régulateur pour qu’il puisse prendre une

décision contraignante, ou ester devant le juge compétent.

2. Arbitrage devant le régulateur

Selon le Professeur Abdoulaye SAKHO, l’arbitrage est « l’institution d’une

justice privée grâce à laquelle les litiges sont soustraits aux juridictions

étatiques pour être résolus par des arbitres investis par la circonstance de la

mission de juger »391. L’arbitrage devant l’Autorité de régulation est

institutionnel. Le Professeur SAKHO précise que les parties à l’arbitrage

389Procès-verbal de conciliation disponible à l’ARTP, ARC Informatique et la SONATEL. 390 Pour rendre contraignante la conciliation, il a été proposé, lors d’un séminaire avec la magistrature, de faire

homologuer les procès-verbaux de conciliation par le juge. 391 SAKHO Abdoulaye, « La législation communautaire de la concurrence et les mécanismes alternatifs aux

règlements des conflits commerciaux », Ohadata D-05-12 (www.ohada.com , page consultée le 15 juin 2011).

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225

institutionnel doivent mener les opérations conformément aux règles de

procédure de l’institution d’arbitrage concernée392.

Mais il faut préciser que cette forme d’arbitrage est différente de celle

exercée par les organes de régulation.

En ce sens que cet arbitrage découle d’une convention des parties telles que

prévues par les articles 2393 et 3394 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur

l’arbitrage.

Tandis que l’arbitrage exercé par le régulateur constitue une compétence

d’attribution dans un secteur spécifique.

En effet, l’article 141 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des

télécommunications prévoit :

Tout opérateur ou fournisseur de services a la faculté de saisir l’ARTP en cas

de litige relatif, notamment :

- à toute violation par un opérateur ou fournisseur de services de

dispositions législatives ou règlementaires en matière de

télécommunications et de postes ou de clauses conventionnelles ;

- à tout refus d’interconnexion ou de location de capacité ou

d’infrastructures, non conformes aux conditions prévues par les textes

392 SAKHO Abdoulaye ; op.cit. 393 Article 2 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage : « Toute personne physique ou morale peut

recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.

Les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent

également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester le caractère

arbitraire d'un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage. » 394 Article 3 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, « La convention d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout

autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la

stipulant. »

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226

applicables et tout désaccord relatif à l’application ou à l’interprétation

des conventions et des catalogues d'interconnexion ;

- aux conditions d’octroi ou de refus d’octroi à un opérateur des droits

d’occupation sur le domaine des personnes publiques ou de droits de

passage sur une propriété privée aux fins de l’établissement et de

l’exploitation d’un réseau de communication ;

- aux pratiques anticoncurrentielles.

Ces dispositions du nouveau code des télécommunications confirment les

compétences de l’ARTP en matière de traitement des différends. En effet,

l’article 44 du code des télécommunications de 2001 donnait à l’ARTP la

compétence d’arbitrer les différends entre l’Administration de l’Etat et les

exploitants de réseaux et fournisseurs de services de télécommunication ainsi

qu’entre exploitants de réseaux et fournisseurs de services de

télécommunications.

Par une décision n°2005-001/ART/DG/DRC/D.Rég du 24 janvier 2004, l’ARTP

fixe une procédure de traitement des litiges. Il s’agit, en effet, de combler le

silence de l’article 44 du code des télécommunications accordant à l’ARTP un

pouvoir général d’arbitrer les différends entre les acteurs sans en préciser la

procédure de saisine, d’instruction et de règlement. Cette procédure est uniforme

pour le traitement de tous les différends portés devant le régulateur des

télécommunications, à l’exception du contentieux d’interconnexion. Les

dispositions substantielles de cette décision sont conformes aux exigences du

code des télécommunications de 2011395.

395 Voir l’article 143 du code des télécommunications de 2011 cité plus haut.

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227

Dans le nouveau code des télécommunications, la procédure de traitement des

différends est plus précise.

S’agissant de la procédure de traitement de contentieux liés à l’interconnexion,

elle trouvait une organisation dans l’article 24 du décret n°2005-1183 du 06

décembre 2005 relatif à l’interconnexion. A l’instar de la procédure prévue par

la décision n°2005-001/ART/DG/DRC/D.rég du 24 janvier 2004396, cette

procédure revêt les caractéristiques suivantes :

- toute la procédure est contradictoire, les parties pouvant se faire assister par

un conseil ;

- les décisions doivent être motivées en fait comme en droit ;

- les décisions doivent être publiées ;

- les délais d’instruction sont fixés suffisamment courts (90 jours maximum).

Maintenant, il est organisé par l’article 141 du nouveau code des

télécommunications.

Selon l’article 28 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, les litiges relatifs à

l’interconnexion et aux conditions d’accès sont portés devant l’Autorité de

régulation. Cette dernière doit se prononcer dans un délai de trois mois (3) après

avoir demandé aux parties de présenter leurs observations.

Cependant, il est permis de porter, de manière dérogatoire, le délai des

investigations à six mois en cas de complexité de l’affaire.

L’article 13 de l’Acte Additionnel relatif à l’harmonisation des politiques et du

cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la 396www.artp.sn (page consultée les 20 janvier 2009).

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communication (TIC) dispose que le régulateur doit assurer « l’examen et le

contrôle de la mise en œuvre des conditions relatives à l’interconnexion et à

l’accès aux réseaux, conformément aux dispositions de l’Acte Additionnel relatif

à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC ».

De même, l’article 29 de l’Acte Additionnel relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services dispose que « les litiges relatifs aux

refus d’interconnexion, aux conventions d’interconnexion et aux conditions

d’accès sont portés devant l’Autorité nationale de régulation ».

La procédure de saisine doit être rendue publique par le régulateur pour

permettre aux intéressés de le saisir en cas de besoin.

L’article 127 du code des télécommunications de 2011 du Sénégal attribue à

l’ARTP la compétence de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles dans le

secteur des télécommunications dans le respect des compétences des organes

communautaires.

Le règlement n°03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux

ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union économique

monétaire ouest africaine, limite la compétence des autorités nationales de

concurrence dans la phase d’enquête.

A la manière des autres litiges, le régulateur doit appliquer la procédure de

traitement des litiges d’interconnexion dans le respect de certains principes.

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PARAGRAPHE II :

Principes de procédure applicables au régulateur dans le traitement des

différends

Aux termes de l’article 28 de l’Acte Additionnel de la CEDEAO sur les

régimes juridiques, les Etats membres doivent veiller à ce que le comité en

charge de la prise de décision soit impartial et formé de personnes reconnues

pour leurs compétences et nommées intuitu personae.

II ressort de ces dispositions que le régulateur est tenu de respecter le principe

du procès équitable dans le traitement du litige. La doctrine a essayé de répondre

à la question de savoir pourquoi le droit au procès équitable est applicable au

traitement des différends devant le régulateur ?

Mais une bonne partie a retenu que l’une des garanties fondamentales octroyées

aux justiciables est de lui permettre que sa cause puisse être entendue deux fois.

Aussi, naturellement, les sanctions prononcées par les autorités administratives

indépendantes peuvent faire l’objet d’un recours devant une juridiction. Bien

que qualifiées d’ « administratives », ces autorités doivent relever le contentieux

relatif aux sanctions qu’elles prononcent tant de l’ordre administratif que de

celui judiciaire397.

En Europe, les autorités administratives justifient l’application de ce principe

par les impératifs de rendre effectifs les droits de la défense. C’est au nom de ce

principe que la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg s’est

reconnue le droit de contrôler si le rejet d’un moyen nouveau par la Cour de 397 TEITGEN-COLLY, « Les autorités de régulation et la constitution », RDP, 1990, n°1, p. 186.

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Cassation était ou non contraire au « droit au procès équitable »398, et a

condamné la France à verser des dommages et intérêts à la requérante. Le

moyen formé par cette dernière ayant été déclaré irrecevable puisque soulevé

pour la première fois devant la Cour de Cassation, dans la mesure où le but de la

convention européenne des Droits de l’Homme, est de garantir aux justiciables

des droits concrets et effectifs et non point théoriques ou illusoires399.

En Europe, il s’était posé aussi dans la jurisprudence la question de savoir si les

dispositions de l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des

Droits de l’Homme étaient ou non applicables aux sanctions prononcées par le

régulateur. L’article dispose :

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,

publiquement, et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et

impartial, établi par la loi, qui décidera soit de contestations sur ses droits et

obligations de caractère civil soit du bien-fondé de toute accusation en matière

pénale dirigée contre elle.

La solution retenue par la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire KPMG, le 7 mars

2000, marque, sur ce point, l’aboutissement d’un « mouvement jurisprudentiel »

parvenu à sa maturité. En effet, pour les magistrats parisiens, bien que de nature

administrative, les sanctions prononcées par la COB visent, comme en matière

pénale, à punir les auteurs de manquements mais aussi à dissuader les opérateurs

de se livrer à de tels manquements.

Ce pragmatisme du juge parisien a trouvé un écho favorable à travers le monde.

Les critères d’applicabilité du principe du procès équitable sont d’origine

jurisprudentielle. En effet, la Cour européenne des Droits de l’Homme a retenu

398 CEDH, 21 mars 2000, Affaire Dulanrans C/France, JCP éd G, 2000, actualité p. 948. 399 CEDH, 9 octobre 1979, arrêt Airey, Série A §24.

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231

un critère matériel et non organique du champ d’application de l’article 6-1 de la

convention européenne des Droits de l’Homme. Dans un arrêt rendu le 8 juin

1976 sur l’affaire Engel et autres c/Pays-Bas, les notions conventionnelles qui

fondent le champ d’application matériel de ses stipulations sont autonomes400.

La Cour précise que :

Si l’accusation peut en général se définir comme la notification officielle,

émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction

pénale, elle peut dans certains cas revêtir la forme d’autres mesures impliquant

un tel reproche et entraînant aussi des répercussions importantes sur la

situation du suspect.

Il est clair que la Cour de Strasbourg ne part pas de l’organe pour parvenir à un

régime procédural applicable. Au contraire, elle s’intéresse à ce qui peut arriver

à une personne pour en déduire que la mesure qui s’applique à elle doit être

qualifiée de sanction, selon qu’elle vise à réparer exclusivement ou non un

préjudice. A cette fin, selon la Cour, trois critères permettent d’apprécier si une

sanction tombe ou non dans le champ d’application du droit au procès équitable.

Ces critères sont, en premier lieu, la qualification donnée à l’infraction par le

droit interne qui n’a qu’une valeur relative étant donné les risques de

dévoiement déjà soulignés.

En second lieu, la nature de l’infraction doit refléter une nature pénale, eu égard

au « caractère général de la norme et le but, à la fois préventif et répressif, de la

sanction ».

400 CEDH, 8 juin 1976, Série A n°22, affaire. Engel ; voir sur ce point GUINCHARD(S), art précis, Mélange

Farjat, p. 155.

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232

En troisième lieu, enfin, la Cour s’attache à révéler la nature véritable de la

sanction encourue, son caractère sévère qui doit conduire « à exercer un effet

dissuasif » sur ses destinataires.

Selon la Cour, il suffit que l’un de ces critères soit présent pour faire tomber

l’infraction dans la matière pénale401. En analysant la sanction applicable par les

organes de régulation, il est aisé de constater qu’elle tombe dans ce champ

d’application de l’article 6 de la convention européenne des Droits de l’Homme

qui est la pendante de l’article 10 de la déclaration des Droits de l’Homme de

1948 visée par le préambule de la constitution de janvier 2001 du Sénégal. Il

n’est, pour s’en convaincre, que d’analyser les sanctions prévues par l’article

106 du code des télécommunications de 2011 :

Lorsque le titulaire d'une licence, d’une autorisation ou d'un agrément ou le

souscripteur d'une déclaration ne respecte pas les obligations qui lui sont

imposées par les textes législatifs et réglementaires et les conditions fixées à

l'occasion d'attribution de fréquences radioélectriques ou par la licence,

l'autorisation ou par l'agrément, l’Autorité de régulation le met en demeure de

s'y conformer dans un délai de trente jours. La mise en demeure peut être

rendue publique.

Si le titulaire de la licence, de l'autorisation ou de l'agrément ou le souscripteur

d’une déclaration cité à l'alinéa précédent, ne se conforme pas à la mise en

demeure qui lui a été adressée, l’Autorité de régulation prononce à son encontre

et à sa charge, par une décision motivée :

401 Samuel Eto et Jean- Marc Moulin, L’application de la notion conventionnelle de procès équitable aux

autorités administratives indépendantes en droit économique et financier, Paris, Dalloz 2001, p. 52.

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- pour les opérateurs titulaires de licence : une pénalité d’un maximum de

trois pour cent (3%) du chiffre d’affaires tel que déclaré dans l’exercice

comptable de l’année précédente ;

- pour les personnes morales titulaires d’une autorisation ou d’un agrément

ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas dépasser

vingt millions de francs CFA (20.000.000 FCFA);

- pour les personnes physiques titulaires d’une autorisation ou d’un

agrément ou ayant souscrit une déclaration : une pénalité qui ne peut pas

dépasser dix millions de francs CFA (10.000.000 FCFA).

En cas de récidive, le montant de l’amende est doublé.

Le montant de la pénalité doit être fixé en fonction de la gravité des

manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces

manquements.

Si la violation constatée et notifiée persiste, l’Autorité de régulation prononce,

par une décision motivée, le retrait définitif de l’autorisation ou de l’agrément.

Elle peut, dans les mêmes conditions, mettre fin aux effets de la déclaration. S’il

s’agit d’un titulaire de licence, le Président de la République prononce par

décret, sur proposition motivée de l’Autorité de régulation, soit :

- la suspension totale ou partielle de la licence pour une durée de trente

jours au plus ;

- la suspension temporaire de la licence ou la réduction de la durée de

cette dernière dans la limite d'une année ;

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- le retrait définitif de la licence.

Dès lors que l’applicabilité est établie, il convient d’analyser l’application.

Le droit au procès équitable connaît une application effective dans la procédure

de traitement des différends devant le régulateur.

Cette application se manifeste par une consécration effective du principe du

contradictoire.

En droit sénégalais, le décret n°2005-1183 relatif à l’interconnexion consacre ce

principe.

En son article 24, elle prévoit que l’ARTP adresse, par lettre recommandée, à la

partie mentionnée dans la requête, la copie du dossier de saisine pour qu’elle

formule ses observations.

Par ailleurs, l’article 34 du code des télécommunications de 2001 du Sénégal

prévoit que l’ARTP doit permettre au titulaire de la licence, de l’agrément, de

l’autorisation ou au souscripteur de la déclaration, de présenter ses observations

avant l’application de la sanction. De même, l’article 25 du code des

télécommunications 2001 précise que si le titulaire d’une licence ne se conforme

pas à la mise en demeure servie, le Directeur général de l’ARTP doit inviter

l’opérateur à formuler ses observations avant de prononcer une sanction par

décision motivée. Aujourd’hui, l’article 106 du code des télécommunications de

2011 a renforcé la protection des droits de la défense.

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 29 de l’Acte Additionnel de la CEDEAO

relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux. Il dispose que :

L’Autorité nationale de régulation se prononce dans un délai de trois mois,

après avoir demandé aux parties de présenter leurs observations. Toutefois, ce

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délai peut être porté à six mois lorsqu’il est nécessaire de procéder à des

investigations et expertises, complémentaires. Sa décision qui est motivée,

précise les conditions équitables d’ordre technique et financier, dans lesquelles

l’interconnexion doit être assurée. Les contestations sont portées devant les

juridictions compétentes.

Le respect de ce principe a été invoqué récemment devant le Conseil d’ Etat

sénégalais. Dans un arrêt rendu le 08 août 2007402, affaire SONATEL c/

l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) et l’Etat

du Sénégal, l’opérateur historique a soutenu qu’il n’était pas mis à même de

présenter ses justifications écrites ou verbales avant toute application de

pénalité. Mais le Conseil d’Etat a rejeté ce moyen du fait que, suite à l’incident

du 21 janvier 2007, l’ARTP a sollicité des explications à la Société Nationale de

Télécommunications qui a répondu par courriel de son Directeur des réseaux en

date du 24 janvier 2007.

En droit français, le règlement intérieur fixé par décision du n°06-0044 du 10

janvier 2006 403prévoit ce principe. Nous rappelons que ce règlement intérieur

est pris en application de l’article D 188 du Code des postes et communications

électroniques (CPCE) qui dispose : « l’Autorité de régulation des

communications électroniques et des postes adopte son règlement intérieur qui

fixe notamment les modalités de délibérations ainsi que les règles de procédure

applicables devant elles ».

L’article R 11-1 du code donne brièvement quelques éléments de procédure

concernant les règlements de différends en matière de communications

402 L’arrêt est disponible en ligne (www.artp.sn.Page consultée le 20 octobre 2009). 403 Op.cit.

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électroniques, notamment en fixant le délai dans lequel l’Autorité doit statuer404,

le principe de l’application du contradictoire, et la possibilité de former

accessoirement une demande de mesures conservatoires. Aucun article du code

n’encadre la procédure prévue par ses articles405 L5-5 et L 36-11406. Le

règlement intérieur joue donc le rôle de code minimal de procédure que les

décisions de l’ARCEP doivent respecter. Ce sont, entre autres, les principes du

contradictoire, d’impartialité et d’indépendance.

L’article 11 du règlement intérieur de l’ARCEP prévoit les conditions dans

lesquelles le service juridique doit permettre aux parties de formuler leurs

observations.

La Cour d’appel de Paris a contrôlé le respect du principe du contradictoire dans

plusieurs décisions. Sur un recours formé par la société France Télécom, en

annulation d’une décision 407de l’ART de la France pour entre autres moyens, la

violation du principe du contradictoire, la Cour d’appel a rappelé que le principe

du contradictoire impose à celle-ci de ne se prononcer qu’après avoir mis les

parties à même de présenter leurs observations. Par conséquent, l’ART est

obligée de s’assurer que chaque partie a eu la faculté de prendre connaissance

des observations et pièces produites par l’autre partie afin de discuter408.

Donc le principe du procès équitable doit être appliqué par les régulateurs des

Etats membres de la CEDEAO dans le cadre du traitement des différends liés à

l’interconnexion.

404 Le délai est de 4 mois pouvant être porté à 6 mois en cas de circonstances exceptionnelles. 405 Article L5-5 : « Elle se prononce après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations ». 406Article l 36-11 : « L’Autorité se prononce après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations ». 407 La décision attaquée est celle rendue sous le n°00-30de l’Autorité de Régulation des Télécommunications en

date du 05/01/2000. 408 Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 27 juin 2000, n°2000/02659.

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Pour sauvegarder le respect du principe du procès équitable dans le prononcé de

la sanction, le droit français procède à la séparation des fonctions d’instruction

et de jugement.

C’est ainsi que l’article 11 du règlement intérieur de l’ARCEP prévoit la

désignation d’un rapporteur. Il dispose que « dès lors que la saisine est

complète, le chef du service juridique ou son adjoint désigne un rapporteur et un

rapporteur adjoint ».

En son article 16, il prévoit que « le collège délibère, hors la présence du

rapporteur, de son adjoint, du chef du service juridique, de son adjoint et des

parties, conformément aux règles de fonctionnement fixées au chapitre 1er ci-

dessus ».

Ces dispositions du règlement intérieur visent à sauvegarder l’impartialité de la

décision.

Le respect du principe du contradictoire et la séparation des organes

d’instruction et de jugement constituent des moyens de garantie du droit au

procès équitable. Le juge contrôle souvent leur effectivité. Il en est ainsi dans la

jurisprudence COB c/ Oury de la Cour de cassation du 5 février 2000409. Cet

arrêt a confirmé la décision de la Cour d’appel de Paris annulant une sanction

pécuniaire pour violation de l’article 6-1 de la CEDH, en vertu duquel toute

personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et

dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la

loi, qui décide des contestations sur ses droits et obligations à caractère civil. La

Cour d’appel avait retenu, en premier lieu, un manquement à la procédure

contradictoire dès lors que la sanction se fondait sur un rapport qui n’avait pas

409Cass, Ass. Plén, 4 février 1999, COBc/Oury, Gaz Pal 24-25 février 1999 ? CONCLUSION M.A. La fortune ;

CJP éd, 1999, II, 10060, note H. Matsopoulou. Pour le Conseil de la Concurrence, Cass.com, 5 Octobre 1999,

Campenou Bernard SGE, JCP éd.G, 2000, note d’E. Cadou.

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été communiqué à l’intéressé ; en second lieu, la confusion organique : le

collège de la COB avait décidé de la mise en accusation des poursuites et avait

constaté la culpabilité, enfin le rapport d’instruction avait été établi par l’un des

membres ayant pris ensuite part au délibéré.

La Cour d’appel de Paris du 27 juin 2000, se prononçant sur le règlement du

différend opposant la société Télécom Développement à France Télécom,

affirme qu’il n’est contestable ni contesté par l’ART qui est soumise à

l’obligation d’impartialité au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne

des droits de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Dans un considérant de principe, la Cour estime que « l’impartialité doit

s’apprécier selon une démarche subjective qui tente d’établir ce que le juge

pensait en son for intérieur en la circonstance et aussi selon une démarche

objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure

à ce stade tout doute légitime ». Dans ce cas d’espèce, France Télécom mettait

en cause un courrier du président de l’ART détaillant l’ensemble des points que

l’Autorité souhaitait voir figurer dans le projet de catalogue d’interconnexion,

antérieur à la saisine de règlement de différend. La Cour d’appel relève que «

les termes du courrier ne reflètent ni parti pris ni préjugé, et ne justifient pas un

doute légitime sur l’impartialité de celui qui les a écrits ».

De ce qui précède, il est à noter que le principe du droit au procès équitable doit

faire l’objet d’un respect strict dans les bonnes pratiques de régulation. Les Etats

membres de la CEDEAO n’ont pas voulu déroger à ce principe dont le contrôle

du respect est assuré par le juge.

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239

SECTION II :

RECOURS CONTRE LA DECISION DU REGULATEUR

L’étude du recours contre la décision du régulateur permettra d’apprécier

l’efficacité du contrôle juridictionnel sur la régulation.

Ce contrôle est exercé lors d’un recours devant la haute juridiction

administrative nationale (paragraphe I) et devant le juge communautaire

(paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Le recours devant la haute juridiction administrative nationale

II convient d’étudier la forme du recours (1) avant d’en venir à la procédure

de cette saisine (2).

1. La forme du recours contre la décision du régulateur

De manière générale, les voies de recours sont des « moyens mis à la

disposition des plaideurs ou des tiers pour obtenir un examen nouveau de leurs

affaires »410. Elles permettent de contester d’abord la régularité formelle de la

décision du régulateur ainsi que celle de la procédure suivie dans le cadre du

traitement des litiges. La grande majorité des décisions administratives et

juridiques est susceptible de contestation.

Il existe différents types de recours selon l’organe, l’acte et la matière traitée.

La démarche à adopter varie selon qu’il s’agisse de remettre en cause une

mesure administrative ou le comportement ou l’acte d’une personne privée.

Le recours contre la décision du régulateur vise la censure de l’excès de

pouvoir411 du régulateur.

L’article 39 du code des télécommunications de 2001 prévoit que « les décisions

de l’ART portant sanction peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou

d’une demande de sursis à exécution devant le Conseil d’Etat. ».

410 Jean Vincent et Serge Guinchard, Procédure civile, Paris, 25ème édition Dalloz 1999, p. 901. 411 P. Weil, Le droit administratif, collection "Que sais-je ?", Paris, n°1152, PUF, 17éme édition, 1997.

Page 241: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

241

Selon l’article 149 de la loi 2011-01 du 24 février 2001 portant code des

télécommunications :

Les décisions de l’ARTP peuvent faire l’objet de recours devant la haute

juridiction administrative nonobstant un recours gracieux préalable.

Le recours contentieux n’est pas suspensif. Le sursis à exécution de la décision

peut être ordonné par la haute juridiction administrative.

Toutefois, après épuisement des voies de recours internes, l’institution judiciaire

de la CEDEAO peut être saisie.

La loi organique du 8 août 2008412 a créé la Cour suprême du Sénégal qui

regroupe maintenant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Aujourd’hui, les décisions prises par l’organe de régulation sont attaquables

devant la chambre administrative de la Cour Suprême. Aux termes de l’article

1er de la loi organique n° 2008-35 du 07 Août 2008 portant sur la Cour Suprême,

« la Cour Suprême, créée en lieu et place du Conseil d’Etat et de la Cour de

Cassation, est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des

autorités exécutives, ainsi que de la légalité des actes des collectivités locales ».

Par ailleurs, l’article 82-1 de la loi organique sur la Cour Suprême prévoit que

« les recours en cassation contre les décisions des organismes administratifs à

caractère juridictionnel sont portés devant les Chambres réunies de la Cour

Suprême ». C’est ainsi que l’article 149 du code des télécommunications de

2011 soumet à la censure du juge de l’excès de pouvoir les décisions prises par

l’ARTP. Mais ce recours n’est pas suspensif.

412 La loi organique est disponible sur le site officiel du Gouvernement de la République du Sénégal.

(http://www.gouv.sn/spip.php?article706. Page consultée le 20 décembre 2010).

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242

Le recours pour excès de pouvoir est un « recours contentieux tendant à

l'annulation d'une décision administrative et fondé sur la violation par cette

décision d'une règle de droit »413. Il « est ouvert même sans texte et a pour effet

d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la

légalité »414. Il permet de demander au juge administratif de prononcer

l'annulation d'un acte édicté par une personne morale de droit public ou de droit

privé qui s'est vue conférer des prérogatives de puissance publique415.

Aujourd’hui, les décisions prises par l’organe de régulation sont attaquables

devant la chambre administrative de la Cour Suprême. Au sens de l’article

premier du titre premier de la loi organique du 8 août 2008416, la Cour Suprême

est le juge de l’excès de pouvoir. Mais ce recours est soumis à une procédure.

2. La procédure devant la Haute juridiction administrative

La procédure devant la Cour Suprême est une procédure administrative

contentieuse. « C’est la procédure qui regroupe l’ensemble des règles relatives

à l’introduction, à l’instruction, au jugement des recours, et aux différents types

de recours susceptibles d’être conduits devant les juridictions

administratives »417.

La procédure devant la Cour Suprême est écrite, non-suspensive418.

413 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 7e édition, Presses universitaires de France, Paris, 2005 (ISBN

2130550975), « Recours pour excès de pouvoir ». 414CE. Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte, N° 86949. Texte intégral de la décision sur

www.legifrance.gouv.fr (page consultée le 13 juin 2009). 415 J. RIVERO, « Le Huron au Palais-royal ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », 1962. 416http://www.gouv.sn/spip.php?article706. Page consultée le 20 décembre 2010. 417Demba SY, Op.cit. p. 131. 418 Dans le recours pour excès de pouvoir qui nous intéresse principalement, l’introduction de l’instance n’a pas

d’effet suspensif. Cependant, le justiciable peut demander le sursis à exécution sur le fondement de l’article 73-

2 de la loi organique 2008 sur la Cour Suprême.

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243

La procédure comprend trois phases, la saisine de la Cour Suprême, l’instruction

de l’affaire et le jugement.

La saisine pour excès de pouvoir doit être formé dans un délai de deux mois à

partir de la prise de connaissance de la décision. Pour les actes réglementaires, le

point de départ du délai est sa publication au journal officiel.

S’agissant des actes non réglementaires, il faut distinguer deux cas :

- à l’égard du destinataire de l’acte, le point de départ du délai est la date de

notification ;

- à l’égard des tiers, c’est la date de publication : exemple, la nomination d’un

membre du Collège de Régulation.

Toutefois, une jurisprudence constante a consacré la théorie de la connaissance

acquise419 qui est la conception selon laquelle, en l’absence d’une publicité

régulière, le délai peut être considéré comme commençant à courir, s’il est

avéré, d’une manière quelconque que l’intéressé avait connaissance de l’acte.

Par ailleurs, l’existence d’un recours administratif peut proroger le délai du

recours pour excès de pouvoir contre la décision du régulateur.

Il est consacré deux formes de recours administratifs, à savoir le recours

hiérarchique et le recours gracieux.

Le recours hiérarchique n’est pas envisageable en ce qu’il est porté devant le

supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte. Le régulateur n’est pas soumis au

pouvoir hiérarchique.

419 C.E 27 octobre 1993, Moctar Traoré c/Etat du Sénégal; C.E 26 juin 1997, Baïdy Sow c/Etat du Sénégal.

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244

Par contre, le recours gracieux qui est porté devant le régulateur lui-même,

pour qu’il reconsidère sa décision, est bel et bien possible. Dans ce cas, le délai

du recours pour excès de pouvoir ne commence à courir qu’à compter de la

notification de la décision de rejet. Dans l’affaire Hassane DIALLO contre le

Conseil rural de Dabia, le Conseil d’Etat a déclaré irrecevable le recours du fait

que le recours gracieux a été formé quatre mois après l’intervention de la

décision querellée. En effet, le recours pour excès de pouvoir n’est recevable

que lorsque le recours gracieux a été fait dans les délais du recours

contentieux.420

Le renouveau de la Cour suprême est porté notamment par les règles qui

assurent l’accélération des procédures et la satisfaction de la demande de qualité

des justiciables, celles qui déterminent, en les différenciant, les formes de

procéder de la Cour ou celles qui ont une tendance s’inscrivant dans le sens

d’un progrès de l’accès à la justice et au droit, et dans celui d’une plus grande

transparence de la fonction juridictionnelle.

Ainsi, le recours pour excès de pouvoir est introduit par requête écrite. Si le

requérant n’est pas en mesure de rédiger correctement l’acte, il peut constituer

un Conseil. Mais le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.

A peine de déchéance, le demandeur est tenu de consigner une amende de 5000

FCFA sur liquidation faite par le greffier en Chef. Cette somme est versée au

receveur de l’Enregistrement. Un récépissé est remis au requérant pour servir de

preuve de la consignation. L’amende de consignation est acquise au Trésor

public en cas de rejet de pourvoi. Sont dispensés de la consignation : les

personnes morales de droit public, les bénéficiaires de l’assistance judiciaire.

420 C.E du Sénégal « Hassane DIALLOC/ Conseil Rural de Dabia », arrêt n°16 du 29/06/2000, bulletin des arrêts

du Conseil d’Etat, éditions 2000.

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245

Le requérant doit signifier dans un délai de deux mois suivant la date

d’introduction de son recours, sa requête accompagnée d’une copie de la

décision administrative attaquée à l’Agence Judiciaire de l’Etat, par exploit

d’Huissier. Celui-ci doit, à peine de nullité, indiquer à la partie adverse qu’elle a,

à compter de sa signification, un délai de deux mois pour produire sa défense.

L’original de l’exploit, accompagné des pièces qui lui sont annexées, est déposé

au greffe dès la formalité de signification accomplie. Le non-respect de cette

formalité entraîne la déchéance.

Le recours pour excès de pouvoir n’est pas suspensif. Cependant, le requérant

peut demander le sursis à exécution. Il est accordé si les moyens soulevés à la

Cour de l’instruction paraissent sérieux et que le préjudice encouru s’avère

irréparable421. Dans l’affaire Momar GUEYE, le Conseil d’Etat sénégalais a

rappelé que « le sursis à exécution d’une décision faisant l’objet d’un recours en

annulation pour excès de pouvoir ne saurait être accordé si le préjudice

encouru par le requérant n’est pas difficilement réparable »422.

Le juge de l’excès de pouvoir dispose d’un pouvoir d’annulation de la décision

si celle-ci a violé les lois ou les règlements que le régulateur est obligé de

respecter. Cependant, la chambre administrative de la Cour Suprême, statuant en

excès de pouvoir, n’a pas pouvoir d’accorder une indemnité pécuniaire en

réparation du préjudice subi423.

La décision du juge de la Cour Suprême a un effet erga omnes. En effet, il s’agit

d’une annulation absolue qui vaut à l’égard de tous. La décision annulée est

421 C.E du Sénégal, « Société Racine S.A C/ Ordre National des Experts et évaluateur agréés du Sénégal »,

bulletin des arrêts du Conseil d’Etat, édition 1998, arrêt n°20 du 20/08 1998. 422 C.E du Sénégal, « Momar GUEYE C/ Etat du Sénégal », bulletin des arrêts du Conseil d’Etat, Dakar, édition

2000 arrêt n°07 du 13/04/ 2000.

423 C.S 4 mai 1977, Abdoulaye BA C/ Régie des Chemins de fer du Sénégal.

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censée n’avoir jamais existé et ne peut produire aucune conséquence. Ainsi, au

cas où la décision du régulateur est censurée, il a l’obligation de tirer toutes les

conséquences liées à l’effet rétroactif de cette annulation, sous réserve des

impossibilités matérielles juridiques ou pratiques.

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247

PARAGRAPHE II :

Le recours devant les instances communautaires

L’introduction d’un recours devant les juridictions communautaires nécessite

l’identification du juge compétent (1) et la connaissance des procédures de

saisine(2).

1. Identification du juge communautaire compétent

Tout ordre juridique constitue d'une part, un ensemble organisé et structuré

de normes juridiques, possédant leur propre source, dotées d'organes et de

procédures aptes à les émettre et à les interpréter. C’est ainsi que l’OHADA,

l’UEMOA et la CEDEAO sont des institutions communautaires disposant de

juridiction compétente pour l’interprétation et l’appréciation des normes

communautaires. C’est pourquoi des recours pour l’interprétation des textes

communautaires peuvent être portés devant elles.

L’OHADA (a), l’UEMOA (b), la CEDEAO (c) ont toutes des juridictions

compétentes.

a) OHADA

L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires a un projet

d’élaboration d’Actes uniformes applicables aux télécommunications. Ce qui

n’est pas encore effectif.

Mais les normes de l’OHADA sont applicables au Sénégal424. Pour assurer une

marche sûre, solide et assurée vers l'intégration juridique sur tout le territoire des

16 Etats membres, l'organisation communautaire a mis sur pied, depuis sa

424 Alioune Dièye, Régime juridique des sociétés commerciales et du G.I.E dans l’espace OHADA, Dakar,

Cabinet Aziz DIEYE, troisième édition 2008, p. 5.

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création, une Cour communautaire qui doit jouer le rôle de sentinelle sur

l'intégralité des territoires de l'Organisation.

En effet, au regard du Titre III du Traité du 17 octobre 1993 instituant

l'OHADA, la Cour de Justice et d'Arbitrage425 a compétence par rapport à tout

ce qui relève du contentieux relatif à l'interprétation et à l'application des Actes

uniformes. Selon l’article 13 du traité de l’OHADA, le contentieux relatif à

l'application des Actes uniformes demeure, de la compétence des juridictions

nationales, en première instance et en appel. C'est à la CCJA qu'est dévolue la

mission d'assurer dans les Etats parties, l'application et l'interprétation commune

du Traité et des règlements pris pour son application, et des Actes uniformes.

Pour ce faire, la CCJA jouit de fonctions juridictionnelles, consultatives et

arbitrales.

En matière juridictionnelle, l’article 14 du traité de l’OHADA prévoit que la

Cour est saisie par la voie du recours en cassation. La Cour, au stade de la

cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des

Etats membres, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à

l'application des Actes uniformes et des Règlements426. A l'exception toutefois

des décisions impliquant des sanctions pénales. La CCJA se prononce également

sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats

parties, dans les mêmes contentieux. Mais en matière de cassation, l'OHADA

425http://www.ohada.org/ccja.html (page consultée le 12 janvier 2011). 426 En matière de contentieux, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne retient sa compétence que lorsque

le pourvoi qui lui est adressé est formé soit contre une décision rendue par une Cour d’appel d’un Etat parti, soit

contre une décision non susceptible d’appel rendue par une juridiction nationale (c'est-à-dire en dernier ressort),

et que l’affaire examinée soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ou d’un Règlement

prévu au traité. Voir l’ordonnance n°002/2001/CCJA du 13 juin 2001 (Affaire Caisse Nationale de Prévoyance

Sociale du Cameroun dite CNPS et Maître EHONGO NEMES C/ SARL PAMOL PLANTATION LTD) ; Arrêt

n°19/2004/CCJA du 17 juin 2004 ( Affaire Société Guinéenne d’Assurances Mutuelles dite SOGAM C/ Société

Nationale d’Assurances Mutuelles dite SONAM et Autres ; Arrêt n°032/2006 du 28 décembre 2006 « Affaire

Nouvelle Scierie Serve et autres C/ Vincent Pierre LOUKROU. »

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présente une certaine originalité. Car, à ce niveau, contrairement aux juridictions

nationales de cassation qui sont de simples juridictions de droit, la CCJA évoque

et statue au fond de l'affaire427. Cette option de l'OHADA se justifie par la

volonté très manifeste d'imposer une réglementation juridique unifiée, unique

pour tous les Etats de l'OHADA. Car si la CCJA a la faculté d'évoquer et de

statuer au fond, quand un litige est porté à sa connaissance, la Cour peut non

seulement indiquer la juste application de l'Acte uniforme ou du Règlement,

mais en outre lorsqu'elle évoque et statue sans renvoi, cela permet de gagner du

temps, d'éviter les divergences de solutions qui proviendraient des différentes

Cours d'appel nationales, et le risque d'un second pourvoi devant la cour

supranationale. Dans ce cas, la jurisprudence a retenu une compétence générale

pour examiner un pourvoi en cassation mixte dont les moyens sont fondés aussi

bien sur les dispositions d’Acte uniforme OHADA que sur les règles de droit

interne d’un Etat partie428.

Cette option originale de la CCJA a, entre autres vertus, celle de réaliser une

unification de la jurisprudence. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour

publie périodiquement ses Arrêts dans un recueil spécialement prévu à cet effet.

La Cour commune a également des fonctions en matière consultative. En effet,

selon l'article 14 alinéa 2 du Traité de l'OHADA, la Cour peut être consultée par

tout Etat partie, ou par le Conseil des ministres pour toute question relative à

l'application des Actes uniformes et des Règlements. La même faculté est

également reconnue aux juridictions nationales saisies pour les mêmes 427 Toutefois, il convient de préciser que ce pouvoir exorbitant confié à une Cour de cassation avait déjà été

retenu en Côte d’Ivoire dans le cadre d’une réforme du Code de Procédure Civile relativement aux procédures

d’exécution. Voir l’ouvrage collectif de ETOUNDI Félix Onana, BOUBOU Pierre, M’BOSSO Jacques, La

problématique de l’Unification de la Jurisprudence par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage,

éditions, « Droit au service du développement », février 2008, p. 16. 428 Arrêt n°11/2002/CCJA du 28mars 2002 (Affaire Société MANUTECH C/ Société DOLOMIES et DERIVES

DE COTE D’IVOIRE) ; Arrêt n°18/2005/CCJA du 31 mars 2005 (Affaire AFRICOF et ZAHER NAJIB C/

SGBCI).

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questions. En outre, la CCJA a des compétences arbitrales, car l'objectif de

l'OHADA est de promouvoir, aujourd'hui, le règlement de tout litige relatif à

l'application des Actes uniformes par le recours à l'arbitrage. En effet,

l'organisation veut aujourd'hui casser le monopole de l'arbitrage étranger qui

avait cours, même lorsque le litige faisait intervenir un Etat ou une entreprise

africaine. Ainsi l'OHADA a élaboré un système dualiste d'arbitrage : d'une part,

il existe un Acte uniforme relatif à l'arbitrage de manière générale ; il s'agit de

l'Acte uniforme du 11mars 1999, entré en vigueur le 15 juin de la même année ;

il régit l'arbitrage ad hoc et les arbitrages qui se tiennent sous les auspices des

centres nationaux d'arbitrage, telle que la chambre de commerce, d'industrie, et

d'agriculture de Dakar (CCIA) ou la Cour d'Arbitrage de la Côte d'Ivoire

(CACI).

D'autre part, il existe un système d'arbitrage conçu et placé sous les auspices

de la CCJA, régi par les articles 21 à 25 du Traité et par les dispositions du

règlement d'arbitrage du 11mars 1999.

b) UEMOA

La Cour de Justice de l'UEMOA est la clef de voûte du contrôle

juridictionnel au sein de l'Union. Instituée par l’article 38 alinéa 1 du Traité, la

Cour de Justice de l’UEMOA est organisée par le Protocole additionnel N°I et

l’Acte N°10/96 du 10 mai 1996 portant statut de la Cour de Justice de

l’UEMOA. Les juges, désignés par la Conférence des Chefs d’Etat et de

Gouvernement429 « parmi des personnalités offrant toutes les garanties

d’indépendance et de compétence juridique, nécessaires à l’exercice des plus

hautes fonctions juridictionnelles », le sont pour un mandat de six (6) ans

renouvelable. Leur statut vise à conforter cette indépendance (prestation de

serment, octroi de privilèges et immunités, secret des délibérations, interdiction

429 Article 2 du protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.

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de tout cumul avec des fonctions politique, administrative ou juridictionnelle).

Le président de la Cour de Justice est désigné par ses pairs pour un mandat de

trois (3) ans.

Selon l’article 1er du Protocole additionnel N°1, « la Cour de Justice veille au

respect du droit quant à l’interprétation et à l’application »430. Dans le cadre de

cette mission, elle assume deux (2) fonctions essentielles : l’une contentieuse,

l’autre consultative.

Dans sa fonction contentieuse, la Cour est, à titre principal, en charge du

« contentieux de la déclaration »431, du contentieux de l’annulation et du

« contentieux de l’éviction »432.

Le « contentieux de la déclaration » qu’elle a à connaître comprend deux

branches.

La première est constituée, selon l’article 5 du Protocole additionnel N°1, par le

recours en manquement des Etats, et est uniquement ouvert aux Etats membres

et à la Commission. Si la commission estime qu’un Etat membre ne s'est pas

conformé aux obligations communautaires, elle adresse à cet Etat un avis motivé

à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Si

l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai imparti par la

Commission, celle-ci peut saisir la Cour de Justice.

Cette procédure est également ouverte à chaque Etat membre, après saisine

préalable de la Commission. Celle-ci doit émettre un avis motivé, après avoir

mis l'Etat concerné en mesure de présenter ses observations. Si la Commission

430 Article premier du Protocole additionnel n° 1 de1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 431Ce type de contentieux aboutit à la constatation d’une situation ou à l’interprétation d’une norme non assortie

de sanctions. 432Ce type de contentieux aboutit à écarter l’application d’une norme, voire son annulation.

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n'a pas émis d'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'affaire

peut être portée directement devant la Cour.

Si la Cour estime le recours fondé, elle constate le manquement. Tous les

organes de l'Etat membre concerné ont l'obligation d'assurer, dans les domaines

de leurs pouvoirs respectifs, l'exécution de l'arrêt. En cas d'abstention de l'Etat

membre dont le manquement a été constaté, la Commission a la faculté de saisir

la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement afin qu'elle invite l'Etat

membre défaillant à s'exécuter sans préjudice des sanctions prévues à l'article 74

du Traité de l'Union relatif à l'exercice de la surveillance multilatérale.

La seconde est représentée par le renvoi préjudiciel en interprétation qui ne peut

être déclenchée que par une juridiction nationale ou une autorité à fonction

juridictionnelle.433

Lorsqu'un problème d'interprétation du Traité de l'Union, de la légalité et

d'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, de la légalité et

d'interprétation des statuts des organismes créés par acte du Conseil, se pose

devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours,

cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions

préjudicielles à la Cour434.

Lorsqu'une question de même nature est soulevée devant une juridiction

nationale statuant en dernier ressort, celle-ci est obligée de saisir la Cour.

433Article 12 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 434 Voir l’arrêt n°02/2005, affaire « Compagnie Air France représentée par Maîtres GENIE, SANKALE ET

FAYE contre Syndicat des Agents de voyage et de Tourisme du Sénégal, représenté par Maîtres TOUKARA et

ASSOCIES ». Dans cette affaire, le Conseil d’Etat du Sénégal a posé, en application de l’article 12 du Protocole

additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, une question préjudicielle portant sur

l’interprétation de l’article 7-2° de la Directive n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative à la coopération

entre la Commission et les structures nationales de concurrence des Etats membres pour l’application de l’article

88, 89 et 90 du traité de l’UEMOA.

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Le contentieux de l’annulation repose sur l’aménagement d’un recours objectif

en annulation des actes du Conseil et de la Commission dans le délai de deux

mois ; ce recours est ouvert aux particuliers435. Le recours en appréciation de la

légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires436 ; les

règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le

Conseil et la Commission. Ce recours est ouvert à toute personne physique ou

morale, contre tout acte d'un organe de l'Union faisant grief437.

Les Etats membres, le Conseil et la Commission peuvent former un recours en

appréciation de la légalité contre les règlements, directives et décisions.

Le recours en appréciation de la légalité doit être formé dans un délai de deux

(2) mois, à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou,

à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

Quant au « contentieux de l’éviction », il se développe dans deux directions

avec :

1. la possibilité de soulever, lors d’un litige, l’exception d’illégalité 438 ;

2. l’existence d’un recours préjudiciel en appréciation de la validité d’un

acte émanant des instances de l’Union439.

A titre accessoire, la Cour de Justice est compétente pour connaître, dans le

cadre du contentieux de pleine juridiction, des litiges relatifs à la réparation des

dommages causés par les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans 435Article 8 al.2 du Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 436 Voir arrêt n°001/2006 du 05 avril 2006, affaire « Eugene YAÏ c/ la Conférence des chefs d’Etat et de

Gouvernement de l’UEMOA ». Dans cette affaire, il s’agit d’un recours en appréciation de la légalité de l’Acte

Additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005 pris à Niamey par le Président en exercice de la conférence des chefs

d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA. 437 Voir Affaire n°02/2002 « Akakpo Tobi Edoé contre la commission de l’UEMOA ». En l’espèce, il s’agit d’un

recours en annulation contre une décision de non renouvellement de contrat de travail. 438 Article 11 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 439Article 12 al.1er du Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.

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l’exercice de leurs fonctions440, ceux opposant l’Union à ses agents dans les

conditions déterminées au statut du personnel441 et les différends entre Etats

membres relatifs au Traité de l’Union442. La Cour de Justice est seule

compétente pour déclarer engager la responsabilité non contractuelle et

condamner l'Union à la réparation du préjudice causé, soit par des agissements

matériels, soit par des actes normatifs des organes de l'Union ou de ses agents

dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Les agents de l'Union ne peuvent engager la responsabilité de celle-ci que pour

des dommages causés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs

fonctions443. Toutefois, ces agents peuvent être tenus de réparer en totalité, ou en

partie, les préjudices subis par l'Union en raison de faute personnelle commise

dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

L'action en responsabilité contre l'Union ou celle de l'Union contre les tiers ou

ses agents se prescrivent par trois (3) ans à compter de la réalisation des

dommages. En cas de pluralité de fautes ou de mise en jeu de la responsabilité

d'un tiers, les juridictions nationales peuvent être saisies. Dans ce cas, la Cour ne

peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours devant les juridictions

nationales.

La Cour peut aussi être amenée, en plein contentieux, à se prononcer sur les

décisions et sanctions que la Commission a pu prendre contre des entreprises qui

n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou qui ont abusé de leur

440 Article 15 du Protocole additionnel N°1de 1996 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 441Article 16 du Protocole additionnel N°1. 442Article 17 du Protocole additionnel N°1. 443 Voir affaire n°01/2000 « Dieng Ababacar contre Commission de l’UEMOA ». Dans cette affaire, la Cour a

rejeté un recours en indemnisation d’un fonctionnaire qui a concouru personnellement à la réalisation de son

propre préjudice.

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255

position dominante sur le marché de l'Union444. Elle peut modifier ou annuler de

telles décisions, réduire ou augmenter le montant des amendes et des astreintes,

opérer des constatations, imposer aux entreprises des obligations.

Dans le cadre de sa fonction consultative, la Cour peut non seulement être

amenée, à la demande du Conseil, de la Commission445 ou d’un Etat membre446,

à opérer un contrôle préventif de conventionalité d’un acte communautaire ou

international, mais aussi à jouer un rôle de jurisconsulte puisqu’investie d’une

compétence d’avis et de recommandation. Elle peut émettre des avis et

recommandations sur tout projet de texte soumis par la Commission447.

Le Conseil des Ministres, la Commission ou un Etat membre, peut recueillir

l'avis de la Cour sur la compatibilité d'un accord international existant, ou en

voie de négociation, avec les dispositions du Traité de l'UEMOA.

444 Voir l’arrêt avant-dire droit n°01/2012 du 22 février 2012, affaire « SUNEOR SA et autres c/ UNILEVER CI

et autres, Commission UEMOA ». Dans cette affaire, le juge de l’UEMOA a demandé à la Commission de

l’UEMOA, la production de tout document, la fourniture de tout renseignement permettant d’apprécier les

conséquences au plan de la concurrence, de la mise en œuvre de l’opération de concentration visée par l’article 1

de la décision n°09/2008 du 22 octobre 2008 et/ou de désigner un expert pour éclairer la Cour sur l’opération de

concentration sanctionnée par la commission de la concurrence. 445 Voir Avis n°02/2000 « Avis de la Cour de Justice de l’UEMOA du 2 février 2000 relatif à l’interprétation de

l’article 84 du Traité de l’UEMOA ». 446 Voir Avis n°01/2003 « Avis de la Cour du 18 mars 2003 relatif à la création d’une Cour des Comptes au

Mali ». 447 L’article 15 paragraphe 7, premier alinéa du Règlement de Procédures, donne compétence à la Commission,

au Conseil des Ministres et aux Etats membres de l’Union, pour saisir la Cour en consultation pour avis sur un

texte au stade de projet. Aux termes de l’article 16 alinéa 4 des Statuts de la Cour, cette dernière doit, en la

matière, être saisie par un organe compétent. Cependant, la Cour, par souci d’efficacité, apprécie avec flexibilité

les conditions de recevabilité. C’est pourquoi elle a déclaré recevable en la forme une demande d’avis émanant

du Directeur des Affaires Juridiques de la BCEAO qui n’est pas un représentant d’un organe de l’Union

compétent pour agir en son nom dans ses rapports avec les autres organes de l’Union. Voir AVIS n°1/96 du 10

décembre 1996 portant demande d’avis de la BCEAO sur le projet d’agrément unique pour les banques et les

établissements financiers.

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256

Lorsqu'elle est saisie par la Commission, le Conseil des Ministres, la Conférence

des Chefs d'Etat et de Gouvernement, ou un Etat membre, la Cour peut émettre

un avis, sur toute difficulté rencontrée dans l'application ou l'interprétation des

actes relevant du droit communautaire.

La question sur laquelle l'avis consultatif est demandé, est exposée à la Cour par

requête écrite qui précise le point sur lequel l'avis de la Cour est demandé. Il y

est joint tout document pouvant servir à élucider la question.

La Cour remplit également des fonctions d'arbitre en vertu d'un compromis

établi par les Etats membres, à l'occasion de la survenance d'un litige relatif à

l'interprétation ou à l'application du Traité. Selon le Professeur Alioune Sall, « il

s’agit de la possibilité de recourir, pour les Etats qui le désirent, au mode de

règlement arbitral. »448

Les Etats parties au compromis y précisent la procédure applicable à leur litige.

Par sa structure et surtout ses compétences, la Cour de Justice de l’UEMOA se

révèle une juridiction d’intégration sans précédent en Afrique de l’Ouest. Par la

centralisation de l’interprétation du droit et l’institution d’un contrôle de légalité

de l’activité exécutive et normative de l’Union, les concepteurs de l’UEMOA

ont entendu soumettre cette dernière à un contrôle juridictionnel étroit.

c) CEDEAO

Aux termes de l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour de Justice de la

CEDEAO est composée de sept (7) juges indépendants, choisis parmi les

personnes de haute valeur morale, ressortissants des Etats membres449, possédant 448 SALL Alioune, La justice de l’intégration : réflexion sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de

l’UEMOA, Dakar, éditions CREDILA, 2010, p. 29. 449 La Décision A/DEC.02.06/06 portant création d’un Conseil judiciaire de la Communauté a mis en place une

instance chargée de « gérer le processus de recrutement des juges de la Cour de Justice de la Communauté ».

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les qualifications requises dans leurs pays respectifs pour occuper les plus hautes

fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes de compétence notoire

en matière de droit international450 et dont l’âge varie entre 40 et 60 ans. Ils sont

nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois par la Conférence,

sur proposition du Conseil des Ministres451.

Dans le Protocole originel relatif à la Cour de Justice, tout comme dans le

Protocole A/P/17/91 signé le 6 juillet 1991 à Abuja et portant amendement du

protocole originel, la Cour de Justice de la CEDEAO avait été pensée comme

une juridiction internationale dont le prétoire était ouvert aux seuls Etats. Ce

faisant, le particulier ne pouvait accéder à la Cour que par le biais de son Etat

d'origine452.

Mais depuis l’adoption du Protocole A/SP.1/01/05 signé le 19 janvier 2005 à

Accra et portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de

Justice, nous sommes passés d’une saisine fermée à une saisine ouverte aux

particuliers communautaires. La Cour de Justice de la CEDEAO est devenue

une véritable juridiction communautaire que les particuliers peuvent saisir sans

intermédiaire en matière d’appréciation de la légalité des Actes communautaires

et de droits de l’homme. Elle a des compétences en matière contentieuse et

consultative.

Dans sa fonction contentieuse, la Cour est en charge de plusieurs contentieux,

à savoir le contentieux de la déclaration, le contentieux de l’annulation, le

contentieux de pleine juridiction et le contentieux relatif aux Droits de

l’Homme. 450 Selon le Professeur Alioune SALL, le texte de la CEDEAO ne constitue pas un obstacle à la désignation de

juges issus de professions non judiciaires, comme des universitaires. SALL Alioune Op.cit. p. 50. 451Article 4 du protocole d’Abuja de 1991. 452Article 9 §.2 et 3 du Protocole A/P/17/91.

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Le contentieux de la déclaration qu’elle peut connaître comprend non

seulement le recours en manquement des Etats 453ouvert aux Etats membres et à

la Commission 454et le renvoi préjudiciel455 en interprétation qui peut être

déclenché par une juridiction nationale de sa propre initiative ou à la demande

d’une des parties au différend456.

Le contentieux de l’annulation concerne le recours objectif en appréciation de

la légalité457:

- d’une action par rapport aux textes de la Communauté, ouvert aux

Etats membres, au Conseil des ministres et à la Commission;

- contre tout Acte de la Communauté faisant grief, ouvert à toute

personne physique ou morale. Le recours en appréciation de légalité

n'est d’ailleurs pas enfermé dans des délais comme c'est le cas dans le

cadre de l'Union Européenne ou celui de l'UEMOA.

Le contentieux de pleine juridiction est relatif à la réparation des dommages

causés par les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de

leurs fonctions 458et aux litiges opposant la CEDEAO à ses agents 459mais après

épuisement des voies de recours interne460. 453Article 9 §.1 d. 454Article 10.a. 455 Article 10 f. 456Les juridictions nationales ou les parties concernées, lorsque la Cour doit statuer à titre préjudiciel sur

l’interprétation du Traité, des Protocoles et Règlements ; les juridictions nationales peuvent décider d’elles-

mêmes, ou à la demande d’une partie au différend de porter la question devant la Cour de Justice de la

Communauté pour interprétation. Contrairement à la situation en vigueur dans l’UEMOA où le juge a un pouvoir

discrétionnaire dans le déclenchement de la procédure préjudicielle, dans la CEDEAO, référence faite à l’article

10.f du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005, le juge national se trouve en situation de compétence liée.

Une différence qui risque d’être source de problèmes. 457Article 9 §.1 c. 458Article 9 §.1.g et 9 §.2.

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Quant aux contentieux des Droits de l’Homme, il échoit à la Cour

conformément aux dispositions de l’article 9 §.4 du Protocole A/SP.1/01/05 du

19 janvier 2005 en ces termes : « La Cour est compétente pour connaître des cas

de violation des Droits de l’Homme dans tout Etat membre ». Cette compétence

est étendue puisque selon l’article 10.d, pour :

toute personne victime de violations des Droits de l'Homme ; la demande

soumise à cet effet :

i) ne sera pas anonyme;

ii) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu'elle

a déjà été portée devant une autre Cour internationale compétente.

Le texte ne pose pas la condition d’usage de l’épuisement des voies de recours

interne.

Désormais l'individu ouest-africain peut contester devant la Cour de Justice de la

Communauté tout Acte de la communauté, entendu au sens large, c'est-à-dire

englobant à la fois les Etats membres, et les institutions de la CEDEAO, qui

porte atteinte à ses intérêts ou qui lui fait grief. Il en est de même dans les cas de

violation des Droits de l'Homme. La seule limitation à ce droit d'accès garanti

par le Protocole additionnel est l’absence de moyens du requérant. La

reconnaissance de ce droit au particulier appelle plus de prudence des Etats

membres dans le cadre de l’adoption de normes juridiques internes en vue

d’assurer un cyber-sécurité. En ce sens que certaines restrictions d’accès

peuvent être qualifiées comme des atteintes au droit à l’information.

459Article 9 §.1.f. 460Article 10.e.

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En ce qui concerne la fonction consultative, la Cour émet des avis juridiques

sur des questions qui requièrent l’interprétation des dispositions du Traité sur

saisine de la Conférence, du Conseil des ministres, de tout Etat membre, la

Commission et de toute autre institution de la Communauté. En cas de difficulté

sur le sens et la portée d’une décision ou d’un avis consultatif de la Cour de

Justice, il appartient à la Cour de l’interpréter461.

Selon l’article 28 de l’Acte Additionnel A/SA 3/01/07 relatif au régime

juridique applicable aux opérateurs et fournisseurs de services « tous les

différends doivent être traités conformément à la législation nationale.

Toutefois, les parties peuvent faire recours auprès de l’instance judiciaire de la

CEDEAO ou auprès de toute autre instance juridique compétente. ».

Ce nouvel Acte Additionnel ouvre une voie de recours aux opérateurs devant le

juge communautaire de la CEDEAO. A l’occasion des travaux du Comité

national de la transposition, un débat de fond a eu lieu sur le recours devant le

juge de la CEDEAO. La question est de savoir s’il s’agit d’un recours après

avoir épuisé toutes les voies de recours ou un recours alternatif devant la Cour

Suprême nationale. Les opérateurs de télécommunications étaient pour la

consécration en droit national du caractère alternatif au recours devant la Cour

Suprême. Tandis que les représentants du ministère de la justice voudraient qu’il

soit un recours possible après épuisement de voies de recours internes462. Ce

débat est tranché en faveur de la position des représentants de l’Etat. Selon

l’article 149, « Les décisions de l’ARTP peuvent faire l’objet de recours devant

la haute juridiction administrative nonobstant un recours gracieux préalable.

461Art 23 du Protocole d’Abuja de 1991. 462 Voir le rapport du comité national de transposition du 2 aout 2010. Document inédit, mais disponible à

l’ARTP et au Ministère de la communication.

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Le recours contentieux n’est pas suspensif. Le sursis à exécution de la décision

peut être ordonné par la haute juridiction administrative.

Toutefois, après épuisement des voies de recours internes, l’institution judiciaire

de la CEDEAO peut être saisie. ».

L’analyse des textes fondateurs des juridictions communautaires révèle une

réelle volonté d’intégration juridique. Les procédures de saisine de ces juges

communautaires en constituent de parfaites illustrations.

2. La procédure devant le juge communautaire

L’OHADA, l’UEMOA et la CEDEAO ont chacune une procédure

spécifique.

a) OHADA

Toute partie, à un litige devant la CCJA, doit se faire représenter par un

conseil étant entendu que la procédure en vigueur dans cette institution est

essentiellement écrite. Hormis les principales parties litigieuses, une possibilité

d'intervention des tiers au contentieux, objet du recours en cassation a été prévue

par le droit communautaire de l’OHADA.

Selon l'article 23 du Règlement de Procédure de la CCJA, « le ministère

d'avocat est obligatoire devant la Cour (...) ». C'est donc dire que, contrairement

aux juridictions de fond des Etats parties où les parties peuvent conclure en

personne, tel n'est pas le cas devant la CCJA où la représentation de chacune des

parties par un avocat est d'ordre public. En outre, l'avocat, qui doit

nécessairement être inscrit à l'un des barreaux des Etats membres, doit être muni

d'un mandat spécial de la partie qu'il représente. Dans une affaire rendue le 26

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262

mai 2005, la CCJA a déclaré irrecevable un mémoire qui ne porte pas la

signature de l’avocat investi du mandat spécial de représentation par les

défendeurs au pourvoi463.

La procédure, aux termes de l'article 34 du même texte, est essentiellement

écrite. En d'autres termes, ni les parties ni leurs avocats ne sont tenus de se

déplacer devant la Cour. Il leur suffit seulement de faire parvenir le recours en

cassation dans le délai de deux mois de la signification de la décision attaquée.

Dans plusieurs affaires, la CCJA a déclaré le pourvoi irrecevable pour non-

respect du délai464. Le recours doit obéir aux conditions de l'article 28 du

Règlement. Tandis que le mémoire en réponse doit respecter les conditions de

l'article 30 du même Règlement et être envoyé au greffe de la CCJA soit par

envoi postal recommandé avec accusé de réception, soit par remise contre

récépissé ou attestation de dépôt. Toutes ces formalités doivent, évidemment, se

faire dans le respect du principe du contradictoire.

Toutefois, la Cour peut, à la demande de l'une des parties, organiser, dans

certaines affaires, une procédure orale. Les parties sont alors entendues à

l'audience par la voie de leurs conseils après que le juge-rapporteur, désigné à

cet effet, ait présenté son rapport. La Cour rend ensuite son arrêt. Mais il y a lieu

de retenir que dans la plupart des procédures orales, la Cour met l'affaire en

délibéré pour arrêt à être rendu à une date ultérieure.

Actuellement, la langue de travail de la Cour est le français.

463 Arrêt n°030/2005/CCJA du 26 mai 2005 ; affaire Société SATOYA GUINEE S.A c/ Maîtres ABOUBACAR

CAMARA et BOUBACAR TELIME SYLLA. 464 Arrêt n°17/2005/CCJA du 24 février ; Affaire Murielle Corinne Christelle et KOFFI SAHOUOT Cédric c/

Société ECOBANK ; arrêt n°005/2004 du 08 janvier 2004 ; affaire OGUNBEKUN IBUKU OLUWA c/ SCI

COLIBRIS ; dans cette affaire, le pourvoi est déclaré irrecevable pour avoir était formé hors délai.

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b) UEMOA

A l'analyse, il apparaît que ce sont les mêmes règles que celles que nous

trouvons habituellement dans les organisations internationales qui sont en

vigueur au sein de l'UEMOA et de l'OHADA. Il s'agit, en effet, de la

détermination du siège des cours. Le siège est fixé par la Conférence des chefs

d'Etats et de gouvernement. Ainsi, la Cour de Justice de l'Union, conformément

à l'Acte Additionnel n° 10/96 portant statut de la Cour, au regard du Protocole

additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA, a son siège à

Ouagadougou.

Le Président de la Cour, en fonction du rôle des audiences, détermine la date,

convoque les membres, et fixe la durée des sessions.

Le français est la langue de travail465, par conséquent il est utilisé devant la Cour

communautaire, mais il est toutefois donné à la juridiction d'utiliser la langue du

défendeur lorsque celui-ci ne comprend pas la langue de travail.

La procédure ordinaire ou normale en vigueur au sein de la juridiction de

l'UEMOA est de nature mixte. Car elle comporte une double phase : une phase

écrite, et une seconde étape orale. Toutefois, entre les deux phases, il peut y

avoir une phase d'instruction. Pour ce qui est de l'étape écrite, il faut tout d'abord

distinguer l'introduction de l'instance et la conduite de l'instance. Pour ce qui est

de la première, il s'agit d'une requête introductive d'instance, accompagnée d'une

consignation au greffe de la juridiction. Tout demandeur à la Cour de l'UEMOA

doit introduire une requête adressée au greffe des cours466. Les cours peuvent

être saisies soit par un Etat, soit par un organe de l'organisation, ou de la

465 Article 21 du Règlement n° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant règlement de procédure de la Cour

de Justice de l’UEMOA. 466 Article 26 du Règlement n° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant règlement de procédure de la Cour

de Justice de l’UEMOA.

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communauté, soit enfin par toute personne physique ou morale justifiant d'un

intérêt légitime. Lorsque la requête est introduite, elle doit contenir un certain

nombre de mentions à peine d'irrecevabilité. Il s'agit de l'état civil (nom,

prénom...), domicile du requérant, les statuts et ou extrait du registre de

commerce, ou toute autre preuve de l'existence juridique, lorsqu'il s'agit de

personnes morales, et le nom et l'adresse de l'agent ou de l'avocat des constitués.

Elle doit contenir également la désignation de la partie défenderesse, l'objet du

litige, les conclusions, l'exposé des faits et des moyens et, éventuellement, l'acte

dont l'annulation est demandée. L'article 15 du règlement de procédure de

l’UEMOA fixe également le délai à deux mois, à compter de la publication de

l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu

connaissance. Mais lorsqu'il s'agit d'une action en responsabilité contre l'Union,

ou celle de l'Union contre les tiers ou ses agents, elle se prescrit par trois mois.

Par ailleurs, après l'introduction de l'instance, c'est-à-dire la remise du recours

auprès des greffes, il y a la phase de conduite de l'instance. A ce niveau, le

greffier inscrit d'abord le dossier au rôle général, mais c'est le président qui

désigne un juge rapporteur.

Après la phase écrite, prévue par le chapitre II du Règlement

n°01/96/CE/UEMOA, il est prévu au sein de l'UEMOA une phase d'instruction.

Celle-ci correspond aux investigations et recherches à la solution du litige C'est

ainsi que le juge peut rendre, par exemple, un arrêt avant dire droit où il fixe les

mesures d'instructions. De ce fait, le juge peut procéder à des vérifications

d'écritures, à des constatations de fait, en faisant des descentes sur les lieux. S'il

en est ainsi, c'est que la procédure au plan communautaire est de nature

inquisitoriale, parce qu'il apparaît que le juge participe à la recherche de la

preuve de manière très active. Le rôle de ce juge rapporteur sera ponctué par

l'ordonnance de clôture qu'il rend lorsque l'affaire est en état, et par son rapport

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qu'il présente à l'audience. Ainsi, c'est après l'accomplissement de toutes les

mesures d'instruction que la date de la procédure orale sera fixée.

Selon l’article 35 du Règlement n°01/CE/UEMOA portant Règlement de

procédure de la Cour de Justice de l’UEMOA, « les débats sont ouverts et

dirigés par le Président après présentation du rapport par le juge désigné. Il

exerce la police de l'audience. »

La décision de huis clos comporte défense de publication des débats. Dans la

conduite de l’audience, le Président peut, au cours des débats, poser des

questions aux agents ou aux avocats des parties. La même faculté appartient à

chaque juge, à l'avocat général, aux parties et à leurs représentants. Devant le

juge de l’UEMOA, le ministère d’avocat est obligatoire. Avant la clôture de la

procédure orale, l’avocat général présente ses conclusions. Après avoir entendu

l’avocat général, la Cour peut ordonner à tout moment une mesure d'instruction.

Elle peut donner mission au juge rapporteur d'exécuter cette mesure. La Cour

peut, par arrêt avant dire droit, demander aux parties de produire tous les

documents, de fournir tous les renseignements qu'elle estime nécessaires. En cas

de refus, elle en prend acte. La Cour peut également demander aux Etats

membres et aux institutions, qui ne sont pas parties au procès, tous les

renseignements qu'elle estime nécessaires aux fins du procès. La Cour peut, par

ailleurs, ordonner et confier une expertise à toute personne, corps, organe,

commission ou bureau de son choix et ce dans les conditions déterminées par le

Règlement de procédures. Des témoins peuvent être entendus dans les

conditions fixées par le Règlement de procédures.

La Cour peut aussi ordonner rogatoirement qu'un témoin ou un expert soit

entendu par l'autorité judiciaire de son domicile.

La Cour assume les frais, sous réserve le cas échéant de les faire supporter par

les parties.

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C) CEDEAO

Une des principales innovations du Protocole additionnel en 2005 a permis

de passer d'une saisine fermée, où le ressortissant de la CEDEAO ne pouvait

accéder à la Cour que par le biais de son Etat d'origine, à une saisine ouverte où

les personnes physiques 467ou morales peuvent saisir la juridiction

communautaire sans intermédiaire. Désormais, le citoyen ouest africain peut

contester devant la Cour tout acte émanant des Etats membres et des institutions,

qui porte atteinte à ses intérêts ou qui lui fait grief. Il en est de même dans les

cas de violation des Droits de l'Homme. L'ouverture de la saisine de la Cour de

Justice de la Communauté a des incidences certaines sur le renforcement du

respect des libertés et des droits fondamentaux.

Sur le plan contentieux, la Cour est saisie par une requête adressée au Greffe.

Cette requête énonce l'objet du différend, les parties en cause et contient un

exposé sommaire des moyens invoqués ainsi que les conclusions du requérant.

Sur le plan consultatif, la requête est faite par écrit et adressée au Greffe. Elle

contient une indication exacte des questions sur lesquelles l'avis est requis et est

accompagnée de tous les documents pertinents susceptibles d'éclairer la Cour.

La saisine de la Cour n'est pas conditionnée par la conclusion d'un compromis.

Tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application des instruments de la

CEDEAO peut être soumis unilatéralement à la Cour par l'une des parties

intéressées au conflit. Avant l'adoption du Protocole additionnel, la saisine de la

Cour était limitée aux Etats membres, aux institutions de la Communauté et aux

467 Nous pensons, à la suite du Professeur Alioune SALL, que l’élargissement de la compétence du juge aux

violations des Droits de l’Homme risque d’avoir deux effets à savoir l’encombrement du prétoire de la Cour et la

dilution du « droit communautaire ». Ce qui risque d’impacter l’efficacité requise dans le traitement du

contentieux communautaire. SALL Alioune op.cit., p. 26.

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individus. Cependant, il faut noter que les individus n'avaient pas un accès direct

à la Cour. Pour la saisir sur le plan contentieux, ils étaient obligés de faire

endosser leurs requêtes par leur Etat d'origine conformément à l'article 9. 3 du

Protocole de 1991 et ce, après échec des tentatives de règlement à l'amiable. Il

était bien entendu loisible à un Etat de saisir la Cour de Justice de la

Communauté au nom de son ressortissant, lequel était dépourvu de tout recours

face à l'inertie de son Etat. Le citoyen qui est victime de la violation de ses droits

légitimes n'avait aucun recours contre les institutions. Depuis le 19 janvier 2005,

la saisine directe de la Cour par le citoyen a été rendue possible par l'adoption du

Protocole additionnel. C’est ainsi qu’un opérateur de télécommunication est bel

et bien autorisé à saisir le juge de la CEDEAO pour l’interprétation d’un Acte

Additionnel de la CEDEAO sur les télécommunications.

Par ailleurs, avec le mécanisme des questions préjudicielles, le Protocole

additionnel de 2005 règle le problème des rapports entre la Cour de Justice de la

Communauté et les juridictions nationales des Etats membres de la CEDEAO.

La Cour communautaire étant seule compétente pour interpréter les textes

adoptés par ou sous les auspices de la CEDEAO, les juridictions nationales

doivent surseoir à statuer lorsque les textes communautaires qui commandent la

solution du litige pendant devant elles sont ambigus, et renvoyer la question de

leur interprétation à la Cour468. Il faut noter que les juridictions nationales ne

sont pas dessaisies. Le procès est seulement suspendu jusqu'à ce que la Cour

donne son interprétation et permette au juge national de dire le droit.

L'interprétation de la Cour de Justice de la CEDEAO fait foi et a pour effet de

s'imposer aux juridictions nationales. Nous pouvons dire tout simplement que la 468 L’esprit du renvoi préjudiciel est de favoriser une bonne collaboration entre le juge national et le juge

communautaire en vue de promouvoir une cohérence jurisprudentielle. Cela revêt une importance capitale en

droit des télécommunications. En ce sens que le droit national des pays membres n’est qu’une transposition du

droit communautaire en principe. De même, les solutions aux conflits dans le secteur des télécommunications

d’un Etat membre peuvent avoir des incidents dans d’autres pays membres du fait de la dimension transnationale

des réseaux.

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Cour entretient des rapports de coopération avec les juridictions nationales des

Etats membres. Ces relations peuvent se manifester dans le domaine des

commissions rogatoires, des questions préjudicielles et des voies d'exécution.

S’agissant de l’exécution des décisions du juge communautaire, l'insuffisance de

l'infrastructure administrative communautaire et l'absence de moyens

communautaires de coercition expliquent que les administrations et les

juridictions nationales soient ainsi mises au service de l'application des règles

communautaires.

Le Protocole dispose que « les Etats Membres et les Institutions de la

Communauté sont tenus de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires de

nature à assurer l'exécution des décisions de la Cour ». Il est par ailleurs stipulé

à l'article 15-4 du Traité révisé que: « Les arrêts de la Cour ont force obligatoire

à l'égard des Etats membres, des institutions de la Communauté et des

personnes physiques et morales ».

Les nouvelles compétences de la Cour, après l'adoption du Protocole

additionnel, offrent des perspectives importantes, tant dans le contenu du

contentieux que dans la prise en compte des droits des citoyens de l'espace

communautaire ouest africain. Ceci constitue un défi qui peut être relevé par la

coopération de tous les Etats membres et les différentes institutions de la

CEDEAO.

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CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE II DE LA PREMIERE PARTIE

L’étude de l’activité de régulation au Sénégal révèle une prise en charge de la

régulation ex ante et de la régulation ex post par le même organe de régulation

au Sénégal.

La principale caractéristique de la régulation ex ante est son orientation vers

le développement de la concurrence et de la promotion du service universel. A

cet effet, des efforts de mise en place d’une régulation asymétrique sur

l’opérateur puissant en vue de favoriser l’interconnexion et un réseau de

télécommunication nationale sont constatés.

De même, des mécanismes de traitement des différends visant la célérité et le

respect des principes du droit processuel sont identifiés.

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CONCLUSION PARTIELLE DE LA PREMIERE PARTIE

Le cadre institutionnel et normatif de la régulation des télécommunications

au Sénégal est caractérisé par sa genèse et son ouverture à l’intégration africaine

et les meilleures pratiques mondiales. Cependant, à l’épreuve des faits, il est

nécessaire de constater des faiblesses dans ce cadre qui impactent la pratique de

la régulation.

C’est pourquoi il est essentiel de poser une stratégie juridique tendant à

l’amélioration du cadre institutionnel et normatif de la régulation pour espérer

son efficacité.

Dès lors, il nous parait important de poser la question de savoir s’il est

possible de l’améliorer.

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DEUXIEME PARTIE :

DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGEAL

La formulation d’une stratégie d’amélioration de la régulation des

télécommunications au Sénégal vise à renforcer leur rôle dans la stratégie de

croissance accélérée et à ériger ce secteur au Sénégal au rang de référence en

Afrique.

Cette stratégie d’amélioration porte sur le cadre juridique de la régulation

(Titre I) ainsi que sur l’activité de régulation des télécommunications (Titre II).

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TITRE PREMIER :

AMELIORATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA REGULATION

La stratégie d’amélioration du cadre juridique de la régulation vise à adapter

l’environnement juridique de la régulation à l’évolution technologique.

Par conséquent, elle va porter sur le cadre normatif (chapitre I) et sur le cadre

institutionnel (chapitre II).

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CHAPITRE I :

AMELIORATION DU CADRE NORMATIF DE LA REGULATION

La stratégie de renforcement du cadre normatif consiste à profiter des

opportunités de l’environnement normatif supranational et à renforcer

l’efficacité des mécanismes nationaux d’adoption de normes applicables au

secteur des télécommunications.

Ce qui équivaut à améliorer le cadre normatif de la régulation par la

rationalisation du droit applicable d’une part (section I) et, d’autre part, à rendre

flexible ce même droit (section II).

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SECTION I :

RATIONALISATION DU DROIT APPLICABLE

La rationalisation du droit applicable permettra d’éviter les conflits de

normes juridiques nationales et internationales applicables à la régulation des

télécommunications.

Pour rationaliser le droit applicable, il convient de rationaliser les sources

supranationales (paragraphe I) et les sources nationales (paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Rationalisation des sources supranationales

La rationalisation des sources supranationales passe par la coordination

entre les organisations sous-régionales dans lesquelles le Sénégal est membre (1)

et la mise en place d’un mécanisme permettant la cohérence entre le droit

communautaire et les engagements internationaux des pays membres (2).

1. Coordination entre les organisations sous -régionales dans lesquelles le

Sénégal est membre

Le Sénégal est un Etat membre de l’UEMOA, de la CEDEAO et de

l’OHADA. Par conséquent, il est assujetti aux règles juridiques adoptées par ces

différentes organisations communautaires.

L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a des

compétences dans le domaine des télécommunications. Aux termes de l’article

63 du traité de l’UEMOA, les Etats membres considèrent leurs politiques

économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein

du Conseil en vue de la réalisation des objectifs de l’Union. C’est ainsi que

l’UEMOA a adopté, en 2006, des directives portant sur les télécommunications

pour favoriser la création d’un marché commun.

A l’instar de l’UEMOA, la Communauté Economique Des Etats de

l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a aussi adopté des Actes Additionnels, en

2007, pour permettre l’existence d’un marché communautaire des

télécommunications.

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Dans cette même veine, le projet « OHADA télécoms »469 de l’Organisation

pour l’Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA) vise la mise en place

d’un cadre harmonisé des télécommunications dans les Etats membres.

Devant cette pluralité des sources communautaires, il est nécessaire d’établir des

mécanismes de coordination entre ces instances communautaires pour éviter des

conflits de normes. En effet, « les ordres juridiques ne constituent pas des

mondes clos sur eux-mêmes, ils entretiennent au contraire des relations de

complémentarité ou de contradiction »470. Les organisations supranationales

d’intégration sont d’autant plus concernées par cette affirmation qu’elles sont

habilitées à sécréter un droit à la charnière du droit international et des droits

internes471. L’ordre juridique supra-étatique qu’elles mettent en place se

caractérise par un mode particulier de production et de réalisation du droit

ressortissant au schéma fédéral, schéma caractérisé par :

La superposition de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque

élément composant l’ensemble soient simultanément soumis au droit de

l’élément et à celui de l’ensemble et que ses organes agissent simultanément

comme organes propres de l’élément et comme organe commun de

l’ensemble.472

Déjà fort complexe quand il s’agit d’une relation duale, la situation devient

presque inextricable quand elle met en présence plusieurs ordres juridiques au 469Mohamadou Diallo, « L’Afrique, l’harmonisation du cadre réglementaire des télécoms, une super priorité »,

19 février 2005 (http://www.ohada.com/infohada_detail.php/ . Page consultée le 18 février 2010). 470 Jet S. Combacau, Droit international public, Paris, 2ème édition Montchrestien, 1995, p.17.

471 Chapitres III du titre II et du titre III concernant respectivement le régime juridique des Actes pris par les

organes et les ressources de l’Union. 472E. Cerexhe, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », Revue Burkinabè de Droit, n°

39et 40, spécial vingtième anniversaire, thème : intégration régionale et droit, p.19.

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niveau supérieur de la superposition comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest.

Le problème, ici, réside non seulement dans la multitude des repères proposés au

juge national, mais aussi dans la nature des rapports qu’il entretient avec le juge

communautaire. L’intégration ne peut se réaliser dans le cadre d’un espace

juridique diversifié et il n’est pas de droit communautaire sans une unité de

jurisprudence473.

La rationalisation des dispositions institutionnelles de l’intégration africaine

s’impose donc aujourd’hui comme une thérapeutique au manque de

performance des diverses tentatives d’intégration474. La résolution de ce

problème, souvent évoqué mais presque toujours éludé, est primordiale, car le

désordre qui caractérise les multiples interventions des O.I.G.475 africaines

d’intégration constitue un frein à l'efficacité des actions de ces dernières et

expliquent les contre-performances qu’elles affichent depuis plus d’une trentaine

d’années. La rationalisation des Communautés Economiques Régionales (CER)

revient par conséquent à s’attaquer à la fragmentation des espaces régionaux. A

ce propos, le Pr C. ROUSSEAU nous invite à la prudence quand il écrit : « A

beaucoup d’égards, le problème de la contrariété des règles conventionnelles

est encore largement dominé par des facteurs d’ordre politique et son règlement

est fonction des progrès du sentiment du droit chez les Etats contractants »476.

La rationalisation des OIG, leur mise en synergie pour une meilleure efficience,

a des implications de plusieurs ordres qui bousculent des intérêts divers et

solidement établis. En effet, les arrangements institutionnels relatifs à

l’intégration sont plus politiques que techniques. Ils reflètent ou affectent les

473R. Lecourt, « Le juge communautaire », Gazette du Palais, 1964, I, doctrine, pp. 49-54. 474 Certains auteurs proposent l’adoption de mécanismes juridiques permettant une harmonisation ou une

coordination de plusieurs ordres juridiques tout en laissant à chaque logique ses spécificités ; ce qui permet

d’obtenir dans l’articulation des normes. Voir M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, Paris, Seuil,

1994. 475 Organisation intergouvernementale. 476C. ROUSSEAU, Droit international public, Paris, 11ème édition, Dalloz, 1987, p.55.

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relations entre Etats ou groupes d’Etats, et ont des implications pour la carrière

des fonctionnaires qui sont ressortissants de ces Etats477. Pour donc avoir

quelques chances de réussir, il faut, en effet, éviter un écueil majeur, celui de

vouloir penser la rationalisation exclusivement en termes de hiérarchie, de

rapports de préséance ou de subordination. Recourir à la seule rationalité

managériale pour asseoir un système de coopération inter-OIG., c’est

assurément courir à l’échec. Ceci étant, la coordination des organisations

communautaires s’impose.

Elle suppose que chacune des organisations d’intégration maintienne

l’intégralité de son mandat et de ses objectifs actuels. L’idée, ici, n’est pas de

supprimer les OIG existantes mais plutôt de s’assurer d’une meilleure

harmonisation et coordination des programmes et activités. La rationalisation

devrait par conséquent être entreprise à travers non seulement la stricte

observance des principes et règles inscrits dans les traités constitutifs, mais aussi

dans la normalisation et l’harmonisation des stratégies, des programmes, des

projets sectoriels et des instruments de coopération. Il s’agit d’une part d’œuvrer

à l’amélioration de la pratique institutionnelle et, d’autre part, de promouvoir le

dialogue institutionnel. Ce qui permet d’alimenter « la coopération

477 Voir « L’affaire YAÏ ». Monsieur Eugène YAÏ, de nationalité ivoirienne, avait été désigné par son Etat

comme Commissaire à l’UEMOA. Alors que son mandat n’était pas encore terminé, il a été remplacé sur

autorisation de la conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement. Le Président en exercice avait pris un Acte

Additionnel portant nomination d’un autre Commissaire de nationalité ivoirienne, M. Jérôme Bro GREBE.

Monsieur YAÏ a saisi la Cour de Justice de l’UEMOA aux fins d’annulation de l’Acte Additionnel lui faisant

grief, sur le fondement des textes régissant le statut des commissaires qui prévoient l’irrévocabilité des

commissaires en cours de mandat. En effet, les commissaires ne peuvent être démis qu’en cas de faute lourde ou

d’incapacité, sur décision de la Cour de Justice de l’Union saisie par le Conseil des ministres. La cour, en se

pliant à la volonté des politiques, retient le caractère « manifeste de la volonté de la Conférence des chefs d’Etat

et de Gouvernement de remplacer M. Eugène YAÏ ». Voir arrêt n°03/2005 du 27 avril 2005 entre Eugène YAÏ et

la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement et la Commission de l’UEMOA.

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juridictionnelle fondée sur une répartition consentie des compétences pour

résoudre les conflits normatifs »478 .

Par ailleurs, les organisations d’intégration ouest-africaines souffrent d’une

absence de pratique institutionnelle, résultat du peu de considérations faites aux

règles régissant l’organisation et des violations des engagements souscrits. En

effet, un scrupuleux respect des actes constitutifs des trois organisations et des

règles du droit international général permettrait d’entrevoir des possibilités de

prévention des crises inhérentes aux éventuelles incompatibilités479.

A cet effet, l’article 14 du Traité UEMOA dispose :

Dès l’entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au

sein du Conseil afin de prendre toute mesure destinée à éliminer les

incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de

l’Union d’une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats

membres d’autre part, en particulier celles instituant des organisations

économiques internationales spécialisées480.

Cette disposition est complétée par les termes de l’article 60 al.2 qui affirme que

« ... la conférence tient compte des progrès réalisés en matière de

rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre

d’organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’Union ».

La CEDEAO, en son article 5 alinéa 1er du Traité dispose que « Les Etats

membres s’engagent […] en particulier à prendre toute mesure requise pour 478 BRAMI Cyril, La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français : essai n’analyse systémique,

Université de Sergy Pontoise Thèse de doctorat soutenue publiquement le 4 décembre 2008», p. 151. 479J. ISSA-SAYEGH, « La production normative de l'UEMOA : essai d'un bilan et de perspectives »,

OHADA.Com, OHADATA D-03-18. 480 Une disposition analogue à l’article 14 figure dans le Traité (CE) de Rome à l’article 234, alinéa 2.

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harmoniser leurs stratégies et politiques et à s’abstenir d’entreprendre toute

action susceptible d’en compromettre la réalisation ». C’est dire qu’une stricte

application des dispositions suscitées aurait permis d’éviter bon nombre

d’écueils que nous connaissons aujourd’hui.

L’OHADA, enfin, par le truchement de l’article 8, offre, elle aussi, une solution

préventive dans la mesure où selon cet article :

L’adoption des Actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert

l’unanimité des Etats présents et votants. L’adoption des Actes uniformes n’est

valable que si les deux tiers au moins des Etats parties sont représentés.

L’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des Actes uniformes.

Cette disposition du droit originaire OHADA ouvre aux Etats membres de

l’UEMOA la possibilité d’empêcher l’adoption de tout Acte uniforme qui leur

paraîtrait incompatible ou comporter de sérieux risques d’incompatibilité avec le

droit communautaire soit en votant contre, du fait de l’exigence de

l’unanimité481, soit en pratiquant la politique de « la chaise vide » ; leur absence

ne permettant pas d’atteindre le quorum requis des deux tiers482.

Quant au droit international général, il permet, grâce à l’article 30, § 4, b de la

Convention de Vienne, d’envisager un début de solution puisque « Dans les

relations entre un Etat partie aux deux traités [incompatibles] et un Etat partie

à l’un de ces traités seulement, le traité auquel les deux Etats sont parties régit

leurs droits et obligations réciproques »483.

481Article 8 al. 1er. 482Article 8 al. 2. L’O.H.A.D.A. compte, à ce jour, 16 Etats parties dont 7 pays membres de l’UEMOA. 483Une solution, du reste, consacrée, par le droit européen à l’article Article 234, alinéa 1, dispose que: “ Les

droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l’entrée en vigueur du présent traité,

entre un ou plusieurs Etats membres d’une part, et un ou plusieurs Etats tiers d’autre part, ne sont pas affectés

par les dispositions du présent traité ” ; tout comme par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg (CJCE, 12

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Et comme nous pouvons le constater, ces solutions sont soit très fragiles soit

trop négatives. Ce qui explique peut-être la recherche de solutions alternatives

par la voie politico-diplomatique visant à promouvoir le dialogue institutionnel.

En effet :

L’existence de nombreuses OIG en Afrique de l’Ouest, poursuivant les mêmes

objectifs, a entraîné une duplication des efforts et un gaspillage des ressources

qui auraient pu servir au développement de la sous-région ouest-africaine. D’où

la nécessité de rationaliser les efforts de coopération en Afrique de l’Ouest pour

maximiser les gains de l’intégration régionale484.

Cette prise de conscience est de plus en plus forte en Afrique de l’Ouest où des

actions ont été entreprises par l’UEMOA, le CILSS et la CEDEAO en vue de

parvenir à une cohabitation raisonnable entre les trois OIG485. La première

réunion de coopération entre les premiers responsables de ces trois

organisations486 a débouché sur deux résultats majeurs à savoir l’identification

de dix-sept (17) domaines de coopération et la création de trois (3) commissions

techniques pour préparer le cadre de coopération et les activités de suivi entre

les trois organisations487. Cet effort de coordination est encouragé par les décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21 à 24/72, Rec. 1972, p. 1219 ; CJCE, 14 octobre 1980,

Burgoa, Aff. 812/79, Rec.

1980, p. 2787. 484Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, Mémorandum sur “ Les axes de coopération entre l’UEMOA, le CILSS

et la CEDEAO ”, document référencé ECW/MINCFN/3 septembre 1998, p.1.

485Le Mémorandum sur “ Les axes de coopération entre l’UEMOA, le CILSS et la CEDEAO ” élaboré suite à la

Cinquième réunion du Forum consultatif des Ministres des Finances, Ministres du Plan et Gouverneurs des

Banques Centrales, tenue à Abuja le 24 octobre 1998. 48610 février 1998. 487La commission institutionnelle et juridique, la commission du Commerce et des Echanges commerciaux et la

commission des politiques économiques et sectorielles communes.

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partenaires financiers de ces OIG et notamment par l’Union européenne qui, à

travers son appui financier aux Etats de la sous-région, travaille à l’instauration

d’une synergie d’action des OIG ouest-africaines.

Ainsi, dans le cadre du Programme Indicatif Régional (PIR) (8ème FED), l’UE

participe, de façon indirecte, à la coordination des activités de la CEDEAO, du

CILSS et de l’UEMOA par l’entremise du Secrétariat permanent chargé de la

coordination et du suivi des activités du Programme Indicatif Régional. Mais

déjà en 1996488, la Commission européenne avait approuvé un programme

d’appui à l’UEMOA489 dénommé Programme d’Appui Régional à l’Intégration

(PARI.) dont l’objectif était d’établir un cadre cohérent d’actions d’appui à la

mise en œuvre du processus d’intégration des pays de l’UEMOA. Cet appui a

contribué à la conception et à l’élaboration des réformes.

Dans une phase ultérieure, aujourd’hui ouverte, l’appui vise à aider les Etats de

l’UEMOA à appliquer ces réformes. Mais il est à souligner que pendant que

l’UEMOA sera dans la phase II de son P.A.R.I., il est prévu un PARI -

CEDEAO (hors UEMOA) sur les réformes à mettre en place. Ainsi, par le biais

de l’article 160 de la Convention de Lomé IV, un début de concertation dans le

sens de la rationalisation s’est instauré. Une tendance que l’Accord de

Cotonou490 renforce et institutionnalise491.

Dans le même ordre d’idée, l’UEMOA a obtenu le statut d’observateur auprès

de l’OHADA pour mieux assurer la coordination des actions des deux

organisations.

488Le 4 octobre 1996 voir, Convention de financement n° 5670/REG). 489Convention de financement n° 5670/REG d’un montant de 12 millions d’euros élargie à 14,4 millions d’euros

par un avenant en 1998. 490Il s’agit de l’Accord de partenariat ACP-CE signé à Cotonou le 23 juin 2000. 491Les articles 28 d) et 7 de l’annexe IV.

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Dans ce cadre, la Commission de l’UEMOA participe aux réunions techniques

et à celles des instances de l’OHADA. La Commission de l’UEMOA et le

Secrétariat général de l’OHADA se communiquent régulièrement le Bulletin

officiel de l’UEMOA et le Journal officiel de l’OHADA dans lesquels sont

publiés les actes adoptés par les différents organes des deux institutions. C’est

d’ailleurs cette volonté de dialogue qui transparaît dans un avis du 2 février

2000492de l’Union dans lequel la Cour de Justice de l’UEMOA, après avoir

relevé la possible survenance de problèmes de contrariété entre normes UEMOA

et OHADA, affirme « la nécessité d’une concertation entre les deux

organisations en vue de la coordination de leurs politiques normatives et de

l’activité de leurs juridictions respectives ».

En attendant l’aboutissement de la politique de rapprochement institutionnelle

des trois organisations, il convient, dans l’intervalle, d’élaborer un code de

conduite, c’est-à-dire d’édicter des normes assurant les rapports de cohérence

entre les différents ordres juridiques et des principes clairs de résolution des

contrariétés qui pourraient survenir.

Dans cette perspective, l’article 233 du Traité CE dispose que :

Les dispositions du présent Traité ne font pas obstacle à l’existence et à

l’accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg,

ainsi qu’entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas dans la mesure où les

objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application du présent

Traité.

De même le principe “ Lex posterior derogat priori ” prrait trouver à

s’appliquer mais avec un correctif, celui du degré du potentiel intégratif de la

norme en cause. Ce correctif serait assis sur une méthode d’appréciation

téléologique fondée sur la règle de l’effet utile. Ainsi, le critère de référence,

serait celui de la norme la plus porteuse de l’idéal d’intégration. 492 Cour de Justice de l’UEMOA, Avis n°01/2000 du 2 février 2000.

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A ces règles, il faudrait adjoindre une structure de concertation, de coordination

et de suivi qui regrouperait les responsables des différents organes intégrés des

organisations aux fins d’instaurer une synergie des actions dans la perspective

de la fusion. Il importe d’institutionnaliser la pratique de la concertation. En

effet, « pour éviter les conflits de compétences ou de normes, il semble

raisonnable d'instituer des organes ou des procédures de règlement préventif ou

a posteriori ou, à tout le moins, d'instaurer une concertation permanente entre

les organisations internationales chargées de l'intégration juridique et d'assurer

une publication des résultats de telles concertations »493.

Mais malgré ces efforts de coordination et de mise en cohérence de l’action des

différentes organisations, il y a lieu de dépasser les actions ponctuelles pour

inscrire cette tendance dans la durée par son institutionnalisation.

C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir des mécanismes de mise en cohérence

des normes juridiques communautaires. Le Professeur Alioune SALL494, dans

une réflexion sur le renvoi préjudiciel, propose des mécanismes de collaboration

entre les juges communautaires. Comme il l’a évoqué, le Traité de l’UEMOA et

celui de la CEDEAO ont prévu la possibilité de saisine de leur juge pour avis

par certaines autorités politiques.

La Cour de l’UEMOA peut être saisie par la Commission, le Conseil des

ministres, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement. Quant à la Cour

de la CEDEAO, elle peut être saisie pour avis par la Conférence des Chefs

493J. ISSA-SAYEGH, « La production normative de l'UEMOA : essai d'un bilan et de perspectives », OHADA.

Com, OHADATA D-03-18.

494 Alioune SALL, « Pour une grande pédagogie du contentieux communautaire : réflexions sur la mise en

œuvre des procédures de collaboration avec les juridictions sous régionales (renvoi préjudiciel et demande

d’avis). »

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d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des ministres, d’un ou de plusieurs Etats

membres et du Président de la Commission.

Cependant, le Professeur note avec regret le caractère disproportionné de

l’usage de cette procédure et propose une plus grande vulgarisation du droit

communautaire.

A notre sens, au-delà de la vulgarisation, les deux juridictions doivent

organiser des séminaires d’échanges d’expériences et signer un accord de

reconnaissance réciproque de leur jurisprudence.

Cette cohérence est nécessaire entre les normes juridiques communautaires.

Mais aussi elle est indispensable entre normes juridiques communautaires et

normes supra communautaires.

2. Mise en place de mécanismes permettant une cohérence entre le droit

communautaire et les règles de droit supra communautaire

Traditionnellement, et en dépit des multiples limites que nos ordres

juridiques ont toujours imposé au principe de la séparation des pouvoirs, s'est

développée une conception essentiellement hiérarchique, linéaire et arborescente

de la structure d'un système juridique. Il « n’existe pas dans la nature de norme

juridique isolée »495. Largement intériorisée tant par les gouvernants que par les

gouvernés, cette conception a traditionnellement dominé et domine souvent

encore la pensée juridique dans ses formes d'expression les plus diverses.

Hiérarchique, la structure du système juridique le sera tant que ses organes,

495 M. Virally, « Le phénomène juridique », RDP, 1966, pp. 5 et suivante, p. 32.

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comme ses normes, seront tous placés dans une situation de supériorité ou de

subordination les uns par rapport aux autres.

Parmi les théoriciens du droit, Kelsen est incontestablement celui qui a

développé de la manière la plus radicale ce type de conception, en affirmant :

Qu’il est impossible de saisir la nature du droit si nous nous limitons à une

règle isolée. Les relations qui unissent les règles particulières d’un ordre

juridique sont, elles aussi, essentielles à la nature du droit. Il faut donner un

sens clair aux relations qui constituent l’ordre juridique, alors, seulement, nous

comprenons pleinement la nature du droit.496

Cette construction pyramidale et hiérarchique affecte nécessairement, selon lui,

les rapports entre systèmes juridiques, qu'il s'agisse des rapports entre le droit

étatique et le droit international, ou des rapports entre le droit étatique et les

ordres juridiques corporatifs ou ceux des collectivités publiques décentralisées.

Mais comme le relèvent de nombreux auteurs, tels F. OST et M. Van de

KERCHOVE, nous ne pouvons pas nier que ce modèle pyramidal ait connu une

crise profonde. C’est d’ailleurs de cette crise qu’ont émergé d’autres modèles de

hiérarchisation des normes497.

Pour certains, tels H. de VAUPLANE et J. P. de BORNET498, à ce modèle

pyramidal, s’est substitué un système circulaire « qui tend plutôt à concilier des

règles d’origines différentes ».

Pour d’autres, tels OST et Van de KERCHOVE de la crise du modèle

pyramidal émerge progressivement le droit en réseau499 avec lequel l’Etat n’est

plus le foyer central de la souveraineté, les systèmes juridiques s’enchevêtrant. 496 H. Kelsen, Théorie générale du droit et l’Etat, Bruxelles- Paris, Bruylant –LGDJ, 1997, p. 55. 497 F. OST et M. Van de Kerchove, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, p. 232. 498« La hiérarchie des normes communautaires » (http:/www.oboulo.com, Page consultée le 18 décembre 2010). 499 F. Ost, « De la pyramide au réseau : un nouveau paradigme pour la science du droit ? » in A. Supiot, édition,

Tisser le lien social, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004.

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287

Le pluralisme normatif caractérisé par la diversité des sources normatives à la

fois publiques (UEMOA, CEDEAO, UIT, OMC) et privées (ISO,

ICANN,…) sonne la fin du monopole de l’Etat sur la production normative.

Le pluralisme « postule l’existence simultanée de plusieurs systèmes juridiques,

notamment non étatiques, en relation d’opposition, de coopération ou

d’ignorance réciproque »500.

Dans une acception plus générale, certains auteurs qualifient de pluraliste toute

situation où une pluralité d’ordres juridiques coexiste au même moment, que ce

soit à l’intérieur de la sphère étatique ou non.501

En vérité, le droit des télécommunications applicable au Sénégal est

essentiellement conforme à la réglementation des télécommunications élaborée

au sein de l’Union Internationale des Télécommunications, de l’Organisation

Mondiale du Commerce (OMC) et d’autres institutions internationales publiques

ou privées ayant compétence à secréter des normes applicables dans les Etats

membres.

Devant ce pluralisme exposé au désordre, certains auteurs proposent le dialogue

des cultures juridiques502. Ce dialogue des cultures juridiques passe par une

organisation et posera le défi de la coopération. D’autres parlent de « pluralisme

ordonné »503.

Comme nous l’avons évoqué plus haut, le pluralisme renvoie à la dispersion, au

libre mouvement, donc à la séparation de systèmes autonomes et fermés. Alors

500 N. Rouland, « Acculturation juridique » in D. Alland et S. Rias, Dictionnaire de la culture juridique, PUF,

Paris, 2003, p. 4. 501 M. Van de Kerchove, « Les rapports entre systèmes juridiques : en clôture et ouverture », in J-L Bergel, Le

plurijurisdime P .U.A.M, Aix-en-Provence, 2003 p. 39. 502 Ghislain Otis, Abdallah CISSE, Paul De Deckker Wanda Mastor, « Cultures juridiques et gouvernance dans

l’espace francophone », éditions des archives contemporaines 41 rue Barrault 75013 Paris, 2010 p. 33. 503 M. Delmas-MARTY, Le pluralisme ordonné, Paris, le Seuil 2006.

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que le terme d’ordre invite à penser en termes de structuration, voire de

contrainte. Pour dépasser la contradiction, il faut réussir à respecter la diversité

tout en permettant une harmonie d’ensemble. Autrement dit, emprunter au

Professeur Mireille Delmas Marty un « pluralisme ordonné »504, c’est prendre

le pari qu’il est possible de renoncer au pluralisme de séparation. Car la clôture

des systèmes de droit est devenue illusoire à l’heure où la mondialisation

multiplie les interdépendances, mais sans adhérer pour autant à l’utopie de

l’unité juridique du monde au nom d’une sorte de pluralisme de fusion.

Elle suppose des relations entre des ensembles normatifs non hiérarchisés entre

eux, à quelque niveau qu’ils se trouvent dans l’espace normatif. De telles

relations peuvent s’établir d’un niveau à un autre, comme une façon de pallier

les discontinuités dans la chaîne hiérarchique, mais le phénomène s’observe

surtout entre des ensembles de même niveau (national, régional ou mondial), par

imitation d’abord, et ensuite par renvoi, plus ou moins explicite, selon les cas.

Ainsi, dans le domaine des télécommunications, le Sénégal est membre de

l’Union Internationale des Télécommunications. Par conséquent, les règles

adoptées par cette organisation lui sont applicables.

De même, il est membre de l’ICANN505. C’est l’organisation mondiale en

charge de la gestion des noms de domaine. Elle est créée en 1998 pour assurer

une gouvernance mondiale de l’Internet.

Ces deux organisations internationales secrètent des normes dont l’application

est nécessaire pour l’interopérabilité des réseaux de télécommunications établis

au Sénégal avec les autres réseaux.

504 M. Delmas –Marty, op.cit, p. 256. 505Internet Corporation Assigned Name and Numbers.

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Il est heureux de constater que les représentants de l’ICANN participent aux

travaux des groupes d’étude de l’UIT. Ce qui facilite l’harmonisation dans

l’élaboration de la norme applicable aux Etats membres. De même, les emprunts

pourraient donc être facilités et leurs effets renforcés par la nouveauté même de

la construction juridique. Ils sont néanmoins difficiles à repérer, sauf au cas où

les textes, de ces emprunts flagrants, sont quasiment recopiés l’un sur l’autre

avec de faibles variantes.

Par ailleurs, dans le domaine de l’interconnexion, il est plus indiqué que les

organisations sous-régionales empruntent les dispositions qui régissent

l’interconnexion au niveau international comme celles contenues dans la

Convention de Melbourne de 1988 portant règlement des télécommunications

internationales. L’avantage est de garantir une cohérence entre le droit

communautaire et le droit international sur les obligations et les droits des Etats

dans le cadre du contrôle du trafic international entre deux réseaux se situant

dans des pays différents.

Il ne suffit pas, seulement, d’assurer la rationalité des sources normatives

supranationales mais d’assurer aussi celle des sources normatives nationales.

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PARAGRAPHE II :

Rationalisation des sources nationales

La rationalisation des sources nationales du droit des télécommunications

passe par une mise en cohérence entre les sources nationales(1) et une

adaptation des cahiers des charges des opérateurs de télécommunications (2).

1. Mise en cohérence entre les sources nationales

Les sources nationales du droit des télécommunications, outre la

Constitution, sont la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002506 portant cadre de

régulation des entreprises concessionnaires de service public, la loi 94-63 du 22

août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique, les lois de

2008 sur la société de l’information507 et le code des télécommunications. Ce

dernier est le droit sectoriel de la régulation au Sénégal. Elle définit les règles

d’organisation et de fonctionnement d’un organe de régulation. Tandis que le

code des télécommunications est la source principale du droit sectoriel des

télécommunications.

A l’analyse des dispositions substantielles de ces textes, il est aisé de relever

certaines incohérences. L’exposé des motifs de la loi n°2002 -23 a donné

quelques lignes directrices pour asseoir cette indépendance, à savoir

l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des pouvoirs privés, la 506 . Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002. 507 Il s’agit de :

- la loi 2008-10 du 25 janvier 2008 portant loi d’orientation sur la société de l’information ;

- la loi 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel ;

- la loi 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité ;

- la loi 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques ;

- la loi 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie. Journal Officiel n° 6441 du 6 décembre 2008.

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désignation par appel à candidature des dirigeants et des cadres. Dans l’article

12, la loi consacre le principe d’incompatibilité avec une autre fonction

rémunérée. Cependant, ces dispositions sont fondamentalement différentes des

dispositions des articles 46, 47 et 48 du code des télécommunications de 2001

qui ne consacrent pas ces principes dans la désignation des dirigeants de

l’organe de régulation. Il est heureux de constater que la loi 2011-01 du 24

février 2011 est en phase avec ces dispositions de la loi 2002-23. Selon l’article

151 du code des télécommunications de 2011 :

La qualité de membre du Collège et de Directeur général de l’ARTP est

incompatible avec quelque autre fonction rémunérée ou non, tout mandat électif

national, toute fonction gouvernementale ainsi que toute détention directe ou

indirecte d’intérêts dans une ou des entreprises d’un des secteurs régulés. Les

membres du Collège ne peuvent pas avoir une relation commerciale avec

l’ARTP.

L’ARTP devra se doter d’un code d’éthique applicable aux membres du Collège,

au Directeur général et aux employés. Ce code d’éthique, élaboré par le

Directeur général, est adopté par le Collège.

Par ailleurs, le Sénégal a engagé une réforme du secteur de l’audiovisuel au

terme de laquelle de nouvelles dispositions seraient applicables dans le secteur.

Le projet de Code de la presse a adopté des dispositions qui seraient applicables

à l’attribution des fréquences audiovisuelles. Il est impératif que les dispositions

substantielles des différents codes et leurs décrets d’application ne soient pas en

contradiction pour éviter des difficultés d’application.

2. Adaptation des cahiers des charges

Le cahier des charges fixe les conditions d’établissement et d’exploitation

du réseau et de la fourniture de services de télécommunications ainsi que les

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engagements du titulaire de la licence. Ci-dessous sont présentés pour chaque

opérateur les objectifs relatifs aux niveaux de qualité de service à fournir.

SONATEL Mobiles

Les objectifs fixés à SONATEL concernent prioritairement l’accessibilité

et la qualité de service commercial et technique du service de téléphonie fixe.

Des objectifs portant sur les services mobiles ne figuraient pas dans le cahier

des charges de SONATEL. Mais avec le décret n°2011-265 du 23 février

2011 portant approbation du cahier des charges de SONATEL modifié, le

cahier des charges de SONATEL est harmonisé avec celui d’EXPRESSO

Sénégal508. .

- SENTEL GSM

Les obligations mentionnées dans le cahier des charges de SENTEL GSM et

concernant la qualité de services sont citées ci-après :

- Le service doit être opérationnel de façon continue, 24h/24 y

compris les samedis, dimanches et jours fériés 509;

- assurer une qualité de service respectant les niveaux des

indicateurs ci-après :

taux de perte < 4% ;

offrir une qualité d’écoute au moins équivalente au minimum

spécifié dans les normes en vigueur ;

508 Ce nouveau décret accorde à SONATEL les droits d’établissement et d’exploitation de service de troisième

génération. C’est pourquoi le nouveau cahier des charges de SONATEL est quasiment une copie du cahier des

charges d’EXPRESSO Sénégal pour respecter une égalité de traitement entre les deux opérateurs titulaires de

licence globale. 509 Voir l’article 2.1 et 2.2 du cahier des charges de SENTEL Gsm.

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- EXPRESSO Sénégal

L’Annexe 5 du cahier des charges de l’opérateur EXPRESSO Sénégal 510définit les valeurs des objectifs annuels minimaux de couverture et de qualité

de service.

Il convient de rappeler que l’interconnexion est un mécanisme de connexion

entre les différents réseaux de télécommunications, dont l'objectif est de

permettre à chaque abonné d'un opérateur de communiquer librement avec

d’autres abonnés, quel que soit le réseau auquel ils sont raccordés. Cela

nécessite une harmonisation technique ainsi qu’un accord contractuel souvent

bilatéral entre les opérateurs de réseau. Beaucoup de problèmes de QOS511

soulignés sont liés à l’interconnexion des différents réseaux.

Le code des télécommunications de 2011 prévoit des dispositions sur

l’interconnexion notamment, les conditions générales techniques et financières

d’interconnexion des réseaux de télécommunications ouverts au public ainsi que

les procédures d’arbitrage des litiges entre les exploitants desdits réseaux.

Par ailleurs, il faut préciser que l’ARTP approuve le catalogue d’interconnexion

des opérateurs désignés en position dominante512. Les obligations des opérateurs

dans le cadre de l’interconnexion sont souvent relatives à :

510 Voir la page 29 du cahier des charges d’EXPRESSO Sénégal approuvé par le décret n°2007-1333 du 7

novembre 2007 portant approbation de la Convention de concession entre l’Etat du Sénégal et la société

« SUDAN TELECOM COMPANY Ltd ». 511 C’est l’abréviation en anglais de la qualité de service « Quality of service ». 512La position dominante est une position sur le marché de produits ou de services qui donne à l'entreprise qui la

détient des comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrentes, de ses clients

et finalement des consommateurs. L’analyse de position dominante passe par la définition préalable du marché

pertinent. Celle-ci se fait en fonction du critère de substituabilité des produits ou services susceptibles de

constituer le marché. Voir les développements sur la partie concernant la régulation ex ante.

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- l’acheminement du trafic qui se fait dans les mêmes conditions

techniques, de disponibilité et de qualité de l’ensemble des

communications écoulées dans leur réseau ;

- l’ouverture de chaque point d’interconnexion suivant la

disponibilité d’accès sur ces commutateurs, la disponibilité

d’équipements sémaphores, la disponibilité de ressources en

processeurs ;

- la responsabilité du dimensionnement des faisceaux.

En outre, il est demandé de respecter la qualité de bout en bout du service

téléphonique de base, les spécifications en ce qui concerne la répartition des

allocations de dégradation de la qualité vocale entre les réseaux. En ce sens,

c’est dans la convention que sont précisés les paramètres de retard d’écho,

d’affaiblissement du trajet d’écho, de stabilité, de distorsion, de quantification et

de bruit.

De même, il est exigé que la qualité de transmission vocale soit conforme aux

normes internationales de l’UIT relatives aux réseaux fixes et aux réseaux

mobiles.

Les paramètres de dégradation de la qualité vocale à prendre en compte sont les

suivants :

- les paramètres de l’écho (affaiblissement sur le trajet d’écho et

retard sur le trajet d’écho) ;

- la stabilité ;

- la distorsion de quantification ;

- le bruit.

Les opérateurs titulaires de licence sont liés avec l’Etat par une convention de

concession à laquelle est annexé un cahier des charges. En vertu du principe de

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non-discrimination, l’Etat devrait actualiser les cahiers de charges des opérateurs

pour y introduire les indicateurs de qualité conformes à l’évolution

technologique. En plus, cette harmonisation permettra de garantir les mêmes

obligations à la charge des opérateurs qui sont dans le marché sénégalais.

De cette analyse des cahiers des charges des opérateurs et du cadre

réglementaire, nous constatons que les engagements des opérateurs et le code

des télécommunications, et ses décrets d’application, ne prévoient pas

d’indicateurs de qualité de service encore moins d’indicateurs adaptés à

l’évolution technologique513.

C’est pourquoi, il est nécessaire de faire un benchmark pour définir des

indicateurs adaptés à l’environnement de la convergence. En effet,

l’harmonisation des conventions de concession et des cahiers des charges des

opérateurs titulaires de licence permettra de garantir le respect des principes de

transparence, de non-discrimination et d’égal accès.

Cette harmonisation ne serait efficace que si les obligations prévues à la charge

des opérateurs sont adaptées à l’évolution technologique. Ce qui permettra en

conséquence de disposer des conventions d’interconnexion et des catalogues

d’interconnexion adaptés à l’évolution technologique.

C’est cette évolution technologique qui appelle l’application d’un droit flexible.

513 Voir Fatou Diack « Note technique d’analyse sur le dispositif de suivi de la qualité de service des réseaux

mobiles au Sénégal », document inédit. Disponible à l’ARTP du Sénégal.

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SECTION II :

NECESSAIRE FLEXIBILITE DU DROIT APPLICABLE

La flexibilité du droit applicable vise à adapter la capacité d’intervention du

régulateur à l’évolution technologique.

Elle passe par un renforcement du pouvoir réglementaire de l’ARTP

(paragraphe I) et de celui du caractère inclusif du processus d’élaboration des

normes (paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Renforcement du pouvoir réglementaire résiduel du régulateur

Le renforcement du pouvoir réglementaire résiduel se justifie (1) mais il doit

être encadré (2).

1. Renforcement du pouvoir réglementaire résiduel du régulateur

L’ARTP a actuellement un pouvoir réglementaire résiduel. En effet, le

pouvoir réglementaire appartient au Président de la République. Mais les

« Décisions » prises par les organes dirigeants de l’ARTP peuvent contenir des

dispositions réglementaires. C’est ainsi que la liste des services à valeur ajoutée

est fixée par décision de l’ARTP. Aux termes de l’article 34 de la loi 2011-01 du

24 février 2011 :

L’exploitation commerciale des services à valeur ajoutée est assurée librement

par toute personne physique ou morale après avoir déposé, auprès de l'Autorité

de régulation, une déclaration d'intention d'ouverture du service.

L’Autorité de régulation tient la liste des services à valeur ajoutée.

Par ailleurs, l’ARTP, en vertu de son pouvoir réglementaire résiduel, détermine

les marchés pertinents et les opérateurs puissants. Selon l’article 13 :

L’Autorité de régulation détermine, au regard notamment des obstacles au

développement d'une concurrence effective, les marchés pertinents du secteur

des télécommunications.

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Après avoir analysé l'état de la concurrence sur ces marchés, l'Autorité de

régulation établit annuellement la liste des opérateurs réputés exercés une

puissance significative sur chacun de ces marchés.

De même, dans le cadre du contrôle de la concurrence, le régulateur peut utiliser

son pouvoir réglementaire pour éviter des pratiques anticoncurrentielles dans le

marché de détail. En effet, l’article 15 de la loi 2011-01 du 24 février 2011

prévoit qu’une décision de l’ARTP peut imposer aux opérateurs puissants les

obligations suivantes :

1. fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires;

ne pas coupler abusivement de telles prestations ;

2. pratiquer des tarifs reflétant les coûts pertinents ;

3. respecter un encadrement pluriannuel des tarifs défini par l'Autorité de

régulation des télécommunications et des postes ;

4. informer l'Autorité de régulation de ces tarifs préalablement à leur mise en

œuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés ; l'autorité peut

s'opposer à la mise en œuvre d'un tarif qui lui est communiqué en

application du présent alinéa par une décision motivée explicitant les

analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition ;

5. tenir une comptabilité des services et des activités qui permettent de

vérifier le respect des obligations prévues par l’article 15 du code des

télécommunications.

Le respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un

organisme indépendant désigné par l'Autorité de régulation.

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L’attribution d’un pouvoir réglementaire résiduel au régulateur permet de

rendre plus efficace l’intervention du régulateur. Le Professeur Marie-Anne

Frison Roche considère que les pouvoirs d’éditer des normes générales, de

tarifer, le pouvoir d’agréer, de sanctionner doivent être reconnus du régulateur

pour renforcer son efficacité514. En effet, les télécommunications sont

caractérisées par une évolution constante. De ce fait, l’efficacité de la régulation

dépend, en grande partie, de sa capacité à anticiper les mutations ou à réagir

rapidement dans le sens d’accompagner l’innovation.

Par contre, l’environnement réglementaire actuel n’est pas de nature à faciliter

l’intervention rapide du régulateur. S’il est établi que certaines dispositions des

décrets d’application du code des télécommunications tombent en désuétude du

fait de l’évolution de la technologie, le régulateur ne pourra que faire une

proposition à l’adresse du Président de la République. Dans les faits, la

procédure de signature d’un décret est souvent longue et peut donner lieu à des

modifications dans le texte qui en vident souvent l’efficacité.

Pourtant le pouvoir réglementaire du régulateur ne doit pas être sans limite.

2. L’encadrement du pouvoir réglementaire renforcé

Le régulateur concentre en son sein un pouvoir judiciaire, un pouvoir

exécutif et un pouvoir législatif. Le défaut d’encadrement de ce pouvoir expose

à des abus pour reprendre la pensée de Montesquieu en la matière. C’est

pourquoi il faut contrôler et encadrer le pouvoir réglementaire de l’ARTP. Elle,

l’ARTP, doit être indépendante du gouvernement. La légitimité de son

indépendance tient dans sa capacité à rendre des comptes mais aussi dans 514 Marie-Anne FRISON ROCHE, « La régulation, nouveau mode de gouvernance économique », in Forum de

la régulation, op.cit., p. 29.

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l’obligation de respecter les principes consacrés par le code des

télécommunications et la possibilité de censure de ses décisions par la Haute

juridiction administrative. La violation de ses exigences nécessaires à une

régulation saine, est sanctionnée par la mise en œuvre de la responsabilité

civile, voire pénale, du régulateur. Nous pensons, avec le Professeur Fabrizio

KAFAGGI, que la qualification de l’activité de régulation et de ses règles doit

conditionner, au moins partiellement, la nature et les effets de la responsabilité

mise en cause lorsque les régulateurs exercent « incorrectement » ou manquent

à l’exercice de leur activité515.

Par ailleurs, le dynamisme des associations de société civile, notamment les

associations de consommateurs, constitue un contre-pouvoir efficace pour

contrôler et limiter le pouvoir réglementaire du régulateur. C’est en ce sens qu’il

est nécessaire de procéder au renforcement de leurs compétences.

C’est pourquoi il est nécessaire d’étendre le pouvoir de décision du régulateur

pour la prise de certaines décisions nécessaires pour dynamiser le secteur.

Cependant, ce pouvoir doit être exercé en écoutant les acteurs du secteur.

515 Fabrizio Cafaggi, « Gouvernance et responsabilité des régulateurs privés », in revue internationale de droit

économique, 2005/2 t.XIX, 2 p. 128.

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Paragraphe II :

Renforcement du caractère inclusif du processus d’élaboration des normes

Deux moyens essentiels permettent de rendre inclusif le processus

d’élaboration des normes. Il s’agit de l’association des acteurs dans le processus

d’élaboration de la norme (1) et la mise en place d’une procédure de

consultation publique (2).

1. Implication des acteurs dans le processus d’élaboration de la

norme

Le secteur des télécommunications est composé d’acteurs publics et privés.

Les acteurs publics sont l’Etat et ses démembrements. Tandis que les acteurs

privés sont les opérateurs titulaires de licence, les fournisseurs de services, les

associations de consommateurs et les autres acteurs de la société civile.

L’association des acteurs dans le processus d’élaboration de la norme renforce la

légitimé de celle-ci. Certains auteurs considèrent que l’implication des acteurs

dans le processus de décision et d’élaboration de la norme est au cœur du droit

de la régulation. Ainsi, soutiennent ils516que « le droit de la régulation apparaît

comme le droit de l’articulation tant par le processus d’élaboration que par ses

sanctions. ». La norme revêt souvent un caractère négocié par la participation

de ses destinataires à cette élaboration.

Prenant conscience de cette nécessité, l’UIT a soumis parmi les questions

devant faire l’objet d’examen au sein de la commission d’étude 1 le thème

suivant : « Application des politiques et réglementations nationales relatives à

516 Voir Fabris Siriainen de Boeck université, « Droit d’auteur » contrat « droit de la concurrence » : versus

« droit de la régulation » », in revue international de droit économique, 2001/4-t . XV, 4, p. 435.

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la protection du consommateur, en particulier dans le contexte de la

convergence »517. Car elle considère la participation des consommateurs dans la

conception de la législation renforce la légitimité et l’efficacité de la norme.

La légitimité est la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en

équité518.

Elle repose sur une autorité fondée sur des bases juridiques, éthiques ou morales,

et permet de recevoir le consentement des membres d'un groupe.

La participation des acteurs à l’élaboration de la norme renforce la légitimité et

la légalité.

L’efficacité est une marque de l’américanisation du droit, un signe de l’influence

croissante du droit économique, ou la preuve d’un salutaire retour au réalisme.

Le critère de l’efficacité tend, de plus en plus, à paraître décisif, à la fois pour la

justification de la règle, pour sa validité juridique, et pour la crédibilité de son

auteur.

Le souci de l’efficacité du droit marque une rupture avec les conceptions

dogmatiques suivant lesquelles la validité du droit réside plus en lui-même, dans

la logique de sa propre construction, qu’elle ne résulte de sa réalisation sociale.

Jusqu’à une époque récente, la justification de la règle de droit était en effet

exclusivement recherchée non dans les effets qu’elle était susceptible de

produire, mais dans le respect des critères de légitimité tenant à la règle elle-

même. C’était déjà le cas dans le perspectif jus naturaliste, où la valeur de la

règle était essentiellement liée à sa conformité à certains idéaux ou valeurs :

Justice, « droite raison » ou « ordre naturel ». Cela l’était encore dans le cadre

du positivisme, où la légitimité de la norme venait de ce qu’elle était établie

517 Voir document de la réunion de la commission d’étude 1 du 05 au 9 septembre 2011 à Genève, Document n°

1/117E du 30 aout 2011. (www.itu.int. Page consultée le 18 septembre 2011). 518 Définition du dictionnaire Petit Larousse. Op.cit.

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conformément au principe de légalité, édicté par les autorités compétentes et

selon une procédure établie. Or, depuis quelques années, au contraire, ce qui

vient justifier la loi, ce sont moins ses qualités intrinsèques ou l’identité de son

auteur que son efficacité.

A l’inverse, même s’il est vrai qu’une norme juridique ne cesse pas d’être

juridique lorsqu’elle n’est pas respectée , même si, juridiquement, la désuétude

n’entraîne pas en tant que telle l’annulation d’une règle de droit qui peut, après

une longue période de non application, être redécouverte par ses destinataires, il

n’en reste pas moins vrai que même une notion aussi étroitement juridique que

celle de validité renvoie à des phénomènes sociopolitiques d’acceptation et de

légitimation de la norme, lesquels sont également indissociables de l’efficacité

de celle-ci. En d’autres termes, il existe un lien qu’il ne faut pas négliger entre

l’efficacité du droit, sa validité, et la représentation du droit dans l’esprit de ses

destinataires (reconnaissance de la légitimité d’un ordre juridique et des règles

qu’il comporte).

Donc, l’efficacité de la norme ne peut être dissociée du problème de sa validité.

Dans un secteur aussi stratégique que les télécommunications, les acteurs

doivent être associés à l’élaboration de la norme pour sa légitimité et son

efficacité.

De même, le public devrait être saisi pour donner son opinion.

2. Mise en place d’une procédure de consultation publique

La procédure de consultation publique consiste à recueillir l’avis du public

dans toute décision essentielle pour le secteur des télécommunications,

notamment à travers :

- l’organisation d’audiences publiques ;

- la mise en place d’organes consultatifs et de conseil ;

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304

- la représentation des consommateurs.

C’est le sens de l’article 131 du nouveau code des télécommunications.

Aujourd’hui, certains régulateurs organisent des discussions en ligne à travers

des forums sur les grands enjeux de la régulation519. La consultation peut

consister en organisation de séminaires d’échanges avec les différents groupes

d’acteurs du secteur (associations de consommateurs, parlement, magistrature,

ordre des avocats, collectivités locales, administration publique).

Il est heureux de constater que le code des télécommunications consacre

l’obligation de consultation publique. L’article 131 de la loi 2011-01 du 24

février 2011 portant code des télécommunications prévoit que l’ARTP consulte

les entreprises des secteurs régulés, les associations de consommateurs et, le cas

échéant, le grand public, avant de faire aux ministères sectoriels compétents des

propositions motivées pour tout projet les concernant.

D’autre part, le régulateur peut mettre en place des comités consultatifs sur les

grands sujets comme l’interconnexion, la portabilité, le dégroupage.

Une régulation efficace s’appuie sur des mécanismes d’échange efficace avec

les acteurs du secteur.

519 C’est le cas de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques de la France qui organise des

forums de discussion en ligne sur les grands enjeux de la régulation comme le dégroupage, la portabilité entre

autres. (www.arcep.fr. Page consultée le 12 juin 2009).

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305

CHAPITRE II :

Amélioration du cadre institutionnel : mise en place d’une régulation

convergente et indépendante

La mise en place d’une régulation convergente consiste à fusionner les

deux institutions de régulation qui s’occupent, respectivement, des

télécommunications et de l’audiovisuel (section I). Cette nouvelle autorité

multisectorielle doit être indépendante pour assumer les missions qui lui sont

dévolues (section II).

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306

SECTION I : FUSION DE L’ARTP ET DU CNRA

L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes est chargée

de la régulation des télécommunications et des postes, par la loi 2011-01 du 24

février 2011.

Tandis que le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA)

assure la régulation du secteur de l’Audiovisuel, en application de l’article

premier de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création de cette

institution.

De la fusion de ces deux organes de régulation naîtra une autorité de

régulation multisectorielle.

Les justifications de cette fusion sont à rechercher dans la convergence elle-

même (paragraphe I). Car celle–ci appelle une unité institutionnelle de la

régulation des télécommunications et de l’audiovisuel et des postes, capable de

rendre effective le service universel (paragraphe II).

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307

PARAGRAPHE I :

JUSTIFICATIONS D’UNE REGULATION CONVERGENTE

De prime abord, il convient de rappeler qu’il n’existe pas une définition

universelle de la convergence. Toutefois, nous pouvons retenir avec le livre vert

de la Commission européenne sur la convergence qu’elle est « la capacité de

différentes plateformes à transporter des services essentiellement similaires, soit

le regroupement des équipements grands publics comme le téléphone, la

télévision et les ordinateurs personnels. »520.

De cette définition, nous pouvons retenir que la convergence des réseaux est née

de l’association des télécommunications à l’informatique et à l’audiovisuel.

Les réglementations de ces différentes activités présentent deux

caractéristiques fondamentales.

La première est leur forte sectorisation. Les télécommunications et

l’audiovisuel font l’objet d’une réglementation distincte.

Dans le contexte actuel du Sénégal, l’étanchéité des réglementations relatives

aux télécommunications et à l’audiovisuel est fondée sur la distinction cardinale

entre la correspondance privée désignant les communications circulant sur les

réseaux de télécommunications ou par les services postaux, au caractère

inviolable521, et la communication audiovisuelle véhiculée par les médias de

masse, et dont le caractère public légitime une réglementation distincte522.

La seconde caractéristique de ses dispositifs réglementaires est leur relative

complexité, liée à la complémentarité entre la régulation sectorielle propre à

520 Livre vert sur la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de

l’information, et les implications pour la réglementation , Commission Européenne, Bruxelles, décembre 1997,

p. 1. 521 La violation du secret de correspondance est sanctionnée par l’article 167 du code pénal sénégalais. 522 L’article 3 du code des télécommunications exclut du champ d’application du code les contenus audiovisuels.

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308

chaque secteur et en principe transitoire523, et la régulation de la concurrence

d’application générale et permanente524.

Devant cette situation, nous constatons, à la suite de Laurent Cohen Tanugi,

que la convergence a provoqué un « brouillage des frontières sectorielles»525.

En effet, il n’y a plus de frontière entre les télécommunications et les médias526.

Grâce aux technologies informatiques, un consommateur peut : recevoir sur son

micro-ordinateur des images d’une chaîne de télévision diffusée par câbles527,

naviguer sur Internet tout en communiquant avec un interlocuteur à l’autre bout

du monde par la Voix sur IP (VoIP)528.

Les technologies IP ont complètement révolutionné l’architecture des réseaux de

communication529, en particulier avec le développement des réseaux large

bande, avec ou sans fil.

C’est pourquoi nous assistons aujourd’hui, dans le cadre du processus de

transition de l’analogie vers le numérique, à deux phénomènes.

523 Il faut noter que l’ARTP assure à la fois les missions de régulation sectorielle et de la concurrence dans le

secteur des télécommunications sur le fondement de l’article 127 de la loi 2011-01 du 24 février 2011.

De la même manière, le CNRA assure la régulation sectorielle et de la concurrence dans le secteur de

l’Audiovisuel sur le fondement de la loi 2006-04 du 4 janvier 2006. 524 Voir Flash NPA, « L’analyse de la régulation du marché de la TNT soumis à l’avis des acteurs du marché »,

n°617 du 08 février 2012, p. 9. 525 Laurent Cohen Tanugi, « Quelle régulation en Europe pour l’ère de la convergence ? », in Réseau, Volume

18 n°100, p. 289. 526 Voir présentation de Constant Nemale, Président et Fondateur de la chaine d’information numérique Africa24

« Offre des Services de TV attrayants pour l’Afrique ». Disponible sur

http://comworldseries.msgfocus.com/c/&N0CutsDB2jlZvqu4yY2MBngZ9. Page consultée le 20 juin 2012. 527 En France, le marché de la télévision connectée est en pleine expansion. 52 millions d’unités seront installées.

D’ici à 2014, 60 % des foyers seront équipés en écrans connectés. Voir Flash NPA, « 5 sujets TV à la une : TV

numérique -TV connectée - Apps TV - Catch Up TV- social TV », n°609 du 23 novembre 2011. 528 Institut Panos Afrique de l’Ouest, « Dialogue entre acteurs de la régulation des médias et des

télécommunications à l’ère de la convergence en Afrique : enjeux et perspectives », Cotonou, février 2006.

Disponible sur le site www.cipaco.org/.../convergence/cotonou%20convergence%20app; page consultée le 12

mars 2011. 529 Voir Hazar Aouad, Transport de flux Temps Réels dans un Réseau IP Mobile, Londres, Ecole Nationale de

Télécommunications, thèse de doctorat en Télécommunications, 2005.

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309

D’une part, des opérateurs audiovisuels demandent la modification de leur

convention de concession pour pouvoir utiliser la technologie IP530.

Et d’autre part, les opérateurs de télécommunications sollicitent une

extension du périmètre de leur licence à l’offre de contenus audiovisuels531.

De ce fait, nous avons constaté une tentative d’opérateur multinational de

télécommunication d’entrer dans le marché de l’Audiovisuel en signant des

conventions532 de partenariat avec des opérateurs du secteur de l’Audiovisuel533.

Est-ce sous la régulation des télécommunications pour leurs offres de service de

communication ? , ou est-ce sous la régulation des médias pour leurs offres de

service en information ?

Telles sont les interrogations qui interpellent l’Etat, surtout devant la

convergence des marchés.

Déjà le cinquième (5ème) forum des régulateurs de télécommunications en

Afrique qui s’est tenu à Kampala en 2004, avec le soutien de l’UIT/BDT534,

tirait la sonnette d’alarme. La recommandation Un (1) du Forum précise que

« les pays devraient mettre en place des cadres juridiques, institutionnels,

530 EXCAF Télécom, opérateur audiovisuel au Sénégal a obtenu l’extension du périmètre de sa convention à

l’utilisation de la technologie IP. De même, « Hizbut-Tarqiyyah TV » a signé avec l’Etat du Sénégal une

convention de concession lui permettant d’utiliser la technologie IP. Voir Rédaction de Htcom «C’est parti : Al

Mouridiyyah TV enfin disponible sur Roku ». http://www.htcom.sn/article2907.html. Page consultée le 20 juillet

2012. 531 La SONATEL sollicite une extension du périmètre de sa licence à la production de contenus audiovisuels.

Déjà, l’opérateur historique du Sénégal offre de la télévision sur ADSL. 532Startimes, opérateur multinationale appartenant à des Chinois, a signé une convention de consortium avec la

Radio télévision sénégalaise pour offrir des services de transport audiovisuel et un service d’accès à l’Internet. 533 Voir Arnauld Blondet, Directeur Orange Technocentre « Vue d’Ensemble de la Stratégie d’Innovation

d’Orange dans la Région ». Disponible sur

http://comworldseries.msgfocus.com/c/&N0CutsDB2jlZvqu4yY2MBngZ9. Page consultée le 20 juin 20. 534 UIT/BDT : Le BDT est le Bureau du Développement des Télécommunications de l’Union Internationale des

Télécommunications. C’est le secteur de l’UIT qui s’occupe des questions de développement de l’industrie des

télécommunications.

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310

politiques et réglementaires appropriés dans un contexte de convergence. L’UIT

devrait apporter le soutien nécessaire aux pays pendant cette transition. »535

Selon l’Union Internationale des Télécommunications, face à la convergence,

les Etats ont le choix entre quatre grandes solutions réglementaires536 :

- maintenir le statu quo ;

- s’appuyer sur les structures en vigueur ;

- élaborer un modèle réglementaire distinct applicable aux nouvelles

activités et qui coexistera avec la réglementation en vigueur pour les

télécommunications et la radiodiffusion ;

- mettre en œuvre un nouveau modèle réglementaire applicable à la totalité

des services existants et nouveaux.

Toutefois, de ces quatre solutions,

Aucun consensus ne s’est toutefois dégagé sur la nécessité d’élaborer une

nouvelle législation ou une nouvelle réglementation face à la convergence des

réseaux et des services. De l’avis de certains gouvernements, il n’est pas

nécessaire d’apporter des changements sur le plan de la réglementation ou des

institutions, tandis que d’autres ont déjà mis ses changements en œuvre537.

Le livre vert de la Commission Européenne proposait trois options

réglementaires pour faire face à la convergence538 :

535 Communiqué final du FTRA, Kampala (Ouagadougou), 3 et 5 novembre 2004. (Disponible en ligne :

http://www.itu.int/ITU-D/afr/events/FTRA-communique-fr.pdf. Page consultée le 18 novembre 2010).

Cité par Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, Régulation des communications électroniques à l’heure de la

convergence en Afrique de l’Ouest et du Centre, Dakar, Instituts Panos Afrique de l’Ouest, août 2005, p. 14. 536 UIT, Tendance des réformes des télécommunications 2003 : promouvoir l’accès universel aux TIC, outils

pratiques pour les régulateurs, chapitre 1, p. 15. 537Opt.cit. pp. 15 -16. 538Cité par Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, Régulation des communications électroniques à l’heure de

la convergence en Afrique de l’Ouest et du Centre, Dakar, Instituts Panos Afrique de l’Ouest, août 2005, p. 54.

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- option 1 : adapter les réglementations actuelles pour prendre en compte

les caractéristiques spécifiques des nouveaux services ;

- option 2 : créer une catégorie nouvelle de nouveaux services peu

réglementée, coexistant avec les deux grandes catégories traditionnelles

(audiovisuelle, télécommunications) ;

- option 3 : élaborer un nouveau cadre réglementaire commun aux

différents secteurs de la communication.

En notre sens, le Sénégal doit épouser l’option 3 du livre vert en mettant en

place un organe de régulation unique. En effet, le débat s’est reposé dans les

pays du nord et la situation actuelle de la convergence simple l’impose.

En France, le Conseil d’Etat a annulé une décision du Conseil Supérieur de

l’Audiovisuel539 pour défaut de compétence dans une affaire liée à la

convergence. Dans cette affaire, le CSA devait répondre à la question de

savoir « est-ce que le distributeur et l’éditeur sont libres de choisir leurs

partenaires commerciaux ? »540. Le Conseil d’Etat a censuré la décision en

considérant que le CSA n’avait pas compétence à se prononcer sur la

question. Le rapport Mitterrand et Besson proposait de donner à l’ARCEP la

compétence de gérer ces questions541.

539 Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2011 dit l’affaire M6. 540 Décision du CSA du 8 juillet 2008 dit l’affaire M6. 541 En France, le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2011, a annulé une décision du Conseil

Supérieur de l’Audiovisuel. Il s’agit de la décision du 8 juillet 2008. Dans cette affaire, le CSA devait répondre à

la question de savoir « est-ce que le distributeur et l’éditeur sont libres de choisir leurs partenaires

commerciaux ? ». Le Conseil de la concurrence a censuré la décision en considérant que le CSA n’avait pas

compétence à se prononcer sur la question. Le rapport Mitterrand et Besson proposait de transférer cette

compétence à l’ARCEP. Voir Flash NPA, « 5 sujet TV à la Une : TV numérique-TV connecté-apps TV-catch

UP TV- social TV », n°612 du 14 décembre 2011, p. 6.

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Par ailleurs, le Président Sarkozy évoque l'hypothèse d'un rapprochement

entre les deux autorités administratives indépendantes à l'heure où « la

diffusion hertzienne [...] va devoir affronter la télévision délinéarisée »542.

Dans un rapport remis le 21 mars 2012 à Claude Greff, Secrétaire d’Etat

à la famille, sur la protection des mineurs à l’heure de la convergence des

médias audiovisuels et d’Internet, le CSA a proposé la création d’un «

référent national » chargé d’harmoniser la protection des mineurs dans

l’Audiovisuel et dans l’Internet. 543 Et tout comme au Sénégal544, le

régulateur audiovisuel français a une mission de protection des publics

mineurs.

Au Royaume-Uni, la convergence a favorisé la fusion de différents

organismes de régulation sectorielle. Cinq instances de réglementation, à

savoir l’Independent Télévision Commission (ITC), la Broadcasting

Standards Commission (BSC), l’Office of Télécommunications (OFTEL), la

Radio Authority (RAU) et la Radiocommunication Agency (RA), ont

fusionné pour former une nouvelle instance de réglementation (OFCOM)545.

En Suisse, il est constaté une forte concurrence entre les câblo-opérateurs

qui offrent un service de transport de contenus audiovisuels et les opérateurs

de télécommunications qui interviennent dans ce marché546.

542 Voir MINDO, « La fusion du CSA et de l'Arcep toujours envisagée », in Réfléchir le numérique : numerama,

Paris, 16 mars 2012. Disponible sur le site : http://www.numerama.com/f/118388-t-la-fusion-du-csa-et-de-

l39arcep-toujours-envisagee.html. Page consultée le 20 mars 2012.

543 Voir Flash NPA, « A la fin du suspens : chérie HD, l’équipe HD, HD1, RMC Découverte, Tvous la

diversité et 6 Ter sélectionnées », n°624 du mercredi 28 mars 2012, page 10. 544 Voir l’article 7 de loi 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de Régulation de

l’Audiovisuel. 545 Voir IUT-T, Réseaux convergents, Genève, édition 2010, p. 153. 546 Les statistiques en Suisse ont révélé les informations suivantes :

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313

Dans son rapport annuel de 2011, le CNRA considère qu’elle « devra

étendre sa compétence à des secteurs traditionnellement cloisonnés comme

l’informatique, l’audiovisuel et les télécommunications jetant les bases d’une

nouvelle forme de régulation des médias »547.

De surcroit, l’un des avantages de la fusion de l’ARTP et du CNRA serait de

réaliser des économies d’échelle pour réguler efficacement les différents

secteurs et industries infrastructurelles548.

C’est dire que la convergence des marchés expose la séparation organique

des organes de régulation télécoms et audiovisuel à un risque d’inefficacité.

C’est pourquoi 53,8% des 158 régulateurs de télécommunications que

compte le monde, ont étendu leurs compétences à la radiodiffusion549.

En définitive, la mise en place d’une régulation convergente semble être

inéluctable et pourrait favoriser la convergence des services universels.

PARAGRAPHE II :

OBJECTIFS ET MISSIONS DE L’ORGANE EN CHARGE DE LA

REGULATION CONVERGENTE

• le raccordement à Internet à haut débit fait partie des prestations du service universel : 1Mbit/s depuis le

1er mars 2012 ;

• les raccordements autres que sur fibres optiques (2011) sont ADSL 98%, CATV : 85%, GSM : 100%,

UMTS: 93%, VDSL : extension couverture à 95% prévue pour fin 2013. Voir la présentation de Armin

BLUM, « Haut débit en Suisse: promotions économiques et facteurs d'implantation », FRATEL, 9e

séminaire, Ouagadougou, Burkina Faso, 3 avril 2012.

547 CNRA « Rapport annuel au Président de la République », 2011, p. 51. 548 Emmanuel Machet, « Résumé de la 14ème réunion de l’observatoire européen de l’audiovisuel », in IRIS

Observations juridiques de l’observatoire européen et audiovisuel. Malte 2001. 549 Voir IUT Tendances des réformes dans les Télécommunications 2012 : une réglementation intelligente dans

un monde placé sous le signe de large bande, édition UIT, Genève, 2012.

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La mise en place d’une Autorité de régulation unique permet au Sénégal

d’épouser une politique sectorielle convergente portée par un ministère déjà

« convergent »550.

Par ailleurs, cette convergence institutionnelle permettra au Sénégal de faire des

économies à l’instar des pays qui ont déjà mis en place une régulation

sectorielle551.

La mise en place d’une régulation convergente permettra d’une part, de faire

revivre l’industrie de la production culturelle locale, notamment la production

audiovisuelle.

D’autre part, elle permettra de développer l’activité des fournisseurs de

services à valeur ajoutée552.

En effet, l’offre de service de contenus audiovisuels échappe au champ

d’application du code des télécommunications553.

550A l’heure où nous rédigeons cette thèse, c’est le même ministre qui est en charge des télécommunications, de

la poste, des technologies de l’information et de la communication. 551 En Afrique, certains pays ont déjà mis en place un organe de régulation multisectorielle. Il s’agit entre autres,

de l’Afrique du Sud (création en juillet 2000 de l’Independent Communications Authority of South Africa

ICASA), du Kenya (la Communication Commission of Kenya, CCKa en charge de la régulation des

télécommunications, de l’audiovisuel et de la poste). En 2004, une réforme de la réglementation a permis de

mieux tenir compte de la convergence. Voir Mamadou A. Seybou et Gaston Zongo, op.cit., p. 27. 552 Selon l’article 3 du code des télécommunications, sont services à valeur ajoutée tous les services de

télécommunications qui, n'étant pas des services de diffusion et utilisant des services supports ou les services de

télécommunications finales, ajoutent d'autres services au service support ou répondent à de nouveaux besoins

spécifiques de télécommunications.

553 L’article 3 du code des télécommunications définit le service de télécommunications comme étant « le

service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission

ou l’acheminement de signaux ou en une combinaison de ces fonctions sur des réseaux de télécommunications, y

compris les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services

consistant à fournir des contenus à l'aide de réseaux et de services de télécommunications ou à exercer une

responsabilité éditoriale sur ces contenus. »

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L’exploitation de services audiovisuels est régie par la loi n°2000-07 du 10

janvier 2000554 abrogeant l’article 2 de la loi n°92-02 du 6 janvier 1992 portant

création de la Société Nationale de Radiodiffusion-Télévision Sénégalaise.

La loi n°2000-07 du 10 janvier 2000 dispose en effet que les droits de diffusion

et de distribution d’émissions de radio et de télévision à destination du

public, « appartenant exclusivement à l’Etat, peuvent faire l’objet d’une

concession totale ou partielle à un ou plusieurs concessionnaires de droit public

ou privé, par voie de conventions et cahiers des charges précisant les

obligations réciproques du concessionnaire et de l’Etat. Ces conventions sont

approuvées par décret. »

Par conséquent, la licence de télécommunication ne donne pas droit à son

titulaire d’établir et d’exploiter une activité de contenu audiovisuel. C’est

pourquoi pour contourner cette situation juridique, les opérateurs sont obligés

d’entrer en partenariat avec un acteur qui bénéficie de ce droit conformément à

la loi n°2000-07 du 10 janvier 2000.

S’agissant des jeux, le principe de la neutralité technologique permet

aujourd’hui aux opérateurs titulaires de licence et aux titulaires de récépissé de

déclaration de services à valeur ajoutée d’exploiter ces services. Mais

malheureusement ce récépissé ne suffit pas à l’acteur pour jouer le jeu. Il est

tenu de requérir le consentement de la LONASE (Loterie Nationale

Sénégalaise).

En 1987, une loi n°87-43 du 28 décembre 1987 portant création d’une Société

Nationale dénommée « Loterie Nationale Sénégalaise » dite LONASE, concède

à ladite société l’exploitation d’un monopole en matière de loterie, jeux et

pronostics avec en contrepartie de l’exploitation de la concession, le versement à

554 Journal Officiel du Sénégal n°5904 du 5 février 2000.

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l’Etat d’une redevance représentée par un pourcentage du chiffre d’affaires net

réalisé sur chaque type de loterie ou de jeux de pronostics.

En ce sens, le tribunal régional Hors classe de Dakar, dans une décision rendue

le 21 avril 2008, considère que l’organisation de jeux SMS, sans autorisation ni

contrôle de la LONASE constitue une violation du monopole.

Cette situation a pour conséquence une disparition progressive des fournisseurs

de services à valeur ajoutée du fait de ce monopole de la LONASE.

Une stratégie de régulation convergente permettra de positionner les

fournisseurs de services à valeur ajoutée dans le segment de l’offre de contenu

cinématographique qu’ils peuvent vendre aux clients finals par le biais des

réseaux des opérateurs titulaires de licence de télécommunication et des

opérateurs concessionnaires de droit d’exploitation d’activités audiovisuelles.

Aujourd’hui, en Europe et aux Etats Unis555, nous constatons une forte présence

des fournisseurs d’accès à l’Internet dans le marché de l’offre de la télévision

payante 556.

Et, partant, nous rappelons que la volonté des pouvoirs publics d’organiser et de

soutenir le secteur de la cinématographie nationale s’est traduite par :

- l’adoption des lois n°66-40 du 27 mai 1966 sur le contrôle des films

cinématographiques et de leur représentation, n°74-12 du 22 Avril 1974,

réservant à l’Etat le monopole de l’importation et de la distribution des films

cinématographiques, et n°85-22 du 25 février 1985, organisant l’importation, la

commercialisation et la distribution commerciale des supports enregistrés pour

la reproduction de l’image et du son en télévision ; 555 Aux Etats -Unis, plus de 1,2 million de personnes ont un box d’Apple TV. Nous trouvons au moins un poste

de télévision dans 115 millions de foyers. Voir Flash NPA, « La télévision reste indétrônable aux Etats -Unis »,

n°613 du mercredi 11 janvier 2012, p. 23. 556 Dossier NPA, « Offre de streaming over top USA/UK : un enjeu de marché stratégique », n°617 du 8 février

2012.

Page 317: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

317

- la création, en 1972 de la Société Nationale de la Cinématographie (SNC), en

1973, de la Société Sénégalaise d’Importation, de Distribution et

d’Exploitation Cinématographique (SIDEC), en 1978, du Fonds de soutien à

l’industrie Cinématographique (FOSIC) et en 1984, de la Société Nouvelle de

Promotion Cinématographique (SNPC).

Malgré ces efforts, il faut reconnaître que les foyers sénégalais sont inondés

par les produits culturels du nord557 au détriment de l’industrie

cinématographique nationale.

C’est pourquoi certains auteurs plaident pour le développement de « l’inter

régulation ». « L’ambition de l’inter régulation tient dans l’obtention d’une

décision unifiée prenant en considération plusieurs régulations autonomes,

alors même qu’on ne peut mettre en hiérarchie ces diverses régulations ».558

Une régulation convergente permettra d’utiliser le Fonds de Service Universel

pour accompagner les acteurs culturels, notamment de la cinématographie, à

développer des contenus locaux capables de substituer les produits du nord, dans

les foyers sénégalais et aux rendez-vous du donner et du recevoir. Ces derniers

seront des fournisseurs à valeur ajoutée et permettront aux opérateurs de

télécommunications d’avoir des produits innovants devant ce contexte d’érosion

des services voix.

En France, les fournisseurs d’accès Internet qui ont prospéré grâce aux contenus

culturels via leur réseau, contribuent au financement de l’industrie culturelle à

travers le Centre National de Musique559.

557 En France, il a été relevé la nécessité de tempérer le développement des séries étrangères comme enjeu

d’audience de la TNT au détriment des produits culturels locaux. Voir Flash NPA, « « 5 sujet TV à la Une : TV

numérique-TV connecté-apps TV-catch UP TV- social TV », n°610 du 30 novembre 2011, p. 26. 558 FRISON-ROCHE Marie-Anne, Les nouveaux champs de régulation, op.cit, p. 63 559 Flash NPA, « 5 sujet TV à la Une : TV numérique-TV connecté-apps TV-catch UP TV- social TV », n°609

du 23 novembre 2011, p. 15.

Page 318: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

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Pour rappel, l’article 3 du code des télécommunications définit comme service à

valeur ajoutée « tous les services de télécommunications qui, n'étant pas des

services de diffusion et utilisant des services supports ou les services de

télécommunications finales, ajoutent d'autres services au service support ou

répondent à de nouveaux besoins spécifiques de télécommunications ».

De ce qui précède, il est établi que la convergence des réseaux et des marchés

appelle une mise en place d’un organe de régulation unique des

télécommunications et de l’Audiovisuel pour développer ces secteurs

convergents.

Cet organe de régulation unique doit être indépendant.

En cohérence avec d’autres arguments développés dans cette thèse, nous

systématisons les recommandations relatives aux objectifs et missions de

l’Autorité de régulation convergente à travers le tableau ci-dessous.

Recommandations objectifs moyens

Créer un environnement

juridique favorable à

l’investissement et à

l’innovation

Encourager

l’investissement, la

concurrence et la

croissance

Attribuer des licences

générales,

Supprimer la

segmentation entre filiale

mobile, fixe, internet

Elaborer une

réglementation adaptée

au partage des

infrastructures

Eviter que le

déploiement de la fibre

plus près des abonnés

soit des goulets

Faire une étude

débouchant sur un texte

applicable au partage

d’infrastructure

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319

d’étranglement

impactant la

concurrence

Adapter la

réglementation de

l’interconnexion au

NGN

Permettre à tous les

prestataires de services

d’accéder aux nouveaux

réseaux et proposer leurs

contenus, services et

applications

Réexaminer le

fonctionnement et

l’évolution du système

d’interconnexion existant

et suivre l’évolution dans

la transition vers les

NGN par des

consultations auprès des

professionnels du secteur

et des utilisateurs.

Adapter la

réglementation de la

numérotation à

l’environnement des

NGN

-Encourager

l’introduction de la

nouvelle version du

protocole Internet (IPv6),

en particulier par son

adoption rapide par les

pouvoirs publics de

même que par les

utilisateurs importants

d’adresses IpV, compte

tenu de l’épuisement

prochain des adresses

IPv4 ;

- revoir le plan de

numérotage pour

Organiser une

consultation avec les

acteurs nationaux et les

partenaires

internationaux comme

Afrinic, ICANN

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320

disposer de plus de

souplesse, faciliter les

nouveaux services

convergés et améliorer le

nomadisme des

personnes.

- suivre l’utilisation

d’ENUM comme

mécanisme de routage et

d’interconnexion entre

réseaux

Revoir la réglementation

du service universel

d’adapter les obligations

de service universel et

les mécanismes

permettant de les

assumer dans le contexte

de la convergence

Veiller à ce que les

contributions aux fonds

pour le service universel

respectent l’évolution

vers la convergence des

réseaux et des services,

et revoir la façon dont le

service universel est

financé.

Adapter les cahiers des

charges des opérateurs

en y encourageant le

développement de

réseaux large bande

Eviter de créer avec les

NGN des dissymétries en

matière d’accès dans les

régions non desservies

par des infrastructures à

- Encourager le

développement de

réseaux à large

bande et haut débit

à l’échelle de tout

Page 321: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

321

large bande et haut débit.

Ce qui pourrait impacter

la compétitivité entre

zones

le territoire.

- Encourager le

partenariat public-

privé pour offrir

une solution dans

certaines zones

pour réduire les

coûts

d’investissement.

Adapter la législation de

l’audiovisuelle et des

télécommunications à

l’environnement pluri

plateforme découlant de

la convergence

télécommunications et

de la radiodiffusion

Permettre une plus

grande libéralisation du

marché, tout en

maintenant les objectifs

de base de service public

des médias

Organiser une

consultation publique

avec les acteurs du

secteur des

télécommunications et

de l’audiovisuel.

Adapter les exigences

réglementaires en

matière de qualité de

service dans

l’environnement des

NGN

Faire en sorte que la

convergence profite aux

consommateurs et aux

entreprises, en leur

offrant des choix

suffisants en ce qui

concerne la connectivité,

l’accès et l’utilisation des

applications, des

équipements terminaux

Faire une enquête et une

consultation des acteurs

sur la question

Page 322: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

322

et du contenu sur

Internet, de même que

des informations claires

et exactes sur la qualité

et les coûts des services

leur permettant de faire

des choix en

connaissance de cause

Page 323: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

323

SECTION II :

RENFORCEMENT DE L’INDEPENDANCE DU REGULATEUR

Le renforcement de l’indépendance du régulateur consiste à le soustraire

aux risques de capture.

C’est pourquoi il faudrait renforcer l’indépendance organique (paragraphe I) et

fonctionnelle (paragraphe II).

Paragraphe Premier :

Renforcement de l’indépendance organique

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324

La nomination des membres des organes dirigeants par appel à candidature

(1) et la précision de leurs mandats (2) participent à asseoir l’indépendance du

régulateur.

1. Nomination des membres des organes dirigeants par appel à

candidature

Selon l’article 154 du nouveau code des télécommunications, « Le Collège

est composé de sept membres, nommés par décret pour un mandat irrévocable

de cinq ans non renouvelable. » De même, l’article 155 prévoit que « Les

membres du Collège sont nommés par décret après appel public à candidatures

assuré par l’autorité gouvernementale sur la base de critères d’intégrité morale,

de qualification et d’expérience professionnelle dans les domaines technique,

juridique, économique et financier se rapportant aux secteurs régulés. ».

Cette innovation de taille montre la volonté des autorités à respecter les

principes de bonne gouvernance dans la régulation. Mais il faudrait que les faits

ne trahissent pas l’esprit du nouveau code des télécommunications. En effet, la

mise en œuvre du principe de l’indépendance du régulateur suppose que le

processus de nomination des régulateurs repose sur le mérite et la collégialité560.

L’article 4 de la Directive n°01/2006/CM/UEMOA invite les Etats membres à

garantir l’indépendance des Autorités nationales de régulation vis-à-vis du

pouvoir politique et de toutes les organisations assurant la fourniture de réseau,

d’équipements ou de services de télécommunications et de toute autre

organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que ces Autorités

soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.

560 CARANTA Roberto Caranta, Professeur à l’Université de Turin, « Les conditions et modalités juridiques de

l’indépendance du régulateur », in Régulation économique : légitimité et efficacité, volume 1 sous la direction

de Marie-Anne Frison-Roche, Dalloz 2004 p 83.

Page 325: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

325

Aussi, l’article 11 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07, relatif à

l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des

technologies de l’information et de la communication, demande aux Etats de

garantir l’indépendance des Autorités nationales de régulation vis-à-vis du

pouvoir politique et de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux,

d’équipements ou de services de télécommunications et de toute autre

organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que ces autorités

soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes. Pour cela, il

demande entre autres, que le recrutement des membres des organes décisionnels

soit effectué selon une procédure transparente d’appel à candidature sur la base

de compétences et de qualifications professionnelles avérées.

L’avantage de cet appel à candidature est de garantir la légitimité scientifique

des membres des organes dirigeants de l’Autorité de régulation. En effet, cette

crédibilité scientifique permettra de favoriser l’efficacité des décisions et leur

acceptation par les acteurs du secteur561. Tandis que dans un contexte où les

dirigeants de l’organe sont nommés sans appel à candidature, il est possible que

les responsables ne soient pas les plus indiqués à assumer cette fonction.

2. Précision du mandat des membres des organes dirigeants

L’article 11 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation

des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de 561 P. SABOURIN (P), « Les Autorités administratives indépendantes, une catégorie nouvelle », AJDA, 1983 J.

CHEVALLIER, « Réflexion sur l’institution des autorités administratives indépendantes », JCP, 1986.II.3254 ;

La philosophie des autorités administratives indépendantes, in Regards sur l’actualité, décembre 1988 ; C.A.

COLLIARD et G.TIMSIT, Les Autorités administratives indépendantes , Paris, PUF, 1988 ; C. TEITGEN-

COLLY, « Les instances de régulation et la constitution », RDP, Paris, 1990 ; Sanctions administratives et

autorités administratives indépendantes, in Les petites affiches, 17 juillet 1990 ; M. GENTOT (M), « Les

Autorités administratives indépendantes », Paris, Montchrestien, 1991.-

Page 326: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

326

l’information et de la communication demande aux Etats membres « de prévoir

un mandat clair et précis des Autorités nationales de régulation ainsi que de

leurs organes décisionnels ».

Ce mandat doit être irrévocable sauf en cas de faute lourde. Selon, l’article 4 de

la directive n°01/2006/CM/UEMOA, les Etats membres doivent garantir

l’irrévocabilité de ce mandat. Cette irrévocabilité facilite « l’ingratitude »562 du

régulateur vis à vis de l’autorité politique qui l’a nommé.

Le Professeur Nadine DERMIT-RICHARD563retient quatre critères de

l’indépendance du régulateur à savoir :

- la pluralité des sources de nomination des membres ;

- l’irrévocabilité de la durée de leur mandat afin de les soustraire à toute

pression utilisant l’argument du renvoi ;

- l’impossibilité de voir renouveler un mandat, ce qui exclut toute influence

de la part de ceux qui nomment le régulateur ;

- l’existence d’un régime d’incompatibilité vis-à-vis du secteur concerné, ce

qui permet au régulateur, personne physique, d’être indépendant des entreprises

régulées.

Nous pensons, avec M. Christoph GRABENWARTER, qu’il est tout à fait

justifié de renforcer le degré d'indépendance des régulateurs vis-à-vis des

pouvoirs publics564. Cette indépendance est le garant de la neutralité, telle que

562 Anne -Marie FRISON-ROCHE, « Licence UMTS, coûts des ressources fréquences et numéros », cité par

Seydi Ahmed Sy SARR, « L’indépendance du régulateur, facteur de crédibilité et de stabilité », op.cit, p. 162. 563 Nadine DERMIT-RICHARD, Régulation financière et sport professionnel : les conditions de l’indépendance

du régulateur ; 2007/2- n°76, p. 96. 564 M.Christoph GRABENWARTER, Rapport sur l’indépendance des organes de régulation des médias,

Strasbourg, 07 avril 2008, p. 5.

Page 327: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

327

nous pouvons la percevoir, et d'une certaine immunité à l'égard des pressions

politiques et des pressions sur le plan de l'exploitation565. Cette perception de

l'indépendance est particulièrement importante dans le cas où un Etat conserve

la propriété de l'opérateur public de télécommunication (PTO: public

télécommunication operator), ou y détient des actions (comme le cas actuel de

la SONATEL).

En général, les opérateurs des télécommunications et les investisseurs auront

davantage confiance dans l'aptitude d'un organisme indépendant à réguler le

marché objectivement dans un souci de transparence. Cela peut se traduire par

un plus grand volume d'investissements dans le secteur, avec les avantages

économiques qui en découlent. Toutefois, ce climat de confiance dépend de la

crédibilité du régulateur, qui devra faire la preuve de sa capacité à s'acquitter de

sa tâche avec professionnalisme et impartialité.

Paragraphe II :

Renforcement de l’indépendance fonctionnelle du régulateur

565 Les mesures existantes de l’indépendance des régulateurs se fondent sur une définition strictement formelle

de l’indépendance, par exemple, en évaluant les modes de nomination des dirigeants et les règles de leur

révocation. Mais la crédibilité d’une autorité de régulation ne se mesure pas seulement à cette seule aune. Les

pouvoirs et les moyens dont il dispose constituent une autre indication de sa capacité et donc de sa crédibilité ;

Voir l’analyse empirique de C.GENOUD, “Toward a content and contextual approach of delegation, or “How

and why we should open the regulatory black box”, in ECPR Joint Session 2003 “Delegation in contemporary

democracies”, Edinburgh, March 28th, April 2nd 2003.

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328

Le renforcement de l’indépendance fonctionnelle passe par une indépendance

financière (1) et un contrôle efficace sur l’utilisation des ressources (2).

1. Indépendance financière de l’Autorité de régulation

L’article 5 de la directive n°01/2006/CM/UEMOA invite les Etats membres

à « mettre en œuvre les dispositions nécessaires afin de conférer aux Autorités

nationales de régulation les moyens financiers et humains leur permettant

d’assurer leurs missions, de manière indépendante. ». Il ressort de ces

dispositions que l’indépendance financière doit être garantie à l’Autorité

nationale de régulation. Olivier Storch566 précise que l’indépendance

« budgétaire » englobe trois réalités distinctes : l’indépendance financière, qui

renvoie aux modalités de financement de l’organisme, par ressources propres ou

subventions budgétaires ; l’indépendance de programmation et d’exécution

budgétaire ; l’indépendance gestionnaire (dans la gestion de la paie, des achats,

des locaux, etc.).

Cette conception de l’indépendance financière est conforme aux textes de la

CEDEAO. L’article 12 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à

l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des

technologies de l’information et de la communication (TIC) demande aux Etats

membres de « mettre en œuvre les dispositions nécessaires afin de conférer aux

Autorités nationales de régulation les moyens financiers et humains leur

permettant d’assurer leurs missions, de manière, impartiale, autonome et

transparente. »

Il est essentiel que le processus de régulation bénéficie d'un financement adéquat 566 Olivier STORCH, Les conditions et modalités budgétaires de l’indépendance du régulateur », in « Les

régulations économiques : légitimité et efficacités, Paris, Dalloz 2004, volume 1, p. 65.

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329

pour permettre de recruter un personnel professionnel hautement qualifié,

capable de réaliser les objectifs de la régulation. Celle-ci se révélera en général

inefficace si ses conditions de financement ne sont pas remplies. Et nous aurons

alors peu de chances de réaliser les objectifs, que sont: ouverture de marchés

concurrentiels et traitement de tous les acteurs sur un même pied d'égalité.

Les régulateurs, séparés, peuvent être financés selon des modalités diverses.

Traditionnellement, les fonctions de régulation étaient financées par des crédits

dégagés par le budget national, en particulier si ces fonctions étaient exercées au

sein du ministère des communications ou de l'administration des PTT567. Nous

avons également recours au système des crédits budgétaires dans le cas d'un

grand nombre de régulateurs séparés. Cependant, les redevances de licence et

celles pour utilisation du spectre payées par les opérateurs sont utilisées de plus

en plus pour financer la fonction de régulation568.

En Afrique, les Etats cherchent un équilibre entre la sauvegarde de

l’indépendance financière des Autorités de régulation et la bonne gouvernance

financière de redevances perçues des acteurs du secteur des télécommunications.

Ce qui provoque souvent des conflits entre les Autorités de régulation et les

ministères des finances des Etats membres. Pour tempérer ces

incompréhensions, le compromis retenu est une autonomie de financement des

Autorités de régulation qui versent les excédents budgétaires au Trésor public.

Au Togo, l’article 15 du décret n°2006-041/PR fixant les taux, les modalités

d’affectation et de recouvrement des redevances dues par les opérateurs,

exploitants et prestataires de services de télécommunications, prévoit que les

30% des redevances collectées sont versés au Trésor Public, tandis que les 70%

567 STORCH Olivier op.cit, p. 66. 568 C’est ce qui est prévu au Sénégal. Même en cas de réaménagement du spectre, le coût est supporté par les

titulaires d’autorisation de fréquence. Voir l’article 71 de la loi 2011-01 du 24 février 2011.

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330

sont destinés au financement de l’Autorité de régulation. Mais l’excédent

budgétaire est versé au Trésor public569.

Au Burkina Faso, l’article 177 de loi n°061-2008/AN portant réglementation

générale des réseaux et services de communications électroniques au Burkina

Faso prévoit que le budget de l’Autorité de régulation est financé par les

redevances du secteur. Mais l’excédent est versé au Trésor public570.

Par ailleurs, certains ministères des finances des Etats de la sous-région

proposent une nomination d’Agent comptable dépendant du ministère des

finances pour assurer le respect du principe de la séparation de l’ordonnateur et

des comptables dans la gestion des deniers publics collectés par les Autorités de

régulation571.

Et à notre avis, aucune de ces pratiques n’est en contradiction avec les Actes

Additionnels de la CEDEAO. En effet, l’alinéa 2 de l’article 12 de l’Acte

Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre

réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la

communication (TIC) consacre le principe de l’autofinancement des Autorités

de régulation. Il demande « l’affectation de tout ou partie des taxes, redevances

et autres contreparties financières versées par les opérateurs pour l’exercice de

leurs activités dans le secteur.»

Il y a des avantages à financer une Autorité de régulation par prélèvement sur les

redevances de licence et sur celles pour utilisation du spectre, plutôt que par des

crédits budgétaires. Les redevances de licence sont un moyen de récupérer les 569 http://www.artp.tg/. Page consultée le 9 novembre 2011. 570http://www.artel.bf. Page consultée le 9 novembre 2011. 571 Le débat s’est posé dans le cadre de l’élaboration de la loi du Mali du 28 septembre 2011 portant code des

télécommunications. De même au Sénégal, un agent comptable est nommé auprès de l’Autorité de régulation. En

Guinée Conakry, un régisseur des recettes est nommé auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications.

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331

coûts des services publics par application du principe de « paiement par

l'utilisateur ». Ces redevances, dans le secteur des télécommunications, peuvent

être la source de recettes suffisamment élevées pour garantir que la régulation se

fera de manière professionnelle. Ce qui n'est pas toujours le cas dans les pays en

développement, où les gouvernements manquent de moyens financiers.

D'autres secteurs de la société et de l'économie n'ont pas à supporter le poids

des dépenses afférentes à la régulation. Il faut une certaine responsabilisation et

une assez grande transparence pour reconnaître les cas où les budgets de la

régulation sont dépensés à bon escient, et ceux où il n'en est pas ainsi.

Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 12 de l’Acte Additionnel A/SA 1/01/07 relatif

à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des

technologies de l’information et de la communication (TIC) demande que le

mécanisme de financement ne réintroduise pas « les influences et intérêts des

organisations que la séparation des fonctions de réglementation et

d’exploitation avait l’intention d’exclure. ». La garantie de ce principe est de

ne pas faire approuver le budget du régulateur par le ministère des finances.

Mais le régulateur doit être contrôlé.

2. Aménagement de mécanismes de contrôle efficace de l’utilisation des

deniers publics

L’exposé des motifs de la loi n°2002-23 du 4 septembre 2002572 portant

cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics

prévoit que l’indépendance du régulateur doit être assortie d’une obligation de

rendre compte. Il précise que :

L’obligation de rendre compte passe par des exigences rigoureuses de

transparence, la possibilité de faire appel à l’encontre des décisions du

régulateur, l’introduction d’une clause d’audit des performances du régulateur,

572 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002.

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332

d’une clause d’approbation annuelle du budget du régulateur, et d’une clause

de révocation pour mauvaise conduite ou incapacité.

Deux mécanismes de contrôle sont consacrés à savoir la mise en place

d’une structure d’audit interne573 et la mise en place des mécanismes de contrôle

externe. Pour l’audit interne, la meilleure pratique est celle de l’OHADA avec

les sociétés anonymes574. Dans ce cas, la structure d’audit interne est sous

l’Autorité du Président du Conseil d’Administration. Cette structure d’audit peut

être rattachée au Président du Collège de l’Autorité.

Cependant, le nouveau code des télécommunications du Sénégal rattache la

structure de contrôle interne au Directeur général. Selon l’article 163 de la loi

2011-01 du 24 février 2001 portant code des télécommunications, une structure

de contrôle de gestion et d'audit interne est placée sous l'autorité directe du

Directeur général.

Par contre, le contrôle externe doit être exercé par un auditeur indépendant et les

corps et organes de contrôle de l’Etat.

Ces derniers sont principalement de l’Inspection Générale d’Etat575, le Service

du Contrôle Financier de l’Etat576, la Direction Centrale des Marchés Publics et

l’Agence de Régulation des Marchés Publics577. 573 NIKUE. C et HANS-KWETEVIE, « Introduction à l’audit interne de recherche de la fraude », juillet 2009. 574 François ANOUKAHA, Abdoullah CISSE, NDIAW DIOUF, Josette Nguebou TOUKAM, Paul-Gérard

POUGOUE, Moussa SAMB, Sociétés commerciales et G.I.E, Bruxelles éditions UNIDA, page 449. Article 480

de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et G.I.E. 575L’IGE, corps de contrôle supérieur, est sous l’autorité directe du Président de la République. Ses membres

sont recrutés dans la haute hiérarchie administrative. Elle est dirigée par un inspecteur général d’État qui porte le

titre de vérificateur général. Ce dernier est secondé par un vérificateur général adjoint. Elle est créée à partir des

cendres des inspections coloniales, et a connu une évolution particulièrement à travers les réformes de 1960,

1964,1974, 1987, 2005 et 2007.

Outre ses missions traditionnelles de vérification, d’enquêtes et d’audit, elle est chargée :

d’impulser et de coordonner tout le dispositif de contrôle interne;

de donner son avis sur des dossiers d’arbitrage soumis au chef de l’État ;

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333

CONCLUSION DU TITRE PREMIER DE LA DEUXIEME PARTIE

elle est représentée à l’assemblé générale consultative du Conseil d’État;

elle supervise les passations de service entre membres du gouvernement. Voir Présentation de

Madame Nafy Ngom KEITA, « Contrôle et Audit au Sénégal : état des lieux et perspective »,

Marakeck, novembre 2007. 576 Le Contrôle financier (CF) assure au nom du Président de la République. Il a, a priori des opérations

financières de l’État. A ce titre, tout projet de loi, d’acte réglementaire ou de contrat, ayant une incidence

financière est soumis à son avis préalable. Cet avis est suspensif de l’acte de dépense, à charge pour le service

émetteur de donner les justifications nécessaires. L’avis du CF doit être motivé et formulé dans les huit jours qui

suivent la réception du projet. Il ne s’étend pas aux dépenses de matériel exécutées sur bon d’engagement. Le

contrôle sur pièce, préventif et concomitant exercé par le CF présente le double avantage d’empêcher, d’une part,

la violation des lois et règlements dans l’exécution du budget, et, d’autre part, certains gaspillages et

détournements de deniers publics. Les compétences du CF s’étendent également aux entreprises du secteur

parapublic et aux collectivités locales. Voir Nafy Ngom KEITA ; Op.cit.

577 Voir le décret 207 -645 du 27 avril 2007 portant code des marchés publics.

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334

La stratégie d’amélioration du cadre juridique de la régulation découlant de

cette étude porte sur le cadre normatif et le cadre institutionnel.

S’agissant du cadre normatif, il a été constaté d’une part, une nécessaire

rationalisation des sources du droit des télécommunications et, d’autre part, une

flexibilité requise dans la production de la norme.

Dans le cadre institutionnel, nous soulignons la nécessité de mettre en place

une institution de régulation convergente et indépendante.

Cette indépendance du régulateur sera à la fois organique et fonctionnelle dans

le respect des règles de bonne gouvernance.

TITRE II :

L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION

La stratégie d’amélioration de la régulation des télécommunications consiste

à saisir les opportunités de l’évolution technologique pour aligner la pratique de

la régulation au Sénégal aux meilleures pratiques au niveau mondial.

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335

Elle porte sur l’activité de régulation ex ante (chapitre I) et sur celle ex post

(chapitre II).

CHAPITRE PREMIER :

AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION EX ANTE

L’activité de régulation vise essentiellement à asseoir une concurrence saine

et loyale. Pour cela, il convient d’améliorer la régulation de l’interconnexion

(section I) et celle des ressources rares (section II).

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336

SECTION I :

AMELIORATION DE LA REGULATION DE L’INTERCONNEXION

Le contexte actuel de régulation de l’interconnexion nécessite

essentiellement une amélioration à deux niveaux. D’abord, la régulation de

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337

l’interconnexion doit être adaptée à l’environnement des NGN578 (paragraphe I).

Mais aussi, il est nécessaire d’introduire de nouveaux leviers de concurrence liés

à l’interconnexion (paragraphe II).

Paragraphe Premier :

Amélioration de la régulation de l’interconnexion par rapport à

l’environnement des NGN

La présentation de l’environnement des NGN (1) permettra de mieux

identifier les mécanismes d’adaptation de la régulation de l’interconnexion à cet

environnement (2).

1. Présentation de l’environnement des NGN

Les NGN font l’objet de plusieurs tentatives de définition. Certains

opérateurs donnent à leurs réseaux de prochaine génération une définition

propre. A titre d’illustration, Korea Telecom utilise l’appellation Réseau de 578Next Generation Network : il désigne en français les réseaux de nouvelle génération.

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338

convergence large bande (BCN, broadband, convergence network)579, British

Télécoms (BT) parle de réseau du XXI° siècle (21CN, 21st century network)580,

Deutsche Telekom a adopté la formule Telekom Global Network (TGN)581 et

NTT a défini son architecture RENA (resonant communication network

architecture). Nous notons aussi que le sigle NGN est utilisé pour faire

référence à des choses différentes. Pour certains, NGN signifie simplement

passage d’un réseau RTPC (Réseau Téléphonie Publique Commuté)582 à un

réseau IP. Pour d’autres, la référence est plus spécifique. Nous parlons de

communication internationale IP ou de protocole IP583 dans la boucle locale.

Devant cette pluralité de définitions, celle que nous retenons est consacrée par

la Recommandation UIT-TY 2001584. Selon cette recommandation, un réseau de

prochaine génération est par définition :

Un réseau de communication par paquets pouvant assurer les services de

télécommunications et utiliser de multiples techniques de transport large bande, 579http://dictionnaire.sensagent.com/korea+telecom/, page consultée le 12octobre 2010. 580 “British Telecom & 21st Century Technologies Connect Nigeria To Global Network”, Nigéria 28 mai 2007

(http://www.thenigeriabusiness.com/tnit33.html, page consultée le 12 février 2011). 581 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications 2007 : la route vers les réseaux de prochaines

générations, Genève, édition UIT 2007, p. 46. 582 Les RTCP sont les réseaux de téléphonie classiques qui sont analogiques, tandis que le réseau IP est

numérique. 583 Le modèle du protocole Internet (IP) peut être représenté sous la forme d’un sablier dont le protocole IP serait

la partie la plus étroite. Au-dessus du protocole IP, nous avons les protocoles destinés à répondre aux besoins

d’applications telles que les navigateurs web ou les systèmes de messagerie électronique et de communication

vocale ; au-dessous, se trouvent les protocoles servant au transfert des paquets IP sur un support physique

spécifique, par exemple les liaisons sans fils Ethernet ou IEE 802.11.

Ces protocoles sont structurés en couches. Si nous commençons par examiner les couches inférieures, nous

trouverons tout d’abord les interfaces physiques réservées à des supports spécifiques, comme les câbles ou les

ondes hertziennes, puis les protocoles de liaisons de transmission. Viennent ensuite les protocoles de bout en

bout qui comprennent des fonctionnalités de routage (dans ce cas IP) et, enfin, les protocoles dits de transport qui

fournissent un service aux applications en termes de fiabilité et de réactivité. Voir sur cette question une

publication du secteur de la normalisation des télécommunications de l’UIT, « Réseaux convergents », éditions

janvier 2010 UIT p. 15. 584Recommandation UIT-T Y 2001. (www.itu.int. Page consultée le 30 Septembre 2009).

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339

définies en fonction de la qualité de service, un réseau dans lequel les fonctions

concernant les services sont indépendantes des techniques de transport qui les

sous-tendent. Dans une telle infrastructure, les utilisateurs ont un libre accès à

l’ensemble des réseaux et des fournisseurs de services et/ou services en

concurrence. Un réseau NGN ainsi défini se caractérise par une mobilité

généralisée : la fourniture des services est constante et universelle.

Un NGN se distingue d’un système ancien ou d’un système traditionnel à

commutation par circuits585 en ce sens que toutes les informations sont

acheminées par paquets, lesquels sont étiquetés par type (données, voix, etc.) et

traités en conséquence par l’équipement de gestion du trafic. Un NGN peut

reposer sur diverses plates-formes, notamment en fibres optiques, câbles,

système hertzien, réseau à fils de cuivre amélioré. Cette souplesse annonce un

changement d’approche, la conception « un réseau, plusieurs services »586. A cet

égard, les NGN sont considérés comme des éléments stratégiques par des

opérateurs qui doivent actuellement affronter un monde placé sous le signe de la

convergence des services et de contenus, dans lesquels la voix n’est plus la seule

source de recettes587.

Sur le marché, le passage aux réseaux NGN se fait, en partie, sous l’impulsion

de la demande de plus en plus vive de produits universels et intégrés combinant,

sur des plates-formes mobiles et des plates-formes fixes, l’ensemble des services

données/ voix/vidéo588. La demande et l’évolution technique sont à l’origine de 585 PUJOLLE Gut « “ Les réseaux” », 5eme édition, « Source d’Or », septembre 2005. 586European Telecommunications Platform, « On the technology, business models and regulatory aspects of

NGN », ETP (06)01, 17 janvier 2006, p. 5. 587 Voir Michel Feneyrol, « Les réalités de la convergence », in la lettre de l’Autorité, n°48, janvier – février

2006. 588 Cabinet Arcome pour Autorité de Régulation des Télécommunications de la France, « Etude technique,

économique et réglementaire de l’évolution vers les réseaux de nouvelle génération », septembre 2002, page

161 à 175. (www.arcep.fr .Page consultée le 18 juin 2009).

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340

la convergence inévitable des réseaux IP et des RTPC traditionnels. Les

opérateurs et les investisseurs cherchent à accroître leurs recettes et leur

rentabilité, à améliorer leur productivité et à élargir leur offre de service. Ces

tendances facilitent l’intégration des techniques mobiles et des techniques fixes,

et annoncent au bout du compte une offre de service continue sur un réseau

multiservice IP unifié589.

Le passage à l’infrastructure NGN est un processus progressif mais, selon les

prévisions de l’UIT, les réseaux NGN fixes devraient être opérationnels d’ici à

2012, et les réseaux mobiles d’ici à 2020 dans les pays développés. Ce qui

permettrait une véritable et totale convergence entre, d’une part, les services

fixes, les services mobiles, les services vocaux et les services de données et,

d’autre part, les secteurs des TIC et de la radiodiffusion590. Cela signifie que le

choix de la technique utilisée pour l’infrastructure n’aura plus d’incidence sur

les types et sur la variété des services fournis sur cette infrastructure. Ainsi,

l’avènement des NGN annonce une transition vers des réseaux intégrés non plus

verticalement mais horizontalement, qui offriront alors à leurs utilisateurs et aux

fournisseurs de services en concurrence un accès illimité, cohérent et

universel.591

Le modèle type de réglementation applicable aux réseaux RTCP, avec son

orientation très « dirigiste » de la réglementation technique et économique,

diffère très nettement de la façon de concevoir la réglementation d’un réseau à

commutation par paquets tel que l’Internet, généralement moins soumis à des

589 Voir Aboubacar Haman, « Le passage aux réseaux de la prochaine génération et son impacte sur la

régulation. », Yaoundé, Fratel 2006, p. 3. 590 Voir IUT-T, Réseaux convergents, Genève, édition UIT, 2010, p. 153. 591 UIT, Recommandation UIT-TY.2001, décembre 2004, (www.itu.int/pup, Page consultée le 20 novembre

2010)

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341

interventions d’ordre réglementaire592. Ces deux domaines ont évolué

indépendamment. Ce qui a parfois donné des tendances assez disparates dans la

réglementation. Dans certains cas, la simple extension des pratiques en usage

suffit, comme rendre obligatoire le droit des opérateurs de téléphonie sur

Internet (VoIP, voice over Internet protocole) de s’interconnecter avec d’autres

opérateurs. Mais du fait que les NGN reprennent certaines des caractéristiques

du modèle de télécommunication classique et certains aspects techniques du

nouveau modèle Internet, la réglementation en la matière exigera de la part des

régulateurs et des décideurs davantage de planification et d’initiative. Il faudra,

en effet, que les structures de la réglementation soient conçues ou étendues pour

faciliter le développement et la mise en place des NGN.

592 Dans un environnement NGN, des pays ont aménagé graduellement les règles ex ante, voire de supprimer

certains cas afin de tenir compte de l’évolution des conditions de la concurrence sur le marché et de servir au

mieux l’intérêt des consommateurs. Lorsque la situation du marché impose leur abandon progressif, le régulateur

examine au cas par cas s’il est nécessaire de prévoir des clauses d’extinction ou une période de transition pour en

assurer une sans heurts vers une régulation ex post. Les périodes de transition, adoptées par exemple au

Royaume-Uni et au Portugal, permettent aux parties prenantes, aux consommateurs et aux fournisseurs de

services de s’adapter graduellement au nouveau cadre réglementaire. En mai 2008, examinant les marchés de

gros à l’accès à la large bande, l’OFCOM a constaté que British Telecom ne disposait plus, à l’échelle locale,

d’un pouvoir de marché significatif, d’autres fournisseurs de services étant apparus. Partant, l’autorité a décidé

de retirer immédiatement certaines obligations réglementaires, relatives par exemple à la non-discrimination et à

la transparence, obligeant toutefois British Telecom à fournir un accès au réseau durant une période de transition

de 12 mois afin de permettre à ses clients du marché de gros de trouver des solutions de remplacement. Voir

ERG, « “Report on Transition from sector-specific regulation to competition law”, ERG (09) 40, Londres,

octobre 2009, p. 24.

Contrairement au régulateur britannique, le régulateur portugais a choisi, lui, de maintenir durant une période de

transition de 12 mois la plupart des obligations ex ante imposées à Portugal Telecom dans ces zones

géographiques et notamment celles relatives à la non-discrimination, à la transparence, à l’accès, à la

comptabilisation des coûts et à l’information financière. Le contrôle des prix a toutefois été supprimé

immédiatement dès l’adoption. Voir ICP-ANACOM, « Mercados de fornecimentogrossista de acesso (fisico) à

infra-estrutura de redenum local fixo e de fornecimentoGrossista de acessoem banda larga », janvier 2009 ;

Voir aussi, « Tendances des réformes dans les télécommunications : favoriser le monde numérique de demain »,

édition 2010-2011, pp. 101- 102.

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Le passage aux NGN offre au Sénégal une excellente occasion d’analyser

l’impact de la réglementation actuelle sur le triple plan de l’innovation, des

investissements et de l’accessibilité. Et il lui appartiendra ainsi de concevoir,

pour les NGN, des structures permettant de parvenir à ces objectifs. A cet effet,

le passage aux NGN est une autre occasion de redéfinir à l’avance les règles du

jeu de la réglementation et d’examiner l’approche à adopter quant à la

réglementation et aux politiques générales, afin de faire en sorte que ces

dernières facilitent la concurrence, les investissements et l’accès des utilisateurs

finals.

Dès lors, il est aisé d’appréhender la nécessité d’adapter le cadre de

l’interconnexion à ce nouvel environnement.

2. Mécanismes d’adaptation de l’interconnexion à l’environnement des

NGN

L’adaptation de la réglementation doit porter d’une part, sur l’interconnexion

au niveau international et, d’autre part, sur l’interconnexion au niveau national.

S’agissant de l’interconnexion au niveau international, le passage du réseau

téléphonique public commuté (RTCP) aux réseaux de prochaine génération

(NGN) se traduit par une nouvelle diminution du volume de trafic RTPC593. Ce

trafic est soumis au système des taxes de répartition, qui entrainera à son tour

une baisse des montants en devises versés par les autres pays en développement.

De même, cette transition devrait aussi représenter un poids supplémentaire

pour les pays en développement dû aux coûts de la connectivité. Etant donné 593 Tracey Cohen, Conseiller ICASA, République sud-africaine, « Aperçu de la réglementation des réseaux de

prochaine génération », in Tendance des réformes dans les télécommunications 2007, Genève, édition IUT

2007, p. 45.

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343

que le trafic acheminé par les réseaux NGN est en augmentation, de nombreux

pays cherchent des solutions à ce problème pour que ces coûts n’augmentent

pas. Ainsi, le Sénégal qui est un pays en développement, doit bâtir une stratégie

lui permettant de profiter, au mieux, du système des taxes de répartition.

Le système des taxes de répartition consiste en une série d’accords conclus

entre les opérateurs en vertu desquels ils assurent conjointement l’acheminement

des appels internationaux et se partagent les recettes perçues à ce titre.594 Afin de

répartir les recettes perçues pour les services téléphoniques internationaux et de

couvrir les coûts des passerelles internationales, de la transmission au niveau

international et de la terminaison des appels, ce système prévoit un ensemble de

prix convenus appelés « taxes de répartition » qui sont appliqués à

l’interconnexion des appels internationaux. L’opérateur d’origine facture au

client, effectuant l’appel, un prix de vente au détail puis reverse la moitié de la

taxe de répartition à l’opérateur d’arrivée pour la terminaison de l’appel

international. Dans ce système, la fourniture de services se fait à plusieurs :

chaque opérateur assure le service jusqu’à un point imaginaire situé à mi-

distance sur le circuit international. Il faut cependant noter que les taxes de

répartition ne tiennent pas nécessairement compte des coûts.

Le système des taxes de répartition est décrit dans le Règlement des

télécommunications internationales (RTI), traité administré par l’Union

Internationale des télécommunications (UIT). Ce Règlement est complété par les

Recommandations de la « série D», qui résultent des travaux de la Commission

d’étude 3 du Secteur de la normalisation des télécommunications de l’UIT (UIT-

T).595 594 De plus amples informations sur le système des taxes de répartition internationales sont disponibles dans le

module réglementation des TIC à l’adresse www.ictregulationtoolkit.org/en/Section2145.html. 595 Le Règlement est disponible à l’adresse www.itu.int/ITU-T/itr/ywww.itu.int/pub/R-REC. Page consultée le

12 décembre 2011.

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Il fait appel à plusieurs méthodes différentes, mais le système de rémunération le

plus utilisé est la procédure de division des recettes de répartition, selon laquelle

un paiement net est effectué sur la base de la différence de trafic (en minute)

multiplié par la moitié de la taxe de répartition. Ce montant est généralement

versé en dollars des Etats-Unis (USD) ou en Droits de tirage spécial (DTS)596. Si

les flux de trafic, le long d’une voie d’acheminement, sont équilibrés, le système

des taxes de répartition ne génère pas de flux de trésorerie significatifs.

Toutefois, le trafic sur les voies d’acheminement internationales n’est pas

équilibré, car nous recensons davantage d’appels à destination qu’en provenance

des pays en développement. Ainsi, le système des taxes de répartition a entrainé

des flux considérables pour bon nombre de pays du tiers-monde. C’est pourquoi

certains de ces pays ont instauré une taxe sur le trafic international entrant.

C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, par ordonnance n°2008-381 du 18 décembre

2008 portant budget de l’Etat pour la gestion 2009, a institué en son article 54,

une taxe sur l’interconnexion téléphonique internationale à la charge des

entreprises de téléphonie installées en Côte d’Ivoire. Cette taxe était fixée à 20

francs la minute de communication internationale. Le mode de paiement de cette

taxe était déterminé par l’article 1132-3° du Code Général des Impôts de la Cote

d’Ivoire.597 Mais aujourd’hui, sous la pression de l’Union nationale des

entreprises de télécommunications de la Côte d’Ivoire, cette taxe a été

annulée.598 596 DTS est une valeur déterminée à partir d’un panier de grandes monnaies internationales. Pour plus de

renseignements, voir l’adresse : www.imf.org/external/np/exr/facts/sdr.htm. Page consultée le 12 décembre

2011. 597 Les informations concernant la taxe sur les communications internationales entrantes étaient disponible

jusqu’à une date récente sur le site de suivant : http://www.atci.ci/. Mais elles ont été retirées. 598 A ce titre, de plus amples informations sont disponibles dans la lettre adressée au Ministre en charge des

télécommunications de l’époque par Monsieur André APETE, alors Directeur Exécutif de l’Union nationale des

entreprises de télécommunications ; inédit.

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345

A l’instar de la Côte d’Ivoire, la République de Guinée, par arrêté conjoint

A/2009/1135/MCNT/MEF/SGG du 29 mai 2009, fixa le tarif international de la

destination République de Guinée et la quote-part à reverser à l’Autorité de

Régulation des Postes et Télécommunications, et aux opérateurs locaux des

réseaux de télécommunications ouverts au public, les fonds ainsi collectés.

L’article 2 de l’arrêté fixe ce tarif à 28 cents US Dollar la minute. Cette taxe est

toujours en vigueur.

Le Sénégal, par décret n°2010-632 du 28 mai 2010 instaurant un système de

contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales

entrant en République du Sénégal, avait fixé un seuil minimal du tarif de

communications internationales entrantes à destination du Sénégal. L’article 6

du décret avait fixé ce tarif à 141, 03 FCFA par minute de terminaison vers les

réseaux fixes et mobiles. Dans ce tarif, l’opérateur avait le droit de retenir les

65,59FCFA la minute pour le réseau fixe et 91, 83FCFA la minute pour le

réseau mobile. Le reste du montant facturé devrait être versé à l’ARTP au profit

de l’Etat.

La SONATEL, principal opérateur dominant dans le segment de l’international,

a contesté la légalité de cette taxe devant le juge de la Cour Suprême avant que

le Président de la République ne décide de suspendre les articles 6 à 11 du

décret relatifs au seuil minimal et à la quote-part de l’Etat.

Tandis que le régulateur soutenait qu’il ne s’agissait pas en réalité d’une taxe,

mais d’une modulation du tarif de terminaison d’appel international pour lutter

contre la fraude.

Lors du Conseil présidentiel du 19 Août 2011, le Président de la République a

informé sa volonté d’instituer à nouveau le mécanisme de tarification du trafic

international entrant au Sénégal. En effet, il s’agit du décret n°2011-1271 du 24

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août 2011 abrogeant et remplaçant le décret n°2010-632 du 28 mai 2010

instituant un système de contrôle et de taxation des communications

internationales entrant en République du Sénégal.

Ce décret est à nouveau attaqué par la SONATEL devant le juge de la Cour

Suprême599.

Le Doyen Gaudemer définit la taxe comme :

Un prélèvement pécuniaire opéré au profit de l’Etat, sur des collectivités locales

ou des établissements publics administratifs (ce qui le distingue de la

parafiscalité) sur le bénéficiaire d’un avantage particulier procuré à l’occasion

du fonctionnement d’un service public (ce qui le distingue d’un impôt) sans

corrélation nécessaire avec le coût du service (ce qui le distingue de la

redevance600.

Par conséquent, SONATEL considère que la ressource est qualifiée comme taxe

dès lors que le prélèvement est obligatoire au profit de l’Etat. Ce qui est le cas

en l’espèce601.

A l’appui de son recours, SONATEL invoque la suprématie des engagements

internationaux et l’impossibilité d’instituer une taxe par décret. L’article 98 de la

Constitution prévoit le caractère supra législatif d’une convention internationale

à la condition de son application par l’autre partie.602

599 Journal officiel de la République du Sénégal. 156 années, n°6609 du jeudi 25 aout 2011. 600 Ive. Gaudemet, Finances publiques, tome 2, 3° édition. Paris, Montchrestien 1981, n°534, page 116 601Les arguments de la SONATEL sont exprimés dans le recours adressé à la Cour Suprême contre le décret

n°2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de taxation des communications internationales

entrant en République du Sénégal. Cependant, ce décret est abrogé et remplacé par le décret n°2011-1271 du 24

août 2011. 602 Cette convention est disponible sur le site de l’UIT (www.uit.int. Page consultée le 2 janvier 2011).

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Le Sénégal, en tant que membre de l’Union Internationale des

Télécommunications (UIT), a signé en 1989 la Convention de Melbourne qui

régit les télécommunications internationales.603

En diverses dispositions, la Convention stipule, notamment à :

L’article 1.6 d’appendice 1 : « Lorsqu’une administration ou exploitation

privée est assujettie à un impôt ou à une taxe fiscale sur les quotes-parts

de répartition ou autres rémunérations qui lui reviennent, elle ne doit pas

prélever à son tour un impôt ou une taxe fiscale sur les autres

administrations ou exploitations privées » ;

L’article 6.3.1 précise : « quand la législation nationale d’un pays prévoit

l’application d’une taxe fiscale sur la taxe de perception pour les services

internationaux de télécommunications, cette taxe fiscale n’est

normalement perçue que pour les services internationaux facturés aux

clients de ce pays ».

D’autre part, sur la forme, la compétence de fixer une taxe est du domaine de la

loi. En vertu de l’article 67 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant

l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute

nature.

Contrairement à cette norme suprême, la taxe était instituée par un décret. De

même, le Conseil des Ministre de l’UEMOA, lors de sa réunion du mois de

novembre 2010 à Bamako, a demandé au Sénégal de ne pas appliquer cette taxe

aux appels en provenance des pays membres de l’UEMOA604. C’est dire que 604 Le compte rendu de cette réunion est inédit. Mais il est disponible au Ministère en charge des

télécommunications, à l’ARTP et en principe, dans tous les départements ministériels qui s’occupent des

télécommunications dans les membres de l’espace UEMOA.

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cette taxe est contraire à la perspective de construction d’un marché

communautaire.

Contre ces arguments de SONATEL, ARTP soutient que l’Etat est libre

d’organiser souverainement les télécommunications sur son propre territoire,

comme il l’entend et de les soumettre au régime juridique de leur choix, c'est-à-

dire à celui qui leur paraît le mieux adapté aux traditions juridiques du pays, à la

doctrine politique dominante, aux nécessités de développement économique

national. C’est d’ailleurs pourquoi le préambule du Règlement des

télécommunications internationales consacre expressément que le droit

souverain de réglementer ses télécommunications est pleinement reconnu à

chaque pays605.

Par ailleurs, le régulateur des télécommunications du Sénégal rappelle les

réserves formulées par l’Etat du Sénégal en signant la convention de Melbourne.

En effet :

En signant les Actes finaux de la Conférence administrative mondiale

télégraphique et téléphonique (Melbourne 1988), la délégation de la République

du Sénégal déclare formellement, au nom de son Gouvernement, que son pays

n’accepte aucune obligation au sujet de l’application d’une quelconque

disposition relative aux arrangements particuliers figurant dans le présent

Règlement.606

Donc pour le régulateur, l’Etat est fondé de prendre des dispositions législatives

et réglementaires applicables aux télécommunications sans être en violation du

droit international.

605 UIT, Règlement des télécommunications internationales, Genève, UIT 1989, p.3. 606 IUT, Règlement des télécommunications internationales. op.cit, p. 55.

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Sur la qualification de la taxe, l’Etat précise que la quote-part n’est pas payée

par le contribuable sénégalais mais par les opérateurs étrangers607. De la

même façon que les ressources du sous-sol constituent un patrimoine, le

territoire de la République du Sénégal, ainsi que l’espace qu’il renferme, y

compris tout le domaine public artificiel, le potentiel de communication avec

sa population notamment avec celle émigrée, constituent un patrimoine dont

la gestion est assurée par le pouvoir exécutif. Ce dernier est par conséquent en

droit de réclamer une contrepartie financière imposée comme condition à

l’interconnexion au réseau national de télécommunication par les opérateurs

étrangers.

Par ailleurs, le Ministre de la communication soutient que le terme taxe ne doit

pas être entendu au sens d’impôt. En effet, la « taxe » est une terminologie

utilisée dans les télécommunications internationales. Dans le règlement des

télécommunications internationales (RTI) :

La taxe est le prix interne fixé d’un commun accord entre opérateurs de

télécommunications pour l'acheminement du trafic international entre deux

points. Ce prix sert à déterminer le prix facturé par l’opérateur d'arrivée à

l’opérateur de départ, et correspond généralement à la moitié de la taxe de

répartition (également appelée quote-part de répartition)608. 607 Ces arguments sont de Monsieur Moustapha GUIRASSY, Ministre en charge de la communication dans les

ondes de la RFM. L’interview a été reprise par seneweb le 6 septembtre 2011. (www.seneweb.com. Page

consultée le 7 septembre 2011). 608La taxe de répartition est définie par l’article 2 du Règlement des télécommunications comme étant une taxe

fixée par accord entre administration pour une relation donnée et servant à l’établissement des comptes

internationaux. Tandis que la taxe de perception est celle établie et perçue par une administration sur ses clients

pour l’utilisation d’un service international de télécommunication.

Dans le secteur des télécommunications, lorsqu’un appel téléphonique international est effectué d’un pays à un

autre, l’exploitant du pays d’où vient l’appel procède généralement à un paiement de compensation en faveur de

l’exploitant du pays où aboutit l’appel. Ces paiements sont effectués lorsque le trafic est plus important dans un

sens que dans l’autre. Leur montant est calculé sur la base des "taxes de répartition" négociées au niveau

bilatéral. Le système dit de taxes de répartition est décrit dans le Règlement des télécommunications

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Par conséquent, ici la notion de « taxe » ne signifie pas un impôt au sens de la

législation fiscale en vigueur au Sénégal.

Enfin, la quotte - part de l’Etat n’est pas un seuil standard, mais est établie à la

suite d’études et de benchmark sur les niveaux des tarifs des appels entrant dans

les pays voisins et étrangers.

Ce contentieux entre l’Etat du Sénégal et la SONATEL a l’avantage de

mettre à nu une volonté des autorités politiques de capturer des ressources

financières générées par le secteur des télécommunications pour financer le

développement d’autres secteurs moins rentables. Ce qui constitue une ambition

légitime.

Cependant, une telle pratique pourrait impacter sur le développement de

réseau unique au sein de l’espace communautaire. Selon une étude de

l’UEMOA, il existe deux conceptions du réseau unique :

1. le réseau unique désigne les facilités offertes à un client d’un réseau A

pour utiliser les services (voix et data) d’un réseau B, en général situé

dans un autre pays, avec la carte SIM de son réseau d’origine ;

2. le réseau unique se définit également au sens des infrastructures ; dans

ce cas, il peut désigner une infrastructure construite par plusieurs

opérateurs et exploitée par chacun d’eux pour offrir des services à leurs

internationales (RTI), Traité international administré par l’UIT, dont la dernière mise à jour date de 1988. Le

RTI est complété par les Recommandations de la "Série-D", qui sont l’œuvre de la Commission d’études 3 du

Secteur de l’UIT de la normalisation des télécommunications.

Le système des taxes de répartition fait appel à plusieurs méthodes différentes mais, depuis quelques années, le

système de rémunération le plus souvent utilisé est la "méthode de division des recettes de répartition". Selon ce

système, un règlement net est effectué sur la base de la différence de trafic (en minutes), multipliée par la moitié

de la taxe de répartition (quote-part de répartition ou taxe de règlement). Voir IUT, Règlement des

télécommunications internationales, Genève, IUT 1989, page 6. Voir aussi les recommandations D-150 de

l’UIT-T sur le site officiel de l’UIT (www.itu.int.Page consultée le 18 mars 2010).

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351

clients respectifs. 609

Aujourd’hui, certains opérateurs sont présents dans plusieurs pays de la sous-

région et proposent des tarifs avantageux au profit de leurs abonnés610. Ce qui

pourrait encourager la baisse des tarifs de télécommunication.

C’est pourquoi nous considérons que le Sénégal, en cohérence avec le cadre

juridique communautaire, doit construire une stratégie pour mieux profiter des

échanges du trafic international.

Par la même occasion, il doit adapter la régulation nationale à l’interconnexion.

Pour une régulation efficace de l’interconnexion au niveau national, le Sénégal

doit s’approprier les directives sur les meilleures pratiques pour le passage aux

réseaux de prochaines générations (NGN) au colloque des régulateurs de

2007611.

Ce colloque avait formulé entre autre, les recommandations suivantes :

a. du fait que l'interconnexion est un élément décisif dans toute transition

vers un nouvel environnement, le régulateur doit définir des modèles

609 Performance Management consulting pour le compte de l’UEMOA, « Etude sur la mise en place d’un réseau

unique de téléphonie mobile dans l’espace UEMOA », Ouagadougou, septembre 2011. 610 Certains groupes présents dans l’espace UEMOA proposent des tarifs préférentiels pour leurs abonnés dans

les pays membres de l’UEMOA. Il s’agit des entreprises suivantes :

- le groupe Orange est présent dans cinq pays de l’UEMOA à savoir, le Sénégal, le Niger, le Mali, la

Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire ;

- le groupe MTN est présent dans trois pays de l’UEMOA. Il s’agit de la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire,

le Bénin ;

- le groupe Moov est présent dans quatre pays qui sont la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Niger. 611http://www.itu.int/newsroom/press_releases/Guidelines-fr.html.Page consultée le 31 décembre 2010.

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352

d'interconnexion souples et précis, de sorte que la transition vers les

réseaux NGN puisse se faire sans heurt;

b. le régulateur doit analyser l'ensemble des questions qui se posent en

matière de transition vers les réseaux NGN, par exemple: définition des

marchés économiques ou des marchés importants, évolution des modèles

de tarification de l'interconnexion, qualité de bout en bout dans le cas de

l'interconnexion dans un environnement IP et interconnexion de réseaux de

données ou de services par opposition à l'interconnexion de réseaux

téléphoniques;

c. le régulateur doit prendre des initiatives débouchant sur de nouveaux types

d'activités économiques, à l'exemple des "espaces d'interconnexion" qui

offrent aux fournisseurs de services de télécommunications et de réseau, et

à leurs clients un lieu d'installation des routeurs, des équipements de

réseau et des équipements de stockage, qui se trouvent ainsi à proximité

les uns des autres;

d. dans un environnement IP612où la question des connexions entre les

services quelles qu'elles soient n'est plus claire et que l'interopérabilité des

services dépend de nombreux paramètres techniques qui doivent faire

l'objet d'un accord entre les parties intéressées, de politiques d'échange de

trafic613 entre entités homologues ainsi que des conditions d'admission

particulières. Le cas échéant, le régulateur doit suivre et analyser

l'évolution dans ce domaine et, quand cela s’avère nécessaire, définir des

politiques réglementaires en ce qui concerne les services obligatoires.

612 Voir les travaux de la commission d’études 1, notamment sur la question 19-2/ « Mise en place des services

de télécommunications IP dans les pays en développement ». Rapport de la commission d’étude 1 du Document

n°1/115-E du 29 août 2011, du 5 au 9 septembre 2011 à Genève ; (www.itu.int. Page consultée le 19 septembre

2011). 613 Voir William B. Norton The internet Peering: connecting to the core of the internet, California Dr Peering

Press, edition 2012, p. 9.

Page 353: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

353

Ainsi, l’adaptation de la réglementation de l’interconnexion à l’environnement

des NGN est un impératif. De même, pour mieux renforcer la concurrence, il

convient d’introduire des services avancés de l’interconnexion.

Paragraphe II :

Introduction des services avancés de l’interconnexion

Pour renforcer la concurrence dans le secteur des télécommunications,

certains acteurs ont proposé l’introduction de nouveaux leviers de régulation

dont principalement le dégroupage (1) et le partage des infrastructures (2).

1. Dégroupage de la boucle locale et partage des infrastructures

Aux termes de l’article 15 de l’Acte Additionnel A/SA.2/01/07 relatif à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, « les Etats membres

doivent veiller à ce que :

- les opérateurs alternatifs à travers le dégroupage puissent offrir des

services de type triple play (Internet haut débit, voix et télévision) ;

- tous les équipements des opérateurs alternatifs nécessaires à la mise en

œuvre de l’accès à la boucle locale puissent être co-localisés … »

Page 354: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

354

La boucle locale614est le nom donné à la partie d'un réseau de

télécommunication situé entre la prise téléphonique de l'abonné final et le

central local. Plus précisément, le terminal de l'abonné peut être un poste

téléphonique, un modem ou une installation complexe (PABX) d'une grande

entreprise. De l'autre côté, la boucle locale s'arrête au " répartiteur ", armoire qui

concentre l'ensemble des lignes d'usagers avant de les renvoyer vers le

commutateur téléphonique lui-même. Le support physique à ces raccordements

d'abonnés est, dans le cas général, une paire de cuivre torsadée615.

Le réseau local, existant au Sénégal, est la propriété d’opérateurs privés, à savoir

SONATEL, SENTEL Gsm et EXPRESSO Sénégal. Il n'est pas possible

économiquement, pour un nouvel opérateur, de le répliquer intégralement.

Pourtant, y avoir un accès direct est d'une importance stratégique pour un nouvel

opérateur de télécommunications entrant : il lui permet de gérer de bout en bout

le réseau qui le relie à ses clients, et de proposer des offres différenciées. Ainsi,

il est prévu par l’article 15 de l’Acte Additionnel sur l’interconnexion, que les

Etats membres veillent à ce que les opérateurs historiques de leurs pays

respectifs fournissent à leurs concurrents un accès direct à leur boucle locale :

c'est le dégroupage.

Le nouveau code des télécommunications conformément aux dispositions du

droit communautaire a consacré le dégroupage. Aux termes de l’article 53 de la

loi 2011-01 portant code des télécommunications du 24 février 2011, l’ARTP

veille à ce que :

614 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications : réglementation de l’interconnexion, Genève,

3ème édition 2000, p. 265. 615http://www.arcep.fr/index.php?id=69. Page consultée le premier janvier 2011.

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355

- les nouveaux entrants puissent accéder à la boucle locale sur la base d’un

calendrier prédéfini ;

- les nouveaux entrants soient tenus, de par le cahier des charges, à un

déploiement minimal d’infrastructure tandis que les opérateurs puissants

s’engagent à leur fournir l’accès aux paires de cuivre en même temps que

la possibilité de co-localisation dans leurs propres locaux pour faciliter le

dégroupage.

Dans la mise en œuvre, l’organe de régulation est chargé d’approuver l’offre

technique et tarifaire de dégroupage.

Cet accès dégroupé au réseau local consiste en la fourniture de paires de cuivre

nues à l'opérateur alternatif qui installe, alors lui-même, ses propres équipements

de transmission sur ces paires. L'usage du réseau local de l'opérateur historique

est naturellement rémunéré par l'opérateur utilisateur. Ce dernier doit placer ses

équipements de transmission à l'extrémité de la boucle locale, pour pouvoir

relier ces lignes à son propre réseau. Il doit pouvoir héberger ces équipements à

proximité immédiate du répartiteur de l'opérateur historique : une offre de co-

localisation dans les locaux de l'opérateur historique doit donc être proposée aux

opérateurs tiers comme corollaire au dégroupage lui-même.

Le dégroupage se décline en deux possibilités que sont:

le dégroupage616 " total ", ou accès totalement dégroupé à la boucle

locale, qui consiste en la mise à disposition de l'intégralité des bandes de

fréquence de la paire de cuivre. L'utilisateur final n'est alors plus relié au

réseau de l’opérateur historique propriétaire de l’infrastructure, mais à

celui de l'opérateur nouvel entrant ; 616 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications : réglementation de l’interconnexion, Genève,

3me édition 2000, p. 55.

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356

le dégroupage " partiel ", ou accès partiellement dégroupé à la boucle

locale, consistant en la mise à disposition de l'opérateur tiers de la bande

de fréquence " haute " de la paire de cuivre, sur laquelle il peut alors

construire, par exemple, un service ADSL617. La bande de fréquence basse

(celle utilisée traditionnellement pour le téléphone) reste gérée par

l’opérateur historique propriétaire de l’infrastructure, qui continue de

fournir le service téléphonique à son abonné, sans aucun changement

induit par le dégroupage sur ce service.

Les politiques de dégroupage visent à réduire les obstacles économiques et

techniques qui freinent l'entrée des concurrents sur le marché. Les coûts

importants en capitaux, qu'implique la construction de réseaux, faisant double

emploi, constituent un obstacle notable pour les nouveaux arrivants. Les

concurrents ne seront peut-être pas désireux ou en mesure de financer la

construction de réseaux complets. En revanche, ils accepteront peut-être de

construire des éléments de ces réseaux.

Par exemple, ils peuvent mettre en place certains commutateurs, installations de

transmission entre centres et lignes d'accès dans quelques endroits. Si le cadre

réglementaire le permet, les concurrents peuvent alors obtenir de l'opérateur

historique d'autres éléments de réseaux à d'autres endroits tels que capacité de

commutation et lignes d'accès. Les nouveaux opérateurs peuvent ainsi combiner

de manière efficace les éléments de réseau qu'ils ont construits eux-mêmes avec

ceux de l'opérateur historique.

L’introduction de levier est une garantie souvent demandée par le nouvel 617 ADSL c’est la ligne d’abonné numérique asymétrique. C’est une technique permettant d’offrir des services

de transmission de données à haut débit sur des câbles à paires de fils de cuivre torsadés, généralement avec un

débit de plus de 256 kbit/s en aval, mais avec un débit inférieur en amont. Voir la Recommandation UIT-T

G.992.1.

Page 357: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

357

entrant, ce qui permettra de favoriser la mise en concurrence au cas où cela ne

serait pas possible. L'utilisation des éléments de réseau de l'opérateur historique

par des concurrents sera souvent provisoire. Le concurrent bâtira peu à peu ses

propres installations et deviendra un opérateur à part entière utilisant ses propres

installations.

De nombreux opérateurs historiques ne sont disposés à laisser leurs concurrents

accéder à des éléments de réseau dégroupés que si la réglementation les y

oblige618. Il s’agit, là encore, d'un sujet de controverse dans certains pays et pour

certains experts. Mais le dégroupage obligatoire des réseaux est de plus en plus

courant.

La tendance au dégroupage a été fortement renforcée dans le Document de

référence de l'OMC sur les télécommunications de base. Il est dit, dans ce

Document, que les principaux fournisseurs doivent accorder l'interconnexion

selon une approche suffisamment dégroupée pour qu'un fournisseur n'ait pas à

payer pour des éléments de réseau ou des installations dont il n'a pas besoin pour

le service à assurer. Cette déclaration va dans le sens de la politique du

dégroupage mais elle n'en reste pas moins très générale. Elle ne donne guère

d'orientations pour l'élaboration de politiques nationales de dégroupage. Et

certains pays se sont engagés à sa mise en œuvre.

Les politiques de dégroupage sont apparues aux Etats-Unis, au Canada, en

Australie, à Singapour, à Hongkong et dans d'autres pays, et, plus récemment,

dans l'Union européenne.619Le cadre réglementaire, concernant les services de

618Voir la Communication de F.F. Tusubura “ West african telecommunication regulators association

forum on open access and SAT-3: Uganda’s national data backbone”, Abuja, 2007. (http://www.nettelafrica.org

Page consultée le 8 juin 2008).

619HankIntven Mc CarthyTétrault, Manuel sur la réglementation des télécommunications,

Washington édition Cabinet Hank Intven, Jeremy Olivier, Edgardo Sepulveda, première édition

novembre 2000, p. 42.

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358

communications électroniques proposés par la Commission européenne le 12

juillet 2000, donne un nouvel essor bien marqué pour la mise en œuvre de

politiques nationales de dégroupage. Il convient tout particulièrement à cet égard

de noter la réglementation de l'Union européenne sur les dégroupages de la

boucle locale qui entre en vigueur le 31 décembre 2000620.

Comme dans ces pays, le régulateur doit prendre les dispositions nécessaires

pour rendre effective le dégroupage. Et la mise en œuvre de ce dégroupage au

Sénégal est une opportunité pour développer l’activité des fournisseurs de

services de télécommunications car ils auront un accès plus avantageux à

l’infrastructure de l’opérateur historique.

2. Partage d’infrastructures

Le partage des infrastructures constitue un enjeu de taille pour promouvoir la

concurrence dans les marchés nationaux des pays membres et le marché

communautaire621. C’est pourquoi l’article 10 de l’Acte Additionnel

A/SA.2/01/07, relatif à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des

TIC, définit les modalités du partage. L’alinéa premier de l’article 10 prévoit

que « les Etats membres s’assurent que les Autorités nationales de régulation

encouragent le partage d’infrastructures passives et actives. »

620HankIntven Mc CarthyTétrault. Op.cit. p. 43. 621 C’est pourquoi la Banque Mondiale accompagne certains pays pour l’installation de Câbles dont la demande

de capacité est importante, pour promouvoir la concurrence. Actuellement, cinq projets de construction de

câbles dans des pays africains sont validés par le Conseil d’administration de la Banque Mondiale. Les pays

concernés sont le Cameroun, la République Centre Africaine, le Tchad, le Gabon et le Sao tomé Principe. Voir

Jérôme BEZZINA, Chef de projet CAB, Banque Mondiale, « le projet CAB », Ouagadougou, séminaire

FRATEL 2012.

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359

Nous distinguons deux formes de partages d’infrastructures, à savoir le partage

d’infrastructures passives et le partage d’infrastructures actives622.

Le partage d’infrastructures passives623permet aux opérateurs d’utiliser en

commun les éléments non électriques des réseaux de télécommunications, qui

relèvent des travaux de génie civil : droit de passage et servitudes, conduites,

pylônes, tours, tranchées, poteaux, locaux techniques et systèmes connexes

d’alimentation électrique, de climatisation et de sécurité624. Ces installations et

systèmes ne sont naturellement pas les mêmes d'un réseau à un autre. Les

réseaux mobiles nécessitent l'installation de tours, tandis que les réseaux de

raccordement et les dorsales à fibres optiques imposent l'acquisition de droits de

passage pour la mise en place des câbles, sur pylônes ou dans des tranchées. Les

installations passerelles internationales, par exemple les stations d'atterrissage de

câbles sous-marins625, peuvent se prêter à la co- localisation ou servir de points

de connexion, de sorte que les opérateurs peuvent ici se faire directement

concurrencer sur le marché des services internationaux626.

Le partage des infrastructures passives peut rendre plus efficace la fourniture

des télécommunications627. La possibilité de partager et de co-implanter

622 Susan Schorr, Chef a.i de la Division de l’environnement réglementaire et commercial, BDT/ITU « six

degrés de partage », in Tendances des réformes dans les télécommunications 2008, Genève, édition 2008 page

33. 623http://www.itu.int/ITU-D/treg/publications/Trends08_summary-F.pdf .page consultée le 3 janvier 2011. 624 Voir Eric VEVE « les enjeux des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, séminaire FRATEL 2012 625 Voir M. Nezih DINCBUDAK, directeur des affaires réglementaires Afrique, Moyen-Orient et Asie, France

Télécom, « Connectivités terrestres et sous-marines : un enjeu majeur pour bâtir une e-société », Ouagadougou,

séminaire FRATEL, 2012. 626 Voir Brahim OUMAR, Coordonnateur du Projet CAB, Tchad, « Câble à fibre optique du Tchad »,

Ouagadougou, séminaire FRATEL, 2012. 627 En France, France Télécom dispose d’infrastructures considérables qui supportent le réseau téléphonique :

- 350 000 Km d’artères de génie civil souterrain en conduite (fourreaux) ;

- Environ 13 millions de poteaux et plusieurs millions de supports sur les poteaux électriques,

généralement gérés par ERDF.

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360

l’infrastructure peut considérablement réduire les obstacles à la mise en

concurrence628. L’acquisition, des droits de passage et d’autres autorisations

nécessaires pour construire les lignes de poteaux ou les pylônes, creuser les

tranchées ou installer des conduites, peut prendre beaucoup de temps et coûter

très cher. Partager l’infrastructure et la co-implantation peut réduire les frais

pour le nouvel opérateur tout en assurant des recettes supplémentaires aux

opérateurs historiques629.

Un autre avantage peut aussi être noté avec son faible impact sur

l’environnement et aussi sur le public.

Il arrive que le partage des infrastructures s’effectue sans qu’il soit nécessaire

d’intervenir au niveau de la réglementation. Les deux parties peuvent prévoir le

partage dans la convention d’interconnexion signée. Mais lorsqu’il s’agit d’un

opérateur en position dominante, il est tenu de prévoir les tarifs et les conditions

techniques d’accès à ses infrastructures dans le catalogue d’interconnexion.

L’article 6.1 du catalogue d’interconnexion de 2010 630de la SONATEL prévoit

une offre de co -localisation. Il prévoit :

C’est dans ce sillage que l’ARCEP encourage le partage des infrastructures de génie civil existantes, notamment

les infrastructures de France Télécom, pour réduire significativement les coûts de déploiement. Voir les

Rapports de l’ARCEP, « La montée vers le très haut débit sur l’ensemble du territoire : Guide sur le déploiement

de la fibre optique à l’usage des élus et des collectivités territoriales », Paris, ARCEP, juillet 2011, p. 19.

628 Voir M. Ali SOUNGUI, sous-directeur interconnexion ART Cameroun, « Partage et mutualisation des

infrastructures : Expérience du Cameroun », Ouagadougou, séminaire FRATEL 2012. Au Cameroun, un accord

cadre est mis en place pour permettre un partage des infrastructures entres acteurs du secteur de l’électricité et

des télécommunications. 629 Selon les chiffres de 2011, les pays du FRATEL constituent 26 % de la population africaine et utilisent 5%

de la bande passante internationale. De ce constat, Monsieur Claude De JACQUELOT propose une

mutualisation des infrastructures pour promouvoir la compétition. Voir Claude De JACQUELOT, « Les enjeux

des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, FRATEL 2012. 630 Le catalogue d’interconnexion de SONATEL est disponible sur le site de l’ARTP. (www.artp.sn. Page

consultée le 13 novembre 2010).

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361

Qu’un opérateur qui souhaite réaliser lui-même la liaison d’interconnexion

jusqu’au répartiteur MIC du commutateur de rattachement (commutateur

d’abonnés, commutateur de transit, commutateur mobile) peut le faire, dans la

limite de la capacité technique du bâtiment où est situé le commutateur, et

accepter la Co-localisation ainsi que des disponibilités en capacités

d’hébergement du site.

SONATEL donnera sa réponse sur la faisabilité et le délai de réalisation de

l’offre de Co- localisation au plus tard un mois après la réception de la

demande de Co -localisation. L’opérateur interconnecté devra préciser le type

d’équipement envisagé (fournisseur, dimensions, débits prévus). En cas de refus,

SONATEL motivera les raisons de rejet d’une demande de Co- localisation

exprimée par l’opérateur interconnecté.

Ces dispositions du catalogue d’interconnexion ne garantissent pas l’effectivité

du partage d’infrastructures et ouvrent la porte à des abus de position dominante.

C’est pourquoi, l’alinéa premier de l’article 10 de l’Acte Additionnel

A/SA.2/01/07 relatif à l’interconnexion des réseaux et services du secteur des

TIC prévoit que le partage doit se faire dans des conditions d’équité, de non-

discrimination et d’égalité d’accès. En ce sens, le régulateur doit élaborer une

procédure traitant des relations entre les exploitants des réseaux publics quant

aux conditions et au partage d’infrastructures, notamment celles relatives aux

délais et à l’accès aux informations nécessaires pour la mise en place.

Dans le contexte actuel du marché des télécommunications, le Sénégal qui ne

s’est pas encore doté d’une bonne réglementation en matière de partage des

infrastructures, pourrait transposer ces dispositions.

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Le partage d’infrastructures actives631concerne les éléments électroniques du

réseau notamment, l’intelligence du réseau installé dans les stations de base et

les équipements des réseaux mobiles, les commutateurs des nœuds d’accès et

enfin les systèmes de gestion des réseaux à fibres optiques. Le partage des

infrastructures actives prête davantage à controverse, puisqu’il porte sur les

éléments essentiels de création de valeur dans la chaine d’activité économique.

Ce partage peut donner lieu à des pratiques anticoncurrentielles comme l’entente

sur les prix ou sur les offres de service632.

Mais il reste pertinent que le partage d’infrastructures est un levier essentiel

pour encourager la concurrence dans les pays comme le Sénégal.

631 Susan Schorr. Op.cit. Page 35. 632 En Côte d’Ivoire, la situation de monopole de Côte d’Ivoire Télécom sur le Câble SAT3 a impacté sur la

concurrence dans le marché des Télécoms du fait des tarifs appliqués aux concurrents. C’est pourquoi l’Etat

compte réaliser un Réseau National Haut Débit pour encourager la baisse des tarifs d’accès afin de promouvoir

la concurrence. Voir Jean –Michel KOUAKOU, sous-directeur de la qualité de l’audit et de la qualité, ATCI,

« Les enjeux des câbles internationaux de fibre optique », Ouagadougou, FRATEL 2012.

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363

SECTION II :

ADAPTATION DE LA REGULATION DES RESSOURCES RARES A

L’EVOLUTION TECHNOLOGIQUE

L’adaptation de la régulation à l’évolution technologique consiste d’une part,

à adapter la régulation du passage de l’analogie au numérique (paragraphe I), et

d’autre part, à adapter la gestion des ressources en numérotation, des adresses

IP et des noms de domaine par rapport à la convergence (paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Adaptation de la régulation du passage de l’analogie au numérique

L’adaptation de la régulation du passage de l’analogie au numérique passe

par l’encadrement juridique de celui-ci (1) et l’utilisation efficace du dividende

numérique (2).

1. Encadrement juridique du passage de l’analogie au numérique

Le passage au numérique intervient lorsque le signal de télévision analogique

est converti en services de radiodiffusion télévisuelle numérique633 qui s’y

substituent. Ce passage se fait quelquefois en une seule fois, et nous parlons

alors d’extinction de l’analogique. Toutefois, les deux peuvent coexister pendant

un temps, le temps d’une phase de transition.

Le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) requiert

l’utilisation de ressources hertziennes. Pour cela, deux options sont possibles, à

savoir l’utilisation de fréquences libérées par l’extinction de la télévision

analogique ou l’utilisation de ressource spécifique634. Rappelons au passage que

la Coordination de la gestion des fréquences est une mission de l’Union

Internationale des Télécommunications (UIT) au niveau mondial.

Du 15 mai au 16 juin 2006, s’est tenue à Genève sous l’égide de l’UIT, la

CRR-06635. Cette conférence mondiale des radiocommunications avait pour

objet d’organiser le paysage de la diffusion hertzienne le jour où l’analogique 633 Jean-Marc Chaduc, La gestion des fréquences, Paris, édition Hermès, du juillet 2005, p. 143. 634 L’annexe 1 de l’accord CRR-06 définit la composition du plan numérique et du plan analogique.

Selon l’article 3.1.1, le plan numérique est composé de deux bandes à savoir la bande 174-230 Mhz et la bande

470-862 Mhz. Cette dernière comprend les assignations du plan pour la radiodiffusion T-DAB, les allotissements

du Plan pour la radiodiffusion DVB-T, les assignations pour la radiodiffusion DVB-T et les allotissements pour

la radiodiffusion DVB-T). Voir l’Acte final CRR-06. Op.cit. p 10. 635 Voir l’Acte final de CRR-06. Ibidem.

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disparaîtrait. Lors de cette conférence, 119 des 189 pays membres de l’Union

Internationale de la Télécommunication (UIT) étaient présents dont le Sénégal.

Le plan de fréquences adopté à Genève en 2006 est issu des Conférences

régionales sur les radiocommunications de 2004636 et de 2006637, et remplace

celui de Stockholm de 1961 (ST61) qui établissait le plan de fréquences de

radiodiffusion pour l’Europe, l’Afrique et de nombreuses parties de l’Asie638.

Ce traité, initié par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), a

fixé la date limite de la migration de la télévision analogique vers la télévision

numérique au 17 juin 2015.

Aux termes de l’article 8 de l’Accord CRR-06, « l’Accord engage les Membres

contractants dans leurs rapports mutuels mais n’engage pas les Membres dans

leurs relations vis-à-vis des membres non contractants.

Si un membre contractant formule des réserves au sujet de l’application d’une

disposition de l’Accord, les autres membres contractants ne sont pas tenus

d’observer cette disposition avec le membre qui a formulé les réserves. »639

Le passage de l’audiovisuel analogique au numérique consiste à arrêter la

diffusion analogique des chaines de télévision et de radio, et à la remplacer par

celle numérique.

La télévision analogique est régie par l’Accord régional de Genève 1989, plus

connu sous le nom de GE89640.

636 La première session chargée de préparer un rapport à l’intention de la seconde de 2006 s’est tenue du 10 au

28 mai 2004. Op.cit. p. 9 637 La seconde session chargée de rédiger l’Accord et le plan associés s’est tenue à Genève du 15 mai au 16 juin

2006. Voir Acte final Accord CRR-06. Ibid. p. 9. 638 Les pays africains ont signé l’Accord ST61 en 1989. Voir Tendances des réformes des télécommunications

2010/2011 : favoriser le monde numérique de demain, Genève, UIT 2011 p. 176 et p. 199. 639 Voir l’Acte final Accord CRR-06. Ibidem. p. 23.

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366

Cet Accord contient des Plans d’assignation de fréquences aux stations de

radiodiffusion télévisuelle et les caractéristiques associées en ondes métriques et

décimétriques dans la zone africaine de radiodiffusion641.

Les Actes finals décrivent les procédures de coordination entre les pays

signataires de cet Accord et les procédures de notification642. Ils permettent aussi

de calculer les rapports de protections inter-porteuses et de faire des prévisions

en matière de propagation.

La zone africaine de radiodiffusion est composée :

- des pays africains situés entre les parallèles 40 Sud et 30 Nord ;

640 Selon le préambule de l’Accord GE89, les délégués, dûment accrédités des membres de l'Union

Internationale des Télécommunications, sont réunis à Genève pour une conférence administrative régionale des

radiocommunications convoquée aux termes des articles 7 et 54 de la Convention internationale des

télécommunications (Nairobi, 1982) afin de fixer les termes d'un Accord comportant un Plan pour la

radiodiffusion télévisuelle dans les bandes indiquées. Dans l'article 3 du présent Accord, ont adopté, sous

réserve de l'approbation des autorités compétentes de leurs pays respectifs, les dispositions suivantes et le Plan

relatif à cela concernant le service de radiodiffusion télévisuelle dans ces bandes ainsi que des dispositions

relatives à d'autres services primaires ou permis dans la zone de planification définie à l'article 1 du présent

Accord. Voir l’Acte final de « l’Accord régional relatif à la planification de la radiodiffusion télévisuelle en

ondes métriques et décimétriques dans la zone africaine de radiodiffusion et les pays voisins ». Genève, 1989, p.

1.

641 Pape CIRE CISSE, Directeur de la Direction des Radiocommunications de l’ARTP et Président de la

Commission technique nationale de transition de la télévision analogique à la télévision numérique, « Stratégie

nationale de passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique », Dakar, 2010, p. 14,

document inédit. 642 Voir l’article 4 de l’Accord CRR-06. Op.cit. pp. 11-19.

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- des îles de l’Océan indien à l’Ouest du méridien 60Est de Greenwich

situées entre le parallèle 40 Sud et l’arc de grand cercle joignant les

points de coordonnées 45 Est, 1130’ Nord et 60 Est, 15 Nord ;

- des îles de l’Océan atlantique à l’Est de la ligne B comme indiqué dans

l’annexe 1, situées entre les parallèles 40 Sud et 30 Nord.

Le Plan de Genève 89 a adopté les bandes métriques et décimétriques

suivantes pour le Sénégal643 :

Bande III : 174 à 230 MHz644 (7 canaux de 8 MHz);

Bande IV : 470 à 582 MHz (14 canaux de 8 MHz);

Bande V : 582 à 862 MHz (35 canaux de 8 MHz).

Les caractéristiques d’émission qui sont utilisées dans le Plan de GE89 sont :

système couleur : SECAM K1645, ou PAL B/G646 ;

directivité des antennes d’émission : non-directif (ND) ou directif (D)

selon les localités ;

polarisation : horizontale (H) ;

largeur nominale du canal : 7 ou 8 MHz ;

écart entre porteuse son et porteuse image : 5,5 ou 6.5 MHz ;

modulation pour l’image : modulation d’amplitude négative à bande

latérale résiduelle ;

modulation pour le son : modulation de fréquence ;

excursion de fréquence pour le son : ± 50 kHz ; 643 Voir l’article 3.1 de l’Accord GE 89.Op. cit. p. 3. 644 Hz est une unité de mesure de la fréquence égale à un cycle par seconde. Il convient de rappeler qu’une

fréquence est le rythme auquel un courant électrique alterne, généralement exprimé en Hertz. Le terme Hz est

utilisé pour se référer à un endroit sur le spectre radioélectrique, comme 800, 900 ou 1800Mhz. 645 SECAM est un système de télévision analogique utilisé en France, en Russie et dans les anciens pays de la

CEI et dans certaines parties de l’Afrique. 646 PAL est un système de télévision analogique utilisé principalement en Europe. Il a été créé en grande partie

pour répondre aux insuffisances constatées avec le système NTSC pour la télévision européenne standard

50Hertz.

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rapport PAR image/son : 10dB ;

fréquence ligne : 15625 Hz ;

espacement entre canaux : 8 MHz.

Il a été recensé, au Sénégal647, pour :

les bandes hertziennes VHF et UHF : RTS1, SN2, WALF TV,

2STV, CANAL INFO, RDV, AFRICABLE et TFM;

les exploitants de réseaux hertziens MMDS : EXCAF

TELECOM et DELTA NET TV ;

les chaînes satellitaires : RTS1, WALF TV, 2STV et TOUBA TV

les chaines sur câbles (TVIP/Orange): WALF TV, RTS1, SN2,

CANAL INFO, 2STV et AFRICABLE.

Au plan initial GE89 (Cf. Tableau 2), le Sénégal avait bénéficié de 35

fréquences TV dans les bandes UHF648 et VHF649 réparties dans 18 villes. Ce

plan a subi une modification en 2000 avec l’ajout de quatre (04) nouvelles

fréquences à Dakar.

Nonobstant cette modification du Plan GE89, les fréquences deviennent de plus

en plus rares dans cette partie du spectre à cause d’une demande accrue en

647 Voir le document de la commission technique du Comité national du Sénégal de transition de la télévision

analogique à la télévision numérique, « Passage à la radiodiffusion numérique », février 2011, pp. 5-10. Je

remercie en passant Monsieur Malick NDIAYE, Président du Comité national de transition de l’Audiovisuelle

analogique vers le numérique et Monsieur Pape CIRE CISSE, Président de la Commission technique pour leur

assistance scientifique. 648 UHF désigne des ondes décimétriques (698-806/862Mhz). 649 VHF signifie très hautes fréquences en anglais. Ces concepts techniques sont définis dans les glossaires des

« tendances des réformes dans les télécommunications », régulièrement publiées par l’UIT. Genève. Voir la

publication de 2011, pp. 408-421.

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fréquences. C’est pourquoi, l’UIT a organisé en Juin 2006, la Conférence

Régionale des Radiocommunications dans le but de mettre en place un nouveau

plan numérique pour la radiodiffusion terrestre.

Le plan GE89 a été remplacé en 2006 par le plan GE06A et les assignations du

Plan GE89 sont transférées dans le nouveau Plan GE06A.

Au plan mondial, les pays européens et africains comprenant très tôt l’enjeu et

les avantages de la TNT ont participé sous l’égide de l’UIT, à la Conférence

Régionale des Radiocommunications 2006, chargée de planifier les fréquences

de la radiodiffusion numérique terrestre dans les bandes de fréquences 174 - 230

MHz et 470 - 862 MHz, qui s'est tenue à Genève du 15 mai au 16 juin 2006.

Cette conférence a permis d’adopter un plan numérique de radiodiffusion qui

remplacera les plans pour la radiodiffusion analogique existants depuis 1961, en

Europe, et depuis 1989, en Afrique650.

Le plan couvre une grande partie du globe: l'Europe, les pays de la CEI,

l'Afrique, le Moyen-Orient et la République islamique d'Iran.

Le système de transmission numérique actuellement utilisé pour la radio est la

DAB pour Digital Audio Broadcasting. La composante terrestre T-DAB utilise

des canaux de télévision dans la bande III VHF. Chaque "ancien canal TV" est

divisé en 4 blocs DAB de 1,75 MHz651. L'objectif de la CRR-06 était d'organiser

au plan international le paysage de la diffusion hertzienne, le jour où 650 Voir annexe 1.5 de l’Accord CRR-06 portant Plan d’assignation de fréquences pour la radiodiffusion

télévisuelle analogique dans les bandes de fréquences 174-230 Mhz et de 470-862 pendant la période de

transition. Op. Cit. p. 33. 651 Voir le chapitre 3 de l’annexe 2 portant base technique pour les services de radiodiffusion de terre, de

l’Accord CRR-06.Op.cit. p. 160.

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l'analogique aura disparu. Ce Plan régional d'utilisation des fréquences, adopté à

l'issue de la Conférence de Genève 2006, prend ainsi la forme d'un immense

puzzle, avec des accords réciproques pour 78.000 fréquences au total, dont 513

pour le Sénégal.

La généralisation de la radiodiffusion numérique sera un progrès majeur dans

l'édification d'une société de l'information plus équitable, plus juste et à

dimension humaine. Le passage au numérique permettra de brûler les étapes

technologiques pour connecter les communautés mal desservies ou isolées et

pour réduire la fracture numérique652.

La période de transition a commencé depuis le 17 juin 2006. En principe, dans la

Région 1 de l’UIT, dont le Sénégal fait partie, il a été retenu l’année 2015 pour

l’extinction de la télévision analogique en bandes de fréquences UHF - IV et V

et VHF - III. Aux termes de l’article 12.6 de l’Accord CRR-06 :

La période de transition prendra fin le 17 juin 2015 à 0001UTC. Toutefois, pour

les pays indiqués dans la note de bas de page 1 ci-dessous, s’agissant de la

bande 174 -230 Mhz, la période de transition prendra fin le 17 juin 2020 à

0001UTC. Après la fin de la période de transition applicable, les inscriptions

correspondantes dans le Plan analogique seront annulées par le Bureau…

Cependant, pour beaucoup de pays européens qui ont déjà entamé le processus

de migration, l’arrêt de la télévision analogique est fixé en 2012653.

652 Voir Isabelle Gross, Responsable de recherche Balancing Act, « La transition de numérique : Etat des lieux

et Enjeux en Afrique », présentation effectuée le 29 juin 2011 à Dakar. Document inédit. 653 En Europe, une recommandation de la Commission européenne préconise un passage au tout numérique le 1er

janvier 2012. Voir EU REC 2009/848/EC de octobre 2009.

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Une poignée de pays de cette région a obtenu une dérogation spéciale quant à

l’abandon de la télévision analogique dans la bande de fréquences VHF - III. Il

leur a été spécialement concédé la date butoir de 2020654.

Selon l’article 3 du nouveau code des télécommunications de 2011, une

assignation (d’une fréquence ou d’un canal radioélectrique) est une autorisation

donnée par l’Autorité de régulation pour l’utilisation par une station

radioélectrique d’une fréquence ou d’un canal radioélectrique déterminé selon

des conditions spécifiées.

De même, un allotissement655 est une inscription d'un canal donné dans un plan

adopté par une conférence compétente, aux fins de son utilisation par une ou

plusieurs administrations pour un service de radiocommunication terrestre ou

spatiale, dans un ou plusieurs pays ou zones géographiques déterminées et selon

des conditions spécifiées656.

Lors du processus de planification de la CRR-06 de Genève, le Sénégal a

exprimé un besoin de 513 demandes en numérique, toutes satisfaites.

Pour la DVB-T, un total de 385 besoins a été satisfait et réparti dans les

différentes bandes :

654 Les pays concernés sont : Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Egypte, Gabon, Ghana,

Guinée Conakry, Iran, Jordanie, Mali, Maroc, Mauritanie, Nigéria, République arabe Syrienne, Soudan, Tchad,

Togo, Tunisie, Yémen. Voir Accord CRR-06. Ibid. p. 24. 655 Article 1.17 du Règlement des Radiocommunications, édition UIT 2008, p. 8. 656 Cette définition est tirée de l’article premier du décret 2003 –64 relatif aux fréquences et bandes de

fréquences radioélectriques. Mais considérant que la partie réglementaire du nouveau code des télécoms n’est

pas en adoptée à l’heure où cette thèse est rédigée, nous nous tenons à cette définition qui sera certainement

maintenue par la partie réglementaire du nouveau code des télécommunications.

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Bandes IV et V (470-582 MHz et 582-862 MHz) : 339 besoins ;

Bande III (174-230 MHz) : 46 besoins.

Pour la T-DAB, le Sénégal a exprimé 66 besoins dans la bande III.

Les tableaux 3,4 et 5 donnent la liste des localités pour lesquelles

les fréquences sont assignées respectivement pour la DVB-T en

bande UHF et en bande VHF ainsi que pour la T-DAB.

Les allotissements

Les 62 demandes d’allotissements exprimées par le Sénégal pour la DVB-T657

sont distribuées comme suit :

En VHF, 25 demandes ;

Et en UHF, 37 demandes.

Pour opérer la migration vers la télévision numérique, l’une des étapes

principales est le choix, par l’autorité compétente, de la norme de diffusion et

de compression du signal.

Quatre systèmes de télévision numérique ont été développés pour la

radiodiffusion terrestre.

Ces systèmes appliquent les normes MPEG-2658 et MPEG-4659 pour la

compression et le codage de source. La norme MPEG-2 TS (Transport Stream)

est utilisée pour le transport. La principale différence entre ces systèmes en

657 DVB-T désigne la radiodiffusion vidéonumérique de terre. Voir également glossaire des tendances des

reformes dans mes télécommunications, édition 2011 op.cit. p. 406. 658 MPEG désigne MovingPictures Experts Group; norme universelle ISO/IUT qui comprime la vidéo

numérique pour la télévision numérique, les DVD et les PVR. La norme MPEG-2 est utilisée pour les unités

terminales d’abonnés à la télévision numérique et les DVD. 659 La norme MPEG-4 offre une meilleure technologie de multimédia pour la vidéo fixe mobile que MPEG-2.

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question, réside dans la couche diffusion RF ou physique, où sont déterminés le

type de modulation utilisé et le mode d'émission en radiofréquence.

Le système NTSC660 mis au point en Amérique du Nord est un système à une

seule porteuse, fonctionnant avec modulation d'une bande latérale résiduelle

(BLR-8).

Le système DVB-T et le système ISDB-T, développés respectivement en Europe

et au Japon, sont des systèmes multi-porteurs dans lesquels nous appliquons le

multiplexage par répartition en fréquence orthogonale avec codage et la

modulation MAQ661. Ces systèmes de modulation peuvent être appliqués, soit à

une porteuse unique modulée à un débit de données élevé, soit à un grand

nombre de porteuses modulées à des débits relativement faibles ; c'est l'approche

multi-porteuse.

La DMB662 est une norme utilisée particulièrement en Chine et en Corée du

Sud.

Aujourd’hui, le Sénégal doit faire un arbitrage pour le choix de la norme à

adopter. Dans les discussions avec les acteurs du secteur, certains proposent

l’adoption de la norme européenne compte tenu de la proximité de nos systèmes

juridiques et de nos relations économiques et politiques. D’autres plaident pour

la norme chinoise en ce qu’elle offre plus de qualité.

660 NTSC est le système de télévision analogique utilisé dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord, dans

la majorité des pays d’Amérique du Sud, au Myanmar, en République de Corée, au Japon, aux Philippines, et

dans certains pays insulaires et territoires du pacifique. Le National Television System Committe est l’organisme

de règlementation des Etats –Unis ayant mis au point cette norme de radiodiffusion. Voir « Tendance des

réformes de l’UIT 2010 /2011 : favoriser le monde numérique de demain », Genève, 2011, p. 199. 661 Voir l’annexe 3.1 de l’Accord CRR-06 portant variante de système DVB-T. Op.cit. p. 171. 662 Digital Mobile Broadcasting.

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Une fois que la norme est choisie663, se pose maintenant la question de

l’encadrement juridique de la migration vers la télévision numérique.

Ce cadre juridique, consacré à l’avènement de cet environnement de

l’audiovisuel au Sénégal, mérite d’être présenté.

A propos du cadre normatif, l’activité, consistant à offrir des services

audiovisuels, a pendant longtemps été assujettie au monopole d’Etat. En effet,

l’article 2 de la loi n°92-02 du 6 janvier 1992 portant création de la Société

Nationale de Radiodiffusion - Télévision Sénégalaise avait maintenu ce

monopole. Et il faudra attendre l’an 2000 pour assister à la libéralisation des

ondes à travers l’article unique de la loi n° 2000-7 du 10 janvier 2000. Selon cet

article, « Ces droits (de diffusion et de distribution d’émissions de radio et de

télévision à destination du public) appartenant exclusivement à l’Etat, peuvent

faire l’objet d’une concession totale ou partielle à un ou plusieurs

concessionnaires de droit public ou privé, par voie de conventions et cahiers des

charges précisant les obligations réciproques du concessionnaire et de l’Etat.

Ces conventions sont approuvées par décret ».

C’est sur la base de ces dispositions que le ministre signe une convention de

concession et un cahier des charges avec les entreprises audiovisuelles qui sont

au Sénégal.

663 Le choix de la norme de diffusion de la TNT peut relever de la compétence du Gouvernement comme de

l’Autorité de régulation de l’audiovisuel. En France, le choix de la norme est effectué par le Gouvernement sur

proposition de l’Autorité de régulation. Voir l’article 3 de l’arrêté du 24 décembre 2001 relatif à la télévision

numérique hertzienne terrestre fixant les caractéristiques des signaux émis (Journal officiel du 27 décembre

2001) modifié par :

- l'arrêté du 26 mai 2005 (Journal officiel du 27 mai 2005)

- l'arrêté du 25 août 2010 (Journal officiel du 9 septembre 2010) www.csa.fr (page consultée le 18 janvier 2011).

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Par ailleurs, certaines dispositions du nouveau code des télécommunications de

2011 sont applicables au secteur de l’audiovisuel. Il s’agit notamment de :

l’article 70 du nouveau code des télécommunications : qui prévoit que

l’ARTP est chargée d’assurer la planification, la gestion et le contrôle du

spectre des fréquences;

l’article 71 du nouveau code des télécommunications : qui dispose que les

titulaires des autorisations supportent l’intégralité du coût des

réaménagements nécessaires à la mise à disposition des fréquences qui leur

sont assignées. Le préfinancement d’une partie de cette dépense peut être

assuré par le fonds de réaménagement du spectre géré par l’Autorité de

régulation. Les modalités de création, d’organisation et de fonctionnement

sont fixées par décret.

l’article 74 du nouveau code des télécommunications : qui prévoit qu’en ce

qui concerne les fréquences radioélectriques attribuées aux opérateurs de

radiodiffusion ou de télédistribution conformément au plan national

d’attribution des bandes de fréquences radioélectriques, l’Autorité de

régulation assigne une ou plusieurs fréquences aux demandeurs sur

présentation de l’autorisation d’exercice délivrée par l’autorité compétente, et

pour la même durée.

Ces normes applicables au secteur de l’Audiovisuel sont mises en œuvre par les

acteurs institutionnels.

Dans le cadre institutionnel, il convient de rappeler que trois (3) structures sont

compétentes en matière de communication audiovisuelle, chacune dans un

domaine spécifique. Il s’agit du Ministère chargé de l’information et de la

communication, du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) et

de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP).

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Le Ministère chargé de l’Information, en vertu de l’article unique de la

loi n°2000-07 du 10 janvier 2000 abrogeant et remplaçant l’article 2 de la

loi n°92-02 du 06 janvier 1992 portant création de la RTS, accorde au

nom de l’Etat, les droits de diffusion et de distribution d’émissions de

radio et de télévision. En effet, ces droits sont attribués à travers une

convention de concession à laquelle est annexé un cahier des charges.

Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), en

application de l’article premier de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006

portant création de cette institution, est chargée de « la mission

essentielle :

o d’assurer le contrôle de l’application de la réglementation sur

l’audiovisuel ;

o de veiller au respect des dispositions de la présente loi et de celles

des cahiers des charges et conventions régissant le secteur ».

En outre, l’article 7 de la loi précitée précise que le CNRA veille « au

respect des cahiers des charges applicables aux titulaires de concession

portant autorisation d’exploitation d’un service de communication

audiovisuelle ».

L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes

(ARTP), au vu des articles pertinents du Code, remplit une mission

purement technique. Elle se limite à l’assignation de fréquences sur la

base de l’autorisation d’exercice délivrée par le Ministère chargé de

l’information ainsi qu’aux conditions techniques d’utilisation des stations

et des fréquences.

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C’est ainsi que ces institutions collaborent pour la prise de décisions applicables

aux acteurs du secteur de l’Audiovisuel dans le respect de leurs compétences

respectives.

Pour l’entrée d’un nouvel acteur dans la fourniture de service audiovisuel, la

procédure convenue entre le Ministère chargé de l’information et l’ARTP est la

suivante :

1. le requérant saisit le Ministère pour une autorisation d’exploitation d’une

station de radiodiffusion ou de télévision ;

2. en cas d’accord, le Ministère envoie une lettre à l’ARTP pour lui

demander de procéder à l’étude de faisabilité technique en vue d’une

assignation de fréquence ;

3. l’ARTP mène les études techniques et en cas de disponibilité de la

fréquence, répond positivement au Ministère ;

4. le Ministère écrit de nouveau à l’ARTP pour lui demander d’assigner la

fréquence ;

5. l’ARTP établit, signe et transmet au Ministère la décision d’assignation de

fréquences ;

6. le Ministère signe avec le requérant la convention de concession et le

cahier des charges auxquels est annexée la décision d’assignation de

fréquence de l’ARTP ;

7. un décret approuve la convention de concession et le cahier des charges.

Une copie du dossier complet (décret, convention de concession et cahier des

charges signés) est transmise à l’ARTP pour information.

Ce cadre juridique nécessite des réaménagements pour permettre au Sénégal de

mieux tirer profit du passage de la télévision analogique vers la télévision

numérique.

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Dans cette perspective, le Gouvernement du Sénégal vient de mettre en place

un Comité national pour le passage de l’audiovisuel analogique au numérique.

Ainsi, le Premier Ministre a institué, par arrêté n°07593 du 26 aout 2010, le

Comité national pour le passage de l’analogie au numérique664.

Selon l’article 2 dudit arrêté, « le Comité national, pour le passage de

l’Audiovisuel analogique au numérique, a pour mission d’orienter, de

coordonner et de piloter pour assurer le passage de l’Audiovisuelle analogique

au numérique ».

L’ARTP peut, en vertu de l’article 71 du nouveau code des télécommunications,

conduire des analyses prospectives du spectre des fréquences radioélectriques

en vue de son utilisation optimale par les acteurs publics ou privés. Elle

procède à l’examen périodique de l’utilisation du spectre et aux aménagements

qui lui paraissent nécessaires. Même si l’article 71 prévoit que les titulaires des

fréquences supportent l’intégralité des coûts des réaménagements du spectre, la

solution la plus efficace pour une migration avec succès est de les faire

préfinancer par l’Etat. En effet, l’essentiel des acteurs du secteur public de

l’audiovisuel utilisant des fréquences sont déficitaires. Déjà, ils ne parviennent

pas à honorer leur facture de redevance et demandent à l’autorité publique la

réduction665. Dans ce contexte, il est illusoire de leur demander le financement.

664 A l’instar du Sénégal, le suivi du processus de transition de la télévision analogique vers le numérique est

souvent assuré par le Chef de Gouvernement. Par exemple, au Burkina Faso, un arrêté n°2011 -

0011/PRES/PM/DIEE portant création, composition, attribution et fonctionnement de la commission technique

de la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, est pris par le Premier Ministre.

Cette commission assure le travail technique, rend compte et propose au Chef de Gouvernement la stratégie à

adopter. Disponible sur le site www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012. 665 Voir SY Jacques Habib, Crise de l’Audiovisuel au Sénégal, édition « Programme d’Aide Transparence sur

la transparence budgétaire et la décentralisation participative », Dakar, p. 46. Par ailleurs, à l’occasion de la

présentation des vœux de la presse à Monsieur le Président de la République en 2011, Monsieur Madiambal

DIAGNE a demandé au Chef de l’Etat, au nom de sa corporation, la réduction des redevances de fréquences.

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Et de ce fait, l’Etat doit mettre en place le fonds de réaménagement du spectre

pour que les dépenses nécessaires à la migration soient engagées.

Il est utile de mentionner également la durée d’une autorisation pour le

distributeur de services TNT ainsi que les modalités de son renouvellement par

l’ARTP.

L’analyse de ces dispositions révèle les pouvoirs importants de l’ARTP dont la

mise en œuvre permettra, après une migration en douceur, de réaffecter les

fréquences à d’autres services innovants.

En effet, le principe de la continuité du service public, l’onérosité des CAPEX

(des investissements en capital), nécessaires pour la migration, appellent

l’adoption d’une transition progressive. Une décision de l’ARTP ou un arrêté du

Ministre en charge des télécommunications pourrait fixer les différentes étapes

du « switch over » pendant lesquelles l’audiovisuel analogique et celui

numérique cohabiteraient « simulcast ». Cette cohabitation doit démarrer, en

notre sens, en 2013 pour donner du temps aux fournisseurs de services

audiovisuels et aux utilisateurs de ces services de changer leurs équipements

afin que l’extinction totale du signal analogique soit une réalité paisible en 2015.

Ce qui nécessite un choix dans les modalités d’attribution des licences

audiovisuelles d’une part, et les modalités d’attribution des ressources du

spectre, d’autre part.

S’agissant de l’attribution des licences, la législation actuelle prévoit une

convention de concession et un cahier des charges attribués par décret. Mais

dans l’intérêt de la concurrence, l’Etat doit éviter des opérations de

concentration surtout verticale. Selon le Professeur Abdoulaye SAKHO, « la

concentration peut être perçue, dans un premier sens, comme un état particulier

de la structure économique. A l’opposé de cette vision statique, il est possible de

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voir dans la concentration un processus, dès lors que l’accent est mis sur le

mouvement de transformation des structures économiques dispersées en une

structure unitaire »666. Dans cet ouvrage, le Professeur Abdoulaye SAKHO

démontre que la concentration est une source de pouvoir. Compte tenu de la

sensibilité et du rôle de la télévision dans l’effectivité du droit d’accès à

l’information, il est risqué d’accepter une concentration verticale dans un

environnement numérique.

C’est pourquoi en France667, l’organe de régulation a introduit une régulation ex

ante du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle. En ce sens qu’il

estime qu’il existe un marché de gros en aval, intermédiaire, correspondant aux

prestations de diffusion offertes par les diffuseurs aux éditeurs ou aux opérateurs

de multiplex. En effet, la délimitation des marchés, en termes de produits et de

services, repose sur l’analyse de la substituabilité du côté de la demande et de la

substituabilité du côté de l’offre.

Pour établir l’existence d’une éventuelle substituabilité du côté de la demande

ou de l’offre, l’analyse peut impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du

« test du monopoleur hypothétique »668.

666 SAKHO Abdoulaye ; op.cit, p. 13. 667 Voir document consultation publique et notification à la commission européenne, « Notification à la

commission européenne de l’analyse du marché 18 de la recommandation « marchés pertinents » de janvier

2006 ; (www.arcep.fr.Page consultée le 8 septembre 2011). 668 Ce test consiste à étudier les effets qu’aurait sur la demande une augmentation légère mais durable des prix

d’un service (5 à 10% par exemple), de manière à déterminer s’il existe des services considérés comme

substituables par les demandeurs vers lesquels ils sont susceptibles de s’orienter. Ainsi que le mentionnent les

lignes directrices européennes. L’utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en

œuvre n’implique pas une étude économétrique systématique poussée. Voir la directive européenne 2002/C

165/03 relative aux « lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance

sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et services de

communications électroniques », point 40. Op.cit.

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381

Dans un environnement numérique, après l’édition de programme, le contenu est

numérisé. La numérisation des signaux permet de multiplier le nombre de

canaux disponibles. En analogique, une fréquence correspond à un service de

télévision. En numérique, plusieurs services de télévision peuvent utiliser une

même fréquence. Nous disons que cette fréquence est multiplexée et permet la

réception d’un groupe de plusieurs chaînes. Ces dernières utilisent une même

source et de fait il convient de faire appel à un opérateur technique dit

« opérateur multiplex » qui assure la numérisation du signal et la distribution des

chaînes.

Au Sénégal, nous proposons dans une première phase pilote, de choisir

l’opérateur public, la RTS, comme opérateur multiplex. Ce qui permettra à ses

concurrents WALF TV, 2STV, TFM de le choisir comme opérateur multiplex.

Dans ce cas, l’Etat doit exiger que cette activité soit exercée dans le cadre d’une

filiale qui respectera les principes de séparation comptable pour assurer une

compétition saine avec ses concurrents conformément à l’article 22 de la loi

2002-23 portant cadre de régulation des entreprises concessionnaires de service

public qui qualifie comme abus de position dominante l’utilisation abusive par

une entreprise, de la dépendance économique dans laquelle se trouve à son égard

un client ou un fournisseur qui ne dispose pas de solutions de substitution

équivalentes.

S’agissant des modalités d’attribution de ressources, trois possibilités existent à

savoir :

une attribution par multiplex. Un multiplex peut supporter au minimum

trois chaines de télévision. Alors que dans l’environnement analogique

actuel, une fréquence ne peut supporter qu’une seule chaine;

une attribution par service. Ce qui permet de faire partager un multiplex à

plusieurs chaines de télévision;

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382

une attribution par multiplex avec possibilité de revente des capacités

excédentaires. Ce qui permettra à l’attributaire en cas d’excédent de

capacité par rapport à ses besoins de revendre de l’espace. Ce qui crée un

marché secondaire.

Nous proposons une attribution par multiplex avec possibilité de revendre

des services. Mais pour la phase de migration, nous proposons d’attribuer un

multiplex à la RTS. De même, il est nécessaire d’attribuer aux opérateurs

actuels qui libèrent leurs fréquences analogiques des canaux compensatoires

dans le multiplex de la RTS.

Maintenant, le dividende qui sera libéré du passage doit faire l’objet d’une

utilisation efficace.

2. L’utilisation efficace du dividende numérique

Le terme « dividende numérique »669 désigne les ressources en fréquences

libérées par l’arrêt de la télévision analogique. L’utilisation du dividende

numérique ne sera donc possible qu’après l’extinction de la télévision

analogique et le basculement vers la diffusion numérique.

Les fréquences ainsi libérées pourraient servir à lancer de nouveaux services ou

encore étendre et enrichir des services déjà existants. Selon une autre

interprétation, les services additionnels peuvent être intégrés au même spectre,

d’où un dividende numérique encore plus conséquent. Et pour, l’Union

européenne:

Le spectre, qu’occupe actuellement les services de programmes analogiques,

peut sans doute supporter un plus grand nombre de programmes numériques et

de services connexes (y compris des services multimédia interactifs) que le 669« La télévision numérique terrestre (TNT) : un nouveau mode de diffusion de programmes de télévision »

(http://www.ddm.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=152. Page consultée le 03 janvier 2011).

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383

nombre existant de programmes analogiques (encore que ce ne soit pas

forcément vrai des services haute définition). 670

Le dividende numérique fait l’objet d’une attention particulière de la part de

nombreux acteurs qui y voient l’occasion d’accéder à de nouvelles fréquences et

de développer de nouveaux services.

Ces fréquences pourraient être utilisées d’une part pour le déploiement de

nouveaux services de télévision numérique terrestre (TNT) : nouvelles chaînes

de télévision nationales ou locales, chaînes à haute définition, télévision mobile

personnelle (TMP), services interactifs. Elles pourraient être également utilisées

pour la couverture des services de radio numérique et l’offre de service.

Elles pourraient, d’autre part, être utilisées pour le déploiement de réseaux de

communication mobile (réseaux cellulaires de troisième génération ou

ultérieurs) et d’accès Internet à haut débit sans fils, en particulier dans les zones

non couvertes par l’ADSL.

Enfin, outre les secteurs des communications électroniques et de l’audiovisuel,

le dividende numérique pourrait servir, en partie, à déployer des réseaux de

sécurité civile ou liés à la défense nationale. Le Sénégal a l’avantage de pouvoir

s’inspirer des modèles d’utilisation du dividende numérique des pays du Nord.

En France, la loi du 5 mars 2007 671prévoit que les fréquences libérées par l’arrêt

de la diffusion analogique d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre

(autres que celles résultant de la mise en œuvre de l’article 98, nécessaires au

déploiement des services de TNT déjà autorisés) font l’objet d’une réaffectation

par le Premier ministre aux administrations, au Conseil Supérieur de 670Union européenne de radio-télévision, Technical Review- Spectrum Management, Bruxelles, octobre 2006,

Page 17. 671Loi n°2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du

futur (1) ; NOR: MCCX0600104L. Version consolidée au 19 mai 2011. Voir (www.legifrance.gouv.fr. Page

consultée le 12 décembre 2011).

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384

l’Audiovisuel (CSA) ou à l’Autorité de Régulation des Communications

Electroniques et des Postes (ARCEP), dans le cadre d’un schéma national de

réutilisation des fréquences libérées par l’arrêt de la diffusion analogique.

L’article 2 de la loi du 5 mars 2007 dispose, lui, que :

Ce schéma vise à favoriser la diversification de l’offre de service, à améliorer

sur le territoire la couverture numérique et l’égalité d’accès aux réseaux de

communications électroniques et à développer l’efficacité des liaisons

hertziennes des services publics et la gestion optimale du domaine public

hertzien. Il prévoit que la majorité des fréquences ainsi libérées reste affectée

aux services audiovisuels.

Il est par ailleurs institué une Commission du dividende numérique, constituée

de quatre députés et quatre sénateurs, désignés par leur assemblée respective en

parité, parmi les membres des deux commissions permanentes chargées des

affaires culturelles et des affaires économiques. La Commission du dividende

numérique a lancé le 3 avril 2008, conjointement avec le comité stratégique pour

le numérique, une consultation publique sur le dividende numérique672.

Conformément aux dispositions de l’article 21 de la loi du 30 septembre 1986

modifiée par la loi du 5 mars 2007, le Premier ministre français a approuvé le

22 décembre 2008 le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par

l’arrêt de la diffusion analogique. Ce schéma vise à :

poursuivre le développement de l’offre de télévision numérique terrestre, en

permettant notamment le passage en haute définition de services existants de

télévision et le lancement de nouveaux services, locaux ou nationaux, en qualité

d’image standard, en haute définition ou au format de la télévision mobile

personnelle ainsi que le développement de la radio numérique terrestre ;

672www.dividendenumerique.fr. Page consultée le 03 janvier 2011

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385

améliorer la couverture des services de communications électroniques, en

particulier par le lancement sur l’ensemble du territoire des services d’internet

mobile à très haut débit, permettant ainsi à nos concitoyens de disposer des

services personnels ou professionnels de diverses natures : services de contenus,

services d’administration électronique, services médicaux.

Le Sénégal pourrait s’inspirer de ce modèle français. Ce qui nous fera prendre

les mesures suivantes :

1. élaborer une loi sur la transition de la télévision analogique à la

télévision numérique ;

2. confier un mandat de négociation à un comité composé de l’ARTP,

du CNRA673 et du ministère chargé des télécommunications et des

TIC pour :

la signature de convention de concession avec de nouveaux opérateurs

multiplex afin de permettre la diffusion nationale de multiplex TNT et

d’étendre la licence des opérateurs de télécommunications à l’activité de

multiplex TMP ;

l’utilisation des fréquences libérées pour des services mobiles de

télécommunications et l’harmonisation de l’usage de ces fréquences avec

les pays membres de l’UEMOA ;

3. confier à un comité composé de l’ARTP, du CNRA et le ministère

en charge de la communication, le mandat de définir l’option et les

priorités d’attribution.

673 Dans l’hypothèse d’une fusion des régulateurs sectoriels, le comité sera composé du ministère sectoriel et du

régulateur convergent issu de la fusion de l’ARTP et du CNRA.

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Dans tous les cas, l’option et les priorités choisies doivent tenir compte de deux

impératifs :

- la nécessité de la fixation d’un quota de fréquences afin d’éviter un cumul

d’autorisations ;

- le danger d’une capture du secteur de l’audiovisuel.

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Paragraphe II :

Prise en charge de la gestion de la numérotation, des adresses IP et des

noms de domaine par rapport à la convergence

L’avènement de la convergence appelle une nécessaire prise en charge de la

gestion des adresses IP et des noms de domaine (1). De la même manière, la

convergence impose une actualisation de la gestion de la numérotation (2).

1. Gestion des adresses IP et des noms de domaine

Internet permet de relier, entre eux, les ordinateurs présents sur le réseau. Pour

que ce système fonctionne, tous les ordinateurs du réseau doivent être identifiés

auprès des organismes en charge de la gestion du réseau674. Cette identification

se fait grâce à l'attribution d'une adresse IP – Internet Protocol – à chaque

ordinateur675. C'est cette adresse qui leur permet de recevoir les paquets d'octets

qui permettent la transmission d'informations sur le réseau.

Ces adresses IP sont constituées d'une série de quatre nombres entiers (4 octets)

situés entre 0 et 255 et notées sous la forme xxx.xxx.xxx.xxx676. Ils sont à

l'évidence difficilement mémorisable. Ces adresses représentant à l'origine le

seul moyen d'accéder au réseau risquaient donc de ralentir le développement de

ce même réseau.

674 ARCHIMBAUD, CNRS/UREC, Interconnexion et conception de réseau, Cour de 24 Heures pour troisième

année, Ecole d’ingénieur de réseaux 2002, (infothèque.info, page consultée le 10 février 2011). 675 LESCOP Yves, « DNS Et WINS » (http:// ylescop.free.fr/mrim/cours/dns_wins.pdf.Page consultée le 19

octobre 2011). 676http://www.domainesinfo.fr/definition/6/adresse-ip-internet-protocol.php. Page consultée le 5 janvier 2011.

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Jon Postel a alors trouvé le moyen de désigner les ordinateurs de façon plus

pratique: c'est la naissance des noms de domaine677.

Les noms de domaine sont des équivalents alphanumériques des adresses IP.

Ils identifient un lieu sur le réseau, c'est-à-dire de fait, une machine à laquelle un

site et une prestation peuvent être attachés678. Plus techniquement, il désignerait,

selon Christian Féral Schul, « l’adresse symbolique permettant une

mémorisation et une identification plus facile du site disponible sur le

réseau »679.

L’article 2 de la loi du Burkina Faso n°011-2010/AN portant réglementation

des noms de domaine sous domaine de premier niveau. BF680 définit les noms de

domaine comme :

une représentation alphanumérique d’une adresse IP (Internet Protocol) qui

permet d’identifier un ensemble de ressources accessibles via Internet ; un nom

de domaine est enregistré sous un domaine de premier niveau correspondant

soit à un des domaines génériques (gTLD) définis par l’Internet corporation for

assigned number names and numbers (ICANN) soit à un des codes pays

(ccTLD) en vertu de la norme ISO-3166-1.

Ils sont composés de termes choisis par le titulaire de l'adresse IP et sont très

faciles à mémoriser.

Un nom de domaine est constitué de plusieurs éléments :

677 ALBRESCHTON Claire, « Droit de l’Internet, administration - l’entreprise », mémoire de DEA, Université

Paris I Panthéon, –Sorbonne, septembre 2005, p. 3. 678 Lamy, Droit de l’informatique et des réseaux, Paris, n°2331. 679 FERAL SCHUL Christian, « Cyber droit », Bruxelles édition Larcier 2010, p. 177. 680 La loi est disponible sur le site www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012.

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la racine: (par ex: voilà) qui est en principe le nom de votre entreprise ou

de votre activité; ce nom peut être composé d’un ou de plusieurs mots

séparés ou non par un tiret ;

une extension ou suffixe séparée de la racine par un point ( ex : .sn) ;

L’ensemble accolé formant le nom de domaine (ex : artp.sn) ;

une adresse Internet (www.artp.sn) est l'ensemble accolé, généralement

précédé par les trois W qui signifient World Wide Web (en Français :

réseau mondial).681

Ils ont très largement contribué à la diffusion du réseau Internet et à le rendre

indispensable682.

Comme les adresses IP, ils peuvent être entrés dans la barre d'adresse du

navigateur pour accéder à un site. Lorsqu'un internaute utilise le nom de

domaine, voici un exemple de ce qu'il inscrit dans cette barre d'adresse :

<http://www.talibe.sn>.

Le nom de domaine n'est qu'une partie de cette adresse qui se décompose

comme suit :

"Http" (Hyper text transfer protocol) précise le protocole utilisé pour accéder au

serveur indiqué situé sur le réseau internet "www" (world wide web, la

"toile")683. Vient alors un nom choisi par le titulaire de l'adresse IP et souvent

qualifié de radical, "talibé", et choisi à l'intérieur du domaine de premier niveau,

ou suffixe, ".sn". Le nom de domaine proprement dit est donc : "talibe.sn".

681 http://www.lesmoteursderecherche.com/ressources_creation_nomdedomaineexplic2.htm#noms. Page

consultée le 5 janvier 2011) 682 HAAS Gérard, « Pseudonyme et nom de domaine », 12 août 1898, Juriscom.net, Revue de droit des

technologies et de l’information, (http://www.juriscom.net/chr/1/fr19980812.htm, Page consultée le 19 octobre

2011). 683 LEDRICH. E, Statut des noms de domaine, mémoire de DEA, Université de Montpellier, 2000, p. 2.

Page 390: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

390

Les noms de domaine ainsi définis peuvent être enregistrés dans plus de deux

cents domaines de premiers niveaux684. Ces domaines peuvent être génériques

ou géographiques.

Les domaines génériques de type ".com." (Commercial) ou ".info" (information)

donnent une indication sur la nature du site685 tandis que les extensions

géographiques de type ".sn" (pour le Sénégal) ou ".ma" (pour le Maroc)

indiquent son origine.

Les noms de domaine, qui sont la méthode choisie par l'immense majorité des

internautes pour accéder au réseau Internet, sont aujourd'hui gérés par des

organismes privés après avoir longtemps été gérés directement par le

gouvernement américain, plus précisément, le ministère de la défense686.

La gestion du DNS (Domain Name System), qui permet de faire la

correspondance entre les noms de domaine et les adresses IP pour que les

serveurs comprennent l'information entrée dans la barre d'adresse du navigateur,

est assurée par des organismes privés de droit américain, à savoir l'IANA687 et

l'ICANN 688. Ces organismes attribuent les adresses IP des ordinateurs et

contrôlent la base de données qui les contient ainsi que les noms de domaine qui

684Dans le système du nom de domaine, le domaine de premier niveau - en anglais Top-Level Domain, en abrégé

TLD - est la terminaison du nom de domaine, après le dernier point à droit. Par exemple, le domaine de premier

niveau dans talibe.com est le «com».Voir (http://noms-domaine.com/domaine_de_premier_niveau_tld.html,

page consultée le 18 janvier 2011). 685 ICANN « Final report of the joint SO/AC New g TLD Applicant Support working group »

(http://gnso.icann.org/. Page consultée le 10 Septembre 2011). 686 PORLON Sadry, « Informatique et Droit », La lute contre le cybersquatting (France, OMPI, Etats-

Unis). Mémoire de DEA, Université de Montpellier 1, faculté de droit, 2000-2001, (www.droit-ntic.com. Page

consultée le 19 octobre 2011 ; http://www.infotheque.info/, page consultée le 19 octobre 2011). 687 Internet Assigned numbers authority “number resources”, (http://www.iana.org/numbers/. Page consultée le

14 février 2011). 688Internet corporation for assigned names and numbers.

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leur correspondent à travers treize serveurs majoritairement situés sur le

territoire américain689.

C'est dans ces serveurs, et surtout dans le serveur racine "A" qui appartient

au gouvernement des Etats-Unis, que nous trouvons tous les domaines de

premiers niveaux690. Ils peuvent être crées ou détruits selon la volonté de celui

qui contrôle cette base de données.

Nous voyons, dès lors, se dessiner des menaces sur la mainmise des Etats sur

l'extension correspondant à leur territoire. Leur souveraineté est en jeu691. Les

domaines de premier niveau sont un élément essentiel à l'accès au réseau qui ne

peut donc pas être approprié par des personnes privées692. Parmi les noms de

domaine de premier niveau, nous distinguons, d’une part, les noms de domaine

générique ou GTLD693. Et d’autre part, nous identifions les noms de domaine

géographique ou CCTLD694.

689 ROGERGRAUX Marie Claire, « Bien public, bien privé, bien commun : approche juridique, approche

économique », 30 juin 2005 (http://www.voxinternet.org/spip.php. Page consultée le 18 juillet 2011). 690 BERGER Myriam, RFI/Autrans, 9 janvier 1999, « DE l’IANNA à l’ICANN : de nombreuses questions en

suspens » (www.droit-tic.com.Page consultée le 14 septembre 2011). 691cf. Kim G. von Arx and Gregory R. Hagen, Sovereign domains, A declaration of independence of ccTLDs

from foreign control, 9 RICH. J.L. & TECH. 4 (Fall 2002) disponible sur

<http://www.law.richmond.edu/jolt/v9il/article4.html>. Page consultée le 17 janvier 2010). 692 Lamy de Droit de l’informatique et des réseaux, n°2342. 693gTLD abréviation de Top Level Domain qui est la signification en anglais du nom de domaine générique. Les

extensions génériques qui se réfèrent à la nature du site – commercial, informatif, éducatif etc. – comportent trois

lettres ou plus et n'ont normalement aucun lien avec un territoire. Il s'agit par exemple des ".com", ".biz", ".info",

".org", ".aero" ou ".travel". Ces domaines génériques ont donc normalement un caractère international. Certains

de ces domaines, cependant, se rattachent au territoire américain et trouveraient mieux leur place en tant que

domaine de deuxième niveau américain si l'on souhaite que les génériques soient dépourvus de tout lien

territorial. Il s'agit des ".gov", ".edu" et ".mil" réservés à des institutions aux Etats-Unis. 694CcTLD est l’abréviation de code Top Level Domain –, c'est-à-dire des domaines indiquant le territoire

d'origine du site et non son pays d'origine.

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Les extensions géographiques sont composées de deux lettres qui correspondent

au territoire désigné dans la norme ISO 3166-1-alpha-2 établie en 1974695.

C’est pourquoi, certains auteurs ont comparé les noms de domaine comme une

simple adresse qui ne fait naître aucun droit privatif au profit de celui qui la

détient696.Cependant, les noms de domaines qui étaient de simples adresses sont

devenus des signes de ralliement pour la clientèle. Cette fonction les rapproche

indubitablement des signes distinctifs tels que la marque de fabrique, la marque

de commerce ou de service, le nom commercial et l’enseigne697.

Ce qui pose le débat sur la nature juridique du nom de domaine : est-il ou non

un bien susceptible d'être approprié ?

Des solutions ont été apportées par la jurisprudence surtout dans le cadre de la

lutte contre le cyberquatting. Il consiste à enregistrer intentionnellement un nom

de domaine correspondant à un nom commercial ou une marque, afin soit de

mettre obstacle à la réalisation par le titulaire des droits d’un site web, soit de lui

revendre le nom de domaine moyennant le paiement d’un prix supérieur à celui

des frais d’enregistrement698. Même si c’est un phénomène récent, le juge

français a appliqué des règles de droit classique pour sanctionner cette pratique.

Dans un arrêt rendu le 30 juin 1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre

a retenu que le dépôt et l’usage indu du nom de domaine sont constitutifs de

695 Cette norme ISO est consultable sur : < http://www.iso.org/iso/en/prods-services/iso3166ma/02iso-3166-

code-lists/list-fr1.html >, dernière visite le 27 août 2005.

696 ALBRECHTSON Claire, op.cit.; Voir aussi COLOMBANI Pascaline, « Droit des marques et nom de

domaines », juin 2002 (http://www.avocats-publishing.com/Droit-des-marques-et-noms-deDROIT &

MARQUES DE LUXE. Page consultée le 20 octobre 2011).

697G. HAAS, O. TISSOT, « Les règles de nommage de l’internet en question ? », Les Annonces de la Seine, 8 février 1999, n°10. 698 PORLON Sadry, op.cit, p. 4.

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contrefaçon699. Dans une autre affaire, le juge de Marseille a qualifié un acte de

cyberquatting de pratique de concurrence déloyale700.

La loi du Burkina Faso n°0011-2010/AN du 30 mars 2010 , portant

réglementation de la gestion des noms de domaine sous le domaine de premier

niveau.bf701, a prévu des sanctions contre ce phénomène. Selon l’article 27 de

cette loi, est considéré comme un enregistrement abusif, le fait de faire

enregistrer un nom de domaine ou d’utiliser un nom de domaine enregistré,

lorsque le titulaire n’a ni droit ni intérêt légitime à l’égard du nom de domaine

ou lorsque le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi.

Compte tenu de ces risques, les Ministres en charge des technologies de

l’information et de la communication de l’Afrique ont plaidé lors de la quarante

deuxième réunion d’ICANN à Dakar, pour la protection du « .Africa » des noms

des pays et villes africaines contre le cyberquatting702.

Le DotAfrica 703est proposé comme un nouveau nom de domaine pour la

promotion des entreprises, des peuples et de la culture africaine dans l'Internet.

Au départ, DotAfrica a été revendiqué par des entreprises non-africaines au

cours des sessions de l’'ICANN sur les premiers gTLD en 2000. Quelques

professionnels africains se sont fortement opposés à cette tentative qui n’était

pas perçue comme allant dans l’intérêt du continent. En 2002, une note

699 Tribunal de Grande Instance de Nanterre, réf. 30 juin 1999 (www.legalis.net. Page consultée le 18 janvier

2009) ; Voir aussi Tribunal grande instance Draguignan 21août 1995, cahiers Lamy, Décembre 1997 (H), p. 25,

observation Nardon. 700 Tribunal de grande instance de Marseille, réf. 18 décembre 1998, « Société Lumiserve » c/ M P CJP, édition

E 1999 I, p. 908, n°23, observations Michel VIVANT et Le Stanc. 701Voir le décret n°2010-191/PRES promulguant la loi n° 0011-2010/AN du 30 mars 2010 portant

réglementation de la gestion des noms de domaine sous le domaine de premier niveau.bf. Disponible en ligne

sur le site http://www.arceb.bf. Page consultée le 12 janvier 2012. 702 Voir la « Approved board resolutions », 28 octobre 2011 (http://www.icann.org/en/minutes/resolutions-

28oct11-en.htm#9. Page consultée le 30 octobre 2011 ; Voir le rapport de « La réunion des Ministres de la

réunion des Ministres africains en charge des TIC du 19 au 21 octobre 2011. 703 Dot Africa désigne point Africa en français.

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conceptuelle a été développée par ces professionnels africains qui participaient

activement aux activités de l'ICANN704 pour une éventuelle exploitation de

DotAfrica par les Africains et pour l'Afrique. 705

ICANN travaille, depuis 2002, sur les modalités d'introduction d'une série de

demandes de nouveaux TLD génériques (gTLD). Ce qui a suscité un regain

d'intérêt dans l'espace de noms de domaine DotAfrica.

Le 28 juin 2008, l’ICANN annonçait vouloir libéraliser les extensions

génériques de noms de domaine et permettre la création de nouvelles extensions

de type « .masociete »706.

De nombreuses critiques, notamment de la part du gouvernement américain et

des titulaires de marques, ne permirent pas à ce projet de voir le jour.

Pourquoi l’Afrique doit-elle s’offrir une extension Internet « .Africa » à son

nom ?

C’est pour répondre à cette question, que dans le cadre du second Forum sur

la gouvernance internet de l’Afrique Centrale, ARC707 a sensibilisée la

communauté de l’Afrique centrale sur les enjeux du projet DotAfrica (.Africa),

le registre continental africain.

De quoi s’agit- il ?

704 Voir Jean François Poussard, « Le .africa, nouvelle extension continentale pour l’Afrique », Paris, in

PRODOMAINES : Les professionnels pour la protection et la gestion de vos noms de domaine, le 15 mars 2012.

Disponible sur le site http://www.prodomaines.com/noms-domaine-extension-newgtld-dot-africa-interviewp;

page consultée le 20 mars 2012. 705 Voir le rapport de la « table ronde des Ministres africains chargés des TIC en prélude de la 42ème réunion de

l’ICANN », Dakar, 21 octobre 2011. 706 Voir Alain Bensoussan, « De nouvelles extensions de noms de domaine : un changement historique en

perspective, in Droit des technologies avancées, Paris, juin 2011. Disponible sur le site :

http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2011/06/. Page consultée le 12 février 2012. 707 AFRICAN REGISTRY CONSORTIUM est l’entreprise retenue pour la gestion du point Africa. Voir

http://www.dotconnectafrica.org/tag/africa-registry-consortium/. Page consultée le 12 février 2012.

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Parce qu’après les adresses internet se terminant par «.com», «.org», «.net»,

c’est la place aux «.Bmw», «.Apple», «.Losangeles»… Et au «.Africa». En effet,

du 12 janvier au 12 avril 2012, tout comme les entreprises, l’Afrique pourra

aussi demander à l'ICANN708, l'instance mondiale chargée de réguler l'Internet,

l'enregistrement de son propre suffixe ou extension DotAfrica.

L’Union Européenne, elle, a obtenu son nom de domaine de premier niveau

«.eu» en 2005 709et l’Asie a aussi son extension «.asia» depuis 2007710.

A l’instar de ces derniers, le « .africa » permettra aux entreprises et

organisations opérant en Afrique de mettre en exergue leurs opérations711 mais

aussi, les multinationales africaines pourront utiliser ce nom de domaine plutôt

qu’un « .com » non parlant du point de vue de la localisation géographique et

leur évitera de réserver un nom de domaine dans chaque pays où elles sont

présentes. Le « .africa » devrait également représenter un atout pour les villes et

les régions présentes sur le web tout en affichant leur ‘’africanité’’.

708 Internet corporation for assigned names and numbers; 709 Voir Alexandre Nappey, « Affaire Eurstar.eu : le premier nom de domaine européen devant la justice », in

VoxPI Actualité du droit de la propriété industrielle et du numérique, Paris 24 janvier 2006. Disponible sur le

site http://www.voxpi.info/2006/01/24/affaire-eurostareu-le-premier-nom-de-domaine-europeen-devant-la-

justice. Page consultée le 12 février 2012.

710 Le .asia s’adresse à tous (particulier, société, organisation, association, ...). Certains profils, non titulaires de

marques déposées, devront attendre l'ouverture complète de l'extension et les autres pourront éventuellement

s'appuyer sur la présence locale que nous offrons pour déposer un nom de domaine en .asia.

Voirhttp://www.namebay.com/asia/nom-de-domaine-asia/enregistrement-nom-de-domaine-asia.aspx ; page

consultée e 12 février 2012.

711 Elvire Brugne, « Dot Africa : un enjeu web pour l’Afrique », in Digital Blonde. Disponible sur le site

http://www.digitaleblonde.com/article-dot-africa-un-enjeu-web-pour-l-afrique-87306581.html; page consultée le

12 février 2012.

Page 396: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

396

Cette « révolution historique », qui présage un « nouvel âge de l’Internet »,

permettra, notamment, aux organismes publics et privés d’avoir leurs propres

extensions personnalisées712.

Ainsi, la gestion des noms de domaine pose à la fois des enjeux concurrentiels et

des enjeux de sûreté étatique. Ce qui justifie d’une part la prise en charge de sa

gestion par le régulateur.

L’utilisation des noms de domaine fait l’objet souvent de contentieux qui

sont portés devant le juge de droit commun. Pour désengorger le prétoire du

juge, il serait nécessaire que le régulateur, en assurant la gestion des noms de

domaine, soit compétent pour assurer un traitement efficace des litiges y

afférents.

C’est pourquoi, à l’instar de la numérotation et des fréquences, l’Acte

Additionnel A/SA 1/01/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre

réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la

communication (TIC) de la CEDEAO prévoit, en son article 13, que ces noms

de domaine doivent être gérés par le régulateur.

Cela est d’autant plus important que la gestion du plan de numérotation,

des adresses et IP et les noms de domaine connaîtront une convergence.

Adaptation de la gestion du plan de numérotation à l’environnement des

NGN

Le Plan National de Numérotation (PNN) actuel était un plan fermé à 9

chiffres depuis le 07 octobre 2007, au format SA BPQ MCDU713. Ce plan a été 712 Voir Koffi Fabrice Diossou, « Vers l’attribution par l’ICANN de l’extension .africa », in ECOFIN TIC ET

TELECOM, Genève le 18 aout 2011. Disponible sur le site http://www.agenceecofin.com/internet/1808-925-

vers-l-attribution-par-l-icann-de-l-extension-africa. Page consultée le 20 mars 2012.

Page 397: La régulation des télécommunications au Sénégal - …osiris.sn/download.php?fic=these_finale_bsdlast.pdf · LTE: Long Term Evolution LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

397

mis en service, pour la première fois, le 10 octobre 1997, avec un passage de 6 à

7 chiffres, par SONATEL qui était chargée de sa gestion. En décembre 2001, le

code des télécommunications du 27 décembre 2001 confie à l’ARTP la gestion

du PNN et prévoit également la publication d’un décret relatif à sa gestion. Le

décret n°2004-839 du 2 juillet 2004 fixe ainsi les modalités de gestion du PNN,

les conditions d’utilisations des ressources en numérotation ainsi que les

redevances y afférentes. Ce décret a été modifié et complété par le décret

n°2007-1445 du 27 novembre 2007.

Le plan national de numérotation du Sénégal est un plan fermé dans

lequel les services se distinguent par les tranches de numéros qui leur sont

affectés. L’ensemble de l’organisation du plan a pour objectif de renforcer la

clarté du plan de numérotation pour les exploitants, les fournisseurs de services

et les utilisateurs.

Le plan de numérotation distingue deux types de numéros :

- Les numéros longs : tout numéro à 9 chiffres ;

- Les numéros courts : tout numéro inférieur à 9 chiffres. A la suite du

basculement vers un plan à 9 chiffres le 07 octobre 2007, l’ARTP avait

organisé une rencontre avec les fournisseurs de services à valeur ajoutée

et les opérateurs titulaires de licence de télécommunication, à une réunion

de concertation le 10 avril 2008. A cette occasion, il a été décidé que les

numéros courts d’accès aux services à valeur ajoutée changeraient de

format à partir du 19 mai 2008. Ce format permet aux fournisseurs

d’utiliser un seul numéro quel que soit l’opérateur.

Les nouveaux numéros courts sont organisés par paliers de tarification afin de

permettre aux consommateurs des services d’avoir une idée précise du tarif qui

leur sera appliqué. 713 Agence de régulation des télécommunications, Rapport Annuel d’activité 2008, Dakar, 2009 (disponible au

www.artp.sn. Page consultée le 5 janvier 2010).

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398

L’ARTP avait aussi demandé aux opérateurs, aux fournisseurs de SVA

détenteurs de numéros courts ainsi qu’aux diffuseurs (presse écrite, télévision,

radio, etc.), de faire la publicité des tarifs des services à valeur ajoutée714. En

effet, la publicité des tarifs demandés par l’ARTP trouve son fondement dans

l’article 32 de la loi n°94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le

contentieux économique.

Par ailleurs, l’ARTP, après concertation avec les opérateurs de

télécommunications, avait décidé de lever les restrictions sur l’ouverture des BP

réservés précédemment à chaque opérateur, à partir du 1 er juillet 2008.

Concernant l’ancien plan à sept chiffres (7), il était conçu de sorte que chaque

BP ne soit attribué qu’à un seul opérateur. Et avec le nouveau plan à neuf

chiffres (9), ces mêmes BP peuvent être attribués aux opérateurs concurrents.

En conséquence, un opérateur pourrait, si la tranche contenant le numéro lui a

été préalablement attribuée, proposer à un abonné de rejoindre son réseau en ne

modifiant que les deux premiers chiffres de son numéro. C’est ce qu’on appelle

la « semi-portabilité ». L’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC définit la portabilité

des numéros comme étant « la possibilité pour un usager d’utiliser le même

numéro d’abonnement, indépendamment de l’exploitant chez lequel il est

abonné, et même dans le cas où il change d’exploitant. »

Ces politiques et réglementations appliquées par le Sénégal sont en phase avec

les exigences communautaires. Mais elles sont élaborées dans le contexte de la

714 Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes, « Rapport d’activité 2008 », p 25 disponible au

www.artp.sn (page consultée le 05 janvier 2010).

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399

téléphonie vocale traditionnelle. De ce fait, le plan de numérotation attribue

différentes séries de numéros distinguant les services mobiles des services fixes

et, dans le cas de ces derniers, distinguant différentes zones géographiques.

Cette différentiation a une double fonction, à savoir informer les utilisateurs

finaux des tarifs de communication et maintenir la structure de coût de

l’interconnexion fondée sur le type de service et sur la distance. Néanmoins, en

raison de la convergence et du passage aux réseaux NGN IP715, le régulateur

s’aperçoit qu’il faut aujourd’hui modifier la politique et la réglementation en la

matière. Du fait de l’utilisation croissante des services VoIP716, le régulateur doit

715"Next Generation Network" ou "NGN" (littéralement "Réseau de Nouvelle Génération") est une expression

fréquemment employée dans l'industrie des télécommunications, notamment depuis le début des années 1990. Il

n'existe pas de définition unique. Le sens varie en fonction du contexte et du domaine d'application. Toutefois, le

terme désigne le plus souvent le réseau d'une compagnie de télécommunications dont l'architecture repose sur un

plan de transfert en mode paquet, capable de se substituer au réseau téléphonique commuté et aux autres réseaux

traditionnels. L'opérateur dispose d'un cœur de réseau unique qui lui permet de fournir aux abonnés de multiples

services (voix, données, contenus audiovisuels…) sur différentes technologies d'accès fixes et mobiles. Ce type

d'architecture fait l'objet de travaux de normalisation formelle (voir section "Travaux de normalisation"), au

niveau international au sein de l'ITU-T, au niveau régional au sein de l'ETSI en Europe (voir ci-dessous) ou de

l'ATIS en Amérique du Nord, et au sein de divers forums comme le 3GPP ou l'IETF pour certains aspects

spécifiques. Autrement, "NGN" est également utilisé très souvent à des fins marketings par les opérateurs et les

fabricants (voir section "Autres sens possibles") pour rendre compte de la nouveauté d'un réseau ou d'un

équipement de réseau.

Internet Protocol (abrégé en IP) est une famille de protocoles de communication de réseau informatique conçus

pour être utilisés par Internet. Les protocoles IP sont au niveau 3 dans le modèle OSI. Les protocoles IP

s'intègrent dans la suite des protocoles Internet et permettent un service d'adressage unique pour l'ensemble des

terminaux connectés. Ce protocole est utilisé par les réseaux NGN pour la transmission des informations. C’est

pourquoi nous parlons de NGN IP.

716La voix sur IP, ou « VoIP » pour Voice over IP, est une technique qui permet de communiquer par la voix sur

des réseaux compatibles IP, qu'il s'agisse de réseaux privés ou d'Internet, filaire (cable/ADSL/optique) ou non

(satellite, wifi, GSM) . Cette technologie est notamment utilisée pour prendre en charge le service de téléphonie

sur IP (« ToIP » pour Telephony over Internet Protocol).

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400

se demander si des ressources de numérotage devraient être attribuées aux

services VoIP et si les obligations imposées aux opérateurs traditionnels du

RTCP717 devraient également s’imposer aux prestataires de services VoIP. Ainsi

le régulateur sénégalais peut adopter différentes solutions, par exemple en

autorisant les prestataires de services VoIP à utiliser des numéros

géographiques718. Dans ce cas, il doit exiger d’eux une offre de service relevant

du RTCP traditionnel avec les obligations qui l’accompagnent, ou en créant des

séries de numéros propres à la téléphonie IP qui tiennent compte des

caractéristiques de ce service, et notamment de son utilisation en mode itinérant.

Plusieurs pays, comme le Japon, l’Espagne ou le Royaume-Uni, ont conjugué

ces deux types de mesures en accordant des numéros géographiques aux

prestataires de services VoIP qui relèvent du régime traditionnel du RTCP et des

séries de numéros propres aux prestataires de services VoIP qui relèvent du

régime « services d’informations »719.

Par ailleurs, la convergence entre l’adresse IP et le plan de numérotation actuel

va aboutir à ENUM720. Ce qui va définir l’orientation des politiques de

numérotage. De même, elle pourrait permettre de répondre à certaines

préoccupations concernant la transparence de la VoIP par la mise en

717 RTCP est un acronyme qui signifie ici, Real-time Transport Control Protocol, protocole fonctionnant en

association avec le protocole RTP et reposant sur UDP, mis en œuvre notamment sur les réseaux téléphoniques

commutés.

718Pour comprendre l’efficacité de ce système, consulter le site de l’UIT à l’adresse

http://www.itu.int/osg/spu/presentationS/ 2004/enum-country-experiences-ftra-uganda-rs.pdf. Pour un exemple

d’un essai du système EUNM, consulter également le site ENUM à l’adresse http://www.enum.org. La page est

consultée le 13 mars 2011. 719 UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications 2007, édition UIT 2007, p. 216 disponible à

l’adresse suivante : (www.itu.int/publications. Page consultée le 28 décembre 2010). 720 C’est la convergence entre le numéro de téléphone et l’adresse IP.

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correspondance de numéros du RTCP avec des « identificateurs uniformes de

ressources » (URL721). La commission d’étude 2 de l’UIT-T et le Comité

d’architecture Internet collaborent à la mise en œuvre du protocole ENUM. La

CE 2 de l’UIT-T a déjà approuvé une procédure intérimaire visant à administrer

la délégation des ressources ENUM722. Le protocole ENUM est déjà exploité

dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays –Bas. D’autres

comme les Etats-Unis sont en train de faire des essais ENUM723.

Toutefois, il est nécessaire d’apprécier le degré de maturité de solutions qui

autorisent l’accès à tous les services NGN au moyen d’un identificateur unique.

Etant donné que les NGN permettront des communications ubiquitaires dans un

environnement fixe comme dans un environnement mobile, le régulateur doit

commencer à étudier la question de la convergence fixe mobile et la portabilité

des numéros d’un mode à un autre. La portabilité des numéros peut être

commune à plusieurs modes et autoriser le portage du numéro d’un réseau fixe à

un réseau mobile, ou être restreint à un seul type de réseau.

721Le sigle URL (de l'anglais Uniform Resource Locator, littéralement « Localisateur Uniforme de Ressource »),

auquel se substitue informellement le terme « adresse web », désigne une chaîne de caractères utilisée pour

adresser les ressources du World Wide Web : document HTML, image, son, forum Usenet, boîte aux lettres

électronique, etc. Les URL constituent un sous-ensemble des identifiants uniformisés de ressource (URI). Le

format (syntaxe) d'une URL est décrit dans la RFC 3986.

722 Voir www.itu.int/ITU-T/inr/enum/procédures.html et www.itu.int/ITU-T/int/ITU-T/inr/enum/procédures-

02html. Page consultée le 30 mai 2010. 723 Voir www.iu.int/osg/spu/presentations/2004/ enum-contry-experiences-ftra-uganda-rs.pdf. Pour avoir un

exemple d’essai ENUM, voir également www.enum.org. Page consultée le 20 février 2010.

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CHAPITRE II :

AMELIORATION DE LA REGULATION EX POST

La régulation ex post est le fait d’intervenir pour rétablir l’équilibre ou

sanctionner la violation d’une concurrence saine et loyale. C’est pourquoi, il

sera proposé une amélioration du traitement du contentieux de la concurrence

(section I) avant de renforcer les procédures de traitement des différends devant

le régulateur (section II).

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SECTION I :

AMELIORATION DU TRAITEMENT DU CONTENTIEUX

CONCURRENTIEL

Les améliorations qu’il faudrait apporter au traitement du contentieux de la

concurrence visent la célérité et l’adaptabilité des réponses pour une

concurrence saine et loyale.

Elles concernent le niveau national (paragraphe I) et le niveau communautaire

(paragraphe II).

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Paragraphe Premier:

Amélioration du traitement du contentieux concurrentiel au niveau

national

Le traitement du contentieux concurrentiel au niveau national pourrait passer

par une séparation entre la régulation sectorielle et la régulation de la

concurrence (1). Mais cette séparation n’exclut pas une nécessaire collaboration

(2).

1. Séparation entre la régulation sectorielle et la régulation de la

concurrence

Le concept de concurrence ne fait pas encore l’objet de définition précise

dans un texte communautaire, ni dans la loi nationale sénégalaise.

Malgré cette absence de définition directe, il ressort que, conformément à

l’option libérale prise par certaines organisations communautaires comme

l’UEMOA, le concept de concurrence repose sur le principe de liberté laissée à

tout opérateur économique de produire et de vendre ce qu’il veut, aux conditions

qu’il choisit724. Cette conception et les instruments mis en place s’inscrivent

dans la notion de concurrence praticable725 par opposition à la conception de la

724 Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, « Manuel sur la mise en application des

règles de la concurrence », Genève, Nations Unies éditions 2004, p. 15.

725Dans les années 50, le concept de concurrence praticable fait son apparition, essentiellement pour remédier

aux insuffisances de l'approche structuraliste. Il s'agissait de rendre utilisable la conception structuraliste, mais en

l'affaiblissant pour tenir compte des contraintes concrètes du marché analysé. En clair, c’est un concept de

concurrence adapté aux besoins des décideurs dans le domaine de l'antitrust, qui leur permettra d'identifier la

meilleure structure pour chaque marché, une fois établie la liste de toutes les contraintes (inévitables) qui

éloignent de la structure "idéale" de la CPP. Une fois précisée, cette structure "sous-optimale" sera adoptée

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405

concurrence pure et parfaite. Ainsi, un marché où le jeu de la concurrence est

libre est un marché où les entreprises, indépendantes les unes des autres,

exerçant la même activité, rivalisent pour attirer les consommateurs.

Les conditions de la concurrence pure ont été explicitées par Frank Knight726en

1921. La concurrence pure et parfaite représente un des deux cas extrêmes de

structures de marché étudiés par les économistes néoclassiques, le second étant

le cas de monopole727. La concurrence pure et parfaite est censée permettre

l’équilibre sur tous les marchés sous des conditions suffisantes très particulières.

La concurrence pure doit remplir les trois conditions suivantes728 :

l’atomicité : le nombre d’acheteurs et de vendeurs est très grand donc

l’offre ou la demande de chaque agent est négligeable par rapport à l’offre

totale ; aucun agent ne peut fixer les prix. Cette hypothèse exclut

notamment la possibilité de rendements croissants à la production, dans la

mesure où ils conduisent à la formation de monopoles naturels, pourtant

possibles en pratique.

l’homogénéité des produits : les biens échangés sont semblables en

qualité et en caractéristiques, et donc interchangeables ; un produit de

meilleure qualité réelle ou supposée constitue donc un autre marché ;

comme référence ou comme cible. La concurrence praticable est l’objectif visé par le droit et la politique de

concurrence d’un pays donné.

726 Denis Clerc, « La mauvaise concurrence chasse la bonne », Alternatives économiques mars 2001.

727 Philippe Barbet, Doyen de la Faculté de Sciences Economiques de Paris 13, Imperfection des marchés,

régulation et libéralisation multilatérale et régionale des échanges internationaux , BADGE Télécoms,

Ouagadougou, Télécoms Paris 2012. 728 La concurrence pure et parfaite est, pour les économistes libéraux, une situation théorique idéale vers

laquelle il faudrait tendre afin que l’ « autorégulation » des marchés puisse se réaliser. Voir définition de la

concurrence pure et parfaite sous la direction de Pierre Bezbakhet et Sophie Gherardi, « Dictionnaire de

l’économie », Espagne, Larousse, édition janvier 2011, p. 202.

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406

la transparence de l’information : l’information parfaite de tous les

agents sur tous les autres et sur le bien échangé suppose une information

gratuite et immédiate ; la théorie montre que le processus de fixation des

prix est alors équivalent à la présence d’un « commissaire-priseur », qui

centralise les offres et les demandes, et qui calcule le prix d’équilibre, et

par conséquent la production et la consommation de chacun. Dans ce cas

nous supposons l’absence d’échange de gré à gré729.

La concurrence parfaite doit remplir les deux conditions suivantes730 :

la libre entrée et sortie sur le marché : il ne doit y avoir aucune entrave

tarifaire (protectionnisme), administrative (numerus clausus), technique à

l’entrée d’un offreur ou d’un demandeur supplémentaire.

la libre circulation des facteurs de production (le capital et le travail) : la

main-d’œuvre et les capitaux se dirigent spontanément vers les marchés

où la demande est supérieure à l’offre ; il n’y a pas de délai ni de coût

dans leur reconversion.

Ces deux dernières hypothèses permettent une convergence sur le long terme

des taux de salaire et de profit entre les différents secteurs économiques et les

différents pays.

Il s’agit donc d’un cadre très contraignant. Pour répondre à la question de la

fixation des prix, les néoclassiques ont développé dans la théorie de l’équilibre

général l’idée d’une convergence progressive des prix vers le prix d’équilibre.

Léon Walras a introduit un mécanisme de tâtonnements. Le concept est différent

730 Moustapha Mouhamadou, Les bases de l’économie, Formation BADGE Télécoms, Ouagadougou 2012, pp. 15-16.

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de la main invisible d’Adam Smith731, et semble plus proche de la notion

d’ordre que nous trouvons chez Malebranche.

Les conditions d'une concurrence pure et parfaite sont rarement réunies en

dehors des marchés purement financiers et ceux des matières premières. Et la

régulation sectorielle vise la réalisation de cette concurrence pure et parfaite. Si

elle arrive à la réaliser, elle doit disparaître.

Au Sénégal, la mission de régulation de la concurrence est attribuée à

l’ARTP732. L’attribution de la régulation de la concurrence au régulateur

sectoriel ne permet pas l’efficacité du traitement du contentieux. Le régulateur

sectoriel, dans le cadre de la mise en œuvre des leviers de la régulation pour

développer la concurrence, négocie avec les acteurs du secteur. Par conséquent,

il n’est pas souvent à l’aise pour sanctionner les opérateurs de

télécommunications733.

Par ailleurs, même si la régulation sectorielle et celle de la concurrence sont

complémentaires, elles sont bien différentes. Dans le cas de la régulation

sectorielle, comme l’a démontré le Professeur Laurence BOY734, le régulateur

sectoriel a en charge la mise en œuvre d’une politique publique. Le régulateur

731Clavé, « Adam Smith face au système de l’optimisme de Leibniz », Revue de philosophie économique.

2005, p.5.

732 Voir l’article 127 du code des télécommunications. Voir aussi la thèse de Mbissane NGOM, Droit et

intégration économique dans l’espace UEMOA : le cas de la régulation juridique de la concurrence, thèse de

doctorat, UGB Saint-Louis, 2007. 733 Cette position est soutenue par Bruno Lasserre devant les étudiants du Master II en droit de la régulation,

UCAD 2008. Voir archive vidéo des cours du Master II de la régulation, promotion 2008. 734 Laurence Boy, « Les pouvoirs de régulation de l’Autorité de régulation des télécommunications », Nice,

édition Centre de Recherche en Droit Economique/ Centre National de la Recherche Scientifique

(CREDECO/IDEFI), juillet 2000.

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sectoriel a une mission d’organisation du marché, tandis que la régulation de la

concurrence consiste à appliquer des sanctions aux pratiques

anticoncurrentielles. La mission primordiale de l’ARTP est d’accompagner

l’ouverture du marché des télécommunications. Pour ce faire, elle doit définir et

délimiter ces marchés en assurant une certaine égalité et un certain équilibre

entre les opérateurs. L’ARTP veille à l’équilibre concurrentiel entre les

opérateurs et à la loyauté de la compétition de l’exercice de la concurrence. Elle

fixe les conditions de la concurrence et, à ce titre, elle est compétente pour

l’attribution des préfixes et le règlement des différends en matière

d’interconnexion.

Le Conseil de la concurrence doit disposer, pour sa part, et sous réserve des

compétences des instances communautaires, d’une compétence exclusive

concernant les infractions prévues par le code des télécommunications à savoir :

- les subventions croisées à caractère anticoncurrentiel ;

- l’utilisation des renseignements obtenus auprès de concurrents à des fins

de concurrence déloyale ;

- le refus de mettre à la disposition des autres exploitants autorisés, en

temps opportun, les renseignements techniques sur les installations

essentielles et les renseignements commerciaux pertinents qui leur sont

nécessaires à la fourniture des services ;

- les mesures en matière d’exploitation de réseau pouvant porter atteinte à

la qualité de service des réseaux concurrents ;

- l’abus de position dominante735.

En principe, la mise en place de la régulation sectorielle ne devrait pas remettre

en cause cette compétence. Mais compte tenu de l’insuffisance de moyens de

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l’organe en charge de la concurrence au niveau national, cette mission a été

conférée à l’ARTP, par dérogation à la loi de 1994 sur la concurrence précitée.

C’est dire que le marché des télécommunications est soumis tant à la régulation

qu’à la surveillance et que le partage des compétences peut parfois être délicat,

voire aboutir à des conflits. C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir un

mécanisme de collaboration.

2. Collaboration entre régulateur sectoriel et régulateur de la concurrence

La complémentarité entre la régulation sectorielle et la régulation de la

concurrence impose une collaboration, surtout pour éviter les conflits de

compétence. C’est le modèle appliqué par la France et l’Egypte736.Ainsi, certains

domaines peuvent faire appel concurremment au droit de la concurrence et au

droit sectoriel des télécommunications737. C’est le cas du contentieux de

l’interconnexion.738 Le code des télécommunications prévoit la compétence de

l’ARTP pour connaître ce contentieux. De même, le refus d’accès à

l’interconnexion par un opérateur puissant peut être qualifié d’abus de position

736 En Egypte, un accord de partenariat est signé en juin 2011 entre l’Autorité de régulation des

télécommunications et l’Autorité de concurrence pour d’une part, ex ante définir les marchés pertinents et,

d’autre part, identifier et sanctionner les abus de position dominante dans le secteur des télécommunications.

Voir contribution de l’Egypte n° document 1/INF/37-E ; Voir aussi Document 1/REP/11-E du 5 septembre

2011 portant rapport de la question 10-3/1 (www.iut.int. Page consultée le 7 septembre 2011).

737 En France, la Régulation de la concurrence est du domaine des compétences de l’Autorité de concurrence.

Cependant, dans la définition des marchés pertinents du secteur des communications électroniques, elle collabore

avec l’ARCEP qui est le régulateur sectoriel. En effet, l’ARCEP requiert l’avis de l’Autorité de concurrence.

Vois Avis 09-A-47 du 22 septembre 2009 relatif au dispositif proposé par l’Autorité de régulation des

communications électroniques et des postes en ce qui concerne les modalités de mutualisation de la partie

terminale des réseaux à très haut débit en fibre optique.( www.autoritedelaconcurrence.fr. Page consultée le 10

septembre 2011.)

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410

dominante. Un contentieux opposant SONATEL et EXPRESSO Sénégal sur la

terminaison de trafic international en est une illustration739.

Quels sont les faits de l’espèce ? SONATEL et EXPRESSO Sénégal sont

tenus de signer une convention d’interconnexion conformément à l’article 3 du

décret sur l’interconnexion. Aux termes de l’article 2 alinéa 3 de la décision

n°2009-0014/ARTP/DG/SG/DO/DRS du 31 juillet 2011 portant approbation du

catalogue d’interconnexion de SONATEL pour la période du 1er juillet 2009 au

30 juin 2010, l’ARTP a prescrit aux deux opérateurs de signer une convention

d’interconnexion. Mais les négociations des deux opérateurs ont achoppé sur la

détermination du tarif de terminaison de trafic international sur le réseau de

SONATEL. Cette dernière considère que ce tarif est orienté vers les coûts.

Tandis que EXPRESSO considère que l’application de ce tarif est un abus de

position dominante et permet à SONATEL de consolider son monopole de fait

sur le segment de l’international. En conséquence, elle demande une baisse de ce

tarif.

Quant à SONATEL, elle avait informé le régulateur de sa volonté d’augmenter

les tarifs de terminaison internationale compte tenu de l’évolution des coûts par

rapport au niveau international. Par contre, elle demande une baisse des tarifs de

terminaison sur le réseau d’EXPRESSO Sénégal. Ce que le régulateur n’a pas

accepté.

Les faits de ce contentieux appellent deux constats :

- l’ARTP peut intervenir en tant que régulateur ex ante pour refus

d’interconnexion;

- l’ARTP peut être saisie en tant que régulateur ex post pour abus de

position dominante. 739 Décision relative à la signature d’une convention d’interconnexion entre SONATEL et Expresso Sénégal pour

la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010 (www.artp.sn. Page consultée le 2 janvier 2010).

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411

Dans un environnement où la régulation sectorielle est séparée de la régulation

de la concurrence, une collaboration s’impose.

En France, le problème est réglé en attribuant à la Cour d’appel de Paris la

compétence de connaître les recours contre les décisions du Conseil de la

concurrence et des décisions de l’ARCEP en matière d’interconnexion. De

même, cette juridiction est compétente pour connaître les conflits de

compétence. Ce qui permet à cette juridiction d’harmoniser la jurisprudence

entre ces deux organes de régulation.

Au Sénégal, compte tenu du fait que les décisions du régulateur de la

concurrence et celles du régulateur des télécommunications sont attaquables

devant la Cour Suprême, la haute juridiction a la possibilité d’harmoniser la

jurisprudence. Pour la construction d’une concurrence effective, les deux

régulateurs doivent nécessairement collaborer.

Aux Etats-Unis, la Federal Communication Commission (FCC) est l’organe

de régulation indépendant responsable de la surveillance des communications

interétatiques et internationales. Toutefois, pour ce qui est des questions de

concurrence, elle doit travailler en collaboration avec le département de la

justice des Etats-Unis (DOJ) ou la Federal Trade Commission, selon les secteurs

concernés et l’impact économique740. Par exemple, dans le cas de l’analyse

d’une fusion, le DOJ et la FCC se concentrent strictement sur les problèmes de

concurrence, basant leurs décisions sur les effets de réduction de la concurrence

et sur les atteintes aux consommateurs pouvant résulter de l’accumulation de

pouvoir commercial résultant d’une transaction particulière741. La FTC peut

740 Voir Communication Acte of 1934, 2.a 47 U.S.C. 741 Dans l’analyse d’une fusion, la FCC se pose les questions suivantes pour protéger la concurrence :

- la cession contrevient-elle à la loi ?

- la cession contrevient-elle à la réglementation ?

- la cession réduit-elle à néant le but de la Communication Act ?

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412

également entreprendre une analyse de la concurrence. Toutefois, au lieu de

limiter son analyse au seul cadre du secteur visé, la FTC tente de déterminer si le

transfert profite ou nuit à l’intérêt, à la commodité et à la nécessité publics. Dans

certains cas, elle peut approuver une fusion mais lui imposera certaines

conditions après avoir consulté le DOJ sur les questions de concurrence.

En France, la collaboration entre le Conseil de la concurrence et l’Autorité de

Régulation des Communications Electroniques (ARCEP) a contribué à préciser

certains concepts utilisés en droit économique, notamment la notion de

« marché ». Grâce à cette collaboration, le régulateur sectoriel a su distinguer

deux notions de marché selon qu’il s’agisse de régler la question de la

compétence ou de rechercher des pratiques anticoncurrentielles. Celui-ci a ainsi

retenu constamment une large définition du marché pertinent pour justifier sa

saisine, et défini, par la suite, les segments de marchés beaucoup plus étroits

dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles. Rappelons ici toute l’importance

de la notion de marché pertinent dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles

et notamment le fait que, plus le marché considéré est grand, moins il y a

possibilité de retenir l’existence d’une position dominante et, en conséquence,

un abus.

Ainsi, le Sénégal peut consacrer dans son droit positif l’obligation pour l’organe

de régulation de la concurrence de requérir l’avis de l’organe de régulation

sectoriel en cas de traitement de contentieux concurrentiel concernant le secteur

des télécommunications.

Et comme au niveau national, le traitement du contentieux de la concurrence

doit, aussi, être amélioré au niveau communautaire.

- la cession est-elle susceptible de produire des avantages concrets au public ?

Voir Christopher J. Wright “Introducing the transactions team presentation on timely consideration of the

applications accompagnying mergers”, Washington, 1 mars 2000. Le texte peut être consulté à l’adresse

http://www.fcc.gov/Speeches/misc/statements/wright.030100.html. Page consultée le 18 avril 2011.

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413

Paragraphe II :

Amélioration du traitement du contentieux au niveau communautaire

L’amélioration du traitement du contentieux au niveau communautaire

consiste, d’une part, à réaménager les compétences du régulateur

communautaire (1), et à renforcer ses compétences techniques dans le domaine

des télécommunications, d’autre part.

1. Réaménagement des compétences du régulateur communautaire

Parmi les organisations communautaires auxquelles le Sénégal fait partie,

l’UEMOA et la CEDEAO sont celles qui ont adopté des dispositions

concurrentielles applicables aux secteurs des télécommunications.

Dans l’espace UEMOA, la directive n°02/2002/CM/UEMOA relative à la

coopération entre la Commission et les structures nationales de concurrence des

Etats membres dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles prévoit une

répartition des compétences entre le régulateur communautaire de la

concurrence et les structures nationales de la concurrence742.Et si l’édiction des

règles de fond est réservée aux structures communautaires, nous notons dans

leur mise en œuvre de fond un partage des fonctions d’enquête entre les

structures nationales de concurrence et la Commission743.

Dans le cadre du partage des fonctions d’enquête entre les structures nationales

de concurrence et la Commission, seule cette dernière peut connaître des 742 Sur la répartition des compétences entre la Commission de la concurrence de l’UEMOA et les structures

nationales de concurrence, voir Mor Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux

de la concurrence dans l’Union économique et monétaire ouest -africaine, Berne-Bruxelles, Stamplifi-Bruyant,

2007. 743 Voir en particulier l’article 3 et l’article 5 paragraphes 5.1, 5.2 et 5.3 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA.

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pratiques que sont les aides d’Etat, les pratiques anticoncurrentielles concernant

les monopoles et entreprises publiques et les pratiques anticoncurrentielles

susceptibles d’avoir un effet sur les échanges entre Etats membres.744 De même,

la Commission doit informer les structures nationales de concurrence des Etats

membres des procédures d’investigation concernant les entreprises situées sur

leur territoire, en leur transmettant les copies de certains documents que sont

notamment les pièces les plus importantes constatant les infractions, les

entreprises et les vérifications projetées auprès des entreprises en question745.

Dans le cas précis du secteur des télécommunications, les directives adoptées le

23 mars 2006 établissent une réglementation commune pour fixer le calendrier

homogène d’ouverture à la concurrence.

S’agissant de la CEDEAO, l’examen des dispositions de ces différents textes

montre qu’elle poursuit à l’heure actuelle deux grands objectifs : d’abord la mise

en place d’un marché commun en tant qu’objectif fondamental, et ensuite, la

mise en place d’une union économique et monétaire en tant qu’objectif ultime.

C’est dans cette recherche fondamentale que la mise en place d’un marché

commun, que l’adoption d’un droit et d’une politique de concurrence, est

envisagée, même si le Traité révisé ne le prévoit pas clairement. Les seules

dispositions concernant la concurrence sont contenues dans le Traité révisé et

sont uniquement destinées aux Etats. Il s’agit des dispositions sur les restrictions

quantitatives et sur le dumping. Aux termes de l’article 41 du traité révisé,

« …chaque Etat membre s’engage à assouplir progressivement et à éliminer

totalement dans un délai maximum de quatre ans, après le démarrage du

schéma visé à l’article 54(schéma de libéralisation des échanges commerciaux

mis en œuvre en 1990), toutes restrictions ou interdictions de nature

contingentaire, quantitative et assimilée qui s’appliquent à l’importation dans 744 Article 5 paragraphe 5.2 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA. 745 Article 5 paragraphe 5.3 de la directive n°02/2002/CM/UEMOA.

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415

cet Etat membre de marchandises originaires des autres Etats membres et à ne

pas imposer plus tard d’autres restrictions ou interdictions .»

L’article 13 de l’Acte Additionnel A SA 01/02/2007/ relatif à l’harmonisation

des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de

l’information et de la communication prévoit que l’organe de régulation

nationale assure une mission de contrôle de la concurrence dans le secteur des

télécommunications.

L’existence de plusieurs droits de la concurrence de rang communautaire

applicables au Sénégal soulève un certain nombre de questions : quels sont les

rapports de conformité, de compatibilité, de hiérarchie entre le droit

communautaire de la concurrence de l’UEMOA et ces différents droits, de

collaboration ou de coopération, voire de compétition ou de conflit sinon de

totale ignorance entre les institutions respectives dont elles émanent ou qui sont

chargées de les mettre en œuvre ?

S’agissant de l’UEMOA et de la CEDEAO, l’élaboration des textes sectoriels a

heureusement été cohérente. Parce que les experts de l’UEMOA qui ont validé

les directives de l’UEMOA ont participé à la validation des Actes Additionnels

de la CEDEAO.

Cependant, il est nécessaire que ce pluralisme normatif soit ordonné pour

reprendre la Doyenne Mireille Delmas Marty746. Autrement dit, les dispositions

matérielles de ces textes doivent être compatibles. Pour une efficacité du droit

de la concurrence, la compétence du régulateur communautaire doit se limiter

aux contentieux impactant directement le marché communautaire, par exemple

lorsqu’un contentieux oppose deux opérateurs de pays différents, ou deux

opérateurs du même pays ayant une incidence directe dans un autre Etat.

746 Mireille Delmas Marty, op.cit. p. 96.

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Donc l’aménagement des compétences du régulateur communautaire est

nécessaire, mais aussi il doit renforcer ses capacités.

2. Le renforcement des capacités du régulateur communautaire

Le traitement du contentieux des télécommunications appelle parfois une

expertise pointue dans le domaine. Ce qui n’est pas tout le temps à la portée du

régulateur communautaire. Cela a pour conséquence l’allongement du délai de

traitement et son inefficacité. En effet, un litige opposant Orange Mali à Malitel

en est une parfaite illustration. Ce litige concernant la mise en place d’un réseau

unique entre SONATEL du Sénégal et Orange Mali a provoqué une

discrimination tarifaire entre les clients des deux réseaux maliens dans le

domaine des communications internationales à destination du Sénégal. Ce qui a

été porté à la diligence de la commission de l’UEMOA qui n’a pas encore rendu

sa décision. A défaut de créer un régulateur sectoriel dans le domaine des

télécommunications, les commissions de l’UEMOA et de la CEDEAO doivent

se renforcer en expertise télécoms pour satisfaire l’exigence d’efficacité qui doit

gouverner le traitement du contentieux dans le domaine des télécommunications.

Ainsi, la régulation de la concurrence mérite un renforcement aux niveaux

national et communautaire. Mais aussi, les procédures de traitement des

différends doivent être améliorées.

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SECTION II :

AMELIORATION DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES

DIFFERENDS

La stratégie d’amélioration consiste à apporter des actions correctives aux

processus et procédures de traitement du contentieux de la régulation au

Sénégal.

Il s’agit ici de renforcer le traitement du contentieux devant le régulateur

(paragraphe II) et de rendre plus efficace le contrôle de la régulation par le juge

(paragraphe II).

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Paragraphe Premier :

Renforcement du traitement du contentieux devant le régulateur

Compte tenu du fait que l’essentiel des litiges soumis au régulateur est lié à

l’interconnexion. Il sera proposé des solutions par rapport aux différents types

de contentieux de l’interconnexion. La classification des litiges liés à

l’interconnexion proposée dans la présente étude est inspirée d’un document

produit par le cabinet TERA télécom 747dans le cadre d’une formation.

Les solutions proposées constituent une tentative d’adaptation des réponses par

rapport au cadre communautaire, inspirées d’une jurisprudence constante748. Il

s’agit d’une identification de certains litiges récurrents, et de proposer des

solutions de règlement à l’organe de régulation dans le cas où il serait saisi de

différends similaires, conformément au droit communautaire. Les solutions

portent d’une part, sur le refus ou le délai de fourniture de l’interconnexion (A)

et, d’autre part, sur la qualité de service et la tarification de l’interconnexion (B).

747 Le Cabinet TERA est consultant dans le domaine des télécommunications. Il accompagne les régulateurs, les

opérateurs et les équipementiers dans le traitement des questions liées à l’environnement des

télécommunications. 748 Nous nous sommes inspirés surtout des solutions adoptées par l’Autorité de la concurrence de la France, le

l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques de la France (ARCEP), de l’Agence National de

Régulation des Télécommunications du Maroc. En ce sens que le Sénégal et les autres pays de l’espace

communautaire s’inspirent souvent du Maroc et de la France pour mettre en place des leviers de régulation.

Cependant, nous avons aussi pris en compte certaines solutions proposées par d’autres régulateurs.

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A. Refus ou le délai de fourniture de l’interconnexion

Le refus de fourniture de l’interconnexion consiste à empêcher les clients

des autres réseaux de pouvoir communiquer avec les clients de son propre

réseau. Lorsque l’opérateur est en position dominante, il peut ne pas avoir intérêt

à s’interconnecter avec le nouvel entrant.

Le délai, c’est la séquence temporelle dans laquelle l’opérateur réalise

l’interconnexion demandée par son concurrent.

Et s’agissant, aussi, du refus, il est nécessaire de préciser que les modalités de

fourniture d’une prestation d’interconnexion peuvent être régies par :

- le catalogue d’interconnexion de l’opérateur ;

- le cahier des charges de l’opérateur ;

- la convention d’interconnexion.

Selon l’article 7 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC, une demande ne

peut être refusée que si elle est justifiée au regard, d’une part, des besoins du

demandeur, et d’autre part, des capacités techniques de l’exploitant à la

satisfaire.

PARTIES

Demandeur : Opérateur historique

Défendeur : Opérateur concurrent de l’opérateur historique

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CONTEXTE

Le contexte est caractérisé par le refus de l’opérateur historique de fournir une

prestation de sécurisation des interconnexions de l’opérateur concurrent en vue

de garantir la qualité des services offerts aux utilisateurs.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Sur l’obligation de proposer une offre :

Bien que la convention d’interconnexion, en vigueur entre les parties, n’oblige

pas l’opérateur historique à fournir à l’opérateur concurrent la solution de

sécurisation demandée, l’opérateur historique ne peut refuser de faire droit à une

demande de prestation d’interconnexion, dès lors que cette demande est

raisonnable au regard des besoins du demandeur et des capacités de l’exploitant

à les satisfaire. C’est le sens d’une décision de l’Autorité de Régulation de la

Mauritanie en date du 15 septembre 2009749. Dans cette affaire, le régulateur

mauritanien a été saisi par la société Mauritel SA, suite au refus de Chinguitel

S.A de lui louer une liaison FH750 située sur l’axe routier Nouakchott-

749 Décision n°008/09/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15 septembre 2009 se prononçant sur

un différend entre Mauritel S.A et Chinguitel S.A relatif à la location de capacité de transmission sur la liaison

FH de Chinguitel sur l’axe Nouakchott-Nouadhibou. 750 FH désigne Faisceau Hertzien. C’est est un système de transmission de signaux entre deux points fixes. Il

utilise comme support les ondes radioélectriques, avec des fréquences porteuses de 1GHz à 40GHz (domaine des

micro-ondes), très fortement concentrées à l'aide de directives. Ces ondes sont principalement sensibles aux

masquages (relief, végétation, bâtiments…), aux précipitations, aux conditions de réfractivité de l'atmosphère et

présentent une sensibilité assez forte aux phénomènes de réflexion.

A l’instar de la fibre optique, du satellite, le FH est un support de transmission.

Un réseau de télécommunication est composé de trois parties à savoir la partie accès, la partie commutation et la

partie transmission.

D’ abord, la partie accès commence du terminal de l’abonné jusqu’ au commutateur de raccordement.

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Nouadhibou. Chinguitel S.A avait déclaré qu’elle ne disposait pas de capacité

demandée par Mauritel S.A. Ce qui a été confirmé par la mission d’audit

effectuée par le régulateur. En conséquence, l’autorité de régulation a déclaré

irrecevable la requête de Mauritel S.A au fond. En ce sens que la demande

n’était pas raisonnable vis-à-vis des besoins du demandeur et des capacités de

Chinguitel S.A à la satisfaire.

Dans une autre décision du même jour, le régulateur de la Mauritanie, saisi par

Chinguitel SA751 pour refus de Mauritel S.A d’étendre une liaison

d’interconnexion entre le MSC752 de Chinguitel SA et le MSC2 de Mauritel S.A, Ensuite, la partie commutation est le cœur du réseau. C’est la partie qui regroupe les commutateurs

interconnectés.

Enfin, la partie transmission est composée de l’ensemble des infrastructures et/ou équipements qui permettent de

raccorder les zones distantes (par exemple deux villes ou deux pays). Les supports de transmission sont la fibre

optique, le satellite et le FH ou Faisceau Hertzien. Voir Serge Sanou, « Les bases de l’électronique ».Op.cit.

751 Décision n°009/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15 septembre 2009 se prononçant sur un

différend entre Chinguitel S.A et Mauritel S.A relatif à l’extension de la liaison d’interconnexion entre le MSC

DE Chinguintel SA. Et le MSC2 de Mauritel S.A. 752 Le MSC désigne en anglais Mobile Switchers Center ou centre de commutation mobile. Le centre de

commutation est un lieu où sont installés des commutateurs. Ces derniers mettent les clients en relation de

communication : nous parlons de commutateur de raccordement. A ce niveau, nous distinguons deux types de

raccordement à savoir le raccordement terminal à un commutateur et le raccordement transit à un commutateur

de transit.

Pour le raccordement terminal à un commutateur :

- dans le cadre de l’interconnexion directe où la terminaison de trafic, la commutation permet

d’acheminer le trafic terminal destiné aux abonnés raccordés directement à ce commutateur. ;

- pour l’interconnexion indirecte où la collecte de trafic, le service permet d’écouler le trafic des clients

des opérateurs interconnectés qui sont raccordés directement à ce commutateur.

Concernant le raccordement transit à un commutateur de transit :

- pour l’interconnexion directe où la terminaison de trafic, le service permet d’écouler le trafic à

destination des abonnés raccordés sur les commutateurs d’abonnés accessibles, en transit, à partir du

commutateur de rattachement. Nous parlons de « simple transit » ou de « double transit » ou d’accéder

aux abonnés des autres opérateurs ;

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a déclaré recevable la saisine. En ce sens que la mission d’audit effectuée par le

régulateur le 28 juillet 2009 confirmait que Mauritel S.A disposait de

suffisamment de capacité au niveau de son MSC2 pour satisfaire la demande de

Chinguitel.

Au demeurant, les conventions d’interconnexion doivent préciser, au minimum,

au titre des caractéristiques techniques des services d’interconnexion, la qualité

des prestations fournies dont la sécurisation753.

Evaluation des besoins de l’opérateur alternatif :

En cas de défaillance de l’interconnexion, les clients de l’opérateur concurrent

raccordés au commutateur d’abonnés concerné n’ont plus la possibilité

d’accéder à son service. D’après les chiffres fournis, le préjudice subi par

l’opérateur concurrent est important.

L’Autorité estime donc que les interconnexions aux commutateurs de

l’opérateur concurrent doivent pouvoir être sécurisées.

Evaluation de la capacité de l’opérateur historique à satisfaire cette demande :

- et pour ce qui est du cadre de l’interconnexion indirecte où collecte de trafic, le service permet

d’acheminer le trafic des clients de l’opérateur interconnecté qui se trouvent dans la zone de transit

uniquement. Nous parlons de collecte « simple transit ».

Sur cette question, voir le catalogue d’interconnexion de SONATEL 2010. (Disponible sur le site :

www.artp.sn. Page consultée le 17 février 2011).

753Article 16 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion.

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L’opérateur historique propose des offres qui permettent la sécurisation des

interconnexions. Il utilise d’ailleurs la prestation demandée par l’opérateur

concurrent pour sécuriser son propre trafic.

Au vu de ces éléments, l’Autorité considère que l’opérateur historique doit, en

application du principe de non-discrimination, proposer à l’opérateur concurrent

un mécanisme similaire.

Toutefois, l’opérateur historique n’utilise cette possibilité qu’en complément à

d’autres solutions de sécurisation. Il est donc légitime et proportionné que

l’opérateur historique demande à terme à l’opérateur concurrent de mettre

également en œuvre des mesures de sécurisation complémentaire.

SOLUTION

Une obligation est faite à l’opérateur historique de fournir une prestation de

sécurisation des interconnexions. A terme, l’opérateur concurrent est obligé de

mettre en place des mesures complémentaires.

L’ART de la France, devenue l’ARCEP a adopté cette solution dans une

décision du 5 janvier 2000754. Il ressort des énonciations de la décision que la

société Télécom Développement (ci-après TD), filiale commune de Cegetel et

de la SNCF, a pour objet de développer et d’exploiter un réseau de

télécommunication longue distance interurbain, ouvert au public. Pour remplir

son rôle d’opérateur longue distance, elle a nécessairement besoin d’être

interconnectée au réseau de la société France Télécoms (ci-après FT), qui en tant

qu’opérateur historique, a un quasi-monopole sur l’activité d’opérateur de

boucle locale du fait des infrastructures dont elle dispose. Ayant choisi pour

chacune des deux prestations d’interconnexion qu’elle doit acheter à FT (trafic

entrant et trafic sortant) d’investir dans un réseau d’infrastructures de

754 Décision n°00-30 du 5 janvier 2000 (www.arcep.fr, page consultée le 18 juin 2009).

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télécommunications très dense consistant à s’interconnecter au niveau des

commutateurs d’abonnés de FT (dit CA), et non à un niveau relativement

éloigné des abonnés, via un PRO755, TD, afin d’assurer une bonne qualité de

service sur son réseau, a demandé à son partenaire de réacheminer

automatiquement les appels à destination de son réseau vers son interconnexion

au PRO dès lors que l’interconnexion au commutateur d’abonnés connaissait un

dysfonctionnement. Pour qu’en cas de défaillance d’éléments de transmission ou

de commutation, il y ait « débordement » du trafic ainsi affecté vers un autre

centre de transit de FT.

Et suite au refus de FT, TD a saisi l’Autorité de régulation des

télécommunications du différend l’opposant à la première relatif à la

sécurisation automatique des interconnexions aux commutateurs d’abonnés du

réseau de FT.

C’est ainsi que le régulateur a décidé, entre autres, que pour le trafic entrant sur

le réseau de Télécom Développement, France Télécom fournira une prestation

de sécurisation des interconnexions aux CA756par débordement du trafic sur le

point de raccordement de Télécom Développement. Ce dernier ne pourra utiliser

ce débordement qu’à des fins de sécurisation de son réseau.

Sur recours formé par France Télécom, en annulation de la décision de la Cour

d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 27 juin 2000757, a confirmé la décision

de l’ART de la France. Dans son analyse, la Cour d’Appel rappelle que :

La sécurisation de transmission et de commutation assurent l’interconnexion

du réseau de Télécom Développement et les différents CAA758de France

755 Point de Raccordement Opérateur. 756 Commutateur d’abonné. 757 Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 27 juin 2000, RG N° : 2000/02659 – 16ème page. 758 Commutateur à autonomie d’acheminement. C’est un équipement qui met les clients en relation pour

permettre la communication.

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425

Télécom auxquels l’opérateur qui a saisi l’Autorité s’interconnecte dès lors que

le service de Télécom Développement ne peut assurer au client final que par le

biais des interconnexions au réseau de France Télécom, aux deux extrémités du

chemin emprunté par la communication.

Ensuite, concernant le délai de traitement, le litige peut tirer sa source d’un

délai non raisonnable de la réalisation de l’interconnexion ou une

discrimination dans le traitement de la demande d’interconnexion.

C. Délai non raisonnable d’exécution de la demande d’interconnexion

2. Délai de traitement de la demande

PARTIES

Demandeur : Opérateur concurrent

Défendeur : Opérateur historique

CONTEXTE

Il s’agit d’une dénonciation par un opérateur concurrent du délai de traitement

des demandes de portabilité759 imposé par l’opérateur historique.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

La détermination du seuil incompressible :

L’Autorité examine si une réduction du délai par l’opérateur historique est

techniquement possible, et quel est le délai minimum (« seuil incompressible »).

En l’espèce, l’Autorité constate que le seuil incompressible est de 4 jours. Elle

estime donc que le délai de 7 jours revendiqué par l’opérateur historique doit

759 La portabilité des numéros est la possibilité pour un usager d’utiliser le même numéro d’abonnement,

indépendamment de l’exploitant chez lequel il est abonné, et même au cas où il change d’exploitant.

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être réduit. C’est le sens de la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008760 de

l’ARCEP relative à France Télécom. En effet, le cadre législatif et réglementaire

mis en place pour le déploiement de la fibre en France comporte plusieurs

volets. En vertu de sa compétence d’analyse des marchés, l’ARCEP a imposé en

2008 des mesures de régulation « asymétriques », c’est-à-dire portant

uniquement sur l’opérateur historique, France Télécom, et obligeant ce dernier à

donner accès à ses fourreaux de génie civil pour permettre à l’ensemble des

opérateurs d’y déployer de la fibre dans des délais raisonnables.

Prise en compte des contrats clients :

L’Autorité précise que les parties doivent fixer ce délai en fonction des délais

prévus dans les contrats souscrits avec leurs clients.

Le renvoi à la négociation par les parties :

L’Autorité indique que ce nouveau délai doit être décidé par les parties par voie

contractuelle, au regard des deux considérations ci-dessus.

SOLUTION

L’Autorité impose aux parties de négocier un délai inférieur au délai actuel.

C’est le sens d’une décision du 20 juillet 2005 de l’Agence de Régulation des

Télécommunications du Maroc concernant l’interconnexion entre Medi Télécom

et IAM. Dans cette affaire, le régulateur marocain était saisi par Medi Télécom

pour faire aboutir les négociations d’interconnexion qui achoppaient sur des

questions techniques. Selon Medi Télécom, après plus de deux années de

négociations, elle et IAM ne sont pas arrivées à un accord sur les termes et

760 Décision n°2008-0835 du 24 juillet 2008 de l’ARCEP.

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427

conditions d’un nouveau contrat d’interconnexion. Dans l’analyse de l’affaire, le

régulateur a précisé :

Eu égard aux enjeux que représente pour les opérateurs la conclusion d’une

convention d’interconnexion et la nécessité, pour eux, de lui conférer la

pérennité requise au regard de son objet, le contrat d’interconnexion doit être

un contrat à durée indéterminée, dont l’échéance interviendra, sauf

manquement grave ou faute de l’une des parties, à l’expiration de la licence de

l’un des opérateurs ; une telle disposition n’entre pas en contradiction avec la

stipulation de conditions négociées par les parties sur les modalités de sa

renégociation. 761

Constatant que sur les dix points de désaccord, identifiés comme tels, seuls cinq

points restent en suspens, le régulateur a décidé que IAM et Médi Télécom

procèdent dans un délai ne dépassant pas 2 (deux) mois, à compter de la

notification de sa décision, à la conclusion d’un nouveau contrat

d’interconnexion, dans les conditions et selon la démarche qu’il aura définies.

3. Discrimination dans le traitement des demandes

2.1 Discrimination dans le traitement des demandes par le refus

d’offre d’interconnexion

PARTIES

Demandeur : opérateur concurrent

Défendeur : opérateur historique

761Décision n°04/05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 20 juillet 2005 relative au litige entre Medi

Télécom et IAM concernant la renégociation du contrat d’interconnexion. http://www.anrt.net.ma/fr/. Page

consultée le 14 octobre 2011).

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428

CONTEXTE

L’opérateur historique refuse un service d’interconnexion à l’opérateur

concurrent, qui invoque une discrimination.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Le principe

Les exploitants de réseaux ouverts au public font droits, dans des conditions

objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes

d’interconnexion des autres opérateurs762.

L’application

L’opérateur historique rapporte la preuve qu’il avait manifestée à tous les

opérateurs concernés et sa volonté de résilier la prestation d’interconnexion en

cause.

Au regard de cet élément de fait, l’Autorité a considéré que le refus opposé par

l’opérateur historique, d’offrir la prestation d’interconnexion demandée par

l’opérateur concurrent, ne saurait être regardé comme une discrimination.

SOLUTION

Le refus de l’opérateur historique de faire droit à la demande d’interconnexion

n’est pas discriminatoire dans ce cas d’espèce.

762Article 7 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion. De même, l’article 17 de l’ordonnance n°99-

043/P-RM du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en République du Mali prévoit que les

opérateurs assurent l’accès à leurs réseaux et services aux demandeurs à des conditions générales de fourniture

sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires, garantissant l’accès. A cet effet, l’opérateur qui

dispose de plusieurs réseaux ne peut accorder à son propre réseau un régime d’interconnexion plus favorable

que celui qu’il accorde à un autre opérateur.

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429

Par contre, le refus d’accès à l’interconnexion et le dilatoire ou la discrimination

dans le traitement des demandes d’interconnexion constituent des obstacles à

une sérieuse concurrence, d’où la nécessité de la vigilance du régulateur sur le

traitement. C’est le sens d’une décision du 1er juin 2005 de l’ANRT du Maroc,

relative au litige entre Medi Télécom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant

la co -localisation dans les sites d’IAM763.

Dans ce cas d’espèce, Medi Télécom demandait à l’ANRT de confirmer son

droit de bénéficier du service de co-localisation d’IAM et l’obligation de cette

dernière de fournir à Medi Télécom la prestation effective et immédiate de la co-

localisation dans tous les sites d’IAM soit dans les conditions décrites dans son

Catalogue d’Interconnexion ou dans des conditions différentes dans le cas où

IAM ne peut pas assumer la fourniture de la co-localisation dans les conditions

fixées dans ledit Catalogue. Dans son argumentaire, l’ANRT a rappelé que :

La co-localisation constitue un des moyens de l’interconnexion physique des

réseaux, qui permet à un opérateur souhaitant réaliser lui-même la liaison

d’interconnexion d’installer ses équipements dans les locaux de l’opérateur

offrant cette prestation, au lieu de louer ladite liaison auprès de ce dernier ;

ainsi définie, elle constitue un facteur déterminant pour l’exercice d’une

concurrence saine, en ce sens que chaque opérateur se trouve libre de décider

par lui-même de son mode d’organisation et de l’architecture de son réseau, par

des choix techniques et économiques autonomes ; qu’en conséquence, elle

constitue un droit subséquent au droit à l’interconnexion des réseaux de

télécommunications.

Suite à la mission d’expertise, l’ANRT a considéré que la demande était

raisonnable compte tenu des conditions techniques et du délai y afférentes. Par

conséquent, elle décida : 763Décision n°03 /05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 1er juin 2005 relative au litige entre Medi

Télécom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant la co-localisation dans les sites d’IAM.

(http://www.anrt.net.ma/fr/. Page consultée le 14 octobre 2011).

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430

IAM est tenue de donner suite à toute demande de co-localisation dans ses

sites, conformément à la réglementation en vigueur et aux dispositions de la

présente décision.

A cet effet, elle établit et transmet à l’ANRT, au plus tard un (1) mois à compter

de la date de notification de la présente décision, la liste de ses sites ouverts à la

co-localisation physique par salle dédiée.

De même, le régulateur doit aussi être regardant sur les questions de qualité de

service et de tarification.

2.2 Discrimination par la qualité de service à l’interconnexion

La qualité de service est l’aptitude d'un service à répondre adéquatement à des

exigences, exprimées ou implicites, qui visent à satisfaire ses usagers. Ces

exigences peuvent être liées à plusieurs aspects d'un service : son accessibilité,

sa continuité, sa disponibilité, sa fiabilité et sa maintenance764.

Tandis que la tarification est le fait de fixer un prix pour le service

d’interconnexion.

Concernant la qualité de service, l’article 16 de l’Acte Additionnel sur l’accès

et à l’interconnexion stipule :

L’interconnexion fait l’objet d’une Convention de Droit Privé, appelé

communément Contrat d’Interconnexion, entre deux parties concernées. Cette

convention détermine, dans le respect des dispositions législatives et

réglementaires applicables, les conditions techniques financières de

l’interconnexion. Elle est communiquée à l’Autorité nationale de régulation dès

sa signature. 764http://www.journaldunet.com/encyclopedie/definition/1026/51/20/quality_of_service.shtml. (Page consultée le

6 janvier 2011)

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431

Lorsque cela est indispensable pour garantir le respect de la loyauté de la

concurrence, la non-discrimination entre opérateurs ou l’interopérabilité des

services et des réseaux, l’Autorité nationale de régulation peut demander aux

parties de modifier la convention d’interconnexion.

PARTIES

Demandeur : opérateur concurrent

Défendeur : opérateur historique

CONTEXTE

Le litige est relatif à la qualité des services de liaisons loués et à la mise en place

d’un suivi de qualité consécutif à la mise sur pieds d’une nouvelle architecture

d’interconnexion entre les parties.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Les conditions de la qualité de service

L’Autorité constate que l’opérateur historique propose, dans ses contrats actuels,

un certain niveau de qualité de service pour les liaisons louées.

Elle indique que la nature technique des liaisons louées est sans incidence sur le

niveau de qualité de service.

De plus, l’Autorité précise que l’interconnexion doit être fournie dans des

conditions non discriminatoires. Cela signifie que les opérateurs doivent offrir

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432

aux concurrents des conditions techniques et financières équivalentes à celles

retenues pour leurs propres services ou ceux de leurs filiales ou partenaires.

En conséquence, l’Autorité ne considère qu’une différence de qualité de service

entre les liaisons louées existantes et celles de la nouvelle offre :

- ne serait pas fondée sur des critères objectifs ;

- introduirait une discrimination entre la qualité de service que l’opérateur

historique a proposée à ses clients finals et celle réservée aux opérateurs.

Dans la mesure où le catalogue d’interconnexion de l’opérateur historique

propose un niveau de qualité de service standard, l’Autorité décide que la

convention d’interconnexion avec l’opérateur concurrent appliquera ce niveau

de qualité de service, au moins égal à celui des offres de liaisons louées en

cours.

La mise en place d’un suivi de qualité

L’Autorité estime que la mise en œuvre d’un système de suivi rend plus

transparent le respect des engagements de l’opérateur historique. Elle considère

donc qu’un tel système peut être défini dans le cadre de la convention

d’interconnexion.

L’Autorité note par ailleurs que l’opérateur historique propose dans le cadre de

ses contrats existants des options de suivi de la qualité de service.

En conséquence, l’Autorité demande à l’opérateur historique d’inclure dans ses

conventions avec l’opérateur concurrent un système de suivi de la qualité de

service, dont les conditions seront au moins aussi favorables que dans les

options des contrats existants.

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433

En outre, s’agissant de prestations d’interconnexion, l’Autorité précise que les

tarifs de cette offre de suivi de la qualité de service seront orientés vers les coûts

correspondants.

SOLUTION

La convention d’interconnexion appliquera le niveau de qualité défini pour

l’ancienne architecture d’interconnexion.

Un système de suivi de la qualité de service, dont les conditions seront au moins

aussi favorables que pour l’ancienne architecture de liaisons louées, devra

également être proposé à des tarifs orientés vers les coûts.

L’opérateur historique ne doit pas appliquer une qualité de service

discriminatoire entre ses filiales et ses concurrents, entre ses clients et ceux de

ses filiales.

C’est le sens d’une décision rendue par le Conseil de la Concurrence de la

France le 27 février 2002765. Les faits sont les suivants : T-Online France, qui

commercialisait ses services de détail de fournisseur d’accès à Internet sous la

marque « Club-Internet », soutenait que France Télécom aurait octroyé, de

manière discriminatoire, à sa filiale Wanadoo Interactive, une offre sur mesure

(OSM) préférentielle pour la fourniture d’accès ADSL en gros. T-Online France

considérait ensuite que France Télécom avait avantagé sa filiale Wanadoo

Interactive par l’ « octroi de subventions illicites indirectes ». La plaignante

reprochait également à France Télécom d’avoir consenti un avantage

discriminatoire à sa filiale Wanadoo Interactive en ce qui concerne l’accès aux

informations relatives à l’éligibilité des lignes à l’ADSL ainsi que la passation

des commandes de lignes ADSL. Ainsi, les agences Frances Télécom

commercialisant les services de Wanadoo Interactive auraient bénéficié

765 Décision n°02-MC-03 du 27 février 2002.

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434

d’informations de processus de commande bien plus rapides et bien plus fiables

que les FAI766 alternatifs (FAI autres que Wanadoo Interactive).

Le Conseil de la Concurrence a prononcé des mesures conservatoires à

l’encontre de la société France Télécom, notamment en enjoignant à cette

dernière :

De mettre à la disposition de l’ensemble des fournisseurs d’accès à l’Internet,

un serveur Extranet permettant d’accéder aux mêmes informations sur

l’éligibilité des lignes téléphoniques à l’ADSL et sur les caractéristiques des

modems compatibles avec l’équipement de ces lignes autres que celles dont

dispose Wanadoo Interactive, et de commander aux services spécialisés de

France Télécom, l’opération matérielle de la connexion dans les mêmes

conditions d’efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive, selon les

mêmes conditions tarifaires, mais avec des conditions techniques autorisant le

traitement de masse en ligne.

D. Les solutions aux contentieux de la tarification peuvent être

appliquées de manière rétroactive.

Elles portent souvent sur le tarif de la terminaison d’appel ou le tarif de la

collecte d’appel.

Aux termes de l’article 3 de l’Acte Additionnel sur l’accès et à l’interconnexion,

les conventions d’interconnexion sont librement négociées dans des conditions

réglementaires, techniques et financières objectives et non discriminatoires qui

assurent des conditions de concurrence loyale.

De même, l’article 23 dispose que les opérateurs puissants respectent le principe

d’orientation vers les coûts.

766 Fournisseur d’accès à Internet.

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435

1. Rétroactivité des décisions de règlement des différends

PARTIES

Demandeur : opérateur historique

Défendeur : opérateur concurrent

CONTEXTE

Le litige porte sur la faculté d’appliquer, pour l’Autorité, une décision sur une

période antérieure à la date de sa décision.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

La fixation rétroactive de tarifs est compatible avec le principe de non

rétroactivité des actes administratifs.

L’Autorité n’a fait qu’adapter ce principe aux réalités économiques dans un

souci d’équité sans contrevenir aux nécessités de sécurité juridique.

Investie par la loi du pouvoir de régler les différends opposant les opérateurs de

télécommunications sur les conditions financières des prestations

d’interconnexion pour lesquelles ils ont conclu une convention, l’Autorité est

fondée de fixer, pour l’ensemble de la période litigieuse qui, en l’espèce,

commençait à courir au premier janvier 2003, les méthodes permettant de

déterminer les tarifs de ces prestations.

SOLUTION

L’Autorité applique les tarifs fixés dans sa décision pour l’ensemble de la

période litigieuse. C’est le sens de la décision rendue par l’ARTP du Sénégal, en

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436

date du 21 avril 2010, dans un litige opposant EXPRESSO Sénégal à

SONATEL767.

Quels sont les faits ?

SONATEL et EXPRESSO Sénégal sont des opérateurs titulaires de licence de

télécommunication au Sénégal. Par conséquent, ils sont assujettis à l’obligation

d’interconnexion. De même SONATEL, en sa qualité d’opérateur en position

dominante, est tenue de publier un catalogue d’interconnexion approuvé par

l’Autorité de régulation des télécommunications. Ainsi, par décision du 31

juillet 2009,768 l’ARTP approuve le catalogue d’interconnexion de SONATEL

pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010. Après l’approbation du

catalogue d’interconnexion de SONATEL, l’ARTP a prescrit à SONATEL et à

EXPRESSO de signer leur convention de concession avant le 1er septembre

2009. Le délai fixé ayant expiré, EXPRESSO Sénégal saisit l’ARTP le 3

septembre 2009. En effet, les négociations entre SONATEL et EXPRESSO

Sénégal ont achoppé sur la détermination du tarif de terminaison du trafic

international entrant vers le réseau de SONATEL en transit par EXPRESSO

Sénégal. Le régulateur, par décision rendue le 21 avril 2010 confirme les tarifs

prévus dans la convention d’interconnexion de SONATEL qui seront

applicables pour la séquence temporaire du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010.

2. Tarifs de la terminaison d’appel

La terminaison d'appels est le coût de transmission facturé par un opérateur à un

autre opérateur pour faire transiter l'appel sur son réseau769. Lorsque l'abonné

d'un opérateur A appelle un abonné d'un opérateur B, l'opérateur A devra payer

767 Décision relative à la conclusion d’une convention d’interconnexion entre SONATEL et EXPRESSO Sénégal

pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010 (www.artp.sn Page consultée le 18 février 2011). 768Décision n°2009-00014ARTP/DG/SG/DO/DRS du 31 juillet 2009768 portant approbation du catalogue

d’interconnexion de SONATEL pour la période du premier juillet 2009 au 30 juin 2010.

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437

à l'opérateur B une terminaison d'appels pour chaque minute de communication.

Une sorte de taxe douanière donc qui existe depuis l'ouverture du marché de la

téléphonie fixe à la concurrence.

PARTIES

Demandeur : Opérateur historique

Défendeur : Opérateur concurrent

CONTEXTE

Le litige est relatif aux tarifs des prestations de terminaison d’appel sur le réseau

d’un opérateur alternatif pour le trafic téléphone.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Principe d’orientation vers les coûts

Qu’ils soient soumis ou non à l’obligation de publier un catalogue

d’interconnexion, les opérateurs sont tenus d’orienter leurs tarifs

d’interconnexion vers les coûts770.

La détermination du coût de l’interconnexion

L’Autorité considère que les coûts à prendre en compte doivent être établis en

référence aux Coûts Moyens Incrémentaux de Long Terme (CMILT)771, en

769http://www.degroupnews.com/dico/definition-terminaison-d-appels.html (Page consultée le 7 janvier 2011)

770Article 23 de l’Acte Additionnel sur l’accès et l’interconnexion. 771 C’est le coût additionnel d’un volume donné de services utilisant un réseau ajusté pour ces demandes avec un

degré d’ajustement qui dépend de la facilité d’adaptation de l’actif. Le CMILT, utilisé en France comme base de

tarification de l’interconnexion, prend en compte les coûts fixes directs et utilise une valorisation au coût

prospectif. Voir la décision n°00-1171 du 31 octobre 2000 de l’Autorité de régulation des Télécommunications

de la France devenue ARCEP.

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438

cohérence avec les prestations d’interconnexion figurant au catalogue

d’interconnexion de l’opérateur historique.

Méthode du Benchmark

Dans le cas où l’un des opérateurs refuserait de communiquer les données

nécessaires au calcul du coût moyen de terminaison d’appel, la possibilité de

retenir la méthode de « benchmark »772 international sera envisagée.

Comparaison des marges sur coûts CMILT des opérateurs

L’Autorité note qu’elle a validé le niveau de marge sur coût CMILT des tarifs de

terminaison de l’opérateur historique.

Il convient dès lors de comparer les marges sur coûts CMILT de l’opérateur

historique avec les marges sur coûts CMILT obtenues avec les tarifs proposés

par l’opérateur concurrent.

L’Autorité indique que les écarts de tarifs de terminaison d’appel entre les deux

opérateurs sont ainsi justifiés par les écarts de coûts entre ces deux opérateurs773.

SOLUTION

L’Autorité examine si les tarifs proposés respectent le principe d’orientation

vers les coûts774 et, dans le cas contraire, fixe un tarif. C’est le sens d’une 772 Le « benchmark » ou « yarstick competition » est une pratique de régulation qui consiste à s’inspirer des

solutions retenues dans d’autres pays ou d’autres entreprises. 773 Les coûts retenus sont des coûts incrémentaux. Les coûts incrémentaux sont les coûts supplémentaires

engendrés par l’ajout à un portefeuille de service offerts d’un nouveau service. Ce sont principalement les coûts

d’éléments de réseau dont le dimensionnement dépend du volume des services considérés : il doit y avoir une

relation de causalité entre le trafic et le dimensionnement des éléments de réseau. Voir Laurent Gille, Modèle de

calculs des coûts d’interconnexion : CMILT-Bottom-up, Paris, édition Télécom Paris tech, décembre 2011, p. 14. 774 L’article 6 de l’Acte Additionnel A/SA 2/01/07 relatif à l’accès et à l’interconnexion des réseaux et services

du secteur des technologies de l’information et de la communication prévoit que les Autorités nationales de

régulation doivent harmoniser leur méthode de calcul des coûts. Cette méthodologie doit définir :

- les coûts pertinents à prendre en compte ;

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439

décision rendue par le Conseil de la concurrence concernant France Télécom et

9 Télécom. Dans cette affaire, concernant l'exécution de la décision n° 00-MC-

01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires

présentée par la société 9 Télécom Réseau, le Conseil de la concurrence a

appliqué le principe voulant, qu'en certaines circonstances, des entreprises soient

invitées à orienter leurs tarifs vers les coûts. Ce faisant, le Conseil adopte des

solutions qui dérogent au principe de la libre détermination des prix par le jeu de

la concurrence tel qu'institué par l'article L. 410-2 du Code de commerce.

L'opérateur de réseau de télécommunication 9 Télécom Réseau avait souhaité,

courant 1999, offrir aux fournisseurs d'accès à Internet un service de collecte du

trafic généré par leurs abonnements ADSL, concurrent du service proposé par

France Télécom. La société 9 Télécom Réseau, ne pouvant alors accéder à la

boucle locale et donc desservir directement les abonnés, demandait à France

Télécom de pouvoir accéder au "circuit virtuel", solution qui consiste en la

fourniture de transport de données à haut débit entre l'abonné et un point de

présence de l'opérateur, un "circuit virtuel" étant dédié à chaque raccordement à

haut débit. La mise en œuvre de cette option permet à l'abonné d'être le client du

nouvel opérateur, pour un service de transport de données à haut débit, tout en

restant le client de France Télécom pour le service de téléphonie. En novembre

1999, France Télécom devait informer le demandeur de l'élaboration « d'une

offre de vente en gros de ses services, destinée aux opérateurs tiers pour leur

permettre d'offrir des services équivalents à ceux de France Télécom ». Mais,

faute d'obtenir une réponse précise, le demandeur devait saisir le Conseil de la

concurrence le 29 novembre 1999 : des mesures conservatoires étaient

prononcées le 18 février 2000 et il était fait injonction à France Télécom de : - la structure du modèle de calcul des coûts ;

- les données de base à incorporer dans le modèle ;

- le mode d’évaluation du coût de revient du capital ;

- l’interprétation des résultats du modèle. La finalité est d’assurer une efficacité économique de

l’interconnexion.

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proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines [...],

une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la

fourniture d'accès à Internet par la technologie ADSL ou toute autre solution

technique et économique équivalente permettant aux opérateurs d'exercer une

concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations

offertes.

Le 15 février 2001, la société 9 Télécom Réseau a, à nouveau, saisi le Conseil de

la concurrence pour non-respect de l'injonction antérieurement formulée. Elle

devait alors faire valoir que si France Télécom a effectivement transmis en avril

2000 une offre aux opérateurs tiers, cette offre aurait du contenir de multiples

restrictions techniques et tarifaires. Dans sa décision du 13 mai 2004, le Conseil

de la concurrence rappellera la condition posée par l'injonction : la possibilité

pour des tiers d'exercer une concurrence effective implique de s'assurer que les

conditions techniques et commerciales proposées par France Télécom soient

d'une nature telle qu'elles permettent à des opérateurs tiers de mettre à la

disposition des fournisseurs d'accès Internet des prestations équivalentes à celles

proposées par France Télécom. En d'autres termes, le Conseil, recourant à de

nombreux exercices de simulation, cherchera à vérifier en quoi un opérateur

efficace, achetant à France Télécom les prestations correspondant au "circuit

virtuel", pour revendre un service équivalent à celui offert par ailleurs par

France Télécom, parvient ou non à dégager une marge suffisante pour faire face

à ses coûts. Parce que tous les tests ont révélé l'existence d'un ciseau tarifaire775,

le Conseil de la concurrence a considéré que France Télécom ne s'était pas

775 Il existe un risque d’effet de ciseau tarifaire quand deux entreprises A et B sont concurrentes sur un marché de

détail et que B dépend de A sur un marché intermédiaire. Il y a effet de ciseau tarifaire quand le tarif de détail de

l’opérateur A (lame supérieure des ciseaux) est inférieur à la somme du tarif de gros pour les ressources

intermédiaires (lame inférieure des ciseaux) et des coûts propres de l’opérateur B. Voir décision portant

approbation du catalogue d’interconnexion de SONATEL pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 ;

(www.artp.sn. Page consultée le 18 septembre 2010).

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conformée à l'injonction prononcée le 18 février 2000. Ainsi, pour le Conseil,

les pratiques tarifaires de France Télécom ont eu pour effet de verrouiller le

marché au détriment des opérateurs concurrents. Ce n'est qu'à partir du moment

où l'Autorité de régulation des télécommunications a obtenu, fin 2002, de la part

de France Télécom, un ensemble de baisses de prix que la situation a pu se

débloquer, et à partir de 2003, pour les souscriptions à l'offre sur la base de

circuit virtuel aussi. Subséquemment, tout au long des années 2000 à 2002, les

opérateurs tiers ont été exclus du marché naissant de la fourniture en gros des

accès ADSL et, dans le même temps, les fournisseurs d'accès Internet ont dû

faire face à un fournisseur - France Télécom- se maintenant artificiellement en

situation de quasi-monopole pour des prestations qui représentent une part

importante de leurs charges et conditionnent étroitement leur rentabilité ou les

prix qu'ils sont en mesure de proposer776.

3. Niveau de rémunération

PARTIES

Demandeur : Opérateur concurrent

Défendeur : Opérateur historique

CONTEXTE

Le litige porte sur le niveau de la rémunération (charge de terminaison d’appel

international) versée par l’opérateur historique à l’opérateur concurrent pour

l’acheminement du trafic de cet opérateur en provenance de l’international.

L’opérateur concurrent réclame l’alignement de la charge de terminaison

d’appel international sur la charge de terminaison d’appel national.

776 Décision n° 04-D-18 du 13 mai 2004 (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/index.php, page consultée

le 18 juin 2009).

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ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Les conventions d’interconnexion doivent respecter le principe de non-

discrimination. De plus, elles ne doivent pas conduire à imposer indûment des

charges excessives aux opérateurs utilisant l’interconnexion.

L’Autorité estime que l’alignement est souhaitable afin de limiter un recours

abusif au re-routage des appels fixes vers mobile par les coûts qu’ils supportent

au titre de la terminaison des appels internationaux.

Toutefois, l’Autorité constate qu’un alignement des charges ferait supporter à

l’opérateur historique une charge excessive, car la charge de terminaison d’appel

locale est élevée.

La charge est, en l’espèce, considérée comme excessive car elle excède les

recettes que l’opérateur historique est en mesure de négocier dans les accords

internationaux et qu’elle peut reverser à l’opérateur concurrent mobile.

SOLUTION

L’Autorité fixe le tarif de terminaison d’appel en fonction de la recette moyenne

perçue par l’opérateur historique lors de la signature d’accord international.

C’est le sens d’une décision rendue par l’ANRT du Maroc le 27 décembre

2004777. Dans cette affaire, Itissalat AL Maghrib a saisi le régulateur télécom

marocain pour demander :

777 Décision n°10/04 du Comité de Gestion de l’ANRT du 27 décembre 2004, relative au litige entre Itissala AL

Maghrib et Medi Télécom relatif à la coupure de la liaison permettant l’acheminement du trafic international

entrant à destination de Medi Télécom via le réseau d’IAM ;( http://www.anrt.net.ma/fr/. Page consultée le 14

octobre 2011).

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443

- le constat de l’illégalité de la coupure unilatérale de la liaison

d’interconnexion permettant l’acheminement des communications

internationales effectuées par Medi Télécom le 1er août 2003 ;

- l’injonction à Medi Télécom (i) de rétablir immédiatement

l’interconnexion coupée et (ii) d’informer l’ensemble des opérateurs

étrangers contactés que le trafic à destination de ses abonnés pourra

désormais continuer à être acheminé par IAM.

Dans son analyse, le régulateur a rappelé l’article 8 de la loi marocaine 24-96

qui prévoit que :

L’interconnexion entre les différents réseaux de télécommunications doit être

faite dans des conditions réglementaires, techniques et financières, acceptables,

objectives et non discriminatoires qui assurent des conditions de concurrence

loyale. L’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications est

chargée de veiller au respect des dispositions qui précèdent et tranche les litiges

y relatifs.

Ainsi, il a été décidé entre autres :

Qu’en application des dispositions de l’article 2 de la décision n°09/04 du 25

octobre 2004, le Comité de Gestion de l’ANRT arrête le tarif moyen de

terminaison du trafic international entrant vers Medi Télécom via le réseau

d’IAM à 1.6289 DH/HT/min. Ce tarif ne faisant pas de distinction entre heure

creuse ou heure pleine.

4. Conditions tarifaires de la prestation de terminaison d’appel

PARTIES

Demandeur : Opérateur historique

Défendeur : Opérateur concurrent

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444

CONTEXTE

Le litige porte sur les conditions tarifaires de la prestation de terminaison

d’appel.

L’opérateur concurrent souhaite appliquer des tarifs de terminaisons distincts

selon que l’appel est entrant ou sortant de son réseau.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

L’Autorité retient la méthode dite « réciprocité tarifaire », selon laquelle le prix

pratiqué par un opérateur, pour acheminer vers l’abonné un appel entrant sur son

réseau, doit être équivalent au tarif d’interconnexion, pour l’acheminement des

appels sortant de son réseau.

L’Autorité a toutefois jugé nécessaire de tenir compte de la situation transitoire

et spécifique dans laquelle l’opérateur concurrent est placé. En raison du

caractère récent de son entrée sur le marché de la boucle locale, il n’était pas

encore en mesure de bénéficier des effets d’apprentissage déjà enregistrés par

l’opérateur historique, et ainsi d’atteindre des niveaux de coûts de réseaux

comparables. Ainsi, l’Autorité a décidé d’une modulation dans le temps des

tarifs de terminaison d’appel et de l’application de la méthode dite de « la

réciprocité tarifaire retardée », en insistant sur le caractère provisoire que cette

situation devait présenter.

SOLUTION

L’Autorité autorise de manière temporaire la pratique de tarifs de terminaison

d’appels entrants et sortants distincts. C’est la solution retenue par le régulateur

sénégalais sur la terminaison d’appel mobile. En effet, jusqu’en 2009, SENTEL

Gsm n’étant pas un opérateur dominant, n’était pas assujetti à l’obligation de

publication d’un catalogue d’interconnexion approuvé par le régulateur. Mais à

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445

partir de 2009, SENTEL Gsm est déclaré opérateur dominant pour la

terminaison d’appel mobile sur son réseau. Par la même occasion, le régulateur

approuve une réciprocité de la terminaison des appels mobiles entre SENTEL

Gsm et SONATEL778.

C’est le sens aussi de la décision de l’Autorité de régulation des

communications électroniques et des postes en date du 18 février 2010, portant

définition de l’encadrement tarifaire de la prestation de Bouygues Télécom pour

la période du 1er juillet au 31 décembre 2010779. Dans cette décision, ARCEP a

imposé à Bouygues Télécom l’asymétrie tarifaire. Le régulateur français fonde

cette décision sur le raisonnement suivant :

s’il n’était pas partiellement compensé, l’important écart qui demeure entre les

tarifs de terminaison d’appel mobile et les coûts sous-jacents, conjugués aux

déséquilibres de trafic mobile et les coûts sous-jacents, conjugués aux

déséquilibres de trafic mobile off net entre Bouygues Télécom et ses

concurrents, provoqueraient un déséquilibre financier artificiellement élevé des

soldes financiers d’interconnexion au détriment de Bouygues Télécom, et par

suite une distorsion de concurrence pénalisante pour cette dernière et procédant

du choix de l’Autorité de mettre en œuvre une période de transition. A contrario,

d’éventuels effets de l’entrée tardive ou surcoûts de réseau subis par Bouygues

778 Voir les catalogues d’interconnexion de SONATEL et de SENTEL Gsm approuvés respectivement par les

décisions n°2011-06/ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 8 mars 2011 portant approbation du catalogue d’interconnexion

de SONATEL pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 et n°2011-07/ARTP/DG/DRT/DRPAJ du 8

mars 2011 portant approbation du catalogue d’interconnexion de SENTEL Gsm pour la période du 1er juillet

2010 au 30 juin 2011.

779 Décision n°210-0211 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du

18 février 2010, portant définition de l’encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d’appel vocal

mobile de l’opérateur Bouygues Télécom pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010.

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446

Télécom ne sont plus significatifs en matière de coûts incrémentaux780 et ne sont

donc plus pris en compte pour la fixation de l’asymétrie tarifaire.

5. Tarifs de collecte d’appel

La collecte d’appels est le fait pour un opérateur tiers, par un mécanisme

d’interconnexion, de prendre des appels d’un concurrent A pour les terminer

dans le réseau du concurrent B. L’opérateur tiers qui collecte l’appel est désigné

sous le vocable de transporteur. Le mécanisme qui consiste pour le client à

désigner celui qui collecte ses appels est la sélection du transporteur.

6. Désaccord sur la détermination du prix payé par l’abonné dans le cadre

du recours au service de facturation et de recouvrement pour le compte de

tiers.

PARTIES

Demandeur : Opérateur concurrent

Défendeur : Opérateur historique

CONTEXTE

Indépendamment des options tarifaires proposées par l’opérateur historique,

l’opérateur concurrent fait valoir qu’il doit pouvoir déterminer lui-même le

montant perçu par l’opérateur historique auprès de l’abonné en contrepartie du

service pour pouvoir maîtriser la fixation du prix d’accès à ses services.

780 Les Coûts incrémentaux de long terme sont les coûts supplémentaires encourus par un opérateur efficace pour

terminer sur son réseau les appels off net d’un opérateur tiers, par rapport à une situation où il ne fournirait pas

cette prestation de terminaison d’appel. Voir décision n° 07- 0810 de l’Autorité de régulation des

communications électroniques en date du 04 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents

relatifs à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d’opérateurs

exerçant une influence significative sur ses marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-

2010.

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447

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

Les modalités de mise en œuvre d’une telle prestation relèvent de la négociation

des parties, sous le contrôle de l’Autorité.

Le régulateur doit veiller à ce qu’aucune mesure discriminatoire ne prive un

opérateur tiers des effets de la libre concurrence.

Sur ce fondement, l’opérateur concurrent doit pouvoir déterminer lui-même le

tarif pratiqué à l’égard de l’abonné, sous réserve de ne pas imposer de charge

excessive à l’opérateur historique.

A ce titre, l’opérateur concurrent peut décider d’appliquer au minimum les tarifs

téléphoniques locaux pratiqués par l’opérateur historique pour l’abonnement

principal.

SOLUTION

L’Autorité enjoint à l’opérateur historique d’appliquer les tarifs proposés par

l’opérateur concurrent. C’est le sens d’une décision rendue le 07 novembre 2001

par l’Autorité de régulation des télécommunications de la France devenue

ARCEP781. Le 19 juillet 2001, la société FREE Télécom a saisi l’Autorité de

régulation des télécommunications (A.R.T) d’un différend l’opposant à la

société France Télécom au sujet de la fixation du tarif pour le client de l’accès à

internet par le réseau téléphonique. En effet, la société FREE Télécom est l’un

des opérateurs de collecte et de transport interconnecté au réseau de France

Télécom. Elle met en relation les clients et l’un des fournisseurs d’accès à

Internet au nombre desquels figure la société FREE.fr. Le 17 février 2000, la

société FREE Télécom a conclu avec France Télécom une convention

781 Décision n°01-1055 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 07/11/2001.

(www.arcep.fr.Page consultée le 18 février 2010).

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d’interconnexion. Celle-ci a fait l’objet de plusieurs avenants, notamment les

avenants n°1, 3 et 4 relatifs à l’accès à Internet. L’avenant n°1 prévoyait en

particulier que le prix d’accès au service pour l’appelant est le tarif local internet

de France Télécom .

Au cours de l’année 2001, FREE Télécom a demandé à France Télécom la

conclusion d’un nouvel avenant à la convention d’interconnexion permettant

l’application d’un tarif pour le client final dont la responsabilité relevait de

FREE Télécom.

FREE Télécom faisait en effet valoir que la fixation par France Télécom du tarif

pour le client ne lui permettait pas de maîtriser la fixation du prix d’accès à ses

services et la plaçait en situation de dépendance vis-à-vis de la politique tarifaire

de France Télécom.

Elle relevait également que les conditions de la grille tarifaire associée au tarif

Internet de France Télécom ne répondaient pas à la demande de lisibilité

tarifaire exprimée par les clients. Elle demandait enfin que son tarif internet ne

soit pas éligible aux options tarifaires de France Télécom afin de réduire les

risques d’interférence des clients de FREE Télécom avec le réseau commercial

de France Télécom. C’est à la suite de l’échec des négociations entre les deux

sociétés que l’ART a été saisi.

Dans sa décision, l’ART de la France, devenue ARCEP, a retenu que :

FREE Télécom a la responsabilité de la fixation du tarif pour l’appelant de

l’accès commuté à Internet via les numéros de la forme 0860 PQMCDU en

facturation pour les comptes tiers. »Par là même, l’ART précise que le

« mécanisme de facturation par FREE Télécom, des communications émises par

ses clients à destination des numéros de la forme 0860PAMCDU facturés à

l’appelant avec le palier tarifaire défini à l’article 1, devra être rédigé

conformément à la demande formulée par FREE Télécom dans sa saisine.

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449

Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Paris le 28 mai 2002782.

C’est aussi la solution retenue par le régulateur des télécommunications de La

Tunisie dans une décision rendu le 16 février 2004783.

7. Prix du service de facturation et de recouvrement pour le compte

de tiers

L’opérateur historique ayant le contrôle de la boucle locale doit proposer une

prestation de facturation pour le compte de tiers pour permettre l’ouverture

effective à la concurrence du marché du fixe (accès à l’Internet par exemple).

PARTIES

Demandeur : Opérateur concurrent

Défendeur : Opérateur historique

CONTEXTE

Désaccord sur les conditions, du service de facturation et de recouvrement pour

le compte d’un tiers, offertes par l’opérateur historique.

L’opérateur concurrent demande que l’opérateur historique offre des conditions

de facturations identiques à celles pratiquées par ses services.

ARGUMENTAIRE DE L’AUTORITE

En tant que prestation d’interconnexion, les conditions, dans lesquelles la

facturation et le recouvrement des services à revenus partagés sont fournis,

782 Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 28 mai 2002, RG n° :2001/21416, 3ème page. 783 Décision n°4 du 16 février 2004, relative à l’imposition d’un tarif d’interconnexion du trafic international

supérieur au prix de détail et à une tarification des liaisons louées ne tenant pas compte de l’importance de leur

volume et du statut de leur demandeur en tant qu’opérateur public de télécommunications.

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doivent garantir l’égalité de celles de la concurrence et du principe de non-

discrimination. L’Autorité doit apprécier si la prestation de facturation et de

recouvrement proposée par l’opérateur puissant implique pour l’opérateur

concurrent des coûts nettement plus importants que ceux que l’opérateur

dominant encourt lorsqu’il facture pour ses propres besoins les services à

revenus partagés.

A cette fin, elle compare le coût engendré par l’opérateur puissant qui utilise la

facture courante de l’abonné pour faire figurer les montants de ses propres

services comme ceux engendrés par l’autre opérateur, pour la facturation.

Si ce dernier bénéficie de conditions beaucoup plus avantageuses que celles

qu’il propose à l’opérateur concurrent, de nature à lui permettre d’en tirer un

avantage concurrentiel substantiel, l’Autorité estimera que les conditions de

l’offre de facturation sont discriminatoires et fixera les conditions équitables de

l’offre.

Le même raisonnement est mis en œuvre pour le recouvrement.

SOLUTION

Le cas échéant, l’Autorité enjoint à l’opérateur historique de modifier son offre

de facturation et de recouvrement pour le compte de tiers. C’est le sens d’une

décision rendue le 16 septembre 2009 par l’Agence de Régulation des

Télécommunications du Gabon784. Dans cette décision, l’Autorité de régulation

fixe les tarifs plafonds d’interconnexion sur le marché des télécommunications

en République gabonaise, pour la période 2009-2010. Mais L’article 2 prévoit

que l’Agence de Régulation des Télécommunications se réserve le droit

784 Décision n°005709/PCR/ARTEL/09 du 16 septembre 2009 fixant les tarifs d’interconnexion sur le marché

des télécommunications en République gabonaise. (www.artel.ga; page consultée le 13 février 2010).

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d’encadrer les tarifs d’accès ainsi que les tarifs des autres prestations

d’interconnexion ne figurant pas dans cette décision. Le pouvoir de fixation et

de modification des tarifs vise à éviter les pratiques anticoncurrentielles.

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452

PARAGRAPHE II :

LE RENFORCEMENT DE L’EFFICACITE DU CONTROLE DE LA

REGULATION

Pour renforcer l’efficacité du juge dans le traitement du contentieux, il

convient de diminuer les délais de traitement (1) et de renforcer l’indépendance

du juge en droit des télécommunications (2).

1. La diminution des délais de traitement

L’angoisse est ancrée au cœur de l’homme devant l’emprise de la dictature

sous toutes ses formes. C’est ainsi que demeurent présentes en mémoires ces

cités-fourmilières décrites par Orwell dans 1984 où les organes du Ministère de

la Vérité précisaient les heures où chacun pouvait accomplir tous les actes

ordinaires de l’existence. La contrainte la plus caractéristique de la condition

humaine est bien celle du temps avec son ministère dévoreur. 785

Cette affirmation de Jean-Marie Coulon met en lumière la nécessité de la

gestion du temps dans le cadre d’une procédure de traitement de différends par

les institutions judiciaires.

La mondialisation de l’économie depuis des années, c'est-à-dire depuis la fin de

la Guerre froide, a sublimé la démocratie de marché avec un effet pervers absolu

puisqu’aucun autre type de société ne lui est opposé ou même imaginé. Les lois

du marché mondial ont éliminé toutes les failles nées du temps ainsi que de

l’espace et remis en cause toutes les forces de régulation politiques,

économiques, sociales et naturellement juridiques et judiciaires. Le temps

immédiat des marchés financiers libère les échanges des règles de la production

785 Jean Marie Coulon, « Réflexions sur la durée de la justice et le temps économique », in Revue Internationale

de Droit Economique édition 1999, pp. 235 – 236.

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et des droits fondamentaux de l’homme ; le temps immédiat de la

communication contrarie le sens de son objet et écarte toute relation dynamique.

Le temps juridique n’échappe pas à ce phénomène de bouleversement comme,

d’une manière générale, l’ordre juridique et l’ordre judiciaire, c'est-à-dire l’ordre

du droit. La loi est trop souvent fugace et superficielle. Moyen de

communication, elle est affectée. Le temps, pourrait-on avancer avec défi,

pénètre dans la vie judiciaire, particulièrement dans la procédure, comme regret.

Cependant, il est devenu un droit subjectif fondamental. Cette évolution

implique que le temps soit modulé dans chaque procédure. Chaque affaire doit

suivre son cours. Mais l’urgence est partout, dit-on. Devons-nous oublier que la

finalité objective d’une procédure et donc de la justice est d’établir la vérité ?

Concilier vérité judiciaire et vérité tout court, telle est la perfection qui est

demandée au juge et recherchée par lui.

Un rapport de François Ost et d’Yves Cartayes a mis en évidence la crise du

temps social due aux difficultés d’articuler passé et avenir, de formuler des

alternatives sérieuses au cours déterminé des choses et enfin d’assurer la

coordination des différents rythmes de plus en plus hétérogènes786 .

La synchronisation du temps est un enjeu essentiel, un enjeu de la régulation. Si

le champ économique a éliminé la contrainte du temps, il ne peut en être de

même pour l’ordre juridique. Le temps du droit, c’est l’expression et la

compréhension d’une thèse et c’est aussi l’aspiration immédiate à une décision

effective.

Les idées cheminent, les clôtures s’effondrent, aucune norme, quelle que soit sa

nature, n’est autonome. La nécessité de penser l’espace économique,

conjointement avec l’ordre juridique, s’impose.

Le concept même de la régulation doit permettre une vision moderne d’un

développement économique rationalisé. Les composantes de ce concept 786 Ost François et Cartuvels, « Crise du lien social et crise du temps juridique », séminaire interdisciplinaire

d’études juridiques, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, février 1998.

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prennent en compte l’impact du droit dans l’économie et celui de l’économie

dans le droit, la montée en puissance du juge, la force de la norme

supranationale et l’éclatement des pouvoirs et des structures.

Le juge considère que la gestion des flux judiciaires a une spécificité proprement

judiciaire dès lors qu’il regarde le droit non comme un produit mais comme une

référence. Dans le cas contraire, il s’agirait de mettre en compétition les diverses

sources du droit et de privatiser la justice. L’ordinateur donnerait donc une

réponse, la procédure également, dans le cadre de ces conceptions divergentes

du droit. Il est difficile d’imaginer une telle régulation à l’échelon d’un pays.

Les obstacles liés à la carte judiciaire et aux règles de compétence ne sont pas

rédhibitoires. Ceux liés à la politique judiciaire sont plus forts dès lors qu’ils

impliquent nécessairement un pouvoir d’impulsion et de direction qui n’est pas

aujourd’hui toujours reconnu au juge mais que celui-ci s’est souvent approprié.

Longtemps, il s’est agi, pour les acteurs économiques, de régler leurs différends

en marge de l’appareil d’Etat. La longueur de la durée du traitement du

contentieux devant la Haute juridiction administrative n’est pas de nature à

rendre efficace le recours. Au-delà des frais divers qu’il entraine, le procès

devant le juge, par sa durée même, provoque un coût financier spécifique pour la

partie qui obtiendra finalement gain de cause. Il en va ainsi, au moins, chaque

fois que le litige porte sur un objet économique.

En général, l’administration de la justice au Sénégal souffre de lenteurs et de

dysfonctionnement qui mécontentent toutes les parties prenantes, justiciables et

leurs représentants, juges et auxiliaires de justice, et minent l’Etat de droit dont

se réclame notre pays787. La lenteur, en elle-même, met en cause la bonne

administration de la justice. Comme le soulignait Lord Deming, « le retard dans

la justice est un déni de justice »788. Cette lenteur, parfois pudiquement mais 787 Sur les dysfonctionnements du système judiciaire du Sénégal voir le rapport d’IOS Partners, Dalberg, GENI

et KEBE, Réforme du contentieux économique et financier et protection des investisseurs, Dakar, APIX

Sénégal, 2011. 788 DEMING Lord, “The due process of low”, Butterworth, London, 1980

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hypocritement justifiée au prétexte que la justice doit être administrée

« sereinement », n’est toutefois que l’effet visible par tous des

dysfonctionnements dans le processus d’administration de la justice. Ces

dysfonctionnements ont bien sûr un coût789. Ce coût peut être financier et

apparent, mais aussi financier caché790, loin d’être négligeable.

L’indicateur « Qualité du cadre juridique et judiciaire » de l’indice de la

gouvernance dans le monde, de la Banque Mondiale, évalue la mesure dans

laquelle la formulation et la mise en œuvre de politiques et réglementations

saines permettent et promeuvent le développement du secteur privé. Cet

indicateur classe la qualité du cadre juridique et judiciaire du Sénégal en dessous

de celle des pays comme le Ghana, la Tunisie, l’Afrique du Sud et tous les pays

non africains figurant dans l’échantillon de référence791.

C’est pourquoi la modernisation de la justice doit tendre à attribuer au juge

étatique la qualité de maître du temps, et spécialement du temps économique.

Pour cela, il est nécessaire que la juridiction sénégalaise, la Cour Suprême en

particulier, s’inscrive dans une démarche de qualité.

D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi organique n°2008-35 du 7 août 2008

portant création de la Cour Suprême792 évoque parmi les motifs de cette loi le

fait que les objectifs visés par la loi n° 92-22 du 30 mai 1992 portant révision

constitutionnelle n’ont pas été atteints. Cette loi avait prévu entre autres

objectifs :

- la spécialisation des magistrats, aujourd’hui confrontés à des questions

nouvelles dans le contexte de la mondialisation des dispositifs juridiques et

judiciaires ; 789 Frais d’actes de procédure, honoraires d’avocats. 790 Un coût caché est en gestion un coût qui n’apparaît pas en tant que tel dans la comptabilité de l’entreprise

mais qui est pourtant supporté par l’entreprise (par exemple le coût de l’absentéisme). 791 Voir à ce propose SCA (Stratégie de Croissance Accélérée), « Rapport sur la compétitivité du Sénégal »,

Dakar, Ministère de l’Economie et des Finances et USAID, 2011, p. 52. 792http://www.gouv.sn/spip.php?article706 (page consultée le 9 janvier 2011).

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- le traitement des affaires dans un délai raisonnable ;

- l’utilisation rationnelle des ressources budgétaires allouées à la justice.

Fort de ce constat, le Sénégal peut s’inspirer de certaines réformes observées

ailleurs. En Angleterre, sous la pression des nécessités économiques et du

mécontentement des justiciables, une réforme radicale de la procédure a été

entreprise793. L’objectif premier du gouvernement britannique, à travers le Lord

Chancellor794, est d’accroître l’efficacité du système795 et l’efficience, c'est-à-

dire de traiter plus d’affaires, plus rapidement, sans augmenter le nombre de

juges. La tradition mettait le juge en position centrale, comme diseur de droit

hors de toute contrainte temporelle ou financière. La nouvelle approche était

fortement inspirée des techniques de management des entreprises privées

concurrentielles. Elle est même à la pointe de ces techniques en se saisissant du

problème dans une optique processus- qualité. La procédure est ainsi considérée

comme un processus, au sens du management, c'est-à-dire « l’ensemble de

moyens et d’activités liées qui transforment des éléments entrants en éléments

sortants »796. Le processus a « une finalité client et des objectifs à atteindre » 797

et doit apporter « une valeur ajoutée »798. Il semble d’ailleurs naturel de

considérer une procédure judiciaire comme un processus799.

793 Cette réforme concerne la procédure civile. 794Le Lord Chancellor est en gros l’équivalent du Ministre de la Justice au Sénégal. 795 Nous faisons la différence entre efficacité, c'est-à-dire le fait que nous atteignions l’objectif fixé, et

l’efficience, c'est-à-dire le fait que nous atteignions l’objectif au moindre coût. 796 Norme ISO 8402,1994. 797 P. CANDAU et C. MAYEUR, L’évaluation de la qualité de projet tertiaires : modèles et applications. IAE,

Aix –en-Provence, WP 411, mai 1993. 798 Selon l’expression utilisée par Boston Consulting Group. 799 Les deux termes renvoient à la même racine. Le nom « Procédure » est d’ailleurs utilisé en management pour

désigner « la manière spécifiée d’accomplir une activité » (ISO 8402). Dans cette acception, la procédure se situe

à un niveau plus opérationnel que le processus.

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La dimension « qualité » introduit la notion de satisfaction du client dans le

processus judiciaire. En management, le terme de qualité n’a pas le même sens

que dans son acception commune. « Qualité » ne signifie pas « degré

d’excellence dans un sens comparatif »800.Elle est perçue le plus souvent de

manière subjective par le client. Il s’agit de « l’ensemble des caractéristiques

d’une entité qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou

implicites »801 .

En matière de procédure, dans cette optique processus-qualité, le point de

départ n’est plus le juge mais le justiciable. Ce justiciable devient un client et

l’institution judiciaire, un fournisseur. Le justiciable/client exprime des attentes

et exigences que l’institution judiciaire doit satisfaire dans le délai fixé et au

moindre coût. Le processus de démarrage avec la demande du justiciable et

aboutit au jugement qui est le résultat. L’efficacité et l’efficience du système

reposent sur l’identification et la maîtrise de toutes les étapes entre ces deux

bornes.

Dans un pays où déjà des cabinets de notaires se sont certifiés ISO à côté des

banques et sociétés de télécommunications, il n’est pas impossible que la justice

s’inscrive dans une démarche qualité.

La procédure, qui serait mise à l’aune de cette démarche, permettra une véritable

gestion des affaires tout au long du processus. Il est significatif que le terme

management soit régulièrement utilisé et que l’une des innovations majeures se

nomme case management.

L’adoption de cette démarche par la justice sénégalaise permettra de renforcer la

confiance des investisseurs et, par conséquent, d’attirer des investissements.

800 Norme ISO 8402. 801 Norme ISO 8402.

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2. Renforcement de l’indépendance du juge

La prise de décision judiciaire s’inscrit dans un contexte complexe combinant

des éléments à la fois politiques et juridiques. Trois acteurs ou groupes d’acteurs

coexistent, liés par trois relations distinctes mais susceptibles d’interagir les unes

sur les autres.

La première relation lie magistrats et justiciables802. A la demande des

justiciables, les magistrats rendent une décision qui doit être impartiale.

La deuxième relation lie décideurs politiques et justiciables qui se confondent

alors avec les citoyens et les électeurs. Cette relation a donc un fondement

électoral, les décideurs politiques représentant normalement les préférences des

citoyens.

La troisième et dernière relation lie, quant à elle, les magistrats et le décideur

politique. Les premiers sont, en effet, des fonctionnaires, le second, employeur,

leur fournissant notamment salaires et budgets de fonctionnement.

Parmi ces trois relations, chacune est susceptible de dominer, selon les rapports

de force entre les trois types d’acteurs considérés. Si le magistrat entretient, par

exemple, des relations plus étroites avec les justiciables qu’avec le décideur

politique, il est considéré comme plutôt indépendant803. Inversement, s’il se

montre attentif aux préférences du décideur politique, il est plutôt dépendant.

La notion d’indépendance s’entend ainsi dans l’acception de l’Ecole des choix

publics. Il s’agit ici du pouvoir discrétionnaire du magistrat, en liaison avec ses

802 Selon le Professeur Demba SY, cette impartialité constitue un rempart contre l’arbitraire éventuel de

l’Autorité publique ;(http://www.infotheque. Page consultée le 19 novembre 2011) Voir Demba SY, « La

condition du juge en Afrique : l’exemple du Sénégal », in revue électronique Afrilix n°3/2003, p. 36.

803http://www.infotheque.info/recherche ? Alioune Badara FALL, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs

publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », in revue

électronique Afrilex n°03/2003, p. 7.

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objectifs personnels qui divergent, en partie, de ceux des justiciables804. Les

rapports de force entre les différents acteurs sont déterminés, notamment, par

l’information dont disposent les uns sur les autres et par les garanties

institutionnelles dont ils bénéficient. Le statut d’indépendance de la magistrature

entre dans cette catégorie.

Dans les deux relations décrites ci-dessus qui font intervenir directement les

magistrats, l’action de ces derniers n’est pas directement observable. Seul le

résultat de l’action, exprimé dans la décision finale en faveur de l’une des parties

au conflit, est observable, par les justiciables, d’une part, par les décideurs

politiques et les supérieurs hiérarchiques du magistrat, d’autre part. Lorsqu’il

s’agit d’un contentieux dans le domaine des télécommunications, l’intérêt de

l’Etat peut s’opposer à celui d’un opérateur. Par exemple, lorsque l’organe de

régulation prononce une sanction pécuniaire dont le versement doit se faire dans

les caisses de l’Etat. Dans ce cas, l’intérêt de l’opérateur est la censure de la

décision du régulateur. Tandis que l’Etat a besoin de liquidité pour faire face aux

dépenses publiques. Devant cette situation, le juge a besoin d’être indépendant

vis-à-vis de l’Etat et par rapport à l’opérateur.

L’indépendance vis-à-vis de l’Etat est certes affirmée par la constitution805. Mais

au-delà d’une simple affirmation, le système judicaire doit permettre de rendre

effective cette indépendance. C’est pourquoi certains auteurs plaident pour une

bonne rémunération du magistrat pour le mettre à l’abri de la corruption806.

De même vis-à-vis des opérateurs, il y a deux risques par rapport à

l’indépendance. Le premier risque est celui de la corruption. Car le secteur des

télécommunications est très liquide et les conséquences d’une décision de justice

804 Voir, M.S Yonoba, Indépendance de la justice et Droit de l’Homme : le cas du Burkina Faso,

Ouagadougou, édition Pioom, 1997, p. 94. 805 Voir l’article 92 de la Constitution du Sénégal. 806 Selon M.S Yonoba (dans l’ouvrage précité, page 77), la population reste généralement persuadée que le juge

ne résiste pas à la tentation de recevoir des pots de vin de la part d’hommes d’affaires riches et influents. Par

conséquent, pour le mettre à l’abri de la corruption, sa rémunération doit être substantielle).

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peuvent être évaluées à coût de milliards au détriment de l’opérateur. Ce dernier,

serait tenté d’ « avoir le juge » avec des millions.

L’autre risque est celui de l’asymétrie d’informations. En effet, l’opérateur de

télécommunications peut détenir une information stratégique et des

connaissances pointues sur la matière objet de contentieux qui ne sont pas à la

portée du juge. Ce qu’il pourrait utiliser pour tromper l’efficacité du juge.

Devant ces risques, il est indispensable de renforcer les compétences du juge

suprême et, au besoin, de mettre à sa disposition des experts de haut niveau dans

le domaine des télécommunications pour l’éclairer sur certaines questions

techniques.

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461

CONCLUSION PARTIELLE DU TITRE II DE LA DEUXIEME PARTIE

Pour améliorer l’activité de régulation, il est retenu des solutions portant sur

la régulation ex ante et la régulation ex post.

S’agissant de la régulation ex ante, il s’agit essentiellement de l’adaptation de

l’activité de régulation à l’évolution technologique.

En ce qui concerne la régulation ex post, des solutions tendant à améliorer le

traitement du contentieux concurrentiel et de l’interconnexion, ont attiré notre

attention.

Mais aussi, face à une exigence de célérité du monde des affaires, des solutions

ont été identifiées pour améliorer l’efficacité du juge dans sa mission de contrôle

du régulateur sectoriel des télécommunications au Sénégal.

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

L’amélioration du cadre juridique de la régulation et une meilleure prise en

charge de l’activité de régulation constituent les principales contributions de ce

travail.

S’agissant du cadre juridique, ce travail a permis de relever d’une part, l’utilité

de rationaliser les sources et la promotion d’un droit flexible et, d’autre part,

d’attirer l’attention sur les avantages de l’effectivité de l’indépendance du

régulateur. Cette indépendance doit à la fois être organique et fonctionnelle.

Mais elle n’exclut pas le contrôle.

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463

CONCLUSION GENERALE

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464

En adoptant le code des télécommunications en 2001, le Sénégal a voulu

franchir une nouvelle étape dans le processus de construction d’un marché

concurrentiel des télécommunications. Avant cette date, suivant la marche du

monde vers le libéralisme économique et les recommandations de ses

partenaires au développement, le Sénégal avait déjà privatisé l’opérateur

historique avant d’ouvrir le secteur à la concurrence.

Mais l’ouverture à la concurrence d’un secteur d’infrastructure, où la

satisfaction de l’intérêt général est dévolue à une personne privée, appelle

certaines exigences.

D’une part, il était nécessaire de contrôler le respect des principes qui

gouvernent le service public et de protéger le droit de tout citoyen d’accéder aux

services des télécommunications.

D’autre part, il était fondamental d’offrir aux investisseurs un cadre de

confiance pour attirer les capitaux dans ce secteur dans lequel le coût des

infrastructures serait onéreux.

C’est à cette fin que la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des

télécommunications a été adoptée.

Pour gagner la confiance des investisseurs, le code a consacré d’abord des

principes sacro-saints pour garantir une concurrence saine et loyale, notamment

la transparence, la non-discrimination, la qualité de service, l’orientation des

tarifs vers les coûts, la concurrence saine et loyale.

Ensuite, il a mis en place un régulateur dont les mécanismes de financement,

les relations avec le ministère sectoriel, les prérogatives en matière contentieuse

devraient permettre d’asseoir une régulation efficace au profit d’une

concurrence saine.

Pour assurer la protection du service public, le législateur a consacré l’obligation

de respecter les principes de la continuité, de la disponibilité, d’égalité devant le

service public des télécommunications. La garantie du droit au service public a

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aussi concerné les populations vivant dans des zones défavorisées, surtout les

populations rurales.

Pour ces dernières, le législateur a mis en place un mécanisme pour assurer le

service universel. Il s’agit de prévoir des obligations de service universel pour

les opérateurs titulaire de licence, dans les zones où ils sont établis. Pour les

zones non desservies, le législateur a prévu de désigner un opérateur de service

universel par appel à candidature, qui sera subventionné par un fonds financé

par les opérateurs titulaires de licence entre autres sources.

A l’épreuve de la pratique, le code des télécommunications a-t-il atteint ses

objectifs ?

La réponse reste nuancée. D’une part, le Sénégal dispose aujourd’hui de l’une

des meilleures infrastructures de télécommunications de la sous-région ouest-

africaine et son marché reste compétitif.

Toutefois, certains acteurs faibles dans le marché souffrent de la puissance des

opérateurs titulaires de licence, il s’agit principalement de fournisseurs de

services de télécommunications.

D’autre part, la jeunesse de l’organe de régulation, le mécanisme de désignation

de ses dirigeants n’ont pas manqué d’impacter l’efficacité de celui-ci dans sa

mission de garantir l’équilibre entre les intérêts multiples des acteurs.

Heureusement, le Sénégal, à l’heure des grands ensembles, est membre de

certaines institutions communautaires qui secrètent des normes tendant à

développer un marché communautaire des télécommunications. Ces normes sont

souvent conformes à celles de l’Union Internationale des Télécommunications et

de l’Organisation Mondiale du Commerce. L’essentiel des Etats parties est aussi

membre de ses organismes internationaux.

En 2006, l’UEMOA a adopté des directives applicables aux secteurs des

télécommunications. La CEDEAO, en cohérence avec les textes de l’UEMOA, a

adopté des Actes Additionnels en 2007. Le Sénégal a transposé les dispositions

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466

du droit communautaire à travers la loi 2011-01 d 24 février 2011 portant code

des télécommunications.

Considérant que la technologie évolue plus vite que le droit, le Sénégal, en

s’acquittant de son obligation de transposition des normes communautaires, doit

aussi adapter sa législation à l’environnement actuel des technologies. Il s’agit,

entre autres, des réseaux de nouvelle génération, de la convergence, du

changement de la télévision analogique vers la télévision numérique dont

l’échéance est prévue pour 2015, de l’interconnexion dans un environnement

NGN.

Cette dernière a surtout attiré notre attention du fait de sa complexité et de sa

place dans le contentieux de la régulation.

C’est ainsi que cette réflexion constitue une modeste contribution d’un apprenti

juriste, praticien de la régulation, dans le cadre d’un travail académique, afin de

rendre compte et de proposer des recommandations pour une régulation adaptée

aux enjeux actuels du secteur des télécommunications.

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467

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Directive 2009/136/CE du parlement européen et du Conseil du 25 novembre

2009, modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les

droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications

électroniques.

Directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère

personnel et la protection de la vie privée du secteur des communications

électroniques.

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Règlement (CE) n°2006/58/CE concernant le traitement des données à caractère

personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications

électroniques.

Règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités

nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de

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CEDEAO

- Le traité de la CEDEAO et normes dérivées.

- Acte additionnel A/SA 1/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’harmonisation

des politiques et du cadre règlementaire du secteur des technologies de

l’information et de la communication (TIC).

- Acte additionnel A/SA 2/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’accès et à

l’interconnexion des réseaux et services du secteur des TIC.

- Acte additionnel A/SA 3/01/07 du 19 janvier 2007 relatif au régime juridique

applicable aux opérateurs et fournisseurs de services.

- Acte additionnel A/SA 4/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à la gestion du plan

de numérotation.

- Acte additionnel A/SA 5/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à la gestion du

spectre de fréquences radioélectriques.

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- Acte additionnel A/SA 6/01/07 du 19 janvier 2007 relatif à l’accès

universel/service universel.

- l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant sur les transactions électroniques

dans l’espace CEDEAO du 16 février 2010,

- l’Acte additionnel A/SA.01/01/10 relatif à la protection des données à

caractère personnel dans l’espace de la CEDEAO.

- Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté.

- Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du

préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du protocole A/P1/7/91 relatif à la

Cour de Justice de la de la CEDEAO, ainsi que de l’article 4 paragraphe 1

de la version anglaise dudit protocole.

Règlement de la Cour de Justice de la CEDEAO du 03 juin 2002.

OHADA

Le traité de l’OHADA de 1993 et normes dérivées.

- Règlement de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage 1996.

UEMOA

- Le traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994.

- Le traité révisé de l’UEMOA 23 janvier 2003.

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- Acte additionnel n°10/96 du 10 mai 1996 portant statuts de la Cour de Justice

de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

- Directive n°01/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des politiques

de contrôle et de régulation du secteur des télécommunications.

- Directive n°02/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des régimes

applicables aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services.

- Directive n°03/2006/CM/UEMOA relative à l’interconnexion des réseaux et

services de télécommunications.

- Directive n°04/2006/CM/UEMOA relative au service universel et aux

obligations de performance du réseau.

- Directive n°05/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation de la

tarification des services de télécommunications.

- Directive n°06/2006/CM/UEMOA organisant le cadre général de la

coopération entre les autorités nationales de régulation en matière de

télécommunications.

- Protocole additionnel n°1 de 1996 relatif aux organes de contrôle de

l’UEMOA.

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- Règlement n°15/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux systèmes de

paiement dans les états membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine (UEOMA)

- Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 sur les pratiques

anticoncurrentielles.

- Règlement n°3/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures

applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de

l’UEMOA.

- Règlement n°01/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant Règlement de

procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA.

- Règlement n°02/96/CM.UEMOA du 20 décembre 1996 portant statut du

Greffier de la Cour de Justice de l’UEMOA.

- Traité révisé de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de

l’Ouest (CEDEAO) du 24 juillet 1993.

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LOIS ET REGLEMENTS

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République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002.

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télécommunications, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6030 du

Samedi 16 février 2002.

- La loi 2006-02 portant modification de la loi 2001-15 de 27 décembre 2001

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Sénégal n°6264 du 11 février 2006.

- Loi 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de

Régulation de l’Audiovisuel. Journal Officiel de la République du Sénégal

n°6264 du 11 février 2006.

- La loi 2008-10 du 25 janvier 2008 portant loi d’orientation sur la société de

l’information, Journal Officiel de la République du Sénégal, n°6406 du 3 mai

2008.

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- La loi 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère

personnel, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6406 du 3 mai

2008.

- La loi 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité, Journal

Officiel de la République du Sénégal n°6406 du 3 mai 2008.

- La loi 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques, Journal

Officiel de la République du Sénégal n°6404 du 26 avril 2008.

- La loi 2008-41 du 20 aout 2008 sur la cryptologie, n° 6441 du Samedi 6

décembre 2008.

- Loi n°061/2008/AN du 27 novembre 2008 portant réglementation générale

des réseaux et services de communications électroniques au Burkina Faso.

- Loi n°11-2010/AN du 30 mars 2010 portant réglementation de la gestion des

noms de domaine sous le domaine de premier niveau. bf Burkina Faso.

- Loi 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications du

Sénégal, Journal Officiel de la République du Sénégal n°6576.

- L’ordonnance n°2011-24/P-RM du 28 septembre 2011 portant régulation du

secteur des télécommunications et des postes.

- Décret 95-414 du 15 mai 1995 portant création du Groupe de réflexion sur la

compétitivité et sur la croissance.

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- Décret n°2007-593 du 10 mai 2007 fixant les modalités de développement du

service universel des télécommunications ainsi que les règles d’organisations

et de fonctionnement du fonds de développement du service universel des

télécommunications.

- Décret n°2005-1185 du 06 décembre 2005 fixant les conditions générales

d’établissement et d’exploitation des réseaux de télécommunications ouvert

au public.

- Décret n°2004-1038 du 23 juillet 2004 portant création fixant les règles

d’organisation et de fonctionnement de l’Agence De l’Informatique de l’Etat

(ADIE).

- Décision n°2005-01 ART/DG/MJ/DRC/D.Rég.ind fixant la procédure de

traitement des litiges.

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CEDH, 9 octobre 1979, arrêt Airey, Série A §24.

Tribunal des conflits, 8 février 1873, Blanco, « Les grands arrêts de la

jurisprudence administratives, n°1.

Conseil constitutionnel, DC 96-380 du 23 juillet 1996, l’affaire France Télécom.

CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle gaz de Deville-Lès-Rouen, les grands

arrêts de la jurisprudence administrative n°9.

CE,Ass., 1er avril 1938, Soc, L’Alcool dénaturé, Rec.Lebon.

Cons. const., DC 73-51 du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Les grandes

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Cass, Ass. Plén, 4 février 1999, COBc/Oury, Gaz Pal 24-25 février 1999.

Conclusion M. A. Lafortune ; CJP éd, 1999, II, 10060, note H. Matsopoulou.

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septembre 2009 se prononçant sur un différend entre Mauritel S.A et Chinguitel

S.A relatif à la location de capacité de transmission sur la liaison FH de

Chinguitel sur l’axe Nouakchott-Nouadhibou.

Décision n°009/AR/CNR/PR de l’Autorité de Régulation en date du 15

septembre 2009 se prononçant sur un différend entre Chinguitel S.A et Mauritel

S.A relatif à l’extension de la liaison d’interconnexion entre le MSC DE

Chinguintel SA. Et le MSC2 de Mauritels S.A.

Décision n°00-30 du 5 janvier 2000 de l’Autorité de Régulation des

télécommunications de France.

Décision n°2008-0835 du 24 juillet 2008 de l’ARCEP de France.

Décision n°04/05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 20 juillet 2005

relative au litige entre Medi Télécom et IAM concernant la renégociation du

contrat d’interconnexion.

Décision N°004 du 29 avril 2005 du Conseil National de Régulation (CNR)

portant mise en demeure de SAHELCOM S. A. de se conformer à son cahier des

charges signé le 3 décembre et à l’ordonnance 99-045 du 26 octobre 1999

portant règlementation des télécommunications (page consultée le 16 novembre

2010.

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500

Décision n°03 /05 du Comité de gestion de l’ANRT en date du 1er juin 2005

relative au litige entre Medi Telecom et Itissala Al Maghrib (IAM) concernant

la co localisation dans les sites d’IAM.

Décision n°02-MC-03 du 27 février 2002 de l’Autorité de concurrence de la

France.

Décision n°10/04 du Comité de Gestion de l’ANRT du 27 décembre 2004,

relatif au litige entre Itissala AL Maghrib et Medi Télécom relatif à la coupure

de la liaison permettant l’acheminement du trafic international entrant à

destination de Medi Télécom via le réseau d’IAM.

Décision n°01-1055 de l’Autorité de régulation des télécommunications.

Cour d’Appel de Paris, 1ère chambre, section H, arrêt du 28 mai 2002, RG

n° :2001/21416, 3ème page.

Décision n°4 du 16 février 2004, relative à l’imposition d’un tarif

d’interconnexion du trafic international supérieur au prix de détail et à une

tarification des liaisons louées ne tenant pas compte de l’importance de leur

volume et du statut de leur demandeur en tant qu’opérateur public de

télécommunications du régulateur de la Tunisie.

Décision n°005709/PCR/ARTEL/09 du 16 septembre 2009 fixant les tarifs

d’interconnexion sur le marché des télécommunications en République

gabonaise.

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501

Décision n° 07- 0810 de l’Autorité de régulation des communications

électroniques en date du 04 octobre 2007 portant sur la détermination des

marchés pertinents relatifs à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux

mobiles français en métropole, la désignation d’opérateurs exerçant une

influence significative sur ses marchés et les obligations imposées à ce titre pour

la période 2008-2010.

Décision n°210-0211 de l’Autorité de régulation des communications

électroniques et des postes en date du 18 février 2010, portant définition de

l’encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d’appel vocal mobile de

l’opérateur Bouygues Télécom pour la période du 1er juillet au 31 décembre

2010.

Décision de l’ARCEP n° 2010-0402 en date du 8 avril 2010 portant sur la

définition des marchés pertinents des services de capacités, la désignation

d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les

obligations imposées à ce titre.

Décision n°12 004/MPNT/AMRTP-DG de l’Autorité malienne de régulation des

télécommunications/tic et des postes (AMRTP) du 6 janvier 2012 portant

sanction pour violation par SOTELMA de la décision n°08-09/MCNT/CRT du

04 avril 2008 portant approbation des nouveaux tarifs grand public de Malitel.

Décision n°2011-000102/ARCEP/SG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en

demeure de AIRTEL Burkina Faso S.A de se conformer aux prescriptions de

son cahier des charges.

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502

Décision n°2011-000104/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en

demeure de TELMOB S.A de se conformer aux prescriptions de son cahier des

charges.

Décision n°2011-000103/ARCEP/SG/DG/DAJ du 22 août 2011 portant mise en

demeure de TELECEL Faso S.A de se conformer aux prescriptions de son

cahier des charges.

Décision n°2012 -000001/ARCEP/CR portant sanction de TELMOB S.A pour

manquements aux prescriptions de son cahier des charges.

Décision n°2012-000002/ARCEP/CR portant sanction de TELECEL Faso S.A

pour manquements aux prescriptions de son cahier des charges.

Décision n° 2012-000003/ARCEP/CR portant sanction de AIRTEL Burkina

Faso S.A pour manquements aux prescriptions de son cahier des charges.

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503

WEBOGRAPHIE

Liens utiles

http://www.a-brest.net/article1283.html

http://www.csdptt.org/article382.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_de_domain

http://gac.icann.org/web/home/ccTLD

http://www.uemoa.int/actes/Indec/Deploiement.htm

http://www.itu.int/ITU-D/treg/publications/Trends08_summary-F.pd

VoIP : réel danger pour les opérateurs historiques ? Par Olivier

Chicheportiche

http://www.silicon.fr/articles/11999/VoIP-reel-danger-pour-les-

operateurs-historiques.html

France Télécom lance 2 offres VoIP pour PME, par Pierre Mangin

http://www.silicon.fr/articles/11769/France-Telecom-lance-2-offres-

VoIP-pour-PME.html

http://www.artp.sn

La révolution VoIP en P2P est en marche, par Yves Grand montagne

http://www.silicon.fr/articles/11983/La-revolution-VoIP-en-P2P-est-en-

marche.html

VoIP: Bruxelles préconise de généraliser l'option française, par Arnaud

Dimberton

http://www.silicon.fr/articles/11504/VoIP-Bruxelles-preconise-de-

generaliser-l-option-francaise.html

Airbus passe à la VoIP avec France Télécom, par Par Olivier

Chicheportiche

http://www.silicon.fr/articles/10673/Airbus-passe-a-la-VoIP-avec-France-

Telecom.html

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504

Conférence VoIP: des attentes prometteuses, par Pierre-Antoine Baubion

http://www.silicon.fr/articles/10333/Conference-VoIP-des-attentes-

prometteuses.html

Deux millions de Livebox écoulés, deux millions de courageux ? Par

Olivier Chicheportiche

http://www.silicon.fr/articles/14661/Deux-millions-de-Livebox-ecoulees-

deux-millions-de-courageux.html

Un million de clients VoIP France Télécom en Europe Par Olivier

Chicheportiche

http://www.silicon.fr/articles/14239/Un-million-de-clients-VoIP-France-

Telecom-en-Europe.html

ToIP ou VoIP: des études et des guides donnent le 'la', Par Pierre Mangin

http://www.silicon.fr/articles/14053/ToIP-ou-VoIP-des-etudes-et-des-

guides-donnent-le-la.html

"Guide AFUTT, Voix et téléphonie sur IP"

http://www.futura-sciences.com/news-livebox-nouveautes-venir-2-

millions-internautes_8641.php

Live Services : France Telecom réinvente le téléphone résidentiel, Source

: NetEco.com, le 10/07/2005

http://www.futura-sciences.com/news-live-services-france-telecom-

reinvente-telephone-residentiel_6709.php

http://www.sonatel.sn/communike/tvnum.htm

http://www.itu.int/ITU-D/afr/events/FTRA/Kampala/FTRA-

communique-fr.pdfμ

http://www.idate.fr

http://www.itu.int/ITU-D/treg

http://www.vie-

publique.fr/dossier_polpublic/regulation_sp/hubert00.shtml

http://ww.fcc.gov/ib/initiative/files/cg/french/2.pdf

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505

http://www.crtc.gc.ca

http://www.are.me

http://www.arcep.fr

http://www.autoritedeconcurrence.fr

http://www.anrt.net.ma

http:// www.artel.g

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506

GLOSSAIRE

Accès ouvert : Ouverture à la concurrence dans toutes les couches du réseau, ce

qui permet à une grande variété de réseaux physiques et d’applications

d’interagir dans une architecture ouverte (info Dev. 2005).

Accès par trains de bits : Forme de dégroupage de réseau avec l’accès par

trains de bits, l’opérateur historique maintient le contrôle de gestion sur la ligne

physique. Contrairement au dégroupage total et au partage de lignes, les

chercheurs d’accès ne peuvent fournir que les services désignés par l’opérateur

historique.

Accès universel : ce terme se réfère à l’accès raisonnable aux

télécommunications pour tous. Il recouvre le service universel pour ceux qui

peuvent bénéficier d’un téléphone individuel ou autres services TIC et la

fourniture répandue de l’accès public aux TIC (c’est-à-dire, télécentres,

cybercafés, etc.) dans un rayon raisonnable.

Accord OMC (GATS) : Terminologie informelle pour désigner le Quatrième

Protocole à l’Accord général sur le commerce des services (GATS). Cet accord

conclu début 1997 incluait des engagements de la plupart des 70 pays à ouvrir

leurs marchés aux services de télécommunications de base. Le document de

référence, qui l’accompagnait, énonçait les principes d’un traitement

réglementaire pour les prestataires de services de télécommunications de base, y

compris les « grands fournisseurs ».

ADSL : Asymmetric digital subscriber line ou ligne d’abonné numérique

asymétrique. C’est une technique permettant l’acheminement de services de

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données à grande vitesse sur un câble en cuivre à paires torsadées, avec une

vitesse de téléchargement vers l’aval généralement supérieure à 256 Kbit/sec,

mais avec une vitesse de téléchargement vers l’amont inférieure. Correspond à

la Recommandation UIT-T (standard) G.992.1.

Architecture en couches : Concept d’architecture de réseau en couches qui

divise un réseau, en tout point spécifique, en couches, chacune ajoutant de la

valeur au support physique de communication.

ARPU : Average revenue per user ou chiffre d’affaires moyen par utilisateur)

généralement exprimé en mois mais aussi en années.

ATM : Asynchronoustransfer mode ou mode de transfert asynchrone par lequel

les informations sont organisées en cellules. Le terme « asynchrone » signifie

que la récurrence de cellules d’un utilisateur individuel n’est pas nécessairement

périodique.

Analogique : Transmission de la voix et d’images au moyen de signaux

électriques. Les systèmes cellulaires mobiles analogiques comprennent l’AMPS,

le NMT et le TACS.

Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) :

Institution de droit public créée par le code des télécommunications, dotée de la

personnalité juridique et de l’autonomie financière, chargée pour le compte de

l’Etat, de la veille technologique, de l’application de la réglementation, et du

développement et de la promotion du secteur des télécommunications et des

technologies de l’information.

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508

Arbitrage : procédure par laquelle l’ARTP prend une décision sur un litige ou

un différend.

ARTAO : Assemblée des Régulateurs des Télécommunications de l’Afrique de

l’Ouest.

Artère : dans le cas d’une utilisation du sous-sol, un tube de protection

contenant ou non des câbles ou un câble en pleine terre dans les autres cas,

l’ensemble des câbles tirés entre deux supports.

Autorité(s) nationale(s) de régulation(s) : organisme(s) chargé(s) par un état

membre d’une quelconque des missions de régulation dans le secteur des

télécommunications.

Autorisation : acte administratif (licence, contrat de concession ou autorisation

générale) qui confère à une entreprise un ensemble de droits et d’obligations

spécifiques, en vertu desquels cette entreprise est fondée à établir, exploiter des

réseaux ou fournir des services de télécommunications.

Abonné : une personne qui reçoit et paie un service de télécommunication

pendant une certaine période en vertu d’un accord conformément aux modalités

établies par le fournisseur de services avec l’approbation de l’Autorité nationale

de régulation ;

Accès : prestation offerte par un exploitant de réseau public de

télécommunications permettant à un autre exploitant de réseau public de

télécommunication ou à un fournisseur de service d’accéder à ses ressources

notamment à ses infrastructures physiques.

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509

Accès au service universel : l’accès à un ensemble de service minimal, défini

dans l’Acte Additionnel (Acte Additionnel « service universel »), sur le territoire

des Etats membres de la CEDEAO à l’ensemble de la population,

indépendamment de leur localisation géographique et à des conditions tarifaires

abordables.

Bit/s : Bits par seconde. Mesure de la vitesse de transmission d’unités de

données (bit) sur un réseau. Egalement Kbit/s : mégabits ; (1000 000) par

seconde ; et Tbit/s : térabits (1000 000 000 000) par seconde.

BLR (boucle locale radio) : ensemble des liens radioélectriques existants entre

le poste de l’abonné et le commutateur d’abonné auquel il est rattaché. La

boucle locale est ainsi la partie du réseau d’un opérateur qui lui permet

d’accéder directement à l’abonné. C’est également une technologie de

transmission de données à haut débit par voie hertzienne.

Canal : L’une des nombreuses gammes de fréquences discrètes utilisées par une

station de base pour émettre et recevoir des informations provenant de

terminaux cellulaires (comme des téléphones mobiles).

CATV : Télévision câblée. Système d’acheminement de contenus vidéo, audio

et télévision via un réseau câblé, et qui utilise soit un câble coaxial soit des

fibres optiques.

Co-localisation : Partage d’installations qui permet à l’opérateur historique

d’accueillir des équipements de communication d’opérateurs concurrents pour

faciliter le raccordement avec des utilisateurs.

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Commutateur : Partie d’un système téléphonique mobile ou fixe qui achemine

les appels ou les données jusqu’à leur destination.

Commutation de paquets : Technique d’acheminement de messages par

laquelle des paquets sont relayés par des stations dans un réseau.

Connectivité : Capacité de fournir à des utilisateurs des connexions à l’Internet

ou autres réseaux de communication.

Convergence : Terme utilisé pour décrire une variété de tendances

technologiques et commerciales visant à estomper les frontières entre segments

du marché comme la télévision câblée, la téléphonie et l’accès à l’Internet,

autant de services qui peuvent être aujourd’hui fournis par une variété de

plateformes de réseaux différentes.

CEDEAO : Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest.

Cellulaire : Service téléphonique mobile fourni par un réseau de stations de

base, chaque station couvrant une cellule géographique au sein d’une zone totale

de services d’un système cellulaire.

Dégroupage de la boucle locale : prestation, qui inclut également les

prestations associées notamment celles de co-localisation, offerte par un

exploitant de réseau public de télécommunication, pour permettre à un

exploitant tiers de réseau public de télécommunication d’accéder à tous les

éléments de la boucle locale du premier exploitant pour desservir directement

ses abonnés.

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DSLAM : (prononcer : /deslam/), est le sigle de l'anglais « Digital Subscriber

Line Access Multiplexer », soit en français, « Multiplexeur d'Accès à la Ligne

d'Abonné Numérique » (plus simplement : « Multiplexeur d'accès DS ». Le

DSLAM est un multiplexeur (appareil assurant une fonction de multiplexage)

qui permet d'assurer sur les lignes téléphoniques un service de type DSL

(VDSL, ADSL 2+, SDSL, …).

Techniquement, le DSLAM récupère le trafic de données, issu de l'utilisation

des technologies DSL (internet haut débit, télévision par ADSL, VoIP …),

transitant sur les lignes téléphoniques qui lui sont raccordées, après que ce trafic

a été séparé du trafic de voix issu de la téléphonie classique, grâce à un filtre.

Ensuite, le DSLAM regroupe le trafic des différentes lignes qui lui sont

raccordées (« petits tuyaux ») et le redirige vers le réseau de l'opérateur ou du

fournisseur d'accès (« gros tuyau ») selon le principe du multiplexage temporel

où les données sont transportées en Ethernet ou en ATM.

Géographiquement, le DSLAM se situe à la terminaison de la boucle locale

(partie entre la prise téléphonique et le répartiteur).

DVB : Digital videobroadcasting. Radiodiffusion télévisuelle numérique.

Norme ouverte de télévision numérique du projet DVB, consortium industriel

comptant plus de 270 membres, et publiée par un Comité Technique conjoint

(JTC) de l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), le

Comité européen de normalisation en électronique et en électrotechnique

(CENELEC) et l’Union européenne de radiotélévision (UER). Il existe un

certain nombre de norme DVB, notamment DVB-C (câble), DVB-H (portable),

DVB-T (télévision terrestre), RCS (canal de retour via satellite).

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E.164 : Recommandation UIT-T qui définit le plan de numérotation des

télécommunications publiques internationales utilisé dans le PSTN et quelques

autres réseaux de données.

ENUM : Norme adoptée par le groupe de travail d’ingénierie d’Internet (IETF)

qui utilise le système de nom de domaine (DNS) pour cartographier les numéros

de téléphone sur des adresses web ou des URL (localisateur uniforme de

ressource). L’objectif, à long terme de la norme ENUM, est de fournir un

numéro unique qui remplacera les nombreux numéros et adresses des lignes

fixes, lignes mobiles et adresses électroniques des utilisateurs.

Fréquence : Cadence à laquelle un courant électrique alterne, généralement

mesurée en hertz. Nous utilisons également ce terme pour se référer à un

emplacement sur le spectre radioélectrique, comme 800, 900 ou 1800 Mhz

Interconnexion : la liaison physique et logique des réseaux de communication

publics utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente, afin de

permettre aux utilisateurs d’une entreprise de communiquer avec les utilisateurs

de la même entreprise ou d’une autre, ou bien d’accéder aux services fournis par

une autre entreprise. Les services peuvent être fournis par les parties concernées

ou par d’autres parties qui ont accès au réseau. L’interconnexion constitue un

type particulier d’accès mis en œuvre entre opérateurs de réseaux publics.

IP : Protocole Internet. Protocole principal au niveau de la couche réseau, utilisé

avec la suite de protocole TCP/IP. Aujourd’hui, le Protocole IP version 4 (IPv4)

est en voie de saturation. C’est pourquoi des travaux sont engagés pour migrer

vers le Protocole IP version 6 qui offrira davantage de possibilités.

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Large bande : Gamme de fréquences disponible pour être occupée par des

signaux. Dans les systèmes analogiques, elle est exprimée en Hertz (Hz) et dans

les systèmes numériques en bits par seconde (bit/s). Plus la largeur de bande est

élevée, plus important est le volume d’informations que nous pouvons

transmettre pendant une période donnée.

Opérateur : toute personne morale exploitant un réseau de télécommunication

ouvert au public ou fournissant au public un service de télécommunication.

Opérateur dominant : un opérateur de réseau de télécommunication ouvert au

public qui détient une part supérieure à 25 % du marché des

télécommunications. Il peut être tenu compte également du chiffre d’affaires de

l’opérateur par rapport à la taille du marché, de son contrôle des moyens d’accès

à l’utilisateur final, de son accès aux ressources financières et de son expérience

dans la fourniture de produits et de services de télécommunication.

Opérateur puissant, opérateur avec une puissance significative (opérateur

puissant) : une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance

significative sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres,

elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c’est-à-

dire qu’elle est en mesure de se comporter dans une mesure appréciable, de

manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte de

ses consommateurs.

Paquets : Bloc ou groupe de données traité comme une unité unique dans un

réseau de communication.

Point de terminaison du réseau (PTR) : point physique par lequel un abonné

obtient l’accès à un réseau de communication publique. Dans le cas de réseau

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utilisant la commutation et l’acheminement, le PTR est identifié par une adresse

réseau spécifique qui peut être rattachée aux numéros ou au nom de l’abonné. Le

point de connexion physique répond à des spécifications techniques nécessaires

pour avoir accès à un réseau de télécommunication et communiquer

efficacement par son intermédiaire. Il fait partie intégrante du réseau et ne

constitue pas en soi un réseau de télécommunication. Lorsqu’un réseau de

télécommunication est connecté à un réseau étranger, les points de connexion à

ce réseau sont considérés comme des points de terminaison. Et Lorsqu’il est

destiné à transmettre des signaux vers des installations de radiodiffusion, les

points de connexion à ces installations sont considérés comme des points de

terminaison.

Point d’interconnexion : lieu où un opérateur de réseau établit les équipements

d’interfaces permettant l’interconnexion avec les exploitants des autres réseaux.

Prestation d’interconnexion : prestation offerte par un exploitant de réseau

public de télécommunication à un exploitant tiers ou à un fournisseur de services

de télécommunication au public, et qui permet à l’ensemble des utilisateurs de

communiquer librement entre eux quels que soient les réseaux auxquels ils sont

rattachés ou les services qu’ils utilisent.

POTS (Plain Old Téléphone Service): Le service de téléphone standard (Appel

en attente...).

Cabinet TERA : Cabinet d’expertise spécialiste des questions techniques,

juridiques et économiques des télécommunications.

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

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SENTEL GSM : opérateur titulaire de licence mobile au Sénégal

SONATEL : opérateur titulaire de licence globale

Service universel : mise à la disposition de tous d’un service minimum

consistant en un service téléphonique d’une qualité spécifiée à un prix abordable

ainsi que l’acheminement des appels d’urgence, à la fourniture du service de

renseignement et d’un annuaire d’abonnés, sous forme imprimée ou électronique

et desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le

domaine public et ce, dans le respect des principes d’égalité, de continuité,

d’universalité et d’adaptabilité.

Radiodiffusion : Transmission provenant d’un seul émetteur et destinée à tous

les dispositifs connectés.

Réseau analogique : Réseau de télécommunication sur lequel l’information est

acheminée en continu sous la forme d’un signal électronique variable.

Réseau numérique : Réseau de télécommunication sur lequel les informations

sont converties en une série d’impulsions électroniques distinctes puis

transmises sous la forme d’un flux de bits.

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau n°1 : Les exploitants de stations de radiodiffusion.

Tableau n°2 : Plan GE89 (plan de Genève 1989).

Tableau n°3 : Les assignations pour la DVB-T en UHF.

Tableau n°4 : Les assignations pour la DVB-T en VHF.

Tableau n°5 : Les assignations pour la T-DAB.

Tableau n°6 : Les allotissements pour la DVB-T en VHF.

Tableau n° 7 : Les allotissements pour la DVBT- en UHF.

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Table des matières

SOMMAIRE......................................................................................................................................................... 3

DEDICACES ....................................................................................................................................................... 5

REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... 6

PRINCIPALES ABREVIATIONS .................................................................................................................. 7

INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................. 13

PREMIERE PARTIE : L’existence d’un cadre juridique permettant l’activité de régulation ................ 71

Titre premier : Le cadre normatif et institutionnel de la régulation ........................................................... 73

CHAPITRE PREMIER : Le cadre normatif de la régulation au Sénégal ................................................. 74

SECTION I : Des sources normatives de la régulation des télécommunications ................................... 75

SECTION II : Des principes gouvernant la régulation au Sénégal .......................................................... 114

CHAPITRE II : Le cadre institutionnel de la régulation ........................................................................... 142

SECTION I: Les forces et les faiblesses du cadre institutionnel de la régulation .................................. 143

SECTION II : MENACES ET OPPORTUNiTES SUR LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGAL .......................................................................................... 158

Titre II : L’activité de régulation au Sénégal................................................................................................. 167

Chapitre premier : L’activité de régulation ex ante ..................................................................................... 168

SECTION PREMIERE : L’activité de développement de la concurrence ............................................ 169

SECTION II : L’activité de développement du service universel ............................................................ 205

CHAPITRE II : Activité de régulation ex post ........................................................................................... 217

SECTION PREMIERE : Traitement des différends par le régulateur .................................................. 218

Section II : Recours contre la décision du régulateur ................................................................................. 239

DEUXIEME PARTIE : DE L’AMELIORATION DE LA REGULATION DES

TELECOMMUNICATIONS AU SENEGEAL ....................................................................................... 271

TITRE PREMIER : Amélioration du cadre juridique de la régulation ................................................... 272

Chapitre I : Amélioration du cadre normatif de la régulation ................................................................... 273

Section I : Rationalisation du droit applicable ............................................................................................. 274

SECTION II : Nécessaire flexibilité du droit applicable ........................................................................... 296

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Chapitre II : Amélioration du cadre institutionnel : mise en place d’une régulation convergente ....... 305

Section II : Renforcement de l’indépendance du régulateur...................................................................... 323

TITRE II : L’AMELIORATION DE L’ACTIVITE DE REGULATION ......................................... 334

Chapitre premier : Amélioration de l’activité de régulation ex ante ......................................................... 335

Section I : Amélioration de la régulation de l’interconnexion ................................................................... 336

Section II : Adaptation de la régulation des ressources rares à l’évolution technologique ................... 363

Chapitre II : Amélioration de la régulation ex post .................................................................................... 402

Section I : Amélioration du traitement du contentieux concurrentiel ...................................................... 403

Section II : Amélioration des procédures de traitement des différends ................................................... 417

CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................................... 463

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................................467

WEBOGRAPHIE....................................................................................................................................503

GLOSSAIRE.............................................................................................................................................506

LISTE DES TABLEAUX......................................................................................................................516