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UNIVERSITÉ D’ABOMEY-CALAVI
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES
Thèse pour l’obtention du grade de docteur en droit public
Champ disciplinaire : Droit foncier
La réforme du droit foncier rural dans les États membres del’Union économique et monétaire ouest africaine : Tendances
et limites
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal
Présentée et soutenue publiquement le . . . . . . . . . à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin)
Par :
Jean Aholou
Jury de thèse
Président.Tidjani Alou Mahaman,Professeur titulaire de Sciencepolitique, Université AbdouMoumouni (Niger)
Directeur de thèse.Samba Traoré, Professeurtitulaire en Histoire du droit,Université Gaston Berger (Sénégal)
Rapporteur.Barnabé Georges Gbago,Maître de conférences agrégé enHistoire du droit, Universitéd’Abomey-Calavi (Bénin)
Rapporteur.Ibrahima Diallo, Maître deconférences agrégé en Droit public,Université Gaston Berger (Sénégal)
Rapporteur.Akodah Ayéwouadan, Maître deconférences agrégé en Droit privé,Université de Lomé (Togo)
Année académique 2017–2018
La réforme du droit foncier rural dans les Étatsmembres de l’Union économique et monétaire
ouest africaine : Tendances et limites
Jean AHOLOU
2018
(+229) 97 61 13 17
Cotonou, Bénin
Avertissement
La Faculté de droit et de science politique de l’Université
d’Abomey-Calavi n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans la présente thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur.
• i
Dédicaces
À vous Précieux, Félicité et Juliette,
je vous dédie ce travail avec tous mes vœux de bonheur, de santé et de réussite dans l’e�ort.
• iii
Remerciements
Sans le concours et le soutien de certaines personnes, les travaux de recherche qui ont conduit
à l’élaboration de ce�e thèse de doctorat en Droit n’auraient pas abouti.
Je voudrais que ces personnes trouvent à travers ce�e page, l’expression de ma gratitude. Il
s’agit de tous mes professeurs et principalement du :
– Professeur Traoré Samba, mon directeur de thèse, pour son humanisme, son a�ention
constante et ses conseils éclairés. Recevez ici l’expression de notre respectueuse consi-
dération et notre profonde admiration pour toutes vos qualités scientifiques et hu-
maines. Vos qualités sont immenses et n’ont d’égal que notre admiration.
Mes remerciements vont également à l’endroit de toutes les autorités des universités d’Abomey-
Calavi au Bénin et de Saint-Louis du Sénégal, particulièrement celles de leurs facultés de
droit respectives.
Monsieur Cyrille Gougbédji, maître incontestable et un entraîneur exigeant sans lequel mes
étapes professionnelles et mes marches intellectuelles ne sauraient aboutir à ce�e thèse. Il
est toujours là pour dissiper mes chagrins, me pousser à l’e�ort. Face à ces gestes quotidiens
d’une profonde et sincère fraternité, je ne trouve pas de mot pour lui exprimer ma gratitude.
�’il reçoive simplement mon «Merci ».
À toute ma famille et mes parents, j’exprime ma reconnaissance pour les sacrifices que cha-
cun, a dû consentir du fait de ce�e délicate entreprise universitaire et pour l’encouragement
continu dont j’ai toujours bénéficié de leur part.
Des personnes aimables chères et discrètes qui, dans les couloirs de ma vie s’échinent à me
voir relever le défi de ce�e graduation, je salue l’amitié, la collaboration et la solidarité et les
prie de trouver ici, ma modeste manière de leur dire merci. L’anonymat dont j’entoure leurs
noms n’est pas signe de manque de reconnaissance.
• v
Sigles et abréviations
ABRÉVIATIONS
arr. : arrêt
art. : article(s)
cf. : confer
chap. : chapitre
coord. : coordination
dir. : sous la direction de
ed. : édition
ibid. : ibidem (au même endroit)
M. : Monsieur
no : numéro
op. cit. : opere citato (ouvrage cité précédemment)
p. : page
préf. : préface
rec. : recueil
rééd. : réédition
spec. : spécialement
ss. : suivants
t. : tome
v. : voir
SIGLES
ABE : Agence béninoise pour l’environnement
ACP : Afrique Caraïbe Pacifique
ALCRER : Association de lu�e contre le racisme l’ethno centrisme et le ré-gionalisme
ANDF : Agence nationale du domaine du foncier
• vii
Sigles et abréviations
AOF : Afrique occidentale française
AP/GMV : Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte
APE : Accord de partenariat économique
ARSOM : Académie royale des sciences d’outre-mer
ASEB : Actions pour la santé et l’éducation au Bénin
AUDA : Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
AUDCG : Acte uniforme portant le droit commercial général
AUDSC : Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et dugroupement d’intérêt économique
AUDSCOOP : Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives
AUOHC : Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comp-tabilités
AUPELF-UREF : Agence universitaire de la francophonie
AVV : Autorité d’aménagement des vallées des volta
BAD : Banque africaine de développement
BCEAO : Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest
BE : Bail emphytéotique
BO : Bail ordinaire
CC : Changements climatiques
CCNUCC : Convention cadre des Nations Unies sur le changement clima-tique
CEA : Commission économique pour l’Afrique des nations
CEDEAO : Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest
CEMAC : Communauté économique monétaire de l’Afrique centrale
CEN-SAD : Communauté des États sahélo sahariens
CERAP : Centre de recherche et d’action pour la paix
CFA : Colonie française d’Afrique
CFD : Code foncier et domanial
CGAAER : Conseil général de l’alimentation et de l’agriculture et des es-paces ruraux
CGCT : Code général des collectivités territoriales
CILSS : Comité inter-États de lu�e contre la sécheresse au Sahel
CLD : Cadre général et lignes directrices
CNCR : Conseil national de concertation des ruraux
CNUED : Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le dévelop-pement
CNULD : Convention des Nations Unies sur la lu�e contre la désertifica-tion
COFO : Commissions foncières
CoGEF : Commission de gestion foncière
CSA : Comité de la sécurité alimentaire
CSAO : Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest
viii • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Sigles et abréviations
CSLP : Cadre stratégique de lu�e contre la pauvreté
CUA : Commission de l’Union africaine
DCPE : Document cadre de politiques économiques
DFN : Domaine foncier national
DSCOS : Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation dessols
DSP : Document de stratégies pays
DSRP : Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté
ECOWAP : Politique agricole commune de la CEDEAO
EES : Évaluation environnementale stratégique
ERSUMA : École régionale supérieure de magistrature
FAO : Organisation mondiale pour l’agriculture
FIDA : Fonds international de développement agricole
FMI : Fonds monétaire international
FUPRO : Fédération des unions des producteurs
GDRN : Gestion décentralisée des ressources naturelles
GIRE : Gestion intégré des ressources en eau
GRNE : Gestion des ressources naturelles et de l’environnement
IDH : Indice de développement humain
IDMC : Internal displacement monitoring
IFGE : Investissements fonciers à grandes échelles
IFRA : Institut de formation Rhône Alpes
IIED : Institut international pour l’environnement et le développement
IRAM : Institut de recherches et d’application des méthodes de dévelop-pement
IRD : Institut de recherche pour le développement
LOASP : Loi d’orientation agro-sylvo-pastoral
MAHRH : Ministère de l’Agriculture, de l’hydraulique et des ressources ha-lieutiques
MATD : Ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisa-tion
MCA : Millenium challenge account
MECV : Ministère de l’Environnement et du Cadre de vie
MEF : Ministère de l’Économie et des Finances
MRA : Ministère des Ressources animales
NEPAD : Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique
NIE : Notice d’impact sur l’environnement
NLPTS : Études nationales de perspectives à long terme
OCDE : Organisation pour la coopération et le développement écono-mique
ODD : Objectifs du développement durable
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • ix
Sigles et abréviations
OHADA : Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des af-faires
OIF : Organisation internationale de la francophonie
OMC : Organisation mondiale du commerce
OMD : Objectifs du millénaire pour le développement
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
ORFAO : Observatoire régional du foncier rural en Afrique de l’Ouest
OSC : Organisation de la société civile
OSD : Orientations stratégiques de développement
OUA : Organisation de l’unité africaine
PAC : Politique agricole commune
PAG : Programme d’action du gouvernement
PAGIRE : Plan d’actions pour la gestion intégrée des ressources en eau
PAM : Programme alimentaire mondiale
PAMF : Projet d’aménagement massif forestier
PAN : Programme d’actions national
PAN/LCD : Programme d’action national de lu�e contre la désertification
PANA : Programme d’action national d’adaptation aux changements cli-matiques
PANGIRE : Plan d’action national de gestion intégrée des ressources en eau
PAP : Programme d’actions prioritaires
PAPDFGC : Projet d’appui à la préservation et au développement des forêtsgaleries et protection de cartographie de base numérique
PAPISE : Programme d’investissement du sous-secteur de l’élevage
PARGIRE : Plan d’action régional de la gestion intégrée des ressources eneau
PAS : Programme d’ajustement structurel
PASCiB : Plateforme des acteurs de la société civile au Bénin
PASR : Programme d’action contre la désertification en Afrique del’Ouest
PATC : Politique d’aménagement du territoire communautaire
PATECORE : Projet d’aménagement des terroirs et des ressources halieutiques
PC2D : Programme de croissance pour le développement durable
PCR : Président du conseil rural
PDA : Politique de développement agricole
PDDAA : Programme détaillé pour le développement de l’agriculture enAfrique
PEA : Perspectives économiques en Afrique
PFNL : Produits forestiers non ligneux
PFR : Plan foncer rural
PNAEPA : Programme national d’approvisionnement en eau potable
x • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Sigles et abréviations
PND : Plan national de développement
PNDE : Politique nationale de développement de l’élevage
PNDL : Politique nationale de développement local
PNIA : Programme national d’investissement agricole
PNIMT : Programme national d’investissement à moyen terme
PNOPPA : Plateforme nationale des organisations paysannes et de produc-teurs agricoles
PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’environnement
POAS : Plan d’occupation et d’a�ectation des sols
POCR : Principe d’orientation du code rural
PPEAP : Projet de promotion des exploitations agro-pastorales
PREAO : Politique des ressources en eau de l’Afrique de l’Ouest
PRGDT : Programme régional de gestion durable des terres et d’adapta-tion au changement climatique au Sahel et en Afrique de l’Ouest
PRIA : Programme régional d’investissement agricole
Proc RN : Programme de conservation et de gestion des ressources natu-relles
PSDSA : Plan stratégique pour le développement du secteur agricole
PTF : Partenaire technique et financier
PUF : Presse universitaire de France
RAF : Réforme agraire et foncière
RAPDA : Réseau africain pour le droit à l’alimentation
REDAD : Réseau des chambres d’agriculture
ROPPA : Réseau des organisations paysannes et de producteurs del’Afrique de l’Ouest
SAO : Substances appauvrissant la couche d’ozone
SCOT : Schéma de cohérence territoriale
SCRP : Stratégie de croissance pour la réduction de pauvreté
SDAC : Schéma directeur d’aménagement de la commune
SDER : Schéma de développement de l’espace régional
SNADDT : Schéma national d’aménagement et de développement durabledu territoire
SNAT : Schéma national d’aménagement du territoire
SRPI : Stratégie de réduction de la pauvreté intérimaire
SRU : Loi solidarité et renouvellement urbain
SVGF : Section villageoise de gestion foncière
SYNPA : Section villageoise de gestion foncière
TF : Titre foncier
UA : Union africaine
UCAD : Université Cheick Anta Diop de Dakar
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • xi
Sigles et abréviations
UE : Union européenne
UEMOA : Union économique et monétaire ouest africain
UFR : Unité de formation et de recherche
UGB : Université Gaston Berger
UICN : Union internationale pour la conservation de la nature
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation la science et laculture
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’enfance
WILDAF : Femme, droit et développement en Afrique
xii • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Résumé
La question de la réforme foncière rurale dans les États de l’UEMOA est actuellement
le point d’ancrage d’enjeux multiples. Elle touche particulièrement à la question de
sécurité des droits exercés sur l’espace rural, à l’accès aux ressources foncières. En-
glué entre un droit traditionnel têtu très dynamique mais limité et un droit moderne d’em-
prunt mais de faible adaptabilité, la recherche des approches de solution au syncrétisme
juridique en matière foncière rurale est devenue un impératif pour le développement des
États de l’espace UEMOA. Confronté donc aux défis de la sécurisation des droits fonciers,
les États de l’Union ont recouru à une alternative : l’articulation entre le droit coutumier et
le droit moderne d’une part, puis au principe de la participation comme mode de gestion des
ressources foncières naturelles d’autre part. Ce�e nouvelle orientation n’exprime en réalité
que la prise en compte des principes du développement durable dans la réforme des droits
fonciers ruraux. L’illustration parfaite de ce�e option est que le foncier rural, perçu par les
di�érentes législations nationales comme un pilier des droits économiques et sociaux, est dé-
sormais un bien protégé à des fins de conservation. Ce�e dynamique juridique ou législative
reste perturbée par quelques contrastes. Dans un espace en quête des critères de convergence
et d’une harmonisation juridique, il se note encore une approche divergente du droit d’ac-
cès à la propriété foncière malgré l’existence d’un droit d’établissement de l’UEMOA. Ce qui
constitue à n’en point douter une rupture de cohérence dans les politiques d’accompagne-
ment de l’Union. L’une des conséquences d’une telle rupture se révèle à travers l’existence
d’une politique agricole commune très optimiste face à une politique foncière commune en-
core embryonnaire.
Mots clés : réforme foncière rurale, accès aux ressources foncières, sécurisation des droits
fonciers, principe de la participation, politique foncière commune.
• xiii
Abstract
The issue of rural land reform in WAEMU states is currently the anchor of multiple
issues. It is particularly relevant to the issue of rights security over rural areas, ac-
cess to land resources. Frustrated between a stubborn very dynamic traditional
right and a modern borrowing law but with li�le adaptability, the search for solutions to
legal syncretism in rural land became an imperative for the development of WAEMU States.
Confronted then with the challenges of securing land rights, the States of the Union have
resorted to an alternative: the link between customary law and modern law on the one hand,
and the principle of participation as a way of managing land rights natural land resources
on the other hand. This new orientation in fact only reflects the principles of sustainable
development in the reform of rural land rights. The perfect illustration of this option is that
rural land, perceived by the various national legislations as a pillar of economic and social
rights, is now a protected property for conservation purposes. This legal or legislative dy-
namic remains disturbed by some contrasts. In a space seeking convergence criteria and
legal harmonization, there is still a divergent approach to the right of access to land owner-
ship despite the existence of a WAEMU right of establishment. This is undoubtedly a break
in coherence in the accompanying policies of the Union. One of the consequences of such a
rupture is revealed by the existence of a very optimistic common agricultural policy in the
face of a common embryonic land policy.
Keywords: rural land reform, access to land resources, securing land rights, principle of
participation, common land policy.
• xv
SOMMAIRE
Introduction générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
P a r t i e IUne réforme juridique fondée sur le souci de sécurité
Titre 1. Des droits fonciers ruraux tiraillés entre tradition etmodernité 27
Chapitre 1. Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité. . . . . . . . . . 29
Chapitre 2. Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité. . . . . . . . 59
Conclusion du Titre 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Titre 2. Des droits nationaux confrontés aux défis de la sécuri-sation foncière 87
Chapitre 1. L’articulation entre tradition et modernité. . . . . . . . . . . . 89
Chapitre 2. La participation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Conclusion du Titre 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
P a r t i e IIDes droits fonciers en quête d’une adaptabilité aux enjeuxdu développement durable
Titre 1. Une relative prise en compte du développement du-rable dans la réforme des droits fonciers ruraux 177
Chapitre 1. Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation . . . . . 179
Chapitre 2. Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations 227
Conclusion du Titre 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275
Titre 2. Les contrastes 277
Chapitre 1. Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale . . . . 279
Chapitre 2. La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UE-MOA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311
Conclusion du Titre 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349
Conclusion générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
Références bibliographiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . 359
Index thématique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
Lexique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399
Table des matières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405
• xvii
“ Le droit nouveau n’a des chances de porter ses fruits que s’il plonge sesracines dans les plus authentiques traditions africaines et leur donne unenouvelle vie adaptée à l’évolution actuelle 1. ”Association internationale des sciences juridiques, Le droit de la terre en
Afrique au Sud du Sahara, 1971
1 Le droit de la terre en Afrique au sud du Sahara, Rapport d’une étude réalisée à la requête de l’Unesco,Association internationale des sciences juridiques, 1971, p. 67.
Introduction générale
«Ma terre, ma vie ».
Ce�e 1assertion porte en elle toute l’importance que revêt la terre dans l’existence
humaine. Source de vie et de sécurité, instrument de développement, la Terre
est dans sa conception originaire frappée du sceau de la sacralisation, ce que
confirme d’ailleurs sous un autre prisme culturel, ces vers de Guillaume du Bartas, poète et
écrivain du XVIe siècle :
Je te salue, ô terre, ô terre porte-grains, Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains, Porte-fruits, porte-tours 2. . .
On comprend dès lors l’a�achement de l’homme à la terre.
2S’il y a une région du monde où le rapport de l’homme à la terre est déterminant, c’est certai-
nement l’Afrique. Une région en proie à la pauvreté et confrontée au défi du développement
économique et social 3.
3La maîtrise des rapports de l’homme à la terre se résout fondamentalement en une inter-
rogation essentielle pour les pays africains : comment faire pour que les e�orts de mise en
valeur de la terre contribuent au développement des communautés et des pays et ne soient
point source de menaces pour l’avenir ? Selon le rapport des études des perspectives à long
2 Du Bartas (G.) – Poème Hymne à la terre, url : http://paroles2chansons.lemonde.fr/auteur-guillaume-de-salluste-du-bartas/poeme-hymne-a-la-terre.html.
3 La croissance économique de nombreux pays d’Afrique depuis une vingtaine d’années, et en particulierdepuis le début des années 2000, n’a pas eu autant d’impact qu’on l’espérait sur la pauvreté. Le ratio de pauvretédu continent a diminué de 54.3% en 1990 à 41% en 2013, quoique la deuxième moitié de cette période ait étéplus encourageante que la première, notamment en raison de l’accélération de la croissance économique. Maisen chi�res absolus, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté stagne au niveau de 2002, de sorte quece sont plus de 50% des pauvres du monde entier qui vivaient en Afrique en 2013, alors que ce taux était de15% en 1990. Pour mieux appréhender la situation de pauvreté lire :Fosu (A. K.) – « Growth, Inequality, andPoverty Reduction in Developing Countries », in :Wider Working Paper (2011) ; Rapport sur le développement enAfrique 2015 : Croissance, pauvreté et inégalités : lever les obstacles au développement durable, Banque africainede développement, 2015, 278 p. ; Perspectives économiques en Afrique 2016 : Villes durables et transformationstructurelle, BAD, OCDE, PNUD, 2016, 434 p. ; PEA – Base de données des Perspectives économiques en Afrique,Résumé exécutif, BAfD, OCDE, PNUD, 2016.
• 3
Introduction générale
terme en Afrique de l’Ouest, pour répondre à ce�e interrogation, deux défis majeurs sont à
relever à savoir ; la densification de l’espace rural du fait de la croissance démographique qui
oblige à un changement de technique puis la connexion au marché qui oblige à changer les
produits et la rationalité de production 4.
4 La place du droit dans la résolution de ce�e interrogation est primordiale et a été mise en
exergue à maintes occasions 5. Dans un travail de recherche, sur la sécurité alimentaire au
profit de l’Organisation mondiale pour l’agriculture (FAO), il a également été a�irmé que :
« les problèmes liés au foncier et le développement agricole des pays de l’Afrique francophone
sont en dernière analyse tributaires des solutions juridiques qu’on aura pu dégager pour régler
ces problèmes » 6.
5 Il faut convenir avec Caroline Plancon que les solutions juridiques doivent avoir un ancrage
local pour les rendre e�ectives puisque : « si les politiques publiques sont produites au niveau
national, influencées par le niveau international, c’est le niveau local, voire micro-local que se
passent les choses ».
6 Évoquant « la tourmente alimentaire »,Ma�hieu Calame estime que le problème, aujourd’hui
comme autrefois, est avant tout social et économique et c’est sur la capacité à produire des
lois et des règles intelligentes touchant la gestion de l’eau, du sol, de la biodiversité et des
échanges internationaux que l’humanité doit compter pour assurer tranquillement sa survie
alimentaire au XXIe siècle 7.
7 Si ces di�érentes études montrent l’importance du droit dans la résolution du problème fon-
cier en milieu rural, c’est en raison des nombreux problèmes que connaît ce secteur dans la
quasi-totalité des pays africains. Au nombre de ces problèmes, nous avons notamment, le
4 Snrech (S.) – « Pour préparer l’avenir de l’Afrique de l’Ouest : une vision à l’horizon 2020 », in : Syn-thèse de l’étude des perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest, sous la dir. de Cour (J. M.), Paris, Abidjan,Ouagadougou : OCDE, BAD, CILSS, 1994.
5 Il y a encore peu d’années, on pouvait constater une absence d’initiatives régionales et continentales sur lesquestions foncières. Les rôles des di�érentes institutions demeuraient �ous et des divergences de vue existaientsur ce qu’il convenait d’entreprendre à ces échelles. Cette situation a radicalement évolué. La place du droitdans les résolutions des questions foncières est fréquemment évoquée à l’occasion des rencontres. C’est ainsique, à l’initiative du Cluster Protection de Côte d’Ivoire et du Norwegian Refugee Council, l’Observatoire dessituations de déplacement interne (Internal Displacement Monitoring Centre ou IDMC en anglais) a facilitédu 2 au 4 octobre 2012 la tenue d’un atelier de ré�exion sur les questions foncières et le déplacement en Côted’Ivoire. L’un des objectifs de cet atelier était donc de souligner auprès des acteurs nationaux en charge desquestions foncières les caractéristiques des litiges fonciers et leurs modes de résolution dans des situations depost-con�it et de déplacement a�n que les participants à l’atelier puissent intégrer les dimensions juridiquesdans leur pratique quotidienne et lors de leur participation aux débats fonciers en cours. Également, c’est laprise de conscience de l’importance du droit qui a conduit, l’Union africaine en coopération avec les instancesrégionales, après plusieurs concertations, à initier le processus ayant abouti à l’élaboration des cadres et lignesdirectrices sur les politiques foncières en Afrique sous la direction du Consortium CUA-CEA-BAD depuis 2010.
6 Le Roy (É.) – La réforme du droit de la terre dans certains pays d’Afrique francophone, Étude Législative no
44, FAO, 1987, p. 4.7 Calame (M.) – La Tourmente alimentaire : Pour une politique agricole mondiale, Paris : Éditions Charles
Léopold Mayer, 2008, 206 p.
4 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
manque de sécurité juridique dû à la dualité du régime foncier, l’ignorance des textes juri-
diques par les populations autochtones, la non application de la loi par les pouvoirs publics,
l’émergence de la logique commerciale sur la conservation durable des sols, qui sont les plus
décriés.
8À leur accession à l’indépendance, les États africains ont hérité du colonisateur un droit
foncier peu adapté aux réalités endogènes lesquelles se retrouvent mieux encadrées par des
règles coutumières qui varient d’un milieu à un autre. Ce�e coexistence de règles écrites et
de la coutume a été identifiée comme l’un des facteurs qui entravent la sécurité foncière
dans ces pays 8.
9Dans cet environnement juridique peu favorable à l’e�ectivité du droit, se mène également
une politique foncière excessivement commandée du « haut » qui n’associe pas la population
rurale à la définition des objectifs 9. La plupart des périmètres ruraux techniquement amé-
nagés le sont sur l’initiative et grâce au financement de l’État et de ses partenaires interna-
tionaux. La population rurale apparaît dès lors comme un simple instrument d’exploitation
des périmètres, sans motivation réelle au niveau des objectifs et des résultats obtenus. En
d’autres termes, il s’agit jusque-là de politiques agraires ne faisant pas la promotion e�ec-
tive du paysan et de son milieu.
10Les outils de ce�e politique bien que prévus par les textes alors en vigueur, étaient peu connus,
peu utilisés. Les titres d’accès à la terre existent mais ne sont pas perçus comme de véritables
instruments de développement de l’économie foncière. Or, tous ces pays africains font de
8 Plusieurs auteurs ont fait ce diagnostic. Il s’agit par exemple de : Ouedraogo (H.) – « De la connaissanceà la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », in : Études rurales 187 (2011), p. 79–93 ; Atta (K.)et Zoungrana (P.) – Logiques paysannes et espaces agraires en Afrique, Paris : Karthala, 2010, 384 p. ; LavigneDelville (P.) –Quelles politiques foncières pour l’Afrique rurale ? Réconcilier pratiques, légitimité et légalité, Paris :Karthala, 1998, 744 p.
9 Cette forme de gestion des terres rurales pose le problème de la tenure foncière coutumière dans un mondede plus en plus moderne. plusieurs tentatives de réformes foncières aussi bien par l’État colonial que par l’Étatpost-colonial, ont contribué à créer beaucoup d’incertitudes et à entretenir un �ou juridique. Tantôt, l’État recon-naît les droits coutumiers, tantôt, l’État a essayé de « déposséder » les détenteurs de droits fonciers coutumiersen s’arrogeant le droit de s’approprier et de gérer toutes les terres. Pour mieux cerner cet aspect, lire : Koné (M.)– « Quelles lois pour résoudre les problèmes liés au foncier en Côte d’Ivoire? », in : Grain de sel 36 (2006), p. 2 ;Boni (S.) – « Comprendre l’esprit de la loi no 98-750 du 23 décembre 1998 portant code foncier rural en Côted’Ivoire », in : Archives ouvertes (2015), url : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01116550 ; Koulibaly (M.) –Les socles de la division en Côte d’Ivoire, in : Nord-Sud quotidien (12 août 2013) ; Babo (A.) – « Con�its fonciers,ethnicité politique et guerre en Côte d’Ivoire », in : Alternatives Sud vol. 17.2 (2010), p. 1 ; Kobo (P. C.) – « Laquestion foncière entre maux et remèdes », in : Séminaire gouvernemental sur la question foncière en Côted’Ivoire, (Côte d’Ivoire, 20 juin 2012).
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 5
Introduction générale
l’agriculture, le moteur de leur développement économique 10. L’éveil des consciences opéré
en 1992 au Sommet de Rio de Janeiro a suscité un regain d’intérêt des pouvoirs publics pour
la question du foncier rural. En e�et, au Sommet de la Terre, la communauté internationale,
à travers l’Agenda 21 adopté à Rio en 1992, a montré toute l’importance de la question fon-
cière dans la lu�e contre la pauvreté et le développement durable. Au moins quatre chapitres
de ce programme incitatif sont consacrés aux sols de manière directe ou indirecte : la pro-
motion d’un modèle viable d’établissements humains (chapitre 7) ; la conception intégrée de
la planification et de la gestion des terres (chapitre 10) ; la lu�e contre la désertification et
la sécheresse (chapitre 12), enfin la promotion d’un développement agricole et rural durable
(chapitre 14).
11 Ces principes d’action proclamés dans l’Agenda 21 justifient les relations dialectiques que
peuvent entretenir la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et le développement
économique. C’est cet éveil des consciences opéré au niveau international qui a fini par sus-
citer au niveau des pays africains, un regain d’intérêt pour le foncier rural.
12 Déjà, au plan interne, hormis les discours politiques 11 me�ant en exergue les di�icultés liées
à la gestion foncière rurale et la volonté d’y apporter des solutions, les expériences de recon-
naissance des droits fonciers ruraux mises en œuvre par plusieurs pays de l’espace UEMOA,
témoignent de la nécessité de la prise en compte du foncier au rang des préoccupations du
développement. On peut donc a�irmer que c’est suite à cet élan international que les pays
africains ont saisi l’importance du foncier dans le développement et ont amorcé di�érentes
réformes foncières par l’adoption de nouvelles lois consacrées au foncier rural. Ce mouve-
10 Les documents de politiques de développement agricole dont se dotent ces États illustrent bien cet étatde choses. Le document Revue des politiques agricoles et alimentaires au Burkina Faso, MAFAP, SPAAA, FAO,juil. 2013, 234 p., a clairement mis en exergue le rôle prépondérant de ce secteur dans l’économie nationale enconsidérant qu’« étant donné que le secteur agricole contribue à 25% du produit intérieur brut, toute stratégie deréduction de la pauvreté doit inclure la croissance agricole comme objectif clé ».Par exemple, pour le Bénin, de nouvelles orientations sont dé�nies pour le développement du secteur agricoleà l’horizon 2025 à travers le Plan stratégique pour le développement du secteur agricole (PSDSA). À travers ceplan le Bénin vise à « améliorer les performances de l’agriculture béninoise, pour la rendre capable d’assurer defaçon durable la souveraineté alimentaire, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et de contribuer au développe-ment économique et social des hommes et femmes du Bénin pour l’atteinte des Objectifs de développement durable(ODD) ». Il en est de même pour les autres États. Le Sénégal quant à lui a consacré entièrement une loi à laquestion. Il s’agit de la LOASP (Loi d’orientation agro-sylvo-pastoral) : une vision à long terme (2024) qui fondela politique de développement agro-sylvo-pastoral.11 Le discours prononcé par le Premier ministre sénégalais à l’occasion de l’installation de la commission
nationale de réforme foncière illustre la situation. Dans son discours, le Premier ministre a souligné le fait quela réforme foncière devait être « inclusive, participative et transparente », tout en avertissant : « Si l’on réforme,c’est bien parce qu’il y a des problèmes. Or pour guérir un problème, il ne faut pas rechercher les solutions quienchantent tout le monde : elles n’existent pas. »Le président ivoirien, Alassane OUAttara, a annoncé le jeudi 04 janvier 2018 lors de la cérémonie de présentationdes voeux du nouvel an des religieux et chefs traditionnels à Abidjan, que le dossier du foncier demeurait brûlanten Côte d’Ivoire et que son gouvernement mettrait tout en oeuvre pour le résoudre. C’est ce que rapportel’Agence de Presse africaine.« Le foncier reste une source de tensions et de con�its. Il s’agit d’une des questions les plus fondamentales à réglerdans les prochains mois », a notamment déclaré le Président ivoirien.
6 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
ment général qui caractérise tous les pays africains est particulièrement remarquable en
Afrique de l’Ouest francophone où tous les pays de l’UEMOA se sont engagés ces dernières
années dans la réforme foncière rurale.
13Parmi ces pays les cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Sénégal
vont retenir l’a�ention dans le cadre de la présente recherche.
14En e�et, à partir de l’ordonnance N°93-015 du 02 mars 1993 fixant les principes d’orientation
du code rural, la République du Niger va provoquer par la suite une révolution juridique dans
la tenure foncière rurale.
15En prenant l’ordonnance no 84-CNR/PRES portant réorganisation agraire et foncière auBurkina-
Faso, l’État a finalement adopté de la loi no 034-2009/AN portant régime foncier rural se met-
tant ainsi au pas avec la dynamique juridique sous régionale.
16Rompant avec les logiques juridiques antérieures, la loi no 98-750 du 23 décembre 1998 rela-
tive au domaine foncier rural en Côte d’Ivoire constitue un véritable point de départ d’une
nouvelle ère en matière de gestion foncière rurale. Elle a été modifiée par la loi du 28 juillet
2004 après une mise en œuvre périlleuse.
17En ce qui concerne la République du Bénin, la réforme foncière rurale dont l’aboutissement
est la promulgation de la loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en
République du Bénin. Ce�e loi a été abrogée par celle no 2013-01 du 14 août 2013 portant
code foncier et domanial en République du Bénin qui est le résultat de la réforme foncière
globale qui a pris en compte le foncier rural, urbain et périurbain. Ce processus de réforme
a été mis en chantier au Bénin depuis les années 90.
18L’État socialiste du Sénégal sous Senghor considérait la terre comme un instrument d’unité
nationale et de développement économique. En envisageant un système plus près du système
traditionnel négro-africain où la terre est indivisible, non transférable et appartient à une
entité commune supérieure, la Nation, la loi no 64-46 du 17 juin 1964 12 considérait les droits
fonciers coutumiers comme des incitations à la division et, par conséquent, les a abrogés.
Cependant, de nombreux analystes ont trouvé que l’explication négro-africaine n’était qu’un
simple prétexte, précisément parce que même pendant le mandat de Senghor, les anciennes
terres coutumières étaient utilisées à des fins économiques pour le pays sans consultation
de la communauté locale 13.
19C’est donc pour rendre compte de l’état de la réforme juridique dans le domaine du foncier
12 Journal o�ciel de la République du Sénégal 3692 (7 juil. 2001), p. 905.13 Nkuintchua (T.) – L’état des droits fonciers des communautés en Afrique : Les États africains peuvent mieux
protéger les droits fonciers communautaires, Africa Community Rights Network, déc. 2016, p. 24.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 7
Introduction générale
rural dans ces pays et analyser les évolutions récentes du droit à la terre rurale tout en faisant
ressortir des défis inachevés que la présente thèse est projetée et intitulée : « La réforme du
droit foncier rural dans les États membres de l’UEMOA : tendances et limites. Cas du Bénin, du
Burkina-Faso, du Niger et du Sénégal ».
I - Présentation et délimitation du cadre de la recherche
20 Le choix de ces pays n’est pas fait au hasard. Il se fonde sur quelques caractéristiques de l’en-
tité sur laquelle porte ce�e étude. À cet égard, il convient de signaler que l’UEMOA regroupe
huit pays, sept francophones et un lusophone tous situés en Afrique de l’ouest. C’est donc sur
les huit (08) que le choix de quatre pour ce�e étude paraît assez représentatif. À l’intérieur
de ce�e entité se distinguent trois catégories de pays : les pays sahéliens, les pays côtiers et
les pays soudano-sahéliens. Notre curiosité scientifique de voir comment l’environnement
géographique peut influer sur l’encadrement juridique des ressources naturelles a conduit à
choisir trois États se trouvant dans la zone sahélienne (Niger, Burkina Faso, Sénégal) et deux
autres se situant sur la côte du golfe de guinée (Bénin, Côte d’Ivoire).
21 En ce qui concerne sa délimitation temporelle, elle se borne à étudier la réaction des États
choisis, suite à la sollicitation dont ont fait l’objet les systèmes fonciers ruraux à partir des
années 1980 pour répondre à la problématique de développement économique et de la sécu-
rité juridique des acteurs ruraux. Elle n’a donc pas pour vocation de s’a�aquer au droit de
l’urbanisme, ni au foncier en milieu urbain.
22 Mener à bien ce�e étude sur les réformes du droit foncier rural nécessite au préalable une
clarification du concept « droit foncier rural ».
II - Clarification du champ thématique
23 Pour saisir le concept du droit foncier rural, il faut d’abord clarifier la notion de droit. Par
essence c’est un concept polysémique qui varie d’un contexte à un autre.
24 C’est d’ailleurs la raison pour laquelle parlant du droit, Caroline Plançon estime qu’il n’y pas
une réponse unique à ce�e question et qu’on ne saurait enfermer la définition du droit dans
un seul aspect 14. Toutefois, il faut retenir une première acception, la plus familière qui, selon
Jean Gicquel, désigne le droit comme « l’ensemble des règles de conduite humaine socialement
14 Plancon (C.) – La représentation dans la production et l’application du droit : Études de cas dans le droit depropriété foncière au Canada/ Québec, en France et au Sénégal, thèse de doctorat en droit, Université PanthéonSorbonne, 2006, p. 13.
8 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
édictées et sanctionnées par l’État et destinées à faire régner dans les relations sociales, l’autorité
et la liberté » 15. Ce�e définition classique qui associe droit, sanction, et conflit, soulignant le
rôle de l’institution judiciaire, doit être complétée pour donner une dimension sociale plus
globale. À cet égard, le droit ne doit pas être une abstraction, mais une réponse à un besoin
d’organisation formelle de la société. Dans ce�e quête d’organisation de la société, on en
vient à catégoriser le droit en deux pour une meilleure appréhension.
25Dans une première catégorie, la notion de « droit » peut être définie comme un ensemble de
règles de conduite destinées à organiser la vie en société, et qui ont vocation à s’appliquer
à toutes les personnes qui forment le corps social. Ces règles qui sont formulées de manière
générale et impersonnelle, concernent chacun et ne désignent personne en particulier. Le
mot « Droit » correspond, dans ce premier sens, à ce que les juristes appellent le « Droit
objectif » 16.
26Dans son second sens, le « droit » désigne l’ensemble des prérogatives ou pouvoirs reconnus
aux personnes, par la règle de droit objectif, dont le respect ou la reconnaissance peut être
réclamé en justice. On parle alors de « droits subjectifs » 17. À ce niveau, en se fondant sur les
prérogatives, il a été a�irmé que le droit subjectif renvoie à « ce que l’on a comme sien » 18 c’est-
à-dire des biens ou encore des valeurs protégées par le devoir de réparation et l’interdiction
préventive de leur lésion. 19 En raison de leur diversité, les droits subjectifs sont classifiés
15 Gicqel (J.) – Droit constitutionnel et institutions politiques, 12e éd., Paris : Montchrestien, 1993, p. 9.16 La notion du droit objectif a fait l’objet de plusieurs manuels de droit sur ceux relatifs à l’introduction
générale au droit. Pour mieux cerner la distinction, lire : Aubert (J.-L.) – Introduction au droit et thèmes fon-damentaux du droit, Paris : Armand Colin, 1984, 272 p. ; Carte-Bocqillon (C.) et Kilig (L.) – Introduction audroit DCG 1 : Préparation complète à l’épreuve, Paris : Vuibert, 2016, 367 p. ; Duguit (L.) – L’État, le droit objectifet la loi positive, Paris : Dalloz, 2015, 636 p.17 Lorsqu’on cherche à interpréter le sens des droits subjectifs, il est tentant de s’en tenir au sujet. Au contraire
des autres espèces de droit, la particularité des droits subjectifs semble résider dans le rapport au sujet. Il relèveque traditionnellement l’action en justice est l’aboutissement de la concrétisation des droits subjectifs substan-tiels. En y regardant de plus près, on voit dans un premier temps que ce lien n’est pas univoque, et peut prendredes sens di�érents. Pour approfondir les connaissances sur cette catégorie de droit, lire : Motulsky (H.) – Ledroit subjectif et l’action en justice, Paris : Sirey, 1964, p. 215–230 ; Roubier (P.) – Droits subjectifs et situationsjuridiques, 4e éd., Paris : Dalloz, 1963, 476 p.18 Dabin (J.) – Le droit subjectif, Paris : Dalloz, 1952, p. 83.19 Ibid., p. 33–34.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 9
Introduction générale
en droits patrimoniaux 20 et droits extrapatrimoniaux 21 ; biens corporels biens incorporels ;
di�érents types de choses ; les meubles et les immeubles.
27 À la lumière des éléments constitutifs du droit subjectif, il est établi que le droit foncier rural
y relève. Les définitions données du droit foncier rural le confirment.
28 Pour le professeur Samba Traoré, le foncier est constitué à la fois de la terre et des res-
sources naturelles qui y sont directement a�achés et l’ensemble des relations entre individus,
groupes pour l’appropriation et l’utilisation de ces ressources.
29 Ces relations englobaient à la fois des règles et des principes de la maîtrise, d’appropriation
et d’usage de la terre ainsi que les contextes institutionnels et relationnels qui déterminent la
mise en œuvre de ces principes. On devrait donc parler dans ce�e optique de foncier agricole,
de foncier pastoral, de foncier pour l’habitat, et d’un foncier halieutique 22.
30 Loin d’être exhaustif comme l’a souligné le professeur Samba Traoré, ce�e définition a le
mérite de rendre compte de di�érents aspects du foncier notamment la terre fond, les res-
sources naturelles, les règles, les institutions et la catégorisation. En un mot, il faut entendre
alors par droit foncier rural, l’ensemble des règles du droit positif a�ectant les terres occu-
pées par les activités agricoles, pastorales, sylvicoles ou piscicoles ou destinées à accueillir
l’une ou l’autre de ces activités. Ces règles sont relatives à l’exercice ou l’organisation du
droit de propriété, aux mécanismes de gestion des contentieux et à l’exploitation du foncier
rural. Ainsi, on peut entendre par droit foncier rural avec Daniel Giltard 23, « le régime des
terres agricoles qui comprend, outre le régime général du foncier, l’ensemble des règles a�ec-
tant spécifiquement la propriété ou l’exploitation des terres agricoles ». C’est d’ailleurs ce�e
définition reprise par la loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier en République
20 Les droits patrimoniaux font partie du patrimoine du sujet de droit. Constitués de biens évaluables enargent (droit de propriété et droit de créance), ils ont une valeur d’échange, ils sont cessibles, transmissibles auxhéritiers, saisissables par les créanciers, et prescriptibles. Pour de plus amples détails sur les droits patrimoniaux,lire : Grimaldi (M.) et Bicheron (F.) – Droit patrimonial de la famille 2018/2019, 6e éd., Paris : Dalloz, 2017,1602 p. ; Guinchard (S.) – Droit patrimonial de la famille au Sénégal, Paris, Dakar et Abidjan : Librairie généralede droit et de jurisprudence, 1980, 669 p.21 Les droits extra-patrimoniaux, sont hors du patrimoine du sujet auquel ils sont rattachés. Ils n’ont pas de
valeur pécuniaire. Ces droits sont incessibles, intransmissibles aux héritiers, insaisissables par les créanciers,et imprescriptibles. Trois catégories de droits extra-patrimoniaux peuvent être identi�ées : les droits civils etpolitiques du citoyen ; les droits de la personnalité ; Les droits dits « de famille ». Pour mieux approfondir cettenotion de droit extrapatrimonial, lire :Dreyfuss-Bechmann (L.) – La patrimonialité des droits extrapatrimoniaux,thèse de doctorat en droit privé, Université Robert Schuman (Strasbourg), 2002, 457 p. ; Nerson (R.) – Les droitsextrapatrimoniaux, Lyon : Bosc frères, 1939, 547 p. ; Parqet (M.) – Introduction générale au droit, 4e éd., Paris :Bréal, 2007, 160 p.22 Traoré (S.) – « La �lle aînée de l’État du Sénégal cherche prétendant », in : La quête anthropologique, Paris :
Karthala, 2006.23 Conseiller d’État honoraire, Daniel Giltard est ancien président de tribunaux administratifs (Nancy et Gre-
noble) et de la cour administrative d’appel de Nancy. Membre de Fief (France international expertise foncière).Il a e�ectué diverses missions d’études et d’expertises juridiques sur le foncier, notamment le foncier rural, dansdi�érents pays (Mauritanie, Tunisie, Bénin, Guatemala, Cambodge, Liban et surtout Haïti (à trois reprises).
10 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
du Bénin qui est maintenue par la loi no 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et
domanial actuellement en vigueur 24.
31À l’analyse, on s’aperçoit que les démarches pour l’amélioration de l’encadrement juridique
des di�érents aspects du foncier rural ont varié d’un pays à un autre. Toutefois, on peut les
regrouper en deux sous-groupes : les pays ayant réalisé la réforme législative avant d’asseoir
une politique nationale de sécurisation foncière rurale 25 et ceux ayant d’abord mis en place
une politique nationale de sécurisation foncière dont la réforme législative en est une étape 26
.
32Dans l’un ou l’autre cas, les orientations dégagées de l’œuvre réformatrice du droit foncier
rural sont restées les mêmes. Trois tendances majeures se dégagent des réformes juridiques
des années 1980 : une logique de gestion domaniale et patrimoniale des terres rurales ; une
logique de codification et une logique d’enregistrement des droits fonciers locaux.
33D’abord, il faut noter la volonté des États à reconnaître une place prépondérante au droit
traditionnel dans les nouvelles législations en cours, tout en cherchant à concilier légalité
et légitimité et instituer des actes de constatation des droits établis ou acquis selon les cou-
tumes.
34Ensuite, une place de choix est faite aux règles spécifiques grevant les terres rurales pour
raison d’intérêt général et d’utilité publique.
35Enfin, il se dégage aisément du cadre juridique en cours, la volonté des autorités de doter leur
État respectif d’un nouveau cadre institutionnel de gestion foncière rurale par l’a�irmation
très poussée du principe de la gestion décentralisée des ressources naturelles. Il se note aisé-
ment que les enjeux d’une gestion durable des terres rurales et des ressources naturelles ont
rendu impérieuse l’évolution des législations et des pratiques dans les pays de l’UEMOA 27.
36Les éléments convergents du droit foncier rural dans les pays étudiés se retrouvent dans
la promotion d’instruments juridiques novateurs de gestion foncière et la mise en place de
mécanismes institutionnels d’une gestion pacifique et consensuelle de la tenure foncière.
Cela n’a pas pour autant empêché de découvrir des particularismes dans les législations
nationales et d’entrevoir déjà les di�icultés de leur mise en œuvre. Ainsi par exemple des
procédures varient d’un pays à un autre, les rapports de droit entre la propriété privée et le
domaine public ne sont pas organisés de la même manière et l’e�ort nécessaire en matière
24 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin (14 jan. 2013) , art. 7.25 Le cas du Sénégal en est un exemple illustratif.26 C’est l’exemple du Burkina Faso.27 À l’étape actuelle de l’arsenal juridique en matière d’encadrement des ressources naturelles dans l’UEMOA,
s’il est encore prématuré de parler d’un droit communautaire, il est de plus en plus établi les prémisses de cedroit qui rencontre tout de même les résistances dues aux velléités souverainistes des États.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 11
Introduction générale
de financement du nouveau cadre institutionnel reste exorbitant pour les budgets des pays
concernés déjà déficitaires et toujours sous la perfusion des partenaires au développement.
37 Le droit foncier rural dans sa vocation à régir le fond et ses dépendances dans une perspective
de politique de développement basée sur le recours au droit. Ce�e étude s’intéressera au
droit foncier en général. Elle sera axée sur les aspects juridique et politique des interventions
législatives et réglementaires en matière foncière rurale.
III - Intérêt du sujet
38 Y a-t-il encore une place pour une étude sur le droit foncier en Afrique? L’abondante li�é-
rature consacrée aux aspects juridiques du foncier en Afrique pourrait donner l’impression
que la réflexion sur le sujet choisi n’aurait plus aucun intérêt. Dans cet ordre d’idées, on a pu
traiter qu’en Afrique la terre est insusceptible d’appropriation 28. Les lois de la cosmogonie
africaine n’adme�ent l’appropriation pour aucun des éléments (ciel, air, mer et terre) qui ont
servi à la création de l’univers et qui le soutiennent 29.
39 On a pu récemment montrer que la question foncière en Afrique est le point d’ancrage de
tous les enjeux économiques, sociaux, politiques, culturels et environnementaux 30.
40 On a même reconnu que le droit est une réalité vivante ayant sa dynamique et sa tempo-
réalité propre. Dans le dialogue du fait et du droit, ce sont tantôt les faits qui se révoltent
contre le droit, tantôt le droit qui se révolte contre les faits. Si le droit tend le plus souvent à
privilégier la continuité, il peut aussi susciter le changement : les principes ne sont pas éter-
nels aux yeux de l’historien et, s’ils conservent parfois leur identité formelle, ils ne gardent
28 Dans la pensée africaine en général, la terre n’est pas un bien, susceptible d’appropriation et ayant unevaleur pécuniaire. Elle n’est pas perçue comme une chose morte susceptible d’appropriation privative. Pour s’enconvaincre, lire :Kouassigan (G. A.) – L’homme et la terre, droits fonciers coutumiers et droits de propriété foncièreen Afrique occidentale, Paris : Orstom, Berger-Levrault, 1966, p. 320–322 ; Granier (L.) – Aspects contemporainsdu droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et du Centre, Suisse : UICN, 2008, 224 p. ; Ki-Zerbo (F.) – Lessources du droit chez les Diola du Sénégal, Paris : Karthala, 1997, 217 p.29 Selon les tenants de cette vision, à partir de cette conception fondamentale, on peut déduire tout d’abord que
les droits sur la terre ne sont normalement que des droits d’usage, de type usufructuaire, selon la terminologieutilisée par Monsieur Cotran. Un autre droit bien connu et très général consiste dans le contrôle du groupesur l’utilisation de la terre. Monsieur Cotran présente à partir de l’observation d’un grand nombre de cas, deuxgrands types de contrôle : le contrôle de type politique et le contrôle de type familial. La cosmologie est la sciencequi cherche à découvrir le véritable système du monde. Suzanne Lellemand dé�nit la cosmologie comme « unensemble de croyances et de connaissances, un savoir composite rendant compte de l’univers naturel et humain ».Pour approfondir cette question, il su�t de se référer à la récente publication : Ba (C. M.) – Les cosmogonies etcosmologies africaines et grecques, centralité et implications sociales, Paris : Connaissances et Savoirs, 2013, 264 p.30 Pour s’en convaincre il su�t de s’en référer à titre illustratif aux travaux de : Diop (M.) – Réformes foncières
et gestion des ressources naturelles en Guinée, avec une préf. de Rey (P.), Paris : Karthala, 2007, 48 p. ; Dahou (T.)et Ndiaye (A.) – « Les enjeux d’une réforme foncière », in : Libéralisation et politique agricole au Sénégal, sousla dir. de Dahou (T.), Paris : Crepos, Karthala, Enda Graf Diapol, 2009, p. 49–69 ; – Des politiques foncières pourpromouvoir la croissance et réduire la pauvreté : résumé analytique, Banque mondiale, 2003, 35 p.
12 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
pas dans la réalité leur apparente immuabilité. D’où la nécessité d’une approche historique
des règles et des faits juridiques 31. Toutes ces li�ératures dans leur quasi-totalité visent à
montrer que la réflexion juridique a amplement saisi les enjeux du droit foncier en Afrique.
Mais de là peut-on conclure que le domaine du droit foncier africain est désormais aride? As-
surément pas, puisque l’évolution contemporaine du foncier rural inscrit dans une approche
de développement indique sans ambages que le champ de réflexion reste continuellement
ouvert.
41En e�et, bien qu’étant ancien, le droit foncier rural est une problématique constamment
renouvelée : il admet toujours de nouvelles recherches 32. Il s’agit en e�et de changer de pers-
pective d’analyse pour envisager la question foncière rurale sous l’angle de la pertinence des
solutions mises en place à travers les législation et politique, sous l’angle des enseignements
à tirer des systèmes de gestion installés pour se convaincre que le droit foncier rural afri-
cain se renouvelle et peut mériter de nouvelles études. C’est dans ce�e perspective qu’il faut
situer la présente étude centrée sur l’espace UEMOA.
42Les éléments de convergence et de divergence des législations des pays étudiés ne sont pas
sans intérêt pour la recherche scientifique. Ce sujet est intéressant, au regard des évolutions,
à un double titre juridique et politique.
43Au plan juridique, le sujet permet de rendre compte de l’évolution du droit foncier rural
en Afrique francophone d’une part et de déterminer les nouvelles orientations des droits
fonciers ruraux dans les États étudiés.
44Sur l’évolution du droit foncier rural en Afrique de l’Ouest francophone la doctrine est lar-
gement partagée 33. Pour certains défenseurs de la thèse « fixiste » des systèmes fonciers
ruraux africains, la gestion foncière rurale traditionnelle de la terre privilégie des pratiques
extensives, peu productives par unité de surface et n’encourage aucune production de sur-
plus. Par conséquent, elle serait donc fondamentalement incapable de faire face à des enjeux
nouveaux tels que l’évolution démographique et le développement d’une économie de mar-
31 Cette reconnaissance encourage d’ailleurs à renouveler les recherches sur la question foncière en Afrique.32 Parmi les travaux récents sur la question foncière en Afrique, il convient de lire notamment : Barrière (O.)
et Rochegude (A.) (dir.) – Foncier et Environnement en Afrique : des acteurs au(x) droit(s), Paris : LAJP, Karthala,2007, 425 p. ;Duguit (L.) – La terre de l’autre : une anthropologie des régimes d’appropriation foncière, Paris : LGDJ,Lextenso Éditions, 2011, 441 p. ; Gianola (É.) – La sécurisation foncière, le développement socio-économique et laforce du droit, Paris : L’Harmattan, 2000, 290 p.33 Placée dans le temps et l’espace, cette controverse soutient une polémique récurrente longtemps observée
au sujet des relations que peuvent entretenir les droits traditionnels devenus droits coutumiers avec les droitsétatiques en milieu rural sur le foncier en Afrique au sud du Sahara. En e�et, le débat sur le droit foncier rural estune vieille querelle qui a souvent pris place entre chercheurs et praticiens du développement rural en Afrique.Au coeur de ce débat se trouvent d’importantes transformations qui sont enregistrées dans le domaine de lagestion rationnelle des ressources naturelles et particulièrement du foncier.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 13
Introduction générale
ché 34. En concluant que les systèmes fonciers africains sont « statiques et figés » dans le cadre
de leurs recherches sur les fondements des migrations agricoles, les tenants de ce�e thèse
pour la plupart agronomes et économistes ne font pas l’unanimité. Ce�e vision est d’ailleurs
aujourd’hui su�isamment nuancée, voire remise en cause.
45 Dans la quasi-totalité des li�ératures disponibles sur le foncier rural en Afrique, les ana-
lystes, quelle que soit leur orientation théorique, reconnaissent que les systèmes fonciers
traditionnels sont dynamiques et capables d’adaptation. De nombreuses études sont parve-
nues à démontrer que les systèmes fonciers ruraux sont dynamiques, évolutifs, adaptatifs
autant qu’ils peuvent faire face aux transformations socio-économiques, démographiques,
écologiques et l’amélioration des techniques de production que subit leur environnement 35.
Le professeur Samba Traoré conclut d’ailleurs à ce sujet que : « le système foncier traditionnel
est tout le contraire du système colonial : souple, communautaire acceptant le partage, ignorant
l’État, basé sur la solidarité clanique, fondé sur les croyances millénaires » 36.
46 Sur les nouvelles orientations des droits fonciers ruraux, on note au préalable que les mo-
tivations d’une nouvelle logique de promotion d’un droit foncier rural de développement
reposent sur deux critères qui fondent l’argumentaire des réformes actuelles. Il y a d’une
part, la question des droits de l’homme et d’autre part celui de l’e�icacité économique. Et
cela n’est pas sans intérêt pour l’analyse juridique. En e�et, si, la question de l’égalité des
citoyens se pose par le souci de reconnaître aux populations rurales qui en sont formelle-
ment exclues, les droits e�ectifs que celles-ci exercent de façon informelle, celle de l’e�ica-
cité économique vise à créer les conditions de l’investissement et d’une jouissance réelle des
ressources naturelles allouées.
47 Au plan politique, on assiste à une guéguerre entre les dynamiques divergentes des droits
nationaux inspirés d’une volonté politique des États et la politique communautaire en re-
tard sur la prise en compte des impératifs sous régionaux du développement en matière
foncière. En e�et, le sujet o�re l’opportunité d’une étude comparée du cadre légal de gestion
foncière rurale des pays situés dans un espace géopolitique où la promotion des critères de
convergence pour le développement est devenue un cheval de bataille de l’institution d’inté-
gration sous régionale. Pourtant, les orientations données par les droits nationaux ne sont
pas encore su�isamment prises en compte par les politiques d’intégration sous régionale, les
engagements dans le cadre de conventions internationales et les accords commerciaux bila-
téraux et multilatéraux au sein de l’UEMOA, pour coller à la réalisation e�ective et durable
des ambitions a�ichées.
34 Au nombre des tenants de cette thèse, on peut citer : les études de Savonnet (1960, 1962, et 1970) ; Boutillier(1964) ; Kohler (1971).35 À l’avant-garde de cette thèse, on retrouve notamment les auteurs comme Tallet B. et Pare L. (1997, 2001) ;
Baud J. (2001) ; Kone (2002) ; Bologo (2004) ; Malo H. (2005).36 Traoré (S.), « La �lle aînée de l’État du Sénégal cherche prétendant », op. cit., p. 174.
14 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
48De cet immense intérêt du sujet pour la réflexion scientifique, il appert de relever les points
d’inquiétude juridique y recelés.
IV - Objectifs de la recherche
49La présente étude vise plusieurs objectifs. Il convient dans l’esprit de la taxonomie des objec-
tifs, de les organiser en objectif global, spécifiques et opérationnels.
Objectif global : contribuer à l’analyse de la dynamique de l’enca-drement juridique du foncier rural dans l’espace UEMOA
50L’objectif global de la présente étude est d’apporter une contribution à la réflexion sur la dy-
namique de réformes législatives foncières rurales au niveau des États de l’espace UEMOA.
Ce�e réflexion prend appui sur un échantillonnage représentatif des huit États qui com-
posent l’Union. La vision de ce�e contribution s’accroche au défi de la sécurisation foncière
rurale dans un espace en quête d’intégration et du développement durable.
Objectifs spécifiques
51Cet objectif est soutenu par des objectifs spécifiques. En raison de la transdisciplinarité et
de la complexité du droit foncier rural en Afrique, la présente étude vise à :
— examiner les nouvelles orientations générées par les États dans le cadre des reformes
juridiques en matière foncière rurale pour y tirer les tendances, les évolutions et les
résistances à une convergence du droit foncier rural ;
— étudier la prise en compte et les facteurs d’une bonne politique de sécurisation juri-
dique du foncier rural dans les nouvelles législations, en y décelant les interactions et
complémentarités entre l’évolution de la norme juridique en matière foncière rurale et
les politiques environnementales dans l’espace rural ;
— examiner la mise en œuvre des nouvelles législations au regard des moyens nécessaires
induits certainement de la part des États des pays concernés pour gérer une question
supposée de souveraineté territoriale. Il s’agit de voir si les États ont les moyens néces-
saires pour y faire face sans le concours des partenaires au développement.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 15
Introduction générale
V - Problématique
52 L’analyse des droits fonciers ruraux dans les États objet de la présente thèse révèle des dif-
ficultés juridiques majeures liées au statut de la terre dans les législations étudiées et aux
origines des textes qui régissent le foncier. En e�et, les données historiques et sociocultu-
relles apparaissent comme des facteurs de conflits entre le droit foncier moderne hérité de
la colonisation et le droit traditionnel issu des pratiques sociales. S’il est vrai que la terre est
la base fondamentale du développement économique et social de tout pays, il n’en demeure
pas moins que sa complète maîtrise pose des problèmes spécifiques en milieu rural dans
les pays africains anciennement colonisés 37. Aux prises avec les populations rurales encore
très a�achées aux valeurs traditionnelles et à une conception ancestrale de l’appropriation
et de l’exploitation de l’espace, les gouvernements africains éprouvent toujours de sérieuses
di�icultés à asseoir le droit foncier tel qu’il fut hérité de la colonisation. Le problème juri-
dique qui fut posé à l’origine est le fait de savoir : qui devait être considéré comme titulaire
du droit de propriété des terres sous l’administration coloniale ? Mais loin d’être enterrée,
ce�e préoccupation est supplantée de nos jours, dans les droits fonciers ruraux en Afrique
par les motivations d’une logique nouvelle, celle de promotion d’un droit foncier rural de
développement reposant sur des critères de droits de l’homme et d’e�icacité économique.
53 De même, la terre étant une ressource, sa gestion ne saurait plus échapper aux contraintes
imposées par le développement durable. Dans les réalités, la tension est avérée entre les
modes de gestion des terres rurales et les impératifs d’un développement durable. L’écono-
mie rurale dépendra pour une large part de la capacité des législations foncières à garantir
la conservation de la tenure foncière et l’exploitation durable de la terre.
54 Les nouvelles orientations générées par les États dans le cadre des réformes juridiques en
matière foncière rurale répondent-elles e�icacement aux défis de la complexité juridique qui
caractérise le foncier rural en Afrique? Dans quelle mesure ces législations garantissent-elles
la prise en compte du développement durable dans la gestion du foncier rural ?
37 Maspéro (F.) – « Histoire et développement du travail social », in : Champ social, Paris : Maspero, 1976,p. 132.
16 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Introduction générale
VI - Démarche méthodologique
55Répondre à ce questionnement revient à confronter les politiques, législations, et pratiques
des États avec les directives ou critères de convergence édictés par l’institution d’intégra-
tion. À cet e�et, la démarche méthodologique adoptée se fonde sur une approche juridique
comparative basée sur une analyse juridico-institutionnelle. L’inventaire et l’analyse des ins-
truments juridiques nationaux et internationaux relatifs à l’encadrement juridique de foncier
rural ainsi que les obstacles à leur mise en œuvre reposeront sur trois phases : la documen-
tation, l’observation, la pratique, l’analyse des données et la rédaction.
56Le choix de ce�e démarche se justifie à plusieurs égards. D’abord, il existe une immense
li�érature sur le foncier en général et le droit foncier rural africain en particulier. Puiser dans
ce fond documentaire pour en faire un point et y ressortir des aspects encore non épuisés
nécessitant un éclairage juridique devient un impératif dans le cadre de ce�e thèse.
57Ensuite, l’observation des discours et l’analyse des discours politiques à travers les médias a
été d’un grand atout dans le processus ayant présidé à la rédaction de ce�e recherche.
58Enfin, la pratique forgée à partir de ma position de conseiller technique au foncier rural pour
la coopération technique allemande pendant plus d’une décennie m’a permis de bénéficier
des échanges sur l’évolution de l’actualité foncière à toutes les échelles : du régional au
national en passant par le local.
59Ces trois éléments sont les matériaux ayant servi à bâtir ce travail soumis à l’analyse. L’ana-
lyse e�ectuée dans le cadre de ce�e thèse tient compte aussi bien des textes juridiques que
des institutions chargées de leur mise en œuvre.
VII - Annonce du plan
60Ces droits émergents placent le foncier rural au cœur des préoccupations du développement.
Les mouvements juridiques nés de la mise en œuvre des diverses conclusions des travaux de
recherche et de logistique peuvent être disséqués en deux grands morceaux.
61Globalement, de l’examen des diverses questions de recherche, il ressort deux axes essentiels
qui exigent un éclairage du juriste sur les réformes entreprises par les législateurs des États
membres de l’UEMOA pour me�re le foncier rural au service du développement.
62Le premier axe se donne la vocation de répondre aux questions ayant trait à l’insécurité
foncière rurale. En d’autres termes, il s’agit de démontrer que le souci de sécurité juridique
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 17
Introduction générale
est un pilier fort des nouveaux droits fonciers ruraux en vogue dans l’espace de l’Union.
63 Le deuxième axe a pour ambition de montrer qu’à l’aune de l’adoption des outils juridiques
novateurs enmatière foncière rurale, les pays de l’UEMOA en sont à la recherche d’une adap-
tabilité de leurs droits fonciers aux enjeux du développement durable malgré les di�icultés
d’ordre budgétaire.
64 À la suite des données de cadrage que nous venons de décliner, le travail s’est articulé au-
tour de deux grands axes. Nous montrerons que partout dans la sous-région, des réformes
foncières sont en train de se faire. Ces réformes sont basées sur la recherche de la sécurité
juridique (partie I). Puis, nous montrerons que ces droits fonciers sont en quête d’une adap-
tabilité aux enjeux du développement durable (partie II).
18 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Partie I
I Une réforme juridique fondée sur
le souci de sécurité 38
38 Le référentiel dominant mobilisé pour fonder les politiques de sécurisation des droits fonciers a radicale-ment évolué. Cette évolution est beaucoup plus fondée sur le plan économique sur une approche orthodoxe quiprône des cadres juridiques promoteurs systématiques de cadastrage et de titrage. Mais à la mise en œuvre,cette approche se trouve limitée et rencontre la résistance face aux droits coutumiers. En œvrant donc pourla substitution des droits privés individuels aux droits coutumiers les États de l’UEMOA se rendent compte del’échec et se trouvent obligés de redonner une nouvelle vie juridique aux règles coutumières.
De 65nos jours, il n’y a plus de droit reconnu unanimement par les paysans d’une
même terre, ni d’autorité acceptée par eux comme légitimement habilitée à faire
appliquer sans contrainte quelque règle que ce soit. Le malaise profond que tra-
verse l’organisation des régimes fonciers en Afrique semble aller de mal en pis. Au conflit,
né de la coexistence entre le droit moderne d’origine coloniale et les droits coutumiers 39,
s’ajoute aujourd’hui un phénomène nouveau appelé « l’accaparement des terres agricoles ».
En dépit de multiples textes juridiques pour l’encadrement du foncier, les États africains,
peinent toujours à trouver les solutions idoines pour contrer les di�icultés liées à sa gestion.
Objet de convoitises aussi bien de la part des acteurs ruraux que des États, en ce qu’elle
constitue l’un des facteurs majeurs du développement, la terre en vient à devenir une source
d’insécurité. C’est donc à juste titre qu’« il y a lieu de remarquer que dans une grande ma-
jorité des États africains, l’insécurité foncière et la persistance du droit coutumier constituent
des obstacles évidents au développement économique et au progrès social, ainsi que l’une des
causes majeures de l’instabilité démocratique et des conflits politiques subséquents » 40. Au re-
gard donc des problèmes de maîtrise du foncier, en raison de son double positionnement
(entre règles traditionnelles et règles modernes) (Titre 1), certains États de l’espace UEMOA,
à l’instar d’autres pays africains, se sont lancés dans une quête d’outils juridiques capables
de relever le défi de la sécurisation foncière rurale (Titre 2).
39 Une des questions les plus importantes aujourd’hui est de savoir ce qu’on entend par « droits coutumiers »car il faut signaler qu’il est di�cile de trouver de nos jours un endroit où s’exercent pleinement les « droits coutu-miers ». Selon le professeur Chéibane Coulibaly, en raison des bouleversements sociopolitiques et économiques,ce qu’on peut désigner sous le vocable « droits coutumiers » est tel dans nos di�érentes régions qu’il est rare,pour ne pas dire impossible, de trouver une mise en oeuvre de ceux-ci tels quels. Il suggère alors d’entendre par« droits coutumiers » aujourd’hui « droits locaux » ou « règles locales de gestion ».40 « Rapport d’étude du code foncier et rapport d’étude du projet de code pénal », in : Les Cahiers du CREDIJ
(2013), sous la dir. de Djogbénou (J.), p. 33.
• 25
Titre
1Des droits fonciers ruraux tiraillés entretradition et modernité
« Peut-on gérer la pluralité des systèmes par la mise à l’écart de certains ? » 41
La 66réponse à ce�e interrogation se trouve dans la réflexion des puissances coloniales
et les démarches entreprises dans le sens de l’éviction, la cible étant le système
des droits traditionnels, mais toutes ces tentatives se sont soldées par des échecs 42.
L’Afrique est la terre de la tradition. Malgré le legs colonial et le mimétisme juridique qui s’en
sont suivis, les droits nationaux des États de l’UEMOA vivent une situation de concubinage
culturel 43 entre droit traditionnel et normes modernes de gestion du foncier rural.
67Ce�e situation de pluralisme juridique n’est pas sans poser de problème. D’une manière gé-
nérale, on note que les philosophies et les règles qui régissent la terre dans les lois modernes
41 Kenfack (P.-E.) – « La gestion de la pluralité des systèmes juridiques par les États d’Afrique noir : Lesenseignements de l’expérience camerounaise », in : CRDF 7 (2009), p. 153–160.42 Lire dans ce cadre : Ombiono (S.) – « Le mariage coutumier dans le droit positif camerounais », in : Revue
Penant 99 (1989), p. 32 ;Degni-Segui (R.) – « Codi�cation et uni�cation du droit », in :Gonidec (P.), Encyclopédiejuridique de l’Afrique, vol. II, Droit des biens, Dakar : Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 453 ; Hilaire (J.) –« Variations sur le mariage, à propos de la codi�cation en Afrique noire », in : Penant 719 (1968), p. 147.43 Cette notion chère à John Mbiti a permis à Bakary Camara de mieux expliquer, à partir d’une ré�exion
fondée sur le choc des logiques, la situation foncière à laquelle était soumise la société Bamanan. Ainsi, par laquête du passé foncier malien, à travers ses travaux de recherche, Bakary a justi�é la possibilité d’une cohabi-tation non agressive déjà vécue depuis au moins dix siècles. Pour plus de détail, lire : Camara (B.) – Evolutiondes systèmes fonciers au Mali : Cas du bassin cotonnier du Mali Sud, Dakar : Codesria, 2015, 364 p.
ne sont pas toujours en concordance avec les règles et pratiques séculaires du foncier en
Afrique. On assiste alors à un écartèlement du droit foncier rural entre tradition et moder-
nité. C’est que la cohabitation entre droit traditionnel et droit moderne dans les sociétés
africaines crée des ambiguïtés sur l’exercice des droits, et donc une certaine insécurité 44.
68 Dans ce�e tension, le droit traditionnel apparaît comme un droit têtu alors même qu’il est af-
fecté par des limites (chapitre 1) qui lui font préférer parfois l’adhésion au droit moderne. Tou-
tefois, le recours au droit moderne n’a pas été toujours satisfaisant lui aussi car, les normes
y véhiculées, sont des emprunts à un système étranger et donc une importation de valeurs
et références d’une autre civilisation (chapitre 2).
69 En reprenant ou en avalisant les réglementations coloniales, les législations foncières na-
tionales ont fait le choix de pérenniser une situation tendue sur les plans culturel, social,
juridique et économique.
44 Pour mieux comprendre la nature de l’insécurité dont il s’agit parlant des droits fonciers ruraux, il fautse référer au professeur Koné Mariatou qui classi�e en quatre points saillants ce concept. L’insécurité foncièreselon l’auteur peut être de nature :
— juridique, lorsque la source du problème vient de contradictions massives entre le droit positif, et lesprincipes légitimes localement : ainsi, dans la plupart des législations foncières, les droits coutumiersont un statut ambigu, et ne béné�cient pas d’une réelle reconnaissance par l’État ;
— normative, lorsqu’il existe une indétermination sur les normes devant régler un cas de �gure donné.Ainsi, lorsque les normes locales et étatiques sont en contradiction ; lorsque certains problèmes concretsne trouvent de réponse ni dans les normes locales ni dans le droit positif (ainsi, pour les ventes deterre objets de droits coutumiers, lorsqu’elles existent, tout en n’étant pas reconnues comme légitimeslocalement ni ne faisant l’objet de procédures précises) ;
— institutionnelle, lorsque les compétitions et concurrences entre instances (coutumières, publiques, etc.)jouant un rôle dans la régulation foncière, ou leur corruption, amènent à des arbitrages illégitimes ouillégaux ; lorsque les procédures d’accès au droit sont en pratique inaccessibles ;
— contractuelle, lorsque c’est le contenu même du contrat entre deux personnes qui contient du �ou.
28 •
Chapitre1Un droit traditionnel, têtu, dynamique
et limité
Sommaire
Section 1. L’entêtement du droit traditionnel. . . . . . . . . . . . . . . . 30
§ 1. les fondements du droit foncier en Afrique à travers les représentations homme/terre 31
§ 2. Les caractères des droits fonciers coutumiers. . . . . . . . . . . . 38
Section 2. La faible e�icacité du droit traditionnel. . . . . . . . . . . . . . 45
§ 1. L’ine�icacité juridique et économique du droit coutumier . . . . . . . 45
§ 2. Le droit foncier coutumier : un droit discriminatoire, incertain et très diversifié 50
Alors 70que l’Afrique s’intègre chaque jour davantage au monde, il peut paraître super-
flu de revenir régulièrement sur ce qui ressemble pour beaucoup comme les vieille-
ries des droits coutumiers. Pourtant, comme le souligne Jean-PierreMagnant, « l’étude
des plans de développement, ou de ce qu’il en reste après plus d’un demi-siècle d’échecs aussi
complets que successifs, montre que les projets élaborés et imposés à l’Afrique ont tous achoppé
sur le fait qu’ils ignoraient les sociétés paysannes africaines » 45. Enmatière foncière, les normes
traditionnelles, en dépit de leurs relatives limites, demeurent une réalité observable jusqu’à
45 Magnant (J.-P.) – « Les normes foncières traditionnelles en Afrique noire », in : La terre, l’eau et le droiten Afrique, sous la dir. de Conac (F.) et Conac (G.), Madagascar, Île Maurice : Bruylant, AUPELF-UREF, 1998,p. 57.
• 29
Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
PartieI.T
itre
1
ce jour 46. Ce qui tend à confirmer aujourd’hui l’impossible mise à l’écart de ce système juri-
dique (section 1).
71 Constatant la prégnance des règles coutumières dans la gestion foncière en milieu rural dans
les sociétés africaines, un auteur 47 soutenait que « la question des droits fonciers coutumiers
est d’une grande actualité, particulièrement à l’heure où l’Afrique est en quête de nouvelles
politiques foncières à même de contribuer à relever les défis du développement et de la paix »
confirmant ainsi que les milieux ruraux demeurent par excellence l’empire de la tradition.
Ce�e confirmation ne doit pas pour autant faire occulter ses relatives faiblesses (section 2).
S e c t i o n 1
L’ENTÊTEMENT DU DROIT TRADITIONNEL
72 �alifié de système foncier traditionnel millénaire 48, les normes traditionnelles africaines sur
la terre et ses dépendances se perpétuent et résistent au temps. Comparée à la loi, la cou-
tume n’a pas d’acte de naissance alors la loi en a un 49. Ce phénomène de permanence du
droit traditionnel en matière foncière est plus accusé en milieu rural qu’en milieu urbain.
Ayant survécu à l’assaut du droit moderne, le droit traditionnel s’impose ainsi comme un ré-
férent permanent dans la construction des droits fonciers africains en dépit de son e�icacité
juridique et économique contestée 50.
73 Le statut social de la terre en Afrique est à la base de la permanence des règles coutumières
enmatière de gestion. La persistance des droits coutumiers africains, en dépit de bousculades
subites, peut s’expliquer à partir des caractères fondamentaux liés à la terre et aux ressources
naturelles qu’elle porte. Sacrée, dynamique, la terre constitue dans les traditions africaines
un ciment pour la communauté, il est nécessaire de cerner d’abord les fondements du droit
dans l’ancienne Afrique (paragraphe 1) pour mieux comprendre les caractères des droits
fonciers coutumiers en Afrique (paragraphe 2).
46 Cette a�rmation de M. Levy dans son introduction éclaire un peu sur le caractère encore actuel de l’étudesur les droits coutumiers africains. En e�et, il déclare : « Je dois cependant apporter tout de suite une réserve im-portante. Nous sommes encore loin d’être en mesure de présenter une vue synthétique d’un droit coutumier africain.Peut-être même cette dénomination a-t-elle quelque chose de fallacieux. L’étude du peuplement de l’Afrique noire,en dépit d’excellents travaux, n’est pas encore assez poussée pour nous permettre des a�rmations catégoriques. Ellel’est assez, pourtant, pour nous inviter à beaucoup de circonspection. Il est désormais impossible, comme on le faisaitautrefois, de considérer les populations africaines comme constituant un bloc homogène plus ou moins indi�éren-cié. » Pour plus de détail au sujet du droit coutumier africain, lire : Levy-Bruhl (H.) – « Introduction à l’étudedu droit coutumier africain », in : Revue internationale de droit comparé vol. 8.1 (jan.–mar. 1956), p. 67–77.47 Ouedraogo (H.), « De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », op. cit.48 Traoré (S.), « La �lle aînée de l’État du Sénégal cherche prétendant », op. cit., p. 174.49 La promulgation et la publication matérialisent la naissance d’une loi.50 Sa permanence est liée au fait que c’est une règle spontanée. Il est di�cile de savoir le moment où elle se
forme, Il est di�cile, impossible même de la saisir au moment où elle se forme, car, lorsqu’elle s’applique, elleexiste déjà, depuis longtemps peut-être, dans les esprits : elle préexiste à sa formulation.
30 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
L’entêtement du droit traditionnel • Section 1
PartieI.T
itre1
Paragraphe 1 les fondements du droit foncier en Afrique à tra-
vers les représentations homme/terre
74Les terres sont au cœur de la vie sur terre. �e ce soit, de manière tout à fait basique, pour
se nourrir ou pour se protéger, ne serait-ce que contre la nature elle-même, la maîtrise du
foncier est primordiale pour tout être vivant, qu’il soit humain, animal ou végétal. Ce�e
compréhension de la valeur du foncier pour toute société n’échappe pas à l’Afrique. Le droit
foncier en Afrique, est d’abord un ensemble de rapports et de pratiques que l’on rencontre
dans toutes les sociétés. Ainsi, les rapports homme-terre sont les résultats de la représenta-
tion que la société se fait du foncier 51. En Afrique, il y a des illustrations qui renseignent sur
ce�e réalité. Le droit de cultiver une parcelle à partir de la technique de culture sur brûlis est
bien connu et exprime une forme de relation de l’homme à la terre. Il en est de même pour
les établissements humains en forêt qui est le fruit d’un vécu historique 52.
75Le législateur colonial a entrepris de substituer aux coutumes un système juridique nouveau
au mépris des aspirations et pratiques des populations autochtones. Face à la résistance de
ces dernières, il s’est vu contraindre de laisser le droit coutumier continuer à régir les rapports
familiaux des indigènes. C’est à partir de la conception philosophique que le droit africain, a
de la notion « d’individu » (A) avec le groupe social, que l’on peut appréhender l’encadrement
coutumier du foncier (B).
A - La perception africaine de l’individu et de ses droits fonciers
76L’homme a été toujours au centre des préoccupations d’ordre juridique de tout le temps et
de toutes les sociétés. Son évolution a fait sédimenter dans les sociétés à culture démocra-
tique l’idée d’un droit de la personne humaine ou d’un droit de l’homme à sauvegarder. La
perception de l’individu ou de l’homme est donc par essence le fruit de la culture et varie
selon la société. Ce�e réalité bien perçue a été décrite par nombre d’auteurs au sujet surtout
51 La tentation est donc grande pour un juriste occidental de nier le droit dans les sociétés où sa caractéristiqueest de rester immergé dans le social. De là est née l’expression des « sociétés sans droit ». Pour plus de détailau sujet des formes de représentation du foncier, lire Ouedraogo (L. É.) – Le réseau politique, un espace dereprésentation du politique : le rôle de la che�erie traditionnelle au Burkina Faso, Ouagadougou : Atelier nationalde reproduction des thèses, 2000, 401 p.52 Il est établi par exemple que lors de la colonisation, la forêt a servi d’abri à ceux qui souhaitaient échapper
aux corvées ou aux impôts. Ce fait historique a ouvert plus tard des espaces de cultures autour des hameauxforestiers.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 31
Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
PartieI.T
itre
1
de la société occidentale pour replacer l’individu dans son contexte 53.
77 Tout d’abord, l’Europe est le berceau de la culture occidentale dans ce qu’elle a d’unitaire,
fruit des civilisations gréco-latines, de la pensée chrétienne et du rationalisme séculier. C’est
sur le « vieux continent » que « sont nées les idées de démocratie, d’État, d’homme en tant
que personne, puis d’individu, et les droits de l’homme » 54. Ce�e conception occidentale ne
concorde pas totalement avec celle de la tradition africaine qui s’inscrit dans l’étymologie
même du mot.
78 Pour comprendre la tradition foncière africaine, il faut partir même de l’idée que celle-ci
s’est faite de la personne humaine. Étymologiquement le terme d’individu désigne ce qui est
indivis, mais en réalité, rien dans la nature, même pas l’homme n’est séparé de la totalité
dont il fait partie et des autres éléments qui la composent. C’est justement ce que recouvre
la réalité africaine de l’individu. Ce dernier n’y trouve un statut qu’en tant que membre du
groupe et pour autant qu’il accomplisse le rôle assigné à ce statut. La survie du groupe et
la sienne en dépendent, et dans la mesure où ces normes sont intériorisées comme étant
« naturelles », communauté et individu collaborent peut-être plus qu’ils ne s’opposent.
79 La notion d’individu n’a pas la même signification en Afrique que dans le monde occiden-
tal 55. Dès lors que l’individu n’est pas vu de la même manière dans la coutume africaine
et chez les occidentaux, les notions de « sujet de droit », de « contrat » et de « bien », no-
tions étroitement dépendantes de la conception que l’on se fait de l’individu, n’auront pas
le même sens en Afrique et en Europe. Ce qui fait dire que, au sujet de la conception oc-
cidentale qu’une certaine vulgate libérale a, en e�et, tendance à penser la société comme
un agrégat d’individus, d’entités isolés les unes des autres et qui n’entretiendraient entre
53 Pour se faire une bonne idée des di�érentes perceptions de l’individu selon le contexte ou la société lire :Lévi-Strauss (C.) – Les structures élémentaires de la parenté, Paris : Mouton, 1949, 639 p. ; Héritier (F.) –« Famille-Les sociétés humaines et la famille », in : Encyclopédie Universalis (3 juil. 2017), url : http : //www.universalis.fr/encyclopedie/famille-les-societes-humaines-et-la-famille, p. 15–75 ; Meulders-Klein (M.-T.) –« Personne », in : Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, sous la dir. de Arnaud (A. J.),2e éd., Paris : LDGJ, 1993 ; Sindzingre (N.) et Duméry (H.) – « Personne », in : Encyclopédie Universalis, Paris :Encyclopédie Universalis, 1990, p. 925–927 ;Meulders-Klein (M.-T.) – « Individualisme et communautarisme :l’individu, la famille et l’État en Europe occidentale », in : Rouland (N.), Anthropologie juridique, Paris : PUF,1988, p. 203–207 ; Meulders-Klein (M.-T.) – « Individualisme et communautarisme : la famille et l’État en Eu-rope occidentale », in : Droit et société 23-24 (1993), p. 163–197.54 Il convient de signaler que cette perception n’a rien d’universel et qu’encore aujourd’hui il y a des hommes
qui ne se perçoivent pas comme des individus. Car même si le mode de vie occidental a tendance à s’étendreà toute la planète, il n’est pas certain qu’un indien vivant dans la forêt amazonienne, qu’un Africain vivant enmilieu rural ou un Afghan se perçoivent comme des individus. Pour se convaincre de cette réalité, lire à titred’exemple : Delassus (É.) – De l’individu à la personne, Paris : Bruylant, 2013, 207 p.55 Il convient de signaler que cette perception n’a rien d’universel et qu’encore aujourd’hui il y a des hommes
qui ne se perçoivent pas comme des individus. Car même si le mode de vie occidental a tendance à s’étendreà toute la planète, il n’est pas certain qu’un indien vivant dans la forêt amazonienne, qu’un Africain vivant enmilieu rural ou un Afghan se perçoivent comme des individus. Pour se convaincre de cette réalité, lire à titred’exemple : ibid.
32 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
L’entêtement du droit traditionnel • Section 1
PartieI.T
itre1
elles que des relations contractuelles 56. D’après ce�e conception, l’homme se réduirait à un
homo oeconomicus 57 disposant d’une liberté sans limite et entretenant avec ses semblables
des relations essentiellement intéressées et s’inscrivant dans une visée principalement uti-
litariste. Une telle conception de l’homme apparaît encore aujourd’hui, pour de nombreux
esprits, comme foncièrement réaliste dans la mesure où elle réduit les rapports humains à de
froids calculs dans lesquels aucune vertu morale n’interviendrait et qui ne se construiraient
sur aucune base idéale, voire idéaliste.
80Concernant l’Afrique, Joseph John-Nambo précise que : « les valeurs ne sont pas individua-
listes parce que l’individu est plus la voix de son groupe qu’un acteur inséparable du groupe. Et
le groupe se ra�ache à un ancêtre commun » 58. C’est le point de départ des particularités que
l’on note en ce qui concerne le rapport de l’homme aux ressources naturelles, notamment la
terre et l’eau. Ainsi, toute idée de réforme du droit foncier rural en Afrique doit partir de la
compréhension des systèmes juridiques africains. C’est ce qu’exige Jean-Pierre Magnant, en
a�irmant que l’on ne pourrait comprendre les systèmes juridiques africains si l’on n’a pas
en tête le fait que les individus ne sont conçus que comme éléments de groupes sociaux im-
briqués les uns dans les autres, groupes sociaux qui entretiennent des relations particulières
avec di�érents éléments de la nature et avec les forces spirituelles qui la vivifient 59.
81En e�et, pour la pensée africaine traditionnelle, l’individu n’est pas considéré comme un être
isolé. Pour le cerner, il faut l’intégrer dans un groupe social. Contrairement à la philosophie
occidentale qui prend l’individu en tant qu’être indépendant, la tradition africaine trouve en
l’homme un être de société. Ainsi, pour l’Afrique ancienne, c’est une véritable aberration de
concevoir l’homme dans un sens d’être isolé. Dans ce�e logique, l’individu ne se conçoit que
comme situé socialement : il est membre d’ensembles (classes d’âge, sexe, etc.), de groupes
(parentaux, territoriaux, initiatiques, confrériques, etc.) qui constituent les éléments de la
société. C’est justement au sein de ces ensembles et par rapport à eux, que l’individu apparaît
comme détenteur de droits à exercer. Pour rendre compte de ce�e idée, il est tout à fait juste
de croire que toute vision qui privilégierait distinctement l’individu ou le groupe ne rendrait
pas fidèlement compte de la vision africaine traditionnelle de la vie sociale. L’un n’existe pas
indépendamment de l’autre, et l’un ne saurait s’opposer à l’autre en dehors des situations
56 Ibid., p. 9.57 Représentation abstraite du sujet économique élaborée par les théoriciens néoclassiques. L’homo-
economicus calcule rationnellement son intérêt, en vue de maximiser sa satisfaction économique sur le marché.L’homo-economicus est un être : - « intéressé » : son unique mobile d’action est l’intérêt personnel ; - « ration-nel » : toutes ses décisions sont logiques et adaptées à leur but ; - « universel et atemporel » : son comportementne dépend pas des données relatives à son environnement. La construction de l’homo-economicus participe dela volonté d’ériger arti�ciellement la discipline économique en une science « dure », alors que, dans la réalité,chaque être est di�érent. Cette dé�nition est tirée du site internet à l’adresse ci-après : http://www.libres.org/abecedaire/Glossaire-1/H/HOMO-ECONOMICUS-151/.58 Nambo (J.) – « Religion et droit traditionnel africain », in : Un passeur entre les mondes, Paris : Publications
de la Sorbonne, 2000, p. 230.59 Magnant (J.-P.), « Les normes foncières traditionnelles en Afrique noire », op. cit., p. 58.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 33
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1
de conflits.
82 La nature des droits exercés dans ce type de société se trouve intimement liée à l’idée qu’elle
se fait de l’individu. C’est le cas notamment des droits sur le foncier rural. Par conséquent, en
régime coutumier, les règles foncières sont mises en œuvre au sein des groupes familiaux et
au niveau des autorités politiques ou religieuses locales. Porteuse des valeurs communes et
soucieuses du devenir de la société, les règles ou institutions coutumières édictent des droits
dans tous les compartiments de la vie sociale qui ont été reconnus et respectés. Enmatière du
droit foncier rural notamment, leur rôle est irremplaçable ; à travers les recommandations,
permissions et /ou interdits, etc. L’ensemble des droits et obligations énoncés vise fonda-
mentalement au maintien de l’ordre et de la cohésion sociale et la prévention des conflits. Il
n’est donc pas étonnant de constater qu’en dépit des règles étatiques d’inspiration occiden-
tale en matière d’accès et d’exploitation des ressources naturelles, les droits coutumiers de
s’appliquer, malgré les di�icultés.
83 À la lumière de ces développements, il est aisé de comprendre l’a�irmation selon laquelle,
en Afrique « le modèle de la démocratie libérale avec la centralité de l’individu, de la propriété
privée et de la logique de marché est loin d’être accepté par nos peuples. Il se heurte en beaucoup
d’endroits, à l’a�irmation têtue de la famille, à la mise en place d’une forme particulière de
propriété (à mi-chemin entre la propriété collective et la propriété individuelle) et au repli sur
une économie de subsistance » 60.
84 Dans ce tissu social brièvement décrit, l’homme s’intègre dans un réseau de relations très
particulier qui lui assure une forme de sécurité. La fonction du groupe devient la garantie du
confort et de la solidarité de ses membres. Du coup, tout ce qui peut nuire à la cohésion so-
ciale devient un élément à comba�re. Ce�e forme d’organisation sociale et de perception de
l’individu a un impact sur les biens, notamment les ressources foncières. Dans ce�e optique,
avec la promotion des législations fondées sur un point de vue orthodoxe, la propriété des
terres rurales devient un droit refusé à des millions d’hommes et de femmes, par défaut de
titre de propriété individuel 61.
85 La vision de la société africaine rurale sur le foncier explique donc l’idée que se fait ce�e
dernière sur la notion même de la propriété foncière individuelle.
60 Coulibaly (C.) – « Le foncier en Afrique : enjeux sociologiques et culturels », in : Conférence internationalesur le titrement, (Ouagadougou, Burkina Faso, 25–26 jan. 2012).61 Il est de notoriété publique que 60% à 80% des populations africaines, selon les pays, ne possèdent au-
cun acte justi�ant l’attribution des terres sur lesquelles ils vivent ou qu’ils exploitent. Pour mieux cerner cetteproblématique, lire : Harissou (A.) – La terre, un droit humain, Paris : Dunod, 2011, 192 p.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
L’entêtement du droit traditionnel • Section 1
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B - La propriété foncière individuelle dans la société africaine
86La maîtrise des rapports de production agricole et en premier lieu du régime foncier à par-
tir duquel doit s’élaborer toute stratégie du développement a fait régulièrement l’objet des
préoccupations des chercheurs en Afrique. Dans une étude consacrée à la tenure foncière
coutumière dans un monde moderne, Liz Alden Wily définit la tenure foncière coutumière
comme la propriété foncière issue des systèmes pratiqués par la plupart des communautés
africaines en milieu rural pour faire valoir et organiser la propriété, la jouissance et l’accès,
et pour réglementer l’utilisation et le transfert 62.
87La terre en tant que support de droits a un statut juridique qui en détermine les modes
d’occupation ou d’exploitation en fonction de sa signification sociale et de sa valeur dans le
processus de développement. C’est donc à juste titre qu’il est a�irmé que c’est à « partir de
ce statut juridique que s’établissent les rapports de production » 63. De ce fait, toute politique
de développement agricole passe nécessairement par la définition préalable de ce statut ju-
ridique.
88Le statut juridique traditionnel en Afrique, est di�érent de l’idée occidentale sur le foncier.
Ce�e di�érenciation est bien le fruit de l’histoire de chaque peuple. Pour rendre compte de
toutes les démarcations, il su�it d’interroger l’histoire du droit. Dans la tradition française,
la propriété est le plus complet des droits que l’on peut avoir sur une chose 64. Ce�e idée
est parfaitement exprimée par la formule romaine plena in repo testa sun pouvoir « plein »
sur la chose, peut-on se risquer à traduire. Les rédacteurs du code civil ont voulu rendre la
même idée en disant du droit de propriété qu’il était celui « de jouir et de disposer des choses
de la manière la plus absolue » 65. En e�et, dans les sociétés occidentales, une longue évo-
lution de plusieurs siècles, caractérisée par des heurts et conflits entre plusieurs systèmes
et ordres (ordre coutumier, féodal, ecclésiastique . . . ) a abouti de nos jours, à leur unifica-
tion, sous forme de droit moderne et unique. Par contre, dans les États post coloniaux les
choses semblent aller autrement. L’histoire continue de produire ses e�ets en matière de
gestion foncière. Selon Kane Yahya, les règles ou institutions coutumières, porteuses de va-
62 Wily (L. A.) – La tenure foncière coutumière dans un monde moderne, in : Rights + ressources (jan. 2012),p. 1.63 Kouassigan (G.) – « La propriété foncière et les options de L’Afrique noire », in : Le village piégé : Urbani-
sation et agro-industrie sucrière en Côte d’Ivoire, Genève : Graduate institute publications, 1978.64 Dans le droit français, « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue,
pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (art.544 du Code civil français).65 Le quali�catif « absolu » était malheureux et a donné lieu à force critiques parce que le propriétaire d’un
bien, comme n’importe quel citoyen, reste soumis à la loi et ne peut jouir de son bien que dans la mesure oùcet usage ne nuit pas à autrui ; il peut au surplus être exproprié pour des raisons publiques ; etc. Il n’est pasaujourd’hui de manuel de droit qui ne consacre plusieurs paragraphes pour préciser que le droit de propriétén’est pas rigoureusement absolu, mais ce sont là des choses assez simples qui n’ont guère plus de portée que, parexemple, la remarque selon laquelle la liberté du citoyen, telle qu’elle est dé�nie par la Déclaration des droitsde l’homme, reste soumise à la loi et à la condition que son exercice ne nuise pas à autrui.
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leurs communes qu’elles édictent dans tous les compartiments de la vie sociale, ont toujours
été reconnues et respectées 66.
89 Pour comprendre les di�icultés de l’application des lois promotrices des titres de propriété
foncière individuelle en Afrique rurale, il faut su�isamment interroger la notion même de
la propriété foncière dans les sociétés traditionnelles africaines. La perception de l’individu
dans les traditions africaines n’est pas sans conséquence sur la propriété. C’est le professeur
Paul Ourliac qui a mis en exergue ce lien entre individu et propriété dans sa préface à l’ou-
vrage de Guy Adjété Kouassigan. En e�et, il écrit : « les rapports juridiques relatifs à la terre
s’établissent de groupe à groupe et non d’individu à individu ». Ce�e a�irmation trouve son
explication avec Léopold Sédar Senghor qui avait justifié ce�e conception par le fait que :
« la société est formée de cercles concentriques de plus en plus larges qui s’étagent les uns sur
les autres, imbriqués les uns dans les autres pour ainsi dire et formé sur le type même de la fa-
mille ». La famille ici s’entend bien au sens que lui donne Lévi-Strauss (1938) dans son œuvre
intitulée « Structure élémentaire de la parenté » explique que chaque relation familiale définit
un ensemble de droits et de devoirs et en définitive les multiples règles interdisant ou pros-
crivant certains types de conjoints deviennent claires à partir du moment où l’on pose que
la société doit.
90 Ce�e définition de la famille s’oppose à celle donnée par le petit Larousse 2009, qui appré-
hende la famille comme un ensemble de personnes formées par le père, la mère et l’enfant.
C’est aussi, selon Gérard Cornu, un ensemble de personnes qui ont des liens de parenté par
le sang ou par alliance 67. Alors que c’est la descendance (la naissance) qui fonde la parenté,
c’est plutôt le mariage (alliance matrimoniale), c’est-à-dire l’union d’un homme et d’une
femme qui donne à la famille sa réalité première.
91 La famille africaine définit un groupe social irréductible aux autres groupes et se manifeste
par un ensemble d’actions et de réactions, matériels et non matériels en direction de l’in-
dividu membre reconnu comme tel. En matière foncière donc, l’individu possède des droits
mais qu’enveloppent et que déterminent les droits supérieurs de la collectivité 68. La terre est
par tradition la propriété de ce�e famille qui vit en communauté. Il faut s’accorder alors sur
le fait que la base de la société est, avant tout, l’unité de la famille, que les ethnologues et les
66 Yahya (K.) – Le cadre juridique du foncier pastoral : Problématique de sécurisation et esquisses de solutions.Exemples du Sénégal et de quelques pays du Sahel, thèse de doctorat en droit public, Université Gaston Berger deSaint-Louis, 2009, p. 96.67 Cornu (G.) – Vocabulaire juridique, 11e éd., Quadrige, Paris : PUF, 2009, p. 401.68 Le relatif succès que connaissent les appropriations privées des terres en Afrique contemporaine traduit
les mutations des sociétés africaines dues aux e�ets extérieurs. L’a�rmation de l’individu aux dépens de sacommunauté se traduit par un changement dans la perception de la terre. En Afrique traditionnelle, le modede gestion et de transmission de la terre est toujours conçu autour de ce que Mamadou Diop appelle « des liensunitaires ». Pour plus détail à ce sujet lire : Diop (M.) – La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, Dakar :Presses Universitaires de Dakar, 2016, p. 13 ; – Penant : Revue de droit des pays d’Afrique (1990).
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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sociologues appellent tribu, groupe ethnique ou nation 69. L’opposition entre les conceptions
africaines et occidentales de l’homme en société est une donnée fondamentale qui influe
aussi le droit des biens. Cet antagonisme est maintes fois souligné dans les travaux de re-
cherche. C’est ce qu’exprime Ousmane Camara en a�irmant que : « Si en Europe, l’isolement
est de mise, en Afrique au contraire quelles que soient les circonstances, l’individu seul n’existe
pas, il se meut dans un univers social qui l’enveloppe et le dépasse en même temps. Il en résulte
que les droits de la communauté l’emportent sur les droits de l’individu. » 70 Il est donc établi
que les logiques qui soutiennent les régimes fonciers coutumiers en Afrique reme�ent en
cause celles de la société occidentale. La conception moderne de la propriété s’enracine dans
une vision subjectiviste de l’individu qui est pris dans son abstraction d’être isolé et libre 71.
92Ce désaccord sur la notion de la propriété foncière entre les deux sociétés est soutenu par
Abdou Ibrahima qui a�irme que : « Tandis que les régimes coutumiers reconnaissent l’exclusi-
vité de la propriété collective des terres autour des chefs de terre premiers occupants, les régimes
occidentaux tendent à créer un semblant de droits de propriété privée individuelle et totale de la
terre. La spécificité de la terre qui fait d’elle une marchandise imparfaite tend à donner raison
aux régimes coutumiers qui en ont fait la base de leurs systèmes de gestion de la terre. » 72 À la
lecture croisée des deux conceptions, il se révèle une contradiction voire même une tension.
La conception occidentale du foncier se met donc à la base du dualisme, de l’écartèlement et
de la tension en Afrique noire. Ces maux qui « caractérisent la société africaine contemporaine
ne sont que la manifestation de ce�e bipolarité fondamentale qui travaille et tiraille l’Afrique
entre la tradition et la modernité » 73 en matière de gestion foncière.
93Alors, il convient de retenir qu’en définitive que dans les sociétés traditionnelles africaines
les droits sur la terre ne sont pas susceptibles d’appropriation privée. Ce�e notion étant elle-
même inconnue. La terre est un lien unitaire pour le groupe familial et lignager des morts,
69 Les notions d’ethnie, de tribu ont été largement abordées par certains auteurs, spécialistes des sciencessociales au sujet des sociétés africaines. C’est surtout à l’occasion des recherches sur les sources des con�itsarmés ou d’autres crises sociales. L’instrumentation de l’ethnie par les politiques en Afrique a fait naître letribalisme qui apparaît de nos jours comme la source des guerres civiles et ethniques en Afrique. Ayant pourpoint de départ l’ethnie, la tribu en tant que groupe social, qui se construit et se reconstruit dans les relations qu’ila l’un avec l’autre, ces con�its se nourrissent désormais des sentiments tels que le tribalisme, le régionalismeetc. Pour mieux s’imprégner de cette réalité, lire : Mankou (B. A.) – Le tribalisme, 14 déc. 2007, url : http://leportique.revues.org/1404 (visité le 30/09/2016) ; Touzard (H.) – La médiation et la résolution des con�its : Étudepsychosociologique, Paris : PUF, 1995, 420 p. ; Bah (T.) – Les mécanismes traditionnels de prévention et de résolutiondes con�its en Afrique noire, url : negronews.fr/politique-les-mecanismes-traditionnels-de-prevention-et-de-resolution-des-con�its-en-afrique-noire ; Amselle (J.-L.) – Logiques métisses, Paris : Payot, 2010, 310 p.70 Durand (B.), Chene (C.) et Leca (A.) – Introduction historique au Droit, Paris : Montchrestien, 2004, p. 379.71 Les recherches e�ectuées par plusieurs auteurs ont rendu compte de cet aspect antagoniste de la perception
africaine et celle occidentale sur la terre. Pour se convaincre, lire : Omrane (M.) – Accès à la terre : dynamiquedémographique et ancestralité à Madagascar, Paris : L’Harmattan, 2008, 264 p. ; Le Bris (E.), Le Roy (E.) et Leim-dorfer (F.) – Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris : Karthala, 1982, 430 p.72 Ibrahima (A.) – Régimes fonciers dans la Donga : État des lieux et perspectives : Aspects juridiques et Politiques.
Bénin, Burkina Faso, Niger, Sénégal et Togo, thèse de doctorat en sociologie, Université d’Abomey-Calavi, 2013.73 Ngango (G.) – « L’Afrique entre la tradition et la modernité », in : Ethiopiques (numéro spécial nov. 1976) :
70e anniversaire du Président L. S. Senghor, url : http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article625.
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des vivants et des générations futures. Les fondements du droit coutumier africain découlent
des caractères reconnus à ceux-ci dans la société traditionnelle.
Paragraphe 2 Les caractères des droits fonciers coutumiers
94 Au sens de la présente étude, il convient d’entendre par coutume, la notion consacrée par
le droit international à savoir : une pratique générale, répétitive et acceptée comme étant le
droit 74.
95 La philosophie traditionnelle africaine de la terre revêt deux caractères essentiels : un ca-
ractère animiste du monde (la sacralisation de la terre) et un caractère fondé sur l’exigence
sociale de la solidarité entre les hommes (le caractère communautaire de la terre). Ce qui
a fait dire que « dans les sociétés négro-africaines, le problème de terre a toujours revêtu une
dimension mystique et que son mode de transmission est toujours conçu autour de croyances,
de mythes et tabous qui remontent à la nuit des temps » 75. Les régimes fonciers coutumiers de
l’Afrique de l’Ouest renferment à des degrés divers, l’ensemble de ces caractères longtemps
considérés comme originaux. Ces deux caractères constituent la base structurelle du contrôle
d’accès à la terre en Afrique traditionnelle.
A - Le caractère sacré de la terre : terre, est un don de Dieu et
source de pouvoir
96 La tradition en Afrique au Sud du Sahara reste dominée par une relation fondamentalement
mystique entre l’homme et la terre. Ce qui fait dire que « l’homme africain est lié à la terre
par des liens mystiques » 76. Le régime juridique, les croyances religieuses, la vie de la tribu
74 Il a été démontré que le processus d’acceptation de la coutume comme relevant du droit est le fruit de deuxéléments cumulatifs. Il s’agit d’une part de la répétition de l’accomplissement d’actes dénommés « précédents», ce que le droit international désigne sous le vocable d’élément matériel qui ne peut n’être qu’au départ unsimple usage. Le second est constitué d’élément psychologique à savoir le sentiment d’obéissance à la règle dedroit lorsque les sujets de droit agissent conformément à cet usage répété. Pour plus de précision sur la notionde coutume comme source de droit, lire : Nicolau (G.) – Cultures juridiques en quête de dialogue, sous la dir. deHourqebie (F.), Paris : Karthala, 2014, p. 152 ; Lavigne Delville (P.) – Régimes fonciers et accès aux ressourcesnaturelles en Afrique de l’Ouest : questions et opportunités pour les 25 ans à venir, IIED, 1999, 52 p.75 Diop (M.) – La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, Dakar : Presses Universitaires de Dakar, 2016,
p. 13.76 En raison de cette pensée qui fait de la terre en Afrique un objet sacré, d’autres auteurs ont estimé que
la propriété foncière en Afrique n’est qu’une « propriété-délégation ». La justi�cation de cette idée tient au faitque « le régime foncier était et demeure tout entier sous la juridiction des génies, représentant nécessaire de Dieu,seul propriétaire véridique auprès des hommes ». Pour plus de détail à ce sujet, lire : Bachelet (M.) – Systèmesfonciers et réformes agraires en Afrique noire, Paris : LGDJ, 1968, 677 p. ;Nicolau (G.), Cultures juridiques en quêtede dialogue, op. cit., p. 152.
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s’explique par ce facteur primordial 77. L’explication des spécificités du régime foncier africain
par la religion 78 est une des tentations les plus communes de l’anthropologie sociale.
97Logée dans ce�e vision sacrée, la terre ne peut être assimilée aux autres biens de la nature.
Ne l’ayant pas créée ou n’ayant pas été doté par Dieu de pouvoir la créer, l’homme se voit
réduit à sa plus simple expression. D’où l’obligation pour lui, de respecter les lois de la nature
régissant la terre, au risque de me�re en colère son créateur. Ce�e conception impose à
l’homme des obligations et l’adoration de la terre. D’ailleurs c’est dans ce�e terre qui l’aura
toute sa vie nourrie, lui et tous les membres de sa famille qu’il retournera à sa mort. Il est
donc reconnu que la terre est « surtout un objet de sacralisation » 79. Plusieurs théories ont
été avancées sur la conception que les africains ont de la terre. Globalement, elles tendent
à a�irmer que la propriété de la terre appartient aux ancêtres ou aux êtres supérieurs à
l’homme. Seuls ces êtres ont la faculté d’aliéner la terre mais les vivants disposent des droits
absolus et exclusifs d’occupation et d’usage. Ainsi, les droits des vivants ne sauraient être
analysés comme un droit de propriété 80. Le professeur Mulumba Katchy va dans le même
sens lorsqu’il a�irme que la terre coutumière est la propriété commune du clan, des vivants
et des morts ; celle-ci revêt un caractère magique et sacré 81.
98Elle est, selon J. Kenya�a, la mère de la tribu ; si la mère porte durant huit à neuf lunes un
enfant dans ses entrailles, seule, la terre le nourrit tout au long de sa vie. C’est elle qui pro-
tégera pour l’éternité son âme défunte 82. Selon les traditions africaines, Dieu a créé donc la
terre, mais ce faisant, il l’a fait habiter au début par des génies protecteurs. Ceux-ci ont existé
avant l’homme. Et c’était à eux à l’origine que Dieu avait confié la terre. L’homme venu des
cieux, suite à une punition divine, devra passer des pactes avec les génies. C’est seulement
avec leurs accords que les hommes seront autorisés à s’installer sur les terres. Ce�e vision
du foncier fait qu’il se trouve investi de charges symbolique, religieuse, ancestrale, et com-
munautaire. La terre est le support et le médiateur d’une communauté entre générations,
entre vivants et invisibles. Selon Madjarian, c’est l’homme qui appartient à la terre et non le
contraire 83.
77 Le droit de la terre en Afrique au sud du Sahara, op. cit., p. 27.78 Elle a eu ses partisans de tous bords, parmi lesquels nous avons déjà cité Delafosse et Rattray qui repré-
sentent les précurseurs de ce type d’explication. Mais elle a aussi été dénoncée avec vigueur par un Obi [1963 :41] : « On dit que la terre est une divinité et ainsi ne peut être susceptible d’appropriation. Pareille idée est fondéesur une hypothèse fallacieuse, à savoir qu’un objet sacré ne peut pas être approprié. Bien sûr il peut l’être. . . » Etl’auteur d’énumérer trois objets sacrés chez les Ibo, qui sont les propriétés les plus chères de certains individus :plus même, ces objets peuvent être aliénés comme dans le cas où les autels ont été vendus.79 Diop (M.), La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, op. cit., p. 13.80 Kremer (E.) – « Le droit foncier coutumier du Congo belge », in : Bulletin des juridictions indigènes et du
droit coutumier congolais 9 (1956), p. 245.81 Katchy (M.) – Introduction à l’étude du droit coutumier congolais, Kinshasa : CREJA, 2011, p. 21.82 Kenyatta (J.) – Au pied du Mont Kenya, Paris : François Maspéro, 1973, p. 43–44,83 Madjarian (G.) – L’invention de la propriété : De la terre sacrée à la société marchande, Paris : L’Harmattan,
1991, 271 p.
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99 Généralement, dans la pensée paysanne traditionnelle, la terre n’est pas perçue comme un
objet mort susceptible d’appropriation, mais comme l’habitat de forces, d’esprits, émanation
de dieu créateur. Ces esprits, ces génies, ces forces selon Jean-Pierre Magnant, « animent
qui un élément de la nature environnante, qui une zone, qui un fleuve, un arbre ou une mon-
tagne. . . » 84 L’accès à ce�e ressource reste lié à une autorisation. Dès lors, de même que
l’individu ne peut avoir accès à un bien ou à une chose s’il n’y a pas droit, de même, si un
groupe veut utiliser la terre, il doit en obtenir le droit auprès des dieux. Ce�e autorisation
passe par des sacrifices. Une fois ces sacrifices faits, conformément aux prescriptions du gé-
nie habitant les lieux, les hommes pourront aisément s’installer. C’est à partir de ce moment
que les génies délégueront leurs pouvoirs au premier occupant, qui prendra possession du
Territoire et commencera à dessoucher (droit de hache) ou à brûler (droit de feu).
100 Ces droits résultant de la toute première occupation, confère au premier occupant des pou-
voirs de chef des lieux, ou comme on le dira plus tard, de chef de village ou parfois de chef
des terres.
101 Il va sans dire donc que ce droit de premier occupant, très abondant, qui devra se perpétuer
est issu d’un principe cultuel et culturel. À partir de ce droit, le premier occupant devient le
chef de toute la communauté (ancêtre). Ceux qui habiteront ces lieux, seront installés avec
son autorisation, et à la condition de l’accomplissement symbolique et instantané d’un rituel
(colas, bande de coton). Ce rituel autorise l’occupant à s’installer et à utiliser la terre dans
des clauses purement sacrificielles, nourricières et de droit d’usage éternel.
102 Le droit d’occuper la terre, imposera toujours des obligations à la charge de l’occupant. Ce
dernier, selon les sociétés, doit chaque année après les récoltes manifester son allégeance
au cours d’une cérémonie auprès du chef de village ou du propriétaire coutumier (danses
empruntant les grandes artères du village menant à la case du premier occupant, dépôt de
bo�es de mil ou de riz au domicile du chef de village). Les premiers occupants pourront
toujours déléguer leurs pouvoirs à des familles alliées ou à des parents éloignés.
103 Selon Kouassigan, il s’agit d’une constante des systèmes juridiques africains. terre est un
objet de culte, de divinité et constitue un pouvoir aux besoins des hommes qui n’occupent
pas un bien matériel et les biens qui existent entre la terre et les Hommes ne peuvent être in-
terprétés comme exclusivement constitutifs des rapports juridiques (impliques des rapports
juridiques tout en les dépassant). La terre est source de vie et se prête, mais ne se soumet pas.
Comment naît ce caractère sacré ? On admet que la prise de possession d’une terre originelle
occupée ou non, s’accompagne d’un rituel de fondation, où l’occupant doit obtenir l’assen-
84 Conac (F.) et Conac (G.) (dir.) – La terre, l’eau et le droit en Afrique, Madagascar, Île Maurice : Bruylant,AUPELF-UREF, 1998, p. 68.
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timent des puissances spirituelles qui y résident. On ne peut maîtriser la terre, les forces de
la terre sans ce�e alliance, d’où le rôle rituel de premier plan du maître de la terre.
104Les fondements de l’autorité du chef ou maître de terre sont donc sacrés. Il représente les
ancêtres, établit le trait d’union entre les vivants et les morts. Et ce rôle lui confère une
position prépondérante dans le groupe. Le droit sur la terre prend sa source dans l’acte initial
d’alliance entre celle-ci et son pouvoir occupant. Ces pratiques a�estent que la terre est
considérée dans son essence divine et non dans son seul matérialisme 85.
105Dans les sociétés africaines, l’eau et la brousse sont des lieux privilégiés, des lieux hantés par
les génies. Ces génies s’incarnent dans les animaux sauvages (hyènes, biches) ou aquatiques.
C’est pourquoi il a été prévu pour leur gestion des Maîtres de l’eau et de la brousse (totem).
Ces maîtres sont seuls habilités à pénétrer dans ces lieux sans autorisation, alors que tous les
autres hommes doivent avoir, s’ils ne veulent pas me�re leur vie en danger, une autorisation
d’entrée.
106En réalité, le caractère sacré de la terre est lié au fait que comme le disait Senghor, « l’Africain
est l’homme de la nature ». Ce lien étroit entre l’africain et les ressources naturelles de son ter-
roir y fait apparaître, sans doute plus qu’ailleurs, le caractère sacré des rapports de l’homme
au foncier. Il su�it de comprendre la lecture de Françoise Conac, sur l’eau pour cerner la
réalité du caractère sacré du foncier. En e�et, pense-t-il « sur les ressources en eau, de sur-
face ou souterraines, s’appliquent en Afrique des droits coutumiers très variés, mais qui ont des
points communs. Dans la mentalité paysanne traditionnelle, ces ressources appartiennent aux
divinités » 86 . Il faut être d’accord que le statut de l’eau dans les sociétés africaines est quasi
identique à celui de la terre. C’est ce que fait remarquer Séydou Doumba en a�irmant que :
« L’eau aussi que la terre étaient gérées selon les règles coutumières, maintenant bien connues.
Le chef de la terre qui cumulait aussi les fonctions de chef de village, était le maître de l’eau et
de la terre. Ce�e autorité avait tous les pouvoirs d’administration sur ces deux éléments. Il n’en
était jamais propriétaire, le droit de propriété de la terre et de l’eau étant l’apanage des seules
divinités. » 87
107Ce�e vision sacrée du foncier vient se gre�er sur le caractère communautaire de la terre en
Afrique.
85 Traoré (S.), « La �lle aînée de l’État du Sénégal cherche prétendant », op. cit.86 Conac (G.) et Conac (F.) – Les politiques de l’eau en Afrique : Développement agricole et participation pay-
sanne, Paris : Économica, 1985, p. 45.87 Dombia (S.) – « Le périmètre féminin de Niéma (Mali Sud) », in : La terre, l’eau et le droit en Afrique, sous
la dir. de Conac (F.) et Conac (G.), Madagascar, Île Maurice : Bruylant, AUPELF-UREF, 1998, p. 267.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 41
Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
PartieI.T
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1
B - Le caractère communautaire de la terre
108 Malgré la diversité des traditions africaines, on y relève la caractéristique commune telle que
le caractère communautaire de la tenure foncière.
109 Le livre blanc de la politique foncière et domaniale du Bénin de 2011 amontré l’actualité de la
notion communautaire de la terre. En définissant la propriété communautaire ou lignagère
encore appelée a�ribution coutumière, s’oppose à l’appropriation privée individuelle, elle
est encore reconnue comme un des modes d’accès à la terre en milieu rural 88. Les familles
élargies et les ménages ne possèdent pas de droit de propriété sur le domaine occupé et mis
en valeur par les membres de la communauté lignagère, mais ils exercent un droit d’usage
et de jouissance sur les terres qui leur sont a�ectées.
110 Le régime traditionnel des terres est en parfaite harmonie avec l’organisation sociale. À la
base de la société, la famille, cellule sociale initiale sous l’autorité d’un chef investi du pou-
voir de gestion. Ce�e vison est largement partagée en Afrique au point où dans un ouvrage
collectif, les auteurs parviennent à a�irmer que « les terres possédées, occupées et utilisées
par les communautés conformément au droit coutumier constituent le système le plus répandu
de propriété des terres et des ressources en Afrique » 89. Ainsi, il est a�aché au droit coutu-
mier « le cadre de droits, de règles et de responsabilités fondé sur les coutumes et pratiques
communautaires, qui régit la propriété et la gestion des terres, territoires et ressources d’une
communauté » 90.
111 À la base de ce�e conception communautaire se trouve bien une exigence de solidarité fon-
cière qui joue un rôle très important dans le contexte de sociétés dépendant quasi exclusive-
ment de l’accès à la terre pour leur survie et leur reproduction. En e�et, selon l’explication
donnée au caractère communautaire de la terre par Hubert Ouédraogo, il fauter noter ce
qui suit : « confrontées à de nombreuses incertitudes écologiques et à des vulnérabilités sociales
récurrentes, les sociétés africaines ont mis en place des systèmes relativement ouverts : ainsi, les
droits fonciers sont investis dans le lignage, favorisant entre ses membres une répartition équi-
table et non une accumulation individuelle » 91. Il poursuit ce�e démonstration en estimant
que : « Appartenir au lignage était su�isant pour bénéficier d’un droit inaliénable d’accès à la
88 Livre blanc de politique foncière et domaniale, Ministère de l’urbanisme, de l’habitat, de la réforme foncièreet de la lutte contre l’érosion côtière, juin 2011, p. 26.89 Pritchard (J.) et al. – Garantir les droits communautaires aux terres et aux ressources en Afrique : guide de
réforme juridique et des meilleures pratiques, Les éditions FERN, FPP, Client Earth et CED, 2013, p. 26.90 Ibid.91 Ouedraogo (H.), « De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », op. cit.
42 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
L’entêtement du droit traditionnel • Section 1
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terre perme�ant de la me�re en valeur » 92. Au-delà des membres du lignage, même les étran-
gers 93 pouvaient, sur demande et grâce aux systèmes de « prêts » et de « dons » de terre,
bénéficier d’une portion du patrimoine foncier lignager ou communautaire, et ce tant que la
communauté ou les lignages disposaient de réserve. Le patrimoine foncier est l’apanage de
tous, qui, à un titre quelconque (parents, clients, captifs) se considèrent comme apparentés.
112La terre n’est pas objet d’appropriation privé. On ne peut exercer sur elle que des droits de
maîtrise, d’usage, et d’exploitation a�ribués à caractères communautaire. De ce fait, la terre
est un bien communautaire : on ne peut ni l’aliéner, ni y renoncer. Si la propriété est exclusive
et individuelle, dans le système africain par contre les terres étaient possédées, contrôlées et
défendues par des groupes, représentés par les aînés.
113Tous les individus avaient des droits sur la terre. . . , droits découlant de leur appartenance à
un groupe. Ce qui entraîne l’inaliénabilité. Ce�e inaliénabilité s’illustre par l’idéologie de la
descendance : assure la pérennité du groupe (chef nigérien : appartient à une vaste famille
dont de nombreux membres sont morts, quelques-uns vivants et d’innombrable à naître).
Toute analyse faite, il faut retenir, sur cet aspect particulier du caractère communautaire de
la terre l’appréciation faite par Volker Stamm qui a�irme que : « En Afrique subsaharienne,
la terre appartient traditionnellement à la communauté, mais les paysans ont le droit d’exploi-
ter certaines parcelles. Ces droits o�rent su�isamment de sécurité pour la culture et, lorsqu’ils
peuvent être légués aux enfants, ils incitent à une gestion à long terme de la terre. . . » 94 Retenons
que la « terre se socialise, se parentelise, et se racialise » en milieu rural.
114L’inaliénabilité se justifie aussi par le caractère sacré de la terre. Mais, inaliénabilité ne si-
gnifie pas absence de circulation des droits sur la terre : la terre peut se transme�re (cas
d’aliénation). L’aliénation peut être tolérée par le biais de la mise en gage pour de�es consi-
dérées d’un commun accord comme définitives. C’est pourquoi un auteur comme Verdin a
préféré au concept d’inaliénabilité celui d’exo intransmissibilité (endo transmissibilité).
115L’exo intransmissibilité de la terre correspond à l’exogamie sur le plan matrilinéaire : Les
femmes doivent sortir du cercle familial pour assurer à ses membres des épouses, la terre ne
doit pas en sortir afin de leur assurer la subsistance. Mais le principe d’exo intransmissibilité
ne fait pas obstacle à des prêts ou locations, il s’oppose seulement à la cession définitive et
des étrangers au groupe détenteur des droits fonciers.
92 Il convient de signaler ici que, dans cette option, une exception est faite aux femmes considérées dans lestraditions comme « étrangères » puisqu’elles sont appelées à quitter leur propre famille pour rejoindre une autreaprès le mariage. Dans ce schéma de ra�ermissement des rapports entre les hommes, les femmes sont exclues.Car – selon la tradition –, la terre est avant tout de sexe mâle, incompatible avec le statut « souillé » de la femme,qui la rend inapte à la gestion des rites.93 Il faut entendre par étranger, quelqu’un qui n’appartient pas à la communauté.94 Stamm (V.) – Structures et politiques foncières en Afrique de l’Ouest, Paris : L’Harmattan, 1998, 214 p.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 43
Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
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116 Malgré l’hétérogénéité des groupes linguistiques, les pratiques et principes de la gestion fon-
cière sont les mêmes dans toutes les communes rurales de l’Afrique de l’Ouest francophone.
À titre illustratif, une étudemenée dans un département du Bénin a bien révélé les caractères
évoqués, confirmant ainsi la forte présence des règles coutumières dans la gestion foncière
rurale. Ce sont :
— le caractère sacré et inaliénable de la terre ;
— l’antériorité de l’installation ou l’occupation primitive ;
— le caractère collectif et inaliénable de la terre qui à l’origine est une propriété lignagère
(tableau 1.1).
Ces principes sont en ne�e évolution à cause de l’urbanisation qui introduit la vente de
la terre, la pression foncière qui entraîne l’individualisation de la tenure foncière surtout
dans l’Ouest et l’a�aiblissement du respect dû au premier occupant 95. Cependant, la femme
demeure exclue de l’héritage foncier tant qu’il y a de la descendance mâle.
Table 1.1 – Principes fonciers coutumiers et leur évolution dans l’atacora
Source : Kirk M. et Adokpo-Migan S., 1993 et enquêtes Aoc, 200.
95 Cette évolution con�rme le dynamisme des droits fonciers ruraux en Afrique. Sur ce caractère dynamique,certains travaux de recherches ont reconnu que les droits fonciers coutumiers ne sont pas immuables. Il estétabli que ces droits changent au fur et à mesure qu’évoluait leur cadre de fonctionnement sociopolitique etéconomique et que les groupes ou individus renégociaient les modalités d’obtention et de cession des droits auxterres. L’on peut croire donc, comme les auteurs tels que Mongbo, Kassibo et Traoré que le changement se faità travers le jeu des acteurs qui saisissent les opportunités qui leurs sont o�ertes, en jouant selon leurs intérêtssur les ressorts de la « tradition » ou sur ceux de l’État, voire sur une combinaison des deux. Pour mieuxapprécier cette force d’adaptation des droits coutumiers africains aux contextes, lire : Mukokobya (R. M.) –Pluralisme juridique et règlement des con�its fonciers en République démocratique de Congo, Études Africaines,Paris : Karthala, 2013, p. 73 ; Lavigne Delville (P.) et Toumlin (C.) – Gérer le foncier rural en Afrique de l’Ouest :Dynamiques locales et interventions publiques, sous la dir. de Traoré (S.), Paris et Saint-Louis : Karthala-URED-Ministère des a�aires étrangères, 2000, p. 23 ; Lavigne Delville (P.), Quelles politiques foncières pour l’Afriquerurale ? Réconcilier pratiques, légitimité et légalité, op. cit., p. 30.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La faible e�icacité du droit traditionnel • Section 2
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S e c t i o n 2
LA FAIBLE EFFICACITÉ DU DROIT TRADITIONNEL
117Le foncier pouvant s’entendre comme étant l’ensemble des règles d’accès, d’exploitation et de
contrôle s’exerçant sur les terres et les ressources naturelles et la coutume étant une habitude
collective d’agir fondée sur la tradition et transmise de génération en génération, le droit
foncier coutumier peut alors se définir comme l’ensemble des règles juridiques constituées
par les usages pérennes relatives à la terre et aux ressources connexes. Il s’agit donc d’un
droit né de l’usage, inconscient et involontaire par opposition au droit écrit qui est conscient
et volontaire.
118Le droit foncier coutumier trouve son origine dans la notion de première occupation. Ainsi
le professeur Guy Kouassigan 96 estime que « l’occupation d’après les traditions historiques,
semble avoir été en Afrique Occidentale, le mode originaire dont diverses populations ont usé
pour s’a�ribuer des droits sur les terres qu’elles occupent ». Ce�e occupation se faisait éga-
lement soit par l’acquisition de droits fonciers par dépossession ou résultant d’une simple
tolérance.
119Nonobstant les règles qui régissent le droit foncier coutumier et des moyens de garantie dont
il s’est entouré, on constate qu’il a des faiblesses qui limitent son e�icacité. Nous analyse-
rons ce�e ine�icacité sur un double point de vue ; d’une part sur le plan juridique et d’autre
part sur le plan économique (paragraphe 1). À l’appui de ce�e ine�icacité, le droit foncier
coutumier reste une source d’inégalité et caractérisé par une diversité (paragraphe 2).
Paragraphe 1 L’inefficacité juridique et économique du droit cou-
tumier
120L’un des reproches récurrents faits à l’encontre du droit foncier coutumier est son ine�icacité.
Ce�e ine�icacité peut bien être illustrée dans le domaine du règlement des di�érends fon-
ciers. À ce niveau, les règles de droit écrit prendront le pas sur les normes traditionnelles,
ce qui caractériserait a posteriori un pluralisme de subordination. En e�et, si l’on prend
l’exemple d’un litige d’ordre foncier, aucun acte écrit de propriété ne sera requis.
121L’ampleur des changements qui se profilent en Afrique de l’ouest (nombreux conflits, émer-
gence de nouveaux acteurs, privatisation, etc.) est telle qu’il sera désormais impossible de se
replier sur le passé 97. Ce�e a�irmation deMoustapha Yacoubamontre bien que les droits fon-
96 Kouassigan (G. A.), L’homme et la terre, droits fonciers coutumiers et droits de propriété foncière en Afriqueoccidentale, op. cit.97 Yacouba (M.) – Préface, in : Stamm (V.), Structures et politiques foncières en Afrique de l’Ouest, Paris : L’Har-
mattan, 1998, p. 9.
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Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
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ciers ancestraux africains ne sont pas faits pour a�ronter les défis auxquels ils sont confron-
tés aujourd’hui. Ce qui révèle leur ine�icacité tant sur le plan juridique en raison de son
caractère oral (A) que sur le plan économique (B).
A - Le caractère purement oral du droit coutumier
122 Dans l’Afrique traditionnelle le droit trouvait sa source uniquement dans la coutume, c’est-
à-dire un usage qui émane lentement de la conscience populaire et qui, considéré peu à peu
comme obligatoire, deviendra règle de droit. La coutume ainsi présentée a l’avantage d’être
souple, malléable et de correspondre à tout instant à la volonté populaire, aux idées, aux
mœurs du groupe social ou ethnique qui la génère. C’est pour ce�e raison qu’elle est ici
aussi respectée qu’elle est solidement implantée 98.
123 Mais cet a�achement de la coutume à un groupe donné peut constituer aussi malheureuse-
ment, dans certains cas, un handicap. Le droit traditionnel à caractère purement oral allait
dès lors coexister avec ce�e législation étrangère, essentiellement écrite, en entrant avec elle
dans un rapport de système caractérisé par un climat conflictuel et non de complémentarité.
124 C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles l’autorité coloniale, lorsqu’elle a débar-
qué en Afrique en général, a tout simplement voulu imposer sa loi. L’on serait tenté d’y
souscrire à l’examen des di�érentes analyses e�ectuées par plusieurs chercheurs 99.
125 Les règles coutumières ne sont pas écrites et se caractérisent par une certaine variabilité dans
l’espace et selon les circonstances historiques. Ce�e a�irmation tirée des récents travaux de
recherche, continue de justifier les insu�isances reconnues aux droits fonciers coutumiers
dans les pays de notre étude 100.
126 À la base des mouvements successifs de remise en cause des droits fonciers locaux se trouve
un reproche maintes fois repris par les promoteurs des droits fonciers modernes : son incapa-
cité relative à être le moteur d’un développement économique dans un système de marché.
Les motivations qui ont précédé les di�érentes codifications en Afrique sont souvent rappe-
lées : pour « développer », selon la culture occidentale, la seule solution était la promotion du
droit de propriété par écrit au profit des personnes juridiques physiques oumorales, capables
de gérer un patrimoine.
98 Bokalli (V. E.) – « La coutume, source de droit au Cameroun », in : Revue générale de droit vol. 28.1 (2010),p. 37–69.99 Vanderlinden (J.) – Les systèmes juridiques africains, Que sais-je ?, Paris : PUF, 1983, p. 22.100 Pour se convaincre de cette a�rmation, lire : Dahou (T.) et Ndiaye (A.), « Les enjeux d’une réforme fon-cière », op. cit., p. 49–69.
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127Comme dans toutes les colonies de l’ex Afrique occidentale française 101 (AOF), l’écriture était
inconnue pour marquer la constatation de l’existence des conventions passées entre parti-
culiers. Il existait certes des formes plus ou moins solennelles de conclusion de conventions,
ou de contrats perme�ant aux parties de marquer leur accord 102. Confronter ce�e exigence
aux droits fonciers locaux, elle se révèle comme une grande faiblesse au regard de son carac-
tère oral. Ainsi pour son entrée dans le monde de droits « civilisés », la propriété par écrit
devait progressivement « supplanter les droits locaux, non formellement identifiables, baptisés
de manière plus ou moins discutable droits coutumiers » 103.
128La situation des droits locaux est quasiment la même en Afrique. C’est la raison pour laquelle,
abordant la question foncière au Mali, un auteur a écrit : « Pour saisir la réalité du droit
coutumier malien de la terre, il convient de se départir des concepts occidentaux. En e�et, au
caractère écrit et codifié du droit occidental s’oppose l’aspect vécu et oral de la coutume. À
l’individualisme du code civil [français] s’oppose la solidarité du groupe résultant de la tradition.
Enfin, à la laïcité du droit moderne s’oppose la nature religieuse de la coutume [. . .] La propriété
des divinités sur l’eau ou la terre procède de la religion animiste, qui considère les deux éléments
comme sacrés et inaliénables. »
129Avec ce caractère, l’option prise par la plupart des États subsahariens enmatière économique,
il s’avérait très di�icile d’obtenir un résultat positif si le droit foncier coutumier ne connaît
pas une avancée vers la modernité. Ce�e di�iculté est surtout liée à la nature des problèmes
qu’elle soulève et qui constituent des obstacles au développement d’une économie de mar-
ché.
130L’un des problèmes posés souvent est la récurrence des litiges fonciers dus à une remise en
cause des accords conclus 104. Selon Gninlnan Hervé Coulibaly, à partir des « conflits autour
des ressources naturelles entre agriculteurs et éleveurs, entre communautés migrantes et autoch-
tones ou entre aînés et cadets sociaux autochtones, la terre se présente comme une arène de
101 Constituée en plusieurs étapes, l’AOF était une fédération groupant, entre 1895 et 1958, huit colonies fran-çaises d’Afrique de l’Ouest : la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (devenu Mali), la Guinée, la Côted’Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (devenue Burkina Faso) et le Dahomey (devenu Bénin), soit près de 25 millionsde personnes au moment de sa dissolution.102 Le droit foncier coutumier est donc un droit caractérisé par l’absence de preuve pré-constituée et admettantune pluralité de preuves de valeurs inégales dont nous citerons pour mémoire, les témoignages, les fétiches, laréalisation de rituels, les tombeaux familiaux, les plantes pérennes, etc.103 Yahya (K.), « Le cadre juridique du foncier pastoral », op. cit., p. 34.104 Ainsi, il peut arriver que les témoins chargés d’éclairer la juridiction compétente, induisent cette dernièreen erreur ; les témoins se dédisant ou se rétractant. C’est ce qui explique que les témoins étaient appelés devantles tribunaux à prêter serment avant de prendre la parole. Mais, l’illettrisme, la mauvaise foi ou la mauvaisecompréhension de la notion de serment, conduisait les témoins à prendre le fait de lever la main et de jurer dedire la vérité, comme un geste banal et sans conséquences. Et ici se pose le problème de la preuve testimonialeen matière de litige relatif à une terre de tenure coutumière, matière où par excellence le principe de liberté dela preuve est admis.
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confrontation dans le processus de défense ou de conquête du gisement foncier » 105.
131 Déjà, c’est face à ces di�icultés, et conformément à ses objectifs que le législateur colonial
s’est résolu à faire prendre d’abord le décret 106 du 02 mai 1906 instituant la constatation
par écrit des conventions passées entre indigènes dans les colonies de l’AOF sans toutefois
réussir son intégration parfaite.
132 Le colonisateur a reconnu des règles coutumières notamment en matière foncière et les a
intégrés au droit positif à travers la circulaire no AP 128 du 19 Mars 1931 portant coutumier
du Dahomey. Mais il a également introduit le droit moderne applicable en matière foncière
et consacré le principe de la pleine propriété individuelle, créant ainsi un dualisme juridique
en matière foncière. Ce principe sera confirmé par la loi fondamentale 107 du Bénin.
133 L’introduction de l’écrit et le dualisme juridique faisant coexister le droit moderne et le droit
coutumier ont beaucoup contribué à vulnérabiliser le régime foncier coutumier caractérisé
par l’oralité, la souplesse et la facilité des transactions, lesquelles sont exemptes de forma-
lismes.
134 Les ventes de biens indivis par des héritiers peu scrupuleux qui, au détriment de leur fratrie,
s’arrangent pour obtenir des documents tronqués pour surprendre les éventuels acquéreurs
de biens immobiliers, la pratique du stellionat 108 sont des exemples. Il est né une mafia fon-
cière qui opère et tire grand profit de ce�e situation. Le nombre de litiges fonciers pendants
devant les tribunaux montre l’ampleur du problème.
135 Outre cet aspect oral, les droits fonciers locaux manquent également de titre comme moyen
de garantie pour les titulaires des droits coutumiers.
105 Coulibaly (H.) – « L’institution des tribunaux coutumiers en pays Sanwi de Côte-d’Ivoire : une perspec-tive de l’intégration communautaire par la régulation locale des con�its fonciers », in : International Journal ofMultidisciplinary Research and Development (sept. 2015), p. 382.106 Selon l’article 1er dudit décret, « les conventions conclues entre indigènes selon les règles et formes coutumièresnon contraires aux principes de la civilisation française, peuvent, en vue de la preuve, être constatées en un écrita�ectant le caractère d’acte civil ».107 En son titre 2, la loi no 90-32 du 11 Décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin protègeles droits de la personne humaine au rang desquels le droit à la propriété pris en compte par l’article 22 quidispose : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilitépublique et contre juste et préalable dédommagement. »108 Le stellionat est une fraude consistant à vendre ou hypothéquer un immeuble dont on sait n’être pas pro-priétaire ou à présenter comme libre un bien hypothéqué ou encore à déclarer des hypothèques moindres quecelles dont le bien est chargé.
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B - L’inefficacité économique du droit foncier coutumier
136La relation entre droit foncier et développement agricole voire développement économique
reste une dialectique. Ainsi, si dans une économie de subsistance les droits locaux africains
paraissent e�icaces, dans un système de marché leur e�icacité reste à démontrer. En ef-
fet, source d’insécurité en raison de ses insu�isances dont l’absence d’un titre de propriété,
les droits coutumiers ont fait l’objet de virulentes critiques de la part des promoteurs de la
théorie évolutionniste des droits fonciers. S’appuyant notamment sur les contributions de
Boserup 109, sur l’évolution des systèmes agraires dans les sociétés préindustrielles, mais éga-
lement sur celles de l’école de droit de propriété, la théorie évolutionniste souligne l’existence
d’un lien séculaire entre la propriété privée et l’investissement. 110 En droit traditionnel, la
conception initiale de la propriété foncière telle qu’exprimée dans l’article 225 du coutumier
du Dahomey précisait qu’« il n’y a pas de propriété du sol. Ce n’est qu’une possession doublée
d’un usufruit ».
137La nécessité pour le colonisateur de favoriser l’accroissement de la production agricole, l’a
contraint à procéder à une réforme de l’organisation foncière et domaniale telle qu’elle exis-
tait. Sous l’e�et des impératifs économiques, ce statut spécial fait à la terre nourricière tant
sur le plan matériel que spirituel et qui favorisait un système de collectivisme agraire ne
pouvait plus continuer d’exister. Les transformations sociales qui s’en suivirent ainsi que les
droits fonciers subséquents sont confinés, selon le professeur Guy Kouassigan dans la pensée
suivante :
Désintégration de la famille lignagère et développement de la famille élémen-taire. A�ranchissement de l’individu de l’emprise d’une communauté familialesous la direction d’un chef de lignage. Disparition progressive du patrimoinecollectif foncier au profit de la propriété foncière individuelle et ceci par la trans-formation progressive du droit de culture en droit de propriété. Désacralisationde la terre ayant pour conséquence, de la faire passer de la catégorie de noncommerciale à celle de commerciale et devenant l’objet d’un droit de propriétéprivée comme toute marchandise.
138Le caractère oral du droit coutumier a ainsi pour conséquence de priver les détenteurs de
droits de propriété reconnus par la coutume, d’éléments probants pouvant confirmer leurs
droits réels fonciers. Ils n’ont par exemple aucun acte 111 pouvant être mis en gage pour ob-
109 Pour plus d’informations, lire : Boserup (E.) – The conditions of agricultural growth : the economics of agra-rian change under population pressure, London : Routledge, 1965, 124 p.110 Ce lien établi entre propriété privée et investissement est largement contesté par nombre d’auteurs. Dansune étude de Ouedraogo et al. (1997) sur le Burkina Faso, les auteurs ont conclu à une absence d’impact desdroits de propriété sur la productivité agricole ; et suggère que cette dernière dépendrait principalement de lafertilité naturelle des sols et des conditions climatiques.111 Dans la réforme foncière engagée au Bénin, à travers entre autres outils le Plan Foncier Rural, le Certi�catFoncier Rural qui est un acte de constatation et de con�rmation des droits réels fonciers établis ou acquis selonla coutume ou les pratiques et normes locales, vient corriger cette insu�sance.
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tenir un prêt. Une pratique connue dans les sociétés traditionnelles est l’usufruit donnée en
gage 112 d’une de�e. Aux stades anciens des régimes fonciers traditionnels, la cession des
droits fonciers existe parfois, mais au sein de la communauté, en particulier entre parents
proches. Les transferts à des personnes de l’extérieur sont, soit interdits, soit assuje�is à l’ap-
probation de toute la communauté. Ce qui constitue une faiblesse à l’utilisation du capital
foncier comme actif monnayable dans une économie de plus en plus libérale.
139 Sous ce�e forme, il est utilisé chez les groupes socioculturels Fon, Goun et apparentés et dure,
jusqu’au paiement de la de�e, et il a, dans ce cas, valeur d’intérêt de la de�e. L’usufruitier
peut profiter des fruits naturels sauf le croît des animaux contrairement au gage juridique
dans lequel le créancier gagiste conserve le bien en « bon père de famille » sans en user.
140 La di�iculté des producteurs agricoles détenant des terres régies par la coutume pour ac-
céder aux crédits agricoles est palpable car le système financier actuel fonctionne avec des
garanties pouvant couvrir les investissements des institutions de micro-finance en cas de
non solvabilité.
Paragraphe 2 Le droit foncier coutumier : un droit discrimina-
toire, incertain et très diversifié
141 Le droit foncier rural africain est dualiste et inégalitaire à certains égards. Bien que chaque
régime local ait des caractéristiques propres, ces régimes présentent d’importantes simili-
tudes. L’une des principales similitudes prouvées par plusieurs études 113 est que le droit
foncier coutumier demeure source d’inégalité et de discrimination (A). En plus, le droit cou-
tumier se révèle incertain et d’une capillarité excessive (B).
A - Le droit foncier coutumier : un droit inégal, discriminatoire
142 La terre coutumière, avons-nous démontré, appartient à la collectivité. Ce�e communauté
est composée des hommes et des femmes ne jouissant pas des mêmes droits en matière
foncière rurale.
143 Le droit coutumier dans les États de l’espace UEMOA en général, et en droit béninois connaît
ce�e pratique. En e�et, dans une étude consacrée au plaidoyer en faveur de l’e�ectivité des
112 Il s’agit en droit moderne d’une hypothèque sur une terre.113 Pour se convaincre de ces faiblesses reconnues aux droits fonciers ruraux, lire à titre d’exemple :Wily (L. A.)– Vers une remise à plat ? : Bilan critique du droit foncier rural et forestier en Côte d’Ivoire, Bureau de Fern R.U, mai2015, p. 15 ;Munene Yamba Yamba (P.) –Accès de la femme à la terre en droit congolais, thèse de doctorat en droit,Université Gent, Belgique, 1985, p. 45 ; Carpano (F.) – Sécurisation des droits fonciers des femmes : ouvertures etobstacles, Rapport de l’atelier tenu le 19 novembre 2010 à Maputo (Mozambique), 2010, 58 p.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La faible e�icacité du droit traditionnel • Section 2
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droits de la femme dans ce pays, Elvire Ahounou-Houenassou souligne que la femme en droit
traditionnel est considérée non comme un être humain mais plutôt comme un bien apparte-
nant à son époux et faisant partie intégrante de son héritage. À ce titre, elle est contrainte de
se remarier à la mort de son époux ou au frère ou au fils aîné d’une autre épouse du défunt,
pour rester dans la famille 114.
144Au nombre des insu�isances qui alimentent les méfiances à l’égard des droits fonciers locaux,
figurent l’inégalité sociale qu’ils légitiment et les incertitudes qu’ils créent. Alors qu’une
bonne gouvernance foncière exige le respect d’un accès égal aux ressources naturelles, la plu-
part des droits fonciers locaux légitime un principe de distribution asymétrique des terres
en milieu rural. À en croire les conclusions issues de la conférence sur les droits fonciers des
femmes africaines tenue à Nairobi en 2011, cet héritage du passé est aujourd’hui « respon-
sable de son état de pauvreté et de sous-développement que l’on note depuis de nombreuses
années » 115. Ce�e tendance reste confirmée par les récentes études. En e�et, dans le docu-
ment sur le nouvel indice de l’égalité publié par la Banque africaine de développement, il est
clairement établi le statut marginal de la femme. Dans le domaine du foncier, « en Afrique
subsaharienne, les régimes traditionnels de propriété foncière excluent largement les femmes de
la propriété ou du contrôle des ressources foncières » 116. À l’appui de ce�e a�irmation, il y a
un constat : les femmes ne représentent que 15% des détenteurs de terre (c’est-à-dire ceux
qui exercent le contrôle de la gestion d’une exploitation agricole, à titre de propriétaires, de
locataires ou en vertu du droit coutumier), de moins de 5% au Mali à 30% dans d’autres
régions de l’Afrique 117.
145Ce�e problématique n’est pas restée inconnue des dirigeants africains. La complexité de ce
problème fait que dans les pays africains en général et ceux de notre étude en particulier,
l’on tarde particulièrement à trouver une solution générale à cet héritage traditionnel qui
continue d’alimenter la crise foncière et se pose en obstacle au développement. En e�et, le
droit coutumier exclut les femmes, les étrangers et les gens de caste dans l’appropriation
des terres. Or ceux-ci constituent aujourd’hui une frange économique démographique non
négligeable. À ce sujet, « l’année 2016 est l’année de la femme » selon la déclaration des chefs
d’État réunis à l’occasion du 26e, sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba. Pour la di-
rectrice du département femme, genre et développement de ce�e organisation, au sujet des
questions foncières rurales, « beaucoup de femmes vivent dans le silence de la douleur » 118.
114 Ahounou-Houenassou (E.) – Plaidoyer pour une e�ectivité des droits de la femme au Bénin,WiLDAF/FeDDAF-Bénin, juil. 2002, p. 6 ; Mukhopadhyay (M.) et Singh (N.) – Justice de genre, citoyenneté etdéveloppement, Québec : Presses de l’Univ. Laval, 2009, 323 p.115 Aura (R.) – Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique, Rapport de la conférence sur les droitsfonciers des femmes africaines, Acord, Oxfam et Action Aid, 2012, 56 p.116 Indice de l’égalité du genre en Afrique 2015, Banque africaine de développement, mai 2015, p. 12.117 Rapport sur l’état de l’alimentation et de l’agriculture, entre 2010 et 2011, FAO, 2011, p. 23.118 Cf. L’interview accordée par M.K.Wheeler, directrice du département femme genre et développement del’Union Africaine à RFI lors de l’émission Invité Afrique du mardi 16 février 2016 au micro de Christophe Bois-bouvier. Dans cette interview, elle soulève en priorité la question de l’accès aux terres cultivables par les femmes.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 51
Chapitre 1 • Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité
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146 La prise en charge de l’absence d’accès et aux droits des femmes à la terre est toujours
lente et complexe étant entendu que « l’héritage colonial s’ajoute au patriarcat séculaire pour
maintenir le statu quo » 119. Alors, face aux discriminations très manifestes, il apparaît très
important que les politiques et les lois foncières soient revisitées. Certains États ont bien
compris ce�e exigence. C’est l’exemple du Bénin qui dans sa Stratégie de croissance pour
la réduction de pauvreté (SCRP) soutient « un grand flux d’investissements visant à me�re
en valeur les potentialités des di�érentes régions et localités. La durabilité et la sécurisation
de ces investissements exigent, de la part du gouvernement la réforme du secteur foncier » 120.
Ceci est d’autant important qu’il reste certain qu’« aucun concept de pauvreté ne peut être
satisfaisant s’il ne tient pas compte des désavantages qui découlent de l’exclusion des possibilités
dont jouissent de fait les autres » 121.
147 La prise en compte de ce pan nécessaire au développement a conduit les organisations inter-
nationales à introduire l’égalité des sexes en termes de droits humains et à obliger les États à
adhérer à la Convention pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des
femmes. Mais l’évolution contrastée de la situation de discrimination induite par les règles
locales aujourd’hui est due aussi en partie aux droits positifs en vigueur dans les pays de
notre étude. Ce qui fait dire Natacha Ordioni que «même si les dispositions discriminatoires
à l’égard des femmes sont incontestablement plus accusées dans les codes coutumiers, il apparaît
que la majeure partie des codes de la famille en contienne » 122. Dans tous les cas, les normes
juridiques toujours dominées par les principes relevant des règles locales, elles contribuent
de facto à l’inégalité et aux discriminations de certaines couches de la société de la propriété
foncière.
148 À ce�e source d’inégalité sociale s’ajoute son caractère incertain et très diversifié qui consti-
tue une autre faiblesse des droits coutumiers africains. On assiste de plus en plus à une
« activation » de ces droits, face à l’impuissance des justices modernes, et à un analphabé-
tisme qui recule chaque année dans le monde rural. Les us et coutumes, dit-on, ont la vie très
dure. Ils renferment en eux des germes d’adaptations, jugées nécessaires et indispensables
119 Aura (R.), Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique, op. cit.120 À travers cette stratégie le Bénin renforce l’idée que les droits de propriété sont essentiels à la créationde richesses. En précisant « qui possède quoi », les droits de propriétés stables et protégés permettent l’émer-gence d’un marché foncier sécurisé dans lequel l’immobilier devient un véritable « capital », facilitent l’accèsaux crédits et protègent les paysans contre les tentatives d’accaparement des terres, améliorent la position desfemmes dans la société agricole, mettent �n aux con�its entre villageois et augmentent la production agricole(avec l’augmentation des super�cies emblavées et de la productivité. Pour mieux comprendre, se référer à : Vanden Meerssche (D.) – Réforme foncière au Bénin : pourquoi l’échec?, in : Libre Afrique (15 jan. 2013).121 Ordioni (N.) – « Pauvreté et inégalités de droits en Afrique : une perspective “genrée” », in : Monde endéveloppement vol. 1.129 (2005), p. 93–106.122 ibid. Dans la plupart des codes des personnes et de la famille, le mari, chef de famille exclusif dispose de lapuissance paternelle, et doit théoriquement subvenir aux besoins du foyer. Il faut cependant noter que le Bénina consacré un droit su�samment équilibré qui déroge un peu à cette puissance exclusive de l’homme sur lafemme.
52 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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et un système de rejet automatique de valeurs étrangères lorsque celles-ci s’opposent aux
valeurs existantes (rejet de corps). Leur force est d’avoir existé avant la création des États.
149Des e�orts de recensement de ces coutumes, s’avèrent aujourd’hui nécessaires. Les popula-
tions doivent participer à toutes ces actions et faire des suggestions pertinentes. La décentra-
lisation doit aider à la promulgation de règlements locaux adaptés et acceptés de tous. Les
États du Niger, du Sénégal, du Tchad ont déjà associé les universités à leurs programmes de
connaissance et de maîtrise du foncier.
B - Un droit incertain et d’une capillarité excessive
150L’un des caractères a�aiblissant l’e�icacité des droits fonciers coutumiers est son extrême
diversité. C’est à juste titre qu’il est pensé qu’« en revanche, considérer et sécuriser ces droits
dans leur diversité, c’est créer les conditions d’une réconciliation de la légitimité et de la légalité
foncières » 123. C’est ainsi que les législations foncières africaines seront en mesure de pro-
duire des résultats concrets quant aux détenteurs locaux de terres et seront aussi en mesure
de favoriser le développement.
151L’insécurité foncière en Afrique au Sud du Sahara constitue un poison pour son développe-
ment économique. Au nombre des facteurs qui alimentent ce�e insécurité figurent en bonne
place l’incertitude qui caractérise les droits fonciers coutumiers et leur diversité excessive. Si
pour Joseph Comby, l’incertitude du possesseur sans titre d’un terrain sur la pérennité de sa
possession constitue le cas de la majeure partie des populations 124, un autre obstacle est sa
diversité ; diversité géographique, diversité des cultures, diversité des idées sur la propriété,
diversité ethniques, tous ces éléments vont à l’encontre de la volonté des États l’adoption
d’un régime foncier uniforme. Ainsi, si « l’on veut stimuler la productivité agricole comme
l’exigent les nécessités du développement, il convient non seulement d’adapter les systèmes fon-
ciers au particularisme local, mais encore d’adme�re la coexistence de plusieurs types de régimes
fonciers » 125. Pendant longtemps, ce�e réalité, bien que présente est méprisée. L’extrême di-
versité culturelle a conduit à l’érection de plusieurs systèmes.
152En matière d’un droit de société, l’Afrique frappe de par ses réalités aussi nombreuses que
diverses. C’est ce caractère un peu épars que Olivier Barrière relate en disant, au sujet des
règles coutumières africaines que « la règle change en fonction de l’ethnie, de la localité et
bien souvent en fonction de critères très di�iciles à appréhender de l’extérieur » 126. Il en conclut
123 Ouedraogo (H.), « De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », op. cit.124 Comby (J.) – « Reconnaître et sécuriser la propriété coutumière moderne », in : Symposium de la Banquemondiale, (Washinton, mai 2007).125 Le droit de la terre en Afrique au sud du Sahara, op. cit., p. 33.126 Barrière (O.) et Barrière (C.) – Foncier et environnement dans le delta du Niger (Mali), Paris : Ed. IRD, 2002,p. 11.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 53
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d’ailleurs que dans ces conditions, il est impossible d’avoir une jurisprudence fiable. L’ab-
sence d’une règle de droit clairement établie rend le domaine foncier en Afrique très conflic-
tuel. Non seulement, on y enregistre les problèmes liés au conflit entre le droit législatif et
les droits coutumiers oraux, entre la pratique des populations et la volonté des pouvoir mais
également la diversité des coutumes et des intervenants dans le foncier rend l’unification
des règles de gouvernance assez ardue. C’est d’ailleurs ce caractère très divers qui rend aussi
très incertain les droits traditionnels en milieu rural.
153 Ceci peut apparemment justifier une mise à l’écart des droits fonciers coutumiers au profit
d’un droit dit moderne à la recherche d’une unification du droit à appliquer à l’intérieur des
États africains. À titre illustratif, Jean-Phillipe Colin, Pierre-Yves Le Meur et Eric Léonard
décrivent bien ce�e situation d’insécurité à partir de leur étude sur le Burkina Faso. En e�et,
estiment-ils : « pour le paysan travaillant de manière traditionnelle leurs terres, l’ambiguïté
est maximale car de fait une grande incertitude juridique pèse sur le statut réel des détenteurs
de droits coutumiers » 127. Ce�e incertitude pesante est liée au caractère variable des règles
traditionnelles selon les défenseurs de ce�e théorie. Loin de faire unanimité, certains auteurs
réfutent ce�e thèse qui fait des droits fonciers coutumiers un fondement d’insécurité. Le
postulat selon lequel les régimes fonciers coutumiers sont porteurs d’insécurité n’est pas
avéré en l’occurrence. Selon ces auteurs, c’est plutôt la systématisation du droit commun qui
déstabilise le système foncier local en altérant sa légitimité. Elle crée de ce fait un contexte
d’incertitude sur les droits fonciers coutumiers. De l’incertitude naît une augmentation de
la marge de manœuvre des populations africaines, qui peuvent alors jouer sur la pluralité
de sources de droits et d’instances de régulation. Ce�e mise en concurrence des normes
génèrent des situations conflictuelles 128.
154 Au-delà de l’objectif technique de réconciliation de la légalité et de la légitimité, la reconnais-
sance et la sécurisation des droits fonciers coutumiers est une nécessaire mesure de justice
sociale pour pallier les errements de l’histoire africaine. Depuis de nombreuses générations,
les populations détiennent leurs droits sur la terre en vertu des coutumes locales. Il est temps
de questionner la légitimité de mécanismes politiques et juridiques mis en place à la période
coloniale et reconduits par les États après les indépendances, et dont le principal but était
de s’approprier les terres détenues par les populations locales. Ce�e question, hautement
subversive, est cependant déjà ouvertement posée, non pas par les chercheurs mais par les
populations locales. Et ce à travers les résistances actives ou passives que celles-ci me�ent
en œuvre pour reconquérir les larges réserves foncières dont elles ont été hier injustement
dépossédées ou pour s’opposer aujourd’hui à l’a�ribution de larges portions de leur patri-
moine aux élites urbaines ou à des investisseurs étrangers. La raison fondamentale de ce�e
127 Colin (J.-P.) et Le Meur (P.-Y.) – Les politiques d’enregistrement des droits fonciers, sous la dir. de Léonard(E.), Paris : Karthala, 2010, p. 149.128 Barthes (C.) – L’État et le monde rural à Mayotte, Paris : Karthala, 2003, p. 195.
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crise foncière reste en partie liée à un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité.
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Chapitre2Un droit moderne d’emprunt et de
faible adaptabilité
Sommaire
Section 1. Le droit foncier moderne : un droit importé et imposé. . . . . . . . . 60
§ 1. La source d’un droit foncier rural inadapté. . . . . . . . . . . . . 61
§ 2. L’imposition d’un modèle économique. . . . . . . . . . . . . . . 65
Section 2. Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes. . . . . . . . . . 69
§ 1. La survivance et la concurrence aux droits formels. . . . . . . . . . 69
§ 2. L’ine�ectivité des textes juridiques en vigueur. . . . . . . . . . . . 73
Les 155législations foncières en Afrique francophone d’inspiration coloniale demeurent
toujours sources de nombreuses controverses. Touchant plusieurs intérêts, elles ali-
mentent encore assez d’interrogations dont le principal reste lié à l’organisation de
la propriété immobilière. En e�et « aux intérêts de la colonisation qui doit trouver dans ce ré-
gime foncier son principal aliment et la sécurité de son développement ; aux intérêts de l’indigène
auquel une transformation de ces lois immobilières peut apporter la prospérité ou la ruine, selon
la direction que le législateur donnera à ce�e lourde entreprise ». L’Afrique au sud du Sahara
a été l’une des terres fertiles d’exportation du droit au point où il n’est pas nécessaire de se
demander si, aujourd’hui, les systèmes juridiques des États africains demeurent encore liés
par un nombril à celui des anciennes puissances coloniales. Faisant allusion à ce�e influence
des États occidentaux sur la marche de l’histoire africaine, Henri Rouillé D’orfeuil conclut
• 59
Chapitre 2 • Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité
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que le Tiers-monde est un « produit de l’histoire » 129. Ce qui permet d’a�irmer que l’on ne
saurait comprendre les institutions africaines sans une inscription de celles-ci dans leur his-
toire c’est-à-dire dans la durée. Il convient d’a�irer l’a�ention sur le fait que l’histoire dont il
s’agit est celle de Radcli�e-Brown qui est estime que « par histoire on entend, communément
la science des documents et des monuments, qui se propose d’accroître notre connaissance des
situations et des événements du passé y compris le passé le plus proche » 130.
156 Dans ce�e logique, pour mieux expliciter les sources des droits fonciers actuels appliqués
dans les pays africains, il convient d’interroger le passé. C’est à juste titre que J. F. Bayart
souligne que : « le rapport de l’Afrique au reste du monde n’est pas d’ordre relationnel. Il ne
relève pas de l’extranéité. Il est au contraire consubstantiel à sa trajectoire historique » 131. Il
n’ est donc pas possible de dissocier le devenir foncier de l’Afrique subsaharienne depuis
un siècle des e�ets de la colonisation qui ont travaillé son tissu social depuis l’expansion
marchande de l’Europe au XVe siècle et, plus spécifiquement, depuis le XIXe siècle qui a
vu la fondation des États modernes d’Afrique 132. Par appropriation de pratiques culturelles
étrangères occasionnée par le contact avec l’État colonisateur, les droits fonciers ruraux des
États africains en général et ceux de l’espace UEMOA repose sur un socle du droit importé
et imposé (section 1). Ce droit d’emprunt continue de façonner le paysage juridique et social
africain en dépit de son inadaptation (section 2).
S e c t i o n 1
LE DROIT FONCIER MODERNE : UN DROIT IMPORTÉ ET IM-POSÉ
157 Parmi les facteurs ayant détourné les pays africains de leur trajectoire traditionnelle figure la
colonisation. Pour l’Afrique, la colonisation fut une rencontre violente dont les conséquences
sont la déstructuration des sociétés précoloniales et l’acculturation. Le principal problème
du droit en Afrique, « c’est que le législateur s’est plusieurs fois contenté de transposer dans
l’ordre interne, les réglementations en cours dans l’ancienne puissance coloniale » 133. Il faut
donc comprendre que la source du droit foncier rural moderne remonte à ce�e époque (para-
graphe 1) et que les fondements se trouvent dans la recherche de l’imposition d’un modèle
économique (paragraphe 2).
129 d’Orfeuil (H. R.) – Le Tiers-monde, Paris : La découverte, 1997, p. 6.130 Radcliffe-Brown (A. R.) – Structure et fonction dans la société primitive, Paris : Éditions de Minuit, 1972,p. 56.131 « L’Afrique dans le monde : une histoire d’extraversion », in : Critique internationale 5 (1999), sous la dir. deBayart (J.-F.), p. 105.132 Bach (D.) – Les relations entre l’Afrique et l’Europe, Paris : Orstom, 1995, p. 105.133 Alissoutin (R. L.) – La gestion de l’eau en milieu aride, thèse de doctorat d’État en droit, Université GastonBerger de Saint-Louis, 2006, p. 105.
60 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le droit foncier moderne : un droit importé et imposé • Section 1
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Paragraphe 1 La source d’un droit foncier rural inadapté
158Avec l’avènement de la colonisation française en Afrique 134, le système foncier tradition-
nel s’est trouvé complètement transformé. Les raisons évoquées pour ce�e transformation
étaient que : « la colonisation qui, pour se justifier devant l’histoire, se présentait comme une
initiative historique de culture des hommes en vue de leur revalorisation était aussi culture des
terres en vue de leur rentabilité. Elle reprochait donc aux structures agraires traditionnelles d’en-
tretenir des droits obscurs, dangereux pour le crédit et incompatibles avec le développement dont
l’Occident colonisateur o�rait l’archétype » 135.
159Ce�e a�irmation a deux mérites : elle clarifie la source du droit foncier moderne en Afrique
(A) et en donne lesmotivations. Les injonctions de l’État colonisateur envers les pays d’Afrique
francophone ont eu pour conséquences aujourd’hui de laisser un héritage en droit foncier
fondé sur une volonté d’imposer une vision économique aux États indépendants (B).
A - Le droit foncier moderne : une marque coloniale
160Le droit africain en général a continué son évolution après les indépendances tout en étant
influencé de manière très significative par le droit issu de la puissance coloniale. En matière
foncière rurale, le droit moderne a été introduit en Afrique francophone par la puissance
coloniale. Au regard de l’importance des incidences juridiques de la colonisation, son étude
n’a pas une simple valeur historique. Ce passé a laissé une marque profonde en matière
juridique et la réglementation issue de ce�e période constitue encore pour une bonne part
le droit positif des pays africains. En droit foncier, les pays africains sont toujours restés
sous l’emprise des lois et règlements édictés dans le cadre de l’ancienne Afrique occidentale
française (AOF) même après leur accession à la souveraineté internationale 136.
161Ce�e influence du droit issu de la colonisation place toujours le droit foncier de l’espace
UEMOA en situation de dépendance. L’ordre public colonial, très fréquemment utilisé, a
pour conséquence de placer les droits locaux préexistant en situation d’infériorité 137. Comme
l’un des premiers enjeux de la colonisation, il y a l’appropriation des terres rurales. Accaparer
le maximum de terres agricoles a constitué la préoccupation des autorités coloniales après
l’entrée des troupes françaises en Afrique. Pour y parvenir, l’ère coloniale a été doncmarquée
par l’introduction sur le continent de nouveaux concepts, dont l’application dans la gestion
134 Cette pénétration a eu lieu dans la première moitié du XIXe siècle.135 Le Roy (É.) – « Les objectifs de la colonisation française ou belge », in : Gonidec (P.), Encyclopédie juridiquede l’Afrique, vol. II, Droit des biens, Dakar : Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 85.136 Créée par un décret du 16 juin 1895, sous la direction d’un gouverneur général, l’Afrique occidentale fran-çaise (AOF) répond à la nécessité de coordonner sous une autorité unique la pénétration française à l’intérieurdu continent africain.137 Vanderlinden (J.), Les systèmes juridiques africains, op. cit., p. 78.
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foncière, bouleversera profondément et durablement les sociétés africaines 138. Pour réussir
l’imposition des concepts, il aurait fallu que les rapports juridiques traditionnels de l’homme
à la terre évoluent vers une indépendance de l’individu et une individualisation des droits
sur le sol.
162 Il convient de reconnaître que la situation confuse qui caractérise la gestion foncière rurale
en Afrique trouve ses racines dans la période coloniale où l’ambition était de marquer très
tôt son emprise sur les terres rurales par la mise en place des mécanismes techniques et ju-
ridiques sur la gestion du foncier dans les colonies. Dans ce�e logique, une série de textes
juridiques a été prise pour réorganiser le droit foncier traditionnel. C’est d’abord à travers
le code civil du 15 novembre 1830 que le colonisateur a commencé par me�re en place une
législation foncière. Un principe fondateur de toute la logique coloniale en matière foncière
dans les colonies dévoile en termes de rejet les droits coutumiers en disposant que : « les
biens qui n’appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que
dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières » 139. Ainsi, l’État colonial se pro-
clame propriétaire éminent des terres dites « vacantes et sans maîtres ». Il réalise par ce biais
une mainmise de l’État sur l’ensemble des sols, des espaces et des ressources. La présomp-
tion de domanialité sur « les terres vacantes et sans maître » a été l’outil d’expropriation des
populations rurales de la gestion de leur terroir. À ce sujet la réflexion de Philippe Lavigne
Delville est assez claire. Il estime, concernant les pays africains francophones que pour « l’es-
sentiel, les États indépendants ont conservé les législations coloniales, parfois intégralement ou
presque, parfois avec des modifications substantielles dans le sens d’un renforcement du pouvoir
de l’État » 140.
163 C’est à juste titre que, dans le cadre d’une campagne pour rendre le droit à la terre rurale plus
juste sous un vocable pertinent «ma terre mon droit » en République gabonaise, à l’occasion
de la journée communautaire de la justice sociale tenue le 23 février 2013, les organisateurs
ont évoqué, dans la note d’information que les lois relatives à la propriété foncière en Afrique
n’ont presque pas changé depuis 1899. En e�et, toutes les lois adoptées après les indépen-
dances des États africains, se contentent de reformuler les lois coloniales. Ainsi, au Gabon
comme partout en Afrique, les lois coloniales de 1899 ont dépossédé les autochtones de leurs
terres. Dès lors que, pour être reconnu propriétaire légal d’une terre, toute personne doit pos-
séder obligatoirement un titre foncier. Malheureusement, le constat d’un échec retentissant
138 Traoré (O.) – Mali : une justice à deux vitesses et à trois conducteurs, url : http://base.afrique-gouvernance.net/docs/mali_une_justice_fonci_re_inappropri_e.pdf..139 C’est l’article 537 du code civil du 15 novembre 1830 qui dispose ainsi.140 Delvigne (P. L.) – « La décentralisation administrative face à la question foncière en Afrique de l’Ouestfrancophone rurale », in : Working papers on Africa societies 39 (1999), p. 2.
62 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le droit foncier moderne : un droit importé et imposé • Section 1
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est observable un peu partout en Afrique 141. Les raisons d’un tel résultat pourraient bien se
retrouver dans la mise en place d’une base juridique foncière contestable : la domanialité. Le
professeur Samba Traoré en conclut que : « l’introduction du domaine en AOF, avec les di�icul-
tés que l’on sait, ainsi que les péripéties de la réforme foncière tentée par le législateur colonial
de 1900 à 1955, n’ont pas influé de façon notable sur les coutumes et pratiques foncières » 142.
B - Les motivations à la base d’une importation d’un modèle juri-
dique
164Le capitaine Vallier écrivait au sujet de l’Afrique en 1900 : « Nous ne trouvons ici qu’anarchie
et mauvaise volonté, en un mot une société dans l’enfance, sans aucune organisation, véritable
poussière d’hommes, échappant à notre contact et paralysant par inertie nos e�orts les plus gé-
néreux. » 143 Ce prétendu e�ort de générosité pour justifier son organisation dans les colonies
est balayé plusieurs auteurs qui lient ce�e volonté aux intérêts du colonisateur. En réalité, la
conquête coloniale en Afrique est inséparable de l’exploitation des ressources naturelles par
l’appropriation des terres fertiles. Pour les colons, les terres et les ressources sont largement
disponibles chez les « indigènes » et insu�isamment mis en valeur.
165De ce�e logique, il fallait entreprendre une politique qualifiée de « désacralisation-appropriation-
exploitation » qui s’est concrétisée par de nombreuses initiatives en matière foncière. Selon
Moustapha Diop, la « création de la foire de l’agriculture dès 1901 et du premier régime foncier
en Afrique Occidentale Française de la même année montraient bien l’importance et la priorité
de l’agriculture pour la politique coloniale en Afrique » 144. Dans ce cadre, Claude Rivière a été
plus acerbe en critiquant la politique coloniale. Il a�irmait que : « l’Européen est le premier
gagnant du mode de spoliation qu’il a inventé » 145. C’est dire donc que, pour l’administra-
tion coloniale, la terre est un facteur déterminant et incontournable du développement de
l’économie marchande ou du marché.
166Pour y accéder, il faudrait sauter les verrous que constituaient les droits coutumiers consi-
dérés « comme obstacle à la mise en valeur des terres » 146 par une volonté d’extinction de
141 Plus de cinquante ans après l’indépendance des pays africains les études sur le cadre légal de gestion révèleun faible taux de délivrance des titres fonciers. Une étude commanditée par MCA Bénin dans le cadre du « ProjetAccès au foncier » en 2009 révèle que seulement un pour cent des terres était immatriculé au livre foncier. À cesujet déjà Joseph Comby, dans une étude �nancée par la Banque mondiale sur le Bénin écrit que le nombre detitres fonciers reste faible. Seulement 1980 avaient été délivrés entre 1906 et 1967 dans tout le Bénin. Globalement,il estime à moins de 10 000 titres pour l’ensemble du Bénin à ce jour. Ce qui correspond environ à 4% du nombrede ménages, dans l’ensemble de l’agglomération de Cotonou, et à beaucoup moins de 1% dans le reste du pays.142 Traoré (S.) – « L’indigène entre les palabres et la maison de justice : Des raisons d’un engouement pourla justice indigène », in : Le juge et l’outre-mer les dents du dragon, sous la dir. de Durand (B.), Fabre (M.) etBadji (M.), Lille : Centre d’histoire judiciaire, 2010, p. 4.143 Diandué (B. K. P.) – Topolectes 2, Paris : Éditions Publibook, 2013, p. 97.144 Diop (M.), Réformes foncières et gestion des ressources naturelles en Guinée, op. cit., p. 97.145 Rivière (C.) – Mutations sociales en Guinée, Paris : Rivière, 1971, 418 p.146 Diop (M.), Réformes foncières et gestion des ressources naturelles en Guinée, op. cit., p. 93.
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ceux-ci. C’est dans ce�e vision que l’administration coloniale devenait au moyen des textes
juridiques, la seule autorité pouvant garantir les droits de propriété foncière à travers une
centralisation de la gestion des terres. C’est ainsi que l’État colonial, « détenteur du mono-
pole réformateur », selon l’expression chère à Étienne Le Roy, va amorcer par « ses propres
choix des représentations des rapports fonciers, organiser la société par ses institutions et impo-
ser plus ou moins réellement, le respect des nouvelles règles du jeu par ses administrations » 147.
Ce�e démarche du colonisateur se fonde sur la fiction d’une unité territoriale qui autorise
et suppose la reproduction du droit de la métropole. Les péripéties de la réforme foncière
tentée par le législateur colonial de 1900 à 1955, n’ont visé que l’homologation de la volonté
juridique de l’occident et l’idéologie de la négation des peuples africains ainsi que de leurs
civilisations.
167 En e�et, le droit foncier dit moderne a été introduit en Afrique occidentale française (AOF)
en 1896 avant d’être confirmé cinq ans après par l’article 17 du décret du 6 août 1901 qui a
instauré la cohabitation juridique entre les coutumes traditionnelles et les nouvelles règles.
Déjà les décrets de 1900 introduits en AOF ont fixé les régimes de l’immatriculation, des
domaines et de l’expropriation pour cause d’utilité publique. C’est donc à partir de ces textes
embryonnaires que verront le jour trois régimes fonciers.
168 D’abord, il s’agissait du régime de la propriété privée qui fût fixé en AOF par le décret du 24
juillet 1906 complété et modifié par le décret du 26 juillet 1932 encore resté la base juridique
du régime d’immatriculation pour nombre d’États africains excepté le Bénin et le Sénégal.
Ensuite le régime domanial organisé par le décret du 20 juillet 1900 en AOF, complété en 1904
pour y introduire le domaine privé. Ce dispositif sera stabilisé par les décrets du 29 septembre
1928 portant réglementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique, du 26 no-
vembre 1930 portant régime de l’expropriation pour cause d’utilité publique et l’occupation
temporaire, puis par le décret de 1935 portant régime du domaine.
169 Enfin, le régime de la constatation des droits coutumiers régi par le décret du 2 mai 1906 qui
autorise un mode de constatation écrit des conventions entre indigènes. C’est avec le décret
du 8 octobre 1925 qu’est organisée la constatation des droits fonciers individuels, sans succès,
et il avait fallu le décret du 20 mai 1955 pour voir autoriser la reconnaissance des droits
fonciers collectifs 148. Dans leur ensemble, ces textes ne sont que le reflet d’une civilisation
donnée et n’en constituent que les éléments d’un modèle économique.
147 Diop (M.), Réformes foncières et gestion des ressources naturelles en Guinée, op. cit., p. 93.148 Pour une étude détaillée des textes fonciers d’origine coloniale, voir : Le Roy (É.), « Les objectifs de lacolonisation française ou belge », op. cit.
64 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le droit foncier moderne : un droit importé et imposé • Section 1
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Paragraphe 2 L’imposition d’un modèle économique
170L’implantation de la colonisation agraire en Afrique ne s’est point faite de manière hasar-
deuse. À suivre l’a�irmation d’Alexis de Tocqueville qui a estimé, au sujet de la prospérité
économique de la France, que de la manière de traiter les indigènes, dépend surtout l’avenir
de la domination en France, on en déduira donc que le modèle économique promu dans les
pays colonisés est fonction de l’intérêt recherché par la puissance colonisatrice. Dès lors il
paraît logique que l’intégration de l’Afrique francophone dans l’empire colonial français, in-
vesti dès 1906, et qui n’a été entièrement occupé qu’en 1937, a entraîné successivement dans
chacun des pays concernés un processus de basculement économique : le libéralisme écono-
mique (A) et culturel par l’institutionnalisation de l’immatriculation foncière (B) conformé-
ment aux intérêts de la France.
A - Le libéralisme économique, un modèle transféré
171L’histoire coloniale en Afrique est caractérisée par la mise en place d’un corpus de théories,
reposant sur la priorité aux investissements rentables, l’accumulation du capital et sur l’obli-
gation de mise en valeur. Ce�e conception fondée sur le modèle économique libéral, encore
di�icile à assimiler par les sociétés africaines depuis lors jusqu’à nos jours, continue pour-
tant d’irriguer nos réformes avec l’idéologie de la propriété (en général) et de la propriété
foncière (en particulier). Pour l’État colonial, la propriété coutumière, au regard de l’adminis-
tration, se caractérise donc par un caractère inaliénable d’une part et collectif d’autre part.
En cela, elle s’accorde mal avec les exigences d’une économie moderne qui suppose un libre
échange des terres et un droit individuel sécurisé sur la terre. Ce�e conception figée du droit
coutumier peut facilement faire jouer aux autochtones le rôle d’agriculteurs réfractaires à la
circulation des terres.
172En e�et, abordant la question du transfert des modèles dans les pays pauvres, Christian
Bouquet demande si la mondialisation n’est pas le stade suprême de la colonisation 149. Ce�e
manière de lire les e�ets retentissants de la colonisation en matière économique dans les
pays colonisés prouve que la trajectoire suivie par la vision d’imposition du libéralisme éco-
nomique au-delà des frontières de l’Occident se poursuit en se renforçant. C’est à juste titre
que parlant du terrain postcolonial comme champ d’application des pensées occidentales,
Christian Bouquet a�irme que le vaste mouvement de décolonisation, initié au lendemain
de la Seconde guerre mondiale, a sinon redessiné du moins recoloré la carte duMonde, trans-
formant les pays colonisés en pays politiquement indépendants sans pour autant les sortir
149 Bouqet (C.) – « La mondialisation est-elle le stade suprême de la colonisation? », in : Les Cahiers d’Outre-Mer 238 (avr.–juin 2007), url : /index%202363.
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de la dépendance économique ni de la pauvreté 150. Jean-Pierre Magnant dira que, pour les
« développeurs », il est évident qu’il n’y aura pas de solution à la crise de l’économie africaine
si l’on ne transforme pas des sociétés qui s’avèrent inadaptées à la concurrence exacerbée du
marché mondial 151. Selon ce dernier, on ne peut pas comprendre les systèmes juridiques si
l’on n’a pas en tête le fait que les individus ne sont conçus que comme éléments de groupes
sociaux imbriqués les uns dans les autres et que les sociétés africaines sont constituées sur
la base d’alliances qui déterminent des rapports de complémentarité et d’hiérarchie entre
les groupes et entre les individus, rapports qui déterminent les statuts sociaux 152 selon la
définition de Verdier 153.
173 Magnant poursuit en relevant que la réciprocité entre les droits et les devoirs qui déterminent
le statut d’une personne ainsi que la hiérarchie des statuts sont les deux éléments fondamen-
taux qui perme�ent de comprendre les droits individuels de chaque homme non pas comme
des droits absolus sur les choses, mais comme des droits par rapport aux autres membres du
groupe. «C’est là que nous semble être la grande di�érence entre, d’une part les droits européens
contemporains, tels qu’ils s’imposent peu à peu aux sociétés rurales africaines, et d’autre part
les droits traditionnels d’Afrique noire » dira-t-il pour relever en conclusion la di�iculté pour
la pensée européenne, façonnée par la philosophie de l’individualisme libéral du XIXe siècle,
à saisir la subtilité et les nuances de la pensée communautaire de l’Afrique précoloniale.
174 Analysant à son tour l’équilibre instable entre modernité et tradition par rapport aux sys-
tèmes fonciers des pays francophones au Sud du Sahara, Bernard Puepi 154 écrit qu’au nom
du droit de conquête, puis de l’intérêt général, la France impose dans toutes ses colonies et
pays assimilés, des régimes juridiques en cascade faisant fi des pratiques locales en vigueur
dans ces pays. Dans tous ces pays sous contrôle, le régime domanial intègre dans le domaine
privé de l’État, les terres dites « vacantes et sans maître » qui peuvent être a�ectées pour
150 Bouqet (C.), « La mondialisation est-elle le stade suprême de la colonisation? », op. cit., p. 189.151 Magnant (J.-P.), « Les normes foncières traditionnelles en Afrique noire », op. cit.152 « Les ordres juridiques sont essentiellement des ordres communautaires tissant entre les membres des groupesdes relations d’interdépendance et de solidarité. L’individu est lié au groupe et le groupe ses membres par un rapportdialectique qui s’oppose tant à une conception individualiste qu’à une conception collectiviste du droit, il n’y a pas,d’un côté, l’individu séparé, pris dans sa singularité, et de l’autre le groupe en tant qu’entité supérieure distinctede ses membres : chaque individu, en tant qu’il fait partie du groupe, participe à son ordre juridique. Ainsi, ausein de chaque ordre juridique, les individus sont appelés à exercer, compte tenu de leur sexe, de leur âge, de leursaptitudes physiques, morales, intellectuelles, di�érentes fonctions ; ils assument un statut propre, c’est-à-dire unensemble de droits et de devoirs réciproques au sein du groupe. Cette relation de réciprocité est essentielle car ellefonde juridiquement l’interdépendance et la solidarité des membres du groupe ; on en donnera quelques exemples :Qui reçoit un champ à cultiver sur l’espace familial foncier est tenu de le mettre en valeur ; le droit qu’il a de cultiverva de pair avec l’obligation de participer à l’entretien de ses proches. . . », Voir Béni (S. Y.) –Droit de l’environnementà l’épreuve des représentations culturelles africaines : une gestion à réinventer ?, mai 2000, url : http://www.dhdi.free.fr/recherches/environnement/articles/sitackdroitenv1.htm..153 Verdier (R.) – « Problématique des droits de l’homme dans les droits traditionnels d’Afrique noire », in :Droit et Cultures 5 (1993).154 Puepi (B.) – Systèmes fonciers des pays francophones au Sud du Sahara : équilibre instable entre modernité ettradition, url : http://www.fgf-geo.org/images/praha/ppt/Puepi.pps..
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des besoins publics ou au profit de personnes pour leur mise en valeur. En e�et, poursuit-il,
avant la colonisation par la France, dans la plupart des pays francophones d’Afrique au Sud
du Sahara, les terres appartenaient à la communauté entière et étaient administrées par le
monarque traditionnel suivant les us et coutumes de chaque communauté. Mais par la suite,
on note une introduction par l’administration coloniale, de l’application des principes du
code civil ne reconnaissant aux « indigènes » qu’un droit de jouissance sur les terres qu’ils
occupent. Ainsi, seuls les colons avaient la possibilité de consolider leurs droits sur les terres
qu’ils exploitent par la procédure de l’immatriculation consacrée par le décret du 24 juillet
1906.
B - L’immatriculation foncière, une institution de privatisation des
terres
175La présentation du droit de propriété comme un droit naturel dans l’analyse économique
amène à une interrogation fondamentale sur le déploiement de tant d’ingéniosité de la part
de la puissance coloniale pour créer une propriété dont le fondement se trouve être l’imma-
triculation à partir de Torrens act de 1858 :
Considérée comme un préalable du développement économique et social, l’im-matriculation foncière est présentée comme moyen par excellence de garantir lasécurité de la propriété foncière. À la base de ce�e idée, il y a un postulat : lagestion des ressources naturelles s’opérerait de manière infiniment plus e�icacesi ces dernières, au lieu de n’appartenir à personne, appartenaient à quelqu’un,un propriétaire privé auquel incomberait la charge d’en prendre soin 155.
176Ce�e perception est bien soutenue par nombre d’auteurs parmi lesquels figure en bonne
place Garre� Hardin 156 qui dans son ouvrage intitulé « La Tragédie des Communs » défend
l’idée selon laquelle ce qui appartient à tout le monde est considéré comme n’appartenant
à personne, ce qui conduirait de facto à l’ine�icacité dans la gestion du bien. Ce�e pensée
maintes fois critiquée, est venue renforcer l’administration coloniale dans sa philosophie de
gestion foncière en Afrique.
177Cela amène à se demander si les terres n’avaient aucune sécurité avant la période coloniale
et à comprendre l’intention du colon d’imposer sa philosophie de l’individualisme libéral au
risque de bouleverser les droits coutumiers existants. Plusieurs textes de lois épauleront ce�e
intention.
178D’abord, le décret du 24 juillet 1906 qui consacre l’immatriculation en transformant les droits
coutumiers en titres fonciers dans les colonies françaises au profit des seuls colons par la pro-
cédure d’enregistrement appelée immatriculation, imitant en cela, le Torrens bill Act, mode
155 Méda (D.) – La mystique de la croissance, Paris : Flammarion, 2013, p. 163.156 Hardin (G.) – « LThe Tragedy of the Commons », in : Science vol. 162.3859 (1968), p. 163.
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d’enregistrement des terres des colonies britanniques en Australie. Ensuite, le décret du 08 oc-
tobre 1925 qui apporte une évolution en donnant la possibilité aux indigènes de faire consta-
ter leurs droits coutumiers auprès de l’administration coloniale puis un autre, celui de 1932
qui fixe le régime de constatation des droits fonciers des indigènes en tenant compte des
règles coutumières. Enfin, le décret du 12 janvier 1938 qui organise les terres domaniales :
toutes les terres vacantes et sans maître sont déclarées appartenir à l’État, à l’exception de
celles qui ne font pas l’objet d’un titre, soit en régime d’immatriculation, soit en celui de
constatation.
179 Si l’accession à l’indépendance des pays francophones au Sud du Sahara a permis une re-
connaissance de plus en plus prononcée des droits des autochtones sur leurs terres, l’on
n’est pas retourné pour autant à l’idée d’une détention ou une gestion collective des terres.
Cela justifie l’inadéquation entre le système foncier de ces pays et les objectifs politiques
économiques et sociaux qu’ils poursuivent et les reformes entreprises dans plusieurs États à
l’exemple du Tchad, du Sénégal et du Bénin, dans l’objectif de faire de la terre un instrument
de développement d’une part et un élément de cohésion sociale d’autre part.
180 Pour se pencher sur l’exemple du Bénin qui, à l’instar des autres ex-colonies françaises, a
hérité d’un régime foncier issu du décret français de 1932, remplacé par la loi de 1965 qui
réhabilite les droits des nationaux, plusieurs expériences ont été mises en œuvre et ont tenté
avec ou sans succès d’apporter une amélioration à la situation de discrimination vécue à
l’époque coloniale. On évoquera la communisation radicale des terres 157 puis les di�érentes
réformes foncières 158 dont la plus récente a permis le vote de la loi 2013-01 du 14 janvier
2013 portant code foncier domanial en République du Bénin. Ce�e loi vise à fournir un cadre
juridique prenant en compte les réalités locales pour régler les questions foncières en se
basant sur le droit positif et le droit coutumier. Elle définit le régime foncier en vigueur au
Bénin comme celui de la confirmation des droits fonciers qui débouche sur la délivrance d’un
certificat de propriété foncière qui confère la pleine propriété.
181 Bien qu’organisant la reconnaissance juridique e�ective des droits fonciers locaux ou coutu-
miers légitimes des populations, incluant les collectivités morales de droit privé, l’individuali-
157 Le régime révolutionnaire de 1972 sous le Président Kérékou proclame l’appartenance de toutes les terres àl’État qui crée des propriétés foncières collectives et des coopératives agricoles. Mais cette tentative de collectivi-sation des terres et des coopératives n’a connu aucun succès à cause de la résistance des pratiques traditionnellesde gestion de terre basées sur le lignage.158 Création en 1999 du Comité National d’experts et le comité interministériel pour rédiger la loi sur la dé-centralisation, qui reconnaît aux collectivités locales le droit de posséder des terres domaniales. Consultationélargie aux organisations de la société civile, aux agriculteurs et aux éleveurs en 2005 et ayant permis l’adoptionle 16 Mars 2005 du projet de loi portant régime foncier rural par le conseil des ministres et plus tard sur la loi2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bénin et ses décrets d’application.
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sation de la tenure foncière, principe consacré par la loi fondamentale 159, semble irréversible.
182À l’instar du Bénin, la plupart des États africains francophones ont emprunté la même voie.
C’est ainsi, qu’une fois indépendante, la Côte d’Ivoire a donc choisi de revenir à une concep-
tion rigide du régime d’immatriculation. Selon le législateur ivoirien, l’État est le seul dispen-
sateur de la propriété complète. La seule raison avancée était que le régime d’immatricula-
tion foncière permet à l’État, de par l’accélération du marché, la mise en valeur des terres,
des ressources naturelles dans l’intérêt du développement national 160. Mais ce�e promesse
reste quasiment non tenue pour de simples raisons : les di�icultés d’adaptation du système
du droit moderne aux réalités endogènes 161.
S e c t i o n 2
LES DIFFICULTÉS D’ADAPTATION AUX RÉALITÉS ENDOGÈNES
183L’accession à l’indépendance des États d’Afrique francophone n’a pas radicalement changé
la donne en matière de législation foncière rurale : les textes adoptés par les législateurs
nationaux ont continué d’être le reflet d’une « exogénéité » et ne parviennent pas à adopter
un profil spécifique au pays ou adapté aux réalités concernées. Ainsi, le droit posé en matière
foncière procède « trop souvent encore d’une logique occidentale pour des sociétés qui ne le
sont pas » 162. De ce fait, il s’observe une survivance à l’allure d’une concurrence aux droits
formels (paragraphe 1), toutes choses qui rendent ine�ectifs les textes juridiques en vigueur
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 La survivance et la concurrence aux droits formels
184Selon Rosnert Ludovic Alissoutin, le principal malaise du droit en Afrique vient du fait « que
le législateur s’est plusieurs fois contenté de transposer dans l’ordre interne, les réglementations
en cours dans l’ancienne puissance coloniale » 163. Ce�e manière de faire du plagiat n’a pas
permis que les dispositions nées de la transposition aient une emprise sur les réalités locales
159 Conformément à l’article 22 de la Constitution du 11 Décembre 1990 : « Toute personne a droit à la propriété.Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement. »Cette disposition de la Constitution pose le principe de l’intangibilité du droit de propriété privée.160 Il convient de reconnaître que, de nombreuses études ont abouti à une conclusion : le niveau de sécuritéfoncière se trouve très élevé avec le système d’immatriculation et que celle-ci est un facteur d’augmentation dela productivité, car il incite à l’investissement à base foncière, à l’utilisation de la terre comme actif monnayable.161 L’expérience a montré que les e�orts de titrage des terres n’ont pu donner des résultats encourageants.Partout en Afrique, la plupart des propriétaires fonciers ont recouru en lieu et place du titre foncier à des modesinformels de transaction foncière.162 Barrière (O.) et Rochegude (A.), Foncier et Environnement en Afrique : des acteurs au(x) droit(s), op. cit.,p. 24.163 Alissoutin (R. L.), « La gestion de l’eau en milieu aride », op. cit., p. 39.
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éparses et di�érentes. L’analyse de ce�e situation révèle l’existence en milieu rural d’une
résistance des us et coutumes locales (A) malgré l’entrée en vigueur des dispositions du droit
moderne, ce qui crée un environnement favorable à l’e�ectivité d’un conflit des normes (B).
A - Les résistances des coutumes locales ou le conservatisme rural
185 Les modèles fonciers comme construction socioculturelle sont nés de processus historiques
complexes. Avant la colonisation de l’Afrique, les règles coutumières formaient un ensemble
juridique important adapté à l’organisation sociale. Au sujet du droit coutumier en milieu
rural, Geneviève Bédoucha avertit déjà que « dans l’expression tenace de ses coutumiers, sous
des modes extrêmement variés, le rural a quelque chose d’irréductible » 164. Apparemment, ce�e
chose tient au conservatisme rural dont les manifestations se font voir à travers les résis-
tances des coutumes locales face au droit posé par l’État d’inspiration coloniale en matière
foncière. En e�et, sur les questions touchant à leur mode de vie comme la gestion du foncier,
les populations rurales se sont bien souvent « barricadées » derrière leurs traditions pour
résister contre l’assimilation culturelle. Ce�e résistance locale est due essentiellement au
conservatisme rural qui se manifeste par le poids de l’histoire. En e�et, le conservatisme
rural traduit le refus d’abandonner, au profit des modes de vie dits modernes et d’inspira-
tion étrangère ou urbaine, des pratiques traditionnelles qui se sont cristallisées au fil des
générations.
186 Elles se manifestent par la tentative de contourner les dispositions juridiques en vigueur.
Ce comportement se justifie en ce que toute intervention de l’État apparaît au regard des
populations comme source de perturbation sociale. Alissoutin a�irme que : « L’intervention
de l’État, lorsqu’elle n’est pas sollicitée, crée aux yeux des populations des distorsions sociales
en ce sens qu’elle déstabilise les équilibres sociaux traditionnels. Elle a notamment introduit
l’individualisme dans un univers reposant sur la solidarité du groupe » 165.
187 En matière foncière comme en matière d’utilisation des ressources naturelles en général, les
réglementations étatiques exigent des règles spécifiques pour leur accès à tout individu alors
que les droits traditionnels organisent un accès collectif et solidaire.
188 Dans ce�e posture de rejet des règles de l’État, l’autorité administrative se garde souvent
de bouleverser les modes traditionnels de tenure foncière pour éviter l’hostilité des popula-
tions. Ainsi, l’a�itude adoptée est la même : tant que l’illégalité ne génère pas de conflits, on
garde silence. Abordant la question relative à ce�e résistance au Burkina Faso, Pierre-Joseph
Laurent fait observer que :
164 Bédoucha (G.) – « L’irréductible rural », in : Études rurales (2000), p. 15.165 Alissoutin (R. L.), « La gestion de l’eau en milieu aride », op. cit., p. 46.
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Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes • Section 2
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Le développement local repose sur unmécanisme particulier qu’il convient claire-ment d’identifier. Tout d’abord, il est utile de comprendre que pour les villageois,le développement représente un mécanisme novateur. Dit autrement, ce�e no-tion par ailleurs polysémique, a�ire au village une série de pratiques qui finissentpar entraîner des perturbations dans les équilibres traditionnels. Les premiersinitiateurs du développement au village prennent donc certains risques dans lamesure où ils se hasardent dans l’invention de nouvelles manières d’être. Cesrisques sont ceux de déclencher des jalousies et des haines qui peuvent se tra-duire par une recrudescence d’a�aques de sorcellerie de la part de ceux qui nesont pas les promoteurs du développement, mais plutôt les ténors des pouvoirsgérontocraties 166.
189La peur d’être une victime des convictions de développement au village continue de justifier
en Afrique ce�e quasi-prééminence des pratiques traditionnelles sur les lois impératives en
matière foncière à l’intérieur des États. Ce�e position de quasi-domination des règles coutu-
mières sur le droit positif tient en réalité au fait que nous sommes en présence des sociétés
communautaires. Ces sociétés éprouvent de réelles di�icultés à édifier une nation unique.
B - L’effectivité d’un conflit des normes
190À l’origine des conflits fonciers en Afrique se trouvent en premier l’insécurité normative. En
e�et, l’un des facteurs juridiques d’insécurité en matière foncière rurale en Afrique tient
à l’ambiguïté du régime juridique applicable aux terres rurales. Elle est le fruit des contra-
dictions souvent enregistrées entre le droit coutumier et le droit écrit. En e�et, abordant la
question de la persistance des conflits fonciers en milieu rural en Afrique, une étude com-
manditée par l’organisation non gouvernementale Aide et action pour la paix et le centre de
droit de l’environnement et des ressources naturelles en République démocratique du Congo
avec l’appui de International Land Coalition, il y ressort que la plupart des conflits fonciers
ruraux sont « une résultante de l’ignorance ou de la résistance des populations rurales premières
occupantes des terres face à un système juridique étranger, celui du droit écrit qui se substitue à
l’ordre normatif traditionnel en matière foncière » 167.
191Dans ce�e logique d’e�ectif conflit entre deux normes, c’est la confrontation avérée de deux
cultures. Ainsi, le conflit des cultures généré par la colonisation du continent africain qui
provoqua une rencontre brusque entre deux organisations sociales quasi opposées, celle tra-
ditionnelle africaine et celle occidentale. Ce conflit a survécu et s’est poursuivi même après
les indépendances des États africains. Ce�e survivance du syncrétisme du droit africain conti-
nue d’a�ecter la plupart des institutions sociales parmi lesquels figure en bonne place le ré-
166 Laurent (P.-J.) – Les pouvoirs politiques locaux et la décentralisation au Burkina Faso, Louvain-la-neuve/Paris : Académia-L’Harmattan, 1995, 170 p.167 Paluku Mastaki (C.) et Kibambi (V.) – « L’implication des communautés locales dans la production dudroit et la résolution des con�its fonciers en milieu rural : cas du territoire de Masisi et de Rutshuru en RDC »,in : Étude juridique 2 (2008).
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gime juridique foncier. C’est tout à fait normal que du concubinage culturel de deux ordres
normatifs aux logiques internes aussi divergents ne peut que déboucher sur une opposition
des membres d’une même communauté qui ne se réclamerait pas forcement d’un régime
unique lors de la survenance d’un litige fondé sur une opposition d’intérêt.
192 Le fait est justifié selon Hubert Ouédraogo qui trouve malheureux « que la coutume qui s’est
bien révélée être une seconde nature pour les sujets africains du monde rural, puisque l’approche
de la domanialisation foncière n’a pas connu plus de succès que celle de l’immatriculation, les
droits fonciers coutumiers ayant survécu en marge de la légalité foncière, gouvernant de fait les
rapports fonciers locaux et influant même puissamment sur les pratiques administratives » 168.
193 Ce�e apparente victoire du droit coutumier sur le droit moderne est basée sur une opposition
de logique bien expliquée par le professeur Samba Traoré. En rappelant à travers une sagesse
africaine qui dit : « il vaut mieux avaler une aiguille dans le secret de sa case, librement, plutôt
que d’être contraint à avaler un tronc d’arbre sur la place publique », il tire l’a�ention sur la
moralité de ce�e sagesse qui estime qu’il vaut mieux accepter les solutions endogènes de
gestion des conflits fonciers, plus douces, plus sociales, plutôt que d’être obligé de subir les
rigueurs de la loi, plus sévères et plus humiliantes. De là surgit toute l’opposition de visions
entre les pratiques locales et le droit de l’État en matière foncière 169.
194 De ce�e confrontation, il est tentant de croire que tout en ne niant pas la légalité, tout en
ne défiant pas le droit posé, le droit coutumier parvient plutôt à s’en prévaloir en la domes-
tiquant. Ce�e stratégie de recherche de solution par le jeu des acteurs, des moyens et méca-
nismes endogènes est selon, le professeur Samba Traoré, ce que Gerti Hesseling a appelé le
foncier à l’ombre du droit, à Soucoupapaye (Ziguinchor) 170. Si le droit de l’État ne reconnaît
qu’accessoirement la coutume dans ses dispositifs normatifs, il lui fait une très large place
dans ses stratégies de mise en œuvre : la pensée coutumière, niée ou condamnée dans les
textes, est reconnue et appliquée dans les pratiques parce qu’elle ne constitue pas un corps
de règles concurrent mais un mode de penser la reproduction des groupes locaux.
195 Inversement, des hommes de coutume, se sont saisi des opportunités qu’o�rait le nouveau
discours de l’État pour l’apprivoiser à la manière du « petit prince » de Saint-Exupéry devant
apprendre à domestiquer le renard. Ainsi, dérogeant au principe juridiquement consacré
selon lequel enmatière de droit, lorsqu’il y a conflit entre la loi impérative et la coutume, c’est
la loi impérative qui l’emporte, ce que la li�érature présentait au début des années soixante
comme « les résistances traditionnelles au droit moderne », puis comme une acculturation
168 Ouédraogo (H.) – Étude comparative de la mise en oeuvre des plans fonciers ruraux en Afrique de l’Ouest :Bénin, Burkina Faso et Côte d’Ivoire, étude juridique no 42, FAO, 2005, p. 6.169 Traoré (S.) – « Le con�it foncier à l’ombre du droit », in : Gerti Hesseling : À l’ombre du droit, sous la dir. deAïdara (M. M.), Paris : L’Harmattan, 2013, p. 85.170 Ibid.
72 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes • Section 2
PartieI.T
itre1
juridique forcée se révèle maintenant autrement plus complexe par les prétentions de la
coutume.
Paragraphe 2 L’ineffectivité des textes juridiques en vigueur
196Rien n’est plus au cœur de la relation entre droit et société que la question de l’e�ectivité 171.
Celle-ci peut être définie comme le « degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles
énoncées par le droit ». Selon Jean Carbonnier « la notion d’e�ectivité, n’est pas toujours défi-
nie avec une grande précision » 172. Einsenman, traducteur de Kelsen, utilise sans distinction
e�ectivité et e�icacité. Le concept d’e�ectivité du droit, présent aussi bien dans les travaux
de Emmanuel Kant que de Max Weber, est largement utilisé en sociologie juridique 173. Il ne
désigne pas un état particulier du système du droit, mais la question même de la sépara-
tion droit/société. Autour de ce concept, gravite toute une série de notions désignant ce�e
fois une situation particulière de la coupure : lacune, ine�ectivité, e�icacité renvoient à des
« états » du système, et donc à autant de niveaux d’observation de la réalisation du droit. On
le trouve employé aussi bien par les philosophes du droit que par les juristes positivistes, les
sociologues juristes, voire les juristes critiques du droit. C’est ainsi que René Sabatier a�irme
qu’« une norme sociale même rendue obligatoire par un texte juridique, ne s’appliquera que si
elle est sociologiquement praticable. La justice que poursuivent les règles de droit à partir d’un
système de valeurs doit toujours être accompagnée d’une étude de praticabilité sociologique » 174.
197En matière foncière, la question des gre�es juridiques en Afrique se trouve confrontée au
problème d’application dû en partie à une inadéquation socioculturelle (A) et une pluralité
acceptée de souverainetés suscitant un conflit de souveraineté (B).
A - Une inadéquation socioculturelle
198Ce�e inadéquation s’observe à travers une méconnaissance des textes régissant le foncier et
une transposition factice du droit occidental.
171 Commaille (J.) – « E�ectivité », in : Dictionnaire de la culture juridique, sous la dir. de Allan (D.) et Rials(S.), Paris : PUF, 2003, p. 583.172 Carbonnier (J.) – « E�ectivité et ine�ectivité de la règle de droit », in : L’année sociologique LVII (1958),p. 3–17.173 Lascoumes (P.) et Severin (E.) – « Théories et pratiques de l’e�ectivité du droit », in : Droit et société 2(1986), p. 128.174 Sabatier (R.) – « Les creux du droit positif au rythme des métamorphoses d’une civilisation », in : Leproblème des lacunes en droit, Bruxelles : Bruylant, 1986, p. 534.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 73
Chapitre 2 • Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité
PartieI.T
itre
1
1 La méconnaissance des textes régissant le foncier
199 Dans une remarquable étude e�ectuée, dans le cadre du processus de réforme foncière initiée
par le gouvernement du Bénin avec l’appui du gouvernement américain, il est à lire, au sujet
de l’application des droits fonciers :
Le droit coutumier existait comme un second corps des lois (en plus du droit écrit)pour les citoyens des pays de l’Afrique sub-saharienne. C’est lui qui est le plusutilisé en zones rurales, mais il concerne aussi les citadins parce qu’établissant lesrègles enmatière d’héritage et autres. En Afrique sub-saharienne contemporaine,il est estimé que 90% des terres sont sous statut coutumier et seulement 10%relèvent de titres formalisés. 175
Ce�e observation pose le problème d’envergure de l’application des règles traditionnelles
en matière foncière en Afrique en générale et dans l’espace UEMOA en particulier. C’est
en réalité une des limites de la coexistence entre les règles modernes et celles d’origines
coutumières qui est bien connue de la jurisprudence en Afrique. Ce�e forte présence des
droits coutumiers se fait au détriment des textes juridiques en vigueur. Ce�e ine�ectivité de
la règle du droit foncier moderne est liée à une méconnaissance quasi générale des textes
régissant le foncier par les populations d’une part et au mimétisme caractérisant les droits
fonciers nationaux d’autre part. Cet état du droit positif en Afrique peut être lié à l’essence
des populations qui, de par leur histoire, sont des sociétés communautaires.
200 Les dispositions juridiques sont peu connues en milieu rural et par conséquent peu appli-
quées. Les raisons de ce�e faiblesse tiennent aux faibles moyens de communication et donc
à l’enclavement des terroirs villageois mais aussi à l’analphabétisme. D’une manière géné-
rale, les administrations en Afrique, consacrent très peu d’e�orts à la vulgarisation et au
contrôle de l’application des lois et règlements sur les ressources naturelles dont le foncier.
201 À ce sujet, Rosnert Alissoutin pose une question assez pertinente. « Ne fallait-il pas doubler
l’activité de production des normes d’une œuvre permanente et concomitante d’information de
proximité et de formation des populations visées ? » 176 La réponse à ce�e interrogation paraît
nécessaire. Dans un projet de promotion des Droits humains et de consolidation d’une paix
durable en milieu rural en Côte d’Ivoire, le Club Union africaine 177, constate qu’en adoptant
la 8è législation de 1998 sur le foncier rural, le législateur cherche un moyen de pouvoir gérer
175 Procédure de mutation des titres de propriété et des méthodes d’enregistrement, MCA-Benin, 2009, p. 8.176 Alissoutin (R. L.) – La gestion des marres d’eau dans le département de podor, Londres : IIED, 1997, p. 5.177 Le Club Union Africaine est une ONG panafricaine qui oeuvre pour la consolidation de la démocratie, lesdroits de l’homme et la prévention, la gestion et la résolution des con�its. La création des Club UA associationen Afrique répond à la résolution CM/1352 du Conseil des ministres de l’OUA de juin 1991 à Abuja. Ayantdémarré ses activités en 2000 par l’organisation du 3ème forum panafricain des Associations et Clubs UA, leClub UA Côte d’Ivoire a béné�cié du soutien de l’ambassade du Canada en Côte d’Ivoire pour conduire le projetde renforcement des capacités des comités villageois pour la vulgarisation de la loi 1998 relative au domainefoncier rural.
74 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes • Section 2
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les conflits intercommunautaires. Cependant, la méconnaissance par les populations rurales
de ce�e loi foncière a contribué à rendre ine�icaces toutes les stratégies visant la prévention,
la gestion et la résolution des conflits qui naissent au sujet du foncier. En e�et, ayant adopté
la loi no 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural, ce texte n’a pas
bénéficié d’une large campagne de sensibilisation, d’information et d’explication à l’endroit
des populations.
202C’est pourquoi selon le Club union africaine Côte d’Ivoire a estimé que pour résoudre les
conflits liés au foncier, il faudra former, informer par la sensibilisation, les populations tant
en milieu rural qu’urbain. La réglementation de la gestion des ressources naturelles pour la
durabilité est une œuvre juridique qui exige que les destinataires soient préparés à défaut de
les y associer. Or dans les cas des pays africains, le droit o�iciel, par son support linguistique,
son style et son mode de vulgarisation n’est pas à la portée des populations rurales majo-
ritairement analphabètes. Celles-ci, perçoivent dans le droit posé, un domaine hermétique,
conçu de l’extérieur sans emprise sur le réel et donc faiblement articulé aux préoccupations
de l’heure. C’est pourquoi, en dépit de l’entrée en vigueur de plusieurs textes sur le foncier,
les populations rurales préfèrent se référer à leurs pratiques coutumières, faisant d’elles des
règles qui résistent à l’impérialisme juridique.
2 La transposition factice du droit occidental
203Les obstacles à la bonne application des législations en vigueur se trouve amplifiés dans le
contexte africain sont nombreux. Les textes importés et imposés à l’intérieur des États sont
di�iciles d’application et peinent à résister à la poussée des réalités culturelles africaines. La
propension très a�irmée des législateurs à puiser leur inspiration dans les modèles étrangers,
en l’occurrence l’arsenal juridique des anciennesmétropoles justifie par ailleurs les di�icultés
d’application évoquées 178.
204Le résultat bien logique du phénomène d’acculturation engendré par la domination colo-
niale est le mimétisme juridique dans lequel se trouvent les droits fonciers nationaux. Ce�e
tendance présente certains inconvénients 179. En e�et, si l’indépendance des États de l’UE-
MOA constitue une rupture sur le plan politique, plusieurs décennies après, la dépendance
économico-juridique demeure. Les valeurs occidentales continuent de servir de référence
aux États anciennement colonisés. Pour les pays d’Afrique francophone, la culture juridique
178 Certains États africains, mus sans doute par un sentiment de franchise, ne cherchent plus à la dissimuler ;ils reprennent tels quels les concepts juridiques importés, sans les débaptiser. Ce phénomène joue aussi bien surla forme des textes que sur leur contenu.179 Il n’est pas rare de rencontrer dans le droit foncier des États africains, des règlements de plans d’urbanisme,qui n’ont rien à envier en termes de précision, aux règlements des plans d’occupation des sols en France. Alorsque dans ces pays on s’e�orce de simpli�er certains modes d’aménagement (en zone rurale, par le biais descartes communales, il est surprenant de relever la tendance inverse, qui prévaut dans divers États africains. Ilconvient à cet e�et de modérer l’ambition de certaines règles.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 75
Chapitre 2 • Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité
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française comme les concepts clefs du droit français restent en ce domaine incontesté. Par
mimétisme, il se révèle une complicité entre la culture juridique française et les droits éta-
tiques en Afrique.
205 Ce mimétisme juridique est favorisé par « la multiplication des contacts internationaux faci-
lités par les progrès des communications et la di�usion des idées souvent présentées comme les
causes des phénomènes d’imitation se traduisant par une montée de l’individualisme » 180. En
droit foncier, par assimilation, ce�e matière se trouve éclatée entre le droit privé (droit des
biens) et le droit public (droit administratif). Ce�e distinction rend di�icile l’enseignement
du droit foncier africain coincé dans la promotion des notions comme l’usucapion, la pro-
priété du sol et ignore les vécus des populations puis d’autres notions importantes comme
le domaine national sénégalais et burkinabè, le domaine foncier rural ivoirien, le territoire
national béninois. Au-delà d’une simple distinction, le mimétisme juridique constitue un fac-
teur de complication administrative et un obstacle à l’e�ectivité des règles du droit posé en
Afrique.
206 En e�et, les législateurs africains, en puisant leur source d’inspiration dans les droits étran-
gers à leur environnement s’exposent aux inconvénients. D’abord, le mimétisme aboutit à la
privation des pouvoirs publics nationaux de la prise en compte de certaines traditions pour-
tant importantes pour le développement local. C’est ce que regre�e Michel Prouzet quand
il constate « une tendance a�irmée des législateurs africains d’expression française à s’inspi-
rer des règles en vigueur en France, en matière d’élaboration des documents d’urbanisme » au
lieu de tenir compte des réalités locales. En e�et explique-t-il que dans l’ancienne métropole
(France), les documents d’urbanisme posent les règles qui visent à développer la concertation
et la participation des habitants des communes aux choix d’urbanisme. Or est-il vraiment
nécessaire de légiférer à partir de ce modèle étranger, qui dit-il est d’ailleurs loin d’être par-
fait, alors que le sens communautaire africain est une réalité, dont on a bien tort de ne pas
tirer profit ? 181
207 Ensuite, il convient de faire cas d’un autre inconvénient. Il s’agit des conséquences du sys-
tème de l’immatriculation foncière. Convaincus des intérêts de ce montage juridique, les
États africains ont tenu à son transposition dans les ordres juridiques internes respectifs
après son imposition par le droit colonial. L’initiative était appréciée pour certains qui ont
loué ses vertus sur le développement économique. Mais hélas, ce système est loin de se révé-
ler comme meilleur outil de sécurisation pour les populations africaines.
208 À partir de ces quelques exemples, il n’est point besoin d’enmultiplier pour se convaincre des
180 Debene (M.) – « Un seul droit pour deux rêves », in : Revue internationale de droit comparé vol. 38.1 (jan.–mar. 1986), p. 77–94.181 Michel (P.) – « Mimétisme et droit de la plani�cation urbaine en Afrique noire », in : Le Bris (E.), Le Roy(É.) et Leimdorfer (F.), Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris : Orstom-Karthala, 1980, p. 325.
76 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes • Section 2
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« incidences souvent malheureuses du mimétisme administratif ». C’est d’ailleurs pour sortir de
ce syncrétisme inopérant que Hernando de Soto a lancé un défi majeur aux juristes africains
par cet appel : « où sont les juristes ? Pourquoi sont-ils si peu intéressés à la loi et à l’ordre
produit par leur propre peuple ? La vérité est que les juristes de ces pays sont en général trop
occupés par l’étude et l’adaptation du droit occidental. On leur a dit que les pratiques locales
n’étaient pas vraiment du droit mais un champ d’étude romantique qu’il valait mieux laisser aux
folkloristes. Pourtant, si les juristes veulent jouer un rôle en créant de bonnes lois, ils devront
sortir de leurs bibliothèques spécialisées pour découvrir le secteur extra-légal, seule source des
informations nécessaires pour bâtir un système juridique formel vraiment légitime » 182.
209Le mimétisme constitue de notre point de vue, une source de complication des règles et
d’ine�ectivité des droits positifs dans l’UEMOA 183. Il aboutit à priver les pouvoirs publics
nationaux de certaines sources traditionnelles qui pourraient pourtant se révéler très utiles
et d’un grand secours pour leur développement durable. Ainsi, facteur d’inadaptation des
droits nationaux, les nouveaux signes doivent tendre vers une législation de dépassement
du mimétisme pour aller dans le sens de l’authenticité sans pour autant rejeter les bonnes
pratiques venant de l’extérieur.
B - Le conflit de souverainetés
210L’espace foncier rural des États de l’Afrique francophone est souvent décrit comme l’expres-
sion d’un champ de conflit de souveraineté depuis que le droit écrit tente de s’y incruster.
Ce�e incursion relativement réussie ne va pas sans di�iculté. La principale demeure l’inca-
pacité à « asseoir l’État au village » 184 dans la plupart des États africains.
211Afin de mieux cerner ce qui est présenté ici, il importe de sortir du cadre conceptuel classique
d’unicité du droit au sein de l’État nation. En e�et, souligne Jacques Vanderlinden, « au
contraire de la théorie positiviste classique qui considère que la production du droit se situe
182 De Soto (H.) – Le mystère du capital, pourquoi le capital triomphe en occident et échoue partout ailleurs ?,Paris : Flammarion, 2005, p. 230.183 À ce titre l’on pourrait citer l’exemple du Bénin qui recherche un niveau de précision très ambitieuse et trèscoûteuse dans le cadre de son programme d’élaboration des plans fonciers ruraux en milieu rural alors que lepays est sous assistance �nancière et que les besoins des populations sont liés à la clari�cation des droits autourde leur propriété.184 La volonté d’ancrer les règles édictées par l’État dans les milieux ruraux rencontre d’énormes di�cultés. LeBurkina Faso, à l’instar des autres pays africains, s’est retrouvé aux indépendances, héritier des lois colonialesdont la philosophie, les procédures et les contenus étaient très souvent étrangers à la population. Ce qui donnaitl’impression de deux entités coexistant chacune avec son autonomie. Dans le domaine foncier, toutes les lois etles réformes, depuis l’époque coloniale, en dépit de leur diversité partagent en commun l’ambition d’imposerl’État comme unique autorité foncière au détriment des autorités coutumières. Il existe une abondante littératuresur l’opposition entre droit coutumiier et droit moderne en Afrique. Pour plus d’information, lire : Zongo (M.) –« Terre d’État, loi des ancêtres? : Les con�its fonciers et leurs procédures de règlement dans l’ouest du BurkinaFaso », in : Cahiers du Cerleshs 33 (juil. 2009), p. 11–143 ; Pascal (B.) – De la « Terre des ancêtres » aux territoiresdes vivants : Les enjeux locaux de la gouvernance sur le littoral sud-ouest de Madagascar, thèse de doctorat engéographie, École doctorale Sciences de la nature et de l’homme. Évolution et écologie, 2008.
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Chapitre 2 • Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité
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entièrement soit au niveau de l’État (production de la loi) soit sous son contrôle, la conception
pluraliste considère que l’État est loin d’assurer, à son bénéfice, une production e�ective du
droit » 185. Selon ce�e théorie pluraliste 186, il existe, pour chaque individu, un certain nombre
de réseaux sociaux normatifs et autonomes qui s’e�orcent de gouverner son comportement.
212 Selon le droit positif, l’État, en tant qu’organisation politique, a le pouvoir de fixer les règles
qui doivent régir la vie en société : ce sont des normes obligatoires qui s’imposent aux par-
ticuliers. Ces normes constituent des contraintes. Mais, l’État n’est pas le seul à créer des
règles de droit, puisque, ce pouvoir appartient également aux particuliers qui s’engagent par
des contrats et aux groupements tels que les syndicats, sociétés, et, plus spécifiquement ici
et en Afrique noire, les royaumes, ethnies, tribus voire villages qui imposent des obligations
à leurs membres ou adhérents. Jusqu’ici, il est unanimement admis la particularité de l’État
à être, sur son territoire, le seul détenteur de l’usage légitime de la force. Les gouvernants
peuvent ainsi disposer de l’administration et des forces armées pour faire appliquer ses dé-
cisions. Ce pouvoir de contrainte est très étendu puisqu’il permet à l’État de déposséder les
individus de leurs biens, d’envoyer les citoyens à la mort (en cas de guerre, par exemple) et
pour certains États encore, de donner la mort en exécution d’une décision de justice, voire à
ceux qui s’opposent par la force à l’exercice de sa propre force.
213 Lorsque l’on observe ce que nous appelons ici l’État multinational africain, on se rend compte
que le citoyen, l’individu, n’est pas soumis à un seul et unique pouvoir de contrainte, le pou-
voir de l’État. Il est avant tout soumis au pouvoir immédiat, humain et palpable, de la com-
munauté dans laquelle il s’identifie car il y puise ses racines, son identité et dans laquelle
il évolue. Ce pouvoir est parfois personnifié. On voit donc que « l’identité se fragmente et la
souveraineté autrefois entière est désormais partagée par diverses instances infra, para ou supra-
nationales » 187. En Afrique noire, en e�et, les groupes identitaires 188 sont la base privilégiée
des populations dans leur quête du « vivre mieux », là où les pouvoirs publics dysfonctionnent
ou sont inopérants du fait de l’analphabétisme, de la corruption et de l’incompétence. L’État,
malgré la toute-puissance de sa souveraineté, se trouve ainsi complètement paralysé.
214 Une ethnicité africaine assumée et o�iciellement sollicitée pour le « vouloir-vivre collectif »
et le vivre bien des « nations » au sein de l’État multinational peut devenir constructive. Pour
d’autres, elle est même « la solution idoine vers un ancrage culturel de la démocratie en Afrique
185 Vanderlinden (J.) – « Production pluraliste du droit et construction de l’État africain », in :Afrique Contem-poraine 1 (2001).186 Ibid.187 Duchastel (J.) – « L’identité est-elle compatible avec la démocratie ? : Ré�exion sur le processus de dé-mocratisation en Afrique », in : Discours d’Afrique. Pour une rhétorique des identités postcoloniales d’Afriquesubsaharienne, sous la dir. de Barry (A. O.), Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 2009.188 Davakan (B. A.) – Repenser les nations africaines : Identité, citoyenneté et démocratisation en Afrique subsa-harienne, Paris : L’Harmattan, 2011, p. 106.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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noire où elle structure la société » 189. Partant, chaque ethnie, chaque réseau social « constitue
une société distincte dont la production juridique est autonome, en ce sens qu’elle n’est pas
soumise au contrôle de droit d’une autre société, sans que, pour autant chacun de ces réseaux
fonctionne dans un vide juridique. Chacun d’entre eux est susceptible d’être influencé dans les
faits par la seule existence de l’un ou plusieurs des autres. Leur autonomie n’en est pas moins
essentielle sur le plan du droit » 190.
215Tout cela participe de la conception que l’on se fait de la tradition africaine qui sous-tend ces
relations. Le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga définit la tradition africaine
comme « un être ensemble et un avoir-en-commun qui appellent à une destinée commune par
un agir ensemble » 191. D’autres auteurs sont même allés plus loin, tel Jane I. Guyer 192, en
a�irmant que « la vie sociale et culturelle dans l’Afrique des siècles précédant la conquête était
beaucoup plus inventive au quotidien que ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui » ; et d’en
conclure que « l’Afrique n’a jamais été traditionnelle ». Puisque l’État contient en son sein
des instances (clans, ethnies), des nations qui détiennent un pouvoir coercitif, il y a donc
coexistence des plusieurs ordres juridiques.
189 Ibid.190 Vanderlinden (J.), « Production pluraliste du droit et construction de l’État africain », op. cit.191 Eboussi-Boulaga (F.) – La Crise du Muntu : Authenticité africaine et philosophie, Paris : Présence africaine,1977, p. 145.192 Guyer (J. I.) – « La tradition de l’invention en Afrique équatoriale », in : Politique africaine 79 (oct. 2000),p. 101–139 ;Guyer (J.) – « Africa Has Never Been “Traditional” : So CanWeMake aGeneral Case? A Response tothe Articles », in :AfricanStudies Review vol. 50.2 (sept. 2007), p. 183–202 ;Vansina (J.) – Paths in the Rainforests :Toward a History of Political Tradition in Equatorial Africa, Wisconsin : The university of Wisconsin press, 1990,448 p.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 79
Conclusion du Titre I
Les 216États de l’espace UEMOA objet de ce�e étude sont des pays où la terre rurale, avec
les promesses de prospérité qu’elles recèlent, posent avec plus d’acuité le problème
de sécurité foncière. Dans la plupart des États étudiés, les droits coutumiers qui ré-
glementent les a�ributions foncières à l’échelle locale ont été théoriquement remplacés par
une législation foncière de droit romain qui introduit la propriété privée via une immatricula-
tion o�icielle garantie par l’État 193. Les procédures et la compétition pour accéder au foncier
constituent l’un des problèmes les plus graves de la vie commune en milieux ruraux. Éga-
lement, le concubinage culturel en droit foncier rural est à la base de l’insécurité juridique
(contradiction entre le droit posé et les principes coutumiers d’une part, et indétermination
sur la norme devant régler certains cas de figure d’autre part), source de conflits fonciers.
De ce fait, il constitue un frein au développement durable milieu rural. Eu égard à tout ce
qui précède et la crise alimentaire aidant les États ne peuvent plus continuer à contourner
la réforme foncière 194. Ainsi, les conséquences dévastatrices d’une crise de dialogue entre le
droit moderne et le droit d’origine traditionnel ont confirmé que avant tout, « le droit n’est
pas seulement un savoir, il est d’abord un ensemble de rapports et pratiques que l’on rencontre
dans toutes les formes de sociétés » 195. Dès lors l’on ne saurait brutaliser et imposer une lo-
gique juridique sans tenir compte de l’existant dans tout acte fondateur de nouvel ordre
juridique. De même, la pluralité juridique s’exerçant sur la matière foncière rurale et les res-
sources naturelles sans cohérence interne est sources de tension. L’insécurité foncière est
pour la majorité des populations rurales pauvres de l’UEMOA, une réalité très concrète où
les droits fonciers sont encore un luxe. Du fait d’un syncrétisme juridique foncier inopérant
la sécurisation des droits fonciers est devenue un enjeu important pour la réduction de la
193 Brondeau (F.) – « Comment sécuriser l’accès au foncier pour assurer la sécurité alimentaire des populationsafricaines : éléments de ré�exion », in : Vertigo vol. 1.14 (numéro spécial 2014), url : https://www.erudit.org/fr/revues/vertigo/2014-v14-n1-n1/1027955ar/.194 Cheikh Oumar Ba s’exprime sur l’opportunité de la réforme foncière dans le Quotidien du 12 décembre2009 En e�et, au Sénégal, seules 65% des terres arables sont exploitées au moment où le pays est confronté àun vrai casse-tête alimentaire. Face à cette situation, la réforme de la loi sur le domaine national reste une voied’espoir si les terres ne sont pas vendues aux agro-business men d’occasion.195 Marcou (G.) – « Prolégomènes et épilogue », in : Barraud (B.), Repenser la pyramide des normes à l’ère desréseaux : Pour une conception pragmatique du droit, Paris : L’Harmattan, 2012.
• 83
Chapitre 2 • Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité
PartieI.T
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pauvreté et le partage de la prospérité, au niveau des États mais aussi des populations ru-
rales 196. Dans un environnement juridique non sécurisant, une multitude d’enjeux a rendu
impérieux le changement de cap. Alors que le premier des Objectifs du millénaire pour le dé-
veloppement est d’éliminer l’extrême pauvreté et la faim 197, près de 33 millions d’Africains
de l’Ouest, soit 12% de la population, sou�raient encore de malnutrition chronique durant
la période 2006-2008.
217 Le surenchérissement récent des denrées alimentaires sur le marché mondial et l’éclatement
des émeutes de la faim au printemps 2008 ont démontré le danger d’une trop grande dépen-
dance vis-à-vis des marchés internationaux, et ont suscité une accélération des investisse-
ments dans un secteur agricole longtemps négligé par les bailleurs de fonds comme par les
gouvernements nationaux 198.
218 Dans ce contexte, en déclarant 2014 « Année internationale des agricultures familiales », la
Communauté internationale reconnaît le rôle clé des exploitants familiaux dans la lu�e pour
la sécurité alimentaire.
219 En e�et 70% de la production alimentaire dans le monde provient de l’agriculture fami-
liale 199. 500 à 800 millions de petits agriculteurs assurent leur propre sécurité alimentaire
et sont les seuls à avoir une capacité su�isante de production pour nourrir le monde, no-
tamment les villes. L’agriculture familiale est aussi le plus grand pourvoyeur d’emplois dans
le monde, avec 1,3 milliard de personnes travaillant dans les exploitations agricoles. Pour-
tant, ces agricultures familiales font face à un environnement peu favorable en particulier en
termes de politiques foncières dans un contexte de marchandisation croissante de la terre,
propice à l’appropriation privée.
220 Dans ce contexte et alors que s’a�irme un droit à l’alimentation, la sécurisation de l’accès
au foncier est considérée comme une condition au développement agricole et à la sécurité
alimentaire 200.
196 Pourquoi la sécurisation des droits fonciers est un enjeu important, BanqueMondiale, 27mar. 2017, url : http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2017/03/24/why-secure-land-rights-matter..197 FIDA – Plan à moyen terme du FIDA 2010-2012 : État des lieux et dé�s pour l’accès au développement, Rapportde situation, FIDA, 15 mar. 2018.198 Laroche Dupraz (C.) et Postolle (A.) – « La souveraineté alimentaire en Afrique est-elle compatible avecles négociations commerciales agricoles à l’OMC? », in : Politique Africaine vol. 3.119 (2010), p. 107–127.199 Cirad – Les agricultures familiales, une chance pour la planète, url : www.cirad.fr/content/download/8648/95588/ (visité le 11/03/2018).200 De Schutter (O.) – Access to Land and the Right to Food, Report of the Special Rapporteur on the right to foodpresented at the 65th General Assembly of the United Nations [A/65/281], url : http://www.srfood.org/images/stories/pdf/o�cialreports/20101021_access-to-land-report_en.pdf. (visité le 15/03/2018).
84 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité • Chapter 2
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itre2
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 85
Titre
2Des droits nationaux confrontés aux dé-fis de la sécurisation 201 foncière
En 221Afrique de l’Ouest rurale, le concubinage culturel en matière foncière constitue
une source potentielle d’insécurité juridique pour les acteurs. Ainsi, confrontés aux
défis de l’application simultanée du droit coutumier et du droit moderne, les pays
africains se trouvent face un imbroglio juridique. Il en découle selonM. Ketoure les nombreux
conflits intercommunautaires souvent enregistrés dans les pays africains en général 202.
222Ce�e situation se trouve aggravée par un contexte de pression croissante sur les ressources
naturelles. Ce�e pression est liée à la raréfaction des terres et au besoin de développement
des activités agricoles. La conciliation de l’impératif de la protection des ressources naturelles
et les besoins en foncier pour le monde rural est une préoccupation légitime des législateurs
nationaux. Les règles et procédure d’accès à la terre, le contrôle des ressources naturelles
dans un but de lu�er contre la pauvreté, ou de contribuer à la paix sociale sont les défis
majeurs des droits fonciers ruraux de ces pays. À l’analyse, face à ce défi de sécurisation
201 Sommairement, la sécurisation est dé�nie par le Larousse éd. 2005 comme « une situation objective danslaquelle il n’y aurait aucun risque, aucun danger ».202 Cette déclaration est faite par M. Kétouré, représentant de la coopération allemande à l’occasion d’un ateliersous-régional tenu à Abidjan le 13 novembre 2013 à l’intention des magistrats ouest-africains appelés à ré�échirsur les problèmes qui découlent de l’application du droit positif et du droit coutumier en matière foncière rurale.
foncière rurale, les jurislateurs 203 ont réagi de deux manières intéressantes : la recherche
d’une meilleure articulation entre les règles traditionnelles et le droit moderne d’une part
(chapitre 1) et l’implication des populations à la base à travers la promotion d’une approche
fondée sur la participation des acteurs locaux aux jeux fonciers (chapitre 2).
203 Dans les pays de droit coutumier, le « jurislateur » est le juriste par excellence : il est celui qui produit lesnormes de droit, en l’absence de loi applicable. Dans les pays de droit latin (de droit écrit), la notion de « juris-lateur », dans son sens premier, a une importance moindre. Le Conseil d’État par exemple peut être considérécomme un organe « jurislateur », lorsqu’il dégage les principes généraux du droit. Ici, par extension ce terme dé-signera un juriste qui ne se contente pas de ré�échir au droit de manière théorique mais en tire des applicationsconcrètes à travers la rédaction d’avant-projets de loi. Il s’agit donc de grands juristes dont la reconnaissanceest davantage liée à leur action dans la rédaction d’avant-projets de loi. « Un des plus grands maîtres de la penséejuridique et de la pensée contemporaine » (Ph. Malaurie).
88 •
Chapitre1L’articulation entre tradition et
modernité
Sommaire
Section 1. À la recherche d’un système juridique légitime. . . . . . . . . . . . 90
§ 1. Une création par imbrication de droits. . . . . . . . . . . . . . . 91
§ 2. Une création de droit par une remise en cause des us et coutumes . . . . 96
Section 2. Des législations prônant la sécurisation des droits par les actes et les outils . 102
§ 1. La sécurisation par les actes administratifs. . . . . . . . . . . . . 103
§ 2. Une approche instrumentale fondée sur le Plan foncier rural (PFR) et le Plan
d’occupation et d’a�ectation des sols (POAS). . . . . . . . . . . . 108
C’est 223avec Philippe Tiger qu’il faut retenir principalement qu’il reste di�icile
« d’échapper aux multiples inconvénients d’un droit inadapté ». Selon lui, « si
les textes sont trop anciens, ils s’appliquent mal à des situations contemporaines
par définition » 204. C’est exactement le cas des droits fonciers d’inspiration coloniale qui, au
fur et à mesure, s’adaptent mal aux situations des pays colonisés. Alors qu’on, s’inscrivait
dans un ordre d’idées, qui ne voyait qu’en la propriété rien d’autre qu’une institution de la
nature, sous l’impulsion des nouvelles doctrines philosophiques, et des théories de Rousseau,
on en vient à la conclusion, que la propriété, n’est pas un droit naturel, mais plutôt une pure
204 Tiger (P.) – Le droit des a�aires en Afrique, Collection Que sais-je ?, Paris : PUF, 1999, p. 18.
• 89
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
PartieI.T
itre
2
création de la société, une création de l’État 205. Face aux controverses ayant alimenté la po-
lémique longtemps observée au sujet des relations dialectiques qu’entretiennent les droits
traditionnels africains avec les droits étatiques en milieu rural, certains États de l’espace
UEMOA ont amorcé à l’aune des nouvelles lois des réformes foncières rurales dans le but
d’assurer une meilleure sécurité aux acteurs ruraux.
224 À l’instar de certains États africains, un vent de réforme foncière s’est emparé du Bénin,
du Burkina Faso, du Niger et du Sénégal avec en point de mire la recherche des options
de sécurisation nécessaire au développement social et économique. La nouvelle voie s’est
traduite par la recherche d’un système légitime (section 1) puis la promotion des outils de
sécurisation des droits fonciers (section 2).
S e c t i o n 1
À LA RECHERCHE D’UN SYSTÈME JURIDIQUE LÉGITIME
225 La construction d’un nouveau droit foncier rural constitue à n’en point douter un défi majeur
dans les États d’Afrique. Lesmotivations réelles pour une nouvelle logique de promotion d’un
droit foncier rural de développement reposent sur un élément fondamental. Il y a, à la base,
la question de la nécessité de créer un système juridique légitime aux yeux des populations
rurales. Ce�e recherche de légitimité paraît nécessaire en raison de la diversité ethnique et
culturelle qui caractérise chaque État et ensuite la pluralité et la complexité des systèmes
juridiques qui cohabitent, voire se chevauchent sur le territoire de l’ensemble des anciennes
colonies d’Afrique sans que l’un n’arrive à s’imposer à l’autre. Dans ce�e nouvelle dynamique
de réforme législative sous-régionale, les législateurs se sont e�orcés de donner un statut aux
droits coutumiers en rupture à l’ordre colonial et postcolonial établi. Dans la recherche de
mécanisme novateur, les États de l’UEMOA n’ont pas emprunté les mêmes voies. Il y a des
pays qui ont procédé à la création du nouveau droit par imbrication (paragraphe 1) alors que
d’autres ont préféré reme�re en cause l’existence des droits coutumiers avant de se rétracter
plus tard (paragraphe 2).
205 Terra (B.) – « Du régime de la propriété dans le code civil », in : Halperin (J.-L.), Le code civil 1804-1904 :livre du centenaire, Paris : Dalloz, 2005, p. 336.
90 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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Paragraphe 1 Une création par imbrication de droits
226Avec le mouvement de réforme foncière, l’agenda des politiques publiques se trouve dominé
par un axe fort relatif à la question de formalisation et d’enregistrement des droits fonciers
coutumiers. Cet objectif a engendré une importante ingénierie institutionnelle à travers la
production des textes légaux ayant consacré les pratiques traditionnelles. Pour les États enga-
gés sur la voie de la réforme, si la sécurité foncière est un objectif en soi, la formalisation des
droits fonciers locaux est l’une des pistes pour y parvenir. Ce�e nouvelle option encourage
« l’émergence d’une troisième posture, qui semble constituer un relatif consensus international
et qui met l’accent sur des processus plus souples de formalisation des droits, fondés sur la recon-
naissance et la sécurisation des droits fonciers locaux » 206. C’est ce�e piste qu’ont emprunté
certains États à travers leurs droits positifs (A) malgré les imperfections qu’on peut toujours
y déceler (B).
A - La reconnaissance de la coutume dans les droits positifs du
Bénin, du Niger et de la Côte d’Ivoire
227M. Verdier a�irmait que : « le droit nouveau n’a des chances de porter ses fruits que s’il plonge
ses racines dans les plus authentiques traditions africaines et leur donne une nouvelle vie adaptée
à l’évolution actuelle » 207. Cet aphorisme à l’allure d’un avertissement a reçu un écho favo-
rable auprès des législateurs de quelques pays de l’espace UEMOA. Ceux-ci, à la faveur des
récentes réformes foncières initiées ont cru ériger les coutumes au rang des sources légales du
droit foncier. L’exemple du Bénin, du Niger et de la Côte d’Ivoire a�estent bien ce�e option.
Cet état de choses alerte sur l’émergence progressive d’une autre forme de droit. Si, comme
l’a�irme Norbert Rouland, « le pluralisme juridique permet de dépasser la problématique de
l’État de droit en a�irmant que l’État n’a le monopole de la production que du droit o�iciel » 208,
alors que nous entrons peu à peu dans une ère où ce droit o�iciel va devoir s’appliquer sous
de nouvelles formes, à des domaines qui lui sont jusqu’ici étrangers. En e�et, jusqu’ici, en
matière foncière et de gestion des ressources naturelles, la production des normes s’est ca-
ractérisée par une prédominance de l’extraversion, qui limite fortement la correspondance
entre le contenu des lois et les aspirations sociales des sociétés dont elles sont censées régir
le comportement.
228Ce�e question des droits fonciers coutumiers est devenue cruciale au point où, HubertOuedraogo
s’est exprimé comme suit : « partout où les politiques foncières ont, de manière plus ou moins
206 Colin (J.-P.) et al. – Les appropriations de terres à grande échelle : Analyse du phénomène et propositionsd’orientations, Comité Technique Foncier et Développement, 2010, p. 72.207 Verdier (R.) – L’ancien droit et le nouveau droit foncier de l’Afrique noire face au développement, 1972, p. 85.208 Barrière (O.) et Rochegude (A.), Foncier et Environnement en Afrique : des acteurs au(x) droit(s), op. cit.,p. 302.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 91
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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2
imparfaite, donné la parole aux acteurs concernés, la question des droits fonciers coutumiers
est apparue comme une question primordiale à résoudre à travers la formulation des politiques
foncières » 209. Le défi à relever par ces États concernés dans le cadre de leur réforme, serait
d’améliorer l’ancrage local du droit légiféré relatif à la gestion des terres et des ressources
naturelles. Pour y parvenir, les États réformateurs ont trouvé nécessaire de commencer par
inverser la logique de la superposition juridique antérieure et une reconnaissance des modes
d’appropriation traditionnelles du foncier. Ainsi, c’est le Niger qui ouvra grandement la porte
d’entrée dans le droit positif au droit coutumier. En e�et, c’est par une ordonnance foncière
prise en 1993 que le Niger a ouvert premièrement la voie à un courant législatif favorable à
la reconnaissance des droits fonciers coutumiers 210.
229 Sans détour, et sans complexe, le législateur nigérien a fondé la reconnaissance de la propriété
foncière à la fois sur le droit écrit et sur la coutume. Le caractère révolutionnaire de ce�e
reconnaissance peut être mieux apprécié au regard de la portée juridique accordée aux droits
coutumiers. Au Niger, depuis l’adoption du code rural, la même valeur juridique est accordée
aux a�estations de détention coutumière et au titre foncier.
230 Au Bénin, le législateur s’est montré moins audacieux dans le processus de formalisation
des droits coutumiers. Comme le Niger, le Bénin a rompu avec la présomption de domania-
lité sur les terres non immatriculées, ouvrant ainsi la voie à une reconnaissance légale des
droits locaux ou coutumiers. C’est la Loi 2007- 03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier
rural en République du Bénin, qui crée le « certificat foncier rural » a�estant de droits « éta-
blis ou acquis selon la coutume ou les normes et pratiques locales » jusqu’à preuve contraire
apportée devant le juge qui est à la base de ce�e rupture. En créant ce�e présomption de pro-
priété, le législateur béninois marque son accord pour la formalisation des droits coutumiers.
L’ensemble de ces évolutions en Afrique francophone a fait estimer Hubert Ouedraogo que
désormais « la conception coloniale, qui tendait à nier l’existence de la propriété coutumière en
posant la propriété civiliste comme seul modèle acceptable, doit aujourd’hui être fondamentale-
ment remise en question » 211 .
231 C’est le doute porté sur la conception occidentale qui a permis à nombre de législations en
Afrique de donner une nouvelle vie aux droits coutumiers et de pouvoir conclure que la « pro-
209 Ouedraogo (H.), « De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », op. cit.210 Il convient de rendre cependant un hommage à la loi foncière togolaise qui, dès 1974, avait posé le principede la reconnaissance des droits fonciers coutumiers à travers l’ article 2 de l’ordonnance 6 du 12 février 1974 quidispose : « L’État garantit le droit de propriété aux individus et aux collectivités possédant un titre foncier délivréconformément à la loi. L’État garantit également le droit de propriété à toute personne ou collectivité pouvant seprévaloir d’un droit coutumier sur les terres exploitées. »211 Ibid., p. 88.
92 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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priété » coutumière tend à devenir une réalité observable, avec ses propres caractéristiques 212
puisque la substance de la propriété se trouve non pas seulement dans l’individualisme du
pouvoir d’aliéner mais aussi et surtout dans la maîtrise e�ective exercée sur la chose. C’est
justement de ce�emaîtrise que les communautés africaines disposent, à des échelles diverses
sur la matière foncière. Pour faire preuve de réalisme, le droit foncier des pays africains ne
peut pas continuer d’ignorer cet état de choses. En consacrant et en reconnaissant de façon
pleine et entière la propriété coutumière à travers les dispositions de l’article 8 de l’ordon-
nance de 1993, le législateur nigérien a montré la voie à suivre 213.
232Inspiré par les précédents du Bénin et du Niger, le Burkina Faso a amorcé un processus de
reconnaissance des droits fonciers coutumiers après avoir tenté sans succès de l’éteindre 214.
Grâce à la notion de possession, le législateur burkinabè a réhabilité juridiquement le droit
coutumier. Ce�e approche, moins directe et radicale est certainement adoptée dans un es-
prit de conciliation avec l’administration domaniale, gardienne d’une certaine orthodoxie
foncière héritée de l’époque coloniale. Comme le Bénin, le législateur burkinabè a avancé
dans la reconnaissance des droits coutumiers dans l’esprit d’un droit présomptif du droit de
propriété.
233En tant que possesseur, le propriétaire coutumier burkinabè, individuel ou collectif, se voit
délivrer une a�estation de possession foncière rurale. À la di�érence de l’audace du législa-
teur nigérien, qui a mis sur un même pied d’égalité la propriété coutumière et la propriété du
droit écrit ; les droits fonciers béninois et burkinabè laissent perdurer, malgré l’e�ort de re-
connaissance, un dualisme en matière de reconnaissance des droits : d’un côté, des titres de
propriétés pour les propriétés immatriculées (titre foncier et certificat de propriété foncière)
et de l’autre, des a�estations de possession ou certificat foncier rural (valant présomption de
droit de propriété). Cet état de choses prouve que les formules trouvées pour la réconciliation
des droits coutumier et moderne par les États sont loin de faire l’unanimité. Ce qui démontre
que la prise en compte est encore su�isamment imparfaite, en dépit des évolutions notables.
212 Il convient ici d’attirer l’attention sur le fait que la propriété ne se limite pas aux seules frontières de l’article544 du code civil de 1804. En d’autres termes, on ne saurait nier l’existence de la propriété coutumière au seulmotif qu’elle ne comporte pas l’attribut de l’abusus (pouvoir d’aliéner la chose). D’ailleurs, il en a des biensfrappés d’une clause d’inaliénabilité (successorale notamment) sont acceptables en droit civil, sans que, pourautant, soit entamé le caractère de propriété. De la même manière, le caractère collectif d’une propriété nesaurait justi�er la contestation de son existence, comme nous le rappellent les nombreux cas de copropriété, ycompris dans le cadre courant du régime matrimonial de communauté des biens.213 Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger (2 mar. 1993) .214 Loi no 034-2009/AN portant Régime foncier rural en République du Burkina Faso (26 mai 2016) qui portela marque de cette reconnaissance.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 93
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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2
B - Une prise en compte toujours imparfaite
234 Les droits coutumiers sont un aspect essentiel de l’identité même des peuples et commu-
nautés locales. C’est par ceux-ci que se trouvent définis les droits, les obligations et les res-
ponsabilités des membres sur des aspects importants de leur vie, de leur culture et de leur
conception du monde : utilisation des ressources naturelles et accès à celles-ci ; droits et obli-
gations en matière foncière, d’héritage et de biens, entretien du patrimoine culturel et des
systèmes de connaissances. En prenant l’option de reconnaître la coutume comme source du
droit, les États peinent à lui donner un contenu tangible. La simple évocation de leur recon-
naissance légale ne su�irait pas à leur assurer une existence. Au-delà de l’objectif technique
« de réconciliation de légalité et de la légitimité, la reconnaissance et la sécurisation des droits
fonciers coutumiers est une nécessaire mesure de justice sociale pour pallier les errements de
l’histoire africaine » 215. Justement, la formule idoine pour répondre à ce besoin de justice
sociale au sujet des droits coutumiers pèche sur plusieurs points. D’abord, par la volonté af-
fichée par les di�érentes réformes législatives de promouvoir à tout prix la propriété civiliste
et le maintien de la domanialité qui ne s’arriment pas nécessairement aux réalités locales en
matière foncière.
235 À ce titre, Étienne Le Roy avait constaté que c’est une erreur fondamentale de « s’enfermer
dans la dialectique de la propriété civiliste ou de sa monopolisation exclusive par l’État » 216. Si la
plupart des réformes législatives se sont évertuées à tenter de donner un statut à l’exploitant
ou au résident, par la reconnaissance du droit d’usage, ce statut est loin de satisfaire les
usages locaux en raison de leur extrême diversité. La pluralité ne permet pas de les régenter
dans un contrat de type civiliste. Ceci conduit dans la plupart des cas, les paysans à ignorer
l’existence de ces contrats d’exploitation pour la simple raison qu’elle n’est pas le reflet fidèle
des pratiques locales.
236 Ensuite, dans l’ensemble, les réformes foncières manquent d’originalité à légiférer sur les
fonciers coutumiers. En e�et, tous les États ont enfermé leurs œuvres réformatrices dans
une conception juridique de « droit-code » en prétendant prédéterminer toutes les situations
et toutes les solutions, ce qui constituent une illustration d’a�achement à la philosophie
juridique occidentale qui ignore la pénibilité de cet exercice dans les milieux ruraux africains.
Selon E. Le Roy, il convient « plutôt de privilégier des instances en tant que des lieux où toutes
les parties prenantes peuvent concrétiser, à travers la négociation mutuelle de leurs intérêts, les
modèles de comportement que les textes de loi donnent comme cadre référentiel. Il s’agit en clair
donc, en résumé, de préférer le droit fondé sur des modèles de comportement au droit codifié et
privilégier un ordre négocié par tous à un ordre imposé par une administration particulière » 217.
215 Ouedraogo (H.), « De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains endogènes », op. cit.216 Le Roy (É.), La réforme du droit de la terre dans certains pays d’Afrique francophone, op. cit., p. 107.217 Ibid., p. 14.
94 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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237Ce�e préférence se justifie également par les di�icultés liées au langage juridique qui échappe
au non initié. Dans le domaine juridique, le langage tient également un rôle crucial et dévoile
aussi des ambiguïtés entre langage professionnel et non professionnel. « Tous les mots du lan-
gage juridique – langage du droit et langage des juristes – ont des sens multiples [et] ont d’abord
les significations que leur donne le langage courant. Elles ne disparaissent pas lorsque le mot est
prononcé, écrit ou pensé par un juriste. La réflexion juridique est directement influencée par les
souvenirs communs dont la langue conserve la trace. » 218
238Le fait que le vocabulaire juridique obéisse à plusieurs répertoires sémantiques augmente
le flou. Il est alors aisément concevable que simultanément, « le langage juridique n’est pas
immédiatement compris par un non-juriste. Il n’entre pas d’emblée dans l’entendement de celui
qui ne possède que la langue commune. La communication du droit se heurte à un écran linguis-
tique » 219. Cet écran linguistique est lié à la polysémie des termes, sens technique ou non,
mais aussi à la charge a�ective qu’on peut leur a�ribuer. Alors dans un contexte africain
fait de diversité, il paraît très illusoire de penser à une forme de codification qui reflétera la
réalité. Ce�e diversité linguistique est l’essence des représentations sociales qui constitue en
même temps le véhicule d’un fond juridique (normes). Il reste indéniable que la notion de
culture juridique demeure intimement liée à une représentation sociale 220.
239La diversité des représentations se manifeste par la pluralité des pratiques dont l’observa-
tion est un outil privilégié d’accès aux représentations. La diversité se situe à trois niveaux.
Elle peut se situer entre sociétés géographiquement éloignées, ce fut l’objet des premières re-
cherches sur les représentations. Distance culturelle et distance géographique allaient alors
de pair. Le deuxième niveau identifié se situe au sein d’une même société et met en jeu les
di�érentes représentations des groupes sociaux en présence :
Nous, Occidentaux, adme�ons de plus en plus que les membres d’une tribu loin-taine pensent di�éremment de nous. Nous avons, en revanche, de la peine àadme�re qu’à l’intérieur de nos propres sociétés puissent exister des manièresde penser très di�érentes, voire incommensurables. 221
Il paraît alors aisé de conclure à une quasi-impossibilité d’utiliser les méthodes du droit
occidental, soucieux d’unification pour résoudre le problème des droits coutumiers pluriels
218 Atias (C.) – Science des légistes, savoir des juristes, Marseille : PUAM, 1991, p. 102–103.219 Cornu (G.) – Linguistique juridique, 2e éd., Coll. Domat Droit privé, Paris : Montchrestien, 2000, p. 19.Également, Le Roy (É.) – « Juristique et anthropologie », in : Journal of legalpluralism and uno�ciallaw 29 (1990),p. 6. L’auteur évoque le «méta-langage » qu’utilisent les juristes. «Malgré l’apparence lexicale, les juristes neparlent pas lamême langue que les autres Français. Ce n’est pas la présence éventuelle de termes anciens de procédureou de tournures de phrases particulières qui est en cause car la forme langagière n’est qu’un écran derrière lequel ondoit deviner d’autres circulations d’informations et d’autres messages. Ce qui est en question, c’est cet au-delà dudiscours juridique, le lieu où s’opèrent la juridicisation et la déjuridisation des faits sociaux indépendamment desrecettes de la technique juridique et qui touche à l’essence du phénomène juridique. »220 Plancon (C.), « La représentation dans la production et l’application du droit », op. cit., p. 28.221 Windisch (U.) – « Représentations sociales, sociologie et sociolinguistique : L’exemple du raisonnement etdu parler quotidiens », in : Les représentations sociales, sous la dir. de Jodelet (D.), Paris : PUF, 2003, p. 188.
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itre
2
en leur genre.
Paragraphe 2 Une création de droit par une remise en cause des
us et coutumes
240 Avant de considérer les droits coutumiers comme un partenaire important pour la sécurisa-
tion des acteurs ruraux, il aurait fallu, pour certains États, de penser d’abord à son extinction
dans le prolongement de la politique coloniale. Ainsi, les premières pistes pour le rejet du dua-
lisme juridique furent pour ces États ouest-africains la remise en cause des us et coutumes
dans leur droit positif. C’est le cas notamment du Sénégal et du Burkina Faso (dans un pre-
mier temps) (A) dans l’espace UEMOA.Mais après une période d’expérimentation, le Burkina
Faso a fait une marche en arrière pour finalement reconnaître les droits traditionnels (B).
A - Le cas du Sénégal et du Burkina Faso
241 Les éléments de réponse apportés par le Burkina Faso et le Sénégal, aux problèmes du dua-
lisme juridique en matière foncière, loin d’être identiques, ont le mérite d’avoir tenté la re-
mise en cause des droits coutumiers dans l’ordonnancement juridique de l’État.
242 En e�et, pour instaurer un système moderne de gestion foncière, la formule trouvée par
ces deux États au lendemain de leur indépendance, était d’instaurer un système juridique
uniforme dans le but de construire leur nation. Pour y parvenir, le Burkina Faso adopta en
1984 une Réforme agraire et foncière (RAF) alors que le Sénégal plutôt adoptait une loi sur le
domaine national en 1964, juste donc après les indépendances. Pour le Burkina Faso, comme
le font remarquer Nébié et Tallet, « l’État, entendait à travers la RAF et son décret d’application
mener une politique égalitaire d’accès à la terre pour tous, sur le plan national, en me�ant fin à
l’hégémonie des autorités et des structures coutumières sur la terre » 222.
243 Dans ce même ordre d’idées, il faut voir à travers la RAF, une volonté de consacrer la « dé-
légitimation » des autorités et des structures traditionnelles sans toutefois les remplacer par
des structures foncières opérationnelles 223. L’objectif a�iché par le Gouvernement révolu-
222 Le régime du Conseil national de la révolution avait voté l’ordonnance no 84-050/CNR/PRES du 4 août1984 portant réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso et le décret no 85-404/ CNR/PRES du 4 août1985 portant conditions et modalités d’application de la RAF. Cette ordonnance avait créé le Domaine fonciernational (DFN), qui était la propriété exclusive de l’État. En conséquence, elle supprimait la propriété privéeindividuelle du sol, généralisait les droits de jouissance et ne reconnaissait plus les droits fonciers coutumiers.Les terres du DFN étaient inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. Pour s’en convaincre, lire : Hochet(P.) – Burkina Faso : vers la reconnaissance des droits fonciers locaux, AFD, juin 2014, p. 9.223 La Réorganisation agraire et foncière (RAF) a été proclamée le 4 août 1984. Elle créa le domaine fonciernational dont l’État était le propriétaire éminent.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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tionnaire à travers la RAF, est de faire de l’État, le propriétaire terrien par la création du
Domaine foncier national (DFN) en purgeant de leur contenu tous les droits coutumiers.
244Le cas du Sénégal paraît plus ambigu avec l’adoption, depuis 1964 de la loi no -64-46 du 17
juin 1964 créant un domaine national qui englobe aujourd’hui encore plus de 95% du terri-
toire. L’ambigüité de ce�e loi apparaît déjà au niveau de son concepteur. À travers ce�e loi,
le Président Senghor a�ichait une volonté qualifiée de paradoxale : une volonté de renouer
avec la tradition précoloniale et le désir de modernité. En e�et, a�irmait Senghor au sujet
de ce�e loi qu’il « s’agit très simplement de revenir du droit romain au droit négro-africain,
de la conception bourgeoise de la propriété foncière à la conception socialiste qui est celle de
l’Afrique noire traditionnelle » 224. Déjà par son ambition, la loi sur le domaine national porte
les germes de controverse ayant handicapé son e�ectivité.
245Par les dispositions de l’article 2 : « l’État détient les terres du domaine national en vue d’assurer
leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans du développement
et au programme d’aménagement ». Ce faisant, la loi sur le domaine national a supprimé les
droits coutumiers sur la terre. En disposant de faire tomber les terres dans le domaine natio-
nal, elles devenaient ainsi la propriété de la nation. Ce�e loi a eu selon Ba Papa Mamadou,
pour e�ets de reme�re en cause les propriétés collectives et individuelles antérieures à son
adoption 225 puis que dans la logique ce�e loi, les usagers n’ont plus qu’un droit d’a�ectation,
transmissible aux ayant-droits mais pouvant être remis en cause à tout moment par l’État.
En voulant à tout prix concilier la socialisation de la propriété foncière conforme à la tradi-
tion négro-africaine et les impératifs du développement économique, la loi sur le domaine
national se trouve prise au piège de l’ine�icacité.
246La di�iculté d’application de ce texte émerge du fait de la volonté a�ichée par les promo-
teurs de la nouvelle loi qui visaient à travers elle l’élimination des « survivances féodales sans
troubler la vie des cultivateurs et éleveurs, mais en se servant au contraire des habitudes ances-
trales pour amener les intéressés à grouper leurs e�orts » 226 . En e�et, en voulant prendre en
compte les impératifs économiques, « la modernité a été prise en compte et s’est manifestée
par la simplification du régime foncier ». Les droits coutumiers sur le sol ont été supprimés,
les règles coutumières d’accès au sol ont été modifiées. Les chefs de terre traditionnels ont
été remplacés par l’État qui devient le maître de la terre. Il s’en est suivi qu’aucune transac-
tion ne pouvait plus se faire sans l’intervention de l’État pour perme�re une plus grande
souplesse et une plus grande sécurité dans les transactions.
224 Caverivière (M.) etDebène (M.) – Le droit foncier sénégalais, « Mondes en devenir », Paris : Berger-Levrault,1988, p. 5.225 Mamadou (B. P.) – La meilleure loi est celle qui est la plus connue, 2003, url : hhttp : //base.afrique -gouvernance.net/fr/corpus_dph/�che-dph-54.html,Aout%202003.226 Propos de Mbengue A. B alors ministre de la Justice, rapportés par Sidibé (A. S.) – « Domaine national, laloi et le projet de réforme : Analyse juridique, les cahiers du CEEI », in : La Revue du Conseil économique et social2 (fév.–avr. 1997), p. 55–65.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 97
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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247 En définitive, un examen a�entif montre que l’essence ainsi que les limites de ce�e loi se re-
trouvent dans ses trois premières dispositions complétées par le quatrième article consacré
aux di�érentes composantes 227. À l’analyse, il est aisé de comprendre que les dispositions de
l’article premier scellent le sort du régime foncier coutumier en vigueur avant son adoption
tout en sauvegardant la propriété de ceux qui détenaient les terres selon les règles du code
civil et du régime d’immatriculation en défaveur de ceux qui détenaient les terres sous la
tenure coutumière. Par ses dispositions, la loi sur le domaine national consacre un passage
en force contre les détenteurs de ces droits en versant sans exclusive toutes leurs propriétés
dans le domaine national qui est en fait une réserve à la disposition de l’État qui peut y pui-
ser par voie d’immatriculation en vue d’augmenter son patrimoine foncier 228. En définitive,
la loi sur le domaine national « comporte des points faibles qui ont été abondamment notés et
analysés » 229 et apparaît à cet égard dépassée sous di�érents aspects. En stigmatisant le droit
coutumier comme source de la non mise en valeur des terres qui comprome�ant le dévelop-
pement socialiste de la production rurale par les coopératives, la loi de 1964 a compromis ses
chances de régir les terres en milieu rural. De ce fait, elle rejoint le cas du Burkina Faso avec
une nouvelle recherche d’un droit foncier prenant en compte les pratiques traditionnelles
africaines.
B - La valse juridique du Burkina Faso et une option sénégalaise
contreproductive
248 Le hiatus persistant entre législations et les normes locales de gestion, d’accès et au contrôle
à la terre fait que, comme la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso et le
Sénégal sont à la recherche d’un droit foncier d’équilibre qui satisfait à la fois les populations
rurales et l’administration étatique. À l’aune des initiatives sur le pluralisme juridique et la
227 Ces trois articles objet de toutes les controverses sont : Article premier : « Constituent de plein droit ledomaine national toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées ou dont la propriété n’apas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ; ne font pas partiede plein droit du domaine national les terres qui, à cette même date, font l’objet d’une procédure d’immatriculationau nom d’une personne autre que l’État. » Article 2 : « l’État détient les terres du domaine national en vue d’assurerleur utilisation et leur mise en valeur rationnelles conformément aux plans de développement et aux programmesd’aménagement. » Article 3 : « les terres du domaine national ne peuvent être immatriculées qu’au nom de l’État. »Article 4 : « les terres du domaine national sont classées en quatre catégories :
— zones urbaines ;
— zones classées ;
— zones des terroirs ;
— zones pionnières.
»228 Kane (A.) et Tall (A. J.) – De la nécessité d’une réforme foncière pour relever les dé�s du développementéconomique, social et culturel du Sénégal, Groupe thématique bonne gouvernance, nov. 2009, 38 p.229 Kaag (M.), Gaye (Y.) et Kruis (M.) – « Les con�its fonciers au Sénégal revisités : continuités et dynamiquesémergentes », in : Hesseling (G.), À l’ombre du droit, Paris : L’Harmattan, 2013, p. 37.
98 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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cohabitation des légitimités, le Burkina Faso et le Sénégal ont connu un foisonnement de
textes qui sont loin encore loin de combler les a�entes des acteurs.
249Pour ces deux États, comme d’ailleurs pour l’ensemble des pays de notre étude, la réforme
foncière a pour objectifs : la sécurité foncière des exploitations agricoles, des personnes et des
communautés rurales, l’incitation à l’investissement privé dans l’agriculture, la dotation de
l’État et des collectivités locales de ressources financières su�isantes, ainsi que la mise à leur
disposition de personnels compétents, pour une gestion e�icace, équitable et durable des
ressources naturelles et l’allègement des contraintes foncières au développement agricole,
rural, urbain et industriel. À la recherche des voies et moyens pour a�eindre les buts visés,
il était devenu nécessaire d’ouvrir d’autres perspectives juridiques en matière de gestion
foncière. Dans ce�e lancée, le Burkina Faso a connu « une législation très abondante qui s’est
spécialisée progressivement pour prendre en compte chaque pan du foncier » 230. En la matière,
les textes spécifiques au foncier rural ont la particularité d’être tous très récents. Il s’agit
notamment du décret no 2007-601/PRES/PM/MAHRHdu 4 octobre 2007 portant adoption de
la politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural 231 et de la loi no 034-2009/AN
du 16 juin 2009 portant régime foncier rural au Burkina Faso et ses décrets d’application. En
e�et, l’État du Burkina est parti des orientations de la nouvelle politique nationale de 2007
pour asseoir les bases ayant permis l’élaboration de la loi foncière rurale de 2009 232.
250Prenant appui sur ce�e politique nationale, la loi foncière rurale de 2009 a essayé de prendre
en compte son contenu à partir d’un objectif principal et tenté d’apporter les éléments de ré-
ponse à ses faiblesses. L’objectif de la loi de 2009 est de renforcer la sécurisation des acteurs
fonciers ruraux et la promotion des investissements en milieu rural. Àpartir de cet objectif,
il s’agit ni plus ni moins pour l’État du Burkina de reconnaître par la possession les droits
230 Nacambo (H.) et Sanou (B.) – « Aperçu des évolutions du cadre juridique et normatif de la gestion dufoncier au Burkina Faso », in : JAGA (mai 2015), url : http://base.afrique-gouvernance.net/fr/corpus_bipint/�che-bipint-1633.html, p. 2.231 L’objectif visé par la politique nationale est de « assurer à l’ensemble des acteurs ruraux, l’accès équitableau foncier, la garantie de leurs investissements, la gestion e�cace des di�érends fonciers a�n de contribuer à laréduction de la pauvreté, à la consolidation de la paix sociale et à la réalisation d’un développement durable ».232 Pour atteindre cet objectif, la politique nationale s’est articulée autour de six orientations principales quicomportent chacune des objectifs spéci�ques constituant des axes à réaliser :
— Première orientation : reconnaître et protéger les droits légitimes de l’ensemble des acteurs ruraux surla terre et les ressources naturelles ;
— Deuxième orientation : promouvoir et accompagner le développement d’institutions légitimes à la base ;
— Troisième orientation : clari�er le cadre de gestion des con�its au niveau local et améliorer l’e�cacitédes instances locales de résolution des con�its ;
— Quatrième orientation améliorer la gestion de l’espace rural ;
— Cinquième orientation : mettre en place un cadre institutionnel cohérent de gestion du foncier rural ;
— Sixième orientation : renforcer les capacités des services de l’État, des collectivités territoriales et de lasociété civile en matière foncière.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 99
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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coutumiers 233. Ce qui constitue une avancée par rapport à l’idée d’extinction des us et cou-
tumes contenus dans la première version de la RAF. Le Burkina Faso, au moyen de plusieurs
textes juridiques a finalement consacré une reconnaissance des droits coutumiers, en dépit
des di�icultés de mise en œuvre 234.
251 Le Sénégal quant à lui continue d’être à la recherche d’une voie juridique qui succédera à la
loi no 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national. La nécessité d’aller à une réforme
foncière au Sénégal se retrouve dans les insu�isances soulevées par l’application du régime
foncier en vigueur. En e�et, fort de l’objectif visant à uniformiser le régime juridique en sup-
primant la propriété coutumière et perme�re à l’État de mener son projet de développement
économique du pays, la loi relative au domaine national, à l’épreuve de la pratique a fait état
d’un nombre limites de objectives qui obligent, pour leurs prises en compte, la définition de
nouveaux axes de réforme foncière.
252 C’est à l’analyse de ces insu�isances que, dans l’un de ses articles 235, le professeur Samba
Traoré a�irme catégoriquement que le Sénégal n’a pas une loi foncière mais plutôt un régime
domanial et dans un style qui lui est propre il démontre que la loi 64 s’est préoccupée de la
maîtrise du sol et de son appropriation 236. En e�et, à la question qu’il se pose qui est de savoir
s’il existe une loi foncière au Sénégal, les éléments de réponse apportés par le professeur nous
éclairent sur tout sauf une loi foncière car a�irme-t-il : « La loi sur le domaine national n’est
pas une loi foncière, donc on ne peut parler de réforme foncière pour une loi qui n’a pas ce
233 L’article 36 de la loi 2009 laisse voir clairement la volonté a�chée par l’État du Burkina pour une recon-naissance des droits coutumiers. En e�et, cet article dispose que Sous réserve de l’identi�cation des espaceslocaux de ressources naturelles d’utilisation communes identi�ées et intégrées au domaine de la communeconcernée, constituent notamment des faits de possession foncière :– la reconnaissance unanime de la qualitéde propriétaire de fait d’une personne ou d’une famille sur une terre rurale par la population locale, notammentles possesseurs voisins et les autorités coutumières locales ;– la mise en valeur continue, publique, paisible etnon équivoque et à titre de propriétaire de fait pendant trente ans au moins, de terres rurales aux �ns de pro-ductions rurales. Les prêts et locations reconnus ou prouvés de terres rurales ne peuvent en aucun cas êtreconstitutifs de faits de possession foncière rurale.234 Lamise en œuvre de la loi sur le foncier rural est confrontée aujourd’hui à de nombreux dé�s parmi lesquelsdes problèmes de coordination liés à la multiplicité des intervenants. À titre illustratif, les propos du directeur dela Législation, de la réglementation et de la sécurisation foncière au ministère de l’Agriculture et de la Sécuritéalimentaire du Burkina Faso Blaise Yoda se veut rassurant : « Depuis janvier 2014, nous essayons au niveau dela direction générale du Foncier, de la Formation et de l’Organisation du monde rural de mieux coordonner lesdi�érentes interventions. À ce jour nous avons pu réaliser un répertoire complet de l’ensemble des intervenants dansle cadre de la mise en œuvre de cette loi. » Aux problèmes de coordination, il faut ajouter le manque de ressourcesdisponibles pour la mise en œuvre de la loi. « L’application de la loi repose à près de 99% sur les communes. Lesmaires ont une grande responsabilité. Mais les communes ne disposent pas des ressources nécessaires », regretteBlaise Yoda.235 Traoré (S.), « La �lle aînée de l’État du Sénégal cherche prétendant », op. cit. Dans cet article, le professeurTraoré Samba établit un bilan de la loi 64-46 de 1964 sur le domaine national au Sénégal. Tout en identi�ant lesfaiblesses, non pas de la loi elle-même, mais de son application par les di�érents acteurs en présence, il discutede l’opportunité d’une réforme foncière et domaniale.236 Selon le professeur Traoré, la loi sur le domaine national s’est intéressée à la maîtrise : article 2 : « L’Étatdétient ». Il est le maître de la terre (controverse virulente entre propriétaristes et anti propriétaristes dépasséeaujourd’hui) ; donc rapport d’appropriation (pas privative) entre les di�érents acteurs. L’État et les collectivitésmaîtrisent désormais par la loi, et non plus par le feu, la hache. Finies les redevances, même symboliques.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
À la recherche d’un système juridique légitime • Section 1
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caractère » 237.
253Le législateur sénégalais a�entif aux di�érentes analyses sur le régime foncier en vigueur, a fi-
nalement saisi l’opportunité de l’adoption de la loi d’orientation de 2004 pour s’inscrire dans
une perspective de dynamisation et de la modernisation de l’agriculture. Ce�e loi pose clai-
rement le principe d’un impératif de réformer la législation foncière au Sénégal 238. Dans la
même logique, une commission de réforme foncière a été mise en place par le gouvernement
Sénégalais pour traduire en acte ce�e disposition de la loi. Selon le professeur Moustapha
Sourang 239, aujourd’hui, l’État s’engage à améliorer la gestion foncière pour répondre aux
besoins de développement et de cohésion sociale. Faisant sien cet objectif, la Commission na-
tionale de réforme foncière (CNRF) s’emploie à concrétiser l’option irréversible de réforme
foncière basée sur les principes de participation, de décentralisation, de l’encouragement
de l’agriculture familiale et commerciale, de respect des droits de l’homme, des droits des
femmes et des minorités.
254La réforme foncière doit contribuer à l’amélioration de la gouvernance foncière, à l’augmenta-
tion de la productivité des terres et à la promotion de moyens d’existence viables et durables
pour les populations, dans un climat sociopolitique apaisé. Au regard de l’analyse de l’en-
semble de la situation des deux pays, il convient d’en déduire que si le Sénégal est encore au
stade de réflexion avec une commission de réforme, le Burkina quant à lui a engagé déjà une
nouvelle politique foncière, tournant ainsi dos à la volonté d’éteindre les droits ancestraux.
Ce qui a permis « des avancées indéniables pour améliorer la sécurisation foncière de tous les
237 Ibid.238 C’est l’article 22 de la loi qui donne le ton en disposant que : « La dé�nition d’une politique foncière et laréforme de la loi sur le domaine national constituent des leviers indispensables pour le développement agro-sylvo-pastoral et pour la modernisation de l’agriculture. La politique foncière repose sur les principes suivants :
— la protection des droits d’exploitation des acteurs ruraux et des droits fonciers des communautés rurales ;
— la cessibilité encadrée de la terre pour permettre une mobilité foncière favorisant la création d’exploitationsplus viables ;
— la transmissibilité successorale des terres pour encourager l’investissement durable dans l’exploitation fami-liale ;
— l’utilisation de la terre comme garantie pour l’obtention du crédit
. »239 Le professeur Moustapha Sourang a été nommé par décret pris en conseil des ministres en janvier 2014comme, président de la Commission nationale de la réforme foncière. Il remplace à ce poste l’avocat DoudouNdoye, démissionnaire.
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usagers de la terre » 240.
255 À ce jour, le processus de réforme foncière au Sénégal a a�eint un niveau jamais égalé. Un do-
cument de politique foncière est disponible depuis 17 octobre 2016. Il a été remis à l’autorité.
Cependant, la commission a été dissoute depuis le 16 mai 2017. Depuis ce�e date, le proces-
sus est plongé dans une incertitude absolue. L’on ne sait plus si le processus de réforme va se
poursuivre ou pas. Après le document de politique qui identifie la vision et les orientations
stratégiques tant du foncier rural que du foncier urbain, la seconde phase qui reste est celle
de la transformation de ce document en actes législatifs et réglementaires. La société civile
veille au grain pour le respect de la démarche inclusive et participative qui a prévalu dans
la première phase. Dans tous les cas, la poursuite du processus semble être compromise car
le temps politique d’ici les prochaines élections présidentielles de mars 2019 ne semble pas
propice à entamer une réforme aussi décisive que celle du foncier.
S e c t i o n 2
DES LÉGISLATIONS PRÔNANT LA SÉCURISATION DES DROITS
PAR LES ACTES ET LES OUTILS
256 Pour faire face aux di�icultés d’insécurité normative en matière foncière les États de l’UE-
MOA ont recouru à une combinaison d’approche. Outre l’approche administrative fondée
sur les actes administratifs conformément à leur législation fondée sur une politique de co-
dification, il y a une approche instrumentale basée sur une procédure de constatation des
droits. Si, dans la majorité des pays de notre étude, les États privilégient la combinaison
des deux approches, il faut néanmoins remarquer que, le Niger fonde ses espoirs sur une
approche strictement codificatrice. Dans ce�e vision, il émerge au sein de l’espace UEMOA
deux outils principaux comme instruments de sécurisation foncière rurale : les plan foncier
rural pour le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger d’un côté et le plan d’occu-
pation et d’a�ectation du sol pour le Sénégal. Ce choix d’outil est fonction de la législation
en vigueur. Dans les deux cas, il se pose un problème commun de généralisation.
240 Pour mettre �n aux dérives et insu�sances du monopole foncier de l’État, plusieurs pays ont engagé desré�exions pour réformer la gestion du foncier. Les démarches alternatives de formalisation des droits fonciersont permis des avancées indéniables en particulier au niveau de la simpli�cation des procédures et de l’accessi-bilité des services fonciers pour les populations les plus vulnérables (réduction du coût et de la distance). Malgréces innovations, ces approches demeurent marquées par une vision « propriétariste » issue de l’héritage colo-nial. Pour mieux comprendre cette perspective ouverte pour l’évolution des droits fonciers en Afrique, lire :Mansion (A.), Benkahla (A.) et Vaumourin (S.) – « Du nouveau pour la sécurisation foncière des agriculturesfamiliales ? », in : Grain de sel vol. 38.1 (juil. 2014–juin 2015), p. 19 ; Mansion (A.) et Broutin (C.) – « Quellespolitiques foncières en Afrique subsaharienne? Dé�s, acteurs et initiatives contemporaines », in : Déméter 2014 :économie et stratégies agricoles, Paris : Club Déméter, 2013, p. 159–180.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Des législations prônant la sécurisation des droits par les actes et les outils • Section 2
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Paragraphe 1 La sécurisation par les actes administratifs
257De nombreuses initiatives de sécurisation foncière ont été prises depuis quelques années
pour juguler ou prévenir les conséquences néfastes de l’insécurité foncière. La sécurisation
des droits de propriété pouvant induire des investissements fonciers notamment dans la boni-
fication agricole et l’accroissement des investissements dans ce secteur et le développement
du marché foncier.
258En raison de l’impact négatif de l’insécurité foncière sur les activités agricoles et la paix
sociale, les pouvoirs publics ont fait de la question foncière une priorité. De nouveaux instru-
ments ont été identifiés et expérimentés en vue de la sécurisation des biens-fonds en zones
rurales, urbaines et périurbaines. Dans ce�e nouvelle aventure, la volonté de rompre avec
l’ordre juridique colonial fondée sur la promotion d’un titre unique (titre foncier) s’est mani-
festée par : la démystification du titre foncier (A) et de sa procédure puis la réintégration de
l’usucapion dans les nouvelles législations (B).
A - La démystification du titrement foncier
259La politique foncière mise en place en Afrique n’a pas permis une réelle utilisation de la terre
comme levier de développement. Le souci de l’État a été l’accaparement des terres en vue de
la réalisation de ses projets de développement, au besoin en « dupant » les populations. Ces
dernières n’avaient pas été associées à la réforme de 1974. Les résistances qu’elles ont oppo-
sées par la pratique des transactions immobilières en marge de ce�e réforme en témoignent
clairement. L’érection du titre foncier en uniquemode de certification de la propriété foncière
ajoutée à sa procédure lourde et onéreuse a rendu le titrement foncier mystérieux. Il reste
que, seule sa démystification peut servir de catalyseur de développement en Afrique. Ainsi,
la nouvelle orientation des politiques foncières s’articule autour de la simplification de la
procédure d’obtention du titre foncier. La création des titres simplifiés pour une pacification
du foncier est devenue une option 241.
260En définissant une nouvelle législation foncière rurale, répondant aux enjeux spécifiques du
foncier rural tout en étant partie intégrante d’une réforme globale dont les modalités de
mise en œuvre rapide étaient envisagées et déterminées, certains États de l’UEMOA, ont fait
l’option d’une démarche ambitieuse et réaliste. Ce�e ambition se traduit par la création de
241 Sécurité foncière et propriété privée ne doivent pas être confondues. On peut être en sécurité foncière avecde simples droits d’usage si ceux-ci sont clairs, si leur durée est précise et si le contrat ne peut être rompuunilatéralement. Inversement, on peut avoir un titre de propriété et ne pas pouvoir exercer ses droits si laparcelle fait l’objet de revendications concurrentes ou si le titre est jugé illégitime par les voisins qui risquentde venir détruire les cultures. Lire à ce sujet : Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud,Livre blanc des acteurs français de la Coopération, Comité technique « Foncier et Développement », juin 2009,p. 46
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Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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titres simplifiés dans les nouvelles législations. Ces titres pour la plupart sont destinés aux
milieux ruraux perme�e d’o�icialiser la détention des terres rurales en vertu d’un acte. Appré-
ciant ce�e nouvelle dynamique, les projets de titres simplifiés et sécurisés constituent selon
Abdoulaye Harissou « une réponse juridique, pratique et technique, à l’épineux problème de
propriété foncière. Il est une proposition “africaine”, produite par l’expérience » 242. La manière
d’apporter la solution n’est cependant pas unanime dans les États.
261 Le Bénin, Burkina Faso et le Niger ont opté pour l’institutionnalisation d’une a�estation de
détention coutumière aux valeurs juridiques di�érentes. Au Niger, avec les dispositions de
l’ordonnance 93, l’a�estation de détention coutumière reconnaît la propriété. C’est un acte à
caractère définitif. Le Mali a aussi versé dans la même tendance, celle de la création de titre
de jouissance simplifié.
262 Le requérant est propriétaire coutumier de son terrain ; il demande à la Commission foncière
de reconnaître et de formaliser ce�e propriété. Dans le même temps, elle constitue au Bénin
et au Burkina Faso, un acte présomptif du droit de propriété 243. À l’exception du Sénégal, qui
a consacré le droit d’usage sans instituer un titre, les autres États de l’UEMOA ont décidé
de faire valoir une solution alternative à la procédure d’immatriculation foncière héritée de
la colonisation. Ce�e tendance dominante est fondée sur la philosophie de la promotion
d’un système de « titrement sécurisé et simplifié pour un foncier pacifié » qu’appelle de tous
ses vœux le notaire Abdoulaye Harissou. Il s’agit pour lui de proposer comme alternative au
titre foncier, un document o�iciel, simple, que chaque citoyen, même démuni, peut obtenir, à
faible coût. Il certifiera sa propriété sur la case qu’il habite, sur le lopin de terre qu’il cultive ou
sur la petite ferme qu’il exploite. Parmi les caractères qui doivent être a�achés à ce document,
figurent le caractère transmissible par voie de succession. Ainsi, ce document doit rendre à
ses titulaires leur dignité et les aidera à dépasser les angoisses du lendemain, à s’extraire de
la précarité et à entrer dans le progrès matériel et social. Dans ce�e vision, le titre sécurisé
et simplifié ne remplacera pas le titre foncier. Les deux coexisteront.
263 O�rir une alternative à l’immatriculation, ne fait que partiellement consensus, au-delà de la
« communauté épistémique » qui le 244. Purs produits de la colonisation, l’immatriculation et le
titre foncier garantis par l’État sont perçus par de nombreux acteurs comme la seule référence
de droit « réel ». Malgré toutes les démonstrations théoriques et pratiques des limites de
242 Harissou (A.), La terre, un droit humain, op. cit., p. 105.243 Au Bénin, la loi 2017-15 modi�ant et complétant la loi no 2013 -01 du 14 août 2013 portant code foncieret domanial en son article 352 nouveau : Toute personne titulaire de l’un quelconque au moins des droits cou-tumiers susvisés et désireuse de se faire délivrer un titre opposable qui constate l’existence et l’étendue de sesdroits adresse une demande au maire aux �ns de la reconnaissance formelle et écrite de ses droits. Le maireavec l’appui des structures communales et villageoises de gestion foncière, procède à une enquête publiqueet contradictoire sanctionnée par un procès-verbal à la suite duquel est délivrée une attestation de détentioncoutumière.244 Lavigne Delville (P.) – « Reconnaître les droits coutumiers : propriété coutumière ou faisceaux dedroits ? », in : Colloque international sur les frontières de la question foncière, (Montpellier, 2006), p. 105.
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l’immatriculation, la culture juridique en Afrique francophone demeure imprégnée de ce�e
logique, en vertu de laquelle les biens fonciers, vu leur nature et leur enjeu, doivent faire
l’objet d’une procédure rigoureuse et ina�aquable 245. Toute autre procédure, en particulier
celles qui reposent sur des droits de propriété non garantis par l’État, est perçue comme
une procédure de second niveau. Comme la plupart des pays d’Afrique francophone, dans
les dispositions de la loi modificative du code foncier et domanial du Bénin, le législateur a
réa�irmé cet a�achement au titre foncier 246.
B - La réintégration de l’usucapion 247
264Pour sortir de l’impasse où ils se sont enlisés en matière foncière, certains pays africains
qui n’ont pas pu comme le Sénégal, retourner aux sources ou qui n’ont pas pu comme le
Rwanda et le Niger fabriquer la propriété coutumière devraient combiner l’immatriculation
à d’autres formes de l’accès des tenures à la propriété telle que l’usucapion. Le colonisateur
français avait essayé ce�e prescription acquisitive en Afrique mais de façon discriminatoire.
Finalement, il l’avait subtilement interdite dans les décrets de 1932 sur les immeubles imma-
triculés. Il s’avère aujourd’hui impératif d’inventer et d’essayer une usucapion africaine si
l’on veut sécuriser rapidement les tenures, en tenant compte de leur «multifonctionnalité ».
265L’usucapion ou prescription acquisitive signifie en matière foncière qu’on devient proprié-
taire d’un terrain si l’on le possède depuis trente ans, l’espace d’une génération 248 . Pour
être légalement propriétaire d’un immeuble, il su�it donc d’en être possesseur depuis au
moins trente ans, ou de l’avoir obtenu d’une autre personne avec laquelle le délai cumulé
de possession a�eint les trente ans, puisque aucune action en restitution ne sera recevable
de la part des ayant droits d’anciens propriétaires, même si ce�e action est fondée sur des
preuves écrites.
266L’usucapion se présente donc comme un mode d’acquisition de la propriété et des droits
réels par la possession prolongée, c’est une sorte d’expropriation privée qui intervient par
le fait de ce�e possession prolongée. L’usucapion, permet surtout de prouver qu’on est ou
245 Lors d’un séminaire sur le foncier, après une longue discussion sur ce point, un juriste responsable de lapolitique foncière rurale d’un pays de la sous-région prenait conscience que l’achat d’uneMercédès faisait l’objetd’un simple contrat de droit privé, alors même qu’elle vaut bien plus qu’une parcelle de terre en milieu ruralet que l’argumentaire sur l’enjeu de la sécurisation juridique parfaite de la transaction foncière était peut-êtrediscutable.246 Selon les dispositions de l’article 2, seul le titre foncier confère la pleine propriété en République du Bénin.Lui sont attachés tous les attributs du droit de propriété. Toutes les terres non couvertes par un titre fonciersont sous l’empire de droits présumés.247 On lira utilement Jestaz (P.) – Prescription et possession en droit français des biens, Paris : Dalloz, 1984, p. 27 ;Comby (J.) – « Des outils pour gestion e�ciente », in : Séminaire Mae Dctilo, (Yaoundé, sept. 2000) ;Minkoe (S.)– « La place de la possession en droit foncier camerounais », in : Communication aux travaux camerounais del’Association Henri Capitant, (Yaoundé, 1991), p. 452.248 Pour s’en convaincre lire Cornu (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 785.
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a été possesseur, car à défaut de titre foncier, dans le cas où on ne peut en acquérir un, le
seul moyen d’établir la propriété, serait de remonter la chaîne des propriétaires jusqu’au pre-
mier, en prouvant la régularité de toutes les transactions. Ceci est pratiquement impossible
à administrer.
267 L’usucapion serait ainsi une preuve de la propriété, non parce qu’elle persuade, mais parce
qu’elle coupe court à la contestation. En règle générale la philosophie de l’usucapion est
double. D’une part, elle revient à adme�re qu’en pratique, l’origine est rarement pacifique,
et qu’elle-même a par le passé fait l’objet de multiples conflits. D’autre part, elle privilégie
l’utilité sociale de la propriété et ne protège les droits que pour autant que leurs titulaires les
exercent : un propriétaire qui les auraient négligés pendant plus de trente ans ne peut plus
s’en prévaloir. On peut donc déduire de ce�e philosophie que l’usucapion est une solution
aux conflits de preuve, un mode d’acquisition de preuve de la propriété. Elle aurait pu éviter
les conflits entre collectivités se disputant la propriété des parcelles du domaine national, du
fait de leur occupation particulièrement prolongée 249. Le professeur Nijako observe que les
conditions de l’usucapion sont : une possession paisible et de bonne foi. La jurisprudence
camerounaise semble être de plus en plus a�entive à la nécessité de réintégrer comme mode
d’acquisition de la propriété 250.
268 La réintégration de l’usucapion comme mode d’acquisition de la propriété foncière donnera
des alternatives au titre foncier comme preuve de la propriété, parce qu’on pourrait désor-
mais délivrer aux bénéficiaires soit des certificats fonciers soit des a�estations de possession
foncière ayant la même force probante que le titre foncier. Si on parvient à élaborer un bon
plan cadastral, on verra qu’avec l’usucapion la sécurisation de la propriété foncière cessera
d’être un leurre pour devenir une réalité, et les populations seraient plus réceptives à ce�e
idée d’autant plus que leurs résistances sont le plus souvent faites au nom de leur ancienneté
sur le lieu occupé ou exploité. Ainsi, le professeur Nijako estime que cela facilitera les tran-
sactions immobilières et les investisseurs seront rassurés. Aussi l’assie�e de l’impôt foncier
sera-t-elle plus transparente.
269 La prescription acquisitive ici proposée devrait être encadrée, d’où son appellation « d’usuca-
pion encadrée ». Il s’agit, d’une prescription à instituer à définir par la loi et qui ne résultera
pas seulement de l’occupation, mais aussi d’un encadrement légal. Elle aura entre autres
pour objectif d’être proche de la tradition. Ceci perme�ra aux détenteurs coutumiers de
bien comprendre la sécurisation foncière qui leur sera proposée et d’adhérer massivement à
ce�e nouvelle procédure.
270 Ce�e prescription aujourd’hui idoine, au moins pour les pays d’Afrique qui reconnaissent en-
249 Voir à ce sujet Njiako (A. T.) – Droits réels et domaine national au Cameroun, Dakar : PUA, 2004, p. 785.250 CJC, Arrêt no 26-76-77-CC : A�aire Atangana Luc contre Atangana Essomba Mathieu, 13 oct. 1976 ; CJC,Arrêt no 36-CC : A�aire Fonkam André contre Mbouembe Joseph et Tcheuko Rose, 19 avr. 1984 .
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core les droits fonciers coutumiers sans pouvoir imposer de façon utile leur respect comme au
Niger ou leur immatriculation, devrait être soumise à des conditions précises. Ces conditions
devraient être a�érentes à ses domaines et délai ainsi qu’à la qualité de ses bénéficiaires. La
détermination rigoureuse selon le professeur Nijako du domaine de la nouvelle prescription
acquisitive est très importante dans les droits où, à l’instar du droit camerounais, l’État crée
des domaines aux contours flous, des commissions de contrôle amorphes si elles ne sont pas
les complices intéressées dans les occupations et transactions illicites relatives aux terres
domaniales.
271Le domaine de la nouvelle prescription est évidemment la première dépendance du domaine
national assez implicitement étendue aux terres déterminées par le décret no 2005-481. Au-
trement dit, ne devraient faire l’objet de ce�e prescription que les terres mises en valeur
avant le 5 Août 1974 ou objet de mises en valeur réalisées après ce�e date et précédées,
avant ladite date, par une exploitation ou une occupation non probante. Par contre, ce n’est
pas le cas des terres transitoires parce que le législateur n’a pas encore validé leur mise en
valeur. Au contraire, le décret no 2005-481 les a expressément versées au domaine national
de la seconde catégorie.
272En ce qui concerne les pays de notre étude, c’est le législateur béninois qui a fait usage
excessif de la prescription comme mode d’accès à la propriété. D’abord, en reconnaissant la
détention coutumière désormais validée par une a�estation, dans sa quête d’aider à mieux
appréhender le foncier, a ajouté l’usucapion commemode d’accès 251 mais ensuite a introduit
d’autres concepts nouveaux 252 qui prêtent à confusion 253.
273Outre la consécration dans les textes des actes juridiques comme mode de preuve d’une
propriété foncière, les pays de l’UEMOA ont aussi recouru à certains instruments comme
outil de sécurisation foncière.
251 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art.9 : « La propriétés’acquiert également par l’accession, l’incorporation, la prescription et par d’autres e�ets des obligations. »252 Bien-fonds, bail à construction, certi�cat de propriété foncière, certi�cat d’inscription, faire-valoir indirect.253 Le législateur béninois dénomme un chapitre entier du code « de la prescription extinctive » ; au sein du-quel, il évoque tantôt la prescription extinctive, tantôt la prescription acquisitive. Pour se convaincre de cetteconfusion, il faut se référer aux articles 30 et 31 du code foncier et domanial en République du Bénin.
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Paragraphe 2 Une approche instrumentale fondée sur le Plan fon-cier rural (PFR) et le Plan d’occupation et d’affec-tation des sols (POAS)
274 Dans le souci d’assurer une sécurité foncière aux acteurs ruraux, certains États de l’espace
UEMOA ont opté pour une approche instrumentale guidée par le souci de prendre en compte
les droits locaux tels que vécus et exprimés par les acteurs. Ainsi, si le Bénin, le Niger, le
Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont opté pour un le plan foncier rural (PFR), le Sénégal quant
à lui a adopté le plan d’occupation et d’a�ection des sols (POAS). Malgré une di�érence de
dénomination, l’esprit à l’origine de ces outils demeure le même : la constatation des droits
fonciers coutumiers. À l’appui de la réinvention de l’esprit de constatation des droits fonciers
coutumiers (A) s’accompagnent des outils de mise en œuvre (B).
A - La procédure de constatation des droits fonciers coutumiers
275 Les problèmes fonciers sont en permanence au-devant des préoccupations prioritaires des
décideurs politiques et des institutions internationales de développement, comme en at-
testent les nombreuses initiatives en cours au niveau des États. La sécurisation foncière
est aujourd’hui au cœur des engagements des di�érents acteurs du développement, qu’il
s’agisse des producteurs, des décideurs nationaux ou des agences internationales de coopé-
ration. Comme la plupart des États africains, la politique de sécurisation foncière du Bénin
a suivi un mouvement pendulaire situé entre l’élaboration d’une législation foncière résolu-
ment orientée vers la promotion de la propriété et la recherche d’un mécanisme favorable à
l’égard des droits fonciers coutumiers 254.
276 En e�et, depuis la période coloniale, la sécurisation foncière a été recherchée principalement
à travers un cadre juridique trop orienté vers la promotion de la propriété privée. C’est ainsi
que l’ensemble des politiques et législations foncières coloniales de l’ex-AOF (Afrique occi-
254 À titre illustratif on peut lire utilement la Loi no 61-30 du 19 juillet 1961 �xant la procédure de con�rmationd’expropriation des droits fonciers coutumiers dans la République du Niger. À travers quelques dispositionsde cette loi, l’on peut comprendre aisément l’esprit dans lequel une idée de constatation des droits foncierscoutumiers fût instituée.Article premier.- Dans la République du Niger, sont con�rmés les droits coutumiers exercés collectivement ouindividuellement sur les terres non-appropriées selon les règles du Code civil ou du régime de l’immatriculation.Nul individu, nulle collectivité ne peut être contraint de céder ces droits si ce n’est pour cause d’utilité publiqueet moyennant une juste compensation. Nul ne peut en faire un usage prohibé par les lois ou par les règlements.Les collectivités ou les individus qui, à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi, exercent des droits surle sol en vertu des coutumes locales ont la faculté de faire constater l’existence et l’étendue de ces droits parl’application des procédures ci-après qui se substituent à celles prévues par le décret du 8 octobre 1925.Art.2.- Les droits coutumiers susvisés feront l’objet d’une procédure publique et contradictoire donnant lieu à ladélivrance d’un titre foncier opposable aux tiers qui constate l’existence et l’étendue de ces droits. Les chefs deterres ou autres chefs coutumiers qui règlent, selon la coutume, l’utilisation des dites terres par les familles oules individus ne peuvent en aucun cas se prévaloir de leurs fonctions pour revendiquer à leur pro�t personneld’autres droits sur le sol que ceux résultant d’en faire valoir par eux-mêmes, en conformité avec la coutume.
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dentale française) reposaient sur le décret du 24 juillet 1932 organisant l’immatriculation
foncière : la propriété pleine et entière sur la terre n’était reconnue et garantie que si les
droits étaient enregistrés dans les livres fonciers à travers la procédure de l’immatriculation
foncière.
277En réalité, la question de fond à laquelle était confrontée l’administration coloniale était
celle de l’a�itude à adopter à l’égard des droits fonciers coutumiers : fallait-il reconnaître des
droits fonciers que la li�érature foncière dominante de l’époque considérait comme caracté-
risés par l’insécurité liée à l’oralité et par l’ine�icacité économique résultant de la sacralité
et de l’interdiction de vente des terres ?
278Le législateur colonial, après de multiples théorisations et de nombreuses hésitations, a fi-
nalement consacré l’immatriculation foncière comme seule modalité de reconnaissance de
la propriété foncière. Face à l’échec retentissant du système d’immatriculation, l’administra-
teur colonial va recourir à une autre voie, celle de la constatation des droits fonciers coutu-
miers.
279La constatation des droits fonciers coutumiers visait l’objectif de remédier à l’échec du sys-
tème de l’immatriculation foncière en organisant pour les détenteurs de droits fonciers cou-
tumiers un système plus simple et plus accessible. Le système de constatation des droits
fonciers coutumiers consiste à organiser une clarification des droits détenus en vertu des
principes coutumiers. Dès lors qu’une personne exerce une emprise évidente et permanente
sur des terres en vertu de la coutume, elle peut demander que l’administration procède à la
constatation de son droit. La procédure consiste pour le requérant, à délimiter sa parcelle
par tout moyen, et à adresser par écrit ou même verbalement à l’administration sa demande
de constatation.
280L’administration chargée du foncier est immédiatement saisie de ce�e requête, notamment
pour lui perme�re en cas de besoin, de protéger les droits de l’État. Une enquête est diligen-
tée sur place auprès des notables, afin de faire révéler toute opposition éventuelle. Procès-
verbal de l’enquête est établi, marquant l’ouverture du délai de réception des oppositions
éventuelles. En l’absence d’une opposition, un livret foncier coutumier est établi au profit du
requérant. En cas de litige, il est statué par le tribunal coutumier.
281Malgré sa simplicité, la procédure de constatation des droits coutumiers n’a pas connu non
plus le succès escompté, principalement en raison du désintérêt des populations africaines
invitées à l’utiliser. De plus, aucune garantie juridique sérieuse ne résultait de la détention
d’un certificat administratif : le bénéficiaire était seulement admis à requérir l’immatricula-
tion de son bien après délimitation et bornage.
282Malgré le peu de succès connu aussi bien par la procédure d’immatriculation que par celle
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de constatation des droits coutumiers, les législations foncières nouvelles des pays d’Afrique
francophone notamment celles du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal
ont apparemment suivi la même trajectoire dans le cadre des politiques foncières en soutien
aux politiques de développement économique et social 255. Ainsi, en combinant une approche
législative et instrumentale pour répondre aux problèmes d’insécurité en matière foncière,
elles ont démontré encore leur a�achement aux initiatives d’origine coloniale. Si l’on observe
une convergence d’esprit à travers le PFR pour le Bénin, le Burkina Faso, le Niger et la Côte
d’Ivoire, le Sénégal a fait exception à travers le POAS. Somme toute, l’ensemble de ces outils
apparaît comme une tentative de donner une seconde chance au système de constatation
des droits fonciers 256.
B - Les outils de mise en œuvre : le PFR et le POAS
283 En dépit de la situation foncière très variable dans les pays de l’union, le plan foncier rural
s’est révélé apparemment très consensuel. Pendant que le Bénin et la Côte d’Ivoire sont des
pays côtiers avec des dimensions importantes d’économie rurale de plantation, le Burkina
Faso et le Niger sont des pays sahéliens où l’économie agropastorale est dominante, le Plan
Foncier Rural est apparu comme les outils de sécurisation foncière rurale pour l’ensemble
de ces États. À l’intérieur d’un même pays, les situations sont également très variables en
fonction des contextes agro-écologiques. Un point commun est cependant le constat que
le Plan foncier rural (PFR) intervient dans des contextes de conflits fonciers présumés être
exacerbés au niveau local. Il est supposé que ce�e situation de conflits fonciers est liée à la
confusion des droits locaux. La réponse la plus appropriée serait, selon le Bénin, le Burkina
Faso, la Côte d’Ivoire alors la clarification des droits fonciers locaux à partir du PFR. Si, le PFR
semble avoir l’adhésion de ces pays comme outil de sécurisation foncière rurale, le Sénégal
quant à lui opte pour un plan d’occupation et d’a�ectation du sol (POAS). Si, le choix diverge
entre les trois pays et le Sénégal, deux constances se dégagent dans les deux cas : di�iculté de
généralisation des outils dans les pays sous aide budgétaire puis la réticence pour le retrait
des titres issus des opérations PFR.
255 Pour le Burkina Faso, le législateur a clairement précisé que pour faire reconnaître une possession, il fautfaire une demande de constatation. L’article 36 de la loi portant régime foncier rural dispose que : « Tout pos-sesseur foncier rural peut à titre individuel ou collectif, demander la reconnaissance de sa possession. À cet e�et,il adresse à la commune territorialement compétente, une demande de constatation de possession foncière rurale.La demande de constatation de possession foncière rurale est faite sur formulaire fourni par la commune ; elle estsoumise au droit de timbre communal. Les pièces constitutives du dossier de demande de constatation de possessionfoncière rurale ainsi que le détail de la procédure de constatation de possession foncière rurale sont précisés pardécret pris en Conseil des ministres. »256 Ouédraogo (H.), Étude comparative de la mise en oeuvre des plans fonciers ruraux en Afrique de l’Ouest,op. cit., p. 11.
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C - Les contextes nationaux de réalisation du plan foncier rural
284La situation foncière en Côte d’Ivoire est complexe, d’une part en raison de l’implication
massive d’exploitants originaires des pays voisins, d’autre part en raison des événements
qui s’y déroulent présentement 257. Pour comprendre ce�e complexité, il faut rappeler les
postulats historiques ci-après, qui partent du miracle ivoirien (1) aux conséquences de la
crise économique sur les rapports fonciers (2).
1 Le PFR à partir du miracle ivoirien
285Pendant longtemps fleuron de la zone francophone de l’Afrique de l’ouest, la prospérité de
l’économie ivoirienne reposait notamment les hautes performances de la production rurale
tant agricole (café et cacao) que forestière (bois). Pour réaliser ce «miracle ivoirien », les au-
torités politiques de l’époque se sont appuyées sur une politique audacieuse d’immigration
tant interne qu’externe. Au plan interne, les flux de la main d’œuvre agricole provenaient
principalement du nord du pays ; au plan externe, des pays sahéliens voisins.
286Lesmigrants ont bénéficié, en application des principes traditionnels d’hospitalité, de la mise
à disposition de terres pour satisfaire leurs besoins domestiques. Plus tard, en fonction des
rapports de bonne coexistence entre communautés locales, les migrants ont bénéficié de
l’octroi de terres forestières pour leurs activités productives propres. Ce�e situation aboutira
progressivement à la constitution de véritables domaines au profit des migrants à travers des
dons de portions de terres contre des compensations symboliques 258. Plus tard, les dons de
terres seront remplacés par de « véritables » ventes de terres.
287Après ce�e période, la Côte d’Ivoire comme les autres États de la sous-région ouest-africaine
va entrer dans une période de récession économique familièrement appelée « la conjoncture ».
Entre 1978 et 1986, le cours du cacao va chuter d’environ 40%. Dans le même temps, le franc
CFA subit une très forte dévaluation de 50% en 1994. Ce�e conjonction de facteurs engendre
une longue période de crises 259.
288En décidant de tester un nouveau type de cadastre rural, le gouvernement de la Côte d’Ivoire
était guidé par la volonté de créer une plateforme perme�ant la clarification des rapports fon-
ciers au niveau local. L’enregistrement devait porter sur les di�érents groupes de détenteurs
de droits, sur la nature de ces droits et sur les superficies concernées. Le (PFR) recensera la si-
tuation foncière actuelle en constatant les droits à la terre tels qu’ils sont perçus et reconnus
257 Ibid., p. 17.258 Généralement une bouteille de liqueur ou une caisse de vin ; un coq, un mouton ou une chèvre ; quelquefoisune somme modique d’argent.259 De 1980 à 1993 environ.
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par les occupants et l’administration et tels qu’ils résultent d’accords entre individus, voisins,
exprimés devant une équipe d’enquête du projet pilote et qui n’auraient pas été contestés
par d’autres intéressés 260. À la di�érence d’autres pays, la Côte d’Ivoire a renoncé à imposer
des règles étatiques ou étrangères à la culture locale et qui, de toute évidence, sont refusées
par les communautés rurales au profit d’un inventaire des pratiques locales existantes.
289 Ce choix implique non seulement la reconnaissance d’une possibilité d’accès à la terre se-
lon les règles autochtones mais également l’enregistrement des droits qui en résultent, sous
toutes leurs formes, que ce soit en tant que quasi-propriété héritée et transmissibles, en tant
droits d’usage limités mais irrévocables ou bien en tant que droits liés à un prêt temporaire et
précaire. Les détenteurs de ces droits peuvent être des individus ou des collectivités comme
des communautés villageoises, des lignages, ou des familles. Le but ici recherché à travers
l’enregistrement, est d’obtenir une représentation des droits fonciers existants et de leur im-
portance quantitative, de les garantir à travers une reconnaissance explicite par l’ensemble
des parties, d’identifier les conflits existants et de contribuer à leur résolution, et à terme, de
constituer un cadastre rural décentralisé.
290 Le Plan foncier rural identifie deux groupes principaux de droits fonciers : les gestionnaires
de terre et les exploitants de terre. La signification et la nature des droits détenus par chacun
de ces groupes varient sensiblement d’une région à l’autre, d’un village à l’autre, voire d’un
cas à l’autre. Le projet s’e�orce cependant de cerner ces di�érences et de les documenter
dans le cadre des fiches d’enquête foncière. Ces fiches enregistrent aussi bien le propriétaire
des terres que leur utilisateur actuel et détaillent l’origine et le type des droits respectifs.
Mais la pression extérieure qui pèse sur le projet afin d’augmenter la production physique-la
surface traitée- tout en réduisant au minimum le temps de traitement nécessaire, menace
de simplifier les situations foncières complexes, aboutissant à une vision réductrice.
2 Le plan foncier béninois : une singularité à l’échelle internationale
291 Au début des années 90, la situation foncière au Bénin se caractérise par une insécurité fon-
cière, tant en milieu rural qu’en milieu urbain, et une forte spéculation, en particulier en
milieu périurbain. Plusieurs réformes ont été entreprises pour tenter de résoudre ce�e situa-
tion qui constitue à n’en point douter un handicap au développement économique. C’est
ainsi que, dans le cadre de la politique de lu�e contre la pauvreté, le Bénin a adopté le Plan
foncier rural (PFR) comme moyen de sécurisation foncière et de promotion des investisse-
ments en milieu rural 261. Avec la loi no 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et
260 Attestation du Secrétaire Général du Gouvernement du 21-12-1988, voir PFR 1996/25.261 Aux termes de la loi no 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bénin,article 4, le PFR est l’« inventaire des terres rurales et l’enregistrement des droits y rattachés ainsi que de leurstitulaires, dans le but de répondre aux besoins individuels et collectifs de sécurité foncière, de plani�cation et d’in-vestissement ».
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domanial en son article 7 le PFR est « le document faisant l’inventaire des terres rurales avec
enregistrement des droits y ra�achés ainsi que de leurs titulaires, dans le but de répondre aux
besoins individuels et collectifs de sécurité foncière, de planification et d’investissement ». Ce�e
définition relève la nature, l’objet et la finalité du PFR au Bénin. À l’analyse, l’utilité du PFR
réside dans sa finalité qui est la sécurisation foncière. Il s’agit de la constatation et de la
confirmation des droits présumés acquis selon la coutume et les usages locaux 262.
292À la mise en œuvre, il se révèle une certaine singularité dans l’établissement du PFR béninois.
Elle marque une di�érence fondamentale entre le PFR du Bénin et celui de la Côte d’Ivoire
et du Burkina Faso d’une part, et d’autre part constituerait une violation d’un droit reconnu
à l’échelle international : le droit au logement. En e�et, la volonté très a�irmée de l’État bé-
ninois pour le développement agricole a fait occulter le droit des populations rurales à un
habitat sécurisé. Comme l’ont évoqué Günther Zulsdorf et Clément Dossou-Yovo, la mise en
œuvre du PFR découle du constat selon lequel « l’insécurité foncière amenuise davantage le
revenu de la population rurale. . . car a�ectant notamment la production agricole. . . » 263 Face à
ce�e situation, « le gouvernement du Bénin, dans ses e�orts de recherche de solutions appro-
priées aux problèmes fonciers en milieu rural, a retenu depuis 1993 le plan foncier rural. . . comme
outil d’investigation et de gestion foncière dans certaines localités en vue de sécuriser et de pro-
mouvoir les investissements dans la production agricole » 264. Ainsi, les objectifs initiaux du
PFR ont conduit logiquement à concentrer maladroitement les e�orts sur les terres agricoles.
Ce faisant, les PFR établis se sont trouvés confinés dans les champs puisque leur champ
d’application est constitué par les terres rurales 265.
293À l’analyse, ce�e option du législateur béninois constitue une violation d’un droit fonda-
mental reconnu aux populations rurales et contenu dans les «Directives volontaires pour une
gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts
dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale » 266. Certaines énonciations illustrent bien
ce�e violation. D’abord, au point 5. 3 relatif aux « cadres politique, juridique et organisationnel
relatifs aux régimes fonciers », le principe établit clairement que :
Les États devraient faire en sorte que les cadres politique, juridique et organisa-tionnel relatifs à la gouvernance des régimes fonciers reconnaissent et respectent,
262 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art.194.263 Günther etDossou-yovo – Rapport d’évaluation du projet FI-ProAgri dans les départements Atacora-Donga :Composante Sécurisation foncière, OWAS, nov. 2013, p. 14 et suiv.264 Ibid., p. 4.265 Au terme des dispositions de l’article 7 de la loi no 2013- 01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial« terres rurales : ensemble des terres occupées par les activités agricoles, pastorales, sylvicoles, piscicoles ou destinéesà accueillir l’une ou l’autre de ces activités. Les terres rurales sont situées en dehors des zones urbaines, des zones àurbaniser ou des zones d’urbanisation future telles que dé�nies par les documents d’urbanisme. »266 Deux considérations centrales ont été à la base de l’élaboration de ce document à l’échelle internationale : ledroit à l’alimentation et le droit à un logement. Les Directives volontaires sont un texte élaboré sur une base denégociations intergouvernementales sous la direction de la FAO et soumis au Comité de la sécurité alimentairemondiale (Csa). Ce texte a fait l’objet d’une approbation dé�nitive le 11mai 2012 et le Bénin fait partie des Étatssignataires.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 113
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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conformément à la législation nationales, les droits fonciers légitimes, y comprisles droits fonciers coutumiers légitimes qui ne sont pas actuellement protégéspar la loi ; ils devraient par ailleurs faciliter, promouvoir et protéger l’exercice desdroits fonciers. [. . .] Les États devraient proposer des cadres non discriminatoireset promouvoir l’équité sociale et l’égalité des sexes. Les cadres devraient refléterles liens étroits qui existent entre les terres, les pêches, les forêts et l’utilisationqui en est faite et établir une approche intégrée de leur gestion.
294 Si le PFR béninois viole ce principe de directives de la FAO, en ce qu’il n’adopte pas une
approche intégrale, il viole encore la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1949
en son article 25 267 ainsi que le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels en son article 11 268. En excluant de son champ d’application l’habitat rural, le
PFR au Bénin rompt le lien intime entre droit foncier et droits de l’homme scellé par nombre
de textes internationaux dont l’État béninois est partie. Ce qui constitue une singularité en
raison de la discrimination opérée entre terre rurale et habitat rural. Ce�e discrimination le
di�ère des PFR élaborés par la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso.
295 De l’avis des professeurs Noël Gbaguidi et Epiphane Sohouénou , du point de vue formel, la
définition que les textes béninois donnent des terres rurales est restrictive en ce qu’elle réduit
celles-ci aux terres agricoles. En l’état, elle ne permet pas de considérer a priori le « noyau
du village » comme susceptible d’être couvert par le PFR. Ce�e définition légale des terres
rurales est critiquable au regard de la langue française.
296 Du point de vue substantiel, le législateur a également donné une définition pratique aux
terres rurales. Ce sont celles qui sont situées dans un village, sans exclusion 269 : (article193)
« II est institué pour chaque village un plan foncier rural. [. . .] Le plan foncier rural communal
est l’assemblage des plans fonciers ruraux des villages relevant du ressort territorial de la même
commune. »
297 L’espace concerné par le PFR est le village, à l’exclusion du quartier de ville. La définition
de l’espace rural ainsi adoptée est tirée de l’organisation administrative. L’article 194 précise
davantage le champ d’application : « Le plan foncier rural est constitué d’un document gra-
phique, le plan parcellaire qui est l’ensemble des plans de parcelles d’un territoire villageois. . . »
267 Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1949 dispose : « Toute personne a droit àun niveau de vie su�sant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation,l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. . . »268 L’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1976 dispose : « LesÉtats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie su�sant pour elle-mêmeet sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement su�sant, ainsi qu’à une amélioration constantede ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de cedroit. . . . »269 Gbaguidi (N.) et Sohouenou (E.) – « Le droit positif béninois face à l’exigence de la prise en compte dunoyau villageois et des bas-fonds dans l’élaboration des plans fonciers ruraux », in : Atelier de ré�exion sur laprocédure d’établissement du plan foncier rural, (Ouidah, Bénin, 19–21 fév. 2014), p. 5.
114 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Des législations prônant la sécurisation des droits par les actes et les outils • Section 2
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Sont visées par le PFR, toutes les parcelles, tout le territoire villageois, sans exclusion. Sous
cet angle, l’extension du PFR au « noyau du village » serait envisageable.
298Pour éviter que les ambiguïtés du texte soient utilisées pour empêcher l’extension, il est
souhaitable de me�re en cohérence les définitions formelle et substantielle des terres rurales
en précisant dans un texte d’application du Code foncier et domanial que ces terres sont
toutes celles qui sont situées sur le territoire d’un village.
3 Le contexte dans les pays sahéliens : le Burkina Faso et le Niger
À la di�érence du Bénin et de la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger sont des pays sahé-
liens enclavés, caractérisés par une diversité de zones agro-climatiques. Dans ce�e diversité,
les mécanismes opérationnels sont prévus pour la gestion foncière rurale. Ce�e diversité
agro-climatique a des incidences sur la configuration de la situation foncière nationale. De
manière générale on peut retenir les 4 principales zones ci-après :
— la zone sahélienne au nord avec une très faible pluviométrie, espaces traditionnels
de pratique de l’élevage transhumant du gros bétail ; ce�e zone est très faiblement
peuplée ;
— la zone du plateau central à pluviométrie faible, constituée de terroirs de production
agricole et de petit élevage (volaille et petits ruminants) ; c’est la zone de haute den-
sité de population du pays, éme�rice de puissants courants de migration internes et
externes ;
— la zone soudanienne à l’ouest, relativement bien arrosée où s’exercent des activités
agricoles céréalières et de rente (coton notamment) ;
— la zone de l’Est, caractérisée par des activités agricoles, mais où dominent de grandes
réserves de faune, relevant des espaces forestiers de l’État. Ce�e zone est faiblement
peuplée.
La situation foncière au Burkina et au Niger est dominée par les mouvements migratoires
internes de population et par lesmouvements cycliques de transhumance. La zone du plateau
central est la zone pourvoyeuse de main d’œuvre pour le reste du pays, notamment pour les
riches terres de l’ouest et pour les poches de réserves foncières dans les autres régions (bas-
fonds au nord, reliques de brousses dans le sud. . . )
299Le Burkina a dès le début des années 70 engagé et organisé une véritable politique de colo-
nisation des terres insu�isamment mises en valeur. C’est ainsi que les pouvoirs publics ont
favorisé la migration et l’installation des populations du plateau central, dans les régions
plus faiblement peuplées. L’État à travers l’Autorité d’aménagement des vallées des Volta
(AVV) entreprendra l’assainissement, puis l’aménagement de ces terres après leur intégra-
tion au domaine de l’État. L’a�lux massif de migrants dans les zones d’accueil provoquera
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 115
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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progressivement des situations de tensions foncières toujours croissantes entre autochtones
etmigrants. Demême, les conflits entre agriculteurs sédentaires (autochtones etmigrants) et
éleveurs transhumants constituent des situations chaque jour plus préoccupantes, aboutis-
sant périodiquement à des a�rontements violents avec parfois des pertes en vies humaines.
300 Il faut enfin souligner le développement du phénomène dit des « nouveaux acteurs » : les
citadins aisés entrent en possession de grandes étendues de terres en milieu rural soit pour y
investir dans la production agricole, soit pour réaliser des opérations de spéculation foncière.
Il n’est pas exagéré de poser à terme l’hypothèse, si la tendance se poursuit, de la naissance
à court ou moyen terme d’une catégorie de paysans sans terre. L’opération pilote de PFR
du Burkina a été mise en œuvre dans le cadre de la recherche de solutions pratiques aux
conflits qui opposent depuis plusieurs années les populations autochtones des zones des
vallées, libérées de l’onchocercose, aux populations migrantes, organisées et installées par
l’État sur les terres aménagées. En particulier l’expérimentation de la délivrance e�ective
de titres aux exploitants des terres agricoles aménagées (prévue par les textes en vigueur)
constitue un objectif recherché depuis longtemps.
301 Contrairement aux PFR du Bénin et de la Côte d’Ivoire, qui s’appliquent sur di�érentes ré-
gions du pays, le PFR de Ganzourgou ne concerne qu’un site localisé, situé dans la province
duGanzourgou. Au regard de la situation foncière très conflictuelle, il était apparu nécessaire
aux États concernés de procéder à une clarification des droits locaux, pour un apaisement
social.
D - L’exception sénégalaise avec le plan d’occupation et d’affecta-
tion du sol (POAS)
302 La création et la confection du Plan d’occupation et d’a�ectation du sol au Sénégal répond à
l’impératif d’amélioration de la situation économique du pays par une approche territoriale.
Si « la colonisation a conduit à la dénaturation, à l’e�ritement et au morcellement des droits
traditionnels [. . .] relégués au rang de simples pratiques coutumières 270, l’histoire de la terre au
Sénégal est marquée par un système de tenure foncière coutumière communautarisé, caractérisé
par une absence de propriété privée ». Tirant leçon de son histoire, l’État sénégalais a pris la
mesure que le foncier actuel doit répondre à de nouvelles exigences. Pour parvenir il aurait
fallu tenir compte du constat généralisé d’Étienne Le Roy dans son ouvrage sur les institu-
tions en Afrique. En e�et, selon Étienne Le Roy « l’Afrique est malade de ses institutions. La
justice toujours engluée dans le modèle colonial, s’avère incapable de répondre aux exigences
270 Verdier (R.), « Problématique des droits de l’homme dans les droits traditionnels d’Afrique noire », op. cit.,p. 99.
116 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Des législations prônant la sécurisation des droits par les actes et les outils • Section 2
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d’un État de Droit conforme aux aspirations de la très grande majorité des Africaines et des
Africains » 271.
303Ce constat e�ectué sur la justice en Afrique peut être porté sur l’ensemble des matières
juridiques y compris le droit foncier en Afrique. Sur la base d’une trentaine d’années de tra-
vaux de terrain, l’ouvrage propose d’abandonner le mimétisme des politiques postcoloniales
pour refonder la Justice sur une base pluraliste et métisse. L’enjeu est d’accorder le dispo-
sitif institutionnel à la nouvelle modernité que les Africains sont en train d’inventer, entre
cris et chuchotements, entre violence et espérance. Le Sénégal, après sa loi novatrice sur le
domaine national, va compléter son système juridique local comportant des insu�isances et
autres vides pouvant constituer une entrave majeure à une meilleure e�icacité de la gestion
des terres et de l’espace rural, par le POAS.
304Le POAS est un outil de régulation et de sécurisation des usages des ressources naturelles
en général et du foncier en particulier. C’est une convention locale négociée de manière
participative entre les acteurs évoluant dans le territoire de la collectivité sous l’égide du
Conseil rural qui l’adopte o�iciellement par délibération. Le conseil rural est le gestionnaire
des terres du domaine national en milieu rural. Il est à ce titre, l’acteur principal du foncier
rural. Le POAS approuvé par le représentant de l’État poursuit trois objectifs majeurs : cla-
rifier l’occupation du sol, pour une meilleure maîtrise du disponible et plus de clairvoyance
dans les a�ectations ; renforcer la complémentarité entre l’agriculture et les autres activités
productives dans une optique de développement intégré durable et consolider la démocratie
locale à travers une implication des populations dans le choix, la mise en œuvre et le suivi
des actions de développement à la base, gage d’un développement durable. La phase pilote
de l’opération POAS a eu pour cadre la communauté rurale de Ross-Béthio et son processus
d’élaboration a duré 2 ans de décembre 1997 à décembre 1999 272. De par ses fonctions, le
POAS se démarque du PFR. Entres autres fonctions, on peut en retenir trois principales.
1 Une séparation fonctionnelle garante de la coexistence pacifique des diffé-
rentes activités socio-économiques
305Le plan d’occupation et d’a�ectation des sols opère un zonage des di�érentes activités agri-
coles pour éviter les conflits potentiels. Un de ses objectifs étant de renforcer la complémen-
tarité entre l’agriculture et les autres activités productives (élevage, foresterie, pêche, chasse,
éco-tourisme, etc.) dans une optique de développement durable, di�érentes zones sont défi-
nies.
271 Le Roy (É.) – Les Africains et l’Institution de la Justice - Entre mimétisme et métissage, Paris : Dalloz-Sirey,2004, p. 99.272 Diop (B.) – « L’expérience de l’opération pilote du POAS de la communauté de Ross Béthio », in : Cahiersdu Girardel 3 (2006), p. 42–54.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 117
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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306 Pour l’agriculture, les a�ectations sont d’abord e�ectuées à des fins de mise en valeur des
terres du domaine national dans le respect strict des superficies allouées aux a�ectataires.
Ceci est une preuve de la volonté du Conseil rural d’encadrer l’activité agricole qui occupe
plus de 64% de la population sénégalaise.
307 Par ailleurs, le POAS met en place une zone agropastorale à priorité agricole. Il s’agit d’une
zone qui intègre le pastoralisme ; sans doute parce que la communauté rurale renferme des
pasteurs mais souvent, leurs petits ruminants ne partent pas en transhumance. Donc le pâ-
turage est permis sur des parcelles non cultivées en toute saison.
308 Tout ceci rappelle le célèbre article de Hardin « La stratégie des biens communs » selon lequel
lorsque les troupeaux sont des propriétés privées et les parcours de bétail des propriétés
communes, les éleveurs ont tendance à surexploiter les ressources. Le POAS vient apporter
des pistes de solutions à ce problème. Par ailleurs, il est a�ecté un coût à la surveillance du
bétail à travers une sanction pécuniaire encourue en cas de divagation. Ce�e intégration
agriculture/élevage est importante dans la zone ou les deux activités dominent. Mais une
zone pastorale où aucune autre activité n’est permise est définie et est réservée à l’élevage
toute l’année.
309 La vaine pâture, quant à elle, est un moyen de concilier l’agriculture et l’élevage. De ce fait, il
est impossible pour un agriculteur de vendre le reste des cultures aux éleveurs. Cela montre
aussi que les a�ectataires des parcelles (agriculteurs) n’en sont pas propriétaires. L’existence
d’une sanction pécuniaire montre que c’est le Conseil rural 273 qui détient les terres. Rappe-
lons ici que l’accès du bétail aux parcours post-culturaux est essentiel pour la fertilisation du
sol. Cela démontre l’interdépendance entre les deux activités. Toutefois, il faudrait me�re en
œuvre une stratégie de communication pour mieux montrer ce�e relation et perme�re une
meilleure collaboration.
2 La zone d’habitation, un encadrement du phénomène d’extension de l’habitat
rural ?
310 Dans ce�e section, le POAS met en relief le problème de l’extension de l’habitat rural. À
l’image des zones urbaines, l’habitat rural rencontre un certain nombre de di�icultés. Beau-
coup moins que l’on rencontre dans les villes car les villages n’évoluent pas comme les villes,
leur mode d’habitat est groupé en référence au tissu social mis en place. La planification des
habitats doit répondre à des exigences de localisation optimale des équipements collectifs né-
cessaires à tout établissement humain (école, maternité, case de santé, centre de jeunes, etc.).
273 Manuel de procédures foncières des communautés rurales du Sénégal, Ministère de l’aménagement du Terri-toire et des collectivités locales, Sénégal, août 2012, p. 99.
118 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
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Le problème soulevé tient au fait qu’en milieu rural l’espace agricole entre en compétition
avec l’espace résidentiel.
311Il faut alors définir clairement la zone d’extension de chaque village de manière à prendre
en compte l’extension de l’activité agricole. Le POAS s’inscrit dans ce�e direction. Notons
par ailleurs que le Conseil rural se charge de la délimitation des lieux d’habitation, de l’ali-
gnement des rues et de l’identification des sites devant abriter les équipements collectifs.
La question de l’extension de l’habitat intègre nécessairement l’hygiène et la salubrité. Un
certain nombre de dispositions sont prévues pour réglementer le ramassage des ordures mé-
nagères et sévir dans le cas des dépôts sauvages d’ordures.
3 L’impératif de protection de l’environnement matérialisé par la zone de mise
en défens du POAS
312C’est une problématique cruciale à laquelle sont confrontées les collectivités locales aussi
bien rurales qu’urbaines. Il peut s’agir d’une zone de grande valeur écologique ou d’une
zone hautement vulnérable. Dans tous les cas, ce type d’espace nécessite un suivi, une pro-
tection de la part de l’autorité compétente. Il faut noter que dès l’instant qu’une zone revêt
ce caractère, il y a une pluralité d’acteurs qui s’y activent.
313Le cas de la zone de mise en défens de la communauté rurale de Bokiladji est un exemple
pertinent de protection des zones à grande valeur écologique. Il s’agit de Mayel Kadié située
dans la zone de Lobali qui est traversée par le fleuve Sénégal. Le conseil rural se charge de
matérialiser des limites de ce�e mise en défens pour perme�re aux di�érents acteurs de
prendre en compte la nécessité de protéger ce paysage.
314En général, le territoire des communautés rurales est sujet à une compétition sur l’espace. En
e�et, l’élevage et l’agriculture qui constituent les principales activités économiques, ont ten-
dance à utiliser de plus en plus d’espace. Ce phénomène, conjugué au besoin de protection
de certains paysages naturels ou artificiels, réduit considérablement l’espace. L’une des fai-
blesses du POAS dans ce domaine est que les règles définies sont très limitées et ne donnent
pas beaucoup d’informations sur la spécificité de la zone. Les descriptions données sont très
sommaires et ne perme�ent pas de voir la valeur environnementale de ce paysage. Égale-
ment, le POAS, contrairement au PFR, n’a�ribue pas les droits de propriété aux utilisateurs
des terres rurales. En procédant à l’a�ectation, le POAS n’accorde que des droits révocables.
Ce qui démontre la nature précaire des droits des utilisateurs et pose un problème pour des
investissements durables.
315En définitive, le POAS sénégalais organise l’espace communautaire dans le but de perme�re
aux populations locales d’exercer leurs activités économiques à savoir l’agriculture, la pêche
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 119
Chapitre 1 • L’articulation entre tradition et modernité
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et l’élevage tout en évitant les conflits potentiels. Ce�e spécialisation de l’espace prend éga-
lement en compte la nécessité de préserver l’environnement par la création de zones proté-
gées. Elle constitue sur ce�e base un outil incontournable pour la prise de décision et pour les
initiatives économiques. En e�et, les résultats cartographiques obtenus donnent une vision
globale des territoires et un accès à des informations auparavant méconnues (infrastructures,
occupation du sol, types de sols, etc.).
316 Ainsi, il se note une di�érence fondamentale entre le plan foncier rural adopté par le Bénin,
la Côte d’Ivoire et expérimenté par le Burkina Faso et le Niger, et le plan d’occupation et
d’a�ectation du sol adopté par le Sénégal. Le PFR et le POAS, comme outils de sécurisation
foncière rurale se di�érencient sur deux points à savoir : si le PFR a�ache du prix à la sécu-
risation du droit de propriété par une certification, le POAS quant à lui sécurise les droits
d’usage sur la base d’un consensus dégagé sur l’exploitation des ressources au niveau local.
Également, le POAS opère un aménagement par le biais d’une spécialisation des espaces ru-
raux en fonction de leur spécificité et promeut la démocratie locale à travers une implication
des populations dans le choix, la prise en charge et le suivi des actions de développement à
la base alors que le PFR ne prête pas su�isamment a�ention à cet aspect.
120 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Chapitre2La participation
Sommaire
Section 1. Les fondements de la participation. . . . . . . . . . . . . . . . 126
§ 1. Les fondements internationaux et régionaux de la gestion participative du
foncier et des ressources naturelles. . . . . . . . . . . . . . . . 127
§ 2. Les fondements nationaux de la participation. . . . . . . . . . . . 133
Section 2. E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux. . . . . . . . . 140
§ 1. Des compétences foncières reconnues aux acteurs locaux selon les textes de
décentralisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
§ 2. Un cadre institutionnel de gestion favorisant la participation des acteurs non
étatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
« J’ai fait le tour des communautés rurales, mais je vous assure : il n’y a rien » 274.
Ce 317constat d’immobilisme économique et social n’a pas manqué d’inquiéter les diri-
geants ouest-africains. En e�et, face à l’aggravation de la pauvreté en milieu ru-
ral, la campagne se vide de ses bras valides, les ressources naturelles, principales
richesses du monde rural, se dégradent à un rythme exponentiel sans qu’aucune stratégie si-
gnificative de conservation et de gestion organisée et durable ne soit développée, les systèmes
274 Déclaration d’un ancien ministre sénégalais chargé de la décentralisation à l’occasion de la réunion tenueavec le réseau des bailleurs de fonds en décentralisation dans les locaux du Ministère de la Décentralisation en2003.
• 125
Chapitre 2 • La participation
PartieI.T
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2
de production agricole, pastorale et halieutique se contentent de techniques rudimentaires
et d’outils moyenâgeux conduisant à des rendements dérisoires et parfois ridicules.
318 Dans les débats sur la question foncière en Afrique de l’Ouest rurale, la majorité des obser-
vateurs s’accorde aujourd’hui pour prôner une gestion décentralisée du foncier et des res-
sources naturelles 275. Ainsi, dans ce�e quête des nouveaux moyens d’assurer ce�e gestion
concertée, la mise en œuvre du principe de la participation dans les nouvelles législations
foncières rurales des États de l’espace UEMOA est devenue un impératif. Redonner aux po-
pulations rurales un contrôle sur les ressources de leur territoire est, selon eux, une condition
nécessaire pour marquer une rupture.
319 Face aux enjeux liés à l’évolution du droit foncier rural, les États de l’UEMOA étudiés ont
trouvé un mécanisme à savoir : consacrer le principe de la participation (section 1) puis as-
surer son e�ectivité (section 2).
S e c t i o n 1
LES FONDEMENTS DE LA PARTICIPATION
320 La participation du public est désormais considérée comme élément de la gouvernance des
ressources foncières rurales et des ressources naturelles dans l’espace UEMOA. Selon Mi-
chel Prieur, elle est définie comme « une forme d’association et d’intervention des citoyens
à la préparation et à la prise de décision administrative » 276. Ce mode de gestion s’est parti-
culièrement illustré en matière environnementale. Son but, est d’inverser les tendances de
dégradation et de réduction des ressources naturelles, en vue d’assurer aux populations de
la sous-région, un environnement sain qui améliore ainsi les conditions de vie des popula-
275 L’Afrique rurale ne pourra faire face aux dé�s qui sont les siens que si de nouvelles régulations sont mises enplace, qui prennent en compte les évolutions sociales, démographiques, écologiques, climatiques et permettentde conjuguer la préservation des écosystèmes et les besoins des populations. Il est nécessaire pour cela d’inventerde nouvelles formes d’articulation entre activités agricoles, pastorales, forestières, halieutiques sur les territoires.La solution durable pour relever ces dé�s passe nécessaire par une implication des populations à la gestion deleurs ressources. On mentionne ici des textes plus fondamentaux ou moins accessibles, et des études de cas,utiles à ceux qui veulent approfondir : Allain (S.) – « Penser la négociation aujourd’hui », in : Négociationsvol. 12.2 (2009), p. 9–14 ; Aubert (S.) – « La négociation patrimoniale à Madagascar ou la mise en cohérencede représentations plurales de la forêt au sein d’un système autonome d’application du droit », in : Cahierdu Gemdev 28 (2002), p. 105–115 ; Bako-Arifari (N.) – « La médiation socio-anthropologique entre savoir etaction : Plaidoyer pour un métier de médiateur en action publique », in : Une anthropologie entre rigueur etengagement. Essais autour de l’oeuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan, sous la dir. de Bierschenk (T.), Blundo(G.) et Jaffré (Y.), Paris/Leiden : Karthala/APAD, 2007, p. 175–199 ; Barraud (V.), Bérété (S.) et Intartaglia(D.) – « Des instances paritaires pour gérer des ressources communes? : deux expériences de gestion paritairedes ressources pastorales (Tchad oriental, Guinée maritime) », in : Traverses 8 (2000) ; Beuret (J.-E.) et Cadoret(A.) – Gérer ensemble les territoires : vers une démocratie coopérative, Paris : Charles Léopold Mayer/ECLM, 2010,228 p. ; Beuret (J.-E.) – « Mieux dé�nir la concertation : du pourquoi au comment », in : Négociations vol. 17.1(2012), p. 81–86.276 Prieur (M.) – « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation », in : Revue juridique de l’Envi-ronnement vol. 17.4 (1988), p. 398.
126 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
PartieI.T
itre2
tions 277. C’est donc à travers ses fondements que l’on pourrait mieux apprécier son ancrage
juridique. Porté d’abord par les instruments du droit international (paragraphe 1), le principe
de la participation est réceptionné dans les droits régionaux et nationaux (paragraphe 2).
Paragraphe 1 Les fondements internationaux et régionaux de lagestion participative du foncier et des ressourcesnaturelles
321Si les grandes crises internationales sont nécessaires au renouvellement du langage diplo-
matique, avec les perspectives des crises écologiques, obstacles au développement durable,
les États de l’UEMOA ne peuvent plus faire économie des principes directeurs du droit in-
ternational de l’environnement. Ainsi, le contexte international a été pour les législations
nationales un stimulant pour l’élargissement de l’espace public en Afrique en général. Cet
élargissement s’est manifesté à l’intérieur des États par l’idée d’une démocratie participative
dont les conventions locales constituent la pierre angulaire en matière de gestion du foncier
et des ressources naturelles.�’il s’agisse des fondements internationaux de la participation
(A) ou ceux régionaux (B), il est à retenir que les deux ont contribué à la consécration de ce
principe dans les lois nationales.
A - Les fondements internationaux de la participation
322Si les directives volontaires adoptées sous les auspices de la FAO constituent aujourd’hui le
point de mire des législations africaines favorables à l’application du principe de participa-
tion, l’histoire de ce principe à l’échelle internationale remonte plus loin. L’association des
populations à la protection de l’environnement contribue à développer l’idée d’une gestion
participative, qui ne cesse d’être a�irmée dans les conférences et textes internationaux 278.
323En e�et, la reconnaissance internationale d’un droit à la participation s’est avérée nécessaire
à la lu�e contre la faim et la pauvreté. Dès 1977, la Conférence des Nations Unies sur la dé-
sertification recommande expressément ce�e participation locale comme « partie intégrante
277 La recherche d’un mécanisme amélioré de gestion foncière est devenue une prérogative qui a ouvert laporte à la gestion décentralisée des ressources naturelles (GDRN) dans les pays de l’UEMOA. À la recherchedes outils de sécurisation foncière rurale, gage d’un développement durable, la décentralisation de la gestiondes ressources naturelles est apparue dans les États africains comme la chose la mieux partagée. Cette optionfaite, est une donnée fondamentale des politiques de décentralisation administratives promues par les États.Elle est née de la situation de déclin au plan politique, économique et sociale, des plans d’ajustement structurelet des multiples contraintes induites par le contexte international morose. Ce recul des États en matière degestion des ressources naturelles s’est opéré à travers un partage ou un transfert de compétence au pro�t descollectivités locales. Cemouvement de gestion décentralisée a été le fruit de concours de circonstances à l’échelleinternationale et nationale ayant in�échi les législations foncières vers la recherche de la participation.278 La confrontation des sources montre une indéniable supériorité de la convention d’Aarhus, plus précise etplus complète quant au contenu du droit de participer.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 127
Chapitre 2 • La participation
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des mesures de prévention et de lu�e contre la désertification » 279. La Stratégie mondiale de la
conservation de 1980 considère avec force que le soutien à la conservation doit être assuré par
la participation des populations rurales 280. En 1979, en tenant à Rome, la Conférence mon-
diale sur les réformes agraires et le développement rural et en adoptant la Déclaration de
principes et le programme d’action intitulé «Charte de paysans » la communauté internatio-
nale a inauguré une nouvelle phase dans sa quête à d’un droit à la participation. Le message
issu de ce�e conférence se résume comme suit : « La croissance est nécessaire, mais elle n’est
pas su�isante ; elle doit être renforcée à travers l’équité et la participation de la population. »
324 À partir de ce�e initiative de la FAO, la trajectoire de la consécration de ce droit a connu une
ascendance malgré une marche internationale en dent de scie. En dépit de l’enthousiasme
né de la conférence de 1979 et les engagements considérables pris dans les années 1980 et
au début des années 1990 autant par les gouvernements nationaux que par la communauté
internationale concernant la mise en œuvre des activités donnant suite à la Conférence mon-
diale, on a constaté que l’intérêt suscité a faibli au milieu des années 1990. Ce�e régression
peut s’expliquer en partie par le poids de la de�e auquel devrait faire face de nombreux pays
en développement, dont un grand nombre avait également entrepris d’importantes restructu-
rations de leur secteur public, et ne disposaient plus d’une capacité su�isante en matière de
ressources financières et institutionnelles pour appuyer des programmes de réforme agraire
et de développement rural d’envergure.
325 Mais à la source de ce relâchement figuraient également les e�orts déployés par les élites
pour protéger leurs chasses gardées et faire obstacle à l’introduction et/ou l’application de
véritables mesures de réforme. Parmi les autres raisons figuraient l’absence d’engagement
politique, l’incurie bureaucratique, l’insu�isance des capacités techniques et la mauvaise re-
présentation et la faiblesse des capacités de gestion des organisations rurales de producteurs
et de travailleurs et des associations communautaires. L’alternative proposée pour remédier
à tous ces problèmes évoqués sera désignée sous un vocable très évocateur : le développe-
ment durable. Issu du rapport Bruntland, Notre avenir à tous, le développement durable était
déjà implicite dans les principes 5 et 8 de Stockholm. Il sera la ligne de force de la Déclaration
de Rio (notamment principes 3 et 4). Devant l’échec de la gestion étatique de l’environne-
ment et le développement de la démocratie participative, le rôle des populations locales est
appelé à prendre de l’importance afin que celles-ci assument elles-mêmes la gestion de l’en-
vironnement à leur propre niveau. Le principe de participation ainsi entériné au sommet de
la terre à Rio en 1992, répond à ce besoin qui justifie l’adoption d’un régime juridique adapté.
326 C’est à Rio que le principe de participation a été réa�irmé et véritablement consacré : « La
meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les
279 Recommandation no 3.280 Section no 13.
128 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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citoyens concernés, au niveau qui convient. . . » 281 Ce�e participation concerne les femmes 282,
les jeunes 283 aussi bien que les populations et communautés autochtones : « Les populations
et communautés autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la
gestion de l’environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de
leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs
intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur perme�re de participer e�icacement à la
réalisation d’un développement durable » 284.
327Ce�e réa�irmation de l’exigence de participation a un fondement selon Olivier et Catherine
Barrière : la préservation de la diversité biologique 285. L’essentiel de ces principes issus de
Rio ayant consacré la participation des populations à la gestion des ressources naturelles se
trouve dans l’agenda 21 de ce sommet. Il convient de noter que le principe de la participation
des citoyens qui implique également leur information n’est certes pas spécifique à l’environ-
nement. Cependant la philosophie politique qui est a�achée à l’environnement implique que
les citoyens soient actifs face aux problèmes de l’environnement.
328La protection de l’environnement, si elle est devenue une obligation de l’État, est avant tout
un devoir des citoyens. « Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer
à la protection de l’environnement » 286. Pour que ce devoir s’exerce en pratique, les citoyens
doivent, directement ou par leurs groupements, être en mesure d’être informés et de parti-
ciper aux décisions pouvant exercer une influence sur leur environnement. « Ce�e partici-
pation est un apport majeur de la contribution de l’environnement à la protection des droits de
l’homme : par son double aspect qui apporte à la fois droits et devoirs aux individus, le droit de
l’environnement transforme tout ce domaine en sortant les citoyens d’un statut passif de bénéfi-
ciaires et leur fait partager des responsabilités dans la gestion des intérêts de la collectivité toute
entière. » 287
329Outre les avancées enregistrées grâce au droit international de l’environnement, il faut signa-
ler également les évolutions récentes connues grâce aux initiatives prises par la FAO. Ce�e
évolution est rendue nécessaire à l’occasion de la montée en puissance du phénomène d’ac-
caparement des terres dans les pays en développement. Ainsi, face à la multiplication des cas
d’accaparements de terres dans les pays du Sud, l’un des premiers chantiers ouverts par le
CSA réformé a concerné la gouvernance foncière. Entre 2009 et 2012, l’ensemble des parties
281 Principe no 10.282 Principe no 20.283 Principe no 21.284 Principe no 22.285 Pour plus de détail lire : Barrière (O.) et Barrière (C.) – Le foncier-environnement : fondements juridico-institutionnels pour une gestion viable des ressources naturelles au Sahel, Étude législative, no 60, FAO, 1997,120 p.286 Art. L. 110-2, du Code de l’environnement.287 Kiss (A.) – « La mise en oeuvre du droit à l’environnement, problématique et moyens », in : Environnementet droits de l’homme, (Salzbourg, 3 déc. 1980), Institut pour une politique européenne de l’environnement.
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Chapitre 2 • La participation
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prenantes ont ainsi participé avec la FAO à l’élaboration de Directives volontaires pour la
gouvernance responsable de la gestion foncière et des autres ressources naturelles. Ces di-
rectives fournissent un cadre que les États peuvent utiliser pour développer leurs politiques,
législations, programmes ou activités en vue d’améliorer la gouvernance de la gestion fon-
cière et des ressources naturelles et renforcer ainsi la protection des droits des populations.
Elles comportent plusieurs avancées notamment relatives à la reconnaissance des droits cou-
tumiers et collectifs, à la nécessaire consultation préalable et éclairée des populations.
330 Elles donnent également des pistes pour limiter les achats massifs de terres, comme la sou-
mission des demandes au parlement national au-delà d’un certain seuil. Après leur adoption
en mai 2012, saluée par l’ensemble des parties prenantes du CSA, la mise en œuvre de ces
directives dans plusieurs pays est en cours. Ce�e étape-clé perme�ra de déterminer si le pro-
cessus, au-delà du consensus international, peut e�ectivement aller à son terme et avoir un
impact concret au niveau national 288. Sans être exhaustif au niveau des conventions interna-
tionales, il apparaît clair que le droit international est resté très a�entif aux aspirations des
populations rurales et a encouragé les droits nationaux des États de l’UEMOA à évoluer vers
une consécration des outils de participation. Mais avant, il est souhaitable de voir l’apport
du droit régional africain dans ce�e avancée.
B - Les fondements régionaux de la consécration de la participa-
tion
331 Si au plan international les textes ont favorisé l’émanation d’un droit de participer, au plan
régional africain, les accords entre États africains ont aussi évolué dans la dynamique d’une
gestion participative des ressources naturelles. Le droit régional africain en matière de pro-
cessus participatif est intervenu dans une tentative d’adoption des principes de bonne gou-
vernance des ressources environnementales. Ce�e tentative est survenue sous l’influence
des forces extérieures, notamment les États occidentaux 289. C’est ainsi, qu’il convient de
signaler que certaines conventions internationales d’origine européennes ont eu une forte
influence sur le processus normatif en Afrique. Il s’agit notamment de la Convention sur
l’accès à l’information, à la participation et l’accès à la justice adoptée sous les auspices des
288 Il convient de signaler également qu’en droite ligne des conventions internationales obligeant les États àfaire participer les populations à la gestion des ressources naturelles, il y aussi la convention no 169 de l’OIT du7 juin 1989 qui en revendiquant un droit de conservation des ressources renouvelables stipule en son article 15alinéa 1 que : « Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent êtrespécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l’utilisation, à la gestionet à la conservation de ces ressources ».289 La plupart des États ouest africains, anciennes colonies de la France et de l’Angleterre, s’inspirent des droitfrançais et anglais de l’environnement qui prennent en compte le droit européen de l’environnement. En e�et,le droit africain connaît une forte in�uence outre du droit international, du droit européen et, spécialement desdroits français et Anglais.
130 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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Nations Unies, est une convention de la commission européenne des Nations Unies pour
l’environnement 290.
332Selon A. Michelot, la convention d’Aarhus présente l’immense mérite d’introduire une ré-
flexion en profondeur sur les mécanismes, l’enjeu et les dispositifs de la participation 291. En
dépit, de ce�e portée internationale due aussi à son ouverture à tous les autres États, il paraît
di�icile de voir adhérer un État africain à ce�e convention en raison de son passé. C’est ce que
pense G. Monédiaire, qui considère que l’universalisation de la Convention d’Aarhus n’est
pas la meilleure formule 292. Il a préféré des duplications régionales de ce qu’il appelle « l’es-
prit d’Aarhus » 293. Ce�e duplication régionale a eu un retentissement important en Afrique.
Elle est à la base d’une avancée normative en terme de consécration d’un droit de participer.
333En Afrique, le droit à l’information, à la participation et le droit d’accès à la justice reconnus
par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples peuvent constituer les fonde-
ments de la participation du public en matière d’environnement même si ce�e reconnais-
sance n’est pas spécifique à l’environnement 294. À partir de cet instant, les textes successifs
sur les écosystèmes adoptés en Afrique seront porteurs des normes favorables à une partici-
pation des populations. Le principe d’accès à l’information et de la participation sont de plus
en plus pris en compte dans l’édiction des normes environnementales 295. L’Afrique a révisé
la Convention africaine sur la conservation de la nature dite d’Alger de 1968. C’est ce texte
qui donne le fondement de la convention de Maputo de 2003 296.
334Ce�e convention a clairement montré la volonté des États africain à s’aligner sur les normes
internationales en matière de gestion des ressources naturelles. Elle a stipulé dans ses lignes
les principes liés au principe de participation. Ce�e Convention a prévu le principe de parti-
cipation du public au processus décisionnel en matière d’environnement ce qui n’était pas le
cas de la convention de 1968. En son article XVI intitulé « les droits procéduraux », la Conven-
tion de Maputo détermine les procédures à adopter en matière de protection de l’environne-
ment. Selon cet article : « Les Parties contractantes adoptent les mesures législatives et régle-
mentaires nécessaires pour assurer à temps et de manière appropriée :
— la di�usion d’informations sur l’environnement ;
290 Il s’agit de la convention d’Aarhus.291 Michelot (A.) – « La construction du principe de participation : ré�exion autour de la convention d’Aarhus,sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matièred’environnement », in : Boutelet (M.) et Olivier (J.), La démocratie environnementale. Participation du publicaux décisions et politiques environnementales, Dijon : Editions Universitaires, nov. 2009, p. 26.292 Monediaire (G.) – Conférence lors du 1er congrès GIS démocratie et participation, 2011, url : www.youtube.com/watch?v=TiziMT32nDw%20entre%2018e%20et%2020e%20minutes%20de%20la%20vid%C3%A9o, p. 26.293 Ibid.294 Voir les articles 7, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.295 C’est le cas de la révision de la Convention africaine sur la conservation de la nature, dite convention deMaputo adoptée en 2003.296 Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, (Maputo, 11 juil. 2003).
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Chapitre 2 • La participation
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— l’accès du public aux informations sur l’environnement ;
— la participation du public à la prise des décisions pouvant avoir un impact important sur
l’environnement ;
— l’accès à la justice en ce qui concerne les questions liées à la protection de l’environnement
et des ressources naturelles.
»
335 À l’analyse, l’on peut aisément déduire de ce�e convention un appel à l’endroit des États
africains parties à l’accord pour édicter des normes, de créer le cadre approprié à la partici-
pation du public, à son information et plus encore l’accessibilité du citoyen à la justice en
matière d’environnement. C’est une référence faite au principe 10 de Rio 297. C’est dans ce�e
même logique que s’inscrit l’acte constitutif de l’Union africaine (UA) en introduisant « la
promotion des principes et des institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne
gouvernance » dans son objectif 298.
336 L’Organisation internationale de la francophone (OIF) à un moment donné a aussi reconnu
et a fait adhérer ses membres au principe de la participation. C’est ainsi que à travers la
Déclaration de Bamako, les pays de l’espace UEMOA vont à nouveau réa�irmer le principe.
Ce�e Déclaration introduit l’adhésion des États membres aux principes fondamentaux de
bonne gouvernance et de la démocratie et considère que :
La démocratie requiert la pratique du dialogue à tous les niveaux aussi bien entreles citoyens, entre les partenaires sociaux, entre les partis politiques, qu’entrel’État et la société civile. La démocratie implique la participation des citoyens àla vie politique et leur permet d’exercer leur droit de contrôle. 299
Même sans valeur juridique, ce�e Déclaration a constitué un pas et une sensibilité des États
ouest-africains membres de l’OIF, aux principes de la démocratie plurielle reposant sur le
dialogue.
337 La CEDEAO dans son protocole sur la bonne gouvernance a suivi le même cheminement en
dégageant des principes considérés comme des principes constitutionnels communs à tous
les États membres. Parmi ces principes, il y a celui concernant la participation des citoyens
à la prise de décision. Ce protocole évoque « la participation populaire aux prises de décision,
297 Il prévoit, entre autres, que chacun doit avoir accès aux informations détenues par les pouvoirs publicsainsi que la possibilité de participer aux processus de prise de décision et d’avoir un accès e�ectif à des actionsjudiciaires et administratives.298 Voir acte constitutif de l’Union Africaine en son article 3(g). Même s’il est vrai que ce principe n’est passpéci�que à l’environnement et sa gouvernance, le principe de participation intègre les valeurs de bonne gou-vernance des a�aires dans le texte constitutif de l’Union africaine..299 OIF – « Déclaration de Bamako adoptée le 3 novembre 2000 par les ministres et chefs de délégation desÉtats et gouvernements des pays ayant le français en partage », in : Symposium international sur le bilan despratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, (Lomé, 3 nov. 2000).
132 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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le strict respect des principes démocratiques, et la décentralisation du pouvoir à tous les niveaux
de gouvernement » 300.
338Il faut souligner également l’e�ort fourni par l’Union africaine concernant toujours le prin-
cipe de participation ce�e fois-ci en matière foncière rurale. Déjà, à l’échelle régionale, le
Cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique confirme ce�e orienta-
tion en indiquant que la consultation de la population et l’implication de la société civile dans
la définition des politiques foncières rurales est une condition appropriée pour une stratégie
de politique foncière rurale 301. Ce�e orientation sera suivie par les États de l’espace UEMOA
qui ont pu trouver des fondements juridiques à ce principe dans leur ordre interne.
Paragraphe 2 Les fondements nationaux de la participation
339Les sources juridiques du principe de la participation en matière de gestion des écosystèmes
dans les États membres de l’UEMOA restent variées. L’acte de naissance des droits fonciers
soucieux du principe de la participation provient d’abord des dispositions constitutionnelles
basées sur l’environnement en général avant d’être adopté par des moyens législatifs. C’est
le cas du Sénégal, du Bénin, du Burkina, de la Cote d’ivoire. En e�et, le mouvement démo-
cratique des années 90 qui s’est emparé des États d’Afrique de l’Ouest a exigé de ceux-ci de
nouvelles constitutions et des conférences nationales afin de rédiger des chartes fondamen-
tales républicaines. Ce�e période de démocratisation institutionnelle est suivie par la mise
en œuvre de la décentralisation en matière de gestion et un nouveau découpage adminis-
tratif renforçant le pouvoir des collectivités territoriales avec des transferts de compétences
à ces collectivités locales. La plupart des textes constitutionnels de ce�e époque étaient ca-
ractérisés par des dispositions concernant les collectivités locales qui pour certaines d’entre
elles constituent le cadre participatif de la population du pays (A) 302. Après les dispositions
constitutionnelles, les lois constituent l’autre source de la consécration du principe de la
participation (B).
300 Article 1er (d) du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocolerelatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des con�its, de maintien de la paix et de la sécurité.301 Une préparation sérieuse doit être faite en vue d’une consultation sérieuse de la population sur les ques-tions majeures qui doivent être traitées par la politique foncière. Pour avoir plus de détail, lire : Cadre et lignesdirectrices sur les politiques foncières en Afrique : Politiques foncières en Afrique : un cadre pour le renforcementdes droits fonciers, l’amélioration de la productivité et des conditions d’existence, UA, BAD, CEA, 2010, p. 31.302 Loi no 2001-03 portant Constitution de la République du Sénégal (22 jan. 2001) , Art. 102.
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Chapitre 2 • La participation
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A - Les sources constitutionnelles de la participation
340 Les années 90 ont été marquées par une grande e�ervescence constitutionnelle en Afrique de
l’Ouest, e�ervescence qui coïncide avec le couronnement de certaines revendications démo-
cratiques visant la promotion du pluralisme politique, une meilleure protection des droits
et libertés et un meilleur équilibre des pouvoirs dans l’ordonnancement institutionnel des
États. Globalement, parce qu’elle était censée refléter les compromis politiques de l’époque,
la constitution semblait être le réceptacle des espoirs nourris pendant les décennies précé-
dentes de lu�e contre les régimes de parti unique, les dictatures et les restrictions et vio-
lations des libertés individuelles et collectives 303. Ces compris ont donné naissance à une
nouvelle génération de constitutions porteuses entre autres valeurs, des principes exigeant
la participation citoyenne. Une analyse aussi bien des préambules que des corps de la consti-
tution perme�ent de voir la prise en compte de la participation.
341 Les préambules des constitutions des États de l’espace UEMOA constituent à n’en point
douter l’image de la constitution et contiennent les valeurs philosophiques et morales de
la gouvernance prônée par l’État concerné. Pour s’en convaincre, il su�irait de se référer au
droit français dont les législations africaines sont héritières. En e�et, longtemps, la ques-
tion de la valeur juridique des préambules constitutionnels n’obtint pas de réponse. Il aura
fallu a�endre le lendemain de la seconde Guerre mondiale pour que le juge administratif
reconnaisse une véritable valeur juridique à l’introduction du texte constitutionnel. C’est, à
l’occasion, d’un arrêt sur le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale que le Conseil
d’État consacre, pour la première fois, la valeur juridique du préambule de la Constitution
française de 1958 304.
342 En confrontant les di�érents articles du code pénal a�aqués à l’article 8 de le Déclaration
de 1789, auquel le préambule de 1958 renvoie, le Conseil d’État confirme la ligne jurispru-
dentielle qu’il suit depuis 1947. Ce�e solution sera soutenue par le Conseil constitutionnel
lui-même qui prendra une position identique au terme d’une décision fondamentale sur la
liberté d’association où il consacrera le premier principe fondamental reconnu par les lois de
la République 305. Ce�e jurisprudence est suivie par le juge constitutionnel sénégalais dans
une décision CC 23 juin 1993 à propos du traité de l’OHADA 306. Dès lors, il convient de
retenir que les principes posés par les préambules des constitutions africaines ne sont pas
seulement que des principes d’ordre philosophiques oumorauxmais des principes ayant une
valeur juridique et constitutionnelle opposable à tous et que peuvent invoquer les justiciables
devant les tribunaux compétents.
303 Mbaye (A.) – « Quelles alternatives pour assurer l’e�ectivité des constitutions : l’expérience de l’Afrique del’Ouest », in : Alternatives constitutionnelles et institutionnelles en Afrique de l’ouest, (Lomé, 28–30 mai 2008).304 CE, sect., 12/02/1960, Soc. Eky.305 CC, 16/07/1971, Liberté d’association.306 Voir la revue Edja no 22, p. 67.
134 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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343Une lecture croisée de la plupart des constitutions des États de l’UEMOA révèle que leurs pré-
ambules déclarent leur a�achement à la déclaration Universelle des droits de l’homme mais
aussi à la charte africaine des droits de l’homme et aux principes de la bonne gouvernance
comme le cas du Sénégal 307. Cet a�achement des préambules aux instruments de portée
universelle montre clairement que la première source du principe de la participation dans le
droit interne des États de l’UEMOA demeure les préambules 308. Si le principe de participa-
tion est abordé dans les préambules des constitutions, il est davantage approfondi dans le
contenu même de celles-ci.
344Pour chercher les dispositions ayant trait au principe de participation dans les constitutions,
il faudrait se référer au corpus même des Constitutions. La constitution du Bénin dispose
que : « Toute personne a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir
de le défendre. » Il en est de même pour la Constitution du Burkina Faso, qui dispose que :
« Le droit à un environnement sain est reconnu, la protection, la défense et la promotion de
l’environnement sont un devoir pour tous. » 309 Il est clair que cet article n’indique pas le terme
participation mais fait de la protection de l’environnement un devoir pour tous. Plus loin
encore l’art 30 de la constitution burkinabè donne le droit à tout citoyen d’initier une action
ou d’adhérer à une action collective sous forme de pétition contre des actes :
— lésant le patrimoine public ;
— lésant les intérêts des communautés sociales ;
— constituant une a�einte à l’environnement.
En lisant cet article on a l’impression que les populations locales constituent des veilleurs
contre les actes des autorités qui lèsent le patrimoine public et constituant une a�einte à
l’environnement. Cependant ce�e disposition peut être considérée comme un principe qui
autorise la participation des citoyens mais ce�e participation est laissée au choix du citoyen
qui ne peut l’exercer que sous forme de pétition.
345L’article 102 de la constitution du Sénégal dispose : « les collectivités locales constituent le
cadre institutionnel de participation des citoyens à la gestion des a�aires publiques » 310. Sans
pour autant définir les conditions de participation, cet article se borne à donner un cadre
institutionnel de participation du public à la gestion des a�aires publiques. Dans le même
sens, la constitution nigérienne dispose : « Toute personne a droit à un environnement sain.
307 Voir sur ce point le préambule de la constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, celui de la constitution duBénin, Mali, de la constitution ivoirienne de la constitution Burkinabè. . .308 Dans ces mêmes textes on retient la disposition concernant l’attachement de ces États à la Charte africainedes droits des peuples. Une charte adoptée en 1981 sous les auspices de l’OUA devenue Union africaine depuis2002. Cette charte indique en son article 9 alinéa 1 que : « Toute personne a droit à l’information. » Et dansl’article 13 alinéa 1, le texte indique : « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des a�airespubliques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformémentaux règles édictées par la loi. »309 Cf. article 29.310 Loi no 2001-03 portant Constitution de la République du Sénégal, op. cit., art. 102.
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Chapitre 2 • La participation
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L’État veille à la protection de l’environnement. Chacun est tenu de contribuer à la sauvegarde
et à l’amélioration de l’environnement dans lequel il vit. . . » 311
346 Ces exemples démontrent la prise en compte du principe de participation dans les Consti-
tutions des États membres de l’UEMOA et pour la plupart, dans le cadre de la défense de
l’environnement. Pour défendre l’écosystème, obligation est faite aux citoyens d’y contri-
buer 312. On peut considérer donc la reconnaissance de ce devoir de contribution comme une
des sources de la participation du public à la gestion des écosystèmes. Les législateurs ont
confirmé ce�e tendance constitutionnelle en donnant aussi des bases législatives au principe
de participation dans les législations foncières rurales.
B - Les sources législatives et réglementaires de la participation
347 Nombreux sont les textes de loi qui donnent une base juridique aux processus participatifs
dans les États de l’UEMOA. D’abord survenu dans le cadre de la gestion des problèmes envi-
ronnementaux, la participation s’est beaucoup illustrée plus précisément dans les nouvelles
législations foncières rurales.
348 La consécration juridique du principe de participation est intervenue donc dans le cadre du
renouvellement des droits fonciers ruraux. Ce renouvellement est exigé par la recherche d’un
droit foncier rural qui résulterait d’une négociation. Ce qui serait le fruit d’un compromis
entre les acteurs du jeu foncier. Tout porte à croire que, sans cet arrimage des volontés des
acteurs, le droit sou�rirait toujours d’ine�icacité en raison de son inapplicabilité.
349 Si le contexte international a favorisé la prise en compte des exigences de la participation, la
transposition de celles-ci dans l’ordre interne des États de l’UEMOA s’est opérée aux moyens
des politiques et législations nouvelles.
350 Le souci de réalisme, de pragmatisme et l’ancrage dans les dynamiques locales va guider la
plupart des mouvements de réforme initiée. Ainsi, en lieu et place d’une gestion foncière à
partir du niveau central, la préférence a été donnée aux approches de gestion du foncier repo-
sant sur la prise en considération des réalités locales. La problématique de la gestion foncière
évoluera de plus en plus en relation étroite avec celle de la promotion de la décentralisation
et de l’exigence de la participation des acteurs ruraux de base à la définition des solutions de
311 Cf. les dispositions de l’article 27.312 Loi no 99-320/PCRN portant Constitution de la République du Niger (18 juil. 1999) , art. 35, al. 2.
136 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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sécurisation foncière. Pour preuve, le Sénégal 313, le Bénin 314, le Burkina Faso 315 et le Niger
l’ont clairement exprimé dans les di�érents documents de politique.
351Pour être mise en œuvre, la politique foncière doit se traduire dans une législation foncière.
Dans le prolongement de la démarche inclusive adoptée pour l’élaboration de la politique
foncière, ce�e législation doit être élaborée en concertation avec les di�érentes catégories
d’acteurs du foncier, pour en favoriser l’appropriation et l’application e�ective. La législation
devra embrasser la diversité des acteurs et des situations, avec un principe de progressivité
dans sa mise en œuvre. Non seulement la quasi-totalité des États étudiés ont opté pour
ce processus, mais aussi l’ont traduit dans les législations. Ainsi, les dispositions du code
foncier et domanial du Bénin, reconnaissent aux personnes physiques le droit de participer
à la définition des règles spécifiques de gestion des terres rurales 316.
352Pour le Burkina Faso, la loi no 034-2009/an portant régime foncier rural dispose que « les
communes rurales peuvent créer des instances locales de concertation foncière. Ces instances sont
chargées à la demande de la commune, d’examiner toutes questions relatives à la sécurisation
foncière des acteurs locaux, à la gestion et à la gouvernance foncières locales, aux questions
d’équité foncière et d’utilisation durable des terres rurales et de faire toutes propositions qu’elles
jugent appropriées. En fonction des besoins spécifiques de gestion d’une ressource, des instances
locales de concertation foncière peuvent également être créées au niveau intercommunal » 317.
353Pour le Niger, les principes du Code rural ont prévu le processus participatif. C’est article 6
qui traduit ce�e volonté de faire participer 318.
313 L’objectif a�ché par le Sénégal à travers sa déclaration de politique foncière est le : Renforcement de lagouvernance locale et de la gestion foncière décentralisée : la mise en œuvre de la politique foncière n’a dechance de succès que si elle est soutenue par la participation active des collectivités locales aptes à fournir desservices e�caces de proximité en matière foncière. À cet e�et, des innovations institutionnelles importantessont introduites, à travers la création des comités villageois/inter-villageois de concertation et de structuresdéconcentrées de gestion du foncier.314 C’est à travers le livre blanc de la réforme foncière que le Bénin a réa�rmé cette orientation qui fonde lagestion foncière décentralisée, donc en concertation avec les acteurs locaux. En e�et, on peut lire que : « Ladécentralisation de la gestion foncière constitue aujourd’hui un des principes directeurs de la Politique foncière etdomaniale du Bénin. Mais la décentralisation, ne peut être e�ective ou e�ciente sans un contrôle par les autoritéslocales sur les ressources de la localité. En e�et, les institutions décentralisées ont besoin de ressources nécessairespour impulser le développement local. C’est fort de cette réalité que les documents de politique tels que la Stratégie decroissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) ainsi que les Orientations stratégiques de développement (OSD)ont tous pris en compte cette nécessité de la gestion décentralisée des ressources. » Pour s’en convaincre, lire : Livreblanc de politique foncière et domaniale, op. cit., p. 91.315 Pour le Burkina Faso, la politique foncière de 2007 qui a précédé la loi foncière rurale est maquée entreautres par la sécurisation foncière et la décentralisation, et une prise en compte des réalités locales. Lire dans cecadre, Yoda (F. B.) – « La sécurisation foncière en milieu rural au Burkina Faso », in : De la terre aux aliments,Ouagadougou : Inida, 2012, p. 30.316 Cf. les dispositions de l’article 349.317 Cf. les dispositions de l’article 83 de loi.318 Toute personne ayant une activité rurale doit contribuer à la mise en valeur du patrimoine naturel. Cettemise en valeur implique une gestion rationnelle des ressources assurant leur protection et leur optimisation.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 137
Chapitre 2 • La participation
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2
354 Pour le Burkina Faso, il faut se référer aux dispositions des articles 3 et 4 qui précisent et
définissent le principe de participation 319. Ce�e nouvelle avancée des règles de droit dans les
États de l’UEMOA confirme l’idée de Léon Duguit sur le lien entre droit et pouvoir politique
pour que celui-ci soit e�ectif.
355 Pour Duguit, « le pouvoir politique n’est jamais légitime par son fondement ; le pouvoir du
peuple n’est pas plus légitime en soi que le pouvoir d’un monarque ou d’une aristocratie ; le
pouvoir ne devient légitime que par la manière dont il s’exerce ; et tout pouvoir est légitime quand
il s’exerce conformément à la règle de droit ». Or, explique-t-il, « la loi puise sa force obligatoire,
non pas dans la volonté des gouvernants, mais dans sa conformité à la solidarité sociale » 320. Le
droit ne doit donc pas être la règle imposée par un groupe à un autre, mais plutôt le produit
d’une négociation entre les groupes 321. Il doit se définir en fonction des idées et valeurs de
la société et induit, dans le cadre du foncier rural en Afrique subsaharienne, une prise en
compte des pratiques foncières, ainsi que des logiques qui les sous-tendent.
356 Or, l’observation de la gestion ordinaire du foncier rural fait état d’une pluralité juridique pro-
venant d’une part de la survivance des coutumes locales malgré leur mise à l’écart théorique
et d’autre part de l’apparition de pratiques fonctionnelles plus ou moins structurées 322.
357 En e�et, si les coutumes locales ont su résister aux politiques nationales d’appropriation fon-
cière 323, elles n’ont pu, toutefois, se soustraire aux influences du monde «moderne », notam-
ment à la multiplication des « besoins » d’ordre économique et à l’hétérogénéité progressive
des populations qui ont fini par donner un certain élan 324 à la loi. Devenue un référent « par
319 L’article 3 énonce les principes alors que l’article 4 dé�nit les principes énoncés. Au terme de l’article 4on peut retenir : Principe d’information et de participation : la mise en oeuvre de la démarche participative etd’information des populations en matière d’aménagement du territoire et de gestion foncière.320 Duguit (L.), L’État, le droit objectif et la loi positive, op. cit., p. 53.321 Pour Duguit, La solidarité sociale se crée quand les gens ont des besoins communs qui peuvent être satisfaitsconjointement et quand les gens ont des besoins di�érents et des capacités di�érentes qui peuvent être satisfaitesque par l’échange de services mutuels.322 Le Bris (E.), Le Roy (E.) etMathieu (P.) – L’appropriation de la terre en Afrique noire, Paris : Karthala, 1991,359 p.323 Un simple droit d’usage est reconnu aux détenteurs coutumiers par l’administration coloniale dans undécret du 26 Juillet 1932 organisant la propriété foncière en Afrique occidentale française (AOF), complété parle décret du 15 Novembre 1935 portant réglementation des terres domaniales en AOF. Les législations de l’aprèsindépendance maintiendront pour la plupart, cette dé�nition des droits coutumiers (art. 9 du décret de 1971pour la Côte d’Ivoire ; art. 1 de la loi no 61-30 du 19 juillet 1961 pour le Niger ; art. 3 de l’ordonnance no 83-127pour la Mauritanie ; article 57 du décret no 97-054 pour le Burkina etc. Toutefois, depuis la �n des années 90, unetendance au renforcement de ces droits s’observe dans un certain nombre de pays (le Niger avec l’ordonnanceno 93-015 ; la Côte d’Ivoire avec les art. 8 et 17 de la loi no 98-75 etc.324 Ntampaka (C.) – Introduction aux systèmes juridiques Africains, Belgique : Presses universitaires de Namur,2003, p. 82.
138 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les fondements de la participation • Section 1
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défaut » aux cotés de la coutume 325, la loi doit côtoyer, par ailleurs, de nouvelles pratiques
nées d’un métissage des dispositifs endogènes et exogènes 326 coutumiers et des techniques
« propriétaristes » issues de l’organisation étatique 327. Inventées pour pallier les situations
complexes impliquant à la fois droits coutumiers et prétentions légales 328, ou encore des si-
tuations me�ant en cause références traditionnelles et influences modernes 329, ces pratiques
fonctionnelles viennent former un nouveau groupe normatif aux cotés de la coutume et de
la loi 330.
358Ce�e pluralité juridique de fait fonctionne ainsi depuis l’indépendance de nombreux pays
d’Afrique francophone 331 et si elle a paru pendant un certain temps s’enrichir de ses propres
résultats, elle montre aujourd’hui ses limites notamment en matière de sécurisation des
droits et de politique foncière nationale 332. En e�et, les pratiques informelles, s’ajoutant
à la double autorité (loi-coutume), accroissent considérablement l’insécurité de la gestion
foncière 333.
359La prise en compte du pluralisme juridique de fait ne peut, par conséquent, être envisagée
dans le sens d’un statut quo de la situation actuelle. Au contraire, elle doit être considé-
rée dans la perspective d’une réforme du droit foncier rural ; car, s’il est vrai que l’e�ica-
cité de toute politique publique passe obligatoirement par l’acceptation et la collaboration
des populations qu’elle est censée encadrer, la situation particulière des pays africains entre
325 Voir à ce proposNéné Bi (B.) – « La formation d’un droit foncier négocié dans le sud forestier ivoirien », in :Les cahiers d’anthropologie du droit, Paris : Karthala, 2007–2008, p. 347–374 ; Tchapmegni (R.) – « L’organisationjuridique de la propriété foncière au Cameroun », in : Institut Français de Pondichéry, Collection sciences sociales13 (2008), p. 219–232 ; Bouderbela (N.), Caveriviere (M.) et Ouédraogo (H.) – « Tendances d’évolution deslégislations agro-foncières en Afrique francophone », in : Étude législative 56 (1996).326 Certains dispositifs sont empruntés à des coutumes non autochtones par le biais des migrants.327 Pour Édja, les pratiques fonctionnelles se produisent localement par une dé�nition que font les usagers dela règle coutumière ou de droit face à des situations inédites. Edja (H.) et Le Meur (P.-Y.) – Le plan foncier ruralau Bénin, production de savoir, gouvernance et participation, Documents de travail de l’Unité de recherche 095no 9, Ird Refo-Gret, sept. 2014, 32 p.328 Comme c’est le cas d’une succession de parent à enfant (légal) concernant une plantation réalisée sur uneterre communautaire (coutume).329 Comme c’est le cas pour la volonté de rentabiliser économiquement (in�uencemoderne) une terre incessible(référence traditionnelle).330 C’est le cas par exemple de l’appel à collaboration d’un technicien du ministère de l’agriculture pour déli-miter la vente ou la location d’un terrain dont la propriété n’est pas dé�nie légalement.331 Pour le Benin, lire Rochegude (A.) –Décentralisation, acteurs locaux et fonciers, Cotonou : PDM/coopérationfrançaise, 2000, 107 p. ; pour la Côte d’ivoire, lire Chauveau (J.-P.) – La nouvelle loi sur le domaine foncier rural :formalisation des « droits coutumiers » et contexte socio- politique en milieu rural ivoirien, Abidjan : IRD, 2000, ;pour le Sénégal, lire Le Roy (É.) – « L’esprit de la coutume et l’idéologie de la loi à partir de divers exemplessénégalais contemporains », in : La connaissance du droit en Afrique, Bruxelles : Arsom, 1983, p. 210–240 ; pourle Togo et le Burkina, lire Le Bris (E.), Le Roy (E.) et Mathieu (P.), L’appropriation de la terre en Afrique noire,op. cit. ; pour le Niger, lire Barrière (O.) et Barrière (C.), Foncier et environnement dans le delta du Niger (Mali),op. cit. ; pour le Mali, lire Le Roy (E.), Karsenty (A.) et Bertrand (A.) – La sécurisation foncière en Afrique, pourune gestion viable des ressources renouvelables, Paris : Karthala, 1995, 430 p.332 Ibid.333 Mathieu (P.) – « Le foncier et la gestion des ressources naturelles », in : Actions locales, enjeux fonciers etgestion de l’environnement au sahel, Paris : L’Harmattan, 1995, p. 46–59.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 139
Chapitre 2 • La participation
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construction de la nation (en tant qu’entité sociale) et a�irmation de l’État (en tant qu’entité
juridique) oblige à une structuration de ce pluralisme juridique 334.
360 Tout porte donc à croire que les États étudiés ont envisagé à travers les réformes initiées, un
autre type de rapport au droit qui est une forme de consensus entre les di�érentes normes
en présence et qui constituerait le canal légitime par lequel éclorait un droit intégrateur des
objectifs étatiques et des a�entes populaires 335. Il reste dès lors à vérifier l’e�ectivité des
normes posées pour la réalité de ce principe de participation.
S e c t i o n 2
EFFECTIVITÉ DE LA PARTICIPATION EN DROITS FONCIERS RU-RAUX
361 « Le règne du droit, écrit Maurice Kamto, tient [. . .] du rêve, si l’on admet que l’e�ectivité de la
règle de droit est la condition nécessaire de l’existence de l’État de droit » 336. Ce�e idée met
en exergue la nécessité pour les règles posées par les États d’avoir une applicabilité réelle
et concrète. En matière foncière rurale, c’est ce besoin d’e�ectivité qui, entre autres, a lancé
les di�érents États sur la voie de la réforme puisque, il est constaté que : la notion d’e�ecti-
vité, entendue du « degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles énoncées par le
droit » 337 induit un dépassement du rêve pour la matérialité du règne du droit et interpelle
à ce titre quant à la prise en compte du rapport au social, des di�érentes pesanteurs interve-
nant dans l’application du droit 338. Ainsi, pour vaincre les pesanteurs qui pourraient rendre
di�icile la mise en œuvre du principe de participation en matière foncière rurale, les États
de l’espace UEMOA ont d’abord adopté les textes sur la décentralisation qui reconnaissent
une compétence aux collectivités locales en matière de gestion foncière rurale (paragraphe 1)
ensuite ils ont mis en place un cadre institutionnel de gestion foncière rurale favorisant la
participation dans les droits fonciers ruraux (paragraphe 2).
334 Pour Gianola, les pays africains n’ont pu s’engager dans la création de leurs propres modèles sociaux parceque trop occupés à construire des États. Et si aujourd’hui, certains sont tentés de le faire, ils hésitent toutefoisentre la désintégration des communautés à l’intérieur de l’État et l’intégration de celles-ci. Gianola (É.), Lasécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit, op. cit.335 Barrière (O.) et Rochegude (A.), Foncier et Environnement en Afrique : des acteurs au(x) droit(s), op. cit.336 Kamto (M.) – Pouvoir et droit en Afrique noire, Paris : LGDJ, 1986, p. 441.337 Arnaud (A. J.) (dir.) – Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., Paris : LDGJ,1993, p. 217.338 L’on peut à ce titre comprendre la di�culté qui entoure le questionnement sur l’institutionnalisation duconstitutionnalisme et de l’État de droit en Afrique. Voir : Ahanhanzo-Glèlè (M.) – « Pour l’État de droit enAfrique », in : Mélanges o�erts à P.-F. Gonidec, Paris : LGDJ, 1985, p. 181–193 ; Moyrant (A.) – « Ré�exions surl’introduction de l’État de droit en Afrique noire », in : RIDC vol. 43.4 (oct.–nov. 1991), p. 853–878 ; Gonidec(P.-F.) – « À quoi servent les constitutions africaines? : Ré�exions sur le constitutionnalisme africain », in : RJPIC4 (oct.–déc. 1988), p. 849–866.
140 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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Paragraphe 1 Des compétences foncières reconnues aux acteurs
locaux selon les textes de décentralisation
362Les sources de la participation des populations à la gestion foncière rurale dans les États
de l’UEMOA sont diversifiées. Le caractère épars des sources de la participation des popula-
tions aux processus de prise de décision et de gestion en matière foncière rurale fait qu’on
trouve certaines sources dans les textes relatifs à la décentralisation de la gestion des a�aires
publiques 339. Les années 90 en Afrique ont favorisé partout la mise en route de la décentrali-
sation en matière de gestion des a�aires publiques ; d’importants actes ont été diversement
dévolus aux collectivités locales en matière domaniale au Bénin et au Sénégal.
363L’évolution du droit foncier rural dans l’espace UEMOA a certes élargi le cercle de compé-
tence des collectivités locales en matière de gestion des ressources naturelles. Mais cet élar-
gissement reste évolutif au Bénin et au Sénégal au regard de l’e�ort fourni par d’autres États
de l’Union, en particulier le Burkina Faso et le Niger. L’importante prérogative accordée aux
communes dans les di�érents États vise à mobiliser les ressources naturelles en général et
foncières en particulier en faveur du développement local. Pour mieux cerner l’étendue de
la compétence des collectivités en matière foncière rurale, il faut partir du cas du Bénin et le
comparer à quelques États pour se faire une idée sur la question dans l’espace UEMOA.
364Ce mouvement de décentralisation a fait émerger de nouveaux acteurs rendant e�ectif le
principe de la participation dans les milieux ruraux. À partir du cas du Bénin (A), il est aisé
de faire une analyse comparée des a�ributions dévolues aux di�érents conseils communaux
en matière foncière (B).
A - La compétence de principe des conseils communaux au Bénin
365Les années 1990 restent marquantes pour la décentralisation dans les États de l’UEMOA.
Ce�e période de la décentralisation est accompagnée par la naissance et l’adoption de textes
de lois et des décrets d’application pour une gestion décentralisée de la chose publique 340.
C’est à ce�e période que l’on a vu éclore les notions de transfert de compétence au profit
de collectivités décentralisées et de gestion décentralisées des ressources naturelles. C’est
surtout la période où des textes ont défini le cadre de la participation du public à la ges-
tion des a�aires leur concernant y compris la gestion des écosystèmes dont le foncier rural.
Ces collectivités constituent le cadre de participation des citoyens à la gestion des a�aires
339 Banegas (R.) – « Action collective et transition politique en Afrique. La conférence nationale du Bénin »,in : Cultures et Con�its 17 (2015), url : http://con�its.revues.org/320..340 Cette période est considérée par le Sénégal comme la phase II de la décentralisation avec une adoption d’uncode des collectivités locales et une loi sur les transferts de compétences. Cette période, la région est devenueune collectivité locale et neuf domaines de compétences lui sont transférés.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 141
Chapitre 2 • La participation
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publiques 341. Généralement promues dans les codes des collectivités locales ou lois, les dispo-
sitions faisant des conseils communaux des acteurs d’e�ectivité du principe de participation
sont contenues dans ces textes. Ces Codes et lois présentent des dispositions relatives à la
possibilité pour les collectivités locales en collaboration avec les populations de gérer les
domaines transférés des ressources naturelles, c’est d’ailleurs sur ce�e base que la gestion
communautaire qui est une forme de gestion participative en Afrique, trouve son fondement,
de même que les conventions locales de gestion des ressources naturelles.
366 Dès lors, la décentralisation apparaît désormais comme une figure politique et administrative
obligée pour tout pays qui souhaite améliorer sa gouvernance publique et les relations entre
les populations et les institutions de l’État.
367 À l’instar des pays de l’Afrique de l’Ouest, les États de l’Union économique etmonétaire ouest
africaine (UEMOA) se sont engagés dans la réalisation de réformes de décentralisation de-
puis le milieu des années 90, chacun suivant son rythme et selon les domaines considérés 342.
368 En matière foncière, si l’on peut constater que des actes sont diversement dévolus aux collec-
tivités locales au Bénin et au Sénégal (1), l’on pourrait aussi, à partir de l’exemple du Bénin
procéder à une analyse de la prise en compte de la décentralisation dans le Code foncier et
domanial (CFD) au plan des droits comparés pour le Niger et le Burkina Faso (2).
369 Le code général des collectivités territoriales du Burkina Faso indique les sources essentielles
sur la participation du public à la gestion de l’environnement.
1 L’analyse de la prise en compte de la décentralisation dans le code foncier et
domanial au plan de la législation interne
370 D’entrée de jeu, on peut a�irmer que le CFD 343 a fait un e�ort louable pour prendre en
compte la décentralisation en conférant quelques a�ributions aux communes. Mais, le cou-
rage du législateur n’est pas allé aussi loin qu’on l’aurait souhaité, car sur certains aspects
des compétences des communes en matière de gestion foncière, il a manifesté une volonté
claire d’a�aiblir les communes dans leurs prérogatives ; reme�ant ainsi en cause certaines
avancées de la de la loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République
du Bénin.
371 L’analyse du contenu du CFD par rapport à la prise en compte de la décentralisation révèle
que plusieurs dispositions dudit Code viennent confirmer les dispositions de la loi 2007-03
341 Décision no 96-06 portant code des collectivités locales en République du Sénégal (22 mar. 1996) .342 Les réformes mises en oeuvre ont favorisé presque partout, une meilleure gestion de proximité des a�airespubliques d’intérêt local. Cette évolution sensible du paysage institutionnel local s’est concrétisée par une plusgrande autonomie de gestion �nancière et administrative des collectivités locales.343 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bénin qui renforcent le
pouvoir des gouvernements locaux. En e�et, l’implication des communes dans la gestion
foncière se traduit à travers d’une part la mission d’ordre général et d’autre part les missions
spécifiques à elles assignées par le CFD. Les aspects essentiels de ces di�érentes catégories
de missions sont développées dans les sections suivantes.
a -) Mission d’ordre général assignée aux communes par le CFD
372En reconnaissant aux collectivités territoriales la qualité de garant de l’intérêt général concur-
remment avec l’État, le législateur a assigné aux communes, la mission 344 :
— d’assurer un accès équitable aux terres pour l’ensemble des acteurs, personnes phy-
siques et personnes morales de droit public et de droit privé ;
— de sécuriser les droits réels immobiliers établis ou acquis selon la coutume ;
— d’organiser la reconnaissance juridique e�ective des droits fonciers locaux ou coutu-
miers légitimes des populations ;
— de lu�er contre la spéculation foncière enmilieux urbain, périurbain et rural et favoriser
la mise en valeur e�ective des terres pour le bien-être des populations ;
— de veiller à l’exploitation durable des terres dans le respect des intérêts des générations
présentes et futures ;
— de lu�er contre le morcellement anarchique et abusif des terres rurales ;
— de veiller demanière générale à la protection des intérêts nationaux et à la préservation
du patrimoine foncier national ;
— de veiller au respect de l’égalité de l’homme et de la femme dans l’accès au foncier.
Il est aussi reconnu au maire la prérogative de prendre un arrêté pour consacrer les règles
spécifiques de gestion des terres rurales édictées par le CFD et définies de façon participative
par les populations et ce, conformément à l’intérêt général, aux lois et règlements de la Répu-
blique et aux arrêtés communaux en vigueur. En outre, il est donné, à l’autorité administra-
tive, la possibilité d’interdire certaines activités constituant des nuisances aux programmes
de développement ou d’intérêt général et ce, conformément à la législation en vigueur 345. Il
est ainsi porté a�einte au droit de propriété pour faciliter la réalisation des programmes de
développement ou d’intérêt général.
373Enfin, l’intervention du Maire est requise dans la mise en valeur des terres rurales non ou
insu�isamment mises en valeur. En e�et, aux termes des dispositions de l’article 370 du CFD,
toute personne physique ou morale peut demander au maire, l’autorisation d’exploiter une
parcelle susceptible d’une mise en valeur rurale qui se trouve dans l’un des cas de défaut de
mise en valeur prévus par le Code. Le maire constate ainsi le défaut de mise en valeur par
arrêté qui est notifié au présumé propriétaire.
344 Ibid., art. 6.345 Ibid., art. 366.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 143
Chapitre 2 • La participation
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b -) Missions spécifiques assignées aux communes
374 Des missions spécifiques sont également assignées aux collectivités territoriales à travers
les a�ributions à elles dévolues entre autres en matière de gestion des biens immobiliers du
domaine public et privé, de protection et de la reconnaissance administrative du droit de
propriété et de règlement des conflits fonciers.
Les attributions des communes dans la gestion des biens immobiliers du domaine pu-
blic et privé.375 Une a�ention particulière est portée aux biens immobiliers du domaine
public et privé de la Commune par le CFD qui dispose en son article 3 que ses dispositions
s’appliquent aux domaines public et privé de l’État et des collectivités territoriales. Ceci pour
donner réponse à l’article 181 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des
communes en République du Bénin qui dispose : «Une loi déterminera le régime foncier de la
commune. » Le CFD a précisé la composition des domaines privé et public de la commune et
fixé les règles de leur gestion. Ainsi, il est reconnu au maire :
— de prendre un arrêté pour délimiter les biens immeubles du domaine public naturel
des collectivités territoriales avant de faire enclencher la procédure de confirmation
des droits fonciers 346 ;
— d’accorder, par arrêté pris après délibération du conseil municipal ou en conseil com-
munal, les autorisations d’occuper le domaine public et les dérogations aux servitudes
de passage ; sous la réserve que ces autorisations et dérogations sont à tous moments
révocables sans indemnité, pour un motif d’intérêt public et sous réserve également
des règles qui pourraient être posées à cet e�et 347 ;
— de gérer les terres et biens immeubles de la commune 348 ;
— de céder à titre onéreux ou gratuit ou louer selon les règles du droit commun ou en-
core a�ecter à une personne morale de droit public les terres et biens immeubles du
domaine privé immobilier des collectivités territoriales 349 ;
— d’accorder, sur les biens du domaine privé de la commune, des concessions à toute per-
sonne physique oumorale justifiant de ressources financières su�isantes pour garantir
leur mise en valeur 350 ;
— de prendre par arrêté les dispositions réglementaires nécessaires à l’exploitation et
à la gestion des ressources naturelles de leur ressort territorial, conformément à la
Constitution, aux lois et règlements en vigueur 351.
346 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 266.347 Ibid., art. 272.348 Ibid., art. 300.349 Ibid., art. 301.350 Ibid., art. 308.351 Ibid., art. 318.
144 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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Le législateur a pris le soin de subordonner l’opérationnalisation de toutes ces a�ributions
du maire à la délibération du conseil communal ou municipal en disposant que « le conseil
communal délibère sur la gestion des biens et opérations immobilières à e�ectuer par la com-
mune » 352. Dans le même sens, le législateur dispose : « La cession des biens immeubles privés
des collectivités territoriales est constatée par arrêté du maire délivré au bénéficiaire sur délibé-
ration du conseil municipal ou communal. » 353
L’intervention des communes dans la protection et la reconnaissance administrative
du droit de propriété. 376Ici, on exposera successivement le rôle des autorités communales
dans la procédure générale de confirmation des droits et dans les opérations d’établissement
des plans fonciers ruraux et de confirmation des droits issus de ces PFR. En e�et, en matière
de confirmation des droits, il faut faire observer que la commune ne joue pas un rôle pré-
pondérant. Les bureaux locaux, démembrements de l’ANDF ayant à leur tête des régisseurs
communaux assurent le déroulement de toute la procédure de confirmation. Il est seulement
fait obligation au régisseur de la propriété foncière après contrôle formel et acceptation, de
transme�re dans un délai maximum de quinze (15) jours ouvrables une copie de la fiche de
demande de confirmation de droits fonciers au maire de la commune dans le ressort duquel
se trouve l’immeuble pour a�ichage dans les lieux d’usage visibles et fréquentés par le public
et sur l’immeuble objet de confirmation de droits.
377Enfin, la publication de la demande d’inscription au registre foncier de la propriété, d’une
terre rurale non couverte par le plan foncier rural adressée au Bureau communal de confir-
mation des droits fonciers par le titulaire de droits présumés, doit être constatée par procès-
verbal du maire comme représentant de l’État dans la commune du lieu de situation de
l’immeuble. �ant au PFR, il faut faire observer que le maire procède par arrêté, sans être
destinataire des demandes villageoises d’établissement, à l’ouverture et à la clôture des opé-
rations pour l’établissement du plan foncier rural. Le CFD fait également obligation aux
autorités administratives locales de promouvoir l’adhésion des populations au PFR dont le
financement et la mise en œuvre se feront sur une base participative, notamment des com-
munautés à la base, des collectivités territoriales et de l’État.
378En outre, le CDF exige que les droits fonciers des particuliers, des groupements de produc-
teurs ou des collectivités familiales soient enregistrés au plan foncier rural en respectant
l’intégrité des domaines public et privé de l’État et des collectivités territoriales et des titres
fonciers existants.
379Enfin, le maire est tenu de prendre les dispositions nécessaires pour publier le registre des
ayants droit par village au Journal o�iciel et rendre disponible à la consultation le plan foncier
352 Ibid., art. 291.353 Ibid., art. 312.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 145
Chapitre 2 • La participation
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2
rural. Pour une meilleure appréciation des a�ributions des Communes en matière d’établis-
sement des PFR, il est judicieux d’a�endre la prise du décret portant modalités d’application
des dispositions relatives à la confirmation de droits fonciers des terres enregistrées au plan
foncier rural.
Les attributions des communes dans le règlement des conflits fonciers.380 Il est impor-
tant de le souligner ; le CFD a mis le maire au cœur de la procédure de règlement des conflits
liés à l’accès aux terres en milieu rural. En e�et, le procès-verbal de règlement amiable dû-
ment signé par les parties et leurs témoins doit être transmis, pour a�irmation, au maire de
la commune du lieu de situation de l’objet du di�érend par la partie la plus diligente 354. Le
maire procède alors à l’a�irmation dudit procès-verbal en y apposant sa signature 355 et ce,
après avoir donné lecture et, s’il y a lieu, traduit aux parties le procès verbal qui porte leur
signature.
381 Il est important de souligner que le CFD, en reprenant les dispositions des articles 124 et
125 de la loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bé-
nin en matière de règlement des conflits fonciers, a oublié de faire obligation au maire de
transme�re au président du tribunal de première instance du lieu de situation de l’immeuble
litigieux, pour homologation, le procès verbal de règlement amiable a�irmé, tel que prévu par
les dispositions ci-dessus citées.
Publication des annonces dans la procédure de confirmation de la propriété.382 Dans
les di�érentes étapes de la procédure de confirmation de la propriété foncière, le Maire inter-
vient au cours de la publicité par l’a�ichage dans les lieux d’usage visibles et fréquentés par
le public 356 et par l’a�ichage des avis transmis par le régisseur pour annoncer le démarrage
des opérations de bornage 357.
383 Durant la période allant de l’instruction de la demande jusqu’à la date de clôture des opéra-
tions de bornage, l’intervention de la mairie est réduite à un rôle d’a�ichage et d’annonce.
Ce�e situation contredit la maîtrise d’ouvrage communale accordée aux Collectivités terri-
toriales et qui leur donne le pouvoir de décision en matière de gestion foncière.
354 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 390.355 Ibid., art. 392.356 Ibid., art. 118.357 Ibid., art. 119.
146 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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2 Des missions réductrices du rôle des conseils communaux
384En dépit des missions dévolues aux conseils communaux par le CFD, il se note une margina-
lisation de ceux-ci par la réduction de leurs missions dans certaines instances et la création
des bureaux communaux dépouillant les communes.
385S’agissant, de la marginalisation, l’exemple peut être illustré par l’absence des communes
dans un premier temps dans le Conseil Consultatif Foncier (CCF) avant un repositionnement
du législateur. En e�et, par l’article 424, le CFD crée le Conseil Consultatif Foncier dont la
mission essentielle est de servir de cadre de concertation et d’échange entre tous les acteurs
sur les actions à développer pour assurer le succès de l’application de ce Code.
386L’article 424 précise que, pour être membre du CCF, les acteurs doivent justifier d’une expé-
rience dans la gestion du foncier afin de partager les expériences qu’ils ont vécues et pouvoir
faire des propositions susceptibles d’a�énuer les di�icultés liées à l’application du Code. Il
est évident que les communes constituent un acteur important à prendre en compte au re-
gard du nombre d’années d’expériences accumulées dans la gestion du foncier au niveau
local. Paradoxalement, l’article 425 qui donne la composition du CCF, ne réserve aucune
place aux communes. Ce�e situation de marginalination a mis mal à l’aise l’instance faîtière
des communes au Bénin qui a engagé, dès la promulgation du CFD, une pression pour des
corrections. Depuis lors, la question foncière est restée un sujet de grande préoccupation
pour l’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB). Plusieurs rencontres ont été
organisées que la thématique. Le lundi 13 mars 2017, l’association des communes a transmis
au Réseau des Parlementaires pour la Décentralisation et le Développement local ses recom-
mandations pour la relecture du Code foncier et domanial. Le 14 mars, l’ANCB a également
transmis à la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, le point des articles à modifier
ou à supprimer, dans la perspective de l’étude de la proposition de loi portant modification
et complétant la loi 2013-01 du 14 août 2013 portant Code foncier et domanial en République
du Bénin. Il aurait fallu a�endre la loi no 2017-15 modifiant et complétant la loi no 2013-01
du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin pour voir le lé-
gislateur rectifier le tir à travers les dispositions de l’article 425 nouveau. Cet article intègre
l’ANCB comme membre du CCF.
387Si au niveau du CCF, le législateur a revu sa composition en faveur des communes, il n’en
est pas de même pour les bureau communaux toujours maintenus comme seule structure de
gestion de la propriété foncière de la commune.
388L’article 416 du CFD crée l’ANDF avec ses démembrements au niveau de la commune dé-
nommé Bureau Communal du Domaine et du Foncier. Ce�e structure a la charge de la sé-
curisation et de la coordination de la gestion foncière à tous les niveaux. �and bien même
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 147
Chapitre 2 • La participation
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aucun article n’en dispose, l’ANDF est placée sous la responsabilité du Régisseur central et les
buraux communaux sont sous la direction des Régisseurs communaux. Les Régisseurs sont
chargés de la confirmation des droits fonciers et des hypothèques. Dans toutes les communes
du Bénin, il existe un service ou une direction qui s’occupe de la procédure d’a�irmation des
droits de propriété. Ce�e structure fait partie de l’administration locale et son fonctionne-
ment est inscrit au budget communal. La procédure d’a�irmation aboutit, lorsqu’elle est
conduite de façon transparente, à la reconnaissance par la commune des droits de propriété
foncière. Ce�e dernière est entachée d’une légitimité parce qu’elle bénéficie de la caution de
toute la collectivité territoriale Le CFD, en confiant la procédure de confirmation des droits
de propriété au Bureau communal du domaine et du foncier, recentre toute la gestion du
foncier dans les mains du régisseur, réduisant ainsi, le champ d’intervention des communes
dans la gestion de leurs espaces.
B - Analyse de la prise en compte de la décentralisation dans leCode foncier et domanial (CFD) au plan des droits comparés(Niger et Burkina)
389 L’analyse comparative portera sur les aspects sur lesquels le législateur béninois a amenuisé
les prérogatives des communes et qui pourraient perme�re éventuellement d’améliorer soit
le contenu du CFD soit celui des textes d’application. Ainsi, la question de la constatation des
droits fonciers et celle de l’exercice du droit de préemption seront successivement examinées.
1 Du droit de préemption reconnu aux communes
390 Contrairement à la loi no 2013-01du 14 janvier 2013 portant Code foncier et domanial en
République du Bénin qui confère le droit de préemption à un établissement public (l’ANDF),
les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au Burkina Faso et au Niger recon-
naissent aux Communes la prérogative d’exercer le droit de préemption. En e�et, au regard
des dispositions des articles 27 et 28 de la loi no 034-2009/AN du 24 juillet 2009 portant ré-
gime foncier rural au Burkina Faso, il est reconnu aux collectivités territoriales l’exercice du
droit de préemption. L’exercice de ce droit est soumis à autorisation préalable de l’autorité
de tutelle.
391 Pour ce qui concerne le Sénégal, comparé à d’autre sahéliens, il a toujours eu une tradition
d’administration décentralisée 358. Ce�e tradition de gestion décentralisée en matière fon-
cière précède même le mouvement administratif de décentralisation proprement dit. « L’in-
dépendance à peine a�einte en 1960, le Sénégal a a�iré l’a�ention internationale du fait de son
358 CILSS – La gestion décentralisée des ressources naturelles dans trois pays du Sahel : Sénégal, Mali, Burkina-Faso,Ouagadougou : Padlos, 1997, p. 17.
148 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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droit foncier innovateur, dont le but était de réconcilier les règles foncières coutumières et for-
melles en synergie avec un plan avancé pour la dévolution du contrôle étatique sur les terres à
des corps locaux de gouvernement » 359. C’est par la loi no 64-46 relative au Domaine national,
que le Sénégal ouvre la porte à une gestion foncière au niveau local avant l’adoption plus
tard d’une nouvelle législation en 1972 360. Mais il convient de retenir que c’est à la réforme
de 1996 que le Sénégal doit l’élargissement des compétences des collectivités territoriales 361.
Les actes des collectivités locales en matière foncière di�èrent en fonction des compétences
que chacune d’entre elles a reçues. Leur nature varie selon que celle-ci relève du domaine de
la région, la commune ou de la communauté rurale.
392Mais dans tous les cas, on note une présence forte du pouvoir central à travers le recueil d’un
simple avis de la part de la collectivité locale ou une autorisation, alors qu’on se situe sur le
domaine public de l’État 362 ou à travers le pouvoir d’approbation qu’exerce son représentant
sur les décisions des collectivités locales relatives au domaine national. À cet e�et, l’article 17
de la loi fait d’entrée une distinction en matière de compétence en disposant que : « dans le
respect des principes et dispositions de la loi sur le domaine national et du code du domaine de
l’État, en tout ce qui n’est pas contraire à la présente loi, les compétences transférées aux régions,
communes et communautés rurales en matière domaniale concernent la gestion et l’utilisation
du domaine privé de l’État, du domaine public et du domaine national ».
393À l’analyse des di�érents textes qui encadrent la gestion des ressources naturelles dans le
cadre de la décentralisation, on se rend compte aisément que l’État central reste toujours
a�aché à ses a�ributions. Les collectivités territoriales ne jouent pour le moment qu’un rôle
très limité. En e�et, sur le domaine public de l’État, dans la prise d’actes administratifs relatifs
au foncier, le rôle de la région demeure très nuancé du fait qu’elle n’est pas compétente pour
prendre un acte d’a�ectation ou de désa�ectation des terres. Il en est ainsi pour la simple
raison que celle-ci ne possède pas de terroir comme c’est le cas pour la communauté rurale 363.
394En réalité, la région n’exerce pas véritablement de compétence en matière domaniale. Les
autorisations qu’elle est chargée de donner sont encore soumises à l’appréciation du repré-
sentant de l’État central 364. Ce�e omniprésence de l’État central persiste également en ma-
359 Traoré (S.), « Le con�it foncier à l’ombre du droit », op. cit., p. 35.360 Loi no 72-25 relative aux communautés rurales en République du Sénégal (19 avr. 1972) .361 Loi no 96-07 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales enRépublique du Sénégal (22 mar. 1996) .362 C’est le cas de la région qui donne par la même occasion des autorisations d’occupation du domaine publicde l’État.363 Gueye Konteye (B.) – Les actes des collectivités locales en matière foncière, mémoire de DEA, UniversitéGaston Berger de Saint-Louis, 2011.364 En e�et, il convient de noter que dans la formule sénégalaise de décentralisation, la région n’exerce pas decompétence au vrai sens du terme, mais plutôt un simple pouvoir d’avis. Pour s’en convaincre, il faut se référerau rôle accordé à la région dans le cadre de la gestion du domaine national, du domaine public et le domaineprivé de l’État au terme des dispositions suivantes :
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Chapitre 2 • La participation
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tière d’a�ectation ou de désa�ectation des terres du domaine national, qui sont du ressort
essentiel de la commune et de la communauté rurale. La porte d’entrée de l’État pour une
main- mise sur les terres est l’article 2 de la loi sur le domaine national dont la lecture reste
diversement comprise. En e�et, ce�e législation qui précise que le domaine national n’est
pas la propriété de l’État dispose que : « L’État détient les terres du domaine national en vue
d’assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de déve-
loppement et aux programmes d’aménagement. » Ce�e formule utilisée par le Sénégal pour la
maîtrise des terres a inspiré le législateur béninois qui institue la même détention à travers
les dispositions de l’article 5 de la loi portant code foncier et domanial 365
395 Depuis la loi no 2013-10 du 28 décembre 2013, le Sénégal a versé dans un nouveau système
de décentralisation communément appelé «Acte III ». Ce�e réforme aboutit à d’importantes
innovations parmi lesquelles : la suppression de la région en tant que collectivité locale, l’érec-
tion des départements en collectivité locale et l’érection de toutes les anciennes communau-
tés rurales en communes de plein exercice. Ce�e communalisation intégrale induit un chan-
gement en matière foncière. L’article 81 de ladite loi dispose que « Le conseil municipal règle
par ses délibérations les a�aires de la commune. [. . .] L’a�ectation et la désa�ectation des terres
du domaine national. . . » Les conséquences de la communalisation en matière foncière sont
minimes car l’article 293 de la loi de 2013 ajoute que : «Dans le respect des principes et dispo-
sitions de la loi sur le domaine national et du Code du domaine de l’État, en tout ce qui n’est pas
contraire à la présente loi, les compétences transférées aux départements et aux communes en
matière domaniale concernent la gestion et l’utilisation du domaine privé de l’État, du domaine
— article 24 de la loino 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétence aux régions, aux communeset aux communautés rurales qui dispose : « Les projets ou opérations initiés sur le domaine national parune personne physique, une collectivité locale ou toute autre personne morale distincte de l’État, sont établisconformément aux dispositions de la loi sur le domaine national. Par ailleurs, si ces dits projets sont del’initiative de l’État, celui-ci prend la décision après consultation du conseil régional. »
— s’agissant du domaine public de l’État, la région se prononce sur les projets. Conformément aux disposi-tions de l’article 20 de loi no 96-07 du 22 mars 1996, pour les projets ou opérations initiés sur le domainepublic maritime et �uvial par les personnes physiques, les collectivités locales ou toute autre personnemorale, il est requis l’autorisation du conseil régional par délibération.
— pour ce qui concerne le domaine privé de l’État, c’est l’article 18 de la même loi qui règle la question.Selon les termes de cet article, la région peut prendre des actes pour ce qui relève du domaine privé del’État, à condition que celui-ci lui cède tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles relevant de sondomaine privé.
365 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 5, al. 1 dispose : « EnRépublique du Bénin, l’État détient le territoire national en vue :
— de la préservation de son intégrité ;
— de la garantie du droit de propriété de l’État et des collectivités territoriales, des personnes physiques et despersonnes morales de droit privé acquis suivant les lois et règlements ;
— de la garantie du droit de propriété des personnes physiques, des personnes morales de droit privé acquissuivant les règles coutumières ;
— de l’assurance de son utilisation et de sa mise en valeur durable.
».
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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public et du domaine national. »
2 Les prérogatives des communes en matière de la constatation des droits fon-
ciers en milieu rural
396Pour mieux comprendre l’analyse comparative qui sera faite en matière de constatation des
droits fonciers ruraux, il est judicieux de rappeler quelques dispositions de la loi no 2013-
01du 14 janvier 2013 portant Code foncier et domanial au Bénin. En e�et, aux termes des
dispositions de ladite loi, seul le Bureau local qui est un démembrement de l’ANDF au niveau
communal peut délivrer une a�estation de détention coutumière 366 qui est un document de
présomption de propriété 367. Cet organe est également le seul qui doit constater tous faits,
conventions ou sentences ayant pour e�et de constituer, transme�re, déclarer, modifier ou
éteindre un des droits ainsi constaté, de constituer de nouveaux droits, de changer la struc-
ture de la collectivité, la personne de son représentant qualifié ou les conditions d’exercice
des droits collectifs. Or, les législations burkinabè et nigérienne ont accordé une large place
aux communes dans le domaine de l’enregistrement des droits fonciers ruraux.
397Ainsi, au Burkina Faso, la loi no 034-2009 / AN portant Régime foncier rural reconnaît en son
article 41 aux communes la possibilité d’initier, d’entreprendre une ou plusieurs opérations
de constatation de possessions foncières rurales sur tout ou partie de son territoire. Le maire
est ainsi l’autorité compétente qui délivre l’a�estation de possession foncière rurale 368 qui
n’est rien d’autre qu’un titre de jouissance permanent délivré aux personnes physiques ou
morales pour l’occupation des terres rurales 369. L’a�estation de possession foncière confère
à son détenteur la possibilité d’obtention d’un titre de propriété conformément aux textes
portant réorganisation agraire et foncière 370. Les services communaux que sont le service
foncier ou le bureau domanial de la commune se trouvent donc au cœur de toute la procédure
de constatation des possessions foncières rurales qu’elle soit initiée soit par la commune soit
par les particuliers.
398Au Niger, il faut faire observer que l’Ordonnance no 93-015 du 02 mars 1993 fixant les prin-
cipes d’orientation du Code Rural a fait preuve d’une décentralisation et d’une déconcen-
tration complètes de la gestion des terres rurales. Il est assigné à ce Code rural, les trois
principales missions ci-après :
— définir et enregistrer les di�érents droits existants sur les terres et les ressources natu-
relles ;
366 Ibid., art. 352, al. 2.367 Ibid., art. 4.368 Loi no 034-2009/AN portant Régime foncier rural en République du Burkina Faso, op. cit., art. 44.369 Décret no 2010-402/PRES/PM/MAHRH/MRA/MECV/MEF/MATD portant procédure de constatation depossession foncière rurale des particuliers en République du Burkina Faso (23 juin 2010) , art. 21, al. 1.370 Ibid., art. 21, al. 2.
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Chapitre 2 • La participation
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— enregistrer les transactions foncières et les transferts de droits ;
— arbitrer les conflits liés à la gouvernance de la terre et des ressources naturelles.
399 L’une des innovations majeures consacrées par le code rural nigérien est la création des Com-
missions foncières à tous les niveaux (village, arrondissement, commune, département). De
par leur mission et composition, ces commissions foncières constituent une véritable cheville
ouvrière de toutes les institutions prévues par ce dispositif législatif. Elles constituent égale-
ment un cadre de concertation, de réflexion et de prise de décisions en matière de gestion
des ressources naturelles et de prévention des conflits. En e�et, ces commissions foncières
établissent entre autres les actes constatant les droits fonciers (par exemple, un papier qui
reconnaît la détention coutumière d’un champ) et contrôlent les modalités de mise en valeur
des terres 371.
400 Aux termes des dispositions de l’article 131 de l’Ordonnance no 93-015 du 02 mars 1993
fixant les principes d’orientation du Code Rural, le Dossier rural (un document graphique
d’ensemble de l’espace rural et un fichier constitué par les fiches individuelles ouvertes cha-
cune au nom des titulaires des droits) est tenu et conservé sous l’autorité du Sous-préfet
ou du Maire par le Secrétaire permanent municipal ou d’arrondissement du Code rural. Il
est a�irmé dans le même sens qu’à l’issue de la procédure de reconnaissance des droits fon-
ciers, la Commission Foncière procède à leur matérialisation sur le document graphique et à
l’établissement des fiches individuelles. Aussi, toute modification du contenu des droits fon-
ciers est mentionnée sur les fiches individuelles 372 concernées par le Secrétaire permanent
municipal ou d’arrondissement après avis conforme de la Commission foncière.
401 Il est important de créer, dans chaque arrondissement ou commune, la Commission Foncière
présidée respectivement par leMaire ou le Sous-préfet. Ces commissions sont composées des
personnalités suivantes :
— le Secrétaire permanent du Code Rural ;
— les chefs des services techniques municipaux ou d’arrondissement ci-après : plan, en-
vironnement, faune, pêche et pisciculture, élevage, agriculture, cadastre et domaine,
génie rural,
— un représentant des autres services municipaux ou d’arrondissement lorsque ils sont
concernés par l’ordre du jour ;
— les autorités coutumières concernées par l’ordre du jour ;
— un représentant par groupe rural d’agriculteurs, d’éleveurs, de femmes et de jeunes
ruraux ;
— toute personne dont la présence est jugée nécessaire 373.
371 Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger, op. cit., art. 121.372 Ibid., art. 132.373 Ibid., art. 118.
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E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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Paragraphe 2 Un cadre institutionnel de gestion favorisant la par-
ticipation des acteurs non étatiques
402La mise en œuvre du principe de participation consacré dans les cadres juridiques nationaux
incombe non seulement aux organes étatiques mais aussi aux organisations non étatiques.
Parmi les acteurs non étatiques, il y en a qui occupent une place de choix. En e�et, de plus en
plus, la gestion du foncier rural est considérée comme une préoccupation majeure non seule-
ment des États, mais aussi des organisations non étatiques notamment des organisations
professionnelles et des structures locales de gestion foncière rurale. L’une et l’autre mènent
des actions concrètes, visibles et plus ou moins durables dans les États étudiés.
403L’émergence des organisations non étatiques sur le terrain de la défense du foncier rural
s’explique par le souci de « s’organiser en marge d’un État suspecté dans sa gestion et son
aptitude à faire prévaloir partout l’intérêt général et dont les moyens n’ont cessé en tout état de
cause de s’amenuiser » 374.
404Ces organisations sont de plusieurs ordres et interviennent sur les thématiques diverses selon
leur centre d’intérêt dans un but généralement non lucratif.
405À côté des micros organisations locales qui se créent au niveau des villages ou quartiers de
ville 375, il existe de puissantes qui agissent sur le plan national voire sous régional ou régional
qui comptent d’importants nombres d’adhérents et qui disposent de moyens considérables
comparables parfois à ceux des organisations intergouvernementales 376.
406Certes, ces organisations sont d’importance et de valeur inégale selon leur champ d’action
mais prises dans leur ensemble, elles contribuent de manière significative à l’e�ectivité du
principe de participation en matière foncière rurale. Ce qui fait croire même qu’« elles pa-
raissent incontournables dans l’élaboration et lamise enœuvre des politiques publiques de l’envi-
ronnement » 377 en général. Dans l’espace UEMOA, de par leur implication, ces organisations
ont montré leur e�icacité. Ce qui fait constater aujourd’hui, les cas de participation réussie
(A). Dans le même temps, certaines sont relativement peu satisfaisantes (B).
374 Kamto (M.) – Droit de l’Environnement en Afrique, Paris : Edicef/Aupelf, 1996, p. 381.375 Elles sont très nombreuses et variées. Il ne nous pas paraît utile de commencer par en citer.376 On peut citer dans cette catégorie, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Al-liance mondiale pour la Nature etc.377 Ibid., p. 382.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 153
Chapitre 2 • La participation
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A - Les cas de participation réussie en matière foncière rurale dans
l’espace UEMOA : le ROPPA
407 Depuis le milieu des années 1980, les politiques agricoles des pays d’Afrique sub-saharienne
se sont inscrites dans le cadre général et impératif des programmes d’ajustement structurel,
prolongés et amplifiés à partir des années 1990 par la libéralisation croissante des échanges
commerciaux. Les années 1990 ont marqué un tournant important pour les organisations
paysannes africaines et les dynamiques d’organisation revêtent, dans la plupart des pays,
des caractéristiques largement inédites.
408 Les organisations paysannes ont été en revanche sollicitées et « responsabilisées » pour gérer
les conséquences du retrait de l’État de nombre de fonctions d’appui à l’agriculture qu’il
assurait jusque-là. Le Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de
l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) est une initiative propre aux organisations paysannes et de
producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest 378. Dès sa création en juin 2000, à Cotonou, le
ROPPA s’est positionné comme l’outil de défense et de promotion des exploitations familiales
qui constituent le principal système de production en Afrique de l’Ouest.
409 Son fonctionnement repose sur trois principaux principes :
— la solidarité paysanne qui donne une place à chacun en associant toutes les catégories
d’Organisations paysannes et de producteurs Agricoles dans chaque pays et qui sou-
tient les organisations paysannes et de producteurs agricoles et leurs membres dans
la reconnaissance de leur identité, de leurs droits et de leurs rôles ;
— le consensus qui est la démarche privilégiée pour décider et agir ensemble et ;
— la transparence en rendant compte et en assurer régulièrement le renouvellement des
mandats.
Ces évolutions ne doivent pas cependant faire oublier que, si la capacité des organisations
paysannes à influer sur l’élaboration des politiques agricoles s’accroît, elle reste encore glo-
balement limitée.
410 À l’analyse de ses actions on se rend compte aisément d’un double positionnement de le
ROPPA en matière de participation. Il s’agit, d’une part du positionnement du réseau au
niveau sous régional et d’autre de ses sous-groupes au niveau nationaux.
378 Il regroupe 13 organisations paysannes nationales membres (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie,Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Togo) et des organisations paysannesmembres associées (Cap-Vert, Nigeria).
154 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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1 Le ROPPA en action au niveau sous régional
Seul ou en lien avec d’autres organisations non gouvernementales, le ROPPA 379 a conduit
plusieurs initiatives de participations sur la problématique de la gestion de l’environnement
en général mais aussi sur le foncier rural en particulier. C’est ainsi avec le Club du sahel et
de l’Afrique de l’Ouest 380, le ROPPA a mené des activités visant à améliorer les pratiques
culturales des paysans et les adapter au changement climatique 381.
411LaConférence des parties à la Convention cadre des nations unies sur les changements clima-
tiques de Copenhague 382 a constitué une occasion pour le ROPPA d’a�icher ses ambitions
en matière de sécurité alimentaire. En e�et, dans le cadre de la préparation de la rencontre
de Copenhague, la CEDEAO a organisé une rencontre à Abidjan pour formuler une position
379 Suite à la dévaluation du franc CFA en 1994, est créée l’Union économique monétaire ouest-africaine (UE-MOA), qui s’applique à la constitution d’un tarif douanier commun en 2000 et à la négociation d’une poli-tique agricole commune. Les animateurs de la Plate-forme des organisations paysannes du Sahel commencent àcontacter les organisations paysannes dans des pays UEMOA non sahéliens, comme la Côte d’Ivoire, le Bénin etle Togo. Un regroupement plus vaste se constitue progressivement à partir d’un atelier organisé à Ouagadougouen septembre 1999. Cet atelier permet aux Op d’échanger leurs expériences en présence des représentants desÉtats et des partenaires au développement, dans le but de renforcer la participation des agriculteurs à la for-mulation et à la mise en oeuvre des Programmes d’investissement du secteur agricole (PISA) et de la Politiqueagricole commune. Le processus d’échange et de ré�exion, entamé avec la préparation de cet atelier, aboutit àune assemblée constitutive au Bénin en juillet 2000, qui voit la création du Réseau des organisations paysanneset de producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (ROPPA).380 Le Club du sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) est une plateforme internationale indépendante. Lesecrétariat est hébergé au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).Sa mission est de promouvoir des politiques régionales à même d’améliorer le bien-être économique et socialdes populations ouest-africaines.Objectifs :
— Améliorer la gouvernance régionale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
— Comprendre les transformations en cours dans la région et leurs implications en matière de politiquespubliques par des analyses régionales, spatiales et prospectives.
381 Le ROPPA a travaillé avec le Club du sahel et de l’Afrique de l’Ouest pour inventorier les pratiques d’adap-tation qui ont été développées depuis très longtemps par les agriculteurs et on peut les résumer autour desaspects suivants. D’abord, de tout temps, l’agriculteur a cherché à contrôler l’eau parce que c’est essentiel ; il amis en place des systèmes d’irrigation qui l’économisent, également des systèmes de paillage qui permettent demaintenir l’humidité sur les cultures. Ces pratiques se sont renforcées avec l’apparition de la sécheresse dansle Sahel. Par ailleurs, les agriculteurs qui font de l’élevage ont trouvé des systèmes d’exploitation rationnelleles ressources ligneuses à destination du bétail et qui ont répondu à des soucis de bonne gestion du peu defourrage dont dispose l’élevage en Afrique au Sahel. La deuxième préoccupation est de contrôler les vents. Ene�et, la sécheresse est apparue avec son lot de mortalité au niveau du couvert végétal et des arbres qui ontdisparu et qui ont rendu le sol très vulnérable. Très rapidement, les agriculteurs ont compris qu’il fallait mettredes haies vivantes et des clôtures pour amortir l’e�et du vent qui entraîne une certaine dégradation et érosiondes sols. En�n, les agriculteurs ont agi sur l’e�et du soleil sur l’agriculture (par des paillages, etc.) En somme,les agriculteurs ont toujours cherché à s’adapter à travers des mécanismes de ce genre par rapport à l’évolutionclimatique.382 Tenue du 7 au 18 décembre 2009 la Conférence de Copenhague, fait partie intégrante d’un processus interna-tional chapeauté par l’Organisation des nations unies (ONU) qui regroupe plus de 190 États. C’est à Stockholm,en 1972, qu’a eu lieu la première réunion intergouvernementale consacrée à l’environnement. « On avait alorsémis que l’avancement économique devait être lié à la protection de l’environnement » (PNUE, 2010). C’est aussià ce moment que le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), qui est la plus haute instanceenvironnementale au sein des Nations Unies, a été créé.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 155
Chapitre 2 • La participation
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commune sur la question du changement climatique, et le ROPPA y a été associé. La po-
sition du ROPPA a été de dire que son objectif est d’identifier les actions à mener afin de
réduire le risque d’augmenter le déficit alimentaire de la région. Dans ce�e optique le ROPPA
a mené conjointement une réflexion sur la question sous l’angle « souveraineté alimentaire et
transformation climatique » en évitant de restreindre son point de vue au strict « changement
climatique ».
412 Outre cet aspect général lié à l’environnement, le ROPPA a saisi le contexte de crise alimen-
taire de 2008 pour participer à la recherche des solutions au phénomène d’accaparement des
terres rurales qui a commencé par intéresser à la fin de l’année 2008 383. L’emballement mé-
diatique qui a accompagné le phénomène d’accaparement a fait de lui un objet d’a�ention
soudaine aussi bien des organisations non étatiques que des États. Dans ce prolongement
qu’est intervenu la déclaration de Nyéleni 384 adoptée en 2007 qui insiste sur le « droit des
communautés de choisir, à l’échelle locale, nationale ou régionale les politiques agricoles et ali-
mentaires les mieux adaptées à leurs besoins » 385.
413 Après la déclaration du Mali à Nyéléni, le ROPPA en lien avec d’autres organisations ont
poursuivi la quête d’un droit foncier juste et équitable au profit de l’agriculture familiale. Un
Forum social tenu à Dakar avec une déclaration demandant l’arrêt du processus d’accapa-
rement des terres est intervenu pour toujours a�irer l’a�ention des gouvernements sur le
phénomène. Ainsi, peut-on lire dans la déclaration que les organisations non étatiques en
appellent : aux parlements et aux gouvernements nationaux pour que cessent immédiate-
ment tous les accaparements fonciers massifs en cours ou à venir et que soient restituées les
terres spoliées. Elle exige des gouvernements nationaux, la mise en place d’un cadre e�ectif
de reconnaissance et de régulation des droits fonciers des usagers à travers une consultation
de toutes les parties prenantes et en préalable à toute cession des terres 386.
414 Ce�e action citoyenne portée par le ROPPA à l’échelle sous régionale sur le foncier agricole
fondée sur le principe de participation est reprise par ses antennes nationales à l’intérieur des
États de l’UEMOA. La mise en œuvre du principe de participation à l’intérieur des États par
les antennes nationales de l’organisation professionnelle des paysans semble couronner de
succès. Elle a produit des résultats satisfaisant en réussissant à exiger du législateur certaines
383 Il y a deux événements qui ont révélé au monde l’identité du phénomène d’accaparement de terre rurale : lepremier, c’est la publication par l’ONG Grain d’un rapport intitulé Main basse sur les terres agricoles, accompa-gné d’un tableau reprenant plus de 100 cas d’accaparement. Moins d’un mois plus tard, le Financial Times venaitcon�rmer l’existence du phénomène en dévoilant sur sa première page le projet de l’entreprise Daewoo de louer,à titre gratuit, 1.6 million d’hectare de terre à Madagascar pour une durée de 99 ans. Pour se convaincre, lire :Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et �nancière, GRAIN, oct. 2008, 33 p. ; Janvier (B.) –Land leased to secure crops for South Korea, in : Financial Times (18 nov. 2008).384 Déclaration de Nyéleni pour la souveraineté alimentaire, février 2007, village de Nyéleni, S’élingue, Mali.385 Dutiffeul (F.) – De la terre aux aliments, des valeurs au droit, Inida (Costa Rica) : Instituto de Investigacionen Derecho Alimentario, 2012, p. 37.386 Cf. Déclaration du forum social de Dakar sur l’accaparement des terres.
156 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
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reformulations des dispositions de la loi foncière au Bénin. À partir du cas béninois, l’on
peut croire à une montée en puissance de l’influence des organisations non étatiques sur les
législations foncières rurales.
2 Une influence croissante des organisations sur les législations foncières na-
tionales
415Inexistante il y a encore moins d’une décennie, l’influence exercée par les Organisations pay-
sannes sur la définition des politiques agricoles s’accroît, même si les propositions qu’elles
formulent sont diversement prises en compte selon les pays et les secteurs concernés.
416L’application du principe de participation a permis une évolution relativement satisfaisante
dans la conduite des réformes foncières dans l’espace UEMOA. En e�et, dans les réformes
foncières, les organisations paysannes sont « consultées » et elles sont parfois accompagnées
pour être capables de prendre une place dans les processus de consultation comme au Bur-
kina Faso 387. Mais le cas du Sénégal est une singularité. Rares sont les cas où, comme au
Sénégal, les organisations paysannes élaborent, avec l’appui de chercheurs engagés, leurs
propres positions 388, ce qui ne garantit évidemment en rien leur prise en compte. En témoigne
le cas sénégalais où le pouvoir politique valorise l’agrobusiness et favorise en pratique les ac-
caparements fonciers des élites sans consultation préalable. La loi d’orientation agro-sylvo-
pastorale (LOASP) a été élaborée à partir « de la Présidence de la République, sans concertation,
et a été ensuite largement di�usée » 389. Elle a alors fait l’objet de débats durant une période
déterminée. Si, au Sénégal et au Mali, les organisations paysannes ont tenté d’influer sur
le volet « foncier » des Lois d’orientation agricole ; si au Niger, les associations pastorales se
sont ba�ues pour pousser une loi pastorale enlisée (Touré, 2013), c’est surtout l’émergence
et la médiatisation de la question des accaparements fonciers qui a suscité des mobilisations
et des contestations, comme au Sénégal 390, au Mali ou au Bénin, autour d’organisations pay-
387 Lavigne Delville (P.) et Thieba (D.) – « Débat public et production des politiques publiques au BurkinaFaso : La politique nationale de sécurisation foncière », in : Participations vol. 11.1 (2015), p. 213–236.388 À la �n des années 80, la Fongs a enclenché un processus qui a abouti en 1993 à la mise en place et laconsolidation du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR). Le CNCR s’est montrétrès participatif sur la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) de 2004 au Sénégal. Il a lancé un processusde concertation paysanne sur l’ensemble du territoire. Des contre-propositions paysannes ont été élaborées parle CNCR et ont constitué une base de négociations avec les autorités publiques. C’est à la suite de cette phase denégociations qu’un compromis a été trouvé notamment sur un point de blocage, le foncier, dont le traitementa été renvoyé dans le cadre d’une réforme foncière dans un délai de deux ans, après la promulgation de la loi.Cette réforme est encore en attente en 2010. Pour plus de détail sur la question, lire : Cissokho (M.) – Dieu n’estpas paysan, Paris : Grad/Présence africaine, 2009, 296 p.389 Daouda (D.) – Les enjeux et la dimension régionale de l’agriculture sénégalaise : note de synthèse Sénégal,préparation du cadre de politique agricole commune (PAC/CEDEAO), CEDEAO, juin 2004, 17 p.390 Koopman (J.) – « Land Grabs, Government, peasant and civil society activism in the Senegal River Valley »,in : Review of African Political Economy vol. 39.1 (2012), p. 655–664.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 157
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sannes et de réseaux d’Ong nationales et internationales, qui enchaînent rassemblements,
dénonciations de cas d’accaparements, appui juridique et médiatisation 391.
417 Certaines organisations paysannes ont connu des succès indéniables enmatière de politiques
sectorielles 392. Le cas du Bénin est assez illustratif de ce�e forme de participation avec Syner-
gie paysanne (Synpa) 393, jeune syndicat paysan, qui a été une des premières organisations
du pays à s’emparer de la question des accaparements fonciers à la fin des années 2000, puis
s’est investi d’une mission de participation à l’action publique dans le foncier rural. En se
lançant dans une lu�e contre certaines dispositions du Code domanial et foncier en prépa-
ration entre 2008 et 2013, impulsé par le Millenium challenge account-Bénin (MCA-Bénin),
ce�e organisation a utilisé le plaidoyer comme technique 394. Le récit de ce plaidoyer a permis
une prise en considération de quelques propositions des organisations non étatiques dans
les dispositions du code foncier béninois.
418 De la légitimité du contenu des directives en général et de celle du principe de consultation
et de participation en particulier, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs
agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) a conduit par le biais de la PNOPPA 395 une ac-
tion d’influence du cadre juridique de gestion foncière au Bénin. La PNOPPA a mandaté un
de ses membres, Synergie paysanne (SYNPA), qui est le syndicat des producteurs agricoles
pour l’exécution des activités relevant du foncier rural. Ce�e délégation de pouvoir répond
à une démarche institutionnelle qui permet de positionner les acteurs membres selon leurs
expertises sur des thématiques de défense des droits des paysans 396.
419 Pour mener à bien ce�e action, la Synergie paysanne s’est fait impliquer dans le proces-
sus d’élaboration et du vote du code foncier et domanial en République du Bénin. Dès que
l’organisation a eu écho de la loi en cours d’élaboration, elle a enchaîné des actions de plai-
391 Au Sénégal, la résistance est passée par des formes semble-t-il moins visibles, autour d’un groupe de cher-cheurs et de cadres d’ONG se mobilisant pour assurer une veille et une médiatisation des cas d’accaparements.Mais le Crafs (Cadre de ré�exion et d’action sur le foncier au Sénégal) qui en est issu est aujourd’hui partieprenante au comité de ré�exion sur la réforme foncière.392 Mercoir (M.-R.) et al. – « Les organisations paysannes et les politiques agricoles », in : Afrique contempo-raine vol. 1.217 (mai 2015), p. 135–157.393 Fondé en 2002, Synergie paysanne (Synpa) est le premier syndicat paysan béninois, qui semobilise en faveurde l’agriculture familiale, contre les OGM et les agrocarburants, et sur la politique agricole béninoise.394 Sur les politiques foncières rurales au Bénin, la compétition entre deux réseaux de politique publique et leprojet « accès au foncier » du MCA Bénin, dans lequel le Code a été élaboré.395 Plateforme nationale des Organisations paysannes et de producteurs agricole.396 Les actions développées par la Pnoppa sont articulées autour de trois axes dont le premier a porté sur lasensibilisation des populations, des acteurs institutionnels et sociaux de la gestion foncière en vue d’un change-ment de comportement. Le second axe a pris en compte le renforcement des capacités des acteurs cités ci-dessuset porte sur la familiarisation avec les outils de formalisation des transactions foncières en vue de l’exercice desprérogatives qui leur sont dévolues par l’arsenal juridique régissant le foncier. En�n, la plateforme a développédes actions de plaidoyer et lobbying pour la défense des intérêts des petits producteurs, contre l’acquisitionde terres à grande échelle d’une part et d’autre part, pour in�uencer le contenu du code foncier et domanialalors en cours d’élaboration. Idrissou (A. H.) et al. – La gouvernance du foncier rural au Bénin : La société civiles’engage, SNV Bénin, Cotonou, 2014, 68 p.
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doyer/lobbying pour la prise en compte des préoccupations des populations en général et des
producteurs agricoles en particulier. En e�et, la Synergie Paysanne a organisé des ateliers de
lecture et de réflexion qui aboutit dans un premier temps à la création d’une Alliance des
Osc pour un code foncier et domanial consensuel et socialement juste 397.
420L’Alliance a mené des réflexions sur les stratégies pour mieux influencer le code en cours
d’élaboration. Ainsi, en 2012, l’Alliance a sollicité deux juristes pour l’aider à faire une lecture
critique des di�érentes versions du projet de code foncier. Un atelier a ensuite été organisé
pour que les juristes restituent les conclusions de leurs lectures critiques. À l’issue de cet
atelier, un document regroupant les observations de l’Alliance a été élaboré. La SYNPA, au
nom de l’Alliance, a participé à plusieurs séances et ateliers d’écriture et d’amendement, ce
qui a permis de faire des observations sur certains articles du code 398.
421La loi a été adoptée à l’unanimité des députés 399 avec l’intégration d’une des dernières pro-
positions de l’Alliance notamment la durée de la jachère des terres non fertiles. Après la
promulgation de la loi, L’Alliance a adressé une le�re au Secrétariat du Gouvernement (le
2 septembre 2013) pour demander la version promulguée du code. Le secrétariat du gouver-
nement a répondu à la demande en envoyant la version du code promulgué. Dans la suite
logique de son lobbying, l’Alliance a fait une conférence publique (le 3 octobre 2013) pour
dénoncer certains articles du code.
422Le lobbying de l’Alliance a permis aussi d’obtenir d’importantes modifications positives de
certaines dispositions du code foncier et domanial même si des insu�isances demeurent.
Cela dénote de la capacité des organisations de la société civile à influencer les politiques
publiques au profit de la population 400. Dans le tableau suivant, il y a quelques observations
et propositions formulées par l’Alliance au cours du plaidoyer.
423À travers l’analyse des propositions contenues dans le tableau, il se dégage aisément que le
processus suivi par le code foncier et domanial du Bénin a fortement bénéficié de la contri-
bution des organisations de la société civile. S’il y a des organisations non étatiques qui
s’illustrent comme exemple de succès de participation au niveau des États de l’UEMOA, il
397 L’alliance est constituée des organisations suivantes : Alcrer, Jinukun, Pascib, Rapda, Redad, Pnoppa, Sy-nergie paysanne (Syndicat national des paysans), Wildaf, etc.398 Entre autres actions, on peut citer : Audience auprès du président de l’Assemblée nationale ; L’atelier dePossotomè sur le code foncier et domanial en compagnie de plusieurs députés ; Participation de l’Alliance auséminaire parlementaire de Bohicon ; Participation de l’Alliance aux travaux de la commission parlementairesur le code, L’Alliance a pris part à un débat télévisé (sur GOLF TV) où son trajet de lobbying a été présentéet elle a aussi exposé les derniers événements liés au rapport de la Commission parlementaire etc. (Extrait deles grandes étapes du plaidoyer sur le code foncier et domanial du Bénin et les amendements proposés par les(Osc).399 Le 14 janvier 2013.400 Ibid., p. 58.
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Table 2.1 – Apport de l’Alliance sur le texte du projet de code foncier et domanial du Bénin
Source 401 : Idrissou (A. H.) et al. – La gouvernance du foncier rural au Bénin : La sociétécivile s’engage, SNV Bénin, Cotonou, 2014, 68 p.
existe également à l’intérieur des États des structures créées au niveau local pour la gestion
foncière rurale et dont la participation peine à satisfaire les a�entes.
B - Les cas de participation peu satisfaisante : structures locales
de gestion foncière
424 En rompant avec le dualisme juridique en matière foncière rurale pour plus de sécurité, les
États de l’UEMOA les législations foncières rurales ont confié « aux communes la respon-
sabilité de me�re en œuvre un dispositif d’administration foncière spécifique » 402. Il s’agit là
d’une véritable révolution juridique, marquant une rupture dans les conceptions des droits
de propriété et de l’administration foncière. Ce�e nouvelle responsabilité confiée aux collec-
tivités locales s’est accompagnée de la création au niveau villageois des structures locales de
gestion foncière rurale qui intègre toutes les couches socioprofessionnelles. Ce�e forme d’ins-
titutionnalisation par le droit foncier rural ne visait la participation des populations rurales
à la gestion des ressources naturelles qu’elles exploitent. Mais malheureusement, à l’analyse
402 Delville (P. L.) – « La réforme foncière rurale au Bénin : Émergence et mise en question d’une politiqueinstituant dans un pays sous régime d’aide », in : Revue française de science politique vol. 60.3 (2010), p. 58.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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ce�e participation instituée reste peu convaincante en raison des di�icultés de fonctionne-
ment.
1 Les comités villageois de gestion foncière rurale et souci de démocratisation
participative
425En adéquation avec la politique de décentralisation, les nouvelles législations foncières ru-
rales ont mis en place un dispositif local de gestion des terres, « couplant niveau communal »
– chargé de délivrer les certificats fonciers ou a�estation de détention coutumière aux ac-
teurs locaux et d’en assurer l’administration (enregistrement des mutations, délivrance de
nouveaux certificats, actualisation de la documentation foncière) – et niveau local (des co-
mités villageois de gestion foncière qui disposent d’un double de la documentation assurent
la gestion foncière de proximité et préparent les dossiers de mutation à faire enregistrer à
la commune) ; elles reconnaissent aux communautés locales le droit de définir les règles spé-
cifiques de gestion de leurs ressources naturelles, lesquelles prennent force de « loi locale »
par arrêté communal. Tout en visant à développer une démocratie participative à la base, les
nouvelles lois ont voulu également ancrer un dispositif d’administration foncière spécifique,
visant à réconcilier légalité et légitimité, et pour cela intégré à l’administration communale 403
(et donc en marge du service des Domaines, chargé de gérer le Domaine de l’État et les titres
fonciers).
426La conduite des a�aires locales par des organes élus et des instances villageoises est suppo-
sée favoriser la transparence dans la gestion des a�aires publiques et la participation démo-
cratique nécessaire à l’instauration d’une gouvernance locale plus équitable. Plusieurs pays
de l’UEMOA ont pris des mesures pour renforcer ce�e participation citoyenne à travers la
création d’instances foncières locales qui interviennent dans les processus de sécurisation
foncière et de gestion des conflits.
427Pour le Bénin, « il est créé dans chaque commune, une commission de gestion foncière. La com-
mission de gestion foncière comporte des sous-commissions d’arrondissement et des sections
villageoises » 404. L’importance de ces structures se révèle à travers les a�ributions à leur
conférer par les di�érents textes qui les régissent. Il faut signaler que tout « transfert doit
faire l’objet d’un contrat écrit conclu devant la section villageoise de gestion foncière prévue
à l’article 305 du code » 405. C’est le décret no 2015-017 du 29 janvier 2015 portant a�ribu-
tion, organisation et fonctionnement de la Commission de Gestion Foncière de la Commune
(COGEF) 406 et de la Section villageoise de gestion foncière qui renseigne sur l’essentiel des
403 Rochegude (A.) – « Foncier et décentralisation : Réconcilier la légalité et la légitimité des pouvoirs doma-niaux et fonciers », in : Cahiers d’anthropologie du droit (2002), p. 13–32.404 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 403.405 Ibid., art. 360, al. 3.406 En outre, la Cogef :
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compétences des structures (SVGF) 407. La participation voulue par l’institutionnalisation des
structures locales a conduit à rechercher une large adhésion pour ses compositions.
428 Les compositions de la COGEF et de la SVGF au terme des dispositions du décret doivent
refléter les acteurs concernés par les ressources naturelles notamment le foncier rural. La
CoGeF est composée comme suit :
— le président de la commission des a�aires domaniales et environnementales du conseil
communal ;
— le chef du service des a�aires domaniales de la mairie ;
— deux (2) chefs d’arrondissement élus par le conseil communal ;
— le régisseur ou son représentant ;
— le responsable du service en charge de l’agriculture au niveau de la commune ;
— un représentant des associations de développement de la commune ;
— un représentant des organisations de producteurs agricoles de la commune ;
— une représentante des associations de femmes de la commune ;
— donne son avismotivé sur toute acquisition de terre ou d’aliénation à titre gratuit d’un immeuble relevantdu domaine privé des collectivités territoriales préalablement à l’approbation du conseil communal dulieu de situation de l’immeuble ;
— appuie les sections villageoises de gestion foncière dans la mise à jour des plans fonciers ruraux (PFR) ;
— concourt au bon déroulement des opérations pour l’établissement des PFR sur le territoire communal ;
— veille à la bonne tenue des bases de données foncières au niveau communal ;
— assiste le maire dans les procédures d’amodiation des terrains insu�samment ou non mis en valeur ;
— collabore, à la demande de la structure concernée, dans les procédures de règlement des con�its fonciersdevant les instances o�cielles ou d’arbitrage ou de règlement amiable des litiges ;
— appuie la vulgarisation de la formalisation des transactions foncières ;
— appuie les Sections Villageoises de Gestion Foncière dans les actions d’information, d’éducation et decommunication ;
— concourt à l’élaboration et à la révision des conventions locales de gestion des ressources naturelles etdu schéma directeur de la commune. Cf. l’article 5 du décret.
407 La Section villageoise de gestion foncière, en abrégé SVGF, est chargée :
— d’accompagner les populations du village dans la formalisation des transactions et mutations foncières ;
— de délivrer l’attestation de détention coutumière à la suite de l’enquête publique et contradictoire menéepar le bureau communal de con�rmation des droits fonciers ;
— d’apporter son appui au bon déroulement des opérations pour l’établissement et la mise à jour du Planfoncier rural (PFR) ;
— de recueillir toutes les informations nécessaires à la mise à jour du PFR ;
— d’archiver les copies des documents du PFR ;
— de participer activement à la publicité du PFR ;
— d’apporter son appui conseil au règlement des litiges fonciers ;
— de mener des actions d’information, d’éducation et de communication ;
— d’assurer la transmission trimestrielle à la Cogef des informations relatives aux changements a�ectantles droits fonciers intervenus au niveau du village concerné. Cf. l’article 25 du décret.
162 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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— le représentant des éleveurs ;
— un représentant des notables élu par le collège des notables de la commune.
429La COGEF est composée de deux (2) types d’acteurs : les acteurs administratifs et les repré-
sentants de la société civile. À l’exception des acteurs administratifs, les représentants de la
société civile ont unmandat de trois (03) ans renouvelable une seule fois 408. Il en est demême
pour les acteurs de la Section villageoise de gestion foncière (SVGF). La SVGF est composée
comme suit :
— le chef de village et deux (2) personnes élues par le conseil de village ;
— deux (2) notables ayant une connaissance approfondie en matière foncière, élus par le
collège des notables ;
— un représentant des guides de l’équipe d’enquête foncière s’il y a lieu ;
— un représentant des associations de développement du village élu en assemblée géné-
rale ; trois (3) représentants des organisations professionnelles du secteur agricole dont
nécessairement un éleveur élus en assemblée générale ;
— deux (2) représentantes des groupements de femmes, élues en assemblée générale.
Son mandat est de trois (03) ans renouvelable une fois 409.
430Le Sénégal a intégré aussi les préoccupations liées à l’association des acteurs à la base à la
gestion du foncier rural. C’est à travers une nouvelle législation en complément de la loi de
64 intervient, fixant les responsabilités et les fonctions des organes locaux, en 1972 410. Une
première loi prévoyait une nouvelle division administrative du Sénégal, l’unité administrative
de base étant la communauté rurale, équivalant rural des communes. Une seconde loi : 72/25
du 19 avril 1972 régissant l’organisation de ces communautés rurales 411
408 Cf. l’article 6 du décret.409 Cf. article 27 du décret.410 Il s’agit de la loi no 72 - 25 du 19 avril 1972 relative aux communautés rurales. Son article premier a donnésa composition et son statut.Article Premier. - La Communauté rurale est constituée par un certain nombre de villages appartenant au mêmeterroir, unis par une solidarité résultant notamment du voisinage, possédant des intérêts communs et capablesde trouver les ressources nécessaires à leur développement.La Communauté rurale est une personne morale de droit public dotée de l’autonomie �nancière. Ses organesreprésentatifs sont le conseil rural et le président du conseil rural qui exercent, en son sein, les attributionsdé�nies par la présente loi.411 Il s’agit notamment de :
— la loi 64-46 sur le domaine national qui avait déjà prévu dans son article 9 que « les terres de la zone desterroirs sont gérées sous l’autorité de l’État et dans les conditions �xées par décret par un Conseil rural ».Cette compétence des conseils ruraux a été reprise par les décrets d’application de cette loi 64-46 sur ledomaine national ;
— la loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux com-munautés rurales prévoit notamment le transfert de la gestion ou de la cession du domaine de l’État auxcommunautés rurale. Cette loi a été précisée par le décret no 96-1130 du 27 décembre 1996 portant appli-cation de la loi de transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales enmatière de gestion et d’utilisation du domaine privé de l’État, du domaine public et du domaine national.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 163
Chapitre 2 • La participation
PartieI.T
itre
2
431 Ce�e réforme administrative, destinée à soutenir la réforme foncière, visait un triple objec-
tif : la déconcentration territoriale grâce à un élargissement des pouvoirs de certains fonc-
tionnaires locaux, la décentralisation grâce à la mise en place d’unités administratives au
niveau local et la participation, grâce à l’élection par des populations des communautés ru-
rales. Il est important de souligner que les conseillers ruraux ne sont pas considérés comme
des fonctionnaires, mais comme de représentants de la population.
432 Le conseil rural doit me�re un accent particulier sur la concertation dans le processus de
gestion des terres avec la mise en place d’une commission domaniale élargie à des acteurs
pouvant éclairer la décision d’a�ectation/désa�ectation ou prévenir des conflits. Par ailleurs
et conformément à l’article 225 CCL « . . . Les séances du conseil rural sont publiques. Tout
habitant de la communauté rurale a le droit de consulter le registre des procès-verbaux des
délibérations. . . »
433 Par ailleurs, les décisions foncières sont collégiales. Elles sont prises par le conseil rural, insti-
tution décentralisée constituée de personnes élues par les populations au su�rage universel
pour une durée de cinq ans. Ce régime représentatif est une forme indirecte de participation
des citoyens à la prise de décision.
434 Le conseil rural est le gestionnaire des terres du domaine national en milieu rural. Il est à
ce titre, l’acteur principal du foncier rural. Le Président du conseil rural (PCR) est chargé
d’exécuter les décisions du conseil. En outre, il existe des mécanismes et des structures char-
gées d’éclairer ou d’accompagner la mise en application des décisions du conseil. Il s’agit
essentiellement de la Commission domaniale. Plusieurs textes prévoient ce�e compétence
foncière pour ces communautés rurales.
435 �e ce soit le Niger ou le Burkina Faso, les mêmes orientations ont été données à la légis-
lation foncière rurale pour perme�re à la communauté à la base de participer à la gestion
foncière. Mais à l’analyse, on se rend compte qu’il ne su�irait pas seulement de disposer des
règles pour être e�icace, encore faudrait-il créer les conditions pour leur e�ectivité. Certaines
di�icultés font que les organes locaux de gestion foncière prévus pour être des cadres de par-
ticipation pour les populations n’arrivent pas quasiment à produire les e�ets escomptés.
— la loi 96- 06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales dispose en son article 195 que « leconseil rural délibère en toute matière pour laquelle compétence lui est donnée par la loi et notammentsur i) le plan général d’occupation des sols, les projets d’aménagement, de lotissement, d’équipement despérimètres a�ectés à l’habitation, ainsi que l’autorisation d’installation d’habitations ou de campements, ii)l’a�ectation et la désa�ectation des terres du domaine national. . . ».
164 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux • Section 2
PartieI.T
itre2
2 Les difficultés qui inhibent les organes locaux de gestion foncière rurale
436L’ampleur des défis à relever suscite des interrogations sur la capacité des acteurs des com-
munes rurales à travers les structures locales gestion de foncière rurale surtout, à assumer
une telle mission de participation. Contrairement aux organisations non étatiques, les struc-
tures locales de gestion foncières rurales prévues par les lois sont des organes dont la struc-
turation et le fonctionnement dépendent des collectivités locales. Au regard, de leur cadre
d’institutionnalisation, ces organes apparaissent comme des réceptacles des di�icultés que
connaissent les structures décentralisées dans les États de l’UEMOA.
437Ces di�icultés sont multiples et justifieraient en partie leur ine�icacité en terme de parti-
cipation. D’abord, la plupart des États de l’UEMOA sont sous l’aide au développement in-
ternational. L’installation des structures sur l’ensemble des communes des États concernés
se trouve limité par les capacités budgétaires des États 412. Ce qui fait que leur nombre est
souvent fonction des ressources financières disponibles et celles qui sont créées sont dans
une extrême dépendance. Ceci fait dire au sujet du cas nigérien « que bien que conçues pour
fonctionner sur les contributions directes du budget de l’État et des collectivités territoriales, les
COFO a�ichent aujourd’hui une trop grande dépendance vis-à-vis des appuis extérieurs, notam-
ment des projets de développement, ce qui amène à s’interroger sur leur pérennité » 413. Pour
le code rural nigérien, la Commission foncière (COFO) constitue la cheville ouvrière du dis-
positif de mise en œuvre de la réforme foncière. Organe paritaire comprenant d’une part
des représentants de l’État et d’autre part, les élus locaux, les autorités coutumières, et des
représentants des producteurs ruraux, la COFO est considérée comme l’instance la plus ap-
propriée pour assurer des processus de prise de décisions tenant compte de la spécificité
foncière de chaque localité.
438Ensuite, comme dans le cas nigérien, les organes locaux de gestion foncière des États de
l’espace UEMOA demeurent soumis à des faiblesses quasi structurelles. Les faiblesses sur
le plan structurel sont d’une part liées à l’identification des représentants légitimes, notam-
ment ceux qui y siègent au titre des catégories de producteurs ruraux puis, l’insu�isance
d’outils adéquats d’information et de vulgarisation. L’absence des moyens financiers rend
irrégulier la tenue des assemblées générales de renouvellement des structures quand bien
même certains membres sont décédés ou ont qui�é la localité. Toute chose qui paralyse les
412 AuNiger par exemple sur un besoin de 15000 villages seuls 3 000 villages et tribus sont dotés de Commissionfoncière (COFO) de base. Au Bénin sur un besoin de 77 l’installation des Commissions de gestion foncière restepartielle. Il reste une vingtaine.413 Kandine (A.) – Gestion décentralisée ou locale du foncier ? Le cas du Niger, Comité technique « Foncier etDéveloppement », 2011, 4 p.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 165
Chapitre 2 • La participation
PartieI.T
itre
2
organes en question 414.
439 Enfin, il faut ajouter à la liste de faiblesses l’insu�isance d’équipements et de moyens de
fonctionnement. Eu égard à tout ce qui précède, la capacité des communes rurales s’adresse
dans une certaine mesure aux contraintes de prise en charge des besoins de développement
et ceux liés au fonctionnement des structures locales de gestion foncière. La question de leur
viabilité interroge fondamentalement sur les critères de leur création.
440 L’analyse des données fait en outre finalement état d’une démocratisation locale en balbu-
tiement. La faible intériorisation des dispositifs fonciers chez les conseillers et les usagers
témoigne des di�icultés relatives à l’institutionnalisation locale. La participation est captu-
rée par les élus dans l’intention, soit de légitimer leurs projets, soit de recueillir des su�rages.
La représentativité de l’instance décentralisée n’échappe pas aux rapports de force qui tra-
versent la société locale : relation hiérarchique, tradition, genre, ethnie, etc.
441 Des recherches ont montré que les mécanismes institutionnels de participation et de repré-
sentation étaient sans cesse orchestrés par les acteurs, non aux fins de la satisfaction de
l’intérêt général, mais à des fins personnelles et corporatistes.
414 L’évaluation des opérations foncières dans le Nord Bénin a révélé que les structures locales installées àla phase pilote grâce aux interventions des partenaires techniques et �nanciers datait de 1993, alors qu’ellesavaient un mandant de trois ans. De même pour les structures installées en 2007, il aurait fallu 2017 à la phased’un autre projet pour les voir renouveler.
166 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Conclusion du Titre II
Confrontés 442aux défis de la sécurisation foncière rurale, les États ont réagi de deux
manières intéressantes à savoir : faire une articulation entre le droit coutumier et
le droit moderne dans les nouveaux droits positifs et rendre e�ective la participa-
tion des populations rurales à la gestion foncière rurale pour une approche de développement
local.
443Si des éléments de démocratisation sont introduits dans la société locale à la faveur de la
décentralisation, les moyens pour sa matérialisation méritent d’être renforcés. Pour que la
réforme ouvre un espace démocratique e�ectif à l’échelon local, la résolution des questions
relatives à la représentativité des élus, à l’institutionnalisation des organes locaux et à la
participation paysanne reste primordiale. En cela, des mesures idoines doivent être prises 415.
444Les États de l’UEMOA semblent prendre conscience des défis à relever pour l’avènement
d’un droit foncier rural juste et équitable porteur de paix donc soucieux de réduire les conflits
ou de faciliter leur règlement. À l’analyse les orientations des législations a�estent bien les
dimensions environnementales de la question foncière rurale.
445D’une part, pour s’adapter aux exigences nouvelles de la protection des espaces ruraux, les
droits nationaux des États étudiés se sont positionnés dans un cercle de légalité ou règles
d’origine internationale et productions normatives nationales faisant un équilibre entre la
reconnaissance des droits coutumiers et ceux modernes.
446D’autre part, dans lamise enœuvre de ce cercle de légalité, la participation de tous les acteurs
fonciers ruraux est un élément important. La consécration du principe de participation est
réelle dans les États étudiés. Il est noté cependant la qualité de participation diverge selon
que ce soit les organes sécrétés par les lois nationales et chargés d’impliquer les acteurs
415 El Hadj Touré – Décentralisation et gouvernance locale : Les e�ets sociopolitiques de la gestion foncièredécentralisée dans la communauté rurale de Ross Béthio (Delta du �euve Sénégal), thèse de doctorat en droit,Université Laval Québec, 2009, p. 327.
• 171
La participation
PartieII.T
itre
0
locaux à la gestion foncière rurale ou ce soit une organisation émanant de la société civile
jouissant des dispositions des lois qui laisse libre court à l’initiative de contribuer.
447 Ces réactions font bien croire que les nouvelles législations foncières rurales sont à l’écoute
d’un droit du développement durable.
172 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Partie II
II Des droits fonciers en quête d’une
adaptabilité aux enjeux du déve-
loppement durable
448« Les hommes se sont toujours représenté la Terre comme une géante sur l’épiderme de laquelle
ils s’agitaient, passants éphémères vivant d’elle mais incapables d’a�ecter sa vie. Pour la première
fois dans l’histoire de l’humanité, la Terre nous paraît petite. Et non seulement petite, mais
fragile. »
Ce�e 449opinion exprimée en 1959 par Bertrand de Jouvenel reflète la prise de conscience,
apparue à la fin des années soixante, des problèmes environnementaux. La dimen-
sion environnementale de la croissance n’a cessé de s’a�irmer depuis, amenant la
science juridique à l’intégrer dans son champ d’analyse 416. Les gouvernements des pays se
sont progressivement dotés de nouvelles institutions, ont mis en œuvre des politiques d’en-
vironnement et ont forgé de nouveaux concepts comme celui du développement durable.
450Le problème majeur de l’Afrique est son développement. Les pays africains à la quête de ce
développement ont connu des situations politiques qui se sont soldées par une paupérisation
des populations, la destruction du tissu social, la régression et la perversion de l’économie.
Avec l’e�ondrement du mur de Berlin et la dislocation du bloc soviétique, le monde entier est
devenu unipolaire avec le triomphe de l’idéal démocratique de type occidental et la remise
en cause de la théorie développementaliste qui voyait dans le développement la course à la
croissance en occultant les aspects sociaux et environnementaux. Désormais, le langage du
développement a changé et toutes les politiques, stratégies, programmes et projets doivent
s’inscrire dans une approche de durabilité. En matière foncière, les États de l’UEMOA se sont
alignés sur ce�e exigence en intégrant à leur politique foncière des aspects garantissant la
prise en compte du développement durable. Cela suppose la prise en compte de l’environ-
nement et des ressources naturelles dans les régimes fonciers (Titre 1) et l’adoption d’une
stratégie intégrationniste du développement (Titre 2).
416 Theys (J.) – « Vingt ans de politique française d’environnement : les années 70-90 », in : Les politiques del’environnement. Évaluation de la première génération : 1971–1995, sous la dir. de Barraqe (B.) et Theys (J.),Paris : Éditions Recherches, 1998, p. 17–40.
• 175
Titre
1Une relative prise en compte du dévelop-pement durable dans la réformedes droitsfonciers ruraux
La 451lu�e contre la pauvreté est le principal défi auquel est confronté le monde d’aujour-
d’hui et est un élément essentiel du développement durable, en particulier pour les
pays en développement. S’il est vrai que l’Afrique possède un immense capital hu-
main et naturel, de nombreux pays demeurent parmi les plus pauvres au monde et sou�rent
d’inégalités sociales et de mauvaise gestion. Dans la plupart de ces pays, les ressources na-
turelles sont le socle du bien être rural, des conditions d’existence, du développement tout
en constituant une source significative de rece�es fiscales, du commerce extérieur et de la
croissance économique.
452Bien que ce soit à chaque pays qu’il incombe au premier chef d’assurer le développement
durable et de lu�er contre la pauvreté et qu’on ne puisse jamais trop souligner le rôle des
politiques et des stratégies de développement national, il importe toutefois de prendre des
mesures concertées et concrètes pour réaliser les objectifs ayant trait à la pauvreté convenus
sur le plan international, notamment les objectifs de développement figurant dans Action
21, les résultats des autres grandes conférences des Nations Unies et la Déclaration du millé-
naire. De manière plus spécifique, améliorer les opportunités pour le développement rural en
Afrique requiert davantage de production durable et des pratiques de consommation com-
binées a des réformes politiques qui explicitement devraient soutenir la durabilité, les droits
locaux tout en améliorant la gouvernance et la gestion des ressources naturelles.
453 C’est en intégrant cet aspect de durabilité que les législateurs de la plupart des États de
l’UEMOA ont essayé de loger le foncier rural au rang d’un bien protégé à une fin de conser-
vation (chapitre 1). De même, en prenant conscience des dimensions sociales, économiques
dans les nouvelles législations foncières rurales et naturelles, les États de l’union ont pris
l’option de faire du foncier rural, un pilier des droits économiques et sociaux des populations
(chapitre 2).
178 •
Chapitre1Le foncier rural, un bien protégé à des
�ns de conservation
Sommaire
Section 1. La conservation, un objectif d’intérêt général. . . . . . . . . . . . 180
§ 1. La protection du foncier rural : un moyen pour la conservation. . . . . . 180
§ 2. Les défis et enjeux de la conservation du foncier rural dans l’espace UEMOA 185
Section 2. Lamise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles 188
§ 1. Les instruments juridiques de conservation. . . . . . . . . . . . . 189
§ 2. L’application des normes de conservation. . . . . . . . . . . . . 195
Selon 454Linguet, « la terre (. . . ) est incontestablement le berceau du genre humain. C’est
elle, par conséquent, a vu éclore les premières lois. C’est sur elle que se sont développés
les premiers principes de l’union sociale » 417. Au regard de son importance pour la vie
en société, la conservation de la terre en toute circonstance et à tout endroit apparaît pour
tout État comme un acte de souveraineté. Ainsi la « maîtrise souveraine » 418 des États de
l’espaceUEMOA sur le foncier rural a permis à ceux-ci d’édicter des normes spécifiques ayant
permis de reconnaître la conservation du foncier rural au rang d’intérêt général d’une part
(section 1), et de constituer un régime spécial de la domanialité publique naturelle (section 2).
417 Linguet (S.-N.) – Théorie des lois civiles, Paris : Fayart, 1984, p. 58.418 Xifaras (M.) – La propriété, Etude de philosophie du droit, Paris : PUF, 2004, p. 25. Pour l’auteur, dansune perspective de la maîtrise souveraine, la propriété est « l’exercice d’une puissance de gouverner les chosesmatérielles ou tout être réi�é par un rapport juridique qui lui impose d’être passif, c’est-à-dire soumis » p. 480.
• 179
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
PartieII.T
itre
1
S e c t i o n 1
LA CONSERVATION, UN OBJECTIF D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
455 Dans la quête d’un droit foncier rural gage d’une durabilité, les États de l’espace UEMOA en
sont venus tous à une constance : pour les besoins des générations présentes et futures les
mécanismes de conservation du foncier rural deviennent un impératif pour une co-viabilité
socio-économique. Dans ce�e logique, « le phénomène d’étalement urbain se traduit par un
gaspillage des espaces agricoles et les règles d’urbanisme n’ont pas actuellement la solidité suf-
fisante pour limiter la consommation d’espace. Tout se passe comme si, devant ce�e ressource
rare, les décideurs ne raisonnaient pas encore dans le cadre d’un monde fini » 419. Si par ce�e af-
firmation, les rédacteurs du rapport sur « protéger les espaces agricoles et naturels » ont voulu
a�irer l’a�ention de l’État français sur le gaspillage des ressources foncières et les risques
auxquels s’exposent les citoyens, en Afrique, la prise de conscience d’une nécessité de gestion
durable des ressources foncières et naturelles, du fait du caractère non renouvelable de cer-
taines, s’est fait accompagner d’une rénovation du cadre juridique qui inscrit les ressources
dans une logique de protection-conservation (paragraphe 1) pour relever les défis auxquels
ils sont confrontés (paragraphe 2).
Paragraphe 1 La protection du foncier rural : un moyen pour la
conservation.
456 Il est admis que, la conservation du sol vise à préserver contre les a�eintes 420. Ce qui induit
la prise en considération du principe de prévention. Or la prévention fait partie des stra-
tégies pour préserver l’intérêt général (A). Ce à quoi doit tendre le droit foncier rural (B).
Ainsi, partant du principe de la prévention, la notion de conservation part des mécanismes
de protection pour a�eindre le but d’une préservation dans l’intérêt général.
A - Les mécanismes de protection du foncier rural : un moyen au
service de l’intérêt général
457 Selon Sandrine Sta�olani, « la protection du sol approprié, en ce qu’elle implique un ensemble
de mesures visant à prévenir les a�eintes au sol et à en assurer une gestion de long terme, est
la branche première et nécessaire de la conservation du sol » 421. Si la doctrine est parvenue à
établir un principe de gradualité pour a�eindre l’objectif de la conservation, les législateurs
419 Balny (P.), Beth (O.) et Verlahac (E.) – Protéger les espaces agricoles et naturels face à l’étalement urbain,CGAAER, CGEDD (France), mai 2009, p. 7.420 Staffolani (S.) – La conservation du sol en droit français, thèse de doctorat en droit public, Université deLimoges, 2008, p. 56.421 Ibid., p. 75.
180 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La conservation, un objectif d’intérêt général • Section 1
PartieII.T
itre1
des pays de l’UEMOA ne se sont pas privés de suivre cet itinéraire. En posant des limites au
droit de propriété, certaines législations ont le mérite de placer l’intérêt général au-dessus
des intérêts particuliers. Convaincus que la « propriété privée est une mauvaise gardienne de
la nature » 422, les législateurs ont préféré avoir un droit de regard sur le foncier et limiter
l’exercice du droit de propriété. D’abord, ces limitations au droit de propriété sont énoncées
par l’article 544 du code civil, aux termes duquel « la propriété est le droit de jouir et de disposer
des choses de la manière absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements ».
458Les États de l’UEMOA ne sont pas écartés de ce principe de limitation de l’exercice du droit
de propriété. D’abord, pour l’État béninois, la stratégie pour réussir une protection intégrale
était de détenir l’ensemble des terres du territoire national. C’est à travers les dispositions
de l’article 5 de la loi que le législateur a fait ce�e option 423
459Aux termes des dispositions de l’article 42 du code foncier et domanial béninois, il est inscrit :
« le droit de propriété confère à son titulaire l’usage, la jouissance et la libre disposition des biens
qui en sont l’objet, de la manière la plus absolue pourvu qu’il n’en fasse pas un usage prohibé
par les lois et les règlements » 424.
460Soume�ant la jouissance du droit de propriété au respect des textes en vigueur au Bénin, le
législateur béninois a réa�irmé ce�e tendance à limiter l’exercice de ce droit par la consé-
cration des a�eintes au droit de propriété nécessitées par l’intérêt général. Ainsi, à travers
les dispositions de l’article 210 du code foncier et domanial, un ensemble de principes est
énuméré 425. Ce faisant, dans le domaine rural, l’intérêt commun implique une surveillance
et une orientation de la production, car celle-ci se réalise sur des territoires qui ne sont pas
extensibles. Ce moyen de contrôle des utilisations faites des terres agricoles indépendam-
ment des titres en vertu desquels celles-ci sont détenues vise avant tout une conservation
des terres comme patrimoine commun.
461Ce type de contrôle n’est pas nouveau. En France, une réglementation relative à l’exploita-
422 De Malafosse (J.) – « La propriété gardienne de la nature », in : Mélanges o�erts à Jacques Flour, Paris :Defrénois, 1979, p. 335–349.423 L’article 5 dispose que : « En République du Bénin, l’État détient le territoire national en vue :
— de la préservation de son intégrité ;
— de l’assurance dans son utilisation et dans sa mise en valeur durable.
Dans le système béninois le régime foncier en vigueur est celui de la con�rmation des droits. Cette con�rmationdébouche sur la délivrance d’un titre foncier. La procédure en la matière est celle de l’immatriculation foncière.Dans un tel système les particuliers tiennent leur propriété de l’État. ».424 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 42.425 L’article 210 dispose : « L’atteinte au droit de propriété peut consister en une expropriation pour cause d’utilitépublique, une limitation du droit de propriété dans un but d’aménagement urbain ou rural et en l’édiction deservitudes d’utilité publique. S’il échet, l’État, les communes ou collectivités territoriales disposent du droit d’exercerles atteintes à tout droit de propriété à charge de se conformer aux dispositions ci-dessous. »
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 181
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
PartieII.T
itre
1
tion des terres agricoles existe, dans un contenu variable, depuis la loi d’orientation du 04
juillet 1980. Conçu d’abord dans un objectif corporatiste, réserver l’exploitation des terres
aux professionnels, le contrôle exercé sur les terres agricoles est devenu au fil des modifica-
tions successives, et de sa relative simplification par la loi d’orientation agricole du 5 janvier
2006, un instrument de politique rurale qui évite les perturbations structurelles excessives et
recherche la viabilité économique des acteurs 426. Ce�e orientation a largement inspiré les
législations des États de la sous-région ouest africaine.
462 Le Sénégal, le premier, à travers la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national a
donné l’allure en disposant que : « l’État détient les terres du domaine national en vue d’assurer
leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de développement
et aux programmes d’aménagement » 427.
463 Pour le Burkina Faso, la terre rurale constitue un patrimoine de la Nation sur lequel l’État
en tant que garant de l’intérêt général doit veiller pour une saine gestion 428.
464 Le Niger a suivi la même logique à travers l’ordonnance no 93-015 du 2 mars 1993 fixant
les principes d’Orientation du Code Rural qui dispose que « Les ressources naturelles rurales
font partie du patrimoine commun de la Nation. Tous les Nigériens ont une égale vocation à y
accéder sans discrimination de sexe ou d’origine » 429.
465 C’est à travers les dispositions de l’article 6 de loi no 2013-01 du 14 août 2013 portant code
foncier et domanial en République du Bénin que l’État béninois a institué son contrôle sur
le foncier 430. De même, le code rural nigérien sans détour a�irme globalement que les res-
sources naturelles rurales font partie du patrimoine commun de la nation avant de faire
426 Audier (J.) – Droit rural, Paris : Mémentos Dalloz, 2009, p. 33.427 Cf. article 2 de la loi.428 La loi no 034-2009/AN portant régime foncier rural dispose en son article 4 : « La terre rurale constitue unpatrimoine de la nation. À ce titre, l’État en tant que garant de l’intérêt général :
— assure la gestion rationnelle et durable des terres rurales ;
— lutte contre la spéculation foncière en milieu rural et favorise la mise en valeur e�ective des terres ruralespour le bien-être des populations ;
— veille à l’exploitation durable des terres rurales dans le respect des intérêts des générations futures ;
— organise la reconnaissance juridique e�ective des droits fonciers locaux légitimes des populations rurales ;
— assure la garantie des droits de propriété et de jouissance régulièrement établis sur les terres rurales ;
— veille de manière générale à la protection des intérêts nationaux et à la préservation du patrimoine fonciernational en milieu rural.
»429 Voir Article 4 de l’ordonnance.430 L’article 6 de loi 2013 relative au code foncier et domanial au Bénin dispose : « L’État et les collectivitésterritoriales en tant que garants de l’intérêt général doivent : - assurer un accès équitable aux terres pour l’ensembledes acteurs, personnes Physiques et personnes morales de droit public et de droit privé ;
— sécuriser les droits réels immobiliers établis ou acquis selon la coutume ;
— organiser la reconnaissance juridique e�ective des droits fonciers locaux ou coutumiers légitimes des popu-lations ;
182 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La conservation, un objectif d’intérêt général • Section 1
PartieII.T
itre1
une distinction entre le foncier rural agricole et le foncier rural pastoral. Ainsi, la mainmise
des États sur le foncier rural justifie les mesures envisageables et pourraient consister en un
renforcement des moyens de contrôle de l’autorité publique locale, sinon directement, sauf
exceptions, sur les mutations foncières proprement dites, du moins sur l’a�ectation des es-
paces fonciers. La réglementation en matière de « zonage », en particulier, pourrait être plus
précise et contraignante, de façon à servir avec plus d’e�icacité les orientations des politiques
d’aménagement et de développement, agricole et touristique.
B - La conservation comme finalité du droit foncier rural
466Peu d’États membres de l’Union ont élaboré des documents formels et complets de politique
foncière, mais tous les États disposent chacun d’une législation foncière cadre, à travers les-
quels il est possible de décrypter les visions et options politiques des États enmatière foncière.
Les législations foncières nationales des États membres de l’Union, abordent les questions
foncières demanière diverse, en fonction des spécificités écologiques et politiques nationales.
Il reste tout de même possible de dégager les principaux points de convergence et de diver-
gence des options de politique foncière qui sous-tendent les législations foncières des États. Il
s’agit notamment de l’option d’une conservation des ressources foncières rurales nationales
pour les générations futures qui se dégage comme finalité.
467Il convient de faire remarquer l’existence d’une ne�e démarcation entre les moyens de pro-
tection et l’esprit de conservation. En droit public, la doctrine s’est peu intéressée à la notion
de conservation. En e�et, la notion de conservation est rarement définie par le droit au point
où, les vocables de préservation, de protection et de conservation sont souvent considérés
comme synonymes 431. Malgré ce�e proximité des termes, une distinction de degré de pro-
tection ainsi qu’une di�érence de logiques peuvent être relevées. Selon, Sandrine Sta�olani,
la préservation apparaît comme la première mesure qui peut être prise afin de protéger un
bien alors que la protection exigerait une intensité légèrement plus élevée de la mesure à
prendre 432. De même, la préservation suppose une action et plus précisément, une action
positive visant à protéger le bien en cause alors que la protection est une notion, qui dirigée
— lutter contre la spéculation foncière en milieux urbain, périurbain et rural et favoriser la mise en valeure�ective des terres pour le bien-être des populations ;
— veiller à l’exploitation durable des terres dans le respect des intérêts des générations présentes et futures ;
— lutter contre le morcellement anarchique et abusif des terres rurales ;
— veiller de manière générale à la protection des intérêts nationaux et à la préservation du patrimoine fonciernational ;
— veiller au respect de l’approche genre dans l’accès au foncier.
»431 Fritz-Legendre (M.) – La protection de la biodiversité en droit international et en droit comparé : Vers unrenforcement de la dimension préventive du droit de l’environnemen, thèse de doctorat en droit, Université deBourgogne, 1997, p. 101.432 Thieffry (P.) – « Politique communautaire de l’environnement », in : JC Europe 13 (2000), p. 7.
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Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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par une logique plus défensive, c’est-à-dire d’actions négatives, visant à interdire ou à limiter
les agissements néfastes contre le bien concerné.
468 En dépit de ce�e di�érenciation signalée, les notions de préservation et de protection ont
une finalité commune : protéger. Par contre, il n’en va pas de même pour le terme conser-
vation qui a un sens beaucoup plus précis 433. Dans ce cadre, il convient d’abord de se réfé-
rer au droit administratif qui renseigne sur les premiers éléments de nuance. La notion de
conservation apparaît en droit administratif dans la notion de police de conservation « qui
est l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires destinées à préserver l’intégrité ma-
térielle de certaines dépendances du domaine public et l’usage auquel elles sont a�ectées » 434.
Donc, la conservation signifie une préservation de l’intégrité matérielle d’un bien. Pour la
meilleure clarification, il a fallu l’apport du professeur Jean Untermair dans ses travaux sur
les relations entre le droit public et conservation de la nature, qui indique que l’emploi des
termes protection et conservation reste « assez délicat ». Pour la protection, ce�e notion reste
plus évocatrice avec pour inconvénient de se ra�acher à une conception biologique, selon les
naturalistes mais dont le but est de protéger en interdisant toute activité artificielle dans
la zone conservant les conditions originelles. Par contre quant à la conservation, elle admet
l’intervention de l’homme pour contrebalancer des facteurs impossibles à éliminer. Pour lui,
la conservation est donc théorique pour objectif la défense d’une nature humanisée par des
moyens proches de l’idée d’aménagement 435.
469 L’apport de ce�e définition issue des sciences de la vie, est d’insister sur l’action de l’homme
dont la présence est paradoxalement nécessaire et néfaste 436. C’est donc à juste titre que les
nouveaux droits fonciers ruraux en Afrique de l’ouest intègrent à travers les législations, le
concept de conservation qui, en réalité, constitue la finalité du droit de l’environnement qui
« s’e�orce de sauvegarder un cadre de vie acceptable pour les individus » 437. L’a�achement des
États de l’espace UEMOA à la conservation de leur espace rural montre bien que les enjeux
de la conservation sont aussi importants que leur protection.
433 Dans le langage courant, la conservation est l’action de maintenir hors de toute altération, dans un mêmeétat ou dans un bon état.434 Dufau (J.) – Le domaine public, 5e éd., Actualité Juridique, Paris : Éditions du Moniteur, 2001, p. 251.435 Untermaier (J.) – La conservation de la nature et le droit public, thèse de doctorat en droit, Université LyonIII, 1972, p. 17–18.436 Remond-Gouilloud (M.) – Du droit de détruire : Essai sur le droit de l’environnement, Paris : PUF, 1990,p. 195–196.437 Untermaier (J.), « La conservation de la nature et le droit public », op. cit., p. 17.
184 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La conservation, un objectif d’intérêt général • Section 1
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Paragraphe 2 Les défis et enjeux de la conservation du foncier
rural dans l’espace UEMOA
470La conservation de l’espace rural de l’Union constitue un enjeu dont le droit foncier rural se
saisit progressivement. Ce�e saisine qui s’est opérée dans le sens de traduire la puissance des
États sur leurs territoires ruraux vise seulement à légitimer la puissance de l’État, à l’encadrer
dans un souci de libéralisme, de protéger les libertés fondamentales d’un droit à la propriété
foncière des particuliers 438. Face à la diversité et à l’ampleur des menaces et a�eintes (A), le
droit a réagi positivement en prenant conscience des dangers menaçant la terre en général et
la terre rurale en particulier car l’enjeu reste vital aussi bien pour les intérêts des particuliers
que pour l’intérêt public (B).
A - Les défis du droit foncier rural
471Et si le véritable risque n’était pas le réchau�ement climatique? Et si c’était l’épuisement
de la terre ? Comment nourrir dix milliards d’individus avec des sols surexploités ? Daniel
Nahon sonne l’alarme. Les sols, soubassements féconds des civilisations humaines, s’érodent
plus vite qu’ils ne se reconstituent. Ils sont la peau de la terre. Les argiles, une poussière de
minéraux, les recouvrent d’une fine pellicule. Et nous la sollicitons de plus en plus, jusqu’à
la maltraiter. La vie pourra-t-elle continuer à y puiser ses aliments ?
472Tel est l’enjeu crucial du livre de ce professeur de géosciences à l’université Paul-Cézanne
d’Aix-en-Provence qui nous rappelle que nous sommes avant tout des Terriens. En tant que
tel, l’Afrique de l’Ouest n’est pas en marge de ce�e menace globale 439. Plus catégorique s’est
montréDominiqueMéda sur lesmauvaises nouvelles sur la planète terre. En e�et, relatant les
informations des spécialistes des sciences de la terre, il fait comprendre que chaque jour, les
prévisions se font plus sombres et plus inquiétantes. Et pour cause. Unmatin, on nous signale
que les glaces des pôles ont fondu plus qu’il n’était prévu ; le lendemain, que la dégradation
des écosystèmes est plus avancée que ce que l’on croyait ; le surlendemain voit paraître un
article annonçant que des seuils critiques ont été franchis. Alors, il en conclut que, face aux
prévisions des organismes o�iciels, il nous faut prendre maintenant les mesures urgentes qui
s’imposent 440.
473Les conséquences enregistrées des actions anthropiques sur le foncier sont énormes : les
sols de nos champs, de nos pâturages, de nos forêts et de nos jardins sont de plus en plus
sollicités, maltraités, amendés en dépit du bon sens, retournés, gra�és, érodés, négligés. Ils
438 Foulqier (N.) – Droit administratif des biens, Paris : Lexis Nexis, 2018, p. 6.439 Nahon (D.) – L’épuisement de la terre : L’enjeu du XXIe siècle, Paris : Odile Jacob, 2008, p. 6.440 Méda (D.), La mystique de la croissance, op. cit., p. 7.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 185
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s’épuisent plus vite qu’ils ne se reconstituent. Alors que le sol, soubassement fécond qui a
permis l’aventure de l’humanité et la conquête de notre planète, se tarit et ne pourra plus, au
rythme de son érosion, nourrir les neuf ou dixmilliards d’individus que nos sociétés porteront
vers le milieu du XXIe siècle.
474 À l’heure même où l’opinion publique se sensibilise à la dégradation de l’environnement, peu
de voix scientifiques et politiques s’élèvent pour parler de la préservation du sol. Nombre de
chercheurs et d’hommes politiques se voulant à la pointe du progrès, se détournent du de-
venir du sol au profit d’engouements plus à la mode. Mais la réalité est que nous perdons
chaque année 0.5% de notre capital-sol en soustrayant plusieurs milliers d’hectares, par ac-
croissement de nos cités et de nos routes, par nos pollutions, par salinisation, par érosion.
Et cela sans espoir de retour de ces sols. Devant ce�e indignation, aucune instance de co-
opération ne peut rester indi�érente. Coincée entre l’avancée de la mer au niveau de la côte
et l’évolution du désert, les pays de l’UEMOA se trouvent concernés par les problématiques
environnementales qui menacent les terres agricoles. C’est à juste titre que dans un rapport
d’études sur l’UEMOA, il est évoqué au sujet du foncier la question de la raréfaction des es-
paces utiles. Dans les milieux ruraux, les principaux problèmes environnementaux constatés
sont : la dégradation des pâturages et des espaces cultivés liés à la transhumance, la baisse
de la fertilité des sols, la dégradation des espaces protégés, la pollution des eaux et des sols et
le comblement des plans d’eaux continentaux par l’érosion des berges, suite au déboisement.
475 De toutes les manières, il convient de retenir avec M. Cyrille Gougbédji que les défis envi-
ronnementaux auxquels les pays de l’Afrique de l’Ouest en général et ceux de l’UEMOA en
particulier doivent faire face sont de trois ordres : la lu�e contre l’érosion côtière, la séche-
resse et l’avancée du désert, la lu�e contre le changement climatique 441. Face aux impératifs
liés à l’intérêt général, la quête permanente des modes d’intervention normative perme�ent
d’assurer une protection et une conservation du foncier relativement aux objectifs axiolo-
giques de développement 442, toute chose qui démontre que les enjeux sont aussi grands que
les défis à relever.
441 Gougbédji (C.) – La protection de l’environnement dans les pays de l’Afrique de l’Ouest : Aspects juridiqueset Politiques. Bénin, Burkina Faso, Niger, Sénégal et Togo, thèse de doctorat en droit, Université d’Abomey-Calavi,2001, p. 10.442 Ceci s’explique par le fait que la mise en valeur et la protection de l’environnement sont reconnues d’intérêtgénéral et la politique environnementale doit s’inscrire dans une approche à la fois écologique, économique etsociale en vue d’une gestion et d’un développement durable dont les objectifs et implications dé�nis par lestextes juridiques sont opérationnels dans un cadre institutionnel.
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B - Les enjeux de la conservation du foncier rural
476La question foncière constitue l’une des conditions nécessaires au développement de l’agri-
culture au sens large (production végétale, animale, sylvicole et aquacole). Une agriculture
durable doit être également productive, et cela en particulier en Afrique sub-saharienne où
une très grande partie des populations tire ses revenus de ce secteur, et où une grande partie
des besoins alimentaires n’est fréquemment pas couverte.
477Les politiques foncières rurales actuellement développées au sein de la plupart des États
de l’UEMOA sont fonction des enjeux. Au sujet de la réforme foncière au Sénégal, il a été
constaté qu’elle « s’inscrit dans les grandes orientations de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale
(réduction de la pauvreté, amélioration du cadre de l’agriculture, modernisation des exploita-
tions familiales, incitation à l’investissement privé), elles-mêmes cohérentes d’une part avec les
processus d’intégration régionale et d’autre part avec la priorité donnée à la lu�e contre la pau-
vreté » 443. Parmi les enjeux en vue, il y a en bonne place la sécurité alimentaire et la lu�e
contre la pauvreté en milieu rural. Alors que, l’augmentation des cultures vivrières semble
être un préalable à une sécurité alimentaire durable au niveau régional, l’accroissement de
la production agricole de façon durable implique une gestion concertée des ressources natu-
relles érigées au rang de « biens publics régionaux », aujourd’hui menacés par une compéti-
tion croissante sur les ressources foncières et halieutiques.
478À partir de ce moment, l’accroissement des vivriers doit se faire dans un mode intensif de
manière à limiter l’extension des surfaces cultivées aux dépens des forêts et écosystèmes
fragiles. En e�et, durant ces dernières décennies, les e�ets combinés de la sécheresse dans
les pays de l’UEMOA et surtout ceux sahéliens, accentués par l’appauvrissement des terres
arables ayant subi les e�ets desmodes de cultures extensifs, ont entraîné une régression ne�e
de la production agricole. C’est au regard de ces di�icultés que, depuis quelques années, la
gestion de la terre et des ressources naturelles est de plus en plus a�endue comme un axe
indispensable des politiques de protection de l’environnement et de développement.
443 Au terme des dispositions de l’article 5 de la LOASP : « la réduction de la pauvreté est la principale prioritéde la politique de l’État, en particulier dans les zones rurales ». plus détaillé, l’article 22 de la même loi dispose :« la dé�nition d’une politique foncière et la réforme de la loi sur le domaine national constituent des leviers indis-pensables pour le développement agro-sylvo-pastoral et pour la modernisation de l’agriculture. La politique foncièrerepose sur les principes suivants : la protection des droits d’exploitation des acteurs ruraux et des droits fonciers descommunautés rurales, la cessibilité encadrée de la terre pour permettre une mobilité foncière favorisant la créa-tion d’exploitations plus viables, la transmissibilité successorale des terres pour encourager l’investissement durabledans l’exploitation familiale, l’utilisation de la terre comme garantie pour l’obtention du crédit. La réforme a pourobjectifs : la sécurité foncière des exploitations agricoles, des personnes et des communautés rurales, l’incitation àl’investissement privé dans l’agriculture, la dotation à l’État et aux collectivités locales de ressources �nancièressu�santes ainsi que la mise à leur disposition de personnels compétents, pour une gestion e�cace, équitable et du-rable des ressources naturelles et l’allègement des contraintes foncières au développement agricole, rural, urbain etindustriel. »
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479 Le problème de la sécurité alimentaire dans l’espace UEMOA reste étroitement lié à celui
de la pauvreté. L’interaction enjeux fonciers/politique se vérifie tout naturellement dans les
pays de l’Afrique subsaharienne. Le caractère multifonctionnel du foncier fait que les États
misent sur la gestion de la terre et des ressources naturelles tel un instrument de lu�e contre
la pauvreté et les inégalités et un outil de prévention des conflits et de développement socio-
économique.
480 L’objectif de la sécurité alimentaire inscrit dans le traité de l’UEMOA paraît légitime au re-
gard de la production actuelle de l’Union. Car si la situation varie sensiblement selon les pays
et les zones, seuls, les pays côtiers arrivent à satisfaire leurs besoins de norme alimentaire de
2.400Kcal par jour et par habitant 444. Il devient alors impérieux d’accroître la productivité
de l’agriculture et préserver l’environnement à travers des processus d’intensification. Pour
relever ce défi, il y a un certain nombre de questions auxquelles des réponses doivent être ap-
portées. Comment évoluent les régimes fonciers dans les zones à potentiel d’intensification
avec quels risques (dégradation de l’environnement, marginalisation de certains acteurs) ?
Comment ces évolutions sont-elles prises en compte dans les politiques et législations fon-
cières des États africains ?�’est-ce qu’on peut faire – en terme de contenu des législations
cadre et de l’application pratique de ces législations, y compris la mise en œuvre des cadres
de concertation et de négociation – pour renforcer les processus d’intensification sans dégra-
der l’environnement et sans exclure, au préalable et sans raison, les groupes vulnérables de
la société rurale. Pour apporter des éléments de réponse à l’ensemble de ces préoccupations
de nombreuses initiatives sont prises aussi bien au niveau de la communauté internationale
qu’à l’échelle sous régionale par l’UEMOA.
S e c t i o n 2
LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONSERVATION DU FONCIER RU-RAL ET DES RESSOURCES NATURELLES
481 La prise en compte des préoccupations liées à la conservation du foncier rural et des res-
sources naturelles dans les législations foncières rurales sont intervenues dans le cadre d’un
renforcement normatif. Avant d’être secouru par les lois foncières, la conservation de la na-
ture était prise en charge par des normes environnementales.
482 Si la dégradation de l’environnement n’est pas totalement inversée, il apparaît toutefois à
certains endroits de cet espace UEMOA des îlots verts qui montrent que la lu�e pour la
conservation du foncier rural et les ressources naturelles est possible. En e�et, le sursaut
444 Rapport �nal sur étude de la dé�nition des grandes orientations de la politique agricole de l’UEMOA, IRAM,avr. 2001, p. 27.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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mondial vécu par la communauté internationale en juin 1992, lors de la CNUED a mis au
premier plan l’impératif d’œuvrer pour la conservation des espèces et des écosystèmes 445.
Cet impératif est partagé par tous les ordres normatifs y compris les droits fonciers ruraux
intervenus dans les États de l’UEMOA. L’illustration parfaite de cet engagement est l’exis-
tence des plans pour la protection du sol. La lu�e contre la désertification en est un exemple.
Ainsi, des plans de lu�e contre la désertification se trouve intégrer aux autres stratégies des-
tinées à conserver le foncier rural. Ce�e lu�e qui passe d’abord par la mise en œuvre des
instruments juridiques de conservation 446 (paragraphe 1) et par l’application à l’opération-
nel des normes de conservation (paragraphe 2) en matière foncière rurale.
Paragraphe 1 Les instruments juridiques de conservation
483Pour aboutir à la réponse juridique à la problématique de la conservation des terres rurales, il
convient d’interroger tour à tour, le droit international à partir de l’exemple de la lu�e contre
la désertification (A) puis les lois et règlements spéciaux à partir des droits fonciers ruraux
(B).
A - La conservation du foncier rural et des ressources en droit in-
ternational
484La désertification désigne selon la zone qu’elle touche, un processus avancé du désert ou
une mutation aride d’une zone précédemment dotée d’un potentiel floristique ou agricole 447.
Longtemps considérée comme un problème local, la désertification fait désormais partie des
questions de dimension planétaire pour auxquelles l’humanité doit dorénavant faire face.
485Selon Maurice Kamto , « la désertification bouleverse l’équilibre écologique des zones a�ectées,
entraîne la disparition totale de certains écosystèmes et met en péril la survie de nombreuses
445 L’intérêt de la communauté internationale pour la conservation des écosystèmes naturels ne date pas de laCNUED. Bien avant 1992, elle s’est e�orcée déjà, à travers une production normative favorable à la conservationde la nature.Mais la protection de la biodiversité n’était pas un sujet de préoccupation directe et spéci�que. Ainsi,la convention de Paris de 19 mars 1902 ne protégerait-elle que des oiseaux utiles à l’agriculture ; conventionrelative aux humides d’une importance internationale, signée à Ramsar, en Iran, le 02 Février 1971 ne protègeque les espèces de ces zones ; la convention Cites, signée à Washington le 03 mars 1973 ne concerne que lesespèces dites menacées d’extinction. Ces exemples montrent bien qu’avant 1992 il y avait une prise en comptede la conservation des espèces dans une approche fragmentaire et environnementale.446 Conservation : Porte la dimension technico-scienti�que de la défense de la nature. C’est une Gestion pru-dente et mesurée des ressources naturelles (utilisation de la nature à des �ns de protection destinée à assurerles usages futurs). Cette dé�nition est tirée du Lexique des notions clés de la gestion de la nature. Rodary (E.)et Castellanet (C.) – Conservation de la nature et développement : l’intégration impossible ?, Paris : GRET, 2003,308 p.447 Kamto (M.), Droit de l’Environnement en Afrique, op. cit., p. 219.
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populations » 448.
486 Conscient de l’intérêt qu’il y aurait à préserver ses ressources en terres, tenant compte des
stratégies pour la réduction de la pauvreté la communauté internationale s’est engagée de
plus en plus dans la voie de la mise en œuvre des stratégies appropriées de lu�e contre la
dégradation des terres. Ainsi, depuis qu’il a été mis en évidence, le problème de la désertifi-
cation a suscité de nombreuses initiatives sur la façon de la résoudre 449.
487 Parmi les mesures juridiques adoptées, il y a la convention des Nations Unies sur la lu�e
contre la désertification (CNULD) dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou
la désertification, en particulier en Afrique 450. Bien que d’inspiration internationale, ce�e
convention a une particularité. Elle a tenté de cerner le problème de la désertification dans
une approche multirégionale sans ignorer la portée générale. Aujourd’hui, 191 pays sont
membres de la Convention 451). Ce�e convention vise l’inversion du processus de désertifi-
cation et l’a�énuation des e�ets de la sécheresse. Pour ce faire, la CNULD a mis en place
des programmes locaux, sub-régionaux et régionaux, appuyés par la coopération et le par-
tenariat internationaux. L’ensemble de ces mesures est établi dans le cadre d’une approche
intégrée 452 en fonction du programme de l’Agenda 21 (plan d’action adopté lors du sommet
de la terre, à Rio, en 1992) dans le but d’instaurer un développement durable dans les zones
touchées 453. L’objectif ciblé est axé à la fois sur « l’amélioration de la productivité des terres
ainsi que la remise en état, la conservation et la gestion durable des ressources en terre et en eau,
aboutissant à l’amélioration des conditions de vie » 454.
488 Une analyse de ce�e convention à travers certaines définitions permet de constater qu’il
y a une prise en compte réelle de la dimension du foncier qui intègre aussi bien la terre
que les ressources naturelles. Ainsi, selon les éléments de précisions sur les mots clés de
la convention. Par lu�e contre la désertification, il convient d’entendre la désignation des
activités qui relèvent de la mise en valeur intégrée des terres dans les zones arides, semi-
arides et subhumides sèches, en vue d’un développement durable et qui visent à :
— prévenir et/ou réduire la dégradation des terres ;
— reme�re en état les terres partiellement dégradées ;
448 Kamto (M.) – « La déserti�cation : aperçu écologique exprimé pour une convention sur les zones dé-sertiques, arides et semi-aride et sèche subhumide », in : Droit de l’environnement en Afrique, Paris : EDI-CEF/AUPELF, 1996, p. 141–156.449 Étude sur la lutte contre la déserti�cation dans les projets de développement, CSFD, AFD, 1988, p. 18.450 Cette convention a été adoptée le 17/06/1994 à Paris.451 Chasek (P. S.) – « The Convention to Combat Deserti�cation : Lessons Learned for Sustainable Develop-ment », in : Journal of Environment Development 6 (1997), p. 147–169.452 «Démarche systématique et interdisciplinaire qui permet de tenir compte de toutes les dimensions pertinenteset signi�catives de l’environnement et plus particulièrement des relations et des interactions entre les di�érentséléments de l’écosystème et entre les di�érents impacts. » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007).453 Article 2 de la CNULD.454 NU, 1994, p. 6.
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La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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— restaurer les terres désertifiées 455.
Dans ce�e vision une clarification est donnée sur la notion terre. Elle désigne « le système bio
productif terrestre qui comprend le sol, les végétaux, les autres êtres vivants et les phénomènes
écologiques et hydrologiques qui se reproduisent à l’intérieur de ce système » 456.
489Pour a�eindre ces objectifs, la CNULD est caractérisée par une sorte de séquence selon les
zones et les obligations avec un texte principal de 40 articles et de 5 annexes 457. L’une des
principales innovations de ce�e convention est liée à l’importance accordée par la CNULD
aux connaissances traditionnelles et locales dans la planification et les décisions politiques.
Il est avancé que les groupes locaux (par exemple les groupes de fermiers, forestiers et de
femmes) ont déjà acquis un sens commun de la dynamique de la désertification et sont bien
placés pour saisir les liens entre les pratiques agricoles et pastorales, les dynamiques sociales
locales et le processus de dégradation des sols quand bien même ces connaissances sont à
peine inventoriées et peu analysées.
490Les obligations des Parties dans le texte de la Convention se répartissent entre les obligations
générales concernant tous les pays Parties, les obligations spécifiques aux pays touchés et
les obligations des pays développés. Le respect de ces obligations ont conduit les États de
l’espace UEMOA à disposer dans les législations foncières rurales pour la conservation du
foncier rural.
B - Les instruments nationaux de conservation
491Conscient de leur part d’obligations les États touchés par la désertification en l’occurrence
ceux de l’espace UEMOA ont mis en place des législations nationales en matière foncière
rurale qui se préoccupent de la conservation du foncier et des ressources naturelles 458.
492Les obligations générales destinées à l’ensemble des Parties impliquent principalement la co-
ordination des e�orts pour me�re au point des stratégies à long terme qui tiennent compte
des aspects physiques, biologiques et socio-économiques de la désertification. Les pays si-
gnataires de la Convention doivent créer un environnement économique porteur au plan
international, afin de promouvoir le développement durable 459.
455 Cf. article premier de la Convention.456 Cf. article premier de la Convention.457 Les annexes sont relatifs à la mise en oeuvre au niveau régional pour l’Afrique (annexe 1), l’Asie (AnnexeII), l’Amérique latine et les Caraïbes (annexe III), la Méditerranée septentrionale (annexe IV) et l’Europe centraleet orientale (annexe V). Cf NU, 1994.458 Les pays africains en général et ceux du Sahel en particulier, sont à la base de cet important instrumentjuridique de portée internationale conçu pour lutter contre la déserti�cation et atténuer les e�ets de la sécheressedans le Sahel. Parmi les pays les touchés, il y a quelques-uns qui sont de l’espace UEMOA.459 Étant donné l’e�et important de la pauvreté dans le processus de déserti�cation, les Parties doivent égale-ment intégrer des stratégies d’élimination de la pauvreté dans l’actionmenée pour lutter contre la déserti�cation.Voir article 4. C, deuxième partie relative aux dispositions générales de la CNULD.
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493 Les pays touchés, quant à eux, ont l’obligation d’accorder la priorité voulue et les ressources
nécessaires à ce�e problématique en fonction de leur situation et de leur moyen. Ils s’en-
gagent également à créer un environnement favorable à la mise en œuvre des programmes
d’action nationaux (PAN) pour lu�er contre la désertification en renforçant leur cadre légis-
latif et en élaborant de nouvelles politiques à long terme.
494 À la recherche des voies et moyens pour renforcer le cadre législatif, les États de l’espace
UEMOA ont clairement a�iché leur volonté en faveur de la conservation des ressources fon-
cières et naturelles.
495 L’un des traits caractéristiques majeurs de la réglementation dans les États de l’union en
matière de gestion des ressources foncières et naturelles est la prédominance du principe
de la domanialité qui fait de l’État le gestionnaire principal de l’ensemble des ressources du
pays. C’est par pur esprit de conservation que ce�e orientation est donnée dans les droits
nationaux des fonciers ruraux. Les exemples peuvent se multiplier.
496 Comme pour le Mali, les Codes domanial et foncier qui sont les textes de base en matière
de gestion foncière instituent, un domaine national qui englobe l’espace aérien, le sol et le
sous-sol du territoire national. Il comprend :
— les domaines public et privé de l’État ;
— les domaines public et privé des collectivités territoriales ;
— le patrimoine foncier des autres personnes, physiques ou morales 460.
�ant aux textes de gestion des ressources naturelles, ils reprennent tous également le prin-
cipe de la domanialité. L’accès aux di�érentes composantes du domaine national est régle-
menté par l’État à travers ses services techniques compétents 461.
497 Dans l’optique de conserver les ressources foncières et naturelles, certains États de l’union
en sont venus à éme�re des modalités très strictes pour acquérir des terres rurales. C’est
l’exemple du Bénin à travers certaines dispositions du Code foncier et domanial et de ses
décrets d’application. Ainsi, en régulant le mode d’acquisition d’une terre rurale, l’État béni-
nois ne vise que la préservation de cet espace pour une destination bien définie : l’agriculture.
C’est pourquoi, il est a�irmé qu’ « aucune transaction sur une terre rurale ne peut se faire à des
fins de spéculation ou de morcellement en vue de l’habitation dans une zone à vocation agricole
prévue par le schéma directeur d’aménagement de la commune ou dans les parties du territoire
de la commune reconnues comme telles » 462. Toutefois, l’a�ectation d’une terre à vocation
460 Loi no 00-027-P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier République du Mali modi�ée etrati�ée par la loi no 02-008 (12 fév. 2002) .461 Djiré (M.) etKéita (A.) – Revue du cadre juridique et institutionnel de la gouvernance des ressources naturelles :une étude de cas sur la gestion des terres à l’o�ce du Niger, ANSA-Afrique et IED Afrique, août 2010, p. 13.462 Décret no 2015-029 �xant les modalités d’acquisition des terres rurales en République du Bénin (29 jan.2015) , art. 3.
192 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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agricole à d’autres fins telle que l’habitation ne peut qu’être exceptionnellement autorisé
qu’en cas de nécessité. Ce�e autorisation préalable ne peut intervenir qu’après un acte de
déclassement de la zone à vocation agricole pris par le maire et sur avis favorable motivé de
l’Agence nationale du domaine et du foncier (ANDF) 463.
498De plus, il est formellement interdit à toute personne physique ou morale d’acquérir une
terre rurale de plus de mille (1000) hectares soit d’un seul tenant ou cumulativement, sur le
territoire national. Dans ce�e même logique, il ne peut être délivré un titre de propriété sur
une superficie supérieure ou égale à cent (100) hectares 464. Outre la terre rurale, les autres
ressources naturelles également ont fait l’objet de réglementation. C’est ainsi que, les sub-
stances minières et de carrière appartiennent à l’État et font partie de sa propriété 465. Pour
ce qui concerne les gîtes naturels de substances minières et de carrière contenues dans le
sous-sol ou existant en surface sont, sous susceptibles d’aucune forme d’appropriation pri-
vée 466. Pour la gestion des ressources fauniques, la loi reconnaît que, c’est un devoir national
de les protéger et de les conserver.
499En terme de conservation des ressources foncières et naturelles, les dispositions juridiques
posées par le Bénin montrent que le législateur est préoccupé par les besoins des généra-
tions futures. Le sol, le sous-sol et les richesses qui y sont contenues relèvent, en tant que
ressources non renouvelables et/ou limitées, du domaine protégé de l’État. Ils doivent être
gérés de manière rationnelle et durable 467.
500Contrairement au code béninois, c’est par une panoplie de textes que le Burkina Faso a essayé
de réglementer en vue d’a�eindre son objectif de conservation des ressources foncières et
naturelles 468. Régi par la loi no 055/AN du 21/12/2004 et relu en 2006, le code général des col-
lectivités territoriales (Cgct) détermine l’orientation de la décentralisation, les compétences
et moyens d’action, les organes et l’administration des collectivités territoriales. En e�et à
ses articles 75, 76 et 77, il transfère les compétences enmatière de gestion de l’environnement
et des ressources naturelles aux collectivités territoriales.
501En ce qui concerne la gestion des ressources naturelles, la loi précise que : (i) le territoire de
la commune rurale comprend un espace d’habitation, un espace de production et un espace
de conservation ; (ii) les espaces de production sont destinés principalement à l’agriculture,
à l’élevage, à la foresterie, à la pisciculture et plus généralement à toutes les activités liées
463 Ibid., art. 4.464 Ibid., art. 6.465 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 345.466 Ibid., art. 346.467 Conformément aux dispositions de l’article 335 du code foncier et domanial en République du Bénin, « laprotection et la conservation de la faune sauvage, particulièrement les espèces menacées ou en voie de disparition,constituent un devoir national. . . »468 Loi no 034-2009/AN portant Régime foncier rural en République du Burkina Faso, op. cit., art. 1er.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 193
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
PartieII.T
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1
à la vie rurale ; et (iii) les espaces de conservation constituent des zones de protection des
ressources naturelles. Ils prennent notamment en compte les aires de protection de la flore
et de la faune.
502 D’autres codes ayant un lien avec la gestion des ressources forestières existent. Il s’agit par-
ticulièrement :
— du Code pénal et du Code de procédure pénale qui, ensemble, contribuent au règle-
ment les contentieux sur les ressources forestières, fauniques et halieutiques ;
— du Code des investissements, qui a pour objet la promotion des investissements pro-
ductifs concourant au développement économique et social du Burkina Faso.
Des mesures législatives ont été adoptées par l’État pour une meilleure orientation sur la
question de gestion des ressources naturelles. Ainsi, dans le cadre de l’amélioration de la
gestion durable de l’exploitation des produits forestiers non ligneux (Pfnl), au Burkina Faso,
la loi no 0034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural, vise, à accroître la pro-
ductivité dans le secteur agro-sylve-pastoral, à favoriser la réduction de la pauvreté en mi-
lieu rural à travers la promotion des investissements et la gestion rationnelle et durable des
ressources naturelles. Avant la loi portant régime foncier rural, le législateur burkinabè, à tra-
vers d’autres législations avait déjà édicté des normes pour la conservation des ressources
foncières rurales et naturelles. Il s’agit notamment du code minier 469, qui fixe les condition-
nalités perme�ant la prise en compte de mesures particulières pour la protection de la flore
et de la faune dès la période d’obtention des permis de prospection minière. En e�et, la réali-
sation préalable d’étude (EIE) ou de notice d’impact sur l’environnement (NIE) est obligatoire
pour la réalisation de certains travaux et ouvrages nécessitant des matériaux classés par la
loi comme des substances de carrière et qui sont susceptibles de porter a�einte à l’environne-
ment. Il y a la loi d’orientation relative au pastoralisme 470 qui, fixe les principes et les modali-
tés d’un développement durable, paisible et intégré des activités agro-sylvo-pastorales. Dans
le cadre de l’exploitation des ressources pastorales, le Titre II donne les conditions d’accès
aux ressources naturelles à des fins de pastoralisme. Ainsi, on distingue : les espaces a�ectés
et ceux ouverts à la pâture dont les pasteurs bénéficient de droit d’usage consistant à y faire
paître les animaux. Ce droit d’usage est exercé dans le respect de la législation forestière.
À l’analyse des législations foncières rurales, il est quasiment évident que les États de l’espace
UEMOA ont accordé une importance à la conservation des ressources. Ce�e volonté a�ichée
dans les textes est- elle traduite en réalité sur le terrain? C’est au regard des instruments de
mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires qu’il conviendrait d’y répondre.
469 Loi no 031-2003 portant Code minier en République du Burkina Faso (8 mai 2003) .470 Décret no 034/2002/AN portant loi d’orientation relative au pastoralisme en République du Burkina Faso(14 nov. 2002) .
194 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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Paragraphe 2 L’application des normes de conservation
503Pour assurer une conservation du foncier rural et des ressources naturelles, l’existence d’une
politique d’aménagement du territoire devient indispensable. C’est donc l’une des raisons
pour laquelle la Commission de l’UEMOA a adopté en janvier 2004, une Politique d’amé-
nagement du territoire communautaire (PATC). Elle vise entre autres à assurer à l’Union la
maîtrise spatiale d’un développement économique, social et culturel soutenu, harmonisé et
durable. Pour a�eindre ces objectifs, la PATC est mise en œuvre selon un certain nombre
d’axes 471. Les éléments identifiés dans les axes perme�ent de savoir que, pour renforcer l’in-
tégration des économies des États membres, l’Union s’a�ache à : rechercher et encourager
la mise en valeur des bassins naturels de production sur la base d’avantages comparatifs en
terme d’échanges internes et d’opportunités de transaction avec d’autres parties de l’espace
régional 472 et à promouvoir des actions de développement qui sauvegardent l’environnement,
en particulier les écosystèmes fragiles dont la valorisation se fera de façon spécifique 473.
504Pour opérationnaliser le contenu du PATC, le Conseil des ministres adopte, sur proposition
de la commission, le Schéma de développement de l’espace régional (SDER), en vue de l’har-
monisation des plans nationaux d’aménagement et de développement pour l’équilibre des
di�érentes composantes du territoire communautaire 474. Il ressort de ce qui suit que l’appli-
cation des normes de conservation du foncier rural et des ressources naturelles dans l’espace
UEMOA passe par les outils de planification d’une part (A) (les schémas directeurs) puis des
moyens opérationnels de conservation (B).
471 En vue d’atteindre les objectifs dé�nis aux articles 2 et 3 de la PATC ci-dessus, la Politique d’Aménagementdu territoire communautaire de l’Union est mise en oeuvre selon les quatre grands axes d’interventions suivants :
— promotion de l’aménagement du territoire communautaire dans les politiques publiques des Étatsmembres ;
— accélération de la réalisation concertée de grandes infrastructures et d’équipements d’intérêt commu-nautaire ainsi que la dé�nition d’une armature urbaine régionale ;
— orientation spatiale de la mise en valeur des potentialités de l’Union pour renforcer la complémentarité,la compétitivité et la meilleure insertion des États membres dans l’économie régionale et mondiale ;
— développement de la solidarité communautaire et renforcement de la cohésion.
472 Voir les dispositions de l’article 6 et l’axe 3 du PATC.473 Cf. les dispositions de l’article 6 et l’axe 4 du PATC.474 Cf. Article 9 : Le Conseil des ministres adopte, sur proposition de la Commission.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 195
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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A - La mise en place des outils de planification du foncier rural et
des ressources naturelles
505 Le souci de protéger les ressources foncières et naturelles a permis le développement de
la mise en place d’une politique publique d’aménagement 475. Ce�e politique publique fon-
dée sur l’institutionnalisation de la préoccupation planificatrice permet d’avoir des outils
de maîtrise de l’espace rural. La planification urbaine regroupe l’ensemble des documents
de planification qui organisent les territoires. Ces documents sont issus des études, des pro-
cédures juridiques et financières, des textes législatifs et réglementaires mis en œuvre par
les services de l’État et les collectivités territoriales. Ils perme�ent de contrôler l’évolution
des territoires et de maîtriser leur développement. Il s’agit essentiellement des actions et
schémas d’aménagement rural.
1 Les plans d’action sous-régionaux et nationaux visant la conservation
506 Le secteur rural, agriculture, élevage, foresterie et pêche, a toujours occupé une place cen-
trale dans les économies nationales des États de l’UEMOA. Or il est a�irmé que l’Afrique de
l’Ouest a perdu 19% de son couvert forestier entre 2000 et 2010 et ce ne sont pas moins de
870 000 hectares qui disparaissent chaque année. À ce rythme, si rien n’est fait, il n’y aura
plus de forêts dans ce�e région d’ici quelques dizaines d’années, selon des données fournies
par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). L’urgence re-
connue dans les textes législatifs a besoin d’être reproduite sur le terrain. Pour faire face à
ce�e problématique les initiatives ont été prises aussi bien à l’échelle sous régionale et inter-
nationale qu’à l’échelle nationale par les États dans d’élaboration des plans de conservation
des ressources des espaces agricoles et naturels.
2 L’élaboration des plans visant la conservation des espaces agricoles et natu-
rels
507 Face aux enjeux multiples liés à la conservation des ressources de l’espace agricole et natu-
rel, la Communauté internationale ou les organisations internationales et régionales se sont
475 Politique visant une meilleure répartition des hommes sur le territoire, en fonction des ressources natio-nales, des activités économiques et de l’a�ectation des investissements. Pour plus de précision sur cet aspectvoir : Barataud (F.) et Hellec (F.) – « L’outil foncier, une solution délicate pour protéger les captages d’eau po-table », in : Économie rurale vol. 347.3 (2015), p. 3–20 ; Beuret (J.-E.) – « La gestion concertée de l’espace rural :médiations locales et politiques d’appui », in : Concertation, décision et environnement, sous la dir. de Billé (R.)etMermet (L.), Paris : La Documentation française, 2003, p. 21–38.
196 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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itre1
engagées dans l’élaboration des plans visant leur protection 476.
508Sur le plan technique et institutionnel, des politiques et des stratégies ont été élaborées par
les pays africains pour renforcer leur engagement à me�re en œuvre des initiatives régio-
nales et mondiales, telles que les trois conventions des Nations Unies sur la lu�e contre la
désertification, le changement climatique et la biodiversité. Mais il a été récemment réalisé
que ces e�orts individuels ont de grandes limites, puisque les défis vont souvent au-delà des
frontières nationales.
509En recherchant les voies et moyens pour une conservation des ressources naturelles, la Com-
munauté internationale a montré le cheminement à suivre en me�ant à disposition un plan
mondial pour la conservation de la nature. Il s’agit du plan d’action mondial pour la conser-
vation, l’utilisation durable et la mise en valeur des ressources génétiques forestières 477.
510Un plan, dans ce cadre conceptuel se présente comme « . . .Un document de planification et
d’orientation, écrit, approuvé et di�usé qui décrit l’espace, son fonctionnement, ses problèmes,
ses intérêts, définit des objectifs de gestion (conservation de la nature, usage, organisation, etc.)
et précise les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (mécanismes de fonctionnement, personnel,
structures programmes de travail, budgets » 478.
Si la responsabilité première de ce�e mise en œuvre incombe aux gouvernements, la FAO
s’est fermement engagée à appuyer les e�orts des pays allant dans ce sens, en collaboration
avec les gouvernements et avec d’autres partenaires aux niveaux national, régional et inter-
national, et conformément au Cadre stratégique révisé de la FAO approuvé par ses États
membres. De fait, le Plan d’action mondial est partie intégrante des initiatives de la FAO vi-
sant à réaliser son deuxième objectif stratégique, « rendre l’agriculture, la foresterie et la pêche
476 La valeur des espaces agricoles et naturels, toutefois, va au-delà de critères économiques : exploitationsagricoles et paysages attrayants contribuent à la singularité d’une communauté, fournissant des repères dansl’espace et augmentant la qualité de vie locale. Dans une perspective environnementale, les espaces agricoles etnaturels fournissent aussi des services écologiques comme le maintien de la biodiversité, la protection des zoneshumides, le �ltrage des eaux résiduaires, le rechargement des nappes phréatiques, la séquestration de carboneet une contribution à la qualité de l’air. Pour s’en convaincre, lire : Dussart (J.-C.) – « Protection des espacesagricoles et naturels : une analyse des outils américains et français », in : Économie rurale 291 (jan.–fév. 2006),url : http://journals.openedition.org/economierurale/578.477 Lors de sa 11e session de juin 2007, la Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l’alimen-tation et l’agriculture a souligné l’urgente nécessité de conserver et d’utiliser durablement les ressources géné-tiques forestières (RGF), et elle a inclus un rapport sur l’état des ressources génétiques forestières dans le mondedans son Programme de travail pluriannuel. Sur la base des informations et des connaissances compilées par laFAO pour l’établissement de ce rapport, cette commission a élaboré un Plan d’action mondial pour la conserva-tion, l’utilisation durable et le développement des ressources génétiques forestières, adopté par la Conférence dela FAO lors de sa 38e session en juin 2013. Ce Plan d’action mondial dé�nit 27 priorités stratégiques regroupéesen quatre domaines : 1) amélioration de la disponibilité de l’information sur les RGF et de l’accès à celle-ci ; 2)conservation des RGF (in situ et ex situ) ; 3) utilisation durable, développement et gestion des RGF ; 4) politiques,institutions et développement des capacités.478 André (D.) – Plan de gestion de l’Unité Pastorale de Widou-Tiengholy, non publié.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 197
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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plus productives et plus durables ». Faisant partie des États membres de la FAO, les États de
l’UEMOA ne seraient pas en marge de ce�e initiative.
511 D’abord dans le cadre de la CEDEAO, les États de l’Afrique de l’ouest ont récemment adopté
deux plans visant la conservation des ressources naturelles 479. Il s’agit du premier qui concerne
la gestion des écosystèmes forestiers et le second la lu�e contre la désertification. Ce�e ini-
tiative prise au niveau sous régional a toute son importance au regard du caractère transfron-
talier des problèmes de conservation des ressources foncières et naturelles. C’est d’ailleurs
ce que souligne M. Daniel André 480 quand il a�irme que :
Les pays n’ont pas les mêmes problèmes, mais les pays ont les mêmes préoccu-pations sur beaucoup de choses. C’est notamment le cas sur la gestion de nosressources transfrontalières. Par exemple, la faune n’a pas de frontière, elle vad’un côté, elle va de l’autre. Il faut donc que l’on s’entende pour que des deuxcôtés, dans chaque pays, on me�e en place le même type d’activités pour quel’on puisse protéger la faune.
Ce�e approche de résolution des problèmes à l’échelle sous régionale est aussi confirmée par
M. Édou Raphael 481 quand il a�irme, au sujet de la problématique de la déforestation que :
« ses conséquences n’ont pas de frontières » 482. Poursuivant dans la même logique, il pense, à
partir du cas du Bénin qui avait lancé un grand projet qui s’appelait 10 millions d’âmes, 10
millions d’arbres 483. Au sujet des résultats a�endus, il a�irme que le gouvernement réussira
forcément à rendre le pays vert, mais s’il n’y a que le Bénin qui le faisait, cela n’aboutirait
pas 484.
512 À cet égard, les leaders et Chefs d’États de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-
Sad) 485 réunis en Juin 2005 à Ouagadougou (Burkina Faso) ont adopté l’initiative de la
Grande Muraille Verte comme programme de reboisement pour répondre aux e�ets com-
binés de la dégradation de l’environnement naturel, la sécheresse et l’avancée du désert. Le
concept a évolué vers un programme de développement rural intégré qui aborde la lu�e
479 Il convient de rappeler ici que tous les États de l’UEMOA sont membres de la CEDEAO.480 Le directeur des eaux, forêts, chasses et de la conservation des sols du Sénégal.481 Ancien ministre de l’Environnement du Bénin.482 Rapporté par RFI, publié le 13-09-2013, modi�é le 13-09-2013 à 18 :15. Cf : http ://www.r�.fr/afrique/-20130913-afrique-ouest-deux-plans-adoptes- lutter-contre-deforestation-deserti�cation.483 Le projet « 10 millions d’âmes, 10 millions d’arbres » vise à lutter contre la déserti�cation, les e�ets deschangements climatiques et à promouvoir la diversité biologique a�n d’améliorer le cadre de vie des populationsdu Bénin. Et pour y parvenir, la formule originale qu’a trouvée le Gouvernement béninois c’est d’amener chaqueBéninois et chaque Béninoise à planter et à entretenir au moins un arbre, a�n d’obtenir chaque année, et cependant cinq ans, un nombre de nouveaux arbres au moins égal à l’e�ectif de la population, estimée en 2013 àenviron 10 millions d’habitants.484 Rapporté par RFI, publié le 13-09-2013, modi�é le 13-09-2013 à 18 :15. Cf : http ://www.r�.fr/afrique/-20130913-afrique-ouest-deux-plans-adoptes- lutter-contre-deforestation-deserti�cation.485 La Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) est une organisation internationale regroupant 29États africains dont tous les États de l’UEMOA.
198 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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contre la désertification, la dégradation des terres et la déforestation, et l’amélioration des
moyens de subsistance des populations locales.
513L’initiative a été approuvée plus tard par l’Union Africaine comme une initiative panafricaine,
avec la création en 2010 d’une agence constituée de 11 pays frontaliers du désert sahélien,
afin de superviser la mise en œuvre de l’initiative dans les pays participants. Certains de ces
pays, avec l’appui des institutions internationales et régionales, ont élaboré et adopté leurs
stratégies et plans nationaux de mise en œuvre avec les agences nationales 486.
514L’Agence panafricaine de la grande muraille verte pour le sahara et le sahel (AP/GMV) 487,
a élaboré des plans consolidés de mise en œuvre sur la base de documents nationaux. La
plupart de ces stratégies et plans 488 de mise en œuvre ont été élaborés sur la base des inter-
ventions piliers ayant pour objectifs de contenir la dégradation des ressources naturelles, y
compris les ressources forestières et en arbre, et d’améliorer le bien-être social et économique
des communautés. Aussi, les questions transversales telles que le genre et les groupes vul-
nérables, sont prises en compte. Des conventions et politiques nationales et internationales
ont également été prises en compte afin d’aligner l’initiative aux accords environnementaux
nationaux et internationaux. Aux côtés des e�orts sous-régionaux évoluent ceux nationaux
pour lui donner une chance de viabilité.
3 L’élaboration des plans pour la conservation à l’échelle nationale
515Les e�orts nationaux visant à gérer de manière durable les ressources foncières et naturelles
doivent s’appuyer sur des informations de références solides et cohérentes.
516Ainsi, le Bénin, le Burkina Faso, le Sénégal et le Niger ont lancé à diverses occasions l’élabo-
ration des plans visant tous à conserver les ressources foncières et naturelles. Ils ont compris
que pour mieux appréhender les problèmes environnementaux majeurs et proposer les ni-
veaux appropriés d’intervention pour les résoudre, la démarche structurante est nécessaire.
486 Il y a plusieurs types d’agences qui interviennent dans la conservation de l’espace agricole et naturel. À titred’exemple, le Bénin a créé une Agence nationale du domaine et du foncier (ANDF) récemment dont la vocation,entre autres, est de conserver durablement le foncier rural. Avant l’ANDF, il existait déjà l’Agence béninoise del’environnement (ABE).487 L’Initiative grande muraille verte (IGMV), réponse africaine forte face à la pauvreté des populations, ladéserti�cation et le changement climatique est une entreprise portée par l’Union africaine au béné�ce des po-pulations des pays de la bande sahélo-saharienne dont fait partie les pays de l’UEMOA. L’initiative grandemuraille verte concerne pour le moment onze (11) pays : le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, leNiger, le Nigeria, le Tchad, le Soudan, l’Ethiopie, l’Erythrée et Djibouti.488 Sur la base de la vision régionale de l’IGMV, les États concernés ont élaboré les plans nationaux pour lamise en oeuvre de l’initiative. Le Gouvernement du Burkina Faso s’est engagé en mars 2012 dans le processus deformulation de son document de Stratégie et plan d’actions de l’IGMV (Spa/IGMV/BF) avec l’accompagnementtechnique et �nancier de la FAO et de l’Union européenne sur la base d’une concertation des di�érentes Partiesprenantes à la gestion durable des terres.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 199
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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Elle traduit une vision, une approche participative et décentralisée que le professeur Maurice
Kamto a qualifiée à bon droit, de démocratie verte 489.
517 L’élaboration d’un Plan national d’action forestier est un exemple type de décision sur le mi-
lieu de vie. La démocratisation des processus de prise de décision exige en conséquence une
implication des populations. Cela explique pourquoi, dans l’ensemble des cinq (05) pays ob-
jet de ce�e étude, la planification environnementale a démarré par un processus participatif
et décentralisé 490.
518 Les forêts constituent des valeurs très diversifiées que certains auteurs ont essayé de regrou-
per en trois (03) catégories à savoir : culturelles, écologiques et économiques. L’importance
sociale, écologique et économique de ces gisements de la biodiversité que constituent les
forêts justifient toute l’a�ention qui leur est accordée dans les préoccupations du dévelop-
pement.
519 La question de la protection des forêts se pose au regard de ces trois valeurs et interpelle
le juriste du développement. Pour Gérard Monediaire, la question est sans doute celle de
la problématique de conciliation de ces caractères de la forêt, c’est-à-dire que la possibilité
de pensée et de me�re en œuvre une stratégie intégrée forestière qui s’inscrit dans la pers-
pective du développement durable. Ce�e préoccupation n’est pas une nouveauté 491. Et c’est
du constat de l’altération des écosystèmes et de la perte des fonctions écologiques des fo-
rêts en raison de leur exploitation irrationnelle établi par le Comité de mise en œuvre pour
les tropiques 492 et d’autres Institutions internationales qu’est née l’idée de définir un cadre
conceptuel universel pour une harmonisation e�icace et un renforcement de la coopération
internationale au profit de la protection des forêts. C’est ainsi que le Plan d’action fores-
tier tropical (PAFT) a été défini et lancé en 1985 pour servir de « cadre conceptuel général
d’action que les gouvernements et organismes devraient utiliser comme référence pour la for-
mulation de leurs programmes de foresterie tropicale et pour l’harmonisation de leurs actions
respectives » 493.
520 En s’appuyant sur le cadre de référence international qui constitue le PAFT et les directives
489 Kamto (M.), Droit de l’Environnement en Afrique, op. cit., p. 85.490 En e�et, l’implication des divers acteurs est une caractéristique essentielle de la plani�cation car les actionsmenées par les bailleurs sont trop souvent conçues de façon autonome et interne, puis mises en oeuvre selonles visions ou les préoccupations de ces derniers.491 Déjà en 1978, le VIIIe Congrès forestier mondial (CFM) tenu à Jakarta en Indonésie avait exprimé cette pré-occupation à travers le choix de son thème « La forêt au service de la communauté ». Le IVe CFM tenu à Mexicoen Mexique, en 1985 ne s’est pas écarté de ce souci. Son thème était : « Le rôle de la forêt dans le développementintégré de la société ». En 1991, presque à la veille de la CNED, le Xe CFM qui s’est tenue à Paris du 17 au 26 Sep-tembre 1991, souligna la nécessité d’inscrire dans une vision de développement durable : « La forêt, patrimoinedu futur », tel a été le thème débattu à ce Congrès.492 Plan d’action forestier tropical, FAO, 1985, p. 3.493 Nzokou – Analyse de la mise en oeuvre et évaluation du Paft camerounaise, 1992, p. 13.
200 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
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de Rio 494 d’une part et des spécificités géophysiques qui caractérisent leur environnement,
les pays étudiés ont élaboré leurs stratégies de gestion forestière suivant deux axes essentiels :
un cadre opération et un stratégique.
521Le cadre opérationnel de planification forestière dans les États de l’UEMOA est composé de
deux types d’outils à savoir : les outils de programmation et les outils de gestion.
a -) Les Plans d’actions nationaux forestiers (PANF) : des outils de programmation
limités
522Tous les pays étudiés disposent d’un Plan ou Programme d’action forestier national qui tra-
duit les objectifs de la politique forestière, les axes stratégiques d’actions et les perspectives.
Il en ressort que les PANF sont de véritables documents de politique forestière.
523Il convient de rechercher les traits caractéristiques de ces outils de développement, de les
comparer pour en déduire la logique qui les soutient et apprécier leur e�icacité.
524La première caractéristique des PANF des pays étudiés est la prise de conscience que les
forêts représentent un bien d’intérêt national, dont la conservation et le développement
doivent être assurés au moyen d’une gestion rationnelle et équilibrée, de nature à garantir
la satisfaction des besoins socio-économiques des générations présentes et futures 495.
525Ce�e caractéristique trouve son ancrage dans les dispositions des lois environnementales et
forestières. Pour les pays disposant d’une loi cadre de l’environnement, c’est à travers ces
documents que le principe a été a�irmé. Ainsi, l’article 55 de la loi-cadre béninoise dispose-
t-elle que : « Les forêts, qu’elles soient publiques ou privées, sont un patrimoine national qui
doit être géré en tenant compte des préoccupations d’environnement, de sorte que les fonctions
de protection des forêts ne soient pas compromises par les utilisations économiques, sociales ou
récréatives. »
526Au Niger, l’article 79 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement est allé dans
le même sens mais avec moins de précisions : « Les ressources naturelles doivent faire l’objet
d’une utilisation durable assurant la satisfaction de ceux des générations futures. »
527Ni le code de l’environnement du Burkina Faso, ni celui du Sénégal n’ont fait allusion di-
recte à l’utilisation durable des forêts. Au Burkina Faso, c’est l’article 4 du code forestier qui
494 Les principes et éléments énoncés par la déclaration de Rio sur les forêts concernent le droit souverain del’État forestier, la gestion et l’exploitation écologiquement viable des ressources forestières, la participation etl’information du public, la protection de l’identité de la culture et des droits des populations autochtones et deshabitants des forêts, les études d’impact environnemental, le renforcement des capacités institutionnelles, lecommerce international des produits forestiers.495 Vision conforme au principe 2.b de la déclaration de Rio sur les principes forestiers, juin 1992.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 201
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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a�irme le principe en ces termes : « Les forêts, la faune et les ressources halieutiques consti-
tuent des richesses naturelles et sont, à ce titre, conforment à la constitution, parties intégrantes
du patrimoine national. Elles doivent être protégées dans l’intérêt de l’humanité et valorisées
en vue de l’amélioration des conditions de vie de la population. Chacun a le devoir de respec-
ter ces éléments du patrimoine national et de contribuer à leur conservation. » L’article 35 du
même code ajoute que : « La conservation, le développement et l’exploitation des forêts sont
assurés par une gestion rationnelle et équilibrée. Les services forestiers de l’État sont garants de
la préservation des ressources forestières considérées comme éléments du patrimoine national,
conformément à l’article 4 du présent code. » L’absence d’une disposition similaire dans le
code forestier du Sénégal ne confirme pas une typologie propre aux pays ayant à la fois un
code de l’environnement et un code forestier.
528 Mais il demeure une réalité palpable : toutes les lois cadres ont consacré ce principe. Par
contre, tous les codes de l’environnement ne l’ont pas consacré. Les PANF qui ont pour voca-
tion d’assurer une gestion rationnelle des forêts ne sauraient ignorer ce�e donne normative.
La référence à la notion de durabilité est la deuxième caractéristique des PANF des pays
étudiés 496.
529 Au Bénin, la politique nationale et le programme de développement forestier adopté en 1994
constitue le cadre dans lequel s’insèrent les Plans de Développement d’Action relatifs au
domaine forestier, partant aux ressources génériques forestières. La référence à la durabi-
lité se découvre aussi bien l’objectif global que dans les objectifs principaux de la politique
forestière de ce pays.
530 L’objectif global est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations du
Bénin en favorisant le développement durable et une gestion rationnelle de ces ressources
naturelles. Le contenu de ce�e politique se base sur le constat de la forte dégradation des
ressources naturelles et forestières en particulier, d’une série d’insu�isances dans la connais-
sance et dans la gestion de ces ressources et de la nécessaire collaboration entre tous les
intervenants. Les objectifs principaux assignés à ce�e politique sont :
— assurer la pérennité du patrimoine forestier
— intégrer la gestion des ressources forestières aux autres politiques sectorielles.
Sa mise en œuvre s’appuie sur le renforcement du cadre institutionnel, de la capacité natio-
nale et la responsabilisation des acteurs de la gestion des ressources forestières.
531 Au Sénégal, l’adoption et la mise en œuvre, en 1993, du Plan d’action forestier du Sénégal
(Pafs) participent de cet e�ort de gestion intégrée des ressources naturelles. Plus connu à
travers le concept de foresterie rurale, ce plan d’action prône une responsabilisation accrue
496 Décret no 006/97/ADP portant Code forestier en République du Burkina Faso (31 jan. 1997) .
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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des populations dans la prise en charge durable des décisions et une participation massive
de celles-ci aux actions de restauration et de conservation durable des ressources naturelles.
532Dans le cas du Niger, la référence à la durabilité en matière de gestion forestière est l’un des
aspects distinctifs des textes élaborés en 1999 par rapport à l’ordonnance 93-15 du 02 mars
fixant les principes d’orientation du code rural 497.
533Eu égard à ce qui précède, on note que les pays échantillons de ce�e étude ont fait des
critères et indicateurs de gestion durable, des référentiels de leurs politiques et programme
forestiers.
534Selon une étude menée par la FAO sur la promotion de la gestion durable des forêts et de
terres boisées en 2003, les critères et indicateurs sont des outils servant à définir, évaluer et
surveiller les progrès vers la gestion durable des forêts 498. En dépit de la mise en œuvre de
ces critères et indicateurs de gestion durable, la question de l’e�icacité des PANF se pose au
regard des problèmes que connaît le secteur forestier.
535Dans tous les pays étudiés, le secteur forestier a connu une évolution significative au lende-
main de la mise en œuvre des politiques forestières. Cependant d’énormes problèmes per-
sistent dans le secteur forestier et perme�ent de relativiser l’e�icacité des PANF. D’abord,
la réglementation sur les forêts est généralement perçue par les populations comme une
entrave aux usages qu’elles en faisaient auparavant et, dans bien des cas, ces populations
ne reconnaissent pas de légitimité aux nouvelles formes d’autorités imposées « d’en haut »
parce qu’elles ne possèdent pas les connaissances des rôles et usages locaux des ressources
naturelles.
536Ensuite, en ce qui concerne les forêts, il est de notoriété que les politiques environnementales
se déclinent sous la forme de plans d’actions visant principalement le reboisement ou la
promotion de certaines essences forestières. Cependant, un fossé se dresse entre les discours
politiques et les réalités. De manière générale, François Constantin rappelle la gestion des
ressources forestières, en tant politique 499.
497 Diouf (D.) et al. – « Le Plan d’action forestier du Sénégal : bilan et perspectives des activités de reboisementde 1993 à 1998 », in : Bois et forêts des tropiques vol. 270.4 (2001).498 Le terme critère désigne les éléments ou principes de base par rapport auxquels est jugée la durabilité, entenant compte du rôle de production, de protection et social des forêts et des écosystèmes forestiers. Chaquecritère est dé�ni par des indicateurs quantitatifs et qualitatifs qui sont mesurés et surveillés régulièrement a�nde déterminer les e�ets des interventions de la gestion ou de l’absence d’intervention. Les critères et indicateursau niveau national peuvent servir à orienter les politiques, les règlements et la législation. En outre, désormais,la plupart des processus élaborent, expérimentent et mettent en oeuvre des critères et indicateurs au niveau del’unité de gestion forestière. De plus en plus souvent ces activités s’adressent aux organismes publics, aux ONGet aux propriétaires forestiers, y compris le secteur privé publique, repose sur « l’identi�cation d’un objectifreconnu, des acteurs se mobilisant pour cet objectif, des moyens adaptés à cette �nalité ».499 Constantin (F.) – « La gestion des ressources naturelles sauvages : droits, développement local et enjeuxde pouvoir », in : Lavigne Delville (P.), Quelles politiques foncières pour l’Afrique rurale ? Réconcilier pratiques,légitimité et légalité, Paris : Karthala, 1998, p. 319.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 203
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537 Or, l’objectif environnemental de préservation des ressources forestières se trouve encore
aujourd’hui di�icilement conciliable avec les intérêts e�ectifs de l’exploitation industrielle
et de développement agricole. On a vu que les services forestiers et les services chargés du
développement rural sont dans bien des cas, deux structures distinctes aux actions séparées,
ce qui ne permet pas de résoudre les conflits entre les di�érentes préoccupations.
538 Enfin, l’insu�isance des moyens d’actions des services forestiers eux-mêmes et leur insu�i-
sance en nombre est une autre observation critique. Des chercheurs évoquent en outre l’iner-
tie et les entraves mises en œuvre par l’administration elle-même (détournement, blocages
d’autorisation, corruption) 500. Le coût élevé des opérations forestières constitue aussi une
limite du fait de la charge des de�es des pays africains. À cet égard, il faut reconnaître que
les fonds internationaux alloués à la protection des forêts restent faibles. Ainsi, dans les poli-
tiques de reboisement, aussi bien le Bénin, le Burkina-Faso, le Niger que le Sénégal et le Togo
sont souvent bien peinés de décourager le déboisement dans un contexte économiquement
faible où le bois de chau�age apparaît comme une ressource de plus en plus rare et consti-
tue un enjeu économique important. Ces actions de reboisement demandent par ailleurs de
la main d’œuvre. Or, les populations rurales elles-mêmes ne trouvent pas nécessairement
aucun intérêt à y participer.
539 Eu égard à ces réalités, les Programmes nationaux d’action forestière mises en place par les
pays étudiés se révèlent impuissants à assurer une gestion durable des forêts. Mais la mise en
œuvre de ces plans manquerait d’e�ectivité si le recours aux outils opérationnels de gestion
prévus par les textes juridiques n’accompagne pas les politiques forestières. À cet e�et, les
pays étudiés ont tous prévus des plans d’aménagement.
b -) Les plans d’aménagement forestier : outils de gestion des forêts
540 Les législateurs des États étudiés n’ont pas clairement défini l’aménagement forestier dans
leurs lois ou codes forestiers.
541 Ainsi au Sénégal, le code des forêts dispose : « Le plan d’aménagement forestier élaboré avec
la participation des populations riveraines définit les objectifs assignés à la forêt et les moyens
perme�ant de les a�eindre : il est basé sur les principes d’une gestion conservatoire et d’une
production soutenue. » 501
542 Au Burkina-Faso, l’article 41 du code forestier 502 dispose que : « la gestion des forêts se fait
conformément aux prescriptions des plans d’aménagement forestier ». Les plans d’aménage-
500 Pomel (S.) et Salomon (J.-N.) – La déforestation dans un monde tropical, Bordeaux : Presses universitairesde Bordeaux, 1998, p. 101–102 ; Harrison (P.) – Une Afrique verte, Paris : Karthala, CTA, 1991, p. 66-69.501 Loi no 95-357 portant code foncier en République du Sénégal – Partie réglementaire (11 avr. 1995) , R.10.502 Loi no 006197ADP portant code foncier en République du Burkina Faso (31 jan. 1997) .
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La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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ment forestier 503 sont élaborés par les services forestiers ou sous leur contrôle. Ils sont ap-
prouvés par arrêté du ministre chargé des forêts lorsqu’ils concernent les forêts de l’État,
et par arrêté de l’autorité compétente de la collectivité territoriale décentralisée lorsqu’ils
concernent les forêts des collectivités territoriales décentralisées. L’article 42 dudit code pré-
voit une révision du plan d’aménagement forestier lorsque les conditions nouvelles concer-
nant l’unité aménagée l’exigent. La procédure de révision du plan est alors identique à celle
de son élaboration.
543Au Niger, la loi portant régime forestier a également édicté des dispositions instituant les
plans d’aménagement forestier. Selon l’article 30 de ladite loi : « La gestion des forêts doma-
niales se fait conformément aux plans d’aménagement forestier élaborés par l’administration
chargée des forêts ou sous son contrôle en concertation avec les populations concernées et, le
cas échéant, avec les gestionnaires des forêts. Les plans d’aménagement forestier définissent les
opérations et mesures à réaliser dans le temps et l’espace afin de tirer des rendements optimums
et soutenus de la forêt, sans porter préjudice à sa capacité de régénération et de production à
long terme, à son équilibre écologique et à sa diversité biologique. »
544Au Sénégal, le code forestier précise : Le plan d’aménagement forestier comporte un exemple
de technique, de conduite et de traitement des formations forestières naturelles ou artifi-
cielles, aux fins de les pérenniser et d’en tirer le maximum de profit. Le plan d’aménagement
forestier consiste en une programmation de l’aménagement dans le temps et dans l’espace
pour la réalisation de ce profit aux plans économique, social, culturel ou environnemental.
Ce plan d’aménagement est requis pour la gestion de toute forêt dont la superficie est su-
périeure à vingt hectares. Lorsque la superficie est comprise entre cinq et vingt hectares, le
propriétaire ou l’usufruitier peut s’en tenir à un plan simple de gestion.
545Le plan de gestion constitue la partie du plan d’aménagement qui contient les décisions sur
le découpage de la forêt et le calendrier des coupes. Il contient les principales prescriptions
de l’aménagement concernant le programme des exploitations, ainsi que le programme des
travaux pendant la durée d’application de l’aménagement.
546Lorsqu’on fait un rapprochement de l’ensemble de ces dispositions, on retient deux sens
divergents de l’aménagement forestier. Dans un premier sens, il est perçu comme une straté-
gie d’utilisation et d’exploitation rationnelle des forêts pour a�eindre les objectifs que l’État
même leur a assignés. Ce�e approche est celle de la loi béninoise 504.
547Ces objectifs se découvrent à travers les dispositions de l’article 26 du décret no 96-271 du 2
juillet 1996 portantmodalités d’application de la loi no 93-009 du 2 juillet 1993 portant régime
503 Loi no 2004-040 portant régime foncier en République du Niger (8 juin 2004) .504 Loi no 95-357 portant code foncier en République du Sénégal – Partie réglementaire, op. cit., R.11.
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des forêts en République du Bénin : « Le plan d’action favorise le passage de la planification
à la gestion. Il traduit en interventions concrètes les intentions des élus et permet de relier des
projets apparemment isolés à un plan d’action d’ensemble ainsi qu’à des partenaires et à des
budgets. Les plans sont donc un sous-produit des schémas d’aménagement. »
c -) Les schémas d’aménagement rural
548 Toute politique foncière doit être déterminée par une politique d’aménagement. Ce�e poli-
tique, issue lui-même d’un schéma 505 d’aménagement dont les plans sont un outil de mise
en œuvre concrète. La protection et la mise en valeur des terres agricoles et naturelles étant
un enjeu fort pour l’équilibre territorial pour les activités agricoles qui s’y développent, les
États de l’UEMOA ont mis en place des outils d’aménagement de l’espace rural confirmant
l’histoire même du schéma d’aménagement rural 506. En e�et, sur le plan de l’organisation
spatiale, la colonisation allait léguer, des déséquilibres et disparités 507 que les États indépen-
dants vont essayer de résorber, mais en vain, en axant ses premières interventions en matière
d’aménagement territorial sur le monde rural 508, qui sou�rait d’un sous-équipement criard.
Ce qui fait dire, à juste titre à Amadou Diop que « l’aménagement du territoire a une “origine
rurale” et procède de la volonté d’organiser la propriété foncière (Loi sur le domaine national de
1964) et de mieux soutenir la politique de développement agricole » 509.
549 L’aménagement du territoire, conçu globalement comme, « l’expression spatiale des politiques
économique, sociale, culturelle et écologique de toute société » 510. Les enjeux liés à l’occupation
de cet espace l’on rendue déterminante en aménagement, puisque s’y côtoient villes périphé-
riques et centres commerciaux mais aussi exploitations agricoles et espaces naturels 511. En
particulier, la protection des espaces agricoles et naturels est importante pour des raisons de
production alimentaire mais aussi d’entretien du paysage, ce dernier contribuant à la qualité
de vie d’une agglomération.
505 Un schéma est un document d’orientation stratégique pour la plani�cation du territoire ou d’une partie deterritoire. Il fournit une idée de la manière dont devrait se développer ledit territoire selon les objectifs �xésdans l’intérêt général de la Collectivité concernée. Les schémas ont pour caractéristiques d’être �exibles etévolutifs. Ouedraogo (H.) et Yacouba (M.) – Schéma directeur d’aménagement de la commune (SDAC) : guideméthodologique d’élaboration et de mise en oeuvre, Étude réalisée pour le PNUD, Bureau du Niger, 2017, p. 63.506 Si aménager le territoire c’est rechercher la répartition la plus satisfaisante des hommes et des activités deproduction dans un espace géré comme un patrimoine, l’aménagement rural se complique du fait que l’espace yest non seulement patrimoine et support d’activités, mais, essentiellement, instrument de production agricole.507 Déséquilibre entre régions entre les pays ;mais aussi, on peut y ajouter les disparités entre les villes-capitalesrégionaux et leurs périphéries rurales à l’intérieur des pays.508 Alexis Campal, 2009 rapporté par Demba (J. M.) – Aménagement du territoire et prospective territoriale auSénégal : enjeux, limites et perspectives, mémoire de Master 2 Aménagement du Territoire, Décentralisation etDéveloppement Local, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2009–2010, p. 8.509 Diop (A.) – Villes et aménagement du territoire, thèse de doctorat, Université Cheikh Anta Diop de Dakar,2004, 404 p.510 Charte européenne de l’aménagement du territoire, (Torremolinos (Espagne), 20 mai 1983).511 Les espaces agricoles font référence aux terres cultivées et pâtures ; les espaces naturels comprennent les fo-rêts, parcs et habitats naturels. De manière générale, les espaces agricoles et naturels correspondent aux espacesnon bâtis ou aux sols non arti�cialisés.
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550À en croire Chassague, l’aménagement rural s’organise autour de trois grandes questions :
la pression urbaine, le développement rural, la dévitalisation. Il en résulte non pas une mais
trois politiques foncières, di�érenciées selon ce grand zonage de base, ayant chacune son
idée directrice, ses objectifs, ses moyens 512. C’est une répartition en zone selon un usage
spécifique. Ce qui participe à la préservation des zones selon leur destination.
551En recherchant donc la répartition la plus satisfaisante entre les activités anthropiques et les
exigences de protection des ressources naturelles, il est apparu nécessaire pour les État de se
doter des outils d’actions foncières et de maîtrise de l’espace 513.
552Ainsi, pour servir de référence aux politiques nationales dans la mise en valeur des poten-
tialités économiques locales et l’amélioration du cadre de vie des populations, l’UEMOA a
élaboré le Schéma de développement de l’espace régional (SDER) 514 Si le SDER vise l’espace
communautaire, l’essentiel à faire reste au niveau des États. Enmatière d’outils de protection
des espaces agricoles et naturels, certaines techniques sont mises en œuvre essentiellement
au niveau des États, d’autres au niveau local, ces dernières venant souvent en renfort des
premières 515.
553Ainsi, comme en France 516 et aux États-Unis, les États de l’UEMOA ont adopté dans les
législations internes les outils de maîtrise foncière. Ceux-ci participent à la conservation des
espaces agricoles et naturels nécessaires à la population rurale.
512 Chassague (M.-E.) – « Aspects fonciers de l’aménagement de l’espace rural », in : Économie rurale, Amé-nager l’espace? 117 (1977), p. 35–47.513 Il s’agit en réalité des plans d’action foncière (PAF) qui sont devenus au �l du temps des outils d’expertise, deconnaissance et surtout d’aide à la dé�nition d’une stratégie foncière sur le moyen terme pour les collectivitésterritoriales.514 Le SDER est déjà dans sa deuxième phase d’élaboration. Les acteurs du développement spatial de la sous-région Ouest-africaine se sont retrouvés à Bénin Royal hôtel de Cotonou du 07 au 09 novembre 2016 pourré�échir sur le schéma communautaire de l’UEMOA. Cette assise a permis aux participants de faire le bilandiagnostic et des propositions d’orientations stratégiques du SDER. Ils ont donc échangé sur les esquisses dubilan diagnostic provisoire et suscité des ré�exions sur le futur de l’espace UEMOA à l’horizon 2040. Cinqdi�érents pôles ont servi de socle à l’analyse. Il s’agit des pôles « changements climatiques et environnement »,« dynamiques démographiques et urbaines », « infrastructures de développement », « espaces et services productifs »,« espaces, ressources naturelles et cadre institutionnel ».515 AFT – The farmland protection toolbox, 2002, url : www.farmlandinfo.org/documents/%2027761/FS_Toolbox_10-02.pdf.516 En France, les directives de développement incluent les deux schémas clés issus de la loi Solidarité et Re-nouvellement urbains (SRU) en 2000 : le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) et le Plan local d’urbanisme(plu). Le SCOT, innovation principale de la loi SRU (GRY, 2002), remplace le schéma directeur avec une fonctionintégrative à l’échelle supra communale (Casteigts, 2002). Également créé par la loi SRU de l’an 2000, le plu aremplacé le plan d’occupation des sols. Dé�ni par la commune, en association avec les services de l’État, il estapprouvé par le conseil municipal après enquête publique et modi�cations éventuelles. Tout comme un SCOT,un plu comprend un projet d’aménagement et de développement durable qui formalise la vision stratégiquedu plu : un plan pour l’ensemble de la commune avec des projets détaillés par quartier et des engagementsconcrets en termes d’opérations d’aménagement. L’accent est mis sur le renouvellement urbain, la protectionde l’environnement et la qualité architecturale. Le plu dé�nit quatre zones : urbaine (U), urbanisation future(AU), agricole (A) et naturelle (N). Il traite de tous les aspects du développement, y compris la destination desconstructions, l’apparence extérieure des bâtiments, le tracé des voies et les secteurs à protéger. SCOT et pluont pour objectif, entre autres, de protéger les espaces agricoles et naturels.
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554 Ainsi, tirant la conséquence de la mise en œuvre d’un SDER au niveau régional, les États
étudiés ont élaboré des schémas qui vont du niveau national au niveau local comme outil de
stratégie de développement durable.
555 Pour le Bénin, à la suite d’un long cheminement, le besoin de doter le pays d’un cadre de
référence cohérent s’est a�irmé, pour assurer la coordination des actions d’aménagement et
de développement, sur une période de quinze ans. Il a donc été décidé d’élaborer un Schéma
national d’aménagement du territoire (Snat) sous la forme d’un « Agenda spatial ». On peut
lire à travers le schéma ce qui suit : En tant qu’outil de planification spatiale, le document
vise à remplir les fonctions suivantes :
— concrétiser le principe constitutionnel du développement équilibré des territoires ;
— renforcer l’a�ractivité et la compétitivité des territoires ;
— donner plus de visibilité aux politiques sectorielles, en o�rant un cadre de référence et
de mise en cohérence spatiale ;
— traduire, dans l’espace, les cinq grands piliers économiques de développement pour
« un Bénin émergent » ;
— perme�re à l’État de mieux tenir compte des potentialités et des contraintes de chaque
partie du territoire national ; dans le cadre de ses programmes d’investissement ;
— perme�re de suivre, au fil du temps, l’évolution des indicateurs de cohérence spatiale
et de l’équité territoriale 517.
556 Mais avant l’adoption de cet agenda spatial, c’est la loi sur l’aménagement du territoire qui
dispose en terme de finalité que l’aménagement du territoire vise :
— le développement harmonieux de l’ensemble du territoire national et de chaque subdi-
vision territoriale ;
— la répartition équitable des facteurs de production, conformément aux potentialités
disponibles sur l’ensemble du territoire national ;
— l’accès de tous les citoyens aux infrastructures, équipements ou services sur l’ensemble
du territoire national ;
— la gestion rationnelle des ressources naturelles ;
— la protection du patrimoine naturel et culturel contre les dégradations nées de l’action
humaine 518 .
557 Pour le Burkina Faso, dans une logique de réduction des disparités inter et intra régionales,
la promotion des pôles de développement repose sur la base des potentialités des régions,
517 Agenda spatial du Bénin, MDAEP, UE, 2016, p. 15.518 Loi no 2016-06 portant loi-cadre sur l’aménagement du territoire en République du Bénin (26 mai 2016) ,art. 12.
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La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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le renforcement des infrastructures économiques ainsi que le désenclavement du territoire
national.
558Ici, le Schéma national d’aménagement et de développement durable du territoire (SNADDT),
fruit d’un long proces sus pleinement participatif et inclusif entrepris depuis 2006, constitue
l’instrument de planification spatiale devant perme�re l’opérationnalisation de cet engage-
ment politique en matière d’aménagement et de développement durable du territoire du
Burkina Faso. C’est fort de cela que le Gouvernement a adopté au cours du Conseil des Mi-
nistres du 05 janvier 2017, le Schéma national d’aménagement et de développement durable
du territoire (SNADDT), élaboré sous la conduite duMinistère de l’économie, des finances et
du développement (MINEFID). Le SNADDT constitue un projet national bâti sur une volonté
politique axée sur le développement territorial. Ses orientations doivent constituer désormais
pour tous les acteurs de développement, une boussole pour toute action d’investissement sur
l’espace.
B - Les moyens opérationnels de conservation
559En prévoyant dans les législations foncières et naturelles, les outils visant la conservation,
les États étudiés ont aussi prévu les moyens de mis en œuvre. Si les droits fonciers ruraux
des États étudiés comprennent les zones de classement dans un but de conservation, les
gouvernements multiplient aussi les projets ou programmes de conservation des ressources
foncières rurales et naturelles qui concourent au même but. Ainsi l’on note une diversité
d’aires protégées (AP) qui selon certains auteurs constituent, depuis de nombreuses décen-
nies, l’approche prédominante en matière de conservation de la biodiversité 519.
1 Un régime diversifié d’aires protégées
560Espaces géographiques clairement définis, reconnus, consacrés et gérés par tous moyens ef-
ficaces juridiques ou autres afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi
que les services écosystèmes et les valeurs culturelles qui leur sont associées, les aires pro-
tégées se heurtent aux pressions des populations environnantes cherchant à satisfaire leurs
besoins économiques. Ce�e action anthropique menace d’extinction la diversité biologique
de certains de ces aires protégées notamment par l’agriculture ; l’élevage, le braconnage, la
carbonisation, le feu de brousse incontrôlé et même des constructions anarchiques.
519 Pour se convaincre de cette vision lire : Fournier (A.), Sinsin (B.) et Mensah (G. A.) (dir.) – Quelles airesprotégées pour l’Afrique de l’Ouest ?, Marseille : IRD Éditions, 2007, 606 p. ; Anthelme (F.), de Boissieu (D.) etMato (M. W.) (dir.) – Conditions écologiques et socioéconomiques de la réserve naturelle nationale de l’Aïr-Ténéréet de ses zones connexes : état des lieux et propositions pour la mise en place d’un système de suivi à long terme,Roselt, Niger : IRD Éditions, UICN, 2005, Fotso (R. C.) – « Risques écologiques, projets intégrés et préoccupa-tions locales (Cameroun) », in : Administrer l’environnement en Afrique. Gestion communautaire, conservation etdéveloppement durable, sous la dir. de Compagnon (D.) et Constantin (F.), Paris : Karthala, Ifra, 2000.
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561 En e�et, la conjoncture socio-économique actuelle des pays africains, en général, oblige les
populations à s’en prendre à la faune, à la flore et aux terres de ces aires protégées pour
survivre, le grand impuissant de l’État et de ses organes de surveillance.
562 En e�et, les législations des pays étudiés ont défini plusieurs catégories d’aires protégées
avec, pour chacune, un statut particulier. Les aires protégées sont des espaces qui bénéficient
de mesures spéciales de protection et de gestion de la faune.
563 Plusieurs activités y sont soit interdites, soit étroitement contrôlées, soit permises, selon leurs
activités respectives. Ainsi, dans la majorité des États, on distingue les réserves naturelles
intégrales, les parcs nationaux, les réserves de faune, les réserves spéciales ou sanctuaires de
faune, ainsi que d’autres types d’aires protégées dans certains cas. ? Les réserves naturelles
intégrales.
564 Ce sont en général des espaces réservés pour perme�re le libre jeu de facteurs naturels sans
aucune intervention extérieure, à l’exception des mesures de sauvegarde nécessaires à leur
existence même. Tout prélèvement et toutes autres formes d’exploitation (forestière agricole,
minière, etc.) susceptibles de nuire ou d’apporter des perturbations à la faune et à la flore
y sont interdits. Toute intervention en leur sein doit faire l’objet d’une autorisation spéciale
délivrée par le ministre compétent.
565 Leur appellation peut être di�érente d’un pays à un autre. La loi burkinabè parle de réserve
totale, les textes, béninois, sénégalais et togolais de réserve naturelle intégrale. Leur création
relève soit du domaine de la loi 520, soit du domaine du règlement 521.
a -) Les parcs nationaux
566 Le projet de texte béninois donne une définition complète de la notion de parc national :
« C’est une aire a�ectée à la conservation et à la propagation de la faune et de la flore sauvage
et de la diversité biologique, à la protection des sites, paysage et formations géologiques d’une
valeur esthétique particulière, ainsi qu’à la recherche scientifique, à l’éducation et la récréation
du public. » (article 17 du projet de loi).
567 Sont prohibés, à l’intérieur des limites des parcs nationaux, le pâturage, les défrichements,
la chasse, l’exploitation agricole, forestière ou minière, le dépôt des déchets, les activités
polluantes, les feux incontrôlés et, en général, tout acte incompatible avec la conservation et
la protection dumilieu considéré. Seules des activités de tourisme de vision y sont autorisées,
les conditions d’entrée, de circulation et de séjour des visiteurs étant réglementées. Les parcs
520 Article 13 de la loi burkinabé, article 21 de loi béninoise.521 Loi no 2008-09 portant Code forestier en République du Togo (19 juin 2008) , art. 91 et 109 ; Loi no 2013-01portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 7.
210 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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nationaux sont créés, soit par une loi (Bénin, Burkina-Faso, Niger), soit par un décret (Togo,
Sénégal).
b -) Les réserves de faune
568Ce sont des espaces a�ectés à la conservation, la gestion et la propagation de la faune ainsi
qu’à l’aménagement de ses habitats. Dans ces réserves, la chasse, la capture des animaux
sauvages et les autres activités sont soit interdites, soit strictement limitées et exercées sous
le contrôle des autorités. Ces types de réserves sont créés dans la plupart des États par décret.
Il en est ainsi au Bénin, au Burkina-Faso et au Sénégal. Au Togo, c’est un arrêté du ministre
chargé des ressources forestières qui les institue. Ce�e situation est plus flexible lorsqu’il
s’agit d’un décret signé par le Président de la République.
c -) Les réserves spéciales ou sanctuaires de faune
569Elles sont définies dans la plupart des législations comme des aires destinées à la protection
de communautés caractéristiques de faune, plus spécialement des oiseaux sauvages et des
espèces animales particulièrementmenacées, ainsi que les biotopes indispensables à leur sur-
vie. Dans ces réserves, toute activité est subordonnée à la réalisation de l’objectif spécifique
pour lequel elles ont été créées. Par ailleurs, tout aménagement doit favoriser les animaux
dont la protection est recherchée. Elles sont créées dans la plupart des cas par décret, sauf
au Togo ou le ministre chargé des ressources forestières les met en place par arrêté.
d -) Les autres types d’aires protégées
570Plusieurs autres types d’aires protégées sont prévus par les législations ouest-africaines. Il
en est ainsi des réserves de la biosphère, qui sont des aires portant sur des écosystèmes
ou une combinaison d’écosystèmes terrestres, côtiers et marins reconnus au niveau inter-
national dans le cadre du programme de l’Unesco sur l’Homme et la Biosphère (Mab). Ce
type d’aire protégée n’est pas cité parmi les catégories qui ne peuvent être créées que par
les législations burkinabè et togolaise. La loi burkinabè la définit comme « une réserve na-
tionale déclarée comme bien du patrimoine mondial en raison de ses spécificités biologiques,
écologiques, culturelles ou historiques particulières ».
571Les textes, sénégalais, nigérien, n’en parlent pas. Le projet de loi béninois contient une dispo-
sition qui, par extrapolation, peut intégrer ces réserves de la biosphère. En e�et, aux termes
de son article 15, « les aires déclarées protégées avant la date de la promulgation de la présente
loi le demeurent ».
572Par ailleurs, l’article 14 du même texte précise que, « en plus des di�érentes catégories d’aires
protégées visées à l’article 5 de la présente loi, il pourra être créé d’autres types d’aires protégées,
notamment en application des conventions internationales auxquelles le Bénin est partie ». En
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 211
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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fait, toutes les autres lois contiennent une formule semblable qui ouvre des perspectives de
création future.
573 D’autres formes d’aires protégées existent également dans les États de la sous-région. Ce
sont les zones d’intérêt cynégétique, qui sont des parties de territoire où le gibier et la chasse
présentent un intérêt économique ou scientifique majeur et où la faune est susceptible d’être
portée et maintenue à un niveau aussi élevé que possible en vue de son étude scientifique
ou de son exploitation rationnelle à des fins touristiques ou récréatives.
574 Il apparaît ainsi, de façon assez ne�e, que les législations ouest-africaines ayant consacré
plusieurs catégories d’aires protégées ont tendance à donner aux organes politiques les plus
élevés de l’état (le Président de la République ou l’assemblée législative) le pouvoir de créer
les aires protégées les plus représentatives. Comme les réserves naturelles intégrales les parcs
nationaux et, parfois, même les réserves de la biosphère. Les autres catégories relèvent pour
l’essentiel de la compétence des ministres et des autorités locales.
575 Les aires protégées constituent une grande partie du domaine forestier de l’État. La problé-
matique de leur conservation est la même alors que les stratégies et actions pour y parvenir
ne sont pas harmonisées. L’absence d’une vision participative dans la mise en œuvre des
stratégies de protection avait conduit à une hostilité des populations envers les législations
de protection des aires. En e�et, à leur élaboration, les premiers textes juridiques pris en la
matière méconnaissaient les droits des populations et manquaient d’harmonie nécessaire
entre les pratiques endogènes et les stratégies légiférées. Ce�e situation a conduit dès le
début des années 1990, à la faveur du réveil des sensibilités démocratiques, à une violation
sans retenue de la réglementation par les populations.
576 Au regard de ces conflits, la leçon a été tirée par les pouvoirs publics qui se sont engagés dans
une approche participative pour la mise à jour de l’arsenal juridique existant ou pour l’édic-
tion de nouvelles normes. Associer les populations locales à la création et à la gestion des aires
protégées est devenu dès lors la nouvelle donne en vogue. Cela se justifie d’ailleurs au regard
des observations faites par certains travaux de recherche sur la qualité de la protection de
la faune sauvage par les États africains au Sud du Sahara, qui trouvent dans l’aménagement
de réserves ou d’espaces protégés un fait paradoxal, à plusieurs égards.
577 D’abord, la création d’aires protégées a souvent suscité des résistances au sein des commu-
nautés qui se prévalent des droits de premiers occupants des terres. Ensuite, l’ine�ectivité de
surveillance des espaces protégés est une source d’alimentation d’une économie souterraine,
illégale et entretenue par les circuits informels du braconnage et du commerce d’espèces
protégées.
578 Enfin, la logique judiciaire qui tolère le braconnage et incrimine les gardes faunes et les
212 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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forestiers accusés d’avoir maltraité le délinquant est antinomique de l’objectif poursuivi par
l’installation des aires protégées. Malgré les avantages qu’o�rent les pouvoirs publics dans
leur reproche centralisateur, l’implication des communautés villageoises ne saurait plus être
une donnée de second rang dans la politique de conservation de la vie sauvage. Un régime
élaboré des forêts dans les divers États de l’Afrique de l’Ouest devra tenir compte de ce�e
approche pour susciter l’adhésion des hommes du territoire.
2 La mise en œuvre des projets et programmes de conservation
579Les pays africains ont été confrontés à plusieurs défis environnementaux liés au changement
climatique et la désertification. Pour faire face à ces défis, plusieurs e�orts ont été déployés
par les pays pour me�re en œuvre des projets et programmes relatifs à la lu�e contre la
désertification, la gestion des ressources naturelles et à l’amélioration des conditions de vie
et des revenus des populations, en particulier dans les zones rurales.
580Ces e�orts sont inspirés à deux niveaux, à savoir : les projets/programmes mis en œuvre à
l’échelle régionale ou sous régional et ceux mis en œuvre au niveau national par les États 522.
a -) Projets/programmes d’inspiration régionale ou sous régionale
581Pour traduire en acte les engagements pris à l’échelle internationale pour la conservation
des ressources foncières rurales et naturelles, les instances sous régionales de coopération
ont initié en faveur des États membres plusieurs projets ou programme visant l’a�einte de
cet objectif.
582En Afrique de l’ouest, en lien avec d’autres organisations en l’occurrence la CEDEAO, l’UE-
MOA met en œuvre plusieurs projets ou programmes dont l’objectif est de promouvoir la
conservation des ressources naturelles et foncières dans les États membres. En témoignent
plusieurs les cas ci-après.
583L’un des programmes qui traduit l’engagement pris par les États en ratifiant la convention
sur la diversité biologique en action est la Politique des ressources en eau de l’Afrique de
l’ouest (PREAO), adoptée en décembre 2008 avec son volet thématique « Eau et assainisse-
ment » de la Résolution des Nations Unies de juillet 2012 relative au rapport de la Conférence
522 Il est nécessaire ici de faire une clari�cation entre la notion du projet et celle de programme. En e�et, unprojet se �xe sur les livrables, et est généralement plus court et plus structuré. Quand les livrables sont enplace, le projet est �ni. Un programme est une initiative plus longue, qui est souvent plus �exible et livre unou plusieurs objectifs plus stratégiques. Le programme se focalise sur la livraison de changements – quand lesbéné�ces du changement sont en place, le programme est �ni. Il est donc à retenir que la distinction entre lesdeux notions se trouve aussi bien sur la durée que sur les résultats à livrer au terme de l’action. Pour renforcercette distinction, voir : Ball (J.) – Projet ou Programme? Il y a plus que la simple question de la taille, mar. 2014,url : https://dantotsupm.com/2014/03/05/projet-ou-programme-il-y-a-plus-que-la-simple-question-de-taille-par-je�-ball/.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 213
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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des Nations Unies sur le développement durable de Rio +20. L’objectif général de la politique
régionale de l’eau est de contribuer à la réduction de la pauvreté et au développement du-
rable en orientant la Communauté et ses États membres vers une gestion des ressources
en eau conciliant développement économique, équité sociale et préservation de l’environne-
ment 523. De façon spécifique, la PREAO 524 vise à susciter le développement d’orientations
communautaires en termes de gestion de l’eau, à favoriser l’harmonisation et l’intégration
des politiques nationales et régionales relatives aux ressources en eau, à inciter les États à
développer leur cadre de gestion de l’eau au niveau des pays et des bassins transfrontaliers
d’Afrique de l’Ouest en conciliant développement économique, équité sociale et préservation
de l’environnement.
584 Plus tard, en mars 2009, les Maires et autorités locales et régionales des di�érentes parties du
monde s’étaient réunis à Istanbul pour exprimer leur adhésion au Pacte d’Istanbul sur l’eau
en vue de développer des stratégies de gestion de l’eau mieux adaptées aux changements de
notre planète 525.
585 Le NEPAD, l’UEMOA, la CEDEAO, le CILSS ont initié des programmes allant dans le sens de
lamise enœuvre des conventions en vue d’améliorer la gestion des ressources naturelles pour
s’adapter au changement climatique et d’améliorer les conditions de vie des populations,
surtout rurales. Dans la même logique on peut se référer à bien d’autres programmes.
586 Le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) 526 a été ap-
prouvé par les chefs d’états et gouvernements africains en tant que cadre de la restauration
de la croissance agricole, de la sécurité alimentaire et du développement rural en Afrique.
L’objectif principal du PDDAA est un développement mené par l’agriculture et qui élimine
la faim, réduit la pauvreté et l’insécurité alimentaire, menant ainsi la voie vers l’expansion
des exportations. Il est assis sur quatre piliers à savoir : la gestion durable des terres, l’amé-
lioration de l’infrastructure rurale, l’augmentation de l’approvisionnement alimentaire et la
recherche agricole. Le PDDAA intervient dans deux domaines interdisciplinaires. Il s’agit du
domaine de renforcement des formations et du domaine des informations pour les straté-
gies agricoles. Le PDDAA visait six accomplissements 527 avant l’an 2015. «Grâce à la mise en
523 Document de la Politique des ressources en eau de l’Afrique de l’Ouest, UEMOA, CILSS, déc. 2008, p. 13.524 La CEDEAO, en concertation avec l’UEMOA et le CILSS, dé�nit le plan d’action de mise en oeuvre de cettepolitique, notamment à travers la réactualisation du Plan d’action régional de la gestion intégrée des ressourcesen eau (PARGIRE).525 5e Forum mondial de l’eau, (Istanbul, 22 mar. 2009).526 Résumé des documents du PDDAA, Rédigé par le secrétariat du Nepad, 2012, p. 2.527 Il s’agit de : Amélioration de la productivité de l’agriculture pour atteindre un taux de croissance annuellede 6 pour cent, en se concentrant particulièrement sur les petits fermiers et surtout sur les femmes exploitantes,avoir créé des marchés agricoles dynamiques au sein des pays et entre les régions ; avoir intégré les fermiersdans l’économie de marché et avoir amélioré l’accès aux marchés pour devenir exportateurs nets de produitsagricoles ; avoir accompli une plus juste distribution des richesses ;avoir acquis le rôle d’acteur stratégique dansla science de l’agriculture et dans le développement des technologies ; pratiquer de solides méthodes de produc-tion et avoir obtenu une culture de la gestion durable de la base des ressources naturelles.
214 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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œuvre du PDDAA au cours de la dernière décennie, on a pu mieux apprécier l’importance des
aspects multisectoriels et des interdépendances intersectorielles pour l’agriculture africaine. En
conséquence, on a identifié les moyens pratiques d’aborder ces questions lors de la mise en place
des partenariats, du renforcement de la coordination ainsi que de la promotion de l’alignement
et de l’harmonisation des politiques. 528 » La mise en œuvre du PDDAA dans la CEDEAO re-
pose sur deux catégories d’instruments complémentaires 529. Le PRIA a été élaboré en 2005
après l’adoption de la politique agricole régionale (ECOWAP) pour couvrir les périodes de
2006-2010 et 2011-2025 530. C’est entre 2008 et 2009 qu’a eu lieu l’élaboration et l’adoption
des Programmes régionaux et nationaux d’investissement agricole (PRIA et PNIA) par les
États membres. La mise en œuvre s’est faite selon les contextes et les priorités des pays.
587En plus du PRIA et des PNIA, il y a eu le Programme régional de gestion durable des terres
et d’adaptation au changement climatique au Sahel et en Afrique de l’Ouest (PRGDT) 531.
Le PRGDT crée les conditions politiques, stratégiques et techniques pour que les acteurs
locaux puissent définir, me�re en œuvre et gérer des actions de gestion durables des terres
qui améliorent leurs revenus et réduisent leur vulnérabilité au changement climatique 532.
588Toujours au niveau régional, les institutions régionales notamment les États de l’UEMOA
dans le cadre des e�orts de la CEDEAO et du CILSS ont initié le Programme d’action contre
la désertification en Afrique de l’ouest (PASR) dont les objectifs du PASR sont en étroite
relation avec l’esprit de la CCD 533 et visent l’a�einte de l’objectif global de ce�e Conven-
528 Union africaine et Népal, Cadre de résultats du PDDAA 2015 -2025, « Vers des résultats et des impacts »,« Soutenir la dynamique du PDDAA » encadré 3, p.7.529 Il s’agit du Plan régional d’investissements agricoles (PRIA) et des plans nationaux d’investissement agri-coles (PNIA). Les PNIA re�ètent les visions, ambitions et priorités des États, tandis que le PRIA prend en chargeles dimensions régionales pour compléter les e�orts nationaux.530 Fofana (I.) – Évaluation de la mise en oeuvre du PRIA de la CEDEAO, 15 jan. 2016, url : www.foissam.net.531 �le:///C:/Users/User/Downloads/CZZ201607_DC3A9gradation20Terres_CILSS_VF.pdf532 Le projet s’articule autour de cinq composantes techniques : une durée prévisionnelle de 5 ans : (1) Mise enoeuvre d’un programme d’investissement pour la récupération des terres dégradées pour améliorer la produc-tion agro-sylvo-pastorale ; (2) Appui à la mise en oeuvre du programme d’action sous-régional de lutte contrela déserti�cation en Afrique de l’Ouest et au Tchad ; (3) Production et gestion des connaissances et des techno-logies et renforcement des capacités sur la gestion durable des terres et l’adaptation au changement climatique ;(4) Amélioration de la gouvernance des ressources naturelles et de l’adaptation au changement climatique. (5)Plani�cation des actions de gestion durable des terres, sont mises en oeuvre et renforcent les capacités de l’en-semble des acteurs locaux dans un certain nombre de communes pilotes. En parallèle, des connaissances surles conditions techniques, environnementales et socio-économiques de l’amélioration de la gestion durable desterres sont produites, capitalisées et di�usées au sein des di�érents réseaux d’acteurs ouest- africains.533 Convention to Combat Déserti�cation / Convention des nations unies sur la lutte contre la déserti�cation.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 215
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tion 534 qui est de « lu�er contre la désertification et d’a�énuer les e�ets de la sécheresse dans
les pays touchés gravement par la sécheresse ou la désertification, en particulier en Afrique, cela
grâce à des mesures e�icaces à tous les niveaux, appuyés par des arrangements internationaux
de coopération et de partenariat, dans le cadre d’une approche intégrée compatible avec le pro-
gramme Action 21, en vue de contribuer à l’instauration d’un développement durable dans les
zones arides » 535. Ainsi, les pays membres du CILSS et de la CEDEAO prenaient la décision en
juillet 1995 à Dakar de coopérer à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un Programme d’ac-
tion sous régional de lu�e contre la désertification pour l’Afrique de l’Ouest et du Tchad 536.
589 L’Afrique de l’Ouest a été conçue comme un cadre de référence à partir duquel tous les ac-
teurs impliqués dans la gestion des ressources partagées et/ou transfrontalières devraient
concevoir leurs programmes et projets, de manière à constituer dans chacun des huit do-
maines prioritaires retenus, une masse critique su�isante pour inverser les tendances ac-
tuelles à la dégradation des ressources. Dans le même temps et à l’e�et de créer les syner-
gies nécessaires dans les actions entre les di�érents acteurs, le PASR s’est fixé pour objectif
également d’assurer une harmonisation des PAN-lcd des 17 pays membres du CILSS et de
la CEDEAO 537. La Convention prévoit que les pays touchés se consultent et coopèrent pour
élaborer, selon qu’il convient, des programmes d’action sous régionaux en vue d’harmoniser,
de compléter et de rendre plus e�icaces les programmes nationaux (art. 11 de la Convention).
Il avait été recommandé lors de la cinquième session du CSRC du PASR à Ouagadougou du
16 au 17 Juillet 2008, de réactualiser le document du PASR1 (PASR2) 538.
590 Tous ces projets/programmes initiés au niveau régional ou sous régional, témoignent bien de
la volontémanifeste des Étatsmembres l’UEMOAde trouver desmoyens de conservation des
ressources foncières et naturelles. Il est certain que ce�e liste n’est pas exhaustive, d’autres
nouvelles ou anciennes initiatives doivent être en cours avec les objectifs allant dans le même
534 Lors de la Conférence des nations unies sur l’environnement et le développement qui s’est tenue en 1992 àRio de Janeiro, il fut décidé à la requête des pays africains notamment, de négocier une nouvelle convention, laConvention internationale de lutte contre la déserti�cation. Des accords internationaux comparables, commeles conventions sur les changements climatiques et la biodiversité, traitent de problèmes généraux de l’envi-ronnement qui semblent prioritaires, surtout aux yeux des pays industrialisés. Par contre, la proposition d’uneConvention internationale de lutte contre la déserti�cation re�ète la volonté spéci�que des pays en dévelop-pement de mettre en place des règles internationales pour résoudre le problème de la déserti�cation qui dansces pays a�ecte surtout l’environnement et le développement. Les 14 et 15 Octobre 1994 a été signée à Paris laconvention des Nations Unies sur la lutte contre la déserti�cation. Elle est entrée en vigueur le 26 décembre1996. À la date du 02 mars 1998, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et le Tchad l’avaient rati�ée.535 http://www.CILSS.int/index.php/2016/05/22/613/536 Les pays concernés sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, laGuinée-Bissau, la Guinée (Conakry), le Libéria, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra-Léone, le Togo et le Tchad.537 Afrique de l’Ouest, 3ème Rapport sur la mise en oeuvre de la CCD, Févier 2005, p.5.538 Alignement du Pasr sur le plan stratégique décennal de l’Unccd avec l’accompagnement du Secrétariat dela Ccd et du Mm; prise en compte des di�érents changements de contextes (institutionnels, politiques et mé-canismes �nanciers, cadres d’action, etc.) intervenus aux plans sous- régional, régional et international depuis1999.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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sens.
591Au même moment où l’organisation d’intégration économique s’évertue par des initiatives
propres ou en coopération à me�re en œuvre des programmes de conservation, les États
membres, sur le plan national, conjuguent leurs e�orts dans le même sens. Ces e�orts sont
traduits par les mises en œuvre des projets ou programme nationaux de conservation des
espaces ruraux et naturels soit par l’appui des partenaires techniques et financiers ou à l’aide
du budget national.
b -) Projets/programmes mis en œuvre à l’échelle nationale par les États
592L’engagement des États étudiés pour la sauvegarde des ressources foncières et naturelles
s’est non seulement révélé au niveau de l’UEMOA mais également au plan interne des États.
593Des projets/programmes adoptés au niveau régional ou sous régional sont parfois repris et
mis en œuvre selon les contextes dans tous les pays signataires de ces programmes. C’est
le cas des Projets de gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) qui sont mis en œuvre
dans tous les pays. Il en est de même pour les PNIA et les PANA basés sur les orientations
du PDDAA. On retrouve ces programmes dans les pays de la sous-région tels le Bénin, le
Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Sénégal. C’est sur ces cinq pays de l’UEMOA
que notre recherche s’est faite.
594L’un des premiers programmes nationaux que l’on retrouve dans les cinq pays est le PAN-
GIRE : Plan d’action national de gestion intégrée des ressources en eau (ou PANGIRE). En
e�et, à partir du Plan d’action régional de la gestion intégrée des ressources en eau (PAR-
GIRE) prévu par la Politique des ressources en eau de l’Afrique de l’Ouest, les pays ont adopté
au niveau national des projets/programmes. Ces programmes visent à contribuer à la réduc-
tion de la pauvreté et au développement durable en initiant des actions pour une gestion
des ressources en eau conciliant développement économique, équité sociale et préservation
de l’environnement. Chaque pays met son programme en œuvre en tenant compte de son
propre contexte. Le Bénin, tout en œuvrant pour garantir l’eau en quantité et en qualité pour
tous les usages, s’est inscrit dans ce�e logique en optant pour une gestion rationnelle, e�i-
ciente et durable des ressources en eau dont les grands principes sont regroupés dans ce qu’il
est convenu d’appeler «Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) » 539.
595Au plan interne, le Bénin s’est engagé dans un processus participatif dans le but de se doter
de façon consensuelle des principaux outils de ce�e gestion salvatricemais contraignante des
539 Il faut ajouter qu’au plan sous-régional, le Bénin a activement participé à la conférence ouest africaine surla Gire de mars 1998 qui a abouti à la déclaration de Ouagadougou, à l’élaboration du Plan d’action régional deGire pour l’Afrique de l’Ouest adopté en décembre 2000, et à la création d’un cadre permanent de coordinationet de suivi de la Gire (Unité de coordination des ressources en eau) au sein de la CEDEAO adopté en décembre2001.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 217
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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ressources en eau. Dans le contexte de l’Agenda 21 et de la Déclaration de Rio sur l’environ-
nement et le développement, le Burkina Faso a adopté et démarré en 2003 la mise en œuvre
de son Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau (PAGIRE) couvrant la
période 2003-2015. Une réelle dynamique de participation des acteurs à divers niveaux dans
la gestion des ressources en eau à travers la mise en œuvre du Plan d’action pour la gestion
intégrée des ressources en eau (PAGIRE 2003-2015) 540. En Côte d’Ivoire, le Projet d’appui à
l’alimentation en eau potable en milieu rural et au raccordement de 100 centres de santé
au réseau public d’eau potable a été conduit dans le même sens. C’est un projet parmi tant
d’autres qui a permis la réalisation de 99 forages équipés de pompes à motricité humaine
dans les zones des montagnes. . . 541 Au Niger, c’est à travers le PNAEPA, que les orientations
de la GIRE ont été prises en compte. Au Sénégal aussi, la mise en œuvre la GIRE est e�ec-
tive 542. Mis en place du partenariat national de l’eau du Sénégal (PNES) et le Programme
d’action prioritaire du PAGIRE (PAP-PAGIRE) pour la période 2008-2015.
596 Pour la mise en œuvre du PDDAA, les Programmes nationaux d’investissement agricole
(PNIA) ont été mis en œuvre. Les PNIA constituent une évaluation chi�rée du volume des
investissements nécessaires dans le secteur agricole, pour engranger un taux de croissance
d’au moins 6% par an, taux jugé indispensable pour espérer réduire de moitié la pauvreté
à l’horizon 2015. La programmation couvre tous les sous-secteurs de l’agriculture, de l’éle-
vage et de la pêche. Les PNIA fédèrent les priorités des acteurs nationaux en matière de
développement agricole 543.
597 Au Bénin par exemple, les orientations du PDDAA ont permis de renforcer la Stratégie de
croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) par le biais du Plan stratégique de relance
du secteur agricole (PSRA) duquel découle le Programme national d’investissement agricole
(PNIA) comportant des actions structurantes 544. Le PNIA est le plan d’opérationnalisation
du PSRA. Le 3 octobre 2017 dernier, un atelier national qui a connu la présence du directeur
de cabinet du ministère de l’agriculture et du développement rural a permis la validation du
PNIA 2 (2018-2025) 545. À l’instar de tous les pays de la sous-région, Le Niger s’est engagé
depuis octobre 2006 dans le processus de mise en œuvre de l’agenda de Programme détaillé
du développement de l’agriculture africaine (PDDAA) et de la Politique agricole commune
de la CEDEAO (ECOWAP), comme faisant partie des e�orts nationaux de promotion du
développement du secteur agricole et de la croissance économique. Ce processus s’est inscrit
540 Projet de Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau du Burkina Faso 2016-2030.541 www.ci.undp.org.542 Dia (A. S.) – Gestion intégrée des ressources en eau : Mise en oeuvre du Pagire et Perspectives, 7e revue annuellesectorielle conjointe, PEPAM, 2013, 49 p.543 Revue de la mise en oeuvre des PNIA et intégration des orientations des programmes/initiatives régionaux et desproblématiques émergentes, Atelier régional, (Ouagadougou, Burkina Faso, 26–30 juin 2013), CEDEA, NEPAD.544 Pacte Ecowap/PDDAA du Bénin, 16 octobre 2009. p.2.545 www.gouv.ci
218 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie de développement rural (SDR) 546.
598Au Sénégal, le Plan national d’investissement agricole (PNIA) et le plan d’investissement (PI)
traduisent l’opérationnalisation au niveau national du Plan détaillé pour le développement
de l’agriculture en Afrique (PDDAA). Les PNIA couplés à d’autres plans ou stratégies selon
les pays ont été réalisés simultanément dans les di�érents pays d’Afrique de l’Ouest dans le
cadre de l’élaboration de l’ECOWAP, la politique agricole régionale de la CEDEAO. Celle-ci
a en e�et été désignée dès 2005 comme cadre de référence pour la mise en œuvre du PDDAA
en Afrique de l’Ouest 547. Tous ces programmes nationaux sont basés sur les principes du
PDDAA de la CEDEAO.
599De façon spécifique sur la lu�e contre la désertification, les États ont mise en œuvre les
Programmes d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANA) : L’éla-
boration des Programmes d’action national pour l’adaptation (PANA) s’est déroulée dans
tous les pays de la CEDEAO. Il s’agit d’un processus qui s’inscrit dans la mise en œuvre
la ratification de la Convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) 548, en 1994, est un acte politique par lequel les pays se sont engagés à assurer
leur part de responsabilité en matière d’a�énuation des émissions de gaz à e�et de serre
et en matière de développement de mesures d’adaptation des populations aux e�ets des
changements climatiques. Ces programmes mis en œuvre visent à perme�re de préciser les
niveaux de vulnérabilité 549 des moyens d’existence et des acteurs du développement socio-
économique et de déterminer les besoins d’adaptation prioritaires et urgents au regard des
ressources et capacités d’intervention dont disposent les groupes sociaux concernés dans les
pays respectifs. Dans le même sens, les Programmes d’action nationale de lu�e contre la
désertification (PAN/LCD) ont été mis en œuvre dans les pays du CILSS comme le Niger, le
Burkina 550.
600Ces trois programmes cités ici comme initiatives nationales menées de façon simultanée
dans les pays de la sous-région, constituent des preuves irréfutables de la recherche et de
546 Plan d’investissement PNIA/SDR Niger, Comité interministériel de pilotage de la SDR, juin 2010, p. 1.547 Benkahla (A.) – Analyse du plan national d’investissement dans le secteur agricole du Sénégal,IPAR/CNCR/ActionAid, avr. 2011, p. 1.548 Extrait de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Programme d’actionnational d’adaptation aux changements climatiques du Bénin (Pana-Bénin), janvier 2008, Résumé exécutif, p.viii.549 L’évaluation de la vulnérabilité e�ectuée avec les populations a permis, entre autres, de préciser la percep-tion des changements climatiques vécus par les populations concernées ; évaluer les e�ets néfastes des change-ments climatiques sur les populations, les ressources naturelles et les activités socio-économiques ; analyser lavulnérabilité des moyens et modes d’existence aux variations actuelles du climat et aux phénomènes météoro-logiques extrêmes ; Répertorier les mesures d’adaptation adoptées par les populations dans di�érents secteursd’activités ; identi�er les besoins d’adaptation ressentis par les populations mais non satisfaits faute de res-sources ; noter les besoins d’adaptation pris en compte dans le Programme de développement communal dechaque localité ; déterminer les options prioritaires dont les populations souhaitent la mise en oeuvre urgente ;prendre connaissance des critères proposés par les populations pour la sélection des options prioritaires auniveau départemental et national.550 www.devenet.free.fr
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 219
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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1
l’adoption des politiques par les États pour faire face aux CC et améliorer les conditions
de vie des populations. La liste est bien longue et continuera à s’allonger, parce que les di-
rigeants des pays de la CEDEAO, de l’UEMOA et du CILSS ont bien cerné les enjeux liés
à la création des conditions favorables au bien-être des populations. Ils ne s’arrêteront pas
en si bon chemin produisant déjà des résultats assez importants sur les populations. Outre
les multiples initiatives rencontrées dans tous les pays sous plusieurs formes, les initiatives
« individuelles » se prennent également au niveau de chaque pays. On rencontre entre autres,
Le Programme de conservation et de gestion des ressources naturelles (PROCGRN) mis en
œuvre au Bénin.
601 Au Bénin, en dépit des potentialités de production et des réserves de productivité disponibles
dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie et de l’élevage, les méthodes de productions
pratiquées ne perme�ent plus à la population qui connaît une expansion rapide, d’assurer
convenablement sa subsistance. Le problème central qui découle de ce�e situation est que
les rendements des di�érentes productions ne cessent de chuter. Pour faire face à ce�e situa-
tion, le Programme de conservation et de gestion des ressources naturelles (PROCGRN) a
été institué. Ce programme est financé par la République du Bénin et par le ministère fédéral
allemand de la Coopération économique et du développement (BMZ). C’est un projet qui a
connu trois phases entre 2004 et 2014. « La population rurale tire davantage de bénéfices de
l’exploitation durable des ressources naturelles » 551 est l’objectif que vise le programme. En
Côte d’ivoire comme au Bénin, ainsi que d’autre pays de la sous-région, il y a le Programme
national d’investissement à moyen terme (PNIMT) 552 dans le cadre du Nepad-PDDAA a été
mis en œuvre au Bénin pour, créer un environnement favorable à une meilleure compétitivité
du secteur agricole et rural ; a�eindre les objectifs quantitatifs fixés etmobiliser les ressources
nécessaires pour réaliser les investissements correspondants ; allouer des ressources du bud-
get national à hauteur des engagements de la déclaration de Maputo au secteur agricole ;
enfin créer un cadre de référence pour le financement bilatéral et multilatéral coordonné du
secteur. La côte d’Ivoire dispose aussi d’un Programme national d’investissement à moyen
terme, élaboré dans le cadre de la mise en œuvre de PDDAA 553.
602 Il y a aussi le projet d’appui à la préservation et au développement des forêts galeries et pro-
tection de cartographie de base numérique (PAPDFGC), accompagnement de l’union Euro-
péenne et du PNUD, qui vise deux objectifs : la réduction des causes et e�ets des inondations
en promouvant la conservation et l’utilisation durable des forêts galeries de la basse vallée
du fleuve Ouémé ainsi que la fourniture d’une cartographie numérique de base actualisée
551 Source : o�re de la Gtz envers le BMz.552 Le PNIMT est un programme quinquennal (2005-2009) comprenant un ensemble de sous-programmes co-hérents avec le Plan détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) et le DSRP. Il s’agit d’unepremière phase d’investissement appelé à contribuer à la relance durable de l’économie et à la réduction sensiblede la pauvreté en milieu rural ; extrait du document du projet, mars 2005. p.29.553 Voir, FAO, Rapport principal PNIMT Côte d’Ivoire, PCT/IVC/2903.
220 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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pour l’ensemble du Bénin 554. Plusieurs actions justifient l’engagement du Bénin dans la lu�e
contre les CC et l’amélioration des conditions des populations à travers une gestion ration-
nelle des ressources naturelles du pays. Le Bénin et les autres pays Africains ne cherchent pas
seulement à accélérer la croissance mais également à maximiser et à élargir l’impact d’une
telle croissance sur la réduction de la pauvreté. La réussite de l’agenda de l’ECOWAP/PDDAA
doit être guidée par une bonne compréhension de l’impact de la croissance sectorielle et de
la croissance dans les sous-secteurs agricoles sur les niveaux de revenus et de pauvreté 555.
603Au Burkina Faso, le projet de gestion des ressources naturelles (PATECORE) 556 : qui a objectif
global l’aménagement du terroir de conservation des ressources (PATECORE) au plateau
central d’a�eindre un approvisionnement des populations rurales en céréales, en eau et en
bois de chau�e. L’objectif de la phase en cours est de renforcer les capacités de gestion des
populations cibles par rapport aux ressources naturelles et d’assurer une application des
techniques de réhabilitation et d’utilisation durable des ressources. Le projet existe depuis
1988 et est sous tutelle du Ministère burkinabé de l’agriculture. Le PATECORE intervient
dans les trois provinces de Bam, d’Oubritenga et de Kouréwéogo et travaille avec plus de 200
villages. Lesmesures biologiques constituent un instrument d’accompagnement desmesures
de construction des cordons pierreux et des digue�es filtrantes. Elles se résument par le
reboisement, la conduite des pépinières et la plantation d’arbre le long des digue�es. Le
compostage, l’application de la fumure organique ainsi que les techniques traditionnelles de
trouaison (Zay) font partie des activités de vulgarisation du PATECORE 557.
604L’adoption depuis 2012 du Programme national du secteur rural (PNSR) comme cadre unique
de référence pour la planification des interventions dans le secteur rural, englobant notam-
ment le PAGIRE et le PANA, traduit la volonté du Burkina-Faso à contribuer à la recherche
de solutions adoptées au CC et pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Le
PNSR o�re également à tous les autres acteurs du secteur, un cadre de référence qui leur per-
met d’inscrire leurs actions dans la durabilité dans un programme national partagé et d’éva-
luer leurs contributions respectives à sa mise en œuvre. Il est le cadre d’opérationnalisation
du volet développement rural de la stratégie de croissance accélérée et du développement
(SCADD) adoptée en 2010 comme cadre de référence pour le développement du pays.
554 Gbaguidi (P.) – Programme d’action national de lutte contre la déserti�cation, Unisféra, juin 2007, url : https%20:%20//mediaterre.org/actu,%2020170413080358,5.html.555 Bénin Options stratégiques et sources de croissance agricole, de réduction de la pauvreté et de sécurité alimen-taire, Brochure, Nepad-Ecowap/PDDAA, p. 1.556 Analyse d’impact du projet de gestion des ressources naturelles, Patecore au Burkina Faso, Rapport, IAD, 2000,p. 15.557 A�n d’assurer la qualité, la composante « formation » est l’activité la Plus importante des activités physiquesdu projet. Elle consiste à créer, renforcer ou rehausser les capacités des populations cibles par rapport à la gestiondes ressources naturelles du village sous forme de gestion de terroirs. Dans la phase actuelle du projet, la gestiondes ressources inter-village est d’actualité. Elle s’exprime par la �xation des règles communes d’exploitation desressources (par exemple les bosquets entre deux villages) par des villages riverains.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 221
Chapitre 1 • Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation
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605 Au Niger, plusieurs projets sont également initiés au niveau national pour une meilleure ges-
tion des ressources naturelles afin d’améliorer de façon durable les conditions de vie des
populations. On peut citer entre autre, le Projet de promotion des exploitations (PPEAP) 558.
L’objectif du projet est la promotion des exportations agro-pastorales qui devrait se traduire
par une augmentation ne�e de la valeur des exportations de produits d’origine agricole et
pastorale. Le développement des exportations est pris ici au sens large et doit se faire à travers
plusieurs possibilités, notamment une augmentation des quantités exportées, une augmen-
tation de la valeur unitaire des produits exportées, une augmentation des productions de
substitution des importations actuelles ou par une combinaison de ces moyens. On peut ci-
ter également le PNAEPA. En e�et, sur la base des principes de la Stratégie de réduction de
la pauvreté (SRP), le Gouvernement nigérien a adopté, en novembre 2003, la Stratégie de dé-
veloppement rural (SDR) qui constitue le cadre de référence unique pour toute intervention
publique dans le secteur rural. Suite à la définition des plans d’action de la SDR en décembre
2005, le Gouvernement a entamé l’élaboration du Programme national d’approvisionnement
en eau potable et d’assainissement (PNAEPA) pour l’a�einte des Objectifs dumillénaire pour
le développement (OMD) 559.
606 À l’instar des autres pays de la sous-région, le Sénégal a signé et ratifié la Convention sur
la Diversité Biologique en 1994 et s’est doté d’un cadre formel qui lui permet d’appuyer,
de formaliser et d’harmoniser sa stratégie et sa politique de conservation et de gestion des
ressources naturelles. Les tendances à la dégradation de la biodiversité notées ont conduit
à l’adoption d’un système de planification et de gestion des ressources naturelles et de la
biodiversité à travers des documents nationaux comme le Plan national d’action pour l’envi-
ronnement et la stratégie et le Plan national d’actions pour la conservation de la biodiversité.
Ces documents d’orientation stratégique ont permis de me�re en œuvre des projets pour at-
teindre les objectifs du Sénégal en matière de conservation de la biodiversité afin de rétablir
les équilibres perme�ant d’assurer un développement durable.
607 Plusieurs programmes/projets sont initiés dans les pays et au niveau régional pour la conser-
vation des ressources naturelles et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ces
programmes perme�ent aux États de faire face aux CC et de contribuer à la lu�e contre la
pauvreté, surtout en milieu rural. À travers ces programmes, les engagements pris par les
États en ratifiant les conventions au niveau international et régional sont progressivement
mis en œuvre. La CEDEAO, l’UEMOA et le CILSS doivent accentuer leurs actions et même
prendre de nouvelles initiatives pour donner des orientations aux pays membres.
608 Il est évident à partir de l’analyse de la documentation citée plus haut, que bien que non
558 Adam (T.) et al. – Étude sur la facilitation du commerce couvrant les �lières agricoles, Rapport �nal, PPEAP,2000, 128 p.559 Rapport d’évaluation du projet d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement en milieu rural dansles régions de Maradi, Tahoua et Tillaberi, Résumé exécutif, OWAS, 2006, p. 10.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des ressources naturelles • Section 2
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contraignantes pour les États, les politiques édictées par ces institutions sont bien suivies.
Elles constituent des sources d’inspiration pour l’élaboration et la mise en œuvre des po-
litiques nationales. Il convient d’organiser une évaluation globale de ces interventions à
l’échelle régionale et pays pour appréhender de nouvelles orientations. Cela perme�ra d’avoir
des résultats plus importants, sources de grandesmotivations pour les dirigeants dans l’adop-
tion et la mise en œuvre de ces initiatives de développement. Au regard de ces initiatives, les
institutions régionales doivent se considérer comme actrices principales et garder le lead.
Elles doivent entreprendre des actions de conservation des ressources naturelles, de leur ges-
tion rationnelle pour faire e�icacement face aux défis des changements climatiques et à la
désertification. Les initiatives doivent continuer à viser l’amélioration des conditions de vie
et des revenus des populations en milieu rural.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 223
Chapitre2Le foncier rural, pilier des droits
économiques et sociaux des populations
Sommaire
Section 1. La prise en compte des droits économiques des populations. . . . . . . 228
§ 1. Le foncier rural source de richesse. . . . . . . . . . . . . . . . 228
§ 2. Le foncier rural, facteur de sortie de pauvreté. . . . . . . . . . . . 239
Section 2. Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité . . 255
§ 1. Le foncier rural, source de justice et paix. . . . . . . . . . . . . . 256
§ 2. Le foncier rural, un lieu d’a�irmation de solidarité. . . . . . . . . . 263
Partout 609dans le monde, la terre est le facteur le plus important de production. À cet
égard, « le régime foncier constitue l’un des piliers de l’organisation des économies et
des sociétés rurales et contribue à la définition des relations économiques et contrac-
tuelles, des formes de coopération et des relations sociales » 560. Il apparaît ainsi un lien tangible
entre le régime foncier et le régime économique. Ce lien, fait écrire que « les réformes fon-
cières peuvent influer notablement sur les structures agraires et l’e�icience économique dans
tous les pays » 561.
560 Norton (R. D.) – Politique de développement agricole, concepts et expériences, FAO, Rome, 2005, p. 143.561 Économies émergentes et pays en transition, Organisation de coopération et de développement économique,politiques agricoles, 1999, p. 65.
• 227
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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itre
1
610 Dans la mesure où le développement durable vise la prise en compte de l’intérêt des généra-
tions présentes et futures, on conçoit que toute œuvre de réforme des droits fonciers ruraux
devrait être une opportunité pour assurer la protection des droits économiques et sociaux
des populations. C’est que la terre en Afrique rurale est le centre de gestation des biens à
valeur économique mais également le lieu d’a�irmation d’une paix sociale et de solidarité.
611 De l’analyse de la situation de précarité à la base des conflits, de spoliation, d’injustices
économiques et sociales, la recherche de l’approche durable apparaît dès lors comme une
exigence voire un indicateur d’e�icacité de l’action publique. Au regard de ce�e exigence, la
prise en compte des droits économiques d’une part (section 1) et des considérations sociales
d’autre part sont donc devenues deux vecteurs d’une réforme foncière rurale et naturelle
durable au service de la justice, de paix et d’a�irmation de solidarité (section 2).
S e c t i o n 1
LA PRISE EN COMPTE DES DROITS ÉCONOMIQUES DES POPU-LATIONS
612 Une abondante li�érature secrétée à partir des délibérations de Rio sous la houle�e du slo-
gan « la Planète Notre terre » a traité de la dimension économique de l’espace rural et naturel.
Plus spécifiquement, les rapports de la FAO n’ont pas manqué de me�re l’accent sur la re-
lation dialectique qui pourrait exister entre le foncier rural et les droits économiques des
populations. Il découle de ces travaux que les populations rurales tirent la subsistance et
leur survie de la terre (paragraphe 1) et que les réformes foncières rurales réussies peuvent
être un gage pour la sortie de pauvreté (paragraphe 2).
Paragraphe 1 Le foncier rural source de richesse
613 La pression du marché sur le foncier et les ressources qui s’y a�achent ont provoqué des
mutations socio-économiques qui font dire aujourd’hui que les pays du tiers monde en gé-
néral et ceux de l’espace UEMOA en particulier sont plus riches qu’on ne le croit 562. Compte
tenu de leurs importances depuis toujours, la terre et l’agriculture sont aux origines de la
science économique car le foncier agricole est d’abord un moyen de production. Selon Adam
Smith (1776), il est source de rente pour son détenteur dès lors que la terre devient propriété
privée. Dans sa célèbre théorie de la rente foncière (1817) 563, David Ricardo s’appuie sur les
di�érentiels de fertilité naturelle des sols pour expliquer l’avantage procuré aux détenteurs
562 Diop (M.), Réformes foncières et gestion des ressources naturelles en Guinée, op. cit., p. 24.563 Pour approfondir la théorie de David Ricardo, lire son ouvrage : Ricardo (D.) – Des principes de l’économiepolitique et de l’impôt, Paris : Flammarion, 1999, 508 p.
228 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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des terres les plus fertiles par la mise en culture de terres moins fertiles face à la croissance
démographique.
614En e�et, déjà, David Ricardo a ajouté une contribution essentielle : la théorie, célèbre, de
l’« avantage comparatif ». Développée dans son ouvrage « Principes de l’économie politique et
de l’impôt », publié en 1817, elle indique que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays,
s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la meilleure ou
lamoinsmauvaise comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale. Toutes
ces théories ne visent en réalité à confirmer que depuis toujours, le foncier rural, bien exploité
(A), demeure un moyen e�icace de croissance économique et de lu�e contre la misère dans
tout État (B).
A - Le foncier rural : un patrimoine destiné à exploitation
615« Plantez votre richesse ». La terre a été toujours reconnue comme une source de richesse et de
pouvoir. Pour se rendre compte de ce�e potentialité, il est a�irmé que la terre assure « le lo-
gement, la nourriture et des activités économiques » 564. Dans le droit ancien, ce�e richesse que
constituaient le foncier et les ressources naturelles était perçue sous l’angle relationnel 565. Ce
qui fait dire que le « système foncier traditionnel africain ne constituait pas un système d’exploi-
tation » 566. Mais avec les nouveaux droits d’espaces ruraux et naturels promus par les États
de l’espace UEMOA, une nouvelle logique s’instaure. Elle est fondée sur la consécration par
les nouvelles législations d’un droit d’exploiter. Les réformes juridiques des droits fonciers
ruraux entreprises, portant sur les droits applicables aux rapports privés dans la perspec-
tive plus générale de l’accès des citoyens aux normes positives modernes compatibles avec
la Constitution et les engagements internationaux. L’amorce de ce processus n’est pas sans
lien avec la recherche des voies et moyens pour stimuler des activités économiques et la lu�e
contre la pauvreté.
616L’examen de quelques dispositions des législations foncières rurales fait penser que les États,
célèbrent une aube nouvelle par la consécration d’un autre droit aussi important que le droit
de propriété : il s’agit d’un droit d’exploiter. Le but visé par les législateurs est de réguler les
transactions foncières dans les villages, sécuriser les propriétés des petits producteurs ainsi
que les droits d’usages délégués des groupes vulnérables dont les femmes et les jeunes sans
terre, renforcer davantage la cohésion sociale et contribuer à la sécurité alimentaire ainsi
564 Étude sur les régimes fonciers, la parité homme-femme et l’accès à la terre, FAO, 2003, p. 5.565 Pour une bonne compréhension du fonctionnel de ce système traditionnel un exemple est donné par Eli-zabeth Gianola : un « Suzerain » s’installait sur une terre et divisait le territoire et sa gestion entre ses enfantset ses meilleurs guerriers créant ainsi les villages. Le chef de chaque village percevait un tribut sous forme dedon et de services. Si les dons n’étaient pas obligatoires (à savoir son omission n’interférait pas avec son droitd’occuper une parcelle de terre de la che�erie) les services l’étaient. Ceux qui refusaient de servir étaient sujetsà punition.566 Gianola (É.), La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit, op. cit., p. 150.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 229
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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qu’à la réduction de la pauvreté. Ce�e orientation voulue par le code s’est opérée à travers
la promotion d’une autonomie locale de gestion foncière rurale puis la consécration d’un
principe de refus de la thésaurisation 567 d’une terre rurale dans les États étudiés. Les terres
sont au centre de l’exploitation agricole : il n’y a pas d’agriculture sans terres. Le marché de
la terre est apparu et depuis, il prospère par la caractéristique du foncier qui est devenu une
valeur refuge. C’est l’un des rares biens économiques qui avec le temps, prend de la valeur
au gré de la bulle spéculative de la conjoncture économique.
617 L’exemple du Bénin illustre ce�e nouvelle tendance. Le droit rural généré par la nouvelle loi
ne cherche pas à nier la propriété privée mais impose son usage pour le bien de la sécurité
alimentaire voire de l’économie nationale. L’esprit de la loi érige la terre rurale au rang d’un
bien de service de l’intérêt général par l’instauration des moyens de son contrôle et de son
accès. Le but visé par ce dispositif légal est de favoriser la mise en culture de l’immense ma-
jorité des terres rurales. Son a�einte passe par la consécration des dispositions qui assurent
la mise en valeur des terres rurales indépendamment de l’exercice du droit de propriété en
assortissant le non-respect d’une sanction. En e�et, la loi fait obligation aux propriétaires
ou détenteurs de droits coutumiers de terres rurales autres que l’État et les Collectivités ter-
ritoriales, de les me�re en valeur, sauf dans le cas où la qualité du sol nécessite un repos
momentané dont la durée ne peut être supérieure à cinq (05) ans 568. Sont donc réputées non
mises en valeur 569 :
— les concessions devenues définitives, lorsque les conditions imposées par le cahier des
charges annexé à l’arrêté d’octroi ne sont pas remplies ;
— les parcelles isolées demeurées en friche pendant cinq (05) années consécutives sans
introduction de plantes fertilisantes ou de tout autre moyen de fertilisation ;
— les parcelles mises en jachère pendant plus de cinq (05) ans.
Sont réputées en mauvais état de production, les entreprises agricoles ou les parcelles isolées
portant des cultures pérennes dont les rendements sont largement inférieurs à ceux habituel-
lement obtenus dans la localité.
618 Ainsi, un détenteur de droit qui ne met pas en exploitation ses terres qui n’ont pas besoin
de jachère sera approché par l’autorité communale (COGEF) aux fins de la délivrance d’une
autorisation administrative d’exploiter ces mêmes terres. Celles qui ne sont pas mises en
valeur donnent lieu à une sanction du propriétaire : elles « peuvent faire l’objet d’une mise en
valeur agricole ou pastorale par toute personne physique ou morale qui en fait la demande » 570.
567 Aholou (J.) – « L’apologie du droit d’exploiter des terres rurales par le code foncier et domanial au Bénin :un moyen de protection des exploitants sans titre et de lutte contre la pauvreté en milieu rural », in : Conférenceannuelle de la Banque Mondiale, (Washington DC, 20–24 mar. 2017), p. 150.568 Décret no 2015-014-P-RM du 22 mars 2000 portant les conditions et modalités de mise en valeur des terresen République du Bénin (29 fév. 2015) , art. 67 ; art. 5, al. 2 et art. 12, al. 1.569 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 369.570 Ibid., art. 368.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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619Le législateur est allé loin en prévoyant le paiement d’une amende par le détenteur de droit
sur la terre non ou insu�isamment mise en valeur. Il fait à cet e�et obligation au propriétaire
d’introduire sur la terre non ou insu�isammentmise en valeur de plantes fertilisantes ou tout
autre moyen de fertilisation afin de régénérer la qualité desdites terres sous peine d’amende
dont le montant est fixé par le conseil communal ou municipal concerné 571.
620Pour faciliter l’opérationnalisation de l’obligation de mise en valeur, il est développé dans
le code foncier et domanial une procédure perme�ant aux personnes sans terre de jouir de
ce�e opportunité d’accès aux terres. Ce�e procédure est amplement détaillée par le décret
no 2015-014 du 29 janvier 2015 portant conditions et modalités de mise en valeur des terres
rurales. En e�et, la procédure se déroule suivant les étapes ci-après :
— demande écrite d’autorisation d’exploiter une parcelle non mise en valeur adressée au
maire ;
— saisine de la COGEF pour enquête par le maire ;
— transmission du rapport des enquêtes au maire ;
— délibération du conseil communal ;
— prise de l’arrêté constatant le défaut de mise en valeur ;
— notification de l’arrêté du maire au présumé propriétaire et sa publication pendant
deux (02) mois par voie d’a�ichage à la mairie, par les crieurs publics et par annonce à
la radio locale dans les localités où elle existe ;
— prise de l’arrêté d’autorisation d’exploiter en cas de silence du présumé propriétaire et
après avis de la Commission de gestion foncière de la commune.
— conclusion devant la Section villageoise de gestion foncière, sous l’égide de la Commis-
sion de gestion foncière de la commune d’un bail entre le bénéficiaire de l’autorisation
d’exploiter et le propriétaire ou le détenteur de droit acquis.
621Ces dispositions qui se trouvaient déjà dans la loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime
foncier rural en République du Bénin, abrogée par le code foncier et domanial ont été déjà
expérimentées dans la commune de Dassa-Zoumé par le Réseau de développement d’agri-
culture durable (Redad) dans le cadre de la mise en œuvre d’une initiative financée par la
Banque mondiale.
622En rendant obligatoire la mise en valeur des terres rurales au Bénin, l’État béninois vise à
me�re fin aux acquisitions des terres agricoles pour des fins de thésaurisation. Ce fléau dé-
pouille nombre de détenteurs de terres en vertu des droits coutumiers et les rend « sans terre »
donc privé de leur capital foncier, principal outil de survie. Pour y remédier, le législateur a
décidé de me�re fin à la constitution d’une « banque des terres rurales » par un refus de la
571 Ibid., art. 367.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 231
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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thésaurisation de la terre. Seulement, obéissant aux normes relatives aux transferts et autres
modifications des droits et devoirs fonciers, ce refus de thésaurisation des terres épouse le
cadre de la législation et des réglementations nationales en tenant compte du contexte in-
ternational. De facto, le recours à l’expropriation des terres ne doit intervenir que lorsque
l’acquisition de droits sur des terres, des pêches ou des forêts est nécessaire à des fins d’uti-
lité publique 572. Partant de ce postulat, l’État devrait définir clairement le concept d’utilité
publique en droit, afin de rendre possible le contrôle juridictionnel. Il devrait également s’as-
surer que toutes les actions sont conformes à la législation nationale et au droit international
et tiennent compte des engagements volontaires contractés en vertu des instruments régio-
naux et internationaux.
623 De plus, le refus doit intégrer le droit de tous les détenteurs légitimes de droits fonciers légi-
times, en particulier les groupes vulnérables et marginalisés en n’acquérant que le minimum
de ressources nécessaires et en accordant rapidement une juste compensation conformément
à la législation nationale. C’est justement à ce niveau qu’interviennent quelques innovations
majeures dans l’unique visée de protéger le patrimoine foncier national.
624 Dans la délégation du droit d’usage, le législateur n’a pas seulement organisé les relations
entre particuliers, il a également abordé les rapports entre les personnes morales de droit
public (l’État et les collectivités territoriales) et les particuliers en instituant les concessions
domaniales.
625 En e�et, la concession portant sur une parcelle du domaine privé (de l’État ou de la com-
mune), est l’acte administratif par lequel l’autorité administrative, propriétaire du domaine
supportant une parcelle, a�ribue celle-ci à une personne privée, physique oumorale, à charge
pour celle-ci de la me�re en valeur selon des modalités fixées par l’acte de concession ou un
cahier des charges y annexé, durant une période déterminée moyennant le versement d’une
redevance annuelle. Elle peut aussi porter sur le domaine public.
626 Le décret no 2015-012 du 29 janvier 2015 fixant les modalités et conditions d’a�ribution, de
mise en valeur et de reprise des concessions domaniales privées en milieu rural a décrit la
procédure qui se présente comme suit :
— demande d’a�ribution de concession adressée au ministre en charge du domaine et
du foncier, lorsqu’il s’agit d’une terre du domaine privé rural de l’État ou au maire
de la commune lorsqu’il s’agit d’une terre du domaine privé rural de la collectivité
territoriale ;
— a�ectation de la demande auministère de l’agriculture, aux services ou structures com-
pétents pour avis ;
572 Cf. Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres,aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale., FAO, Rome, 2012, p.28.
232 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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— dépôt du rapport contenant l’avis favorable ;
— approbation ou délibération du conseil communal
— publication, pendant un délai de deux (2) mois les résultats dans les formes prévues
par le décret ;
— conclusion du contrat de concession provisoire par arrêté du maire, après délibération
du conseil communal ou par arrêté conjoint des ministres en charge des domaines et
du foncier et de l’agriculture.
627Une des innovations du code foncier et domanial est l’exclusivité réservée aux Béninois dans
l’achat d’une terre en milieu rural. Ce caractère lié à la nationalité se trouve bien encadré de
telle sorte que l’État veille à éviter la constitution des grandes réserves aux mains d’un indi-
vidu, à la promotion de leur mise en valeur et à la protection des petits paysans même sans
titre de propriété. C’est ainsi que ce code se trouve porteur des vertus d’un développement
agricole durable. En e�et, tout achat de terres rurales doit être accompagné d’un « projet de
mise en valeur à des fins agricoles, halieutiques, pastorales, forestières, sociales, industrielles,
artisanales ou de préservation de l’environnement conformément aux dispositions des articles
368 et suivants du présent code ou d’une manière générale liée à un projet d’intérêt général » 573.
628En outre, « Tout projet de mise en valeur doit assurer une agriculture durable, respecter l’équi-
libre écologique, la préservation de l’environnement et contribuer à garantir la sécurité´ alimen-
taire dans l’intérêt des générations présentes et futures » 574. Tout en consacrant un principe
de mise en valeur obligatoire, les dispositions du code foncier béninois n’ont pas ignoré les
valeurs chères à la communauté internationale au regard des nouveaux défis auxquels la
planète se trouve confrontée. Ainsi, l’État béninois, détenteur du territoire national reste un
régulateur principal du jeu foncier 575. Toute acquisition doit être revêtue d’un accord préa-
lable d’une autorité publique en fonction de la surface concernée. Cet accord nécessaire est
fondé sur deux éléments à savoir :
— tout achat de terres rurales doit, quelle que soit la surface, recevoir l’approbation du
conseil communal ou municipal, ce qui supposera toutefois de di�user la connaissance
et la compréhension du Code jusqu’aux villageois ;
— aucun achat de terres rurales ne peut porter sur plus de 1000 ha, même si les organisa-
tions paysannes jugent déjà ce plafond trop élevé.
Selon la superficie, l’achat doit obtenir l’accord d’une autorité publique qui va du Conseil
communal ou municipal (entre 2 et 20 ha) jusqu’à un décret en conseil des ministres (entre
500 et 1000 ha) 576.
573 Voir les dispositions de l’article 361574 Voir les dispositions de l’article 361575 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 5.576 Décret no 2015-029 �xant les modalités d’acquisition des terres rurales en République du Bénin, op. cit.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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629 Somme toute, la terre rurale béninoise libérée de certains obstacles (absence d’institution au
niveau local, thésaurisation à des fins spéculatives, absence de mise en valeur). Cet encadre-
ment juridique de l’achat de terre a doublé par la mise en place des institutions locales de
gestion foncière se trouve incrusté dans une possibilité. C’est le sens qu’il convient de don-
ner à l’esprit de consécration des terres rurales comme objet d’une relation de droit entre
les particuliers et par les accords (contrats). Ce�e consécration traduite par les règles qui
encadrent la délégation des droits d’usage sur les terres rurales appartenant à une personne
privée en République du Bénin sont précisées à travers les dispositions des articles 354 alinéa
2, 359, 362, 363 et 364 du code foncier et domanial :
— toute délégation de droit d’usage doit être constatée par un écrit devant témoin ;
— l’écrit qui constate la délégation doit préciser l’accord du cédant et du bénéficiaire sur
les conditions de cession et de jouissance des droits d’usage délégués ;
— tout acte de transfert de droit d’usage conclu sans la consultation de la SVGF dans les
localités où il en existe est nul et de nul e�et ;
— tout acte de cession du contrat de délégation par le locataire sans l’accord préalable
écrit du propriétaire ou du détenteur du terrain est interdit ;
— tout propriétaire ou détenteur de droits fonciers coutumiers ne peut retirer sa terre
à un bénéficiaire d’un contrat de délégation de droit d’usage avant la fin de la durée
contenue dans ledit contrat sauf en cas d’inexécution des obligations contractuelles
de la part du bénéficiaire. À titre illustratif de ce�e relation, l’article 354 dispose :
— il peut être concédé des droits d’usage à des fins d’exploitation en mode de faire valoir
indirect par des détenteurs coutumiers au profit de personnes qui en font la demande.
Ces droits constatés ou formalisés par écrit, sont enregistrés auprès de la SVGF concer-
née. COPies en sont adressées à la COGEF et au bureau communal de confirmation
des droits fonciers.
630 Tout bénéficiaire d’un contrat de location ou d’un bail sur un fonds de terre de manière
continue et paisible pendant au moins dix (10) ans ne peut se voir retirer avant échéance, la
terre qu’il exploite, sans motif valable. Le motif valable s’entend :
— du non-respect des clauses contractuelles par le locataire ;
— de la reprise du fonds de terre en vue de l’exploitation par le propriétaire ou un de ses
ayants-droit.
Tout bénéficiaire d’un contrat de location ou d’un bail sur un fonds de terre ne peut se voir
retirer sans motif valable, la terre qu’il exploite avant échéance.
631 En cas d’éviction non fondée, l’utilisateur recevra une indemnité d’éviction fixée par le juge
compétent. L’ensemble du dispositif énoncé a permis d’envisager la mise en valeur des terres
par contractualisation. Ce qui génère un espoir d’accès facile au foncier rural pour les groupes
234 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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marginalisés ou vulnérables. Le Fonds d’Investissement Agriculture duMinistère de l’élevage
et de la pêche sous financement de la Coopération financière allemande dans quelques com-
munes d’intervention du Nord Bénin expérimente certaines dispositions de ce�e nouvelle loi
par l’établissement des plans fonciers ruraux (PFR) 577.
B - Le droit d’exploiter comme source d’une meilleure productivité
et de croissance économique
632La terre par son mode de faire valoir 578 est un important critère de di�érenciation des unités
de production. De par les législations foncières rurales en vigueur, deux distinctionsmajeures
peuvent s’opérer : le faire-valoir peut être direct 579 ou indirect 580.
633Le mode de faire valoir influe sur les décisions d’investissement et de production car selon
que l’opérateur se sentira en insécurité ou en sécurité, il intensifiera ses investissements ou
choisira entre des options précaires et pérennes.
634L’importance économique de ce mode d’exploitation des terres rurales n’est pas nouvelle.
Une première version du cadre juridique qui définit les relations contractuelles entre le
bailleur (le propriétaire foncier) et le fermier (l’agriculteur qui loue la terre), connu en France
sous l’appellation « statut du fermage », est conçue sous le Gouvernement du Front popu-
laire (1936). Elle est votée par la Chambre des députés mais refusée par le Sénat, où les
propriétaires terriens étaient bien représentés (Coulomb, 1999). Ce n’est que dans années
1940, pendant et juste après la seconde guerre mondiale, que sera votée la loi sur le fermage
et le métayage : modification du Code civil du 4 septembre 1943, puis ordonnance du 17 oc-
tobre 1945 et loi du 13 avril 1946, qui concerne également le métayage. La finalité envisagée
par ce�e orientation juridique était de sécuriser les producteurs face aux propriétaires. En
577 Il faut retenir avec le code foncier et domanial que le PFR est un « document faisant l’inventaire des terresrurales avec enregistrement des droits y rattachés ainsi que de leurs titulaires, dans le but de répondre aux besoinsindividuels et collectifs de sécurité foncière, de plani�cation et d’investissement ». Voir article 7.578 Le faire-valoir fait référence à la manière dont un domaine agricole est exploité. Fénélon (1991) dé�nit lefaire-valoir comme un régime juridique et les procédés culturaux de l’exploitation d’une ferme.579 Dans le cas du mode de faire –valoir direct, l’exploitation d’une ferme s’e�ectue par son propriétaire, avecl’aide de la main-d’œuvre familiale (Fénélon, 1991). La part du propriétaire est en principe fonction de ce qu’ilapporte lui-même en plus des terres (l’outillage par exemple) mais elle est aussi le produit d’un rapport de forcesplus ou moins ancien (Brunet, 1993). Selon (George, 1993) et (Brunet, 1993), l’exploitation d’un terrain par unepersonne rémunérée par le propriétaire foncier est également considérée comme une exploitation directe. Uneautre distinction pourrait également s’e�ectuer entre le faire-valoir direct de la famille paysanne et celui de lagrande exploitation – où peuvent intervenir un régisseur, un gestionnaire, des salariés agricoles, etc. L’exploi-tation d’une terre par un régisseur rétribué par le propriétaire foncier est par conséquent considérée comme dufaire-valoir direct.580 Dans ce cas, l’exploitation de la terre se fait par délégation, l’exploitant n’étant pas le propriétaire de la terre.La mise en valeur d’une exploitation agricole est réalisée avec le concours d’une main-d’œuvre salariée, ou bienpar métayage ou par location (Fénélon, 1991) ; Les principaux modes d’exploitation indirecte sont le fermage etle métayage. Dans le second cas, le propriétaire conserve, en fait, un droit de gestion. Le premier cas représenteselon (George, 1993) la véritable formule de faire-valoir indirect.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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e�et, « Le sens des statuts du fermage et du métayage est double : il s’agit de limiter le pouvoir
social du propriétaire-bailleur sur ceux qui étaient alors “ses” fermiers et, corrélativement, de
limiter le montant de la rente foncière, c’est-à-dire du revenu du propriétaire foncier prélevé sur
les revenus de l’exploitation agricole » 581.
635 Il s’agit aussi de perme�re aux producteurs qui ne sont pas propriétaires de pouvoir en toute
sécurité améliorer leurs unités de production, par leur travail et leurs investissements. Sécu-
riser le « droit de cultiver » présentait aussi l’avantage de limiter les problèmes posés par le
morcellement des unités de production au travers des héritages. Outre l’accès facile au fon-
cier, c’est son avantage économique en terme d’exploitation des terres agricole qui compte.
636 Les États de l’UEMOA objet de l’étude ont compris l’importance économique des modes
de faire-valoir indirect en l’adoptant. L’examen de l’évolution actuelle du cadre juridique
de gestion foncier tend à démontrer que la croissance économique a�endue des ressources
foncières dépend plus de exploitation de celle-ci et non forcement de son appropriation. Ana-
lysant la législation foncière ivoirienne au regard de la tenure foncière, certains juristes ont
révélé qu’il y a une proportion considérable des ressortissants des pays de la CEDEAO qui oc-
cupe et exploite des terres milieu rural 582. Il existe alors un lien entre l’exploitation des terres
rurales et les populations non propriétaires des terres puis l’économie de plantation de cet
État de l’UEMOA. Ce�e tendance de recherche de la protection du droit d’exploiter parallè-
lement au droit de propriété dans les régimes fonciers ruraux de l’espace UEMOA a été jus-
tifiée par le lien qui existerait entre sécurisation foncière, développement socio-économique
et force du droit. Le cas des économies ouest-africaines de plantation est assez illustratif.
637 Dans une telle économie, il est apparu logique de voir s’établir des relations juridiques sur
les terres rurales au-delà du seul droit de propriété. Ainsi, le foncier rural devient objet d’une
relation de droit privé fondé sur les baux ruraux 583. Par le jeu des baux, le législateur laisse
jouer les parties dans une relation contractuelle librement consentie sous le contrôle des pou-
voirs publics. Ce�e option se trouve justifiée par les impératifs de développement agricole.
L’objectif visé est, comme ce fut le cas de la France 584, de nourrir toute la population et ré-
pondre aux besoins des exploitants agricoles en les dotant de moyens juridiques nécessaires
581 Pour mieux approfondir cet aspect, cf. : Coulomb (P.) – « La politique foncière agricole en France : unepolitique foncière à part ? : La déstabilisation de la politique des structures. La transmission du patrimoine del’exploitation agricole familiale en France », in : Politiques foncières et aménagement des structures agricoles dansles pays méditerranéens : à la mémoire de Pierre Coulomb, sous la dir. de Jouve (A. M. () et Bouderbala (N.),Montpellier : CIHEAM, 1999, p. 69–94.582 Dagrou (T.) et Djessan (A.) – Les non-ivoiriens et le code foncier rural de la Côte d’Ivoire, Abidjan : Cerap,2008, p. 17.583 Pour approfondir l’aspect relatif au droit privé, lire : Gain (M. O.) – Le droit rural, l’exploitation agricole etles terres, 3e éd., Paris : Litec, 2011, p. 3.584 La France a opéré la consécration des baux ruraux pour faciliter l’exploitation des terres rurales et la com-mercialisation des produits agricoles à travers l’adoption de trois lois d’orientation agricole qui sont votées le05 août 1960, le 08 août 1962 et le 04 juillet 1980.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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à la sécurité de leurs exploitations et de leur propre statut. C’est un des moyens trouvés
pour rendre le foncier disponible pour l’agriculture et par conséquent pour l’économie. Ce�e
orientation est pratiquement suivie par les nouvelles législations et se traduit par l’apologie
du droit d’exploiter. Comme l’ont mentionné certains auteurs, avec les nouveaux droits fon-
ciers ruraux, l’agriculture moderne est conditionnée moins par la propriété des terres que
par le droit de les exploiter 585.
638Ce faisant, l’on réalisera une distribution plus équitable des terres qui pourrait influencer
« positivement la croissance économique » 586. Pour sa part, le Comité foncier et développe-
ment établit même un lien entre enjeux fonciers et choix politiques des formes de produc-
tions. Une avancée de la grande production agricole serait donc en partie le résultat d’un
accès facile au foncier. En clair, l’exploitation de l’espace rural en mode de faire-valoir in-
direct constitue un enjeu pour la croissance économique des pays de l’UEMOA. Ce mode
d’utilisation des terres rurales est en plein essor un peu partout dans le monde. Déjà, en
France, les études théoriques ont montré que, en 2013, seulement un quart des exploitants
agricoles de France métropolitaine sont propriétaires de la totalité de leurs terres. Ce nombre
a diminué de 20% depuis 2010. Près des trois quarts d’entre eux ont une exploitation de pe-
tite dimension économique. Les terres en faire-valoir direct représentent 21% de la surface
agricole utilisée (Sau) métropolitaine. Plus d’un tiers des exploitants agricoles prennent en
location la totalité des terres qu’ils exploitent, en progression de 11% depuis 2010. Ils sont
majoritairement dans de grandes exploitations. Les exploitants à la fois locataires et proprié-
taires restent encore les plus nombreux (39%) malgré des e�ectifs en baisse de 13% en trois
ans. Le fermage (location des terres) est ainsi le mode de faire-valoir le plus répandu, il repré-
sente plus des trois quarts de la SAU métropolitaine. Les terres en fermage sont constituées
de trois quarts de terres prises en location auprès de tiers et d’un quart de terres prises en
location par les exploitations de forme sociétaire auprès de leurs associés. Les surfaces en
fermage 587.
639Le succès connu par le mode de faire-valoir indirect, peut s’illustrer dans l’espace UEMOA
à travers les économies de plantation de la Côte d’Ivoire et du Mali. Au-delà de l’espace de
l’union, dans le cas des économies de plantation en Afrique de l’ouest, l’introduction des pro-
duits commerciaux a été la principale force extérieure qui a influé sur le mode d’exploitation
des terres rurales et a favorisé une éclosion des économies concernées. Le cas de l’O�ice du
Niger témoigne bien de l’e�icacité des modes de faire-valoir indirect.
640Conformément au décret de gérance des terres de l’O�ice du Niger 588 et les textes réglemen-
585 Audier (J.), Droit rural, op. cit., p. 32.586 Harissou (A.), La terre, un droit humain, op. cit., p. 43.587 Foncier mode de faire-valoir, Agreste -Enquête structure 2013.588 Décret no 290/PG-RM portant organisation de la gérance des terres a�ectées à l’O�ce du Niger (8 jan. 1998).
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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tant les terres dans la zone ALATONA, cinq types de statuts sont o�iciellement a�ribués sur
les terres agricoles dans la zone O�ice du Niger : le Contrat annuel d’exploitation (CAE), le
Permis d’exploitation agricole (PEA), le Bail ordinaire (BO), le Bail emphytéotique (BE) et
le Titre foncier (TF). Excepté la zone de ALATONA où les exploitations disposent de titres
fonciers cessibles à volonté, les transactions foncières sont formellement interdites dans les
autres 589.
641 Globalement, les exploitations ont obtenu les meilleurs rendements au niveau des parcelles
sur lesquelles elles n’ont que des droits d’exploitation temporaire (location + métayage). Au
niveau de ces parcelles en faire- valoir indirect, il a été observé 4, 1 tonnes à l’hectare contre 3,
5 tonnes pour les parcelles en faire valoir direct 590. Pour ce qui est des parcelles en faire- valoir
indirect, les parcelles en location ont été largement meilleures avec un rendement moyen de
4, 5 tonnes à l’hectare contre seulement 2, 4 tonnes pour les parcelles en métayage. Ce�e
performance de la location par rapport au métayage est liée au caractère plus incitatif au
travail et à l’investissement de la première par rapport au second 591.
642 Si pour le Mali les études ont révélé l’aspect positif, pour le Burkina Faso, et d’autres pays
ceci reste à confirmer. Mais il faut constater un consensus des États de l’UEMOA à consacrer
un « droit d’exploiter » ou un « droit de cultiver ». Comme pour le Bénin, le Burkina Faso est
allé dans le même sens à partir de la loi 034-2009 592.
643 Eu égard à ce qui précède, l’on peut comprendre le bien-fondé de la prise en compte des
faire-valoir indirect dans les lois nationales des pays étudiés. En appréciant les avantages
des modes de faire-valoir indirects à partir de l’exemple des chartes foncières rurales du
Burkina Faso, il est écrit qu’ elles proposent (ou renforcent) une approche de la sécurisation
foncière qui remet en cause les « fondements coloniaux » selon lesquels la généralisation de la
propriété privée est seule à même de perme�re aux détenteurs de droits fonciers d’être pro-
tégés et de jouir de leurs droits 593. Elles rompent ainsi avec les échecs répétés des politiques
de formalisation des droits fonciers coutumiers reposant sur l’émission de titres fonciers en
s’appuyant plutôt sur la négociation de la légitimité des règles d’accès aux ressources natu-
589 Décret no 290/PG-RM portant organisation de la gérance des terres a�ectées à l’O�ce du Niger, op. cit.,art. 10.590 Diamoutene (A. K.) – Droits fonciers et productivité agricole des exploitations familiales au Mali : Cas del’O�ce du Nige, url : http://www.greatmali.net/IMG/pdf/jds_papier_diamoutene.pdf.591 Ibid.592 L’article 13 de cette loi précise ainsi que : « les chartes foncières locales déterminent au niveau local, les règlesparticulières relatives aux prêts de terres rurales, notamment la durée du prêt, les contreparties éventuelles relatives,les conditions de son renouvellement, la durée de la cessation d’exploitation de terres rurales pouvant entraîner lacessation du prêt, les motifs de résiliation du prêt de terre par le prêteur et les conditions de reprise par lui de saterre ainsi que la durée du préavis à observer par le prêteur dans l’exercice de son droit de reprise ; les conditionsdans lesquelles des héritiers peuvent poursuivre le prêt de terre contracté par leur auteur conformément au code despersonnes et de la famille ».593 L’immatriculation foncière, système employé par l’administration coloniale pour garantir la sécurisationfoncière, sous-tend encore aujourd’hui nombre de législations foncières ouest-africaines (Ouedraogo, 2010).
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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relles sur un territoire donné. Les chartes foncières locales font ainsi un pas important vers
la reconnaissance des droits locaux dans les dispositifs de gestion foncière en soulignant la
capacité des populations à créer du droit « par le bas » en redéfinissant elles-mêmes les droits
d’accès aux ressources sur leur territoire.
Paragraphe 2 Le foncier rural, facteur de sortie de pauvreté
644Les causes de la pauvreté rurale sont complexes et multiples. Elles comprennent, entre autres,
des éléments ayant trait à la culture, au climat, aux inégalités entre les sexes, auxmarchés et à
l’action des pouvoirs publics. Les réflexions se sont progressivement développées pour mieux
appréhender le phénomène de pauvreté et, même si le consensus entre les nouvelles ap-
proches est loin d’être acquis, la complexité et le caractère multidimensionnel de la pauvreté
sont désormais assez unanimement reconnus. Au-delà du niveau de revenu et de consom-
mation des ménages, une grande a�ention est dorénavant apportée aux conditions d’accès
de la population aux ressources. De même, les problèmes que créent la pauvreté rurale et les
solutions envisageables pour y remédier présentent une grande diversité.
645Tandis que la pauvreté correspond à des revenus inadéquats, elle peut aussi correspondre
à une propriété limitée de biens peu productifs, une disponibilité inadéquate en infrastruc-
tures et services, des capacités humaines limitées, une vulnérabilité vis à vis des ressources
naturelles. Ainsi, parmi les éléments perme�ant de catégoriser les pauvres en milieu rural
figure en bonne place l’accès aux ressources foncières et naturelles. C’est pour confirmer cet
aspect de la pauvreté qu’il est écrit que : « L’accès aux terres agricoles est un critère important
de classification des pauvres ruraux qui amène à distinguer les cultivateurs, qui ont accès à la
terre en tant que petits propriétaires ou fermiers, des non-cultivateurs ou travailleurs sans terre,
non qualifiés » 594. À partir de cet aspect, l’amélioration de l’accès des femmes au foncier ru-
ral est perçu comme un moyen e�icace de lu�e contre la pauvreté (A) qui intègre d’autres
stratégies visant une durabilité des ressources naturelles (B).
A - La lutte contre la pauvreté rurale par l’amélioration de l’accès
des femmes au foncier rural
646L’accès à la terre pour les femmes constitue une véritable préoccupation dans les pays en
développement. Malgré leur importante contribution, 500 millions de femmes vivent en des-
sous du seuil de la pauvreté en milieu rural dans le monde. De plus, elles gagnent très peu du
revenu monétaire tiré du fruit de leur labeur à cause de l’inégalité dans l’accès aux facteurs
et aux moyens de production, ainsi qu’au contrôle des ressources.
594 Khan (H.) – La pauvreté rurale dans les pays en développement, FMI, déc. 2000, 4 p.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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647 Plusieurs initiatives locales, nationales, régionales et internationales tentent de « dé-marginaliser »
la femme dans le foncier rural, afin qu’elle puisse jouir d’une occupation sécurisée du sol.
L’accès des femmes au foncier est, et demeure de tout temps, un des problèmes cruciaux qui
freinent le développement des États africains.
648 Les politiques publiques génératrices de distorsions, comme celles qui pénalisent le secteur
de l’agriculture et négligent les infrastructures rurales (sociales et physiques), ont grande-
ment contribué à la pauvreté tant rurale qu’urbaine. 595
649 Selon Winter, la pauvreté pour un individu est d’abord perçue comme une détérioration des
liens qui l’a�achent à une communauté de vie 596. L’appauvrissement est d’abord l’exclusion
des modes d’accès aux ressources productrices de revenus et de liens sociaux que sont l’édu-
cation, le savoir-faire, l’information, le crédit, la terre, le statut qui est reconnu à chacun
comme membre d’une société. L’appauvrissement est une désocialisation. C’est un proces-
sus de marginalisation plus ou moins accentué selon le capital socioculturel des individus.
Ce�e réalité est bien connue des sociétés africaines, qui de par les règles traditionnelles, la
propriété foncière était essentiellement masculine. À la recherche d’une porte de sortie de
la pauvreté ou « dynamique d’émergence des ménages vis à vis de la pauvreté rurale », il est
apparu nécessaire de trouver des facteurs réducteurs de pauvreté rurale.
650 En outre les travaux de recherche confirment que la croissance rurale a un e�et significatif
plus important sur la réduction de la pauvreté générale que la croissance urbaine 597. Lu�er
donc contre la pauvreté suppose « relier les phénomènes observés aux mécanismes de pro-
duction des inégalités ». Il faut penser la pauvreté moins comme un état qu’un produit, une
discrimination issus d’un cumul de handicaps. Cela engage à restituer les mécanismes qui
concourent à la concentration toujours plus forte des richesses et à la dégradation des termes
du partage 598. C’est sans doute ce qu’ont compris les États de l’espace UEMOA objets de
notre étude en cherchant à juguler les inégalités liées à l’accès au foncier à travers leurs
législations foncières rurales.
651 À force de vivre les a�res de la gangrène des inégalités sociales à l’accès au foncier, le légis-
lateur béninois, pour l’endiguer a consacré quelques dispositions à l’aune de la nouvelle loi
foncière. L’implication de la femme dans le processus de développement n’est ni une ques-
tion de mode, ni un slogan. C’est une condition nécessaire pour s’assurer des acquis de toute
action de développement puisqu’il a été constaté après l’échec de plusieurs programmes et
595 Pour s’en convaincre, lire : Khan (H.), La pauvreté rurale dans les pays en développement, op. cit.596 Winter (G.) – Introduction, in : Inégalités et politiques publiques en Afrique, sous la dir. de Winter (G.),Paris : Karthala, 2001, p. 11–24.597 Dubois (J.-L.) et Guenard (C.) – « Inégalités, croissance et pauvreté en Afrique subsaharienne », in : In-égalités et politiques publiques en Afrique, sous la dir. deWinter (G.), Paris : Karthala, 2001, p. 41–56.598 C.Levy, W. Pelletier, « Restez pauvres, on vous observe » (article du Monde analysant le Rapport 2001 del’Observatoire de la Pauvreté, Paris), juillet 2001.
240 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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projets de développement que l’implication de la femme dans le processus de développe-
ment est une nécessité absolue. Autrement dit, pour un développement durable, il y a lieu
de reconnaître et de valoriser le rôle capital de la femme comme acteur de développement
au même titre que l’homme.
652Le gouvernement béninois, conscient de ce�e réalité, a pris des décisions politiques dans le
domaine de l’éducation, de l’économie, de la coopération au développement, de la sécurité
alimentaire et de l’accès au foncier. Ainsi, contrairement à l’article 256 du circulaire A.P 128
du 19 mars 1931, portant « coutumier du Dahomey » qui dispose que « le mode de répartition
des biens particuliers varie avec les coutumes, et la règle est que seuls les descendants mâles du
défunt héritent (les filles héritent toujours les pagnes, les parures et ustensiles de ménages) », la
femme peut, désormais et conformément aux dispositions de l’article 619 599 du code des per-
sonnes et de la famille, accéder à l’héritage de biens immobiliers dans les mêmes conditions
que l’homme.
653Le code des personnes et de la famille est allé très loin, non seulement en accordant au
conjoint survivant des droits successoraux, mais aussi en précisant leur proportion aux ar-
ticles 632 600 ; 633 601 et 634 602 du code des personnes et de la famille. La loi foncière et doma-
niale a suivi ce�e trajectoire et a confirmé le principe d’accès égal aussi bien à l’homme qu’à
la femme. Ainsi, il est clairement a�irmé que l’État détient le territoire national en vue : « de
la garantie du droit de propriété des personnes physiques, des collectivités morales de droit privé
acquis suivant les règles coutumières. . . » 603 Également, il est indiqué que : « Tous les Béninois
ont une égale vocation à accéder aux ressources naturelles en général et aux terres agricoles en
particulier, sans discrimination de sexe ou d’origine sociale dans les conditions prévues par la
Constitution, les lois et règlements. » 604
654Au regard de la panoplie des lois et politiques ci-dessus développées enmatière de succession
et de gestion foncière rurale, nous pouvons a�irmer que le Bénin qui se trouve aujourd’hui
dans un processus de réforme de sa politique foncière, a fait des e�orts louables dans la
promotion du principe de l’égal accès à la terre aux hommes et aux femmes.
655En e�et, le Bénin a, non seulement donné force supérieure aux conventions internationales
599 « Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants sans distinction desexe ni d’âge encore qu’ils soient issus de di�érents mariages, sous réserve des dispositions prévues au présent coderelativement aux enfants incestueux. Ils succèdent par égales portions et par tête, quand ils sont tous au premierdegré et appelés de leur chef, ils succèdent par souche, lorsqu’ils viennent tous en partie par représentation. »600 Lorsque le défunt laisse des enfants, le conjoint survivant a droit au quart de la succession.601 Lorsqu’à défaut de descendants, le défunt laisse des ascendants ou des collatéraux, son conjoint survivanta droit à la moitié de la succession.602 À défaut de descendants et de parents au degré successible, la succession est dévolue en totalité au conjointsurvivant.603 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 5, al. 3.604 Ibid., art. 316.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 241
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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qu’il a ratifiées en y faisant allusion au préambule de sa Constitution, mais également traduit
le principe de l’égal accès à la terre des hommes et des femmes dans sa Constitution, ainsi
que dans les lois régissant la succession et la gestion du foncier rural et dans les politiques
et déclarations agricoles. Les autres États de l’espace UEMOA n’ont pas dérogé au principe
de l’égal accès des femmes au foncier dans leur arsenal juridique.
656 Au Sénégal, En e�et, la Constitution du 22 janvier 2001 a�irme que « l’homme et la femme
ont le droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées
par la loi ». De plus 605, la femme a le droit d’avoir son patrimoine propre comme le mari. Elle
a le droit de gestion personnelle de ses biens 606. En outre, les textes qui régissent la gestion
foncière du pays, en l’occurrence la Loi sur le domaine national ne fait aucune discrimination
dans l’accès et le contrôle de la terre entre les hommes et les femmes. Dans ce�e loi, de 1964,
il est défini des critères simples d’a�ectation de terres du domaine national :
— être résident de la collectivité locale ;
— avoir la capacité de mise en valeur personnellement ou avec l’aide de la famille.
657 Au Burkina Faso, la législation foncière n’est pas discriminatoire à l’égard de la femme. Elle
est à l’image des législations précédentes. Elle soumet l’homme et la femme aux mêmes
conditions d’accès à la terre. En e�et, selon la loi, « les terres urbaines ou rurales du domaine
foncier national sont a�ribuées aux personnes physiques, sans distinction de sexe ou de sta-
tut matrimonial et aux personnes morales dans les conditions fixées par les textes » 607 ; « les
zones rurales aménagées ou non sont occupées ou exploitées sous forme associative, familiale
ou individuelle » 608.
658 Le décret 97-054/PRES/ PM/MEF du 06 février 1997 portant conditions et modalités d’appli-
cation de la loi suscitée est encore plus précis à propos de ces conditions d’accès à la terre.
S’agissant précisément des terres agricoles c’est-à-dire des terres hydro agricoles et des terres
pastorales il est indiqué que leur aménagement peut être entrepris par des personnes phy-
siques et morales publiques ou privées 609.
659 À la lecture de ces dispositions on ne peut pas dire qu’il y a discrimination à l’égard de la
femme car elle est censée avoir lesmêmes droits que l’homme sur le domaine foncier national.
Pourtant, la réalité est toute autre. En dépit de la prise en compte d’ensemble de l’accès
des femmes au foncier comme un moyen de lu�e contre la pauvreté, dans la formulation
des stratégies de réduction de la pauvreté, les pays de l’Afrique de l’UEMOA ayant inspiré
notre étude n’ont pas procédé de la même manière pour les autres aspects. Certains ont bien
605 Loi no 2001-03 portant Constitution de la République du Sénégal, op. cit., art. 15.606 Ibid., art. 19.607 Loi no 014/96/ADP portant réforme agraire et foncière de la République du Burkina Faso (23 mai 1996) ,art. 62.608 Ibid., art. 66.609 Ibid., art. 68.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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intégré la dimension environnementale dans leurs stratégies pour la réduction de la pauvreté.
D’autres, n’ont réussi à le faire.
B - Des stratégies de réduction de la pauvreté intégrant l’approche
holistique et durable
660La gestion durable des ressources naturelles est essentielle pour lu�er contre la pauvreté
sur deux principaux fronts. Premièrement, elle doit perme�re de répondre aux besoins nu-
tritionnels de la population mondiale à long terme. . . . . Deuxièmement, la gestion intégrée
des ressources naturelles contribue à lu�er contre la pauvreté en améliorant les possibilités
de revenu pour les agriculteurs pauvres et leurs communautés locales... La gestion des res-
sources naturelles permet également d’augmenter les possibilités de revenu et d’emploi au
profit d’une communauté plus vaste, comme le montrent l’éco/agrotourisme et l’accroisse-
ment de la productivité de l’agroforesterie qui a�irent les industries de transformation en
aval 610. Une amélioration de la gestion de l’environnement afin qu’elle profite également aux
pauvres appelle des changements politiques et institutionnels intersectoriels.
661Ces actions pour la plupart ne sont pas du ressort des institutions chargées de l’environ-
nement, comme des changements dans la gouvernance, dans les politiques économiques
et sociales nationales et internationales. La gestion de l’environnement ne peut être traitée
indépendamment des autres questions de développement, elle doit, au contraire, être inté-
grée aux e�orts de réduction de la pauvreté et de développement durable afin d’obtenir des
résultats durables 611. Conscients de la situation, les États tentent depuis un certain temps
de s’inscrire dans ce�e logique à travers l’adoption des politiques et la mise en œuvre des
projets/programmes qui intègrent aussi bien les aspects de lu�e contre la pauvreté que la
gestion responsable des ressources naturelles.
1 Cas du Bénin : le Plan national de développement (PND)
662Depuis l’adoption de la Stratégie de réduction de la pauvreté intérimaire (SRPI), en 2000, la
Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) pour la période 2003-2005, le Bénin a enchaîné
des stratégies triennales de réduction de la pauvreté. Ainsi, après les trois documents de
stratégies de réduction de la pauvreté adoptés à la suite de la SRPI (entre 2003 et 2015), le
Bénin vient d’adopter un Plan national de développement (PND) 2018-2025 avec son premier
610 Bénin Options stratégiques et sources de croissance agricole, de réduction de la pauvreté et de sécurité alimen-taire : solutions durables pour une réduction e�ective de la pauvreté, Brochure, Banque mondiale, sept. 2003, p. 1.611 Lier la réduction de la pauvreté à la gestion de l’environnement : Dé�s et opportunités politiques, Brochure,DFIID, CE, PNUD, juil. 2002, p. 7.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 243
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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document d’opérationnalisation, le Programme de croissance pour le développement durable
(PC2D) 2018-2021 612.
a -) L’évolution du cadre stratégie de lutte contre la pauvreté (de la SRPI à la SCRPIII)
663 Depuis l’historique Conférence des forces vives de la nation de février 1990, le Bénin s’est
engagé dans une dynamique de changement structurel et social générateur de bien-être des
populations. Dans ce cadre, le Bénin s’est doté de plusieurs documents de planification na-
tionale articulant les perspectives à moyen et long termes ainsi que les mécanismes de leur
opérationnalisation. Il s’agit de la vision de développement définie dans les études nationales
de perspective à long terme (NLPTS)-Bénin Alaria 2025, qui ambitionne de faire du Bénin, à
l’horizon 2025 : « Un pays-phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère
et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social ». D’un autre côté, le Bénin s’est
engagé à respecter plusieurs engagements internationaux pour une coopération e�icace au
service du développement notamment, la mise en place d’un climat favorable au dévelop-
pement et à l’élimination de la pauvreté à travers l’a�einte, à l’horizon 2015, des huit (08)
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) 613.
664 En 1999, le Bénin s’est engagé dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale de réduction
de la pauvreté pour un développement humain durable 614, une stratégie triennale (2003-2005)
a été définie et a servi depuis lors comme cadre stratégique de référence, de programmation
et de budgétisation des actions du Gouvernement, ainsi que pour le dialogue avec les Par-
tenaires techniques et financiers. Dans ce�e première stratégie, le Gouvernement du Bénin
a judicieusement mis l’accent sur le développement du secteur social et l’amélioration de
la gouvernance pour renforcer respectivement les ressources humaines et l’e�icacité des ac-
tions afin de bâtir les fondations pour le développement humain durable.
665 En e�et, prenant appui sur les objectifs de la Depolipo 615, sur les études prospectives à long
terme du Bénin à l’horizon 2025, sur les objectifs de réduction de la pauvreté retenus pour
l’échéance, sur le programme d’action du gouvernement 2001-2006, et sur les éléments du
diagnostic économique et de pauvreté, le Gouvernement a défini une stratégie globale de
réduction de la pauvreté basée sur les grands axes suivants : le renforcement du cadre macro-
économique à moyen terme ; le développement du capital humain et la gestion de l’environ-
nement ; le renforcement de la gouvernance et des capacités institutionnelles ; la promotion
de l’emploi durable et le renforcement des capacités des pauvres à participer au processus
de décision et de production. Les priorités du Gouvernement contenues dans chacun de
612 Cf. Document du Programme de croissance pour le développement durable (PC2D) 2018-2021, janvier 2018.613 Document du programme de croissance pour le développement durable (PC2D) 2018-2021, janvier 2018,p.19.614 Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté, avril 2007, p.9.615 Déclaration de politique de population adopté en 1996 sur une période de 15 ans et qui prend en charge larésolution des problèmes de population en général et de renforcement des capacités en particulier.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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ces quatre axes stratégiques sont : la consolidation de la stabilité macro-économique du Bé-
nin ; l’amélioration de l’accès à l’éducation de base, à l’alphabétisation, aux soins de santé
primaire et à l’eau potable, la lu�e contre le Vih/sida et le paludisme ; la lu�e contre la cor-
ruption, la consolidation de la démocratie et la décentralisation ; la promotion de l’emploi
durable et le renforcement des capacités des pauvres à mener des activités génératrices de
revenus et un bon aménagement du territoire national 616.
666La Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCPII) constituait une stratégie
de deuxième génération pour le triennal 2007-2009, et visait à consolider les acquis du pré-
cédent tout en me�ant l’accent sur la diversification de l’économie et l’intensification de la
croissance afin d’accélérer la lu�e contre la pauvreté et la marche du Bénin vers l’a�einte des
Objectifs dumillénaire pour le développement (OMD). La SCRP 2007-2009 a contribué au ren-
forcement du processus de mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’e�icacité de l’aide.
Elle a consolidé le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires techniques et finan-
ciers, à travers les di�érentes revues sectorielles et conjointes. Ce�e stratégie a notamment
favorisé la signature et la mise en œuvre d’un protocole d’accord entre le Gouvernement et
huit partenaires techniques et financiers sur les appuis budgétaires. Elle a également facilité
les approches programmes et des dispositifs communs de mise en œuvre de l’aide tels que
l’« Initiative Fast Track » dans le secteur de l’éducation, le « Pot commun eau potable » dans
le secteur de l’eau, le « Fonds d’appui au développement des communes » dans le secteur de
la décentralisation et le « panier commun » pour l’appui au renforcement de l’application du
genre dans les politiques et stratégies 617. L’évaluation à mi-parcours de la SCRP 2007-2009
a révélé que, sur les trois années de sa mise en œuvre, le taux de croissance annuel moyen a
été de 4.0%, en progression par rapport au niveau de 3.3% obtenu sur la durée de mise en
œuvre de la SRP1.
667La Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (2011-2015), vise à corriger les
imperfections des deux premières stratégies et à consolider la marche du pays vers l’émer-
gence économique. Elle s’appuie, d’une part, sur la vision de développement de long terme
« Bénin-Alafia-2025 » et, d’autre part, sur les Orientations stratégiques de développement
(OSD) arrêtées par le Gouvernement. Elle constitue le document d’opérationnalisation de
ces OSD et notamment le cadre fédérateur de l’intervention des Partenaires au développe-
ment du Bénin. À cet égard, elle représente l’instrument de dialogue et de coordination des
actions des Partenaires techniques et financiers (PTF) 618, conformément à la Déclaration
de Paris sur l’e�icacité de l’aide. La SCRP 2011-2015 a pour ambition d’intensifier la crois-
sance économique afin d’accélérer la marche du Bénin vers la réalisation des Objectifs du
millénaire pour le développement (OMD), à l’horizon 2015.
616 Document Stratégie de réduction de la pauvreté au Bénin 2003-2005, décembre 2002, p.23.617 Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (SCRP 2011-2015), mars 2011, p.20.618 Cci, Bénin : perspectives des entreprises, p.23.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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668 Les axes stratégiques retenus pour la SCRPIII (2011-2015) sont les mêmes que ceux de la
SCRP 2007-2009. Néanmoins, le contenu et l’étendue des domaines prioritaires de chacun
des axes ont été renforcés, au regard, d’une part, des déterminants et des facteurs explicatifs
de la pauvreté au Bénin et, d’autre part, des nouveaux défis et contraintes au développe-
ment auxquels le pays est confronté. Ainsi, des questions cruciales de développement, comme
l’emploi des jeunes et des femmes, le désenclavement des zones de production agricole, la
promotion de la croissance économique rurale, le renforcement des capacités juridiques des
pauvres, la réduction des inégalités de genre, la protection sociale et la solidarité sont pris
en compte. Il en est de même, des thématiques relatives à l’organisation du monde rural, à
la diversification agricole, à la transition démographique et au changement climatique. L’ob-
jectif global de la SCRP 2011-2015 est l’amélioration des conditions de vie de la population.
De manière spécifique, il est a�endu, au terme de sa mise en œuvre, l’a�einte des OMD dans
les secteurs de l’eau, de l’assainissement de base, de l’enseignement primaire et des soins de
santé primaire ainsi que des progrès significatifs au niveau des autres Objectifs du millénaire
pour le développement 619 .
669 La présente stratégie (SCRP 2011-2015), qui couvre le quinquennat 2011-2015, est le résultat
d’un large processus participatif qui a associé étroitement, à chacune des étapes, l’Adminis-
tration publique, les opérateurs économiques et la société civile. La SCRP 3 opérationnalise
ces OSD à travers un cadre programmatique, le Programme d’actions prioritaires (PAP). Les
SCRP ont adopté une vision à long terme qui a permis la mise en œuvre concrète des Orien-
tations stratégiques de développement (OSD) du Bénin. Ces documents stratégiques, qui
intègrent l’ensemble des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), ont servi
de cadre de référence et de dialogue avec les Partenaires techniques et financiers (PTF). À
la suite du SRPI, le Bénin a adopté la Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP 1) entre
2003-2005, la SCRP 2 sur la période 2007-2009, le SCRP 3 (2011-2015). De nombreux progrès
socio-économiques accomplis avec les 3 générations de SCRP mais des e�orts restent à faire
afin d’améliorer de manière durable le bien-être des populations. Depuis le début des an-
nées 2000, de nombreux progrès socio-économiques ont été enregistrés et peuvent être mis
à l’actif de la mise en œuvre des SCRP antérieures. Néanmoins, l’analyse diagnostique de
la situation socio-économique du Bénin, mise en évidence lors de l’évaluation de la SCRP
2011-2015 montre que globalement il y a encore du chemin à parcourir afin d’améliorer de
manière durable et soutenable le bien-être des populations 620.
670 Il faut remarquer que de façon transversale, certaines stratégies sont intégrées systémati-
619 Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (Scrp 2011-2015), Mars 2011, p.21 et p.28.620 Document du programme de croissance pour le développement durable (PC2D) 2018-2021, janvier 2018,p.59.
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La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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quement à tous les programmes de réduction de la pauvreté. Le verdissement 621 des poli-
tiques/stratégies promu par l’Agence béninoise pour l’environnement (ABE) sert à :
— promouvoir la durabilité dans les programmes de développement ;
— intégrer les objectifs spécifiques et les actions de conservation des ressources naturelles
et de la qualité du milieu dans tous les programmes découlant des stratégies ;
— Anticiper sur les externalités et tenir compte des coûts écologiques des options straté-
giques retenues dans les stratégies 622.
671Lamise en place d’un cadre de partenariat national, sous régional et international enmatière
de conservation et de gestion durable de la biodiversité des aires protégées et des écosys-
tèmes fragiles ; le renforcement des associations de collectivités locales au plan institution-
nel et opérationnel, pour la gestion intégrée des ressources naturelles, le renforcement des
capacités des organisations paysannes mixtes et féminines des productrices et producteurs
en gestion de l’environnement, etc. 623 sont entre autres, des objectifs de la SCRP 2007-2009
qui prennent en compte les aspects santé et environnement. Par rapport à l’amélioration
du cadre institutionnel et stratégique national, la SCRP 2007-2009 s’était donné comme ob-
jectif de : systématiser l’Évaluation environnementale stratégique (EES) de tous les plans et
programmes ; réformer les cellules environnementales sectorielles et leur donner les moyens
de fonctionnement pour accroître leur impact ; élaborer un tableau de bord sur les priori-
tés sectorielles en matière de protection de l’environnement au niveau de chaque ministère
et de chaque préfecture, avec visibilité sur les ressources budgétaires y a�érentes ; renfor-
cer le système national d’information et de suivi de l’environnement par une révision des
di�érents canevas de collecte et d’analyse des données devant alimenter la production du
rapport national sur l’état de l’environnement. Cela démontre de la prise en compte e�ec-
tive de la gestion des ressources naturelles dans la définition des stratégies de pauvreté. Les
di�érentes stratégies adoptées étant ra�achées les unes aux autres, ce constat se fait dans
toutes les stratégies mises en œuvres jusque-là.
b -) Le plan national de développement favorable à une meilleure gestion des res-
sources naturelles
672Au terme de la mise en œuvre de la SCRP 2011-2015, l’évaluation a fait ressortir un bilan glo-
balementmitigé. La croissance économique, malgré les améliorations notées depuis 2011, n’a
pas été assez vigoureuse pour faire reculer la pauvreté. Ce�e situation a eu pour conséquence
la réalisation partielle des OMD, en particulier dans certains secteurs ciblés. Il apparaît donc
nécessaire d’inverser ce�e tendance 624. Dans le souci de « relancer de manière durable le dé-
621 L’Agence béninoise pour l’environnement dé�nit le « Verdissement » comme l’action de promouvoir lesmesures politiques concrètes visant à intégrer l’environnement dans les plans, programmes et projets y a�érents,dans la perspective d’en assurer la durabilité, la pauvreté étant prise en compte dans ses aspects.622 MEHU et MS : Analyse de la situation et estimation des besoins en santé et environnement au Bénin (Aseb)en vue de la préparation des plans nationaux d’action conjointe, décembre 2012, p.74.623 MEHU et MS, Rapport ASEB en Santé et Environnement au Bénin, p.75.624 Programme de Croissance pour le développement durable (PC2D) 2018-2021, Janvier 2018, p.8.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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veloppement économique et social du Bénin » sur la période 2017-2021, le Gouvernement a
adopté un programme d’actions dénommé « Bénin Révélé » et a lancé le processus d’élabo-
ration du Plan national de développement (PND) 2018-2025 et de son premier document
d’opérationnalisation, le Programme de croissance pour le développement durable (PC2D)
2018-2021. Le PND vise à faire de tous les Béninois des d’hommes et des femmes épanouis,
rayonnants de santé, compétents et compétitifs pour répondre aux exigences du développe-
ment durable, de bonne gouvernance et de bien-être collectif. À travers l’élaboration du PND,
le Gouvernement entend conforter les orientations de développement définies dans le PAG
en ce qui concerne la période 2018-2021 et les compléter par celles relatives à la période 2022-
2025. Il tient compte du diagnostic et des défis identifiés par le PAG, les complète, définit les
objectifs et orientations pour la période 2018-2021 ainsi que les orientations pour la période
2022-2025.
673 Le Programme de croissance pour le développement durable (PC2D) s’inscrit dans le court
terme et opérationnalise le Plan national de développement qui est une déclinaison décen-
nale de la Vision Bénin Alafia 2025. Le PC2D trouve également son fondement dans le Pro-
gramme d’actions du Gouvernement (PAG) qui ambitionne de relancer de manière durable
le développement économique et social du Bénin d’ici 2021. À cet e�et, le Gouvernement
entend me�re en œuvre des actions et réformes audacieuses Le PC2D s’inspire aussi de
l’Agenda 2063 de l’union africaine, de l’Agenda 2030 des ODD et des recommandations de
l’Accord de Paris sur les changements climatiques (COP 21). Le PC2D est un document qui
est élaboré pour substituer à la SCRP. Il couvre tous les domaines d’intervention du Gouver-
nement et perme�ra de corriger les insu�isances qui persistent après la mise en œuvre de
la SCRP. Il perme�ra de me�re l’économie sur le sentier de croissance durable et inclusive.
Assorti d’un cadre de mesure de performance qui perme�ra d’évaluer les progrès accom-
plis chaque année dans sa mise en œuvre et d’organiser les revues annuelles avec toutes les
parties prenantes, le PC2D facilitera la concertation stratégique et le dialogue entre le Gou-
vernement, les PTF et les autres parties prenantes au développement. De façon concrète, le
PC2D contient les axes opérationnels pour l’a�einte des quatre objectifs stratégiques visés.
674 L’état des lieux réalisé par le PC2D révèle que concernant les ressources naturelles, plusieurs
politiques et stratégies ont été adoptées. Au niveau de la gestion des ressources naturelles,
les e�orts ont porté sur la mise en place du système de surveillance des aires protégées,
le renforcement des capacités du Cenagref, l’élaboration de la nouvelle politique forestière,
l’actualisation de la loi portant régime des forêts en République du Bénin, la mutation du
Fonds national pour l’Environnement en Fonds national pour l’environnement et le climat, la
création des marchés ruraux de bois et la réforme du secteur du bois-énergie au Bénin. Dans
le domaine du changement climatique, les secteurs les plus a�ectés au Bénin sont ceux des
ressources en eau, de l’énergie, des zones côtières, de la santé, de l’agriculture et de la fo-
resterie. Il convient de relever que des e�orts restent à faire pour intégrer su�isamment les
248 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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dimensions « Environnement » et « Changement climatique » dans les documents de planifi-
cation du développement à l’échelle communale 625. Le diagnostic a révélé du point de vue
de l’aménagement du territoire et de l’environnement :
— une dégradation continue de l’environnement ;
— une occupation anarchique des espaces ;
— l’incivisme environnemental ;
— une accentuation des di�érents types de pollution et une variabilité climatique ;
— une perte progressive de la diversité biologique ; et
— une inégale desserte en infrastructures et services collectifs 626.
Les principales actions 627 du Gouvernement pour la protection de l’environnement et la ges-
tion durable des ressources naturelles porteront sur :
— le développement des capacités institutionnelles et techniques des parties prenantes
du sous-secteur forestier ;
— la gestion intégrée des terroirs ;
— la gestion durable des aires protégées ; et
— la promotion des services éco-systémiques et de suivi écologique 628.
675À travers le PC2D, le Bénin a pris des mesures relatives à :
— l’interdiction de l’utilisation de certaines Substances appauvrissant la couche d’ozone
(SAO) et la formation des frigoristes ;
— la réglementation des normes d’émission des véhicules à moteur et les contrôles pério-
diques subséquents ;
— la réglementation du bruit ;
— la promotion des engins à quatre temps ; et
— la promotion de l’essence sans plomb 629.
676Enfin, pour consolider ces e�orts, les principales actions que le Gouvernement entend mener
pour promouvoir un environnement sain, durable et résilient aux changements climatiques
concernent :
— la mise en œuvre du principe du pollueur payeur sur toute l’étendue du territoire na-
tional ;
— lamise en place des investissements conséquents dans les chefs- lieux de départements
dans le cadre d’un partenariat État-commune pour la gestion des déchets par nature
(déchets ménagers, déchets médicaux, boues de vidanges, etc.) ;
625 PC2D 2018-2021, Janvier 2018, p.42.626 PC2D 2018-2021, Janvier 2018, p.60.627 Retenues dans le PC2D.628 PC2D 2018-2021, Janvier 2018, p.124.629 PC2D 2018-2021, Janvier 2018, p.125.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 249
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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1
— la promotion de l’utilisation des sachets biodégradables ;
— la réhabilitation de l’Agence béninoise pour l’environnement afin de lui perme�re d’as-
surer sa mission en matière de gestion et de gouvernance environnementale ;
— l’élaboration d’un plan national climat et des plans climat territoriaux pour construire
progressivement une résilience à toutes les échelles du territoire (a�énuation et adap-
tation aux changements climatiques) ;
— l’adoption d’une politique pour assurer la résilience du Bénin aux changements clima-
tiques et la faible émission de carbone ;
— la protection du li�oral béninois contre l’érosion côtière ;
— la gestion et la protection durable des écosystèmes marins et côtiers ;
— l’opérationnalisation du Centre international pour une agriculture résiliente aux chan-
gements climatiques ; et
— l’amélioration de la gestion des conventions internationales relatives à l’environne-
ment 630.
2 Cas d’autres pays de la sous-région (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger et
Sénégal)
677 Les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté sont élaborés par les pays
membres à l’issue d’un vaste processus de consultation avec les parties prenantes et les parte-
naires au développement, dont les services de la Banque mondiale et du FMI. Ils font l’objet
de rapports d’avancement annuels et décrivent les politiques macroéconomiques, structu-
relles et sociales menées par les pays à l’appui de la croissance et de la réduction de la pau-
vreté, ainsi que les besoins de financement extérieur et les principales sources de financement
en la matière 631.
678 Le Burkina Faso a réa�irmé depuis 1991, année d’adoption du Pas, son option pour une
économie de marché fondée sur les principes de libre entreprise (Medev, 2004a). Le Burkina
Faso a adopté son premier Cadre stratégique de lu�e contre la pauvreté (CSLP) en 2000 et
son deuxième CSLP en 2004. La situation socio-économique avant les CSLP était surtout
caractérisée par une croissance économique erratique et une pauvreté persistante 632. Plu-
sieurs actions ont été entreprises dès le second semestre de l’année 2000 en vue de créer une
dynamique d’amélioration progressive dans le sens du renforcement des capacités de propo-
sition et de suivi des politiques, de l’élargissement de la concertation et de la coordination
des di�érents acteurs et intervenants.
630 PC2D 2018-2021, Janvier 2018, p.125.631 FMI, Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté : résumé analytique du rapport d’avancement,Côte d’Ivoire, juillet 2015, p.1.632 Zerbo (K.), Kabore (T. S.), Drabo (K.), Stratégies de réduction de la pauvreté et les politiques agricoles,Burkina Faso, décembre 2004, p.12.
250 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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679Il s’agissait d’améliorer le processus d’élaboration du CSLP et de développer la production
de l’information nécessaire à la détermination des choix stratégiques et au suivi des pro-
grammes. L’ensemble de ces actions a conduit à l’élaboration de directives pour la révision
du Cadre stratégique de lu�e contre la pauvreté en janvier 2003. Ces directives répondent
au souci de définir une démarche perme�ant à tous les acteurs du processus CSLP de jouer
pleinement leur rôle et de contribuer e�icacement à l’élaboration du CSLP 633.
680La stratégie de réduction de la pauvreté a pour ambition de concilier les nécessités de ré-
formes structurelles et de redressement de l’économie avec les objectifs d’accroissement des
revenus des pauvres et de transferts aux plus démunis. On lit entre autres priorités du CSLP,
l’amélioration de l’accès des populations, notamment pauvres, à l’eau potable, protection de
l’environnement et l’amélioration du cadre de vie, s’appuyer sur une gestion rationnelle des
ressources naturelles 634, etc. qui a�ichent ne�ement la prise en compte de la gestion des
ressources naturelles dans la stratégie de lu�e contre la pauvreté au Burkina Faso.
681Le processus de réflexions prospectives « Côte d’Ivoire 2025 » tenue en 1993, selon une ap-
proche participative, marque le début de ce�e volonté politique de lu�er contre la pauvreté.
Elle dispose, depuis juin 1997, d’un Programme national de lu�e contre la pauvreté (Pnlcp),
doté en 1998 d’une Cellule de lu�e contre la pauvreté (CLCP), ra�achée au cabinet du Pre-
mier ministre. Samission consiste àmener des réflexions et à formuler des recommandations
en vue de la mise en œuvre e�ective du programme national de lu�e contre la pauvreté. Les
travaux de la CLCP ont abouti à l’élaboration et à l’adoption, par le Gouvernement, d’un
ensemble minimal de mesures de politiques sociales de lu�e contre la pauvreté annexé au
Document cadre de politique économique (DCPE, 1998-2001) 635. Entamé en 2000, le proces-
sus d’élaboration du DSRP qui avait abouti à l’adoption du DSRP intérimaire par la Commu-
nauté financière internationale en mars 2002, a malheureusement été interrompu par la crise
militaro-politique de septembre de la même année. Toutefois, le Gouvernement a continué
la mise en œuvre du DSRP-I, en dépit des dépenses liées à la sortie de crise 636.
682La Côte d’Ivoire, au lendemain d’une décennie de crise sociopolitique qui a sévèrement af-
fecté l’activité économique et les secteurs sociaux, a entamé depuis la fin du premier semestre
2011, un processus de reconstruction et de relance de son économie avec la double ambition
de redevenir un pays phare dans l’économie de la sous-région Afrique de l’ouest, et un pays
émergent à l’horizon 2020. C’est dans ce contexte que l’élaboration d’un nouveau Document
de stratégie pays (DSP) sur la période 2013-2017 pour soutenir ce nouvel élan s’est justifié
633 Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), janvier 2004, p.125.634 Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), janvier 2004, p.18.635 Konan (A. K.), Ph.D, Le Processus du Dsrp en Côte d’Ivoire, Novembre 2002, p.7.636 FMI, Côte d’ Ivoire : Stratégie de Réduction de la Pauvreté Rapport d’Étape au titre de l’année 2009, juillet2009, p.13.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 251
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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à plusieurs égards. Le Plan national de développement s’articule autour de cinq résultats
stratégiques :
— les populations vivent en harmonie dans une société sécurisée dans laquelle la bonne
gouvernance est assurée ;
— la création de richesses nationales est accrue, soutenue et les fruits de la croissance
répartis dans l’équité ;
— les populations, en particulier les femmes, les enfants et autres groupes vulnérables,
ont accès aux services sociaux de qualité dans l’équité ;
— les populations vivent dans un environnement sain et un cadre de vie adéquat et ;
— le repositionnement de la Côte d’Ivoire sur la scène régionale et internationale est
e�ectif 637.
683 Le Gouvernement a élaboré des documents cadre pour la prise en charge de l’environnement
et du changement climatique, notamment une politique nationale sur l’environnement en
2011, l’étude institutionnelle et de politique sectorielle de l’assainissement en 2010 ainsi que
l’étude sur la stratégie des déchets solides en 2011. La Côte d’Ivoire a également élaboré
deux Communications nationales sur le changement climatique (2000 et 2010) avec l’impli-
cation des di�érents ministères sectoriels ainsi que les organisations de la société civile. Une
Direction générale du développement durable a été créée en décembre 2011 une stratégie
nationale de développement durable est en cours d’élaboration. Des faiblesses importantes
persistent cependant pour une bonne mise en œuvre des politiques en matière de protec-
tion de l’environnement et d’adaptation au changement climatique qui passe par la prise en
compte de l’environnement dans tous les secteurs économiques et sociaux, le développement
des capacités techniques et financières et l’élaboration d’un plan national d’adaptation au
changement climatique 638.
684 Au Niger, la conduite du développement s’est exercée jusqu’à la fin des années 70 dans le
cadre d’une planification classique. En 1983, l’économie nigérienne est passée sous ajuste-
ment et elle y est restée jusqu’alors. Au cours des quinze dernières années, les relations du
Niger avec les bailleurs de fonds ont connu des périodes de rupture et de reprise. Une bonne
partie de la coopération a été suspendue entre 1990 et 1993 puis en 1995, et enfin en 1996
et en 1999. Ce n’est qu’en 2000, après les débats sur le renouveau de la planification qu’un
nouveau mécanisme a été introduit. Après les Plans et les Documents cadres des politiques
économiques et financières (DCPE) de l’ajustement, le Document de stratégie pour la réduc-
tion de la pauvreté (DSRP) est devenu le nouvel instrument du dialogue avec la communauté
des partenaires et la future référence pour la mobilisation des ressources intérieures et exté-
rieures 639. La SRP repose sur la conviction qu’il est nécessaire d’agir sans a�endre contre les
637 Revue du plan national de développement Pnd 2012–2015, rapport de la revue globale, Février 2015, p.3.638 Groupe de la Bad, Document de stratégie pays 2013-2017, Octobre 2013, p.15639 Stratégie de réduction de la pauvreté (2002-2015) Document de Synthèse pour le forum, p. 16.
252 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
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causes directes de la pauvreté mais que ce�e action serait vaine sans relance du moteur de
la croissance et sans un cadre favorable pour assurer sa consolidation 640.
685La stratégie a été fondée sur la conviction que la réduction de la pauvreté passe par une crois-
sance soutenue créatrice d’emplois et de revenus, notamment dans la sphère des pauvres.
Ce�e orientation suppose un processus politique orienté sur une bonne gestion des a�aires
publiques, le respect des grands équilibres macro-économiques, des institutions saines, un
secteur privé dynamique et une exploitation durable des ressources naturelles 641. Déjà ici,
la SRP intègre la gestion durable des ressources naturelles. Dans sa Stratégie de dévelop-
pement accéléré et de réduction de la Pauvreté, 2008–2012, le Niger réa�irme l’importance
de l’intégration de la gestion des ressources naturelles dans la stratégie de lu�e contre la
pauvreté. Le pays retient en e�et dans le cadre de la mise en œuvre de la SDR, les lignes d’in-
terventions prioritaires suivantes : l’accès des producteurs ruraux aux ressources naturelles
et notamment au foncier est sécurisé, la production des produits de cueille�e et de la pêche
est augmentée sur des bases durables, la gestion de l’eau et d’autres ressources naturelles
est améliorée et pérennisée, les conflits liés à l’accès aux ressources naturelles sont réduits,
les pratiques qui préservent l’environnement sont adoptées par les producteurs ruraux, l’éro-
sion hydrique et éolienne est réduite, l’ensablement des infrastructures et des points d’eau
est contenu, la biodiversité des espèces sauvages et domestiques est préservée, les popula-
tions des espèces animales et végétales ont augmenté 642.
686Le Sénégal a élaboré et mis en œuvre un Document de stratégie de réduction de la pau-
vreté (DSRP) couvrant la période 2003-2005. Les performances macroéconomiques ont per-
mis, pour la plupart des objectifs visés dans le cadrage de base du DSRP, d’a�eindre les ré-
sultats du scénario optimiste et dans les autres cas de se rapprocher du scénario tendanciel.
L’État a fait des e�orts importants pour respecter les ratios de répartition des dépenses pu-
bliques retenues dans le DSRP, en vue de promouvoir un développement durable et favorable
aux couches les plus démunies. Cependant, le problème de l’e�icacité des dépenses publiques
se pose toujours avec plus d’acuité dans les secteurs de la santé et de l’éducation, la qualité et
la disponibilité des ressources humaines demeurent toujours parmi les contraintes majeures
qui empêchent la réalisation d’une croissance forte et inclusive. C’est dans ce contexte que le
Sénégal a élaboré son second DSRP en vue de réduire la pauvreté de moitié à l’horizon 2015,
et d’a�eindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). À cet e�et, l’État
devra me�re en place de manière soutenue, une politique économique et sociale perme�ant
de relever significativement ses performances socio-économiques et de placer le pays sur un
sentier de développement humain durable.
640 Stratégie de réduction de la pauvreté (2002-2015) Document de synthèse pour le forum, p.26.641 Stratégie de réduction de la pauvreté (2002-2015) Document de synthèse pour le forum p.6.642 Niger, Stratégie de développement accéléré et de réduction de la pauvreté, 2008 – 2012, octobre 2007, p.86.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 253
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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687 Le consensus autour de ce�e stratégie fait apparaître la nécessité d’une mobilisation des
décideurs politiques, des acteurs nationaux et des partenaires au développement pour lu�er
contre la pauvreté et l’exclusion à travers l’établissement d’un lien étroit entre la réduction
de la pauvreté, le progrès économique, la production et la consommation durables, l’équité
du genre, le renforcement des capacités et la bonne gouvernance 643. À travers ce�e stratégie,
le Sénégal s’est engagé à poursuivre les objectifs prioritaires suivants :
— la mise en valeur concertée des ressources naturelles (exploitation rationnelle et du-
rable, diversification des combustibles, réduction des pertes à la consommation) ;
— la sauvegarde de l’environnement et la lu�e contre la désertification ;
— la sauvegarde de la faune et de la flore ;
— la sauvegarde de l’environnement marin et côtier ;
— le renforcement des capacités de gestion des ressources naturelles et de l’environne-
ment ;
— la promotion d’une gestion rationnelle des ressources naturelles et conserver la biodi-
versité ;
— le renforcement des capacités en gestion des ressources naturelles et de l’environne-
ment (GRNE) par la formation, l’éducation, la sensibilisation, l’alphabétisation, etc. ;
— la gestion communautaire des aires protégées ;
— l’optimisation des interventions de l’État, conformément au Code de l’environnement ;
— la lu�e contre les pollutions, nuisances et risques ;
— la valorisation des ressources sauvages et ;
— la promotion des modes de production et de consommation durables dans tous les
secteurs du développement 644.
688 Dans d’autres secteurs concernant la création de richesse, le renforcement des capacités et
la promotion des services sociaux de base, l’amélioration des conditions de vie des groupes
vulnérable, des objectifs environnementaux ont été soulignés. Pour les secteurs de l’agricul-
ture, élevage, pêche, énergie, assainissement et développement social, habitat des groupes
vulnérables, les objectifs suivants ont été retenus 645 :
643 Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté 2006-2010, Sénégal, octobre 2006,p.6.644 Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté 2006-2010, Sénégal, octobre 2006,p.48.645 La plupart des documents de politique agricole développés récemment adoptent cette approche intégrée deprise en compte de l’environnement. En témoigne les projets et programme d’Appui à l’adaptation aux change-ments climatiques au Mali et au Bénin. Au Mali comme au Bénin, l’objectif est que « Les populations vulnérables,particulièrement les femmes et les jeunes, béné�cient de capacités productives dans un environnement (naturel) sainfavorable à la réduction de la pauvreté ». Pour en savoir plus, voir : ministère de l’Équipement et des Transports(2007) Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANACC), i.e. the NAPA forMali. À consulter sur le site : https://info.undp.org/docs/pdc/Documents/MLI/Prodoc.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La prise en compte des droits économiques des populations • Section 1
PartieII.T
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— réduction de la vulnérabilité des activités agricoles pour rompre le cercle vicieux de la
pauvreté et de la dégradation de l’environnement ;
— gestion de l’environnement pour un maintien du capital foncier et la préservation des
bases productives ;
— gestion durable et restauration des ressources halieutiques ;
— explorations plus rationnelle de la distribution géographique de toutes les sources
d’énergie disponibles mais inégalement réparties pour réduire la pression sur les res-
sources ligneuses ;
— relèvement du taux de desserte en réseau d’assainissement et d’accès aux services
o�erts pour améliorer, par des activités spécifiques, le cadre de vie des populations ;
— assurance d’un meilleur accès aux parcelles viabilisées et à des parcelles adéquates.
689Le dispositif des DSRP, mis en place en septembre 1999 par le FMI et la Banque mondiale, est
concrétisé par des stratégies générales de réduction de la pauvreté pilotées par les pays. Ces
stratégies assurent un lien essentiel entre les actions des autorités nationales, les concours
des bailleurs de fonds et les résultats requis pour a�eindre les Objectifs du millénaire pour
le développement (ODM) de l’Organisation des nations unies visant à réduire de moitié la
pauvreté entre 1990 et 2015 646. Ces pays ont adopté déjà plusieurs générations de stratégie
de lu�e contre la pauvreté. Dans leur ensemble, ces stratégies visent l’a�einte des OMD. Une
appréciation des quelques SRP ci-dessus exposées ressort clairement l’approche holistique
et durable que les États intègrent directement dans les stratégies de lu�e contre la pauvreté
qu’ils élaborent et me�ent en œuvre. En somme, les États comprennent les enjeux de déve-
loppement durable et adoptent une approche qui intègre la gestion des ressources naturelles
dans les stratégies de lu�e contre la pauvreté. Ce�e approche est plus remarquable dans les
générations plus jeunes des documents de stratégie de lu�e contre la pauvreté que les pays
adoptent et me�ent en œuvre. C’est le cas du Bénin qui dans son PC2D, prévoit des actions
concrètes pour la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources natu-
relles ; en a�endant une mise en œuvre e�ective de ces actions, des résultats importants sont
escomptés.
S e c t i o n 2
LE FONCIER COMME SOURCE DE JUSTICE, DE PAIX ET D’AF-FIRMATION DE SOLIDARITÉ
690Le rapport que l’homme entretient avec le foncier sur un territoire est de nature a�ective et
passionnée. Plusieurs thèses ont démontré que le foncier, en Afrique, peut donc déboucher
sur la haine et la guerre 647. Mais il peut aussi être vecteur de convivialité et devenir une
646 http ://www.sca.gouv.sn/index.php?option=comcontentview=articleid=151.647 Les références faites aux implications foncières dans le con�it ivoirien.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 255
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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source de justice sociale et de paix (paragraphe 1) puis un lieu d’a�irmation de solidarité
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 Le foncier rural, source de justice et paix
691 L’histoire a montré, positivement et négativement, en Afrique et ailleurs, qu’il n’y a pas de
développement possible sans un droit foncier qui apporte à la fois la sécurité juridique et la
paix sociale. La recherche d’un environnement propice à une bonne gouvernance foncière
rurale et naturelle a conduit les États à consacrer dans leurs législations les principes de
justice et de paix d’une part (A) puis à instaurer un mécanisme alternatif de règlement des
conflits fonciers pour se coller à la tradition africaine (B).
A - La Justice et la paix : socle de la nouvelle société démocratique
692 Pour mieux apprécier la relation qu’entretiennent la justice, la paix et la démocratie, il su�it
de partir de leur définition respective. Du latin justitia, justice ayant pour racine jus, juris,
le droit au sens de permission en matière de religion, la justice est le principe moral de la
vie sociale fondé sur la reconnaissance et le respect du droit des autres qui peut être le droit
naturel (l’équité) ou le droit positif (la loi) 648.
693 Selon le dictionnaire Le Robert, le mot paix traduit les rapports entre personnes qui ne sont
pas en conflit. La paix n’implique pas de relations positives entre personnes. Elle désigne
plutôt des rapports calmes, qui peuvent d’ailleurs n’être que de pure forme. La paix désigne
également un état de calme, de tranquillité sociale caractérisée à la fois par l’ordre intérieur
dans chaque groupe, et par l’absence de conflit armé entre groupe. La paix est également
définie comme étant le commencement de la compréhension mutuelle, du respect et de l’ap-
préciation de l’autre en tant que di�érent de nous. La paix positive, c’est la coexistence des
esprits et des cœurs. Ce�e définition de la paix positive vaut tout autant pour la paix entre
groupes, nations, blocs, etc., que pour la paix entre individus.
694 Au plan collectif, la paix désigne également l’absence de violence ou de guerre entre groupes
humains. En ce sens, la paix entre les nations est l’objectif des nombreux hommes et organi-
sations comme l’ancienne SDN ou l’actuelle ONU. Il apparaît donc que les notions de justice,
de paix sont intimement liées et sont le socle d’un État démocratique.
695 La démocratie est un idéal ainsi qu’un objectif, fondé sur des valeurs fondamentales et com-
munes à tous les peuples de la planète à l’esprit ouvert, indépendamment des di�érences
648 Cette dé�nition est tirée du dictionnaire juridique en ligne sur le site : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Justice.htm
256 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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culturelles, politiques, sociales ou économiques. Elle repose sur des valeurs telles que, l’in-
violabilité de la dignité humaine, la liberté, le respect des droits de l’homme la primauté du
droit, l’égalité des sexes, la solidarité et la justice sociale, la protection des bases naturelles
de la vie, la tolérance, la liberté de croyance, le respect des minorités la diversité culturelle.
696Si la démocratie est intimement liée à la paix, elle est un préalable indispensable au déve-
loppement. « Sans stabilité, sans sécurité ou paix, les e�orts en matière de démocratisation et
de développement apparaissent vains » 649 C’est dans un espace pacifié et sécurisé qu’on peut
établir des institutions stables, entreprendre et féconder des activités productrices de biens
et services susceptibles de stimuler le progrès économique, accroître le bien-être des popula-
tions, consolider la bonne gouvernance, la justice sociale et la stabilité. Avec ce�e importance,
l’on comprend dès lors la place accordée à la paix dans la plupart des constitutions des États
pour garantir un essor économique à leurs citoyens.
697Pour le Bénin, c’est déjà en son préambule que la Constitution du 11 décembre 1990 a�irme
la détermination du peuple béninois à construire un environnement de justice et de paix. Et
comme pour traduire dans la réalité sa volonté ainsi exprimée, la Constitution accorde aux
citoyens béninois des droits et des libertés dont le respect favoriserait l’environnement de
justice et de paix 650 C’est à travers quelques dispositions de la loi fondamentale que l’on peut
se rendre compte de ce�e volonté. Pour le constituant béninois, « l’État assure à tous l’égalité
devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de
position sociale. L’homme et la femme sont égaux en droit, l’État protège la famille et particu-
lièrement la mère et l’enfant, il veille sur les handicapés et les personnes âgées » 651. De même,
« Chaque Béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination,
de renfoncer et de promouvoir le respect le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix
649 Nkundabagenzi (F.) et Santopinto (F.) – Le développement : Une arme de paix, Paris : GRIP, 2003, p. 21.650 Réa�rmons notre opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’in-justice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la con�scation du pouvoir et le pouvoirpersonnel ; - Exprimons notre ferme volonté de défendre et de sauvegarder notre dignité aux yeux du monde etde retrouver la place et le rôle de pionnier de la démocratie et de la défense des droits de l’homme qui furentnaguère les nôtres : - A�rmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer unÉtat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques,la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaireau développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelleque spirituelle ; - Réa�rmons notre attachement aux principes de la démocratie et des droits de l’homme telsqu’ils ont été dé�nis par la Charte des nations unies de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l’hommede 1948, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée en 1981, par l’Organisation de l’unitéafricaine, rati�ée par le Bénin le 20 Janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la présenteConstitution et ont une valeur supérieure à la loi interne ; - A�rmons notre volonté de coopérer dans la paix etl’amitié avec tous les peuples qui partagent nos idéaux de liberté, de justice, de solidarité humaine, sur la basedes principes d’égalité, d’intérêt réciproque et de respect mutuel de la souveraineté nationale et de l’intégritéterritoriale ; - Proclamons notre attachement à la cause de l’Unité africaine et nous engageons à tout mettre enoeuvre réaliser l’intégration sous régionale et régionale. Chacun de ces points porte, dans son esprit, l’idéal dela justice et de la paix.651 Loi no 90-32 portant Constitution de la République du Bénin (11 déc. 1990) , art. 26.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 257
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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et de la cohésion nationale » 652. Ce�e même Constitution a créé les conditions d’une justice
impartiale puisque qu’elle dispose que « la justice est rendue au nom du peuple béninois. Les
juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats
du siège sont inamovibles. Ce sont là des garanties à un environnement de paix et de justice » 653.
698 Comme pour la plupart des Constitutions des États d’Afrique francophone, le Burkina Faso
a emprunté la même la voie que le Bénin en créant les conditions d’une justice et de paix à
travers le préambule de sa constitution 654. À l’appui du préambule, plusieurs dispositions de
ce�e Constitution ont approfondi la notion de justice et de paix nécessaires à l’épanouisse-
ment des citoyens. Ainsi, « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits. Tous ont une
égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la présente Consti-
tution » 655. Les mêmes droits sont garantis aux citoyens des États de l’espace UEMOA en
des termes à peu près similaires. Ce�e tendance des États d’Afrique francophone se justifie
par leur histoire commune en lien avec la France 656. Ce�e influence reste sous le sceau de la
disposition selon laquelle : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée,
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. 657 »
699 La recherche d’un environnement de paix et de justice sociale n’a pas empêché les légis-
652 Loi no 90-32 portant Constitution de la République du Bénin, op. cit., art. 36.653 Ibid., art. 126.654 Nous, Peuple souverain du Burkina Faso ; Conscient de nos responsabilités et de nos devoirs devant l’his-toire et devant l’humanité ; Fort de nos acquis démocratiques [. . .] ;Engagé à préserver ces acquis et animé de la volonté d’édi�er un État de droit garantissant l’exercice des droitscollectifs et individuels, la liberté, la dignité, la sûreté, le bien-être, le développement, l’égalité et la justice commevaleurs fondamentales d’une société pluraliste de progrès et débarrassée de tout préjugé ;Réa�rmant notre attachement à la lutte contre toute forme de domination ainsi qu’au caractère démocratiquedu pouvoir ;Recherchant l’intégration économique et politique avec les autres peuples d’Afrique en vue de la constructiond’une unité fédérative de l’Afrique ;Souscrivant à la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et aux instruments internationaux trai-tant des problèmes économiques, politiques, sociaux et culturels ;Réa�rmant solennellement notre engagement vis-à-vis de la Charte africaine des droits de l’homme et despeuples de 1981 ;Désireux de promouvoir la paix, la coopération internationale, le règlement paci�que des di�érends entre États,dans la justice, l’égalité, la liberté et la souveraineté des peuples ;Conscient de la nécessité absolue de protéger l’environnement ;Approuvons et adoptons la présente Constitution dont le présent préambule fait partie intégrante.655 Constitution du Burkina Faso adoptée par le Référendum du 02 juin 1991 révisée par les lois numéros : -002/97/ADP du 27 janvier 1997 - 003 -2000/AN du 11 avril 2000 - 001 -2002/AN du 22 janvier 2002 (2 jan. 1991), art. 1er.656 J. Pan avait raison lorsqu’il a�rmait qu’« au panthéon du droit constitutionnel on trouve la théorie de la sépa-ration des pouvoirs ». D’ailleurs, c’est ce qui ressort de Déclaration française des droits de l’homme et du citoyende 1789 : le seul système labellisé, c’est celui où la séparation des pouvoirs est déterminée. Hier anesthésié,ce postulat, a priori s’avère sensible aujourd’hui en Afrique. En e�et, la tendance se reversant depuis 1990, lapratique constitutionnelle laisse entrevoir un retour à ce postulat. L’émergence d’une justice constitutionnelle(1) autant que la �n du recueillement muet du Parlement l’attestent (2). Pour se convaincre de cette réalité quia in�uencé les Constitutions en Afrique, Cf. : Jan (P.) – « Les séparations du pouvoir », in : Constitutions etpouvoirs : Mélanges en l’honneur de Jean Gicquel, Paris : Montchrestien, 2009, p. 255.657 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) , art. 16.
258 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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lateurs des États étudiés à s’entrevoir un mécanisme adapté au contexte socio culturel en
matière de règlement de conflits fonciers. Même si ce mécanisme de gestion des conflits liés
aux ressources foncières n’est pas encore consacré dans les États de l’UEMOA, il a le mérite
de faire la di�érence qui pourrait à terme convaincre les autres pays. Il s’agit d’une préalable
recherche de conciliation ou de voie amiable avant la voie juridictionnelle.
B - La conciliation préalable ou la voie amiable : une singulière
voie de règlement des conflits fonciers
700« La terre joue un rôle de premier plan dans l’activité des hommes. Objet de convoitises, lieu de
conflits et de guerres fratricides, sa gestion a toujours été problématique au fil des temps ». Tous
les litiges fonciers et domaniaux ne concernent pas directement l’État. Mais ce dernier n’y
est en réalité jamais écarté car même pour les litiges fonciers auxquels il n’est pas « partie »,
il est tout de même sollicité soit en tant qu’arbitre, soit en tant que celui qui doit rétablir la
ou les parties lésées dans leur bon droit.
701En e�et, la ressource foncière étant devenue une source incontestable de richesse, elle pola-
rise toutes les convoitises, en éveillant l’instinct territorial des individus et du groupe. C’est
ce�e convoitise acharnée qui amène les populations à comme�re un certain nombre de pra-
tiques souvent sources de conflits fonciers. L’idée d’une société africaine sans contradiction
apparaît de plus en plus mythique. Les visions communautariste et idyllique du milieu ru-
ral doivent être nuancées par le caractère hautement conflictuel du tissu social rural. Tout
aussi vieilles que les sociétés elles-mêmes, les contradictions se font de plus en plus visibles
en dépit de la latence de la plupart d’entre elles. La marchandisation des rapports sociaux,
la dimension organique des relations et la gestion de ressources naturelles en voie de raré-
faction constituent autant de motifs concourant à expliquer la logique conflictuelle de la
cohabitation des communautés.
702Dans les pays de l’espace UEMOA, la gestion des ressources naturelles occupe une place im-
portante dans l’émergence de conflits en milieu rural. Elle est à la base de nombreux heurts.
Ces derniers se font plus ressentir dans les zones d’accueil de migrants. La coexistence d’al-
lochtones avec des autochtones acquis à la pratique de systèmes traditionnels de production
agro-pastorale est très souvent à l’origine de multiples conflits (Tallet, 1998).
703De façon générale, le foncier s’a�iche comme un champ propice au développement des
conflits les plus divers entre agriculteurs/agriculteurs, éleveurs/agriculteurs, éleveurs/éleveurs.
Prenant conscience de ce fait, les nouvelles législations des États de l’Union ont innové dans
la procédure de résolution en instituant une phase de conciliation préalable et en cas d’échec,
une phase juridictionnelle. C’est la particularité instaurée en exigeant une conciliation préa-
lable ou une voie amiable spécifiquement pour les conflits fonciers qui intéressent le champ
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 259
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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de ce�e étude. Pour ce�e voie non juridictionnelle, le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal
sont des exemples de ce�e singularité.
704 Selon le professeur Lazare Crinot, l’une des caractéristiques fondamentales de la sociologie
africaine est qu’elle a horreur des voies juridictionnelles de règlement des conflits, de sorte
qu’en matière contentieuse, celles-ci ne sont qu’un ultime recours, après l’échec de toutes
les autres voies. Ce�e approche semble avoir un écho favorable dans les nouveaux textes en
Afrique de l’Ouest. Ainsi, qu’il s’agit des textes sur le foncier agricole ou sur le pastoralisme, la
plupart consacre une partie importante à une gestion alternative des conflits portant sur les
ressources naturelles. Ce�e a�itude peut « di�icilement étonner, compte tenu de la perception
très négative du procès, en particulier en milieu rural » 658. La persistance des conflits fonciers
en milieu rural dans les États de l’UEMOA nous semble une résultante de l’ignorance et/ou
de la résistance des populations rurales premières occupantes des terres face à un système
juridique étranger, celui du droit écrit qui se substitue à l’ordre normatif traditionnel en
matière foncière.
705 Un des grands chantiers de la réforme de la justice engagée depuis quelque temps en Afrique
est de favoriser la multiplication des modes alternatifs de règlement des conflits. Ceux-ci
ont pour fonction de perme�re aux parties en conflit d’aboutir à des solutions, sans que
celle-ci ne proviennent des tribunaux 659. L’objectif avéré est donc de transposer en Afrique
ce�e technique existant dans le droit français. C’est par la loi no 95-125 du 8 février 1995
que la France a organisé les modes alternatifs judiciaires civils de règlement des conflits.
Ce�e réforme était a�endue depuis longtemps, car elle correspondait à un besoin pour les
tribunaux de pouvoir tenter eux-mêmes une conciliation ou une médiation avant qu’une
phase proprement contentieuse ne soit engagée.
706 En Afrique de l’Ouest, les nouvelles législations foncières rurales ont fait aussi une part belle
à ce mode de solution aux litiges fonciers. La raison d’une telle option serait l’idée positive
que les sociétés africaines portent sur ces solutions alternatives. En témoigne le ministère de
la Justice burundais qui a par ailleurs mené des consultations sur la justice de proximité qui
avaient abouti à la conclusion que les procédures de résolution à l’amiable méritaient une
plus grande a�ention et qu’il conviendrait de promouvoir les modes alternatifs de résolution
des conflits pour « [adapter le] mode de fonctionnement des tribunaux aux réalités locales et au
besoin de prévenir les procédures contentieuses » 660. L’idée est de soulager la justice étatique
de tous les litiges à propos desquels il n’est pas indispensable de la mobiliser et de remédier
ainsi à l’encombrement endémique auquel elle est soumise. En d’autres termes, il convient
658 Yahya (K.), « Le cadre juridique du foncier pastoral », op. cit., p. 116.659 La faveur dont jouissent les modes alternatifs de règlement des con�its est due au succès qu’ils connaissentaux États-Unis où ils sont très pratiqués sous le nom d’«Alternative dispute résolution » ou «Adr ».660 République du Burundi / ministère de la Justice, Les dé�s de la justice de proximité au Burundi. Synthèsede la consultation nationale de 2011, Bujumbura, 2011, p. 45.
260 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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d’encourager toutes les solutions qui peuvent perme�re d’éviter un contentieux judiciaire,
car celui-ci est souvent lourd, long et laisse des traces indélébiles chez les parties du litige. Les
parties doivent avoir la possibilité d’éviter un tel procès si elles le souhaitent. On retrouve
ainsi l’application du fameux adage : « un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès ».
C’est pourquoi les modes alternatifs de règlement des conflits sont, avant tout, fondés sur
l’acceptation par les parties d’une solution amiable, et non juridictionnelle. L’arbitrage, mode
juridictionnel, n’appartient donc pas à la catégorie des modes alternatifs de règlement des
conflits 661.
707La voie non juridictionnelle de règlement des conflits fonciers ruraux promue par les États
notamment le Bénin, le Burkina et le Sénégal confirme bien selon le professeur Samba Traoré
la sagesse bien africaine qui dit : « il vaut mieux avaler une aiguille dans le secret de sa case,
librement, plutôt que d’être contraint à avaler un tronc d’arbre sur la place publique » 662. La mo-
ralité de ce�e sagesse, il faut accepter les solutions endogènes de gestion des conflits fonciers,
plus douces, plus sociales, plutôt que d’être obligé de subir les rigueurs de la loi, plus sévères
et plus humiliantes. L’écho de ce�e sagesse s’est traduit dans les nouvelles législations fon-
cières qui ont arrimé la gestion des conflits fonciers aux règles liées à la décentralisation. Le
Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal constituent des exemples dans l’espace UEMOA.
708Pour le Sénégal, la déconcentration a pour finalité de rapprocher l’Administration des admi-
nistrés et de rendre plus e�icace et e�iciente, l’action de l’État. Ce rapprochement au centre
duquel est l’autorité administrative déconcentrée fait qu’elle est la première personne à être
interpellée par les populations pour essayer de trouver une solution à leur litige 663 surtout
au niveau des collectivités locales.
709En e�et, le représentant de l’État par ses a�ributions, intervient dans tous les domaines où la
collectivité locale a reçu compétence conformément à la loi. Ainsi, en matière foncière par le
biais de son pouvoir d’approbation, il règle en amont les problèmes liés à la terre ; de même,
il peut être saisi en tant qu’autorité pour me�re fin à un litige foncier. Le contrôle de légalité
est un moyen de prévention des problèmes fonciers.
710Ainsi, les autorités administratives déconcentrées, du fait du pouvoir que leur confère la loi,
notamment la loi no 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Cgcl, peuvent avoir une influence
avérée sur les litiges fonciers et arrivent, dans bien des cas, à les résoudre. Et si, malgré toutes
les diligences prises, elles ne parviennent toujours pas à trouver une solution au litige qui
leur est soumis en raison de sa complexité, elles transfèrent le dossier à une autorité mieux
661 On assiste, depuis quelques années, à l’avènement de deux types de modes alternatifs de règlement descon�its : ceux qui sont pratiqués au sein même de la justice étatique et ceux qui sont dus uniquement à destechniques conventionnelles.662 Traoré (S.), « Le con�it foncier à l’ombre du droit », op. cit., p. 85.663 Voir le cas du récent litige foncier de Mbane suite à la tentative d’extension de la société Sénégindia, litigepour lequel le sous-préfet a été au coeur du règlement.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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habilitée à s’en charger et qui peut être l’administration des Domaines, la Dscos, le procureur
de la République ou même le médiateur de la République 664.
711 À la lecture des dispositions de l’article premier de la Loi no 91-14 du 11 février 1991 instituant
un Médiateur de la République au Sénégal, nous pouvons en déduire que le Médiateur de
la République intervient en principe, en matière de litige foncier et domanial, lorsque ledit
conflit oppose soit l’État à un ou des particuliers, soit lorsque cela oppose l’État central à des
démembrements ou encore ces derniers contre les particuliers. Mais dans les faits, il est aussi
très souvent saisi relativement à des litiges fonciers opposant strictement des particuliers.
C’est un mécanisme de règlement à option multiple.
712 Le Bénin et le Burkina Faso, ont opté pour un mécanisme de règlement très hiérarchisé.
Ainsi, dans les deux États, la recherche de la résolution d’un conflit foncier doit obligatoi-
rement commencer par une conciliation. Pour le Burkina Faso, les conflits fonciers ruraux
doivent faire l’objet d’une tentative de conciliation avant toute action contentieuse. La tenta-
tive de conciliation des conflits fonciers ruraux est assurée par les instances locales habituel-
lement chargées de la gestion des conflits fonciers. Les chartes foncières locales déterminent
la procédure applicable devant les instances locales de conciliation. En considération des cir-
constances locales, les chartes foncières locales peuvent prévoir la mise en place d’instances
locales ad hoc chargées de la gestion des conflits fonciers ruraux.
713 L’instance locale chargée de la gestion alternative des conflits dispose d’un délai de quarante-
cinq jours à compter de sa saisine pour me�re en œuvre la conciliation entre les parties. Ce
délai peut être prorogé une seule fois 665. De plus toute procédure de conciliation doit faire
l’objet d’un procès-verbal de conciliation ou de non conciliation. En cas de conciliation, le
procès-verbal de conciliation doit être soumis à homologation du président du tribunal de
grande instance territorialement compétent. En cas de non conciliation, la partie la plus
diligente peut saisir le tribunal compétent, en joignant à l’acte de saisine le procès-verbal de
non conciliation.
714 Les procès-verbaux de conciliation ou de non conciliation sont enregistrés dans les registres
des conciliations foncières rurales tenus par les communes rurales. Une copie du procès-
verbal est délivrée à chacune des parties. Les copies de procès-verbaux de conciliation ou de
non conciliation sont soumises au droit de timbre communal 666 . Le mécanisme du Bénin est
à peu près le même. Les di�érends liés à l’accès aux terres rurales et aux ressources naturelles
664 Aux termes de l’article premier de la loi no 91-14 du 11 février 199163, « il est institué un Médiateur de laRépublique, autorité indépendante qui reçoit, [. . .] les réclamations concernant le fonctionnement des administra-tions de l’État, des collectivités locales, des établissements publics et tout autre organisme investi d’une mission deservice public ».665 Loi no 034-2009/AN portant Régime foncier rural en République du Burkina Faso, op. cit., art. 96.666 Ibid., art. 97.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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y relatives sont réglés conformément aux dispositions de la loi portant organisation judiciaire
en République du Bénin.
715Toutefois, la saisine des juridictions doit obligatoirement être précédée, au choix des parties,
d’une tentative de conciliation par le tribunal de conciliation compétent ou d’une tentative
de règlement amiable. Si les parties ne s’entendent pas sur le choix du mode de règlement,
la partie la plus diligente saisit directement le juge du contentieux 667. Lorsque les parties
en conflit optent pour le règlement amiable, elles choisissent de commun accord, l’instance
locale ou la personne chargée du règlement amiable du di�érend 668. Aucune procédure par-
ticulière n’est exigée quant au choix de l’instance ou de la personne chargée du règlement
amiable 669. Les parties se font obligatoirement assister chacune au moins d’un témoin pen-
dant le déroulement de la tentative de règlement amiable 670. Le règlement amiable donne
lieu à l’établissement d’un procès-verbal qui doit comporter les indications précises 671.
716Il convient de retenir que dans les États de l’UEMOA nous sommes en présence deux mé-
canismes de règlement de conflit foncier extra judiciaire dont l’un à multiples option (le
Sénégal) et l’autre très hiérarchisé (le Bénin et le Burkina Faso). Les deux systèmes peuvent
présenter certains avantages et inconvénients. Si la recherche de l’homologation des procès-
verbaux peuvent constituer une garantie de certification par une autorité administrative, elle
présente le risque de constituer un frein si l’autorité chargée d’homologuer au niveau local a
une préférence pour l’une des parties. Dans le même temps, le choix d’une procédure à mul-
tiple option peut paraître désordonné mais il laisse le choix dans un système où le médiateur
de la République à une longue expérience de gestion des conflits.
Paragraphe 2 Le foncier rural, un lieu d’affirmation de solidarité
717La gestion et l’occupation du foncier font l’objet, de débats permanents et passionnés. La
concurrence entre les di�érents usages de l’espace rural n’a jamais été aussi forte, tandis
que se pose dorénavant la question des qualités des sols qui seront légués aux générations
suivantes. Au regard d’un droit dépassé par ces nouveaux enjeux, la nécessité apparaît d’une
grande réforme foncière qui embrasse les problèmes dans leur globalité. Les usages pastoraux
et la relation de pâture ont été mis à mal par le droit positif et l’avènement d’une conception
tranchée de la propriété privée, mais les politiques publiques ont plus récemment tenté de
revaloriser le pastoralisme en ce qu’il présente un caractère d’intérêt général pour certains
667 Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 386.668 Ibid., art. 387.669 Ibid., art. 388.670 Ibid., art. 389.671 Ibid., art. 390.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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territoires 672. Ce�e revalorisation s’est traduite dans les États de l’UEMOA, aires de notre
étude par une solidarité juridique fondée sur la théorie de la sécurisation du « communage »
(A). Ce�e théorie se trouve justifiée par les impératifs de survie de certains acteurs ruraux
(les pasteurs) et d’expression consacrée des solidarités (B).
A - Le « communage » 673 des ressources foncières et naturelles : unimpératif de survie du pastoralisme ou une solidarité d’utilisa-tion des ressources reconnue
718 La terre en tant que support de droits a un statut juridique qui en détermine les modes
d’occupation ou d’exploitation en fonction de sa signification sociale et de sa valeur dans le
processus de développement. C’est donc à partir de ce statut juridique que s’établissent les
rapports de production. De ce fait, toute politique de développement agricole passe néces-
sairement par la définition préalable de ce statut juridique.
719 La volonté de changement radical de paradigme dans notre rapport au foncier agricole afin
de faire primer l’usage d’une terre sur sa propriété, la valeur patrimoniale du foncier sur sa
valeur spéculative a conduit les États de notre étude à reconnaître certains impératifs de
survie. Ainsi, l’impossibilité pour les pasteurs à maîtriser les facteurs déterminant une ex-
ploitation paisible des ressources foncières rurales, nécessaires à son activité a justifié les
diverses manifestations de solidarité et la mobilité pastorale comme solution 674. Ce�e mo-
bilité est une caractéristique très marquante du pastoralisme dans l’espace UEMOA. C’est à
partir de ce�e mobilité que les pasteurs créent leur proximité avec les ressources naturelles
indispensables à leurs activités. Donc pour la survie de ce�e activité rurale et économique, il
faut garantir, pour le pastoralisme la disponibilité et un droit d’accès.
720 La pâture en tant que simple droit de faire paître le bétail sur un fonds ne constitue pas
un droit de jouissance du fonds, mais un droit d’usage 675 qui porte sur la propriété d’au-
trui. Ainsi s’est constitué, dans chacun des États, un patrimoine commun, d’accès libre mais
réglementé. Dans ce�e réglementation, les États sont obligés de recourir à la notion de ter-
ritoire pour assouplir celle de parcelle par nature appropriable. En e�et, Les terres sont des
portions d’espace qui sont appropriées par des personnes privées ou publiques et sont cadas-
trées (propriétés privées et propriétés publiques). Or ces terres, qui sont des biens immeubles,
672 Barrière (O.) et Bes (C.) – « Droit foncier et pastoralisme, entre propriété et territoire », in : Vertigo – Revueélectronique en sciences de l’environnement vol. 17.1 (2017), url : http://journals.openedition.org/vertigo/18362.673 Le droit de communage est le droit qui confère à un ensemble d’usager le droit de tirer ensemble pro�td’une ressource sans en détenir pour autant la propriété.674 Yahya (K.), « Le cadre juridique du foncier pastoral », op. cit., p. 41.675 Faute de dé�nition légale, le droit d’usage est énoncé dans la jurisprudence comme un droit « en vertu duquelle propriétaire d’un domaine ou les habitants d’une commune peuvent prendre dans le fonds d’autrui certainessubstances dans la limite de leurs besoins » (Gaud-Cabrée, 2006).
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sont ancrées dans un territoire (celui de la communauté de communes). Et ce territoire 676,
lui, n’est pas une marchandise, mais l’espace de vie commun à tous. Cependant, dans ce ter-
ritoire de la communauté de communes à destination pastorale, une grande partie de la terre
étant, réellement ou potentiellement, le support de l’activité pastorale devient par sa desti-
nation d’intérêt général, une chose commune qui s’inscrit dans un patrimoine davantage
commun que personnel 677, car partagé.
721Les politiques visant à améliorer la gouvernance de l’espace rural, en particulier concernant
l’accès aux ressources foncières s’est alors opéré par la reconnaissance spécifique d’un bien
commun. En définitive, la nature « commune » des ressources nécessaires au pastoralisme
qui, en bannissant toute forme d’appropriation exclusive, semble perme�re à la mobilité
pastorale d’exercer sa véritable finalité.
722En réalité la notion du bien commun n’est pas nouvelle. Elle jouit d’une réhabilitation qui
l’adapte au contexte actuel. Pour des raisons tenant aux valeurs sociales, le « communage »
des ressources n’a pas seulement été connu en Afrique au sud du Sahara, mais en Afrique
en général. Le Roy rappelait que la notion de propriété était inconnue en Afrique 678.
723Il convient de retenir que, quoi qu’il en soit, le droit communal est une réalité connue de
toutes les sociétés qui ont comme activité le pastoralisme. Thébaud nous en fournit des
exemples avec des nuances en Europe où, exercé depuis des siècles, le « communage » perdure
encore à certains endroits 679.
724En France, déjà, « les biens communaux » étaient ceux laissés à la jouissance des habitants du
village qui bénéficiaient ainsi de véritables « droits communaux ». C’est un droit qui confère à
son titulaire (ici un ou des usagers) de tirer profit d’une ressource, sans en être le propriétaire.
Ce�e forme de solidarité n’est pas à confondre avec le « droit de vaine pâture » 680 ou le « droit
de pâturage » 681.
676 Le territoire est un élément constitutif de l’État dont il forme l’assise géographique et sur lequel il exerceses compétences. Cf. Cornu (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 917.677 Cf. art.517 du Code civil.678 Pour le professeur Le Roy, « L’échec des politiques foncières et, singulièrement, des politiques de taxations �s-cales des immeubles urbains en Afrique francophone, ne tient pas seulement à la complexité des procédures mais aufait qu’elles restent étrangères à la grande majorité des Africains. L’universalité de la propriété privée, qui n’existaitpas sur ce continent, peut être en e�et toujours inutile, contreproductive ou stérilisante tant que la généralisation dumarché ne l’exige pas ». Pour d’amples informations à ce sujet, lire : Le Roy (É.) – « Pluralisme juridique et taxa-tion foncière : Réintroduire la con�ance, chaînon manquant dans les processus de gestion urbaine en Afriquefrancophone de l’Ouest », in : Techniques Financières et Développement vol. 3.112 (2013), p. 81–95 ;Chouqer (G.)– Terres porteuses, entre faim de terres et appétit d’espace, Paris : Actes sud, 2012, 246 p. ; Le Roy (É.), « Pluralismejuridique et taxation foncière », op. cit.679 Tébaud (B.) – Rapport de mission, Projet d’exploitation agro-sylvo- pastoral des sols dans le nord du Sénégal,Banque africaine de développement, 1993, 80 p.680 C’est une ouverture donnée aux populations qui pouvaient faire paître les animaux dans les champs libérésdes récoltes.681 Ce droit peut s’analyser plutôt comme une servitude que devait supporter un fond de terre sous certainesconditions.
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Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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725 En Suisse, au XVIe siècle, des règles étaient mises en place pour l’accès aux pâturages com-
muns et leur exploitation.
726 Enfin, au Royaume-Uni, le Common désignait lui aussi une ressource utilisée par une com-
munauté de producteurs ou de consommateurs, sans que ce�e ressource puisse être indivi-
duellement appropriée.
727 Dans l’espace UEMOA en particulier, l’a�irmation de la solidarité en matière foncière ru-
ral traduit l’importance du « communage » des ressources naturelles consacrée à travers de
nombreuses dispositions légales et réglementaires destinées à en garantir l’e�ectivité et les
conditions de mise en œuvre.
B - Le « communage », une solidarité consacrée ou une remise en
cause de la tragédie du commun
728 Le mouvement des animaux constitue une stratégie clé pour les pasteurs de toute l’Afrique
de l’Ouest. Le défi pour le régime foncier consiste à créer des cadres législatifs et de politique
générale qui puissent fournir des mécanismes pour la négociation entre les utilisateurs des
terres et qui soient su�isamment souples pour perme�re l’accès aux ressources de pâture et
à l’eau dont les pasteurs ont besoin à certains moments de l’année.
729 Face aux verrouillages fonciers, la construction d’une vocation pastorale sur le territoire
passe par des actions volontaristes et une prise en main de certains outils juridiques par les
acteurs locaux au service des dynamiques territoriales. Pour réussir cet ancrage juridique vi-
sant à favoriser l’usage des ressources naturelles à une catégorie ne disposant pas du droit de
propriété, il s’est avéré nécessaire pour les États d’assouplir les fondements théoriques de la
« tragédie des communs » 682. Ce�e théorie part du caractère forcement limité des ressources
naturelles, d’une part, leur surexploitation par une population en croissance exponentielle
et continue d’autre part, Hardin prédit une véritable tragédie, si ces ressources demeurent
librement accessibles et d’un usage sans restriction.
730 Appliquée à certaines activités dont le pastoralisme, la théorie de tragédie annoncée des
ressources communes ne laisse d’autre alternative que de privatiser les pâturages ou d’en
limiter l’accès et l’usage, pour obliger les éleveurs à limiter le nombre d’animaux 683. Ce�e
682 En e�et, selon l’auteur de la tragédie des communs, la liberté d’accès aux ressources naturelles, alliée à lacroissance démographique risqueraient d’aboutir à de tragiques conséquences, telles que la surexploitation oule gaspillage des ressources. Pour plus d’informations, lire : Hardin (G.), « LThe Tragedy of the Commons »,op. cit.683 Incontestablement, la théorie de Hardi a un mérite, celui de mettre l’accent sur le risque de pénurie deressources naturelle, lorsqu’elles sont accessibles et exploitées sans aucune limitation, par une population deplus en plus importante.
266 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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théorie a eu un écho certain et elle a été à la base de politiques ou d’expériences visant à
apporter des approches de solutions aux problèmes posés par la compétition pour l’accès
aux ressources (eau, terre, pâturage), ou les risques de dégradation et de surexploitation 684.
Il reste cependant que ce�e théorie est à relativiser. Les nuances apportées par Thiébaud
contribuent à ce�e relativisation. Au rythme de l’exploitation ou de la dégradation des res-
sources naturelles, les prévisions de Harding constituent une menace réelle, certes, mais
cependant encore aléatoire. De par la planète, il existe en e�et de nombreux exemples de
ressources communes (pastorales, forestières, halieutiques. . . ) gérées de façon collective, par
des communautés d’usages, sans que ces ressources, ni ces communautés n’aient disparu
pour autant 685.
731Face à ces deux théories, il s’est avéré nécessaire de trouver un terrain d’entente pour un
équilibre sociétal des États de l’espace UEMOA. Pour répondre à cet équilibre, ceux-ci ont
donné un écho favorable dans les besoins d’aménagement en confirmant l’idée selon laquelle
l’aménagement doit « être à la fois l’émanation de la base c’est-à-dire celle des composantes
politiques, administratives et sociales de la région, d’une part, ainsi que du sommet d’autre part,
dans la mesure où l’arbitrage des équilibres interrégionaux, notamment la division des vocations
respectives, relève des fonctions régaliennes de l’État » 686. Ce�e fonction régalienne de l’État
s’est illustrée à travers les législations nationales du foncier rural et d’élevage comportent des
dispositions qui font de l’espace rural et naturel un lieu d’a�irmation de la solidarité. En e�et,
de nombreux États disposent de nos jours de dispositions législatives ou réglementaires en
matière de transhumance y compris celle transfrontalière, qu’elles soient contenues dans un
texte législatif unique (Charte pastorale au Mali, Ordonnance sur le pastoralisme au Niger,
loi d’orientation sur le pastoralisme au Burkina Faso) ou dispersées dans divers instruments
législatifs qui favorisent la gestion communautaire ou l’accès libre des ressources naturelles.
732Di�érents législateurs ont consacré le « communale » sur les ressources foncières rurales
comme expression d’une solidarité mais avec une di�érentiation selon la prédominance du
secteur dans la vie économique du pays. Ainsi, dans l’espace UEMOA, où l’on pourrait plus ou
moins dénombrer cinq pays à fortes activités pastorales 687. Il existe au moins une politique
684 Il cite le Kenya parmi les pays où beaucoup d’expériences de privatisation des parcours semblent avoir leurorigine dans la théorie de Hardin.685 Yahya (K.), « Le cadre juridique du foncier pastoral », op. cit., p. 40.686 Le Roy (E.) – La terre et l’homme, Paris : Karthala, 2013, p. 275.687 Il s’agit du Mali, du Niger, du Burkina Faso, de la Mauritanie et d’ans une moins mesure le Sénégal. On peutciter respectivement :
— Mali : Politique nationale développement de l’élevage (PNDE), Politique de développement agricole(PDA), Lois d’orientation Agricole
— Mauritanie : Code pastoral et son décret d’application
— Niger : Ordonnances relatives au pastoralisme, Commissions foncières (COFO)
— Burkina : Politique nationale de développement durable de l’élevage (PNDL), Plan d’action et Programmed’investissement du Sous-secteur de l’élevage (PAPISE).
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 267
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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pour le développement du pastoralisme, ce qui est un atout majeur.
733 Pour le Niger, Les pasteurs, propriétaires ou gardiens du capital-bétail ont le droit d’accé-
der librement aux ressources naturelles 688. Il est alors établi un droit d’usage commun. Tous
les pasteurs ont l’usage commun des espaces globalement réservés au parcours, aux pâtu-
rages et au pacage 689. Un classement est e�ectué au profit de la collectivité pour assurer un
usage commun. Les chemins, pistes de transhumances et couloirs de passage sont classés
dans le domaine public de l’État ou des collectivités territoriales. Les pasteurs bénéficient en
commun de leur usage 690. le Code rural nigérien très novateur indique que les pasteurs ont
des droits sur les pâturages communs et que les pasteurs peuvent obtenir la reconnaissance
des droits de priorité sur leurs « terroirs d’a�ache » 691. Cela concerne tant les droits sur les
terres que ceux liés à l’eau. Les personnes venues de l’extérieur peuvent obtenir l’accès aux
ressources en eau et de pâture sur la base de négociations avec les titulaires des droits. À tra-
vers ce concept novateur, le Code rural cherche à se baser sur les systèmes traditionnels de
gestion des ressources. Une nouvelle ordonnance adoptée le 20 mai 2010 sur le pastoralisme
est intervenue pour compléter les principes d’orientation du code rural (Pocr).
734 Ces instruments incitent la constitution d’espaces pastoraux et réserves stratégiques de pâ-
turage. Ils précisent la définition de l’espace pastoral, comme « l’espace destiné à l’élevage,
supportant une ou plusieurs ressources pastorales, pouvant être librement utilisées par des pas-
teurs et leurs troupeaux au cours de leurs parcours » 692.
735 Pour l’État du Burkina Faso, le pastoralisme fait partie des moyens de mise en valeur des
terres rurales. Ainsi, en procédant par élimination des activités de non mise en valeur, le
Gouvernement du Burkina Faso a retenu celles qui ne peuvent pas être logées dans ce�e
catégorie 693. Mais avant, il aurait fallu reconnaître le droit d’usage aux pasteurs à travers
les dispositions de la loi no 034-2002/an portant loi d’orientation relative au pastoralisme
au Burkina Faso. Dans les espaces du domaine forestier ouverts à la pâture, les pasteurs
bénéficient d’un droit d’usage consistant à y faire paître les animaux. Ce droit d’usage est
688 Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger, op. cit., art. 23.689 Ibid., art. 24.690 Ibid., art. 25.691 Ibid., art. 28.692 Ibid., art. 2.693 Conformément aux dispositions du Décret no 2010-402/PRES/PM/MAHRH/MRA/MECV/MEF/MATD por-tant procédure de constatation de possession foncière rurale des particuliers en République du Burkina Faso,op. cit. Notamment l’article 2 on peut lire : « Au sens du présent décret, ne constituent pas des terres rurales nonmises en valeur : - les terres laissées en jachère ; - les espaces locaux de ressources naturelles d’utilisation communetels que les forêts villageoises, les bois sacrés, les mares, les espaces de terroir a�ectés à la pâture, les pistes à bétail,qui, selon les usages fonciers locaux, n’appartiennent pas en propre à des personnes ou familles déterminées et, dontl’utilisation est, conformément aux us et coutumes locaux, ouverte à l’ensemble des acteurs ruraux locaux ; - lesforêts classées de l’État et des collectivités territoriales. - les espaces locaux réservés aux pratiques rituelles et auxcultes ».
268 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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exercé dans le respect de la législation forestière 694.
736Pour l’État Sénégalais, Le document o�iciel le plus récent portant sur l’élevage et le pasto-
ralisme est la Loi d’orientation agricole et sylvo-pastorale votée en avril 2003. Le texte était
conçu initialement comme un projet de loi d’orientation agricole. Puis, lorsque le processus
d’élaboration s’est élargi en intégrant dans les débats, la structure faîtière des organisations
paysannes au Sénégal (le CNCR, Conseil national de concertation des ruraux) la portée du
projet a été étendue aux domaines sylvo-pastoraux et le texte final s’intitule LOASP. Le pas-
toralisme s’y trouve en e�et mentionné. C’est l’article 44 de ce�e loi qui en est le siège en
disposant : « Le pastoralisme est reconnu comme constituant un mode de mise en valeur de
l’espace rural et des ressources naturelles. Les activités pastorales doivent être exercées dans le
respect de l’environnement et des autres activités agricoles, sylvicoles et rurales » 695.
737Au Sénégal, Contrairement aux autres États sahéliens, la reconnaissance du « communage »
est moins explicite, ce qui n’est pas sans conséquence sur la nature et l’étendue des droits
portant sur les di�érentes ressources pastorales. Avant la loi d’orientation, di�érents textes
aussi bien d’ordre législatif que réglementaire ont abordé le sujet. Il s’agit du code forestier et
son décret d’application, du décret organisant la transhumance et la gestion des pâturages
et les dispositions organisant le transfert de compétences en matière d’environnement et de
gestion des ressources naturelles. Un bref examen de quelques dispositions permet de révéler
quelques aspects pertinents.
738Selon le code forestier et son décret d’application, le droit d’usage concerne toutes les res-
sources forestières, dans les formations relevant du domaine national, mais concerne prio-
ritairement les riverains 696. L’accès aux ressources pastorales prend la forme d’un droit de
pâturage ; mais celui-ci est strictement réglementé 697. Pour ce qui concerne le décret de 1998,
les ressources pastorales sont essentiellement constitutives des pâturages contenus soit dans
le domaine forestier de l’État, soit dans les forêts communales 698, soit enfin, dans les forêts
communautaires 699 L’accès aux ressources communes, à travers le décret organisant la trans-
humance et la gestion du pâturage 700, se trouve réglementé pour éviter les conflits d’usage.
Le souci de prévenir les conflits entre éleveurs et agriculteurs explique l’accent mis sur les me-
694 Décret no 034/2002/AN portant loi d’orientation relative au pastoralisme en République du Burkina Faso,op. cit., art. 25.695 Décret no 2004-16 portant loi d’orientation agro-sylvo-pastorale publiée au Journal o�ciel de la Républiquedu Sénégal JO no 6176 du samedi 14 août 2004 (4 juin 2004) .696 Décret no 98/03 portant code forestier en République du Sénégal (8 jan. 1998) , art. 10.697 Ibid., art. 51.698 Ce sont des forêts situées en dehors du domaine forestier de l’État et comprises dans les limites administra-tives de la commune qui en assure la gestion.699 Forêt non comprise dans le domaine forestier de l’État et comprise dans les limites de la communauté ruralequi en est gestionnaire.700 Loi no 98/03 portant décret d’application du code forestier en République du Sénégal (20 fév. 1998) .
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 269
Chapitre 2 • Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des populations
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1
sures de prévention. Ainsi, dans les zones de culture, l’accès aux pâturages et point d’eau est
assuje�i au respect des points de passage (couloirs de passage et couloir d’accès à l’eau) 701.
739 En dépit de ce�e référence commune, les cadres de programmation dans le secteur de l’éle-
vage di�èrent selon les pays 702 et la trame foncière pastorale est variée et n’est pas perçue
de la même manière dans les divers États. À l’analyse, dans la plupart des pays sahéliens,
les États se sont dotés de politiques de l’élevage qui se sont parfois a�ranchies de celles plus
globales de développement agricole. Ce�e spécificité s’accompagne de la mise en place d’ins-
titutions autonomes, dédiées au développement de l’élevage (ministère, services centraux,
etc.). Ce�e dynamique a donné plus de visibilité aux politiques et stratégies de développe-
ment de l’élevage. En revanche, dans les pays côtiers, l’élevage est intégré à l’agriculture au
sens large du terme.
740 Également, au niveau des pays sahéliens, des e�orts réels ont été consentis par les pouvoirs
publics au cours des dix années écoulées pour préserver la mobilité pastorale au moyen d’ins-
truments juridiques. La Charte pastorale au Mali, le Code pastoral en Mauritanie, la Loi
d’orientation sur le pastoralisme au Burkina Faso et l’Ordonnance sur le pastoralisme au
Niger traduisent la volonté politique des États de légiférer sur les ressources pastorales 703.
Des législations spécifiques au secteur de l’élevage formalisent mieux les droits de jouissance
et d’accès des éleveurs aux ressources naturelles (eau, pâturage, résidus culturaux et cures
salées), notamment au Niger, au Mali et au Burkina Faso 704.
741 Par contre, en insérant les préoccupations liées à l’élevage dans l’agriculture les pays côtiers
de l’espace UEMOA ont d’abord développé leur solidarité autour de la notion de servitude 705
dans les codes fonciers ruraux. Le « communage » s’illustre à travers d’autres secteurs. L’ex-
pression de la solidarité commune en terme de droit d’usage à l’égard de toute une commu-
nauté est a�irmée dans la gestion des ressources en eau 706.
742 Ainsi, l’on constate une marginalisation au plan de droit du pastoralisme. Ce qui justifie le
701 Loi no 98/03 portant décret d’application du code forestier en République du Sénégal, op. cit., p. 14.702 En dépit des préoccupations a�chées par les Gouvernements des États de la CEDEAO, l’élevage constituele parent pauvre des politiques publiques. Il est généralement intégré dans les politiques agricoles, ce qui le rendmoins visible, tant au niveau des moyens publics alloués que des structures d’encadrement au développement.Les ressources allouées au développement de l’élevage dépassent rarement 10% de celles destinées à l’ensembledu secteur agricole. Rappelons que les PNIA sont des évaluations chi�rées du volume des investissements in-dispensables pour atteindre au moins 6% de taux de croissance dans le secteur agricole, taux jugé nécessairepour réduire de moitié la pauvreté à l’horizon 2015 (OMD).703 Plus récemment, le Sénégal et le Bénin ont entamé l’élaboration de législations pastorales.704 État des lieux et analyse de la prise en compte du foncier pastoral dans les politiques et les cadres réglementairesen Afrique de l’Ouest, Ipar et Inter-réseaux développement rural, oct. 2015, p. 4.705 Les fonds de terre riverains des cours d’eau et étendues d’eau sont grevés d’une servitude de passage. Loino 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin, op. cit., art. 328.706 Conformément aux dispositions du code foncier et domanial, « l’État reconnaît aux populations riverainesdes plans et des cours d’eau, les droits d’usages établis ou acquis selon la coutume. Ces droits sont exclusivementtransmissibles par succession et ne sont susceptibles d’aucune transaction ». Cf. : ibid., art. 332 al. 1.
270 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation de solidarité • Section 2
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retard dans le processus d’adoption d’un cadre juridique propre au pastoralisme. Le cas du
Bénin en est un exemple. C’est à travers le code foncier et domanial et un arrêté du ministre
en charge de l’agriculture que les activités du pastoralisme sont régies. Il se dégage de ce qui
suit que le cadre juridique dans les États de l’UEMOA est influencé par les activités rurales
dominantes favorisées par la position géographique.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 271
Conclusion du Titre I
L’une 743desmotivations de la réforme du droit foncier rural des Étatsmembre de l’UE-
MOA est liée à l’émergence d’un droit foncier rural agri environnemental 707. La
prise en compte de ce�e dimension a obligé les États étudiés à être a�entifs au
principe du développement durable dans les nouvelles législations de l’espace rural et natu-
rel. Ce qui a fait ériger le foncier rural au rang d’un bien protégé à une fin de conservation,
en raison des préoccupations d’intérêt général d’une part et un pilier pour répondre aux
aspirations sociales et économiques des populations rurales d’autre part.
744À l’aune du nouveau droit, les di�érents législateurs ont intégré les trois dimensions chères
à la Convention de Rio de 1992 dans le droit rural 708 de leur État à savoir une dimension
environnementale, une dimension économique et une dimension sociale du foncier rural.
Ce�e option s’est traduite par les dispositions juridiques faisant du foncier rural, une source
de richesse et de lu�e contre la pauvreté puis une source de justice et de paix au service de
la solidarité des communautés locales.
707 Le régime agri-environnemental tient une place particulière dans la politique agricole commune (PAC)puisqu’il marque l’alliance entre l’activité agricole et l’environnement. Pour mieux comprendre cette notion,Zakine (C. H.) – « L’in�uence du droit de l’environnement sur le droit rural », in : Ruralia 03 (1998), url :http://journals.openedition.org/ruralia/59.708 Le droit rural est « celui de l’exploitation de l’espace rural et de ses utilisateurs » selon Hudault (J.) – Droitrural, droit de l’exploitation agricole, Paris : Dalloz, 1987, 614 p.
• 275
Titre
2Les contrastes
Le 745foncier rural est au centre de l’exploitation agricole. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas
d’agriculture sans terre. Ce lien intime entre l’activité agricole et le foncier fait de
la terre rurale l’objet et la condition des investissements. La prise de conscience de
la nécessité de créer un environnement juridique favorable à l’épanouissement des milieux
ruraux de l’espace UEMOA a conduit les États à inscrire dans leur agenda d’intégration les
préoccupations qui se manifestent par une volonté d’harmonisation du cadre juridique de
gestion foncière rurale. Mais il est à constater que ce�e volonté se trouve en contradiction
avec la réalité à l’intérieur des États membres. Ce�e réalité est marquée par une approche
divergente du droit de propriété foncière rurale (chapitre 1). Ce qui constitue une rupture de
cohérences dans les politiques d’accompagnement des objectifs de l’intégration (chapitre 2).
Chapitre1Une approche divergente du droit de
propriété foncière rurale
Sommaire
Section 1. Les disparités de logiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
§ 1. La logique de pleine propriété foncière au Niger et au Burkina Faso. . . . 281
§ 2. Le refus du droit de propriété foncière rurale. . . . . . . . . . . . 286
Section 2. La mise à mal des objectifs d’intégration de l’UEMOA. . . . . . . . . 294
§ 1. Les directives et règlements de l’UEMOA ou la volonté d’un avenir commun
toujours en di�iculté. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
§ 2. La liberté de circulation et le droit d’investissement en cause . . . . . . 302
L’un 746des défis majeurs des États membres de l’UEMOA est l’intensification de la
production agricole. Ce défi est essentiel pour a�eindre l’un des objectifs ma-
jeurs de l’union : « renforcer la compétitivité des activités économiques et finan-
cières des Étatsmembres dans le cadre d’unmarché ouvert et concurrentiel et d’un environnement
juridique rationnel et harmonisé » 709. Pour a�eindre cet objectif, l’un des axes stratégiques
d’action est l’organisation du droit de propriété foncière en général et rural en particulier.
L’examen de ce droit aujourd’hui fait remarquer que l’un des défis régionaux majeurs est de
clarifier certaines législations nationales parfois ambiguës quant au droit d’accès à la pro-
priété foncière des ressortissants d’autres États membres pourtant signataires du protocole
709 Traité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, art. 4, a).
• 279
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
PartieII.T
itre
2
de l’union relatif à la libre circulation des biens et des personnes. Ce�e ambigüité montre
clairement qu’il y a aujourd’hui dans l’espace de l’UEMOA une disparité de logiques 710 du
droit d’accès à la propriété foncière. Ce�e disparité de logiques (section 1) continue deme�re
à mal les objectifs de mise en place d’un véritable droit communautaire (section 2) 711.
S e c t i o n 1
LES DISPARITÉS DE LOGIQUES
747 Les disparités de logiques observées en droit de propriété foncière rurale consacrent actuelle-
ment un accès di�érencié au foncier dans les États membre de l’Union. Ce�e di�érenciation
met en présence deux groupes. Il y a d’un côté le groupe de pays ayant opté pour la pléni-
tude du droit de propriété au profit de toute personne sans distinction de nationalité tels
que le Niger et le Burkina Faso (paragraphe 1) et de l’autre le groupe d’États qui refusent le
droit de propriété foncière rurale aux non nationaux (paragraphe 2). On peut citer dans ce�e
catégorie le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal 712.
710 Dans une certainemesure cette variation en terme de droit d’accès à la propriété foncière pourrait se justi�erpar l’inégale répartition des ressources foncières dans le monde. Il varie en fonction des grands ensemblescontinentaux ou sous continentaux. Des di�érences considérables peuvent également exister à des échelles pluslocales, au sein d’un même pays. Chi�rer avec précision les inégalités de distribution de l’accès au foncier n’estpas une tâche facile, du fait des limites que présentent les statistiques disponibles sur les structures agraires, maisaussi parce que se combinent souvent dans l’espace, sous des formes variées, des droits d’accès individuels etdes droits d’accès collectifs à la terre. C’est cette opinion est défendue par certains auteurs. Pour s’en convaincre,lire : Merlet (M.) – « Di�érents régimes d’accès à la terre dans le monde : Le cas de l’Amérique latine », in :Mondes en développement vol. 3.151 (2010), p. 35–50 ; David (R.) et Jauffret-Spinosi (C.) – Les grands systèmesde droit contemporains, Paris : Dalloz, 2003, 711 p. ; Comby (J.) – « La propriété, de la Déclaration des droits auCode civil », in : Études foncières 108 (2004).711 Le caractère éminemment politique de la question foncière rurale fait que les États se montrent particuliè-rement jaloux de la préservation de leur souveraineté dans la dé�nition de leurs options de politique foncièrenationale. La voie semble alors étroite pour une institution comme l’Union, en matière d’intervention dans ledomaine des politiques foncière. Certains pourraient même être tentés de penser que l’Union devrait s’abstenirtotalement de traiter des questions foncières, et laisser entièrement cette question aux choix souverains desseuls États.712 Certes, l’Union ne doit pas chercher à se substituer aux États en matière de dé�nition des politiques fon-cières nationales. Cependant, au regard d’une part, des di�cultés rencontrées par ces États dans la dé�nitionde politiques foncières appropriées et d’autre part, de leur volonté d’envisager ensemble un avenir communet solidaire au sein d’un espace supranational, l’Union dispose d’une légitimité à s’intéresser aux questionsfoncières.
280 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les disparités de logiques • Section 1
PartieII.T
itre2
Paragraphe 1 La logique de pleine propriété foncière au Niger et
au Burkina Faso
748L’article 544 du code civil prévoit que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des
choses de manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements ». Àpartir de ce�e définition, le droit de propriété comprend trois préro-
gatives : « l’usus » 713 ;« le fructus » 714 et « l’abusus » 715. L’ensemble de ces a�ributs consti-
tue la pleine propriété 716 ou encore propriété complète d’un bien par opposition à la nue-
propriété 717. Selon la place qu’accorde la politique nationale, les États étendent ou limitent
le droit d’accès à la propriété aux di�érentes personnes selon que l’on soit citoyen de cet État
ou étranger.
749Au Niger la plénitude du droit de propriété pour les nationaux a été a�irmé dans le cadre du
code rural 718. Le cas des non nationaux n’a pas été traité dans le code rural mais plutôt dans
son code d’investissement 719. Au même moment sans exclusion le Burkina Faso a fondé sa
logique d’accès au droit de propriété foncière dans une perspective d’un droit de l’homme 720 .
Dans les constitutions des deux États, il est proclamé le droit de propriété, y compris le droit
de propriété foncière. L’accès à la terre conditionne le droit à une alimentation su�isante
pour tous tel que défini à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels.
713 Le droit d’utiliser quelque chose.714 Le droit de percevoir les fruits.715 Le droit de disposer de quelque chose.716 Les caractères connus à la pleine propriété ont fait l’objet d’abondantes littératures. Pour mieux cerner cettenotion, il faut se référer par exemple à :Michelizza (V.) et Luzu (F.) – Union libre et gestion de patrimoine, Paris :Maxima, 1999, 207 p. ; de Wolf (M.), de Wolf (P.) et Carnoy (G.) – Droit des a�aires : Actualité et perspectives,Liège : Ed. des Chambres de commerce et d’industrie de Wallonie, 2006, 71 p. ; Rousseaux (J.) etMoeskops (C.)– Mémento Fiscal, Belgique : Waterloo, 2016, 568 p.717 La nue-propriété est l’élément principal du droit de propriété, qui donne à son titulaire le droit de disposerde quelque chose mais ne lui confère ni l’usage, ni la jouissance, ces derniers étant réservés à l’usufruitier.718 Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger, op. cit., art. 4dispose que : « Les ressources naturelles rurales font partie du patrimoine commun de la Nation. Tous les nigériensont une égale vocation à y accéder sans discrimination de sexe ou d’origine sociale. »719 C’est la loi no 2014-09 du 16 avril 2014 portant Code des investissements en République du Niger qui nous�xe le caractère inclusif du droit d’accès à la propriété foncière au Niger. Les dispositions de l’article 14 con�rmecette tendance en a�rmant que : « Sous réserve du respect des obligations prévues à l’article 15 ci-dessous, l’en-treprise jouit d’une pleine et entière liberté économique et concurrentielle. À cet e�et, elle est notamment libre de : -acquérir les biens, droits et concessions de toute nature, nécessaires à son activité, tels que biens fonciers, mobiliers,immobiliers, commerciaux, industriels ou forestiers ; - disposer de ses droits et biens acquis ; - faire partie de touteorganisation professionnelle de son choix ; - choisir ses modes de gestion technique, industrielle, commerciale, juri-dique, sociale et �nancière ; - choisir ses fournisseurs et prestataires de services ainsi que ses partenaires ; - participeraux appels d’o�res de marchés publics, sur l’ensemble du territoire ; - choisir la stratégie de gestion des ressourceshumaines et d’e�ectuer librement le recrutement de son personnel de direction, conformément à la réglementationet la réglementation en vigueur. . . »720 Suivant l’article 62 de la loi portant réorganisation agraire et foncière, « les terres urbaines ou rurales dudomaine foncier national sont attribuées aux personnes physiques, sans distinction de sexe ou de statut matrimonial,et aux personnes morales dans les conditions �xées par la loi ».
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 281
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
PartieII.T
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2
750 En matière foncière rurale, la démarche du législateur nigérien a consisté d’abord à asseoir
les fondements juridiques de base qui sont les principales réponses aux questions essentielles
identifiées à l’occasion des di�érentes concertations et ensuite à adopter des textes d’applica-
tion qui peuvent prendre des formes législatives ou réglementaires. Selon ce�e méthode, l’on
ne saurait parler, au sujet du code rural nigérien, dans un premier temps, d’un texte législatif
unique, structuré, agencé et ordonnancé mais des principes d’orientation qui sont à la fois
la réa�irmation des valeurs fondamentales en matière de gestion des ressources naturelles
et la consécration de nouvelles règles qu’exige le nouveau contexte marqué par la rareté des
ressources 721.
751 Pour le Niger, les principes de base pour les nouvelles orientations en matière de foncier rural
reposent sur les règles définies par l’Ordonnance 92-030 du 8 juillet 1992 « portant principes
directeurs d’une politique de développement rural pour le Niger » Ces principes directeurs se
déclinent en deux axes essentiels que sont : la gestion intégrée des ressources naturelles ;
l’organisation du monde rural, la participation des populations et la modification du rôle de
l’État. Ce�e ordonnance constitue une avancée, en ce qu’elle fait de la gestion des ressources
naturelles et de la participation des populations des priorités de la politique de développe-
ment rural. Pour ce faire, le législateur, en consacrant comme preuve de droit de propriété,
le titre foncier, a assoupli les conditions de son obtention par la création des structures de
proximité 722. C’est dans ce�e vision que le législateur nigérien a confié d’importants rôles à
la Commission Foncière instituée 723.
752 À ce niveau il est essentiel de relever que dans le cadre de l’une de ses principales a�ribu-
tions, la délivrance des titres fonciers, la COFO se trouve souvent face à de dispositions qui
721 L’ordonnance 93-015 du 2 mars 1993 portant Principes d’orientation du Code rural (POCR), en tant que loi-cadre jette pour la première fois les fondements d’une véritable législation homogène enmatière du foncier rural.Cette ordonnance intervient non seulement pour « �xer le cadre juridique des activités agricoles, sylvicoles etpastorales dans la perspective de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la promotionhumaine », mais également pour « assurer la sécurité des opérateurs ruraux par la reconnaissance de leurs droitset favoriser le développement par une organisation rationnelle du monde rural » (article 1er).722 Le dispositif institutionnel de mise en oeuvre du Code rural repose sur un série d’institutions mises en placepour la conception et l’application de la politique foncière depuis le niveau national jusqu’au village Il s’agitdu Comité national du code rural, du Secrétariat permanent national, du Secrétariat permanent régional, desCommissions foncières des départements, des communes et des villages.723 Aux termes des dispositions du code rural, la Commission foncière (COFO) est un organe de proximité pourla sécurisation des ressources collectives et individuelles et de contrôle de mise en valeur. À cet titre, elle estchargée de :
recensement des ressources naturelles ;
sécurisation des espaces pastoraux ;
sécurisation foncière (transaction foncières et enregistrement de titres individuels et collectifs)
contrôle de mise en valeurs des ressources individuelles et collectives.
282 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les disparités de logiques • Section 1
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peuvent être analysées comme contradictoires, toute chose qui fragilise ses interventions.
C’est notamment le cas de certains articles. Le cas de l’article 10 de l’ordonnance 93-015 qui
est en contradiction avec l’article 134 de la même ordonnance. En e�et, il est disposé que
l’a�estation d’enregistrement a la même valeur probante que l’immatriculation d’un titre
au livre foncier, d’où la déduction de lui a�ribuer la même force qu’un titre foncier 724. Mais
l’article 134 du même texte a�irme un principe rendant di�icile la compréhension de l’article
10, en disposant que « L’a�estation d’inscription au dossier rural ne constitue pas un titre de
propriété mais la preuve écrite de l’existence d’un droit foncier ». Ce principe veut soit dire que
l’a�estation n’a pas la même force probante qu’un titre foncier, soit que c’est un écrit sous
seing privé qui peut servir de support à la preuve d’un droit de propriété à établir par acte
judiciaire. Or le formulaire type annexé au décret 97-367 du 2 octobre 1997 déterminant les
modalités d’inscription des droits fonciers au dossier rural porte comme entête : « Titre d’un
droit ». De facto, les Commissions Foncières ont reproduit ce qu’ils lisent sur le formulaire
et délivré des « titres » alors que l’article 23 du décret précité parle « d’a�estation d’enregis-
trement » 725.
753La logique de pleine propriété qui caractérise le Niger est similaire de ce que l’on retrouve au
Burkina Faso. En se dotant d’une politique nationale de sécurisation foncière rurale, l’État
Burkinabé vise à garantir aussi bien à ses citoyens qu’à ceux d’autres nationalités désireux
d’exercer une activité agricole, les conditions nécessaires et favorables sans aucune distinc-
tion. Ce�e vision est clairement traduite dans la loi no 034-2009/AN portant régime foncier
rural qui fournit les gages d’une sécurité foncière à toute personne physique sans considéra-
tion de race, d’ethnie ou de nationalité 726.
754La pleine propriété s’exerce au Burkina comme pour les autres États de l’Union ayant adopté
l’héritage colonial, par des actes administratifs dont notamment le titre foncier. En e�et, le
titre foncier est un acte administratif créant des droits au profit de son bénéficiaire. D’abord,
Dès lors qu’il est établi par une autorité administrative, le titulaire d’un titre foncier, parce
724 Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger, op. cit., art. 10.725 Pour mieux cerner ces aspects, lire : Rapport du 3èeAtelier national des COFO, SPCR, mai 2004, p. 18 ;Merlet
(M.) et al. – Contribution à l’élaboration d’une stratégie de sécurisation foncière des di�érents usagers des ressourcesnaturelles : « Appui au plan national de l’environnement pour un développement durable », DAP-PNEDD, HauteTarka et Téra Nord, PNUD, déc. 2001, p. 9.726 L’article 7 de cette loi dispose que : La politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural doitnotamment :
— favoriser la reconnaissance et la protection des droits de propriété, de jouissance, des possessions fon-cières et des droits d’usages de l’ensemble des acteurs sur les terres rurales ;
— favoriser l’accès équitable de l’ensemble des acteurs ruraux aux terres rurales, sans distinction d’origineethnique, de sexe, de religion, de nationalité et d’appartenance politique ;
— promouvoir une mise en valeur durable des ressources foncières rurales et contribuer à la sécurité ali-mentaire, au développement économique et à la lutte contre la pauvreté ;
— contribuer à la prévention et à la gestion des con�its fonciers ainsi qu’à la consolidation de la paix sociale ;
— orienter la dé�nition d’un cadre institutionnel e�cace de sécurisation des terres rurales.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 283
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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que sûr de la plénitude de ces droits sur le bien immeuble, peut e�ectuer plusieurs opérations,
notamment la cession, le morcellement, la vente du bien immeuble individualisé.
755 Ensuite, son importance en tant qu’acte de certification de la propriété immobilière ne fait
point de doute ; car la culture nationale et les exigences de développement économique ou
d’amélioration des conditions de vie des citoyens placent les questions relatives à l’immobi-
lier au cœur des préoccupations de l’administration et des personnes privées, physiques ou
morales.
756 Enfin, lorsque, cet acte porte grief à autrui, il demeure a�aquable devant le juge adminis-
tratif soit pour annulation soit pour réparation des préjudices causés. Tous ces caractères
conduisent logiquement à la qualification du titre foncier comme un acte administratif uni-
latéral 727.
757 Le retrait administratif du titre foncier pour faute de l’administration, en même temps qu’il
rétablit la légalité, est simultanément source d’insécurité juridique. Rétablissement de la léga-
lité dans la mesure où l’administration qui est « le pouvoir agissant de l’État doit être soumise
à l’ensemble des normes juridiques » 728 et par conséquent, toute violation administrative de
la légalité doit être réparée de manière autonome.
758 Toutefois, la loi portant régime foncier rural a consacré des actes complémentaires qui faci-
litent l’obtention du titre foncier. Il s’agit surtout d’un acte de possession foncière rurale 729.
Conformément aux dispositions de l’article 34 de ce�e loi, la possession foncière rurale peut
être exercée à titre individuel ou collectif. La possession foncière rurale est exercée à titre in-
dividuel lorsque la terre qui en fait l’objet relève du patrimoine d’une seule personne. Elle est
exercée à titre collectif lorsque la terre concernée relève du patrimoine commun de plusieurs
personnes, notamment d’une famille.
727 C’est d’ailleurs la position du professeur Magloire Ondoa Agrégé des facultés de droit, Professeur titulaireà l’université de Yaoundé qui a�rme, au sujet du titre foncier que « cet acte fut logiquement considéré commeadministratif, parce qu’il remplissait toutes les conditions de forme et de fond, requises pour être valablement déférédevant le juge administratif ». Dans cette logique, il soutient même que cette conception absolue du caractèredé�nitif et intangible du titre foncier s’est révélée lyrique et irréaliste. L’on observe que, a�rmée sans nuance,elle néglige les hypothèses d’erreurs ou de droits irrégulièrement acquis, susceptibles de fonder la tangibilitédu titre foncier. plus encore, elle ne s’est guère imposée à l’administration, celle-ci ayant toujours disposé etdisposant encore du pouvoir de recti�er, d’annuler et même de manipuler à sa guise cet acte. Le caractèredé�nitif consacré interdisait logiquement ces pouvoirs qui con�nent à de pouvoirs souverains.Pour s’en convaincre, lire : Ebang Mve (U. N.) – Le titre foncier au Cameroun : Recherche sur la spéci�cité d’unacte administratif unilatéral, Cameroun : L’Harmattan Collection, 2011, 268 p.728 Kamto (M.) – Droit administratif processuel du Cameroun : que faire en cas de litige avec l’administration,Sciences juridiques et politiques, Cameroun : éd. PUC, 1990, p. 7.729 Tout possesseur foncier rural peut à titre individuel ou collectif, demander la reconnaissance de sa pos-session. À cet e�et, il adresse à la commune territorialement compétente, une demande de constatation depossession foncière rurale. La demande de constatation de possession foncière rurale est faite sur formulairefourni par la commune ; elle est soumise au droit de timbre communal. Les pièces constitutives du dossier dedemande de constatation de possession foncière rurale ainsi que le détail de la procédure de constatation depossession foncière rurale sont précisés par décret pris en Conseil des ministres.
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759Tout en promouvant la plénitude du droit de propriété, le Burkina Faso tient à un accès équi-
table et éviter tout acte aux fins de spéculation qui marginaliserait les groupes vulnérables 730.
C’est le principe d’équité qui guide d’ailleurs toutes les politiques publiques et qui transpa-
rait dans les textes spécifiques sur le foncier rural d’où la nécessité d’a�irmer qu’il n’existe
pas, dans les textes, un obstacle pour l’accès de la femme à la terre. Mieux, certains textes
burkinabè prévoient une discrimination positive dans leur application au profit des femmes
entre autres.
760Ainsi, la loi no 034-2009/AN du 16 juin 2009 dispose que : « L’État et les collectivités territo-
riales peuvent organiser des programmes spéciaux d’a�ribution à titre individuel ou collectif de
terres rurales aménagées de leurs domaines fonciers ruraux respectifs au profit des groupes de
producteurs ruraux défavorisés tels que les petits producteurs agricoles, les femmes, les jeunes
et les éleveurs. Le pourcentage de terres à réserver par l’État pour les programmes spéciaux
d’a�ribution prévus au présent article est déterminé par voie réglementaire pour chaque aména-
gement. 731 »
761Aussi la politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural fait-elle de l’accès des
femmes à la terre une de ses orientations stratégiques 732. L’avant-projet de loi prévoit des
aménagements spéciaux avec a�ectation d’un quota en faveurs des femmes. Ces di�érentes
intentions a�ichées ne sont que théorique. Dans la réalité, l’accès des femmes à la terre n’est
pas su�isamment réalisé ; la question sou�re toujours de pesanteurs culturelles. Or, sans un
accès à la terre, la femme se retrouve défavorisée dans l’accès au crédit, dans la mesure où la
terre peut avantageusement servir de garantie financière intéressante. C’est dans ce sens que
la discrimination en matière d’accès à la terre perpétue l’inégalité, marginalise une frange
importante de la population qui ne peut participer pleinement à la production de richesses
et aux e�orts de développement.
762Le principe de l’accès équitable à la terre s’accommoderait mal avec le fait que les terres
soient concentrées dans les mains de quelques individus. C’est pourquoi la Politique natio-
nale de sécurisation foncière en milieu rural prévoit les solutions suivantes : La limitation
730 Il existe des personnes vulnérables sur le plan foncier, c’est-à-dire des acteurs qui se caractérisent par laprécarité de leurs droits d’exploitation des terres et des ressources naturelles. Pour les détails à ce sujet, lire :Diarra (M.) et al. – Femmes sans terre, femmes sans repères ? : Genre, foncier et décentralisation au Niger, IIED,2006, 57 p. ;Djiré (M.) – Les paysans maliens exclus de la propriété foncière, IIED, 2007, 28 p. ; Cotula (L.) –Droitsfonciers et accès à l’eau au Sahel : Dé�s et perspectives pour l’agriculture et l’élevage, IIED, 2006, 106 p.731 Cf. l’article 75.732 L’État Burkinabè a fait beaucoup d’e�ort sur le plan théorique pour promouvoir le droit des femmes àl’accès au foncier comme la plupart des pays de l’UEMOA. En témoignent une abondante documentation surla question. Pour plus de détail à ce sujet, lire : Rapport annuel d’activités PNGT2 au 31/12/2006, Ministère del’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques du Burikina Faso, fév. 2007, 32 p. ; Zerbo (I.) –Accès à la terre et régime foncier, Paris : LGDJ, 2013, 304 p. ; L’accès des femmes à la terre en Afrique de l’Ouest :Problématique et piste de solutions au Sénégal et au Burkina Faso, (Mbour, 2–4 juil. 2008), FAO, IDRC, CRDI ;Genre et accès au capital foncier : État des lieux et dé�s pour l’accès au développement, GRAF, mar. 2007 ; Rapportd’achèvement du compact du Burkina Faso/MCA-BF du 1er juillet 2009, MCA-BF, 31 juil. 2014, 32 p.
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des superficies de terres rurales pouvant être détenues par une seule personne dans la même
localité ; L’obligation de mise en valeur e�ective des terres concédées dans un délai déter-
miné. La loi ne fait pas de l’accès à la terre une valeur en soi. La terre doit servir à satisfaire
un besoin réel. Suivant l’article 62, al. 2 de la loi portant réorganisation agraire et foncière,
« tout bénéficiaire d’une terre du domaine foncier national est tenu à son occupation et/ou à son
exploitation e�ective conformément à la destination et aux conditions spécifiques qui peuvent
la régir ». L’aliénation des terres est, elle aussi, soumise à une condition de mise en valeur
préalable.
763 La dissuasion de la spéculation au moyen de l’outil fiscal, en veillant toutefois à ce que ce�e
solution n’entraîne pas l’e�et contraire, à savoir décourager les investissements. Comme
pour le Niger, l’État du Burkina Faso envisage également une célérité dans les transactions
foncières pour favoriser les investissements. Ainsi, faisant suite aux recommandations du
Programme Doing business be�er in Burkina Faso, le Gouvernement du Burkina Faso a mis
en place des guichets uniques du foncier. L’objectif visé est d’assurer les conditions favorables
aux investissements afin d’inscrire l’économie nationale dans la compétition globalisée. Si
le Niger et le Burkina Faso ont, d’une manière inclusive ouvert l’accès à la pleine propriété
foncière à toute personne physique sans distinction de nationalité, le Bénin, la Côte d’Ivoire
et le Sénégal ont restreint le droit restreint ce droit soit en refusant totalement la propriété
foncière rurale aux non nationaux ou en n’accordant qu’un droit d’usage.
Paragraphe 2 Le refus du droit de propriété foncière rurale
764 S’il est établi que la réforme initiée par la plupart des États membres de l’UEMOA a permis de
reconnaître une existence légale aux règles locales, il n’en demeure pas moins que certaines
nouvelles législations sont marquées par une distinction quant à la plénitude du droit de
propriété. Au sein de l’Union, les cas du Sénégal, du Bénin et de la Côte d’Ivoire illustrent
parfaitement ce�e di�érenciation. Si, dans la zone du terroir du domaine national sénégalais
c’est seulement le droit d’usage qui est accordé à tous (A), la plénitude de la propriété foncière
rurale reste uniquement réservée aux nationaux au Bénin et en Côte d’Ivoire (B).
A - Un droit foncier rural basé sur l’usage du domaine national
sénégalais
765 À l’accession du Sénégal à l’indépendance, le législateur a cherché à réinventer de nouvelles
règles et pratiques ayant pour objet le sol, et son utilisation. Dans ce cadre, plusieurs textes
législatifs et réglementaires ont été pris afin d’asseoir un système foncier apte à promouvoir
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une utilisation rationnelle du sol, en conformité avec les plans de développement économique
et social. Entre autres, on peut citer la loi 64-46 du 17 juin 1964 portant domaine national 733.
766La loi de 1964 portant domaine national est un droit de synthèse original poursuivant deux
objectifs essentiels : la socialisation de la propriété foncière plus conforme à la tradition
négro-africaine et le développement économique du pays. Des dispositions de ladite loi et
de son décret d’application en témoignent. Les terres de la zone du terroir sont a�ectées aux
membres des communautés rurales qui assurent leur mise en valeur et les exploitent 734. Or
il est retenu que le ressort territorial « d’un terroir doit être tel qu’il perme�e le fonctionne-
ment correct d’une coopérative agricole répondant à deux critères de rentabilité et d’autogestion
optimale » 735.
767Ainsi donc, pour concilier la socialisation et le développement économique, la voie du so-
cialisme a été empruntée. L’idée de socialisation de la terre apparaissait ne�ement dans le
discours politique concomitant à la loi sur le domaine national. D’abord avec le Président
Senghor 736 il s’agissait « de revenir du droit romain au droit négro-africain, de la conception
bourgeoise de la propriété foncière à la conception socialiste qui est celle de l’Afrique Noire
traditionnelle » 737.
768Ensuite, le même point de vue ressortait des déclarations de A. B. Mbengue alors ministre de
la Justice selon qui : « la tradition coutumière de jouissance collective est trop bien enracinée
dans les campagnes pour qu’on puisse persuader les paysans d’y renoncer au profit d’un système
de propriété individuelle, qui bénéficierait d’ailleurs aux maîtres de la terre et aux notables ». En
e�et, selon l’ancien Ministre, « il était nécessaire d’éliminer les survivances féodales sans trou-
bler la vie des cultivateurs et éleveurs, mais en se servant au contraire des habitudes ancestrales
pour amener les intéressés à grouper leurs e�orts » 738.
733 Loi no 06/2011 portant régime de la propriété foncière ne concerne que très faiblement le domaine national.Il ne remet en cause ni les prérogatives des collectivités décentralisées en matière de gestion des terres, ni lasituation de l’occupant du domaine national, qui demeure régie par les dispositions de la loi no 64-46 du 17 juin1964. Il ne bouleverse pas non plus le régime de la propriété foncière.
— Loi no 07/2011 portant transformation des permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers neconcerne ni le domaine national ni le domaine public. Il concerne uniquement des terrains qui normale-ment auraient dû être, aujourd’hui, des dépendances du domaine privé de l’État. Il autorise la transfor-mation gratuite et sans formalités préalables en titres fonciers de titres administratifs irréguliers sousréserve du remboursement des frais engagés par l’État dès la première transaction suivant la cessioninitiale.
— Loi no 2008-43 du 20 août 2008 portant Code de l’Urbanisme a pour objet, entre autres, d’harmonisercertaines dispositions de la loi no 88-05 du 20 juin 1988 portant Code de l’Urbanisme avec celles de laloi no 96-07. Elle n’engendre pas un bouleversement du régime foncier dominant.
734 Décret no 64-573 �xant les conditions d’application de la loi no 64-46 02 juillet 1964, relative au domainenational en République du Sénégal (30 juil. 1964) , art. 8.735 Ibid., art. 3.736 Premier président du Sénégal de 1960 à 1980.737 Sidibé (A. S.), « Domaine national, la loi et le projet de réforme », op. cit., art. 3.738 Ibid.
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769 Il s’agit, il faut le préciser, d’un socialisme adapté aux impératifs du développement du pays.
En d’autres termes, la modernité a été prise en compte et s’est manifestée par la simplifica-
tion du régime foncier 739, ceci par la suppression des droits coutumiers sur le sol, la modifica-
tion des régies coutumières d’accès au sol, le remplacement des chefs de terre traditionnels
par l’État qui devient le maître de la terre. Il s’en est suivi qu’aucune transaction ne pou-
vait plus se faire sans l’intervention de l’État, ce qui perme�ait d’assurer une plus grande
souplesse et une plus grande sécurité dans les transactions 740.
770 Les terres du domaine national ne font pas l’objet d’une propriété individuelle. Elles ne sont
non plus la propriété de l’État qui en est simplement le détenteur ainsi qu’il est dit à l’article 2
de la loi de 1964 qui précise que l’État « détient les terres du domaine national en vue d’assurer
leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de développement
et aux programmes d’aménagement ».
771 Le domaine national constitue en réalité une propriété de la nation. Il est composé de quatre
catégories de terres à savoir les terres des zones urbaines situées dans les territoires com-
munaux, celles des zones classées à vocation forestière ou de protection, qui ont fait l’objet
d’un classement suivant une réglementation particulière, les terres des zones de terroirs ex-
ploitées en principe pour l’habitat rural, la culture ou l’élevage et enfin les terres situées en
zones pionnières qui constituent le restant du domaine national.
772 La gestion de l’utilisation du domaine national est assurée par l’État qui dans certains cas
procède lui-même à la répartition des terres entre les di�érents occupants mais dans d’autres
cas se limite juste à contrôler l’a�ectation faite des terres par des organes comme le comité
739 Sur les impacts liés à une démarche juridique visant la simpli�cation du régime de gestion des terres ru-rales, il existe une abondante littérature. Cette oeuvre de simpli�cation vise à rendre plus lisible la norme pourplus d’e�cacité et à uni�er pour plus de stabilité juridique. L’objectif de la simpli�cation est donc la sécuritéjuridique, la cohésion sociale, la compétitivité des entreprises, la capacité à mener à bien des projets Pour mieuxapprofondir cet aspect lire : Chagny (M.), Constantin (A.) et Bert (D.) – La simpli�cation du droit : Recherchesà la con�uence de la légistique et de la pratique, Varenne : Institut universitaire Varenne, 2015, 344 p. ; Lévêqe
(M.-A.) et Vérot (C.) – « Comment réussir à simpli�er? : Un témoignage à propos du code », in : RFDA 1 (2016) ;Berlogey (J.-M.) – Sécurité juridique et complexité du droit, EDCF, 2006, 411 p.740 Sur les avantages de l’intervention de l’État en matière foncière, il existe une abondante littérature. Pourdes détails les divers aspects développés voir : Feredj (R.) et al. – Production foncière, responsabilité des élus etdes aménageurs, ADEF, 2006, 154 p. ; Buhot (C.) – Démythi�er le foncier : État des lieux de la recherche, ADEF,2013, 109 p. ; Jeannot (G.), Renard (V.) et Theys (J.) – L’environnement entre le maire et l’État, Paris : ADEF,1990, 206 p.
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rural en ce qui concerne les terres des zones de terroir. L’a�ectation 741 ou la désa�ectation 742
sont les principaux modes de gestion des terres du domaine national. L’a�ectation d’une
terre du domaine national est soumise à deux conditions, en application des dispositions du
décret no 72-1288 du 27 octobre 1972, à savoir : être membre de la communauté rurale et y
résider ou avoir les capacités de mise en valeur. L’occupant a de simples droits d’usage sur
la terre qui lui est a�ectée.
773La désa�ectation constitue la fin de l’a�ectation. Elle est prononcée pour cause d’utilité pu-
blique 743 ou d’intérêt général 744 ou pour sanctionner l’a�ectataire (insu�isance de mise en
valeur, non résidence personnelle, décès etc.). La loi 64-46 du 17 Juin 1964 relative au domaine
national constituait à son époque une réforme majeure dans le système foncier sénégalais.
Ce�e loi a introduit une réforme domaniale, une réforme foncière et une réforme de la pu-
blicité foncière : réforme domaniale en ce qu’elle a institué un domaine national 745 distinct
741 Dans le Vocabulaire juridique de G. Cornu, l’a�ectation est dé�nie comme « la détermination d’une �nalitéparticulière en vue de laquelle un bien sera utilisé ».C’est un usage attribué à une chose. Pour le commissaire dugouvernement R. Latournerie, l’a�ectation : « c’est la détermination du but assigné à un bien ou à une institutionjuridique et qui donne à la fois, aux pouvoirs impartis aux autorités publiques qui ont à atteindre ce but, leurfondement et leur mesure. » Dans le droit sénégalais, l’a�ectation est l’opération de mise à disposition de terresdu domaine national, par délibération du conseil rural. C’est l’article 8 de la loi sur le domaine national quiconsacre l’a�ectation. Pour s’en convaincre, voir : Cornu (G.), Vocabulaire juridique, op. cit. ; Latournerie (R.)– « Conclusions sur CE », in : RDP 1 (28 juin 1935), p. 590.742 La désa�ectation consiste à retirer l’usage d’une parcelle antérieurement a�ectée à une personne physiqueou morale Le régime foncier du domaine national est marqué par un droit d’usage assorti d’une obligationde mise en valeur. Toute personne qui ne met pas en valeur la terre rurale à lui a�ecter peut se voir retirercette terre après constatation. La parcelle a�ectée doit nécessairement être mise en valeur, l’absence de mise envaleur est une cause de désa�ectation de la parcelle. En outre, l’article 20 du décret 64-573 �xant les conditionsd’application de la Ldn, va plus loin en soulignant que : « . . . la désa�ectation doit en outre être prononcée lorsquele béné�ciaire cesse de résider sur le terroir. . . ».743 Si la désa�ectation est prononcée pour cause d’intérêt général, les personnes désa�ectées peuvent recevoiren compensation une parcelle équivalente dans la mesure du possible (article 15 décret 72-1288 relatif auxconditions d’a�ectation et de désa�ectation des terres du domaine national).744 Face à une maîtrise exclusive et totale sur un bien, le fait d’en jouir ou d’en disposer de la manière laplus absolue l’État a comme moyen d’action l’expropriation pour cause d’utilité publique qui en quelque sorteconstitue une limite au droit du propriétaire et elle est aussi régie par une loi sénégalaise en l’occurrence celledu 2 Juillet 1976. La procédure dite déclaration d’utilité publique ou DUP est l’acte déclaratif (décret, arrêtéministériel ou préfectoral), de la procédure d’expropriation directe ou indirecte, partielle ou totale, d’unemaison,d’un terrain ou d’un fonds de commerce. La Déclaration d’Utilité Publique est liée à l’expropriation. Pour uneétude approfondie sur les aspects divers de la propriété, voir : Piedelièvre (S.) – « La publicité foncière », in :Traité de droit civil, sous la dir. de Ghestin (J.), Paris : LGDJ, 2000 ; Simler (P.) et Delebecqe (P.) – LDroit civil,les sûretés : La publicité foncière, 2e éd., Paris : Dalloz, 1995, 682 p. ; Simler (P.) et Terré (F.) – Droit civil, les biens,5e éd., Paris : Dalloz, 2010, 1594 p. ; Tester (F. X.) – L’indivision, Paris : Dalloz, 2010,745 Le domaine national qui, selon l’article premier de la loi no 64-46 du 17 juin 1964, constitue « toutes les terresnon classées dans le domaine public, non immatriculées et dont la propriété n’a pas été transcrite à la Conservationdes hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Ne font pas non plus partie de plein droit du domainenational, les terres qui, à cette même date, font l’objet d’une procédure d’immatriculation au nom d’une personneautre que l’État. »
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du domaine immobilier de l’État 746 comme du domaine immobilier des particuliers 747 et a
contribué à la simplification des modes de tenure de la terre en la purgeant de tous les droits
coutumiers. Mais, il s’agit également avec ce�e loi d’une réforme foncière en ce qu’elle a doté
le Sénégal d’un régime foncier dualiste dont l’un est basé sur le droit de propriété et l’autre
exclusif du droit de propreté 748. Enfin ce�e loi a consacré la réforme de la publicité foncière
par l’instauration l’inscription, c’est-à-dire la publication aux livres fonciers des droits réels
reconnus et garantis par le régime de l’immatriculation foncière.
774 L’a�ectation d’une terre procure au bénéficiaire un droit d’usage sur la terre qui lui est af-
fectée. Ce droit d’usage présente quelques similitudes avec le droit de propriété. Ce droit
d’usage est un droit réel en ce qu’il, tout comme le droit de propriété, confère à son titulaire
un pouvoir immédiat et direct sur une chose, en l’occurrence la terre. Le droit d’usage du
domaine national est manifestement un démembrement de la propriété. Tout comme le pro-
priétaire, le titulaire du droit d’usage a la possibilité d’user de la chose et d’en percevoir les
fruits. Le droit d’usage portant sur le domaine national présente un caractère intuitu perso-
nae 749. Et, l’usager est soumis à une obligation de mise en valeur 750. Le droit d’usage s’éteint
de plein droit, par le décès de son titulaire. Pourtant, le droit d’usage consacre quelques par-
ticularités. Il est inaliénable. À l’égard des particuliers, l’a�ectation des terres du domaine
national ne peut faire l’objet d’aucune transaction, en particulier la vente ou le louage. Ce�e
746 Le domaine national sénégalais reste une singularité juridique par sa constitution. Il se distingue de lapropriété de l’État qui en est simplement le détenteur ainsi qu’il est dit à l’article 2 de la loi de 1964 qui préciseque l’État « détient les terres du domaine national en vue d’assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles,conformément aux plans de développement et aux programmes d’aménagement ».Or, la détention n’est pas la propriété. L’a�aire Bud-Sénégal (la société de maraîchage industriel Bud-Sénégal)le prouve parfaitement. Cette a�aire a opposé Bud-Sénégal, les populations rurales de la zone d’exploitationattribuée à Bud-Sénégal par l’État, et l’État du Sénégal lui-même. Le con�it est né du fait que l’État sénégalais,avait concédé à Bud-Sénégal les terrains litigieux sans les avoir au préalable immatriculés, se comportant alorscomme un véritable propriétaire du domaine national. Les populations rurales concernées se sont révoltéescontre les faits. Les juridictions n’ont pas été saisies en la circonstance.Cependant, les services de la conservation foncière interpellés ont considéré que l’État aurait dû au préalableimmatriculer les terres en son nom avant de les concéder. Voilà qui établit que l’État n’est pas le propriétaire dudomaine national. Il n’en est que le détenteur.747 Le domaine des particuliers qui constitue les terres immatriculées au nom des particuliers.748 Puisque le domaine national comporte une zone non appropriable : la zone du terroir. Seul, le droit d’usage,est accordé. Il ne s’agit pas d’un droit réel, mais d’une autorisation d’exploiter le sol. Comme le droit d’usageclassique, celui portant sur le domaine national présente un caractère intuitu personae ainsi l’attestent les condi-tions d’a�ectation des terres du domaine national. Celui-ci est donc indisponible. Il ne peut être cédé, vendu,donné en garantie, loué.749 Selon le vocabulaire juridique Gérard Cornu, cette expression signi�e « en considération de la personne» et souvent employée pour caractériser les opérations dans lesquelles la personnalité de l’une des parties esttenue pour essentielle, en raison des aptitudes ou de la nature des services. Pour plus de détail, voir : Cornu(G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 513 ; Alahyane (N.) – Les conséquences du caractère intuitu personae ducontrat de licence de brevet et du contrat de licence de marque, 2e éd., Paris : L’auteur, 1994, Houtcieff (D.) –« Contribution à l’étude de l’intuitu personae. Remarques sur la considération de la personne du créancier », in :RTC 1 (2003), p. 3.750 Selon les dispositions de l’article 5 décret no 97-006/PRN/MAG/E du 10 janvier 1997 portant réglementationde la mise en valeur des ressources naturelles rurales au Niger, la mise en valeur des terres agricoles consisteen toute activité matérielle de l’homme en vue de la mise en culture desdites terres suivant des moyens propresà les protéger, les restaurer et en améliorer la qualité productive et le rendement.
290 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les disparités de logiques • Section 1
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solution, sans doute inspirée des traditions africaines, peut se justifier notamment par l’idée
que le domaine national est une chose commune appartenant à l’ensemble de la Nation
sénégalaise. Un individu ne saurait donc disposer des terres au détriment de la collectivité.
775L’inaliénabilité des terres peut s’expliquer aussi par des considérations d’ordre économique,
avec l’impérieuse nécessité de conserver les biens collectifs en prévision des générations fu-
tures. Enfin l’inaliénabilité du domaine national est une manifestation concrète d’une réelle
solidarité. Dans ces conditions, seul l’État se voit reconnaître expressément le droit d’imma-
triculer certaines terres en son nom. Ces terres intègrent le domaine privé de l’État qui pourra
exercer sur elles tous les a�ributs d’une propriétaire individuelle. Il pourra ainsi les vendre,
les louer, etc. À l’analyse des caractères particuliers du domaine national, on se rend compte
du rapprochement qui existerait entre celui-ci et ceux du domaine public dans une certaine
mesure. Le domaine public 751 comme le domaine national sénégalais est inaliénable 752, im-
prescriptible 753 et insaisissable 754 et jouissant d’une protection élevée 755.
776Cet emprunt du domaine national au domaine public n’est pas étonnant, puisque, à en croire
le professeur Franck Biglione, « l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité qui sont les caractéris-
tiques majeures des dépendances du domaine public ne semblent plus aujourd’hui réservées à
751 Si le domaine public est ouvert au public, on ne saurait néanmoins tout faire sur celui-ci. Il est donc soumisà un régime spéci�que de protection. Le régime juridique du domaine public, fondé sur les principes fondamen-taux de la République, n’en demeure pas moins un régime exorbitant du droit commun. Il se manifeste par desprérogatives de puissance publique et des sujétions a�n d’assurer une protection e�cace des biens du domainepublic que l’Administration utilise pour la réalisation de ses objectifs d’intérêt général. C’est aussi un régimemarqué par la diversité puisque certains biens obéissent à des règles qui leur sont spéci�ques, en plus d’êtresoumis au régime général de la domanialité publique. C’est par exemple le cas des forêts. Foulqier (N.), Droitadministratif des biens, op. cit. ; Biglione (F.) – « Domanialité publique et protection des biens culturels », in :Les cahiers du CEEI 36 (2006), p. 65–74.752 L’inaliénabilité : le domaine public est inaliénable (art. L. 3111-1 CG3P) : c’est-à-dire qu’il ne peut en aucuncas être loué, cédé ou vendu. Si un tel acte intervient, même s’il est de faible importance (cession latérale parexemple), il sera frappé de nullité. Cependant, la règle d’inaliénabilité n’implique nullement que les biens dudomaine ne pourront jamais être vendus. Elle signi�e tout simplement que le domaine public ne pourra êtrealiéné tant qu’il restera a�ecté à un usage ou à un service public.L’inaliénabilité du domaine public entraîne une conséquence majeure : les actions en revendication basées surla nullité de la vente d’un terrain incorporé au domaine public ou sur la restitution d’une parcelle incorporéepar voie de fait dans l’ouvrage faisant partie du domaine public ne sauraient avoir pour e�et l’éviction de lacollectivité. Autrement dit, le propriétaire lésé sera indemnisé du préjudice subi, mais il ne retrouvera pas sonterrain : on dit que le domaine public est non susceptible d’action en revendication.753 L’imprescriptibilité : le domaine public est imprescriptible (art. L. 3111-1 CG3P), c’est-à-dire que personne nepeut, sauf dans les cas prévus par la loi, acquérir la propriété par prescription (usage ou possession prolongée)d’un droit réel sur le domaine public, ni béné�cier ou constituer de servitudes sur celui-ci (art. L. 2121-1 etsuivants CG3P). Autrement dit, un usagemême prolongé au-delà de 30 ans, ne permet pas d’acquérir la propriétéd’une parcelle du domaine public. L’imprescriptibilité est une conséquence de l’inaliénabilité.754 L’insaisissabilité : le domaine public est insaisissable (art. L. 2311-1 CG3P), c’est-à-dire qu’il ne peut pasfaire l’objet d’une saisie ordonnée par un juge.755 Le domaine public béné�cie d’une protection très importante en application de la police de la conservation.De nombreuses règles concernent le domaine public routier (art. L. 2131-1 et suivants CG3P, L. 116-1 et s. et R.116-1 et s. CVR). La police de la conservation regroupe des dispositions administratives et pénales. Elle a pourobjet d’empêcher tout empiétement sur le domaine public routier et tout acte de nature à porter atteinte à lasécurité ou la commodité de la circulation sur les voies (art. R. 116-2 CVR).
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 291
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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ce�e seule catégorie juridique » 756.
777 En considérant les di�icultés liées à la loi sur le domaine national, un projet de privatisation
du domaine national quoiqu’hésitant est proposé par les pouvoirs publics en procédant à
une immatriculation quasi-générale des terres du domaine national en vue de leur réinsertion
dans le circuit de l’économie nationale, dans un contexte de libéralisation. Ce�e privatisation
envisagée du domaine national laisse craindre une distribution inéquitable des terres liée à
l’accaparement des terres par quelques-uns, ce qui transformeraient les vrais paysans en
de véritables ouvriers agricoles au service des nouveaux propriétaires (les plus riches ou les
grandes familles). Ce�e privatisation serait donc une réelle menace pour la paix et de plus
incompatible au développement économique recherché.
778 Au total, la logique d’une extension du droit d’accès à la propriété foncière aux non nationaux,
par finir n’a aucun intérêt juridique majeur. Ce n’est qu’une question d’option de politique
nationale comme d’ailleurs l’on pourrait le souligner pour les États qui ont fait l’option d’une
restriction.
B - Une propriété foncière rurale réservée aux nationaux au Bénin
et en Côte d’Ivoire
779 À l’aune des nouvelles législations sur le foncier, le Bénin et la Côte d’Ivoire ont fait de la
nationalité, une condition pour accéder à la pleine propriété. Ce�e conditionnalité fait des
non nationaux des exclus 757.
780 Pour le Bénin, la loi no 2017-15 modifiant et complétant la loi no 2013-01 du 14 août 2013
portant code foncier et domanial en République du Bénin maintient la logique d’exclusion
les non béninois au droit à la propriété foncière. D’abord, selon le législateur, deux voies
perme�ent d’accéder à la terre rurale. Il s’agit de l’accession par voie de transfert à titre
définitif du droit de propriété et par voie de délégation des droits d’usage. Si les béninois
peuvent utiliser au choix les deux procédures, il n’en est de même aux non béninois. Le code
foncier et domanial en vigueur interdit aux non nationaux d’acquérir en pleine propriété les
terres rurales en République du Bénin. Également, la possibilité qui leur est o�erte par le
756 Biglione (F.), « Domanialité publique et protection des biens culturels », op. cit.757 Il est établi qu’à la lecture des lois africaines sur la nationalité, la remise en cause d’un certain nombre de dis-positions s’impose. L’une des principales conclusions de récentes recherches et consultations menées soulignequ’il est nécessaire de clari�er et de renforcer les normes africaines en matière de nationalité et de citoyennetépour aligner les lois relatives à al nationalité sur les normes des droits humains. Pour mieux approfondir cettequestion, lire : OSI – Les lois sur la nationalité : une étude comparée, AfriMAP, 2010 ;Manby (B.) – La nationalitéen Afrique, Londres/Paris : Open Society Foundations et Karthala, 2011, 242 p.
292 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Les disparités de logiques • Section 1
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biais du bail emphytéotique reste aussi contraignante 758. Avec cet encadrement du foncier
rural au Bénin, il est fort à craindre que la loi foncière et domaniale ne soit un obstacle à
la réalisation de la vision déclinée dans le Livre blanc de politique foncière 759. Globalement
ce�e vision veut enmatière foncière, dans le cadre de la réforme un accès sécurisé et suscitant
l’investissement.
781En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, la loi° 98-750 du 23 décembre 1998 portant code foncier
rural a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Le législateur réserve aux seuls
Ivoiriens le droit à la propriété de la terre agricole 760. Les signataires de l’Accord de Linas
Marcoussis n’ont pas remis ce�e législation en question. Mais du fait que propriété et na-
tionalité sont liées, la problématique foncière reste l’un des moteurs principaux du conflit
ivoirien. Le droit d’usage des terres agricoles reste également sujet à interprétation, en parti-
culier en ce qui concerne les articles de la loi portant sur les terres « sans maître » 761 le plus
souvent régies par des arrangements coutumiers. À la faveur de la révision de la constitution
ivoirienne, la loi no 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de
la Côte d’Ivoire a réa�irmée ce�e tendance. Pour le président du comité d’experts pour une
nouvelle Constitution plus consensuelle, la loi sur le foncier rural, qui stipule que seuls les
Ivoiriens peuvent être « propriétaires », vise à préserver ce qui « appartient » aux nationaux.
Ce�e position se traduit clairement à travers les dispositions de la nouvelle Constitution qui
stipule en son article 12 que « seuls l’État, les collectivités publiques et les personnes physiques
ivoiriennes peuvent accéder à la propriété foncière rurale. Les droits acquis sont garantis ».
782Novatrice, la loi no 98-750 du 23 décembre 1998 portant code foncier rural est aussi décriée.
Axée sur la transformation des droits coutumiers en droits de propriété privée, elle consacre
758 L’exclusion des non béninois du droit de propriété foncière est consacrée à travers les dispositions de l’ar-ticle 61 du code foncier et domanial. En e�et, selon cet article, en son alinéa2, les non nationaux peuvent accéderà la terre rurale en République du Bénin par la location ou les baux emphytéotiques ne pouvant excéder unedurée de 50 ans et non renouvelable.759 Le livre blanc de politique foncière est l’un des documents issus du processus de réforme foncière au Bé-nin. En déclinant les stratégies de développement, ce document précise clairement que la politique foncière etdomaniale a pour vision : « Le Bénin, à l’horizon 2050, est caractérisé par un égal droit d’accès au foncier sécurisé,un système fonctionnel et un marché dynamique, générateur d’investissement accrus et de richesse ».760 À travers cette option, le législateur pose les bases de ce qui est appelé l’ivoirité ayant conduit à la crise enCôte d’Ivoire.761 La notion de terre sans maître fait référence à celle latine le res nillius. Res nullius (« la chose de personne »est une expression latine utilisée en droit civil (droit des biens), qui désigne une chose sans maître, c’est-à-direqui n’a pas de propriétaire mais qui est néanmoins appropriable. Le droit français connaît demême les biens sansmaître. Pour un approfondissement de cet aspect du droit des biens, lire : Gueye (D.) – Le Préjudice écologiquepur, Droit et Sciences politiques, Paris : Ed. Connaissances et Savoirs, 2016, p. 479 ; Bourguinat (É.) et Ribaut(J.-P.) – Des animaux pour quoi faire ? : Approches culturelles, interreligieuses, interdisciplinaires, Paris : CharlesLéopold Mayer, 2003, 170 p. ; Delfour (O.) – La conservation des espèces menacées d’extinction, étude de droitcomparé : Espagne, États-unis, France, Grande-Bretagne, Suisse, thèse de doctorat en droit, Université Panthéon-Sorbonne, 1998.Le professeur Ouraga Obou, est le président du comité des experts qui a conduit les travaux de la rédaction del’avant-projet de la nouvelle constitution. Selon le comité, il s’agit pour l’État ivoirien de préserver ce qui luiappartient », parce qui il n’y a « pas su�samment » de terre en Côte d’Ivoire, l’une des raisons pour lesquelles« beaucoup de problèmes » sont liés à la propriété foncière dans les zones rurales.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 293
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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aussi l’exclusion des non-Ivoiriens de la propriété foncière. Mais depuis le début des troubles
politiques, en 1999, ce�e loi suscite des inquiétudes. Malgré ces inquiétudes, ce�e loi a reçu
une onction législative à travers la nouvelle constitution 762.
783 Dans tous les cas, les législations foncières rurales du Bénin et de la Côte d’Ivoire peuvent su-
bir quelques perfections. Les leçons tirées de l’exemple du Kenya où les restrictions existent
mais avec la possibilité d’assouplir les conditions légales. Pour les conditions d’accès au droit
de propriété, le Kenya a adopté des mesures de contrôle sur les terres agricoles. Avec ces me-
sures, il n’est pas possible aux étrangers d’acquérir en pleine propriété les terres rurales 763.
Toutefois, le président du Kenya, garde légalement la possibilité d’exempter un étranger vou-
lant acquérir en pleine propriété pour les besoins d’investissement. Il s’en va dire donc que
les restrictions peuvent exister mais il faut également des exemptions 764.
784 Les deux législations manquent donc de souplesse. L’absence des mesures assouplissantes
dans les législations du Bénin et de la Côte d’Ivoire vient montrer en e�et que les dispari-
tés de logiques en matière foncière rurale notées contredisent les objectifs d’intégration de
l’UEMOA dont fait partie dans le même temps les États évoqués.
S e c t i o n 2
LA MISE À MAL DES OBJECTIFS D’INTÉGRATION DE L’UE-MOA
785 Selon Gaston Kenfack Douajni, « la souveraineté est la principale caractéristique de l’État. Seul
l’État est souverain et le fondement même de la souveraineté est de ne se soume�re à aucun autre
pouvoir. Ainsi entendu, la souveraineté est une notion essentiellement politique, qui se confond
avec l’indépendance et exprime l’autonomie des gouvernants de l’État qui agissent sans avoir à
subir les injonctions d’un État tiers » 765.
786 Les législations foncières nationales, abordent les questions foncières de diverses manières,
en fonction des spécificités écologiques et politiques nationales. La domestication de l’accès
762 La question foncière est une véritable bombe qui menace la cohésion sociale nationale. En l’état actuel,la loi sur le foncier rural en Côte d’Ivoire est préjudiciable aussi bien aux nationaux qu’aux migrants. Aucunecondition d’âge ni de sexe n’est �xée, seule la condition de nationalité �gure en son article premier : pour accéderau titre foncier, c’est désormais le droit du sang qui prévaut. En plus de la logique propriétariste, la loi foncièreinduit donc un renforcement de l’autochtonie. Pour approfondir cet aspect, lire : Chauveau (J.-P.) – « Quellesécurisation du foncier rural en Côte d’Ivoire? », in : Grain de Sel 1 (2006).763 Depuis le 28 août 2010, date à laquelle la nouvelle constitution a été promulguée, toute terre acquise enpleine propriété par un non-kenyan est simplement réduite à un bail de 99 ans avec le paiement d’un loyer aupoivre c’est-à-dire un loyer extrêmement bas.764 Pour plus de précision sur le cas Kenyan, il su�t de lire la constitution de 2010 actuellement en vigueur enson article 61 alinéa 1.765 Douajni (G.) – « L’abandon de souveraineté dans le traité Ohada », in : Revue Penant 830 (1999), p. 125–159.
294 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise à mal des objectifs d’intégration de l’UEMOA • Section 2
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au droit de propriété foncière rurale notée dans le cas de certains États membres est de na-
ture à reme�re en cause certains objectifs de l’instance intégratrice contenus dans les direc-
tives (paragraphe 1). Ce�e a�itude est de nature à me�re à mal des droits communautaires
de l’Union en ses aspects relatifs à la liberté d’établissement et au droit à l’investissement
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 Les directives et règlements de l’UEMOA ou la vo-
lonté d’un avenir commun toujours en difficulté
787Comme le souligne en 1923, la Cour permanente de justice internationale dans l’a�aire du
Vapeur Wimbledon : « Toute convention apporte une restriction à l’exercice des droits souve-
rains de l’État, en ce sens qu’il imprime à cet exercice une direction déterminée. Mais la faculté
de contracter des engagements internationaux est précisément une a�ribution de la souverai-
neté de l’État. 766 » Le traité de l’UEMOA n’échappe pas à ce�e logique par rapport aux États
membres. L’UEMOA, comme les organisations régionales ou sous régionales dispose d’or-
ganes dotés de compétences. Ces compétences leur donnent des a�ributs qui perme�ent de
transférer à ces organes une partie de leur pouvoir pour promouvoir l’intégration. L’exercice
de ces a�ributions se fonde sur un ancrage juridique (A) qui révèle accessoirement un enjeu
foncier pour l’Union (B).
A - L’ancrage juridique
788Porté par le traité du 10 janvier 1994, l’UEMOA est née de la volonté des États membres de
tirer profits des avantages mutuels de leur appartenance à la même union monétaire et de la
nécessité de renforcer la cohésion dans celle-ci. Aux termes de l’article 4 du traité, di�érents
objectifs sont assignés à l’instance, au nombre desquels figure en bonne place la création
entre les États membres d’un marché commun basé sur la libre circulation des personnes,
des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une
activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique
commerciale commune 767. Pour a�eindre cet objectif, les États membres de l’UEMOA se
sont engagés à travers un traité fondateur ambitieux qui consacre un droit communautaire.
Ce droit peut être analysé à travers sa structure et son contenu.
789Le traité fondateur de l’UEMOA n’est pas di�érent des traités analogues au plan interna-
tional. Il se présente comme les traités internationaux négociés, conclus et ratifiés par les
766 Art. 4 du traité de l’UEMOA.767 Art. 4 du traité de l’UEMOA.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 295
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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États suivant les procédures habituelles 768 . Le mécanisme semble le même dans les États de
l’Union.
790 Ainsi, pour le Bénin, « la République du Bénin, soucieuse de réaliser l’Unité Africaine peut
conclure tout accord d’intégration sous-régionale ou régionale » 769. Or les dispositions de l’ar-
ticle 145 de la Constitution béninoise a�irme déjà que : « Les traités de paix, les traités ou
accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux
qui modifient les lois internes de l’État, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de
territoire, ne peuvent être ratifiés qu’en vertu d’une loi. » Le Sénégal donne le même pouvoir à
son président. Il négocie les engagements internationaux. Il les ratifie ou les approuve 770 et
la Constitution lui fait obligation de ratifier les engagements internationaux en vertu d’une
loi tout comme le Bénin 771. C’est d’ailleurs la même logique qu’a maintenu la plupart des
États d’Afrique de l’ouest francophones 772.
791 Du point de vue de sa forme, le traité UEMOA est un document précis et clair. Le but fon-
damental de l’UEMOA est, selon son traité, d’approfondir et de compléter la coopération
existante entre les huit pays membres, grâce à la transformation de l’Union monétaire en
une union économique. La nouvelle communauté est fondée sur les principes de la libre
concurrence, de la solidarité, des droits fondamentaux de l’homme et du développement
équilibré.
792 Appartenant à la catégorie des organisations internationales, le traité UEMOA est doté d’une
personnalité juridique propre. La mise en œuvre du système communautaire d’a�ribution
des compétences, en terme de transfert, tend à présenter l’UEMOA comme revêtue partiel-
lement de compétence étatique. « La notion de transfert de compétence hausse l’a�ribution
de compétence au rang d’un instrument de remaniement des souverainetés. Le transfert opéré
par les États, de leur ordre juridique interne au profit de leur ordre juridique communautaire,
des droits et des obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne une limitation
de leurs droits souverains. À travers la notion de transfert de souveraineté, la source des compé-
tences détermine la nature supranationale de l’Organisation » 773.
793 En ce qui concerne le mode d’action communautaire, commandé par le mécanisme de la
768 Louis (J. V.) – L’ordre juridique communautaire, Bruxelles : Commission des communautés européennes,1979, p. 47.769 Loi no 90-32 portant Constitution de la République du Bénin, op. cit., art. 149.770 Loi no 2001-03 portant Constitution de la République du Sénégal, op. cit., art. 76.771 Ibid., art. 77.772 Pour preuve les articles 148 et 149 de la Constitution du Burkina Faso ont repris dans les termes similairesles dispositions déjà évoquées pour les autres États en ce qui concerne le pouvoir de négocier et de conclure lestraités et accords internationaux.773 Isaac (G.) et Blanqet (M.) – Droit communautaire général, Paris : Armand Colin, 1990, p. 48.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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subsidiarité, le traité UEMOA fixe les actes juridiques 774 par lesquelles les institutions com-
munautaires exercent leur compétence. Elles disposent de la gamme classique d’instruments
juridiques, actes additionnels 775, règlements 776, directives 777, décisions 778. Elles ont à leur
portée des méthodes telles que l’uniformisation, ou le rapprochement des législations, et la
reconnaissance mutuelle par l’harmonisation. Le principe de subsidiarité est à la fois une
notion politique et une notion juridique, l’insertion du concept dans le vocabulaire juridique
774 Dans la nomenclature des actes du droit communautaire, on retrouve les Traités institutifs et les protocolesadditionnels constituant le droit primaire et les règlements, les directives, les décisions, les recommandationset avis constituant le droit dérivé. Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurséléments et sont directement applicables dans tout État membre. Les directives lient tout État membre quant auxrésultats à atteindre. Les décisions sont obligatoires dans leurs éléments pour les destinataires qu’elles désignent.Les recommandations et les avis n’ont pas de force exécutoire.775 Sur la nature juridique de l’acte additionnel, la doctrine demeure partagée entre un acte sources primairesconstituées des Traités et protocoles, et un acte de sources dérivées constituées des di�érents actes des organesde la communauté. En dé�nitive, l’acte additionnel se révèle être un acte de nature mixte pouvant être classéaussi bien parmi les normes du droit dérivé que parmi celles du droit primaire. Cette di�culté à catégoriserl’acte additionnel aurait certainement été résolue si le droit communautaire général l’avait prévu dans sa no-menclature classique. En l’absence d’une jurisprudence communautaire en la matière et dans le silence desdispositions du Traité, on ne saurait faire une a�rmation péremptoire. Cependant, une analyse approfondie dudroit matériel créé par les actes additionnels pourrait amener à conclure que ceux-ci sont d’application directesi et seulement si leurs dispositions sont su�samment claires, précises et univoques. Pour mieux se convaincrede cette position, lire : - La Cour des Communautés européennes retient le principe de l’applicabilité directe« . . . dans tous les cas où les dispositions [. . .] apparaissent comme étant du point de vue de leur contenu, incondi-tionnelles et su�samment précises » cf. CJCE, Becker C/ Finanzamt Münster-Innenstadts, a�. 8/81 Rec.5, 19 jan.1982 ; Batchassi (Y.) et Yougbaré (R.) – « Les actes additionnels de l’UEMOA : Analyse juridique », in : Lescahiers du CEEI 1 (1999), p. 9.776 Le règlement est un acte normatif qui présente trois caractéristiques :
— C’est un acte à portée générale et impersonnelle : il ne vise pas un destinataire en particulier mais tousles États et les ressortissants de l’Union.
— Il est obligatoire, en conséquence, il ne peut pas s’appliquer partiellement ou de façon incomplète.
— Il ne nécessite pas de mesure de réception dans l’ordre juridique national : on dit qu’il est directementapplicable.
777 La directive est un acte qui présente deux caractéristiques :
— Elle n’a pas de portée générale : elle ne lie que les États-membres.
— Elle produit un e�et obligatoire : les États-membres sont liés par le résultat que �xe la directive.
—
Double soucis :
— Il y a la volonté de ménager la souveraineté des États. En e�et, la directive a des incidences sur le droitnational dont elle modi�e la législation.
— Il est naturel que les États prennent des initiatives pour adapter leur législation à la norme nouvelle.
— On peut aussi avoir un deuxième éclairage car la directive poursuit un objectif d’intégration en ce sensqu’il appartient aux États de participer au processus législatif communautaire.
Selon l’article 249 du traité de Rome, les États membres ont la liberté des moyens, pour la mise en oeuvre desdirectives, et la liberté de la forme.
— Liberté des moyens : Les États doivent prendre dans leur ordre interne, toutes mesures pour appliquerla directive.
— Liberté de la forme : Les États ont le libre choix de l’acte juridique dans lequel ils vont transposer ladirective. Ça peut être des mesures légales ou administratives.
778 Elles sont présentées dans le traité de Rome avec deux caractères :
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 297
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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appelle le professionnel du droit à se demander en quoi consiste juridiquement ce principe
et éventuellement, quelles peuvent être ses implications 779.
794 Face à ces problèmes, le programme de l’Union envisage de me�re l’accent sur plusieurs
points : la formation et l’information des populations ; l’harmonisation des législations et
surtout la définition de normes communes ; la réglementation de la lu�e contre les pollueurs
et l’élaboration de directives pour la gestion des déchets agricoles et domestiques. À ces
éléments, il faut ajouter la gestion des écosystèmes transfrontaliers 780. En réalité, l’UEMOA
vise à consacrer l’avènement d’un territoire communautaire 781. C’est en raison des di�icul-
tés rencontrées par l’Union pour me�re en œuvre sa vision que ce territoire communautaire
tarde à être e�ectif. Ce�e ine�ectivité est due au non-respect des engagements pris par les
di�érents États membres et aux législations très éparses qui annulent les e�orts d’harmo-
nisation. Les disparités notées en matière du droit à la propriété foncière rurale illustrent
parfaitement cet état de choses. C’est donc à juste titre que dans une récente étude sur le
marché foncier rural dans l’UEMOA, il est écrit que : la réflexion sur la question de la régu-
lation des marchés ne peut en rester à un point de vue global, mais doit prendre en compte
ce�e diversité de configurations et d’enjeux 782. Les impacts des marchés fonciers ruraux dé-
pendent fortement des contextes, de l’importance des autres modes d’accès à la terre, des
acteurs présents (côté cédants et côté preneurs), des inégalités et des rapports de force. Des
analyses contextualisées sont donc nécessaires 783.
— Elles visent à régir des situations particulières. Elles désignent concrètement leur destinataire.
— Ces décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments, donc pas de distinction entre buts et moyens.
Dans le droit communautaire il faut distinguer deux catégories de décisions individuelles :
— Les décisions qui ont pour destinataire des entreprises, des particuliers.
— Les décisions qui ont pour destinataire des États et le caractère individuel peuvent s’estomper car ellespeuvent être adressées à un seul État, ou à quelques-uns, voir à l’ensemble.
Dans ce cas on est plus proche d’un acte à portée générale. Parfois cela sert à �nancer certains programmesd’actions dans le domaine de la recherche, de l’éducation, de la culture. Ces décisions adressées aux États n’ontpas en principe d’e�et direct. Néanmoins, lorsqu’elles sont nettes et précises elles peuvent se voir reconnaîtrele caractère d’e�et direct.779 Décision no 0180/2003/PC/OM/UEMOA portant création et organisation des services de la Commission del’UEMOA : Règlement intérieur de la Commission (28 fév. 2003) , art. 22–26.780 Il faut entendre par écosystème transfrontalier, ceux qui se répartissent sur plusieurs territoires nationaux, àl’intérieur desquels des législations ont été adoptées etmises en vigueur par les Étatsmembres dans les domainesde l’environnement. L’objectif de l’Union est de procéder à l’harmonisation des politiques et législations d’unemanière plus précise et l’action récurant les écosystèmes devra s’orienter à travers deux axes : la connaissanceapprofondie des écosystèmes et la promotion de la coopération régionale.781 Dans les relations entre États, les traités constituent les sources essentielles car la société internationaleest dominée par l’Inter-étatisme. Pour plus de précision à cet e�et, voir : Sarr (B.) – L’intégration régionale enAfrique de l’Ouest, thèse de doctorat, Université Aix-Marseille III, 1998.782 Lavigne Delville (P.) et al. – Rapport d’étude régionale sur les marchés fonciers ruraux en Afrique de l’Ouestet les outils de leur régulation, UEMOA, juin 2017, p. 15.783 Ibid.
298 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise à mal des objectifs d’intégration de l’UEMOA • Section 2
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B - L’enjeu foncier pour l’Union
795L’objectif majeur de l’Union a trait à la convergence économique et à l’adoption des poli-
tiques macro-économiques et sectorielles communes 784. Ce�e ambition porte particulière-
ment sur les milieux ruraux des États membres de l’union en raison des problèmes que l’on
y rencontre. En milieu rural, les problèmes induits par la croissance démographique 785 sur
le cadre de vie et l’environnement sont posés en terme de pression sur les ressources natu-
relles. Ainsi, l’exploitation nationale des ressources naturelles (déforestation, surpâturage) a
entraîné une perte au niveau du potentiel environnemental (perte de la biodiversité biolo-
gique, abaissement des nappes, raréfaction des ressources halieutiques, etc.).
796Il y a encore peu d’années, on pouvait constater une absence d’initiatives régionales et conti-
nentales sur les questions foncières. Les rôles des di�érentes institutions demeuraient flous
et des divergences de vue existaient sur ce qu’il convenait d’entreprendre à ces échelles.
Ce�e situation a radicalement évolué 786. Depuis l’adoption de la Politique agricole commune
(PAU) en 2001 à Dakar, l’UEMOA a enchaîné la prise des actes en faveur d’une meilleure ges-
tion du foncier. Elle a suscité et accompagné la mise en cohérence des politiques sectorielles
communes dont les lois foncières nationales. En e�et, « depuis plus d’une dizaine d’années,
les politiques foncières figurent parmi les préoccupations majeures des décideurs nationaux et
régionaux et constituent un enjeu pour le développement de la région. La terre, porteuse des
ressources naturelles, constitue la première richesse pour les pays africains et fait l’objet de
toutes les convoitises » 787. Pour l’UEMOA, mieux comprendre et accompagner les relations
entre agriculture et un territoire, constitue un enjeu fort qui a justifié la mise en place d’un
observatoire (Orfao) 788. Cet observatoire serait « l’occasion d’une part de faire expliciter indi-
viduellement et collectivement par les acteurs leurs perceptions de l’enjeu, de leur territoire et
d’en construire des représentations » 789. Au niveau national, les décideurs, les gouvernements
doivent mener des politiques qui doivent concilier les enjeux de développement, la protection
de l’environnement, les objectifs du millénaire et les besoins et a�entes des populations.
797En matière de gestion de l’environnement et du développement durable, l’Union prend le
784 Dans le cadre de son intervention, l’UEMOA bien identi�é ses domaines d’intervention. Ils sont : le déve-loppement des ressources humaines, l’aménagement du territoire, l’environnement, l’agriculture, l’industrie, lesmines et l’énergie.785 Accroissement de la population active en milieu rural est également source de l’ aggravation du problèmedu chômage. plusieurs travaux se sont interrogés sur comment les pays africains pourront-ils faire face a lagrande augmentation de leur population active dans les décennies a venir ? Pour avoir de détail sur cet aspect,lire : OCDE – « La population : répartition, structure, dynamiques », in : Revue de l’OCDE sur le développement94 (2003), p. 79–90.786 Basserie (V.) – « Les initiatives des acteurs régionaux ouest-africains et continentaux en matière foncière »,in : Grain de sel 57 (jan.–mar. 2012), p. 19.787 SOFRECO – Étude de faisabilité pour la création de l’Observatoire régional du foncier rural en Afrique del’Ouest, UEMOA, sept. 2013, p. 16.788 Le plan d’action de l’UEMOA sur le foncier comprenant la création de l’OrFAO.789 Ibid., p. 22.
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Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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foncier comme le principal support pour la maîtrise de l’eau, l’accès à l’eau potable et à l’as-
sainissement. Les règles de gestion foncière qu’elle propose prennent en compte la diversité
biologique (Programme régional de biosécurité, appui aux parcs de l’entente, etc. ). Déjà, les
dispositions du traité et certaines réformes interpellent l’Union sur les questions foncières.
L’Union doit adopter des systèmes fonciers adaptés et e�icaces, ces systèmes doivent être
a�ractifs pour les capitaux : accroissement des investissements : contribution à l’améliora-
tion de la productivité et de la production agricole : regain d’intérêt pour les marchés fonciers
donc dumarché de l’Union ; (Objectifs PAU,MC). En e�et, l’objectif du PATC est d’introduire
et renforcer entre les di�érentes politiques nationales et communautaires, la convergence, la
cohérence et l’harmonie nécessaire pour garantir à l’Union un développement durable, sou-
tenu et équilibré. Il vise aussi à contribuer à l’exploitation et à la valorisation de l’espace
rural : promotion d’un aménagement équilibré du territoire de l’Union (Objectifs PATC) 790.
798 La question de la sécurité alimentaire de la région constitue un enjeu pour l’Union. Dans
le cadre du premier programme triennal de mise en œuvre de la PAU, la Commission de
l’UEMOA a mis en œuvre entre 2002 et 2005, le PSRA, programme qui visait à contribuer à
l’amélioration de la sécurité alimentaire et à l’augmentation des revenus des communautés
rurales dans les Étatsmembres 791. Demême, à travers ses programmes, l’Union s’est engagée
à soutenir les organisations paysannes et de producteurs ainsi que la recherche agricole et à
œuvrer pour l’élaboration de lois sur le foncier rural 792.
799 La gestion foncière de la zone a également un enjeu fiscal pour l’Union. La directive no 03/2012-
/CM/UEMOA fixe les règles d’organisation, de gestion et de contrôle de la comptabilité des
matières. À l’article 14, la directive cite « de la gestion du domaine foncier de l’État, ainsi
que des immeubles et du matériel roulant de l’État » 793. Dans le chapitre II de règlement
no 08/2008/CM/UEMOA qui établit au sein de l’Union économique et monétaire ouest afri-
caine (UEMOA) les règles visant à éviter la double imposition entre les États membres et à
établir entre lesdits États une assistance en matière fiscale, les règles d’imposition des reve-
nus immobiliers dont la propriété foncière sont fixées 794.
800 Pendant longtemps, la terre a été considérée comme un instrument de la souveraineté des
États. Cependant, la prise de conscience de la continuité de la terre et des ressources fon-
790 Diallo, Importance et rôle du foncier dans les processus d’intégration régionale et le développement ruralen Afrique de l’ouest : initiatives de l’UEMOA et implications pour la bonne gouvernance foncière, diapositive11 (29 diapositives).791 UEMOA, Initiatives de la Commission de l’UEMOA en matière de sécurité alimentaire, de peuplement et demarché, Réunion du groupe de travail du Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)sur le programme de travail 2011-2012, Mars 2011, p.4.792 UEMOA 2011-2016, une nouvelle dynamique de l’intégration, p. 36.793 Directive no 03/2012/CM/UEMOA portant comptabilité des matières au sein de l’Union économique etmonétaire ouest africaine, art1 et 14.794 Règlement no 08/2008/CM/UEMOA portant adoption des règles visant à éviter la double imposition au seinde l’UEMOA et des règles d’assistance en matière �scale.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
La mise à mal des objectifs d’intégration de l’UEMOA • Section 2
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cières qu’elle porte a conduit les États à adopter des politiques prises dans des cadres com-
munautaires d’intégration, d’harmonisation, de convergence et de proposition de solutions
globales, en termes de politique agricole et/ou de foncier. Dans leurs politiques économiques
et parfois foncières lorsqu’elles se sont mobilisées sur ce dossier, les institutions régionales
ou continentales africaines comme l’UEMOA, la CEDEAO, l’Union africaine, l’OHADA ont
pris des dispositions spécifiques en lien avec les marchés sur les terres situées en milieu rural
ou dont la destination pointe les activités de production rurale 795. Les enjeux du foncier ru-
ral face au phénomène d’urbanisation accéléré, de promotion de marchés fonciers ruraux, la
dépossession des petits exploitants ruraux, etc. engagent fortement l’Union qui en fait une
priorité.
Vu le caractère extrêmement sensible de la question foncière, l’ensemble desrisques 796 peuvent être considérablement aggravés par des manipulations et ex-ploitations émanant des acteurs externes aux communautés de base, à des finspoliticiennes. Ceci ne doit cependant pas conduire les États à se détourner d’unepromotion bien pensée des marchés fonciers. Le développement de marchés fon-ciers e�icaces et transparents peut contribuer, à dynamiser le secteur agricole,en favoriser l’arrivée d’investisseurs dans un domaine jusque-là laissé à l’aban-don. Au contraire les États doivent, avec l’appui de l’Union, rechercher les me-sures et mécanismes de régulation foncière susceptibles de maîtriser et gérer lesrisques identifiés. L’UEMOA et les États membres doivent également prêter unea�ention sérieuse aux situations conflictuelles locales autour du foncier, tantleur potentiel déstabilisateur est énorme 797.
801En clair, la promotion concomitante du marché locatif et du marché de la vente, la nécessité
de la réglementation étatique pour fixer des garde-fous, etc. 798 sont autant de conditions
donc d’enjeux sur lesquelles la gestion foncière de la zone doit se baser. En profitant de l’ou-
verture donnée grâce à l’application du principe de subsidiarité, les États de l’Union me�ent
à mal d’autres principes objet des directives communautaires. Il s’agit de la liberté de circu-
lation en son aspect d’établissement et du droit à l’investissement.
795 Lavigne Delville (P.) et al., Rapport d’étude régionale sur les marchés fonciers ruraux en Afrique de l’Ouestet les outils de leur régulation, op. cit., p. 113.796 On peut analyser la question des risques de la promotion des marchés fonciers en distinguant : les risquesjuridiques : la sécurité des transactions foncières ; les risques politiques : la mé�ance des États à l’égard desmarchés fonciers ruraux ; et les risques sociaux : la dépossession des petits exploitants ruraux. Ouedraogo(H.) – La question foncière rurale face aux dé�s de l’intégration régionale dans l’espace UEMOA, UEMOA, Banquemondiale, 2009, 77 p.797 Ibid., p. 113.798 Plusieurs conditions sont nécessaires à l’existence et au fonctionnement d’un marché foncier e�cace dansl’espace de l’Union. Certaines conditions sont relatives aux questions de gouvernance ; d’autres relèvent deconsidérations d’ordre juridique et institutionnel. Ouedraogo (H.), La question foncière rurale face aux dé�s del’intégration régionale dans l’espace UEMOA, op. cit.
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Paragraphe 2 La liberté de circulation et le droit d’investissement
en cause
802 Le droit sur la terre rurale doit, avant tout, promouvoir son accès facile et sécurisé pour les
investissements durables. Dans ce�e quête de sécurité et de l’accroissement de la richesse, le
droit foncier et la gouvernance dans l’Union doivent pouvoir s’appuyer sur un cadre juridique
cohérent. Malheureusement à l’analyse du droit foncier rural, les situations présentent des
di�érences notables. Il se révèle que les entraves liées au droit de propriété foncière rurale
du fait des discriminations contenues dans les codes fonciers contredisent les directives de
l’UEMOA. Toute chose qui remet en cause la liberté de circulation (A) et constituent un frein
à l’e�ectivité du droit d’investissement (B).
A - La libre circulation en cause
803 Née d’une volonté ferme d’aller à l’intégration économique, l’UEMOA constitue l’aboutisse-
ment de plusieurs tentatives de rapprochement entre les États membres. Elle traduit alors à
merveille les trois grandes conceptions de l’intégration économique régionale à savoir l’in-
terdépendance par le marché, l’intégration par l’État et le plan et la coordination par les
acteurs. Les espérances suscitées par la naissance de la jeune organisation sous régionale
ont été concrétisées par les textes qui la régissent. Ainsi, le traité de L’UEMOA du 10 janvier
1994 tout comme celui de 2003 ont-ils su élégamment a�irmer et réa�irmer les principes
fondateurs d’une intégration véritable dans la sous-région. Dans ce�e optique, les articles
91 et 92 posent respectivement les jalons de la liberté de circulation et du droit de résidence
dans l’espace UEMOA 799.
804 En posant ce principe, l’Union reconnaît l’importance de ce droit dans le processus d’intégra-
tion. Ce droit a d’ailleurs été reconnu comme même la clé de l’intégration car, pour réussir
l’intégration, il va falloir que les gens se sentent libres de circuler 800. Le nombre de textes
799 Ainsi, l’article 91, paragraphe I dispose : « Sous réserve des limitations justi�ées par des motifs d’ordrepublic, de sécurité publique et de santé publique, les ressortissants d’un État membre béné�cient sur l’ensembledu territoire de l’Union de la liberté de circulation et de résidence qui implique :
— l’abolition entre les ressortissants des États membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, ence qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi, à l’exception des emplois de la fonction publique ;
— le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l’ensemble des États membres ;
— le droit de continuer à résider dans un État membre après y avoir exercé un emploi.
L’article 92 quant à lui précise : « 1- Les ressortissants d’un État membre béné�cient du droit d’établissement dansl’ensemble du territoire de l’union. 2- Sont assimilés aux ressortissants des États membres les sociétés et personnesmorales constituées conformément à la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administra-tion centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union ».800 Kane (H. S.) – « La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace UEMOA », in : 3e rencontreinter-juridictionnelle des cours communautaires de l’UEMOA, la Cemac, la CEDEAO et de l’Ohada, (Dakar, mai2010).
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juridiques accordé à la question de la liberté de circulation des biens et des personnes est
révélateur de sa valeur 801.
805Sur la base de ce qui précède, on peut a�irmer sans ambages que la liberté de circulation
et d’établissement est d’un enjeu primordial pour l’UEMOA. Les principes de libre circu-
lation des personnes, des biens et des capitaux ont des implications certaines en matière
foncière 802. La libre circulation des personnes par exemple implique le droit de résidence. Le
droit de résidence ne peut être pleinement réalisé si les ressortissants des pays membres de
l’Union subissent des restrictions quant au droit d’acquérir leur résidence en pleine propriété
foncière.
806�ant au principe de la libre circulation des capitaux, il implique en particulier le droit pour
des personnes résidant dans un État de l’espace de l’Union, de déplacer leurs capitaux sans
entrave au sein de l’espace de l’Union 803. Ce principe implique également le droit d’établis-
sement, y compris dans le secteur de l’agriculture. Le droit d’établissement, inscrit dans le
Traité de l’Union veut dire que chaque ressortissant d’un État membre de l’espace de l’Union
peut librement entreprendre une activité économique dans un autre État membre 804.
807L’exercice plein et entier du droit d’établissement n’est pas compatible avec l’exclusion des
nationaux des autres États membres de l’espace de l’Union de l’accès à la terre rurale ou,
avec la création à leur égard, d’obstacles politiques ou juridiques importants. Même vis à vis
des étrangers non-membres de l’espace de l’Union, l’exclusion de l’accès à la propriété peut
sous certaines conditions, se révéler une contrainte pour le développement agricole. On ne
sous-estimera pas pour autant, les risques nouveaux, liés aux stratégies d’accaparement des
801 Outre les dispositions du Traité, notamment la Section III paragraphes 1 et 2, les articles 76, 77, 88, 91,92,93, plusieurs normes ont été édictées aussi bien par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement que parle Conseil des ministres, la Commission et le Président de la Commission. Il est important de souligner qu’enfonction de la nature de l’acte, la portée n’est pas la même puisque les auteurs di�èrent. Ainsi les Protocolesadditionnels et les Actes additionnels sont adoptés par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Lesrèglements et les directives sont adoptés par le Conseil des ministres mais n’ont pas la même portée puisque lesrèglements ont une portée générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicablesdans tout État Membre alors que les directives lient tout État Membre quant aux résultats à atteindre (article 43du Traité). Les décisions qui émanent presque de tous les organes de l’Union sont obligatoires dans tous leurséléments pour les destinataires qu’elles désignent.802 Selon les dispositions du Traité, la libre circulation des personnes signi�e que tout ressortissant de l’Uniona le droit de se déplacer librement d’un État Membre à un autre sans entrave aucune. Cela se traduit égalementpar le droit de résidence, le droit d’établissement et la libre prestation de services.803 La libre circulation des personnes et des biens est la clé de l’intégration. Les Chefs d’État en ont conscience.Pour réussir l’intégration, il va falloir que les gens se sentent libres de circuler. Vu les pratiques sur le terrain,nous sommes partis pour une longue bataille.804 L’Article 92 du Traité dispose que les ressortissants d’un État membre béné�cient du droit d’établissementdans l’ensemble du territoire de l’Union.
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Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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terres africaines par les firmes multinationales 805.
808 L’a�itude des législations nationales en ce qui concerne l’accès aux terres rurales par les
étrangers est généralement ambiguë. En la matière, les législations nationales oscillent entre
a�itudes de méfiance et de libéralisme. Ce�e position reste contreproductive dans un en-
vironnement où les nouvelles lois font références aux bienfaits de la propriété privée pour
comba�re l’insécurité foncière 806. En réalité, ces législations sont en prise avec la doctrine
libérale dominante. Pour ce faire le droit de propriété foncière se doit d’être a�ractif pour
les capitaux : accroissement des investissements : contribution à l’amélioration de la pro-
ductivité et de la production agricole : regain d’intérêt pour les marchés fonciers donc du
marché de l’Union. À l’analyse, construire une typologie du droit de propriété foncière ru-
rale dans l’espace UEMOA relève d’une gageure, au vu de la multiplicité des paramètres.
Face à la diversité des configurations, selon les pays, à la diversité des types de transactions,
l’on ne saurait même parler de l’existence d’un marché foncier rural dans cet espace d’in-
tégration économique. Cet environnement actuellement créé par les législations nationales
pose d’énormes di�icultés pour le droit à l’investissement.
B - Le droit à l’investissement en difficulté
809 Dans une économie de type libérale, le droit à la propriété foncière est une condition né-
cessaire et favorable à l’investissement. C’est sans doute ce qui fait dire que les situations
foncières des producteurs constituent une entrée primordiale à l’intensification des proces-
sus de production, à l’investissement privé, à la lu�e contre la pauvreté, à la gestion durable
des ressources naturelle et à l’aménagement du territoire 807. La plupart des nouvelles légis-
lations foncières rurales ont intégré ce�e relation en consacrant à la charge du propriétaire
une obligation de mise en valeur. En reconnaissant les libertés de circulation et d’établisse-
ment, l’UEMOA se positionne commeune organisation favorable à une dynamique citoyenne
transnationale. Ce�e vision d’intégration se trouve heurtée au rideau législatif foncier érigé
805 Sur le phénomène d’accaparement des terres, les entreprises multinationales ont été les premières à être dé-signées comme responsables de l’accaparement. Mais, bien qu’elles soient les opératrices �nales, une multituded’acteurs prennent part dans ce phénomène complexe dont les États et les investisseurs locaux. Les rapportsont fourni des informations précises sur l’identité des acheteurs des terres agricoles, les régions concernéesdans le monde et le mode d’exploitation de ces terres. Ils ont aussi analysé les conséquences politiques et socio-économiques liées au phénomène d’accaparement des terres. - L’Afrique est le continent le plus concerné par lephénomène d’accaparement des terres avec 422 transactions représentant une super�cie de 10 millions d’hec-tares. Il est d’ailleurs démontré que la convoitise et l’accaparement des terres en Afrique constituent un obstaclemajeur au développement de l’agriculture. Pour aller plus loin, lire : Kouassi (R. N.) – Les dé�s du développementde l’Afrique contemporaine, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 25 ; Leveqe (J.-P.) – Les grands mensonges : surpopu-lation et immigration, Paris : Books on Demand, 2017, p. 60.806 Chauveau (J.-P.) – « La loi de 1998 sur le domaine rural dans l’histoire des politiques foncières en Côted’Ivoire », in : Les politiques d’enregistrement des droits fonciers, sous la dir. de Colin (J.-P.), Le Meur (P.-Y.) etLéonard (E.), Paris : Karthala, 2009, p. 109.807 Dossier Le foncier agricole. Consultable sur le site internet : http ://agrima-roc.net/sam/dossierfoncieragricoleSAM2005.pdf
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à l’intérieur des États membres. Or, pour parvenir à un climat des a�aires favorable à l’in-
tégration économique, il parait indispensable de décloisonner les territoires en Afrique de
l’Ouest. Ce qui implique que l’on lève les obstacles aux échanges de biens mais surtout de
personnes 808.
810Dans un environnement concurrentiel en général et de mondialisation en particulier, les in-
vestisseurs préféreront investir là où les conditions d’accès à la terre, de sécurité foncière et
de bonne gouvernance sont les plus a�ractives.
811La privatisation des terres et des semences est essentielle à l’épanouissement de ce modèle
d’entreprise en Afrique. En ce qui concerne les terres agricoles, cela se traduit par des e�orts
en faveur de la délimitation o�icielle des exploitations agricoles, de leur enregistrement et
de la délivrance de titres de propriété. Cela veut également dire qu’il faut perme�re aux
investisseurs étrangers de posséder des terres agricoles sur une longue durée et sur une base
sécurisante 809. À ce jour, parmi les raisons qui justifient le faible investissement dans les
pays en Afrique au sud du Sahara 810, il y a bien sûr le manque de garanties appropriées
et les cadres réglementaires, légaux et politiques peu favorables, fragilisant les transactions
financières, en particulier le problème de la fiabilité juridique ou même de l’existence des
titres fonciers.
812Certains pays ont procédé à des réformes afin d’asseoir un système foncier apte à promou-
voir une utilisation rationnelle du sol, en conformité avec les plans de développement éco-
nomique et social. Ainsi, l’essentiel des sols a été érigé en domaine national. C’est le cas par
exemple du Sénégal où près de 95% des sols relèvent du domaine national. C’est également
le cas du Mali où l’État est détenteur de la quasi-totalité du stock foncier national. Les terres
808 Concernant la libre circulation des biens, force est de reconnaître que les processus d’intégration en Afriquede l’Ouest (CEDEAO et UEMOA) ne constituent pas pour l’heure de véritables unions douanières. En e�et l’UE-MOA qui la plus avancée en la matière après un processus de libéralisation interne entamé en 1996 avec l’adop-tion de l’acte additionnel no 04/96, a en l’an 2000 institué le Tec par la prise du Règlement no 02/97/CM/UEMOAportant adoption du Tec. Malgré l’existence d’un Tec, force est de reconnaître que l’UEMOA ne constitue pasencore une zone commerciale unique. En e�et, la libre pratique n’est pas e�ective au sein de l’Union. Il y alibre pratique quand un produit tiers, une fois acquitté le Tec lors du franchissement de la frontière externe del’Union, est autorisé à circuler librement à l’intérieur de l’Union comme un produit originaire parce qu’ayant,en quelque sorte, été communautarisé par l’acquittement du Tec. Ce n’est actuellement pas le cas au sein del’UEMOA où un produit tiers mis à la consommation dans un État membre et qui a donc acquitté le Tec est ànouveau assujetti au TEC lors de sa réexportation dans un autre État membre.809 Rapport remise en cause des lois foncières et semencières, AFSA et GRAIN, 2015, p. 2. Ces terres à l’extérieurde Maputo, au Mozambique, résument les choix agricoles de l’Afrique : Son alimentation sera-t-elle produitedans de petites exploitations ou dans des plantations géantes comme Bananalandia, Rapport, Qui tire les �cellesdes changements en Afrique?810 Outre les raisons évoquées, il y a aussi selon Gérard Chambas, les carences des États à o�rir les biens publicsindispensables au développement qui sont constitués pour la plupart des diverses taxes et impôts. Pour mieuxcomprendre et approfondir cet aspect, lire : Chambas (G.) – « Afrique au Sud du Sahara. Quelle stratégie detransition �scale? », in : Afrique contemporaine vol. 1.213 (2005), p. 133–163 ; Chambas (G.) et al. – Afrique auSud du Sahara. Mobiliser des ressources �scales pour le développement, Paris : Économica, 2005, Araujo-Bonjean(C.) et Chambas (G.) – « Le paradoxe de la �scalité agricole en Afrique sub-saharienne », in : Revue Tiers Monde168 (2001), p. 773–788.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 305
Chapitre 1 • Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale
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du domaine national ne peuvent être immatriculées qu’au nom de l’État et sont donc de fait
exclues du marché hypothécaire, sauf à procéder à des immatriculations sur la base de déci-
sions administratives. L’architecture et le contenu des titres fonciers est di�érent d’un pays
à l’autre. Le Niger par exemple a créé un titre de propriété spécifique, le titre «Cheyda » (« té-
moignage » en haoussa) qui correspond à une simple reconnaissance de propriété. Le droit
au bail est considéré comme un véritable titre de propriété dans certains pays et fait l’objet
d’une inscription hypothécaire, alors que dans d’autres il ne donne pas les mêmes droits.
813 Le régime foncier est parfois complexe et ne favorise pas l’obtention d’hypothèques fermes.
C’est le cas par exemple pour la ville de Touba au Sénégal où il n’existe qu’un seul titre
foncier alors que sa population avoisine 550.000 habitants 811. Afin de me�re en place un
marché hypothécaire sécurisé, il est essentiel qu’une harmonisation de l’ensemble des codes
fonciers de l’UEMOA soit réalisée de manière à perme�re aux futurs intervenants de parler
le même langage et de donner le même contenu et les mêmes droits aux di�érents titres
émis. C’est à ce�e condition qu’il faut rêver de l’émergence de l’investissement durable dans
le foncier rural dans l’union.
814 L’avenir des systèmes agricoles ouest-africains passera également par l’amélioration du fonc-
tionnement du marché commun alimentaire, la relance de la coopération foncière régionale
afin de disposer d’un code de conduite et de normes pour les investissements privés dans
le foncier et le soutien aux producteurs et à l’investissement agricole. En a�endant que ces
conditions soient remplies, l’examen des cadres juridiques nationaux et des objectifs de l’ins-
tance intégratrice en matière foncière rurale fait penser à une rupture de cohérence dans les
politiques d’accompagnement mis en route par l’UEMOA.
811 Le titre foncier de Touba constitue l’instrument juridique de sécurisation de la propriété issue du droitde hache que détient collectivement 6 la famille de Cheikh Ahmadou Samba depuis 1887. D’après le cher devillage de Darou Khoudoss, il devait permettre de préserver la ville contre l’installation de Lybano-Syriens et detoubab (Français). Pour plus de détail à ce sujet, lire : Gueye (C.) – « Le paradoxe de Touba : une ville produitepar des ruraux », in : Bulletin de l’APAD 19 (12 juil. 2006), url : http://journals.openedition.org/apad/426 (visitéle 19/04/2018) ; Verdier (R.) – Systèmes fonciers à la ville et au village. Afrique noire francophone, sous la dir. deRochegude (A.), Paris : L’harmattan, 1986, 300 p. ; Copans (J.) – Les marabouts de l’arachide, Paris : L’harmattan,1988, 280 p. ; Bertrand (M.) – La question foncière dans les villes du Mali : Marchés et patrimoines, Paris, Ostrom :Karthala, 1994, 326 p.
306 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Chapitre2La rupture de cohérence dans les
politiques d’accompagnement de
l’UEMOA
Sommaire
Section 1. Une politique agricole commune optimiste. . . . . . . . . . . . . 312
§ 1. Les défis communs liés au secteur agricole. . . . . . . . . . . . . 313
§ 2. Le contenu de la politique agricole de l’union. . . . . . . . . . . . 320
Section 2. Une politique foncière commune encore embryonnaire. . . . . . . . . 324
§ 1. L’ine�ectivité d’une coopération entre les États. . . . . . . . . . . 325
§ 2. Les caprices d’une approche souverainiste du foncier rural . . . . . . . 334
L’Union 815économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a pour objet de pro-
mouvoir des politiques communes en faveur du développement et de l’intégra-
tion économique de huit États 812.
816Les politiques sectorielles prévues par le Traité instituant l’UEMOA 813 traduisent la volonté
812 Cet objectif se déduit logiquement du titre premier relatif des principes et objectifs de l’union à l’article 4du traité de l’UEMOA. Cette aspiration a été clairement con�rmée à travers certaines ré�exions dont celle de :Kako (N.) – « Le policy mix de la zone UEMOA : Leçons d’hier, ré�exions pour demain », in : Revue Tiers Monde212 (avr. 2012), p. 101–139.813 Le traité instituant l’Union monétaire ouest africaine (Umoa) date de mai 1962, alors que celui instituantl’UEMOA ne date que de janvier 1994.
• 311
Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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2
des Autorités de l’Union d’assurer les conditions d’un développement équilibré et durable
des États membres. Les politiques communautaires adoptées concernent spécifiquement les
domaines de l’industrie, desmines, de l’artisanat, des transports, de l’agriculture, de l’énergie
et de l’aménagement du territoire communautaire 814.
817 Malgré les nombreuses réalisations et acquis incontestables au niveau des di�érentes po-
litiques mises en œuvre par l’UEMOA, tel qu’il ressort de l’examen de chacune d’elles, un
certain nombre d’obstacles, de di�icultés ou de lenteurs entravent actuellement le processus
d’intégration en cours. C’est ce que révèlent par exemple les entraves ou di�icultés dans la
construction du marché commun et dans la convergence et la compétitivité des activités éco-
nomiques et financières des États membres 815. Ces entraves sont à la base d’une rupture de
cohérence dans la mise en œuvre de la politique sectorielle en matière agricole. Ce�e rupture
est caractérisée par une politique agricole commune optimiste (section 1) dans un contexte
marqué par une politique foncière rurale encore embryonnaire (section 2).
S e c t i o n 1
UNE POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE OPTIMISTE
818 Les vertus prônées par l’adoption le 10 décembre 2001 de l’Acte additionnel no 03/2001 reste
marqué par un optimisme 816. Cet optimisme part même d’abord de la vision du document
de politique agricole. Elle est fondée sur une agriculture moderne et durable, fondée sur l’ef-
ficacité et l’e�icience des exploitations familiales et la promotion des entreprises agricoles.
Productive et compétitive sur le marché intra-communautaire et sur les marchés internatio-
naux, elle doit perme�re d’assurer la sécurité alimentaire et de procurer des revenus décents
814 Acte additionnel no 03/2004 portant adoption de la Politique d’aménagement du territoire communautairede l’UEMOA (10 juin 2004) .815 S’il existe aujourd’hui des incohérences notées dans les politiques de l’UEMOA et celles développées àl’intérieur des Étatsmembre, c’est à cause des entraves qui bloquent la construction dumarché commun : La librecirculation des biens et des personnes au sein de l’espace communautaire n’est pas encore satisfaisante en raisonde l’existence fréquente de contrôles intempestifs et d’extorsions de fonds. S’agissant des obstacles au commerce,malgré l’application du désarmement tarifaire intégral, il subsiste encore des entraves tarifaires et non tarifaires.Les tracasseries administratives rappellent les di�cultés que rencontrent, d’une part, les transporteurs et, d’uneautre, les commerçants dans le convoyage de leurs marchandises ainsi que dans leurs propres déplacements.Sur cet aspect, en dépit de la Décision no 7/2001/CM/UEMOA du 20 septembre 2001 portant adoption de lastratégie communautaire et d’un réseau d’infrastructures routières au sein de l’UEMOA, il est à noter que, denos jours, des formalités administratives sont encore exigées aux ressortissants des pays de l’Union lors de latraversée de certaines frontières. Pour mieux apprécier les di�cultés liées à l’intégration dans l’espace UEMOA,lire : Diouf (M.) – Mondialisme et régionalisme. Le nouveau régionalisme en Afrique, Codesria-BIT, août 2002,18 p. ; Saar (A.) – L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dansl’organisation pour l’harmonisation du droit des a�aires en Afrique (OHADA), Aix-en-Provence : PUAM, 2008,654 p.816 Acte additionnel no 03/2001 portant adoption de la politique agricole de l’UEMOA (19 déc. 2001) .
312 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique agricole commune optimiste • Section 1
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à ses actifs 817. Àce�e vision, il faut ajouter l’a�irmation du principe de la souveraineté ali-
mentaire de la région dans ses objectifs 818. Il convient de retenir, à la lecture, qu’à la base
de ce�e avancée traduite par cet acte additionnel se trouve notamment la volonté des États
membres de l’union de lever les grands défis communs liées à leur secteur agricole. Ces défis
(paragraphe 1) ont guidé le contenu de la politique agricole (paragraphe 2).
Paragraphe 1 Les défis communs liés au secteur agricole
819Parmi les contraintes qui pèsent sur le secteur agricole des États membres de l’union, il y a
en bonne place l’insécurité alimentaire (A) puis la pauvreté en milieu rural (B) 819.
A - L’insécurité alimentaire
820L’état d’insécurité alimentaire ne peut être apprécié qu’à partir des éléments fournis par le
droit à l’alimentation. Ce droit trouve ses origines dans les travaux de doctrine puis dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1945 820 et le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels de 1966 821. Les travaux de la doctrine, ont révélé une
dispute autour de la « justiciabilité » ou non de ce droit 822. La « justiciabilité » d’un droit est
817 Le document de politique agricole de l’Union a pris en compte plusieurs dimensions visant à contribuerdurablement à la satisfaction des besoins alimentaires de la population, au développement économique et socialdes États membres et à la réduction de la pauvreté en milieu rural. Pour s’en convaincre, lire : Savadogo (K.) –« La Politique agricole de l’UEMOA : État de mise en oeuvre et dé�s », in : Colloque régional UEMOA/Crdi sur« Intégration régionale et stratégie de réduction de la pauvreté », (Ouagadougou, 8–10 déc. 2009) ; Dieng (A. A.)– Le Sénégal à la veille du troisième millénaire, Paris : L’Harmattan, 2000, 489 p.818 La souveraineté alimentaire est un concept développé et présenté pour la première fois par Via Campesinalors du Sommet de l’alimentation organisé par la FAO à Rome en 1996. La souveraineté alimentaire est présentéecomme un droit international qui laisse la possibilité aux populations, aux États ou aux groupes d’États demettre en place les politiques agricoles les mieux adaptées à leurs populations sans qu’elles puissent avoir une�et négatif sur les populations d’autres pays. La souveraineté alimentaire est donc une rupture par rapport àl’organisation actuelle des marchés agricoles mise en oeuvre par l’OMC.819 La crise alimentaire de 2008 a remis l’agriculture sur le devant de la scène et a montré la nécessité pour lespays de trouver des réponses structurelles capables d’assurer leur sécurité alimentaire, faire face à la pauvretérurale et assurer des emplois à une population essentiellement constituée de jeunes.820 Delmas-Marty (M.) – Les forces imaginantes du droit, Paris : Seuil, 2006, p. 149.821 Les dispositions de l’article 25 a�rme que : « Toute personne a droit à un niveau de vie su�sant pour assurersa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation. »822 Les arguments développés par certains États et une partie de la doctrine au sujet de la justiciabilité du droità l’alimentation sont plus complexes et sont élaborés, eux, en termes juridiques : soit le droit à l’alimentationreconnu au niveau international n’est pas un vrai droit, car il ne décrit ni un droit individuel ni les obligationscorrespondantes de l’État envers cet individu ; soit il est considéré comme un droit de l’homme mais sa « nature» juridique rend impossible le contrôle de son respect par un organe judiciaire ou quasi-judiciaire, au niveaunational comme au niveau international : ce droit est trop vague, il n’implique que des obligations imprécisespour l’État, et de toute façon un juge, ou le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ne pourrait encontrôler le respect car il implique des dépenses budgétaires dont seul le pouvoir politique, exécutif et législatif,peut décider. Pour avoir une idée claire des positions doctrinales, lire : Hugo (V.) – Le droit et la loi et autrestextes citoyens, Paris : Éditions 10/18, 2002, 44 p. ; Steiner (H.) et Alston (P.) – International Human Rights inContext : Law, politics, morals, New York : Oxford University Press, 2000, 1497 p.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 313
Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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la possibilité pour ce droit (général et abstrait) d’être invoqué par un individu ou un groupe
devant un organe judiciaire ou quasi-judiciaire 823. Il a été interprété comme impliquant non
seulement la disponibilité de nourriture exempte de substances nocives et acceptable dans
une culture donnée, en quantité et d’une qualité propre à satisfaire les besoins alimentaires
de l’individu, mais également l’accessibilité ou la possibilité d’obtenir ce�e nourriture d’une
manière durable et qui n’entrave pas la jouissance des autres droits de l’homme 824. L’e�ecti-
vité de ce droit de l’homme à l’alimentation a toujours posé problème un peu partout dans
le monde. Ainsi, selon un rapport de la FAO, en 2016, on estimait à 815 millions le nombre
de personnes sous-alimentées dans le monde selon le rapport sur l’état de l’insécurité ali-
mentaire 825. Les ambitions de transformation associées au Programme de développement
durable à l’horizon 2030 826 appellent l’ensemble des pays et des parties prenantes à travailler
de concert afin d’en finir avec la faim et de me�re fin à toutes les formes de malnutrition
d’ici à 2030. L’Afrique de l’Ouest n’échappe pas à ces préoccupations.
821 Parmi les défis à relever, figurent en bonne place les questions relatives à la sécurité alimen-
taire. Ces questions se posent de plus en plus avec acuité au regard de la structure de la po-
pulation de la région (300 millions d’habitants) et des besoins alimentaires croissants. Dans
un rapport sur la situation de la pauvreté dans l’UEMOA, il est écrit : la norme calorifique
de 2. 400 calories/personne/jour n’est pas a�einte dans tous les pays et les pays sahéliens
semblent plus touchés que les pays côtiers. En e�et, les pays sahéliens, dans leur majorité,
connaissent des di�icultés liées à l’insécurité alimentaire contrairement aux pays côtiers qui
semblent être épargnés.
822 Ainsi, les problèmes d’insécurité alimentaire persistent encore dans l’Union 827. Ce�e situa-
823 M. K. Addo indique que la justiciabilité n’a pas exactement la même signi�cation au niveau national et auniveau international, car au niveau national il faut que l’organe de contrôle soit un organe judiciaire, ce quin’est pas le cas au niveau international. Mais, pour cet auteur, il y a de grandes similitudes entre ces deux sortesde justiciabilité puisque toutes deux sont des mécanismes de contrôle du respect par l’État de ses obligations, etleur béné�ciaire est toujours l’individu. M. K. Addo,Addo (M. K.) – « Justiciability Re-examined », in : Social andCultural Rights : Progress and Achievement, sous la dir. de Beddard (R.) et Hill (D. M.), New York : St-Martin’sPress, 1992. Le Comité des droits de l’homme, qui contrôle que les États respectent leurs obligations prévuesdans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est par exemple un organe quasi judiciaire. Ilpeut recevoir des plaintes émanant d’individus, appliquer les dispositions du Pacte aux cas concrets qui lui sontprésentés et rendre une constatation, et non une décision ayant force de loi comme le juge en droit interne. Surle Comité des droits de l’homme, lire : Steiner (H.) et Alston (P.), International Human Rights in Context : Law,politics, morals, op. cit.824 Une autre disposition apporte également des clari�cations importantes. Il s’agit de l’article 11.1 qui disposeque : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie su�sant pourelle-même et sa famille, y compris une nourriture [su�sante]. » Art. 11.2 : « Les États parties au présent Pacte,reconnaissant le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim, adopteront, individuellement etau moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris. »825 L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2017 : Renforcer la résilience pour favoriser lapaix et la sécurité alimentaire, FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF, 2017, p. 2.826 Ibid., p. 6.827 Cette persistance est à lier à la faible diversi�cation de l’agriculture, ainsi qu’aux modes de production,caractérisés par une quasi absence de la mécanisation et de l’irrigation, ainsi qu’une faible intensi�cation despratiques culturales.
314 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique agricole commune optimiste • Section 1
PartieII.T
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tion ne permet pas aux populations de l’UEMOA de faire face aux incidences des aléas clima-
tiques (sécheresses, inondations, incendies, etc.) sur leurs productions et leurs revenus 828.
823La résolution, au moyen du droit des problèmes liés à l’éradication de la faim est une préoc-
cupation maintes abordée. La lu�e contre la violation du droit à l’alimentation est devenue
une quête permanente de toutes les organisations internationales. Ainsi, les e�orts de l’UE-
MOA, ne viennent que pour répondre aux engagements pris au plan international par les
États de l’UEMOA dans ce sens. De par son importance, la lu�e contre la faim est érigée au
rang des priorités à solutionner pour rendre à l’homme sa digité. C’est dans ce�e logique
que la dignité humaine est aussi placée au premier rang par la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948 829. Il apparaît clairement à l’analyse qu’il ne saurait
y avoir une dignité pour un homme qui a faim. C’est d’ailleurs ce que confirme le Comité sur
les droits économiques, sociaux et culturels en estimant que : « Le droit à une alimentation
adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en commu-
nauté avec autrui, a accès à tout instant, physiquement et économiquement, à une alimentation
adéquate ou aux moyens de se la procurer. 830 » Pour le Rapporteur spécial, le droit à l’alimen-
tation, c’est : « Le droit d’avoir un accès régulier, permanent et non restrictif, soit directement ou
au moyen d’achats financiers, à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate
et su�isante correspondant aux traditions culturelles du peuple auquel le consommateur appar-
tient, et qui lui procure une vie physique et mentale, individuelle et collective, épanouissante et
exempte de peur ». Sa reconnaissance à l’échelle internationale a fait l’objet de plusieurs ac-
cords. Il est également reconnu dans des instruments internationaux spécifiques tels que la
Convention sur les droits de l’enfant 831, la Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes 832, ou la Convention relative aux droits des personnes
handicapées 833.
824Le droit à l’alimentation est par ailleurs reconnu dans des instruments régionaux tels que
le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant
des droits économiques, sociaux et culturels, connu sous le nom de Protocole de San Salva-
dor (1988), la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (1990) et le Protocole
à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme
en Afrique (2003). Outre ceux cités, d’autres instruments internationaux non juridiquement
contraignants relatifs aux droits de l’homme, tels que des recommandations, des directives,
des résolutions ou des déclarations, sont également pertinents pour le droit à l’alimentation.
Parmi ces instruments de droit mou, et de loin le plus direct et le plus détaillé, il faut citer
828 Rapport sur la situation de la pauvreté dans les pays de l’UEMOA, BCEAO, 2012, p. 15.829 L’article premier déclare que : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit s. Ils sontdoués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».830 Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels dans son commentaire général no 12831 Art. 24(2) (c) et 27 (3).832 Art. 12 (2).833 Art.25 (f) et 28 (1).
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Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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les lignes directrices volontaires visant à soutenir la réalisation progressive du droit à une
alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. Il s’agit des di-
rectives sur le droit à l’alimentation. Le Conseil de la FAO a adopté les directives sur le droit
à l’alimentation par consensus en novembre 2004. Elles constituent un outil pratique pour
aider à la mise en œuvre du droit à une alimentation adéquate.
825 Le respect du droit à l’alimentationmet à la charge des États un certain nombre d’obligations.
Selon Olivier de Schu�er, le droit à l’alimentation impose à tous les États des obligations
non seulement envers les personnes vivant sur leur territoire national, mais aussi envers les
populations d’autres États. Ces deux ensembles d’obligations se complètent mutuellement.
Le droit à l’alimentation ne peut être réalisé complètement que lorsque les obligations tant
nationales qu’internationales sont respectées 834.
826 Si au plan international des instruments juridiques obligent les États à respecter le droit
à l’alimentation, au plan régional, les e�orts sont faits pour sa reconnaissance. Le droit à
l’alimentation a été reconnu à des degrés divers sur les continents américain, africain et eu-
ropéen 835. Au niveau continental, la Déclaration de Malabo sur la croissance et la transfor-
mation accélérées de l’agriculture en Afrique pour une prospérité partagée et de meilleures
conditions de vie a été adoptée en juin 2014.
827 C’est le cas aussi pour l’UEMOA. La nécessité de me�re en œuvre un droit à l’alimenta-
tion est bien comprise par l’union. Ainsi, à travers plusieurs dispositions de ces règlements,
elle a abordé les préoccupations liées à l’alimentation. Il s’agit notamment de la décision
no 05/99/CM/UEMOA en date du 06 août 1999, par lequel le Conseil des ministres a adopté le
Programme spécial régional pour la Sécurité alimentaire dans les Étatsmembres de l’UEMOA
(PSRA/UEMOA) 836 et des règlements no 007/2007/cm/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire
834 De Schutter (O.) – Le droit à l’alimentation en tant que droit de l’homme, url : http://www.srfood.org/images/logos/olivierdeschutter_titre.png..835 Golay (C.) – Le droit à l’alimentation, un droit humain fondamental stipulé par l’ONU et reconnu par destraités régionaux et de nombreuses constitutions nationales, url : http://www.eoi.at/d/EOI.836 Ce Programme, d’un coût de 84 millions de dollars US, a été élaboré par la Commission de l’UEMOA,en collaboration avec l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il répond àl’un des objectifs de la Politique agricole de l’union énoncé dans le Protocole additionnel no II, à savoir, « laréalisation de la sécurité alimentaire avec un degré adéquat d’autosu�sance au sein de l’Union ». Le Programmevise : (1) l’amélioration de la sécurité alimentaire et l’augmentation des revenus des populations rurales desÉtats membres ; (2) le développement des échanges entre les pays de l’Union ; et (3) la promotion de l’intégrationrégionale. Le Psrsa a deux composantes :
1. Une composante nationale qui servira à consolider les Programmes spéciaux pour la sécurité alimentaire(Pssa) initiés par les États membres et la FAO;
2. Une composante régionale qui concerne les échanges et le renforcement de l’intégration.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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des végétaux, des animaux et des aliments dans l’UEMOA 837, règlement no 04/2009/CM/UEMOA
relatif à l’harmonisation des règles régissant l’homologation, la commercialisation et le contrôle
des pesticides au sein de l’UEMOA 838 et celui portant règlement no 03/2009/CM/UEMOA
portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la com-
mercialisation des semences végétales et plants dans l’UEMOA 839. Eu égard à ce qui précède,
il faut comprendre que l’abondance de règlements ou autres décisions prises dans le cadre
de l’union ne montre que l’immensité du défis lié à l’insécurité alimentaire. Outre la pro-
blématique liée au droit à l’alimentation, la lu�e contre pauvreté en milieu rural constitue
également une contrainte commune aux États membres de l’union.
B - La pauvreté en milieu rural
828La notion de pauvreté reste avant tout économique en raison de sa définition. Selon. Ge-
neviève Koubi, « la pauvreté n’est pas définissable en droit » 840 Par contre, en science éco-
nomique, « Est pauvre celui qui a un revenu insu�isant pour a�eindre un niveau de vie mi-
nimum » 841. C’est justement dans la détermination d’un seuil que les États parviennent à
cerner la pauvreté d’une manière juridique à travers les textes. Ainsi, en abordant sous l’as-
pect du seuil de pauvreté, l’élimination de la pauvreté ne constitue plus seulement un objectif
politique souhaitable. Elle représente aussi « une obligation juridique pressante, en ce qu’elle
est essentielle à la reconnaissance et à l’exercice des droits fondamentaux de la personne qui
837 C’est en reconnaissant la nécessité de promouvoir au sein des États membres une agriculture durable per-mettant d’améliorer la sécurité alimentaire des populations et de réduire la pauvreté en milieu rural que cerèglement a été pris. Son article 2 aborde dans son objet les domaines d’application ; Article 2 : Objet Le présentRèglement vise à établir les principes généraux ainsi que les dispositions et procédures organisationnelles per-mettant d’assurer la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et aliments, au niveau communautaire et auniveau national. Il institue les structures et mécanismes de coopération en matière de sécurité sanitaire au seinde l’Union. Il s’applique à toutes étapes de la production, de la transformation et de la distribution des végétaux,des animaux et des aliments commercialisés. Il a, notamment pour objet :
— la réglementation de la protection sanitaire des végétaux et des produits végétaux et autres articlesréglementés, y compris les produits issus des biotechnologies modernes tels que dé�nis dans le présentRèglement ;
— la protection sanitaire des animaux, des produits animaux, des produits d’origine animale, de l’alimen-tation animale et de la santé publique vétérinaire, y compris les produits issus des biotechnologies mo-dernes ;
— - la protection sanitaire des produits alimentaires, y compris les produits issus des biotechnologies mo-dernes.
838 L’objet de ce règlement est de réguler le marché de fourniture de pesticides rentrant dans la production desaliments dans les États membres de l’Union. Il vise essentiellement la qualité des pesticides pour produire desaliments sains à la consommation.839 Ce règlement aborde la question relative à la qualité des semences nécessaires à la production des aliments.Il vise à s’assurer non seulement de la disponibilité des semences pour les paysans en tout lieu mais égalementde leur qualité.840 Koubi (G.) – « La pauvreté, comme violation des droits humains », in : Revue internationale des sciencessociales 180 (2004), p. 361–371.841 Ibid.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 317
Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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sont consacrés dans plusieurs instruments juridiques internationaux et qui font l’objet de dis-
positions législatives précises dans le droit interne de plusieurs juridictions » 842. Généralement,
c’est dans le cadre desmesures de sauvegarde des droits de la personne humaine que s’inscrit
donc les actions juridiques internes de lu�e contre la pauvreté.
829 Certes, les textes juridiques de di�érents États peuvent déterminer un « seuil de pauvreté » à
partir duquel seraient développées des mesures spécifiques pour contribuer à la lu�e contre
les exclusions ou pour porter remède aux situations d’extrême pauvreté, mais la plupart du
temps, les critères d’évaluation des cas à traiter reposent sur une définition économique,
financière et monétaire, plus que sociologique ou psychosociologique, de la pauvreté.
830 Comme le problème de la sécurité alimentaire, l’éradication de la pauvreté en général est un
objectif poursuivi par la communauté internationale. À en croire la définition donner, la pau-
vreté extrême, ce sont des conditions de vie rendues si di�iciles par la maladie, l’ille�risme,
la malnutrition et la saleté, que ses victimes n’ont pas accès aux besoins humains fonda-
mentaux des conditions de vie si limitées qu’elles empêchent la réalisation du potentiel avec
lequel chacun est né c’est dans les campagnes que le problème est le plus grave 843.
831 La plupart des études menées sont parvenues à retenir les profils de pauvreté. Ceux qui
servent de base aux documents cadres de stratégie de lu�e contre la pauvreté conduisent
pour la plupart à des constats semblables : 90% des pauvres sont des ruraux, 80% des agri-
culteurs sont pauvres, nombre d’entre eux sont trop pauvres pour se nourrir convenable-
ment, et la plupart des pauvres urbains sont des immigrants récents. Pour lu�er contre la
pauvreté, il convient donc, d’accorder la priorité au milieu rural et au secteur primaire, consi-
déré comme le premier fournisseur d’emplois et comme le moteur de l’économie nationale,
de freiner l’exode rural, puisque, pour produire plus de denrées alimentaires, il faut davan-
tage de bras, et plus généralement de freiner les migrations puisque la plupart des pauvres
sont des personnes ayant récemment changé de lieu de résidence.
832 Déjà au plan international la question préoccupe et a fait l’objet de plusieurs initiatives. La
réduction de l’extrême pauvreté et de la faim apparaît au premier rang des huit priorités que
se sont assignés, depuis l’an 2000, la plupart des États membres de l’Organisation des nations
unies (ONU), notamment dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement
(OMD). La première cible de cet objectif vise à réduire de moitié, l’extrême pauvreté et la
842 Tessier (H.) – « La lutte contre la pauvreté : question de droits de la personne et une mesure de préventioncontre une violence systémique à l’égard des enfants », in : Les Cahiers de droit vol. 37.2 (1996), p. 475–505.843 Cette a�rmation faite par Robert S. Mc Namara Président du Groupe de la Banque mondiale à l’occasiondes Réunions annuelles à Nairobi le 4 septembre 1973 montre à su�sance les e�ets de la pauvreté en milieurural. Pour s’en convaincre, lire : Brochure réalisée à partir du document « Reaching the Rural Poor : A RenewedStrategy for Rural Development »,WashingtonD.C., 2002, quimentionne toutes les sources citées ici. L’intégralitédu document est disponible sur : http ://www.worldbank.org/rural La traduction de ce document a été réaliséepar le ministère français des A�aires étrangères.
318 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique agricole commune optimiste • Section 1
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faim dans les régions du globe où ces problèmes se posent avec acuité, notamment en Asie
du Sud-est et en Afrique Subsaharienne. La pauvreté sous toutes ses formes constitue le
défi majeur auquel sont confrontés les pays d’Afrique de l’ouest ainsi que l’ensemble du
continent africain. La problématique de la réduction de la pauvreté concerne donc la région
ouest africaine, en général, et les pays de l’UEMOA, en particulier 844.
833Le rapport d’une étude menée conjointement par la CEDEAO et l’UEMOA, montre que les
États membres de la CEDEAO sont classés parmi les plus pauvres de la planète. Plus d’une
personne sur deux y vit avec moins d’un dollar par jour. De façon concomitante, les pays
de la sous-région accusent également un retard important concernant les autres dimensions
du développement humain, notamment l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable et aux
services d’infrastructures de base tels que les transports, l’énergie électrique et les télécom-
munications. Encore plus préoccupant, la région est frappée par un nombre grandissant de
«maux » et de défis transnationaux tels que les maladies infectieuses (Paludisme, VIH/Sida)
et les conflits nationaux dont les e�ets transcendent les frontières et détruisent le peu de
capital physique et humain que les pays ont pu accumuler au cours de quatre décennies de
développement 845. Pour faire face à ce défi, la logique des États était basée sur des stratégies
nationales de réduction de pauvreté 846.
834Mais par la suite, et face à la persistance du phénomène, les États se sont rendus compte
des limites des approches nationales. C’est fort de cela que les Gouvernements des pays de
la sous-région ont demandé aux organisations régionales notamment au Secrétariat exécu-
tif de la CEDEAO et à la Commission de l’UEMOA de faire une revue complète des pro-
grammes régionaux et de proposer une approche intégrée accompagnée d’un plan d’action
pour mieux cerner et traiter plus e�icacement des dimensions régionales de la pauvreté 847.
Conçu comme un complément aux stratégies nationales et me�ant en cohérence les deux,
le Document de Stratégie régionale de réduction de la pauvreté (DSRRRP) vise plusieurs ob-
jectifs dont le plus important est de faire de l’intégration régionale un vrai catalyseur de
la lu�e contre la pauvreté dans la sous-région. Pour y parvenir, spécifiquement, le Dsrrp
o�re un cadre intégré de référence perme�ant aux stratégies nationales et aux programmes
régionaux de mieux se renforcer dans les divers secteurs économique, commercial, social,
844 Selon le Programme des nations unies pour le développement (PNUD), les Indices de développement hu-main (IDH) des pays de l’Union seraient parmi les plus faibles du monde. Par ailleurs, la Banque mondiale (BM)classe les pays de l’Union parmi les pays à faible revenu ou à revenu moyen inférieur, dans lesquels près de lamoitié de la population est pauvre, c’est-à-dire vit en dessous du seuil de pauvreté international, �xé à 1,25 parjour en 2008.845 Intégration régionale, croissance et réduction de la pauvreté en Afrique de l’Ouest, Groupe technique de pilo-tage UEMOA-CEDEAO du Dsrp régional, 2006, p. 2.846 Pour ce faire, un grand nombre de pays (à l’exception du Nigeria et des pays en con�its tels que la Côted’Ivoire, le Libéria et le Togo) a déjà mis en oeuvre des stratégies nationales de réduction de la pauvreté (Srp)dont l’objectif est d’accélérer la croissance et réduire la pauvreté à la mesure des OMD et des attentes despopulations.847 Le Document de stratégie régionale de réduction de la pauvreté en Afrique de l’ouest (Dsrrp) constitue laréponse des organisations régionales à cet appel.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 319
Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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etc. afin d’approfondir l’intégration, d’accélérer la croissance et de parvenir à la réduction
substantielle de la pauvreté en Afrique de l’ouest à travers plusieurs axes d’intervention 848 .
Parmi les axes d’intervention, la gestion durable des ressources naturelles occupe une bonne
place. Outre cet intérêt lié à la durabilité, la Politique agricole commune (Pac) se veut un
outil de création de richesse et du développement en milieu rural. Ce faisant, elle assurerait
le développement durable de l’agriculture, secteur qui contribue tout particulièrement à la
production du produit intérieur brut.
835 Les défis liés à la sécurité alimentaire et à la réduction de l’extrême pauvreté en milieu rural
expliquent donc le contenu très optimiste de la politique agricole commune de l’UEMOA.
Paragraphe 2 Le contenu de la politique agricole de l’union
836 Désormais, objet politique publique, les décideurs africains reconnaissent le rôle essentiel
du secteur agricole dans la croissance de l’économie 849. La Politique agricole de l’UEMOA
(PAU), mise en place en décembre 2001, première Politique Agricole Commune approuvée
par une organisation économique régionale africaine, évoque ainsi la place stratégique du
secteur agricole dans l’économie des États membres de l’Union et le rôle fondamental qui lui
est assigné de nourrir les populations et réduire la pauvreté enmilieu rural. Ce�e importance
se justifie par la place prépondérante de l’agriculture dans l’économie ouest-africaine et le
rôle d’entraînement que son développement est susceptible d’exercer sur les autres secteurs
économiques. Ainsi, perçue comme axe fédérateur de l’intégration sous régionale, l’agricul-
ture est devenue quasiment un des leviers du développement économique et commerciale de
l’UEMOA (A). Toutefois, la politique agricole de l’Union reste très dépendante des facteurs
848 Les priorités de la stratégie régionale de lutte contre la pauvreté en Afrique de l’ouest 19. Les orientationset politiques de la stratégie régionale peuvent être résumées en quatre grands axes d’intervention : Axe 1 :La gestion des dé�s transnationaux, notamment les con�its et la promotion de la démocratie et de la bonnegouvernance pour renforcer la cohésion sociale dans les pays ;
— Axe 2 : L’intégration approfondie de l’espace économique pour réduire les coûts et accroître la compéti-tivité a�n d’accélérer la diversi�cation et intensi�er la croissance ;
— Axe 3 : Le développement/interconnexion des infrastructures en support à l’intégration de l’espace éco-nomique et à l’amélioration de sa compétitivité ;
— Axe 4 : Le renforcement du capital humain et la facilitation de sa mobilité à travers l’espace communpour soutenir la croissance et la rendre aussi distributive.
849 Les processus en cours au niveau continental (Programme détaillé de développement de l’agriculture afri-caine) mettent l’accent sur l’augmentation des investissements publics dans l’agriculture (engagements pris àMaputo par les chefs d’États africains de porter à 10% le budget alloué à l’agriculture) et la croissance agri-cole (qui doit être portée à 6%). Cependant le principal enjeu pour les pays africains reste la mise en placede politiques agricoles concertées et cohérentes, en rapport avec les principaux enjeux de développement etopportunités du continent, et capables d’assurer la souveraineté alimentaire des pays.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique agricole commune optimiste • Section 1
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exogènes du contexte économique international (B) 850.
A - Une politique agricole comme axe fédérateur de l’intégration
régionale
837La mise en place d’une politique agricole unique pour l’ensemble de l’UEMOA est explicite-
ment citée comme un des objectifs de l’Union à l’article 4 du Traité 851, et fait donc partie
des préoccupations de la Commission depuis sa création. La politique agricole se compose
d’un ensemble de mesures d’interventions publiques qui portent sur la production agricole
nationale ou sur les importations et exportations de produits agricoles. Elle se caractérise
généralement selon Ribier par « un ensemble de mesures réglementaires, dispositifs structu-
rels, moyens financiers et humains interdépendants, mis en œuvre par la puissance publique
pour contribuer à la progression du secteur agricole » 852. Le caractère intégrationniste de la
PAU passe par deux sous-axes. Le premier se réfère à l’indi�érenciation de l’agriculture des
enjeux politiques et commerciaux. La deuxième prend en compte une reconnaissance des
interlocuteurs représentatifs du monde agricole à l’échelle sous-régional.
838Dans le cas de la première option, l’intégration régionale par la PAU repose sur la conclusion
d’accords commerciaux intra régionaux. On a�end de ceux-ci qu’ils déclenchent un proces-
sus de développement et de croissance dans les États concernés. Ce�e a�ente se fonde sur les
avantages que la création d’espaces d’intégration régionale est sensée procurer. Elle se base
sur le principe de complémentarité des économies nationales. En outre, la levée des barrières
tarifaires, doublée de la mise en place d’une union douanière 853 étant les di�érentes étapes
pour la mise en place d’un marché commun, et du moment où il existe une complémentarité
des productions régionales (par exemple déficit céréalier ici, contre excédent là) et une o�re
couplée à la demande locale, la création d’échanges augmente.
839Dans la deuxième option, la Commission de l’UEMOA reconnaît deux interlocuteurs repré-
850 Il existe di�érents instruments de politique commerciale qui peuvent avoir un e�et direct ou indirect sur laproduction agricole. C’est pourquoi il est indispensable, dans toute élaboration de politique agricole, de prendreen compte également les aspects liés à la politique commerciale du pays et aux di�érents accords internationauxou régionaux, dans lesquels le pays est engagé. Certaines de ces pratiques sont en e�et limitées par le cadrecommercial international dans lequel s’inscrivent les pays (accord sur l’agriculture de l’OMC, intégration ausein d’espaces économiques régionaux, etc.).851 Art 4, al.4 du Traité de l’UEMOA.852 Blein (R.) et Soulé (B. G.) – Revue et analyse des mesures engagées à court et moyen terme en réponse à lahausse des prix et produits alimentaires en Afrique de l’Ouest, FARM, 2008.853 La réalisation de l’étape de l’union douanière exige la suppression e�ective des barrières tarifaires et nontarifaires et tous obstacles techniques aux échanges internationaux. Pour y parvenir, le renforcement des po-litiques et compétences des instances communautaires en matière d’échanges s’avèrent indispensable. Cettedémarche s’inscrit dans le prolongement du processus d’harmonisation et de coordination des politiques etprogrammes aux �ns de la rationalisation des Communautés économiques régionales.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 321
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sentatifs du monde agricole. Il s’agit du Réseau des organisations paysannes (ROPPA) 854 et
du Réseau des chambres d’agriculture (RCAO) 855. Dans le cas du ROPPA, trois éléments ont
soutendu sa création. D’une part, l’intégration sous-régionale au niveau de l’UEMOA, et en
particulier la préparation de la politique agricole sous-régionale ; d’autre part, la décentrali-
sation qui implique une meilleure implication des acteurs à la base, enfin la mondialisation
qui met les producteurs en concurrence avec le marché mondiale alors que les conditions de
production et de mise en marché sont inégales. Dans le cas du RCAO, sa création est motivée
par la défense des intérêts et la représentativité du monde rural dans son ensemble. Il s’est
fixé comme second objectif le dialogue avec toutes les organisations paysannes. Il compte
favoriser la création de Chambres d’agriculture dans les États qui n’en comptent pas et jouer
un rôle dans l’accompagnement des producteurs de toutes les filières.
840 En outre, si l’intégration régionale a de facto dynamisé la structuration régionale des Or-
854 Le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’ouest a été créé for-mellement en juillet 2000, lors d’une rencontre qui a rassemblé des responsables paysans de dix pays d’Afriquede l’ouest, mais le processus de construction a démarré en 1998. Il regroupe aujourd’hui des organisations oudes cadres de concertation nationaux du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, de Gambie, de Guinée, deGuinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. La volonté du ROPPA est d’arriver à la constitutiond’une plateforme paysanne par pays, regroupant toutes les organisations faîtières. Ce sont ces plates-formesnationales qui ont vocation à être membre du ROPPA. Si la création du ROPPA a été porté par des organisationspaysannes déjà bien structurées dans certains pays, comme le CNCR du Sénégal ou la FUPRO du Bénin, elleeu aussi une in�uence sur la structuration des organisations paysannes dans d’autres pays, où elle a favorisél’émergence de plateforme paysanne (comme au Togo ou en Guinée Bissau par exemple). En�n, le ROPPA aune démarche fédérative : l’ensemble des organisations paysannes d’un pays, les Chambres d’agriculture, sontconviées aux ateliers organisés par le ROPPA dans leur pays. Voir Hemerlin (B.) – « La politique agricole del’UEMOA : Aspects institutionnels et politiques », in : Tcas Working Document 53 (2003), p. 22.855 Depuis les années 90, on assiste à la création ou la restructuration, quand elles existent, de Chambresd’Agriculture dans certains pays (Mali, Togo, Côte d’Ivoire, Bénin). Les Chambres d’Agriculture sont senséesassurer une fonction de représentation des di�érentes catégories d’agriculteurs, une fonction de conseil et unefonction d’intermédiation et de propositions entre le monde agricole et les pouvoirs publics. Cette dynamiqueest impulsée par les bailleurs de fonds, avec une forte implication de la FAO et une expertise des Chambresd’Agriculture françaises, ce qui tend à promouvoir un modèle d’organisation calqué sur le modèle français.Hemerlin (B.), « La politique agricole de l’UEMOA », op. cit., p. 22.
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ganisations paysannes et des autres opérateurs 856, la constitution du ROPPA et du RCAO
répondent d’ailleurs explicitement à l’approfondissement de l’intégration régionale et l’éla-
boration de la politique agricole de l’UEMOA.
B - Une avancée exigée par le contexte international
841Le régime commercial prévalant entre l’Union européenne (UE) et la région Afrique caraïbes
pacifique (Acp) dans le cadre de la Convention de Lomé a été récemment remis en cause lors
du nouvel Accord de Cotonou signé en juin 2000. L’accès privilégié au marché européen sans
obligation de réciprocité octroyé par la Convention de Lomé estmaintenant remplacé par des
Accords de partenariat économique (Ape) basés sur le principe du libre-échange réciproque.
Dans un pareil contexte, les États pris individuellement Ce contexte international a poussé
les États à s’insérer dans des e�orts d’intégration régionale dans certaines zones d’Afrique,
avec notamment la mise en place d’une Politique agricole unifiée (PAU) dans le cadre de
l’UEMOA. La politique agricole intervenue dans le cadre régional a rendu nécessaire la prise
des actes pour l’harmonisation des législations nationales dans le secteur agricole.
842À ce jour plusieurs textes juridiques et réglementaires ont été pris dans les pays, en rapport
avec la mise en œuvre des politiques de développement de l’Élevage. Ces textes, pris en ap-
plication des règlements et directives de l’union créent un cadre incitatif pour les activités
en milieu rural et pour les investissements dans les domaines de la production, la transfor-
mation et la commercialisation.
843En témoignent les appuis qu’apporte l’UEMOA aux États membres à l’occasion des négocia-
tions internationales sur le secteur agricole. En e�et, bien que les négociations commerciales
856 Lors de la mise en place du Tec (L’Afrique de l’Ouest est engagée dans la construction d’un espace de librecirculation des hommes et des marchandises. Elle se dote d’une politique de commerce extérieur unique, à tra-vers le tarif extérieur commun), un certain nombre de spéci�cités de la �lière avicole n’avaient pas été prises encompte. Ainsi, les oeufs à couver et les poussins de 1 jour ont été considérés comme produits de consommation,et non comme intrant, et taxés comme tel. D’où un surcoût pour les producteurs avicoles. Sollicité par les repré-sentants du secteur avicole de plusieurs États membres, la Commission leur a suggéré de se regrouper au niveaurégional, ce qui fut fait (sur fonds propres des aviculteurs). Les aviculteurs, regroupés au sein de la Maison del’aviculture, ont préparé un dossier solide et obtenu gain de cause auprès de la Commission sur la nomenclaturedu Tec, qui a été modi�é. Lors de la phase d’élaboration de la Pau, le ROPPA a obtenu que la Commission luidonne le temps et les moyens �nanciers nécessaires pour une participation e�ective aux travaux, en organisantsa propre ré�exion interne. Dans chaque pays, une étude préliminaire sur la situation des paysans a été réali-sée, suivie d’un atelier national où les participants devaient exprimer leurs souhaits et leurs attentes vis-à-visde la politique agricole. Un atelier régional à Ouagadougou en octobre 2001 a permis au ROPPA d’arrêter saposition vis-à-vis de la Pau. Le ROPPA considère cet exercice comme extrêmement béné�que tant au niveau desmembres qu’au niveau régional. En e�et, les ateliers nationaux ont permis aux membres de ré�échir et de fairecomprendre aux autorités de leur pays respectifs qu’ils se mobilisaient sur la question. Au niveau sous-régional,il a fallu surmonter des intérêts divergents entre les membres pour arriver à une position commune, ce qui a étéun élément de consolidation de cette jeune organisation. Ainsi, les Organisations paysannes ont pu apporter despropositions novatrices dans l’atelier régional de validation de la PAU, en particulier sur la notion d’exploitationfamiliale et sur le vécu quotidien des producteurs.Hemerlin (B.), « La politique agricole de l’UEMOA », op. cit.,p. 25.
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menées dans le cadre du cycle de Doha soient actuellement suspendues, l’enseignement
majeur du processus mené au sein de l’Omc est qu’une entente régionale est indispensable.
Ce�e coopération, qui a impliqué directement quatre pays producteurs (Bénin, Burkina Faso,
Mali et Tchad), mérite d’être élargie aux autres pays producteurs ouest-africains. Parlant
d’une même voie, l’ensemble de ces pays seraient en mesure de faire valoir comme il se doit
les intérêts du troisième exportateur mondial qu’est l’Afrique de l’Ouest. L’avenir est donc
à une Politique cotonnière commune face aux défis du marché mondial, particulièrement
chinois et face à l’enjeu de la « renaissance » de l’industrie textile dans la région.
844 L’enjeu est que les politiques nationales tiennent compte désormais de façon systématique
du potentiel que représente le marché commun et des avantages comparatifs respectifs des
pays de l’Union suivant les spéculations, ce qui peut impliquer des stratégies de spécialisa-
tion sur certaines cultures ou des interventions concertées sur des grandes filières 857. Mais
de façon spécifique, la PAU présente des caractères qui visent à repositionner l’Union sur le
plan économique et commercial au niveau mondial 858.
845 Dans ce�e volonté de régionalisation de l’agriculture, l’on peut s’étonner de voir qu’en face
d’une politique commune en développement, il y a une politique foncière encore embryon-
naire.
S e c t i o n 2
UNE POLITIQUE FONCIÈRE COMMUNE ENCORE EMBRYONNAIRE
846 L’importance de la question foncière en Afrique de l’ouest n’est pas à démontrer. Elle recoupe
à la fois des enjeux d’ordre juridique, politique, économique, socioculturel et environnemen-
tal.
847 L’idée de doter la région d’un cadre juridique en matière de gestion du foncier rural remonte
en réalité à plusieurs années déjà. D’abord, Les dispositions du Traité des États membres
de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et certaines réformes inter-
pellent l’Union sur les questions foncières. Ensuite c’est après plusieurs événements sur le
857 Les grandes orientations de la politique agricole de l’UEMOA, Rapport principal, UEMOA, mar. 2002, p. 82.858 Un comité régional et des structures nationales de préparation et de suivi des négociations internationalesagricoles (Nia) doivent être mis en place. Ils constitueront un cadre de concertation entre l’UEMOA, les Étatsmembres et les organisations professionnelles pour le premier, et de concertation interne aux États membrespour les seconds. Ces structures assureront la préparation concertée des positions dans les di�érentes Nia. Uneétude spéci�que a été lancée dans ce cadre en février 2005. Elle a fait des propositions concernant la composition,les attributions et le mode de fonctionnement des structures à mettre en place. Ses résultats ont été validés parun atelier régional qui a eu lieu en février 2006. Les décisions réglementaires sont en cours de préparationau niveau de l’UEMOA pour créer ces structures. C’est ainsi qu’un projet de Règlement portant sur la créationd’un Comité consultatif régional pour la préparation des négociations commerciales internationales est en coursd’élaboration et devrait être adopté en 2007.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique foncière commune encore embryonnaire • Section 2
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foncier que l’UEMOA a pris conscience de la nécessité d’inscrire les questions foncières dans
la liste de ses priorités 859.
848Dès lors l’Union a commencé à s’investir dans la mise en place « de systèmes fonciers adaptés
et e�icaces » 860. Le but visé est la mise en place d’une politique foncière commune au sein
de l’espace UEMOA. Les initiatives pour l’adoption d’une politique foncière commune qui
soit a�ractive pour les capitaux, l’accroissement des investissements, la contribution à l’amé-
lioration de la productivité et de la production agricole illustrent clairement une volonté de
coopération entre les États de l’union (paragraphe 1). Ce�e volonté reste à l’étape théorique
puisque les initiatives tardent à aboutir à l’e�ectivité d’un droit foncier communautaire (pa-
ragraphe 2).
Paragraphe 1 L’ineffectivité d’une coopération entre les États
849L’un des principes de l’union reste fondé sur une approche d’intervention régionale. Ce prin-
cipe dit de « régionalité » suppose que l’on ne traite au niveau de l’instance sous régionale
que les problèmes qui se posent à au moins deux États 861. La di�iculté majeure réside dans
la mise en cohérence du principe de territorialité avec les principes de l’UEMOA dans une
matière comme celle du foncier. À ce propos, M. Chrétien parlant de la fiscalité considère
la territorialité de la loi foncière comme quasi absolue 862 et n’hésite pas à établir un lien
entre ce�e territorialité normative et l’exclusivité territoriale en droit international public
puisque, pense-t-il, c’est dans sa « souveraineté territoriale que l’État trouve son unique source
d’imposition » 863.
859 Il s’agit entre autre des Conférences CILSS (Praia 1994/ Bamako 2003), de l’Etude Banque mondiale (2004),de l’adoption des Guidelines UE (EU Guidelines, 2004), la crise alimentaire, la crise de l’énergie (Utilisation desterres pour les biocarburants), la ruée sur les terres africaines, etc.860 Présentation de la commission de l’UEMOA au séminaire des parlementaires de l’Afrique de l’Ouest sur lesinitiatives africaines sur le foncier, 2012. Thème : importance et rôle du foncier dans les processus d’intégrationrégionale et le développement rural en Afrique de l’Ouest : initiatives de l’UEMOA et implications pour la bonnegouvernance foncière.861 La construction de l’UEMOA repose sur quelques principes directeurs, qui sont liés à ses objectifs sociaux,économiques et politiques et que la Politique agricole de l’Union respectera, en s’attachant à leur donner lecontenu le plus concret possible, dans son domaine d’intervention. Outre le principe de régionalité, Il s’agit desprincipes de proportionnalité et de subsidiarité, qui revêtent une importance particulière dans la constitutiond’une union régionale. L’on peut ajouter à ceux-ci le principe de complémentarité et de solidarité.Chrétien (M.)– À la recherche du droit international �scal commun, Paris : Sirey, 1955, p. 64 ; Chrétien (M.) – « Contributionà l’étude du droit international �scal actuel : Le rôle des organisations internationales dans le règlement desquestions d’impôts entre les divers États », in : RCADI vol. 86.2 (1954), p. 15.862 Le cas du Bénin, loi 2013-01 portant code foncier et domanial en république du Bénin ; Titre VI : Des dispo-sitions relatives aux terres rurales et coutumières.863 Il en est ainsi des organisations supranationales dotées de compétences en matière �scale comme l’Ue oul’UEMOA spéci�quement, où l’organe communautaire est souverain déjà en matière de �scalité douanière, decommerce extérieur, de politique commerciale, de politique monétaire, de la politique de concurrence. Conferpour des détails, Lemaire (F.) – « Propos sur la notion de “souveraineté partagée” ou sur l’apparence de remiseen cause du paradigme de la souveraineté », in : RFDC 4 (2012), p. 821–850.
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850 Les ressources naturelles font partie des secteurs qui sont confrontés à ce�e di�iculté. L’ana-
lyse des réformes foncières engagées dans les États membres de l’Union démontre qu’elles
s’articulent généralement autour des objectifs communs. Ces reformes visent la création des
conditions incitatives de la mise en valeur des terres et de l’investissement rural à travers un
accès plus facile à la terre ou de favoriser la gestion durable des ressources naturelles tout en
limitant l’émergence des situations conflictuelles à travers une plus grande sécurisation des
acteurs ruraux. Dans la plupart des pays, les législations nationales sont fortement orientées
vers la réalisation d’objectifs juridiques et techniques d’unification des règles foncières (droit
traditionnel et droit moderne) 864. Malgré les principes posé visant à unifier les règles en ma-
tière de gestion des ressources naturelles conduit à une recherche de gestion en partage des
ressources transfrontalières (A), une multitude initiatives prise pour l’harmonisation des lé-
gislations foncières rurales dans l’espace UEMOA n’arrive pas à produire ses e�ets concrets
(B).
A - Gestion des ressources naturelles partagées
851 On peut dater dumilieu de la décennie 1970 l’apparition de la notion de ressources naturelles
partagées, avec une première mention dans la Charte des droits et devoirs économiques des
États 865 mais surtout l’adoption par le Conseil d’Administration du PNUE des « Principes de
conduite dans le domaine de l’environnement pour l’orientation des États en matière de conser-
vation et d’utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées par deux ou plusieurs
États » 866.
La philosophie sous-tendant la notion de ressources naturelles partagées correspond bien aux
caractéristiques et aux exigences de la conservation des zones naturelles transfrontalières. Sa
principale préoccupation reste en conséquence, si l’approche novatrice des ressources natu-
relles partagées aspire dans l’idéal à une gestion internationale des ressources naturelles
qualifiées comme telles, elle ne perd jamais de vue leur soumission à une pluralité de sou-
864 Rés. 3281/XXIX du 12 décembre 1974. En raison d’une mauvaise traduction de l’anglais shared naturalresources, c’est l’expression « ressources naturelles communes » qui est employée dans ce texte en lieu et place decelle, plus correcte, de « ressources naturelles partagées ».865 Décision du 19 mai 1978 (Doc. UNEP GC1/L.6/Add.5 du 22 mai 1978). La rédaction des Principes représentela mise en oeuvre d’une résolution de Assemblée Générale des Nations Unies (Rés. 3129/XXVIII du 13 décembre1973). Sans les adopter formellement (elle en prend seulement note), l’Assemblée Générale a par la suite de-mandé aux États d’utiliser les Principes du PNUE comme des recommandations dans le cadre de leurs relationsbilatérales et multilatérales en matière de ressources naturelles partagées (Rés. 34/186 du 18 décembre 1979).Pour un commentaire exhaustif des Principes et de leur contexte d’adoption, voir, Adede (A. O.) – « Utilizationof shared natural resources : Towards a Code of Conduct », in : EPL 5 (2006), p. 66–76.866 Décision du 19 mai 1978 (Doc. UNEP GC1/L.6/Add.5 du 22 mai 1978). La rédaction des Principes représentela mise en oeuvre d’une résolution de Assemblée Générale des Nations Unies (Rés. 3129/XXVIII du 13 décembre1973). Sans les adopter formellement (elle en prend seulement « note »), l’Assemblée Générale a par la suitedemandé aux États d’utiliser les Principes du PNUE comme des recommandations dans le cadre de leurs relationsbilatérales et multilatérales en matière de ressources naturelles partagées (Rés. 34/186 du 18 décembre 1979).Pour un commentaire exhaustif des Principes et de leur contexte d’adoption, voir, ibid.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
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verainetés territoriales. D’où découlent des « lignes de conduite moyennes, destinées à rendre
compatibles les usages parallèles d’un même ensemble écologique » 867.
852Avec l’évolution du droit international et surtout l’apparition des processus d’intégration
dans di�érentes parties du monde, le concept de souveraineté n’a cessé de subir des muta-
tions profondes, donnant ainsi lieu à une querelle doctrinale entre souverainistes, intégration
et fédéraliste. Les transferts de compétences issus des engagements des États membres ont
conduit certains à penser que la notion de souveraineté ne pouvait plus être définie rigoureu-
sement. Aussi Arnaud Haquet s’est-il demandé si les critères d’inaliénabilité, d’imprescripti-
bilité et d’invisibilité qui caractérisent la souveraineté étaient toujours opérants 868.
853Il est aujourd’hui incontestable d’a�irmer qu’il n’a pas une marche vers l’émergence d’un
droit communautaire en matière de gestion des ressources naturelles y compris le foncier
rural l’UEMOA. En posant comme défis majeur à relever par la politique agricole commune
l’accroissement de la production agricole de façon durable par l’intensification et la gestion
concertée des ressources naturelles qui constituent désormais des biens publics régionaux
menacés par une compétition croissante, l’union se pose en gardien et gestionnaire des res-
sources rares, précieuses et fondamentales à la vie dans son espace. La notion même du bien
public régional 869 introduite par l’UEMOA dans un document de politique agricole est assez
867 Dupuy (P.-M.) – « La frontière et l’environnement », in : SFDI, La frontière : Actes du colloque de Poitiers du17 au 19 mai 1979, Paris : Pedone, 1980, p. 283.868 Haqet (A.) – « La (re)dé�nition du principe de souveraineté », in : Pouvoirs 94 (2000), p. 141.869 Cette notion est empruntée du vocable « bien public mondial ». Initialement, la notion de bien public mon-dial s’est fortement appuyée sur la dé�nition économique du bien public : c’est un bien ou service dont lescaractéristiques inhérentes en termes de non-exclusion et de non-rivalité rendent di�cile l’établissement dedroits de propriété ou d’usage, excluant ainsi la possibilité de rentabiliser sur un marché les e�orts de produc-tion ou de conservation. Quand ils sont produits gratuitement par la nature, ils sont d’ailleurs souvent menacéspar la surexploitation : même si l’intérêt collectif est de les préserver, la meilleure stratégie individuelle est de seservir avant que le voisin ne le fasse aussi. Il est donc nécessaire pour produire et protéger ces biens de se doterde règles et de moyens collectifs, coordonnés par une communauté locale ou par la puissance publique nationale.Les biens publics mondiaux tels que la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité,ou le contrôle des pandémies, sont une extension au niveau international des biens publics nationaux ou locaux.La gestion des biens publics mondiaux pose un problème spéci�que lié à l’absence de gouvernement mondial.Elle exige donc de renouveler les formes de coopération interétatiques. Mais, en même temps, la nécessité decette gestion, de plus en plus communément admise, stimule les progrès de la gouvernance mondiale et l’arti-culation avec les actions de la société civile. La notion de non-exclusion est souvent dé�nie comme le fait qu’ilest impossible ou techniquement très coûteux d’interdire l’accès de ce bien ou service à ceux qui souhaitent enpro�ter : c’est le cas des routes ou de l’éclairage public. Il est donc di�cile de leur en faire payer le prix. Maisdans de nombreux cas, la non-exclusion peut aussi signi�er que le citoyen n’a pas le choix : les béné�ces du bienpublic s’imposent à lui, qu’il soit demandeur ou non. Ainsi l’éradication d’une maladie infectieuse ou l’amélio-ration de la qualité atmosphérique béné�cie à tous. La propriété d’exclusion ou de non-exclusion peut évolueravec le progrès technique : désormais, on sait coder les images hertziennes pour pouvoir réserver la vision decertaines chaînes de télévision aux abonnés. La notion de non-rivalité est associée au fait que la consommationdu bien par un agent n’empêche pas la consommation de ce même bien par d’autres agents. On dit que le bien est"indivisible" ou qu’il n’est pas détruit par la consommation. Ainsi, une émission de radio peut être écoutée parune in�nité d’auditeurs. Dans certains cas, des e�ets dits de "congestion d’usage" peuvent altérer la propriétéde non-rivalité : c’est le cas d’une route surchargée ou d’une plage bondée. Un bien public pur se caractérisedonc par la non-exclusion et la non-rivalité. Lorsqu’une de ces deux propriétés n’est pas entièrement présente,on parle d’un bien public impur. Pour approfondir cette notion du bien public mondial, lire : Gabas (J.-J.) etHugon (P.) – « Les biens publics mondiaux et la coopération internationale », in : RFDC 12 (2001), p. 19–31.
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évocatrice. Elle est essentiellement fondée sur une gestion commune et en coopération des
ressources fondamentales.
854 Compte tenu du fait que la plupart des pays de l’Union se situent en zone sahélienne. La
lu�e contre la désertification et la sécheresse prend des conséquences particulières et exige
des actions intégrées. Il s’agit de freiner dans tous les États les phénomènes que sont : la
dégradation des terres, l’érosion des sols, et des feux de brousse. Avant l’union, il faut signa-
ler que certaines conventions internationales tracent déjà le cadre d’une intervention dans
une vision globale. Il s’agit en l’occurrence de la convention internationale de lu�e contre
la diversification fixe le cadre d’intervention de l’Union et celui des États. « La promotion
de la coopération et l’intégration régionale dans un esprit de solidarité et de partenariat fondé
sur l’intérêt commun dans le programme et les activités, visent à lu�er contre la désertification
et/ou à a�énuer les e�ets de la sécheresse » 870. Les domaines circonscrits par la convention
concernent : les terres agricoles, la couverture végétale, la faune, les forêts, les ressources en
eau, la diversité biologique. Pour la mise en œuvre de la CLD dans l’Union, un Programme
d’action sous régionale (PASR) en conformité avec la convention a été adopté. Les domaines
d’action prioritaire retenus sont nombreux 871.
855 Également, en ce qui concerne la préservation de la diversité biologique, la convention des
Nations-Unies sur la biodiversité signée à Rio en 1992, définit la biodiversité comme « la
variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les biosystèmes ter-
restres, marins, et autres écosystèmes aquatiques et les complexes économiques dont ils font
partie ». La plupart des États de l’Union ont ratifié ce�e convention, ce qui leur a permis de
me�re en œuvre les politiques communes en matière de biodiversité. Ce qui permet aujour-
d’hui aux États de l’union de mener des actions pour la lu�e contre l’érosion côtière 872, la
870 Convention internationale de lutte contre la diversi�cation de Morise, (Paris, 14 oct. 1994). L’article 10 dela convention oblige les États à mettre en place des programmes nationaux de gestion intégrée et durable desressources naturelles.871 Ibid., p. 11.872 Pour la lutte contre l’érosion côtière, tous les pays de l’Union ne sont pas concernés. Ne sont concernés quele Sénégal, la Guinée-Bissau, le Togo et la Côte d’Ivoire. Bien avant l’UEMOA, le cadre de lutte contre l’érosioncôtière était déjà prévu en partie par la convention d’Abidjan de mars 1981, relative à la coopération et à la miseen valeur du milieu marin et des zones côtières.
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gestion des écosystèmes transfrontaliers 873 et la gestion des ressources hydrauliques 874.
856En témoigne, la théorie de la gestion des ressources partagées de l’UEMOA. Elle est dévelop-
pée en liaison étroite avec les politiques sectorielles de l’Union concernées : lu�e contre les
entraves aux échanges, droit de la concurrence, politique de l’environnement par exemple.
L’illustration de l’application de ce principe est dans le secteur de la transhumance trans-
frontalière 875. La volonté et l’engagement des États et de leurs Communauté économique
régionale à promouvoir une transhumance transfrontalière (TT) plus concertée avec moins
risque de conflits, se sont traduits par l’adoption d’instruments consignés dans divers docu-
ments de politique, d’instruments communautaires, de conventions bilatérales et de textes
législatifs et réglementaires sur la TT 876.
857C’est en 1998 que la transhumance sera juridiquement définie notamment à l’article 2 de
873 Il faut entendre par écosystème transfrontalier, ceux qui se répartissent sur plusieurs territoires nationaux, àl’intérieur desquels des législations ont été adoptées etmises en vigueur par les Étatsmembres dans les domainesde l’environnement. L’objectif de l’Union est de procéder à l’harmonisation des politiques et législations d’unemanière plus précise et l’action récurant les écosystèmes devra s’orienter à travers deux axes : la connaissanceapprofondie des écosystèmes ; la promotion de la coopération régionale. Ainsi, dans le territoire communautaire,il est urgent de coordonner les actions pour une promotion des parcs et réserves de faunes, mais également lespâturages et la transhumance.874 Il n’est pas exagéré de dire que l’eau, en quantité su�sante et en qualité, est une des clefs du développement.Cette situation se véri�e encore plus dans l’ensemble du territoire de l’Union, en raison de la prédominance dela sécheresse. L’appartenance de la majorité des États de l’Union au (Cils) autorise à donner de l’importanceau problème de gestion des ressources en eau. L’action de l’Union est ici complémentaire à celle des États. Ellese justi�e par l’importance, le caractère crucial des problèmes de l’eau. Qui sont relatives à : l’insu�sance etl’imprécision des données sur les potentialités hydrauliques ; la di�culté de mise en valeur des ressources : eau,capacité de �nancement pour les États ; la surexploitation, pollution des nappes. Face à ces problèmes, l’actioncommunautaire doit porter sur : le renforcement de la capacité de maîtrise de l’eau ; la préparation et la miseen en oeuvre d’un système intégré de documentation et d’information, relatif aux principaux plans de l’Union ;dé�nition d’une politique communautaire de gestion des ressources en eau.875 Le terme transhumance dérive du latin « trans » qui signi�e « au-delà », et de humus qui veut dire « terre ».Donc d’un point de vue général, la transhumance signi�e étymologiquement « aller au-delà de la terre ». Maisil a fallu attendre les écrits d’un certain d’auteurs pour comprendre réellement ce qu’est la transhumance. L’onpeut prendre en compte la dé�nition de Jean Lhoste pour qui, la transhumance est : « un système de productionanimale caractérisé par des mouvements saisonniers de caractère cyclique et d’amplitude variable qui s’e�ectuententre les zones écologiques complémentaires, sous la garde de quelques personnes, la plus grande partie du grouperestant sédentaire ».876 Au niveau continental, les États africains ont adopté en 2011, la Décision CL/DEC.618 (XVIII) relative à laPolitique cadre de l’UA sur le pastoralisme. Cette politique �xe des principes majeurs dont la reconnaissancedes droits des pasteurs, le soutien au pastoralisme comme mode de vie et système de production, la mise enplace de processus politiques, la reconnaissance de l’importance de la mobilité du bétail, la régionalisation desapproches, la promotion de la prévention des risques au détriment des réponses d’urgence. À ce document depolitique, s’ajoute la Déclaration de Nouakchott sur le pastoralisme (Mobilisons ensemble un e�ort ambitieuxpour un pastoralisme sans frontières), adoptée le 29 octobre 2013 par les Chefs d’États et de gouvernements desix pays sahélo-sahariens (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad). Elle invite les États sahéliensconcernés à : i) progresser vers un cadre d’action programmatique à moyen terme, englobant des appuis institu-tionnels, des réformes politiques et des investissements ; ii) bâtir une alliance solide autour du pastoralisme, enfédérant les compétences et les ressources de chaque acteur national ou partenaire technique et �nancier ; iii)valoriser les cadres de concertation existants et constituer une plate-formemultiacteurs permettant d’agir dura-blement pour le pastoralisme et ; v) accélérer la formulation, le �nancement et la mise en oeuvre de programmesnationaux, multi-pays et transfrontaliers.
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la décision A/DEC. 5/10/98 de la CEDEAO 877, relative à la réglementation de la transhu-
mance entre les États membres de la dite communauté. Cet article dispose que la transhu-
mance transfrontalière ou transhumance inter-États désigne « les déplacements saisonniers
entre États, du bétail ayant qui�é les limites de ses parcours habituels, en vue de l’exploitation
des points d’eau et de pâturage ». Il découle aisément de ce�e définition juridique que, la
transhumance transfrontalière est une thématique qui intéresse particulièrement les États
ouest-africains 878. La volonté de résoudre ces problèmes dans une approche de concerta-
tion n’émane que de l’application d’un principe de coopération. Ce�e application s’étend à
d’autres domaines.
858 Hormis la transhumance transfrontalière, les pays et les regroupements de pays ont grand in-
térêt à sécuriser les autres ressources. La gestion des ressources naturelles partagées couvre,
la gestion des ressources halieutiques et la gestion des ressources en eau partagées. Pour
la transhumance, un dispositif existe au niveau CEDEAO, mais il pose des problèmes de
mise en application et de contrôle. La gestion des ressources halieutiques doit promouvoir
la durabilité des ressources et leur valorisation optimale. Compte tenu de la discontinuité
géographique entre les pays côtiers de l’Union, il faut agir en étroite concertation avec les or-
ganisations régionales compétentes, en distinguant pays côtiers voisins et autres pays tiers.
En particulier, il s’agit de coordonner les politiques de négociation de droit de pêche et de
gestion des ressources, de promouvoir la transformation et d’appuyer la structuration pro-
fessionnelle. La politique de gestion des ressources en eau partagée concerne les fleuves tra-
versant plusieurs États-membres et les nappes phréatiques transfrontalières 879. En posant le
principe d’une gestion partagée des ressources naturelles, l’instance intégratrice a pris éga-
lement les initiatives tendant à harmoniser les législations foncières rurales dans son ressort
territorial.
877 CEDEAO : Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest. Il réunit 16 États y compris tousceux de l’UEMOA.878 Pour mieux appréhender la transhumance transfrontalière en Afrique de l’ouest surtout en ses aspects juri-diques, lire : Hubert M. Ouedraogo, Rapport de synthèse des dispositifs législatifs et réglementaires en matièrede pastoralisme : Bénin ; Burkina Faso ; Mali ; Niger ; Sénégal et Tchad. Ouagadougou, Ministère de l’agricultureet des ressources animales, 1997. FAO, La transhumance transfrontalière en Afrique de l’Ouest : proposition deplan d’action, juin, 2012.879 Sous-axe 2.2 des grands axes d’intervention de la PAU, extrait de « La politique agricole de l’UEMOA - Aspectsinstitutionnels et politiques », 2003 ; p.31.
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B - Des initiatives pour l’harmonisation des législations foncières
nationales toujours sans succès probant
859Pour a�eindre ses objectifs fixés pour le secteur agricole, l’harmonisation des législations na-
tionales constitue un passage obligé. Les résultats actuels de l’union pour concrétiser ce�e
ambition restent maigres et ine�icaces. S’il se dégage en terme de tendance, la reconnais-
sance des droits fonciers coutumiers dans la plupart des législations foncière rurales des
États, le chemin vers un véritable droit foncier communautaire reste long. Le chantier fon-
cier est traité avec la plus grande prudence compte tenu de l’importance du problème foncier
pour l’avenir de l’Union comme pour celui de son agriculture. Le résultat de ce�e prudence
est que l’UEMOA n’arrive pas à conclure une orientation claire en matière foncière rurale. En
e�et, l’UEMOA a toujours préféré l’harmonisation-unification des législations par le biais de
règlements et directives communautaires 880. Le fait marquant est à ce jour, aucun règlement
ni directive n’existe spécifiquement sur la matière foncière rurale malgré son importance
pour le secteur agricole. Ceux qui existent sont relatifs aux filières agricoles et aux produits
vétérinaires. Dans le domaine foncier, la Commission a réalisé en 2005, sur financement de
la Banque mondiale, une « étude sur la question foncière rurale face aux défis de l’intégration
régionale dans l’espace UEMOA » 881.
860La structure intégratrice soit seule ou en lien avec d’autres organisations poursuivant les
mêmes buts s’est lancée à la recherche des voies pour un droit foncier communautaire. Les
initiatives pour faciliter l’harmonisation des législations foncières nationales sont prises à
divers niveaux. On retrouve alors la CEDEAO, l’UEMOA, l’UA, la CEA, la BAD, le CILSS, etc.
880 Il existe Plusieurs règlements ou directives communautaires pour encadrer plusieurs secteurs. Le dispositifnormatif est en l’occurrence marqué par l’adoption d’une série d’actes dérivés, à savoir essentiellement la di-rective relative au code minier de 2003, le projet de code des investissements en cours d’adoption, le règlementno 08/2008/CM/UEMOA du 26 septembre 2008 et des règles d’assistance en matière �scale, ainsi que la direc-tive no 02/2011/CM/UEMOA portant harmonisation de la �scalité applicable aux entreprises d’investissementà capital �xe au sein de l’UEMOA. La particularité de la communautarisation du droit des investissements dansl’UEMOA procède pour l’essentiel d’une substitution de législation qui a l’avantage de réduire les di�cultésinhérentes à la con�ictualité des droits qui sont récurrentes dans les rapports d’ordres juridiques.881 Cette étude portant sur le rôle joué par des systèmes fonciers bien établis et des marchés fonciers fonc-tionnels dans l’accélération du développement d’un marché commun e�cace et concurrentiel en Afrique del’Ouest. Le rapport considère que, vu la diversité des contextes, la complexité des questions posées et le caractèreéminemment politique de la question foncière, les États demeurent les mieux placés pour travailler au niveaunational les options de politique foncière. Elle vient d’être actualisée et ses recommandations mises en oeuvreen particulier, la mise en place d’un groupe de travail sur le foncier. Celui-ci a tenu en décembre sa seconderéunion consacrée à la validation des termes de référence de l’étude portant création d’un observatoire régionalsur le foncier rural dans l’espace UEMOA. Cependant, l’Union, en tant qu’institution supranationale d’intégra-tion économique, dispose d’atouts spéci�ques pour encourager l’élaboration de politiques foncières nationalesfavorables à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. À cet e�et, le rapport propose une es-quisse de plan d’action pour l’UEMOA qui s’articule autour de quatre axes prioritaires : l’accompagnement d’unprocessus de ré�exion et de dialogue fonciers, la mise en place d’un observatoire du foncier, le renforcementdes capacités dans le domaine du foncier et l’assistance aux États en matière de promotion de marchés fonciersruraux fonctionnels et sécurisés, et de développement d’investissements agricoles qui pro�tent aux économiesnationales tout en protégeant les droits fonciers des populations locales.
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sur des projets d’harmonisation des législations foncières nationales. En général, la prise
d’une initiative dans ce sens par une de ces institutions intergouvernementales, implique
une ou plusieurs autres.
861 En 2006, la Commission de l’Union africaine (CUA), la Commission économique pour l’Afrique
(CEA) et la Banque africaine de développement (BAD) ont enclenché un processus d’élabo-
ration d’un cadre général et des lignes directrices sur les politiques foncières et les réformes
foncières en Afrique, avec pour objectif de sécuriser les droits fonciers, d’améliorer la pro-
ductivité et les conditions de vie de la majorité de la population du continent 882.
862 Ce�e initiative a été conduite à travers de vastes consultations impliquant la participation
desCommunautés économiques régionales du continent (CEDEAOpour l’Afrique de l’Ouest),
des organisations de la société civile, des praticiens et des chercheurs dans le domaine de
l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques foncières, des institutions gouvernemen-
tales et des partenaires au développement de l’Afrique. Le résultat final de l’initiative a été
ensuite soumis aux processus formels de prise de décision de l’UA pour approbation et adop-
tion par la 13e Conférence des chefs d’État et de gouvernement en juillet 2009.
863 Le document portant Cadre général et lignes directrices (CLD) est articulé en sept chapitres
interdépendants 883. Ce�e initiative s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan ré-
gional d’investissements de la CEDEAO. À travers ce projet, la CEDEAO a décidé de lancer
une dynamique pour la promotion de politiques foncières promouvant une gestion respon-
sable et durable des ressources autour de valeurs et principes fondamentaux, notamment la
croissance économique, l’équité, la bonne gouvernance et la gestion durable de l’environne-
ment. Ce cadre régional se fonde sur le cadre et les lignes directrices sur le foncier de l’Union
Africaine et sur les dynamiques en cours dans la région, notamment au niveau de l’UEMOA
et du CILSS. Il a pour objectif d’aider les pays de l’espace CEDEAO à se doter d’un cadre
consensuel capable de faciliter l’élaboration des politiques foncières garantissant un droit
d’accès à la terre pour les communautés, facteur indispensable pour préserver la paix sociale
et favoriser un développement économique durable. Il s’agit aussi de favoriser l’intégration
régionale dans l’espace CEDEAO et de faire face aux questions foncières émergentes dans la
882 Pour approfondir les points relatifs à cette initiative de l’Union africaine, consulter la note de synthèse surl’adresse électronique ci-après : http ://www.ipar.sn/Note-de-synthese-no7-cadre-d-elaboration-des-politiques-foncieres-en-Afrique-de.html.883 Le chapitre premier justi�e le Cadre et lignes directrices et le processus suivi pour son élaboration. Ledeuxième chapitre décrit le contexte qui a déterminé la nature et les caractéristiques de la question foncièreen Afrique, a�n d’expliquer pourquoi le secteur foncier n’a pas joué le rôle principal qui est le sien dans leprocessus de développement. Ce rôle est examiné dans le troisième chapitre qui met l’accent sur la nécessité dereconnaître la légitimité des systèmes fonciers autochtones et de renforcer les droits fonciers des femmes. Lequatrième chapitre dé�nit les principaux processus opérationnels que devraient suivre les pays africains, a�nd’élaborer des politiques globales permettant au secteur foncier de jouer pleinement ce rôle.
332 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
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région 884.
864En 2010, la CEDEAO, en collaboration avec le Secrétariat de l’IPF, a préparé un cadre régional
unique pour harmoniser les politiques foncières en Afrique de l’ouest. Le cadre me�ra en
œuvre la Déclaration de l’UA de 2009 sur les problèmes et enjeux fonciers, en tenant compte
des autres initiatives en cours dans la région, notamment l’observatoire du foncier rural de
l’UEMOA, les Directives volontaires de la FAO et les Principes de l’IPF sur les investissements
fonciers à grande échelle (Ifge). Il soutient également la charte foncière duComité permanent
inter-États de lu�e contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), un cadre politique proposé
pour établir des principes communs sur la gouvernance foncière au Sahel et en Afrique de
l’ouest, qui devrait être adopté en 2015.
865L’objectif principal de ce�e tentative d’harmonisation des politiques foncières est d’obtenir
l’adoption d’une Directive régionale sur les terres rurales. Ce�e directive sera un instrument
juridiquement contraignant pour les États membres de la CEDEAO, qui perme�ra une cer-
taine souplesse dans la mise en œuvre. La directive s’appliquera au développement de la
politique foncière, à la gestion des conflits fonciers, aux questions transfrontalières et à la fa-
çon de favoriser les investissements fonciers, y compris les transactions foncières de grande
ampleur. Selon un rapport de la CEDEAO à la Conférence 2014 de la Banque mondiale sur le
foncier et la pauvreté, une version préliminaire de la Directive a déjà été di�usée aux États
membres pour appréciation et amélioration.
866Les plus importantes des initiatives entreprises au sein de l’UEMOA ont permis d’avoir une
politique globale d’aménagement du territoire communautaire 885 et une amorce de politique
foncière commune. À la lecture de toutes ces initiatives entreprises par l’UEMOA, la CE-
DEAO, le CILSS, etc., on peut a�irmer qu’il existe une grande volonté coopérative pour une
harmonisation des législations foncières nationales. Ce�e volonté semble très poussée dans
la zone CEDEAO et son e�et entraîne l’UEMOA qui est bien positionnée aussi en termes de
prise d’initiatives en matière foncière. Mais force est de constater, qu’en dépit des initiatives
lancées demeurent des vœux qui tardent à se concrétiser.
884 Plusieurs occurrences sont ici à relever. Il s’agit (i) les con�its régionaux liés à la dégradation des terres ; (ii)l’insécurité foncière et l’accès inéquitable ; (iii) l’accaparement des terres ; (iv) le changement climatique ; (v) ladéforestation ; et (vi) la transhumance transfrontalière.885 L’objectif de la Politique d’aménagement du territoire communautaire (Patc) est d’introduire et de renfor-cer entre les di�érentes politiques nationales et communautaires, la convergence, la cohérence et l’harmonienécessaire pour garantir à l’Union un développement durable, soutenu et équilibré. Parmi les objectifs spéci-�ques, il s’agit de - la mise en cohérence des politiques sectorielles communes ; - l’utilisation, l’exploitation et lavalorisation optimales de l’espace, des ressources naturelles, des grands équipements, ainsi que des dynamiquesrégionales sur la base des complémentarités.
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Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
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Paragraphe 2 Les caprices d’une approche souverainiste du fon-
cier rural
867 Convaincu que le foncier constitue un élément essentiel de l’environnement juridique et ins-
titutionnel nécessaire à la réalisation des objectifs d’intégration économique de l’union et
de ceux de la politique environnementale et agricole commune, les pays membre de l’Union
ont inscrit le foncier au cœur des enjeux de la construction régionale depuis un moment et
encouragent aujourd’hui la révision du cadre de gestion foncière dans une perspective ré-
gionale. Dans la prospection des voies pour une intégration réussie, l’UEMOA s’est o�erte
des opportunités pour relever le défi de l’harmonisation des législations foncières (A). Cepen-
dant ces opportunités se trouvent endiguer par un cadre institutionnel en perspective qui ne
promet pas l’harmonisation souhaitée (B).
A - La création d’un observatoire régional du foncier ou le refus
d’un droit foncier communautaire
868 En e�et, c’est à travers les a�ributions de l’observatoire que l’on pourrait rechercher les pré-
misses d’un droit foncier harmonisé. Or, il se fait que ni les missions, ni les a�ributions ne
débouche sur une e�ective harmonisation des législations foncières. Toute chose qui éloigne
le rêve d’un droit foncier communautaire 886. Partant même de la définition du mot observa-
toire, l’on pourrait s’interroger sur les finalités qui ne tendraient point vers une harmonisa-
tion 887.
869 Il aurait fallu revoir la stratégie institutionnelle si l’on veut réellement me�re en place un
cadre favorable à un droit intégrateur à l’image de l’organisation pour l’harmonisation du
droit des a�aires en Afrique (OHADA). Tout en laissant une certainemarge demanœuvre aux
États, qui pourraient conserver leurs textes nationaux en veillant tout simplement à ce qu’ils
ne soient pas contraires au droit communautaire, l’harmonisation à des exigences 888. Dans
ce sens, « l’harmonisation suppose une purge, une épure des contradictions ou des dissonances
886 Le droit communautaire est le « droit de l’Union européenne ; ensemble des règles matérielles uniformes appli-cables dans les États membres de l’Union dont la source primaire est constituée par les traités d’institution et la partiedérivée par les règles établies par les institutions communautaires en application des traités ». C’est la dé�nitionqui nous vient de Gérard Cornu, Cornu (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 172. Cf. également Guinchard(S.) et Débard (T.) – Lexique des termes juridiques, 13e éd., Paris : Dalloz, 2001, 1100 p.887 L’observatoire peut être dé�ni comme « 1. Un établissement spécialement a�ecté aux observations astrono-miques ; 2. Lieu d’où l’on peut observer, aménagé pour l’observation. 3. organisme chargé de rassembler et de di�userdes informations relatives aux faits politiques, économiques, sociaux ». Et observer, c’est « 1. Examiner attentive-ment, considérer avec attention pour étudier ; 2. Regarder attentivement pour surveiller, contrôler ; 3. Prêter attentionà ; remarquer, constater, noter ». Cf. Larousse 2005, p. 745.888 Ndiaye (M.), Logique de performance et cadre harmonisée des Finances publiques de l’UEMOA : Etude dunouveau droit budgétaire et de la comptabilité publique au Sénégal, Thèse de Doctorat d’État, 24 octobre 2015,Université Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 35.
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monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique foncière commune encore embryonnaire • Section 2
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entre les réglementations nationales » 889. Le droit de l’Organisation pour l’harmonisation en
Afrique du droit des a�aires (OHADA) va dans lemême sens, car l’harmonisation y est définie
comme la « coordination de systèmes juridiques di�érents dans le but de réduire ces di�érences
pour a�eindre des objectifs communs » 890. C’est ce qui est normalement a�endu de l’UEMOA
à travers l’idée de création d’une entité sous régionale pour le foncier. Mais à l’arrivée, ce qui
se profile à l’horizon n’est pas concordant.
870En e�et, l’idée de lamise en place d’un observatoire du foncier fait suite à l’étude qui s’est par-
ticulièrement intéressée aux principales tendances de transformation sociale et économique
dans la région et leur impact sur les questions foncières. La création de l’observatoire est fon-
dée sur la l’importance de favoriser l’information, l’alerte en matière foncière et l’aide à la
décision dans le domaine de l’harmonisation des politiques et l’appui-conseil en matière de
politique foncière. L’observatoire cherche aussi à contribuer à l’identification de thématiques
à approfondir au sein de groupes de travail en vue de la construction de positionnements
communs sur les questions foncières stratégiques telles que celles relatives à la nouvelle
ruée les terres ou celles relatives aux changements climatiques. Un autre volet de l’interven-
tion de l’observatoire porte sur l’élaboration et l’expérimentation d’indicateurs communs
de suivi-évaluation des politiques et législations foncières 891. À la lecture des conclusions
recommandant l’Observatoire 892, di�érentes missions ont été assignées à l’Observatoire de
l’UEMOA.
889 Ndiaye (M.) – Logique de performance et cadre harmonisée des Finances publiques de l’UEMOA : Étude dunouveau droit budgétaire et de la comptabilité publique au Sénégal, thèse de doctorat d’État, Université CheikhAnta Diop de Dakar, 2015, p. 35.890 Issa-Sayegh (J.) et Lohoues-Oble (J.) – Ohada, Harmonisation du droit des a�aires, Paris : Bruylant, 2002,p. 44.891 Il s’agira pour l’UEMOA de constituer une documentation foncière pertinente tenue à jour, et assurer lacirculation de l’information au niveau des États membres de l’UEMOA. Pour y parvenir, il faudra Assurer laréalisation et la circulation d’études sur les problèmes fonciers communs ou ressentis par les États membres del’UEMOA et dégager des pistes pertinentes de réponse à soumettre à l’examen des États ; favoriser la documen-tation, la capitalisation et la di�usion des bonnes pratiques à partir des expériences pilotes de gestion foncièrenovatrices ; promouvoir le développement d’indicateurs du foncier et les activités de suivi-évaluation de la miseen oeuvre des politiques foncières et législations foncières sur l’espace de l’Union. En 2012 encore, l’initiativede l’observatoire est présentée comme projet ; ses objectifs sont déclinés comme suit : -Constituer une documen-tation foncière pertinente tenue à jour, et assurer la circulation de l’information au niveau des États membresde l’UEMOA; -assurer la réalisation et la circulation d’études sur les problèmes fonciers communs ou ressentispar les États membres de l’UEMOA et -dégager des pistes pertinentes de réponse à soumettre à l’examen desÉtats ; -favoriser la documentation, la capitalisation et la di�usion des bonnes pratiques à partir des expériencespilotes de gestion foncière novatrices ; -promouvoir le développement d’indicateurs du foncier et les activités desuivi – évaluation de la mise en oeuvre des politiques foncières et législations foncières sur l’espace de l’Union.-Une étude de faisabilité permettra de dé�nir les contours institutionnels de l’observatoire, préciser son champd’intervention et les modalités de son fonctionnement.892 Selon le statut de l’Observatoire doit faire l’objet d’une analyse spéci�que, s’appuyant sur des expériencessimilaires dans la sous-région. plusieurs options juridiques sont possibles, par exemple celle de projet, ou d’unprogramme sous la forme d’une ONG internationale du type Uicn, International Land Coalition ou autre. L’ob-servatoire peut prendre la forme d’une structure légère, autonome par rapport à l’UEMOA, mais en relationétroite avec elle sur la base d’un protocole de collaboration. Il était même envisagé que l’Observatoire soithébergée au siège de l’UEMOA ou dans une institution partenaire telle que le Hub rural.
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871 La mission de l’observatoire est bien précisée et son existence ne pourrait perme�re une
meilleure gestion foncière dans l’UEMOA à travers une législation foncière harmonisée dans
l’Union. La lecture des a�ributions ne permet pas d’aboutir à la convergence 893 tant chère
à l’union. Or l’un d’un des objectifs à a�eindre par l’union est de « renforcer la compétitivité
des activités économiques et financières des États membres dans le cadre d’un marché ouvert et
concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé » 894. L’harmonisation
des lois, synonyme d’intégration juridique constitue donc un pilier du processus de crois-
sance et de développement économique. Car, si des États décident, à un moment donné,
d’intégrer leurs économies partiellement ou totalement, l’objectif est d’abord de promouvoir
leur développement économique, avec des répercussions positives sur le relèvement du ni-
veau de vie des habitants de la région. La marche vers un droit régional harmonisé, en ce
qu’elle participe du phénomène de décloisonnement des marchés, sous-tend utilement la
marche vers la croissance économique.
872 Mais les contours de la notion « d’harmonisation » des lois ne sont pas aisés à cerner, tant et
si bien que le professeur Joseph Issa Sayegh, l’assimilant ou presque à un mécanisme d’inté-
gration juridique, fait observer qu’il s’agit « d’une œuvre mal définie et jamais achevée » 895. Si
l’harmonisation n’est pas un terme technique auquel s’a�acherait un contenu précis dans le
domaine du droit, il faudrait néanmoins distinguer la notion de ses principaux mécanismes.
873 L’harmonisation des lois peut être définie comme un phénomène d’intégration juridique qui
implique le transfert des compétences étatiques de deux ou plusieurs États à une organi-
sation internationale dotée de pouvoirs de décision et de compétences supranationales ou
supra étatiques, en vue de réaliser un ensemble juridique unique et cohérent dans lequel
les législations s’insèrent pour a�eindre les objectifs économiques et sociaux que les États
membres se sont assignés 896.
874 Fort de cet objectif, l’UEMOA émet des directives et règlements qui s’imposent aux États
membres en vertu du principe de la primauté du droit communautaire. La situation actuelle
des législations foncières nationales des États membres de l’union ne se prête pas à l’appli-
893 La réalisation des objectifs dé�nis à l’article 4-b, à savoir « la convergence des performances et des politiqueséconomiques ».894 L’article. 4 du Traité de l’UEMOA.895 Joseph Issa Sayegh cité par Etoundi (F. O.) – « Les expériences d’harmonisation des lois en Afrique », in :Revue de l’Ersuma 1 (juin 2012).896 Cornu (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 455.
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cation de ce principe en raison même de l’absence d’un code communautaire 897. Le droit de
l’UEMOA a la primauté sur le droit national des pays membres qui doivent s’y soume�re.
La nature normative du principe de primauté dans le droit de l’UEMOA contrairement au
droit de l’Union européenne, où le principe est d’origine prétorienne à travers l’arrêt Costa
c/ENEL du 15 juillet 1964 898, ressort du traité de Dakar. Son article 6 dispose que : « Les actes
arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformé-
ment aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque État membre
nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. 899 » Enfin, une juris-
prudence « harmonisée » devra être réalisée, notamment en créant l’institution qui jouerait
au plan communautaire un rôle équivalent à celui de l’ERSUMA. Une di�iculté tient à la
réticence des États membres à un transfert e�ectif de leurs prérogatives aux instances com-
munautaires. Ce qui se manifeste sur le plan institutionnel. Toute chose qui est révélatrice
des caprices d’une approche souverainiste.
B - Les illustrations
875Le renoncement à un cadre institutionnel porteur des vertus de l’harmonisation des légis-
lations foncières rurales dans l’espace UEMOA s’est accompagné du choix de promouvoir
un outil dont la portée juridique reste non contraignante. Si les choix sont encore en évolu-
tion donc non définitives, l’on pourrait par contre voir des inexplicables, à la l’analyse des
recommandations des travaux ayant présidé aux choix des outils en raison de la portée d’une
charte foncière régionale au regard des expériences déjà vécues.
897 Il convient de signaler que, si l’harmonisation des législations foncières tarde à être une réalité dans l’UE-MOA, cette dernière a réussi dans d’autres domaines aussi éminents. Il s’agit principalement de trois exemplesd’harmonisation achevée : Le premier exemple fait référence au fait que l’UEMOA a instauré un régime douaniercommun à tous les États de l’UEMOA. De ce fait, depuis le 1er janvier 2000, l’UEMOA est devenue un territoiredouanier unique avec pour principe d’une part, l’exonération du paiement de droits de douane pour les pro-duits industriels, les produits du cru et l’artisanat traditionnel provenant des États membres, et d’autre part,l’établissement d’un tarif extérieur commun, consistant en des droits de douane permanents ou temporaires dé-terminés en fonction d’un quota de 0 à 20% sur les produits importés. Pour le deuxième quant à lui, l’UEMOAs’est dotée d’une législation bancaire commune, reprenant et complétant l’ancienne réglementation bancaire del’Umoa. Aux termes d’une Loi-cadre portant réglementation communautaire, quatre contraintes sont imposéesaux banques et établissements �nanciers exerçant leur activité dans la zone UEMOA : l’obtention d’un agrément,un capital social minimum, la constitution de fonds propres et de réserves, la forme juridique de ces structureset la nationalité de leurs dirigeants. Pour le troisième, UEMOA a adopté une nouvelle législation harmoniséeen droit de la concurrence, entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Cette réglementation qui tire ses origines destravaux de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et de la Conférence desnations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), vise à favoriser la libre circulation des marchan-dises, des capitaux et des services a�n d’éviter que les échanges commerciaux entre les États membres ne soientlimités par des pratiques anticoncurrentielles.898 La Cour était appelée à se prononcer sur la nature juridique des Communautés, ainsi que sur la portée dudroit communautaire dans les juridictions nationales.899 En se référant à la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis no 001/2003 du 18 mars 2003 elle a�rme que :« La primauté béné�cie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicablesou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et,même, constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordresjuridiques nationaux. »
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1 Le choix du droit mou pour un besoin d’harmonisation des législations : les
inexplicables
876 Le droit un instrument de vie communautaire 900. Traditionnellement, le droit est défini par
sa fonction normative spécifique qui consiste à ordonner, à prescrire, à interdire 901. Pour son
e�icacité, Le droit communautaire est doté d’instruments assurant son élaboration, sa di�u-
sion, et son application dans les États membres. Son rôle dans la construction d’un espace
économique est de deux ordres selon Patrick de Fontbressin. Il sert d’instrument de com-
munication et d’instrument de régulation, aux fins d’instaurer un cadre de développement
au profit d’une communauté humaine 902. Ainsi, chercher à réguler avec le choix d’un droit
souple serait preuve d’ine�icacité. Dès lors, ainsi que l’écrivait le président Robert Lecourt,
premier président de la Cour de justice des Communautés européennes, « le marché commun
ne pouvait être perçu que comme un état de droit. Il devait reposer sur la prévalence d’une règle
commune contraignante directement applicable et juridictionnelle ment sanctionnée par le juge
chargé d’en préserver l’unité. Sans ces garanties, il n’était pas de marché commun » 903.
877 Dans ce contexte, le droit souple, spécialement le droit doux et le droit mou, est réduit au sta-
tut de simple fantaisie sans pouvoir revendiquer le noble titre de droit. Certains y perçoivent
même un danger en ce qu’il serait la cause d’une dégradation de la norme juridique 904. Pour
les défenseurs d’un droit dur et noble, la règle de droit se caractérise par sa force obligatoire
et par sa force contraignante, les deux garanties par l’État 905.
878 Comme les documents so� Law ne se doivent pas de passer par le processus de ratification
tortueux nécessaire et propre aux traités, c’est une façon beaucoup plus souple d’obtenir un
certain degré d’accord entre les nations. Cela rend l’approche so� Law plus souhaitable que
les traités pour certains types d’enjeux et c’est la raison pour laquelle le so� Law est parfois
900 Le droit communautaire est dé�ni comme l’ensemble des règles juridiques qui, contenues dans les traitésou émises par les institutions, ont pour objet les communautés et l’exercice des compétences qui leur sontattribuées.901 C. Demolombe, Cours de Code napoléon, Traité de la publication, des e�ets et de l’application des lois engénéral, 4e éd., Paris, Auguste Durand et L. Hachette et Cie, 1869, no 2, p. 2. Comp. G. Rousset qui, pour sapart, ne concevait pas la loi autrement que comme une règle de conduite, De la rédaction et de la codi�cationrationnelles des lois ou méthodes et formules suivant lesquelles les lois doivent être rédigées et codi�ées, Paris,Cotillon, éditeur, Libraire du Conseil d’État, 1856, pp. 206 et ss.902 Patrick de (F.) – « Le rôle du droit dans la construction d’un espace économique : l’exemple européen »,in : Congrès de l’Institut international de droit d’expression et d’inspiration françaises, (Lomé, Togo, 2008).903 Lecourt (R.) – « Le rôle uni�cateur du juge dans la communauté », in : Études de droit des communautéseuropéennes : Mélanges o�erts à Pierre-Henri Teitgen, sous la dir. deManin (P.) et al., Paris : Pedone, 1984, p. 225.904 Carcassone (G.) – « Société de droit contre État de droit », in : Juriste et citoyen : Mélanges en l’honneurdu professeur Guy Braibant, Paris : Dalloz, 1996, p. 37 et suiv., spéc. p. 40 : « le droit liqué�é s’in�ltre partout ».Adde – « De la sécurité juridique », in : La Documentation française 43 (1991), p. 32, qui y voit « une dégradationde la norme qui résiderait “dans le développement [d’un] droit mou, un droit �ou, un droit à l’état gazeux” ».Adde – « Sécurité juridique et complexité du droit », in : La Documentation française 57 (2006). Ce droit moufaisait également peur à G. Ripert qui l’abordait sous l’angle du pluralisme : Ripert (G.) – Aspects juridiques ducapitalisme moderne, Paris : LGDJ, 1951, p. 240–241.905 Aubert (J.-L.), Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit, op. cit., p. 43.
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préféré à des traités contraignants, par les parties prenantes en négociations 906. Mais les
caprices d’une approche souverainiste du territoire éloigne les États à adhérer à une vue
communautaire fondatrice de l’intérêt général de ladite communauté.
879La recherche de l’intérêt général communautaire réclame une capacité pour chaque membre
de prendre en partie distance avec ses propres intérêts. Or, préoccupés avant tout de leurs
intérêts propres du fait du principe de la souveraineté, les États ont trop souvent bien du
mal à reconnaître et à accepter les finalités communes que recouvre précisément la notion
de l’approche communautaire. Ce conflit entre le principe de souveraineté et l’avènement
d’un droit communautaire doit aujourd’hui s’estomper pour une raison très simple. Selon
Yves Petit, il est aujourd’hui clair que « l’environnement est le domaine dans lequel le tradi-
tionnel concept de souveraineté des États se heurte à une incontournable réalité : la globalité des
phénomènes naturels. Les écosystèmes ignorent les États et leurs frontières. Pour lu�er contre
les a�eintes à l’environnement, qui me�ent en cause à terme la survie même de l’humanité, les
États ne peuvent plus limiter leur action au cadre national » 907. Il faut donc inscrire les actions
dans une perspective régionale. Pour ce faire, une harmonisation ou un rapprochement des
législations foncières nationales s’avère indispensable. Toutefois, la mise en œuvre e�ective
de tels procédés de « rapprochement des législations nationales nécessaires au fonctionnement
du Marché commun » 908 n’aurait pu se réaliser en l’absence d’institutions dotées de pouvoirs
de surveillance et de sanctions pour lu�er contre les formes ouvertes ou dissimulées de re-
tour au protectionnisme des États ou les comportements d’entreprises de nature à fausser la
concurrence sur le marché. Au regard de cet indicatif, un observatoire ne saurait répondre à
une telle exigence. Si la forme institutionnelle en perspective paraît inadéquate, l’outil juri-
dique en voie d’adoption aussi n’est pas exempt de controverse.
2 La promotion d’une charte foncière régionale ou le refus d’un cadre juridique
contraignant
880Les États de l’espace UEMOA semblent avoir pris conscience, de la nécessité de me�re en
synergie les processus d’élaboration des politiques et des législations foncières, et la dyna-
mique de l’intégration régionale. Seulement, ce�e prise de conscience ne s’accompagne pas
de la volonté d’a�aiblir le principe de souveraineté au profit des objectifs d’intégration régio-
nale. Ce�e réalité s’observe au niveau des choix opérés. Déjà, la préférence pour le droit mou
considéré comme « une norme de portée générale non obligatoire et non contraignante », pour
rapprocher les législations foncières d’un espace communautaire serait synonyme du refus
906 Pour une meilleure compréhension sur les tenants et aboutissant du Soft Law, lire : Brown (D. A.) – LaCharte de la Terre, texte de droit international de Soft Law, 2015, url : https : //biencommunchartedelaterre.wordpress.com/2015/07/02/la-charte-de-la-terre-texte-de-droit-international-de-soft-law%E2%80%A8.907 Petit (Y.) – « Le droit international de l’environnement à la croisée des chemins : globalisation versussouveraineté nationale », in : Revue juridique de l’environnement vol. 36 (jan. 2011), p. 31–55.908 Isaac (G.) et Blanqet (M.) – Droit général de l’Union européenne, 9e éd., Paris : Sirey, 2006, p. 267 et suiv.
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d’un droit communautaire dans une certaine mesure. Ainsi, l’on pourrait s’interroger sur la
portée juridique d’une charte foncière régionale dans l’émergence d’un droit foncier commu-
nautaire. À ce sujet, dans les conclusions d’une étude, il est écrit : « Sans force contraignante,
la Charte instaurerait des principes essentiels pour l’accès équitable et garanti aux ressources
foncières. Elle représentera une source d’inspiration pour les réformes foncières nationales » 909.
881 Ce�e expérience de charte n’est pas nouvelle. Son succès reste limité en raison de son carac-
tère non contraignant. L’exemple le plus illustratif sur le plan international fût la tentative
d’adoption d’une charte de la terre avant le sommet de Rio de 1992. En e�et, Avant le Som-
met de la terre à Rio de Janeiro en 1992, une première tentative d’adoption d’une Charte de
la terre avait été faite 910. Cependant, ce n’était pas encore le bon moment pour elle d’abou-
tir. Au lieu de cela, les nations rassemblées à Rio en 1992 adoptèrent la Déclaration de Rio
sur l’Environnement et le Développement. Sans doute une manière d’éviter le piège d’un
instrument juridique mou. Un tel instrument est souvent porteur d’inaction juridique 911.
882 La visée première de la Charte de la terre est de se constituer en un code de conduite uni-
versel afin guider les individus et les nations vers un développement durable. Ses partisans
espérèrent ainsi qu’une éventuelle adoption de la Charte de la terre par les NationsUnies, ren-
forcerait son appartenance au so� Law. Les défendeurs de la Charte de la terre soutiennent
qu’un tel instrument est aujourd’hui nécessaire étant donné les immenses menaces envi-
ronnementales mondiales actuelles et les nombreuses inégalités sociales qui ont fait leur
apparition ces dernières années. Ils pensent également que la transition vers le développe-
ment durable exige des changements fondamentaux non seulement dans les a�itudes, mais
aussi dans les valeurs et dans le comportement de l’ensemble des individus afin de parvenir
à une équité et une sécurité sociale, économique ainsi qu’écologique dans le contexte des res-
sources limitées de la planète. Dans de nombreux cas, la charte pourrait être utilisée comme
un palier pour tendre un véritable droit.
883 De nombreuses communautés ont utilisé la Charte de la terre comme guide dans leur élabo-
ration de politiques publique et comme outil d’évaluation aux multiples usages.
884 Dans les communautés rurales des pays de l’espace UEMOA, le seul et unique moyen de pro-
duction est la terre. Il est donc important de la sécuriser. Ce�e idée a été lancée à Bamako
(Mali) en 2003 où les États se sont engagés à inscrire leur action de développement dans la
909 Club du Sahel, OCDE et ILC, « Investissements et régulation des transactions foncières de grande envergureen Afrique de l’Ouest », 2011, p.39.910 Cette initiative a constitué le premier pas vers l’adoption d’un traité qui est lui un instrument juridiquecontraignant. C’est pourquoi il est classé dans les Soft-Law par certains auteurs. Les accords conclus en SoftLaw fournissent souvent la base pour des dispositions spéci�ques dans les traités, étant eux juridiquementcontraignants.911 Des choix d’outils inadéquats sont à l’origine de l’inaction juridique, politique et décisionnelle. 2. Les orga-nisations régionales, d’un côté, et sous-régionales, de l’autre, ont e�ectué des avancées non négligeables. DesDirectives sur les politiques foncières en Afrique ont été élaborées et le Cadre.
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durabilité à travers la mise en place d’un outil de politique foncière commune. L’idée d’une
Charte foncière régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest 912 est apparu au sortir du Forum
régional sur le foncier Praia+9 à Bamako 2003, les États ouest-africains se sont engagés à ins-
crire leurs actions de développement et de lu�e contre la pauvreté et la désertification dans
la durabilité à travers la mise en œuvre d’un certain nombre d’orientations, dont l’adoption
d’un instrument de politique foncière commune, telle qu’une Charte foncière 913.
885Formulant également le vœu de voir la promotion d’une agriculture durable à travers l’utilisa-
tion rationnelle des terres et la mise en place de systèmes de crédit adaptés aux producteurs
œuvrant dans le cadre de l’agriculture familiale, le forum de Bamako recommande la mise
en place, par les États, de politiques communes sous régionale de gestion foncière sécurisée,
équitable et durable.
886L’idée d’élaborer une Charte sur le foncier rural au Sahel et en Afrique de l’Ouest est liée
au caractère crucial que revêt aujourd’hui la question du foncier rural en termes de paix
sociale, de promotion des investissements, de lu�e contre la pauvreté rurale et d’intégration
régionale. En e�et, une telle Charte devrait traduire en termes opérationnels et pratiques
dans le domaine du foncier les principes de la libre circulation des personnes et des biens et
celui du droit d’établissement contenus aussi bien dans la Charte de la CEDEAO que dans
celle de l’UEMOA.
887Comme tel, « la Charte apparaît donc comme un outil indispensable pour conjurer les périls ac-
tuels et poser les éléments fondateurs d’une gestion sécurisée, partagée et durable du foncier et
des ressources naturelles au niveau de la sous-région ». Un dernier volet de la Charte aurait trait
à la mise en vigueur et en application des décisions de caractère communautaire intéressant
l’investissement lesquelles soulèvent la question du règlement des di�érends, des procédures
de révision et de recours, e�ectif et immédiat. Ce dispositif devrait conduire à une applica-
tion plus e�icace des mesures de libéralisation de l’investissement et de non-discrimination
à l’endroit des investisseurs, y compris à l’occasion de l’exécution de programmes de priva-
tisation.
888L’établissement d’une nouvelle Charte communautaire de l’investissement s’accompagne-
rait de la constitution d’un jeu de documents clés qui refléteraient les options de la politique
912 https ://www.mediaterre.org/afrique/genpdf,20070824105535.html913 L’harmonisation, à travers la charte, des législations foncières d’Afrique de l’Ouest se propose donc d’assu-rer une appropriation ouest-africaine et demettre en place « une stratégie favorisant le consensus et la convergencedes politiques foncières nationales autour de valeurs et principes fondamentaux, notamment la croissance écono-mique, l’équité, la bonne gouvernance et la gestion durable de l’environnement ». Il s’agit également de faire faceaux questions foncières émergentes dans la sous-région, notamment les con�its fonciers, la dégradation desterres, l’insécurité foncière et l’accès inéquitable, les acquisitions foncières à grande échelle, le changement cli-matique, la pollution côtière, la déforestation et la transhumance transfrontalière. Seule cette option comportede faiblesse. La charte, n’ayant pas force des lois, cet instrument ne dégage que des orientations d’action et n’apas un caractère contraignant. Leur adoption et mise en oeuvre par les États restent donc sujettes à caution.
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communautaire à l’endroit de l’investissement, en assureraient la cohérence et autoriseraient
une interprétation uniforme du dispositif ainsi que sa mise en application. Il s’agirait de tout
instrument juridique pouvant servir de modèle ou de directive et qui perme�rait à chaque
État membre d’ajuster sa législation interne en conséquence, dans le respect du dispositif
de la Charte communautaire et de son esprit. L’on obtiendrait ainsi une plus grande conver-
gence et cohérence des cadres nationaux, législatifs et institutionnels de l’investissement. Le
même cheminement pourrait être entrepris à une phase ultérieure pour les textes d’appli-
cation, au plan national, du dispositif sub-régional. Ce processus pourrait progressivement
s’étendre aux réglementations sectorielles.
889 Sur la base des premières réflexions conduites par le CILSS au sortir du forum de 2003, la
Charte foncière régionale peut être à l’image de la Charte des paysans adoptée en 1979 sous
l’égide de la FAO à l’issue de la conférence mondiale sur la réforme agraire et le développe-
ment rural tenue à Rome en juillet 1979. Elle pourrait être composée d’une Déclaration de
principes et d’un programme d’action.
890 La Déclaration de principes devra s’articuler autour d’orientations théoriques et morales que
les di�érents pays s’engageront à observer dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs
politiques, législations et programmes de gestion foncière et de ressources naturelles.�ant
au programme d’actions, il devra notamment comporter des actions d’appui qui pourraient
être mises en œuvre par les principales Oig de la sous-région (CEDEAO, UEMOA, CILSS)
avec l’appui des partenaires de coopération internationale en vue de soutenir les pays dans
ce�e entreprise 914.
891 La Charte devrait poser les principes fondateurs d’une gestion intégrée et sécurisée du fon-
cier et des ressources naturelles dans la sous-région. Elle pourrait constituer la base pour
l’élaboration d’un droit communautaire en matière foncière dans la sous-région, notamment
dans le cadre de l’UEMOA et de la CEDEAO. Elle aura à la fois une forte valeur morale et ju-
ridique. Adoptée en principe de manière solennelle, elle va constituer un engagement moral
fort que les di�érents États se devraient de respecter. Au plan juridique, elle constitue une
matière à recours pour les citoyens tant au plan national que sous régional.
À la suite de ce paragraphe, il apparaît l’impression d’un contre positionnement du projet
d’harmonisation des législations foncières nationales de l’Union. En e�et, pendant que l’UE-
914 Les di�érents programmes de réformes foncières rurales ont toujours béné�cié de l’appui des partenairestechniques et �nanciers. Ce soutien est souvent analysé sous divers angles, soit comme un signe de générositéde la communauté internationale, soit comme signe d’incapacité des gouvernements locaux qui sont contraintsd’accepter l’aide conditionnée. Pour se convaincre de l’existence de ces points de vue, lire : Midjèou Béran-
ger Avohouémé (R. L. M.) – « Politique publique locale foncière au Benin : une catégorie sous l’emprise del’aide internationale », in : Revue Cames 5 (2015), p. 35–50 ; Brown (D. A.), La Charte de la Terre, texte de droitinternational de Soft Law, op. cit. ; Lavigne Delville (P.), Toumlin (C.) et Traoré (S.) (dir.) – Gérer le foncierrural en Afrique de l’Ouest : Dynamiques locales et interventions publiques, Paris/Saint-Louis : Karthala-URED,2000, 360 p. ; Delville (P. L.), « La réforme foncière rurale au Bénin », op. cit.
342 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Une politique foncière commune encore embryonnaire • Section 2
PartieII.T
itre2
MOA tente de réglementer le marché foncier, la charte foncière régionale du CILSS focalise
l’a�ention sur les valeursmorales et interpelle l’engagement des acteurs pour des juridictions
orientées dans ce sens.
892La mise en application simultanée, dans un même espace économique et politique, de ces
outils pourrait s’avérer contradictoire. En e�et, la charte devrait traduire en termes opéra-
tionnels et pratiques dans le domaine du foncier les principes de la libre circulation des per-
sonnes et des biens et celui du droit d’établissement contenus dans le traité de l’UEMOA. La
charte apparaît donc comme un outil indispensable pour juguler les périls actuels et poser
les éléments fondateurs d’une gestion sécurisée, partagée et durable du foncier.
893Les principes de la charte devraient s’articuler autour d’orientations théoriques et morales
que les di�érents pays s’engageront à observer dans l’élaboration et la mise en œuvre de
leurs politiques, législations et programmes de gestion foncière. La charte devrait poser les
principes fondateurs d’une gestion intégrée et sécurisée du foncier et des ressources natu-
relles dans la sous-région. Elle devrait constituer la base pour l’élaboration d’un droit com-
munautaire en matière foncière dans l’espace UEMOA. Elle devrait avoir une valeur morale
et juridique.
894Eu égard à l’importance que revêt un tel instrument, l’horizon temporel fixé par les experts
soit 10à 20 ans paraît exagéré. La charte a valeur morale, elle n’est pas non plus le but qui est
l’élaboration d’une politique commune de gestion du foncier. Si la charte qui ne contient pas
à priori d’éléments contraignants prend autant de temps quel temps prendra l’élaboration
de l’instrument purement juridique qu’est la politique commune sur le foncier.
895Au terme de la réunion, les participants se sont mis d’accord sur la Déclaration de Praia +
9 qui a recommandé la rédaction d’une « Charte régionale du foncier au Sahel et en Afrique
de l’Ouest ». Ce�e Charte perme�rait l’établissement d’un lien entre les principes de libre
circulation des personnes et des biens et le droit d’établissement dans tout État membre –
consacré par les Chartes de la CEDEAO et de l’UEMOA – assorti de droits d’accéder, d’ex-
ploiter, de céder, et de gérer des ressources foncières et autres ressources naturelles au niveau
régional 915.
896Ce�e charte perme�rait l’établissement d’un lien entre les principes de libre circulation des
personnes et des biens, et le droit d’établissement dans tout État membre consacré par les
chartes de la CEDEAO et de l’UEMOA, assorti du droit d’accéder, d’exploiter, de céder et
de gérer des ressources foncières et autres ressources naturelles au niveau régional. Sans
force contraignante, ce�e charte instaurerait des principes essentiels pour l’accès équitable
915 Ouédraogo (H.) – Les réformes foncières en Afrique de l’Ouest, Paris : OCDE, 2006, p. 46.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 343
Chapitre 2 • La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA
PartieII.T
itre
2
et garanti aux ressources foncières et serait source d’inspiration pour les réformes foncières
nationales.
897 Ces nouvelles orientations des organisations régionales, sous réserve d’être mises en œuvre,
perme�raient une gestion apaisée du foncier aux échelles locale, nationale et régionale. Il
convient toutefois d’insister sur la synergie à instaurer entre les initiatives pour éviter les
doublons. Par ailleurs, comme le souligne le rapport de l’étude commanditée par le CSAO sur
les reformes foncières en Afrique de l’Ouest 916, on observe que le débat régional sur le foncier
tend à converger avec celui sur les droits d’établissement des ressortissants ouest-africains
dans les États membres de la CEDEAO. Il y a quelquefois dans les législations nationales
une ambiguïté quant à l’accès à la propriété foncière de ressortissants d’autres États des
communautés économiques.
898 La plupart des législations ne prennent pas expressément position sur le sujet, ce qui per-
met d’en déduire, qu’en principe, elles ne s’opposent pas à l’accès d’étrangers à la propriété
foncière rurale, mais certaines ont des formules suje�es à interprétation. Ces initiatives ré-
gionales concourent d’une manière ou d’une autre à la politique foncière de l’Union africaine
dont un cadre opératoire. Des lignes directrices ont été adoptées lors du sommet des chefs
d’États et de gouvernement de l’Union africaine à Syrte, en Lybie, en juillet 2009. Dans la
Déclaration de Syrte, les chefs d’États et de gouvernement de l’Union africaine s’engagent à,
donner la priorité aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique foncière
dans leurs pays, appuyer la mise en place d’un cadre institutionnel favorisant une élabora-
tion participative et perme�ant une mise en œuvre e�ective de la politique foncière, allouer
des ressources budgétaires su�isantes pour les processus d’élaboration, de mise en œuvre et
d’évaluation de la politique foncière.
916 Ouédraogo (H.), Les réformes foncières en Afrique de l’Ouest, op. cit., p. 46.
344 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Conclusion du Titre II
Les États, 899objet de ce�e étude sont tous membres de l’UEMOA et adhère aux di�é-
rents accords conclus avec les autres pays membres. Les points saillants de ce�e
politique d’intégration régionale s’articulent entre autre, autour de la libre circula-
tion des personnes et des biens, d’un droit d’établissement de tout ressortissant de l’espace
UEMOA et la politique agricole de l’UEMOA. Ce qui indique e�ectivement que l’UEMOA et
les pays membres disposent donc maintenant d’un cadre de référence perme�ant d’orienter
et d’harmoniser leurs interventions dans les domaines qui contribuent à la réalisation des
politiques convenues.
900Ces trois références en matière d’accords conclus, imposent une cohérence régionale aux ac-
tions qui peuvent être menées par les di�érents pays dans tous les domaines qui concourent
à la sécurité alimentaire dont le foncier rural demeure une pierre angulaire.
901Cependant, on enregistre des disparités quant à l’application et à la conformité des di�érents
États à ce cadre de cohérence. Les politiques sectorielles développées en matière du droit de
propriété foncière restent disparates et soutenues par une di�érenciation de logiques. Elles
sont partagées entre une logique de pleine propriété au profit de tous sans distinction de
nationalité puis un droit de propriété foncière exclusivement destiné aux nationaux. Ce�e
disparité de logiques dans un espace en quête d’intégration est assez illustrative d’une rup-
ture de cohérence dans les politiques d’accompagnement de l’UEMOA. Les e�orts de l’Union
ayant rendu possible la mise en place d’une politique agricole commune restent fragilisés par
l’inexistence d’une véritable politique foncière de l’UEMOA. Ce�e faiblesse est due à l’a�a-
chement des États membres au principe de souveraineté sur leurs ressources naturelles.
• 349
Conclusion générale
Au 902terme de nos travaux de recherches, il apparaît que l’immense majorité des ac-
teurs impliqués dans le débat sur l’impératif d’une réforme juridique du droit fon-
cier dans les États de l’UEMOA s’accorde sur la nécessité d’une telle évolution. La
pertinence de cet ajustement sectoriel n’est pas contestée. Elle s’appuie sur deux éléments
essentiels à savoir un cadre juridique de gestion foncière et un cadre politique à rénover et
à harmoniser avec les exigences de l’UEMOA. Seulement que la façon d’y répondre ne fait
pas encore totalement consensus.
903Au plan du droit, on note à l’analyse des di�érentes législations des pays étudiés, que les
législateurs restent très a�achés au droit occidental. En e�et, les législations des États de
l’Afrique de l’Ouest ont encore du mal à conjurer le principe de l’assimilation et la gestion
de leur di�érence 917. En consacrant que toute personne a droit à la propriété et que nul ne
peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, les législations des États
de l’UEMOA étudiés l’ont organisé di�éremment avec des aménagements diversifiés dans
un espace enquête d’intégration. Ce qui fait remarquer que l’Union reste caractérisé par
l’existence des droits fonciers ruraux au lieu d’une ambition d’avoir un droit foncier rural
de l’UEMOA à l’image de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des af-
faires (Ohada) pour qui assure la sécurité juridique et judiciaire des a�aires par un droit
917 En e�et, l’Afrique est sans nul doute le continent le plus balkanisé avec plusieurs États à l’intérieur desquelsl’exercice du pouvoir reste une véritable épreuve : ou ces États sont trop grands. Les problèmes de fond relatifsà cette gestion ont été mal résolus en raison du tracé des frontières issues de la colonisation. Ces di�cultés serévèlent aussi sur la matière foncière car liées au territoire. Pour se convaincre de cet état de choses, il faut seréférer aux travaux du professeur Igué (J.) – Échanges et espaces de développement : cas de l’Afrique de l’Ouest,Institut de Géographie de Reims, 1993, p. 19–39.
• 351
Conclusion générale
uniforme 918. Cet a�achement au droit occidental reste cependant, aussi imprégné par les
réalités locales pour assurer aux nouveaux droits une légitimité pour son e�ectivité. C’est
donc sur un dialogue de cultures juridiques que sont assis les nouveaux droits des espaces
ruraux et naturels des États de l’Union.
904 D’abord, les éléments de réponse apportés aux préoccupations ayant motivé les réformes
foncières rurales et naturelles, placent les droits de l’espace rural de l’union entre les droits
nationaux et le droit international.
905 Ensuite, malgré la promotion de la propriété privée, l’encadrement juridique du foncier rural
montre bien que l’espace rural reste le « patrimoine commun » de toute la nation. Sa gestion
est ancrée dans le type patrimonial qui permet à la fois la reconnaissance des droits de
propriété privée là où il y a possibilité et les droits de la communauté sur les terres rurales
et les ressources naturelles lorsque les enjeux impliquent le développement rural.
906 Enfin les nouveaux droits fonciers ruraux, soucieux de prendre en compte la diversité locale,
ont recherché des formes de sécurisation foncière rurale qui ne soient pas exclusivement
918 L’un des jalons majeurs de ce processus d’harmonisation en Afrique, est incontestablement constitué parl’adoption à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993, par la plupart des pays francophones d’Afrique, du traitérelatif à l’harmonisation du droit des a�aires en Afrique, traité qui a créé l’Organisation pour l’harmonisationen Afrique du droit des a�aires (Ohada) et qui a fait l’objet d’une révision à Québec au Canada le 17 octobre2008. Mais il n’y a pas que des pays francophones dans l’Ohada : il y a aussi un pays lusophone (la Guinée Bis-sau), un pays hispanophone (la Guinée équatoriale) et un pays bilingue francophone anglophone (le Cameroun).L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des a�aires (Ohada) fête bientôt, en octobre 2013, àOuagadougou le 20e anniversaire de l’adoption de son traité constitutif1. Le 10e anniversaire, quant à lui, avaitété fêté en grandes pompes les 16 et 17 octobre 2003 à Libreville par le Conseil des ministres de l’Ohada2. Toutceci traduit le fait que l’Ohada a un certain temps d’existence dernière elle, marqué par un certain nombrede réalisations mais aussi de problèmes et de dé�s à relever. Parmi les moyens d’action de l’Ohada �gure enbonne place l’adoption des actes uniformes. En terme bilan sur les actes adoptés, il est indéniable que l’Ohadaa connu une avancée notable. L’approche quantitative en rappel, l’adoption et la correcte application des Actesuniformes constituent la �nalité majeure de l’Ohada. S’agissant des Actes uniformes adoptés, l’on se contenterad’en donner la liste, ceux-ci ayant fait l’objet de publications diverses dont la quasi-totalité est répertoriée dansla bibliographie du Pr Joseph Issa-Sayegh, régulièrement mise à jour et publiée sur le site ohada.com. À ce jour,neuf Actes uniformes ont été adoptés à raison de huit entre 1997 et 2003 et le dernier en 2010. Ils sont tous envigueur. Ce sont : - d’abord, trois Actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme portant ledroit commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupementd’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ; - ensuite, deux Actesadoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte uniforme portant organisation des procédures simpli�éesde recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant organisation des procédurescollectives d’apurement du passif (AUPC) ; - puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adoptéle 11 mars 1999 à Ouagadougou ; - également, l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comp-tabilités des entreprises sises dans les États parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des a�aires enAfrique (AUOHC) adopté à Yaoundé le 24 mars 2000 ; - l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de mar-chandises par route (AUCTMR) adopté le 22 mars 2003 à Yaoundé ; - en dernier lieu, l’Acte uniforme relatif audroit des sociétés coopératives (AUDSCOOP) adopté à Lomé le 15 décembre 2010 à Lomé. Il est indéniable que lenombre des Actes uniformes adoptés et surtout celui de leurs dispositions sont fort appréciables15. Ce bilan estquelque peu assombri par le nombre de projets. Pour mieux approfondir cet aspect lié à l’Ohada, voir : l’articledu Professeur Filiga Michel Sawadogo, Ancien Doyen, Ancien Recteur, Agrégé des facultés de droit, ProfesseurTitulaire, Université de Ouaga sur « Les 20 ans de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des af-faires (Ohada) : bilan et perspectives ». Cette communication peut être consultée sur internet à l’adresse suivante :http ://www.daldewolf.com/documents/document/20151125101654-478communicationprsawadogo.pdf.
352 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Conclusion générale
assises sur les mécanismes de la propriété privée. Ces éléments évoqués prouvent bien que
la prise en compte des situations complexes des droits fonciers ruraux était au cœur des
mouvements législatifs issus des réformes.
907Faisant suite aux facteurs de bonne politique en matière sécurisation foncière rurale, les
États étudiés ont prévu un ensemble des processus, actions et mesures de toute nature, vi-
sant à perme�re à l’utilisateur et au détenteur de terres rurales de mener e�icacement leurs
activités productives, en les protégeant contre toute contestation ou trouble de jouissance.
908En érigeant le principe de la participation au rang des exigences nécessaires à l’e�ectivité
des normes foncières rurales et à une gestion durable des ressources naturelles, les nou-
veaux droits fonciers ruraux de pays de l’UEMOA ont réussi à consacrer de nouveaux outils
de gestion et de planification adaptés à l’environnement local. En s’inscrivant tous dans la
gestion décentralisée du foncier rural, ils ont adhéré à l’institutionnalisation des structures
locales de gestion foncière arrimées à la décentralisation. De même, ce�e option est accom-
pagnée par un mécanisme de règlement des conflits fonciers ruraux en adéquation avec le
choix e�ectué pour le rapprochement et la proximité des outils. Une telle option n’est pas
sans impact financier sur le budget des États sous aide internationale.
909La mise en œuvre des nouvelles législations induit certainement de la part des États des pays
concernés une mobilisation de ressources pour gérer une question supposée de souveraineté
territoriale. Le fait que des pays dépendants financièrement de l’aide, après plusieurs décen-
nies d’intervention des institutions d’aide dans la conception et la mise en œuvre des poli-
tiques de développement, puissent définir leurs propres politiques de façon autonome fait
débat, un certain nombre d’auteurs dénonçant l’ingérence des bailleurs de fonds dans les
processus et la soumission des États aux thèmes susceptibles de bénéficier de financements.
Logé dans ce�e rubrique, et eu égard à la dépendance économique des États d’Afrique franco-
phone, les États étudiés peinent à mobiliser les ressources nécessaires à la généralisation des
outils de sécurisation foncières. Déjà ce qui est réalisé actuellement ne l’est sans le concours
des partenaires au développement.
910En dépit des di�icultés d’ordre financier, l’encadrement juridique issu des reformes foncières
rurales a fait émerger un droit de synthèse original poursuivant deux objectifs essentiels :
la socialisation de la propriété foncière plus conforme à la tradition négro-africaine et le
développement économique du pays.
911À l’évaluation de l’ensemble des dispositions générées par les législations, l’on pourrait sans
risque a�irmer que les avancées actuelles des droits fonciers ruraux dans les États de l’UE-
MOA peuvent assurer quasiment une gestion e�iciente et e�icace des défis d’une sécurisa-
tion foncière pour le développement durable. Ce�e a�irmation tient compte, non seulement
de la prise en compte des pratiques locales mais aussi des éléments empruntés au Droit in-
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 353
Conclusion générale
ternational de l’environnement. Ainsi, pour faire échos des aspirations d’un droit rural de
développement durable, les nouvelles législations régissant l’espace rural sont restées très
a�entives à l’appel du droit international de l’environnement.
912 La réponse à l’appel du droit international se traduit par l’adoption de législations nationales
foncières visant à réglementer au plan national un domaine de l’espace rural traité au travers
des directives, des conventions régionales et internationales. Cet apport du droit internatio-
nal aux droits nationaux s’explique par le respect des engagements pris par les États dans le
cadre des accords internationaux en matière d’aménagement foncier et environnementale.
913 Ces éléments montrent très clairement que les législateurs nationaux se préoccupent de la
préservation du foncier rural sous l’e�et des contraintes ou sur l’inspiration que leur apporte
le droit international.
914 De leur côté, les droits nationaux, à leur tour, constituent des relais à la mise en œuvre du
droit international de l’environnement car les droits internationaux générés n’ont de valeur
que si les règles dont ils sont porteurs de façon concrète sont appliquées. Or, il ne saurait
y avoir une mise en œuvre réelle d’une règle d’origine internationale que si elle est reçue
ou internalisée dans les ordres juridiques internes des États parties. À ce propos, l’on peut
a�irmer que les États de l’espace UEMOA étudiés, ont compris la nécessité de réceptionner
des règles internationales qu’ils ont transposées à travers les lois foncières rurales et des
règlements 919.
915 Dans le domaine de la conservation du foncier rural, une convergence est établie entre les
di�érentes législations nationales qui se sont préoccupées de la faune et de la flore à travers
une prise en compte globale de l’écosystème foncier et une réglementation de l’accès et de
l’exploitation forestière. Ce�e orientation juridique ne traduit qu’une similarité en terme
d’objectif visé pour la mise en œuvre des principes de la convention sur la biodiversité.
916 La prise en compte du développement durable dans les nouveaux régimes fonciers ruraux est
919 Si pour les aspects liés aux ressources forestières, la transposition des règles internationales dans l’ordreinterne des États paraît importante, il n’est pas de même pour d’autres ressources. Il est apparu que même letaux de transposition des règlements communautaires de l’UEMOA dans un autre secteur reste très faible dansles lois des États. La Commission de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest (UEMOA) a noté« un faible taux de transposition des directives communautaires relatives à la pêche » par ses États membres, soit27% en 2012, a relevé mardi à Saly-Portudal (Mbour, Ouest), son représentant-résident au Sénégal, DossoloDiarra. Ce même représentant a signalé que le Sénégal se trouve en bonne place des pays qui ont réalisé desperformances dans la transposition desdites directives, avec un taux qui est passé de 64% en 2014 à 70% en 2015,2016 n’ayant pas enregistré de transposition. Pour mieux s’imprégner de cette réalité, lire l’information sur lesite : http ://bambouck.info/la-commission-de-luemoa-note-un-faible-taux-de-transposition-des-directives-par-les-etats-membres.
354 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Conclusion générale
dictée par les impératifs de lu�e contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire 920. Les États
de l’Union étudiés, guidés par la consécration de droits devant perme�re d’accéder à la terre
agricole et à l’alimentation ont réussi à réaliser une cohérence dans le lien d’a�ectation qui
unit les droits fondamentaux à la terre et à l’alimentation d’un côté et de l’autre à l’objectif
de sécurité alimentaire 921. Avec ce�e tendance, il apparaît clair à travers les droits fonciers
ruraux que la reconnaissance d’un droit fondamental à l’alimentation ne saurait être e�ective
que si elle est accompagnée d’un droit d’accès à la terre rurale. Or l’amélioration sur le
plan juridique de l’accès à la terre est une garantie d’une meilleure exploitation et d’une
réduction de pauvreté en milieu rural. Il va s’en dire donc que l’encadrement juridique de
l’espace naturel promu par les législateurs de l’UEMOA est porteur de valeur qui sert aussi
à l’objectif de sécurité alimentaire 922.
917Les législateurs, dans la quête d’un développement durable ont montré l’importance de
me�re en place des stratégies visant l’instauration d’un ordre foncier national qui peine
à adhérer totalement à l’ordre régional en matière de gestion des ressources naturelles. Il
reste souhaitable qu’un ordre s’impose finalement à tous les États membres de l’UEMOA en
matière foncière quel que soit la situation économique du pays. Il doit exister certainement
des impératifs d’ordres fonciers à l’image d’autres dont l’observance est détachable d’autres
contingences.
918Au total, il est à retenir que l’évolution des droits fonciers ruraux dans l’espace UEMOA
révèle un besoin constant : celui de me�re les législations foncières rurales nationales aux
normes du droit communautaire. Or, ce droit communautaire lui-même est encore fragile
eu égard au caractère souverainiste du foncier et aux di�icultés de réalisation des critères
de convergence. Dans la prospection des voies pour une intégration réussie, l’UEMOA s’est
o�ert des opportunités pour relever le défi de l’harmonisation des législations foncières. Ce-
pendant ces opportunités se trouvent endiguées par un cadre institutionnel en perspective
qui ne promet pas l’harmonisation souhaité.
919En réalité, il est souhaitable de doter l’espace UEMOA d’un critérium de convergence juri-
dique qui perme�ra d’évaluer les progrès des législations nationales dans la satisfaction de
920 Les législateurs ont bien compris que le lien entre le droit d’accéder à la terre agricole et du droit à l’ali-mentation est très fondamental dans la recherche des voies juridique pour l’élimination de la faim. Pour biencomprendre ce lien, lire :Dutilleul (F. C.) – « De la terre à l’aliment : Introduction à la problématique juridiquede la sécurité alimentaire », in : De la terre aux aliments, des valeurs au droit : Progress and Achievement, San José,Costa Rica : Inida, 2012, p. 5.921 Le Sénégal sait bien que pour la réalisation de la grande o�ensive agricole pour la nourriture et l’abondance(Goana) lancée en 2008 par l’ancien Président du Sénégal AbdoulayeWade qui prévoit, en l’espace de 6mois uneproduction de deux millions de tonnes de maïs, trois millions de tonnes de manioc, 500000 tonnes de riz paddyet deux millions pour les autres céréales (mil, sorgho, fonio) et pour l’élevage, les objectifs portent sur uneproduction de 400 millions de litres et 435 000 Tonnes de viande il faut une disponibilité en ressources foncière.922 Les initiatives prises au niveau de certains États illustrent cette option. L’exemple du Sénégal en témoigne.La mise en place de la Goana pour une autosu�sance alimentaire traduit bien le souci de la mise à dispositionde la population de terres cultivables pour l’agriculture.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 355
Conclusion générale
la convergence communautaire. Il est noté que, les critères actuels sont par excellence de na-
ture économique ayant fortement de liens avec le développement de croissance alors même
que le développement durable est un objectif fondamental aussi bien de la communauté que
des États.
920 Des leçons sont dès lors encore à tirer.
356 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Références bibliographiques
Sommaire
A. Ouvrages généraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359
B. Ouvrages spécialisés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362
C. Dictionnaires et lexiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368
D. Contributions aux ouvrages collectifs. . . . . . . . . . . . . . . . . 368
E. Articles et communications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372
F. Rapports et autres travaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 380
G. Mémoires et Thèses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 386
H. Conventions, traités et accords internationaux. . . . . . . . . . . . . . 387
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Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu
et des zones côtières de la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (WACAF), (Abidjan,
23 mar. 1981).
Convention relative à la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage,
(Bénin, 1973).
Convention internationale sur la prévention de la pollution des mers résultantes des déchets
et d’autres matières, (Londres, 1973).
Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, (Paris, 1972).
Convention relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme
habitats de la sauvagine, (Ramsar, 1971).
Convention africaine sur la convention de la nature et des ressources naturelles, (Alger, 1968).
Convention phytosanitaire pour l’Afrique, (Alger, 1971).
Traité interdisant de placer des armes nucléaires et d’autres de destructions massives sur le
fond des mers et des océans ainsi que dans leur sous-sol, (Londres, Moscou, Washington,
1971).
Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra atmo-
sphérique et sous l’eau, (Moscou, 1963).
Accord concernant les mesures à prendre pour la protection des peuplements de grosses
crevettes, de homards d’Europe, de langoustines et de crabes, (Oslo, 1952).
Convention internationale pour la protection des végétaux, (Rome, 1951).
Convention cadre des Nations Unies sur la lutte contre la déserti�cation, (Paris, 17 juin 1994).
Convention sur le criquet migrateur africain, (Kano, 25 mai 1962).
Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, (Maputo,
11 juil. 2003).
M Convention internationale de lutte contre la diversi�cation de Morise, (Paris, 14 oct. 1994).
388 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Législations nationales et documents de politique environnementale
I - Législations nationales et documents de politique
environnementale
1 - Législations nationales
BDécret no 2003-332 portant gestion des déchets solides en République du Bénin (27 août
2003).
Décret no 2001-235 portant organisation de la procédure d’étude d’impact sur l’environne-
ment (21 juil. 2001).
Décret no 9567 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’Agence bé-
ninoise pour l’environnement (20 fév. 1995).
Décret no 2015-029 �xant les modalités d’acquisition des terres rurales en République du
Bénin (29 jan. 2015).
Loi no 2016-06 portant loi-cadre sur l’aménagement du territoire en République du Bénin
(26 mai 2016).
Loi no 90-32 portant Constitution de la République du Bénin (11 déc. 1990).
Loi no 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin (14 jan. 2013).
Loi no 2017-15 modi�ant et complétant la loi no 2013 -01 du 14 août 2013 portant code foncier
et domanial en République du Bénin (17 août 2017).
Loi no 98-030 : Loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin (12 fév. 1999).
Décret no 006/97/ADP portant Code forestier en République du Burkina Faso (31 jan. 1997).
Décret no 034/2002/AN portant loi d’orientation relative au pastoralisme en République du
Burkina Faso (14 nov. 2002).
Loi no 014/96/ADP portant réforme agraire et foncière de la République du Burkina Faso
(23 mai 1996).
Décret no 2010-402/PRES/PM/MAHRH/MRA/MECV/MEF/MATDportant procédure de consta-
tation de possession foncière rurale des particuliers en République du Burkina Faso (23 juin
2010).
Loi no 031-2003 portant Code minier en République du Burkina Faso (8 mai 2003).
Constitution du Burkina Faso adoptée par le Référendum du 02 juin 1991 révisée par les lois
numéros : - 002/97/ADP du 27 janvier 1997 - 003 -2000/ANdu 11 avril 2000 - 001 -2002/AN
du 22 janvier 2002 (2 jan. 1991).
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 389
Références bibliographiques
Loi no 034-2009/AN portant Régime foncier rural en République du Burkina Faso (26 mai
2016).
Loi no 006197ADP portant code foncier en République du Burkina Faso (31 jan. 1997).
F Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789).
M Loi no 00-027-P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier République du Mali
modi�ée et rati�ée par la loi no 02-008 (12 fév. 2002).
Décret no 2015-014-P-RM du 22 mars 2000 portant les conditions et modalités de mise en
valeur des terres en République du Bénin (29 fév. 2015).
N Décret no 290/PG-RM portant organisation de la gérance des terres a�ectées à l’O�ce du
Niger (8 jan. 1998).
Loi no 99-320/PCRN portant Constitution de la République du Niger (18 juil. 1999).
Loi no 2004-040 portant régime foncier en République du Niger (8 juin 2004).
Ordonnance no 93-015 �xant les principes d’orientation du Code rural en République Niger
(2 mar. 1993).
Ordonnance no 2010-029 relative au pastoralisme en République Niger (20 mai 2010).
S Décret no 2004-16 portant loi d’orientation agro-sylvo-pastorale publiée au Journal o�ciel
de la République du Sénégal JO no 6176 du samedi 14 août 2004 (4 juin 2004).
Décret no 98/03 portant code forestier en République du Sénégal (8 jan. 1998).
Loi no 98/03 portant décret d’application du code forestier en République du Sénégal (20 fév.
1998).
Loi no 2001-03 portant Constitution de la République du Sénégal (22 jan. 2001).
Loi no 95-357 portant code foncier en République du Sénégal – Partie réglementaire (11 avr.
1995).
Loi no 72-25 relative aux communautés rurales en République du Sénégal (19 avr. 1972).
Loi no 96-07 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux commu-
nautés rurales en République du Sénégal (22 mar. 1996).
Décret no 64-573 �xant les conditions d’application de la loi no 64-46 02 juillet 1964, relative
au domaine national en République du Sénégal (30 juil. 1964).
Décision no 96-06 portant code des collectivités locales en République du Sénégal (22 mar.
1996).
T Loi no 2008-09 portant Code forestier en République du Togo (19 juin 2008).
390 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Références bibliographiques
UDécision no 0180/2003/PC/OM/UEMOA portant création et organisation des services de la
Commission de l’UEMOA : Règlement intérieur de la Commission (28 fév. 2003).
Acte additionnel no 03/2004 portant adoption de la Politique d’aménagement du territoire
communautaire de l’UEMOA (10 juin 2004).
Acte additionnel no 03/2001 portant adoption de la politique agricole de l’UEMOA (19 déc.
2001).
2 - Documents de politique environnementale
AGuide sectoriel d’étude d’impact sur l’environnement des projets d’électri�cation, Agence béni-
noise pour l’environnement, 2001.
Guide sectoriel d’étude d’impact sur l’environnement des projets de centrales hydroélectriques,
Agence béninoise pour l’environnement, 2001.
Guide général de réalisation d’une étude d’impact sur l’environnement, Agence béninoise pour
l’environnement, 2001.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 391
Index thématique
EXPRESSIONS LATINES
Les chi�res correspondent au numéro de page
a posteriori . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
abusus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93, 281
fructus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
homo oeconomicus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
homo-economicus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
intuitu personae . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
justitia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
plena in repo testa sun . . . . . . . . . . . . . . . 35
res nillius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
statu quo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
usus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
INDEX ALPHABÉTIQUE
— A —
agri-environnemental . . . . . . . . . . . . . . 275
agro-sylvo-pastora . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
agro-sylvo-pastorale . . . . . . . . . . . . . . . 101
anthropologie sociale . . . . . . . . . . . . . . . . 39
autochtonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
— B —
bail à construction . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
baux emphytéotiques . . . . . . . . . . . . . . 293
bien-fonds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
— C —
cause d’utilité publique . . . . . . . . . . . . . . 64communauté lignagère . . . . . . . . . . . . . . 42communisation des terres . . . . . . . . . . . 68concubinage culturel . . . . . . . . . . . . . . . . 72conflits fonciers en milieu rural . . . . . . 71conservatisme rural . . . . . . . . . . . . . . . . . 70coutume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
— D —
décentralisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53déjuridicisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95désacralisation de la terre . . . . . . . . . . . 49domanialisation foncière . . . . . . . . . . . . 72droit d’usage . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264, 290droit de communage . . . . . . . . . . . . . . . 264
• 393
Index thématique
droit extrapatrimonial . . . . . . . . . . . . . . . 10
droit foncier africain . . . . . . . . . . . . . . . . 76
droit foncier coutumier . . . . . . . . . . . . . . 31
droit foncier rural . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
droit moderne d’emprunt . . . . . . . . . . . . 55
droit traditionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
droits de propriété foncière . . . . . . . . . . 64
droits sur la terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
dualisme juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
— E —
endo intransmissibilité . . . . . . . . . . . . . . 43
espace foncier rural . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
exo intransmissibilité . . . . . . . . . . . . . . . . 43
exogamie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
expropriation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
extranéité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
— F —
faire-valoir indirect . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
foncier lignager . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
— G —
gestion foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
gisement foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
gouvernance foncière . . . . . . . . . . . . . . . . 51
— H —
héritage foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
— I —
immatriculation foncière . . . . . . . . . . . . 65
inaliénabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43, 291
individualisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
individualisme libéral . . . . . . . . . . . . . . . 67
insaisissabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291
insécurité foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
— J —
juridicisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
jurislateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
justiciabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
— L —
légalité foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
législation foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
libéralisme économique . . . . . . . . . . . . . 65
lignage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
— M —
matrilinéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
milieu rural . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
mimétisme juridique . . . . . . . . . . . . . . . . 76
— N —
nue-propriété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
— P —
pacage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
pastoralisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
patrimoine foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
propriétaire terrien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
propriétariste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
propriétaristes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
propriété collective . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
propriété coutumière . . . . . . . . . . . . . . . . 92
propriété foncière individuelle . . . . . . . 36
propriété privée individuelle . . . . . . . . . 37
— R —
réforme foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . 64, 91
régime domanial . . . . . . . . . . . . . . . . . 64, 66
régimes coutumiers . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
— S —
secteur foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
sécurisation des droits fonciers locaux 91
sécurisation des droits fonciers . . . . . . . 90
stellionat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
394 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Index thématique
sylvicoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269sylvo-pastorale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
— T —
tenure foncière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42thésaurisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230titre foncier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
transhumance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329
— U —
urbanisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
usucapion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
usufruitier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 395
Lexique
A | B | C | D | P | U | Z
A
Accaparement des terres
Il désigne l’acquisition controversée de grandes étendues de terres agricoles par des
personnes physiques ou morales, pour en exploiter les ressources. Particulièrement
développé contre les pays en développement, ce phénomène semble toucher toutes les
zones, notamment celles rurales. Ainsi une terre qui appartient à des communautés
locales est louée ou vendue à des investisseurs extérieurs.
A�ectation des terres
Il s’agit de l’utilisation humaine d’une terre dans un but précis. Elle obéit à des prin-
cipes dont le respect de la capacité de production et des autres usages éventuels du
sol, le respect des lois, etc. Dans un plan d’aménagement et d’occupation par exemple,
c’est processus qui aboutit, selon les potentialités de chaque type de sol, à l’a�ribution
de portions d’espace pour une activité agricole, pastorale ou autre précise.
B
Biens immobiliers
Il s’agit d’un bien qui ne peut pas être déplacé. Il peut s’agir d’un terrain nu, d’un
bâtiment, etc.
C
Con�rmation du droit de propriété
Il s’agit d’une procédure visant la confirmation des droits fonciers sur les fonds de
terre bâtis ou non bâtis aux fins d’aboutir au Titre foncier qui seul, confère la pleine
propriété en République du Bénin.
D
• 397
Lexique
Domaine coutumier
Ensemble des pratiques et normes locales ; droit établi ou acquis selon les pratiques et
normes locales.
Domaine privé
Partie du patrimoine de l’État ou des collectivités territoriales dont le régime juridique
obéit, en principe, aux règles de fond et de compétence de droit privé applicables à la
propriété et à ses démembrements.
Domaine public
Partie inaliénable du patrimoine de l’État ou des collectivités territoriales qui est sou-
mise à un régime juridique et au contentieux de droit administratif.
Domaine public
Partie inaliénable du patrimoine de l’État ou des Collectivités territoriales qui est sou-
mise à un régime juridique et au contentieux de droit administratif.
Droit de préemption
C’est la faculté conférée par la loi à une personne publique ou à une personne mo-
rale de droit public d’acquérir de préférence à toute autre personne un immeuble,
lorsque son propriétaire manifeste sa volonté de le vendre. En vertu de ce droit, la
personne publique doit se prononcer prioritairement sur toute transaction foncière et
faire connaître son option avant la conclusion de ladite transaction.
Désa�ectation des terres
C’est l’action d’e�acer une a�ectation. Il s’agit de l’arrêt de l’utilisation autorisée ou
faite sur une terre donnée. Lorsqu’elle donne lieu par la suite à une nouvelle a�ectation,
elle équivaut à un remaniement opéré sur l’espace, toujours dans un but de gestion et
de régulation des ressources.
P
Procédure de constatation des droits fonciers
Procédure perme�ant de faire la preuve des droits fonciers établis ou acquis selon la
coutume ou les pratiques et normes locales. La loi 2007-03 du 16 octobre 2007 portant
Régime foncier rural en République du Bénin (abrogée par le Code foncier et domanial
en son article 537) avait consacré le Certificat foncier rural comme un acte de consta-
tation des droits fonciers, acte auquel est a�aché une présomption de droits acquis
faisant foi jusqu’à preuve du contraire, établie devant le juge.
U
Usucapion
L’usucapion ou « prescription acquisitive » désigne la manière dont la propriété peut
s’acquérir par une possession paisible et publique prolongée dont la durée est fixée
398 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine : Tendances et limites
Lexique
par la loi. Dans le Code Foncier et Domanial, on parle plutôt de prescription extinctive
qui consiste à éteindre par une possession paisible, notaire, non interrompue et sans
équivoque de dix (10) ans un droit présomptif de propriété préexistant.
Z
Zone de mise en défens
La mise en défens d’une parcelle est l’installation de clôtures, assortie de l’interdiction
de pénétrer. Dans un aménagement, la mise en défens est une technique qui consiste
à me�re au repos, par des rotations périodiques, des surfaces dégradées, afin d’y favo-
riser la restauration de l’écosystème. Une zone de mise en défens est donc un domaine
délimité et/ou marqué et interdit d’accès et d’exploitation par le public.
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 399
Lexique
400 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
TABLE DES MATIERES
Sommaire xvii
Introduction générale 3
Partie I. Une réforme juridique fondée sur le souci de sécurité
Titre 1. Des droits fonciers ruraux tiraillés entre tradition etmodernité 27
Chap. 1. Un droit traditionnel, têtu, dynamique et limité 29
Sect. 1. L’entêtement du droit traditionnel . . . . . . . . . . . . . . 30
§ 1. les fondements du droit foncier en Afrique à travers les représentationshomme/terre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
A. La perception africaine de l’individu et de ses droits fonciers. . . . . 31B. La propriété foncière individuelle dans la société africaine. . . . . . 35
§ 2. Les caractères des droits fonciers coutumiers. . . . . . . . . . . 38A. Le caractère sacré de la terre : terre, est un don de Dieu et source de
pouvoir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38B. Le caractère communautaire de la terre. . . . . . . . . . . . . 42
Sect. 2. La faible e�icacité du droit traditionnel . . . . . . . . . . . 45
§ 1. L’ine�icacité juridique et économique du droit coutumier. . . . . . 45A. Le caractère purement oral du droit coutumier. . . . . . . . . . 46B. L’ine�icacité économique du droit foncier coutumier. . . . . . . . 49
§ 2. Le droit foncier coutumier : un droit discriminatoire, incertain et trèsdiversifié. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
A. Le droit foncier coutumier : un droit inégal, discriminatoire . . . . . 50B. Un droit incertain et d’une capillarité excessive. . . . . . . . . . 53
Chap. 2. Un droit moderne d’emprunt et de faible adaptabilité 59
Sect. 1. Le droit foncier moderne : un droit importé et imposé . . . . . 60
§ 1. La source d’un droit foncier rural inadapté. . . . . . . . . . . . 61A. Le droit foncier moderne : une marque coloniale. . . . . . . . . . 61B. Les motivations à la base d’une importation d’un modèle juridique . . 63
§ 2. L’imposition d’un modèle économique. . . . . . . . . . . . . . 65A. Le libéralisme économique, un modèle transféré. . . . . . . . . . 65B. L’immatriculation foncière, une institution de privatisation des terres . 67
Sect. 2. Les di�icultés d’adaptation aux réalités endogènes . . . . . . 69
§ 1. La survivance et la concurrence aux droits formels. . . . . . . . . 69A. Les résistances des coutumes locales ou le conservatisme rural. . . . 70
• 401
Table des matières
B. L’e�ectivité d’un conflit des normes. . . . . . . . . . . . . . . 71
§ 2. L’ine�ectivité des textes juridiques en vigueur. . . . . . . . . . . 73A. Une inadéquation socioculturelle. . . . . . . . . . . . . . . . 73B. Le conflit de souverainetés. . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Conclusion du Titre 1 83
Titre 2. Des droits nationaux confrontés aux défis de la sécuri-sation foncière 87
Chap. 1. L’articulation entre tradition et modernité 89
Sect. 1. À la recherche d’un système juridique légitime . . . . . . . . 90
§ 1. Une création par imbrication de droits. . . . . . . . . . . . . . 91A. La reconnaissance de la coutume dans les droits positifs du Bénin, du
Niger et de la Côte d’Ivoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . 91B. Une prise en compte toujours imparfaite. . . . . . . . . . . . . 94
§ 2. Une création de droit par une remise en cause des us et coutumes . . 96A. Le cas du Sénégal et du Burkina Faso. . . . . . . . . . . . . . 96B. La valse juridique du Burkina Faso et une option sénégalaise contrepro-
ductive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Sect. 2. Des législations prônant la sécurisation des droits par les actes etles outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
§ 1. La sécurisation par les actes administratifs. . . . . . . . . . . . 103A. La démystification du titrement foncier. . . . . . . . . . . . . 103B. La réintégration de l’usucapion. . . . . . . . . . . . . . . . . 105
§ 2. Une approche instrumentale fondée sur le Plan foncier rural (PFR) et lePlan d’occupation et d’a�ectation des sols (POAS). . . . . . . . . 108
A. La procédure de constatation des droits fonciers coutumiers. . . . . 108B. Les outils de mise en œuvre : le PFR et le POAS. . . . . . . . . . 110C. Les contextes nationaux de réalisation du plan foncier rural . . . . . 111D. L’exception sénégalaise avec le plan d’occupation et d’a�ectation du sol
(POAS). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Chap. 2. La participation 125
Sect. 1. Les fondements de la participation . . . . . . . . . . . . . 126
§ 1. Les fondements internationaux et régionaux de la gestion participativedu foncier et des ressources naturelles. . . . . . . . . . . . . . 127
A. Les fondements internationaux de la participation. . . . . . . . . 127B. Les fondements régionaux de la consécration de la participation . . . 130
§ 2. Les fondements nationaux de la participation. . . . . . . . . . . 133A. Les sources constitutionnelles de la participation. . . . . . . . . 134B. Les sources législatives et réglementaires de la participation. . . . . 136
402 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Table des matières
Sect. 2. E�ectivité de la participation en droits fonciers ruraux . . . . 140
§ 1. Des compétences foncières reconnues aux acteurs locaux selon les textesde décentralisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
A. La compétence de principe des conseils communaux au Bénin . . . . 141B. Analyse de la prise en compte de la décentralisation dans le Code foncier
et domanial (CFD) au plan des droits comparés (Niger et Burkina) . . 148
§ 2. Un cadre institutionnel de gestion favorisant la participation des acteursnon étatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
A. Les cas de participation réussie en matière foncière rurale dans l’espaceUEMOA : le ROPPA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
B. Les cas de participation peu satisfaisante : structures locales de gestionfoncière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Conclusion du Titre 2 171
Partie II. Des droits fonciers en quête d’une adaptabilité aux en-jeux du développement durable
Titre 1. Une relative prise en compte du développement du-rable dans la réforme des droits fonciers ruraux 177
Chap. 1. Le foncier rural, un bien protégé à des fins de conservation 179
Sect. 1. La conservation, un objectif d’intérêt général . . . . . . . . . 180
§ 1. La protection du foncier rural : un moyen pour la conservation. . . . 180A. Les mécanismes de protection du foncier rural : un moyen au service de
l’intérêt général. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180B. La conservation comme finalité du droit foncier rural. . . . . . . . 183
§ 2. Les défis et enjeux de la conservation du foncier rural dans l’espace UE-MOA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
A. Les défis du droit foncier rural. . . . . . . . . . . . . . . . . 185B. Les enjeux de la conservation du foncier rural. . . . . . . . . . . 187
Sect. 2. La mise en œuvre de la conservation du foncier rural et des res-sources naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
§ 1. Les instruments juridiques de conservation. . . . . . . . . . . . 189A. La conservation du foncier rural et des ressources en droit international 189B. Les instruments nationaux de conservation. . . . . . . . . . . . 191
§ 2. L’application des normes de conservation. . . . . . . . . . . . 195A. La mise en place des outils de planification du foncier rural et des res-
sources naturelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196B. Les moyens opérationnels de conservation. . . . . . . . . . . . 209
Chap. 2. Le foncier rural, pilier des droits économiques et sociaux des po-pulations 227
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 403
Table des matières
Sect. 1. La prise en compte des droits économiques des populations . . 228
§ 1. Le foncier rural source de richesse. . . . . . . . . . . . . . . 228A. Le foncier rural : un patrimoine destiné à exploitation . . . . . . . 229B. Le droit d’exploiter comme source d’une meilleure productivité et de
croissance économique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
§ 2. Le foncier rural, facteur de sortie de pauvreté. . . . . . . . . . . 239A. La lu�e contre la pauvreté rurale par l’amélioration de l’accès des femmes
au foncier rural. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239B. Des stratégies de réduction de la pauvreté intégrant l’approche holis-
tique et durable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
Sect. 2. Le foncier comme source de justice, de paix et d’a�irmation desolidarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
§ 1. Le foncier rural, source de justice et paix. . . . . . . . . . . . . 256A. La Justice et la paix : socle de la nouvelle société démocratique. . . . 256B. La conciliation préalable ou la voie amiable : une singulière voie de rè-
glement des conflits fonciers. . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
§ 2. Le foncier rural, un lieu d’a�irmation de solidarité. . . . . . . . . 263A. Le « communage » des ressources foncières et naturelles : un impératif
de survie du pastoralisme ou une solidarité d’utilisation des ressourcesreconnue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
B. Le « communage », une solidarité consacrée ou une remise en cause dela tragédie du commun. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266
Conclusion du Titre 1 275
Titre 2. Les contrastes 277
Chap. 1. Une approche divergente du droit de propriété foncière rurale 279
Sect. 1. Les disparités de logiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
§ 1. La logique de pleine propriété foncière au Niger et au Burkina Faso . . 281
§ 2. Le refus du droit de propriété foncière rurale. . . . . . . . . . . 286A. Un droit foncier rural basé sur l’usage du domaine national sénégalais. 286B. Une propriété foncière rurale réservée aux nationaux au Bénin et en
Côte d’Ivoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
Sect. 2. La mise à mal des objectifs d’intégration de l’UEMOA . . . . . 294
§ 1. Les directives et règlements de l’UEMOA ou la volonté d’un avenir com-mun toujours en di�iculté. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
A. L’ancrage juridique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295B. L’enjeu foncier pour l’Union. . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
§ 2. La liberté de circulation et le droit d’investissement en cause. . . . . 302A. La libre circulation en cause. . . . . . . . . . . . . . . . . . 302B. Le droit à l’investissement en di�iculté. . . . . . . . . . . . . . 304
Chap. 2. La rupture de cohérence dans les politiques d’accompagnementde l’UEMOA 311
404 • La réforme du droit foncier rural dans les États membres de l’Union économique etmonétaire ouest africaine : Tendances et limites
Table des matières
Sect. 1. Une politique agricole commune optimiste . . . . . . . . . . 312
§ 1. Les défis communs liés au secteur agricole. . . . . . . . . . . . 313A. L’insécurité alimentaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313B. La pauvreté en milieu rural. . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
§ 2. Le contenu de la politique agricole de l’union. . . . . . . . . . . 320A. Une politique agricole comme axe fédérateur de l’intégration régionale 321B. Une avancée exigée par le contexte international . . . . . . . . . 323
Sect. 2. Une politique foncière commune encore embryonnaire . . . . 324
§ 1. L’ine�ectivité d’une coopération entre les États. . . . . . . . . . 325A. Gestion des ressources naturelles partagées. . . . . . . . . . . . 326B. Des initiatives pour l’harmonisation des législations foncières nationales
toujours sans succès probant. . . . . . . . . . . . . . . . . . 331
§ 2. Les caprices d’une approche souverainiste du foncier rural. . . . . . 334A. La création d’un observatoire régional du foncier ou le refus d’un droit
foncier communautaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334B. Les illustrations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Conclusion du Titre 2 349
Conclusion générale 351
Références bibliographiques 359
Index thématique 393
Lexique 399
Table des matières 405
Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal • 405