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Yvon PESQUEUX 1 Yvon PESQUEUX Hesam Université (ESDR3C) Professeur du CNAM E-mail [email protected] / [email protected] Site web esd.cnam.fr La stratégie comme essence de l’organisation Résumé Ce texte est organisé de la manière suivante. Après une introduction qui positionne la notion de « stratégie », il aborde successivement : un focus sur la coopétition ; Kenneth Andrews et le « modèle LCAG » ou « modèle de Harvard » ; Alfred D. Chandler et la forme « M » ; H. Igor Ansoff et la stratégie comme processus ; Raymond E. Miles & Charles Snow et l’articulation « stratégie structure » sur la base de stratégies volontaires types ; Dann Schendel et les patterns stratégiques ; les approches par les matrices (la matrice « atouts attraits » de McKinsey, la grille PESTEL (Politique, Economique, Socioculturel, Technologie, Ecologie, Légal), la matrice de portefeuille d’A. D. Little, les matrices du BCG (Boston Consulting Group), le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orientée sur les causes, la matrice de C. Bowman & D. Faulkner) ; un focus sur le modèle des 7 « S » de R. . ascale A. G. Athos ( un ocus sur la mthode Delhes ; Edward R. Freeman et la théorie des parties prenantes (stakeholders) Michael orter et l’avantage concurrentiel ; la mise en tension « E. R. Freeman M. Porter » au regard du rôle et de la latitude d’action du dirigeant ; un focus sur la participation et les modèles de participation (,e modèle de F. A. Heller & G. Yukl (1969), le modèle de H. P. Dachler & B. Wilpert (1978), un focus : Du cluster « portérien » à l’cosystème d’aaires (la filière, le district, le cluster, l'écosystème d'affaires, le Système Productif Local (SPL), le Réseau Territorialisé d'Organisations (RTO), les « pôles territoriaux de coopération économique », la méta- organisation, la « théorie des sites symboliques » (H. Zaoual) ; un focus sur le modèle Awareness, Motivation, Capability de M. J. Chen (1996) ; un focus sur la dépendance de sentier un ocus sur le système d’inormation stratgique (SIS (les ondements du SIS : la tension « exploitation exploration , un ocus sur l’intelligence conomique (les modèles d’analyse thoriques de l’intelligence conomique (I - la Mthode d’analyse de M. Salles (, le modèle de . aoia (, le modèle de l’Association rançaise our le Dveloement de l’Intelligence conomique (ADI (, le modèle de . Achard (, le Modèle d’valuation de la ussite d’un Système d’Intelligence conomique (MSI de C. Dhaoui (, le modèle Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B. Frézal (2012) - l’amidextrie organisationnelle ; un focus sur la stratégie « océan bleu » ; un focus sur les Business models (le CANVAS : 9 blocs pour un business model construit

La stratégie comme essence de l’gaiai

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Page 1: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

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Yvon PESQUEUX

Hesam Universiteacute (ESDR3C)

Professeur du CNAM

E-mail yvonpesqueuxlecnamnet yvonpesqueuxgmailcom

Site web esdcnamfr

La strateacutegie comme essence de

lrsquoorganisation

Reacutesumeacute Ce texte est organiseacute de la maniegravere suivante Apregraves une introduction qui positionne la

notion de laquo strateacutegie raquo il aborde successivement un focus sur la coopeacutetition Kenneth

Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo Alfred D Chandler et la

forme laquo M raquo H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus Raymond E Miles amp

Charles Snow et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash structure raquo sur la base de strateacutegies

volontaires types Dann Schendel et les patterns strateacutegiques les approches par les

matrices (la matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey la grille PESTEL (Politique

Economique Socioculturel Technologie Ecologie Leacutegal) la matrice de portefeuille

drsquoA D Little les matrices du BCG (Boston Consulting Group) le Profit Impact of

Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les causes la matrice de C

Bowman amp D Faulkner) un focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R ascale A G

Athos ( un ocus sur la m thode Del hes Edward R Freeman et la theacuteorie des

parties prenantes (stakeholders) Michael orter et lrsquoavantage concurrentiel la mise en

tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et de la latitude drsquoaction du

dirigeant un focus sur la participation et les modegraveles de participation (e modegravele de F

A Heller amp G Yukl (1969) le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978) un focus

Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegraveme drsquoa aires (la filiegravere le district le cluster

leacutecosystegraveme daffaires le Systegraveme Productif Local (SPL) le Reacuteseau Territorialiseacute

dOrganisations (RTO) les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo la meacuteta-

organisation la laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual) un focus sur le modegravele

Awareness Motivation Capability de M J Chen (1996) un focus sur la deacutependance

de sentier un ocus sur le systegraveme drsquoin ormation strat gique (SIS (les ondements du

SIS la tension laquo exploitation ndash exploration un ocus sur lrsquointelligence conomique

(les modegraveles drsquoanalyse th oriques de lrsquointelligence conomique (I - la M thode

drsquoanalyse de M Salles ( le modegravele de a o ia ( le modegravele de

lrsquoAssociation ranccedilaise our le D velo ement de lrsquoIntelligence conomique (A DI

( le modegravele de Achard ( le Modegravele drsquo valuation de la ussite drsquoun

Systegraveme drsquoIntelligence conomique (M SI de C Dhaoui ( le modegravele

Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal (2012) -

lrsquoam idextrie organisationnelle un focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo un focus sur

les Business models (le CANVAS 9 blocs pour un business model construit

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collectivement) Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie un focus sur les

a roches th orique des d terminants de lrsquointernationalisation des entre rises (Le

modegravele drsquoU sala ( ohanson Vahlne 77 lrsquoa roche dite du born global)

un focus sur les facteurs cleacute de succegraves un focus sur la notion de compeacutetitiviteacute (la

compeacutetitiviteacute des entreprises la laquo compeacutetitiviteacute-prix la compeacutetitiviteacute hors prix ou

structurelle la compeacutetitiviteacute et la productiviteacute) Richard P Rumelt Birger Wernefelt

Jay B Barney et la theacuteorie de la ressource un focus sur le modegravele de A Rangone

(quant agrave lrsquoa lication de lrsquoa roche en BV aux M un focus sur le laquo Modegravele

Delta raquo la notion de cœur de com tence et drsquointention strat gique (strategic intent) de

Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic

capabilities) de David J Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen un focus sur H

Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the

Wilds of Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 (leacutecole de la

conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de conception) Leacutecole de la

planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel) Leacutecole du

positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus analytique) Leacutecole

entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire) Leacutecole

cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental) Leacutecole de

lrsquoa rentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent) Leacutecole du

pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation) Leacutecole

culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif) Leacutecole

environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de reacuteaction) Leacutecole

de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de transformation))

un focus sur Robert A Burgelman (2008) et le laquo diamant strateacutegique raquo Lrsquoa roche

socio cognitive de Gerry Johnson Anne Huff et Paul Shrivastava Lrsquoa roche

contextualiste drsquoAndrew ettigrew Les approches post modernes de David Knights et

Glenn Morgan David Barry et Michael Elmes Stephen Cummings Les reacuteflexions

eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C Martinet T Ahrens amp C S

Chapman (2007) laquo Managment Accounting as Practice raquo un focus sur les routines

organisationnelles un focus sur la notion de pratique organisationnelle (Introduction la

notion de best practice la notion de laquo routine organisationnelle raquo laquo Pratique raquo et

laquo pratiques raquo Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle la notion de pratique

selon P R Schatzki (1996) la distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo)

Introduction

La question du but (teacuteleacuteologie) est une constante de la penseacutee organisationnelle

constante souvent assortie de lrsquoargument anthro ologique de la survie Crsquoest ce qui a

conduit agrave attribuer une strateacutegie aux organisations strateacutegie venant poser deux

questions celle de sa construction (avec la primauteacute accordeacutee agrave une reacuteflexion de type

analytique et celle de sa mise en œuvre au nom du volontarisme manageacuterial la mise en

œuvre valant elle-mecircme strateacutegie Au regard des hypothegraveses de travail il est ici

question drsquoaction organis e

Il existe deux grandes entreacutees pour ce qui est de la strateacutegie comme essence de

lrsquoorganisation lrsquoentr e strat giste qui va re oser sur une conce tion de ty e analytique

de la strateacutegie (le problem solving a liqu e agrave la d inition de la strat gie et lrsquoentr e de

type strategizing la strateacutegie eacutetant agrave la fois ce qui se reacutefleacutechit et ce qui se fait

Yvon PESQUEUX

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Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s

domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la

compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs

de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee

ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant

lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en

deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La

ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage

La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction

organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir

de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la

Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire

du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave

une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur

la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement

dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et

suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business

model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel

A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et

drsquoune mise en oeuvre

Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes

comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une

entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le

plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un

rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des

rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de

coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes

par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des

ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash

structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches

strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la

deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo

1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982

2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of

Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp

660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational

Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990

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On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de

la strateacutegie

- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit

une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance

horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale

(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des

clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La

notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation

vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit

- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash

people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui

traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures

organisationnelles

- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde

une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute

agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les

marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse

sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts

concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7

(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash

drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash

attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de

chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise

laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes

laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash

dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities

Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation

- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une

double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-

mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation

- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de

la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle

laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave

crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie

- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation

sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective

relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de

lrsquoorganisation

Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern

ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une

5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo

Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New

York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983

8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process

Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19

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localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de

la position dans le long terme)

Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash

acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une

nouvelle orme drsquoalliance strat gique

Focus sur la coopeacutetition

La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de

coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B

Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits

des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la

formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10

La notion a donneacute

lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11

qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de

coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12

qui approfondissent la double

relation de concurrence et de relations inter-organisationelles

La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la

coopeacuteration se produisent simultaneacutement13

La contribution de A Lado et al14

partent

du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies

coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15

la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie

des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces

auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune

art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources

exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la

coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents

qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie

comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations

coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec

lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G

Padula16

distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de

concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de

9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer

concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10

R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed

originale 1985) 11

A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12

M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and

Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13

B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum

Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14

A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15

M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in

Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16

G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value

Creation raquo EURAM Stockholm 2002

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

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segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

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115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

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collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

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au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

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Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

39

constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

40

la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

41

il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

42

sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

43

la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

44

jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

45

cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

46

perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp

379-396

P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

343-368

- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press

Cambridge Massachussets 1982 207

M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

Page 2: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

2

collectivement) Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie un focus sur les

a roches th orique des d terminants de lrsquointernationalisation des entre rises (Le

modegravele drsquoU sala ( ohanson Vahlne 77 lrsquoa roche dite du born global)

un focus sur les facteurs cleacute de succegraves un focus sur la notion de compeacutetitiviteacute (la

compeacutetitiviteacute des entreprises la laquo compeacutetitiviteacute-prix la compeacutetitiviteacute hors prix ou

structurelle la compeacutetitiviteacute et la productiviteacute) Richard P Rumelt Birger Wernefelt

Jay B Barney et la theacuteorie de la ressource un focus sur le modegravele de A Rangone

(quant agrave lrsquoa lication de lrsquoa roche en BV aux M un focus sur le laquo Modegravele

Delta raquo la notion de cœur de com tence et drsquointention strat gique (strategic intent) de

Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic

capabilities) de David J Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen un focus sur H

Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the

Wilds of Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 (leacutecole de la

conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de conception) Leacutecole de la

planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel) Leacutecole du

positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus analytique) Leacutecole

entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire) Leacutecole

cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental) Leacutecole de

lrsquoa rentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent) Leacutecole du

pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation) Leacutecole

culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif) Leacutecole

environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de reacuteaction) Leacutecole

de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de transformation))

un focus sur Robert A Burgelman (2008) et le laquo diamant strateacutegique raquo Lrsquoa roche

socio cognitive de Gerry Johnson Anne Huff et Paul Shrivastava Lrsquoa roche

contextualiste drsquoAndrew ettigrew Les approches post modernes de David Knights et

Glenn Morgan David Barry et Michael Elmes Stephen Cummings Les reacuteflexions

eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C Martinet T Ahrens amp C S

Chapman (2007) laquo Managment Accounting as Practice raquo un focus sur les routines

organisationnelles un focus sur la notion de pratique organisationnelle (Introduction la

notion de best practice la notion de laquo routine organisationnelle raquo laquo Pratique raquo et

laquo pratiques raquo Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle la notion de pratique

selon P R Schatzki (1996) la distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo)

Introduction

La question du but (teacuteleacuteologie) est une constante de la penseacutee organisationnelle

constante souvent assortie de lrsquoargument anthro ologique de la survie Crsquoest ce qui a

conduit agrave attribuer une strateacutegie aux organisations strateacutegie venant poser deux

questions celle de sa construction (avec la primauteacute accordeacutee agrave une reacuteflexion de type

analytique et celle de sa mise en œuvre au nom du volontarisme manageacuterial la mise en

œuvre valant elle-mecircme strateacutegie Au regard des hypothegraveses de travail il est ici

question drsquoaction organis e

Il existe deux grandes entreacutees pour ce qui est de la strateacutegie comme essence de

lrsquoorganisation lrsquoentr e strat giste qui va re oser sur une conce tion de ty e analytique

de la strateacutegie (le problem solving a liqu e agrave la d inition de la strat gie et lrsquoentr e de

type strategizing la strateacutegie eacutetant agrave la fois ce qui se reacutefleacutechit et ce qui se fait

Yvon PESQUEUX

3

Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s

domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la

compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs

de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee

ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant

lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en

deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La

ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage

La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction

organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir

de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la

Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire

du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave

une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur

la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement

dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et

suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business

model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel

A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et

drsquoune mise en oeuvre

Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes

comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une

entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le

plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un

rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des

rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de

coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes

par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des

ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash

structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches

strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la

deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo

1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982

2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of

Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp

660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational

Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990

Yvon PESQUEUX

4

On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de

la strateacutegie

- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit

une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance

horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale

(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des

clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La

notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation

vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit

- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash

people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui

traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures

organisationnelles

- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde

une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute

agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les

marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse

sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts

concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7

(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash

drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash

attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de

chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise

laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes

laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash

dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities

Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation

- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une

double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-

mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation

- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de

la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle

laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave

crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie

- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation

sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective

relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de

lrsquoorganisation

Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern

ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une

5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo

Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New

York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983

8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process

Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19

Yvon PESQUEUX

5

localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de

la position dans le long terme)

Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash

acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une

nouvelle orme drsquoalliance strat gique

Focus sur la coopeacutetition

La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de

coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B

Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits

des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la

formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10

La notion a donneacute

lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11

qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de

coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12

qui approfondissent la double

relation de concurrence et de relations inter-organisationelles

La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la

coopeacuteration se produisent simultaneacutement13

La contribution de A Lado et al14

partent

du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies

coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15

la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie

des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces

auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune

art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources

exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la

coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents

qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie

comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations

coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec

lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G

Padula16

distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de

concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de

9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer

concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10

R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed

originale 1985) 11

A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12

M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and

Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13

B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum

Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14

A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15

M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in

Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16

G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value

Creation raquo EURAM Stockholm 2002

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

8

segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business

Administration Boston 1957 55

P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg

115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual

(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie

au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political

Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced

Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

39

constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

40

la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

41

il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

42

sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

43

la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

44

jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

45

cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

46

perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp

379-396

P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

343-368

- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press

Cambridge Massachussets 1982 207

M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

Page 3: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

3

Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s

domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la

compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs

de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee

ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant

lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en

deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La

ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage

La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction

organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir

de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la

Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire

du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave

une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur

la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement

dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et

suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business

model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel

A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et

drsquoune mise en oeuvre

Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes

comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une

entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le

plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un

rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des

rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de

coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes

par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des

ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash

structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches

strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la

deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo

1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982

2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of

Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp

660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational

Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990

Yvon PESQUEUX

4

On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de

la strateacutegie

- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit

une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance

horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale

(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des

clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La

notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation

vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit

- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash

people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui

traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures

organisationnelles

- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde

une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute

agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les

marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse

sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts

concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7

(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash

drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash

attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de

chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise

laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes

laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash

dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities

Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation

- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une

double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-

mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation

- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de

la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle

laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave

crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie

- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation

sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective

relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de

lrsquoorganisation

Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern

ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une

5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo

Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New

York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983

8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process

Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19

Yvon PESQUEUX

5

localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de

la position dans le long terme)

Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash

acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une

nouvelle orme drsquoalliance strat gique

Focus sur la coopeacutetition

La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de

coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B

Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits

des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la

formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10

La notion a donneacute

lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11

qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de

coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12

qui approfondissent la double

relation de concurrence et de relations inter-organisationelles

La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la

coopeacuteration se produisent simultaneacutement13

La contribution de A Lado et al14

partent

du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies

coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15

la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie

des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces

auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune

art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources

exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la

coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents

qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie

comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations

coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec

lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G

Padula16

distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de

concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de

9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer

concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10

R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed

originale 1985) 11

A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12

M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and

Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13

B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum

Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14

A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15

M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in

Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16

G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value

Creation raquo EURAM Stockholm 2002

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

8

segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business

Administration Boston 1957 55

P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg

115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual

(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie

au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political

Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced

Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

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constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

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la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

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il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

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sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

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la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

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jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

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cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

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perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

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P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

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- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

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M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

Page 4: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

4

On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de

la strateacutegie

- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit

une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance

horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale

(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des

clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La

notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation

vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit

- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash

people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui

traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures

organisationnelles

- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde

une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute

agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les

marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse

sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts

concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7

(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash

drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash

attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de

chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise

laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes

laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash

dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities

Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation

- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une

double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-

mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation

- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de

la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle

laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave

crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie

- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation

sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective

relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de

lrsquoorganisation

Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern

ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une

5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo

Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New

York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983

8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process

Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19

Yvon PESQUEUX

5

localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de

la position dans le long terme)

Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash

acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une

nouvelle orme drsquoalliance strat gique

Focus sur la coopeacutetition

La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de

coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B

Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits

des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la

formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10

La notion a donneacute

lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11

qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de

coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12

qui approfondissent la double

relation de concurrence et de relations inter-organisationelles

La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la

coopeacuteration se produisent simultaneacutement13

La contribution de A Lado et al14

partent

du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies

coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15

la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie

des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces

auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune

art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources

exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la

coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents

qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie

comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations

coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec

lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G

Padula16

distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de

concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de

9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer

concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10

R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed

originale 1985) 11

A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12

M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and

Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13

B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum

Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14

A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15

M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in

Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16

G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value

Creation raquo EURAM Stockholm 2002

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

8

segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business

Administration Boston 1957 55

P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg

115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual

(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie

au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political

Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced

Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

39

constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

40

la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

41

il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

42

sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

43

la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

44

jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

45

cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

46

perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp

379-396

P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

343-368

- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press

Cambridge Massachussets 1982 207

M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

Page 5: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

5

localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de

la position dans le long terme)

Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash

acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une

nouvelle orme drsquoalliance strat gique

Focus sur la coopeacutetition

La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de

coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B

Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits

des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la

formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10

La notion a donneacute

lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11

qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de

coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12

qui approfondissent la double

relation de concurrence et de relations inter-organisationelles

La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la

coopeacuteration se produisent simultaneacutement13

La contribution de A Lado et al14

partent

du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies

coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15

la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie

des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces

auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune

art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources

exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la

coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents

qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie

comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations

coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec

lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G

Padula16

distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de

concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de

9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer

concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10

R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed

originale 1985) 11

A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12

M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and

Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13

B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum

Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14

A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic

Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15

M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in

Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16

G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value

Creation raquo EURAM Stockholm 2002

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

8

segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business

Administration Boston 1957 55

P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg

115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual

(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie

au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political

Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced

Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

39

constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

40

la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

41

il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

42

sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

43

la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

44

jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

45

cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

46

perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp

379-396

P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

343-368

- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press

Cambridge Massachussets 1982 207

M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

Page 6: La stratégie comme essence de l’gaiai

Yvon PESQUEUX

6

valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une

construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de

symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux

conditions initiales

La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec

- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)

- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride

- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)

- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple

- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra

organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est

encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)

Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes

preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde

entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing

(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine

globale de valeur raquo en est une manifestation tangible

Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes

(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les

modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec

des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave

lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les

acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits

services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et

ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de

comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon

trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation

et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans

la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)

Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au

onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un

capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des

acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les

constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et

organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere

strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une

capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure

agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point

de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients

la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de

la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa

dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash

menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique

laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre

une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre

croissance interne et croissance externe

Yvon PESQUEUX

7

Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les

constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration

verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon

distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle

activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie

nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des

entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la

question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne

ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave

celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon

retrouve la question des chaines globales de valeur)

Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va

venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives

proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les

deacuteveloppements qui suivent

Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours

strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et

mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs

Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese

chronologique

Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews

17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de

politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate

Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard

Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E

Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18

) appliqueacute aux deacutecodages des

eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode

de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue

lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de

registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension

laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths

ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de

volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation

strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise

en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au

plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac

nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave

mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La

17

K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18

E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin

Boston 1965

Yvon PESQUEUX

8

segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en

œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de

changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie

consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de

la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du

ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases

standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO

La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts

majeurs

- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc

une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier

on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique

ou une pandeacutemie comme une menace

- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des

strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement

les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des

laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes

veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients

- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement

communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il

devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la

matrice

- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit

agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors

consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees

crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management

- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la

laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees

ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes

consumeacuteristes

La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte

crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi

- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation

- La deacutefinition des buts poursuivis

- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle

- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis

- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et

diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes

- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles

- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique

Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo

Yvon PESQUEUX

9

Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise

ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19

A D Chandler construit la thegravese

drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune

strateacutegie20

par la mise en exergue de la tension scale and scope21

(eacutechelle taille pour

scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat

drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de

mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place

importante

Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de

Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General

Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et

la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation

plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements

fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation

organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de

lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de

preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des

r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de

lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont

rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les

compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la

diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants

automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez

DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez

Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes

oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une

vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et

Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place

une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La

Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne

organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une

croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par

hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces

laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave

lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le

seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de

managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire

(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et

certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la

mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient

as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence

chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s

19

A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press

of Harvard University Boston 1977 20

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 21

A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard

University Boston 1990

Yvon PESQUEUX

10

laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar

lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait

tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct

probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM

A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle

deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee

(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune

entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la

direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des

ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les

directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute

laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22

mais appliqueacutee agrave la

dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de

type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec

la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises

ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees

soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par

les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave

leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)

H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus

H I Ansoff23

a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le

rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en

particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources

compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et

lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose

sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun

vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de

marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions

strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo

H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de

lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute

strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux

questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du

contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)

Raymond E Miles amp Charles Snow24

et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash

structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types

22

F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24

R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill

1978

Yvon PESQUEUX

11

Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de

degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques

marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation

produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision

Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories

- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de

conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits

- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en

lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation

- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure

ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en

tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est

une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)

- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit

R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as

clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les

processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des

changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou

drsquoalignement strat gique

Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25

en montrant

comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec

- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par

des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes

locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction

- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la

ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes

de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux

- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit

pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et

changeants

- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base

drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s

globaux

- Le reacuteseau dynamique vers 1980

Dann Schendel26

et les patterns strateacutegiques

25

R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review

Spring 1984 26

A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon

February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround

Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3

1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo

Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A

Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21

ndeg 4 1978 pp 562-610

Yvon PESQUEUX

12

D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune

approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la

reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive

Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les

laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui

deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie

dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes

quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de

la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard

des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les

variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence

avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de

retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune

nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier

temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s

valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la

r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle

Les approches par les matrices

A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre

taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du

d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil

pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice

se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave

un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les

enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de

com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des

laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age

selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de

diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun

oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui

induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS

(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double

dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par

exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier

Restauration Loisir Artisanat et souvenirs

La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de

matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous

un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980

La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey

Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions

lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e

Yvon PESQUEUX

13

lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui

deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des

produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts

etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du

secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant

drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie

induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner

Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un

produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une

forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT

La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie

Leacutegal)

Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L

sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la

reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension

Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension

Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans

la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et

laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave

la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de

strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness

amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel

Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F

R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall

2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate

Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)

La matrice de portefeuille drsquoA D Little

Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit

du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit

service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins

financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)

Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement

naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)

celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute

qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur

un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un

marcheacute qui stagne)

Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)

Yvon PESQUEUX

14

Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27

son fondateur

agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question

La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume

de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et

drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur

investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du

temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une

meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement

une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de

lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie

drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix

La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant

compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative

Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le

second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui

deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible

avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle

significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification

suivante des produits en deacutecoule

PART DE MARCHE

Forte Faible

Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo

Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins

par les surplus quil mais possegravede un

deacutegage potentiel

CROISSANCE

DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo

Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position

ressources malgreacute leacutequilibre

laquo ressources ndash emplois raquo

agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise

La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la

rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une

moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin

sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement

Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres

diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec

lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation

concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a

pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie

tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont

ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage

27

B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business

Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts

and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006

Yvon PESQUEUX

15

concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement

retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est

le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et

plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus

les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie

o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la

part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute

observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute

Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les

causes

Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long

terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs

eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au

milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des

SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme

conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur

la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans

le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)

Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences

document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents

eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute

innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types

drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de

consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements

matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de

services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en

souligner lrsquoint recirct analytique28

La matrice de C Bowman amp D Faulkner

Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29

agrave artir drsquoune analyse de

la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de

coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6

strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur

ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la

strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte

valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts

(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue

et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et

coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de

perte de part de marcheacute)

28

P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and

Prospects Cambridge University Press 2004 29

C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997

Yvon PESQUEUX

16

Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30

Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t

formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A

G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave

relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy

Structure Systems Staff Style Skills Shared Values

La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la

maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne

les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les

systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des

tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories

ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de

management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant

agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences

distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel

eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage

concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes

quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation

Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces

diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux

affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)

peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long

terme

Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre

analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en

œuvre drsquoune strat gie

ocus sur la t ode elp es

La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les

otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un

travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien

questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des

consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question

os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne

donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute

deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand

Corporation31

30

R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31

Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris

1972

Yvon PESQUEUX

17

Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)

E R Freeman

32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al

33 replacent

dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus

de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou

individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de

lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme

un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves

des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties

prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations

eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties

prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son

aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-

centreacutee

Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants

- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar

ses deacutecisions

- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de

reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes

- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest

censeacute dominer les autres34

- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35

- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et

concurrents36

Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base

de deux variantes

- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite

dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir

ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation

communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de

g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner

lrsquoadh sion

- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation

sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il

srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit

32

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston

1984 33

H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of

Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation

Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20

ndeg 1 1995 pp 65-91 35

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36

T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and

Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91

Yvon PESQUEUX

18

A Acquier amp F Aggeri37

ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur

la base de quatre propositions

- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard

- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation

- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des

parties prenantes influentes et leacutegitimes

- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les

demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes

Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel

M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion

38 du fait du raisonnement en

avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le

laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le

pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la

menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)

forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune

chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence

strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a

eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters

clusters)

Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies

geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en

deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ

concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et

celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la

domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune

cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la

di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite

Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee

strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage

concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport

conceptuel agrave la question des clusters M Porter39

deacutefinit le cluster comme laquo une

concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees

lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-

Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy

deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme

secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur

37

A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de

la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38

M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979

ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press

New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance

Free Press New York 1985 39

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998

Yvon PESQUEUX

19

accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est

souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute

olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40

agrave distinguer deux

cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee

et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une

gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant

les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question

drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo

Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et

lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si

la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave

celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les

activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute

Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute

par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est

aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est

supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar

rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de

ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est

difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix

nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant

qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser

les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution

Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui

srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant

lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son

e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son

marcheacute

Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour

maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures

et intervenir dans diffeacuterents domaines

Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de

vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par

di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou

service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou

service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-

mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du

besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)

Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position

forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire

di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise

aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi

40

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642

Yvon PESQUEUX

20

gagner des parts de marcheacute

Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors

consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus

ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue

Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le

seuil de rentabiliteacute

Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la

satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser

In fine en accord avec D L Deephouse41

qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en

formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le

mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre

di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M

Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie

La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et

de la latitude drsquoaction du dirigeant

Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses

proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de

gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash

Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le

conseil drsquoadministration

Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties

prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele

drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou

moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle

compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne

as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest

alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un

im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre

drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42

a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie

laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la

gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les

demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes

On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties

inteacuteresseacutees43

agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant

face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les

41

D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o

Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42

Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-

02544474 1642020 43

Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la

pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020

Yvon PESQUEUX

21

politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du

tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave

la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de

lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une

geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune

gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de

gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi

les autres

Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des

employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

Focus sur la participation et les modegraveles de participation

La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du

dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de

neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les

repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions

repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44

et

dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est

preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45

A

lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme

de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le

deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle

constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant

politique46

Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le

surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux

nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47

Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des

travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux

relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet

selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la

n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de

nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains

points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les

diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante

entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle

de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode

de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la

44

OIT httpwwwiloorg 45

B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication

des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46

Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47

S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du

travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008

Yvon PESQUEUX

22

participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des

beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties

concerneacutees et de leur li ert drsquoaction

La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du

Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48

Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des

organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est

appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En

effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration

entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au

niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que

lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein

de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs

aux reacutesultats

A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la

participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique

- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction

comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des

socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par

exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un

systegraveme drsquoautogestion

- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en

œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous

Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49

Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller

amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees

artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision

Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants

- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune

in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s

- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes

des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision

- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un

repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet

de la consultation effectueacutee

- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre

le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes

- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes

P J D Drenth et al50

et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au

continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son

48

G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss

Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49

F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational

Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241

httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5

Yvon PESQUEUX

23

avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux

subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans

neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise

re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels

strateacutegique tactique et opeacuterationnel

Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51

Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre

dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la

participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets

Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au

regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes

direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux

employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le

contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes

Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires

Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque

de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi

question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo

Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52

mettent lrsquoaccent sur deux ty es de

ressources sur un territoire donneacute

- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est

indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-

qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le

march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire

laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo

- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de

leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du

district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir

ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du

patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont

alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est

engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des

connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des

connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont

produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo

50

P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-

Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51

H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in

Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52

G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque

international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial

Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004

Yvon PESQUEUX

24

Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et

fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo

La filiegravere

Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du

terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un

processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison

avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53

Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme

eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique

Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54

avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu

orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension

marchande P Hugon55

dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de

filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des

strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des

effets de synergies

Le district

Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les

travaux drsquoA Marshall56

relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones

donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des

employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57

le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur

une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans

des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7

que des auteurs italiens tels que G Beccatini58

se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district

car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de

laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute

socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale

circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune

population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se

produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la

communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C

53

L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans

lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo

Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54

J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business

Administration Boston 1957 55

P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg

115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56

A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale

1890) 57

J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F

Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58

G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les

reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39

Yvon PESQUEUX

25

Daumas59

met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la

proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des

institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales

pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale

n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les

de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na

pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et

sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur

dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie

notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district

Le cluster

M Porter60

le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles

dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les

exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant

le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination

de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre

organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme

lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave

linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du

deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell

et al61

distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance

relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les

compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un

cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des

membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac

ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62

) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la

possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des

a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication

Leacutecosystegraveme daffaires

Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63

recouvrant lrsquoexistence drsquoune

communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de

cluster J F Moore64

constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme

est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs

creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon

59

J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60

M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -

deacutecembre 1998 61

S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of

Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62

A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of

French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique

Rennes 26-28 mai 2014 63

Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et

figure raquo halshs-02518773 2532020 64

J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -

juin 1993

Yvon PESQUEUX

26

deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de

firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires

co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de

laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour

dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport

hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires

Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65

la

domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la

domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et

la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne

soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches

innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques

Le Systegraveme Productif Local (SPL)

La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee

sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation

fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant

des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de

production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de

transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que

celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des

entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi

des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de

recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66

) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre

plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee

deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite

lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen

termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le

com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune

entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es

Selon C Courlet67

un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration

drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme

de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles

et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement

marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour

lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les

eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la

multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel

Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en

longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se

65

S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes

daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66

C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de

Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67

C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan

Paris 2001

Yvon PESQUEUX

27

distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute

de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales

Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)

Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D

Chabaut et al68

deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs

heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave

un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un

territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes

externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une

meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de

nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en

conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et

priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de

nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de

regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et

structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves

diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible

que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le

des relations qui y est rechercheacute

Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo

Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69

qui se caracteacuterisent

par

- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres

- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res

Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la

soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire

(2014)70

et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance

( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus

speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la

logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective

La meacuteta-organisation

Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne

amp N Brunsson71

) H Dumez72

deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation

constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee

68

D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux

de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des

entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69

G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of

Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70

Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71

G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence

SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72

H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36

Yvon PESQUEUX

28

par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73

stipulent quune

meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement

autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation

(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre

traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest

pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs

raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des

mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de

lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou

encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent

laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-

organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des

Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux

inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law

homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des

recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les

membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement

certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute

de destin de localisation de branche par exemple)

La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74

Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La

laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans

lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un

laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions

sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations

Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement

les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee

donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance

de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les

croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les

influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable

identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere

unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans

drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites

symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace

pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son

73

R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in

Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74

H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion

2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip

et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual

(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan

collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers

un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie

au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies

laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la

proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005

Yvon PESQUEUX

29

com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est

consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee

indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble

des interfeacuterences du site

Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen

(1996)75

Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-

mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation

Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les

chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute

Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions

manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui

interagissent76

LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s

directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et

lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi

preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent

les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les

auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil

nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir

Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations

qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive

La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des

l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient

La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur

la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose

M-J Chen et al77

d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune

vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en

tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation

donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle

affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du

marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et

75

M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical

Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134

httpsdoiorg102307258631 76

M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research

Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210

httpsdoiorg101080194165202012660762 77

M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability

Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118

httpsdoiorg105465AMJ200724162081

Yvon PESQUEUX

30

al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le

laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune

organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait

essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux

dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme

concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la

ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute

opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension

laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation

de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour

lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les

diffeacuterents acteurs du marcheacute

On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type

positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs

voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une

r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension

concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave

entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une

autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait

que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les

dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les

di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait

avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est

pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs

du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience

drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des

perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce

sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction

produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte

Focus sur la deacutependance de sentier

La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78

pour

ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et

innovations D North79

rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse

technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond

agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des

mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes

sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux

acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions

donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce

conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur

78

P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may

1985 pp 332-337 79

D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M

Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed

originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)

Yvon PESQUEUX

31

laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel

Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui

tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un

rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme

qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des

choses)

Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere

drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80

ont proposeacute un

modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des

ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les

deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision

de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des

alternatives de renouvellement et lrsquoessai

D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ

de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune

nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le

drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles

formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les

regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que

lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier

implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)

dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que

lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar

lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle

est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle

ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique

entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant

d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement

institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de

sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique

institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur

la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la

orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la

theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele

drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une

s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la

reproduction institutionnelle81

Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique

des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de

lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit

srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la

80

J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress

and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81

W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political

Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced

Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-

resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981

Yvon PESQUEUX

32

vision dynamique de lrsquo volution graduelle

Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)

Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo

Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash

exploitation raquo82

poseacutee par W J Abernathy83

en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre

knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des

ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur

les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la

di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement

en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la

socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise

la cr ation drsquoun avantage com titi

Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black

swan84

qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes

financiers)

Focus sur lrsquointelligence cono ique85

Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des

conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action

agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur

lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de

donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement

(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre

en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es

F Bullinge amp N Moinet86

rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la

deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de

distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs

eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un

modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les

concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87

C Harbulot88

agrave la

82

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol

2 ndeg 1 1991 83

J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84

N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed

originale 2007) 85

H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas

des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86

F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et

Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87

B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88

C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007

Yvon PESQUEUX

33

fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89

) comme eacutetant une des

reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90

ait de lrsquoI un outil de la

compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91

)

La d marche drsquoIntelligence conomique ermet

- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s

- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire

- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs

- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son

d velo ement et de la rotection de ses int recircts

- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)

et les respecter

es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)

LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de

veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une

in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur

a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92

La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII

(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre

composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)

way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle

de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation

Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus

cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de

roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de

d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une

perspective de performance

e odegravele de Jakobiak (2004)93

Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele

drsquointelligence conomique en cinq oints

- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le

du groupe

- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser

de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode

89

INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin

2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90

G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91

C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp

59-67 92

M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes

drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93

F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence

eacuteconomique Eyrolles Paris 2004

Yvon PESQUEUX

34

et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de

calendrier

- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation

concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs

(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)

- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de

lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les

recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs

les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation

des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)

- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques

in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et

sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de

formation organisation des groupes de travail)

Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts

e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence

Economique (AFDIE) (2004)

Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en

systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise

de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes

les parties prenantes raquo

Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux

humains sont

- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations

o serv es

- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque

agent organisationnel

- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous

e odegravele de Achard (2005)94

La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement

afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec

lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au

degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives

- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence

conomique

- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier

de veilleur et de ses com tences

- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant

les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations

utiles agrave tous les niveaux

94

P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash

Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9

Yvon PESQUEUX

35

- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des

modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en

ad quation avec les o jecti s

- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s

Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la

coordination du systegraveme drsquoI

Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique

(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95

Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents

facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel

strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du

passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo

Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal

(2012)96

Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace

multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique

et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du

rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur

(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se

d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les

communauteacutes de pratiques)

rsquoa bidextrie organisationnelle

Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires

drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation

ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi

drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97

Elle a eacuteteacute

formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98

agrave partir des travaux de M L Tushman amp

C Orsquo eilly99

la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a

donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B

95

C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage

strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence

conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008

httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96

B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction

provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire

224 p 97

J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2

ndeg1 1991 pp71-87 98

M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity

Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99

M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and

Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30

Yvon PESQUEUX

36

Gibson100

sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de

reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101

) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche

de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s

drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la

grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites

entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur

lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu

s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont

Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau

individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes

dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la

notion

Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo

La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne

102 La meacutetaphore de

lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean

rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace

connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible

renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies

g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas

aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et

de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-

dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de

(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire

Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull

De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective

- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes

en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march

traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les

er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance

de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an

rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des

organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du

laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus

vaste)

- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer

atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en

acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo

100

J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP

EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101

P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration

and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-

307 102

W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan

Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux

espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)

Yvon PESQUEUX

37

existants

Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo

- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces

laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas

satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s

comme appartenant agrave un autre marcheacute

- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux

segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash

utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante

choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de

lrsquoo re ex lorer les grandes tendances

- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire

les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les

diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo

- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition

laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo

- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents

organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification

des rimegravetres drsquoaction

Focus sur les Business models

Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme

et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele

et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois

laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune

con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo

et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se

renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une

contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le

business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des

eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu

des laquo arrangements raquo de marcheacute

Avec le business model103

il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans

lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le

tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement

question drsquo checs

Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps

drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus

souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)

organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de

103

L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour

des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de

Strasbourg 2010

Yvon PESQUEUX

38

secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele

drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute

Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse

indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable

laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les

interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les

routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires

technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour

la premiegravere fois dans un article de R Bellman104

en 1957 avant de connaicirctre un usage

meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la

deacutecennie 90105

La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la

contingence technologique

Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions

- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes

(business concept business idea etc)

- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern

etc)

- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave

lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des

composantes et les relations eacutetablies entre eux

Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes

de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value

proposition raquo)

La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux

theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106

le deacutefinissent comme

laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec

les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C

Mayo amp G S Brown107

mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de

creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S

Cantrell108

deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de

lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating

value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a

rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit

understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se

limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a

plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles

Pour D Teece et al109

le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et

104

R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105

A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future

of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106

N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management

Review vol 43 ndeg 46 1998 107

M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol

63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108

J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for

Strategic Change MayJune 2002 109

D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Yvon PESQUEUX

39

constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle

(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours

le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de

penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le

besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo

A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes

distincts mais compleacutementaires

- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie

laquo reacuteelle raquo

- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire

un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes

- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la

reacutealiteacute

R Alt amp H D Zimmermann110

distinguent six l ments drsquoun business model mission

structure processus revenus obligations leacutegales et technologie

Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui

semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions

- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est

ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants

- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec

preacutecision les sources de revenus

- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la

mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation

de valeur

- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business

model agrave long terme

Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le

rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les

changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La

question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun

raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des

solutions existantes

Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)

au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de

ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit

service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du

financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance

Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement

Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110

R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann

amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15

Yvon PESQUEUX

40

la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)

Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111

- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)

- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles

reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele

eacuteconomique de chaque ideacutee)

- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)

- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)

- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)

- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model

Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee

clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc

avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model

est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte

Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie

K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie

112 Il propose

drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave

des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance

du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute

drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on

ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie

Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met

eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables

dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main

drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises

multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts

lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique

ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur

humain

Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de

lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir

modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche

strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s

rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va

mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par

esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus

ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo

111

P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112

K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books

Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press

New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy

Harper Perennial New-York 1990

Yvon PESQUEUX

41

il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative

laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des

coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la

mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant

lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les

di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le

Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est

drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines

technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees

creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute

Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-

tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la

soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la

pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le

Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de

lrsquointernationalisation des entreprises

e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113

) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir

Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e

comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son

ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la

creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois

eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle

et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114

proposent

une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires

comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le

deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement

increacutemental

rsquoapproc e dite du born global

Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises

qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115

se sont inteacuteresseacutes

aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les

International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et

Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves

113

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge

Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies

vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114

J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From

Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40

2009 pp 1411-1431 115

B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of

International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64

Yvon PESQUEUX

42

sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de

ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation

diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette

deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116

repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge

lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son

avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout

technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des

ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise

deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple

lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s

Focus sur les facteurs cleacute de succegraves

Selon T Verstraete117

la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines

de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R

Daniel118

ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la

suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee

rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait

de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le

management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position

drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre

Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de

variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et

dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur

Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute

n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent

des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de

reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau

drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n

1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119

(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la

Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils

soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace

pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en

rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en

termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de

116

S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave

lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue

Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117

T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur

strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo

VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118

D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp

111-121 119

A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur

la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997

Yvon PESQUEUX

43

la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy

ayant aucun sens

La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki

120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient

durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave

lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune

organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au

niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121

Une telle

deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une

conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique

de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui

est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut

eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave

celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout

en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la

laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement

deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La

quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et

lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel

Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le

niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970

lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing

les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash

efficience raquo

Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des

principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le

taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de

rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel

eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux

drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le

niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur

les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des

parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du

moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en

progression par rapport agrave la moyenne du secteur

La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun

niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute

focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour

objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se

traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui

ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele

120

H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121

O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995

Yvon PESQUEUX

44

jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres

coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun

impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere

La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de

prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave

lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit

dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la

creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee

dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de

compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures

de production la chaine logistique etc

La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la

production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au

travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de

revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation

ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de

compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant

de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires

etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant

des marges drsquoauto inancement

Richard P Rumelt122

Birger Wernefelt123

Jay B Barney124

et la

theacuteorie de la ressource

La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et

intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un

avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de

deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et

leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La

logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s

actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des

ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable

rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur

deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s

contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un

portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la

strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage

concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6

122

R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic

Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123

B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2

1984 pp171-180 124

J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol

17 1991 pp99-120

Yvon PESQUEUX

45

cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles

technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle

agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un

apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective

organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel

ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de

lrsquoapproc e en RBV aux E)125

A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures

er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute

concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec

lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes

neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la

capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la

dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met

en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne

les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles

comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la

reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources

opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des

facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi

distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le

co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou

manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les

performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la

notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq

eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances

lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de

er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave

maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence

strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de

geacuteneacuterer des options strateacutegiques

Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo

Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec

dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of

Management126

Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de

strateacutegies efficaces

Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur

de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les

125

A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized

Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126

D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001

Yvon PESQUEUX

46

perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux

clients

Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants

- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions

strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options

strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du

marcheacute

- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la

congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus

fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques

strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation

- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec

la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en

conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les

processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent

onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables

eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain

- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee

par des meacutetriques plus fines

Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de

toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour

atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et

retenir le client

La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des

positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens

solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent

lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes

avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires

auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute

Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et

autour du produit commercialiseacute

Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems

reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une

ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie

La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic

intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127

La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou

encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses

127

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994

Yvon PESQUEUX

47

concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les

activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre

externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave

de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre

difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non

individuelle)

La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne

srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire

de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la

notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee

de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit

amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et

des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et

un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et

une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel

Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste

vers une approche en strategizing

Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J

Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128

La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est

que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la

rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune

entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute

organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave

des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La

notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G

Hamel129

comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130

Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute

opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une

reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131

Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation

connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un

changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les

organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute

Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs

membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s

strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des

as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer

128

D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic

Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 130

I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the

Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982

Yvon PESQUEUX

48

les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici

Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante

Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer

(transforming)132

Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -

A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT

Prentice Hall New York 2002

n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces

auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent

chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique

Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique

suivants

- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie

projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave

celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de

formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles

de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)

- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et

ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu

- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu

strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)

- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er

son concurrent ou adversaire

Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir

- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie

- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches

laquo strateacutegistes raquo)

- Comment se forment elles

- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation

- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient

- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte

Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes

- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de

la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la

faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se

constituent effectivement

- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la

strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir

culturelle)

132

D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)

Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350

Yvon PESQUEUX

49

- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les

combiner

Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

conception)

Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133

et Strategy and Structure de A D Chandler134

Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la

Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R

Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune

strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses

internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths

weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion

strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute

( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les

plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour

chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des

investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent

contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion

strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas

aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes

drsquoa rentissage

Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente

joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise

en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de

lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente

lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents

organisationnels

Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la

structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer

de structure en changeant de strateacutegie

Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)

Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de

reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135

Cette approche a eu une influence

consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de

leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes

sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la

preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait

se substituent aux dirigeants dans la phase de conception

133

P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134

A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press

Cambridge 1962 135

H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965

Yvon PESQUEUX

50

La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre

laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi

que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes

La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure

de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne

permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes

avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)

Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus

analytique)

Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui

a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement

strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du

Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General

Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de

strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que

quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que

la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition

strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure

Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives

- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits

de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur

lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille

lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met

en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans

lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions

geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations

- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en

exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance

- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele

classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes

et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march

relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour

capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte

marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits

laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids

morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits

laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de

mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience

- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces

de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de

substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre

concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages

concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit

le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque

fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions

Yvon PESQUEUX

51

opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et

d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les

systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation

sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en

aval

La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire

la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es

quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant

lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du

contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute

Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave

consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent

pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La

deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une

perspective singuliegravere

Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)

Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du

dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des

plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral

exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en

fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes

en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable

de la ersonnalit de lrsquoentre reneur

Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)

Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche

srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136

et de J G March137

qui ont vulgaris lrsquoid e que le

deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138

et S Makridakis139

en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos

tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des

relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance

avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp

C R Schwenk140

ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou

drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux

alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le

136

H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative

Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice

Hall Englewood Cliffs 1977 137

RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138

A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of

Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139

S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York

1990 140

I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and

Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash

295 httpsdoiorg102307257970

Yvon PESQUEUX

52

strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont

fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo

lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir

sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo

Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et

lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la

compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege

cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)

Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et

ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C

Lindblom141

sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur

lincreacutementalisme de J B Quinn142

Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que

les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent

collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps

que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent

drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne

Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave

deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143

) Pour

eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui

fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G

Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de

laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources

sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une

meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations

Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les

concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du

savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en

compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant

aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute

Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)

Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C

Mac-Millan144

J M Sarrazin145

sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A

141

C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2

1959 pp 79 - 88 142

J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143

C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review

mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-

aoucirct 1994 144

I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145

J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous

Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978

Yvon PESQUEUX

53

Pettigrew146

et J L Bower amp Y L Doz147

sur la formulation de la strateacutegie comme

processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris

dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le

deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et

que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les

agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation

comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein

dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies

dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct

L G Bolman amp T E Deal148

avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre

divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des

diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et

la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de

ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au

conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est

la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage

de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo

Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La

strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie

comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions

plutocirct que celle de perspectives

Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149

M Lipsky150

)

concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo

signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des

strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps

passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des

changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement

eacutemergentes

Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en

controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi

bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances

146

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147

J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo

in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and

Planning Little Brown and Company Boston 1979 148

L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass

higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd

ed) Jossey-Bass New York 1977 149

G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies

Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150

M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp

M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology

Press pp 391-402

Yvon PESQUEUX

54

Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques

selon une approche rationnelle E R Freeman151

propose un modegravele de laquo processus de

formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du

comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le

comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation

drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher

drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la

artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R

Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de

formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie

renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus

favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles

Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que

celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo

Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)

La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du

management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de

lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152

et R Normann153

qui ont mis en avant

lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une

interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations

sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre

individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une

connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A

Pettigrew154

la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune

culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie

de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees

avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la

propreteacute

Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave

lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155

qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en

proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en

deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui

integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage

strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de

lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156

lrsquoorganisation est un faisceau de

ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital

organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il

151

E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152

E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973

ASIN B01F820888 153

R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-

13 978-0471995135 154

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 155

B Wernerfelt op cit 156

J Barney op cit

Yvon PESQUEUX

55

eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques

eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute

Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle

deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture

Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

reacuteaction)

Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence

majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et

les laquo theacuteoriciens des institutions raquo

La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement

et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du

management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et

des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la

stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit

M T Hannan amp J Freeman157

considegraverent que les adaptations progressives restent des

changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele

eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle

organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation

lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les

ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations

les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest

as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont

acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide

de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de

nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations

ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement

qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose

La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son

secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les

ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources

symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de

convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent

acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise

le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de

lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression

exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est

lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du

benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de

lrsquoex ertise

157

M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of

Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64

Yvon PESQUEUX

56

C Oliver158

critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne

sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses

strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation

Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de

transformation)

Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit

lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des

laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une

place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation

Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques

comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des

eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun

eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus

normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de

litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la

mecircme eacutecole

Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P

Khandwalla159

avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en

œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de

correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec

une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de

recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute

diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de

reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses

caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces

stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les

organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes

de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative

de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de

deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune

adaptation plus ou moins continue

Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D

Miller160

qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar

exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie

158

C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp

563-588 159

P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of

Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs

of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations

Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160

D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of

Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of

Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and

Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980

pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal

1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal

ndeg 4 1983 pp 221-235

Yvon PESQUEUX

57

dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte

simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D

Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le

changement increacutemental de J B Quinn161

et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son

ouvrage The Icarus Paradox D Miller162

avance que la configuration pourrait ecirctre

lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques

de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les

quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse

inventive et de deacutecouplage

Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163

qui classe les

comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction

drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus

le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin

de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la

qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de

nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche

moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et

maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit

agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres

a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)

Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164

qui a tudi la trans ormation drsquoICI

sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus

increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois

lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de

preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par

des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D

Hurst165

d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui

srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166

quant agrave lui a

identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le

changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le

changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le

changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit

hieacuterarchique

161

J B Quinn op cit 162

D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163

R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management

Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164

A Pettigrew op cit 165

D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business

Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827

ISBN-13 978-0875845821 166

H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal

Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-

59 httpwwwjstororgstable2486365

Yvon PESQUEUX

58

Focus sur Robert A Burgelman (2008)167

et le laquo diamant strateacutegique raquo

Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la

perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de

construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de

la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la

conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de

lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour

in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent

Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la

ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels

il va falloir faire

Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu

des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing

Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168

soutient que la strateacutegie est

galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun

raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de

planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre

mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir

cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de

la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude

de cas drsquoentre rises telles qursquoApple

rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169

Anne Huff et Paul

Shrivastava

Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre

les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus

aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions

etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave

la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension

sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour

reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques

167

R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford

University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M

Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill

Londres 2008 168

J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford

University Press 2014 169

R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization

Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the

Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic

Management Journal vol9 1988 pp 75-91

Yvon PESQUEUX

59

A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements

strateacutegique170

P Shrivastava171

srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant

neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -

nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la

nature en sciences de gestion

rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172

Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A

Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait

de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le

changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode

articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus

et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste

re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle

est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les

pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait

reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer

lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente

sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave

eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux

niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du

systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)

Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de

parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave

lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les

processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche

descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse

contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus

interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de

r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse

contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs

conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de

nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale

Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173

170

A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms

Change Direction Oxford University Press 2000 171

P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson

Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate

Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global

Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172

A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries

Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987

ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988

Yvon PESQUEUX

60

David Barry et Michael Elmes174

Stephen Cummings175

La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de

gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait

que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres

conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du

pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la

reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours

manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat

drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits

au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de

concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la

l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations

aujourdrsquohui

D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de

fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension

performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de

narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la

narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles

amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des

structures drsquoH Mintzberg176

) et la narration polyphonique (exemple donner une

repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177

) typologie

construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178

Crsquoest ce qui ait du storytelling

une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents

organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la

recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de

lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit

proposeacute W L Randall179

propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside

story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au

v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la

communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar

les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute

comme un programme narratif

S Cummings180

met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par

exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de

173

D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo

Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174

D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo

Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175

S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London

2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176

H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New

York 1979 177

D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative

Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178

M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179

W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180

S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003

Yvon PESQUEUX

61

la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux

termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de

la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des

secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de

la strateacutegie

Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C

Martinet

Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont

publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181

qui fait le point des

controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard

drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la

dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations

avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre

eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des

controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces

deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et

organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme

activit sociale drsquoordre ratique

A-C Martinet182

aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques

- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement

identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution

- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation

suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour

identifier le problegraveme et choisir une solution

- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe

et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic

Il signale ainsi183

la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit

de logiques de reacuteflexion

- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave

atteindre

- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et

qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave

- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave

lrsquoorganisation

- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation

performative

La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il

signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme

preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme

181

H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press

2003 182

A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183

A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7

Yvon PESQUEUX

62

prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant

de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un

champ de construction de meacutethodes

La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184

Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est

une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la

perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et

contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune

autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les

analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave

accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash

le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels

im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau

de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-

institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la

neacutecessiteacute du recul critique

La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la

retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L

Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau

de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de

calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature

agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme

meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une

approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185

distinguent

trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects

essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de

routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les

effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent

mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)

et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans

le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des

middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion

drsquo mergence

T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as

Practice raquo186

Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se

184

R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185

M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science

vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186

T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and

Society 2007 pp 1-27

Yvon PESQUEUX

63

sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif

(S Burchell et al187

) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T

OrsquoLeary188

et la th orie de lrsquoacteur r seau (A

Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle

du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de

choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale

pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents

organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent

quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs

objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la

responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement

des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation

Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du

management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent

o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res

de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes

quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs

La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre

humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et

processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le

management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les

actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels

du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des

acteurs humains

T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la

pratique de P R Schatzki189

combineacutee avec le concept de laquo structure

drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190

En appliquant la

theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre

consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces

pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la

configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres

organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils

discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des

contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les

187

S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in

Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188

P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp

379-396

P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting

Organizations and Society 1987 pp 235-265 189

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190

C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633

Yvon PESQUEUX

64

consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et

reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives

etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du

pilotage des organisations raquo

En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of

intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce

qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique

(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau

(ANT) de B Latour et al191

theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192

penseacutee de L

Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo

Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir

des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui

est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre

analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec

son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit

A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management

control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais

non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management

accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une

ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le

management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)

ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit

ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme

tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s

quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le

fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau

constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct

le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of

intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence

de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le

deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo

en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles

et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de

pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes

Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur

ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute

deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la

conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)

et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control

191

M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and

Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp

343-368

- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole

des Mines 2006 192

P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P

Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994

Yvon PESQUEUX

65

practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu

le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif

final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du

marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard

drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs

praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti

inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit

de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un

objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les

fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le

marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans

lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique

aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et

essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette

chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les

diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est

le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion

Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du

futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et

de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des

discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun

avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure

drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du

plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier

souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning

manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les

fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting

La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave

le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets

relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le

chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la

cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la

formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing

comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la

concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer

les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de

march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la

renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique

Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union

drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone

et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le

management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs

propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par

exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de

sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de

restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur

marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de

restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains

Yvon PESQUEUX

66

font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la

seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux

auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires

hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut

utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que

leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles

coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de

performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir

des managers de zone

Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des

organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du

fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les

diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources

humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations

(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie

En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management

control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques

fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles

car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de

la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes

et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique

Focus sur la notion de pratique organisationnelle193

Introduction

La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee

sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue

agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met

lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et

la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme

perspective

En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine

organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194

) En management strateacutegique

crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195

) En matiegravere de

techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la

reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et

drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de

193

Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de

gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press

Cambridge Massachussetts 1982 195

R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic

Organization ndeg 1 2003 pp 117-125

Yvon PESQUEUX

67

r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle

laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle

est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement

drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct

comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant

laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-

pratiques ses registres et leur traduction

Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de

lrsquoorganizing

Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi

du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement

etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects

drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant

que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre

consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo

Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et

celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et

agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et

organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo

et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere

agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce

qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un

environnement (logiques supra-organisationnelles)

n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois

niveaux196

- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles

- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-

institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de

lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il

en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques

qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi

de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de

laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation

des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune

logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune

organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel

lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme

relationnelle

- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit

Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle

de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie

deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument

drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans

196

Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020

Yvon PESQUEUX

68

ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des

cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par

les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la

su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles

se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur

lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions

ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation

de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et

touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)

Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les

reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere

qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche

qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles

Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en

exergue

- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la

faisabiliteacute

- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197

qui met lrsquoaccent sur les schegravemes

cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir

adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience

La notion de best practice

La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la

notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique

comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le

cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique

il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow

amp S Gherardi198

qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice

ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des

notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199

) On

ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait

aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management

scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de

mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave

une vision ordinale

Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette

de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices

Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best

practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre

197

P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198

D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M

E Sharpe New York 2003 199

G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review

ndeg 68 1990 pp 79-91

Yvon PESQUEUX

69

uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est

souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un

r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la

direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation

de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest

au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo

(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La

best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors

situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une

promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter

lrsquoado tion (P Wirtz200

) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201

et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e

drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par

socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des

organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme

laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation

(Y Pesqueux202

) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au

jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire

eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best

practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus

transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum

sans pour autant veacuteritablement le dire

Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif

mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W

Powell203

ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la

leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est

supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice

eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best

practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins

ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est

question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de

la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne

saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on

retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere

avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est

de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur

un atavisme organisationnel

200

P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en

Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives

Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201

I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De

Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese

Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202

Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg

speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203

P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective

Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160

Yvon PESQUEUX

70

La notion de laquo routine organisationnelle raquo

Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est

consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le

problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de

tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo

M S Feldman amp B T Pentland204

situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205

en

1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206

comme

un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche

qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En

2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines

organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective

deacutebouche sur un Handbook207

marque de lrsquoim ortance de la notion

La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune

meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports

de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un

des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations

possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables

ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations

afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la

reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re

de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de

hylog negravese que drsquoontog negravese

M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre

assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de

changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un

roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les

niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute

laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que

comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la

terminologie de B Latour208

en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo

des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme

eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants

humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et

drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans

son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent

organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les

ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave

204

M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of

Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205

E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol

34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206

R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press

Cambridge Massachussets 1982 207

M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208

B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte

Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989

Yvon PESQUEUX

71

lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est

reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la

validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il

des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches

o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du

ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash

reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo

En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209

ont proposeacute

une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et

renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo

Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210

permet de sortir de lrsquoo osition

entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif

entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave

la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps

sa conseacutequence raquo211

La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste

le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept

interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn

et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de

la connaissance par les personnes212

La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la

maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la

creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de

lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire

organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus

externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire

ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage

organisationnel213

(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte

tenu du risque de competency trap214

qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines

dysfonctionnelles

La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature

leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215

soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit

organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de

sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation

drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage

209

B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines

A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210

A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of

California Press 1986 211

B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212

S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization

vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213

B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1

1988 pp 319-338 214

B Levitt amp J G March op cit 215

M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010

Yvon PESQUEUX

72

organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs

tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash

comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo

laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo

Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi

laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la

conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec

la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative

On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest

agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de

maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest

ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au

XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e

drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable

Drsquoa regraves A MacIntyre216

les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives

eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints

en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune

pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res

regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent

Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la

com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont

lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien

intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est

commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme

laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre

capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche

effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217

Les iens drsquoune ratique ne sont

atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres

dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous

devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage

et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes

diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces

codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les

ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le

temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui

elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques

seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est

donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les

biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui

explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de

la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues

216

A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217

A MacIntyre op cit p 173

Yvon PESQUEUX

73

Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches

pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie

avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen

distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique

drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne

orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie

aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses

deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer

Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme

conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de

lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et

il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la

seacuteparation analytique entre faits et valeurs)

Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet

zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo

et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit

une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit

agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218

a contribueacute agrave la

promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et

constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une

histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees

et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode

de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif

drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit

Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle

Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension

laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique

organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce

au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans

la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit

laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la

mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute

sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os

La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement

comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate

qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son

oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer

ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue

de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la

di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee

Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et

des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison

218

P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331

Paris 2000

Yvon PESQUEUX

74

drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction

(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute

la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans

la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition

(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances

Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse

geacutenegravere la pratique

Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219

distinguent les

raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la

reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels

(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et

identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors

consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles

estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des

ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social

Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220

deacutefinissent une pratique

comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance

drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221

souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s

organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ

speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la

Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la

pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et

rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere

les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment

routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la

deacutefinition donneacutee par E Morin222

agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie

enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et

se transforme

W Orlikowski223

en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la

distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle

ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en

consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de

ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au

travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont

ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs

comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme

implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la

219

S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220

S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory

and Practice Sage London 2008 221

R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von

Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222

E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223

W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our

Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007

Yvon PESQUEUX

75

troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours

laquo situeacutees raquo

Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi

eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques

sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de

com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes

reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-

organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la

mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence

Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique

est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la

dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune

meacutethodologie

La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224

Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune

organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo

site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du

social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au

regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations

mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225

le

niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and

saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour

constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et

de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre

diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche

(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches

Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet

drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique

Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre

meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo

- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique

(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire

savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer

- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se

deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des

configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et

de lrsquoautorit

224

T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University

Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The

Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of

Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo

Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225

D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012

Yvon PESQUEUX

76

- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les

actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions

que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette

structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent

otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits

- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la

compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les

acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si

quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il

nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo

Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective

structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general

understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la

survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au

risque drsquoecirctre exclus

Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations

mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau

(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets

mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil

nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar

ra ort agrave lrsquoA T

Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision

relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une

organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques

relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material

arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes

drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its

predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se

reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique

La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux

preacuteceacutedents meacutecanismes

Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la

pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs

participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux

mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale

et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes

de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions

Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree

of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de

comportements acceptables

Yvon PESQUEUX

77

La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226

Les reacutefeacuterences en sont les suivantes

- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un

contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle

- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le

dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La

complexiteacute la caracteacuterise

- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le

cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune

ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les

pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que

lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques

- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et

internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui

egravesent sur lrsquoinertie des ratiques

- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et

des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le

management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique

et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture

- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi

que de savoir-ecirctre

Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee

comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de

praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie

tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation

historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et

lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en

sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le

practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours

proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme

le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors

en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising

correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans

laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion

de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le

practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ

(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le

practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique

aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la

variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances

La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique

(cf M Foucault227

pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de

domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et

construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme

226

Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E

Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227

M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975

Yvon PESQUEUX

78

(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou

moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228

pour

qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de

proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de

tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont

repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement

pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere

galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au

sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence

conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune

ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux

notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode

syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un

ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229

reprenant et enrichissant

les concepts de B Latour230

fondent la notion de routine comme synonyme de celle de

practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant

construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le

va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de

la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible

structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e

de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le

performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux

speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de

faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer

les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-

mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit

drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et

des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise

avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un

moment donneacute

La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement

drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et

la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice

laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure

l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la

r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion

relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant

consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave

lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme

pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De

faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres

termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la

228

M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection

laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229

B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and

Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230

B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed

originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard

University Press 1987)

Yvon PESQUEUX

79

fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les

comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest

jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max

Weber231

) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-

inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de

changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des

practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du

manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les

pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de

d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment

elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de

lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la

question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle

exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que

contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles

de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles

et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique

Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as

Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la

socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au

regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de

situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique

lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les

arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct

drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les

praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie

drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de

standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la

connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-

organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le

rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de

com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest

donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en

reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est

une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel

ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des

logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir

ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute

instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est

cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices

et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management

scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une

laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors

consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours

manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en

phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)

231

M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale

1904)

Yvon PESQUEUX

80

Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-

faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes

Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le

drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux

situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend

donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il

considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du

champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des

modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des

practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on

y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de

usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la

meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus

im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le

versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent

se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de

re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising

une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le

practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le

moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash

transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave

de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232

)

Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie

applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations

sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les

practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing

dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La

rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la

stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising

constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de

d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une

forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre

consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques

organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des

practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le

moment de leur discussion

Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages

practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de

lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective

rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e

drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est

consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent

du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le

232

N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003

Yvon PESQUEUX

81

practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis

sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration

Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo

PRACTICES PRACTICING PRACTISING

Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation

lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme

un ensemble de une polarisation un ensemble

practices de projets et de drsquo l ments en

practices neacutegociation

Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de

jugement valeur valeur

Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-

lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle

-nalisation organisationnelle organisationnelle

Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt

deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation

Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur

Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la

conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des

aux instruments practices

Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement

organisationnel associeacutees agrave des

situations types

niveau conceptuel technique technologique

theacuteorie pratique praxis

Type de modegravele normatif relationnel enracineacute

Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive

prescriptive

Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif

lrsquoimaginaire car

le cadre est imposeacute

Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition

modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux

circonstances)

Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent

organisationnel

Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie

Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo

Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative

Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute

Yvon PESQUEUX

82

connaissance circonstancieacute

Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B

Latour233

) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo

dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant

relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de

rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien

eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil

srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois

cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports

au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect

cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et

drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques

Conclusion sur la notion de pratique

Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants

- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un

aspect moral et de nombreuses dimensions tacites

- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P

Bourdieu234

qui considegravere la pratique comme action M Foucault235

qui la conccediloit

comme pratiques de soi S Turner236

qui la comprend comme structure Y

Engestroumlm et al237

qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave

Wenger238

qui en font un contexte social et D Nicolini et al239

qui en font un

rocessus drsquoa rentissage (du knowing)

- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents

types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques

des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le

management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui

concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques

centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune

hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais

agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes

- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes

composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une

phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune

ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement

visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui

les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave

233

B Latour op cit 234

P Bourdieu op cit 235

M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236

S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions

University of Chicago Press 1994 237

Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238

J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing

Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239

D Nicolini et al op cit

Yvon PESQUEUX

83

une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des

rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans

le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques

viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre

elles

- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu

organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les

tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo

les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme

et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du

ormel et de lrsquoin ormel

- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au

regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout

comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle

en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la

com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation

- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la

notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle

drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une

id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu

de concr tisation de lrsquoex rience en action

- M Reed240

insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les

pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash

constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du

ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant

des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents

Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les

relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la

com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme

rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration

drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont

aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure

en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du

fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en

compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents

organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et

le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le

tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension

du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241

)

La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une

limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion

La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel

tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue

240

M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into

our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241

J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996

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