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Yvon PESQUEUX
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Yvon PESQUEUX
Hesam Universiteacute (ESDR3C)
Professeur du CNAM
E-mail yvonpesqueuxlecnamnet yvonpesqueuxgmailcom
Site web esdcnamfr
La strateacutegie comme essence de
lrsquoorganisation
Reacutesumeacute Ce texte est organiseacute de la maniegravere suivante Apregraves une introduction qui positionne la
notion de laquo strateacutegie raquo il aborde successivement un focus sur la coopeacutetition Kenneth
Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo Alfred D Chandler et la
forme laquo M raquo H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus Raymond E Miles amp
Charles Snow et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash structure raquo sur la base de strateacutegies
volontaires types Dann Schendel et les patterns strateacutegiques les approches par les
matrices (la matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey la grille PESTEL (Politique
Economique Socioculturel Technologie Ecologie Leacutegal) la matrice de portefeuille
drsquoA D Little les matrices du BCG (Boston Consulting Group) le Profit Impact of
Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les causes la matrice de C
Bowman amp D Faulkner) un focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R ascale A G
Athos ( un ocus sur la m thode Del hes Edward R Freeman et la theacuteorie des
parties prenantes (stakeholders) Michael orter et lrsquoavantage concurrentiel la mise en
tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et de la latitude drsquoaction du
dirigeant un focus sur la participation et les modegraveles de participation (e modegravele de F
A Heller amp G Yukl (1969) le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978) un focus
Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegraveme drsquoa aires (la filiegravere le district le cluster
leacutecosystegraveme daffaires le Systegraveme Productif Local (SPL) le Reacuteseau Territorialiseacute
dOrganisations (RTO) les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo la meacuteta-
organisation la laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual) un focus sur le modegravele
Awareness Motivation Capability de M J Chen (1996) un focus sur la deacutependance
de sentier un ocus sur le systegraveme drsquoin ormation strat gique (SIS (les ondements du
SIS la tension laquo exploitation ndash exploration un ocus sur lrsquointelligence conomique
(les modegraveles drsquoanalyse th oriques de lrsquointelligence conomique (I - la M thode
drsquoanalyse de M Salles ( le modegravele de a o ia ( le modegravele de
lrsquoAssociation ranccedilaise our le D velo ement de lrsquoIntelligence conomique (A DI
( le modegravele de Achard ( le Modegravele drsquo valuation de la ussite drsquoun
Systegraveme drsquoIntelligence conomique (M SI de C Dhaoui ( le modegravele
Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal (2012) -
lrsquoam idextrie organisationnelle un focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo un focus sur
les Business models (le CANVAS 9 blocs pour un business model construit
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collectivement) Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie un focus sur les
a roches th orique des d terminants de lrsquointernationalisation des entre rises (Le
modegravele drsquoU sala ( ohanson Vahlne 77 lrsquoa roche dite du born global)
un focus sur les facteurs cleacute de succegraves un focus sur la notion de compeacutetitiviteacute (la
compeacutetitiviteacute des entreprises la laquo compeacutetitiviteacute-prix la compeacutetitiviteacute hors prix ou
structurelle la compeacutetitiviteacute et la productiviteacute) Richard P Rumelt Birger Wernefelt
Jay B Barney et la theacuteorie de la ressource un focus sur le modegravele de A Rangone
(quant agrave lrsquoa lication de lrsquoa roche en BV aux M un focus sur le laquo Modegravele
Delta raquo la notion de cœur de com tence et drsquointention strat gique (strategic intent) de
Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic
capabilities) de David J Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen un focus sur H
Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the
Wilds of Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 (leacutecole de la
conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de conception) Leacutecole de la
planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel) Leacutecole du
positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus analytique) Leacutecole
entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire) Leacutecole
cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental) Leacutecole de
lrsquoa rentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent) Leacutecole du
pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation) Leacutecole
culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif) Leacutecole
environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de reacuteaction) Leacutecole
de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de transformation))
un focus sur Robert A Burgelman (2008) et le laquo diamant strateacutegique raquo Lrsquoa roche
socio cognitive de Gerry Johnson Anne Huff et Paul Shrivastava Lrsquoa roche
contextualiste drsquoAndrew ettigrew Les approches post modernes de David Knights et
Glenn Morgan David Barry et Michael Elmes Stephen Cummings Les reacuteflexions
eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C Martinet T Ahrens amp C S
Chapman (2007) laquo Managment Accounting as Practice raquo un focus sur les routines
organisationnelles un focus sur la notion de pratique organisationnelle (Introduction la
notion de best practice la notion de laquo routine organisationnelle raquo laquo Pratique raquo et
laquo pratiques raquo Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle la notion de pratique
selon P R Schatzki (1996) la distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo)
Introduction
La question du but (teacuteleacuteologie) est une constante de la penseacutee organisationnelle
constante souvent assortie de lrsquoargument anthro ologique de la survie Crsquoest ce qui a
conduit agrave attribuer une strateacutegie aux organisations strateacutegie venant poser deux
questions celle de sa construction (avec la primauteacute accordeacutee agrave une reacuteflexion de type
analytique et celle de sa mise en œuvre au nom du volontarisme manageacuterial la mise en
œuvre valant elle-mecircme strateacutegie Au regard des hypothegraveses de travail il est ici
question drsquoaction organis e
Il existe deux grandes entreacutees pour ce qui est de la strateacutegie comme essence de
lrsquoorganisation lrsquoentr e strat giste qui va re oser sur une conce tion de ty e analytique
de la strateacutegie (le problem solving a liqu e agrave la d inition de la strat gie et lrsquoentr e de
type strategizing la strateacutegie eacutetant agrave la fois ce qui se reacutefleacutechit et ce qui se fait
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Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s
domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la
compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs
de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee
ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant
lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en
deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La
ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage
La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction
organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir
de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la
Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire
du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave
une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur
la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement
dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et
suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business
model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel
A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et
drsquoune mise en oeuvre
Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes
comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une
entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le
plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un
rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des
rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de
coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes
par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des
ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash
structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches
strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la
deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo
1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982
2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of
Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp
660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational
Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990
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On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de
la strateacutegie
- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit
une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance
horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale
(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des
clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La
notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation
vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit
- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash
people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui
traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures
organisationnelles
- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde
une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute
agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les
marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse
sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts
concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7
(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash
drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash
attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de
chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise
laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes
laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash
dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities
Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation
- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une
double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-
mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation
- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de
la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle
laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave
crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie
- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation
sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective
relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de
lrsquoorganisation
Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern
ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une
5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo
Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New
York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983
8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process
Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19
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localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de
la position dans le long terme)
Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash
acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une
nouvelle orme drsquoalliance strat gique
Focus sur la coopeacutetition
La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de
coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B
Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits
des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la
formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10
La notion a donneacute
lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11
qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de
coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12
qui approfondissent la double
relation de concurrence et de relations inter-organisationelles
La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la
coopeacuteration se produisent simultaneacutement13
La contribution de A Lado et al14
partent
du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies
coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15
la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie
des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces
auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune
art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources
exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la
coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents
qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie
comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations
coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec
lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G
Padula16
distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de
concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de
9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer
concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10
R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed
originale 1985) 11
A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12
M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and
Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13
B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum
Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14
A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15
M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in
Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16
G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value
Creation raquo EURAM Stockholm 2002
Yvon PESQUEUX
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valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
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Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
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segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
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Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
10
laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
Yvon PESQUEUX
11
Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
Yvon PESQUEUX
12
D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
13
lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
14
Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
15
concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
Yvon PESQUEUX
16
Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
17
Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans
lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54
J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business
Administration Boston 1957 55
P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg
115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56
A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale
1890) 57
J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F
Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58
G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique
Rennes 26-28 mai 2014 63
Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et
figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip
et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual
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collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers
un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie
au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies
laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la
proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
Yvon PESQUEUX
30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81
W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political
Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced
Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-
resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981
Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
46
perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
47
concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
48
les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139
S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147
J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo
in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and
Planning Little Brown and Company Boston 1979 148
L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass
higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd
ed) Jossey-Bass New York 1977 149
G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies
Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150
M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp
M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology
Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol
34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
80
Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996
Yvon PESQUEUX
2
collectivement) Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie un focus sur les
a roches th orique des d terminants de lrsquointernationalisation des entre rises (Le
modegravele drsquoU sala ( ohanson Vahlne 77 lrsquoa roche dite du born global)
un focus sur les facteurs cleacute de succegraves un focus sur la notion de compeacutetitiviteacute (la
compeacutetitiviteacute des entreprises la laquo compeacutetitiviteacute-prix la compeacutetitiviteacute hors prix ou
structurelle la compeacutetitiviteacute et la productiviteacute) Richard P Rumelt Birger Wernefelt
Jay B Barney et la theacuteorie de la ressource un focus sur le modegravele de A Rangone
(quant agrave lrsquoa lication de lrsquoa roche en BV aux M un focus sur le laquo Modegravele
Delta raquo la notion de cœur de com tence et drsquointention strat gique (strategic intent) de
Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic
capabilities) de David J Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen un focus sur H
Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the
Wilds of Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 (leacutecole de la
conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de conception) Leacutecole de la
planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel) Leacutecole du
positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus analytique) Leacutecole
entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire) Leacutecole
cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental) Leacutecole de
lrsquoa rentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent) Leacutecole du
pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation) Leacutecole
culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif) Leacutecole
environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de reacuteaction) Leacutecole
de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de transformation))
un focus sur Robert A Burgelman (2008) et le laquo diamant strateacutegique raquo Lrsquoa roche
socio cognitive de Gerry Johnson Anne Huff et Paul Shrivastava Lrsquoa roche
contextualiste drsquoAndrew ettigrew Les approches post modernes de David Knights et
Glenn Morgan David Barry et Michael Elmes Stephen Cummings Les reacuteflexions
eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C Martinet T Ahrens amp C S
Chapman (2007) laquo Managment Accounting as Practice raquo un focus sur les routines
organisationnelles un focus sur la notion de pratique organisationnelle (Introduction la
notion de best practice la notion de laquo routine organisationnelle raquo laquo Pratique raquo et
laquo pratiques raquo Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle la notion de pratique
selon P R Schatzki (1996) la distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo)
Introduction
La question du but (teacuteleacuteologie) est une constante de la penseacutee organisationnelle
constante souvent assortie de lrsquoargument anthro ologique de la survie Crsquoest ce qui a
conduit agrave attribuer une strateacutegie aux organisations strateacutegie venant poser deux
questions celle de sa construction (avec la primauteacute accordeacutee agrave une reacuteflexion de type
analytique et celle de sa mise en œuvre au nom du volontarisme manageacuterial la mise en
œuvre valant elle-mecircme strateacutegie Au regard des hypothegraveses de travail il est ici
question drsquoaction organis e
Il existe deux grandes entreacutees pour ce qui est de la strateacutegie comme essence de
lrsquoorganisation lrsquoentr e strat giste qui va re oser sur une conce tion de ty e analytique
de la strateacutegie (le problem solving a liqu e agrave la d inition de la strat gie et lrsquoentr e de
type strategizing la strateacutegie eacutetant agrave la fois ce qui se reacutefleacutechit et ce qui se fait
Yvon PESQUEUX
3
Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s
domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la
compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs
de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee
ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant
lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en
deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La
ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage
La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction
organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir
de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la
Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire
du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave
une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur
la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement
dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et
suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business
model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel
A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et
drsquoune mise en oeuvre
Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes
comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une
entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le
plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un
rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des
rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de
coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes
par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des
ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash
structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches
strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la
deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo
1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982
2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of
Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp
660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational
Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990
Yvon PESQUEUX
4
On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de
la strateacutegie
- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit
une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance
horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale
(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des
clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La
notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation
vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit
- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash
people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui
traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures
organisationnelles
- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde
une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute
agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les
marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse
sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts
concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7
(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash
drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash
attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de
chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise
laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes
laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash
dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities
Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation
- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une
double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-
mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation
- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de
la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle
laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave
crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie
- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation
sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective
relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de
lrsquoorganisation
Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern
ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une
5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo
Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New
York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983
8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process
Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19
Yvon PESQUEUX
5
localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de
la position dans le long terme)
Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash
acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une
nouvelle orme drsquoalliance strat gique
Focus sur la coopeacutetition
La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de
coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B
Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits
des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la
formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10
La notion a donneacute
lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11
qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de
coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12
qui approfondissent la double
relation de concurrence et de relations inter-organisationelles
La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la
coopeacuteration se produisent simultaneacutement13
La contribution de A Lado et al14
partent
du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies
coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15
la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie
des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces
auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune
art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources
exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la
coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents
qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie
comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations
coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec
lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G
Padula16
distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de
concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de
9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer
concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10
R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed
originale 1985) 11
A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12
M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and
Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13
B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum
Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14
A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15
M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in
Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16
G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value
Creation raquo EURAM Stockholm 2002
Yvon PESQUEUX
6
valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
7
Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
Yvon PESQUEUX
8
segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
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Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
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laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
Yvon PESQUEUX
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Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
Yvon PESQUEUX
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D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
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lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
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Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
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concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
Yvon PESQUEUX
16
Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
17
Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans
lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54
J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business
Administration Boston 1957 55
P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg
115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56
A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale
1890) 57
J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F
Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58
G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique
Rennes 26-28 mai 2014 63
Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et
figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip
et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual
(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers
un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie
au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies
laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la
proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
Yvon PESQUEUX
30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81
W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political
Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced
Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-
resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981
Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
46
perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
47
concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
48
les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139
S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147
J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo
in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and
Planning Little Brown and Company Boston 1979 148
L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass
higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd
ed) Jossey-Bass New York 1977 149
G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies
Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150
M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp
M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology
Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol
34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
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Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996
Yvon PESQUEUX
3
Drsquoun oint de vue chronologique crsquoest la ers ective concurrentielle qui a longtem s
domin mettant lrsquoaccent sur la rivalit entre les entre rises1 ougrave le renforcement de la
compeacutetitiviteacute deacutepend de la capaciteacute agrave deacutevelopper des avantages concurrentiels creacuteateurs
de valeur traduite en rentabiliteacute financiegravere La ers ective relationnelle srsquoest deacuteveloppeacutee
ensuite en dualiteacute de la primauteacute accordeacutee au volontarisme manageacuterial en mettant
lrsquoaccent sur la coo ration2 une organisation renforccedilant sa compeacutetitiviteacute en
deacuteveloppant des alliances strateacutegiques des reacuteseaux ou des strateacutegies collectives3 La
ca acit agrave entrer en relation ermet drsquoacc der agrave des ressources cr atrices drsquoun avantage
La question drsquoune olitique g n rale et drsquoune strat gie relegraveve de la r rence agrave lrsquoaction
organiseacutee agrave partir de travaux corr lati s de lrsquoacircge drsquoor de la uissance am ricaine agrave partir
de la deacutecennies 1950 Au cours du temps les concepts de la strateacutegie ont eacutevolueacute de la
Business Policy (avant les anneacutees 70 et qui considegravere la strateacutegie comme un art de faire
du dirigeant) agrave la Corporate Strategy depuis et qui se reacutefegravere non plus agrave un art mais agrave
une expertise uis agrave la vie organisationnelle aujourdrsquohui Elle fut largement centreacutee sur
la planification strateacutegique dans les ann es 6 uis sur lrsquoanalyse de lrsquoenvironnement
dans les anneacutees 1970 et 1980 Elle a ris drsquoautres ormes dans les ann es et
suivantes comme avec lrsquoa roche ar les ressources ou ien la r rence agrave un business
model et agrave la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie comme discours organisationnel
A-C Martinet4 parle de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caract rise ar lrsquoexistence drsquoune situation complexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic et
drsquoune mise en oeuvre
Les deux eacuteleacutements que sont la strateacutegie et lrsquoorganisation sont le plus souvent preacutesenteacutes
comme indissociables et interdeacutependants Lrsquoorganisation y est consideacutereacutee comme une
entiteacute repeacuterable disposant de ressources dot e drsquoune inalit et de uts agrave oursuivre le
plus souvent reacuteduits (car traduits) par de la rentabiliteacute financiegravere et fonctionnant sur un
rinci e drsquo change lle est re ra le car lrsquoorganisation et consid r e comme ayant des
rontiegraveres identi ia les qui s arent un univers interne ougrave srsquoa liquent des logiques de
coordination et un univers externe avec lequel lrsquoorganisation entretient des changes
par transaction On entend ici par ressource tout ce qui peut constituer des forces et des
ai lesses our lrsquoorganisation Il srsquoagit de r lexion en termes de laquo contexte ndash systegraveme ndash
structure raquo Au-delagrave des structures organisationnelles laquo classiques raquo les approches
strateacutegiques ont geacuteneacutereacute un modegravele organisationnel majeur dans le courant de la
deacutecennie 80 le modegravele en laquo chaine de valeur raquo
1 M Porter Choix strateacutegique et concurrence Economica Paris 1982
2 J H Dyer amp H Singh laquo The Relational View Cooperative Strategies and Sources of
Interorganizational Competitive Advantage raquo Academy of Management Review vol 23 ndeg 4 1998 pp
660-679 3 W G Astley amp C J Fombrun laquo Collective Strategy Social Ecology of Organizational
Environments raquo Academy of Management Review vol 8 ndeg 4 1983 pp 576-587 4 A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990
Yvon PESQUEUX
4
On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de
la strateacutegie
- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit
une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance
horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale
(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des
clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La
notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation
vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit
- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash
people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui
traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures
organisationnelles
- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde
une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute
agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les
marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse
sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts
concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7
(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash
drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash
attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de
chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise
laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes
laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash
dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities
Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation
- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une
double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-
mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation
- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de
la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle
laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave
crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie
- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation
sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective
relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de
lrsquoorganisation
Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern
ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une
5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo
Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New
York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983
8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process
Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19
Yvon PESQUEUX
5
localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de
la position dans le long terme)
Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash
acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une
nouvelle orme drsquoalliance strat gique
Focus sur la coopeacutetition
La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de
coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B
Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits
des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la
formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10
La notion a donneacute
lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11
qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de
coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12
qui approfondissent la double
relation de concurrence et de relations inter-organisationelles
La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la
coopeacuteration se produisent simultaneacutement13
La contribution de A Lado et al14
partent
du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies
coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15
la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie
des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces
auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune
art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources
exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la
coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents
qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie
comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations
coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec
lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G
Padula16
distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de
concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de
9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer
concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10
R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed
originale 1985) 11
A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12
M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and
Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13
B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum
Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14
A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15
M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in
Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16
G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value
Creation raquo EURAM Stockholm 2002
Yvon PESQUEUX
6
valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
7
Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
Yvon PESQUEUX
8
segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
9
Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
10
laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
Yvon PESQUEUX
11
Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
Yvon PESQUEUX
12
D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
13
lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
14
Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
15
concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
Yvon PESQUEUX
16
Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
17
Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans
lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54
J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business
Administration Boston 1957 55
P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg
115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56
A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale
1890) 57
J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F
Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58
G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique
Rennes 26-28 mai 2014 63
Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et
figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip
et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual
(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers
un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie
au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies
laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la
proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
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30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81
W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political
Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced
Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-
resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981
Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
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perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
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concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
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les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139
S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147
J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo
in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and
Planning Little Brown and Company Boston 1979 148
L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass
higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd
ed) Jossey-Bass New York 1977 149
G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies
Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150
M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp
M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology
Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
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34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
80
Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996
Yvon PESQUEUX
4
On retrouvera alors traduites dans les structures organisationnelles les laquo trilogies raquo de
la strateacutegie
- La laquo vieille raquo trilogie laquo strateacutegie ndash structure - systegraveme raquo qui fait de la business unit
une forme canonique et qui fonctionne aussi bien dans le cadre de la croissance
horizontale (toujours plus de la mecircme chose ) dans celui de lrsquoint gration verticale
(laquo remonteacutee vers lrsquoactivit des ournisseurs laquo descente vers lrsquoactivit des
clients) que dans celui de la diversification conglomeacuterale (tout est possible ) La
notion de business unit tend agrave inteacutegrer les fonctions laquo classiques de lrsquoorganisation
vers la formulation et la reacutealisation des uts onctionnels de lrsquounit
- La reacuteponse humaniste de C A Bartlett amp S Goshal5 avec la trilogie laquo purpose ndash
people ndash process a in drsquointroduire la r sence des activit s et des questions qui
traversent les business units pour reconnaicirctre plus de complexiteacute aux structures
organisationnelles
- La tout aussi laquo vieille raquo trilogie laquo corporation ndash competition - clients raquo qui fonde
une reacuteflexion associeacutee agrave ces trois registres le peacuterimegravetre fonctionnel eacutetant confronteacute
agrave celui de la concurrence et aux clients pour la solva ilisation de lrsquo change sur les
marcheacutes Elle a eacuteteacute compleacuteteacutee par le modegravele dit des laquo 5 forces de lrsquoanalyse
sectorielle de M Porter6 clients fournisseurs nouveaux entrants substituts
concurrents du secteur et par celui des laquo 7 S raquo de T J Peter amp R H Waterman7
(shared value strategy skills staff style ndash de management systems ndash
drsquoorganisation structure) Une autre variante est celle de la matrice laquo atouts ndash
attraits raquo de J O McKinsey avec la gradation en laquo faible ndash moyen ndash fort raquo de
chacun de ces axes et celle plus reacutecente du Boston Consulting Group qui croise
laquo taux de croissance du marcheacute raquo et laquo part de marcheacute relative raquo avec les deux degreacutes
laquo fort raquo et laquo faible raquo pour deacuteboucher sur le classement en laquo eacutetoile vache agrave lait ndash
dilemme ndash poids mort raquo et la matrice SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities
Threats) ou encore matrice laquo forces ndash faiblesses raquo agrave partir des eacuteleacutements internes et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo agrave partir des l ments externes agrave lrsquoorganisation
- La plus reacutecente trilogie laquo projets ndash potentiel humain ndash processus raquo qui fera une
double reacutefeacuterence agrave la structure par projet et par processus les projets eacutetant eux-
mecircmes structureacutes par processus orme canonique de lrsquoorganisation
- La laquo reacutecente raquo trilogie en laquo Boards ndash Business Models ndash Brands raquo trilogie issue de
la focalisation sur la gouvernance qui va faire de la perspective relationnelle
laquo eacutetroite raquo en laquo clients ndash fournisseurs la orme canonique de lrsquoorganisation ougrave
crsquoest au sein des boards que se valide la strateacutegie
- La laquo contemporaine raquo trilogie laquo Profit ndash Planet ndash People raquo issue de la focalisation
sur la responsabiliteacute sociale de lrsquoentre rise qui va faire de la perspective
relationnelle laquo large raquo au regard de laquo parties prenantes raquo la forme canonique de
lrsquoorganisation
Il faut ajouter agrave cela les laquo 5 P drsquoH Mintz erg8 (Plan ndash une action volontaire Pattern
ndash un ty e drsquoaction ormalis Ploy ndash la manœuvre ou la tactique Position ndash une
5 C A Bartlett amp S Goshal laquo Beyond the M-form Toward a Managerial Theory of the Firm raquo
Strategic Management Journal ndeg 14 Winter 1993 pp 23-46 6 M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance Free Press New
York 1985 7 T J Peters amp R H Waterman In Search of Excellence Harper amp Collins New York 1983
8 H Mintzberg laquo Five Ps for Strategy raquo in H Mintzberg amp J B Quinn (Eds) The Strategy Process
Prentice-Hall International Editions Englewood Cliffs NJ 1992 pp 12-19
Yvon PESQUEUX
5
localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de
la position dans le long terme)
Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash
acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une
nouvelle orme drsquoalliance strat gique
Focus sur la coopeacutetition
La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de
coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B
Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits
des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la
formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10
La notion a donneacute
lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11
qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de
coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12
qui approfondissent la double
relation de concurrence et de relations inter-organisationelles
La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la
coopeacuteration se produisent simultaneacutement13
La contribution de A Lado et al14
partent
du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies
coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15
la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie
des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces
auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune
art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources
exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la
coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents
qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie
comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations
coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec
lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G
Padula16
distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de
concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de
9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer
concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10
R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed
originale 1985) 11
A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12
M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and
Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13
B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum
Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14
A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15
M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in
Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16
G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value
Creation raquo EURAM Stockholm 2002
Yvon PESQUEUX
6
valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
7
Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
Yvon PESQUEUX
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segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
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Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
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laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
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Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
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D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
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lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
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Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
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concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
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Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
17
Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
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lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
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G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
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Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
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Rennes 26-28 mai 2014 63
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figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
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proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
Yvon PESQUEUX
30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
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Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
46
perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
47
concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
48
les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139
S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147
J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo
in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and
Planning Little Brown and Company Boston 1979 148
L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass
higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd
ed) Jossey-Bass New York 1977 149
G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies
Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150
M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp
M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology
Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol
34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
80
Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996
Yvon PESQUEUX
5
localisation favorable par rapport agrave la concurrence Perspective ndash une repreacutesentation de
la position dans le long terme)
Drsquoautres cheminements sont agrave souligner comme celui des laquo fusions ndash cessions ndash
acquisitions raquo celui des alliances et de la coopeacutetition La coopeacutetition est devenue une
nouvelle orme drsquoalliance strat gique
Focus sur la coopeacutetition
La notion de coopeacutetition est un neacuteologisme construit par la concateacutenation de
coopeacuteration et de compeacutetition Le terme a eacuteteacute forgeacute par A Brandenburger amp B
Nalebuff9 en 6 auteurs qui mettent lrsquoaccent sur la com l mentarit (des roduits
des marcheacutes etc) entre des entiteacutes seacutepareacutees On peut en trouver une origine avec la
formulation du modegravele du dilemme du prisonnier par R Axelrod10
La notion a donneacute
lieu agrave plusieurs eacutevolutions avec les travaux de A A Lado amp N Boyd amp N C Hanlon11
qui mettent lrsquoaccent sur lrsquoint recirct de la com inaison des strat gies de concurrence et de
coopeacuteration ainsi que ceux de M Bengtsson amp S Kock12
qui approfondissent la double
relation de concurrence et de relations inter-organisationelles
La coo tition est un ra rochement drsquoint recircts qui apparaicirct quand la compeacutetition et la
coopeacuteration se produisent simultaneacutement13
La contribution de A Lado et al14
partent
du constat de la combinaison entre des strateacutegies agressives et des strateacutegies
coopeacuteratives Pour M Bengtsson amp S Kock15
la coopeacutetition est fondeacutee sur la theacuteorie
des reacuteseaux et agrave un degreacute moindre la theacuteorie resource based view (RBV) Pour ces
auteurs une orgaisation eut choisir entre quatre modes relationnels en onction drsquoune
art de sa osition relative sur le secteur et drsquoautre art de son esoin en ressources
exteacuterieures Ces quatre modes relationnels sont la coexistence la compeacutetition la
coopeacuteration et la coopeacutetition La coopeacutetition est une forme de relation entre concurrents
qui combine des eacutechanges agrave la fois eacuteconomiques et non eacuteconomiques Elle est deacutefinie
comme une relation dyadique et paradoxale qui eacutemerge quand deux organisations
coopegraverent dans quelques activit s et sont en mecircme tem s en com tition lrsquoune avec
lrsquoautre sur drsquoautres Il existe de uis drsquoautres cadres th oriques G B Dagnino G
Padula16
distinguent quatre formes de coopeacutetition en fonction du nombre de
concurrents impliqueacutes dans la coo ration et du nom re drsquoactivit s de la chaicircne de
9 A Brandenburger amp B Nalebuff La Co-opeacutetition une reacutevolution dans la maniegravere de jouer
concurrence et coopeacuteration Village Mondial Paris 1996 (Ed originale Doubleday 1995) 10
R Axelrod Donnant donnant une theacuteorie du comportement coopeacuteratif Odile Jacob Paris 2003 (Ed
originale 1985) 11
A A Lado amp N Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg1 1997 pp 110-141 12
M Bengtsson amp S Kock laquo Co-opetitive Relationships in Business Networks ndash to Cooperate and
Compete Simultaneously raquo Industrial Marketing Management vol 20 ndeg 5 2000 pp 411-426 13
B Nalebuff amp A M Brandenburger Coopetition-kooperativ konkurrieren Mit der Spieltheorie zum
Unternehmenserfolg Campus-Verlag 1996 14
A Lado amp N G Boyd amp S C Hanlon laquo Competition Cooperation and the Search for Economic
Rents A Syncretic Model raquo Academy of Management Review vol 22 ndeg 1 1997 p 110-141 15
M Bengtsson amp S Kock laquo Cooperation and Competition in Relationships Between Competitors in
Business Networks raquo Journal of Business amp Industrial Marketing vol 14 ndeg 3 1999 pp 178- 194 16
G B Dagnino amp G Padula laquo Coopetition Strategy a New Kind of Inter-firm Dynamics for Value
Creation raquo EURAM Stockholm 2002
Yvon PESQUEUX
6
valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
7
Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
Yvon PESQUEUX
8
segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
9
Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
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laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
Yvon PESQUEUX
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Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
Yvon PESQUEUX
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D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
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lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
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Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
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concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
Yvon PESQUEUX
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Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
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Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans
lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54
J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business
Administration Boston 1957 55
P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg
115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56
A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale
1890) 57
J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F
Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58
G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique
Rennes 26-28 mai 2014 63
Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et
figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip
et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual
(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers
un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie
au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies
laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la
proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
Yvon PESQUEUX
30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81
W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political
Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced
Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-
resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981
Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
46
perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
47
concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
48
les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
Uncertainty raquo Journal of Risk and Uncertainty vol 5 1992 pp 297ndash323 139
S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitiveness amp Management Process Blackwell 1988 147
J L Bower amp Y L Doz laquo Strategic Management A New View of Business Policy and Planning raquo
in D E Schendel amp C W Hofer (Eds) Strategic Management A New View of Business Policy and
Planning Little Brown and Company Boston 1979 148
L G Bolman amp T E Deal The Jossey-Bass business amp management series and The Jossey-Bass
higher and adult education series Reframing organizations Artistry choice and leadership (2nd
ed) Jossey-Bass New York 1977 149
G Majone amp A Wildavsky laquo Implementation as Evolution raquo in H Freeman (Ed) Policy Studies
Review Annual Sage Beverly Hills pp 103-117 150
M Lipsky laquo Standing the Study of Public Policy Implementation on its Head raquo in W D Burnham amp
M W Weinberg (Eds) American Politics and Public Policy Massachusetts Institute of Technology
Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol
34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
80
Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996
Yvon PESQUEUX
6
valeur qui sont e ectu es en coo ration avec les concurrents Lrsquoalliance est une
construction collective visant agrave valoriser les synergies soit en r duisant lrsquo cart de
symeacutetrie entre les partenaires soit au contraire en creusant lrsquoasym trie ar ra ort aux
conditions initiales
La coopeacutetition donne lieu agrave des typologies de formes organisationnelles avec
- La coopeacutetition eacutelargie au niveau du reacuteseau de valeur (perspective laquo porterienne raquo)
- La coopeacutetition comme forme organisationnelle hybride
- La coopeacutetition simultaneacutee dans le cadre drsquoune dyade (cf Nissan ndash Renault)
- La coopeacutetition simultaneacutee dans un reacuteseau multiple
- La coopeacutetition horizontale verticale au niveau drsquoun r seau au niveau intra
organisationnel (par mutualisation des actifs) et au niveau interpersonnel (ougrave il est
encore question de reacuteseau mais dans lrsquoacce tion drsquoun r seau social)
Il aut souligner le recouvrement qui srsquoo egravere aujourdrsquohui entre les archeacutetypes
preacuteceacutedents et les strateacutegies de globalisation lrsquoextension de lrsquoactivit dans le monde
entier modi iant la su stance de la r lexion strat gique qursquoil srsquoagisse de sourcing
(avec les raisonnements en externalisation) et ou de marcheacutes La notion de laquo chaine
globale de valeur raquo en est une manifestation tangible
Les dimensions conventionnelles de la strateacutegie sont celles des contingences externes
(o ortunit s et menaces venant de lrsquoenvironnement dont un accent mis sur les
modaliteacutes institutionnelles drsquoexercice de lrsquoactivit et sur son niveau drsquoincertitude avec
des logiques telles que la quecircte drsquoun avantage concurrentiel au regard de barriegraveres agrave
lrsquoentr e de la nature de la rivalit et de la lus ou moins grande d endance entre les
acteurs du rimegravetre de lrsquoexistence r elle et otentielle de su stituts aux roduits
services existants de demandeurs drsquoo reurs de contingences internes (forces et
ai lesses de lrsquoorganisation au regard de ressources et de compeacutetences) et de
comportements (avec la tension laquo coopeacuteration ndash compeacutetition raquo (la coopeacutetition) ougrave lrsquoon
trouve la question des alliances des laquo fusions - acquisitions raquo de lrsquointernationalisation
et celle du positionnement au regard de la tension laquo diffeacuterenciation ndash conformiteacute raquo dans
la quecircte drsquoun eacutequilibre entre ces deux registres)
Les laquo ressources strateacutegiques raquo peuvent ecirctre deacutefinies comme les laquo choses utiles raquo au
onctionnement de lrsquoorganisation mais aussi comme des eacuteleacutements de proprieacuteteacute un
capital agrave valoriser comme tant agrave la source drsquoun retour sur investissement Au-delagrave des
acti s tangi les ha ituellement ris en com te il eut srsquoagir drsquoacti s intangi les
constitueacutes entre autres de technologies de compeacutetences du personnel et
organisationnelles comme les proceacutedures efficientes Certains actifs ont un caractegravere
strat gique car ils sont s ci iques crsquoest-agrave-dire qursquoils ont dans lrsquoorganisation une
capaciteacute propre agrave permettre de reacutealiser des produits et des services de qualiteacute supeacuterieure
agrave ceux des concurrents On peut deacutefinir la strateacutegie dont il va ecirctre question ici (un point
de vue laquo strateacutegiste raquo) comme un processus combinatoire agrave partir de deux ingreacutedients
la volont du (ou des dirigeant(s et lrsquoo ortunit Crsquoest cette com inaison qui ait de
la strateacutegie aussi ien un tat qursquoun rocessus ex os agrave lrsquo reuve du tem s qui dans sa
dimension opeacuterationnelle a eacuteteacute le plus souvent reacuteduite agrave la tension laquo opportuniteacutes ndash
menaces raquo - laquo forces ndash faiblesses raquo compte tenu de trois logiques la dynamique
laquo inteacuterieur ndash exteacuterieur de lrsquoorganisation la r sultante qui ermet de distinguer entre
une strateacutegie offensive et une strateacutegie deacutefensive et la diffeacuterence qui vaut entre
croissance interne et croissance externe
Yvon PESQUEUX
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Avec la strat gie il est question drsquo volution du rimegravetre organisationnel dont les
constantes sont les suivantes la question du sens (inteacutegration horizontale inteacutegration
verticale et diversi ication en termes de roduits services et ou de march s ougrave lrsquoon
distingue la diversi ication li e crsquoest-agrave-dire lrsquoexistence de synergies entre la nouvelle
activit et lrsquoancienne de la diversi ication conglom rale our laquelle une telle synergie
nrsquoexiste as et qui srsquoex lique le lus souvent ar les enjeux de renta ilit ndash geacuterer des
entiteacutes aux activiteacutes disparates dont le seul deacutenominateur commun est la rentabiliteacute) la
question de lrsquoes ace avec lrsquointernationalisation celle de la tension laquo croissance interne
ndash croissance externe raquo qui ouvre le champ agrave la question des fusions amp acquisitions agrave
celle des alliances et de la coopeacuteration et enfin la question de lrsquoexternalisation (ougrave lrsquoon
retrouve la question des chaines globales de valeur)
Il va eacutegalement ecirctre souvent question de strateacutegies-type ougrave la question de la volonteacute va
venir constituer un implicite avec des strateacutegies offensives deacutefensives reacuteactives
proactives etc Il sera en effet tregraves souvent question de patterns de valeur dans les
deacuteveloppements qui suivent
Il est enfin important de signaler la reacutefeacuterence agrave une dimension symbolique du discours
strat gique qursquoil srsquoagisse de ses mots ou des ersonnes venant constituer valeurs et
mythes de la strateacutegie ainsi que les rationalisations ex post des commentateurs
Les propos qui vont suivre vont ecirctre construits sur la ase drsquoune hy othegravese
chronologique
Kenneth Andrews et le laquo modegravele LCAG raquo ou laquo modegravele de Harvard raquo K Andrews
17 est consideacutereacute comme le fondateur de la conceptualisation de la notion de
politique des affaires (Business Policy) et de son glissement vers la strateacutegie (Corporate
Strategy agrave artir drsquoun modegravele drsquoanalyse construit avec ses collegravegues de la Harvard
Business School (HBS) modegravele connu sous lrsquoacronyme de leurs ondateurs LCAG (E
Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth18
) appliqueacute aux deacutecodages des
eacutetudes de cas la meacutethode peacutedagogique privileacutegieacutee de la HBS et proposeacute comme mode
de laquo reacuteflexion strateacutegique raquo La r aration et la mise en œuvre de la strat gie constitue
lrsquoanthro ologie du dirigeant et par extension lrsquoessence de lrsquoorganisation agrave artir de
registres la formulation de la strateacutegie (que faire ) au regard de la double tension
laquo opportuniteacutes menaces ndash forces faiblesses (lrsquoanalyse de ty e SWO ndash laquo Strengths
ndash Weaknesses ndash Opportunities ndash Threats raquo) dans un mix de deacuteterminisme et de
volontarisme lle est lrsquoex ression de la dimension ideacuteologique de la laquo segmentation
strateacutegique raquo du sloanisme La General Motors ayant eacuteteacute le lieu de sa genegravese par la mise
en oeuvre drsquoune gamme associ e agrave une structure de prix dans laquelle (du plus bas au
plus haut prix) ougrave les marques Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac
nentraient pas en concurrence entre elles tout en rendant captif un acheteur au fur et agrave
mesure que son pouvoir dachat augmente et ou que ses preacutefeacuterences se modifient La
17
K Andrews The Concept of Corporate Strategy Irwin Boston 1971 18
E Learned amp R Christensen amp K Andrews amp W Guth Business Policy ndash Texts and Cases Irwin
Boston 1965
Yvon PESQUEUX
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segmentation strateacutegique base du marketing strateacutegique a eacuteteacute coupleacutee avec la mise en
œuvre drsquoune logique drsquoo solescence rogramm e (la mise en lace r guliegraverement de
changements de modegravele) Le sloanisme est une des l ments ondateurs de lrsquoid ologie
consumeacuteriste ougrave la production de masse tient compte de la dimension socioculturelle de
la consommation de masse drsquoougrave lrsquoo re drsquoune gamme diversi i e en onction du
ouvoir drsquoachat et le renouvellement des modegraveles ar com inaison drsquo leacutements de bases
standardis shellip et la rimaut accord e au raisonnement de ty e SWO
La matrice SWOT connait aujourdrsquohui une domination sym olique malgr ses d auts
majeurs
- Elle repose sur une deacutemarche analytique construite au regard du passeacute et induit donc
une c cit quant agrave lrsquoavenir Crsquoest lrsquoex ression mecircme de la d endance de sentier
on peut aiseacutement imaginer la limite majeure de traiter le reacutechauffement climatique
ou une pandeacutemie comme une menace
- Cette d marche analytique conduit our les entit s drsquoun mecircme secteur agrave acirctir des
strateacutegies identiques avec les mecircmes donn es issues drsquoun mecircme environnement
les concluions ne euvent qursquoecirctre identiques Crsquoest ar exem le le cas des
laquo majors du cartel de lrsquoautomo ile qui conccediloivent et roduisent les mecircmes
veacutehicules au mecircme moment pour les mecircmes clients
- Une matrice SWO est our le malheur de ceux qui srsquoy reacutefegraverent aiseacutement
communicable et crsquoest ce qui lui con egravere sa force symbolique de domination car il
devient difficile de penser autrement apregraves avoir eacuteteacute confronteacute aux attendus de la
matrice
- Le raisonnement en SWOT semble applicable agrave toutes les organisations et a conduit
agrave un usage abusif en particulier dans les organisations publiques qui sont alors
consideacutereacutees comme analysables sous le mecircme prisme que les organisations priveacutees
crsquoest une r rence majeure de lrsquo chec du New Public Management
- Une matrice SWO est en ait lrsquoex ression de lrsquoid ologie de la concurrence et de la
laquo sportivisation raquo de nos socieacuteteacutes qui en fait en mecircme temps des socieacuteteacutes dopeacutees
ainsi que celle du sloanisme dans la dimension fondatrice des socieacuteteacutes
consumeacuteristes
La strateacutegie dont il est question ici consiste agrave deacutecrire le processus dont elle reacutesulte
crsquoest-agrave-dire une succession deacutetapes que lon peut reacutesumer ainsi
- La reconnaissance de la rentabiliteacute comme finaliteacute de lorganisation
- La deacutefinition des buts poursuivis
- La reconnaissance drsquoune laquo volonteacute raquo organisationnelle
- La traduction des buts qualitatifs en objectifs preacutecis
- La reacutealisation des diagnostics diagnostic interne des forces et faiblesses et
diagnostic externe des opportuniteacutes et des contraintes
- Leacutetablissement de modegraveles de deacuteveloppement possibles
- Le choix dun modegravele cest-agrave-dire la deacutecision strateacutegique
Alfred D Chandler et la forme laquo M raquo
Yvon PESQUEUX
9
Avant drsquoecirctre ondateur de la Business History comme historien de la grande entreprise
ameacutericaine (big business) depuis le XIXdeg siegravecle19
A D Chandler construit la thegravese
drsquoune structure organisationnelle qui serait deacutetermineacutee par la construction drsquoune
strateacutegie20
par la mise en exergue de la tension scale and scope21
(eacutechelle taille pour
scale et synergie pour scope) A ses yeux la structure organisationnelle est le reacutesultat
drsquoune action collective ougrave cadres moyens et supeacuterieurs speacutecialiseacutes dans les fonctions de
mise en œuvre de la strat gie et de controcircle de son reacutesultat occupent une place
importante
Crsquoest agrave artir de cas de grandes entre rises am ricaines qursquoil va construire la thegravese de
Strategy and Structure DuPont et la creacuteation de divisions autonomes la General
Motors et lrsquoim ortance centrale de la Direction G n rale la Standard Oil Company et
la reacuteorganisation au jour le jour Sears Roebuck and Company et la deacutecentralisation
plus ou moins controcircleacutee Dans les 4 situations consideacutereacutees la creacuteation des deacutepartements
fonctionnels et leur articulation avec la direction centrale constitue une innovation
organisationnelle la structure par deacutepartements rovient drsquoun accroissement de
lrsquoactivit et lrsquoavegravenement de directions organis es naicirct drsquoun esoin de coordination de
preacutevision et de reacuteflexion strateacutegique Ces reacuteformes ont eacuteteacute mateacuterialiseacutees par des
r organisations de lrsquoexistant mais lrsquoinnovation organisationnelle apparaicirct au moment de
lrsquoavegravenement de lrsquoorganisation multi-divisionnelle Les facteurs de changement sont
rinci alement la olitique drsquoex ansion et drsquoint gration verticale men e ar les
compagnies en deacutebut de siegravecle Chez DuPont GM et Sears ils se manifestent par la
diversification A la Standard Oil il srsquoagit du d velo ement du march des car urants
automobiles En revanche les processus de reacuteforme diffegraverent selon les socieacuteteacutes chez
DuPont Standard Oil et GM tout vient de dirigeants bien conseilleacutes alors que chez
Sears la Direction Geacuteneacuterale est deacutepasseacutee par les eacuteveacutenements et reacuteagit Les fortes
oppositions au changement apparaissent agrave la DuPont ougrave Ireacuteneacutee Du Pont reste dans une
vision fonctionnaliste A la GM le processus est plus lent dans la mesure ougrave Sloan et
Brown (respectivement Directeur geacuteneacuteral et Directeur financier) doivent mettre en place
une organisation ex nihilo et en particulier un systegraveme drsquoin ormation er ormant La
Standard Oil our sa art connaicirct des di icult s drsquoautant lus grandes que lrsquoancienne
organisation a tro dur et qursquoaucun lan drsquoensem le nrsquoa t formuleacute face agrave une
croissance exceptionnelle de la demande Wood et Frazer agrave la Sears tacirctonnent par
hantise de la bureaucratie n outre lrsquo tude de ces quatre illustrations montre que ces
laquo acirctisseurs drsquoem ires raquo ne sont as vraiment r occu s ar lrsquoorganisation (agrave
lrsquoexce tion de Coleman Du ont) n riode drsquoex ansion Wood sera probablement le
seul agrave allier ces deux qualit s La mise en lace drsquoorganisations marque lrsquoavegravenement de
managers de laquo dirigeants professionnels rarement ro ri taires du ca ital de lrsquoa aire
(agrave lrsquoexce tion de ierre Du ont A eu regraves tous ont une ormation drsquoing nieur et
certains publient dans des revues scientifiques Le recrutement des dirigeants suivra la
mecircme tendance Il sem le qursquoagrave la Standard Oil et agrave la GM les reacuteformateurs ne se soient
as ins ir s drsquoouvrages de gestion preacuteexistants ou drsquoautres entre rises Par diffeacuterence
chez DuPont et Sears ils se sont avant tout pencheacutes sur lrsquoex rience drsquoautres soci t s
19
A D Chandler The Visible Hand The Managerial Revolution in American Business Belknap Press
of Harvard University Boston 1977 20
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 21
A D Chandler Scale and Scope the Dynamics of Industrial Capitalism Belknap Press of Harvard
University Boston 1990
Yvon PESQUEUX
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laquelle srsquoest tregraves vite av r e ournir des exem les eu ructueux Cela srsquoex lique ar
lrsquoavance que oss daient agrave lrsquo oque le chimiste et le distri uteur Chez Sears on fait
tout de mecircme appel agrave Frazer le plus connu des experts en organisation qui connaicirct
probablement les anteacuteceacutedents de Du Pont et GM
A D Chandler met lrsquoaccent sur lrsquo mergence de la structure multi-divisionnelle
deacutecentraliseacutee (la forme laquo M raquo) par diffeacuterence avec la structure fonctionnelle centraliseacutee
(la forme laquo U raquo) La forme laquo M raquo caracteacuterise la structure organisationnelle drsquoune
entreprise multi-produits multinationale et multi-divisionnelle dans laquelle la
direction geacuteneacuterale eacutelabore la strateacutegie de long terme et les modes de controcircle des
ressources les directions opeacuterationnelles mettant en oeuvre de faccedilon deacutecentraliseacutee les
directives eacutemanant de la direction geacuteneacuterale On retrouve ici la laquo vieille raquo dualiteacute
laquo conception ndash exeacutecution raquo deacutejagrave souligneacutee chez F W Taylor22
mais appliqueacutee agrave la
dynamique laquo strateacutegie ndash structure Crsquoest en cela qursquoune structure organisationnelle de
type hieacuterarchique est modeleacutee par la laquo main visible raquo des managers (par diffeacuterence avec
la laquo main invisible raquo du marcheacute venant eacutequilibrer offre et demande) Les entreprises
ameacutericaines auraient ainsi eu un moindre avantage concurrentiel agrave partir des anneacutees
soixante pour avoir pratiqueacute des diversifications tous azimuts (au nom de la gestion par
les chiffres) alors que leur reacuteussite avait eacuteteacute largement lieacutee agrave des diversifications lieacutees agrave
leur laquo meacutetier raquo (core competence) et fondeacutees sur des laquo synergies raquo (economy of scope)
H Igor Ansoff et la strateacutegie comme processus
H I Ansoff23
a drsquoa ord t r occu ar la formulation de la strateacutegie crsquoest-agrave-dire le
rocessus drsquoaction guidant une organisation dans lrsquoatteinte de ses o jecti s en
particulier au regard des liens entre la strateacutegie et lrsquoallocation inanciegravere des ressources
compte-tenu drsquoune hi rarchie entre des o jecti s lrsquoanalyse de lrsquoavantage com arati et
lrsquoutilisation de la notion de laquo synergie raquo A ses yeux la d inition drsquoune strat gie re ose
sur quatre aspects la deacutelimitation drsquoun cou le laquo produit ndash marcheacute raquo la s lection drsquoun
vecteur de croissance (les 4 eacutetapes de la croissance eacutetant la peacuteneacutetration lrsquoexpansion de
marcheacute lrsquoextension de gamme et la diversification) Il deacutefend la ceacutesure laquo deacutecisions
strateacutegiques ndash deacutecisions opeacuterationnelles raquo
H I Ansoff a inaugureacute le deacutebat entre les laquo approches du processus raquo (les positions de
lrsquolaquo Ecole de Harvard raquo dont il eacutetait question plus haut et qui met en avant la volonteacute
strateacutegique avec une posture descriptive qui accorde une importance majeure aux
questions de ositionnement et de mise en œuvre de la strat gie et les laquo approches du
contenu raquo (qui met en avant la planification et la prescription strateacutegique)
Raymond E Miles amp Charles Snow24
et lrsquoarticulation laquo strateacutegie ndash
structure raquo sur la base de strateacutegies volontaires types
22
F W Taylor La direction scientifique des entreprises Dunod Paris 1967 (Ed originale 1923) 23
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965 24
R E Miles amp C Snow Organizational Strategy Structure and Process New York McGraw Hill
1978
Yvon PESQUEUX
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Ces deux auteurs ont proposeacute une repreacutesentation en strateacutegies-types compte tenu de
degr s drsquoagressivit drsquoune strat gie qui se onde sur la d inition de olitiques
marketing la prise de risque la quecircte drsquoune renta ilit inanciegravere lev e lrsquolaquo innovation
produit raquo la rapiditeacute dans la prise de deacutecision
Ils proposent une typologie en 4 cateacutegories
- La strateacutegie de prospection qui est la plus agressive par exemple en termes de
conquecircte de nouveaux marcheacutes par des nouveaux produits
- La strateacutegie deacutefensive qui consiste agrave rester sur le marcheacute en laissant les choses en
lrsquo tat qursquoil srsquoagisse drsquo vitement de contournement ou encore drsquoacce tation
- La strateacutegie de type analyse qui se situe entre les deux preacuteceacutedentes dans la mesure
ougrave il srsquoagit de rendre moins de risque que dans la strat gie de ros ection tout en
tentant de valoriser sa position agrave partir des compeacutetences cleacutes existantes ce qui est
une remiegravere orme drsquoada tation (ou drsquoalignement strateacutegique)
- La strateacutegie de reacuteaction qui consiste agrave reacutepondre et non agrave anticiper quoique ce soit
R E Miles amp C Snow en proposent trois motifs la direction g n rale nrsquoa as
clairement d clin la strat gie ado t e elle nrsquoa as structur lrsquoorganisation et les
processus au regard de la strateacutegie choisie et ou elle maintient lrsquoexistant malgr des
changements dans lrsquoenvironnement ce qui est une seconde orme drsquoada tation (ou
drsquoalignement strat gique
Ils ont lus tard ex liqu lrsquo volution structurelle des organisations25
en montrant
comment les organisations (comprendre les grandes entreprises) ont eacutevolueacute avec
- Une orme quali i e drsquolaquo agence raquo pour les anneacutees 1850 dans des PME dirigeacutees par
des proprieacutetaires et produisant un bien ou un service unique pour des marcheacutes
locaux sur la ase drsquoun rocessus ersonnel de controcircle et de direction
- Une structure fonctionnelle vers 1900 ougrave de grandes entreprises opegraverent sur la
ase drsquoun ilotage agrave artir de udgets et de lans centraux a liqu s agrave des lignes
de produits standards eacutetroites agrave destination de marcheacutes reacutegionaux ou nationaux
- Une structure divisionnelle vers 1925 ougrave des divisions eacuterigeacutees en centres de profit
pilotent des lignes de produits standards et innovateurs sur des marcheacutes stables et
changeants
- Une structure matricielle vers 1960 ougrave des eacutequipes temporaires sur la base
drsquoallocation de ressources gegraverent des roduits et des services sur des march s
globaux
- Le reacuteseau dynamique vers 1980
Dann Schendel26
et les patterns strateacutegiques
25
R E Miles amp C C Snow laquo Fit Failure and the Hall of Fame raquo California Management Review
Spring 1984 26
A C Cooper amp D Schendel D laquo Strategic Responses to Technological Threats raquo Business Horizon
February 1976 pp 61-69 ndash D Schendel amp G R Patton amp J Riggs J laquo Corporate Turnaround
Strategies A Study of Profit Decline and Recovery raquo Journal of General Management vol 5 ndeg 3
1976 pp 3-11 ndash D Schendel amp G Patton laquo Simultaneous Equation Model of Corporate Strategy raquo
Management Science vol 24 ndeg 15 1978 pp 1611-1621- K Hatten amp D Schendel amp A Cooper laquo A
Strategic Model of the US Brewing Industry 1952-1971 raquo Academy of Management Journal vol 21
ndeg 4 1978 pp 562-610
Yvon PESQUEUX
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D Schendel a construit une mod lisation de la er ormance strat gique agrave artir drsquoune
approche statistique par diffeacuterence avec les business cases (eacutetudes de cas) qui eacutetaient la
reacutefeacuterence dominante qui mat rialisaient la rimaut drsquoune conce tualisation inductive
Il a en effet fondeacute une des revues acadeacutemiques qui fait reacutefeacuterence dans les
laquo classements raquo des sciences de gestion le Strategic Management Journal qui
deviendra le lieu de romotion drsquoune attitude positiviste pour la recherche en strateacutegie
dans une ers ective normative et r dictive sur la ase de lrsquousage de m thodes
quantitatives et de raisonnements hypotheacutetico-deacuteductifs A la diffeacuterence des tenants de
la corporate strategy il va deacutefendre lrsquoid e drsquoune business strategy formuleacutee au regard
des secteurs drsquoactivit compte tenu de configurations (patterns) speacutecifiques Les
variables strat giques sont celles qui sont controcircl es ar les managers ar di rence
avec les variables environnementales qui ne le sont pas Il srsquoint resse aux points de
retournement strat gique et par exemple propose dans le cas de lrsquoa arition drsquoune
nouvelle technologie mise en oeuvre par un concurrent de ne rien faire dans un premier
temps strat gie dont le contenu est de la veille technologique et de laisser les march s
valider le deacuteveloppement de la nouvelle technologie de continuer agrave investir dans la
r c dente srsquoil y a des doutes sur les chances de succegraves de la nouvelle
Les approches par les matrices
A la diffeacuterence des auteurs r c dents our lesquels les ra orts avec la mise en œuvre
taient occult s les ca inets de consultants en strat gie vont ecirctre agrave lrsquoorigine du
d velo ement drsquooutils (le lus souvent des matrices d assant le sim le statut drsquooutil
pour laquo faire theacuteorie raquo Drsquoun oint de vue chronologique les raisonnements en matrice
se deacuteveloppent agrave partir des anneacutees 197 sans que lrsquoon uisse clairement les attri uer agrave
un auteur ni agrave une date preacutecise Elles vivent et prospegraverent du colportage dans les
enseignements et par les consultants les deux registres entrant en produit de
com osition au regard drsquoune autre laquo bonne forme raquo (qui vaut comme celle des
laquo pyramides celle des matrices grilles drsquoanalyse qui re osent sur un d cou age
selon deux axes souvent reacuteduit agrave 2 fois 2 cases et agrave un double usage analytique de
diagnostic et dynamique de circulation des l ments analys s drsquoune case agrave lrsquoautre Drsquoun
oint de vue strat gique crsquoest le ositionnement de lrsquoactivit tudi e dans la matrice qui
induit la strateacutegie Deux des constantes de ces approches sont le raisonnement en DAS
(domaine drsquoactivit strat gique crsquoest-agrave-dire en segments construits sur la double
dimension laquo produit ndash marcheacute raquo et le raisonnement en positionnement concurrentiel Par
exemple les 5 DAS laquo classiques raquo du tourisme sont Mobiliteacute Immobilier
Restauration Loisir Artisanat et souvenirs
La preacutesentation qui va en ecirctre faite est une preacutesentation laquo agrave plat raquo des trois familles de
matrices celles du BCG ayant une forme de seacutenioriteacute au regard de sa renaissance sous
un autre prisme analytique au deacutebut de la deacutecennie 1980
La matrice laquo atouts ndash attraits raquo de McKinsey
Pour une organisation donneacutee chaque DAS est analyseacute agrave partir de deux dimensions
lrsquoattractivit du marcheacute (sa taille sa croissance sa renta ilit les arriegraveres agrave lrsquoentr e
Yvon PESQUEUX
13
lrsquointensit de la concurrence sa dimension technique et la position concurrentielle (qui
deacutepend de la part de marcheacute et de son eacutevolution de la nature et de la qualiteacute des
produits et ou des services vendus de la fideacuteliteacute des clients de la structure des coucircts
etc Lrsquoorthogonalit des deux axes conduit agrave d inir des zones celle ougrave lrsquoattrait du
secteur et les com tences de lrsquoorganisation sont im ortantes la strat gie induite tant
drsquoy investir our avoriser la croissance celle des situations drsquoattrait moyen la strat gie
induite eacutetant le statu quo et celle des situations de eu drsquoint recirct qursquoil aut a andonner
Une autre version a eacuteteacute construite pour eacuteventuellement se lancer sur un marcheacute avec un
produit et ou un service nouveau la matrice laquo opportuniteacutes ndash risques raquo qui est une
forme de reprise du raisonnement de la matrice SWOT
La grille PESTEL (Politique Economique Socioculturel Technologie Ecologie
Leacutegal)
Dans la famille des grilles en compleacutementariteacute agrave la grille SWOT lrsquoanalyse S L
sert agrave la preacuteparer PESTEL est lacronyme de 6 axes danalyse qui vont organiser la
reacuteflexion la dimension Politique la dimension Economique la dimension
Socioculturelle la dimension Technologique la dimension Ecologique La dimension
Leacutegale La conduite de lanalyse PESTEL est similaire agrave celle de lanalyse SWOT dans
la mesure ougrave elle aborde chacune de ces dimensions en laquo forces ndash faiblesses raquo et
laquo opportuniteacutes ndash menaces raquo Cette analyse srsquoest structur e au regard de ratiques drsquoougrave
la di icult drsquoen trouver un auteur initiateur lle igure dans la lu art des manuels de
strateacutegie (voir agrave ce sujet J Thompson amp F Martin Strategic Management Awareness
amp Change 6th Ed Cengage Learning EMEA 2010 pp 86-88 ndash R T Rothaermel
Strategic Management Concepts and Cases McGraw-HillIrwin 2012 pp 56-61 ndash F
R David Strategic Management Concepts and Cases 12th Ed FT Prentice Hall
2009 pp 104-114 ndash G Johnson amp K Scholes amp R Whittington Exploring Corporate
Strategy 8th Ed FT Prentice Hall 2008 pp 55-57)
La matrice de portefeuille drsquoA D Little
Crsquoest une matrice de gestion de orte euille construite sur deux variables lrsquoattractivit
du domaine dactiviteacute strateacutegique (au regard des phases du cycle de vie du produit
service compte-tenu du taux de croissance du secteur a in drsquo valuer les besoins
financiers) et la position concurrentielle (afin drsquoeacutevaluer les positions des concurrents)
Les 4 zones qui deacutecoulent de ce raisonnement sont celle du laquo deacuteveloppement
naturel raquo (lorganisation occupe une position de leader sur un marcheacute en croissance)
celle du laquo deacuteveloppement seacutelectif raquo (lorganisation occupe une position sur un marcheacute
qui stagne) celle de la reacuteorientation (lorganisation occupe une position deacutefavorable sur
un marcheacute en croissance) et celle de llaquo abandon raquo (lorganisation est en difficulteacute sur un
marcheacute qui stagne)
Les matrices du BCG (Boston Consulting Group)
Yvon PESQUEUX
14
Avec les matrices du BCG il est possible de se reacutefeacuterer agrave B Henderson27
son fondateur
agrave qui il est ossi le drsquoattri uer la aternit des outils dont il va ecirctre question
La cour e drsquoex rience est remier outil de r rence agrave chaque doublement du volume
de production les co ts de roduction diminuent de 15 agrave 20 du ait de lrsquoe et
drsquoa rentissage de la s cialisation de la capaciteacute agrave valoriser un retour sur
investissement de lrsquoe et drsquo chelle de la maitrise drsquoune technologie et de celle du
temps Drsquoautres aspects tels qursquoune meilleure utilisation des matiegraveres remiegraveres une
meilleure connaissance des clients une diminution des besoins en fonds de roulement
une meilleure gestion des interm diaires euvent srsquoy ajouter Les conseacutequences de
lrsquoe et drsquoex rience sont im ortantes des coucircts plus faibles autorisent une strateacutegie
drsquoacquisition de arts de march par diminution des prix
La laquo matrice du BCG raquo propose un mode danalyse du portefeuille de produits en tenant
compte de deux dimensions la croissance du marcheacute et la part de marcheacute relative
Limportance de la part de marcheacute constitue le premier axe danalyse tandis que le
second relegraveve du taux de croissance des ventes du produit Un produitservice qui
deacutetient une bonne part de marcheacute est consideacutereacute comme fabriqueacute agrave un coucirct plus faible
avec un savoir-faire important Lanalyse en termes de taux de croissance est elle
significative des besoins de financement Cest agrave partir de cette ideacutee que la classification
suivante des produits en deacutecoule
PART DE MARCHE
Forte Faible
Produit laquo eacutetoile raquo laquo Dilemme raquo
Forte eacutequilibre ses besoins creacutee des besoins
par les surplus quil mais possegravede un
deacutegage potentiel
CROISSANCE
DES VENTES laquo Vache agrave lait raquo laquo Canards boiteux raquo
Faible geacutenegravere un surplus de dans cette position
ressources malgreacute leacutequilibre
laquo ressources ndash emplois raquo
agrave la limite du meacutetier de lrsquoentre rise
La laquo vache agrave lait raquo (qualifieacutee aussi de blockbuster) est le produit agrave partir duquel la
rentabiliteacute se reacutealise Du fait du cycle de vie ce sont les produits laquo eacutetoile raquo et dans une
moindre mesure les laquo dilemmes raquo qui prendront le relais Les laquo canards boiteux raquo enfin
sont des produits dont labandon doit ecirctre envisageacute rapidement
Apparue plus tard la seconde matrice du BCG prend en consideacuteration des paramegravetres
diffeacuterents les activiteacutes sont positionneacutees dans un tableau agrave double entreacutee avec
lrsquoavantage concurrentiel ond sur lrsquoanalyse de di rentes varia les et la di renciation
concurrentielle des produits analyseacutes Dans la situation de march ragment il nrsquoy a
pas de lien direct entre la part de marcheacute et le taux de rentabiliteacute attendu la strateacutegie
tant de srsquoada ter au cas par cas Dans la situation de speacutecialisation les activiteacutes vont
ecirctre rentables si le degreacute de speacutecialisation est adapteacute compte-tenu de lrsquoavantage
27
B Henderson On Corporate Strategy Abt Books Boston 1979 ndash B Henderson Logic of Business
Strategy Harper Collins New York 1984 - The Boston Consulting Group on Strategy Classic Concepts
and New Perspectives (2nd edition) Wiley New York 2006
Yvon PESQUEUX
15
concurrentiel mais la croissance de la part de marcheacute ne doit pas ecirctre systeacutematiquement
retenue Dans la situation de domination par les coucircts la conquecircte de part de marcheacute est
le corollaire de lrsquoaugmentation de la renta ilit plus la part de marcheacute est importante et
plus le volume de production augmente (entraicircnant donc une baisse des coucircts) et plus
les investissements sont renta les Il srsquoagit donc de mettre en lace une strat gie
o ensive Dans la situation drsquoim asse la renta ilit reste constante quelle que soit la
part de marcheacute ce qui peut conduire agrave sortir du marcheacute si le niveau de rentabiliteacute
observeacute est infeacuterieur au minimum envisageacute
Le Profit Impact of Market Strategies (PIMS) ou la recherche orienteacutee sur les
causes
Cette perspective meneacutee parallegravelement agrave celle de D Schendel r sulte drsquoune tude agrave long
terme sur la performance de 3000 SBU (strategic business units) des secteurs
eacuteconomiques les plus importants programme ayant deacutebuteacute agrave la General Electric au
milieu des anneacutees 1960 agrave lrsquoinitiative de S Schoeffler afin de savoir si les activiteacutes des
SBU de GE eacutetaient plus ou moins rentables que la moyenne des autres programme
conduit ensuite agrave lrsquoUniversit drsquoHarvard entre 7 et 7 Cette tude a d ouch sur
la construction drsquoune ase de donn es qui continue aujourdrsquohui agrave ecirctre d velo e dans
le cadre associatif du SPI (Strategic Planning Institute - httpwwwpimsonlinecom)
Cette base de donneacutees est construite dans le but de recueillir des expeacuteriences
document es sur des milliers de cas drsquoentre rises a in de com rendre les di rents
eacuteleacutements qui entrent dans la construction de leurs strateacutegies (qualiteacute prix publiciteacute
innovation inteacutegration verticale etc) 37 variables mises en correacutelation avec les types
drsquoenvironnement drsquoa aires Les SBU sont classeacutees sous 8 rubriques biens de
consommation dura les iens de consommation non dura les iens drsquoinvestissements
matiegraveres premiegraveres composants distribution en gros et en deacutetail et producteurs de
services ru riques tant aujourdrsquohui de lus en lus ines et d taill es Il aut donc en
souligner lrsquoint recirct analytique28
La matrice de C Bowman amp D Faulkner
Crsquoest une des derniegraveres matrices agrave avoir t ormul es ( 7 29
agrave artir drsquoune analyse de
la situation concurrentielle au regard de lrsquoo re des concurrents (avantage en matiegravere de
coucirct et avantage en matiegravere de diffeacuterenciation) Cette matrice conduit agrave formuler 6
strateacutegies type dans les 4 cases deacutefinies par les deux axes que sont le prix et la valeur
ajouteacutee perccedilue hybride (forte valeur ajouteacute perccedilue et coucircts faibles poursuivre la
strateacutegie en matiegravere de coucircts et introduire de la diffeacuterenciation) diffeacuterenciation (forte
valeur ajouteacutee perccedilue permettant de fixer des prix eacuteleveacutes) leadership par les coucircts
(faible valeur ajouteacutee perccedilue mais coucircts faibles) abandon (faible valeur ajouteacutee perccedilue
et coucircts eacuteleveacutes) speacutecialisation sur un segment donneacute (faible valeur ajouteacutee perccedilue et
coucircts faibles) et le dilemme (prix eacuteleveacutes et faible valeur ajouteacutee perccedilue donc risque de
perte de part de marcheacute)
28
P W Farris amp M J Moore The Profit Impact of Marketing Strategy Project Retrospect and
Prospects Cambridge University Press 2004 29
C Bowman amp D Faulkner Competitive and Corporate Strategy Irwin London 1997
Yvon PESQUEUX
16
Focus sur le modegravele des 7 laquo S raquo de R T Pascale amp A G Athos (1981)30
Ce modegravele construit dans le ut de com rendre lrsquoe icience organisationnelle a t
formuleacute agrave la fin des anneacutees 1970 par une eacutequipe de consultants de chez McKinsey (A
G Athos ascale eters et Waterman Crsquoest un modegravele agrave 36 deg visant agrave
relier la strat gie avec lrsquoe icience organisationnelle dont les 7 laquo S raquo sont Strategy
Structure Systems Staff Style Skills Shared Values
La strateacutegie integravegre la vision porteacutee par la direction de lrsquoorganisation ainsi que la
maniegravere dont elle est communiqueacutee et deacuteclineacutee La structure organisationnelle concerne
les liens formels eacutetablis entre les diffeacuterents eacuteleacutements constitutifs de la hieacuterarchie Les
systegravemes concernent les proceacutedures et les routines n cessaires agrave lrsquoaccom lissement des
tacircches y com ris les lux drsquoin ormation Le staff est lrsquoensem le des cat gories
ro essionnelles de lrsquoorganisation (ing nieurs commerciaux etc Le style de
management caracteacuterise la maniegravere dont les managers priorisent et se comportent quant
agrave la mise en œuvre des o jecti s Les com tences sont lrsquoensem le des com tences
distinctives de lrsquoorganisation qursquoelles soient de lrsquoordre du ormel ou de lrsquoin ormel
eters ayant mis lrsquoaccent sur leur im ortance quant agrave la consistance de lrsquoavantage
concurrentiel Les valeurs artag es regrou ent lrsquoensem le des croyances ro ondes
quant agrave lrsquoexistence et au devenir de lrsquoorganisation
Afin drsquoecirctre e iciente une organisation doit avoir un ort degr drsquoalignement de ces
diffeacuterents laquo S raquo et agrave lrsquoexce tion des com tences le changement de lrsquoun drsquoeux
affectant tous les autres Certains drsquoentre eux (staff strategy structure et systems)
peuvent ecirctre modifieacutes agrave court terme alors que les trois autres ne le sont que dans le long
terme
Le modegravele est conccedilu pour valoir aussi ien de accedilon statique (comme outil drsquoordre
analytique) que de faccedilon dynamique afin de faire face aux conflits lieacutes agrave la mise en
œuvre drsquoune strat gie
ocus sur la t ode elp es
La m thode Del hes est un outil de r vision agrave moyen et long terme a in drsquo valuer les
otentialit s drsquoun march dans un environnement incertain La m thode srsquoa uie sur un
travail de grou e et sur lrsquointerrogation drsquoex erts agrave lrsquoaide de grilles drsquoentretien
questionnaires a in de discerner des convergences drsquoo inions et de d gager des
consensus Son int recirct rinci al est la d limitation du cham de r onses agrave une question
os e elle est e icace our les r visions com lexes de nature technologique et ne
donne as des r onses uniques mais elle ournit di rentes ositions Elle a eacuteteacute
deacuteveloppeacutee aux Etats-unis par Norman Dalkey et Olaf Helmer de la Rand
Corporation31
30
R T Pascale amp A G Athos The Art of Japanese Management Simon amp Schuster New York 1981 31
Dalkey N amp Brown B amp Cochran S La preacutevision agrave long terme par la meacutethode Delphi Dunod Paris
1972
Yvon PESQUEUX
17
Edward R Freeman et la theacuteorie des parties prenantes (stakeholders)
E R Freeman
32 dans une perspective strateacutegique (qursquoH Mintzberg et al
33 replacent
dans llaquo Ecole du pouvoir raquo) considegravere lrsquo la oration de la strat gie comme un rocessus
de neacutegociation convergente et deacutefinit les parties prenantes comme laquo tout groupe ou
individu qui peut affecter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de
lrsquoentreprise raquo La partie prenante apparaicirct au moment de sa parution en 1984 comme
un renouvellement mineur des modes drsquoanalyse de la concurrence au regard du succegraves
des analyses de M Porter qui sont parues agrave la mecircme eacutepoque Lrsquoa roche en parties
prenantes est alors en quelque sorte devenue une laquo theacuteorie libre raquo Les consideacuterations
eacutethiques ont eacuteteacute depuis agrave lrsquoorigine des d velo ements de la th orie des arties
prenantes (et non lus drsquoune a roche consid rations ayant servi agrave lrsquo la oration de son
aspect cartographique (donc descriptif) ou normatif malgreacute son origine manageacuterialo-
centreacutee
Les postulats de la theacuteorie des parties prenantes sont les suivants
- Lrsquoorganisation est en relation avec lusieurs grou es qui a ectent et sont a ect s ar
ses deacutecisions
- La theacuteorie est concerneacutee par la nature de ces relations en termes de processus et de
reacutesultat vis-agrave-vis de la socieacuteteacute et des parties prenantes
- Les int recircts des arties renantes ont une valeur intrinsegraveque et aucun int recirct nrsquoest
censeacute dominer les autres34
- La th orie srsquoint resse agrave la rise de d cision manag riale35
- Les arties renantes construisent une constellation drsquoint recircts agrave la ois coo rati s et
concurrents36
Par ailleurs la theacuteorie des parties prenantes se reacutefegravere aussi agrave la responsabiliteacute sur la base
de deux variantes
- La remiegravere concerne lrsquoas ect empirique de la responsabiliteacute la theacuteorie est construite
dans la ers ective drsquoune rise en com te des int recircts de lrsquoorganisation qui va r artir
ses efforts entre les parties prenantes selon leur importance lrsquoin ormation
communiqueacutee aux parties prenantes est devenue un eacuteleacutement majeur car permettant de
g rer ses relations a in drsquo viter lrsquoo osition des arties renantes ou drsquoen gagner
lrsquoadh sion
- La seconde conccediloit la relation laquo organisation ndash parties prenantes raquo comme une relation
sociale qui im lique la genegravese drsquoune res onsa ilit de lrsquoorganisation envers celles-ci Il
srsquoagit ainsi drsquoune a roche normative de la res onsa ilit
32
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston
1984 33
H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari - A Guided Tour Through the Wilds of
Strategic Management FT Prentice Hall New York 2002 34
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation
Concepts Evidence and Implications raquo Academy of Management Review vol 20
ndeg 1 1995 pp 65-91 35
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91 36
T Donaldson amp L E Preston laquo The Stakeholder Theory of the Corporation Concepts Evidence and
Implications raquo Academy of Management Review vol 20 ndeg 1 1995 pp 65-91
Yvon PESQUEUX
18
A Acquier amp F Aggeri37
ro osent de synth tiser lrsquoa roche des parties prenantes sur
la base de quatre propositions
- Lrsquoorganisation ossegravede des parties prenantes qui ont des requecirctes agrave son eacutegard
- Toutes les arties renantes nrsquoont as la mecircme ca acit drsquoin luence sur lrsquoorganisation
- La ros rit de lrsquoorganisation d end de sa ca acit agrave r ondre aux demandes des
parties prenantes influentes et leacutegitimes
- La onction rinci ale du management est de tenir com te et drsquoar itrer entre les
demandes potentiellement contradictoires des parties prenantes
Michael Porter et lrsquoavantage concurrentiel
M Porter est une des icocircnes des sciences de gestion
38 du fait du raisonnement en
avantage concurrentiel agrave artir drsquoun modegravele construit sur la maitrise des 5 forces (le
laquo modegravele des 5 forces raquo que sont lintensiteacute de la rivaliteacute entre les concurrents le
pouvoir de neacutegociation des clients le pouvoir de neacutegociation des fournisseurs la
menace dentrants potentiels sur le marcheacute et la menace des produits de substitution)
forces qui structurent lrsquoenvironnement drsquoune organisation et le d loiement dune
chaicircne de valeur ensemble venant fonder un modegravele organisationnel drsquoessence
strateacutegique Auteur du contexte de la multinationalisation des entreprises M Porter a
eacutegalement conceptualiseacute la notion de pocircle de compeacutetence geacuteographique (Porters
clusters)
Comme dans les analyses qui preacutecegravedent le modegravele propose 4 strateacutegies type (strateacutegies
geacuteneacuteriques) au confluent de deux axes celui de lrsquoavantage concurrentiel (divis en
deux logiques celles des coucircts et celle de la diffeacuterenciation) et celui du champ
concurrentiel (diviseacute lui aussi en deux logiques celle de la quecircte drsquoune ci le large et
celle de la quecircte drsquoune ci le eacutetroite) Les 4 strateacutegies geacuteneacuteriques sont la strateacutegie de la
domination ar les co ts la strat gie de di renciation (au regard de la quecircte drsquoune
cible large) la focalisation fondeacutee sur des coucircts reacuteduits et la focalisation fondeacutee sur la
di renciation (au regard de la quecircte drsquoune ci le troite
Dans les travaux de M Porter il est toujours mis en avant son apport agrave la penseacutee
strateacutegique au regard de deux eacuteleacutements que sont la chaine de valeur et lrsquoavantage
concurrentiel Ses travaux sur lrsquoavantage comparatif cette fois se situent dans son apport
conceptuel agrave la question des clusters M Porter39
deacutefinit le cluster comme laquo une
concentration geacuteographique densembles dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees
lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-
Antipolis pour la France ce qui met en avant le caractegravere territorialiseacute du cluster Il srsquoy
deacuteveloppe des compleacutementariteacutes entre organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme
secteur dactiviteacute en permettant dameacuteliorer la productiviteacute (par exemple un meilleur
37
A Acquier amp F Aggeri laquo La responsabiliteacute sociale des entreprises une revue de
la litteacuterature geacuteneacutealogique raquo papier de travail CGS Ecole des Mines Paris 2006 38
M Porter laquo How Competitive Forces Shape Strategy raquo Harvard Business Review MarchApril 1979
ndash M Porter Competitive Strategy Techniques for Analysing Industries and Competitors Free Press
New York 1980 ndash M Porter Competitive Advantage Creating and Sustaining Superior Performance
Free Press New York 1985 39
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998
Yvon PESQUEUX
19
accegraves aux fournisseurs agrave linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie Il est
souvent le produit du deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute
olitique Cette question de lrsquointeractiviteacute conduit S J Bell et al40
agrave distinguer deux
cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance relationnelle peu formaliseacutee
et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les compeacutetences communes et une
gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant
les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des membres du cluster Il est donc question
drsquoorthogonaliteacute entre laquo avantage concurrentiel raquo et laquo avantage comparatif raquo
Lrsquoavantage concurrentiel se construit autour de deux axes lrsquoavantage ar les co ts et
lrsquoavantage ar la di renciation Lrsquoavantage concurrentiel as sur les co ts est av r si
la creacuteation de valeur produit par le bien etou service est reacutealiseacutee agrave un coucirct infeacuterieur agrave
celui de ses concurrents pour des produits similaires Cette deacutemarche se focalise sur les
activiteacutes creacuteatrices de valeur et agrave leur peacuterenniteacute
Degraves lors quil existe une diffeacuterenciation entre les produits etou services la compeacutetitiviteacute
par les rix devient secondaire Lrsquoavantage concurrentiel baseacute sur la diffeacuterenciation est
aveacutereacute si le produitservice reacutepond aux besoins des clients et que la valeur perccedilue est
supeacuterieure agrave son co t Lrsquoo jecti est de dis oser drsquoun roduit etou service singulier ar
rapport aux autres tant au niveau de ses caracteacuteristiques objectives et subjectives que de
ses er ormances Lrsquoavantage srsquoinscrit dans la dur e si le roduitservice est
difficilement reproductible et si les clients en perccediloivent une diffeacuterenciation Le prix
nrsquoest as un rein srsquoil est associ agrave des avantages et agrave un positionnement diffeacuterenciant
qui permet de deacutegager des profits supeacuterieurs agrave la moyenne des concurrents de fideacuteliser
les clients et de neutraliser lrsquoim act des roduits etou services de su stitution
Lrsquoidenti ication drsquoun avantage concurrentiel est issue drsquoun rocessus strat gique qui
srsquoarticule autour drsquoune vision drsquoun diagnostic strat gique interne et externe donnant
lieu agrave la d inition et au d loiement drsquoune strat gie et en in de la mesure de son
e icacit et e icience Il donnera lieu agrave une rente de situation our lrsquoentre rise sur son
marcheacute
Cette rente de situation nrsquoest as d initive lrsquoorganisation devra la deacutefendre pour
maintenir ce ositionnement Lrsquoavantage concurrentiel eut ecirctre de diffeacuterentes natures
et intervenir dans diffeacuterents domaines
Lrsquoavantage concurrentiel li aux roduits etou services est consubstantiel au cycle de
vie du produit etou du service (lancement croissance maturiteacute deacuteclin) Il se traduit par
di rents avantages avec lrsquoavantage concurrentiel laquo roduitsservice raquo (un produit etou
service innovant lrsquoavantage concurrentiel laquo marque et image (un roduit etou
service beacuten iciant drsquoune image et donc drsquoun ositionnement qui re r sente en lui-
mecircme un gage de savoir- aire et de qualit lrsquoavantage concurrentiel laquo satis action du
besoin raquo (un produit etou service reacutepondant aux attentes des utilisateurs)
Lrsquoavantage concurrentiel lieacute agrave la technologiesavoir-faire se caracteacuterise par une position
forte par rapport agrave ses confregraveres car elle maicirctrise une technologieun savoir-faire
di renciant(e qui lui con egravere donc une osition dominante sur le march Lrsquoentre rise
aura donc une avance dans la commercialisation du produitservice et pourra ainsi
40
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642
Yvon PESQUEUX
20
gagner des parts de marcheacute
Lrsquoavantage concurrentiel li au march quand il est porteur ou laquo de niche raquo il sera alors
consideacutereacute comme agrave fort potentiel et la conquecircte de parts de marcheacute se fera plus
ra idement car il nrsquoy aura que eu drsquoacteurs et que la demande sera soutenue
Lrsquoorganisation ourra ainsi n icier drsquo conomies drsquo chelles et atteindre lus vite le
seuil de rentabiliteacute
Lrsquoavantage concurrentiel li agrave la qualit permet de maintenir voire drsquoaugmenter la
satisfaction des consommateurs et de les fideacuteliser
In fine en accord avec D L Deephouse41
qui srsquoest inteacuteresseacute au processus strateacutegique en
formulant la strategic balanced theory qui ose la question de savoir srsquoil srsquoagit drsquoecirctre le
mecircme que les autres (dans la ers ective drsquoune quecircte de l gitimit ou ien drsquoecirctre
di rent (dans celle de la quecircte drsquoun avantage concurrentiel avec la cadre de M
Porter il ne saurait y avoir que ces deux types de strateacutegie
La mise en tension laquo E R Freeman ndash M Porter raquo au regard du rocircle et
de la latitude drsquoaction du dirigeant
Chez M orter le rocircle du dirigeant est de cr er de la valeur ( our lrsquoorganisation et ses
proprieacutetaires) Le raisonnement en chaine est donc ondateur drsquoun mode de
gouvernance financier voire actionnarial ndash si lrsquoon revient agrave la trilogie laquo Boards ndash
Brands ndash Business model Sa latitude drsquoaction est donc li e agrave son articulation avec le
conseil drsquoadministration
Chez E reeman le rocircle du dirigeant est de srsquoarticuler avec des laquo parties
prenantes raquo la ocalisation vers la renta ilit nrsquoen constituant qursquoun as ect Son modegravele
drsquoorigine est manag rialo-centr (crsquoest agrave la direction de srsquoarticuler en renant lus ou
moins en com te les attentes des arties renantes au regard de la strat gie qursquoelle
compte mener) Un exemple agrave la limite lieacute agrave la situation du personnel pourrait ecirctre de ne
as le rendre en consid ration au regard drsquoun business as usual Le ersonnel nrsquoest
alors pas une partie prenante Il ne le devient que si la strateacutegie envisageacutee possegravede un
im act sur lui Le assage de lrsquoa roche strat gique en arties renantes (son cadre
drsquoorigine agrave la th orie des arties renantes42
a eacuteteacute au regard de la mecircme trilogie
laquo Boards ndash Brands ndash Business model ondateur drsquoun modegravele artenarial de la
gouvernance Le rocircle du dirigeant ndash et sa latitude drsquoaction ndash est donc drsquoarticuler les
demandes du conseil drsquoadministration avec celles des arties renantes
On assiste aujourdrsquohui avec le assage s mantique des arties renantes aux arties
inteacuteresseacutees43
agrave un retournement de situation venant questionner la latitude du dirigeant
face agrave des parties inteacuteresseacutees qui laquo prennent raquo sans lui demander son avis (cf les
41
D L Deephouse laquo o e Di erent or to e the Same Itrsquos a Question (and heory o
Strategic Balance raquo Strategic Management Journal Vol 20 ndeg 2 1999 pp 147ndash166 42
Y Pesqueux laquo La theacuteorie des parties prenantes une theacuteorie aiseacutement ideacuteologisable raquo halshsh-
02544474 1642020 43
Y Pesqueux laquo La res onsa ilit sociale de lrsquoentre rise ( S a regraves lrsquoAccord de Paris de 2015 et la
pandeacutemie covid-19 de 2020 raquo - halshs- 02545949 1742020
Yvon PESQUEUX
21
politiques publiques associeacutees agrave la pandeacutemie du covid-19 et la quasi-interdiction du
tra ic a rien lrsquoins curit jihadiste au Sahel ou les reacutevoltes des populations locales face agrave
la preacutedation des groupes miniers qui conduisent les entreprises concerneacutees agrave sortir de
lrsquoorniegravere analytique de la menace com rise dans les termes du risque ays our une
geacuteostrateacutegie aux niveaux macro meacuteso et micro) et donc agrave lrsquo mergence drsquoune
gouvernance multi-niveaux par consensus Il ne peut plus alors ecirctre question ni de
gouvernance artenariale ni encore moins de aire de lrsquo tat une artie renante armi
les autres
Et agrave ce titre ni M orter ni reeman nrsquoont fondeacute de modegraveles de participation des
employeacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
Focus sur la participation et les modegraveles de participation
La participation des employeacutes agrave la prise de deacutecisions strateacutegique pose la question du
dialogue social geacuteneacuteralement perccedilu comme un laquo processus incluant tous les types de
neacutegociation de consultation ou simplement deacutechange dinformations entre les
repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions
repreacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et sociale raquo44
et
dont leacuteloge est fait dans les discours politiques meacutediatiques et scientifiques ougrave elle est
preacutesenteacutee comme un consensus positif entre laquo partenaires sociaux responsables raquo45
A
lappui de comparaisons europeacuteennes souvent hacirctives et servant agrave deacutenoncer larchaiumlsme
de la conflictualiteacute des relations professionnelles en particulier en France le
deacuteveloppement de la participation est ceacuteleacutebreacute comme eacutetant de la moderniteacute Elle
constitue alors le pendant organisationnel de la deacutemocratie participative du versant
politique46
Cependant le deacuteveloppement souvent ineacutegal de la neacutegociation comme le
surcroit de leacutegitimiteacute donneacutee agrave ce registre daction dans les discours syndicaux
nempecircche aucunement le maintien de multiples formes de conflits47
Ces reacutesistances sont essentiellement dues au fait que le concept de laquo participation des
travailleurs raquo est diversement appreacutecieacute car les diffeacuterents systegravemes nationaux relatifs aux
relations ro essionnelles tudi es nrsquoattri uent as un seul et unique terme En effet
selon lrsquoOI la notion de artici ation au sens large du terme com renant la
n gociation collective ne ait as consensus Lrsquoadministration du travail et de
nombreux speacutecialistes des relations professionnelles tout en reconnaissant certains
points communs et une certaine interaction reacutepeacuteteacutee entre la neacutegociation collective et les
diffeacuterentes meacutethodes de participation tendent agrave souligner la nette seacuteparation existante
entre ces deux l ments Ils mettent notamment en vidence lrsquoautonomie onctionnelle
de la neacutegociation et de la participation La neacutegociation collective ndash en tant que meacutethode
de reacutegulation des dynamiques sociales ndash et dont il est question ici diffegravere de la
44
OIT httpwwwiloorg 45
B Giraud laquo Derriegravere la vitrine du laquo dialogue social raquo les techniques manageacuteriales de domestication
des conflits du travail raquo Agone vol 1 ndeg 50 2013 pp 33-63
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008 46
Y Pesqueux Gouvernance et privatisation PUF collection laquo la politique eacuteclateacutee raquo Paris 2007 47
S Beroud amp J-M Denis amp G Desage amp B Giraud amp J Peacutelisse La lutte continue Les conflits du
travail dans la France contemporaine Editions du Croquant Paris 2008
Yvon PESQUEUX
22
participation quand on en deacutepasse celle qui concerne la participation au partage des
beacuteneacutefices Avec la neacutegociation il est question de distinction entre les inteacuterecircts des parties
concerneacutees et de leur li ert drsquoaction
La laquo participation des travailleurs telle que lrsquoentend lrsquoOrganisation Internationale du
Travail (lrsquoOIT) se situe au niveau de lrsquoentre rise48
Selon lrsquoOIT lrsquoim lication des
organisations des travailleurs aux deacutecisions politiques au niveau macro-eacuteconomique est
appeleacutee laquo consultation et coopeacuteration raquo et non pas laquo participation des travailleurs raquo En
effet la laquo recommandation ndeg 1 de lrsquoOIT en matiegravere de consultation et de coopeacuteration
entre les autoriteacutes publiques et les organisations des travailleurs et des employeurs au
niveau industriel et national rescrit lrsquoutilisation de cette terminologie Ce qui fait que
lrsquoOIT preacuteconise drsquoutiliser laquo participation des travailleurs agrave la prise de deacutecision au sein
de lrsquoentreprise raquo qui exclut par exemple les reacutegimes de participation des travailleurs
aux reacutesultats
A partir de lagrave il est possible de scinder deux modaliteacutes drsquoa r ciation de la
participation des salarieacutes agrave la prise de deacutecision strateacutegique
- Lrsquoune li e aux modalit s juridiques de leur r sence dans les organes de direction
comme celle des repreacutesentants des salarieacutes dans le Conseil de surveillance des
socieacuteteacutes anonymes laquo agrave lrsquoallemande raquo ou dans la structure mecircme du capital avec par
exemple les socieacuteteacutes coopeacuteratives ouvriegraveres de production (les SCOP) ou dans un
systegraveme drsquoautogestion
- Lrsquoautre li e agrave la latitude des dirigeants et au artage de lrsquo la oration et de la mise en
œuvre de la strat gie dont il sera question ci-dessous
Le modegravele de F A Heller amp G Yukl (1969)49
Lrsquoid e de continuum dans la prise de deacutecision strateacutegique est proposeacutee par F A Heller
amp G Yukl et conccediloit la participation comme le processus par lequel les subordonneacutees
artagent lrsquoin luence avec les dirigeants dans la prise de deacutecision
Le continuum concernant les modes de participation repose sur les jalons suivants
- Aucune ou peu drsquoin ormation la deacutecision est prise par le dirigeant et aucune
in ormation nrsquoest transmise aux su ordonn s
- Information la deacutecision est prise par le dirigeant les subordonneacutes sont informeacutes
des raisons motivant le choix du gestionnaire apregraves la prise de deacutecision
- Consultation la deacutecision est prise par le dirigeant apregraves avoir consulteacute un
repreacutesentant ou un groupe de subordonneacutes la deacutecision eacutetant habituellement le reflet
de la consultation effectueacutee
- Prise de deacutecision conjointe la deacutecision est le reacutesultat drsquoun consensus reacutesultant entre
le dirigeant et la participation drsquoun ou des repreacutesentants des subordonneacutes
- Controcircle complet la deacutecision est deacuteleacutegueacutee aux subordonneacutes
P J D Drenth et al50
et F A Heller ajoutent un autre niveau de participation au
continuum en divisant le niveau de consultation entre lrsquolaquo Opportuniteacute de donner son
48
G Casale laquo Wor ersrsquo artici ation and the ILO osition Some e lexions raquo in M Weiss
Sewerinsky Handbook on Employee Involvement in Europe Kluwer The Hague 2005 49
F A Heller amp G Yukl laquo Participation Managerial Decision-making and Situational
Variables raquo Organizational Behavior amp Human Performance vol 4 ndeg 3 1969 pp 227-241
httpdxdoiorg1010160030-5073(69)90007-5
Yvon PESQUEUX
23
avis raquo (Avant la prise de deacutecision le gestionnaire explique le problegraveme aux
subordonneacutes et leur demande leur avis la deacutecision est prise en compte sans
neacutecessairement en tenir compte) et lrsquolaquo Avis pris en consideacuteration raquo (la deacutecision prise
re legravete ici lrsquoavis reccedilu ar les su ordonn s au regard des trois niveaux organisationnels
strateacutegique tactique et opeacuterationnel
Le modegravele de H P Dachler amp B Wilpert (1978)51
Pour eux la participation est consideacutereacutee comme systegraveme social et met en oeuvre quatre
dimensions les valeurs les principes et les buts de la participation les modaliteacutes de la
participation le contexte et son cadre les reacutesultats et les effets
Les modes de participation sont les suivants la formalisation (degreacute de participation au
regard de regravegles explicites) lrsquoim lication (le mode de repreacutesentation des employeacutes
direct ou indirect lrsquoaccessi ilit agrave la rise de d cision (lrsquoin luence accord e aux
employeacutes dans le processus de la prise de deacutecision - le laquo degreacute de participation raquo) le
contenu offert agrave la participation la cateacutegorie des employeacutes concerneacutes
Focus Du cluster laquo porteacuterien raquo agrave lrsquo cosystegrave e drsquoaffaires
Il est question avec ces modalit s organisationnelle drsquoorganisations hy rides marque
de la difficulteacute agrave les qualifier Crsquoest au-delagrave lrsquoh t rog n it des intitul s qursquoil est aussi
question drsquolaquo eacuteconomie des territoires raquo
Crsquoest ainsi que G Colletis B Pecqueur52
mettent lrsquoaccent sur deux ty es de
ressources sur un territoire donneacute
- Les ressources standard (ou geacuteneacuteriques) dont la valeur existante ou potentielle est
indeacutependante de leur participation agrave un quelconque processus (cf la main drsquooeuvre non-
qualifieacutee Ces ressources sont trans ra les lles ont une valeur drsquo change ix e ar le
march Donc le rix est le critegravere drsquoa r ciation de la valeur drsquo change autant dire
laquo qursquoun facteur geacuteneacuterique est indeacutependant du geacutenie du lieu ougrave il est produit raquo
- Les ressources speacutecifiques (ou latentes) dont la valeur est fonction des conditions de
leur usage (savoir-faire apprentissages qualifications intellectuelles dans le cas du
district industriel Il srsquoagit de ressources non valoris es mais susceptibles de le devenir
ar le jeu drsquoe ets de roximit ar la ormation de dynamiques internes (cas du
patrimoine non exploiteacute) Ces ressources laquo neacutecessitent des processus interactifs et sont
alors engendreacutes dans leur configuration Elles constituent le processus cognitif qui est
engageacute lorsque les acteurs ayant des compeacutetences diffeacuterentes produisent des
connaissances nouvelles par la mise en commun de ces derniegraveres et lorsque des
connaissances et savoirs heacuteteacuterogegravenes sont combineacutes de nouvelles connaissances sont
produites qui peuvent agrave leur tour participer de nouvelles configurations raquo
50
P L Koopman amp V Rus amp F A Heller amp P J D Drenth Decisions in Organizations - A Three-
Country Comparative Study SAGE Publications 1988 ISBN 978-0-8039-8054-9 51
H P Dachler amp B Wilpert laquo Conceptual Dimensions and Boundaries of Participation in
Organizations A Critical Evaluation raquo Administrative Science Quarterly vol 23 ndeg 1 1978 pp 1-39 52
G Colletis amp B Pecqueur laquo Reacuteveacutelation de ressources speacutecifiques et coordination situeacutee raquo Colloque
international sur lrsquoeacuteconomie de proximiteacute Marseille 8-9 juin 2004 Economie et institution ndeg speacutecial
Proximiteacute et institutions nouveaux eacuteclairages 2004
Yvon PESQUEUX
24
Lrsquoexistence de ressources s ci iques renvoie aux contingences des territoires et
fondent son laquo avantage diffeacuterenciatif raquo
La filiegravere
Etymologiquement crsquoest au XIII et XIVdeg siegravecle que remontent les premiers usages du
terme de filiegravere qui deacutesigne alors un laquo instrument destineacute agrave eacutetirer des fils raquo et aussi agrave un
processus de coordination entre commerccedilants en deacutefinissant les ordres de livraison
avant eacutecheacuteance transmissibles ar voie drsquoendos dans les relations commerciales53
Derriegravere lrsquoid e de iliegravere il y a un il conducteur qui rassem le autour drsquoun mecircme
eacuteleacutement plusieurs agents dans un processus dynamique
Plusieurs theacuteories des filiegraveres se sont deacuteveloppeacutees (cf J H Davis amp R A Golberg54
avec le conce t drsquoagri-business agrave artir drsquoa roches onctionnalistes assez peu
orienteacutees vers des dimensions sociales la filiegravere eacutetant analyseacutee dans sa dimension
marchande P Hugon55
dans sa deacutefinition de la filiegravere note lrsquoam iguumlit de la notion de
filiegravere du fait de sa dimension polyseacutemique La filiegravere permet de mettre en exergue des
strateacutegies des relations de coopeacuteration et de pouvoir des controcircles de technologies des
effets de synergies
Le district
Ce terme proche de la notion de cluster apparaicirct au deacutebut du XXdeg siegravecle dans les
travaux drsquoA Marshall56
relatifs agrave leacutetude de la co-localisation des firmes sur des zones
donneacutees pour des raisons de compleacutementariteacute des ressources en particulier des
employeacutes speacutecialiseacutes qui y eacutechangent de linformation et de la connaissance J Zeitlin57
le deacutefinit comme un laquo systegraveme de production localiseacute geacuteographiquement et fondeacute sur
une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans
des phases distinctes dun mecircme secteur industriel Crsquoest ensuite dans les ann es 7
que des auteurs italiens tels que G Beccatini58
se sont inteacuteresseacutes agrave la notion de district
car des entreprises de petite taille localiseacutees sur un mecircme territoire (qualifieacute alors de
laquo district raquo) avaient mieux reacutesisteacute aux crises G Beccatini le deacutefinit comme laquo une entiteacute
socio-territoriale caracteacuteriseacutee par lassociation active dans une aire territoriale
circonscrite et historiquement deacutetermineacutee dune communauteacute de personnes et dune
population dentreprises industrielles Dans le district agrave la diffeacuterence de ce qui se
produit dans dautres milieux par exemple dans la ville manufacturiegravere la
communauteacute et les entreprises tendent pour ainsi dire agrave sinterpeacuteneacutetrer raquo J-C
53
L Temple amp F Lancon amp F Palpacuer amp G Pache laquo Actualisation du concept de filiegravere dans
lagriculture et lagroalimentaire raquo Economies et socieacuteteacutes seacuterie laquo Deacuteveloppement croissance et progregraves raquo
Presses de lISMEA Paris 2011 ndeg 33 pp1785-1797 54
J H Davis amp R A Goldberg A Concept of Agribusiness Graduate School of Business
Administration Boston 1957 55
P Hugon laquo Lrsquoindustrie agro-alimentaire Analyse en termes de filiegraveres raquo Tiers monde tome 29 ndeg
115 laquo Industrialisation et deacuteveloppement Modegraveles expeacuteriences perspectives raquo 1988 pp 665-693 56
A Marshall Principes drsquoEconomie Politique Gordon and Breach Londres 1971 (Ed originale
1890) 57
J Zeitlin laquo lndustrial Districts and Local Economic Regeneration Overview and Comment raquo in F
Pyke amp W Sengenberger Sage Londres 1992 pp 179-194 58
G Beccatini laquo Le district marshallien une notion socio-eacuteconomique raquo in G Benko amp A Lipietz Les
reacutegions qui gagnent PUF 1992 p 37 agrave 39
Yvon PESQUEUX
25
Daumas59
met lrsquoaccent sur lim ortance des conomies externes ermises ar la
proximiteacute la creacuteation dune atmosphegravere stimulant linnovation un consensus social des
institutions collectives et un fort sentiment dappartenance les politiques locales
pouvant avoir un effet positif ou neacutegatif sur leacutemergence des districts Il signale
n anmoins qursquoil existe des risques do ortunisme en lrsquoa sence dinstitutions ca a les
de faire respecter les regravegles par les organisations preacutesentes drsquoautant quun district na
pas de leader deacutefini mecircme sil peut exister une hieacuterarchie entre donneurs dordres et
sous-traitants Ces organisations sont plutocirct homogegravenes par la taille et le secteur
dactiviteacute les liens existants entre les organisations venant en limiter lautonomie
notamment en matiegravere dentreacutee et de sortie du district
Le cluster
M Porter60
le deacutefinit comme laquo une concentration geacuteographique densembles
dentreprises et dinstitutions interconnecteacutees lieacutees agrave un secteur dactiviteacute raquo Les
exemples les plus citeacutes sont la Silicon Valley Sophia-Antipolis ce qui met bien en avant
le caractegravere territorialiseacute du cluster) Il en est eacutegalement question sous la deacutenomination
de laquo grappe Comme avec le district il srsquoy d velo e des com l mentarit s entre
organisations et institutions lieacutees agrave un mecircme secteur dactiviteacute et ancreacutees dans un mecircme
lieu ce qui permet dameacuteliorer la productiviteacute (un meilleur accegraves aux fournisseurs agrave
linformation agrave la main-dœuvre et agrave la technologie) Il est souvent le produit du
deacuteveloppement historique mais il peut aussi reacutesulter dune volonteacute politique S J Bell
et al61
distinguent deux cateacutegories de gouvernance des clusters une gouvernance
relationnelle peu formaliseacutee et baseacutee sur la confiance la compreacutehension et les
compeacutetences communes et une gouvernance hieacuterarchique dans laquelle il existe un
cadre explicite dautoriteacute deacutefinissant les capaciteacutes deacutecisionnelles de chacun des
membres Crsquoest notamment le cas des laquo clusters innovants raquo tels que Savoie Technolac
ou Imaginove (A Berthinier-Poncet62
) Il est int ressant de noter aujourdrsquohui la
possibiliteacute de voir se deacutevelopper des clusters non ancreacutes geacuteographiquement du fait des
a orts des technologies de lrsquoin ormation et de la communication
Leacutecosystegraveme daffaires
Leacutecosystegraveme daffaires est une meacutetaphore biologique63
recouvrant lrsquoexistence drsquoune
communaut structur e agrave artir drsquo l ments sim les ce terme srsquo tant su stitu agrave celui de
cluster J F Moore64
constate que laquo manageacute par un ou plusieurs leaders leacutecosystegraveme
est un projet agrave la fois deacutelibeacutereacute et co-eacutevolutif qui conduit agrave un alignement des acteurs
creacuteateurs de valeur au travers dun processus dinnovation collectif Gouverneacute de faccedilon
59
J-C Daumas laquo Districts industriels le concept et lhistoire raquo Revue Economique vol 58 ndeg 1 2007 60
M Porter laquo Clusters and the New Economics of Competition raquo Harvard Business Review novembre -
deacutecembre 1998 61
S J Bell amp P Tracey amp J B Heide laquo The Organization of Regional Clusters raquo Academy of
Management Review vol 34 ndeg 4 pp 623-642 62
A Berthiniet-Poncet laquo Cluster Governance and Institutional Dynamics A Comparative Analysis of
French Regional Clusters of Innovation raquo 22deg Confeacuterence Internationale du Management Strateacutegique
Rennes 26-28 mai 2014 63
Y Pesqueux laquo Lrsquoim ortance de la tacircche discursive en sciences de gestion ndash Meacutetaphore image et
figure raquo halshs-02518773 2532020 64
J F Moore laquo Predators and Prey A New Ecology of Competition raquo Harvard Business Review mai -
juin 1993
Yvon PESQUEUX
26
deacutemocratique agrave la fois compeacutetitif et coopeacuteratif cest un agencement modulaire de
firmes partageant une communauteacute de destin raquo Les entit s drsquoun cosystegraveme drsquoa aires
co-deacuteveloppent des compeacutetences autour dune innovation dans une logique de
laquo coopeacutetition raquo La gouvernance drsquoun cosystegraveme da aires centralis e srsquoe ectue autour
dun acteur focal (cf les eacutecosystegravemes dApple ou drsquoAndroid) Il existe alors un rapport
hi rarchique entre lrsquoorganisation ocale et les autres mem res de l cosystegraveme da aires
Trois grands types de leadership ont eacuteteacute identifieacutees par S Edouard amp A Gratacap65
la
domination physique dans laquelle le leader cherche agrave sapproprier leacutecosystegraveme la
domination landlord dans laquelle le leader garde le controcircle des ressource critiques et
la domination en laquo organisation pivot raquo plus deacutecentraliseacutee dans laquelle le leader ne
soccupe que de lameacutelioration de la santeacute de leacutecosystegraveme en stimulant les niches
innovantes et en fournissant des ressources speacutecifiques
Le Systegraveme Productif Local (SPL)
La Datar le deacutefinit en 2002 comme laquo une organisation productive particuliegravere localiseacutee
sur un territoire correspondant geacuteneacuteralement agrave un bassin demploi Cette organisation
fonctionne comme un reacuteseau dinterdeacutependances constitueacutees duniteacutes productives ayant
des activiteacutes similaires ou compleacutementaires qui se divisent le travail (entreprises de
production ou de services centres de recherche organismes de formation centres de
transfert et de veille technologique etc raquo Le SPL est donc une notion plus large que
celle de district en particulier au regard de ses eacuteleacutements constitutifs la dimension des
entreprises concerneacutees allant de la TPE agrave la tregraves grande entreprise On y rencontre aussi
des acteurs tregraves divers y compris des institutions publiques telles que les instituts de
recherche lieacutes au secteur (C Courlet et al66
) Les relations de gouvernance peuvent ecirctre
plus ou moins formaliseacutees Mais la notion de SPL conserve du district lideacutee
deacuteconomies externes dans sa raison decirctre La speacutecificiteacute des activiteacutes limite
lrsquoautonomie de ses mem res en termes drsquoentr e et de sortie du systegraveme ainsi qursquoen
termes de localisation des activit s Les changes drsquoin ormation limitent galement le
com ortement des mem res Les mem res drsquoun S L srsquoorganisent souvent autour drsquoune
entit ocale notamment lorsqursquoil im lique des grands grou es
Selon C Courlet67
un systegraveme productif local (SPL) est une laquo configuration
drsquoentreprises regroupeacutees dans un espace de proximiteacute autour drsquoun meacutetier voire mecircme
de plusieurs meacutetiers industriels Les entreprises entretiennent des relations entre elles
et avec le milieu socioculturel drsquoinnovation Ces relations ne sont pas seulement
marchandes elles sont aussi informelles et produisent des externaliteacutes positives pour
lrsquoensemble des entreprises raquo Les SPL sont caracteacuteriseacutes par la flexibiliteacute et les
eacuteconomies drsquoagglom ration Les tenants de ce courant a outissent agrave lrsquoid e de la
multipliciteacute des trajectoires du deacuteveloppement industriel
Les caracteacuteristiques des SPL sont la lexi ilit qui im lique la ca acit agrave srsquoada ter en
longue dureacutee aux changements eacuteconomiques et technologiques la capaciteacute agrave se
65
S Edouard amp A Gratacap laquo Proposition dun modegravele dintelligence collective pour les eacutecosystegravemes
daffaires raquo Management amp Avenir vol 6 ndeg 46 2011 pp 177-199 66
C Courlet amp A Torre laquo Les systegravemes productifs localiseacutes un bilan de la litteacuterature raquo Etudes de
Recherches Systegravemes Agraires et Deacuteveloppement ndeg 33 2002 pp 27-40 67
C Courlet Territoires et Reacutegions les grands oublieacutes du deacuteveloppement eacuteconomique lrsquoHarmattan
Paris 2001
Yvon PESQUEUX
27
distinguer des autres systegravemes industrialiseacutes la capaciteacute agrave creacuteer et agrave innover la capaciteacute
de reacuteguler la coordination agrave travers des solidariteacutes spatiales
Le Reacuteseau Territorialiseacute dOrganisations (RTO)
Le RTO englobe les notions de cluster de district et de systegraveme productif local D
Chabaut et al68
deacutefinissent les RTO comme laquo des ensembles coordonneacutes dacteurs
heacuteteacuterogegravenes geacuteographiquement proches qui coopegraverent et participent collectivement agrave
un processus de production (hellip) Ces formes dorganisation sont situeacutees sur un
territoire geacuteographique initialement deacutelimiteacute et pour des raisons diverses (contraintes
externes poussant les entreprises agrave se regrouper volonteacute de partenariat pour une
meilleure exploitation des ressources etc) ont eacuteteacute ameneacutees agrave tisser des relations de
nature marchande et non marchande creacuteant ainsi une interdeacutependance durable tout en
conservant leur autonomie raquo Les RTO peuvent combiner des entiteacutes publiques et
priveacutees car les politiques publiques y ont une influence et on peut y voir apparaitre de
nouvelles institutions speacutecifiques (directoires preacutesidence de reacuteseau mise en place de
regravegles et normes etc) et observer des mesures dharmonisation reacuteglementaires et
structurelles des institutions existantes Les relations entre entiteacutes peuvent ecirctre tregraves
diffeacuterentes et plus ou moins formaliseacutees les eacutechanges concernant aussi bien du tangible
que de linformation du personnel ou des innovations mais crsquoest le caractegravere dura le
des relations qui y est rechercheacute
Les laquo pocircles territoriaux de coopeacuteration eacuteconomique raquo
Cette notion srsquoinscrit dans lrsquounivers des laquo meacuteta-organisations raquo69
qui se caracteacuterisent
par
- Une eacutegaliteacute amp similariteacute relatives des membres
- La volont de travailler dans lrsquoint recirct de ses mem res
Ils sont tripartites (entreprises gouvernements marcheacute du travail amp organisations de la
soci t civile tant a arus dans la loi relative agrave lrsquo conomie sociale et solidaire
(2014)70
et posent la question de la notion de laquo pilote raquo et de leur gouvernance
( rocessus drsquoaction collective rocessus laquo liens forts ndash liens faibles raquo et processus
speacutecifique agrave une meacuteta-organisation multi arties renantes drsquoougrave la question de la
logique de structuration des eacutechanges de gouvernance et de strateacutegie collective
La meacuteta-organisation
Le concept de meacuteta-organisation concerne les regroupements dorganisations (G Ahrne
amp N Brunsson71
) H Dumez72
deacutefinit la meacuteta-organisation comme laquo une organisation
constitueacutee par dautres organisations la distinguant ainsi de lorganisation constitueacutee
68
D Chabault amp V Perret laquo Pocircles de compeacutetitiviteacute version 20 les enjeux strateacutegiques et manageacuteriaux
de la laquo clusterisation raquo des dynamiques compeacutetitives raquo in G Nogatchewsky amp A Pezet (Eds) LEtat des
entreprises La Deacutecouverte collection laquo Repegraveres raquo Paris 2011 pp 31-41 69
G Ahrne amp N Brunsson 2005 laquo Organizations and Meta-organizations raquo Scandinavian Journal of
Management vol 21 ndeg 4 2005 pp 429-449 70
Loi ndeg 2014-856 du 31 juillet 2014 relative agrave leacuteconomie sociale et solidaire 71
G Ahrne amp N Brunsson laquo How Much do Meta-organizations Affect their Members raquo 7deg confeacuterence
SGIR Pan-European International Relations Conference Stockholm 9-11 septembre 2010 Session 38 72
H Dumez laquo Les Meacuteta-organisations raquo Le Libellio dAegis vol 4 ndeg 3 2008 pp 31-36
Yvon PESQUEUX
28
par des individus raquo Il cite le MEDEF lONU etc R Gulati et al73
stipulent quune
meacuteta-organisation est laquo une organisation dont les agents sont eux-mecircmes leacutegalement
autonomes et non lieacutes par des liens demploi raquo Un agent laquo peut ecirctre une organisation
(au sein de laquelle il peut tregraves bien y avoir des relations demploi) mais pouvant ecirctre
traiteacutee comme acteur unitaire pour des raisons danalyse raquo La meacuteta-organisation nest
pas forceacutement ancreacutee sur un territoire La meacuteta-organisation eacutemerge pour plusieurs
raisons le besoin de creacuteer une identiteacute commune forte renforccedilant lidentiteacute des
mem res la n cessit drsquoecirctre un acteur collecti (cas de lO AN ou des groupes de
lobbying industriels par exemple) le besoin de regrouper les leaders dune branche ou
encore la neacutecessiteacute de reacuteguler linteraction entre les membres R Gulati et al mettent
laccent sur lexistence dun objectif ou destin commun Les membres dune meacuteta-
organisation sont des organisations pouvant ecirctre aussi bien des entreprises que des
Etats des associations ou des agences qui peuvent mecircme ecirctre eux-mecircmes des reacuteseaux
inter-organisationnels La gouvernance de la meacuteta-organisation de type soft law
homogeacuteneacuteise progressivement les modes et processus de fonctionnement via des
recommandations directives etc au regard drsquoune structure de gouvernance Les
membres dune meacuteta-organisation si diffeacuterents soient-ils preacutesentent geacuteneacuteralement
certaines similariteacutes degraves les deacutebuts de la meacuteta-organisation en question (une similariteacute
de destin de localisation de branche par exemple)
La laquo theacuteorie des sites symboliques raquo (H Zaoual)74
Il propose ce cadre theacuteorique qui se veut une alternative au modegravele standard La
laquo theacuteorie des sites symboliques raquo integravegre dans son raisonnement les dimensions dans
lesquelles lrsquoidentit drsquoun territoire srsquoex rime le site tant consid r comme un
laquo construit symbolique et social Le territoire est le siegravege drsquoun ensem le drsquointeractions
sym oliques et ratiques donnant lieu agrave un enchevecirctrement drsquoacteurs et de r gulations
Il deacutefinit le site comme laquo une entiteacute immateacuterielle invisible Il impregravegne souterrainement
les comportements collectifs et toutes les manifestations mateacuterielles drsquoune contreacutee
donneacutee De ce point de vue crsquoest un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance
de lrsquoespace veacutecu des acteurs Sa boicircte noire renferme les mythes fondateurs les
croyances les souffrances les eacutepreuves endureacutees les reacuteveacutelations traverseacutees les
influences subies ou adapteacutes par un groupe humain Tout ceci constitue une veacuteritable
identiteacute transmise par la socialisation entre les geacuteneacuterations ce qui donne un caractegravere
unique au laquo lieu raquo mecircme si lrsquoon peut y deacutecouvrir aussi des similitudes rencontreacutees dans
drsquoautres groupements voisins ou eacuteloigneacutes raquo (2005) La laquo theacuteorie des sites
symboliques raquo repreacutesente un individu comme eacutetant inseacutereacute dans un espace
pluridimensionnel - eacuteconomique juridique cognitif et symbolique - et qui fonde son
73
R Gulati amp P Puranam amp M Tushman laquo Meta-organization Design Rethinking Design in
Interorganizational and Community Contexts raquo Strategic Management Journal ndeg 33 2012 pp 571-586 74
H Zaoual laquo Le management situeacute Une introduction agrave la penseacutee manageacuteriale postglobale raquo Gestion
2000 ndeg 107 janvier-feacutevrier 2007 pp 165-193 numeacutero speacutecial Le management a ricain ratiques hellip
et Theacuteories - laquo Economie de proximiteacute et deacutemocratie situeacutee raquo (pp175-214) in T Daghri amp H Zaoual
(Eds) Economie solidaire et deacuteveloppement local Vers une deacutemocratie de proximiteacute LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2007 - Management situeacute et deacuteveloppement local LrsquoHarmattan
collection laquo Horizon pluriel raquo Paris 2006 - laquo Confiance et gouvernance des systegravemes complexes Vers
un modegravele Proximiteacute Diversiteacute et Gouvernance raquo in Z Bennani (Ed) Savoir innovation et Technologie
au Maroc Revue Repegraveres et Perspectives numeacutero speacutecial ndeg 8 - 9 2006 pp 380-397 - Les eacuteconomies
laquo voileacutees raquo au Maghreb LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2006 - La socioeacuteconomie de la
proximiteacute LrsquoHarmattan Collection laquo Economie plurielle raquo 2005
Yvon PESQUEUX
29
com ortement Crsquoest ce qursquoil quali ie drsquohomo situs Cet laquo homme concret vivant raquo est
consid r comme lrsquolaquo homme de la situation raquo ce qui rend sa rationaliteacute situeacutee
indeacutetermineacutee a priori et mouvante car elle se construit in situ en incor orant lrsquoensemble
des interfeacuterences du site
Focus sur le modegravele Awareness Motivation Capability de M J Chen
(1996)75
Quelles que soient les d clinaisons ou les extensions des cadres drsquoanalyse de la dyna-
mique des interactions compeacutetitives le modegravele AMC (Awareness Motivation
Capability) est geacuteneacuteralement mentionneacute comme le cadre ayant guideacute la maniegravere dont les
chercheurs ont approcheacute les anteacuteceacutedents aux actions et reacuteactions des acteurs du marcheacute
Il srsquoagit des modalit s directrices du mouvement concurrentiel et des perceptions
manag riales qui ermettent drsquoantici er les actions et r actions des agents qui
interagissent76
LrsquoAMC tente drsquoex liquer la dynamique des interactions com titives et les modalit s
directrices du mouvement concurrentiel en rapprochant la perspective structuraliste et
lrsquoa roche com ortementale de lrsquoanalyse concurrentielle Ce modegravele tri has est aussi
preacutesenteacute comme une plateforme pour identifier les principaux facteurs qui deacuteterminent
les comportements concurrentiels des organisations les unes vis-agrave-vis des autres Les
auteurs rajoutent qursquoun concurrent ne sera as en mesure de r ondre agrave une action sil
nest pas au courant de laction motiveacute pour reacuteagir et capable de reacuteagir
Le laquo Awareness raquo est relatif aux signes aux symboles et autres foyers de significations
qui sont les acteurs de rise de conscience drsquoune situation com titive
La laquo Motivation raquo est relative agrave la deacutemarche qui permet agrave lrsquoorganisation au vu des
l ments de la situation de d terminer lrsquoattitude (action ou r action qui convient
La laquo Capability value les ca acit s de lrsquoacteur agrave agir ou agrave r agir essentiellement sur
la ase des ressources drsquoaction dont il dis ose
M-J Chen et al77
d taillent le cadre de lrsquoAMC et construisent leur tude autour drsquoune
vision ougrave la rise de conscience de lrsquoaction com titive laquo Awareness raquo est abordeacutee en
tant que capaciteacute opeacuterationnelle dun concurrent compareacutee agrave celle dune organisation
donneacutee dimension qui est censeacutee refleacuteter laquo les dispariteacutes visibles de taille ou drsquoeacutechelle
affectant la connaissance qursquoont les dirigeants et les autres parties prenantes du
marcheacute de la relation entre une organisation et un concurrent donneacute raquo M J Chen et
75
M-J Chen M-J (1996) laquo Competitor Analysis and Interfirm Rivalry Toward a Theoretical
Integration raquo Academy of Management Review vol 21 ndeg 1 1996 pp 100‐ 134
httpsdoiorg102307258631 76
M J Chen amp D Milller laquo Competitive Dynamics Themes Trends and a Prospective Research
Platform raquo Academy of Management Annals vol 6 ndeg 1 2012 pp 135‐ 210
httpsdoiorg101080194165202012660762 77
M J Chen amp K H Su amp W Tsai laquo Competitive Tension The Awareness-Motivation-Capability
Perspective raquo Academy of Management Journal vol 50 ndeg 1 2007 pp 101‐ 118
httpsdoiorg105465AMJ200724162081
Yvon PESQUEUX
30
al conccediloivent la dimension laquo Motivation raquo agrave agir ou agrave reacuteagir comme repreacutesenteacutee par le
laquo volume drsquoattaques drsquoun concurrent crsquoest-agrave-dire agrave quel point les march s drsquoune
organisation sont attaqu s ar les actions drsquoun concurrent donn Ceci mettrait
essentiellement en eacutevidence les actions concurrentielles passeacutees servant de curseur aux
dirigeants et aux parties prenantes du marcheacute pour consideacuterer une organisation comme
concurrente directe drsquoune autre n in la dimension laquo Capability raquo est objectiveacutee par la
ca acit drsquoun concurrent agrave se mesurer agrave srsquoo oser crsquoest- agrave-dire sa capaciteacute
opeacuterationnelle agrave faire face agrave une autre organisation sur le marcheacute La dimension
laquo Capability raquo ou capaciteacute est mesureacutee en comparant la capaciteacute relative de mobilisation
de ressources entre deux concurrents Cette capaciteacute influencerait agrave son tour
lrsquoa r ciation de lrsquointensit de la relation concurrentielle ar lrsquoorganisation et les
diffeacuterents acteurs du marcheacute
On a avec lrsquoa roche de lrsquoAMC que ro osent M-J Chen et al une deacutemarche de type
positiviste consistant agrave fixer au preacutealable les modaliteacutes de construits a priori subjectifs
voir intersubjectifs comme les motivations drsquoun dirigeant agrave initier une action ou une
r action ses critegraveres drsquoa r ciation du niveau de rivalit ou de la tension
concurrentielle avec une autre organisation etc Les ca acit s drsquoune organisation agrave
entreprendre une action sont limiteacutees agrave ses capaciteacutes de mobilisation de ressources Une
autre difficulteacute que pose une telle vision des interactions compeacutetitives reacuteside dans le fait
que le modegravele asse lrsquoim asse sur les di rences qursquoil ourrait y avoir entre les
dirigeants et leurs erce tions drsquoun mecircme pheacutenomegravene On pourrait mecircme eacutevoquer les
di rences de erce tion ou drsquoa r ciation des dimensions de lrsquoAMC que ourrait
avoir un mecircme dirigeant sur deux riodes di rentes Drsquoailleurs lrsquoo jectivation est
pousseacutee agrave un point tel que ce ne sont mecircme pas les dirigeants qui sont les interlocuteurs
du chercheur alors mecircme que lrsquoAMC est cens e relever de leur prise de conscience
drsquoune action de leur motivation et de leur capaciteacute agrave reacuteagir En lieu et place des
perceptions des dirigeants et autres agents im liqu s dans lrsquointeraction com titive ce
sont des donn es secondaires sur les activit s visi les (drsquoinvestissement drsquoaction
produits ou prix etc) des organisations qui sont prises en compte
Focus sur la deacutependance de sentier
La notion de deacutependance de sentier est un concept initieacute par P A David78
pour
ex liquer et analyser les h nomegravenes drsquoado tion de certaines technologies et
innovations D North79
rocegravede au trans ert du conce t du cham de lrsquoanalyse
technologique agrave celui de lrsquoanalyse institutionnelle La deacutependance de sentier correspond
agrave une situation ougrave les avanceacutees passeacutees dans une direction donneacutee induisent des
mouvements ulteacuterieurs dans la mecircme direction Elle suggegravere que les pheacutenomegravenes
sociopolitiques sont fortement conditionneacutes par des facteurs contextuels exogegravenes aux
acteurs dont beaucoup sont de nature institutionnelle Autrement dit les institutions
donnent vie agrave des dynamiques pas toujours voulues ou preacutevues par les acteurs Ce
conce t ermet drsquoinsister sur la dimension contingente du poids institutionnel sur
78
P A David laquo Clio and the Economics of QWERTY raquo American Economic Review vol75 ndeg2 may
1985 pp 332-337 79
D C North laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991 traduit in M Bacache amp M
Montousse (Eds) Textes fondateurs en Sciences eacuteconomiques depuis 1970 Breacuteal Paris 2003 (Ed
originale laquo Institutions raquo Journal of Economic Perspectives 1991)
Yvon PESQUEUX
31
laction Il autorise une vision dynamique du changement institutionnel
Crsquoest donc cette tendance inh rente aux modegraveles analytiques drsquoanalyse strat gique qui
tendent agrave laquo piloter au reacutetroviseur crsquoest-agrave-dire agrave envisager lrsquoavenir comme un
rolongement du ass Crsquoest ce qui ait la ai lesse de la matrice SWO alors mecircme
qursquoelle onde une communication acile et de laquo bon sens raquo (qui est ici la pire des
choses)
Au regard de la deacutependance de sentier qui tend agrave induire des pesanteurs en matiegravere
drsquoin lexions strat giques O Hu A S Hu H homas80
ont proposeacute un
modegravele volutionniste de lrsquoin lexion renant acte drsquoune inertie cumul e et des
ressions su ies le renouvellement strat gique naicirct alors drsquoune interaction entre les
deux en 4 stades lrsquoada tation incr mentale au regard de la strat gie ass e la d cision
de consid rer lrsquoexistence ou non drsquoun changement signi icati le ait drsquoenvisager des
alternatives de renouvellement et lrsquoessai
D North deacutemontre lrsquoexistence de quatre logiques drsquoauto-renforcement dans le champ
de lrsquoanalyse des dynamiques institutionnelles les co ts drsquoinstallation initiaux drsquoune
nouvelle institution les e ets drsquoa rentissage associ s agrave un nouvel ensem le
drsquoo ortunit s les e ets de coordination r sultant agrave la ois de lrsquo mergence de regravegles
formelles entre les organisations et de regravegles informelles qui modifient et eacutetendent les
regravegles formelles et les anticipations auto-reacutealisatrices qui se manifestent degraves lors que
lrsquoincertitude sur la ermanence de lrsquoinstitution est r duite La d endance de sentier
implique deux conclusions la remiegravere crsquoest que lrsquohistoire com te (history matters)
dans la compreacutehension des institutions et des pratiques institueacutees et la seconde est que
lrsquoexistence de lrsquoh t rog n it institutionnelle agrave un moment donn se justi ie ar
lrsquoexistence de di rentes alternatives La genegravese drsquoune nouvelle orme institutionnelle
est com rise comme le r sultat drsquoun compromis politique passeacute durant la crise partielle
ou totale drsquoun ancien systegraveme de ormes institutionnelles Crsquoest un com romis olitique
entre des groupes sociaux qui deacutefendent des inteacuterecircts contradictoires tout en eacutetant
d endants les uns des autres Cette a roche ermet donc drsquoarticuler le changement
institutionnel global aux changements locaux dont il est constitueacute La deacutependance de
sentier aboutit agrave des conclusions diffeacuterentes des visions de la dynamique
institutionnaliste tant celles as es sur lrsquoe icacit ou le ouvoir que celles ond es sur
la culture En effet la coexistence durable de formes institutionnelles diffeacuterentes et la
orte d endance ar ra ort au ass y sont ex liqu es oute ois our lrsquoessentiel la
theacuteorisation mobilisant le concept de deacutependance de sentier repose sur un modegravele
drsquo quili re onctu du changement De ce ait les travaux ont tendance agrave roduire une
s aration lutocirct stricte des questions de lrsquoinnovation institutionnelle et de la
reproduction institutionnelle81
Une telle dichotomie tend agrave preacutesenter une vision statique
des institutions et de leur processus de changement En effet dans le modegravele de
lrsquo quili re onctu du changement une ois cr es les institutions soit ersistent soit
srsquoe ondrent quand surviennent certains chocs exogegravenes Une alternative r side dans la
80
J O Huff amp A S Huff amp H Thomas laquo Strategic Renewal and the Interaction of Cumulative Stress
and Inertia raquo Strategic Management Journal vol 13 1972 pp 55-75 81
W Streeck amp K Thelen K (2005) laquo Introduction Institutional Change in Advanced Political
Economies raquo in W Streeck amp K Thelen (Eds) Beyond Continuity Institutional Change in Advanced
Political Economies (pp 1-39) Oxford University Press2005 httpsnbn-
resolvingorgurnnbnde0168-ssoar-194981
Yvon PESQUEUX
32
vision dynamique de lrsquo volution graduelle
Focus sur le systegrave e drsquoinfor ation strat gique (SIS)
Les fondements du SIS la tension laquo exploitation ndash exploration raquo
Crsquoest G March qui en sciences de gestion a mis en avant la tension laquo exploration ndash
exploitation raquo82
poseacutee par W J Abernathy83
en ouvrant la piste de la diffeacuterence entre
knowing et knowledge cette dualiteacute pouvant ecirctre consideacutereacutee comme fondatrice des
ra orts organisationnels agrave la connaissance lrsquoex loitation ondant un a rentissage sur
les certitudes et lrsquoex loration un a rentissage sur de nouvelles ases et il note la
di icult drsquoar itrer entre les deux logiques en articulier au regard drsquoun raisonnement
en laquo coucircts - beacuteneacutefices Le remier ty e drsquoa rentissage de ty e adaptatif favorise la
socialisation entre les agents organisationnels et le second de type strateacutegique favorise
la cr ation drsquoun avantage com titi
Lrsquoex loration a our ondement la con rontation agrave lrsquoincertitude (c la notion de black
swan84
qui deacutesigne des situations brutalement anormales sur les indices des marcheacutes
financiers)
Focus sur lrsquointelligence cono ique85
Lrsquoa roche ranccedilaise de lrsquointelligence conomique (I est globale agrave la diffeacuterence des
conceptions anglo-ameacutericaines de competitive intelligence qui associe analyse et action
agrave artir de la gestion de lrsquoin ormation et de business intelligence qui se centre sur
lrsquoex loitation automatis e de lrsquoin ormation au regard des techniques drsquoex loration de
donn es (data-mining) Lrsquoex loitation des donn es eut se r aliser directement
(Business Analytics) ou indirectement (Business Intelligence) Le socle big data integravegre
en tem s r el des lux de donn es structur es et non structur es
F Bullinge amp N Moinet86
rappellent la deacutefinition du rapport Martre de 1994 qui la
deacutefinit laquo comme lrsquoensemble des actions coordonneacutees de recherche de traitement et de
distribution en vue de son exploitation de lrsquoinformation utile aux acteurs
eacuteconomiques notant ainsi la di icult drsquoune d inition ouvant srsquoa uyer sur un
modegravele normati d ini du ait drsquoune r alit multi le Ils d gagent de la litt rature les
concernant 4 grands courants conceptuels la guerre (B Esambert87
C Harbulot88
agrave la
82
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol
2 ndeg 1 1991 83
J W Abernathy The Productivity Dilemma John Hopkins University Press Baltimore 1978 84
N N Taleb Le cygne noir la puissance de lrsquoimpreacutevisible Les Belles Lettres Paris 2010 (Ed
originale 2007) 85
H Ouedraogo Contribution du systegraveme drsquoinformation au pilotage drsquoune deacutemarche drsquointelligence cas
des opeacuterateurs de teacuteleacutephonie mobile au Burkina Faso Universiteacute Aube Nouvelle Ouagadougou 2019 86
F Bulinge amp N Moinet laquo Lrsquointelligence conomique un concept quatre courants raquo Seacutecuriteacute et
Strateacutegie vol 1 ndeg 12 2013 pp 56-64 87
B Esambert La guerre eacuteconomique mondiale Oliviar Orban Paris 1991 88
C Harbulot La main visible des puissances Ellipses Paris 2007
Yvon PESQUEUX
33
fois meacutetaphore et raisonnement analogique) la seacutecuriteacute (INHES89
) comme eacutetant une des
reacuteponses agrave des menaces) la compeacutetitiviteacute (G Ardinat90
ait de lrsquoI un outil de la
compeacutetitiviteacute) et la diplomatie eacuteconomique (C Revel91
)
La d marche drsquoIntelligence conomique ermet
- Drsquoidenti ier ses ro l matiques majeures et de d inir des riorit s
- De savoir ougrave quand et comment rechercher lrsquoin ormation n cessaire
- De com rendre et d cry ter son environnement les jeux drsquoacteurs
- Drsquoutiliser ses connaissances our mener des actions dans le cadre de son
d velo ement et de la rotection de ses int recircts
- De mettre en lace des regravegles de gestion de lrsquoin ormation (diffusion protection)
et les respecter
es odegraveles drsquoanalyse t oriques de lrsquointelligence cono ique (IE)
LrsquoI est une d marche agrave dominante in ormationnelle acirctie autour drsquoun rocessus de
veille crsquoest-agrave-dire drsquoun ensem le do rations coordonn es ar lesquelles une
in ormation collect e devient ex loita le utile et donc digne dint recirct our un d cideur
a t ode drsquoanalyse de Salles (2000)92
La d marche drsquointelligence conomique est construite sur la m thode M D SII
(M thode de d inition de SI our lrsquoI ) drsquoanalyse des esoins du d cideur Les quatre
composantes du MEDESIIE sont les suivantes way of thinking (maniegravere de penser)
way of modelling way of organizing et way of supporting Lrsquoarchitecture conce tuelle
de cette m thode srsquoins ire des m thodes de conce tion des systegravemes drsquoin ormation
Selon cette m thode lrsquointelligence conomique est envisag e comme un rocessus
cogniti ayant our inalit remiegravere drsquoa orter agrave la ois une aide au ilotage et de
roduire des re r sentations de lrsquoenvironnement susce ti les drsquoaider agrave la rise de
d cision ar la mise en œuvre de connaissances et agrave leur mergence dans une
perspective de performance
e odegravele de Jakobiak (2004)93
Reprenant les principales phases du processus de veille F Jakobia ro ose un modegravele
drsquointelligence conomique en cinq oints
- Une doctrine constitu e ar la d inition du conce t drsquoI admise ar lrsquoensem le
du groupe
- Une a roche com legravete com os e drsquoun sch ma directeur ermettant de asser
de la doctrine agrave la m thode et drsquoun lan directeur our d velo er cette m thode
89
INHES laquo La seacutecuriteacute eacuteconomique dans la mondialisation raquo Cahiers de la seacutecutiteacute ndeg 4 avril-juin
2008 La Documentation Franccedilaise Paris 90
G Ardinat laquo La compeacutetitiviteacute un mythe raquo Le Monde Diplomatique ndeg 703 octobre 2012 91
C Revel laquo Diplomatie eacuteconomique multilateacuterale et influence raquo Geacuteoeacuteconomie hiver 2010-2011 pp
59-67 92
M Salles laquo Probleacutematique de la conception des meacutethodes pour la deacutefinition des systegravemes
drsquointelligence conomique raquo Revue drsquoIntelligence Economique ndeg 6-7 avril-octobre 2000 93
F Jakobiak Pratique de la veille technologique ditions drsquoOrganisation aris ndash Lrsquointelligence
eacuteconomique Eyrolles Paris 2004
Yvon PESQUEUX
34
et r sentant la structure le mode de controcircle le ro legraveme de co ts et de
calendrier
- Une structure d r e autour de deux r seaux le r seau des ocircles drsquoin ormation
concern s (les domaines de surveillance retenus et le r seau des analyseurs
(grou es drsquoex erts et s lection de acteurs critiques de succegraves)
- Une ex rimentation qui d init les modalit s g n rales du onctionnement de
lrsquoI au sein de lrsquoorganisation le degr de li ert de chacun des grou es les
recommandations et directives aux r seaux des o servateurs et des analyseurs
les su orts et dis ositi s techniques (logiciels mat riels etc la m morisation
des donn es (ty es drsquoin ormation agrave rendre en compte)
- Un controcircle sur le lan quantitati (mesures des d its de di usion statistiques
in ormatiques sur les donn es m moris es et utilis es estimation des co ts) et
sur le plan qualitatif (sensibilisation et mobilisation des dirigeants s minaires de
formation organisation des groupes de travail)
Il aut accorder une attention majeure au r seau des analyseurs ex erts
e odegravele de lrsquoAssociation ranccedilaise pour le veloppe ent de lrsquoIntelligence
Economique (AFDIE) (2004)
Pour lrsquoA DI laquo lrsquointelligence eacuteconomique est lrsquoensemble des moyens qui organiseacute en
systegraveme de management par la connaissance produit de lrsquoinformation utile la prise
de deacutecision dans une perspective de performance et de creacuteation de valeur pour toutes
les parties prenantes raquo
Les as ects im ortants de ce modegravele qui accorde une lace r ond rante aux r seaux
humains sont
- La coh rence d velo e ar la rise en com te de la r alit des situations
o serv es
- La lisi ilit en donnant une visi ilit su isante et une trans arence agrave chaque
agent organisationnel
- La traccedila ilit acilit e ar le suivi et le controcircle de tous
e odegravele de Achard (2005)94
La mise en lace drsquoun systegraveme drsquoIE d end de la laquo conviction reacuteelle et non simplement
afficheacutee des deacutecideurs lle doit ermettre une rogression en ad quation avec
lrsquoacce tation interne du rocessus ar les d cideurs tout en restant ro ortionnelle au
degr de li ert que lrsquoorganisation agrave artir de cinq hases successives
- lani ication our d inir les sont les attentes adress es agrave lrsquounit drsquointelligence
conomique
- d ration ar la recherche des ersonnes ad hoc qui ose la question du m tier
de veilleur et de ses com tences
- ositionnement dans lrsquoorganisation en tant que restataire interne accom agnant
les missions et les o jecti s tout en artici ant agrave lrsquoo tention des in ormations
utiles agrave tous les niveaux
94
P Achard La dimension humaine de lrsquointelligence eacuteconomique Hermegraves collection laquo Finance ndash
Gestion ndash Management raquo Paris 2005 ISBN 978-2-7462-1089-9
Yvon PESQUEUX
35
- la oration du rocessus drsquoI d inition des axes de surveillance des
modalit s de recueil de traitement et de di usion de lrsquoin ormation en
ad quation avec les o jecti s
- valuation du systegraveme drsquoI au regard de critegraveres qualitati s et quantitati s
Dans ce modegravele crsquoest le veilleur qui est central en assurant lrsquoanimation et la
coordination du systegraveme drsquoI
Le Modegravele drsquoEvaluation de la R ussite drsquoun Systegrave e drsquoIntelligence Econo ique
(MERSIE) de C Dhaoui (2008)95
Le M SI est un instrument de diagnostic du degr de r alisation des di rents
facteurs cl s de succegraves dun Systegraveme drsquoIE au regard de acteurs dordre culturel
strat gique organisationnel individuel informationnel et technologique sur la base du
passage laquo donneacutees ndash informations ndash connaissances raquo
Le odegravele Economic Scientific Technologic Intelligence (ESTI) de B Freacutezal
(2012)96
Il r conise drsquoado ter une osture de ens e syst mique dans un es ace
multidimensionnel autour de 3 grands axes de questionnement une vision syst mique
et inventive du futur (es ace r dicti ) une rotection de la valeur tout au long du
rocessus (es ace r venti ) et une activation des maillons qui conduisent agrave la valeur
(espace influence) Il met galement lrsquoaccent sur le ait que lrsquoorganisation ne eut se
d velo er que dans le cadre des r seaux agrave construire entretenir et animer (cf les
communauteacutes de pratiques)
rsquoa bidextrie organisationnelle
Crsquoest une notion qui eut ecirctre consid r e comme ondatrice de trajectoires
drsquoinnovation mais dont le statut reste vague lle recouvre lrsquoid e qursquoune organisation
ourrait agrave la ois mener des activit s agrave la lumiegravere de la logique drsquoex loitation mais aussi
drsquoex loration dualit issue de la re r sentation donn e ar J G March97
Elle a eacuteteacute
formuleacutee par M Benner amp M L Tushman98
agrave partir des travaux de M L Tushman amp
C Orsquo eilly99
la question tant de savoir si ce nrsquoest as avant tout une m ta hore lle a
donn lieu agrave des variations avec lrsquoam idextrie contextuelle (J Birkinshaw amp C B
95
C Dhaoui Les critegraveres de reacuteussite drsquoun systegraveme drsquointelligence eacuteconomique pour un meilleur pilotage
strateacutegique Proposition drsquoun odegravele drsquo valuation de la Reacuteussite drsquoun Systegraveme drsquoIntelligence
conomique ERSIE Sciences de lrsquoin ormation et de la communication Universit ancy 2 2008
httpshaluniv-lorrainefrtel-01752721 96
B Frezal amp J-C Leininger-Frezal amp T-G Mathia amp B Mory Influence et systegravemes Introduction
provisoire la theacuteorie de lrsquoinfluence et de la manipulation Lyon ditions de lrsquoInterdisci linaire
224 p 97
J G March laquo Exploration and Exploitation in Organizational Learning raquo Organization Science vol2
ndeg1 1991 pp71-87 98
M Benner amp M L Tushman laquo Exploitation Exploration and Process Management the Productivity
Dilemma Revisited raquo Academy of Management Review vol28 ndeg2 2003 pp238-256 99
M L ushman C Orsquo eilly laquo Am idextrous Organizations Managing volutionary and
Revolutionary Change raquo California Management Review Vol 38 1996 pp 8-30
Yvon PESQUEUX
36
Gibson100
sur la ca acit agrave com iner le court terme et le long terme lrsquoam idextrie de
reacuteseau (P Mc Namara amp C Baden Fuller101
) qui pourrait ecirctre consideacutereacutee comme proche
de lrsquoinnovation ouverte dans la mesure ougrave il est question de mener des activit s
drsquoex loitation et drsquoex loration en externe au travers de la constitution drsquoun r seau la
grande organisation menant des innovations drsquoex loitation et autour drsquoelle des etites
entit s menant des innovation drsquoex loration La notion met lus lrsquoaccent sur
lrsquoada tation que sur le changement au regard de deux grandes logiques celle du jeu
s quentiel de lrsquoex loitation et de lrsquoex loration ou celle de leur jeu simultan Ce sont
Birkinshaw amp C Gibson qui proposent que la tension se reacutesolve en fait au niveau
individuel (lrsquoam idextrie contextuelle Crsquoest alors que le retour aux laquo capaciteacutes
dynamiques eut ecirctre envisag contestant drsquoautant la ort e com r hensive de la
notion
Focus sur la strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo
La notion a eacuteteacute fondeacutee par W Chan Kim amp R Mauborgne
102 La meacutetaphore de
lrsquolaquo oceacutean bleu est ositionn e ar com araison avec lrsquoautre m ta hore de lrsquolaquo oceacutean
rouge raquo Lrsquolaquo oceacutean rouge raquo se caracteacuterise par les activiteacutes existantes donc un espace
connu et une compeacutetition frontale en termes de part de marcheacute avec une faible
renta ilit voire des ertes (drsquoougrave la couleur de lrsquooc an et la critique des strateacutegies
g n riques de M orter Lrsquolaquo oceacutean bleu concerne les activit s qui nrsquoexistent pas
aujourdrsquohui et relegraveve drsquoun contexte de creacuteation de la demande et donc de croissance et
de renta ilit lev es Il y est question drsquolaquo innovation utile raquo (value innovation crsquoest-agrave-
dire drsquoune innovation qui cr e de la valeur our lrsquoorganisation et le client a in de
(re)lancer une activiteacute sur un marcheacute satureacute et de b n icier drsquoun mono ole tem oraire
Ce nrsquoest donc as une innovation de ty e technology push mais de type demand pull
De nombreux outils ont eacuteteacute articuleacutes avec cette perspective
- Le laquo canevas strateacutegique raquo qui repose sur un graphique structureacute en deux axes
en a scisses la liste des critegraveres qui ont de la valeur our les clients du march
traditionnel et dans lequel se trouve lrsquoorganisation en ordonn es les
er ormances de lrsquoo re Le diagnostic qui en r sulte ositionne la er ormance
de lrsquoensem le de la concurrence our chacune des caract ristiques ougrave lrsquolaquo oc an
rouge raquo se caract rise ar la ressem lance des ro ils strat giques des
organisations et ougrave la di renciation est limit e Il srsquoagit alors agrave artir du
laquo canevas strat gique raquo de se ocaliser sur les laquo non-clients (un march lus
vaste)
- La laquo grille des quatre actions raquo (ou grille ERAC pour laquo exclure renforcer
atteacutenuer creacuteer raquo) en choisissant une issue qui ne laquo coucircte pas de trop raquo en
acce tant de d sinvestir et drsquoexclure des ensembles laquo produitsservices raquo
100
J Birkinshaw amp C B Gibson laquo Building an Ambidextrous Organisation raquo AIM Research WP
EPSCRC June 3 2004 httpwwwrhiannetworkingpapers003jbpaperpdf 101
P Mc Namara C Baden-Fuller laquo Lessons from the Celltech Case Balancing Knowledge Exploration
and Exploitation in Organizational Renewal raquo British Journal of Management vol 10 1999 pp 291-
307 102
W Chan Kim amp R Mauborgne laquo Strategy Value Innovation and the Knowledge Economy raquo Sloan
Management Review vol 40 ndeg 3 1999 pp 41-54 ndash Strateacutegie oceacutean bleu Comment creacuteer de nouveaux
espaces strateacutegiques Pearson Londres 2010 (Ed originale 2005)
Yvon PESQUEUX
37
existants
Les auteurs de la strat gie laquo oc an leu raquo se reacutefegraverent agrave des laquo principes raquo
- Capter les laquo non-clients gracircce agrave une innovation cr atrice drsquoune valeur attractive ces
laquo non clients raquo eacutetant des acheteurs occasionnels des clients potentiels qui ne sont pas
satis aits ar lrsquoo re actuelle et ceux qui nrsquoont qui nrsquoont as t ci l s car consid r s
comme appartenant agrave un autre marcheacute
- Redessiner les rontiegraveres entre les march s a in de modi ier lrsquoo re ro os e aux
segments existants modifier la configuration laquo prescripteurs ndash acheteurs ndash
utilisateurs examiner les roduits et services com l mentaires agrave lrsquoo re existante
choisir ce qui peut ecirctre exclu atteacutenueacute renforceacute pour accroitre la valeur eacutemotionnelle de
lrsquoo re ex lorer les grandes tendances
- Anticiper les conseacutequences en matiegravere de gestion des ressources humaines conduire
les agents organisationnels agrave effectuer les analyses de la clientegravele confronter les
diffeacuterentes propositions de laquo canevas strateacutegique raquo
- Cr er de la valeur inanciegravere au regard de lrsquoutilit our lrsquoacheteur de la com osition
laquo prix ndash coucirct ndash marge raquo
- G rer lrsquoado tion drsquoune strat gie laquo oceacutean bleu au regard de lrsquoim lication des agents
organisationnels des changements drsquoaffectation envisageacutes au regard de la modification
des rimegravetres drsquoaction
Focus sur les Business models
Il est important de souligner la diffeacuterence qui peut exister entre une question un thegraveme
et une mode la modeacutelisation prenant alors un caractegravere diachronique alors que modegravele
et business model prennent un aspect synchronique Les modegraveles sont parfois
laquo diachroniseacutes sur la ase drsquo ta e ( ar exem le en invoquant le assage drsquoune
con iguration agrave lrsquoautre Mais le modegravele organisationnel se situe dans un tem s laquo long raquo
et sans veacuteritable contingence sectorielle (le modegravele laquo taylorien mecircme srsquoil se
renouvelle alors que le business model se situe dans un temps plus court et dans une
contingence sectorielle (le business model de Google par exemple) mecircme si le
business model eut contri uer agrave la constitution drsquoun modegravele Le modegravele articule des
eacuteleacutements organisationnels en un ensemble coheacuterent alors que le business model est issu
des laquo arrangements raquo de marcheacute
Avec le business model103
il aut souligner lrsquoim ortance des icocircnes ositionn es dans
lrsquoes ace et dans le tem s toujours mises en avant apregraves Microso t crsquoest maintenant le
tour de Google Amazon Facebook Apple n dualit il nrsquoest que tregraves rarement
question drsquo checs
Le business model se caracteacuterise par la stabilisation relative dans le temps
drsquoarrangements de march de secteur les acteurs principaux de contingences le plus
souvent mis en avant et au regard de ces contingences la capaciteacute de (ou des)
organisation(s) porteuses du business model de changer les regravegles de marcheacute et de
103
L Franck La gestion des aeacuteroports au lendemain des reacuteformes publiques Des business models pour
des aeacuteroports en situation concurrentielle Thegravese de doctorat de sciences de gestion Universiteacute de
Strasbourg 2010
Yvon PESQUEUX
38
secteur Crsquoest ourquoi la notion est relativement synonyme de celle de laquo modegravele
drsquoa aire raquo qui met en argument principal les arrangements de marcheacute
Cette notion est couramment utilis e et ourtant elle sou re drsquoune s rieuse
indeacutetermination eacutetant souvent mise en rapport avec la tout aussi impeacuteneacutetrable
laquo creacuteation de valeur raquo dans une perspective holiste et dynamique mettant en avant les
interactions entre les enjeux strateacutegiques les structures organisationnelles et les
routines la performance opeacuterationnelle les ressources et compeacutetences les trajectoires
technologiques L Franck nous rappelle que la notion de business model apparaicirct pour
la premiegravere fois dans un article de R Bellman104
en 1957 avant de connaicirctre un usage
meacutediatique au moment du deacuteveloppement des start up de la bulle Internet agrave la fin de la
deacutecennie 90105
La notion re rend drsquoa ord lrsquoid e drsquoune rimaut accord e agrave la
contingence technologique
Mais lrsquousage du terme est galement orteur de con usions
- Ce terme a t agrave lrsquoorigine drsquoune roli ration incontrocircl e de notions adjacentes
(business concept business idea etc)
- Il fait reacutefeacuterence agrave de multiples notions disparates (architecture design pattern
etc)
- La notion de business model conduit aux mecircmes errances que celles lieacutees agrave
lrsquousage de termes tels que systegraveme r seau en conduisant agrave un meacutelange entre des
composantes et les relations eacutetablies entre eux
Lrsquoa roche de ty e marketing strateacutegique est preacutedominante dans les analyses en termes
de business model au travers de laquo propositions de valeurs au client raquo (la consumer value
proposition raquo)
La theacuteorie du business model se rattache davantage aux th ories manag riales qursquoaux
theacuteories des organisations N Venkatraman amp J Henderson106
le deacutefinissent comme
laquo un plan coordonneacute pour deacutesigner la strateacutegie selon trois vecteurs lrsquointeraction avec
les consommateurs la configuration des actifs et le niveau de connaissance raquo M C
Mayo amp G S Brown107
mettent lrsquoaccent sur la dimension drsquointeraction qui ermet de
creacuteer et de faire durer un avantage concurrentiel Les deux articles de J Linder amp S
Cantrell108
deacutefinissent le business model comme la laquo logique maicirctresse de
lrsquoorganisation permettant de creacuteer de la valeur (organizationrsquos core logic for creating
value) raquo Ils preacutecisent que laquo in practice a business model is much more than a
rational description of how an organization creates value Itrsquos a rich tacit
understanding about how all the pieces work together raquo et deacuteplorent la propension agrave se
limiter agrave la rationaliteacute et aux reconfigurations structurelles car changer de mentaliteacute a
plus de valeur que de mettre en avant le changement des structures organisationnelles
Pour D Teece et al109
le business model ne peut preacutetendre au statut de theacuteorie et
104
R Bellman Dynamic Programming Princeton University Press 1957 105
A Osterwalder amp Y Pigneur amp C Tucci Clarifying Business Models Origins Present and Future
of the Concept Communication of the Association for Information Systems vol 15 2005 pp 1-43 106
N Venkatraman amp J Henderson laquo Real Strategies for Virtual Organizing raquo Sloan Management
Review vol 43 ndeg 46 1998 107
M C Mayo amp G S Brown laquo Building a Competitive Business Model raquo Ivey Business Journal vol
63 ndeg 3 1999 pp 18 ndash 23 108
J Linder amp S Cantrell laquo Itrsquos all in the Mind(set Across the Board raquo Accenture Institute for
Strategic Change MayJune 2002 109
D Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Yvon PESQUEUX
39
constitue avant tout un concept qui tire sa force de sa nature multidimensionnelle
(approche holiste) Comme le signale L Frank laquo les ambivalences que suscite toujours
le concept du business model reflegravetent la coexistence de deux grands courants de
penseacutee la compreacutehension intime de la maniegravere dont lrsquoentreprise fait des affaires et le
besoin de modeacuteliser un pheacutenomegravene abstrait pour le rendre intelligible et eacutevaluable raquo
A Osterwalder et al proposent de classer les travaux acadeacutemiques dans trois groupes
distincts mais compleacutementaires
- Les travaux qui d crivent le conce t en tant qursquoa straction des a aires de la vie
laquo reacuteelle raquo
- Les travaux qui tentent drsquoa rivoiser une multi licit drsquoa stractions our d crire
un ensem le drsquoentre rises avec des caracteacuteristiques communes
- Les travaux qui offrent une conceptualisation parcellaire ou agglomeacutereacutee de la
reacutealiteacute
R Alt amp H D Zimmermann110
distinguent six l ments drsquoun business model mission
structure processus revenus obligations leacutegales et technologie
Ceci eacutetant L Frank souligne que la creacuteation de valeur repose sur des piliers qui
semblent constituer des deacutenominateurs communs agrave presque toutes les deacutefinitions
- La proposition de valeur agrave r senter au client ou le sur lus de valeur qursquoil est
ossi le drsquoo rir au grou e de clients existants
- La formule de geacuteneacuteration de valeur ar laquelle il est ossi le drsquoidenti ier avec
preacutecision les sources de revenus
- Le volume de ces revenus et le ro it otentiel qursquoelle eut en retirer et la
mobilisation efficace des ressources et des processus comme source de creacuteation
de valeur
- La peacuterenniteacute de la creacuteation de valeur qui permet de tirer profit de son business
model agrave long terme
Le business model change les regravegles du jeu dans un secteur La creacuteation ou le
rem lacement drsquoun business model sous-entend une mise en phase avec les
changements de lrsquoenvironnement conomique our se d marquer de la concurrence La
question est alors de savoir si le business model est une reacuteponse volontaire issue drsquoun
raisonnement strat gique ou ien r sulte drsquoune ada tation qui di egravere lus ou moins des
solutions existantes
Le business model va se reacutefeacuterer agrave un environnement (la structure du marcheacute concerneacute)
au profil et agrave la demande des consommateurs aux disponibiliteacutes en matiegravere de
ressources humaines et la maniegravere de la recruter et de la geacuterer agrave la deacutefinition du produit
service aux modaliteacutes de la production et de la commercialisation agrave celles du
financement celles de la construction de la marque et aux modaliteacutes de la gouvernance
Le CANVAS 9 blocs pour un business model construit collectivement
Comme pour la strateacutegie laquo Oceacutean bleu raquo la reacutefeacuterence au business model a donneacute lieu agrave
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 110
R Alt amp H D Zimmermann laquo Guest Editors Note raquo in B F Schmidt amp R Alt amp H D Zimmermann
amp B Buchet Electronic Markets Journal vol 11 2001 pp 1-15
Yvon PESQUEUX
40
la construction drsquoune meacutethode le CANVAS (la trame)
Le design 6 techniques au service des 9 blocs du CANVAS111
- La connaissance du client (laquo la carte drsquoem athie raquo)
- La geacuteneacuteration dideacutees (temps de deacuteploiementpotentiel de revenuseacuteventuelles
reacutesistances des clientsimpact sur lavantage concurrentiel et modegravele
eacuteconomique de chaque ideacutee)
- La penseacutee visuelle (post-it et dessin agrave discuter)
- Le prototypage (preacutesenter plusieurs options possibles laquo design attitude raquo etc)
- Le storytelling histoire agrave raconter au client pour communiquer (Pitch)
- Les sceacutenarios (plusieurs pour un mecircme concept de business model
Les logiques strateacutegiques possibles drsquoun business model orienteacutee coucircts orienteacutee
clients orienteacutee laquo technologie ndash innovation raquo orienteacutee deacuteveloppement durable etc
avec la question de la recon iguration drsquoun business model existant Le business model
est donc aussi une histoire agrave viseacutee performative qui se raconte
Kenichi Ohmae et la globalisation de la strateacutegie
K Ohmae est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence en matiegravere de strateacutegie
112 Il propose
drsquoarticuler les facteurs capables de confeacuterer un avantage concurrentiel par reacutefeacuterence agrave
des facteurs cleacutes de succegraves laquo classiques raquo (la structure organisationnelle la croissance
du marcheacute les possibiliteacutes de diffeacuterenciation la structure des coucircts le degreacute
drsquoinnovation et drsquointernationalisation les enjeux de deacuteveloppement durable devrait-on
ajouter aujourdrsquohui) en mettant en avant la trilogie des trois laquo C raquo (Client Compagnie
Concurrence) comme eacuteleacutements constitutifs drsquoun laquo triangle strateacutegique raquo Il met
eacutegalement en avant certains laquo faits raquo devant ecirctre consideacutereacutes comme incontournables
dans la formulation de la strateacutegie le assage drsquoune industrie agrave forte intensiteacute en main
drsquooeuvre agrave une industrie agrave orte intensit en ca ital la mutation des entreprises
multinationales vers des entreprises laquo multilocales raquo la variabilisation des coucircts
lrsquoim ortance des IC la remise en cause de la logique onctionnaliste our une logique
ar activit lrsquoim ortance des o jecti s de renta ilit inanciegravere lrsquoim ortance du acteur
humain
Lrsquoe icacit organisationnelle re ose sur le m lange de logiques et sur la uissance de
lrsquointuition et de lrsquoinnovation A ses yeux pour construire une strateacutegie il faut savoir
modeler ensemble penseacutee action apprentissage stabiliteacute et changement La deacutemarche
strat gique srsquoins ire drsquoanalyses de lans ce endant elle doit srsquoada ter aux di icult s
rencontreacutees Pour reprendre successivement les trois laquo C raquo pour les laquo clients raquo il va
mettre en avant la segmentation ar o jecti (drsquoutilisation du produitservice) et par
esoins en essayant drsquoavoir la segmentation la lus ine ossi le (en articulier lus
ine que celle des concurrents drsquoougrave lrsquoim ortance du mix client Pour la laquo compagnie raquo
111
P de Rozario amp Y Pesqueux Theacuteorie des organisations Pearson Paris 2018 112
K Ohmae The Mind of the Strategist Business Planning for Competitive Advantage Penguin Books
Londres 1982 - K Ohmae Triad Power the Coming Shape of Global Competition The Free Press
New York 1985 - K Ohmae The Borderless World Power and Strategy in the Interlinked Economy
Harper Perennial New-York 1990
Yvon PESQUEUX
41
il souligne lrsquoim ortance de la s lectivit des activit s lrsquoim ortance de lrsquoalternative
laquo faire raquo ou laquo faire faire raquo et les facteurs de construction de la rentabiliteacute (reacuteduction des
coucircts seacutelectiviteacute des produits offerts et des activiteacutes assureacutees en propre) et la
mutualisation maximale des activiteacutes Pour la laquo concurrence raquo il met en avant
lrsquoim ortance de lrsquoimage la ca italisation sur les di rences de renta ilit et les
di rences de structure lrsquoallegravegement maximal des structures organisationnelles et le
Hito-Kane-Mono (les ersonnes lrsquoargent et les choses Lrsquoid e du Hito-Kane-Mono est
drsquoa ord drsquoallouer les res onsa ilit s de gestion (le hito) sur le mono (usines machines
technologies savoir- aire et com tences Crsquoest le hito qui va deacutevelopper des ideacutees
creacuteatives pour geacuteneacuterer le kane (argent) par la rentabiliteacute
Cette conce tion a t d inie avant lrsquoactualit accord e au business model et compte-
tenu de lrsquo clatement des chaines de valeur ( our des chaines glo ales de valeur dont la
soutenabiliteacute environnementale voire eacuteconomique et financiegravere (cf les effets de la
pandeacutemie-covid19) est aujourdrsquohui questionna le
Focus sur les approches theacuteorique des deacuteterminants de
lrsquointernationalisation des entreprises
e odegravele drsquoUppsala (J Jo anson amp J E Va lne 1977113
) Ce modegravele reacutepond agrave deux preacuteoccupations quel couple laquo pays ndash marcheacute raquo choisir
Quelle modalit drsquoex ansion dans le ays retenir Lrsquointernationalisation est envisag e
comme un rocessus incr mental et cumulati corr lativement agrave lrsquoaccumulation de son
ex rience ( assage de lrsquoex ortation onctuelle agrave drsquoautres modes de r sence comme la
creacuteation de filiales de commercialisation de production la coentreprise etc) Trois
eacuteleacutements caracteacuterisent ce modegravele la distance psychique la connaissance expeacuterientielle
et lrsquoa rentissage organisationnel En 2009 J Johanson amp J E Vahlne114
proposent
une nouvelle version de leur modegravele qui integravegre lrsquoa artenance agrave un r seau drsquoa aires
comme un eacuteleacutement deacuteterminant permettant de connaitre le marcheacute cible et de faciliter le
deacuteveloppement sur ce marcheacute Dans les deux versions on reste sur un fondement
increacutemental
rsquoapproc e dite du born global
Cette a roche est une orme de critique du modegravele r c dent au regard drsquoentre rises
qui naissent drsquoem l e glo ales B M Oviatt amp P P MacDougall115
se sont inteacuteresseacutes
aux entre rises qui srsquointernationalisent degraves les remiegraveres ann es de leur cr ation (les
International New Ventures ou Born global - Entreprise agrave Internationalisation Rapide et
Preacutecoce - I Ils d inissent lrsquo I comme une laquo organisation commerciale qui degraves
113
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Internationalization Process of the Firm - A Model of Knowledge
Development and Increasing Foreign Market Commitments raquo Journal of International Business Studies
vol 8 ndeg 1 1977 pp 23-33 114
J Johanson amp J E Vahlne laquo The Uppsala Internationalization Process Model Revisited From
Liability of Foreignness to Liability of Outsidership raquo Journal of International Business Studies vol 40
2009 pp 1411-1431 115
B M Oviatt amp P P Mc Dougall laquo Toward a Theory of International New Venture raquo Journal of
International Business Studies vol 25 ndeg 1 1994 pp 45-64
Yvon PESQUEUX
42
sa naissance cherche tirer un avantage concurrentiel significatif de lrsquoutilisation de
ressources (mateacuterielles humaines financiegraveres technologiques dont lrsquoinnovation
diffuse etc) et de la vente de produits dans de multiples pays raquo A partir de cette
deacutefinition S Bacq amp R Coeurderoy116
repegraverent trois caracteacuteristiques des EIRP lrsquoacircge
lrsquoorientation internationale et les sources de lrsquoavantage concurrentiel Lrsquo I tire son
avantage concurrentiel de sa capaciteacute agrave mobiliser des ressources (surtout
technologiques) et agrave reacutealiser des ventes au plan international Ainsi agrave partir des
ressources humaines technologiques mat rielles inanciegraveres etc lrsquoentre rise
deacuteveloppe une strateacutegie proactive des marcheacutes internationaux Par exemple
lrsquoinnovation im ose la recherche drsquoo ortunit s sur drsquoautres march s
Focus sur les facteurs cleacute de succegraves
Selon T Verstraete117
la notion de laquo Facteur Cleacute de Succegraves raquo (FCS) tient ses origines
de la publication en 1961 dans la Harvard Business Review drsquoune tude de D R
Daniel118
ortant sur lrsquoinad quation du systegraveme drsquoin ormation au management ar la
suite cette notion a eacuteteacute largement utiliseacutee en sciences de gestion fondant une viseacutee
rationnelle et deacuteterministe et ayant connu et dont le succegraves provient sans doute du fait
de leur simpliciteacute apparente Les CS sont les varia les drsquoaction gracircce auxquelles le
management peut influencer par ses deacutecisions et ceci de faccedilon significative la position
drsquoune organisation dans son secteur Ils varient geacuteneacuteralement dun secteur agrave lautre
Mais agrave linteacuterieur dun secteur donneacute ils deacutecrivent linteraction de deux ensembles de
variables dune part les caracteacuteristiques eacuteconomiques et technologiques du secteur et
dautre part les eacuteleacutements de compeacutetitiviteacute des diffeacuterentes organisations du secteur
Focus sur la notion de compeacutetitiviteacute
n 6 lrsquoOCD la d init comme la ca acit des organisations ndash et par conseacutequent
des nations (mecircme si crsquoest une orme de g n ralisation hacirctive et une forme de
reacutesurgence de la thegravese mercantiliste) - agrave engendrer durablement un revenu et un niveau
drsquoem loi signi icati s tout en tant con ront es agrave la concurrence internationale n
1997 le rapport A Jacquemin amp L R Pench119
(travaux sur la compeacutetitiviteacute de la
Commission euro enne met lrsquoaccent sur lrsquoim ortance agrave accorder aux moyens (qursquoils
soient mateacuteriels ou immateacuteriels) Elle est alors consideacutereacutee comme une reacutefeacuterence efficace
pour parler de progression du niveau de vie tout en ameacuteliorant le bien-ecirctre social en
rocurant un niveau lev drsquoem loi n lrsquoOCD d init la com titivit en
termes de croissance du PIB par habitant Le reacutechauffement climatique et les effets de
116
S Bacq amp R Coeurderoy laquo La th orie de lrsquoentre rise agrave internationalisation ra ide et r coce agrave
lrsquo reuve des aits valuation de lrsquoa ort des travaux em iriques agrave ce champ de recherche raquo Revue
Internationale PME vol 23 ndeg 1 2010 pp 91-124 117
T Verstraete laquo Essai de conceptualisation de la notion de facteur cleacute de succegraves et de facteur
strateacutegique de risque (ou faut-il toujours appeler les facteurs cleacutes de succegraves facteurs cleacutes de succegraves) raquo
VIdeg Confeacuterence de lAssociation Internationale de Management Strateacutegique (AIMS) Montreacuteal juin 1997 118
D R Daniel laquo Management Information Crisis raquo Harvard Business Review vol 39 ndeg 5 1961 pp
111-121 119
A Jacquemin amp L R Pench Pour une compeacutetitiviteacute europeacuteenne Rapports du Groupe consultatif sur
la compeacutetitiviteacute De Boeck Bruxelles 1997
Yvon PESQUEUX
43
la pandeacutemie covid- en sont une critique ossi le la com titivit des nations nrsquoy
ayant aucun sens
La compeacutetitiviteacute des entreprises Selon H Spitezki
120 une organisation est com titive lorsqursquoelle se maintient
durablement sur un marcheacute concurrentiel en reacutealisant un taux de profit a minima eacutegal agrave
lrsquo quili re inancier n cessaire agrave la via ilit de lrsquoactivit tudier la com titivit dune
organisation consiste agrave analyser sa performance par rapport agrave la concurrence tant au
niveau des co ts qursquoau niveau de la cr ation drsquoavantages concurrentiels121
Une telle
deacutemarche est geacuteneacuteralement fondeacutee sur un diagnostic strateacutegique (ougrave lrsquoon retrouve une
conception analytique de la strateacutegie) qui va consister agrave analyser le modegravele eacuteconomique
de lorganisation et agrave appreacutecier son positionnement au sein de son environnement qui
est aussi une maniegravere de limiter le peacuterimegravetre de reacutefeacuterence La compeacutetitiviteacute peut
eacutegalement se deacutefinir par la capaciteacute agrave reacutealiser un niveau de performance supeacuterieur agrave
celui des concurrents en termes de qualiteacute de caracteacuteristiques et de fonctionnaliteacutes tout
en assurant lrsquoatteinte de ses objectifs de croissance ougrave lrsquoon retrouve la
laquo sportivisation raquo inheacuterente agrave ce type de raisonnement On deacutenombre classiquement
deux types de compeacutetitiviteacute la laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo et la compeacutetitiviteacute hors prix La
quecircte de com titivit integravegre aussi drsquoautres critegraveres tels que la lexi ilit la qualit et
lrsquoinnovation La com titivit constitue le miroir de lrsquoavantage concurrentiel
Apregraves la Seconde guerre mondiale les indicateurs freacutequemment utiliseacutes eacutetaient le
niveau de progression de la production des ventes et des actifs Dans les anneacutees 1970
lrsquoattention a t ort e sur lrsquo valuation de critegraveres lus qualitati s tels que le sourcing
les vecteurs drsquoex ansion de la com titivit int grant la tension laquo efficaciteacute ndash
efficience raquo
Aujourdrsquohui la mesure du niveau de com titivit srsquoe ectue notamment sur la ase des
principaux indicateurs suivants dont il faut analyser la progression dans la dureacutee le
taux peacuteneacutetration des marcheacutes le taux de profitabiliteacute le taux de marge le taux de
rendement des ca itaux le taux drsquoauto inancement le ositionnement concurrentiel
eacutevalueacute par le rapport prixproduits le rapport qualiteacute fonctionnaliteacutes prix le taux
drsquoa artenance et de id lisation agrave la marque le taux de satisfaction des clients le
niveau de recherche deacuteveloppement innovation Par ailleurs quelle soit fondeacutee sur
les prix ou quelle soit structurelle la compeacutetitiviteacute se reflegravete agrave travers leacutevolution des
parts de marcheacute On consideacuterera qursquoune organisation est compeacutetitive agrave partir du
moment ougrave sa part de marcheacute est supeacuterieure agrave celle de ses concurrents ou est en
progression par rapport agrave la moyenne du secteur
La laquo compeacutetitiviteacute-prix raquo La compeacutetitiviteacute prix est la capaciteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute en raison dun
niveau de prix infeacuterieur agrave celui des compeacutetiteurs Cette deacutemarche de compeacutetitiviteacute
focaliseacutee principalement sur les prix est de lordre du court terme et possegravede pour
objectif de reacuteduire les prix de vente gracircce agrave la diminution des coucircts de revient Leffet se
traduit soit par une augmentation des volumes vendus au deacutetriment des concurrents qui
ne peuvent proposer cette baisse de prix soit par la captation dune nouvelle clientegravele
120
H Spitezki La strateacutegie drsquoentreprise compeacutetitiviteacute et mobiliteacute Economica Paris 1995 121
O Meier Diagnostic strateacutegique - Evaluer la compeacutetitiviteacute de lentreprise Dunod Paris 1995
Yvon PESQUEUX
44
jusque-lagrave non inteacuteresseacutee par les produits etou services ne reacutepondant pas aux critegraveres
coucirctscaracteacuteristiques rechercheacutes et ar lrsquoorganisation des rocessus autour drsquoun
impeacuteratif de rentabiliteacute financiegravere
La compeacutetitiviteacute hors prix ou structurelle Elle repose sur la faculteacute agrave conqueacuterir des parts de marcheacute indeacutependamment du niveau de
prix gracircce agrave des ca acit s drsquoinnovation agrave son image de marque ainsi qursquoagrave
lam lioration de sa roductivit Ce ty e de com titivit est structurel car il srsquoinscrit
dans la strat gie agrave moyen et long terme lle n cessite de lrsquoada ta ilit et de la
creacuteativiteacute dans le mode de fonctionnement La compeacutetitiviteacute structurelle est inteacutegreacutee
dans le systegraveme de management au travers du deacuteveloppement du niveau de
compeacutetitiviteacute sur des eacuteleacutements tels que la ca acit drsquoinvestissement les infrastructures
de production la chaine logistique etc
La compeacutetitiviteacute et la productiviteacute La compeacutetitiviteacute est souvent associeacutee agrave la productiviteacute (le rapport entre le volume la
production et ses facteurs constitutifs - travail et capital) Les objectifs poursuivis au
travers des gains de productiviteacute sont la reacuteduction des coucircts pour diminuer les coucircts de
revient lrsquoam lioration des ca acit s de roduction ar la ro otisation et la m canisation
ou par la sous-traitance et la qualification des collaborateurs via la gestion de
compeacutetences Les gains de productiviteacute offrent une latitude aux dirigeants en permettant
de mettre oeuvre une gestion du personnel attractive en reacutemuneacuterant les actionnaires
etou en offrant une seacutecuriteacute aux precircteurs donc en attirant des capitaux en deacutegageant
des marges drsquoauto inancement
Richard P Rumelt122
Birger Wernefelt123
Jay B Barney124
et la
theacuteorie de la ressource
La theacuteorie de la ressource considegravere que crsquoest un ensem le de ressources tangi les et
intangi les qui constitue le socle de lrsquoavantage com titi our trans ormer un
avantage compeacutetitif agrave court terme en un avantage com titi dura le il srsquoagit de
deacutevelopper cet ensemble de ressources en maintenant la nature de leur heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute et
leur enracinement organisationnel a in drsquoen limiter lrsquoimitation et la su stitua ilit La
logique drsquoune trajectoire strat gique re ose donc sur lrsquoidenti ication des ressources cl s
actuelles et potentielles de constater qursquoelles veacuterifient les deux critegraveres ci-dessous des
ressources non aiseacutement imitables ni substituables ndash c lrsquoacronyme VRIN ndash valuable
rare in-imitable non-substituable) et de veiller agrave leur maintien et agrave leur
deacuteveloppement Lrsquoorganisation nrsquoest lus consid r e comme un orte euille drsquoactivit s
contribuant agrave la production de laquo produits amp services march s raquo mais comme un
portefeuille de ressources Ce ne sont plus les besoins des clients qui d terminent la
strat gie mais les ressources et les com tences organisationnelles lrsquoavantage
concurrentiel existant au regard du potentiel interne Les ressources srsquoanalysent en 6
122
R P Rumelt laquo Towards a Strategic Theory of the Firm raquo in R Lamb (Ed) Competitive Strategic
Management Prentice-Hall Englewood Cliffs NJ 1984 pp 556-570 123
B Wernerfelt laquo A Resource-based View of the Firm raquo Strategic Management Journal vol 5 ndeg 2
1984 pp171-180 124
J B Barney laquo Firm Resources and Sustained Competitive Advantage raquo Journal of Management vol
17 1991 pp99-120
Yvon PESQUEUX
45
cateacutegories les ressources inanciegraveres humaines physiques organisationnelles
technologiques et de r utation Les com tences fondent la ca acit organisationnelle
agrave d loyer les ressources our atteindre un o jecti drsquoougrave lrsquoimportance accordeacutee agrave un
apprentissage issu de la combinaison de plusieurs ressources venant relier la perspective
organisationnelle de la strat gie agrave la question de lrsquoa rentissage organisationnel
ocus sur le odegravele de A Rangone (quant agrave lrsquoapplication de
lrsquoapproc e en RBV aux E)125
A Rangone ro ose drsquoidenti ier les ressources susce ti les de conduire agrave de meilleures
er ormances dans les M Il srsquoagit rinci alement drsquo valuer la supeacuterioriteacute
concurrentielle au regard de lrsquoad quation des moyens mateacuteriels et immateacuteriels avec
lrsquoactivit et des risques drsquoimitation et de substitution Il identifie trois capaciteacutes
neacutecessaires agrave lrsquoo tention de meilleures er ormances la ca acit drsquoinnovation la
capaciteacute de production et la capaciteacute de gestion commerciale capaciteacutes relatives agrave la
dotation en ressources critiques au regard des reacutefeacuterences mentionneacutees ci-dessus Il met
en avant plusieurs ressources critiques les ressources financiegraveres geacuteneacutereacutees en interne
les atouts physiques les ressources humaines les ressources organisationnelles
comprenant les reacuteseaux relationnels les aptitudes le savoir-faire la marque et la
reacuteputation Pour eacutetablir le lien entre les capaciteacutes de reacutefeacuterence et les ressources
opeacuterationnelles critiques il faut deacutefinir les eacuteleacutements cleacutes de performance au regard des
facteurs cleacutes de succegraves du secteur Trois cateacutegories de performances sont ainsi
distingueacutees les performances de production (qui portent sur la qualiteacute la fiabiliteacute le
co t les er ormances en matiegravere drsquoinnovation sur les lans technologique ou
manageacuterial (relatives lrsquoam lioration des co ts etou au deacutelai de lancement) et les
performances marketing qui concernent la communication autour de la marque la
notorieacuteteacute la fideacuteliteacute des clients Lrsquoanalyse strat gique ro os e im lique ainsi cinq
eacutetapes majeures la deacutefinition des intentions strateacutegiques et des performances
lrsquoidenti ication des ressources ayant une in luence sur les eacuteleacutements cleacutes de
er ormances la valeur strat gique des ressources crsquoest-agrave-dire leur aptitude agrave creacuteer et agrave
maintenir des performances supeacuterieures agrave la moyenne lrsquoa r ciation de la coh rence
strat gique des ressources dans la r alisation de lrsquointention strat gique et en in de
geacuteneacuterer des options strateacutegiques
Focus sur le laquo Modegravele Delta raquo
Le laquo Modegravele Delta raquo est un cadre drsquoanalyse strateacutegique deacuteveloppeacute par Dean Wilde avec
dautres membres de Dean amp Company et Arnoldo Hax de MITSloan School of
Management126
Il vise agrave aider des dirigeants dans larticulation et la mise en oeuvre de
strateacutegies efficaces
Le laquo Modegravele Delta raquo integravegre les logiques de lrsquoavantage concurrentiel chaicircne de valeur
de M E Porter compte-tenu des apports de la RBV et les complegravetent par les
125
A Rangone laquo A Resource-Based Approach to Strategy Analysis in Small-Medium Sized
Enterprises raquo Small Business Economics vol 12 ndeg 3 pp 233-248 126
D L Wilde amp A C Hax The Delta Project Palgrave New York 2001
Yvon PESQUEUX
46
perspectives des laquo organisations eacutetendues raquo en offrant des laquo solutions globales raquo aux
clients
Les eacuteleacutements du laquo Modegravele Delta raquo sont les suivants
- Triangle strateacutegique expression employeacutee pour deacutefinir des positions
strateacutegiques qui reflegravetent de nouvelles sources de rentabiliteacute avec trois options
strateacutegiques - le meilleur produit les solutions client et le verrouillage du
marcheacute
- Alignement de ces options strateacutegiques avec les activiteacutes afin de fournir de la
congruence entre lorientation strateacutegique et sa mise en oeuvre Trois processus
fondamentaux sont toujours preacutesents comme dans les autres principales logiques
strateacutegiques efficaciteacute opeacuterationnelle ciblage client et innovation
- Processus adaptatifs les processus les plus importants doivent ecirctre aligneacutes avec
la strateacutegie choisie De cette faccedilon des progregraves peuvent ecirctre accomplis en
conformiteacute avec lagenda strateacutegique fixeacute Le Modegravele Delta identifie les
processus principaux de lactiviteacute et met lrsquoaccent sur la faccedilon dont ils doivent
onctionner a in drsquoatteindre les ositions strat giques d inies capables
eacutegalement de reacutepondre aux enjeux drsquoun environnement incertain
- Meacutetrique la meacutetrique financiegravere fournissant un vue globale doit ecirctre compleacuteteacutee
par des meacutetriques plus fines
Ces auteurs pensent quune organisation se doit agrave ses clients Ils sont la cible finale de
toutes les activit s Il srsquoagit donc de servir le client dune maniegravere distinctive pour
atteindre une meilleure performance Mener une activiteacute signifie attirer satisfaire et
retenir le client
La connectivit de lrsquolaquo organisation eacutetendue raquo en reacuteseau offre des occasions de creacuteer des
positions concurrentielles baseacutees les relations Une activiteacute peut construire des liens
solides de profondes connaissances et une relation eacutetroite que ces auteurs appellent
lrsquolaquo Intimiteacute Client raquo (Customer Bonding) Ces liens peuvent ecirctre directement formeacutes
avec les clients Ils peuvent eacutegalement ecirctre formeacutes indirectement par des partenaires
auxquels le client souhaite acceacuteder Les deux sont des sources de marge et de durabiliteacute
Les liens repreacutesentent des investissements faits par des clients et des partenaires dans et
autour du produit commercialiseacute
Avec le laquo Modegravele Delta on srsquo loigne agrave la ois des matrices aux nom res drsquoitems
reacuteduits et agrave une analyse strateacutegiste de type statique Mais on reste ici toutefois dans une
ers ective strat giste qui ait de lrsquoanalyse la strat gie
La notion de cœur de co p tence et drsquointention strat gique (strategic
intent) de Coimbatore K Prahalad amp Gary Hamel127
La notion de laquo cœur de com tence raquo laquo cœur de m tier raquo laquo compeacutetence-cleacute raquo ou
encore laquo compeacutetence distinctive caract rise ce qursquoune organisation ait mieux que ses
127
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994
Yvon PESQUEUX
47
concurrentes (deacuteveloppement de nouveaux produits implication des salarieacutes etc) Les
activit s qui nrsquoa artiennent as au cœur de m tier ont vocation agrave ouvoir ecirctre
externaliseacutees Une compeacutetence-cleacute comporte trois registres la possibiliteacute drsquoacc der agrave
de nom reux march s lrsquoaccroissement des avantages perccedilus par le client et le fait drsquoecirctre
difficile agrave imiter Les compeacutetences-cleacutes sont de nature organisationnelle (et non
individuelle)
La notion drsquointention strat gique repose une vision volontariste de la strat gie Il ne
srsquoagit as de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement mais de le modifier agrave son ro it crsquoest-agrave-dire
de changer les regravegles du jeu Le changement devient un objectif strateacutegique (cf la
notion de kaizen des entreprises japonaises) Lrsquointention est une re reacutesentation partageacutee
de lrsquoavenir agrave long terme lle ossegravede deux e ets un laquo effet de tension raquo qui doit
amener lrsquoorganisation agrave re enser ses cadres de r rence compte-tenu des ressources et
des com tences qui manquent aujourdrsquohui our arvenir au d velo ement souhait et
un laquo effet de levier raquo qui suscite le esoin de maximiser lrsquousage des com tences-cleacutes et
une strat gie de transformation destin e agrave modifier le jeu concurrentiel
Crsquoest agrave ce titre que cette conce tion marque le asculement drsquoune a roche strateacutegiste
vers une approche en strategizing
Les laquo capabiliteacutes dynamiques raquo (dynamic capabilities) de David J
Teece amp Gary Pisano amp Amy Shuen128
La principale diffeacuterence entre cette approche et celle de la theacuteorie de la ressource est
que lrsquoa roche en laquo capabiliteacutes dynamiques raquo se focalise plus sur la survie et la
rennit que sur lrsquoo tention drsquoun avantage concurrentiel dura le Il srsquoagit aussi drsquoune
entreacutee dans le strategizing Une laquo capabiliteacute dynamique raquo est la capaciteacute
organisationnelle agrave reconfigurer des compeacutetences internes et externes pour faire face agrave
des environnements en eacutevolution voire agrave cr er lrsquo volution de cet environnement La
notion srsquoins ire de celle de compeacutetence-cl que lrsquoon trouve chez C K rahalad G
Hamel129
comme chez I Nonaka amp H Takeuchi130
Elle se diffeacuterencie de la capabiliteacute
opeacuterationnelle qui concerne les opeacuterations courantes de lrsquoorganisation On y trouve une
reacutefeacuterence agrave la notion de laquo routine organisationnelle raquo de R R Nelson amp S G Winter131
Lrsquoa roche se con ronte agrave deux questions comment les dirigeants drsquoune organisation
connaissant des succegraves peuvent-ils modi ier leur modegravele mental a in de srsquoada ter agrave un
changement radical qui sort des cateacutegories du succegraves obtenu Comment les
organisations peuvent-elles maintenir leurs capabiliteacutes tout en assurant leur peacuterenniteacute
Il y est question de deacutepasser la deacutependance de sentier Les organisations et leurs
membres doivent ecirctre ca a les drsquoa rendre ra idement et de construire des acti s
strateacutegiques les actifs existants devant ecirctre transformeacutes ou reconfigureacutes Ce sont des
as ects tels que lrsquoa rentissage la ca acit agrave g rer de nouveaux acti s de trans ormer
128
D J Teece amp G Pisano amp A Shuen laquo Dynamic Capabilities and Strategic Management raquo Strategic
Management Journal vol 18 ndeg 7 1997 pp 509-533 129
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 130
I Nonaka amp H Takeuchi The Knowledge-Creating Company How Japanese Companies Create the
Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995 131
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Hange Belknap New York 1982
Yvon PESQUEUX
48
les actifs existants et de relire les com inaisons drsquoacti s qui com tent ici
Pour ce qui est de leur validation empirique D J Teece propose la seacutequence suivante
Identifier les opportuniteacutes (Sensing) ndash Saisir les opportuniteacutes (Seizing) - Reconfigurer
(transforming)132
Focus sur H Mintzberg amp B Ahlstrand amp J Lampel Strategy Safari -
A Guided Tour Through the Wilds of Strategic Management FT
Prentice Hall New York 2002
n em runtant la m ta hore de la a le drsquohindoustan laquo Les aveugles et lrsquo l hant raquo ces
auteurs vont mettre en avant que les diffeacuterents courants de la strateacutegie nrsquoex liquent
chacun qursquoune artie du rocessus du management strat gique
Au-delagrave du rapport laquo moyens ndash fins raquo ils ajoutent les eacuteleacutements de cineacutematique
suivants
- La laquo strateacutegie en avant et en arriegravere raquo afin de compleacuteter la deacutefinition de la laquo strateacutegie
projeteacutee raquo qui conccediloit la strateacutegie comme un plan orienteacute vers le futur par rapport agrave
celle de laquo strateacutegie reacutealiseacutee qui consiste agrave artir de lrsquoex rience du ass a in de
formuler un modegravele de reacutealisation (les organisations sont deacutependantes des modegraveles
de leur passeacute ndash cf la deacutependance de sentier)
- La laquo strateacutegie deacutelibeacutereacutee et eacutemergente raquo qui est un mix entre une strateacutegie projeteacutee et
ce qui est reacutealiseacute mecircme si ce nrsquo tait as r vu
- La laquo strateacutegie au-dessus et au-dessous raquo car la strateacutegie se deacutefinit par son contenu
strateacutegique mais aussi par le regard que porte le strategravege (la latitude du dirigeant)
- La laquo strateacutegie en tant stratagegraveme raquo crsquoest agrave dire comme manœuvre destin e agrave trom er
son concurrent ou adversaire
Les auteurs srsquointerrogent sur le fait de savoir
- Qui est le veacuteritable architecte de la strateacutegie
- Comment doit ecirctre formuleacutee une strateacutegie (cf les eacutecoles normatives des approches
laquo strateacutegistes raquo)
- Comment se forment elles
- Ougrave celle-ci naicirct elle au sein de lrsquoorganisation
- Dans quelle mesure le processus strateacutegique est-il reacuteellement voulu et conscient
- La coupure entre formulation et reacutealisation est - elle vraiment sacro-sainte
Les dix eacutecoles dont vont parler les auteurs se reacutepartissent en trois groupes
- Le premier comprend les eacutecoles essentiellement normatives telles que les eacutecoles de
la conception de la planification et du positionnement Elles insistent plus sur la
faccedilon dont il faudrait concevoir les strateacutegies que sur la faccedilon dont elles se
constituent effectivement
- Le deuxiegraveme srsquoint resse lus agrave la descri tion des rocessus drsquo la oration de la
strat gie ( cole entre reneuriale cognitive de lrsquoa rentissage du ouvoir
culturelle)
132
D J Teece laquo Explicating Dynamic Capabilities the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance raquo Strategic Management Journal vol 28 ndeg 13 December 2007 pp 1319-1350
Yvon PESQUEUX
49
- Le troisiegraveme grou e est constitu ar lrsquo cole de la con iguration qui essaie de les
combiner
Leacutecole de la conception (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
conception)
Les deux r rences drsquoorigine sont Leadership in Administration de P K Selznick133
et Strategy and Structure de A D Chandler134
Mais son veacuteritable eacutelan est ducirc agrave la
Harvard Business School (cf le traiteacute de politique geacuteneacuterale de E P Learned amp C R
Christensen amp K R Andrews amp W D Guth qui suggegraverent que leacutelaboration dune
strateacutegie consiste agrave trouver la meilleure adeacutequation possible entre les forces et faiblesses
internes et les menaces et o ortunit s externes Lrsquoanalyse SWO (strengths
weaknesses opportunities threats) propose un cadre de diagnostic et de reacuteflexion
strateacutegique deacutebouchant sur la deacutetermination des acteurs cl s de succegraves drsquoune activiteacute
( CS Lrsquoorganisation doit connaicirctre les FCS de son marcheacute les hieacuterarchiser repeacuterer les
plus importants et ceux qui sont le moins bien controcircleacutes par les concurrents Pour
chaque FCS elle doit posseacuteder des compeacutetences speacutecifiques et effectuer des
investissements Il est parfois neacutecessaire de concilier des FCS qui apparaissent
contradictoires et qui eacutevoluent dans le temps Cette approche a domineacute la reacuteflexion
strateacutegique jusque dans les anneacutees 1970 et certains preacutetendent que cest encore le cas
aujourdhui agrave cause de son influence implicite sur la plupart des meacutethodes
drsquoa rentissage
Lrsquoune des critiques adresseacutees agrave cette eacutecole repose sur le fait que la penseacutee consciente
joue un rocircle moteur et seacutepare la phase de lrsquo la oration de la strat gie de celle de sa mise
en œuvre (une a roche de ty e laquo strateacutegiste raquo) De ce fait elle nie des aspects de
lrsquo la oration de la strat gie comme deacuteveloppement increacutemental la strateacutegie eacutemergente
lrsquoin luence de la structure existante sur la strateacutegie et la participation des agents
organisationnels
Lrsquo cole de la conce tion adhegravere agrave la thegravese drsquoA D Chandler qui consiste agrave deacuteterminer la
structure agrave partir de la strateacutegie Et pourtant quelle organisation peut aiseacutement changer
de structure en changeant de strateacutegie
Leacutecole de la planification (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus formel)
Lrsquo cole de la lani ication se deacuteveloppe parallegravelement agrave la preacuteceacutedente Le livre de
reacutefeacuterence est Corporate Strategy drsquoH I Ansoff135
Cette approche a eu une influence
consideacuterable dans les anneacutees 1970 Elle reprend pour lessentiel les hypothegraveses de
leacutecole de conce tion en d com osant lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie en eacutetapes distinctes
sur la base drsquoune formalisation plus rigoureuse Cette approche se deacutemarque de la
preacuteceacutedente en introduisant dans lrsquo la oration strateacutegique des planificateurs qui de fait
se substituent aux dirigeants dans la phase de conception
133
P K Selznick Leadership in Administration Row amp Peterson and Co Evanston Illinois 1957 134
A D Chandler Strategy and Structure Chapters in History of the Industrial Enterprise MIT Press
Cambridge 1962 135
H I Ansoff Corporate Strategy McGraw-Hill New York 1965
Yvon PESQUEUX
50
La planification strateacutegique a eacuteteacute discuteacutee dans les anneacutees 1980 dans le conflit entre
laquo planificateurs bureaucrates raquo et direction qui se trouvait parfois court-circuiteacutee ainsi
que par les cadres intermeacutediaires soumis agrave des controcircles centraliseacutes
La critique de cette eacutecole orte sur lrsquoillusion de vouloir recreacuteer la figure
de lrsquoentre reneur dans lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Des proceacutedures formelles ne
permettent pas de r dire des discontinuit s drsquoin ormer une hi rarchie sur les signes
avant-coureurs ou de creacuteer des nouvelles strateacutegies (cf la deacutependance de sentier)
Leacutecole du positionnement (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus
analytique)
Cette troisiegraveme eacutecole normative a domineacute dans les anneacutees 1980 Cest M Porter qui lui
a donneacute son eacutelan parmi dautres travaux reacutealiseacutes sur le thegraveme du positionnement
strateacutegique tant dans le monde universitaire que dans celui du conseil (cf la matrice du
Boston Consulting Group et le Projet Profit Impact of Market Strategies de General
Electric) A la diffeacuterence des eacutecoles preacuteceacutedentes qui admettaient que le nombre de
strat gies ouvait ecirctre illimit lrsquo cole du ositionnement r tend qursquoil nrsquoexiste que
quelques strateacutegies cleacutes assimilables agrave des positions de marcheacute Elle conserve lrsquoid e que
la strateacutegie preacutecegravede la structure la structure du secteur drsquoactivit orientant la osition
strateacutegique qui agrave son tour dicte la structure
Lrsquo cole du ositionnement srsquoest constitu e en trois vagues successives
- La premiegravere vague correspond aux preacuteceptes militaires en conformiteacute avec les eacutecrits
de Sun-Tzu (Lrsquoart de la guerre publieacute 400 avant J-C et qui insiste sur
lrsquoim ortance des renseignements sur lrsquoennemi et sur celle du lieu de bataille
lrsquoavantage au remier arriv ) et ceux de C von Clausewitz (1780-1831) qui met
en avant les strat gies drsquoattaque de d ense de manœuvre et qui comme dans
lrsquo cole du positionnement reacuteduit la strateacutegie agrave un certain nombre de positions
geacuteneacuteriques choisies par le biais dune analyse formelle des situations
- La deuxiegraveme vague se caracteacuterise par lrsquoarriveacutee des consultants avec la mise en
exergue de la recherche de parts de march Ainsi la matrice drsquoanalyse laquo croissance
- part de marcheacute raquo du BCG reprend les deux cateacutegories principales du modegravele
classique de lrsquo cole de la conce tion (environnement ext rieur et ca acit s internes
et choisit une dimension cl our chacune drsquoelles (croissance et art de march
relative La n cessit drsquoun orte euille drsquoactivit s quili r devient majeure pour
capitaliser sur les opportuniteacutes de croissance Les produits laquo vache agrave lait raquo agrave forte
marge permettent de deacutegager les liquiditeacutes neacutecessaires au financement des produits
laquo vedette raquo qui deviendront agrave leur tour des produits laquo vache agrave lait raquo Les laquo poids
morts raquo doivent ecirctre supprimeacutes et les laquo dilemmes raquo transformeacutes en produits
laquo vedette agrave lrsquoaide de onds su l mentaires Le BCG a eacutegalement preacuteconiseacute de
mettre agrave ro it lrsquoex rience agrave artir des acquis de la courbe drsquoex rience
- La troisiegraveme vague a deacutemarreacutee dans les anneacutees 1980 avec le modegravele des cinq forces
de M Porter (pression des fournisseurs pressions des clients produits de
substitution arriegraveres agrave lrsquoentr e menace de nouveaux entrants et rivaliteacute entre
concurrents) Une organisation ne eut oss der que deux grands ty es drsquoavantages
concurrentiels la domination par les coucircts ou la diffeacuterentiation M Porter introduit
le concept de chaicircne de valeur pour analyser les coucircts et la contribution de chaque
fonction au produit ou au service creacuteeacute pour le client Il distingue les fonctions
Yvon PESQUEUX
51
opeacuterationnelles des laquo fonctions support raquo (cf les achats la recherche et
d velo ement la G H la inance et le controcircle de gestion lrsquoin rastructure et les
systegravemes) Il srsquoagit de re rer les activit s source drsquo conomie ou de di eacuterenciation
sachant qursquoelles peuvent srsquo tendre aux liens avec les artenaires en amont et en
aval
La critique de lrsquo cole du ositionnement re rend les critiques preacuteceacutedentes crsquoest-agrave-dire
la seacuteparation de la ens e et de lrsquoaction et lrsquoillusion que lrsquoanalyse des donn es
quantitatives ermettrait drsquoa outir agrave une synthegravese acceptable De plus en mettant
lrsquoaccent sur la dimension conomique elle n glige celle du politique Sa conception du
contexte est plutocirct en coheacuterence avec les grandes organisations parvenues agrave maturiteacute
Elle ne dit pas rien des strateacutegies ayant pour objet de fragmenter un secteur deacutejagrave
consolideacute Lrsquoanalyse et le calcul pour deacuteterminer des positions geacuteneacuteriques ne laissent
pas de place agrave lrsquoa rentissage agrave la cr ativit ni agrave lrsquoengagement ersonnel La
deacutetermination de position ne permet pas de consideacuterer la strateacutegie comme une
perspective singuliegravere
Leacutecole entrepreneuriale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus visionnaire)
Drsquoautres conceptions sont apparues en centrant le processus strateacutegique sur la vision du
dirigeant enfouie dans les mystegraveres de son intuition Les strateacutegies ne sont plus des
plans ou des positionnements preacutecis mais des visions ou des perspectives en geacuteneacuteral
exprimeacutees de faccedilon imageacutee au travers de meacutetaphores Cette perspective sapplique agrave en
fait agrave des start-up agrave des acteurs positionneacutes sur des marcheacutes de niche ou agrave des socieacuteteacutes
en cours de redressement La limite en est que lrsquo la oration strateacutegique est indissociable
de la ersonnalit de lrsquoentre reneur
Leacutecole cognitive (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus mental)
Lrsquo cole cognitive srsquoint resse agrave ce qui se passe dans la tecircte du strategravege Cette approche
srsquoins ire des travaux drsquoH Simon136
et de J G March137
qui ont vulgaris lrsquoid e que le
deacutecideur avait une rationaliteacute limiteacutee A Tversky amp D Khaneman138
et S Makridakis139
en1990 ont emboicircteacute le pas en menant des recherches sur laquo les partis pris raquo lieacutes agrave nos
tendances (preacutefeacuterer lrsquoin ormation r cente agrave lrsquoin ormation lus ancienne voir des
relations de cause agrave e et entre des varia les qui nrsquoont as orc ment de corres ondance
avoir des illusions des convictions sans fondement ou des preacutejugeacutes) I M Duhaime amp
C R Schwenk140
ont tudi lrsquoim act des m canismes drsquoanalogie de m ta hore ou
drsquoautres distorsions sur les rises de d cision La connaissance des rocessus mentaux
alerte sur le risque que les plans strateacutegiques ne soient pas toujours coheacuterents car le
136
H A Simon Administrative Behavior a Study of Decision Making Processes in Administrative
Organizations Mac Millan New York 1947 - The New_Science of Management_Decision Prentice
Hall Englewood Cliffs 1977 137
RM Cyert amp J G March A Behaviotal Theory of the Firm Prentice-Hall New York 1963 138
A Tversky amp D Kahneman laquo Advances in Prospect Theory Cumulative Representation of
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S Makridakis Forecasting Planning and Strategy fir the 21st Century The Free Press New-York
1990 140
I M Duhaime amp C R Schwenk laquo Conjectures on Cognitive Simplification in Acquisition and
Divestment Decision Making raquo The Academy of Management Review vol 10 ndeg 2 1985 pp 287ndash
295 httpsdoiorg102307257970
Yvon PESQUEUX
52
strategravege risque de srsquoenfermer sur lrsquolaquo analogie raquo (qui reproduit des situations qui ont
fonctionneacute mais qui ne sont plus adapteacutees) avec lrsquolaquo illusion de la maicirctrise raquo
lrsquolaquo escalade dans lrsquoengagement raquo comme durant la guerre au Vietnam le ait drsquolaquo agir
sur le constat drsquoun seul reacutesultat raquo
Cette eacutecole propose une vision moins d terministe que lrsquo cole du ositionnement et
lus ersonnalis e que lrsquo cole de la lani ication mais sa contribution se heurte agrave la
compreacutehension de la faccedilon dont les concepts se forment dans la tecircte du strategravege
cole de lrsquoapprentissage (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus eacutemergent)
Lrsquo cole de la rentissage critique de la seacuteparation entre formulation et reacutealisation et
ouvre le champ agrave la perspective du strategizing Elle se fonde sur lrsquoarticle de C
Lindblom141
sur laquo la science de la deacutebrouillardise raquo et aux premiers travaux sur
lincreacutementalisme de J B Quinn142
Les strateacutegies se deacutegagent au fur et agrave mesure que
les agents organisationnels agissant parfois individuellement mais le plus souvent
collectivement assimilent progressivement les donneacutees de la situation en mecircme temps
que les moyens dont dispose leur organisation pour les traiter Finalement ils tombent
drsquoaccord sur un lan drsquoaction qui onctionne
Le management strateacutegique devient un rocessus drsquoa rentissage collecti visant agrave
deacutevelopper et agrave exploiter les compeacutetences cleacutes (cf C K Prahalad amp G Hamel143
) Pour
eux les racines de lrsquoavantage concurrentiel sont dans les compeacutetences cleacutes qui
fournissent un accegraves potentiel agrave une grande varieacuteteacute de marcheacutes C K Hamel amp G
Prahalad ont deacutefini deux autres concepts le laquo dessein strateacutegique raquo et celui de
laquo tension raquo et de laquo levier raquo Le laquo dessein strateacutegique raquo permet de focaliser les ressources
sur un objectif qui doit ecirctre simple agrave comprendre et pouvant ecirctre repreacutesenteacute par une
meacutetaphore La laquo tension raquo est la distorsion entre les ressources et les aspirations
Lrsquolaquo effet de levier raquo permet de valoriser les ressources de diffeacuterentes faccedilons en les
concentrant sur un point strateacutegique en les accumulant plus efficacement en tirant du
savoir de leur expeacuterience ou empruntant des ressources agrave drsquoautres organisations en
compleacutetant chaque type de ressource en y incorporant plus de valeur en les conservant
aussi longtemps que possible et ou en les reacutecupeacuterant rapidement du marcheacute
Leacutecole du pouvoir (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de neacutegociation)
Crsquoest un courant peu deacuteveloppeacute (quelques publications dans les anneacutees 1970 ndash cf I C
Mac-Millan144
J M Sarrazin145
sur lrsquoas ect olitique de la lani ication A
141
C Lindblom laquo The Science of Muddling Through raquo Public Administration Review vol 19 ndeg 2
1959 pp 79 - 88 142
J B Quinn Strategies for Change Logical Incrementalism Homewood Irwin 1980 143
C K Prahalad amp G Hamel laquo The Core Competences of the Corporation raquo Harvard Business Review
mai 1990 ndash G Hamel amp C K Prahalad laquo Competing for the Future raquo Harvard Business Review juillet-
aoucirct 1994 144
I C Mac-Millan Strategy Formation Political Concepts West New York 1978 145
J M Sarrazin Strategic Control A Normative Theory of Corporate Development Under Ambiguous
Circumstances unpublished PhD dissertation The University of Texas Austin Texas 1978
Yvon PESQUEUX
53
Pettigrew146
et J L Bower amp Y L Doz147
sur la formulation de la strateacutegie comme
processus politique) Cette cole axe lrsquo la oration de la strat gie sur le pouvoir compris
dans deux sens diffeacuterents Le micro-pouvoir agrave vocation interne considegravere que le
deacuteveloppement de strateacutegies au sein dune organisation est essentiellement politique et
que ce processus est baseacute sur la neacutegociation la persuasion et la confrontation entre les
agents organisationnels Le macro-pouvoir agrave vocation externe perccediloit lorganisation
comme une entiteacute qui utilise son influence sur les autres et sur ses partenaires au sein
dalliances et autres formes de reacuteseaux (joint-ventures etc) pour neacutegocier des strateacutegies
dites laquo collectives raquo allant dans le sens de son inteacuterecirct
L G Bolman amp T E Deal148
avancent que laquo les organisations sont des coalitions entre
divers individus et groupes drsquointeacuterecirct Entre les membres drsquoune coalition il existe des
diffeacuterents durables concernant les croyances les valeurs lrsquoinformation les inteacuterecircts et
la perception de la reacutealiteacute Les deacutecisions les plus importantes impliquent lrsquoallocation de
ressources rares La rareteacute des ressources et la permanence des diffeacuterents donnent au
conflit le rocircle essentiel dans la dynamique organisationnelle et font que le pouvoir est
la ressource principale et que les objectifs et les deacutecisions eacutemergent du marchandage
de la neacutegociation et de lrsquointrigue entre les diffeacuterents partis concerneacutes raquo
Lrsquo la oration de la strateacutegie est lrsquoa aire drsquoune qui e et non drsquoun seul homme La
strateacutegie dominante sera celle des groupes les plus puissants et tend agrave deacutefinir la strateacutegie
comme un processus eacutemergent plutocirct que deacutelibeacutereacute et agrave revecirctir la forme de positions
plutocirct que celle de perspectives
Drsquoautres travaux de olitologues (G Majone amp A Wildavsky149
M Lipsky150
)
concernent le laquo glissement strateacutegique raquo et la laquo deacuterive politique raquo Le laquo glissement raquo
signifie que les intentions sont plus ou moins deacuteformeacutees avec le temps conduisant agrave des
strateacutegies partiellement reacutealiseacutees La laquo deacuterive raquo signifie laquo qursquo mesure que le temps
passe une seacuterie drsquoaccommodements plus ou moins raisonnables se cumulent en des
changements qui altegraverent les intentions raquo Crsquoest la deacuterive de strateacutegies partiellement
eacutemergentes
Dans lrsquoanalyse en macro pouvoir on estime que lrsquoorganisation assure sa bonne santeacute en
controcirclant ou en coo rant avec drsquoautres ar le moyen de manœuvres strat giques aussi
bien que de strateacutegies collectives comportant diverses sortes de reacuteseaux et drsquoalliances
146
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
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Press pp 391-402
Yvon PESQUEUX
54
Lrsquoanalyse des arties renantes re r sente une tentative de traiter les orces olitiques
selon une approche rationnelle E R Freeman151
propose un modegravele de laquo processus de
formulation de la strateacutegie des parties prenantes raquo avec trois eacutetapes lrsquoanalyse du
comportement de la partie prenante (avec au moins trois sortes de comportement le
comportement actuel du groupe le potentiel coopeacuteratif qui ermettrait agrave lrsquoorganisation
drsquoatteindre son o jecti agrave lrsquoavenir et la menace com titive qui ourrait lrsquoem ecirccher
drsquoatteindre son o jecti ) le fait de bacirctir une explication logique du comportement de la
artie renante et lrsquoanalyse de coalitions possibles entre parties prenantes E R
Freeman indique quatre strateacutegies types pouvant reacutesulter de ce processus de
formulation strateacutegie offensive (chercher agrave peser sur les objectifs de la partie
renante d ensive (rattacher agrave drsquoautres que la artie renante voit plus
favorablement) camper sur ses positions ou changer de regravegles
Lrsquoeacutecole du pouvoir a contribueacute au management strateacutegique avec des notions telles que
celle de laquo coalition raquo de laquo jeux politiques raquo et de laquo strateacutegies collectives raquo
Leacutecole culturelle (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus collectif)
La culture est devenue une preacuteoccupation apregraves que lon ait reacutealiseacute limpact du
management japonais dans les anneacutees 1980 Avant ce sont les eacutecrits des auteurs de
lrsquo cole sueacutedoise comme E Rhenman152
et R Normann153
qui ont mis en avant
lrsquoim ortance de la culture sur le deacuteveloppement organisationnel La culture offre une
interpreacutetation du monde avec les activiteacutes et les rites qui la reflegravetent Les interpreacutetations
sont partageacutees collectivement dans un processus social Les activiteacutes peuvent ecirctre
individuelles mais leur signification est collective La culture organisationnelle est une
connaissance collective de croyances artag es drsquoha itudes de traditions our A
Pettigrew154
la culture organisationnelle est un laquo tissu social expressif raquo La force drsquoune
culture se caracteacuterise par le ait qursquoelle cha e agrave la conscience Lrsquoid ologie ait artie
de la culture organisationnelles avec un ensemble de convictions fortes et partageacutees
avec passion On arle drsquoid ologie pour Mc Donald quant agrave lrsquoe icacit le service et la
propreteacute
Une autre accedilon de srsquointerroger sur la culture est drsquoo server les ressources li es agrave
lrsquoorganisation Crsquoest B Wernerfelt155
qui a deacuteveloppeacute la laquo theacuteorie des ressources raquo en
proposant des produitsservices uniques les organisations se singularisent en
deacuteveloppant leurs ressources propres A la diffeacuterence C K Prahalad amp G Hamel qui
integravegrent la gestion dynamique des ressources dans le rocessus drsquoa rentissage
strateacutegique B Wernerfelt le considegravere comme faisant partie de lrsquo volution de
lrsquoorganisation et donc de sa culture Pour J Barney156
lrsquoorganisation est un faisceau de
ressources (de capital physique de capital humain de ressource de capital
organisationnel) tangibles et intangibles Crsquoest un r seau drsquointer r tation partageacutee Il
151
E R Freeman Strategic Management A Stakeholder Approach Pitman Boston 1984 152
E Rhenman Organizational Theory for Long Range Planning ndash 1973 John Wiley amp Sons Ltd 1973
ASIN B01F820888 153
R Normann Management for Growth John Wiley amp Sons 1977 ISBN-10 0471995134 ISBN-
13 978-0471995135 154
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 155
B Wernerfelt op cit 156
J Barney op cit
Yvon PESQUEUX
55
eacutenumegravere quatre critegraveres permettant de reconnaicirctre les ressources strateacutegiques
eacutevaluabiliteacute rareteacute inimitabiliteacute substitualiteacute
Avec cette cole lrsquo la oration strat gique devient la gestion drsquoun savoir collecti lle
deacutecourage le changement car les ressources sont enracineacutees dans la culture
Leacutecole environnementale (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
reacuteaction)
Lrsquo cole environnementale considegravere lrsquoenvironnement comme eacutetant la reacutefeacuterence
majeure Elle englo e la laquo th orie de la contingence lrsquolaquo cologie des o ulations et
les laquo theacuteoriciens des institutions raquo
La theacuteorie de la contingence d crit les ra orts entre les s ci icit s de lrsquoenvironnement
et certaines dimensions de lrsquoorganisation A la diffeacuterence des theacuteories classiques du
management il existerait plusieurs faccedilons de geacuterer en fonction de la taille du meacutetier et
des techniques H Mintzberg propose quatre eacutetats princi aux de lrsquoenvironnement la
stabiliteacute la complexiteacute la diversiteacute du marcheacute et lrsquohostilit
M T Hannan amp J Freeman157
considegraverent que les adaptations progressives restent des
changements superficiels car la structure de base est stable Ils utilisent le modegravele
eacutecologique laquo variation ndash seacutelection ndash conservation raquo pour aller au-delagrave Une nouvelle
organisation introduit une variation au sein drsquoune population existante Lrsquoinnovation
lui confegravere un avantage mais sa survie deacutepend de sa capaciteacute agrave se procurer les
ressources adeacutequates dans un environnement ougrave elles sont limiteacutees Les organisations
les plus fortes survivent mais agrave la diffeacuterence agrave lrsquoid e d endue ar M Porter ce nrsquoest
as arce qursquoelles ont su d velo er un avantage concurrentiel mais arce qursquoelles ont
acquis les com tences exig es ar lrsquoenvironnement Crsquoest lrsquoenvironnement qui d cide
de leur niveau de drsquoa titude et de leur s lection Cette conce tion a ait lrsquoo jet de
nombreuses critiques notamment celles qui consistent agrave consideacuterer que les organisations
ne sont pas des ecirctres vivants et qursquoelles sont ca a les de srsquoada ter agrave lrsquoenvironnement
qui est ien souvent r ce ti aux changements qursquoon lui ro ose
La laquo theacuteorie des institutions raquo traite des pressions que subit une organisation dans son
secteur Elle considegravere lrsquoenvironnement comme recelant deux ty es de ressources les
ressources de nature conomique (lrsquoargent la terre les qui ements et les ressources
symboliques (la notorieacuteteacute le prestige etc) La strateacutegie consiste agrave trouver le moyen de
convertir les unes vers les autres Les organisations deacuteveloppent des normes et doivent
acqueacuterir progressivement les pratiques associeacutees La laquo theacuteorie des institutions raquo utilise
le terme drsquoisomor hisme institutionnel our d crire cette convergence reacutesultant de
lrsquoimitation lle en distingue trois ty es lrsquoisomor hisme coerciti d signe la ression
exerceacutee par les normes et la reacuteglementation lrsquoisomor hisme mim tique qui est
lrsquoimitation des ratiques des concurrents qui reacuteussissent drsquoougrave la o ularit du
benchmarking et lrsquoisomor hisme normati qui r sulte de lrsquoin luence r dominante de
lrsquoex ertise
157
M T Hannan amp J Freeman laquo The Population Ecology of Organizations raquo American Journal of
Sociology ndeg 82 1977 pp 929-64
Yvon PESQUEUX
56
C Oliver158
critique la theacuteorie institutionnelle en consideacuterant que les organisations ne
sont pas passives agrave la pression institutionnelle mais deacuteveloppent des reacuteponses
strateacutegiques acquiescement compromis eacutevitement deacutefi manipulation
Leacutecole de la configuration (lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie comme processus de
transformation)
Cette eacutecole comporte deux courants Le premier plus universitaire et descriptif perccediloit
lorganisation comme une configuration dont les diffeacuterentes dimensions constituent des
laquo eacutetats raquo et crsquoest une maniegravere dinteacutegrer les concepts des autres eacutecoles ceux-ci ayant une
place dans chaque type de configuration en onction du cycle de vie de lrsquoorganisation
Le second celui de leacutecole entrepreneuriale propose des configurations plus dynamiques
comme avec la start-up oute ois srsquoil est ossi le de d crire les organisations par des
eacutetats le changement suppose un mouvement plutocirct radical cest-agrave-dire le passage dun
eacutetat agrave un autre Ceci explique que lon ait vu se deacutevelopper une litteacuterature plus
normative sadressant agrave des praticiens et promues par les consultants Ces deux types de
litteacuterature et de pratique pourtant diffeacuterents sont compleacutementaires et appartiennent agrave la
mecircme eacutecole
Lrsquo tude de la con iguration a d ut dans les ann es 7 agrave lrsquouniversit de McGill ougrave P
Khandwalla159
avait mis en avant que lrsquoe icacit reacutesultait non pas tant de la mise en
œuvre de tel attribut particulier de la strateacutegie comme la deacutecentralisation mais de
correacutelations entre des attributs (par exemple une certaine forme de planification avec
une certaine forme de structure et de commandement) Degraves lors un vaste programme de
recherche a eacuteteacute lanceacute pour retracer les strateacutegies sur de longues peacuteriodes On y a observeacute
diffeacuterents stades un stade de deacuteveloppement de stabiliteacute drsquoada tation de lutte et de
reacutevolution La reacutevolution implique une transformation rapide de nombreuses
caracteacuteristiques en mecircme temps Ces eacutetudes ont eacutegalement observeacute la faccedilon dont ces
stades se succegravedent avec le temps avec les bons peacuteriodiques freacutequents dans les
organisations traditionnelles (de longues peacuteriodes de stabiliteacute seacutepareacutees par des peacuteriodes
de reacutevolution) les oscillations glissantes entre des peacuteriodes de convergence adaptative
de stabiliteacute et les stades de lutte divergente les cycles de vie lorsqursquoagrave des stades de
deacuteveloppement succegravede un stade de stabiliteacute et le progregraves reacutegulier dans le cadre drsquoune
adaptation plus ou moins continue
Parmi les auteurs de la configuration on retiendra la contribution de la thegravese de D
Miller160
qui d init des ty ologies agrave artir drsquoun vaste chantillon drsquoentre rises ar
exemple il a constateacute lrsquoexistence de dix arch ty es dans lrsquo la oration de la strat gie
158
C Oliver laquo The Antecedents of Deinstitutionalization raquo Organization Studies vol 13 ndeg 4 1992 pp
563-588 159
P Khandwalla laquo Environment and its Impact on the Organization raquo International Studies of
Management and Organization ndeg 2 1972 pp 297-313 ndash laquo Viable and Effective Organizational Designs
of Firms raquo Academy of Management Journal ndeg 16 1973 Pp 481-495 - The Design of Organizations
Harcourt Brace Jovanovich New York 1977 160
D Miller laquo Strategy Making and Structure Analysis and Implications for Performance raquo Academy of
Management Journal ndeg 30 1987 pp 7-32 ndash laquo The Correlates of Entrepreneurship in Three Types of
Firms raquo Management Science ndeg 29 1983 pp 770-791 ndash D Miller amp P H Friesen laquo Momentum and
Revolution in Organizational Adaptation raquo The Academy of Management Journal vol 23 ndeg 4 1980
pp 591-614 ndash laquo Innovation in Conservative and Entrepreneurial Firms raquo Strategic Management Journal
1982 pp 1-27 ndash laquo Strategy Making and Environment The Third Link raquo Strategic Management Journal
ndeg 4 1983 pp 221-235
Yvon PESQUEUX
57
dont quatre drsquo checs et six de r ussite Cela signi ie que le changement a ecte
simultaneacutement eaucou drsquo l ments Le changement r volutionnaire avanc ar D
Miller est au centre de lrsquo cole de la con iguration et en contradiction avec le
changement increacutemental de J B Quinn161
et de lrsquo cole de lrsquoa rentissage Dans son
ouvrage The Icarus Paradox D Miller162
avance que la configuration pourrait ecirctre
lrsquoessence de la strat gie car elle assure la coheacuterence entre les diffeacuterentes caracteacuteristiques
de lrsquoorganisation en constituant des modegraveles De mecircme il deacutecrit les
quatre laquo trajectoires de r ussite ou drsquo chec raquo la trajectoire cibleacutee aventureuse
inventive et de deacutecouplage
Une autre eacutetude sur la configuration est celle de R Miles amp C Snow163
qui classe les
comportements organisationnels en quatre grandes cateacutegories chacune en fonction
drsquoune strateacutegie en rapport avec le marcheacute la technique les structures et les processus
le deacutefenseur (concerneacute par la stabiliteacute ou laquo comment isoler une portion du marcheacute afin
de creacuteer un domaine stable raquo pour contenir la concurrence il se concentre sur la
qualiteacute ou la technique ou la pratique de prix bas) le prospecteur (qui recherche de
nouveaux produits ou de nouveaux marcheacutes) lrsquoanalyseur (qui deacuteveloppe une approche
moyenne entre celle du deacutefenseur et du prospecteur il cherche agrave minimiser le risque et
maximiser les chances de profit) et le reacuteacteur qui agrave la diffeacuterence des trois autres reacuteagit
agrave lrsquoenvironnement (crsquoest une conduite drsquo chec qui a araicirct lorsque lrsquoune des trois autres
a eacutechoueacute elle est laquo reacutesiduelle raquo)
Un autre corpus a eacuteteacute proposeacute par A Pettigrew164
qui a tudi la trans ormation drsquoICI
sur une longue peacuteriode Pour lui le changement ne se produit pas par un processus
increacutemental mais suivant des peacuteriodes de bouleversement total qui modifient agrave la fois
lrsquoid ologie la structure et la strat gie Srsquoensuivent des peacuteriodes de stabilisation ou de
preacuteparation agrave la prochaine rupture Ces peacuteriodes de changement sont provoqueacutees par
des difficulteacutes eacuteconomiques Le changement du pouvoir accompagne ces peacuteriodes D
Hurst165
d crit le changement au moyen drsquoun laquo eacutecocycle raquo composeacute de huit peacuteriodes qui
srsquoarticulent en continu entre la crise et le renouveau H Mintzberg166
quant agrave lui a
identifieacute trois processus du changement soit au niveau micro soit au niveau macro le
changement planifieacute au moyen de proceacutedures de plan de qualiteacute ou de formation le
changement dirigeacute qui est sous la responsabiliteacute du dirigeant ou de son eacutequipe et le
changement eacutevolutif qui est organique et ne d end as de roc dures ou drsquoautorit
hieacuterarchique
161
J B Quinn op cit 162
D Miller The Icarus Paradox HarperBusiness New York 1990 ISBN 0-88730-453-2 163
R Miles amp C Snow laquo Organization New Concepts of New Forms raquo California Management
Review Spring 1986 vol 23 ndeg 3 pp 62-73 164
A Pettigrew op cit 165
D K Hurst Crisis amp Renewal Meeting the Challenge of Organizational Change Harvard Business
Review Press collection laquo Management of Innovation and Change raquo 1995 ISBN-10 0875845827
ISBN-13 978-0875845821 166
H Mintzberg amp F Westley laquo Cycles of Organizational Change raquo Strategic Management Journal
Vol 13 Special Issue Fundamental Themes in Strategy Process Research vol 13 Winter 1992 pp 39-
59 httpwwwjstororgstable2486365
Yvon PESQUEUX
58
Focus sur Robert A Burgelman (2008)167
et le laquo diamant strateacutegique raquo
Il met en avant la meacutetaphore du laquo diamant strateacutegique raquo par inteacutegration de la
perspective du positionnement et de la perspective de la ressource dans le but de
construire une approche dynamique de la strateacutegie par interrelation entre la logique de
la formulation et celle de la mise en œuvre le discours strat gique tant ce qui ouvre la
conversation entre dirigeants et exeacutecutants Ceci vaut au regard de la compreacutehension de
lrsquoenvironnement strat gique Les organisations disposent de ressources diffeacuterentes pour
in luencer le secteur dans lequel elles o egraverent au ur et agrave mesure qursquoelles grandissent
Com rendre lrsquointeraction entre ces deux dynamiques ermet de ixer le contexte de la
ormulation de la strat gie et drsquoidenti ier les acteurs internes et externes avec lesquels
il va falloir faire
Les r rents de lrsquoanalyse strat gique se sont donc modi i s en srsquo loignant eu agrave eu
des attendus de lrsquoa roche strat giste Par exemple dans Business Strategy Managing
Uncertainty Opportunity and Enterprise J-C Spender168
soutient que la strateacutegie est
galement le ruit de lrsquoimagination des dirigeants et as uniquement le r sultat drsquoun
raisonnement logique Il est arriveacute agrave cette formalisation en comparant les techniques de
planification strateacutegique qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir de la Deuxiegraveme guerre
mondiale et les cheminements moins rigides et eaucou lus ocalis s vers lrsquoavenir
cheminements qui se sont deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1980 autour entre autres de
la notion de business model Il illustre la su riorit de cette maniegravere de voir ar lrsquo tude
de cas drsquoentre rises telles qursquoApple
rsquoapproche socio cognitive de Gerry Johnson169
Anne Huff et Paul
Shrivastava
Lrsquoa roche sociocognitive de la strat gie rend en com te les interd endances entre
les agents organisationnels qui ont de lrsquoorganisation un lieu de rencontre drsquoindividus
aux provenances diverses et ayant des scheacutemas de penseacutee des inteacuterecircts des positions
etc diffeacuterents Ces interdeacutependances constituent une ressource mais aussi un deacutementi agrave
la vision rationaliste du processus strateacutegique drsquoougrave la mise en exergue drsquoune dimension
sociocognitive de ce processus et le recours agrave la meacutethode des cartes cognitives pour
reacutecupeacuterer et analyser les re r sentations strat giques
167
R A Burgelman laquo Cutting the Strategy Diamond in High-Technology Ventures raquo Stanford
University Graduate School of Business Research Paper ndeg 1987 2008 - R A Burgelman amp C M
Christensen amp S C Wheelwright Strategic Management of Technology and Innovation McGraw-Hill
Londres 2008 168
J C Spender Business Strategy Managing Uncertainty Opportunity and Enterprise Oxford
University Press 2014 169
R Calori amp G Johnson amp P Sarnin laquo C Orsquos Cognitive Ma s and the Sco e o the Organization
Strategic Management Journal vol15 1994 pp 437-457 - G Johnson Strategic Change and the
Management Process Blackwell Oxford 1987 ndash G Johnson laquo Rethinking Incrementalism raquo Strategic
Management Journal vol9 1988 pp 75-91
Yvon PESQUEUX
59
A la question des cartes cognitives A Huff ajoute un travail sur les changements
strateacutegique170
P Shrivastava171
srsquoest our sa art int ress agrave lrsquoorganisation dura le et aux crises ( tant
neacute agrave Bhopal on peut comprendre ) et donc aux relations laquo homme ndash technologie -
nature raquo en deacutenonccedilant agrave la lumiegravere des crises la tradition dominante drsquoignorance de la
nature en sciences de gestion
rsquoapproc e contextualiste drsquoAndrew Pettigrew172
Lanalyse contextualiste repose sur la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas longitudinale (A
Pettigrew a eacutetudieacute de 1975 agrave 1983 les industries chimiques et leur environnement du fait
de leur perte de compeacutetitiviteacute en Grande Bretagne) Crsquoest lrsquoaccent mis sur le
changement dans le temps et dans le contexte qui marque cette meacutethode
articuliegraverement ada t e agrave lrsquo tude des mutations car il srsquoagit drsquoexaminer les rocessus
et les modi ications Crsquoest une d marche qui srsquoinscrit dans une attitude constructiviste
re laccedilant lrsquoanalyse de lrsquoin ormation recueillie dans son contexte Lrsquoanalyse rocessuelle
est quali i e drsquohorizontale (elle fait reacutefeacuterence au raccordement seacutequentiel entre les
pheacutenomegravenes au cours du temps) et lrsquoanalyse multi niveau de verticale (elle fait
reacutefeacuterence aux interdeacutependances entre les diffeacuterents niveaux drsquoanalyse our ex liquer
lrsquoun drsquoentre eux Elle repose sur quatre preacute requis elle doit ecirctre deacutelimiteacutee et coheacuterente
sur le plan theacuteorique et empirique elle doit faire une description preacutecise des processus agrave
eacutetudier des liens qui les reacuteunissent et de leur eacutevolution dans le temps au regard de deux
niveaux - les acteurs (forme interactions laquo actions ndash reacuteactions raquo adaptation) et du
systegraveme (eacutemergence mobilisation continuiteacute changement disparition transformation)
Elle considegravere les individus comme recherchant agrave ajuster les conditions sociales afin de
parvenir agrave leurs fins crsquoest-agrave-dire qursquoelle examine le jeu des relations de pouvoir agrave
lrsquoorigine des rocessus et de leur deacuteveloppement et elle doit eacutetudier les liens entre les
processus verticaux et horizontaux afin de ne pas se limiter agrave une simple approche
descriptive des anteacuteceacutedents sous-jacents des processus Le reacutesultat drsquoune analyse
contextualiste est une modeacutelisation de la maniegravere dont les facteurs et les processus
interagissent en fonction de leur niveau et dans le temps Les archives rapports de
r unions retours drsquoex riences sont des l ments constituti s drsquoune analyse
contextualiste dans le but de faire ressortir la chronologie des jalons et leurs
conseacutequences A ettigrew a trac les contours drsquoune a roche m thodologique de
nature agrave construire une eacutetude de cas longitudinale
Les approches post modernes de David Knights et Glenn Morgan173
170
A Huff amp M Jenkins Mapping Strategic Knowledge Sage 2002 - A Huff amp J O Huff When Firms
Change Direction Oxford University Press 2000 171
P Shivastava Greening Business Profiting the Corporation and the Environment Thomson
Executive Press Concinnati 1996 ndash T Busch amp P Shrivastava Corporate Strategies for Global Climate
Change Greenleaf Publishers London 2011 ndash P Shrivastava amp M Statler Learning from the Global
Financial Crisis Sustainably Reliably Creatively Stanford University Press 2011 172
A Pettigrew The Awakening Giant Continuity amp Change in Imperial Chemical Industries
Blackwell Oxford 1985 ndash A Pettigrew The Management of Strategic Change Balckwell Oxford 1987
ndash A Pettigrew Competitivness amp Management Process Blackwell 1988
Yvon PESQUEUX
60
David Barry et Michael Elmes174
Stephen Cummings175
La logique commune agrave ces a roches relegraveve de ce qui est quali i drsquolaquo raquo en sciences de
gestion D Knights amp G Morgan srsquoa uient sur M Foucault pour argumenter le fait
que la strateacutegie peut ecirctre consideacutereacutee comme un discours qui ayant ses propres
conditions de possibiliteacute crsquoest-agrave-dire historiquement ancreacute comme technologie du
pouvoir ne peut donc ecirctre consideacutereacute comme un processus rationnel La genegravese et la
reproduction de la reacutefeacuterence agrave la strateacutegie est un eacuteleacutement essentiel du discours
manageacuterial tendant agrave faire des agents organisationnels des sujets en eacutetat
drsquoaccom lissement du ait de leur participation aux pratiques strateacutegiques Les conflits
au sujet drsquoune strat gie sont donc lus qursquoune question de carriegravere ersonnelle et de
concurrence sur le marcheacute La strateacutegie concerne lrsquoecirctre au sens ro ond du terme et la
l gitimation de lrsquoin galit dans les relations qui preacutevalent dans les organisations
aujourdrsquohui
D Barry amp M Elmes considegraverent le management strateacutegique comme une forme de
fiction devant deacuteboucher sur un discours creacutedible des strateacutegistes La dimension
performative du discours strateacutegique a donc quelque chose agrave voir avec des types de
narration Ils en mettent en exergue quatre la narration eacutepique (exemple le SWOT) la
narration puriste (exemple celle des configurations abstraites comme chez R E Miles
amp C Snow) la narration techno-futuriste (exemple les configurations des rocircles et des
structures drsquoH Mintzberg176
) et la narration polyphonique (exemple donner une
repreacutesentation de la Direction comme che drsquoorchestre - cf D M Boje177
) typologie
construite au regard des chronotypes de M Bakhtine178
Crsquoest ce qui ait du storytelling
une m thode de recherche tout comme un mode drsquoex ression des agents
organisationnels La structure narrative la plus geacuteneacuterale du storytelling relegraveve de la
recherche drsquoe et comme ex ression du choix drsquoun oint de vue et de ca tage de
lrsquoattention de (ou des interlocuteur(s qui doit(vent ainsi se rojeter dans le r cit
proposeacute W L Randall179
propose une typologie des reacutecits en 4 cateacutegories lrsquooutside
story qui est une r sentation des aits ar un tiers lrsquoinside story qui est un appel au
v cu et onde un r cit drsquoordre lus intime lrsquoinside-out story qui relegraveve de la
communication drsquoune histoire reccedilue et lrsquooutside-in story qui est lrsquohistoire racont e ar
les autres et qui relegraveve de perceptions et de preacutejugeacutes Le storytelling est alors consideacutereacute
comme un programme narratif
S Cummings180
met en relation laquo strateacutegie raquo et laquo creacuteativiteacute raquo en mettant en avant par
exemple combien il est preacutefeacuterable de dessiner une strateacutegie plutocirct que de lrsquo crire ou de
173
D Knights amp G Morgan laquo Corporate Strategy Organizations and Subjectivity a Critique raquo
Organization Studies vol 12 ndeg 2 April 1991 pp 252-273 174
D Barry amp M Elmes laquo Strategy Retold Toward a Narrative View of Strategic Discourse raquo
Academy of Management Review vol 22 ndeg 2 April 1997 175
S Cummings Recreating Strategy Sage London 2002 - Images of Strategy Blackwell London
2003 - Creative Strategy Reconnecting Business and Innovation Wiley New York 2010 176
H Mintzberg The Structuring of Organizations A Synthesis of the Research Prentice Hall New
York 1979 177
D M Boje laquo Living Story From Wilda to Disney raquo in J Clandinin (Ed) Handbook of Narrative
Inquiry Mapping a New Methodology Sage London 2007 pp 330ndash354 178
M Bakhtine Estheacutetique et theacuteorie du roman Gallimard Paris 1978 179
W L Randall The Story we are ndash an Essay on Self Creation Toronto University Press 2014 180
S Cummings amp D C Wilson (Eds) Images of Strategy Wiley-Blackwell Londres 2003
Yvon PESQUEUX
61
la dire Lrsquoalignement strat gique laquo strateacutegie ndash creacuteativiteacute raquo pallie la ceacutesure entre les deux
termes ce qursquoil illustre agrave artir drsquoorganisations du secteur musical de celui du sport de
la mode des meacutedias de la danse etc qui devraient ecirctre pris en compte comme des
secteurs im ortants aujourdrsquohui On est aussi sur une entr e holiste dans la question de
la strateacutegie
Les reacuteflexions eacutepisteacutemologiques de H Tsoukas amp C Knudsen et A-C
Martinet
Au-delagrave des nombreuses publications des deux auteurs H Tsoukas amp C Knudsen ont
publieacute The Oxford Handbook of Organization Theory181
qui fait le point des
controverses sur les liens entre globalisation et deacuteveloppement des affaires au regard
drsquoune histoire et des th ories de lrsquoentre rise multinationale de la com r hension de la
dimension institutionnelle de leur environnement de leur strateacutegie et de leurs relations
avec les systegravemes financiers Cet ouvrage est aussi une r lexion drsquoordre
eacutepisteacutemologique sur les deacuteveloppements des sciences de gestion en particulier des
controverses quant agrave la genegravese la validation et lrsquoutilisation des savoirs de ce cham ces
deux auteurs eacutetant des tenants des rapports agrave eacutetablir entre fondements philosophiques et
organisation Il y est question de meacutetatheacuteorie et de construction du savoir comme
activit sociale drsquoordre ratique
A-C Martinet182
aborde la question agrave partir de trois natures de situations strateacutegiques
- La strategic problem solving pour laquelle le problegraveme strateacutegique est clairement
identifiable et ougrave le manager recherche des alternatives de reacutesolution
- La strategic problem finding pour laquelle le manager est confronteacute agrave une situation
suffisamment claire face agrave laquelle il lui faut collecter les informations ad hoc pour
identifier le problegraveme et choisir une solution
- La strategic issues enacting qui se caracteacuterise ar lrsquoexistence drsquoune situation com lexe
et con use qui n cessite un questionnement multi le dans le cadre drsquoun diagnostic
Il signale ainsi183
la coexistence de modegraveles strat giques re r sentati s drsquoune luralit
de logiques de reacuteflexion
- Le modegravele teacuteleacuteo-logique qui conccediloit la strat gie comme la ormulation drsquoun ut agrave
atteindre
- Le modegravele eacuteco-logique qui donne un rocircle majeur agrave lrsquoenvironnement ou au march et
qui souligne lrsquoa titude agrave satis aire ces esoins-lagrave
- Le modegravele socio-logique ougrave la strateacutegie reacutesulte des jeux de pouvoir propres agrave
lrsquoorganisation
- Le modegravele ideacuteo-logique qui conccediloit la strateacutegie comme un discours agrave vocation
performative
La laquo reacutealiteacute raquo se situe en meacutelange agrave dosage variable des quatre modegraveles types Mais il
signale galement lrsquoim ortance drsquoune conce tion im licite de lrsquoorganisation comme
preacutesupposeacute de la formulation de la strateacutegie avec trois paradigmes le paradigme
181
H Tsoukas amp C Knudsen The Oxford Handbook of Organization Theory Oxford University Press
2003 182
A-C Martinet (Ed) Eacutepisteacutemologie et sciences de gestion Economica Paris 1990 183
A-C Martinet laquo Lrsquo volution de la ens e strat gique raquo Les Cahiers Franccedilais ndeg 275 pp 3-7
Yvon PESQUEUX
62
prescriptif qui propose des protocoles et des conseils le paradigme scientifique faisant
de la strateacutegie un objet laquo savant raquo et le paradigme ingeacutenierique qui fait de la strateacutegie un
champ de construction de meacutethodes
La Strategy as Practice (SAP) de Richard Whittington184
Whittington est agrave lrsquoinitiative de lrsquoa roche de la strat gie ar les ratiques qui est
une a roche eaucou lus sociologique qursquoorganisationnelle Lrsquooriginalit de la
perspective est de proposer de comprendre que la strateacutegie et agrave la fois rendue possible et
contrainte par les pratiques organisationnelles et sociales existantes Il srsquoagit donc drsquoune
autre perspective de la compreacutehension de la strateacutegie que celle qui se fonde sur les
analyses en termes de performance Le laquo courant SAP raquo met en avant lrsquoimportance agrave
accorder aux outils et agrave leurs usages dans la strateacutegie qui se fait (la strateacutegie en action ndash
le strategizing ainsi que lrsquoim ortance de lrsquoidentit des agents organisationnels
im liqu s Lrsquoagent organisationnel est consid r comme tant immergeacute dans un reacuteseau
de ratiques ce qui conduit agrave devoir reconnaicirctre lrsquoim ortance de la nature macro-
institutionnelle des ratiques en attirant lrsquoattention sur la strat gie en action et sur la
neacutecessiteacute du recul critique
La focalisation sur les pratiques est une question eacutepisteacutemologique contemporaine On la
retrouve chez M Foucault M de Certeau A Giddens P Bourdieu H Garfinkel L
Vygotsky etc Lrsquoimmersion de lrsquoagent et des entit s organisationnelles dans un r seau
de reacutefeacuterences (les pratiques sous-jacentes drsquo l ments tels que les technologiques de
calcul et de communication) est consideacutereacutee comme eacutetant constitutive de sa nature
agentique ce qui est en o osition avec les r su os s de lrsquoindividualisme
meacutethodologique Le courant SAP se fonde sur une attitude constructiviste et une
approche ethnographique de la strateacutegie M S Feldman amp W Orlikowski185
distinguent
trois ty es drsquoa roches des ratiques empirique (les pratiques sont des aspects
essentiels de la vie quotidienne aussi bien sous forme de routines organiseacutees que de
routines improviseacutees) theacuteorique (les theacuteories des ratiques mettent lrsquoaccent sur les
effets des pratiques et la maniegravere dont elles sont produites et dont elles se renforcent
mutuellement drsquoougrave les liens qui srsquo ta lissent entre macro-pratiques et micro-pratiques)
et philosophique (drsquoun oint de vue ontologique les ratiques modegravelent lrsquoactivit dans
le tem s et lrsquoes ace Crsquoest ainsi que le courant SA met en avant lrsquoim ortance des
middle managers dans le rocessus strat gique drsquoougrave lrsquoim ortance agrave accorder agrave la notion
drsquo mergence
T Ahrens amp C S Chapman (2007) laquo Managment Accounting as
Practice raquo186
Ils ont commenceacute ce travail par une revue critique des autres courants theacuteoriques qui se
184
R Whittington What is Strategy- and Does it Matter Thomson Learning London 2000 185
M S Feldman amp W Orlikowski laquo Theorizing Practice and Practicing Theory Organization Science
vol 22 ndeg 5 2011 pp 1240ndash1253 186
T Ahrens amp C S Chapman laquo Management Accounting as Practice raquo Accounting Organizations and
Society 2007 pp 1-27
Yvon PESQUEUX
63
sont aussi inteacuteresseacutes aux pratiques du management accounting le courant interpreacutetatif
(S Burchell et al187
) le courant de la gouvernabiliteacute (P Miller P Miller amp T
OrsquoLeary188
et la th orie de lrsquoacteur r seau (A
Le courant interpreacutetatif a mis en eacutevidence les fonctions politique symbolique et rituelle
du management accounting et les e ets inattendus en raison drsquoune certaine li ert de
choix dont les agents organisationnels dis osent Mais il a n glig lrsquoutilit commerciale
pratique et strateacutegique du management accounting En effet si les agents
organisationnels sont conscients de la limite du management accounting ils lrsquoutilisent
quand mecircme pour la communication avec leurs collegravegues pour poursuivre leurs
objectifs informels pour eacuteviter les coucircts de conflits ou mecircme pour deacutecharger la
responsabiliteacute officielle Le management accounting contribue ainsi au fonctionnement
des organisations par ses fonctions de coordination et de motivation
Le courant de la gouverna ilit met en avant de la scegravene lrsquoam ition rogrammatique du
management accounting et il cherche agrave comprendre les conditions qui la rendent
o rationnelle dans des modalit s s ci iques mais nrsquo tudie as comment les mem res
de lrsquoorganisation mo ilisent le management accounting dans leurs activiteacutes
quotidiennes pour atteindre leurs propres objectifs
La th orie de lrsquoacteur r seau (A a our rinci al rojet de r ta lir la sym trie entre
humain et non humain avec quelques concepts cleacutes comme actant inscription reacuteseau et
processus de traduction Cette theacuteorie constitue un courant important dans le
management accounting as practice mais agrave orce drsquoinsister sur la sym trie entre les
actants non humains et les humains elle a tendance agrave neacutegliger les objectifs fonctionnels
du management accounting lrsquoexistence des h nomegravenes de ouvoir et lrsquoagency des
acteurs humains
T Ahrens amp C S Chapman proposent un cadre conceptuel qui mobilise la theacuteorie de la
pratique de P R Schatzki189
combineacutee avec le concept de laquo structure
drsquointentionnalit s raquo (structure of intentionality) de C Goodwin190
En appliquant la
theacuteorie de la pratique de P R Schatzki laquo management control as practice peut ecirctre
consideacutereacute comme une combinaison de pratiques et de configurations mateacuterielles Ces
pratiques sont situeacutees dans les bureaux et ateliers elles impliquent lrsquoutilisation de la
configuration de machines et drsquoordinateurs travers desquelles les membres
organisationnels neacutegocient strateacutegies budgets et objectifs de la performance ils
discutent aussi les faccedilons de reacutealiser ces derniers Ils alertent drsquoautres membres des
contingences ils donnent des ordres ils suivent disputent ou contournent les
187
S Burchell amp C Clubb amp A Hoppwood amp J Hughes amp N Nahapiet laquo The Roles of Accounting in
Organizations and Society raquo Accounting Organizations and Society 1980 pp 5-27 188
P Miller laquo Governing by Numbers Why Calculative Practices Matter raquo Social Research 2001 pp
379-396
P Miller amp T OLeary laquo Accounting and the Construction of the Governable Person raquo Accounting
Organizations and Society 1987 pp 235-265 189
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 190
C Goodwin laquo Professional Vision raquo American Anthropologist 1994 pp 606-633
Yvon PESQUEUX
64
consignes et les ordres ils geacutenegraverent les rapports et font la comparaison ils donnent et
reccediloivent du conseil ils inventent des excuses et prennent des actions correctives
etcet ces activiteacutes se reacutealisent travers les chaicircnes drsquoactions dans des pratiques du
pilotage des organisations raquo
En mecircme temps ces deux auteurs mobilisent le concept de laquo structure of
intentionalities raquo de C Goodwin qui est aussi ancreacute dans le tournant pratique parce
qursquoil srsquoa uie directement sur lusieurs sources drsquoins iration des th ories de la ratique
(th orie de lrsquoactivit de L Vygostsky et de Y ngestroumlm th orie de lrsquoacteur r seau
(ANT) de B Latour et al191
theacuteorie de la praxeacuteologie de P Bourdieu192
penseacutee de L
Wittgenstein et dans une moindre mesure la penseacutee de M Foucault) Dans laquo
Professional vision raquo il deacutecrit comment deux eacutetudiants en archeacuteologie peuvent choisir
des couleurs diffeacuterentes pourtant avec le mecircme outil (le laquo Nuancier de Muncel raquo - qui
est la norme internationale en matiegravere de couleurs) pour le mecircme morceau de terre
analyseacute dans le mecircme cham de la ouille Ainsi lrsquooutil laquo Nuancier de Muncel raquo avec
son systegraveme de codi ication orte une structure drsquointentionnalit
A la lumiegravere de ce concept T Ahrens amp C S Chapman suggegraverent que le management
control orte des structures drsquointentionnaliteacute (structures of intentionality) actant mais
non coercitif Les agents organisationnels selon leur interpreacutetation du management
accounting mis en pratique et leur compeacutetence (skills) le mobilisent comme une
ressource partageacutee pour atteindre leurs propres objectifs Par conseacutequent le
management accounting produit des fonctionnaliteacutes situeacutees (situated functionalities)
ar ra ort au courant de la gouverna ilit avec le conce t structure drsquointentionnalit
ils artagent lrsquoam ition rogrammatique du management accounting mais en mecircme
tem s ils ont une di rence ondamentale car ils srsquoint ressent aux activit s
quotidiennes ar ra ort agrave la th orie de lrsquoacteur r seau (A ils srsquoaccordent sur le
fait que le management accounting est drsquoune laquo a rication raquo comme actant drsquoun reacuteseau
constitueacute des humains et non humains en mecircme temps leur cadre theacuteorique reconnaicirct
le management accounting comme une structure drsquointentionnalit s (structure of
intentionalities) y compris les objectifs formels ou les onctions attendues lrsquoexistence
de pheacutenomegravenes de pouvoir et la reacutefeacuterence agrave une agency Ainsi ils nrsquoa rouvent ni le
deacuteterminisme social ni le deacuteterminisme ideacuteologique du laquo management accounting raquo
en mecircme tem s ils nrsquoa rouvent as non lus que les viseacutees techniques fonctionnelles
et ideacuteologiques soient complegravetement illusoires enfin ils signalent que les effets de
pouvoir sont une reacutealiteacute et qursquoils ne peuvent ecirctre ignoreacutes
Une fois le deacutecor theacuteorique poseacute T Ahrens amp C S Chapman ont illustreacute leur
ro osition dans une tude de cas drsquoune chaicircne anglaise de restaurants ougrave ils ont restitueacute
deux ratiques de gestion qursquoils deacutenomment management control practice la
conce tion drsquoun nouveau menu (menu design as management control practice) (p 11)
et la r union drsquoa aires he domadaire dans chaque restaurant (management control
191
M Callon amp B Latour laquo Dont Throw the Baby Out with the Bath School A Reply to Collins and
Yearley raquo in A Pickering (Ed) Science as Practice and Culture Chicago University Press 1992 pp
343-368
- M Akrich amp M Callon amp B Latour Sociologie de la traduction Textes fondateurs Presses de lEcole
des Mines 2006 192
P Bourdieu Les regravegles de lart genegravese et structure du champ litteacuteraire Seuil Paris 1992 - P
Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil Paris 1994
Yvon PESQUEUX
65
practices in restaurants ( our la ratique de la conce tion drsquoun nouveau menu
le point de deacutepart est la deacuteclinaison de la strateacutegie de cette entreprise avec un objectif
final de rentabiliteacute mesureacutee en marges brutes pratique placeacutee sous la responsabiliteacute du
marketing planning manager La conce tion drsquoun nouveau menu se deacuteroule au regard
drsquoune chaicircne drsquoactions qui im liquent les di rentes disci lines de la gestion et leurs
praticiens actions coordonneacutees par le marketing planning manager autour drsquoun o jecti
inal de renta ilit de ce nouveau menu Cette chaicircne drsquoactions im lique la com ta ilit
de gestion et les controcircleurs de gestion arce que le ut inal sera drsquoatteindre un
objectif de rentabiliteacute elle implique la logistique et les logisticiens pour savoir si les
fournisseurs seront en mesure de fournir les ingreacutedients neacutecessaires elle implique le
marketing et les laquo marketeurs raquo pour savoir comment positionner le nouveau menu dans
lrsquoo re glo ale son rix et comment les clients vont r agir agrave cette o re elle im lique
aussi la strateacutegie et les top managers au siegravege pour savoir ougrave en est la concurrence et
essayer de preacutevoir comment les concurrents vont reacuteagir Dans le deacuteroulement de cette
chaicircne drsquoactions crsquoest le utur menu un o jet mat riel qui a ermis de relier les
diffeacuterents praticiens Cette pratique est transdisciplinaire le praticien mis en avant est
le marketing planning manager et non le directeur financier ou le controcircleur de gestion
Mais le marketing planning manager est aussi preacuteoccupeacute par la rentabiliteacute financiegravere du
futur menu rentabiliteacute qursquoil cherche agrave atteindre face aux contraintes de la logistique et
de la production opeacuterationnelle Cette chaicircne drsquoactions se d roule agrave travers des
discussions et neacutegociations entre les praticiens de diffeacuterentes disciplines ougrave chacun
avance ses propres interpreacutetations de lrsquoobjectif de rentabiliteacute du menu (la structure
drsquointentionnalit s chacun avec sa propre compeacutetence (skills Lrsquoexem le du choix du
plat agrave mettre en avant dans la carte en est une illustration le directeur financier
souhaite mettre en avant le plat le plus rentable alors que le marketing planning
manager veut le plat le plus populaire afin de retenir les clients Ainsi sont produites les
fonctionnaliteacutes situeacutees du management accounting
La r union drsquoa aires he domadaire dans un restaurant est une ratique de ilotage ougrave
le manager de la zone geacuteographique et les geacuterants du restaurant abordent les sujets
relati s au onctionnement drsquoun restaurant a in drsquoatteindre les o jecti s strat giques le
chi re drsquoa aires et la renta ilit la qualiteacute des opeacuterations de production comme la
cuisine et le bar les enjeux de la gestion des ressources humaines comme avec la
formation des employeacutes le turn-over la seacutelection du chef les objectifs marketing
comme les actions romotionnelles la satis action clients et lrsquoanalyse de la
concurrence Crsquoest une ratique de ilotage des organisations qui vise agrave faire conformer
les actions des geacuterants de restaurant aux objectifs strateacutegiques (financiegravere part de
march de lrsquoentre rise et il ne se limite as agrave sa com osante inanciegravere mecircme si la
renta ilit est au cœur de la r occu ation du manager de la zone geacuteographique
Comme dans le cas de la ratique la conce tion drsquoun nouveau menu la r union
drsquoa aires he domadaire est une chaicircne drsquoactions discursives ougrave le manager de la zone
et les g rants de restaurants inter regravetent la structure drsquointentionnaliteacutes veacutehiculeacutees par le
management control et le mobilisent comme une ressource partageacutee pour atteindre leurs
propres objectifs avec chacun leur propre contrainte et mecircme leur personnaliteacute Par
exemple concernant les animations commerciales le manager de la zone tente de
sugg rer des modegraveles qui ont onctionn dans drsquoautres restaurants mais les g rants de
restaurants veulent garder les modegraveles qui selon eux correspondent davantage agrave leur
marcheacute local Pour le mecircme objectif de rentabiliteacute financiegravere chaque geacuterant de
restaurant utilise des moyens diffeacuterents selon sa compeacutetence et sa personnaliteacute certains
Yvon PESQUEUX
66
font de la promotion drsquoautres proposent de larges potions drsquoautres investissent dans la
seacutelection drsquoun chef (les fonctionnaliteacutes situeacutees du management control) Les deux
auteurs soulignent eacutegalement que dans cette ratique de la r union drsquoa aires
hebdomadaire le pheacutenomegravene de pouvoir peut ecirctre accentueacute le manager de la zone peut
utiliser son pouvoir pour mettre en difficulteacutes les geacuterants de restaurants srsquoil trouve que
leurs reacutesultats sont en-deccedilagrave des o jecti s mecircme srsquoil joue en mecircme tem s trois rocircles
coach mentor et meneur A contrario si les geacuterants de restaurants ont un bon niveau de
performance financiegravere ils peuvent la mobiliser comme appui pour reacutesister au pouvoir
des managers de zone
Avec ces deux pratiques de gestion ils ont mis en eacutevidence que le pilotage des
organisations (management control est une ratique de gestion au cœur du
fonctionnement de cette organisation parce qursquoil ta lit la connexion entre les
diffeacuterentes activiteacutes (strateacutegie marketing finance production logistique et ressources
humaines etc) Crsquoest la raison our laquelle la ratique de ilotage des organisations
(management control) est transdisciplinaire et non seulement lieacutee agrave la strateacutegie
En guise de conclusion T Ahrens amp C S Chapman estiment que le management
control est une structure drsquointentionnalit s car il orte agrave la ois des vis es techniques
fonctionnelles et ideacuteologiques mais le plus souvent ses effets ne sont pas preacutedictibles
car ils deacutependent des compeacutetences styles et personnaliteacute des agents organisationnels de
la configuration spatiale des processus et des informations ses effets reacuteels eacutetant situeacutes
et ne se deacutevoilant que dans la mise en pratique
Focus sur la notion de pratique organisationnelle193
Introduction
La notion de laquo pratique est drsquousage courant en sciences de gestion ougrave elle est utiliseacutee
sans r caution our quali ier au mieux des m thodes mises en œuvre Elle contribue
agrave qualifier une configuration organisationnelle la laquo communauteacute de pratique raquo et met
lrsquoaccent agrave la ois sur la dimension collective de la ratique et sur la compleacutementariteacute et
la connectiviteacute des membres crsquoest-agrave-dire un engagement mutuel pour une mecircme
perspective
En theacuteorie des organisations elle est preacutesente avec la notion de routine
organisationnelle (cf R R Nelson amp S G Winter194
) En management strateacutegique
crsquoest le cas avec le courant laquo Strategy as practice raquo (R Whittington195
) En matiegravere de
techniques drsquoorganisation ougrave lrsquousage de la notion est sans doute le lus incontrocircl la
reacutefeacuterence agrave la pratique sert de repoussoir agrave la reacute rence agrave la th orie au nom de lrsquoutile et
drsquoune version a aiss e du ragmatisme (qui rend alors our critegravere de v rit le ait de
193
Des eacuteleacutements de ce texte sont repris de A-C Martinet amp Y Pesqueux Episteacutemologie des sciences de
gestion Vuibert collection laquo fnege raquo Paris 2013 194
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Harvard University Press
Cambridge Massachussetts 1982 195
R Whittington laquo The Work of Strategizing and Organizing for a Practice Perspective raquo Strategic
Organization ndeg 1 2003 pp 117-125
Yvon PESQUEUX
67
r ussir ratiquement mais envisag sous lrsquoangle restreint de la r ussite mat rielle
laquo Pratique raquo y est confondu avec laquo mateacuteriel raquo laquo mateacuterialisation raquo voire laquo concret raquo Elle
est eacutegalement confondue avec laquo comportement raquo Il faut signaler le deacuteveloppement
drsquoune logique quali i e de laquo Practice-based View raquo ougrave la reacutefeacuterence agrave la pratique apparaicirct
comme enjeu conceptuel (cf le courant laquo Strategy as practice raquo et le courant
laquo Organization as practice raquo) Dans les deux cas lrsquoaccent est mis sur les micro-
pratiques ses registres et leur traduction
Avec la notion de pratique il est question du laquo faire raquo et plus geacuteneacuteralement de
lrsquoorganizing
Il en va de la notion de laquo pratique raquo comme des autres notions qui franchissent la paroi
du cham des sciences de gestion (la connaissance lrsquoa rentissage le changement
etc) Elle y prend une coloration speacutecifique tout en conservant certains des aspects
drsquoautres cham s (la hiloso hie ar exem le qui est en ait son cham drsquoorigine avant
que la sociologie ne srsquoen em are Crsquoest agrave ce titre que la notion de ratique eut ecirctre
consideacutereacutee comme un laquo objet frontiegravere raquo
Une derniegravere proximiteacute agrave noter est celle qui apparaicirct entre la notion de laquo pratique raquo et
celle drsquolaquo expeacuterience raquo Ces deux notions ont en commun la reacutefeacuterence agrave la conscience et
agrave lrsquoimmersion lles mettent toutes les deux lrsquoaccent sur le ait drsquoecirctre socialement et
organisationnellement laquo situeacutees raquo Une pratique organisationnelle est agrave la fois un laquo eacutetat raquo
et un laquo flux (donc de lrsquoorganization et de lrsquoorganizing en mecircme temps) Elle se reacutefegravere
agrave des dynamiques qui lui sont propres (logiques intra-organisationnelles) mais aussi agrave ce
qui se asse dans drsquoautres organisations (logiques inter-organisationnelles) et agrave un
environnement (logiques supra-organisationnelles)
n matiegravere drsquoinstitutionnalisation des ratiques ra elons lrsquoexistence de trois
niveaux196
- Le niveau intra-organisationnel avec la theacutematique des routines organisationnelles
- Le niveau inter-organisationnel qui se situe dans une ers ective drsquoauto-
institutionnalisation de lrsquoorganisation les normes riv es (du domaine de
lrsquoorganisation tant consid r es comme devant ecirctre leacutegitimes sur le plan public il
en va ainsi par exemple des normes laquo qualiteacute raquo et surtout des normes techniques
qui tendent agrave ra rocher lrsquointer-organisationnel et de lrsquointero ra le connotant ainsi
de laquo connectiviteacute raquo et donc de logique drsquolaquo association raquo de laquo coopeacuteration raquo de
laquo collaboration raquo de laquo mutualisation cette ers ective de lrsquoinstitutionnalisation
des ratiques Mais cet as ect est aussi le ondement de la com r hension drsquoune
logique relationnelle qui nrsquoest ni celle de la hi rarchie ni celle du assage drsquoune
organisation agrave lrsquoautre mais ien celle de lrsquoassociation Avec lrsquointer-organisationnel
lrsquoaccent est mis sur la dou le dimension de la norme relationnelle et de la orme
relationnelle
- Le niveau supra-organisationnel qui est le niveau de lrsquoinstitution proprement dit
Les modalit s techniques de lrsquoinstitutionnalisation des ratiques inter egraverent avec celle
de la l gitimation suivant qursquoil srsquoagit de modalit s laquo ouvertes raquo (deacutemocratie
deacutelibeacuterative et consensus) ou laquo fermeacutees (clu drsquoex erts lobby et argument
drsquoex ertise Si lrsquoon remarque lrsquoim ortance donn e agrave une sorte de marchandage dans
196
Y Pesqueux laquo Institution et organisation raquo halshs-02498914 4032020
Yvon PESQUEUX
68
ces rocessus drsquoinstitutionnalisation on trouve ici un des signes de lrsquoextensivit des
cat gories de lrsquoorganisation sur lrsquoinstitution Une telle institutionnalisation eacuteclaireacutee par
les pratiques est le moment du passage de la substance temporaire de la pratique agrave la
su stance sta le de la connaissance t crsquoest en cela que les ratiques organisationnelles
se trouvent cou l es avec la notion drsquoa rentissage Ce assage met lrsquoaccent sur
lrsquoas ect o serva le et re orta le qui est li agrave la notion de ratique drsquoougrave les dimensions
ist mologique ontologique et m thodologique des ratiques Lrsquoinstitutionnalisation
de lrsquoorganisation relegraveve alors drsquoun rojet de synchronisation de ces trois niveaux et
touche aussi ien lrsquoid e drsquohomog n isation des valeurs et des regravegles (et normes)
Avec la notion de ratique organisationnelle lrsquoaccent est mis sur la connectivit sans les
reacutefeacuterents connexionnistes habituels (le systegraveme ou le reacuteseau) de la mecircme maniegravere
qursquoavec le d velo ement drsquoune Practice-based View il est question drsquoune recherche
qui serait centreacutee sur la compreacutehension des pratiques organisationnelles
Avec la notion de pratique organisationnelle deux dimensions doivent ecirctre mises en
exergue
- La traditionnelle notion aristoteacutelicienne de laquo ca acit drsquoagir qui met lrsquoaccent sur la
faisabiliteacute
- La notion moderne drsquohabitus (P Bourdieu197
qui met lrsquoaccent sur les schegravemes
cognitifs porteurs drsquoa rentissage compte tenu des circonstances (un savoir
adaptatif en quelque sorte drsquoougrave lrsquoim ortance accord e agrave lrsquoex rience
La notion de best practice
La question des pratiques a connu un deacuteveloppement consideacuterable avec la reacutefeacuterence agrave la
notion de best practice qui drsquoun oint de vue organisationnel conccediloit la ratique
comme ce qui assure agrave la fois la performance et la conformiteacute Cette reacutefeacuterence ouvre le
cham des ratiques agrave la rationalit normative de lrsquoexem larit Dans la mecircme logique
il est possible de mentionner la notion de promising practice (D Nicolini amp D Yanow
amp S Gherardi198
qui corres ond agrave une sorte de mise en dynamique drsquoune best practice
ou encore celles plus anciennes de core practices ou de key practices miroir des
notions strateacutegiques de core et de key competencies (G Hamel amp C K Prahalad199
) On
ourrait mecircme en aire agrave la ois un mythe et un rite dans lrsquousage qui en est ait
aujourdrsquohui ou encore un stigmate du laquo one best way raquo de lrsquouto ie du management
scientifique La traduction de laquo best raquo en laquo bonne raquo et non laquo meilleure raquo tend tout de
mecircme agrave ramener la pratique vers plus de prudence et substituer une vision cardinale agrave
une vision ordinale
Il aut drsquoa ord remarquer que la notion se r egravere agrave un jugement de valeur qui ermette
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins voire des bad practices
Il faut eacutegalement souligner la frontiegravere floue entre des laquo bonnes intentions raquo et des best
practices le fait de retenir la deacutenomination de practices tant loin drsquoecirctre neutre
197
P Bourdieu Questions de sociologie Editions de Minuit Paris 1984 198
D Nicolini amp D Yanow amp S Gherardi Knowing in Organizations A Practice-Based Approach M
E Sharpe New York 2003 199
G Hamel amp CK Prahalad laquo The Core Competence of the Corporation raquo Harvard Business Review
ndeg 68 1990 pp 79-91
Yvon PESQUEUX
69
uisqursquoil occulte lrsquoanalyse du statut de la volont Le r rentiel de la best practice est
souvent ambigu dans les rapports entretenus avec des reacutefeacuterentiels externes et un
r rentiel interne agrave lrsquoorganisation r rentiel issu le lus souvent du jugement de la
direction geacuteneacuterale Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
de la ratique sans our autant que ce dont il srsquoagit ne soit r ellement d ini si ce nrsquoest
au travers drsquoune logique de du lication lle est consid r e comme laquo tat de lrsquoart raquo
(proche de la notion de laquo standard raquo) agrave la fois laquo en situation raquo et laquo hors situation raquo La
best practice se repegravere laquo en situation raquo donne lieu agrave codification et jugement laquo hors
situation raquo pour ecirctre resocialiseacutee laquo en situation sur la ase drsquoun dou le exercice une
promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le ut drsquoen aciliter
lrsquoado tion (P Wirtz200
) On est alors proche du modegravele de I Nonaka amp H Takeuchi201
et la best practice dont il est question eut ecirctre consid r e comme tant lrsquoarch ty e
drsquoune connaissance organisationnelle tacite Le rojet de cet apprentissage est alors par
socialisation de diffuser les best practices dans lrsquoorganisation ou entre des
organisations Ces deux actes sont galement tregraves roches de lrsquoid ologie comme
laquo passage en force raquo passage en force qui repose sur la simpli ication et lrsquoincantation
(Y Pesqueux202
) n e et crsquoest ar r rence au volontarisme manag rial et au
jugement ta li drsquolaquo en haut qursquoil est question de best practice lrsquoinitiative volontaire
eacutetant par exemple une des modaliteacutes de la creacuteation et de la diffusion de ces best
practices Il aut noter lrsquoalternative que la notion de best practice propose agrave la plus
transgressive innovation Avec la best practice on reste dans lrsquounivers de lrsquoo timum
sans pour autant veacuteritablement le dire
Le rojet de lrsquoado tion drsquoune best practice est celui des isomorphismes (coercitif
mimeacutetique et normatif) pour reprendre la classification de P J DiMaggio amp W W
Powell203
ar exercice drsquoun volontarisme manag rial contri uant drsquoautant mieux agrave la
leacutegitimation du despotisme eacuteclaireacute de la direction La notion de best practice est
supposeacutee ecirctre fondeacutee laquo en Raison ar stimulation drsquoune x nomanie (la bad practice
eacutetant pour sa part et toujours laquo en Raison raquo rejeteacutee par xeacutenophobie) Avec la best
practice il est question drsquoun atavisme organisationnel de ty e laquo reacuteflexe raquo pour le moins
ambigu rattachant la notion agrave une perspective naturaliste Comme avec la norme il est
question de rendre u lique (agrave lrsquoint rieur de lrsquoorganisation une norme riv e (celle de
la direction) avec lrsquoam iguiumlt drsquoune stimulation r lexe laquo en Raison uisqursquoil ne
saurait ecirctre question de faire autrement tant cela est eacutevident Avec la best practice on
retrouve la tension laquo heacuteteacuteronomie ndash autonomie raquo Mais une autre dimension interfegravere
avec celle-ci celle du jeu laquo allomorphisme ndash isomorphisme raquo qui repose pour ce qui est
de lrsquoallomor hisme sur un r rentiel externe et our ce qui est de lrsquoisomor hisme sur
un atavisme organisationnel
200
P Wirtz laquo ersuasion et romotin drsquoune id e le cas des laquo meilleures pratiques raquo de gouvernance en
Allemagne raquo in G Charreaux et P Wirtz (Eds) Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives
Economica collection laquo recherche en gestion raquo Paris 2006 201
I Nonaka amp H Takeuchi La connaissance creacuteatrice la dynamique de lrsquoentreprise apprenante De
Boeck Universiteacute Bruxelles 1997 (Ed originale The Knowledge-Creating Company How Japanese
Companies Create the Dynamics of Innovation Oxford University Press 1995) 202
Y Pesqueux laquo arler de lrsquoentre rise modegravele image meacutetaphore raquo Revue Sciences de Gestion ndeg
speacutecial 20deg anniversaire septembre 1998 pp 497-513 203
P J DiMaggio amp W W Powell laquo The Iron-Cage revisited Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Field raquo American Sociological Review vol 48 1983 pp 147-160
Yvon PESQUEUX
70
La notion de laquo routine organisationnelle raquo
Tout comme pour la notion de pratique celle de laquo routine organisationnelle raquo qui est
consideacutereacutee comme un mode de conceptualisation de celle de laquo pratique raquo pose le
problegraveme de sa deacutefinition Avec les routines organisationnelles il est question de
tension entre laquo instrumentation raquo et laquo institutionnalisation raquo
M S Feldman amp B T Pentland204
situent la premiegravere deacutefinition chez E O Stene205
en
1940 En 1982 elle devient une reacutefeacuterence avec R R Nelson amp S G Winter206
comme
un des l ments ondateurs de lrsquoa roche volutionniste de lrsquoorganisation approche
qui agrave artir de 3 srsquoest oursuivie dans le Journal of Evolutionary Economics En
2003 M S Feldman amp B T Pentland entreprennent de laquo reconceptualiser les routines
organisationnelles comme source de flexibiliteacute et de changement raquo Cette perspective
deacutebouche sur un Handbook207
marque de lrsquoim ortance de la notion
La mise en avant drsquohabits (ha itudes automatismes srsquoe ectue dans le cadre drsquoune
meacutetaphore organique en excluant les aspects eacutemotionnels conflictuels et les rapports
de pouvoir au regard des reacutegulations qui aboutissent agrave la stabilisation des routines Un
des l ments em runt s agrave la th orie de lrsquo volution est que certaines organisations
possegravedent les laquo bonnes routines raquo et survivent transmettant des modegraveles reacuteutilisables
ar drsquoautres Ces recherches srsquoa liquent agrave des o ulations lus qursquoagrave des organisations
afin de prendre en compte les eacutevolutions irreacuteversibles et cumulatives agrave long terme la
reproduction rapide de laquo nouvelles espegraveces raquo proceacutedurales pouvant rom re lrsquo quili re
de lrsquoorganisation n termes iologiques elles se r occu ent davantage de
hylog negravese que drsquoontog negravese
M S eldman B entland ont re roch agrave lrsquoontologie des routines le ait drsquoecirctre
assimileacutee agrave des habitudes et de veacutehiculer lrsquoid e de ersistance au d triment de lrsquoid e de
changement Ils font apparaitre la possibiliteacute de consideacuterer les routines comme laquo un
roduit naturel de lrsquoaction a in drsquo viter des as ects tels que les r rences ou les
niveaux drsquoin ormation et drsquoadheacutesion des agents organisationnels au regard de la dualiteacute
laquo structure - lrsquoaction raquo La routine existe comme repreacutesentation institutionnelle ainsi que
comme trace de lrsquoaction deux l ments ontologiquement di rents Ils ado tent la
terminologie de B Latour208
en distinguant les aspects laquo ostensif raquo et laquo performatif raquo
des routines comme agent o rant dans lrsquoaction Agrave cette dualit corres ond un troisiegraveme
eacuteleacutement le substrat socio-mateacuteriel identifieacute comme un ensemble inter-reli drsquoactants
humains et non-humains agrave la ois o jets de s ci ication et orteurs drsquoune agentivit et
drsquoune ca acit drsquoim rovisation Cette ontologie ermet de voir le rocircle de la routine dans
son as ect ostensi comme scri t et comme ci le drsquoun ajustement our chaque agent
organisationnel comme chez elson S G Winter mais aussi drsquoint grer les
ossi ilit s de variation de lrsquoaction avec les zones de m connaissance inh rentes agrave
204
M S Feldman amp B T Pentland laquo Reconceptualizing Organizational Routines as a Source of
Flexibility and Change raquo Administrative Science Quarterly vol 48 ndeg 1 2003 pp 94ndash118 205
E O Stene laquo An Approach to a Science of Administration raquo American Political Science Review vol
34 ndeg 6 1940 pp 1124ndash1137 206
R R Nelson amp S G Winter An Evolutionary Theory of Economic Change Belknap Press
Cambridge Massachussets 1982 207
M C Becker Handbook on Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010 208
B Latour amp S Woolgar La vie de laboratoire la production des faits scientifiques La Deacutecouverte
Paris 1993 - B Latour La science en action Gallimard collection laquo Folios essais raquo Paris 1989
Yvon PESQUEUX
71
lrsquointerd endance drsquoagents qui ne se erccediloivent qursquoagrave travers des arte acts La routine est
reacutepeacuteteacutee mais as r liqu e Le retour du er ormati vers lrsquoostensi se ait agrave travers la
validation de nouvelles routines valid es ar lrsquousage leur maintenance srsquoe ectue au il
des modifications techniques ce qui introduit une forme de conciliation entre approches
o jectiviste et su jectiviste Lrsquoagentivit onde lrsquoaction individuelle La question du
ouvoir revient sous la orme drsquoune su er osition entre le cou le laquo domination ndash
reacutesistance raquo et la dualiteacute laquo ostensif ndash performatif raquo
En 2012 B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng209
ont proposeacute
une laquo nouvelle fondation raquo consistant agrave laquo remettre lrsquoaction au premier plan et
renvoyer les acteurs dans la toile de fond raquo
Lrsquoins iration interactionniste ins ir e drsquoA Giddens210
permet de sortir de lrsquoo osition
entre les approches objectivistes et subjectivistes en tenant compte du rapport reacutecursif
entre la structure et lrsquoaction qui la re roduit La structure y est erccedilue comme laquo eacutetant agrave
la fois contraignante et source de possibiliteacutes condition de laction et en mecircme temps
sa conseacutequence raquo211
La theacuteorie des routines emprunte agrave une approche interactionniste
le lien entre penseacutee structure et action et propose aux sciences de gestion un concept
interdisciplinaire Elle a pu ecirctre consideacutereacutee comme une des modaliteacutes du practice turn
et drsquoune conce tion du knowledge et du learning compris comme une mise en action de
la connaissance par les personnes212
La theacuteorie des routines se structure en deux courants celui qui consiste agrave explorer la
maniegravere dont les routines se orment et mergent sous lrsquoe et de la r tition et de la
creacuteativiteacute des agents organisationnels et celui qui les a orde sous lrsquoangle de
lrsquoa rentissage Les routines sont un des aspects constitutifs la meacutemoire
organisationnelle au regard drsquoune deacutependance de sentier en concreacutetisant des processus
externes de seacutelection ameacuteliorant la coordination le controcircle et comme meacutemoire
ada tative comme tant un des l ments constituti s de lrsquoa rentissage
organisationnel213
(cf les dynamic capabilies de R R Nelson amp S G Winter) compte
tenu du risque de competency trap214
qui se caracteacuterise par la reacutepeacutetition des routines
dysfonctionnelles
La notion de laquo routine organisationnelle raquo pose une triple question quant agrave leur nature
leurs effets et leur laquo formation ndash transformation raquo drsquoougrave la r onse de M C Bec er215
soulignant leur dimension processuelle de cadre et de reacutecurrence (pattern de lrsquoactivit
organiseacutee la reacutefeacuterence agrave des facteurs deacuteclencheurs (les triggers) leur deacutependance au de
sentier (path dependency Il srsquoagit drsquoun o rateur de coordination de mat rialisation
drsquoun consensus drsquoautomaticit de sta ilisation ace agrave lrsquoincertitude et drsquoa rentissage
209
B T Pentland amp M S Feldman amp M C Becker amp L Peng laquo Dynamics of Organizational Routines
A Generative Model raquo Journal of Management Studies vol 49 ndeg 8 2012 pp 1484 -1508 210
A Giddens The Constitution of Society Outline of the Theory of Structuration University of
California Press 1986 211
B Maggi Interpreacuteter lrsquoagir Un deacutefi theacuteorique PUF Paris 2011 212
S Gherardi laquo Practice-Based Theorizing on Learning and Knowing in Organizations raquo Organization
vol 7 ndeg 2 2000 pp 211-223 213
B Levitt amp J G March laquo Organizational Learning raquo Annual Review of Sociology vol 14 ndeg 1
1988 pp 319-338 214
B Levitt amp J G March op cit 215
M C Becker Handbook or Organizational Routines E Elgar Publishing Londres 2010
Yvon PESQUEUX
72
organisationnel La routine organisationnelle se situe au carrefour de plusieurs
tensions laquo individuel ndash collectif raquo laquo automaticiteacute ndash intentionnaliteacute raquo laquo cognition ndash
comportement raquo laquo structure (design) ndash eacutemergence raquo
laquo Pratique raquo et laquo pratiques raquo
Le terme vient du grec (prassein) qui signifie agrave la fois laquo faire accomplir raquo mais aussi
laquo traverser parcourir raquo drsquoougrave lrsquoid e de r alisation achev e En latin pratice renvoie agrave la
conduite tandis que le grec pratikecirc se rapporte agrave la science pratique par diffeacuterence avec
la theorikecirc et agrave la gnoumlstikecirc ougrave la theacuteorie est consideacutereacutee comme une science speacuteculative
On est plus ici face agrave une posture quant au monde que sur lrsquoid e drsquoaction e icace Crsquoest
agrave artir du XIVdeg siegravecle qursquoa araicirct en ranccedilais lrsquoid e su l mentaire de aire de
maniegravere concregravete au regard de lrsquousage de regravegles de lrsquoart mais avec discernement Crsquoest
ce qui fait entrer en lice lrsquoid e drsquointelligence ratique Lrsquoid e de r titivit srsquoajoute au
XVIIIdeg siegravecle (comme dans le verbe laquo pratiquer raquo) Le conce t recouvre donc lrsquoid e
drsquoune maniegravere drsquoagir relativement standardiseacutee et marqueacute par la reacutepeacutetition stable
Drsquoa regraves A MacIntyre216
les pratiques sont des activiteacutes humaines coopeacuteratives
eacutetablies socialement complexes et coheacuterentes dont les biens intrinsegraveques sont atteints
en tentant de suivre des normes drsquoexcellence ro res agrave cette ratique Le ro re drsquoune
pratique crsquoest qursquoelle ne eut ecirctre teinte drsquo motivisme car elle ossegravede ses ro res
regravegles de reacuteussite qui ne peuvent ecirctre jugeacutees que par ceux qui les pratiquent
Contrairement aux biens extrinsegraveques agrave une activiteacute (avec le salaire ou le prestige la
com ta ilit constitue une d marche drsquo valuation des iens extrinsegraveques et qui sont
lrsquoo jet drsquoune concurrence dont lrsquoissue fait des gagnants et des perdants un bien
intrinsegraveque tout en eacutetant le r sultat drsquoune com tition our sa mise en oeuvre est
commun agrave tous les participants sans perdants Une vertu peut alors se deacutefinir comme
laquo une qualiteacute humaine acquise dont la possession et lrsquoexercice tend nous rendre
capables drsquoatteindre les biens intrinsegraveques aux pratiques et dont lrsquoabsence empecircche
effectivement drsquoatteindre ces biens intrinsegraveques raquo217
Les iens drsquoune ratique ne sont
atteints que si nous nous subordonnons dans la pratique agrave nos relations avec les autres
dans la mesure ougrave le but commun est de mettre en oeuvre cette pratique Ainsi nous
devons accepter comme composantes de toute pratique les vertus de justice de courage
et drsquohonnecirctet aute de quoi le ien intrinsegraveque nrsquoest as atteint Certes il existe certes
diffeacuterents codes de vertus selon les socieacuteteacutes voire les individus mais chacun de ces
codes incarne une conception des diffeacuterentes vertus partageacutee par les pratiquants Les
ratiques ont une histoire aussi les o jecti s de mise en œuvre voluent-ils dans le
temps Les pratiques sont lieacutees aux institutions qui leurs servent de cadre mais qui
elles fonctionnent par rapport aux biens exteacuterieurs Sans les vertus les pratiques
seraient corrom ues ar les institutions Lrsquohistoire des ratiques et des institutions est
donc une histoire des vices et des vertus Les vertus nous ermettent drsquoatteindre les
biens intrinsegraveques mais nous em ecircchent ar ois drsquoo tenir les iens extrinsegraveques ce qui
explique que dans notre socieacuteteacute ougrave seuls sont valoriseacutes les biens extrinsegraveques du fait de
la primauteacute des valeurs eacuteconomiques les vertus aient peu ou prou disparues
216
A MacIntyre After Virtue Study in Moral Theory Duckworth London (2nd ed) 1985 217
A MacIntyre op cit p 173
Yvon PESQUEUX
73
Les implications du raisonnement conduit par MacIntyre sont particuliegraverement riches
pour discuter des fondements eacutethiques de la comptabiliteacute Une fois cette theacuteorie
avanceacutee MacIntyre va en tester la corres ondance avec celle drsquoAristote lle srsquoen
distingue car ien que t l ologique elle ne srsquoa uie lus sur la iologie m ta hysique
drsquoAristote La multi licit des ratiques et donc des iens agrave oursuivre entraicircne
orc ment des con lits entre di rents iens ce qui est contraire agrave lrsquoharmonie
aristot licienne Dans la mesure ougrave il srsquoagissait justement de deux points de faiblesses
deacutejagrave noteacutes de la theacuteorie aristoteacutelicienne MacIntyre pense donc venir en fait la renforcer
Il se positionne comme clairement aristoteacutelicien pour trois raisons il propose la mecircme
conception des vertus la mecircme vision de la joie et du plaisir comme couronnement de
lrsquoexcellence et non comme telos (ce qui souligne davantage lrsquo chec de lrsquoutilitarisme et
il ro ose galement le mecircme lien entre valuation et ex lication (drsquoougrave lrsquo chec de la
seacuteparation analytique entre faits et valeurs)
Pour sa part le cham des organisations conduit agrave re oser la question de lrsquolaquo effet
zoom raquo mais cette fois non plus entre laquo theacuteorie raquo et laquo pratique raquo mais entre laquo pratique raquo
et laquo pratiques raquo ce qui conduit agrave la question de savoir ougrave et quand commence et finit
une ratique a in de ouvoir la s ci ier et la distinguer des autres Crsquoest ce qui conduit
agrave mettre lrsquoaccent sur la contextualisation de la ratique Bourdieu218
a contribueacute agrave la
promotion de la notion de pratique Les pratiques sociales individuelles conformes et
constantes sont pour lui une production individuelle issue de la rencontre entre une
histoire individuelle qui se caracteacuterise par une preacutesence active des expeacuteriences passeacutees
et ougrave lrsquoh ritage joue un rocircle majeur avec lrsquohabitus qui peut se deacutefinir comme un mode
de erce tion de ens e et drsquoaction agrave la ois h rit et construit un rocessus cognitif
drsquoint riorisation de lrsquoext riorit et une actualit
Deacutefinir la notion de pratique organisationnelle
Crsquoest la dou le dimension drsquoune ratique organisationnelle qui onde la tension
laquo autonomie ndash heacuteteacuteronomie de lrsquoagent organisationnel La notion de ratique
organisationnelle se trouve reli e agrave celle de domination au regard de celle qursquoelle exerce
au quotidien sur le comportement de cet agent domination leacutegitime car enracineacutee dans
la soci t et dans lrsquoorganisation en liaison avec lrsquoid e de sta ilit Crsquoest agrave la dualit
laquo stabilisation ndash institutionnalisation raquo que se reacutefegravere une Practice-based view dans la
mesure ougrave elle met en avant le lien entre des laquo reacutealiteacutes pratiques raquo et leur efficaciteacute
sym olique au travers des histoires que lrsquoon raconte agrave leur ro os
La notion comporte un effet laquo zoom raquo dans la mesure ougrave par exemple le recrutement
comme pratique peut aussi bien ecirctre limiteacute agrave la quecircte de la personne adeacutequate
qursquo tendue agrave tout ce qui se asse jusqursquoagrave ce que la ersonne recrut e soit install e agrave son
oste Une ratique organisationnelle est donc construite ar lrsquoenquecircteur qui va indiquer
ce qursquoest une ratique lle nrsquoest donc ni inie ni ind inie car elle inclut le oint de vue
de lrsquoo servateur Se r rer agrave la notion de ratique organisationnelle crsquoest voquer la
di icult agrave d inir des critegraveres de validit en dehors du ait qursquoelle est ratiqueacutee
Comme acteur g n tique de lrsquoorganisation elle se situe au-delagrave du fonctionnalisme et
des processus qui eux possegravedent un deacutebut et une fin Elle se caracteacuterise par sa raison
218
P Bourdieu Raisons pratiques Sur la theacuteorie de lrsquoaction Seuil collection laquo points essais raquo ndeg 331
Paris 2000
Yvon PESQUEUX
74
drsquoecirctre ougrave le d ut et la in nrsquoont as drsquoim ortance lle ne d crit as non lus lrsquoaction
(qui se caracteacuterise le plus souvent par son reacutesultat) car elle est agrave la fois stabiliteacute (malgreacute
la varia ilit des conditions drsquoexercice drsquoune ratique dans le tem s et dynamique dans
la stabiliteacute car elle est agrave la fois reacuteplication (plus ou moins agrave lrsquoidentique et r tition
(non agrave lrsquoidentique du ait des ra orts de lrsquoagent organisationnel aux circonstances
Drsquoun oint de vue g n rique la pratique est agrave la source de la reacutepeacutetition qui en ellipse
geacutenegravere la pratique
Dans les raisons qui fondent les pratiques S Gherardi amp M Perotta219
distinguent les
raisons mises en avant par les modegraveles rationnels (la survie des plus efficaces la
reacuteduction des coucircts psychologiques etc) celles des modegraveles neacuteo-institutionnels
(imitation coercition etc) celles des modegraveles symboliques (traditions valeurs et
identiteacute rituels etc) celles des modegraveles rheacutetoriques (les pratiques sont alors
consid r es comme le su ort de lrsquolaquo ordre raquo organisationnel) et celles des modegraveles
estheacutetiques (les pratiques laquo plaisent raquo en elles-mecircmes) Mais il est difficile de traiter des
ratiques sans rendre en consid ration leur interaction ro onde avec lrsquoordre social
Rappelons que S R Clegg amp M Kornberger amp T S Pitsis220
deacutefinissent une pratique
comme incluant lrsquoid e de r tition (orient e vers lrsquoam lioration la er ormance
drsquoha itude de travail de croyance et de maniegravere de se conduire Schatz i221
souligne les reacutecurrences suivantes les ratiques sont des ensem les drsquoactivit s
organis es autour drsquoune com reacutehension commune qui se reacutefeacuterant agrave un champ
speacutecifique de savoirs et de valeurs reacuteduisent la dimension du pouvoir attribueacute agrave la
Raison en la re-conceptualisant comme un pheacutenomegravene pratique le champ de la
pratique est un ensemble interconnecteacute de pratiques la pratique eacutetant agrave la fois tout et
rien lrsquoordre social ainsi re r sent r sidant dans le cham des ratiques On considegravere
les pratiques organisationnelles comme des ensembles de tacircches apparemment
routiniegraveres mais neacutecessitant une invention constante de solution Si lrsquoon re rend la
deacutefinition donneacutee par E Morin222
agrave la culture on peut parler par analogie de laquo geacutenie
enzymatique des ratiques qui sont ce ar quoi lrsquoordre organisationnel se re roduit et
se transforme
W Orlikowski223
en fait le lieu de conce tualisation de lrsquoex rience en action la
distinguant de lrsquoinstitution du sym olique du technologique et de lrsquoindividuel lle
ro ose trois a roches ossi les drsquoune Practice-based view en sciences de gestion en
consideacuterant la notion de pratique comme un pheacutenomegravene comme une meacutethodologie (de
ce que ont les agents organisationnels et comme une ontologie de lrsquoorganisation au
travers de la dimension socio-mateacuterielle des pratiques Les agents organisationnels sont
ien ceux qui mettent en œuvre les laquo reacutealiteacutes organisationnelles raquo qui modegravelent leurs
comportements Ils sont donc agrave la fois sujets et objets des pratiques La deuxiegraveme
implication est que la pratique est une laquo reacutealiteacute raquo socio-mateacuterielle reacutecurrente et la
219
S Gherardi amp M Perotta laquo Change as Repetition raquo Working paper Universiteacute de Trente Italie 2007 220
S R Clegg amp M Kornberger amp T Pitsis Managing ans Organizations an Introduction to Theory
and Practice Sage London 2008 221
R T Schatzki laquo Introduction Practice Theory raquo in T R Schatzki amp K Knorr Cetina amp E von
Savigny (Eds) The Practice Turn in the Contemporary Theory Sage London 2001 222
E Morin Sociologie Fayard Paris 2004 223
W Orlikowski laquo Practice Theory in Organization Studies raquo Bringing Practice Back into our
Scholarship Academy of management Conference Philadelphia 3-8 August 2007
Yvon PESQUEUX
75
troisiegraveme est qursquoil srsquoagit drsquoune maniegravere drsquoagir r t e les ratiques tant toujours
laquo situeacutees raquo
Les enjeux de la reacutefeacuterence agrave des pratiques sont conceptuels meacutethodologiques mais aussi
eacutepisteacutemologiques les geacuteneacuteralisations possibles eacutetant limiteacutees par le fait que les pratiques
sont toujours socialement situeacutees La notion contribue agrave offrir une base de
com r hension agrave lrsquoorganisation consid r e comme tant laquo en action raquo les activiteacutes
reacutecurrentes de type micro-organisationnel eacutetant constitutives des structures macro-
organisationnelles et vice-versa Les pratiques organisationnelles sont le lieu de la
mat rialisation de lrsquointer r tation et de lrsquoinstitutionnalisation de leur r currence
Le risque du meacutelange entre la dimension meacutethodologique et la dimension ontologique
est toutefois de revenir agrave une eacutepisteacutemologie fonctionnaliste et celui du meacutelange entre la
dimension h nom nologique et m thodologique qui est de nrsquoen aire qursquoune
meacutethodologie
La notion de pratique selon P R Schatzki (1996)224
Le point de deacutepart de la theacuteorie de la ratique selon Schatz i est qursquoune
organisation est avant tout un h nomegravene social local et contextuel qursquoil a elle le laquo
site du social raquo (site of social) ou laquo ontologie du site raquo (site ontology) Ce laquo site du
social raquo est composeacute de connexions de pratiques et de configurations mateacuterielles au
regard de trois concepts fondamentaux les pratiques (practice) les configurations
mateacuterielles (material arrangements) et les connexions (nexuses) Pour D Nicolini225
le
niveau de base de la pratique d est lrsquoaction de aire et lrsquoaction de dire (doing and
saying) qui constituent ensuite agrave un niveau plus eacuteleveacute une tacircche (task) qui agrave son tour
constitue agrave un niveau encore plus eacuteleveacute un projet (project) La mecircme action de faire et
de dire peut ecirctre mobiliseacutee dans de diffeacuterentes tacircches et leur signification peut ecirctre
diffeacuterente Le mecircme terme comme par exemple laquo eacutecrire raquo peut deacutesigner soit une tacircche
(eacutecrire un commentaire) soit un projet (publier un texte) qui implique plusieurs tacircches
Les actions les tacircches et les projets constituent une pratique qui est agrave la fois un objet
drsquoanalyse th orique mais aussi em irique cest-agrave-dire un objet eacutepisteacutemique
Les actions de dire et de faire qui constituent les pratiques sont relieacutees par quatre
meacutecanismes sociaux qui donnent vie au laquo corps social raquo
- Le laquo Practical understanding raquo signifie que la compreacutehension de la pratique
(Knowing rovient du ait drsquoecirctre acteur drsquoune ratique Il srsquoagit de savoir-faire
savoir-ecirctre neacutecessaires pour y participer
- Les regravegles (Rules) speacutecifient explicitement comment doivent (devraient) se
deacuterouler les actions et permettent de connecter les tacircches et les projets dans des
configurations complexes Elles sont introduites par ceux qui ont du pouvoir et
de lrsquoautorit
224
T R Schatzki A Wittgensteinian Approach to Human Activity and the Social Cambridge University
Press 1996 - laquo Introduction Practice Theory raquo in T RSchatzki ampK K Cetina amp E V Savigny The
Practice Turn in Contemporary Theory Routledge Londres 2001 pp 10-23) ndash laquo The Sites of
Organizations raquo Organization Studies 2005 pp 465-484 ndash laquo On Organizations as they Happen raquo
Organization Studies 2006 pp 1863ndash1873 225
D Nicolini Practice Theory Work and Organization Oxford University Press 2012
Yvon PESQUEUX
76
- La structure laquo teacuteleacuteo-affective raquo (teleoaffective structures) relie eacutegalement les
actions dans une pratique reconnaissable Ce sont les buts projets ou eacutemotions
que chaque participant doit ou peut poursuivre dans une pratique et cette
structure peut ecirctre diffeacuterente selon les buts et objectifs de chaque agent
otganisationnel drsquoougrave lrsquoexistence de con lits
- Le laquo General understandings raquo est deacutefini par D Nicolini comme laquo la
compreacutehension reacuteflexive du projet en global par les acteurs dans lequel les
acteurs sont impliqueacutes et elle contribue lrsquointelligibiliteacute des actions comme si
quelqursquoun drsquoun groupe de randonneurs dira ceux qui marchent trop vite laquo Il
nrsquoest pas neacutecessaire de marcher vite car on est ici pour srsquoamuser raquo raquo
Si les trois concepts de laquo practical understandings raquo de laquo rules raquo et de laquo teleoaffective
structures raquo ne suscitent pas de deacutebats pour leurs deacutefinitions celui de laquo general
understandings raquo est flou (missions valeurs et objectifs strateacutegiques vitaux pour la
survie de lrsquoorganisation et qui doivent ecirctre suivis par tous les agents organisationnels au
risque drsquoecirctre exclus
Lrsquoautre conce t cl de sa th orisation est constitu ar les laquo configurations
mateacuterielles conce t qui constitue la di rence avec la th orie de lrsquoacteur r seau
(A qui srsquoint resse aux objets mateacuteriels Il reconnaicirct la performativiteacute des objets
mat riels mais ense que seul le sujet humain eut entre rendre une ratique et qursquoil
nrsquoy a as de sym trie entre les acteurs et les o jets mat riels drsquoougrave sa di rence ar
ra ort agrave lrsquoA T
Lrsquoentrelacement des connexions (nexus constitue un r seau in ini Crsquoest une vision
relationnelle et holistique qui efface le clivage entre le niveau micro et macro Une
organisation est constitueacutee de configurations mateacuterielles entrelaceacutees avec des pratiques
relieacutees par trois meacutecanismes laquo chains of actions raquo laquo commonalities raquo et laquo material
arrangements raquo et elles constituent un reacuteseau infini (web) Il a deacutefini les chaicircnes
drsquoactions comme laquo a sequence of actions each member of which responds to its
predecessor raquo (P R Schatzski 2005 p 472) Le concept de laquo commonalities raquo se
reacutefegravere aux quatre meacutecanismes sociaux qui organisent une pratique
La configuration mateacuterielle (material arrangements) est aussi importante que les deux
preacuteceacutedents meacutecanismes
Dans la theacuteorisation de P R Schatz i lrsquoo jet drsquoanalyse des h nomegravenes humains est la
pratique qui est agrave la fois sociale et mateacuterielle sociale arce qursquoelle im lique lusieurs
participants dont les actions sont coordonneacutees par les quatre meacutecanismes sociaux
mateacuterielle parce que ce sont les objets mateacuteriels relient les participants Elle est locale
et situeacutee mais en mecircme temps elle est relationnelle et processuelle avec les meacutecanismes
de laquo con igurations mat rielles et de laquo chaicircne drsquoactions
Pour P R Schatzki les pratiques portent diffeacuterents degreacutes de laquo totalitarisme raquo (degree
of totalitarianism) Plus une pratique est laquo totalitaire raquo moins elle tolegravere la diversiteacute de
comportements acceptables
Yvon PESQUEUX
77
La distinction laquo practice ndash practicing ndash practising raquo226
Les reacutefeacuterences en sont les suivantes
- Une pratique est un mode de comportement enracineacute dans le temps et dans un
contexte social lle est construite au regard drsquoun ut et laquo fait raquo regravegle
- lle a artient agrave la m moire collective de lrsquoorganisation ossegravede la dou le
dimension de lrsquoex licite et de lrsquoim licite a vocation agrave r soudre des ro legravemes La
complexiteacute la caracteacuterise
- Une classification organisationnelle distingue les pratiques de coordination (dans le
cadre de la r alisation drsquoun o jecti coordination transversale et artage drsquoune
ressource etc) les pratiques de management (qui ont un rocircle laquo strateacutegique raquo) et les
pratiques organisationnelles (qui contribuent au fonctionnement opeacuterationnel que
lrsquoon eut diviser entre des ratiques centrales et des ratiques ri h riques
- Des facteurs externes (feedback de lrsquoenvironnement succegraves r glementations et
internes (enracinement des valeurs poids de leaders poids des repreacutesentations) qui
egravesent sur lrsquoinertie des ratiques
- Des facteurs externes (concurrence reacuteglementations changements techniques) et
des acteurs internes (croissance am iguiumlt drsquoo jecti attention a ort e ar le
management su rieur nouveaux em auch s qui sont agrave lrsquoorigine de la dynamique
et du changement des pratiques que ce changement soit increacutemental ou par rupture
- La notion contient de accedilon indissocia le lrsquoid e de savoir-faire (avec dexteacuteriteacute) ainsi
que de savoir-ecirctre
Cette distinction fait entrer dans une logique reacutecursive La practice peut ecirctre consideacutereacutee
comme le processus au travers duquel une technique est appliqueacutee (cf la notion de
praxis) Rappelons ici que pour K Marx la praxis est une theacuteorie en action la theacuteorie
tant ici com rise comme la conscience que lrsquoaction tire de sa nature et de sa situation
historique la pratique signifiant agrave la fois la maniegravere dont on produit le monde et
lrsquoa outissement e ecti de ce rocessus de roduction Dans le sens qui lui est donn en
sciences de gestion elle est largement en relation avec un champ professionnel Le
practicing est marqu ar lrsquoinstitutionnalisation de la practice Il concerne les contours
proceacuteduraux associeacutes agrave la laquo mise en pratique raquo Le practising peut ecirctre consideacutereacute comme
le rocessus de roduction et de re roduction drsquoune ratique au quotidien prenant alors
en compte les logiques de luidit de changement et drsquoa rentissage Le practising
correspond agrave la notion de pratique consideacutereacutee au sens large du terme situation dans
laquelle le laquo geste organisationnel est re r sentati du sens de lrsquoaction Avec la notion
de pratique on met lrsquoaccent sur lrsquoo jet em irique de la technique consid r e avec le
practicing selon lrsquoas ect mise en ratique et avec le practising selon lrsquoas ect situ
(contextuellement et institutionnellement) Les practices laquo font systegraveme raquo avec le
practicing Le practicing relegraveve lutocirct de la r lication (au regard drsquoun modegravele ratique
aux composantes normatives) et le practising relegraveve de la reacutepeacutetition et admet donc la
variabiliteacute ne serait-ce que du fait des circonstances
La practice di egravere drsquoun dispositif notion qui relegraveve drsquoune ers ective macrosco ique
(cf M Foucault227
pour qui la prison est consideacutereacutee comme un dispositif geacuteneacuteral de
domination) Les dispositifs sont constitueacutes par des institutions leacutegitimes localisables et
construites dans une logique r ressive lle di egravere galement drsquoun m canisme
226
Cette trilogie est fondatrice du programme de recherche GNOSIS et elle est redevable agrave E
Antonacopoulou directrice du projet de recherche (httpwwwgnosisresearchorg) 227
M Foucault Surveiller et punir Gallimard collection laquo nrf raquo Paris 1975
Yvon PESQUEUX
78
(perspective microscopique) qui peut se deacutefinir comme un objet technique plus ou
moins rationnel et des personnes au travail autour de celui-ci (cf M de Certeau228
pour
qui le meacutecanisme vit des institutions et permet la reacuteorganisation du pouvoir au regard de
proceacutedures techniques preacutecises et valant avec tous leurs deacutetails et qui ajoute lrsquoid e de
tactique de bricolage laquo ruseacute raquo) Les relations eacutetablies avec ces deux niveaux sont
repreacutesentatives des relations de pouvoir au quotidien relations qui valent indirectement
pour les agents organisationnels du fait de leur substance laquo agentique raquo Elle diffegravere
galement de la notion drsquooutil (et des synonymes comme m thode grille technique au
sens de technique drsquoorganisation etc) mais avec en commun la reacutefeacuterence
conce tuelle agrave la notion de technique La notion drsquooutil introduit lrsquoid e drsquoune
ind endance de lrsquolaquo objet raquo par rapport aux personnes et aux situations Les deux
notions drsquooutil et de technique contiennent lrsquoid e de r rentiel de m thode
syst matique et de tacircches et celle de connectivit (avec la notion drsquooutillage our un
ensem le coh rent drsquooutils B entland M eldman229
reprenant et enrichissant
les concepts de B Latour230
fondent la notion de routine comme synonyme de celle de
practice agrave partir de la trilogie laquo ostensible ndash performatif ndash artefact raquo la routine eacutetant
construite agrave artir drsquoune histoire drsquoune hi rarchie de roc dures visi les (lrsquoostensi le
va onder lrsquoautorit l gitimer lrsquoas ect performatif agrave partir de la construction sociale de
la routine construction amendable dans le temps et non du fait de son aspect visible
structurant et issu drsquoune orme de volontarisme manag rial Avec la routine il y a lrsquoid e
de modegravele y compris sous sa dimension normative son aspect laquo orteur drsquoe ets raquo (le
performatif recouvre aussi lrsquoid e de faire agir des personnes speacutecifiques en des lieux
speacutecifiques) et com te tenu drsquoart acts (c ce qui a t quali i lus haut drsquolaquo outils raquo de
faccedilon geacuteneacuterique) qui sont porteurs des preuves de leur efficience et viennent leacutegitimer
les deux aspects preacuteceacutedent ndash lrsquoostensi le et le er ormati Une practice laquo tient raquo en elle-
mecircme et sa reacutepeacutetition (le practicing en constitue le versant rituel Crsquoest donc une unit
drsquoanalyse com ortementale qui se com rend ar r rence agrave des sch mas cogniti s et
des art acts mais aussi ar ra ort agrave lrsquoautonomie des agents organisationnels en prise
avec les situations concregravetes dans lesquelles ils se trouvent agrave un lieu donneacute et agrave un
moment donneacute
La notion de practice acte le recouvrement drsquoun jugement de valeur ar un jugement
drsquoexistence le versant jugement tant caract ris ar lrsquointeraction entre lrsquoo servateur et
la ratique o serv e ventuellement assorti drsquoune quali ication (laquo best raquo practice
laquo promising raquo practice etc lle contient lrsquoid e de lrsquoarticulation entre une structure
l mentaire et un savoir ro essionnel ( tat de lrsquoart) mis en action Elle deacutepasse donc la
r rence agrave un instrument our lrsquoid e lus large drsquoun instrument en action La notion
relegraveve drsquoun ragmatisme organisationnel les raisons de sa conce tualisation tant
consid r es comme ext rieures (drsquoougrave la r rence agrave lrsquoinstitution et ou agrave
lrsquoinstitutionnalisation et inatteigna les Crsquoest ar exem le le cas du site we comme
pratique compte-tenu de lrsquoid e qursquoen outre on ne ourrait aire sans aujourdrsquohui De
faccedilon reacutecursive la notion de practice est geacuteneacuterique de lrsquoorganisation n drsquoautres
termes crsquoest laquo de raquo la substance organisationnelle La reacutefeacuterence agrave la notion est donc agrave la
228
M de Certeau amp L Giard amp P Mayol Lrsquoinvention du quotidien 1 Arts de faire Gallimard collection
laquo Folio essais raquo ndeg 146 Paris 1990 229
B T Pentland amp M Feldman laquo Organizational Routines as a Unit of Analysis raquo Industrial and
Corporate Change vol 14 ndeg 5 2005 pp 793-815 230
B Latour La science en action Gallimard collection laquo folio ndash essais raquo ndeg 267 Paris 1995 (Ed
originale Science in Action How to Follow Scientists and Engineers through Society Harvard
University Press 1987)
Yvon PESQUEUX
79
fois normative (la practice est un mode de fonctionnement qui reacutegule les
comportements des agents qui la mettent en oeuvre) et relationnelle (une practice nrsquoest
jamais seule eacutetant dans ce cas redevable des notions de Beruf et drsquoethos ndash cf Max
Weber231
) Une practice est interconnect e en termes drsquoinstitutionnalisations intra-
inter- et supra- organisationnelle ainsi qursquoavec les logiques drsquoa rentissage et de
changement Une practice isoleacutee est deacutepourvue de signification Se reacutefeacuterer agrave des
practices crsquoest aussi rendre une distance agrave lrsquo gard du rojet g n raliste du
manag rialisme Il srsquoagit lus de srsquoy con ronter en termes de laquo comment comprendre les
pratiques ou sur le ait de savoir ce qursquoelles r vegravelent lutocirct qursquoen termes de
d inition ure (qursquoest-ce qursquoune practice ) Le problegraveme est alors de savoir comment
elles apparaissent se deacuteveloppent changent ou disparaissent La notion est plus de
lrsquoordre de lrsquoem irique que de celui drsquoun conce t th orique lles se con rontent agrave la
question de savoir laquo comment fait-on les choses raquo laquo comment une profession est-elle
exerceacutee raquo laquo comment cela fonctionne-t-il raquo Les practices ne valent donc que
contextualis es drsquoougrave lrsquoim ortance des dimensions institutionnelles tout comme celles
de lrsquoinstitutionnalisation Les practices sont donc un ensem le drsquoactions individuelles
et collectives et non as le r sultat drsquoune action e ectu e ar un individu speacutecifique
Certaines drsquoentre elles d ouchent sur des normes drsquoautres as
Le practicing contient lrsquoid e de jugement de valeur Crsquoest une r lexion sur la
socialisation rationnelle des practices dans la mesure ougrave elles sont mises en œuvre au
regard drsquoun contexte de rationalisation Les best practices proviennent ainsi de
situations donn es et ondent la r tition de lrsquoexercice de practices donneacutees Il indique
lrsquoexistence drsquoun cham de ossi ilit drsquoa lications des practices Il tend agrave fonder les
arch ty es des conditions de onctionnement de lrsquoorganisationnel Le practicing naicirct
drsquoune conce tualisation entre des situations (les practices) et des personnes (les
praticiens) Il peut se deacutefinir comme la reacutepeacutetition de pratiques ou comme une seacuterie
drsquoactivit s de patterns r guliegraverement r t s Il contient lrsquoid e de r currence de
standardisation drsquoaccom lissement Crsquoest drsquoa ord dans le practicing qursquoo egravere la
connectiviteacute des practices Il onde le rocessus drsquoinstitutionnalisation intra-
organisationnel (crsquoest le ondement des routines organisationnelles et en artie le
rocessus drsquoinstitutionnalisation inter- et supra-organisationnel Il sert de mode de
com r hension agrave lrsquoorganisation en en aisant une orme olaris e de ratiques Crsquoest
donc une sorte de th orisation d terministe de la mise en œuvre des practices en
reacutepondant agrave une question du type cela doit ecirctre ait comme cela sihellip Le practicing est
une explicitation des conditions techno-organisationnelles de mise en œuvre de tel
ensemble de practices Crsquoest une r rence valide our le raticien au regard des
logiques de coordination et de coheacuterence Il se situe dans le champ du tressage laquo savoir
ndash pouvoir raquo dans celui de la gouvernance organisationnelle de la rationaliteacute
instrumentale et du volontarisme manageacuterial On est laquo dedans ndash en haut raquo Sa viseacutee est
cognitive a in de contri uer agrave la construction drsquoun sens donn aux situations Practices
et practicing sont li s agrave la notion de technocratie et agrave lrsquouto ie du management
scienti ique Drsquoun oint de vue technocratique une practice est consideacutereacutee comme une
laquo pratique ndash cible raquo privileacutegiant sa composante ostensible Le practicing est alors
consid r comme sa mise en œuvre ad quate (son as ect er ormati Le discours
manageacuterial opegravere dans le but de fonder la croyance que practices et practicing sont en
phase une practice ayant t construite et mise en œuvre rationnellement (practicing)
231
M Weber LrsquoEthique protestante et lrsquoesprit du capitalisme Agora Pocket ndeg6 Paris (Ed originale
1904)
Yvon PESQUEUX
80
Cette repreacutesentation est en fait contre-nature dans la mesure ougrave un savoir et un savoir-
faire sont toujours co-construits avec le praticien et socialement situeacutes
Le practising onde une com r hension de lrsquoorganisation comme tant un ensem le
drsquo l ments en neacutegociation les uns par rapports aux autres ainsi que par rapport aux
situations Il indique la manifestation qui a eacuteteacute retenue agrave un moment donneacute et deacutepend
donc des raisons qui ont fondeacute le choix de la maniegravere de pratiquer les practices Il
considegravere le laquo reacuteel dans sa com lexit Crsquoest aussi le moment de lrsquo largissement du
champ des possibles (au-delagrave de celui qui est fixeacute par le practicing) du fait des
modaliteacutes de contexte fondant ainsi la logique de changement (et ou de creacuteation) des
practices Il est donc difficile de les deacutecrire de faccedilon deacuteterministe dans la mesure ougrave on
y accegravede par observation et par observation laquo dedans ndash en bas Il contient lrsquoid e de
usion entre un jugement drsquoexistence et un jugement de valeur et il tient com te de la
meacutediation des situations (plus que des personnes) Le contexte tient un rocircle plus
im ortant que la vis e ragmatique La r rence au contexte va mettre lrsquoaccent sur le
versant ada tati lrsquoa el agrave la r lexion agrave lrsquoautonomie agrave la volont Le savoir de lrsquoagent
se trouve ainsi reacuteajusteacute en permanence Le practising mateacuterialise la diffeacuterence de
re r sentation entre lrsquoagent et les practices ainsi qursquoentre les agents Avec le practising
une imagination cr ative se trouve mo ilis e Crsquoest lrsquointeraction qui o egravere entre le
practising et les practices qui onde la logique drsquoa rentissage Le practising est le
moment de la construction du consensus ar lrsquoaction Il est aussi g n rateur de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle (du fait du projet de laquo seacutedimentation ndash
transformation raquo des routines organisationnelles qui lui est inheacuterent) Il est assimilable agrave
de lrsquolaquo innovation ordinaire raquo (N Alter232
)
Les trois notions de laquo practice raquo laquo practicing raquo et laquo practising raquo fondent une typologie
applicable aux logiques organisationnelles en actant soit la primauteacute des repreacutesentations
sur la volont soit lrsquoinverse et donc en s arant la rationalisation de la rationalit Les
practices se trouvent ancreacutees dans le domaine de la rationaliteacute en valeur le practicing
dans celui de la rationaliteacute limiteacutee et le practising dans le domaine de lrsquoa-rationaliteacute La
rationalisation concerne le lien qui opegravere entre practices et le practicing du fait de la
stabilisation des practices que geacutenegravere le practicing avec la reacutepeacutetition Le practising
constitue le moment de la seacutedimentation des practices et contient lrsquoid e de
d velo ement drsquoada tation et de recon iguration des practices Les practices sont une
forme seacutedimenteacutee reacutesultant du practicing et du practising Les practices peuvent ecirctre
consideacutereacutees comme une structure eacuteleacutementaire repreacutesentative des logiques
organisationnelles le practicing comme la scegravene de la reacutepeacutetition indiscuteacutee des
practices et le practising comme lrsquoinstant de la r tition des practices donc aussi le
moment de leur discussion
Les interactions entre les trois notions sont eacutegalement nombreuses Les deux passages
practicing vers practices et practising vers practices fondent les deux versants de
lrsquoinstitutionnalisation intra-organisationnelle Le premier srsquoinscrit dans une ers ective
rocessuelle tandis que le second srsquoinscrit dans une vision v nementielle de ce ty e
drsquoinstitutionnalisation Dans le second cas crsquoest lrsquoenvironnement organisationnel qui est
consideacutereacute comme le champ majeur de la socialisation Practicing et practising partent
du mecircme h nomegravene o serv mais consid r drsquoun oint de vue di rent Avec le
232
N Alter Lrsquoinnovation ordinaire PUF collection laquo Quadrige raquo Paris 2003
Yvon PESQUEUX
81
practicing lrsquoaccent est mis sur la r lication alors qursquoavec le practising lrsquoaccent est mis
sur la reacutepeacutetition et la reconfiguration
Un tableau de comparaison laquo practices ndash practicing ndash practising raquo
PRACTICES PRACTICING PRACTISING
Conception de lrsquoorganisation lrsquoorganisation lrsquoorganisation
lrsquoorganisation consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme consideacutereacutee comme
un ensemble de une polarisation un ensemble
practices de projets et de drsquo l ments en
practices neacutegociation
Nature du drsquoexistence drsquoexistence et de drsquoexistence et de
jugement valeur valeur
Nature de intra- inter- intra- inter- et intra-
lrsquoinstitution- et supra- supra- organisationnelle
-nalisation organisationnelle organisationnelle
Repreacutesentation et repreacutesentation gt repreacutesentation gt deacutelibeacuteration gt
deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration deacutelibeacuteration repreacutesentation
Rationaliteacute instrumentale proceacutedurale en valeur
Origine de la agrave partir de la comme ensemble agrave partir de la
conceptualisation primauteacute accordeacutee de practices socialisation des
aux instruments practices
Positionnement comme tat de lrsquoart les practices sont enracinement
organisationnel associeacutees agrave des
situations types
niveau conceptuel technique technologique
theacuteorie pratique praxis
Type de modegravele normatif relationnel enracineacute
Viseacutee descriptive explicative et compreacutehensive
prescriptive
Nature fiction reacuteducteur de imaginaire creacuteatif
lrsquoimaginaire car
le cadre est imposeacute
Fonction du formaliseacute reacuteplication reacutepeacutetition
modegravele (agrave lrsquoidentique (adaptation aux
circonstances)
Figure cible le professionnel le praticien lrsquoagent
organisationnel
Positionnement exteacuterioriteacute heacuteteacuteronomie autonomie
Reacutefeacuterent instrument gouvernance laquo en bas-dedans raquo
Rocircle de reacutegulation cognitive adaptative
Nature de la savoir-faire savoir savoir mobiliseacute
Yvon PESQUEUX
82
connaissance circonstancieacute
Le passage laquo practice ndash practicing ndash practising raquo pose la question de la traduction (B
Latour233
) et de la cr ation drsquoun savoir local qui est onction de laquo qui raquo traduit laquo quoi raquo
dans la recherche de quels effets avec quels effets en deacutefinitive cette traduction venant
relier actants humains et actants non humains Crsquoest ce savoir local qui est agrave lrsquoorigine de
rocessus drsquoa rentissages et de changements Les trois notions marquent donc le lien
eacutetroit qui existe entre la notion geacuteneacuterique de laquo pratique raquo et celle de laquo savoir (qursquoil
srsquoagisse de knowledge ou de knowing) La connaissance organisationnelle est agrave la fois
cumulative et transfeacuterable mais aussi laquo oubliable raquo Elle conduit agrave de multiples rapports
au tem s qursquoil soit conccedilu de accedilon chronologique ou diachronique ( our lrsquoas ect
cumulati ou ien encore anachronique ou synchronique ( our lrsquoas ect de transfert et
drsquoou li et elle se mani este concregravetement dans les ratiques
Conclusion sur la notion de pratique
Une pratique organisationnelle repose sur les aspects suivants
- La pratique est ce qui vient relier connaissance et action mais elle comporte un
aspect moral et de nombreuses dimensions tacites
- Dans son acception actuelle de nombreuses reacutefeacuterences peuvent ecirctre mobiliseacutees P
Bourdieu234
qui considegravere la pratique comme action M Foucault235
qui la conccediloit
comme pratiques de soi S Turner236
qui la comprend comme structure Y
Engestroumlm et al237
qui la d inissent comme un systegraveme drsquoactivit s Lave
Wenger238
qui en font un contexte social et D Nicolini et al239
qui en font un
rocessus drsquoa rentissage (du knowing)
- Le programme de recherche d ouche sur le constat de lrsquoexistence de di rents
types de pratiques des pratiques manageacuteriales focaliseacutees sur les rocircles strateacutegiques
des pratiques organisationnelles orienteacutees vers les logiques opeacuterationnelles le
management des projets des ratiques drsquoinnovation (promising practices) qui
concernent la coordination des autres pratiques le partage du savoir des pratiques
centrales qui se distinguent des ratiques ri h riques actant lrsquoexistence drsquoune
hieacuterarchie entre les pratiques et les sous-pratiques qui poursuivent le mecircme but mais
agrave partir de proceacutedures diffeacuterentes
- Une ratique organisationnelle se caract rise ar lrsquoexistence de di rentes
composantes un but des proceacutedures des principes un lieu des praticiens une
phronesis un ass et un r sent une structure qui se caract rise ar le ait qursquoune
ratique est une maniegravere drsquoagir collectivement acce t e r t e et socialement
visible une dynamique dans la mesure ougrave les pratiques sont construites par ceux qui
les mettent en œuvre au regard de leur place dans la hieacuterarchie et de la reacutefeacuterence agrave
233
B Latour op cit 234
P Bourdieu op cit 235
M Foucault Lrsquohermeacuteneutique du sujet Gallimard-Seuil collection laquo Hautes Etudes raquo Paris 2001 236
S Turner The Social Theory of Practices Tradition Tacit Knowledge and Presuppositions
University of Chicago Press 1994 237
Y Engestroumlm amp R Miettinen amp R L Punamaumlki Perspectives on Activity Theory (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1999 238
J Lave amp E Wenger Situated Learning Legitimate Peripheral Participation (Learning in Doing
Social Cognitive and Computational Pespectives) Cambridge University Press 1991 239
D Nicolini et al op cit
Yvon PESQUEUX
83
une phronesis dans la accedilon dont elles construisent une maniegravere drsquoagir des
rontiegraveres qui ermettent de les d limiter mecircme si elles varient dans lrsquoes ace et dans
le temps leur confeacuterant ainsi une certaine stabiliteacute et enfin le fait que les pratiques
viennent construire des cham s de ratiques du ait des liens qui srsquo ta lissent entre
elles
- Les pratiques se reconfigurent en permanence eacutetant en quelque sorte le lieu
organisationnel de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo le lieu ougrave agrave la fois les
tensions sont acteacutees et deacutepasseacutees Au-delagrave de la dualiteacute laquo stabiliteacute ndash changement raquo
les ratiques sont le lieu organisationnel drsquoautres dualit s telles celle du long terme
et du court terme des prioriteacutes strateacutegiques et des prioriteacutes opeacuterationnelles du
ormel et de lrsquoin ormel
- La notion contribue agrave la compreacutehension du fonctionnement organisationnel au
regard de leur degr de connectivit entre les roc dures drsquoune seule ratique tout
comme entre les pratiques Elles sont significatives de la substance organisationnelle
en offrant une entreacutee dans la compreacutehension des modaliteacutes de la reacutegulation et de la
com tition agrave lrsquoœuvre au sein drsquoune organisation
- Une ratique organisationnelle nrsquoest as une maniegravere drsquoagir un synonyme de la
notion de culture organisationnelle crsquoest-agrave-dire une laquo habitude raquo ou de celle
drsquoinstitution Crsquoest le lieu du tressage entre une rh torique de la r alit et une
id ologie en action lle est un lieu drsquoex ression des interactions sociales et un lieu
de concr tisation de lrsquoex rience en action
- M Reed240
insiste sur lrsquoas ect r aliste de la r rence agrave des ratiques n ce sens les
pratiques organisationnelles sont laquo fondatrices (crsquoest leur dimension laquo sociondash
constructionniste raquo) Mais une telle reacutefeacuterence peut aussi relever du positivisme (du
ait de lrsquoaccent mis sur leur r currence Il laide our un r alisme critique aisant
des pratiques une meacutediation entre des structures organisationnelles et des agents
Crsquoest ce qui fait que ce sont les pratiques qui geacutenegraverent et qui maintiennent les
relations constitutives de lrsquoorganisation Il srsquoagit donc drsquoune entr e dans la
com r hension du rocessus drsquoinstitutionnalisation de lrsquoorganisation vu comme
rocessus drsquoassem lage et de coordination par ses aspects de structuration
drsquoim lantation de maicirctrise et de ilotage Mais les ratiques organisationnelles sont
aussi enchacircss es dans les relations de ouvoir Crsquoest galement une notion majeure
en termes de meacutediation car elle assure les logiques de transition de changement du
fait de son caractegravere longitudinal et dynamique de la faccedilon dont elle prend en
compte la complexiteacute des relations de pouvoir du fait que les agents
organisationnels sont des r ertoires drsquoaction Comme m diation entre la stabiliteacute et
le changement les pratiques organisationnelles prennent en compte agrave la fois le
tem s le lieu et lrsquoes ace Crsquoest donc une entr e renouvel e dans la com r hension
du remodelage et de la complexiteacute organisationnelles (J Clark241
)
La limite conce tuelle de lrsquoa roche est son contextualisme mais sans doute est-ce une
limite n cessaire dans lrsquo tat actuel de la question des ratiques en sciences de gestion
La reacutefeacuterence agrave des pratiques organisationnelles construit un personnage conceptuel
tenant lieu de iction instituante dont on es egravere qursquoil ne srsquoagit as drsquoune voie sans issue
240
M Reed laquo Researching Management Practice A Critical Perspective raquo Bringing Practice Back into
our Scholarship Academy of Management Conference Philadelphia 3-8 August 2007 241
J Clark Managing Innovation and Change People Technology and Strategy Sage London 1996