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LA STRUCTURE COGNITIVE ET NORMATIVE DE LA CONFIANCE Louis Quere La Découverte | Réseaux 2001/4 - no 108 pages 125 à 152 ISSN 0751-7971 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-reseaux-2001-4-page-125.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Quere Louis, « La structure cognitive et normative de la confiance », Réseaux, 2001/4 no 108, p. 125-152. DOI : 10.3917/res.108.0125 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 28/11/2013 11h16. © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 28/11/2013 11h16. © La Découverte

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LA STRUCTURE COGNITIVE ET NORMATIVE DE LA CONFIANCE Louis Quere La Découverte | Réseaux 2001/4 - no 108pages 125 à 152

ISSN 0751-7971

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-reseaux-2001-4-page-125.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Quere Louis, « La structure cognitive et normative de la confiance »,

Réseaux, 2001/4 no 108, p. 125-152. DOI : 10.3917/res.108.0125

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Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte.

© La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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a confiance est, dit-on, un mécanisme social essentiel sans lequelnous ne pourrions ni agir ni interagir*. Pour Simmel, elle est « detoute évidence l’une des forces de synthèse les plus importantes au

sein de la société » : celle-ci se désintégrerait s’il n’y avait pas une confiancegénéralisée entre ses membres. Ce jugement n’a pas été démenti par lessciences sociales contemporaines, qui considèrent la confiance comme unmécanisme informel, infra-institutionnel, de coordination des actions, unmécanisme qui présente l’avantage de réduire les « coûts de transaction »liés à la recherche d’informations et à l’exercice d’un contrôle réciproque.La confiance apparaît ainsi comme un rouage de plus en plus indispensabledans une société où se développent les modes formels de régulation desinteractions et des transactions sociales (lois, codes, règlements, etc.). Maisson maintien suscite en même temps l’étonnement. Les sociétéscontemporaines sont en effet des sociétés où l’interconnaissance ne fondeplus les relations sociales ; y prédominent les transactions entre desanonymes. Comment la confiance est-elle encore possible entre despersonnes qui ne savent rien les unes des autres ? Sur quoi peut-ellereposer ? Qu’est-ce qui peut l’engendrer ?

De telles questions suscitent actuellement toutes sortes de spéculations chezles sociologues, les psychologues, les économistes et les spécialistes dethéorie politique. La plupart des réponses soulignent la nature cognitive de laconfiance. Mais les descriptions de sa structure sont souvent loin d’êtresatisfaisantes, pour trois raisons principalement :

a) elles ne tiennent pas compte d’une distinction importante – celle entre« discours de la confiance » et « pratiques de la confiance » (une distinctiondue à R. Harré1) ;

* Je remercie Albert Ogien et Esther Gonzalez-Martinez pour leurs suggestions et critiquessur une première version de ce texte. Je remercie également André Petitat qui, en m’invitant àun séminaire sur la confiance à l’université de Lausanne au mois de mars 2000, m’a donnél’opportunité d’approfondir ma réflexion sur le sujet.1. En effet, nous sommes régulièrement amenés à émettre des jugements de confiance ou dedéfiance sur telle ou telle personne, ou à répondre à des questions nous demandant si nousfaisons confiance aux hommes politiques, aux journalistes, aux médias, à la justice, etc. Notre

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b) elles conceptualisent en général la confiance à partir du casparadigmatique de la confiance interpersonnelle – qui est loin de représenterla diversité de nos pratiques de la confiance ;

c) elles la ramènent trop facilement à une forme ou une autre deconnaissance inductive, de calcul prédictif ou de décision rationnelle, ce quilaisse de côté les dimensions qui ne sont pas subsumables sous la dualitéconnaissance/ignorance.

Cet article a précisément pour objectif de tenter de remédier à ces biais. Ils’attachera plus particulièrement : a) à expliciter un aspect de la logiquefloue de la confiance – la dimension de « saut dans l’engagement »(Giddens), qui excède toute décision rationnelle ; b) à montrer comment laconfiance comme attitude, distincte de la confiance comme acte, repose surune sorte d’attunement des capacités et des habitudes individuelles auxrégularités de l’environnement, qu’il soit naturel ou social ; c) à cerner labase morale/sociale de la confiance généralisée.

Les principaux paramètres de la confiance

J’ai été amené à réfléchir à la question de la confiance en participant à unerecherche, avec M. Relieu, sur la gestion du risque en milieu urbain par despersonnes handicapées2. Les situations observées étaient des cours delocomotion pour malvoyants : se déroulant dans la rue, ils consistent àapprendre à un malvoyant à se servir de la canne blanche, à s’orienter dansl’espace, à se déplacer sur les trottoirs, à traverser les rues et les carrefours, àprendre le bus ou le métro, etc. Ces cours sont individualisés : un malvoyants’exerce sous le contrôle et la direction d’une instructrice en locomotion.

discours est alors régi par des conventions sociodiscursives concernant la façon de parler desgens ou des institutions dans notre culture. Ces conventions ne valent pas vraisemblablementpour nos pratiques usuelles de la confiance et de la défiance ; celles-ci sont gouvernées pardes règles, des conventions ou des institutions spécifiques. Lesquelles ? C’est ce qu’il faudraitdécouvrir. Harré évoque essentiellement des variations dans la recherche de garanties dans lestransactions de la vie courante (tel commerçant exigera la production d’une pièce d’identité àl’appui d’un chèque, tel autre non). Mais les pratiques de la confiance et de la défiance ne selimitent pas à cette recherche de garanties. Elles sont elles-mêmes très diversifiées. Maiscomment les cartographier ?2. RELIEU et QUERE, 1998.

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Une des phases de cet apprentissage concerne les techniques de traversée derues et de carrefours. Examinons très succinctement la situation dans laquellese trouve alors plongé le malvoyant, car elle nous permet d’envisagerdifférents aspects du problème de la confiance. Il doit, entre autres, apprendreà se positionner d’une certaine façon sur le trottoir, à orienter son corps vers lepoint d’aboutissement de la traversée et à déterminer le moment où il peuts’engager sur la chaussée en relative sécurité. Il doit pour cela se représenter laconfiguration du carrefour, détecter s’il comporte ou non des feux, repérer lesens de circulation des véhicules, éventuellement localiser l’emplacement dupassage pour piétons, etc. Comme il voit très mal ou pas du tout, il ne peutsaisir les informations disponibles dans l’environnement que par l’ouïe et letoucher. En particulier, il doit apprendre à exploiter la richesse de saperception auditive de la circulation automobile, par exemple à inférer laconfiguration d’un carrefour à partir de ce qu’il saisit comme sens decirculation des voitures, ou encore la présence et l’emplacement de feux àpartir des arrêts et des redémarrages de véhicules qu’il entend. Pourdéterminer le moment précis où il peut s’engager sur la chaussée, il doit serégler sur les variations du flux de circulation automobile parallèle à satraversée, par exemple s’engager au moment précis où une voiture venant dederrière lui arrive à sa hauteur sans ralentir, ou démarrer en même temps queles véhicules qui se sont arrêtés au feu.

On a ici un cas typique d’action en situation d’incertitude : l’agent doits’engager sans véritablement maîtriser tous les aspects de sa situation. Il doiten particulier se baser sur les conjectures qu’il a faites à partir de saperception auditive et tactile, s’engager sans être certain qu’elles soientvalides et s’en remettre pour une part au hasard et à la chance. Il n’est passûr que les choses sont comme il se les représente ou que le cours d’action sedéroulera comme il l’a anticipé. Mais, faute de pouvoir percevoirvisuellement les informations présentes dans l’environnement, il n’a aucunmoyen de lever cette incertitude. Il faut qu’il agisse néanmoins. Si lasituation se révèle différente de ce qu’il pense, il ne pourra pas revenir enarrière ; il faudra qu’il improvise et mobilise les ressources appropriées. Ilprend donc des risques et encourt des dangers. Ceux-ci sont cependantlimités, car il agit sous le contrôle de l’instructrice, qui peut intervenir à toutmoment pour éviter qu’il ne se trouve dans une situation problématique.

Une telle situation d’incertitude paralyserait complètement l’action sin’intervenaient pas précisément les mécanismes de la confiance. D’une

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façon générale, ceux-ci pallient les manques d’information et de contrôle. Eneffet, dans la situation décrite, le malvoyant se fie à toute une séried’éléments. Il se fie d’abord à ses inférences perceptives et aux conjecturesauxquelles elles ont conduit ; il se fie non moins à ses propres capacités, enparticulier à ses capacités perceptives et motrices, ainsi qu’à ses capacités deraisonnement. Il se fie aussi à son instructrice, tant au contenu de sonenseignement et à la validité des techniques qu’elle lui enseigne qu’à sacompétence, ou encore à sa volonté et à sa capacité de lui épargner dessituations problématiques ou dangereuses. C’est pourquoi il peut éprouverun sentiment de relative sécurité dans l’accomplissement des exercicesqu’elle lui fait faire.

On peut allonger encore la liste de ce à quoi le malvoyant doit se fier. Ainsipeut-on dire qu’il fait aussi confiance aux autres, aux piétons comme auxautomobilistes : il se fie, entre autres, à leur respect des conventions et desrègles de circulation, à leur capacité de le percevoir et de l’éviter et à leurbonne volonté, ou encore à la bienveillance des autres piétons, dont ilescompte une aide en cas de nécessité. On peut même dire qu’il compte surla fiabilité du système de régulation du trafic (par exemple, à la bonnemarche des feux, à leur capacité de distribuer les tours de passage). Maiscomment établir la liste de tout ce à quoi il doit se fier ? Ne faut-il pas yinclure aussi toute une série d’autres choses, tels la solidité et la praticabilitédu sol sur lequel il marche, l’alimentation des feux en courant électrique, lebon état relatif des véhicules qui circulent (en particulier leur capacité defreinage), etc. ? Mais n’est-ce pas alors donner une trop grande extension auphénomène de la confiance ? Y a-t-il confiance chaque fois que l’on se fie àquelque chose ? Peut-on parler de confiance là où manque un acte exprès defaire confiance ? Et se fie-t-on à des objets comme on se fie à des personnes,voire à des institutions ?

Une première distinction peut être utile : il n’y a pas nécessairementconfiance chaque fois que l’on se fie à quelque chose. Sinon, on réduit laconfiance, soit à l’escompte, soit à l’attente. Pour organiser notre conduite,nous faisons implicitement fond sur toute une série d’éléments, qu’il estimpossible d’inventorier, en particulier sur la permanence et la stabilité dumonde, ainsi que sur les régularités de comportement des objets del’environnement, qu’il s’agisse de processus physiques ou de comportementsd’artefacts et d’êtres vivants. Mais on ne retrouve pas les traitscaractéristiques de la confiance dans cet acte implicite de compter sur, de

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faire fond sur. Celle-ci n’est pas davantage réductible à l’attente en général :certes, nous nourrissons des attentes générales quant au comportement futurdes choses et des personnes, et nous escomptons que ces attentes ne serontpas déçues ou trompées ; nous extrapolons souvent la prédiction d’uncomportement futur à partir de l’observation d’un comportement régulierdans le passé, alors que nous ne sommes pas assurés que le futur seraconforme au passé. Mais faire fond sur une attente de continuité ou derégularité n’est pas faire confiance. En particulier, il n’est pas sûr qu’il y aitun sens à parler de confiance lorsqu’il s’agit de se fier à la stabilité del’environnement ou à la régularité de comportement de ses objets. En effet,le cas paradigmatique de la confiance est celui d’une relation de confianceentre deux personnes. Les traits caractéristiques de la confiance semaintiennent-ils hors de ce contexte ? Il est possible que nous commettionsun abus de langage lorsque nous parlons de faire confiance à un objet ou àune institution.

Pour tenter d’y voir un peu plus clair, partons précisément du casparadigmatique qu’est la confiance interpersonnelle. R. Hardin a proposé dela concevoir comme une relation ternaire : A fait confiance à B concernantX, ou A fait confiance à B pour faire Y. L’intérêt de cette définition estd’abord de faire apparaître le caractère limité de la confiance : celle-ciconcerne habituellement une activité particulière, un rôle particulier ou undomaine particulier (bien que je puisse faire confiance à quelqu’un en demultiples domaines). Maintenant, si l’on tente de décomposer cette relationternaire, on voit apparaître les éléments suivants (la description de Hardin estplus étroite que celle proposée ci-dessous) :

– elle implique des attentes favorables concernant les intentions ou lesactions d’un tiers ; la formation de ces attentes repose sur des jugements,plus précisément sur une évaluation de la fiabilité et de la loyauté du tiers –B est-il digne de confiance ? Peut-on compter sur lui ? Sera-t-il loyal ? –, etsur une estimation de ses motivations – pour quelles raisons B fera-t-il ceque j’attends de lui ? ;

– elle implique une conjecture ex ante qui peut s’avérer non valide : Asuppose et espère que B agira comme il l’attend, mais il ne peut pas en êtrecertain ; il n’est pas exclu que B agisse de façon opportuniste et trahisse saconfiance ; il regrettera alors de s’être fié à lui. Mais il choisit d’ignorer cettepossibilité. D’où l’idée que la confiance permet de pallier l’ignorance oul’incertitude et de faire face à la contingence, par une certaine indifférence ;mais elle comporte aussi un élément de risque, qui est compensé par

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l’économie que la confiance permet de faire dans la recherched’informations et la mise en œuvre de moyens d’influence et de contrôle ;

– la confiance traduit une sorte de délégation de pouvoir et, corrélativement,l’acceptation d’une subordination et une réciprocité des engagements : Adélègue à B un pouvoir d’action sur un aspect de sa vie qui a plus ou moinsd’importance ; il attend de B qu’il agisse comme « son agent » dansl’obtention d’un résultat visé. Du même coup, il se place dans un état dedépendance à l’égard de la compétence et de la bonne volonté de B etaccepte d’être vulnérable (il offre à B une occasion éventuelle de lui nuire).Cette délégation (qui confine à l’abandon sans résistance) et cettesubordination peuvent s’avérer malheureuses ou fatales. La subordinationvolontaire de A crée par contre une contrainte sur B, en fonction d’unenorme sociale (avec des sanctions assorties) qui exige que la confiance soithonorée : d’une part B se sent obligé d’assurer la continuité d’une conduite,ou d’un mode général de comportement, qui a suscité la confiance de A ;d’autre part, sachant que A lui a fait confiance, il se sent obligé d’honorercette confiance. A peut du coup compter sur le sentiment d’obligationmorale qu’éprouvera B pour estimer la probabilité de la conduite qu’il attendde lui. Cette dimension de réciprocité est évidemment absente des relationsavec les objets3.

Cette description est loin de faire l’unanimité. Deux de ses composantes enparticulier fournissent matière à discussion : la nature cognitive de laconfiance et la prise de risque qui lui est inhérente.

Les problèmes d’une conception purement cognitive de la confiance

Pour certains en effet, la confiance est une catégorie purement cognitive.Elle est de l’ordre de la seule connaissance ; sa logique est celle duraisonnement inductif étayé sur un savoir ou sur des observations. Ainsi,selon Hardin, qui conceptualise le phénomène social de la confiance dans lecadre de la théorie du choix rationnel, « dire “je te fais confiance” signifieque je sais, ou que je pense savoir, des choses pertinentes à ton sujet, enparticulier concernant tes motivations à mon égard4 ». La confiance est ainsitraitée comme une affaire de connaissance de raisons d’agir et d’intérêts,plus particulièrement de connaissance de la manière dont les intérêts de A

3. Sur ces dimensions, voir BENVENISTE, 1969.4. HARDIN, 1999, p. 24.

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s’emboîtent (encapsulate, dit Hardin) dans les intérêts de B : « Dire “je tefais confiance” sur un sujet donné signifie que j’ai des raisons d’attendre detoi que tu agisses dans mon intérêt sur ce sujet parce que tu as de bonnesraisons de le faire, raisons qui sont fondées dans mon intérêt. En d’autrestermes, dire “je te fais confiance” signifie que j’ai raison d’attendre de toique tu agisses, sur la base de tes propres raisons, comme mon agent (as myagent) en ce qui concerne le sujet concerné. Ton intérêt incorpore monintérêt5 ». Dans cette perspective, la confiance n’a aucune dimension morale.Etant purement cognitive, elle n’est pas non plus une affaire de choix : on nechoisit pas de faire confiance ou de se méfier ; on choisit plutôt d’agir d’unecertaine façon à l’égard de quelqu’un en fonction du degré de confiance quel’on éprouve en lui, donc de la connaissance que l’on a de ses motivations etde ses intérêts. Du coup, il n’y a pas non plus beaucoup de sens à parler derisquer sa confiance : on prend des risques si l’on agit en faisant confiance,plutôt qu’on ne risque sa confiance.

Il est cependant d’autres manières d’envisager la confiance comme unphénomène cognitif6. L’une d’elle consiste à la traiter comme une croyance,par exemple comme une croyance dans la fiabilité de quelqu’un : on sait quel’on peut compter sur lui, en raison par exemple des traits de sa personnalitéet de l’attitude qu’il adopte en général vis-à-vis des devoirs et desresponsabilités qui lui incombent7. Cela peut être aussi une croyance dans lesdispositions d’autrui. Ainsi, C. Offe considère-t-il la confiance comme une« croyance concernant l’action à attendre d’un autre. Cette croyance seréfère à la probabilité que l’autre fera certaines choses, ou s’en abstiendra,qui affectent le bien-être de celui qui la nourrit (…). La confiance est lacroyance que les autres, à travers leurs actions ou leurs abstentions,contribueront à mon bien-être et s’abstiendront de me nuire (…). Commetoute croyance, celle-ci peut être fausse. Si elle l’est, je ne prends passeulement le risque de me tromper, je prends aussi le risque de subir undommage8 ». Poussé à bout, cet argument en arrive à considérer la confiancecomme un résidu : c’est ce qui reste quand on n’a trouvé aucune raisondécisive de se méfier, ou ce qui résulte d’une mise à l’épreuve systématiquedes raisons de se méfier.

5. Ibid, p. 26.6. Voir GAMBETTA, 1988.7. HARRE, 1999.8. OFFE, 1999, p. 47.

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Une autre caractérisation importante de la nature cognitive de la confianceest celle de Simmel. Le sociologue allemand a en effet proposé quelquesbelles réflexions sur la confiance dans deux de ses ouvrages : Philosophiede l’argent et Sociologies. Etudes sur les formes de la socialisation9. Pourlui, la confiance est cognitive sous deux aspects. Elle a d’abord le statutd’une hypothèse assortie d’une attitude épistémique : « Elle est unehypothèse sur une conduite future, assez sûre pour qu’on fonde sur ellel’action pratique10. » Avec la confiance, on n’est ni dans le domaine dudoute, ni dans celui de l’assurance complète ou de la certitude, mais dansun état intermédiaire, plus proche de l’assurance que du doute. Elle estensuite une combinaison variable de savoir et de non-savoir. Simmel a unebelle formule pour définir cette combinaison : « celui qui sait tout n’a pasbesoin de faire confiance ; celui qui ne sait rien ne peut raisonnablementmême pas faire confiance ». En d’autres termes, là où il y a informationcomplète, transparence de la situation du point de vue cognitif, il n’y a pasde place pour la confiance ; celle-ci n’intervient que s’il y a manqued’information ou de connaissance et que si tout n’est pas tenu pour allantde soi (« On n’a pas besoin de faire confiance à ce qui peut être tenu pourallant de soi11 »). Mais en même temps, il faut un minimum de savoir pourque la confiance puisse être donnée. Simmel se réfère au savoir sur lespersonnes à qui confiance est faite : il est difficile de faire confiance àquelqu’un dont on ne sait rien. Ce savoir peut être fourni de différentesmanières. Il peut être fondé sur « une connaissance véritable de lapersonne » acquise par l’expérience ; ou il peut être un savoir général surun type ou une catégorie de personne. Ainsi existe-t-il une forme deconfiance que l’on peut dire « catégorielle12 ». Elle consiste à accorder saconfiance à quelqu’un sur la base de son appartenance à un groupe, à uncollectif ou à une catégorie, étant entendu que la fiabilité et la loyautéfigurent dans les propriétés attribuées à ce groupe, ce collectif ou cettecatégorie. Ainsi, pourrais-je faire confiance à quelqu’un en raison de sonappartenance à telle famille, à tel groupe ethnique ou à telle religion, etc.parce que je connais les traditions et les valeurs de ces collectifs ou laréputation, qui est celle de leurs membres en général, d’être loyaux etdignes de confiance.

9. Voir MÖLLERING, 2001.10. SIMMEL, 1999b, p. 355-356.11. OFFE, 1999, p. 66.12. Ibid., p. 63. Voir aussi NOOTEBOOM, 2001.

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Du fait de son caractère cognitif, le phénomène de la confiance se distinguede celui de la foi. Avoir foi en quelqu’un et lui faire confiance sont deuxchoses relativement différentes. La foi, dit Simmel, est « au-delà du savoir etdu non-savoir » – c’est une attitude quasi religieuse ou mystique, sans basecognitive ni expériencielle –, tandis que la confiance implique qu’il y aitcomposition des deux. Néanmoins, pour lui, il y a dans la confiance quelquechose de l’ordre de la foi : c’est l’aspect d’abandon à autrui ou à l’idée quel’on se fait de lui, et cet abandon implique un saut non entièrement étayablesur des raisons, ou encore l’aspect d’indifférence résolue à l’incertitude ou àl’ignorance. A ce titre, il y a dans la confiance quelque chose qui « est à lafois plus et moins que de la connaissance ».

Par ailleurs, Simmel a été sensible à la dimension morale de la confiance.D’abord, celle-ci résulte du libre choix de celui qui accorde sa confiance etelle n’est jamais un dû : « on ne peut pas exiger qu’on nous accorde laconfiance ». C’est aussi ce qui exclut qu’elle soit obtenue ou produite parune manipulation stratégique, ou même qu’elle soit réglée par une institutionsociale – les institutions, en général, distribuent des droits et des obligations– car on ne peut pas obliger quelqu’un à accorder sa confiance, nirevendiquer un droit à la confiance corrélatif d’un devoir de confiance.Ensuite, on l’a déjà vu, la confiance engage non seulement la personne quil’accorde, mais aussi celle qui en bénéficie : celui qui donne sa confiance,sur la base d’un jugement de fiabilité et de loyauté, attend que sonengagement ne soit pas déçu ; et celui qui bénéficie de la confiance est« presque engagé par un jugement porté sur lui par avance », qu’il se doit dene pas décevoir – il se sent moralement tenu d’honorer la confiance qui luiest faite, ou, dans la problématique de Benveniste, d’éteindre la dette crééepar le crédit qui lui a été fait.

Une conception purement cognitive de la confiance n’est donc passatisfaisante. Elle n’est pas cohérente avec deux des dimensions soulignéessupra : celle de la délégation et de la subordination, voire de l’abandon, etcelle de l’engagement réciproque (soulignée aussi bien par Simmel etBenveniste que par Harré et Offe). Que le geste de la confiance repose surdes opérations cognitives ou se fonde sur des attitudes épistémiques et surdes connaissances, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais il n’est pas lui-même de nature cognitive ; il est plutôt de l’ordre du choix d’un type de

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relation, de la modulation de l’engagement ou de l’implication13. Faireconfiance à quelqu’un, c’est s’en remettre à lui pour l’obtention d’un résultatvisé par soi ou pour la félicité d’une transaction, en n’ayant pour garantieque la croyance en sa fiabilité ou sa loyauté. Cet acte comporte un élémentde saut ou de pari non entièrement étayé sur des raisons14.

C’est d’ailleurs pourquoi la confiance est susceptible de degré : il s’agit parexemple de trouver un juste milieu entre la confiance excessive, « aveugle »,qui rend celui qui fait confiance totalement vulnérable, et la méfiancesystématique, qui paralyse l’action et rend le coût des transactions prohibitif.Dans cette affaire, il ne s’agit pas de moduler ses croyances, sesconnaissances ou ses attitudes épistémiques, mais son engagement ou sonimplication. Que cette modulation se fasse en fonction d’un savoir, cela vade soi. Mais est-elle elle-même cognitive ? Elle se fait aussi sans doute enfonction de critères publics de jugement et c’est sans doute ce qui fonde lanature sociale de la confiance. Mais en quoi consistent ces critères ? C’estprécisément ce qu’il faudrait découvrir.

Confiance et risque

Le second point critique concerne le lien entre risque et confiance. De toustemps, la confiance a été considérée comme source d’inquiétude, puisqu’elleconsiste à accepter quelque chose qui n’est pas tout à fait sûr et à parier surla loyauté de celui à qui l’on fait confiance. Celui qui accorde sa confiancesait donc qu’il peut être victime de son geste. Est-il pour autant un preneurde risque ? C’est ce que prétend N. Luhmann, qui a résolument mis le risqueau cœur de la confiance15.

Celle-ci, nous explique le théoricien des systèmes sociaux, est liée à ladouble contingence. Est contingent ce qui n’est ni nécessaire ni impossible.Il y a donc contingence dès lors qu’il y a possibilité et liberté de choix, etqu’elles créent de l’indétermination. La contingence est double là où lessélections d’ego dépendent de celles d’autrui, qui elles-mêmes dépendent decelles d’ego : « Autrui peut agir d’une autre façon que celle que j’attends,

13. GOFFMAN, 1991.14. Voir aussi KARPIK, 1996.15. Rappelons que le risque est, selon la définition de Condillac, « le hasard d’encourir unmal, avec espérance, si nous y échappons, d’obtenir un bien ».

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précisément s’il sait ou parce qu’il sait ce que j’attends16. » La doublecontingence est source de complexité, car elle engendre une multiplicité despossibles. Luhmann redéfinit ainsi la problématique parsonnienne de ladouble contingence en termes de complexité. La complexité est synonymede multiplicité des possibles. Pour agir, il faut réduire cette multiplicité.C’est précisément ce que permet la confiance : elle consiste à ne pas tenircompte volontairement d’un certain nombre de possibilités pour le futur.C’est en ce sens qu’elle est un mécanisme de « réduction de la complexité ».Son domaine spécifique est celui des interactions et des relations sociales :« La confiance est associée à la réduction de complexité, et, plusspécifiquement, de cette complexité qui entre dans le monde du fait de laliberté des autres êtres humains17. » Elle est devenue « un fait fondamental »de la vie sociale dans les sociétés modernes, où la contingence est de plus enplus liée à la liberté humaine et au pouvoir de décider des individus, plutôtqu’à la volonté de Dieu ou aux caprices de la nature, et où les idées dehasard et de risque tendent à supplanter celle de danger18.

Le lien entre confiance et risque tient en partie à l’orientation temporelle dela première : faire confiance, c’est adopter une certaine attitude vis-à-vis dufutur, plus précisément élaguer l’éventail futur des possibilités et « seconduire comme si le futur était certain ». « La complexité du futur estréduite par l’acte de confiance. En faisant confiance, on s’engage dansl’action comme s’il n’y avait que certaines possibilités dans le futur19. »Mais en optant ainsi pour ces possibilités, on prend des risques, car il n’estpas certain que ce soient les possibilités retenues qui se produisent.

Cependant, il y a plusieurs formes de confiance et seule l’une d’elles, queLuhmann appelle trust, comporte une prise de risque. Cette dernière forme sedistingue nettement, selon l’auteur, de la familiarité d’un côté, de la confiance

16. LUHMANN, 1995, p. 127-128.17. LUHMANN, 1979, p. 30.18. A. Seligman présente un argument similaire : il considère la confiance comme unphénomène moderne, lié au développement de l’individualité. En effet, l’affirmation del’individu va de pair avec l’affaiblissement de la part des rôles dans la détermination de sesactions et avec l’accroissement de la part de la liberté et du pouvoir de décider. Précisément,la confiance répond au type de risque lié à l’imprévisibilité potentielle des actions des autres,engendrée par leur pouvoir de décider (voir l’article de Seligman dans ce numéro). Mais onpourrait tout aussi bien considérer que, dans la société moderne, les interactions et lestransactions sociales se passent de plus en plus de la confiance au fur et à mesure qu’elles ontrecours à des médiations formelles : droit, règles, procédures, etc.19. LUHMANN, 1979, p. 20.

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assurée ou immédiate (confidence) de l’autre. La familiarité ignore lacontingence. Du fait de notre familiarité avec les choses, nous savonscomment elles se comportent habituellement ; nous pouvons donc nourrir desattentes stables à leur égard et inférer leur comportement futur à partir de leurcomportement passé. Dans la familiarité, le passé prévaut sur le présent et surle futur. Il n’y a pas besoin de confiance dans un monde familier, car il n’y a niignorance ni incertitude véritable concernant le futur. La confiance n’estrequise que lorsque le futur n’est pas certain et qu’il faut décider en faveur decertaines possibilités sans être sûr qu’elles se produiront effectivement.

La confiance est donc de l’ordre d’un pari. Elle est plus qu’une simpleespérance. La maman qui confie son enfant à une baby-sitter espère certesque tout se passera bien, que rien de fâcheux ne se produira. Mais elle décideaussi de confier son enfant en pariant sur la non-occurrence d’éventualitésqui, si elles se produisaient, lui feraient regretter d’avoir agi ainsi. PourLuhmann, il n’y a confiance proprement dite que si une option est prise enfaveur de certaines possibilités futures au détriment d’autres, qui pourraienttout aussi bien se produire. Celui qui a fait confiance peut donc être amené àregretter d’avoir surestimé la fiabilité ou la loyauté de la personne à laquelleil s’est fié.

Enfin, entre la familiarité et la confiance décidée, il y a une autre forme deconfiance, que Luhmann nomme confidence. Elle ne comporte pas de prisede risque, car elle ne reflète pas la contingence. Elle ne prend pas enconsidération l’éventail futur des possibilités pour l’élaguer, mais opteimmédiatement et spontanément en faveur de l’une d’elles.

Cette façon de lier étroitement confiance et risque et de spécifier laconfiance décidée par rapport à la familiarité et à la confiance immédiateest souvent tenue pour une base solide pour l’analyse sociologique de laconfiance. N’est-ce pas en effet une vérité de sens commun que nousprenons sciemment un risque lorsque nous accordons notre confiance ? Neparle-t-on pas aussi de « risquer sa confiance » ? Il reste cependant quel’identification de ce risque pose problème. D’abord, la perception derisques se fait dans une posture particulière. Si elle fait normalement partiede la planification de l’action, où diverses éventualités sont envisagées,elle est souvent aussi liée à un regard rétrospectif. Quand on regretted’avoir fait confiance à quelqu’un, c’est habituellement parce que cetteconfiance n’a pas été honorée : on regrette alors à la fois d’avoir surestimé

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la fiabilité et la loyauté du partenaire et d’avoir pris le risque de s’enremettre à lui pour certains aspects de notre avenir. Il s’agit d’un casd’évaluation rétrospective d’un jugement émis sur autrui, des circonstancesdans lesquelles on a été amené à lui faire confiance, et du typed’engagement choisi. C’est cette évaluation qui fait découvrir dans le passéd’autres possibilités de comportement. Le propre d’un regard rétrospectifest en effet de faire apparaître après coup des alternatives et des risques quine se sont pas présentés dans le feu de l’action. Le discours sur le risqueest donc souvent un discours qui consiste à définir les conditions del’action telles que les fait apparaître un regard rétrospectif. Il n’est pas dutout sûr que les choix effectués dans le feu de l’action en fonction descirconstances et du type de contrôle exercé sur la situation soientappréhendés en termes de prise de risque20.

Par ailleurs, on peut regretter d’avoir opté en faveur de certaines possibilitéset d’avoir fait l’impasse sur d’autres. Mais dans ce cas, la perception durisque est moins de l’ordre de l’évaluation de la fiabilité de la personne àlaquelle on fait confiance ou de la pertinence d’un certain typed’engagement, que de l’ordre d’un jugement sur la vraisemblance oul’invraisemblance de différentes possibilités futures. Ce qui est alors en jeudans la confiance, c’est la formation d’une probabilité subjective surl’occurrence de différentes éventualités futures. Précisément, dans la théoriede Luhmann, le pari qui est fait n’est pas tant en faveur de la fiabilité d’unepersonne qu’en faveur d’éventualités futures dépendant de soncomportement. Ce qui ramène la confiance à une estimation subjective, parcelui qui fait confiance, de la probabilité d’éventualités futures, y compris dela probabilité de l’accomplissement par le dépositaire de la confiance d’uneaction particulière que celui qui accorde sa confiance ne peut pas contrôler,dans un contexte où cette action influe sur sa propre destinée. Mais si laconfiance relève de la modulation des engagements et de la configurationdes relations sociales – elle peut comporter à ce titre une estimationsubjective de probabilités –, elle n’est pas réductible à cette estimation, quin’est qu’une opération cognitive auxiliaire21.

Dans Les conséquences de la modernité, A. Giddens a critiqué le lien étroitétabli par Luhmann entre risque et confiance, de même que sa typologie de la

20. RELIEU et QUERE, 1998.21. Pour une critique du traitement de la confiance comme une probabilité subjective, voirNOTEBOOM, op. cit.

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confiance. Trois de ses arguments méritent, à mes yeux, l’attention. Lepremier consiste à distinguer croyance en la fiabilité d’une personne etconfiance proprement dite. Croire que telle personne est fiable, loyale, dignede confiance, ou encore être sûr d’elle, est une chose, lui faire confiance en estune autre. Dans le premier cas, il s’agit d’une croyance générale portant surune disposition ; dans le second, d’un acte, d’un engagement particulier22. Lamédiation entre les deux peut aussi être assurée par une disposition. Tandisque l’engagement est lié à une occasion particulière, la disposition est uneorientation générale, dirigée vers le futur : si je sais que la personne esthabituellement loyale, responsable, « réglo », etc., je serai disposé à luiaccorder ma confiance si l’occasion se présente. Mais je ne l’accorderai de faitque dans des circonstances particulières et sur un sujet déterminé.

En deuxième lieu, Giddens souligne l’ambivalence qui caractérise lesrelations de confiance. Comme on l’a vu, la confiance n’est requise que là oùil y a ignorance : je fais confiance à mon médecin par exemple, parce que jen’y connais rien en médecine et que je sais qu’il s’y connaît ; c’est parce queje le crédite du savoir et de la compétence nécessaires pour détecter mamaladie et me soigner que je m’en remets à lui pour recouvrer la santé. Maisl’ignorance engendre aussi la prudence, voire la défiance : mon chirurgienest-il vraiment compétent et capable de réussir l’opération qu’il pensenécessaire ? Je vais sans doute chercher des garanties – me renseigner sur saréputation, confronter son diagnostic à celui d’un autre chirurgien, etc. Si jedécide de lui faire confiance, ce sera au terme d’une invalidation desdifférentes raisons de me méfier.

Le troisième argument consiste à souligner le caractère routinisé de laconfiance. S’il y a bien des circonstances dans lesquelles la confianceimplique un acte explicite d’engagement, il y en a beaucoup d’autres où ellene repose pas sur un tel acte : les attitudes de confiance sont« habituellement incorporées de manière routinière dans la continuité desactivités au jour le jour et sont, pour une large part, imposées par lescirconstances intrinsèques de la vie courante. Ainsi, la confiance est-ellemoins de l’ordre d’un “saut dans l’engagement” que d’une acceptation tacitedes circonstances dans lesquelles d’autres alternatives ne viennent même pas

22. C’est pourquoi je ne crois pas que l’on puisse dire, comme le fait R. HARRE (1999,p. 257) que « faire confiance à quelque chose, c’est croire en sa fiabilité » (« to trustsomething is to have a belief in its reliability »).

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à l’esprit23 ». Ce dernier point soulève un problème important, car il prendacte du fait que nos pratiques de la confiance ne sont pas uniformes et quedonc la conceptualisation du phénomène ne peut pas être unique.

La confiance comme attitude

Jusqu’à présent, nous avons considéré la confiance en tant que formed’engagement dans un type particulier de relation avec un tiers, dont lesdeux principales caractéristiques sont l’acceptation d’un dessaisissement auprofit d’autrui et un pari sur sa loyauté. Mais la confiance est aussi uneattitude imprégnant le comportement, plus précisément une attituded’assurance : assurance vis-à-vis de soi, des autres et du monde. Ce qui veutdire que, pour organiser son expérience, on se fie à son savoir et à sescapacités, à la bonne foi et à la loyauté d’autrui en général ou aux régularitésde comportement des choses de l’environnement. La méfiance et le soupçonsystématiques ne semblent pas être le régime normal de l’organisation del’expérience. Celui chez qui la méfiance excède les nécessités de la prudencene s’engage qu’en se donnant des garanties maximales ; il recherche uneforme de sécurité qui réduit au maximum la part du risque. Avant des’engager, il cherche à savoir avec la plus grande certitude possible où il metles pieds ; il approfondit la recherche d’informations au-delà du raisonnableet organise à l’avance un dispositif de contrôle des conséquences de sonengagement. Voulant être absolument certain de l’autre avant de s’engagerdans une relation avec lui, il n’a plus, à vrai dire, besoin de lui faireconfiance. Comme on l’a dit, celle-ci n’est en effet requise que là où il resteune part d’ignorance et d’incertitude.

Or, la confiance comme attitude n’a pas tout à fait les mêmescaractéristiques que celle comme engagement. Certes, l’attitude comporteaussi une part d’engagement, dont est corrélative une forme de vulnérabilité: l’idée de relâcher sa volonté de savoir, son besoin d’information ou sondésir de certitude et de contrôle, est inhérente au sens de l’expression « sefier à ». En ce sens, comme on l’a déjà dit, « se fier à » est plus que « fairefond sur », « compter sur », et la confiance plus qu’une attente ou plus que laposition d’une base assurée d’inférence et d’action. Par contre, il ne semblepas que dans tous les cas de confiance il y ait une composante de délégationde pouvoir à autrui pour l’obtention d’un résultat concernant le bien-être de

23. GIDDENS, 1990, p. 90.

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celui qui fait confiance, pas plus que l’engendrement d’une obligationd’honorer la confiance faite. C’est d’ailleurs pourquoi dire que l’on se fie àdes objets, à des systèmes ou à des institutions ne pose problème que si l’onse donne une conception très stricte de la confiance (ce que j’ai appelé le casparadigmatique). Lorsque j’ai posté ma lettre, je n’ai pas fait, à proprementparler, confiance aux postiers, ni à l’institution de la poste ; certes, en unsens, j’ai compté sur eux, mais mon geste de poster ma lettre ne s’est pasdoublé d’un autre geste, fut-il implicite, consistant à accorder ma confianceou à déterminer un mode d’engagement. Je peux dire néanmoins que j’ai agidans une attitude de totale confiance : je ne me suis pas spécialementinquiété du devenir de ma lettre ; je n’avais pas de raison de craindre qu’ellesoit perdue, ni de supposer qu’elle pourrait l’être. C’est une éventualité quine m’est même pas venue à l’esprit. Bref, l’attitude de méfiance n’avaitaucune pertinence.

Cette assurance tranquille qui a imprégné mon action est bien un type deconfiance. Comment la définir ? Peut-être comme une attitude généraled’adhésion, proche de ce que la phénoménologie appelle la foi dans lemonde : une sorte d’adhésion première, tacite, « une adhésion qui se sait au-delà des preuves », mais qui n’est pas à proprement parler de l’ordre d’unsavoir (qui normalement est propositionnel), une adhésion qui n’est quel’envers d’une absence de pertinence de la méfiance. Une telle adhésionpremière n’est cependant pas incompatible avec l’exercice de la défiance,tout simplement parce que, comme le doute (pour douter il faut pouvoir tenircertaines choses pour certaines), la défiance ne peut pas être générale :lorsque l’on se méfie explicitement d’une chose quelconque, on se fieimplicitement à d’autres. Ainsi, dans une interaction, je peux n’accorderaucun crédit aux paroles de l’autre et me méfier de lui, il n’empêche que, surun autre plan, je me fie à lui et dois le faire : en particulier, je compte (sansque cela représente un acte spécifique) sur sa bonne volonté et sacoopération pour maintenir ouverte l’interaction, pour contribuer auxopérations dont dépend sa progression, pour endosser les rôles qu’impose lastructure de l’activité actualisée (voir en ce sens l’article d’E. Gonzalez-Martinez dans ce numéro).

Giddens a souligné, contre Luhmann, non seulement l’incorporationroutinière des attitudes de confiance dans les activités de la vie quotidienne,mais aussi leur engendrement par les circonstances de ces activités – de cepoint de vue elles ne font pas à proprement parler l’objet d’un choix. La

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question n’est pas seulement que, confrontés aux circonstances pratiques,nous n’envisageons pas la plupart du temps des alternatives possibles, pasplus que nous n’optons en faveur de certaines éventualités futures plutôt qued’autres – comme on l’a vu, souvent ce n’est qu’après coup, une fois l’actionterminée, que nous découvrons les différentes possibilités qui s’offraient ànous – ; elle est aussi que nous savons nous débrouiller, et pouvoir nousdébrouiller, avec ce que nous avons sous la main, en particulier avec lescirconstances telles qu’elles se présentent effectivement, c’est-à-diresingulières et en constant changement ; nous les acceptons avec leur halod’opacité et d’indexicalité, de flou et de vague, d’incertitude etd’indétermination, sans éprouver la moindre inquiétude ; nous ne cherchonsmême pas à réduire ce halo – ce qui serait d’ailleurs tout bonnementimpossible –, tout simplement parce qu’il ne fait nullement obstacle àl’action telle que nous savons la gérer en situation. En ce sens, l’assurancetranquille avec laquelle nous faisons face à la plupart des situationsordinaires est une assurance engendrée par l’évaluation tacite descirconstances, qui décide de la pertinence de telle ou telle attitude (de laméfiance active à la confiance passive).

Elle est aussi engendrée par l’accord, garanti d’avance, entre, d’un côté, lescirconstances, ou les conditions de l’environnement, de l’autre, nos capacités,nos habiletés et nos habitudes. On peut expliquer en partie cette assuranced’abord par le fait que l’environnement fournit beaucoup plus d’informationspertinentes pour l’action qu’on ne le suppose d’habitude, en particulier dansles théories du choix rationnel ensuite par le type de confiance procuré par lapossession de capacités, de savoir-faire, d’habiletés et d’habitudes (celles-ci nese réduisent pas aux routines). Les possibilités d’action sont en effet souventindiquées par l’environnement lui-même, en particulier à travers lesaffordances que nous présentent les objets, les situations et le comportementd’autrui. Mais elles sont toujours fonction de nos capacités et de noshabitudes. Réciproquement, celles-ci incorporent les conditions et lesrégularités de l’environnement ; elles ne sont pas simplement ajustées àl’environnement, accordées à ses régularités et à ses contraintes ; elles lestructurent et l’utilisent aussi. Enfin, l’environnement n’est pas simplement unmilieu dans lequel nous agissons ; il prend lui-même en charge une part desopérations nécessaires à l’organisation de l’action.

Bref, l’assurance tranquille avec laquelle nous nous livrons à la plupart denos activités courantes semble ancrée dans une sorte d’attunement des

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capacités et des habitudes aux régularités de l’environnement, en mêmetemps que dans l’assurance d’un pouvoir faire donnée par la possession decapacités, d’habitudes et d’habiletés. Mais il reste que cette idéed’attunement, qui est une sorte d’axiome avancé par Gibson et repris, entreautres, par la « sémantique des situations24 », demande à être clarifiée :quel en est le mécanisme ? Quel travail cognitif implique-t-il ? Laconfiance peut précisément constituer un cas permettant de répondreempiriquement à ces questions.

Les sources de la confiance

La réponse précédente n’est cependant pas suffisante, quelle que soitl’importance de ces différents paramètres. Il existe en effet des formationssociales où ce genre d’assurance tranquille n’est pas possible, en particulierdans les relations avec les inconnus : les gens ne peuvent pas se fier les unsaux autres et refusent de le faire parce que les bases de la confiancen’existent pas, ou qu’ils s’attendent à ce que la confiance qu’ils donnent seretourne contre eux et leur porte préjudice. Règnent alors le soupçon et ladéfiance mutuels. Ce phénomène a souvent été relevé dans les pays à régimetotalitaire ou dans des périodes de terreur politique, d’occupation, etc. Ilsemble donc que la possibilité d’une confiance réciproque dépende aussi durégime politique existant et plus largement du type d’institutions que sedonne une société. C’est d’ailleurs un constat qui a souvent été établi par lathéorie politique. Une des thèses centrales de T. Hobbes n’était-elle pas quela confiance que peuvent se témoigner les citoyens d’un pays résulte de sesinstitutions politiques et de sa forme de gouvernement ?

La question à se poser n’est plus alors : en quoi consiste la confiance ?, maisquelles sont les sources d’une confiance réciproque généralisée ? Nombre dethéories sociologiques ont expliqué pourquoi la confiance était nécessairedans les sociétés modernes et comment elle rendait possible la coopérationsociale. Mais elles ont été moins loquaces sur ses sources. Comment puis-jeen effet adopter une attitude de confiance à l’égard de quelqu’un dont je nesais rien, sauf qu’il habite le même pays que moi, voire la même région, ouencore lui accorder ma confiance sur une affaire particulière ? Qu’est-ce quime permet d’adopter une telle attitude plutôt que de nourrir une méfiancesystématique ?

24. Voir QUERE, 1999.

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Nous avons déjà rencontré en passant deux sources importantes de laconfiance. L’une est l’expérience, l’autre l’appartenance catégorielle. Dansla première, l’expérience instruit sur les traits de caractère et le moderégulier de comportement d’un certain nombre de personnes. Elle permetdonc de former des attentes quant aux conduites futures et de procéder à desestimations sur les chances qu’une éventuelle confiance soit honorée. Laseconde consiste à régler l’accord de la confiance sur une connaissance despropriétés généralement attribuées aux membres d’un groupe ou d’unecatégorie donnée, ou sur celle des valeurs et des normes réputées régler leurscomportements.

Ces deux sources de la confiance sont cependant peu opératoires dans unesociété d’anonymes. Pourtant, la confiance n’en disparaît pas. Au contraire,elle tend à se généraliser. Sur quelle base ? Une réponse possible consiste àchercher, dans le sillage de Hobbes, la source de cette confiance généraliséedu côté des institutions. Mais comment les institutions produisent-elles de laconfiance ? Faut-il pour cela qu’elles soient elles-mêmes objets deconfiance ? Pour répondre à ces questions, je partirai d’un argument deC. Offe sur la « fonction de formation des institutions25 ». Après l’avoirprésenté et discuté, j’examinerai si l’on peut l’étendre aux institutions de lavie sociale en général.

Offe propose l’explication suivante du mécanisme par lequel les institutionsgénèrent ou facilitent la confiance entre des anonymes : vivant sous lesmêmes institutions, les membres d’une collectivité sont imprégnés des« idées normatives » qu’elles incorporent ; ils y adhèrent, s’engagent en leurfaveur et s’obligent à s’y conformer ; chacun tend donc à compter surl’adhésion des autres, même s’il ne les connaît pas, à ces mêmes idées et surleur engagement en leur faveur ; cet attachement commun aux mêmessignifications normatives fait ainsi de chacun un partenaire potentiel dignede confiance. « Nous faisons confiance à nos concitoyens du fait que nouspartageons un même espace institutionnel qui a un sens pour tous, un senssuffisamment fort pour faire de mes concitoyens, qui dans leur très grandemajorité, sont des “étrangers” pour moi, des personnes dignes de confiance,parce que je peux anticiper qu’ils sont sensibles à ce sens. En dernier ressort,c’est cette signification des institutions qui abaisse à un niveau tolérable lerisque d’accorder sa confiance à tort26. » 25. OFFE, 1999.26. Ibid., p. 71.

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Ce qui est décisif dans ce mécanisme, c’est l’adhésion de tous à l’esprit desinstitutions (au sens d’« esprit des lois », chez Montesquieu) et leurengagement en leur faveur. Les institutions incorporent en effet des« significations normatives », qui sont les valeurs et les référencesnormatives justifiant leurs règles et leur donnant leur sens. L’adhésion etl’engagement des citoyens seront d’autant plus forts que ces significationsseront plus intelligibles et plus appréciées, et les institutions elles-mêmesmieux conçues. Seules donc « des institutions de qualité » sont de réellessources de confiance. Mais à quoi se juge la « qualité substantielle » d’unordre institutionnel ? Non seulement à l’intelligibilité de son esprit, ou àl’évidence de son idée directrice, mais aussi à sa « plausibilité » et à sa forcemorales, et à la consistance de ses prétentions normatives. « Les institutionssont dotées d’un esprit, d’un ethos, d’une théorie morale implicite, d’uneidée directrice ; elles incorporent une conception de la manière préférée devivre en communauté. Ma thèse est que c’est cette signification normativeimplicite des institutions, et la plausibilité morale que je suppose qu’elle aurapour les autres, qui me permet de faire confiance à ceux qui sont impliquésdans les mêmes institutions27. » Mieux les institutions se fondentdiscursivement, c’est-à-dire explicitent et justifient leur idée directrice, pluselles ont de chances de faire sens et de susciter l’engagement de tous en leurfaveur, et donc d’engendrer de la confiance, à la fois en elles et entre lescitoyens : « Les institutions sont capables de se fonder discursivement sielles explicitent les raisons pour lesquelles elles méritent d’être réellementrespectées et leurs règles appliquées. » D’un autre côté, les institutionsfacilitent la confiance en prescrivant des obligations et en garantissantformellement des droits, ce qui abaisse les risques pris en faisant confiance.

Mais n’y a-t-il pas un cercle vicieux dans le raisonnement, dès lors qu’ilpose que les institutions n’engendrent une confiance généralisée que pourautant qu’on leur fait confiance ? On leur fait confiance pour autant qu’ellesapparaissent dignes de confiance, ce qui dépend du pouvoir de conviction etde motivation de l’argumentation qui les justifie. En fait, répond Offe, lesdeux types de confiance sont différents : faire confiance à une institutionn’est pas du même ordre que faire confiance à une personne. Au sens strict,les seules entités auxquelles on peut accorder sa confiance sont lespersonnes. Or, les institutions sont des systèmes de règles, pas despersonnes. On peut néanmoins accepter l’idée que l’on fait confiance à une

27. Ibid., p. 70.

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institution, au sens où l’on s’en remet à sa médiation pour assurer son proprebien-être. Offe accentue la dimension cognitive de cette confiance : pour lui,en effet, faire confiance à une institution signifie connaître son esprit ou sonidée directrice et reconnaître sa validité ; cela signifie aussi « tirer de cettereconnaissance la supposition que cette idée fait suffisamment sens pour ungrand nombre de gens pour motiver leur soutien actif à l’institution etl’obéissance à ses règles ». C’est cette supposition qui est à la base de laconfiance entre anonymes. On peut cependant se demander s’il s’agitsimplement d’une supposition, ou si l’attribution à autrui d’un engagementen faveur de l’ordre institutionnel similaire au mien ne relève pas déjà de laconfiance : en effet, je me fie à son adhésion aux significations et aux règlesauxquelles j’adhère moi-même.

Un tel argument me paraît assez proche de celui que développe Habermas.L’un et l’autre prennent comme critères de la fiabilité ou de la crédibilitéd’une institution l’intelligibilité et la plausibilité de sa justification, enparticulier la capacité de la justification discursive de ses prétentionsnormatives à résister à la critique rationnelle. L’un et l’autre placentl’intersubjectivité à la base de la confiance. La confiance réciproque devientalors essentiellement une conjecture sur la rationalité d’autrui, donc quelquechose de l’ordre du « principe de charité » (Davidson) : je fais confiance àl’autre pour autant que je le crédite d’une reconnaissance identique à lamienne du bien-fondé des prétentions normatives de l’institution ; au fond, jesuppose qu’il est convaincu, comme moi, par le discours de fondationrationnelle que l’institution tient sur elle-même et qu’il s’engage, commemoi, en faveur de cette institution pour cette raison.

Le problème est que nous n’avons pas la moindre idée de la façon dont unegrande partie des institutions de la vie sociale sont justifiées, et pourtant nousnous engageons en leur faveur – tout simplement parce qu’elles font sens,sans que ce sens ait à être explicité discursivement et sans que leursprétentions normatives aient à être validées par une argumentationrationnelle. L’explication de Offe comme celle de Habermas appartiennent àune famille de théories sociales qui, comme l’ont soutenu des auteurs telsque C. Castoriadis ou V. Descombes, tendent à « éliminer le fait de la viesociale28 », c’est-à-dire font dépendre l’intégration de la société desperformances des individus, en particulier de leurs discussions et

28. DESCOMBES, 1999, p. 48.

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délibérations collectives, au lieu de la rapporter, comme le fait uneperspective plus durkheimienne, à une intégration intellectuelle et morale parles systèmes conceptuels, les idéaux moraux et les valeurs d’embléeincorporés aux institutions et aux pratiques sociales.

Cette critique n’invalide pas cependant l’explication que Offe propose dumécanisme d’engendrement de la confiance par les institutions, et dont lesprincipaux ingrédients sont : une évaluation de la plausibilité morale del’ordre institutionnel ; des attributions réciproques d’engagements analoguesen faveur de cet ordre ; l’établissement de la confiance à travers la validationde ces attributions. Mais j’aimerais donner une tournure plus durkheimienneà cette explication. Pour cela, je reprendrai un argument de Garfinkel dansles Studies in Ethnomethodology29.

Cet argument est que la confiance réciproque que peuvent s’accorder lesmembres anonymes d’une collectivité procède du fait qu’ils se fient les unsaux autres pour connaître les « faits naturels de la vie en société en tant quemoralité » et y souscrire et qu’ils peuvent tester la pertinence et la validité decette confiance dans le cours même de l’action en train de s’accomplir. Cetteconfiance est essentielle, car d’elle dépend la possibilité d’interpréterpareillement les circonstances et les événements, et de leur attribuer des« valeurs de normalité » – ces faits naturels de la vie et les attentes lesconcernant servent en effet de schèmes partagés d’interprétation. Dans cettedynamique, l’ordre institutionnel suscite l’adhésion et l’engagement parcequ’il est considéré comme moralement justifié – il n’est pas seulementcontraignant, il apparaît aussi désirable – et comme objectif, i.e. commeindépendant de la volonté et du point de vue de quiconque. Ainsi, pourprendre un exemple étudié par Garfinkel, la division de la population endeux sexes est, du point de vue du sens commun, un « fait naturel de la vie »,donc un ordre légitime, une réalité morale qui suscite croyance etengagement : « La présence dans l’environnement d’objets d’un sexe oud’un autre a pour caractéristique d’être un “fait naturel de la vie”. Fait partiedu sens de cette naturalité l’idée qu’il est juste et correct, c’est-à-diremoralement bien, qu’il en soit ainsi. (…) La bonne société, du point de vue 29. GARFINKEL (1963) a consacré un article à la confiance au début des années 1960 : « Aconception of and experiments with trust as a condition of stable concerted actions ». Il refaitallusion au thème dans le chapitre 2 des Studies. La définition qu’il propose dans une note (p. 51)est quelque peu énigmatique : « Le terme “confiance” est utilisé ici pour faire référence au faitqu’une personne se conforme aux attentes de l’attitude de la vie quotidienne en tant quemoralité ». Voir aussi à ce sujet le chapitre 2 du livre d’A. Ogien, Sociologie de la déviance, 1999.

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du sens commun, n’est composée que de personnes appartenant à un sexe oul’autre. C’est pourquoi, celui qui se comporte en membre de bonne foi de lasociété, c’est-à-dire qui souscrit aux croyances et aux engagements de toutun chacun au sujet des “faits naturels de la vie” concernant la distributiondes personnes sexuées dans la société, et qui attend des autres qu’ils enfassent de même, trouvera étranges les affirmations de sciences telles que lazoologie, la biologie et la psychiatrie, qui considèrent comme problématiquetoute décision concernant l’appartenance sexuelle30 ».

Par ailleurs, l’acte de souscrire aux « fait naturels de la vie », considéréscomme une réalité objective – c’est-à-dire de se régler sur ce que tout unchacun comme nous est supposé savoir (d’un savoir de sens commun) de lavie en société, croire légitimement à ce sujet, adopter comme règles etobligations, prendre comme définition du monde et de la situation, oucomme cadres normatifs de référence – n’est pas laissé au bon vouloir desindividus, mais régulé normativement : il est l’objet d’une attente normativedes autres et revêt un caractère moral (au sens où il est moralement bon de lefaire, mauvais de ne pas le faire). Tout laisse en effet à penser que les gensattendent normativement les uns des autres qu’ils honorent les « attentesd’arrière-plan constitutives des attitudes de la vie quotidienne », et qu’ilsconsidèrent leur engagement en faveur de ces attentes non seulement commenormal, mais aussi comme moralement bon.

La confiance réciproque est en quelque sorte le résultat du remplissement de cesattentes, ou plus exactement de leur non-déception. En effet, celui qui se prêteau jeu apparaît comme un membre de bonne foi, doté du sens commun, i.e.comme partageant les mêmes croyances et les mêmes engagements légitimesque tout un chacun, et à ce titre digne de confiance. Par contre, celui qui déçoitces attentes, ou fait obstacle à leur mise en œuvre, manifeste de la défiance (c’estce que faisait Garfinkel dans ses breaching experiments) ; il témoigne de saméconnaissance ou de son mépris des « faits naturels de la vie », de leurconnotation morale et de la manière dont tout un chacun est supposé s’y référer ;bref, il manifeste qu’il « n’a pas le sens commun » ou qu’il ne se règle pas surlui. Il pourra être suspecté d’être fou, incompétent, immoral, déviant oucriminel ; il sera de toute façon difficile de lui faire confiance : « D’un point devue organisationnel, non seulement on ne fait pas confiance à ceux qui n’ont pasle sens commun, mais eux-mêmes ne font pas confiance. Il faut donc concevoira priori celui auquel on fait confiance et qui fait confiance comme un individu 30. GARFINKEL, 1967, p. 123.

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qui gère les écarts aux attributs de l’attitude naturelle de telle sorte qu’il parvientà maintenir le sentiment qui les respecte31. »

On retrouve dans cet argument le même caractère circulaire que dansl’argument précédent : la confiance générée par les institutions suppose déjàquelque chose comme une confiance préalable. Mais cette fois, cette confiancepréalable est considérée comme une composante déjà donnée de la vie sociale.Elle consiste, d’un côté, en une adhésion immédiate aux institutions de la viesociale, en un engagement tacite en leur faveur, de l’autre, en un crédit,immédiatement accordé à tout un chacun, mais révisable, de partage du senscommun : je me fie spontanément à autrui dans un domaine particulier, celuides « attentes d’arrière-plan constitutives des attitudes de la vie quotidienne »,en ce sens que je compte implicitement sur lui pour connaître les « faitsnaturels de la vie en société », y souscrire et les prendre comme based’inférence et d’action ; bref, je le crédite d’une adhésion à l’ordreinstitutionnel. Celui-ci n’est ainsi source de confiance que de façon indirecte : ilne l’est que s’il y a un engagement moral en sa faveur de la part des membresde la communauté et que si cet engagement est supposé partagé. Offe ne ditsans doute pas autre chose. Ce qu’il ne prend cependant pas en considération,c’est que cette adhésion et cet engagement sont toujours déjà des constituantsde la vie sociale, parce qu’ils sont inhérents aux « jeux de langage » et à la« forme de vie » propres à une société ; ils ne sont donc pas, pour l’essentiel, àla discrétion des individus ; et ils précèdent toute discussion intersubjectivevisant à fonder en raison les prétentions normatives des institutions.

C’est un point sur lequel quelqu’un comme Wittgenstein a beaucoup insisté :nos attitudes de base ne sont pas entièrement à notre disposition. Elles sontune composante de la « forme de vie » qui structure nos identités et nosactivités. Ce qui revient à incorporer l’adhésion aux institutions et auxpratiques instituées, et l’engagement en leur faveur, dans l’ordreinstitutionnel lui-même. Ceci est, à coup sûr, une chose relativement difficileà penser pour nos esprits habitués à en faire des objets de décisionindividuelle. Pour bien en rendre compte, il conviendrait cependant d’établirdes différences dans l’ordre institutionnel lui-même, entre autres dedistinguer les institutions de base de la vie sociale (i.e. nos manières régléesde faire, de parler et de penser les plus ordinaires) et les institutions créées etgérées par l’activité instituante par excellence qu’est l’action politique.

31. GARFINKEL, 1963, p. 238.

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