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DOCUMENT FINAL La survie des microorganismes d’origine fécale dans les effluents et les sols Eléments de cadrage bibliographique Etude réalisée dans le cadre du projet CasDAR Territ’Eau Givord L et Dorioz JM INRA THONON UMR CARRTEL Décembre 2010

La survie des microorganismes d’origine fécale dans … · En conséquence, les maladies d’origine hydrique restent ... c’est-à-dire par ingestion directe de pathogènes avec

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DOCUMENT FINAL  

La survie des microorganismes d’origine fécale dans les effluents et les sols

Eléments de cadrage bibliographique

Etude réalisée dans le cadre du projet CasDAR Territ’Eau

Givord L et Dorioz JM

INRA THONON UMR CARRTEL

Décembre 2010

 

LA SURVIE DES MICROORGANISMES D’ORIGINE FÉCALE : DES EFFLUENTS AUX SOLS

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Sommaire

1. Introduction ........................................................................................................................ 4

2. Objectifs ............................................................................................................................. 5

3.  Risques de contamination fécale et son évaluation .................................................... 6 

4. Facteurs de variation de la survie des microorganismes fécaux .................................... 10

4.1.  Facteurs de variation de survie dans les effluents .................................................... 10 

4.2.  Facteurs de variation de survie sur la végétation et à la surface du sol .................... 12 

4.3.  Facteurs de variation de survie dans le sol ............................................................... 14 

4. Conclusion ........................................................................................................................ 18

Bibliographie ........................................................................................................................... 19

Annexes………………………………………………………………………………………23

LA SURVIE DES MICROORGANISMES D’ORIGINE FÉCALE : DES EFFLUENTS AUX SOLS

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Liste des illustrations

Tableau 1: Caractéristiques d'un indicateur de contamination fécale idéal .......................................... 7

Tableau 2: Organismes indicateurs couramment utilisés ....................................................................... 8

Tableau 3: Concentration de bactéries fécales dans les féces et les effluents agricoles ...................... 10

LA SURVIE DES MICROORGANISMES D’ORIGINE FÉCALE : DES EFFLUENTS AUX SOLS

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1. Introduction

C’est à partir de fin XIX ème début du XXème siècle que l’existence d’une relation entre certaines maladies (choléra, fièvres typhoïdes et paratyphoïdes) et contamination des eaux

L’origine hydrique de certaines épidémies graves est à l’origine du développent l’assainissement et du traitement des eaux (usées et de distribution). En complément à cette approche préventive, des moyens de contrôles sont également mis en place. Ainsi, le contrôle de la qualité microbiologique de l’eau de boisson est rendu obligatoire dès 1900, en France. L’objectif global de toutes ces mesures est de limiter les risques épidémiologiques.

Cent années plus tard la contamination fécale des eaux reste un problème qui se pose à l’échelle mondiale. Les systèmes d’assainissement et de traitement de l’eau potable sont courants et globalement efficaces dans les pays riches mais limités ou inexistants dans les pays en voie de développement. En conséquence, les maladies d’origine hydrique restent l’une des premières causes de mortalité infantile dans les pays en développement.

Même si l’enjeu n’est pas aussi crucial dans les pays occidentaux, la contamination microbiologique des eaux fait périodiquement parler d’elle et chaque année de nombreux cas de maladies provoqués par des microorganismes pathogènes liés aux matières fécales humaines ou animales, sont recensés. L’agriculture est souvent incriminée. En effet, les surfaces agricoles reçoivent de grandes quantités de fertilisants issus de déjections, engrais de fermes (fumiers, lisiers, composts) mais aussi boues résiduaires des stations d’épuration (cet épandage est un service rendu à la collectivité). Tous ces effluents contiennent peuvent contenir des microorganismes potentiellement pathogènes pour l’homme mais aussi pour les animaux d’élevage, qui sont ainsi dispersés dans l’environnement, vers les eaux et notamment vers les eaux captées pour l’AEP. Les traitements de potabilisation étant d’autant plus faciles et efficaces que la contamination initiale est faible, il importe de diminuer risque de contamination en amont du système de traitement des eaux et plus généralement en amont des points d’usages critiques (usages récréatifs, piscicoles ou autres élevages aquatiques inclus). En amont signifie concrètement dans le bassin versant correspondant qui reste l’unité spatiale de référence du problème.

L’hypothèse générale qui sous tend ce travail et le projet dans lequel il est inclus, est que des pratiques agricoles adéquates peuvent permettre d’abaisser significativement la dispersion et les transferts vers les eaux d’une charge microbienne 1 pathogènes provenant des activités agricoles.

2. Objectifs

1 Charge microbienne = charge contaminante = teneur moyenne en agents pathogènes 

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Les microorganismes qui peuvent causer des pathologies plus ou moins graves appartiennent principalement aux bactéries, virus, champignons, protozoaires et helminthes. La transmission de ces microorganismes, à l’homme et au bétail, peut s’effectuer par le biais de plusieurs voies de contamination : contact, ingestion et inhalation (VANSTEELANT, 2004). Pour l’ingestion il s’agit de contamination de type orofécale2. Ce type de contamination peut-être soit direct, c’est-à-dire par ingestion directe de pathogènes avec les aliments souillés (animaux sauvages et domestiques), soit indirect, après contamination des eaux de consommation (animaux et hommes). C’est cette dernière voie de contamination qui nous occupe, notre objectif général étant d’apporter des références bibliographiques sur les mécanismes de la contamination des eaux à partir des activités agricoles, pâturage et épandages d’engrais de ferme ou d’effluents.

Dans ce cadre, notre propos se limite à la mise en évidence et caractérisation des facteurs influençant la survie et le transfert vers les eaux des microorganismes fécaux et de certains microorganismes pathogènes associés, depuis leur émission jusqu’à leur arrivée dans l’eau. Les facteurs pilotant le devenir des micro-organismes fécaux dans les écosystèmes aquatiques ne seront pas abordés ici. La « chaîne de contamination » à analyser est donc constituée par les éléments suivants :

Elevage –>stockages –>effluents –>(Epandages) végétation –> sol –> (Transferts) eaux

Toutes les questions liées au risque sanitaire à proprement dit, ne seront pas traitées en profondeur (détermination de la pathogénicité, probabilité d’exposition de population cible, probabilité d’infection après exposition, …). Cependant, un minimum d’information sur ce thème est nécessaire pour une bonne compréhension des indicateurs.

2 Contamination de type orofécal : contamination d’un individu par ingestion de produits souillés par des matières fécales (ADEME ET

FACULTÉ DE PHARMACIE DE NANCY, 1999) 

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3. Risques de contamination fécale et son évaluation

3.1 Evaluation des risques

Suivant une approche sanitaire, la démarche d’évaluation des risques de contamination comprend quatre étapes (d’après DEMILLAC R. & LEGEAS M., 1994 in TURONNET, 1999 et DEGLIN, 2002).

1. Identification des risques

Dresser une liste des dangers liés à un agent pathogène, c’est-à-dire déterminer sa pathogénicité (on distingue les microorganismes pathogènes stricts et les pathogènes dits opportunistes. L’infection par un pathogène strict n’est pas toujours synonyme de maladie. Les pathogènes opportunistes sont quant à eux des microorganismes commensaux ou saprophytes, profitant d’un affaiblissement des défenses de l’hôte pour provoquer une maladie).

2. Estimation des probabilités d’expression des dangers

Rechercher les relations Dose-Réponse appropriées, donc déterminer la probabilité d’infection après l’exposition à un organisme donné ; dans cette étape, intervient la notion de Dose Minimale Infectante (DMI=. dose seuil en deçà duquel le processus pathologique n’est pas enclenché)

3. Estimation des expositions aux dangers au sein des populations considérées

Détermination et évaluation des groupes d’exposition aux agents pathogènes dont il faut pouvoir appréhender les modalités de survie et de transferts dans l’environnement.

4. Caractérisation du risque - étape de synthèse

Estimation de l’excès de risque lié à la présence d’agents pathogènes, c’est-à-dire le supplément de morbidité et de mortalité à attendre. Détermination d’un seuil d’acceptabilité du risque, en référence à d’autres risques présents dans l’environnement.

Afin de compléter ce processus d’évaluation des risques, il est essentiel de rappeler l’importance de la charge contaminante d’un effluent, c’est-à-dire sa teneur moyenne en agent pathogène.

3.2 Notion d’indicateur de contamination fécale

L’évaluation pratique de la qualité microbiologique des eaux se fait sur la base du concept d’organismes dits « indicateurs » (GARCIA-ARMISEN, 2005) choix qui résulte des difficultés ou impossibilité technique de détecter toute la diversité des microorganismes à transmission orofécale pathogènes pour les animaux et/ou l’homme (des dizaines d’espèces, centaines de souches..). Il n’existe d’ailleurs pas de méthode standardisée et rapide permettant une

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détection exhaustive pour l’instant. En outre la faible abondance absolue de chaque espèce ajoute aux difficultés de détection.

Les indicateurs de contamination fécale sont des germes témoins ou traceurs d’une contamination fécale (GTCF). Leur abondance révèle le contact avec une source de contamination fécale et donc la présence possible d’un agent pathogène associé aux matières fécales. Ils sont considérés comme de bons indicateur estimer l’effet d’un traitement sur la flore fécale (Côté, 2003).

Les organismes choisis comme « indicateurs » remplissent, entre autres, les deux critères suivants (VANSTEELANT , 2004),:

1. leur densité dans les effluents est corrélée à celle de certains pathogènes

2. leur résistance est globalement équivalente à celle de certains pathogènes

Propriétés Caractéristiques des indicateurs

Pathogénicité Pas pathogène

Occurrence Présent et absent en même temps que les pathogènes

Survie Taux de survie similaire à celui des pathogènes

Reproduction Ne se reproduit pas dans les eaux naturelles

Inactivation Inactivé par les différents traitements comme les pathogènes

Source La seule source dans les eaux naturelles est la contamination fécale

Coût Méthodes de détection bon marché, rapides et faciles à mettre en œuvre.

Tableau 1: Caractéristiques d'un indicateur de contamination fécale idéal (Rose et al. 2004 in Garcia-Armisen, 2005)

A partir de ces critères, différents groupes de bactéries fécales ont été sélectionné. Dans l’application concrète, le choix des organismes indicateurs varie selon les pays et la juridiction. Malgré des spécificités nationales, certains indicateurs sont communément utilisés. Les plus fréquents sont présentés dans le tableau 2 ci-dessous.

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Groupe, Famille

Caractéristiques Avantages Limites Références

Coliformes totaux (CT)

Certaines espèces ne sont pas spécifiques à la flore intestinale des animaux à sang chaud, mais d’origine tellurique ou aquatique

Vansteelant (2004), Garcia-Armisen (2005) Baleux & Troussellier, (1989 ) Lemarchand et al., 2004 ); Tallon et al., 2005 in Garcia-Armisen, (2005)

Coliformes fécaux ou thermotolérants (CF)

Sous-groupe des CT capables de se développer à 44°C. Escherichia coli, Klebsiella, Enterobacter, Citrobacter

Les CF sont considérés comme plus appropriés que les CT afin de révéler des contaminations fécales)

Certaines espèces peuvent être présentes dans l’eau sans qu’il y ait forcément contamination fécale

Vansteelant (2004), Trévisan & Dorioz (1999), Garcia-Armisen (2005) Baudizsova, 1997 ; McLellan et al., 2001 ; Gauthier & Archibald, (2001) in Garcia-Armisen, (2005)

Entérocoques fécaux (EF) ou entérocoques intestinaux

Ce groupe est considéré comme un bon indicateur spécifique de la contamination fécale)

Les EF sont plus résistants au traitement des eaux usées et plus persistants dans l’environnement que les coliformes avantageux lorsque l’on cherche à identifier un contamination fécale ancienne. Ubiquité dans l’eau

Existe des réservoirs dans la nature

Vansteelant (2004), Garcia-Armisen (2005), Egli et al. (2002) Toranzos et al., (2002 ); Cabelli et al., (1982) in Garcia- Armisen, (2005) ;

Escherichia E. coli est Facile à compter Certaines études Garcia-

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coli considérée comme le meilleur indicateur d’une contamination récente du milieu aquatique par du matériel fécal humain ou d’animaux à sang chaud

montrent qu’en milieu tropicaux des souches d’E. coli sont susceptible de faire partie de la flore autochtone des rivières. Même résultat en sols d’alpages. Moins résistant que certains pathogènes

Armisen (2005) ; Egli et al. (2002) Carrillo et al., 1985 ; Rivera et al., 1988 ; Bermudez & Hazen (1988) ; Edberg et al., 2000 in Garcia-Armisen, (2005) Texier et al (2008)

Clostridium perfringens

Résistant dans la nature et à la désinfection

Difficile à cultiver car demande des techniques anaérobies

Egli et al. (2002)

Coliphages (virus parasites de bactéries coliformes)

Eventuellement comme modèle pour les entérovirus

Non résistant dans la nature

Vansteelant (2004), Egli et al. (2002)

Tableau 2: Organismes indicateurs couramment utilisés

En complément, il convient de prendre en compte les faits suivants

-Selon IFREMER (1990), des virus fécaux sont décelés dans des milieux marins conchylicoles en l’absence d’organismes indicateurs.

-Certains agents pathogènes comme les helminthes ont des capacités de résistance et de durées de survie très largement supérieures aux germes témoins de contamination fécale (Vansteelant, 2004).

-La présence de E coli, traceurs de contamination fécale, est bien indicatrice de la présence des salmonelles ; par contre, leur absence n’est pas synonyme d’absence des Salmonelles.

-D’après Egli et Füchslin (2005), la détection d’E. coli et des entérocoques ainsi que la détermination du nombre total de germes (norme suisse pour le contrôle de la qualité microbiologique des eaux potables) ne permet pas révéler la présence de certains agents pathogènes résistants comme les cryptosporidies (sous forme de latence - oocystes).

Au total, l’usage d’indicateur a des limites : les faux négatifs, l’absence d’indicateurs de contamination fécale ne permet pas de conclure catégoriquement à l’absence de risques de contamination ; la réciproque est probablement moins vraie mais surtout moins grave.

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Encadré 1 : E coli (d’après Vernozy et al 2003et Texier , 2008 )

-Les coliformes fécaux ou thermo tolérants correspondent à un sous-groupe des coliformes capables de fermenter le lactose à 44°C. Ce groupe bactérien comprend certaines espèces des genres Citrobacter, Enterobacter, et Klebsiella ainsi que l’espèce E. coli qui représente 80 à 90 % des coliformes thermo tolérants généralement détectés dans l’eau. Bien que la présence de coliformes fécaux témoigne la plupart du temps de la présence de contamination fécale, tous les coliformes fécaux ne sont pas d'origine fécale. E. coli est considérée classiquement comme l’une des rares espèces de ce groupe, présente de façon spécifique dans le tractus intestinal des animaux à sang chaud, fortement excrétée dans les matières fécales (environ 107 par gramme de matière sèche chez les bovins) et semblant ne survivre que de façon transitoire dans l’environnement. Ces caractéristiques font d’E. coli un indicateur idéal de contamination fécale. Il est de fait classiquement utilisé pour le contrôle de la qualité microbiologique de l’eau (norme AFNOR NF T 90-414) et des aliments. 3

-Différentes études mettent en évidence la structure complexe des populations d’E. coli dans les matières fécales et dans l’environnement. La structure génétique des populations d’E. coli varie en fonction de l’espèce animale hôte, de son âge, de son régime alimentaire ou de son origine géographique. L’introduction de matières fécales dans le sol ou l’eau peut conduire à la sélection de certaines sous-populations d’E. coli adaptées à la croissance dans des milieux plus oligotrophes que les matières fécales

-Si la majorité des souches d’E. coli sont commensales, certaines sont à l’origine de diverses pathologies intestinales et extra-intestinales . Les E. coli pathogènes sont considérés comme responsables de toxi-infections alimentaires. E. coli O157 : H7 est le principal sérotype à l’origine de pathologies chez l’homme. Les bovins sont porteurs sains en STEC avec des prévalences pouvant être supérieures à 70 % des animaux testés. Depuis ces 10 dernières années, l’environnement est de plus en plus incriminé dans les épidémies à E coli pathogènes. Les épidémies d’origine hydrique sont généralement associées à la consommation d’eau de boisson (provenant de puits, de sources privées ou de réseaux de distribution d’eau non traitée) ou à l’ingestion accidentelle d’eau lors de baignades (dans des étendues d’eau naturelle en raison de la sensibilité d’E. coli à la chloration).

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4 Facteurs de variation de la survie des microorganismes fécaux

Les microorganismes fécaux, qu’ils soient indicateurs ou pathogènes, ont un optimum de croissance dans les conditions spécifiques du milieu intérieur animal ou humain (abondance en nutriments, température, humidité …). Par conséquent, leur émission par un hôte se traduit par des modifications brutales et radicales de leur environnement, changements qui induisent dans la plupart des cas une décroissance des populations. Cette décroissance résulte d’une dynamique de population ; elle est souvent qualifié de « survie » et peut être caractérisée par l’expression mathématique suivante :

N = N0 * 10 kt

N = population au temps t0 N0 = population au temps t K = constante spécifique à l’espèce en question = coefficient de décroissance ou taux de

décroissance

Selon MICHEL et al. (2000), cette fonction a été proposée au début du XXème siècle (1908) par CHICK. Dans la pratique, en considérant le coefficient K il devient par exemple possible de comparer les taux de décroissance de diverses espèces ou de la même espèce dans des conditions environnementales variées.

3.1 Facteurs de variation de survie dans les effluents – stocks primaires (selon Texier, 2008)

Suite à une période plus ou moins longue dans l’intestin des animaux hôtes, les microorganismes fécaux sont émis via les selles dans l’environnement extérieur sous formes de déjections qui sont stockés (fumier, lisier ect..) ou non (bouses) et constituent le stock primaire.

Au stade initial, la charge microbienne initiale – dont certains exemples sont précisés ci-dessous (Tableau 3) – dépend de divers paramètres, comme l’espèce bactérienne (l’histoire de la population microbienne, ainsi que le stade de développement des bactéries voir MICHEL et al., 2000), mais aussi l’espèce animale émettrice (MICHEL et al., 2000 ; TEXIER, 2008), son âge, son régime alimentaire (TEXIER, 2008) et son état de santé. Ensuite, intervient le type d’effluent (lié à l’espèce animale et aux pratiques agricoles), ainsi que son mode de stockage (durée de stockage, aération ou non, humidité…) facteur très influant sur la dynamique des populations microbiennes. Selon MICHEL et al. (2000), et Trevisan (2001), la charge microbienne des effluents agricoles peut avoir une variabilité saisonnière.

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Microorganismes Type de matières

Concentration (UFG * g -1)

Remarques Références

Coliformes fécaux

Trévisan (2001)

fumiers de bovins 10 4.9

sur 40 échantillons

lisiers de bovins 10 4.3

Streptocoques fécaux

fumiers de bovins 10 5.4

sur 40 échantillons

lisiers de bovins 10 4.5

Escherichia coli

Ademe et Faculté de Pharmacie de Nancy (1999)

fèces d'homme 10 5 à 10 9

fèces de bovins, caprins, porcins 10 5 à 10 8

fèces chevaux, lapins 10 3 à 10 6

Tableau 3: Concentration moyenne de certaines bactéries d’origine fécale dans les féces et les effluents agricoles

Survie dans les effluents. Les principaux facteurs de variation de la teneur en microorganismes indicateurs lors de la phase de stockage hors de l’organisme hôte sont récapitulés dans l’annexe 2 (Tableau 1 : facteurs de variation dans les effluents). De manière générale, la durée de survie de ces bactéries dans les effluents se compte en semaines ou en mois, voire quelquefois en année. Mais les résultats peuvent être très variables. Ainsi, la durée moyenne est de 8 jours dans le cas d’une salmonelle dans du fumier de volaille alors qu’elle atteint jusqu’à 1000 jours dans les bouses (ADEME ET FACULTÉ DE PHARMACIE DE NANCY, 1999). La variabilité des durées de survie dans les effluents agricoles est donc très grande, selon les espèces et au sein de chaque espèce, selon le milieu.

Il est important de noter que les données synthétisées dans l’annexe 2 sont souvent incomplètes car dans la plupart des cas, le type de méthodologie utilisée n’a pas été ou pas pu être précisé, par manque d’information et de temps de recherche. Cependant quelques tendances générales se dégagent :

Effets du type d’effluent

La nature de l’effluent revêt une grande importance. Celui-ci défini, la consistance de la matière, le taux d’humidité, la température, la durée de stockage, la nature des résidus associées (ex : paille dans le fumier). Ces éléments sont des variables essentielles pour la survie des bactéries. Généralement, la charge microbienne initiale des fumiers semble plus

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élevée. Ce constat peut s’expliquer, par les conditions en terme de nutriments, de température et aussi et peut être surtout en terme d’effet protecteur. Les bouses semblent représenter pour la plupart des bactéries fécales une des protections les plus efficaces contre l’environnement ainsi qu’une ressource en nutriments non négligeable ( Dorioz et al in Gessol 2008).

Effets de l’espèce animale émettrice

Ce paramètre influence entre autre l’état physique des déjections et leur humidité. Par exemple, les valeurs de l’étude de Kudva et al. (1998) in Texier (2008) laissent supposer que, dans les engrais de ferme d’origine ovine, les bactéries fécales supportent mieux les contraintes extérieures.

Effets du type de stockage (durée, aération, masse)

De manière générale, plus la durée de stockage est longue, plus la charge microbienne diminue. Selon Jones (1980) et Vuorinen & Saharinen (1997), la décroissance est assez rapide au début du stockage. Selon ces auteurs, après quelques semaines 90 % de la population bactérienne est détruite.

Suivant les pratiques, les engrais de ferme peuvent subir des aérations lors du stockage. En augmentant la quantité d’oxygène, ce traitement paraît diminuer la charge contaminante. (la majorité des bactéries entériques sont anaérobies , Michel et al., 2000).

La plupart des études, effectuées sur les facteurs influençant la teneur en microorganismes d’origine fécale dans les effluents, considèrent un initial stock fixe (Abu- Ashour et al. 1994 in Michel et al., 2000) et une dynamique de population en décroissance. Dans la pratique, le stock est en fait régulièrement réensemencée par de la matière organique fraîche ( déjections) correspondant par exemple au nettoyage quotidien des étables. Ce réensemencement modifie périodiquement le stock de bactéries et modifie des paramètres de survie, avec parfois un cycle hiver/ été en relation avec la présence du troupeau à l’étable.

Effet de la température

La survie des bactéries diminue avec la température. En moyenne l’optimum de température de stockage avoisine les 15 à 20 °C, ce qui peut paraître surprenant pour des microorganismes sont habitués à des températures proches de 37 °C. Dans le cas particulier des bactéries thermophiles (ex. Campylobacter jejuni), l’optimum de survie est à environ 45°C (Michel et al., 2000). Enfin, alors que certaines bactéries supportent bien la congélation, les parasites y résistent mal.

Effet du pH

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En général, lorsque le pH s’éloigne de la neutralité la survie des bactéries semble affectée négativement.

A l’issue de l’émission de la matière fécale et de son stockage, intervient l’épandage. Les pratiques employées semblent déterminantes. Ainsi, selon Michel et al. (2000), l’incorporation rapide des fumures dans le sol diminue d’emblée la survie des microorganismes fécaux. C’est semble t-il également le cas lorsque l’aérodispersion est utilisée (la pression utilisée lors de l’épandage détruirait une proportion non négligeable de microorganismes).

3.2 Facteurs de variation de survie sur la végétation et à la surface du sol – stock secondaire (selon Texier, 2008)

Les microorganismes fécaux à l’issu de l’épandage ou du pâturage, se retrouvent à la fois sur la végétation et sur la surface du sol, constituant un stock secondaire. Il existe alors risque de contamination direct pour le bétail lorsque des espèces ou des souches potentiellement pathogènes survivent dans ce compartiment de l’environnement. La connaissance des facteurs déterminants la durée de survie des microorganismes fécaux est une donnée intéressante pour adapter les durées notamment entre épandage et le pâturage. Pour ce risque plutôt spécifique du pâturage, l’état physique semble crucial car contrôlant la survie et l’ingestion accidentelle (Vansteelant, 2004).

Les données de la bibliographie sont récapitulées Annexe 2 , tableau 2 (facteurs de variation sur la végétation et à la surface du sol). On note qu’en général la durée de survie diminue globalement par rapport à l’étape précédente : elle ne se compte plus qu’en semaine ou en mois. Il est raisonnable de penser que cette différence est du au fait que les bactéries sont, dans ce milieu, plus exposées aux diverses contraintes du milieu (ex. : climatiques) que dans la phase précédente (bouse ou stockage )

Les facteurs de régulation principaux des survies sont :

Le type de végétation

Ce facteur est analysé dans de nombreuses études. La nature du couvert végétal, donc la morphologie et la densité des plantes, est censée influencer directement plusieurs facteurs physiques reconnus essentiels dans la survie des populations microbiennes fécales : l’exposition aux rayonnements solaires, le taux d’humidité, et la température notamment.

Dans ce contexte Vansteelant (2004) analyse l’effet du pluvio-lessivage sur E. coli dans de l’herbe haute (prairie de fauche). Dans des conditions contrôlées, après un épandage de lisier (50m3/ha) et avec une pluie de 25mm/h, il s’avère que la majorité des bactéries fécales (99%) est entraînée, lessivée. Ceci suggère l’absence de bons site d’adhésion sur les végétaux (effets des cuticules ?). D’après la même étude, l’exposition violente et quotidienne aux UV détruit immédiatement 50% des E. coli. (Aucune précision n’est donnée, ni sur la durée de survie des derniers pourcentages, ni sur le temps de demi-vie,)

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Au total, l’absence d’adhésion, en synergie avec des facteurs physiques particulièrement agressifs dans ce compartiment tels que UV, lessivage par la pluie (Brown et al., 1980), fortes variations journalières de température et d’humidité aux quels s’ajoutent le manque de nutriments adéquat (Jones, 1975 ) voire des antibioses (Wray, 1975), contribuent à faire de la végétation un milieu peu favorable à la survie des populations de bactéries (voir aussi, Trévisan et al 2002 )

Survie selon la saison et l’exposition de la parcelle

De manière générale, les conditions bioclimatiques (hygrométrie, température et insolation), donc la saison, ainsi que l’exposition de la parcelle, sont des paramètres importants. D’après les études de VANDONSEL et al. (1967 in MAJDOUB et al. ,2003), l’ombre a un effet positif sur la survie des microorganismes en été et en hiver, alors qu’en automne ou au printemps elle a une influence plutôt neutre, voire négative. Ce constat, qui concerne autant les coliformes fécaux que les streptocoques fécaux, peut s’expliquer par le fait que les bactéries apprécient un taux d’humidité assez élevé et une faible exposition aux UV (les rayons solaires, par leurs ultra-violets, agissent sur l’ADN des bactéries)

La survie des populations indicatrices, en surface du sol, est maximum surtout dans les amas organiques (bouses bien entendu mais aussi paquets agglomérés de lisier ou de fumier). Pendant ce stockage, la composition des populations de bactéries fécales semble se transformer progressivement par sélection de souches plus résistantes ce qui les « prépare » au passage dans le sols. Un exemple d’une sélection génétique s’opérant dans de telles circonstances sur les populations d’E. coli des bouses, est fourni dans GESSOL (2008),

3.3 Facteurs de variation de survie dans le sol – le sols : (selon Texier, 2008)

Transfert et dispersion dans les sols et des sols aux eaux

Les populations de contaminants fécaux ou d’indicateurs se maintenant à l’interface végétation – sol, peuvent ensuite être transportées, soit latéralement par les écoulements de surface ou de subsurface, soit verticalement au travers des horizons du sol.

Le transport latéral est l’équivalent d’un entrainement érosif qui met en suspension et en mouvements des agrégats organiques et bactériens. L’état physique du matériau (bouse par exemple plus ou moins desséchées) est un facteur clé contrôlant la mise en suspension d’une charge de bactéries fécales qui est plus difficile sur des matériaux « consolidés » par dessiccation (Trevisan et al 2010).

Le transport vertical met en jeu plusieurs types de mécanismes détaillés ci-dessous en se référant à MICHEL et al. (2000) et OLIVER et al. (2005) in TEXIER (2008).

La dynamique verticale résulte de

Mécanismes physiques

- Dispersion

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- Convection ou advection (les bactéries circulent à l’état libre en relation avec les flux de l’eau dans le sol)

- Filtration

- Adsorption (les microorganismes de petite taille, diamètre inférieur à un micron – sont adsorbés sur les particules migrant dans le sol, les bactéries fécales peuvent être ainsi adsorbées aux parois des macropores ou des micropores)

Mécanismes biologiques

- Chimiotactisme (l’attraction ou la répulsion par des substances chimique)

- Mobilité flagellaire

- Dispersion par la pédofaune ; cette action est généralement très localisée . La pédofaune, joue un rôle non négligeable pour des transferts entre la surface du sol et les horizons édaphiques plus profonds (principalement les lombrics)

La pluviométrie a un rôle important vis-à-vis du transport (PATNI et al., 1984, in MICHEL et al., 2000).

Encadré 2 : Etat des micro-organismes fécaux dans le sol (d’après Gessol, Dorioz et al 2008 )

La densité de bactéries dans un échantillon est généralement déterminée par des méthodes de culture sur milieu synthétique; il s’agit de géloses nutritives comportant ou non des éléments "électifs" (qui permettent d'enrichir les bactéries cultivables en populations qui présentent un intérêt particulier). Les résultats sont exprimés en « UFC » pour unités formant colonies. L’évolution du nombre de micro-organismes déterminé en « UFC » en fonction du temps, permet d'exprimer un « taux de survie ». Cependant, à ce jour, on ne dispose pas de numération totalement fiable car les UFC varient considérablement selon l'état physiologique dans lequel se trouvent les bactéries ciblées et selon le groupe nutritionnel auquel elles appartiennent. Il existe en fait des bactéries viables non cultivables (« VBNC »); cette notion est rarement prise en compte dans la démarche de suivi des bactéries introduites dans l'environnement sol. Il est possible d'apprécier le nombre total de bactéries viables grâce aux méthodes moléculaires de type MPN-PCR (nombre le plus probable). Le nombre de cellules viables de la population d’intérêt est estimé indépendamment de la cultivabilité, en réalisant des dilutions successives de l’échantillon, ceci jusqu’à l’obtention d’une dilution à partir de laquelle il n'existe plus d'amplification d'une séquence caractéristique de la population cible.

Les raisons pour lesquelles la cultivabilité ne constitue pas un support totalement fiable pour évaluer le taux de survie de micro-organismes ne sont encore que partiellement connues. Dans les conditions naturelles, les bactéries doivent en effet s’adapter constamment à des changements de disponibilité en éléments nutritifs ou à des conditions de stress (chocs osmotique, oxydatif ou thermique, exposition aux rayonnements ultraviolets). Après une exposition à des conditions de stress, la croissance bactérienne est fortement réduite voire stoppée avec, le cas échéant, entrée des cellules en phase de dormance

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Survie dans les sols

La plupart des études les traitent séparément les divers facteurs de survie et peu nombreuses sont celles qui analysent de manière globale la survie et le transfert des microorganismes fécaux, selon le type de sol. De plus, les travaux concernent surtout les facteurs abiotiques et très rarement des facteurs biotiques (prédation, compétition, … ) qui s’exercent de façon intense dans la rhizosphère.

Encadré 3 : la rhizosphère ( d’après Dorioz et al GESSOL 2008 et RAAIJMAKERS et al. 2008)

La rhizosphère correspond à la partie du sol sous l’influence directe des racines vivantes. Il s’agit souvent d’une couche de sol de l’ordre de 1 mm d’épaisseur autour des racines. L’importance quantitative des systèmes racinaires (et donc de la rhizosphère) varie selon les caractéristiques pédoclimatiques et celles de la communauté végétale, avec des densités racinaires jusqu’à 100-200 cm de racines par cm3 de sol dans des sols de prairie. Dans la rhizosphère, la plante libère une partie des photosynthétats ; la disponibilité de ces nutriments organiques conduit à une stimulation des microorganismes associés à la plante, ce qui va se concrétiser par une augmentation des effectifs (atteignant de l’ordre de 108-9 bactéries total/g) et des niveaux d’activité physiologique élevés. Ces rhizodépôts organiques des substrats simples, de vitamines et autres facteurs de croissance…et des signaux susceptibles d’agir sur les microorganismes, comme des chimioattractants, des inducteurs de transcription, des antobiotiques.

Pour certains pathogènes de l’homme ou l’animal, les propriétés trophiques sont un facteur favorable à la survie, et la rhizosphère de certaines plantes pourrait correspondre à un réservoir environnemental pour ces pathogènes (Berg et al 2005). Par contre, d’autres propriétés de la rhizosphère sont susceptibles de limiter les capacités de survie des pathogènes de l’homme ou de l’animal (i) la libération de toxines et autres composés antimicrobiens par les racines (ii) l’appauvrissement en nutriments minéraux liée à la nutrition de la plante (absorption racinaire), (iii) l’acidification racinaire de la rhizosphère, et la production de composés antimicrobiens Les microorganismes rhizosphériques exercent également des phénomènes de compétition Enfin, la porosité racinaire est généralement favorable aux activités de prédation par les protozoaires

Les résultats montrent que de manière générale, le temps de survie dans le compartiment sol est très variable : il se compte parfois en semaine, mais aussi en mois, et même quelquefois en année, par exemple dans le cas d’un sol gelé (BLOOD & HENDERSON, 1968 in MAJDOUB et al., 2003 ; Dorioz et al GESSOLS, 2008 ). Dans certains cas on note une quasi « naturalisation » de populations de E coli ,à bas niveaux, dans des sols (Texier et al, 2008) ou sédiments .

Les principaux facteurs influençant la durée de survie des différents microorganismes d’origine fécale sont récapitulés ci-dessous.

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Les caractéristiques édaphiques

Texture.

La texture est traitée dans la majorité des études et paraît donc essentielle ou facile à étudier. Les sols argileux sont en général plus favorables à la survie des microorganismes d’origine fécale. Pour CRANE et al. (1980) in MAJDOUB et al. (2003), la durée de survie des coliformes fécaux mais aussi de salmonelles (Salmonella spp ser. typhi) s’accroît des sols argileux aux sols sableux, toutes choses égales par ailleurs. En ce qui concerne les coliformes fécaux , le temps de demi-vie est d’environ 30 jours dans un sol sableux, alors que dans un sol argileux il dépasse 200 jours. Dans le second cas, la durée de survie des salmonelles est également influencée positivement par un sol argileux, mais de manière moins prononcée : le temps de demi-vie passe de 92 jours dans un sol argileux à 66 jours dans un sol sableux. D’après les études anciennes d’OKAZAKI & RINGER (1957) in MAJDOUB et al. (2003), l’ordre de grandeur est le même : le facteur de multiplication entre la durée de survie dans un sol argileux et la durée de survie dans un sol sableux est d’environ dix (4 à 7 jours dans un sol sableux et 42 jours dans un sol argileux).

L’effet positif des argiles, et dans une moindre mesure des limons, sur la survie de certains microorganismes (bactéries, champignons, virus), pourrait résulter de l’adsorption. Fixées sur les argiles, les bactéries fécales seraient protégées des prédateurs, notamment des protozoaires. En plus, les sols argileux retiennent mieux l’eau, les nutriments et tamponnent mieux les variations de pH. (MICHEL et al., 2000)

Mais la texture joue en sens inverse sur le transfert vertical par l’eau qui est limité en sols argileux et au contrainte facilité pour des textures sableuses ou de fortes charge en cailloux du fait d’une meilleure porosité et de flux d’eau infiltrés plus importants (OLIVER et al. 2007 in TEXIER, 2008).

Teneur en matière organique

Même si aucun résultat quantifié n’a été trouvé dans ce domaine, diverses études s’accordent à dire que la teneur en matière organique revêt une importance non négligeable. La survie augmente lorsque la teneur en matière organique est élevée (Gessol 2008) notamment en sols hydromorphes ; il serait même probable que, dans certaines situations, des phénomènes de re-croissance soient possibles (MICHEL et al., 2000).

Potentiel hydrique (succion) et pH L’annexe 2 tableau 3 présente quelques données disponibles sur l’état hydrique du sol. Les études de KIBBEY et al. (1978) in MAJDOUB et al. (2003) laissent supposer qu’un potentiel hydrique élevée (ici 30 bars) a , quelque soit la température, un effet négatif sur la survie des populations microbiennes (temps de demi-vie divisé au minimum par quatre).

Le pH du sol joue également un rôle dans la survie des microorganismes fécaux. Cet effet est connu de longue date : l’étude sur E. coli et sur Streptococcus faescalis, réalisée par CUTHBERT et al.(1955), montre qu’un pH acide diminue la survie de deux espèces. De 6-7 à

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3-4 la durée de survie des microorganismes fécaux est divisée par plus de quatre, passant dans le premier cas de 45 – 50 jours à 10 jours et dans le deuxième cas, de 45 – 62 jours à 10 jours également. Selon KIBBEY et al., 1993 ; HUDSON & FENNEL, 1980 (in TURONNET, 1999), les pH extrêmes sont nuisibles pour les microorganismes d’origine fécale, effet négatif se manifestant aussi avec des pH basiques. Le même constat a été fait au niveau du pH dans les effluents (chap. précédent)

Les conditions pédoclimatiques générales

Température La température conserve une influence prépondérante sur la survie des bactéries fécales mais elle ne régule pas que le métabolisme bactérien ; elle interfère avec d’autres paramètres physico-chimiques du sol influant telles que la viscosité, la tension superficielle, le régime hydrique…. (MUSY & SOUTTER, 1991 in MICHEL et al., 2000).

La survie s’effectue toujours loin des optimum physiologiques et suppose des évolutions physiologiques. Paradoxalement les températures élevées, les plus proches du milieu intérieur, ont apparemment un impact global plus négatif sur les populations microbiennes que le froid. Il s’agit là du même comportement que celui observé dans le compartiment précédent (surface du sol – végétation). De nombreux auteurs (MICHEL et al., 2000 ; VAN

DONSEL et al., 1976 et DAVENPORT et al., 1976 in TEXIER, 2008) montrent que les températures hautes diminuent la survie des bactéries. Cependant, d’après MAWDSLEY (1995) in TEXIER (2008), les cycles gel – dégel favorisent le déclin des populations bactériennes fécales ; il pourrait s’agir d’effets indirects agissant sur l’état hydrique (desséchement) TANNOCK & SMITH (1972) et JONES (1999), précisent que ces cycles ont un effet particulièrement efficace sur E. coli (0157) et Salmonella typhimurium.

Pluviométrie La fréquence et la densité des précipitations modifient plusieurs facteurs abiotiques du sol, dont la quantité de substances solubles (MAJDOUB et al., 2003). Une forte sécheresse est néfaste aux microorganismes fécaux. L’hydromorphie semble jouer en sens inverse.

Saisons La survie des microorganismes d’origine fécale étant favorisée lorsque le temps est humide et froid , la saison et au delà le climat, est un paramètre global important à prendre en compte. Plusieurs études anciennes testent la durée de survie des bactéries fécales à différentes saisons. Que ce soit dans le cas d’E.coli (VAN DONSEL et al., 1967 in MAJDOUB et al., 2003), des salmonelles (GIBBS et al., 1995 in ADEME ET FACULTÉ DE PHARMACIE DE

NANCY, 1999) ou de Streptococcus faescalis (VAN DONSEL et al., 1967 in MAJDOUB et al., 2003), la décroissance est toujours plus forte en été et plus faible en hiver.

Les caractéristiques pédo-biologiques

Les caractéristiques biologiques, principalement compétition, prédation et parasitisme, sont considérés comme déterminants dans la dynamique des populations microbiennes fécales récemment introduites (MARINO et GANNON, 1991).

Type de végétation et rhizosphère.

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Le type de végétation influence par la distribution de son système racinaire (MICHEL et al., 2000). Les racines jouent un rôle important, principalement comme voies préférentielles de dispersion et de transport des microorganismes d’origine fécale comme des autochtones (; MAWDSLEY et al., 1995 in MICHEL et al., 2000). Dorioz et al 1993, MUIRHEAD et al. (2006), ainsi que MCINERNEY (1991), in TEXIER (2008), précisent que la végétation favorise la dispersion des bactéries fécales en facilitant leur passage dans la matrice du sol au contact des racines

L’effet rhizophère (voir encadré) est aussi à prendre en compte comme site particulier d’antibioses (sécrétion d’antibiotiques…) mais aussi pour la disponibilité des nutriments .

Compétition

Sauf dans le cas particulier de sols stériles (normalement inexistants en milieu naturel), le sol est un lieu où la compétition est systématique, que ce soit pour l’occupation de microhabitats ou pour l’accès aux nutriments et à l’eau. L’étude de RUDOLFS et al. (1950), in MAJDOUB et al. (2003), a montré que la durée de survie de Salmonella Typhi dans un sol stérile est quatre à sept fois plus longue que dans un sol non stérile. Le même type de résultat est obtenu par Vansteelant (2004) avec E coli.

Prédation Les microorganismes fécaux peuvent subir de la prédation, surtout dans les premiers centimètres du sol et principalement de la part de certains protozoaires. Ces derniers seraient l’un des principaux facteurs de régulation des populations bactériennes (TAPPESER et al., 1998 in TEXIER, 2008), mais ils peuvent parfois servir également de réservoirs de bactéries lorsqu’il y a présence de biocides et d’antibiotiques (TEXIER, 2008). Parasitisme Au niveau des phénomènes de parasitisme, ASHELFORD et al. (2003) in TEXIER (2008) signalent que certains virus bactériophages sont d’importants régulateurs de populations bactériennes fécales et qu’ils sont également impliqués dans les transferts de gènes.

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Encadré 4 : transferts sols- eaux de surface

Le ruissellement, notamment sur zone imperméabilisée du fait du piétinement et sur sol saturé en eau, apparaît comme l’agent essentiel d’extraction des bactéries fécales. Des pics de b. fécales sont typiquement observés lors des pics de crues en zone pâturée ou dans les bassins agricoles fertilisés. D’autres épisodes de contamination indépendants du débit signalent plutôt des pollution ponctuelles ou l’accès des animaux à le rivière ( Meals, 2004)

Les stocks labiles sont, dans ce contexte, situés en surface des sols dans les déjections ou les effluents épandus. Au pâturage il semble que les seuls stocks labiles significatifs se trouvent dans les bouses fraîchement déposées. La quantité totale de bactéries susceptibles d’être extraites par les écoulements évolue fortement dans le temps et dans l’espace. Le facteur labilité du stock associé aux déjections est crucial : il expliquerait en zone extensive de montagne la forte réponse du bassin étudié à la présence ou absence du troupeau. Avant de généraliser à l’ensemble des systèmes de pâture et des apports organiques, il conviendrait de comprendre le rôle de matériaux organiques fragmentés, peu denses , aisément transportables et par ailleurs lieux potentiel de stockage sur des durée assez longes. Le mécanisme présumé est un détachement et une mise en suspension de bactéries, fixées ou non sur un support. Il existe aussi des mouvements associés à l'infiltration dans le cas de sols perméables, avec un risque de contamination des eaux profondes ou de subsurface.

4 Conclusion

Globalement, la chaine « stockage - végétation – sol » a un pouvoir épuratoire évident. Cependant, ce pouvoir n‘est, dans certains cas, pas suffisant pour retenir l’ensemble des microorganismes fécaux et /ou potentiellement pathogènes. Sous certaines conditions environnementales, les populations microbiennes d’origine fécale ont une durée de survie suffisamment longue pour que la probabilité de contact et d’entrainement avec les eaux superficielles ou souterraines ne soit pas négligeable.

La survie est une dynamique de populations. Les facteurs agissant sur le potentiel de survie des microorganismes fécaux introduits dans l’environnement par l’agriculture, depuis les effluents jusque dans le sol, sont nombreux. De manière générale, la durée de survie de ces microorganismes est très variable, selon l’espèce microbienne considérée (son optimum physiologique, l’histoire de la population, sa plasticité, …), les pratiques agricoles (type d’effluent, mode de stockage, technique d’épandage, type de culture, …) et les conditions environnementales (édaphiques, climatiques, biologiques, …). Tous ces facteurs sont à prendre en compte pour évaluer les risques de contamination et les gérer.

La bibliographie suggère que la durée de survie de ces microorganismes est longue dans les effluents stockés de façon habituelle, surtout en cas de réensemencement périodique L’épandage consiste à introduire des contaminants fécaux dans un milieu organique susceptible d’aider à leur survie temporaire. La bouse est un exemple type. Après épandage ou défécation, c’est l’état physique du substrat, paramètre qui dépend des pratiques, de l’animal et des conditions météorologiques, qui est un élément déterminant pour la survie ces

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populations microbiennes. Celle-ci s’allonge plus ou moins selon la protection physique réalisée. Dans le cas des bouses la survie se compte, dans les conditions les plus favorables pour elles, généralement au minimum en mois mais parfois en année. Une fois les contaminants fécaux sur la végétation et sur le sol, les contraintes du milieu s’exercent de façon plus radicale, la survie à des niveaux détectables est donc plus courte ; elle se compte en semaine, voire au plus en mois. La végétation elle-même est un milieu peu favorable à la survie des bactéries (quelques semaines). Dans certains cas (froid, humidité, mat organique …) les horizons de surface-peuvent offrir au contraire des conditions très favorables au maintien de populations bactériennes fécales, par exemple E coli, pendant plusieurs mois, à des niveaux bas mais détectables. A l’extrême certains auteurs observent une « naturalisation » de E coli dans les sols.

Concrètement, la durée de survie des populations microbiennes d’origine fécale est donc à mettre rapport autant, avec les pratiques agricoles, qu’avec les conditions de milieu en tenant compte plus spécifiquement des cycles agricoles (ex : gestion pastorale). Dans la perspective de l’élaboration d’un indicateur de risque de contamination microbiologique des eaux, tous les facteurs contrôlant la survie sont des éléments clés pour évaluer le stock secondaire potentiellement mobilisable par les écoulements de surface ou les eaux d’infiltration, et sa variabilité dans le temps. Le complément indispensable concerne les taux de transfert depuis ce stock vers les eaux et à l’échelle bassin versant la détermination des zones sources critiques.

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Annexes

Annexe 1 : Tableaux des charges microbiennes dans divers effluents et dans les fèces

Annexe 2 : Facteurs de variation sur la survie et le transfert dans les différents compartiments environnementaux

‐ Tableau 1 : facteurs de variation dans les effluents

‐ Tableau 2 : facteurs de variation sur la végétation et à la surface du sol

‐ Tableau 3 : facteurs de variation dans le sol

‐ Tableau 4 : facteurs de variation dans l’eau