28

La Terre est-elle une mine inépuisable

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Terre est-elle une mine inépuisable
Page 2: La Terre est-elle une mine inépuisable

LA TERRE EST-ELLE

UNE MINE INÉPUISABLE ?

Page 3: La Terre est-elle une mine inépuisable

OUVRAGES PARUS DANS LA MÊME COLLECTION :

Le dossier des miracles, Jean Éparvier - Marc Hérissé. L'Angleterre, un monde à l'envers, Paul-Michel Villa. La santé et les conditions atmosphériques, Michel Gauquelin. Les accidents thérapeutiques, Pierre Bourget. Fausses et vraies identités, Marcel Sicot.

A PARAITRE :

L'homme, la femme et l'âge critique, Paule Fougère. La vie du cardiaque, Professeur M. Audier.

Page 4: La Terre est-elle une mine inépuisable

RAYMOND FURON Professeur de géologie

à la Faculté des Sciences de Paris

LA TERRE EST-ELLE UNE MINE INÉPUISABLE ?

HACHETTE

Page 5: La Terre est-elle une mine inépuisable

© Librairie Hachette, 1967

Tous droits de traduction, de reproduction et d 'adaptat ion réservés pour tous pays.

Page 6: La Terre est-elle une mine inépuisable

AVANT-PROPOS

L ES MINES sont-elles inépuisables ? C'est une question qui a besoin d'être expliquée et commentée. Tout d'abord, qu'est-ce qu'une mine ? « On

donne le nom de mine, dit le Larousse, à l'ensemble des travaux qui servent à l'exploitation d'un gîte de matière utile. »

De telles exploitations sont souvent souter- raines, mais elles peuvent parfaitement se faire à l'air libre si les circonstances s'y prêtent. On connaît au Tonkin, en Europe et en Amérique, des mines de charbon exploitées en carrière, à l'air libre. Il en est de même pour des matières minérales moins rares, telles que le gypse (ou pierre à plâtre), la craie (ou pierre à chaux), la pierre à bâtir, etc. Nous devons donc compléter en disant : « Mines et carrières », complément d'autant plus justifié que le tonnage extrait des carrières est supérieur à celui des mines souterraines.

Enfin, il y a des gîtes minéraux liquides ou gazeux (pétrole et gaz naturel) dont l'exploitation se fait par forages.

Une autre notion doit intervenir, c'est qu'un

Page 7: La Terre est-elle une mine inépuisable

gîte minéral représente une concentration anormale d'un élément recherché, que ce soit du minerai de fer ou d'or, de plomb ou d'aluminium, du charbon ou du pétrole. Ce gîte minéral peut être exploité ou non, ce qui dépend de sa rentabilité éventuelle, mais n'a aucun rapport avec son existence même.

Le but final est évidemment de répondre à la question posée par le titre, mais il ne peut y être répondu qu'à condition de suivre l'évolution de la production minière et de la consommation mondiale au cours des temps.

Il nous apparaît certain que la méthode histo- rique est la meilleure, la seule qui permette de constater des faits d'abord, puis de les interpréter. Il y a des faits bruts : on produit tant de tonnes de tel métal par an, on en consomme tant, les réserves sont de tant, il y a encore pour dix ans ou pour mille ans. En fait, comme on le verra, ce n'est pas cela du tout.

Il est intéressant de suivre l'augmentation continue de la production en fonction des découvertes et des besoins d'une humanité en accroissement de plus en plus rapide et en possession de techniques constamment renouvelées. On peut alors constater que les techniques métallurgiques n'ont pas fait de progrès sensibles durant cinq ou six mille ans, puis que, brusquement, les découvertes scientifiques et techniques du XIX siècle ont modifié la situation en utilisant le charbon et l'électricité comme sources d'énergie.

La première moitié du XX siècle a provoqué de nouveaux bouleversements en utilisant le pétrole. Le développement rapide de l'industrie a réclamé toujours plus de matières premières.

Quant à la seconde moitié du XX siècle, que

Page 8: La Terre est-elle une mine inépuisable

nous sommes en train de vivre, c'est un monde nouveau. Comme l'a écrit M. H. Prat : « Les deux guerres mondiales représentent en quelque sorte l'opération césarienne qui a fait naître prématu- rément le monde de demain jusque-là en lente ges- tation, et accéléré la métamorphose en rompant le cocon d'inertie, d'habitudes mentales et d'institu- tions périmées emmaillotant l'humanité. Maintenant, un peu prématurément, le papillon sorti de sa gaine agite ses ailes neuves. » Ajoutons à cela que l'hu- manité étant en progression numérique accélérée (et très alarmante), les problèmes techniques se compliquent de problèmes démographiques.

Où allons-nous ? Personne n'en sait rien, pas même les chefs d'État qui croient diriger quelque chose ; ils sont eux-mêmes conditionnés par les besoins techniques, par des trusts financiers et par des découvertes scientifiques imprévisibles cinq ans à l'avance. Nous sommes partis dans un monde nouveau, inconnu, à une vitesse inconnue... Gaston Berger, qui s'intéressait beaucoup à la « prospec- tive », l'a dit : « L'automobile qui parcourt à vive allure une région inconnue la nuit, doit être munie de phares puissants. Rouler vite sans rien voir serait purement une folie. »

Nous ne pouvons pas empêcher les folies et notre propos est beaucoup plus modeste. Nous vou- lons montrer que, jusqu'à présent, l'humanité a trouvé ce dont elle avait besoin dans les entrailles de la terre, allant le chercher à six mille mètres d'altitude ou à six mille mètres de profondeur, depuis l'équateur jusqu'au-delà du cercle polaire.

Nous établirons le bilan actuel dans la mesure où l'accélération de la découverte scientifique le permet. Nous constaterons des choses essentielles

Page 9: La Terre est-elle une mine inépuisable

qui viennent fausser les données de notre étude : 1° Il n'y a aucun rapport entre les ressources

naturelles et les frontières politiques des États, 2° Chaque groupe d'États tente d'assurer son

indépendance en énergie et en productions minières. Le calcul des réserves est favorable à l'opti-

misme, d'autant plus que les progrès des techniques de prospection et d'exploitation permettent de nouveaux espoirs.

Toutefois, il n'existe actuellement que trois pays capables de se suffire à peu près à eux-mêmes : les États-Unis, l'U.R.S.S. et la Chine. Du fait de cet « à peu près » et d'un désir d'indépendance totale, tous les grands pays sont arrivés à cette conclusion que l'exploitation des richesses minières des continents ne leur suffit plus. L'exploitation s'étend maintenant à d'autres domaines : l'atmo- sphère et l'océan.

Page 10: La Terre est-elle une mine inépuisable

r

DU SILEX TAILLÉ A LA MÉTALLURGIE

L ES PREMIERS Hominiens connus sont les Austra- lopithèques, découverts tout d'abord en Afrique du Sud, puis en Afrique orientale. Ils vivaient

il y a plus d'un million d'années, et leur outillage, très rudimentaire, se limitait à des galets à peine retouchés. Les Pithécanthropiens leur succédèrent, puis de véritables Homo, conduisant lentement jusqu'aux Homo sapiens que nous sommes.

Nous évoquons des événements aussi anciens pour rappeler qu'il existe des Hominiens sur la terre depuis fort longtemps, entre un et deux mil- lions d'années.

Les m i n e s de silex

Il y a donc plus d'un million d'années que nos lointains ancêtres commencèrent à utiliser les roches de l'écorce terrestre. Ils le firent très simplement en taillant des outils et des armes dans des fragments de roches dures, du silex le plus souvent.

Page 11: La Terre est-elle une mine inépuisable

C'est le temps des industries de la pierre taillée, l'époque paléolithique des préhistoriens, qui sera suivi du temps de la pierre polie, beaucoup plus récent.

Si nous remontons si loin dans le passé, c'est parce qu'il y eut des mines dès l'aube de la préhis- toire, dès que, parmi nos ancêtres, des artisans du silex découvrirent que le « silex frais », possédant encore son eau de carrière, était bien plus facile à travailler que celui que l'on trouvait à la surface du sol.

La première découverte d'une telle mine de silex fut faite en 1867, à Spiennes, en Belgique. On mit au jour des puits de dix mètres de profondeur sur quatre-vingts centimètres de diamètre, traversant les morts-terrains, puis attaquant la craie à silex qui était exploitée en galeries.

Par la suite, d'autres mines de silex furent découvertes en Angleterre, dans le Suffolk, puis en France, dans l'Aveyron, à Mur-de-Barrez, aux environs de Beauvais, à Velennes, en Égypte, etc.

Le beau silex était une matière appréciée, uti- lisée sur place dans des ateliers de spécialistes, et parfois exportée. On peut citer à cet égard le beau silex blond du Grand-Pressigny, dans l'Indre-et- Loire. Il était activement exploité et envoyé en « saumons » (les fameuses « livres de beurre ») jusqu'en Suisse et en Belgique.

Quelque part au cours du V millénaire avant notre ère, les Iraniens ayant fait fondre (on ne sait comment) des pierres vertes assez abondantes dans

Page 12: La Terre est-elle une mine inépuisable

leur pays en tirèrent un métal rouge, le premier métal connu : le cuivre.

Cette découverte marquait une véritable révo- lution et la naissance de la première industrie métal- lurgique. C'étaient certainement de pauvres moyens qui étaient utilisés, mais le résultat est là : dès le V millénaire, des Iraniens fabriquaient des objets en cuivre. Ils furent suivis par leurs voisins de Mésopotamie et d 'Égypte au I V millénaire. Ensuite, les navigateurs troyens et égéens transportèrent les objets de cuivre en Méditerranée occidentale où des industries locales se développèrent plus tard.

Le I I I millénaire avant notre ère connut à son

tour un événement industriel capital : ce fut la découverte du bronze, alliage de cuivre et d'étain. La découverte du bronze reste un mystère. On peut supposer qu'elle n 'a pas été due au hasard, du fait que le minerai de cuivre ne cohabite pas habituel- lement avec celui d'étain. D'autre part, le minerai d'étain, la cassitérite, se présente en cristaux de petite taille, de teinte foncée, n 'évoquant en rien l'étain métallique. On peut tout au plus présumer que le bronze a été inventé dans une région du Proche ou du Moyen-Orient contenant à la fois des minerais de cuivre et d'étain, soit en Iran, soit en Arménie.

Connu assez rapidement en Iran, aux Indes, en Mésopotamie, en Turquie et en Égypte, il n 'arriva toutefois que vers 1700 av. J.-C. en Europe occiden- tale d'une par t et en Chine d'autre part.

Il y eut dès lors un très grand développement de l'industrie et les navigateurs s'en furent chercher

Page 13: La Terre est-elle une mine inépuisable

du minerai d'étain jusqu'aux îles Cassitérides (Iles Britanniques), ce qui était alors un bien grand voyage.

Chaque millénaire apporte sa révolution tech- nique. Au I I millénaire avant notre ère, on trouve des objets en fer fondu, datés de -1800 à - 1500, en Turquie et en Syrie. Ce sont des curiosités, mais nous savons maintenant, avec certitude, qu'il exis- tait une industrie du fer chez les Hittites d'Asie Mineure vers -1400 et -1300. C'était alors une sorte de monopole et le roi des Hittites exportait des lingots et des objets de fer.

Nous en avons de multiples preuves, dont la découverte de 160 tonnes de lingots, d'armes et d'objets divers en fer à Khorsabad, près de Ninive.

Au XIII siècle avant Jésus-Christ, le roi des Hittites et le pharaon d'Égypte, les deux Grands de l'époque, dominaient le monde et étaient alliés. Une tablette retrouvée à Boghaz Keui (Turquie) est la copie d'un message du roi Hattusil à Ramsès II lui expliquant les causes du retard d'une livraison de fer. Donc, à cette époque, les Égyptiens tout- puissants dépendaient des Hittites pour tous leurs besoins en fer. En cas de mésentente, ils pouvaient être victimes de « sanctions économiques ».

On ne saurait trop tenir compte de ce fait impor- tant, hautement dramatique. C'est le premier d'une longue série qui n'est pas terminée.

Pour la première fois dans l'histoire du monde, un grand peuple était privé d'une ressource nouvelle importante, du fait de son retard technique, ou bien

Page 14: La Terre est-elle une mine inépuisable

du refus éventuel de ceux qui en détenaient alors le monopole. En français, disons qu'en cas de guerre (il y avait déjà des guerres), les Egyptiens auraient dû se contenter d'armes en bronze ou en silex, alors que les Hittites avaient le monopole du fer.

Cela n'allait pas durer longtemps, car la métal- lurgie du fer se répandra très vite au cours des siècles suivants.

En ce qui concerne le Proche-Orient, c'est le lieu de rappeler les extraordinaires fonderies de cuivre et de fer d'Ezion Gueber, près d'Élath, à la corne nord du golfe d'Akaba. C'est là que le roi Salomon possédait une industrie métallurgique et un port sur la mer Rouge. Les minerais venaient de la « Vallée des Forgerons » et le combustible était fourni par les forêts du pays d'Édom. Les métallur- gistes locaux avaient réussi un tour de force. Ils ne se servaient plus de soufflets à main pour activer la combustion et la fusion. Ils avaient construit les fours de manière à y obtenir un courant d'air per- manent en utilisant le vent du nord.

L'ère des géologues prospecteurs va commencer. Un ouvrage chinois des derniers siècles avant notre ère, le Houai Nan Tseu (Prince du Sud de la Rivière Houai), propose déjà une dynamique des gisements métallifères. Dans l'Ouest, des exploitations minières s'ouvrent de tous côtés. Cela nous amène au début de notre ère.

Page 15: La Terre est-elle une mine inépuisable
Page 16: La Terre est-elle une mine inépuisable

II

DE L'OR ET DES DIAMANTS

L OR a toujours été rare et recherché. Les Égyp- tiens l'exploitaient en Nubie dès le I I millé- naire avant notre ère. Au VII siècle avant Jésus -

Christ, la Lydie frappe de la monnaie avec l'or du Pactole. Cette invention des monnaies d'or (et d'ar- gent) vient bouleverser le système des échanges nationaux et internationaux qui se réglaient aupa- ravant en trépieds de bronze, en chaudrons ou en saumons de métal (bronze ou fer).

Dès lors, les trésors publics (si l'on peut dire) ou ceux des rois, représentent des richesses non négligeables. On sait comment les trésors de Baby- lone, de Persépolis ou de l'Égypte furent soigneu- sement emportés par les conquérants successifs.

« Tout cela, c'est de l'histoire ancienne, dira- t-on. Nous sommes des hommes du XX siècle. Il faut nous parler de notre temps ! » Oui, certes, mais « de notre temps », tout est toujours fondé sur le « profit » et sur la « richesse ». Le « reste » est égal à zéro. La finance gouverne le monde, y compris, bien entendu, les pays d'économie socialiste, qui

Page 17: La Terre est-elle une mine inépuisable

doivent payer leurs achats en or (ou en « devises fortes ») comme tout le monde.

La richesse, c'est l'or, pour cette raison bien simple que les billets de banque sont d'invention moderne en Occident et n'ont été créés que pour masquer provisoirement la disparition de l'or du trésor public géré par les gouvernements.

Actuellement, « de notre temps », en cette seconde moitié du XX siècle, la moitié de tout l'or du monde est soigneusement enfermée et gardée dans les caves blindées des banques d'État. L'autre moitié est conservée par les particuliers qui mani- festent une certaine méfiance à l'égard du papier- monnaie à valeur variable. C'est là un fait bien connu.

Depuis plus de deux mille ans, l'or joue donc un rôle essentiel dans l'économie mondiale et mérite une étude particulière.

Sa recherche a préoccupé des centaines de milliers de prospecteurs. Il est facile à reconnaître, d'un jaune métallique particulier. On le trouve à l'état naturel en paillettes ou en pépites dans le sable de cer- taines rivières favorisées, en points dans des filons de quartz ou des conglomérats aurifères. Il n'est pas besoin d'avoir fait de longues études de miné- ralogie pour l'identifier, ni d'un matériel très coûteux pour en entreprendre l'exploitation. Dans les meil- leurs cas : une pioche, une pelle, une batée. Le sable aurifère est « lavé », l'or reste au fond de la batée. On en recueille tant de grammes par jour. Quand on en a 1 kg, cela fait plus de 500 francs (100 dollars), 10 kg : 5 000 francs, 20 kg : 10 000 francs, etc. L'or peut se transporter aisément et trouve toujours preneur. Donc, facile à reconnaître, facile à trans- porter, facile à vendre et pour ainsi dire à la portée

Page 18: La Terre est-elle une mine inépuisable

de tout le monde, de tous ceux qui ont du courage et de l'enthousiasme.

« De notre temps », la phase artisanale a presque disparu pour faire place à une industrie prospère, mais sans pittoresque.

Nous consacrerons donc quelques pages à la découverte des grands gisements d'or du monde, à l'époque folklorique des « chercheurs d'or » dont quelques-uns s'enrichirent et dont beaucoup plus moururent en plein rêve au cours de la « ruée vers l'or ».

On ne sait toujours pas très exactement ce que cherchait Christophe Colomb lorsqu'il quitta les côtes d'Espagne pour traverser l'Atlantique. De l'or pour son maître le roi d'Espagne ou bien la route des épices ? ou bien les deux ?

Toujours est-il que la découverte de l'Amérique fut une véritable catastrophe. Le 12 octobre 1492, Christophe Colomb débarque dans l'île Guanahani, une des Lucayes, à l'entrée du détroit de Floride. Il en repart tout de suite, touche Cuba et s'arrête à Saint-Domingue. Il y vit les bijoux d'or des indi- gènes, les leur confisqua et les obligea à exploiter les alluvions aurifères à son profit.

On connaît les trois voyages de Colomb aux Antilles.

Un peu plus tard, en 1519, c'est Fernand Cortez qui débarque au Mexique avec six cents hommes, y rencontre les Aztèques et arrive à Mexico où l'em- pereur Montezuma le reçoit en ami. En 1520, les

Page 19: La Terre est-elle une mine inépuisable

lieutenants de Cortez assassinent les nobles Aztèques pour leur voler leurs bijoux et occupent tout le Mexique. Le butin fut envoyé en Espagne sur deux galions, dont l'un fut saisi par des corsaires français.

Lorsque le Mexique fut complètement ruiné, les Espagnols s'occupèrent de l'or du Pérou et de la Bolivie. Pizarre fut chargé de l'affaire. Il arriva au Pérou en 1532, fit prisonnier un des grands chefs Incas, dont il exigea une rançon de 4 605 670 ducats- or. La rançon payée, le prisonnier fut baptisé, étran- glé et brûlé. Pizarre gouverna le Pérou jusqu'à ce qu'il mourût, assassiné à Lima en 1541.

Les horreurs de l'occupation espagnole et de la traite des Noirs sont en dehors du sujet. Ce que l'on peut dire, c'est que les conquistadores ne purent voler, dit-on, que l'équivalent d'environ un milliard de francs-or en tout.

En 1834, un pionnier suisse du nom de Johann August Sutter arrive aux États-Unis. Après un court séjour à New York, il part pour Saint Louis, capitale du Missouri, et s'établit fermier.

Tous les passants, trappeurs, trafiquants ou hors-la-loi, parlent de l'Ouest, du Far West, comme étant le seul pays d'avenir. Personne n'y est allé ou du moins personne n'en est revenu, mais les légendes se répandent rapidement. Sutter est tenté, il vend sa ferme et va se renseigner lui-même chez les Peaux- Rouges. Ceux-ci lui disent au moins le nom de ce pays de Cocagne : la Californie, là-bas, tout à fait à l'ouest, là où le soleil se couche sur la Grande Mer. Sutter n'est pas long à se décider, il part en juin 1838,

Page 20: La Terre est-elle une mine inépuisable

traverse les montagnes Rocheuses et arrive à Van- couver avec quelques compagnons.

Quant à la Californie, elle est alors en territoire mexicain et le chemin d'accès est impraticable du fait des Peaux-Rouges en guerre. Sutter prend un petit bateau qui le conduit aux îles Hawaii, et finit par atterrir en 1839 dans un pauvre petit port de pêche de Californie, du nom de San Francisco.

Le gouverneur mexicain lui donne une grande concession dans la vallée du Sacramento, concession à laquelle il donne le nom de Nouvelle-Helvétie.

A la suite d'incidents répétés, les États-Unis attaquent les Mexicains, les refoulent et les obligent à leur céder la Californie pour 15 millions de dollars. Cela se passait le 2 février 1848 et n 'aurait guère eu d'importance si, neuf jours plus tôt, un certain John Marshall, charpentier au service de Johann Sutter, n 'avait découvert de l'or dans le Sacramento, en construisant une scierie... John Sutter, qui était devenu très riche, n 'avait pas envie d'or et il eut le pressentiment d'une catastrophe...

Il ne s'y trompait pas et sa vie extraordinaire a fait l 'objet d 'un livre de Blaise CENDRARS : L'Or.

Le bruit s'est répandu. Les premiers prospec- teurs arrivent et s'installent sur les terres de Sutter.

Quelques mois plus tard c'est l'invasion, par terre et par mer. Les commerçants abandonnent leurs boutiques et les employés leurs bureaux. Ils viennent de l 'Est, par le Grand Lac Salé, avec des convois de voitures bâchées, les fameux prairie schooners. D'autres arrivent en bateau, des États-Unis, ou de l'Australie, après avoir traversé à pied l'isthme de Panama, décimés par la fièvre jaune. Les survivants prenaient des voiliers à destination de San Fran- cisco, devenu la Golden Gate (la Porte Dorée).

Page 21: La Terre est-elle une mine inépuisable

En sept ans, six cents navires ont mouillé dans la Baie, déversant des foules qui se précipitaient vers l'or.

Il y avait des réussites incroyables. Certains puits à main, comme celui de Mokelumne Hill, don- nèrent jusqu'à 120 kg d'or. Un homme pouvait y gagner de 100 à 150 francs-or par jour, ce qui repré- sentait 50 grammes d'or. Dès 1853, les alluvions du Sacramento avaient fourni 300 millions de francs-or de métal jaune. Les morts violentes se succédaient. Quant aux malheureux Sutter et Marshall, les pro- priétaires légitimes de ces terrains fabuleux, ils mou- rurent dans la misère la plus noire après l'incendie et la dévastation de la « Nouvelle-Helvétie » par le flot des déments saisis de la fièvre de l'or.

Trois ans plus tard, la guerre de Sécession com- mençait. L'or californien appartenait au Nord et l'aida grandement à vaincre le Sud. L'exploitation prit de telles proportions que des masses prodigieuses de déblais finirent par encombrer la vallée et il fallut une loi spéciale pour faire cesser ce mode d'exploi- tation en 1885. On exploite maintenant des filons de quartz aurifère dans la Sierra Nevada, dont le Mother Lode, jusqu'à deux mille mètres de profondeur.

:

En 1849, parmi les Australiens qui étaient allés chercher de l'or en Californie se trouvait un certain Edward H. Hargraves, de Sydney. Il fit rapidement fortune et rentra chez lui en 1851, puis découvrit de l'or dans un affluent de la Macquarie. Il ne fut pas le seul et la fièvre de l'or gagna rapidement

Page 22: La Terre est-elle une mine inépuisable

toute l'Australie orientale, at t irant des prospecteurs de tous les pays.

On a même pu dire que c'est grâce à l'or que l'Australie se peupla, car le métal jaune attira cer- tainement plus de monde que les kangourous. La population doubla entre 1850 et 1860, passant de 437 000 à 1 000 000 d'habitants.

C'est dans le Queensland qu'un certain D'Arcy fit fortune, ce qui lui permit (à lui ou à ses héritiers) de s'intéresser plus tard aux pétroles de la Perse.

Les alluvions de l 'É ta t de Victoria ont donné

jusqu'à 100 000 kg par an, dont des pépites énormes pesant parfois 50 kg. On exploite toujours les filons de Ballarat.

En Australie occidentale, deux zones ont été successivement productives : celle de Coolgardie à partir de 1892, puis celle de Kalgoorlie après 1898. Dès 1900, l'Australie occidentale avait produit 150 000 kg d'or.

L'ensemble australien ne donne plus que 30 000 kg par an.

En 1872, un prospecteur trouve des pépites aux environs de Lydenbourg, au Transvaal. De vieux mineurs californiens et australiens courent le pays, annonçant des découvertes sensationnelles, des pépites de 500 grammes, de 2 kg, voire de 10 kg. En 1874, c'est une pépite de 3 110 grammes.

La spéculation s'empare de l'affaire, mais tout est vite arrêté par la guerre des Boers contre le chef des Basuto d'abord, contre les Anglais ensuite, qui venaient de déclarer le Transvaal province britan-

Page 23: La Terre est-elle une mine inépuisable

nique, le 12 avril 1877. Les Anglais ne purent occuper le pays et l'indépendance du Transvaal fut reconnue.

Quelques années plus tard, en 1884, on se mit à exploiter une mine à Sheba et on construisit la ville de Barberton. Il y a là du quartz aurifère à 50 g d'or à la tonne et de belles pépites dans les alluvions.

Encore la même année, un nommé Arnold trouve de l'or dans un conglomérat du Witwatersrand. Le Main Reef est découvert en 1886 et exploité par les frères Strubers. La mine de Sheba est déjà presque épuisée et les mineurs se rejettent sur le Rand. Mais les seuls techniciens possibles sont ceux qui ont déjà travaillé aux mines de diamants de Kimberley ou sur des filons, car ils ont le sens de la mine. La ruée vers l'or attire toutes sortes de gens : des employés de banque, des commerçants, des chasseurs de lions, des fonctionnaires, des capitaines de cargos et des aventuriers parmi les plus étonnants. Une nouvelle ville se construisait, en planches et en tôle, dans un pays sans bois et sans eau ; c'était Johannesburg.

On y accédait à cheval ou en diligence. Le pain y valait 4 francs-or le kg et le sac de pommes de terre 110 francs-or.

Les claims furent distribués comme en Californie, 50 × 150 m au premier demandeur, avec obligation d'y travailler seul. Des batailles rangées se livrèrent pour la possession des claims encore disponibles et le gouvernement local dut créer un corps de police.

L'exploitation dura quelques années, puis il y eut un krach financier en 1889-1890, car le minerai n 'était pas très riche (10 g à la tonne), il fallait le broyer et les conditions d'exploitation étaient dures et coûteuses. Une population de mineurs prospec- teurs ne s 'attarde pas à gémir sur les désastres de la

Page 24: La Terre est-elle une mine inépuisable

Bourse ; elle se remet au travail. On construisit des digues pour avoir de l'eau, puis 1 500 km de voie ferrée, de Johannesburg au Cap, et encore une autre ligne vers le Mozambique.

Un perfectionnement technique imprévisible améliora la situation. Au vieux système de l'amal- gamation au mercure, allait se substituer la cyanu- ration, qui permettait de récupérer 25 pour 100 d'or supplémentaire.

En 1895, Johannesburg comptait 80 000 habi- tants et le Transvaal produisait le quart de l'or du monde entier. Le district du Rand se révélait iné- puisable et les dividendes annuels des sociétés orga- nisées s'élevaient à 30 pour 100.

Malheureusement une nouvelle guerre survint. A l'instigation de Cecil Rhodes, les troupes britan- niques attaquent de nouveau le Transvaal le 30 dé- cembre 1895. La guerre va durer sept ans, au cours desquels 450 000 Britanniques réduisirent provi- soirement 50 000 Boers.

En 1910, la production atteint le tiers de celle du monde entier. La mécanisation commence et les travaux sont de plus en plus profonds. On trouve huit horizons productifs, avec 8 à 10 g d'or à la tonne. De 1886 à 1945, le Rand a produit 2 milliards et demi de livres sterling d'or. Actuellement, la production annuelle se situe aux environs de 1 000 tonnes, soit pratiquement la moitié de la production mondiale (une grande partie de l'autre moitié appartenant à l'U.R.S.S.). Le puits 15 de la Crown Mine descend à 2 600 m et on espère exploiter jusqu'à 3 500.

Les mines du Rand ne sont certainement pas inépuisables, mais en avril 1946, on a découvert un nouveau gisement près du village d'Odendaalsrust, dans une zone désertique de l'Etat libre d'Orange.

Page 25: La Terre est-elle une mine inépuisable

Il est, paraît-il, d'une richesse incroyable et ce serait la plus grande découverte du XX siècle.

Vers 1848, le Tsar de Russie chargea l'ingénieur des mines P.-P. Doroschine de prospecter l'Alaska, cette province américaine de l'Empire russe. Doros- chine ne trouva rien d'autre que quelques paillettes d'or sans grand intérêt.

En 1876, les Américains achètent l'Alaska au Tsar pour 7 200 000 dollars, un fameux marché que les vendeurs doivent encore regretter ! De 1880 à 1890, des chercheurs d'or remontent la vallée du Yukon sur 1 500 kilomètres, sans grands résultats.

Ce n'est qu'en 1898 qu'un Norvégien et deux Suédois découvrirent de l'or dans les alluvions gelées de Nome, au sud-ouest de la presqu'île Seward, par 64° 24' de latitude nord. Malgré les difficultés de climat et de ravitaillement 8 000 prospecteurs se précipitèrent sur l'Alaska, montés sur des traî- neaux attelés de rennes. En été, les alluvions furent chauffées et dégelées, puis exploitées avec succès. Trois ans plus tard tout était épuisé, mais personne ne s'affola puisqu'on venait de découvrir de nouveaux gisements aurifères, tout près, en territoire canadien, dans les vallées du Yukon et du Klondyke.

Ce fut la ruée sur le Klondyke, dont on tira 115 millions de francs-or en 1900, puis 60 seulement en 1903, puis 50 en 1904, etc.

De cette entreprise étonnante (Alaska-Klon- dyke), il est tout de même sorti officiellement un milliard de francs-or entre 1898 et 1910. Il en sort encore 2 000 kg par an.

Page 26: La Terre est-elle une mine inépuisable

Actuellement, la production mondiale d'or est de l'ordre de 2 000 tonnes par an.

L'Afrique du Sud est restée le premier produc- teur du monde, passant de 325 tonnes en 1929 à 450 en 1955, et arrivant aux environs de 1 000 tonnes.

Le second producteur est l'U.R.S.S. que l'on suppose produire environ 500 tonnes d'or par an, peut-être plus.

Viennent ensuite le Canada (avec un peu plus de 100 tonnes), les États-Unis (50 tonnes), l'Australie (30 tonnes), le Ghana (28 tonnes), la Rhodésie du Sud (près de 20 tonnes), les Philippines (13 tonnes), la Colombie (10 tonnes).

Le reste provient de petits producteurs (Congo, Japon, Brésil, Inde, Colombie, Mexique, Pérou, Chili, Suède, Chine, Nouvelle-Guinée, etc.).

Le diamant est le plus dur de tous les minéraux connus à la surface du globe. C'est du carbone pur, cristallisé. Lorsqu'il est taillé, son indice de réfraction élevé donne un éclat particulier à ses facettes. Rare, il est très coûteux, ce qui assure sa réputation de « pierre précieuse » depuis des millénaires.

Parmi les autres pierres précieuses, rappelons l'émeraude, le rubis et le saphir, également fort recherchés.

Ces pierres sont relativement faciles à recon- naître et elles ont cet avantage considérable de représenter une très grosse valeur sous un très petit volume. Le prospecteur libre a plus d'intérêt à trouver un beau diamant qu'à découvrir une grande mine de fer.

Page 27: La Terre est-elle une mine inépuisable

23/1491/2

Page 28: La Terre est-elle une mine inépuisable

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.