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M~dMalInfect. 1992 ; 22, Special : 272 a 281 La toxi-infection alimentaire* Y. BUISSON** RESUME L'augmentation actuelle de l'incidence des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) dans les pays industrialises est due principalement aux salmonelles et surtout a Salmonella Enteritidis au cours des 5 dernieres annees. Presentes darts notre environnement, ces bacteries peuvent contaminer les produits alimentaires des l'origine (ceufs, viandes, coquillages) ainsi qu'a chaque 6tape de la chalne alimentaire. Les foyers familiaux de TIAC a salmonelles sont plus frequents que ceux survenant en restauration collective. Generalement reduite a une gastro- enterite aigu@ de courte dur@e, l'infecti0n peut &tre beaucoup plus grave aux ~iges extr&mes de la vie, notamment en milieu hospitalier ou institutionnel. Chaque foyer de TIAC doit faire l'objet d'une enqu&te 6pidemiologique precoce et m&tho- dique necessitant un recueil soigneux des donn@es cliniques, bacteriologiques et alimentaires, suivie d'une analyse statistique de ces donnees facilitee par l'infor- matique. L'identification de l'agent responsable, de l'aliment vecteur, de l'origine de sa contamination et des facteurs ayant favorise la pullulation bacterienne dans l'sliment permet de prendre rapidement des mesures qui emp&cheront les recidives. La d~claration obligatoire de tout foyer de TIAC a l'autorite sanitaire est une condi- tion indispensable pour qu'une surveillance epidemiologique soit realisee au plan national. Mots-cl~s : Toxi-infection alimentaire collective - Salmonella - Enqu&te epid6mio- logique. La progression des toxi-infections alimen- taires collectives (TIAC) dans la plupart des pays developpes traduit l'evolution des com- portements alimentaires caracterisee par un recours croissant a la preparation industrielle des repas eta la restauration collective : plus des deux tiers des foyers de TIAC d6clar6s apparaissent apres des repas pris en com- mun dans les cantines scolaires, les restau- rants d'entreprise, les unites militaires, les hSpitaux, les institutions sociales et les pri- * Communication presentee lors du Colloque Pharmuka sur "Les Salmonelles et leur pathologie", tenu a Paris le 20 mars 1992. ** Laboratoire de Biologie clinique, HSpital d'Instruc- tion des Armees du Val-de-Gr~ce, 74 Bd de Port-Royal - F-75230 Paris Cedex 05. sons. Selon la Direction Generale de la Sante (DGS), un foyer de TIAC est defini par l'appa- rition d'au moins 2 cas d'une symptomato- logie, en general digestive, dont on peut rapporter la cause a une meme origine ali- mentaire (10). Cette definition, tres large, per- met d'inclure des accidents d'etiologie bacte- rienne (salmonelloses), parasitaire (trichinose) ou chimique (histamine). Les m6canismes en sont toutefois tres differents, ainsi que les mesures de prophylaxie correspondantes. La d6finition des TIAC adopt6e dans le Service de Sante des Armees est plus restrictive mais plus homogene, limitant les TIAC aux acci- dents aigus d'allure toxique, consecutifs l'ingestion d'aliments contamines par des bacteries ou par les produits de leur m~tabo- lisme (15). 272

La toxi-infection alimentaire

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Page 1: La toxi-infection alimentaire

M ~ d M a l I n f e c t . 1992 ; 22, Special : 272 a 281

La toxi-infection alimentaire* Y. BUISSON**

RESUME L'augmentation actuelle de l'incidence des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) dans les pays industrialises est due principalement

aux salmonelles et surtout a S a l m o n e l l a Enteritidis au cours des 5 dernieres annees. Presentes darts notre environnement, ces bacteries peuvent contaminer les produits alimentaires des l'origine (ceufs, viandes, coquillages) ainsi qu'a chaque 6tape de la chalne alimentaire. Les foyers familiaux de TIAC a salmonelles sont plus frequents que ceux survenant en restauration collective. Generalement reduite a une gastro- enterite aigu@ de courte dur@e, l'infecti0n peut &tre beaucoup plus grave aux ~iges extr&mes de la vie, notamment en milieu hospitalier ou institutionnel. Chaque foyer de TIAC doit faire l'objet d'une enqu&te 6pidemiologique precoce et m&tho- dique necessi tant un recueil soigneux des donn@es cliniques, bacteriologiques et alimentaires, suivie d'une analyse statist ique de ces donnees facilitee par l'infor- matique. L'identification de l'agent responsable, de l'aliment vecteur, de l'origine de s a contamination et des facteurs ayant favorise la pullulation bacterienne dans l'sliment permet de prendre rapidement des mesures qui emp&cheront les recidives. La d~claration obligatoire de tout foyer de TIAC a l'autorite sanitaire est une condi- tion indispensable pour qu'une surveillance epidemiologique soit realisee au plan national.

Mots-cl~s : Toxi-infection alimentaire collective - S a l m o n e l l a - Enqu&te epid6mio- logique.

La progress ion des toxi-infections alimen- taires collectives (TIAC) dans la plupart des pays developpes traduit l 'evolution des com- portements alimentaires caracterisee par un recours croissant a la preparation industrielle des repas e t a la restauration collective : plus des deux tiers des foyers de TIAC d6clar6s appara i ssen t apres des repas pris en com- mun dans les cantines scolaires, les restau- rants d 'entreprise, les unites militaires, les hSpitaux, les institutions sociales et les pri-

* Communica t ion presen tee lors du Colloque Pharmuka sur "Les Salmonelles et leur pathologie", t enu a Paris le 20 mars 1992. ** Laboratoire de Biologie clinique, HSpital d'Instruc- tion des Armees du Val-de-Gr~ce, 74 Bd de Port-Royal - F-75230 Paris Cedex 05.

sons. Selon la Direction Generale de la Sante (DGS), un foyer de TIAC est defini par l'appa- rition d'au moins 2 cas d 'une symptomato- logie, en genera l digest ive, dont on peut rapporter la cause a une meme origine ali- mentaire (10). Cette definition, tres large, per- met d'inclure des accidents d'etiologie bacte- rienne (salmonelloses), parasitaire (trichinose) ou chimique (histamine). Les m6canismes en sont toutefois tres differents, ainsi que les mesures de prophylaxie correspondantes. La d6finition des TIAC adopt6e dans le Service de Sante des Armees est plus restrictive mais plus homogene, limitant les TIAC aux acci- dents aigus d'allure toxique, consecutifs l ' ingest ion d 'a l iments contamines par des bacteries ou par les produits de leur m~tabo- lisme (15).

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Les salmonelles r ep re sen t en t l 'etiologie la plus f requemment retrouvee dans les TIAC : elles sont mises en cause dans 7 1 % des foyers declar6s en France en 1990, ce qui cor- respond a 52 % des cas cliniques (17). Elles font l 'objet d ' une survei l lance epidemiolo- gique pe rmanen te coordonnee par les direc- tions depar tementales de l'action samtaire et sociale (DDASS), les directions des services vet6rinaires (DSV) et le centre national de re- ference. L'augmentation preoccupante des in- fections a S. Enteritidis* depuis 5 ans, liee a la consommation d'oeufs crus ou insuffisamment cuits, constatee en France comme en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, justifie actuelle- ment cette surveillance (7, 14, 19).

Nous p resen te rons success ivement les as- pects epid6miologiques, cliniques et bacte- r iologiques des TIAC a salmonel les avant d'envisager, a l 'aide d 'un episode recemment observe en mil ieu militaire, les m e t h o d e s d 'enqu~te a mettre en oeuvre.

ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES TIAC A SALMONELLA

Selon les donnees d ' incidence recueillies par le bureau des maladies transmissibles de la DGS, la proportion des episodes de TIAC im- putables aux salmonelles augmente regulie- r emen t depuis 7 ans ( tableau I). La m~me constatat ion est faite aux Etats-Unis off un accroissement de 75 % dans la proportion des foyers et de 130 % dans la proportion des cas cliniques dfis aux salmonelles a ete notee par les CDC entre 1973-75 et 1985-87 (3). Dans sa forme typique, la TIAC est une pseudo-

* Les noms des serotypes sont ecrits suivant la nomen- clature simplifiee proposee par L. Le Minor, Med Mal In- fect. 1988; 18: 859-62.

epid6mie ou anademie, caracteris6e par l'ap- parition soudaine de plusieurs cas groupes, car lies a la meme source de contamination. La survenue de cas secondaires, exception- nelle, s 'observe parfois en milieu hospitalier (13, 22). En cas de contamination unique, la courbe epid6mique des TIAC a salmonelles est unimodale et s 'etale sur 24 a 72 heures (figure 1). Elle est parfois plurimodale, tra- duisant une contamination reiter6e. Un phe- nomene de dispersion peut s'observer dans le temps et dans l 'espace lorsque l'infection est v6hiculee par des aliments a consommation differee : conserves et semi-conserves, oeufs (14), epices (9), etc.

Si les foyers de TIAC se declarent plus fre- q u e m m e n t en r e s t au ra t ion collective, les. foyers imputables aux salmonelles survien- nent significativement plus souvent en res- tauration familiale, comme l ' indique la repar- tition des foyers d6clares aux DDASS et aux DSV en 1988, 1989 et 1990 (tableau II); pour ces 3 annees, les salmonelles sont impliquees dans 34 % des foyers de restaurat ion collec- tive et dans 81% des foyers familiaux (p < 0,001). De m~me en Grande Bretagne, 80 % des TIAC a salmonelles rapport6es au Public Heal th Laboratory Service de 1984 a 1988 concernaient des foyers prives (13). Outre les TIAC de restauration collective et les TIAC familiales, les foyers diffus, caract6ris~s par l'atteinte de plusieurs familles ou de plusieurs collectivites a partir d 'une meme source de contaminat ion sont imputables aux salmo- nelles dans plus de 90 % des cas. Sur les 432 foyers de TIAC a S a l m o n e l l a dec la res au cours des 3 dernieres annees, l 'aliment res- ponsable a ete identifie dans 354 cas (82 %) : les oeufs et ovo-prgduits sont les plus sou-

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vent incrimines (67 %), avant les viandes et volailles (18 %), les poissons et fruits de mer (6 %), le lait et ses deriv6s (1%). Aux Etats- Unis, sur 790 foyers de TIAC a salmonelles rapportes aux CDC de 1973 a 1987, l 'aliment responsable est connu dans 490 cas (62 %); les eeufs ne sont en cause que dans 3 % des cas, mais leur r~le progresse regulierement, de 0 % en 1973-75 a 1% en 1976-78, 4 % en 1979-81, 3 % en 1982-84 et 8 % en 1985-87 (3).

Les principaux facteurs favorisants identifies dans le dec l enchemen t des TIAC a salmo- nelles declar6es en France sont, par ordre de-

croissant, le non respect de la chaine de froid, une erreur dans le processus de preparation des repas, un d61ai trop important entre la preparation et la consommation des aliments, la contamination des ustensiles et l 'existence d 'une souillure originelle des matieres pre- mieres. Les m~mes items sont retroaves avec une f requence comparable dans l ' enqu~te americaine, qui note en outre un defaut d'hy- giene individuelle des personnels dans 63 % des cas.

Dans l 'armee, 20 a 40 foyers, f rappant de 1000 a 3000 personnels, sont declares chaque

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annee. Les taux d ' incidence annueUe sont relativement stables d 'une annee sur l'autre, mais ils sont s ignif icat ivement augmentes dans les t roupes se rvan t outre-mer (p < 0,001) avec un risque relatff egal a 4,1 pour l'incidence des foyers e t a 2,3 pour l'incidence des cas cliniques (15).

Le cofit annuel des TIAC a salmonelles, diffi- cile a calculer compte tenu du taux de sous- declaration encore tres eleve en France et de la sous-evaluation des cotits indirects, seralt de l'ordre de 2 milliards de francs (6). Sur la base d 'une estimation de 700 a 1350 $ US par cas, il excederait 4000 millions de $ US aux Etats-Unis (21).

ASPECTS CLINIQUES DES TIAC A SALMONELLA

Contamination L' ingest ion de salmonel les ayant prolifere dans un eliment peut entrainer une colonisa- tion de la muqueuse intestinale lorsque l'ino- culum depasse les capacites de defense du tube digestff, definissant une dose minimum infectante, generalement _> 105 bacteries. Cer- ta ines observa t ions ont demontre qu 'une dose t res faible, inferieure a 10 bacteries, pouvait suffire a la contamination; le r~le pro- tecteur de l 'aliment vecteur (chocolat, froma- ge) et l '~ge jeune des individus infectes ont ete discutes comme de possibles facteurs de contamination paucibacterienne (7, 12).

Incubation Generalement comprise entre 5 et 72 heures, elle peut parfois s 'e tendre de 3 heures (19) jusqu'a 7 jours (2). Ces variations sont princi- palement liees a la dose infectante ingeree, certains sympt~mes tres precoces a type de nausees et de vomissements ayant ete impu- tes a l 'absorption de quanti tes importantes d'endotoxine presentes dans l'aliment.

Sympt6mes Le tableau typique est celui d 'une gastro- enterite aigue febrile avec diarrhee, douleurs abdominales , nausees , vomissements , ce- phalees et malaise general (tableau m). Tout rentre dans l'ordre en moins d 'une semaine, generalement en 2 a 3 jours. Chez le nourris-

son ou le vieillard, l'affection peut prendre un aspect beaucoup plus severe et evoluer rapi- dement vers la mort.

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L~talit6 Au cours des 4 dernieres annees, 32 deces par TIAC a salmonelles ont ete declares en France, soit un taux de letalite egal a 2,7 %0 (10, 16, 17, 18). L'etude du CDC releve un taux comparable, egal a 2 %0, correspondant au total a 88 deces en 15 ans (3). Presque tous les cas fatals surviennent en milieu hos- pitalier ou en institution, chez des pat ients ~ges et fragilises par une pathologie sous- jacente; darts ces foyers, le taux de letalite d 'une TIAC peut depasser 10 %, les formes fatales correspondant genera lement a une septicemie (20).

ASPECTS BACTERIOLOGIQUES DES TIAC A SALMONELLA

La majorite des TIAC est due a un nombre restreint de serotypes de Salmonella dont l'in- cidence annuelle presente d ' importantes et imprevisibles fluctuations, la tendance des 5 dernieres annees etant dominee par la pro- gression de S. Enteritidis et le recul de S. Ty- phimurium (tableau IV). De ce fait, le seul

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typage serologique est souvent insuffisant pour l'identification precise des souches, el6- ment indispensable de l'enqu&te epidemiolo- gique. D'autres marqueurs sont necessaires afin de demontrer que les souches isolees chez plusieurs patients e t a partir d 'un ali- ment suspect proviennent d 'un seul et m&me clone.

L'antibiotype est peu contributif, la grande majorite des isolats etant de phenotype sen- sible. La biotypie et la lysotypie restent tou- jours tres utiles, notamment avec S. Typhi- murium (4), mais ces marqueurs ont aussi leurs limites, comme en temoigne la recente diffusion nationale et internationale du lyso- type 33 (lysotype 4 du systeme britannique) de S. Enteri t idis . Avec les t echn iques de biologie moleculaire, un niveau de discrimi- nation supplementaire est possible entre des souches de Salmonella pr6sumees identiques gr~ce a l 'analyse de I'ADN plasmidique (14) e t a l ' e tude du polymorphisme des genes codant pour I'ARN ribosomal par hybrida- tion des fragments de restriction de I'ADN (8, 23).

INVESTIGATION DES TIAC A SALMONELLA

Principes g~n6raux

Une TIAC est un evenement brutal, imprevi- sible, souvent dramatique, parfois catastro- phique (5), pouvant par son ampleur saturer momen tanemen t les capacites des services

sanitaires. Si la na ture de l 'accident est evidente lorsqu'il se declenche dans une col- lectivite fermee, il est plus difficile de la de- tecter quand les cas sont d i spe r se s dans l 'espace et dans le temps, apres un repas servi dans un restaurant ou apres distribu- tion d 'un aliment contamine par un r6seau commercial.

Qu'elle survienne en restauration familiale ou collective, une TIAC traduit toujours une fau- te d 'hygiene caract6ris6e, souvent plusieurs, comrnise au cours d 'une des etapes de fabri- cation, de distribution, de conservation ou de preparation des aliments. Ces anomalies doi- vent etre identifiees et immediatement corri- gees pour prevenir toute recidive. C'est pour- quoi chaque foyer de TIAC doit faire l'objet d 'une enquete approfondie. C'est une enqu& te pluridisciplinaire, a la fois clinique, micro- biologique, hygi6nique et 6pid6miologique. Elle doit suivre une methodologie rigoureuse mais la grande variete des situations rencon- trees interdit l'utilisation de recettes pr~tes-a- l'emploi. Coordonnee par une autorite sani- taire, elle doit &tre entreprise sans delai. Mise en ~euvre dans un climat d'agitation et d'af- folement, elle se heur te parfois a des reti- cences et s 'acheve souvent dans une indiffe- rence quasi-g6n6rale. Elle doit repondre aux questions suivantes : quel est le germe res- ponsable ? quel est l 'al iment(s) contami- nant(s) ? comment l 'aliment a-t-il ete conta- mine ? le processus de prepara t ion de l 'aliment a-t-il favorise la pullulation bacte- rienne ?

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Identification de l'agent responsable Orientee par les donnees cliniques, le carac- tere febrile de la gastro-enterite, une duree d ' incubation moyenne de 15 heures, l'identi- fication de l 'agent pa thogene est generale- ment aisee en cas de TIAC a salmonelles, la reponse du laboratoire etant fournie au bout de 48 a 72 heures. I1 faut voir la un facteur de surestimation de cette etiologie par rapport d 'autres agents de determinat ion plus deli- cate. Chez les malades, fl faut recueillir des selles, ou a defaut un ecouvillonnage rectal, eventuel lement des vomissements. L'hemo- culture s ' impose dans les formes severes. Le nombre de patients a prelever est a determi- ner suivant le nombre de cas et les possibili- tes du laboratoire : on preleve de preference les malades les plus atteints, le plus tot pos- sible apres l 'apparition des sympt0mes.

Identification du ou des aliment(s) conta- minant(s) C'est une enqu~te cas/temoins necessitant la collecte rapide de donnees cliniques et ali- mentaires (1).

- Recuei l des donne e s : un questionnaire est prepare a chaque episode de TIAC, pour une administration directe ou telephonique. Les donnees cliniques a preciser sont la date et l 'heure de debut des manifestations cliniques, la nature des sympt0mes, les resultats d'exa- mens microbiologiques, la decision therapeu- tique, l 'hospitalisation eventuelle et l'evolu- tion. Les donnees a l imentaires a recueillir sont les lieux des repas pris au cours des 72 heures precedant le debut des sympt6mes et la nature des aliments consommes. La qua- lite du recueil est primordiale : les resultats de l 'enquete dependen t de la precision et de la r igueur appor tees dans cet te t~che. Le nombre de personnes a interroger est tres va- riable suivant l ' ampleur de la TIAC et les moyens d ' invest igat ion disponibles. En ge- neral, il faut ques t i onne r le plus g rand nombre possible de malades et un nombre equivalent de temoins. I1 est parfois difficfle de trouver un nombre de temoins suffisant dans une collectivite, quand le taux d'at taque est t res eleve. Inversement , dans cer tains foyers de TIAC n 'a f fec tan t qu 'un peti t nombre d' individus, on a inter~t & recruter u n nombre plus grand de temoins (3 a 4 pour

1 malade) pour augmenter la puissance des tests statistiques. Le choix des temoins est parfois delicat; en pratique, on select ionne des individus ayant participe aux m~mes re- pas que les cas, ou ayant d 'autres caracteris- t iques _~limentaires communes (clientele du m~me res taurant , du m e m e supermarche , etc.).

- Exploitation des donnees : il est possible, partir de ces donnees cliniques, bacteriolo- giques et alimentaires, d'identffier avec exac- t i tude la source de la contamination. Cette demarche est a present facilitee par l'infor- mat ique : un logiciel "TIAC", mis au point par la DGS est disponible dans sa nouvelle version depuis mars 1991 (17).

• Definition des cas : il est indispensable , avant toute analyse, de formuler une defini- tion precise des cas. En effet, un signe cli- n ique n ' e s t pas suff isant pour affirmer la maladie, surtout quand il est aussi peu speci- fique que fatigue, malaise ou cephalee. On peut exiger une associa t ion de p lus ieurs sympt6mes evoca teurs telle que diarrhee accompagnee de f ievre > 38°5 et de douleurs abdominales; trop detaillee, cette definition ecarte les formes paucisymptomat iques ou a typiques et perd en sensibil i te ce qu'el le gagne en specificite. Au total, la definition des cas peut reposer sur la p r e sence d'au. moins 2 sympt0mes, dont le plus frequent, en se limitant dans le temps et l 'espace : tou- te diarrhee, accompagnee d'au moins un des autres s y m p t 6 m e s signales, apparue entre le 15 et le 17 novembre au l~ ~me reg imen t d'in- fanterie. I1 peut etre interessant de distinguer les cas cliniques bacteriologiquement confir- mes des cas cliniques non confirmes, et par- mi ceux-ci les cas suspects, ne repondant que partiellement a la definition adoptee. La dis- t inct ion ent re cas pr imaires et cas secon- daires peut parfois s'imposer a l 'examen de la courbe epidemique; dans cette situation ex- ceptionneUe, l 'enqu~te d'exposition alimen- taire doit se limiter aux cas primaires.

• Courbe epidemique : en reportant chaque cas declare sur un h i s tog ramme suivant l 'heure de debut des sympt0mes, il est pos- sible d'affirmer le caractere isole ou repete de la contaminat ion . E n c a s d 'expos i t ion unique, la largeur de la courbe etant propor-

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t ionnel le a la du ree d ' incubat ion , on p e u t eva- luer ce t t e du ree e n m e s u r a n t le dela i sepa- r a n t le d e b u t du p r e m i e r cas et le d e b u t du d e r n i e r cas et s i tue r a ins i la d a t e p r o b a b l e d u r e pa s c o n t a m i n a n t .

• E n q u e t e d ' expos i t i on : les d o n n e e s al imen- ta i res co l lec tees chez les cas et chez les te- m o i n s s o n t r a s s e m b l e e s d a n s u n t a b l e a u 4 co lonnes , f i gu ran t :

a : n o m b r e de m a l a d e s ayan t c o n s o m m e l'ali- m e n t ; b : n o m b r e de m a l a d e s n ' a y a n t pas consom- m e l ' a l iment ; c : n o m b r e de n o n - m a l a d e s ayan t c o n s o m m e l ' a l iment ; d : n o m b r e de n o n - m a l a d e s n ' a y a n t p a s c o n s o m m e l 'a l iment .

I1 suf f i t a lors , p o u r c h a q u e r e p a s ou p o u r c h a q u e pla t ( t ab leau V) : - de c o m p a r e r les t a u x d ' a t t a q u e spec i f iques

chez les ind iv idus ayan t c o n s o m m e (a/a + c) ou n ' a y a n t pas c o n s o m m e (b/b + d), les diffe- r ences pos i t i ves les p lus e l evees i n d i q u a n t les e l e m e n t s les p lus s u s p e c t s , - de r e c h e r c h e r si les d i f fe rences a m s i reve- lees son t s igni f ica t ives au r i sque 5 % par le t e s t du chi carre, - de calculer l ' odds ratio (OR = ad/bc) et son in terval le de conf i ance a 95 % (IC) pou r me- surer l ' in tens i te de la l iaison, l'OR le p lus ele- ve avec u n IC exc luan t la va leur 1 d e s i g n a n t l ' a l iment le p lus p r o b a b l e m e n t c o n t a m i n a n t .

• Conf i rma t ion b a c t e r i o l o g i q u e : de s l ' appa- r i t ion d ' u n e TIAC, les r epa s t e m o i n s des der- n ie res 48 heures , r e g l e m e n t a i r e m e n t conser- ves a +4°C, s o n t sa i s i s et a d r e s s e s au labora to i re p o u r expe r t i s e . Les d o n n e e s de l ' e n q u e t e e p i d e m i o l o g i q u e p e r m e t t e n t d e focaliser les i n v e s t i g a t i o n s bac t e r io log iques sur les a l iments les p lus suspec t s . L ' isolement d ' u n e sa lmone l le a par t i r d ' u n echant i l lon ali-

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mentaire est un e lement d 'une valeur consi- derable pour l'enqu&te etiologique lorsque la souche possede des marqueurs identiques ceux des isolats cliniques. La nature de l'ali- men t contaminant e tant confirmee, les re- cherches peuvent alors s 'orienter vers l'ori- gine de cette contamination.

Recherche de l 'origine de la contamination Afin d 'or ienter u t i lement les mesures pre- vent ives, il faut savoir si les sa lmonel les etaient presentes dans l 's]iment des le stade de fabrication (contamination originelle) ou si elles ont ete introduites pendant une des etapes de la preparation du repas (contami- nation accidentelle). L'enqu&te ne doit negli- ger aucune de ces 2 pistes; elle est completee d 'une recherche de porteurs de germes chez la totalite des personnels de cuisine par co- proculture, d 'une analyse bacteriologique des eaux de consommation, eventuellement d'une analyse des ingredients ayant se rv ia la pre- paration de l 'aliment contaminant.

La decouverte d 'un porteur de salmonelles parmi les cuisiniers ne doit toutefois pas faire conclure h~tivement a sa culpabilite : il peut aussi avoir partage le plat contaminant.

Identif ication des facteurs f a v o r i s a n t s

C'est le resultat d 'une veritable enqu&te poli- ciere a conduire tout le long de la chaine de preparation de l 'aliment responsable de la contamina t ion collective. L'etat de pro- prete des tenues de travail, du bloc sanitaire et des ustensiles de cuisine renseigne sur le niveau de respect des regles d'hygiene. I1 faut ensui te rechercher tout m a n q u e m e n t aux principes e lementa i res de la res taurat ion collective : - la preparation des repas doit se faire moins de 2 heures avant leur consommation, - smon, les aliments doivent &tre maintenus en liaison froide (< +4°C), ou chaude (> +65°C), - on ne conserve jamais les restes, on les jet- re; d'ofl la nec6ssite d 'un bonne gestion pre- visionnelle des effectffs.

L'enqu&te doit depis ter toute rupture des chaines de froid ou de chaud, tout maintien abusif des denrees & temperature ambiante, toute cuisson insuffisante, toute decong~la- tion ]ente des surgeles. Les conditions clima-

tiques ont aussi leur importance, chaleur et humidite favorisant la pullulation bacterienne.

D e c l a r a t i o n

Au terme de cette enqu~te, la salmonelle,'res- ponsable, l'alirnent vecteur, les modalites de sa contamination et les facteurs favorisants doivent etre identifies.

Les TIAC sont des affections a declaration obligatoire (decret n°86-770 du 10 juin 1986, Journal Officiel du 14 juin1986) sous le n°12. Au formulaire de declaration est joint un rap- port d' investigation detaille au terme duquel le redacteur effectue la syn these des don- nees, emet des hypotheses ou des certitudes q u a n t a l'origine de la contamination et cite les mesures de prevention adoptees : rein- placement d 'un equipement frigorifique de- fectueux, consigne d 'un stock de denrees ali- mentaires, denonciation d 'un contrat avec un fournisseur local.

C O N C L U S I O N

Les recentes etudes sur les elevages de vo- laille infectes ont montre qu'fl est possible de reduire les sources de contamination par les salmonelles dans renvi ronnement mais qu'il est illusoire de vouloir les eradiquer (7). La prevention des TIAC a salmonelles repose es- sent ie l lement sur l 'observation de s i m p l e s mesures d 'hygiene alimentaire, applicables aussi bien dans les cuisines familiales que dans la restauration collective, des t inees rendre impossible la multiplication d 'un faible inoculum bacterien eventuel lement present daus les denrees.

Aussi, la survenue d 'une TIAC a salmonelles n'est-elle jamais le fruit du hasard. Elle tra- duit un ensemble de faillites dans l'hygi&ne de la chaine alimentaire, un rel~chement de la vigilance, des fautes imputables a l'igno- rance, a l'oubli ou au laisser-aller, autant de facteurs generalement retrouves lors de ren- qu~te. Toute TIAC aurait d~ ~tre evit6e. C'est pourquoi une enquete efficace doit ~tre me- nee dans chaque nouveau foyer : veritable exercice de style pour epidemiologistes, elle permet, en decelant rorigine de la contami- nation et les facteurs qui l'ont amplifiee, de corriger les anomalies et de prevenir ainsi toute recidive.

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S U M M A R Y F O O D B O R N E D I S E A S E O U T B R E A K

Current increase in the inc idence o f foodborne d isease ou tbreak in deve lopped countries is mainly due to salmonella, especially S a l m o n e l l a Enteritidis over the five last years. From environmental sources, these bacteria can originate contamination o f un treated foods l ike eggs, meats , shellfish, as wel l as e ve ry l ink of the food chain. M o s t foodborne disease outbreaks due to salmonella are associated wi th food prepared at home. Infection results in acute bu t mi ld gastroenteritis, excep t in n e w b o r n and elderly pa t i en t s w h o s e death-to-case ratio is higher, especially in hospital or institution. Early epidemiological s u r v e y m u s t be per formed in every foodborne disease outbreak. Clinical, bacteriological and food data have to be ca- refufly collected, for a computer ass is ted analysis. When impl icated pathogen, food vehicle, source of contaminat ion and contribut ing factors are identif ied, control m e a s u r e s are immed ia t l y taken to p reven t recurrences. Sy s t ema t i c report ing of foodborne disease outbreaks is compulsory in order to i m p l e m e n t a national epi- demiological surveillance.

K e y - w o r d s : Foodborne d isease outbreak - S a l m o n e l l a - Epidemiological survey.

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