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LA VIE DES AîNéS NOUS TIENT à CœUR Rencontre provinciale sur le suicide et les aînés Synthèse

La vie des aînés nous tient à cœur - aqps.info · sur le suicide et les aînés Synthèse. 2 La vie des aînés nous tient à cœur ... Cet article, comme l’exposé qui ouvrait

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La vie des aînésnous tientà cœur

rencontre provincialesur le suicide et les aînés

Synthèse

2 La vie des aînés nous tient à cœur

La vie des aînés nous tient à cœur .................................... 3

Au Québec, le suicide diminue avec l’âge ......................... 4

Tendances des 25 dernières années .................................. 5

La réalisation des buts personnels : un facteur de protection ................................................... 5

Facteurs de risque, de protection et implication stratégique des infirmières ............................................... 6

La dépression au grand âge .............................................. 7

Vieillir en société et mourir dans la dignité ................................................... 8

Euthanasie, suicide assisté et suicide : questionnements sur les convergences............................. 9

Le mot de l’animateur .................................................... 10

sommaire

message de La ministre responsabLe des aînésLa question du suicide chez les personnes aînées me touche particulièrement et, à titre de ministre responsable des Aînés, je demeure très préoccupée par le sujet.

Le taux de mortalité par suicide au Québec est en baisse depuis près d’une décennie. Toutefois, en raison du nombre élevé de baby-boomers et du vieillissement de la population, on note que le nombre de suicides chez les 50 ans et plus a augmenté. Je souhaite ardemment que notre société exerce une vigilance toujours plus grande à l’égard de la détresse vécue par les personnes aînées, et votre colloque a certes contribué à dégager des pistes de solution visant à la combattre.

L’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) apporte un soutien important à celles et ceux qui osent aller chercher de l’aide, et je l’en félicite du fond du cœur.

À l’instar de l’isolement – souvent plus marqué chez les aînés qu’au sein des autres groupes d’âge –, des problèmes personnels, familiaux, financiers ou des troubles de santé mentale, la maltraitance peut, elle aussi amener une personne aînée à mettre un terme à sa vie.

Nous avons rendu public en juin dernier le Plan d’action gouverne-mental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015, qui comporte quatre mesures structurantes. J’ai lancé avec fierté deux de ces mesures au début du mois d’octobre, soit la ligne téléphonique nationale Aide Abus Aînés, 1 888 489-ABUS (2287), qui offre un service confidentiel d’écoute et de référence, ainsi qu’une vaste campagne publicitaire visant à informer et à sensibiliser la population au sujet du phénomène malheureusement tabou et encore méconnu de la maltraitance.

Je fais le vœu que d’ici quelques années, grâce à toutes les dispositions prises et à la sensibilité accrue de l’ensemble de la population et d’organismes tels que l’AQPS, les statistiques sur le suicide soient plus encourageantes, autant pour les jeunes que pour les personnes aînées.

marguerite bLais ministre responsable des aînés

3SynthèSe de LA rencontre ProvinciALe orgAniSée PAr L’aqps

La vie des aînés nous tient à cœurAu Québec, la question du suicide des aînés ne manque pas d’attirer l’attention et de susciter les débats. Pour l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), chaque suicide, quel que soit l’âge de celui qui le commet, est un drame de trop.

En organisant un colloque sur le suicide et les aînés, l’AQPS voulait dépasser les idées reçues et réunir les gens et les organismes interpellés pour observer ensemble la réalité des faits et des chiffres. L’association a ainsi voulu se mettre à l’écoute de ce qu’avaient à dire sur cette question les aînés, leurs représentants et les intervenants qui travaillent avec eux.

Le jeudi 23 septembre 2010, à Trois-Rivières, les participants ont répondu en très grand nombre à l’invitation : alors que 75 étaient espérés, ils étaient plus de 210. Provenant d’horizons multiples, ils se sont rassemblés pour approfondir leur réflexion sur les enjeux actuels liés au suicide de nos aînés et envisager les orientations pour la prévention.

La journée foisonnante de discussions et de réflexions était animée avec sensibilité et enthousiasme par le journaliste Alain Crevier.

Dans ce document, vous lirez des textes rédigés par les conférenciers et panélistes du jour, ou inspirés de leurs exposés. Ils apportent chacun un éclairage particulier à la problématique et leur complémentarité permet, sans épuiser la question, d’offrir au lecteur un riche panorama de points de vue.

L’AQPS et le réseau de prévention du suicide s’engagent à combattre chaque décès par suicide, peu importe l’âge de celui qui le commet. Chacun de ces suicides appauvrit nos communautés et pourrait être évité.

Le renforcement de la prévention requiert l’engagement de tous : professionnels, décideurs et citoyens doivent s’impliquer collectivement et afficher leur volonté de voir réduire radicalement le nombre de suicides.

Tous les acteurs ont le pouvoir de refuser le suicide. Ils sont conviés à s’engager pour la cause et à mobiliser les ressources nécessaires.

Ensemble, on peut prévenir le suicide.

bruno marchand directeur général association québécoise de prévention du suicide

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4 La vie des aînés nous tient à cœur

au québec, Le suicide diminue avec L’âgePartout en occident, les suicides augmentent avec l’âge, mais pas au Québec. « Les gens âgés font moins de tentatives de suicide. Le suicide des aînés, ce n’est pas vraiment une épidémie » constate Brian Mishara, Ph. d., directeur du centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie et professeur de psychologie à l’Université du Québec à Montréal.

1 Source : Le suicide diminue avec l’âge, l’Actualité médicale, 3 novembre 2010, pages 12 et 14, article de Michel Dongois basé sur la conférence donnée par Brian Mishara le 23 septembre 2010. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

En quoi le Québec est-il une société distincte sur le plan du suicide ?Alors que dans les pays d’Europe et aux États-Unis, les aînés forment la catégorie le plus à risque, c’est tout l’inverse au Québec : les aînés ont un faible taux de suicide et il semble encore diminuer. Nous avons si peu de suicide d’aînés qu’il est difficile d’identifier chez eux les groupes précis à risque. Le taux de suicide est en baisse au Québec depuis dix ans, et ce, dans tous les groupes d’âge.

Dire qu’on abandonne les gens âgés serait-il un mythe ?Oui, les recherches disent l’inverse. Dans l’ensemble, les gens âgés sont bien dans leur peau, ils ont moins de détresse psychologique que les autres tranches d’âge et sont plus satisfaits de leur vie. En général, ils n’ont pas l’impression d’être abandonnés par leur famille. De tous les groupes d’âge, ce sont eux qui sont les plus contents du soutien reçu.

La maladie mentale est-elle un facteur de risque important ?Oui, mais elle n’est pas la cause du suicide ; la traiter n’éliminerait pas tous les suicides. Cependant, trop souvent, on ne traite pas la dépression des aînés parce que le mythe veut qu’il soit « normal » de se sentir déprimé en vieillissant.

On se tue pour arrêter de souffrir. Mais même chez les aînés, on peut diminuer significativement la plupart des souffrances. La majorité des gens qui pensent au suicide et le préparent changent d’avis en cours de route ou au dernier moment. Tout être humain a en lui une partie très puissante qui veut continuer à vivre.

Pourquoi les hommes sont-ils plus à risque de suicide ?Parce qu’ils sont, en général, plus psychorigides : souvent, il n’existe à leurs yeux qu’une solution, et une seule, à un problème. La réalité leur apparaît souvent unilatérale. Persiste aussi ce vieux mythe inconscient selon lequel l’homme n’a besoin de personne, peut sauver tout seul le monde contre les méchants, qui sont nombreux. Ce mythe perdure dans tous les groupes d’âge, chez les hommes. Les aînés masculins demandent moins d’aide pour la santé mentale. Et ce qui est curieux, c’est que les femmes âgées se perçoivent bien plus malades que les hommes, mais, quand il y a suicide, c’est surtout le fait des hommes âgés.

Une expérience italienneLa prévention systématique, ça marche. En Italie, pendant dix ans, une équipe a appelé régulièrement des personnes âgées, isolées et sans famille. Une équipe volante s’est rendue à domicile quand c’était nécessaire. L’aide téléphonique était systématique, même quand ça allait bien, avec un système de réponse rapide en cas d’urgence. Résultat : on n’a constaté que six suicides chez cette clientèle, alors que le taux habituel (taux prévu) sans cette intervention était de 20,9 suicides.

on se tue pour arrêter de souffrir. Mais même chez les aînés, on peut diminuer significativement la plupart des souffrances.

Les facteurs de risque :

– La dépression. Pas spécifique aux aînés, mais souvent non diagnostiquée et non traitée ;

– Une tentative antérieure de suicide ; – Un conflit familial ; – Des traits de personnalité inflexibles, avec mécanismes

d’adaptation limités, surtout chez les hommes ; – L’accès aux armes à feu ; – La vulnérabilité des hommes quant au veuvage ; – Une comorbidité, avec problèmes de santé mentale,

particulièrement l’abus d’alcool ; – Les effets secondaires des médicaments utilisés pour traiter

les maladies physiques (dépression iatrogène) ; – Les fausses croyances des intervenants et des familles,

par exemple : « un aîné, c’est normal qu’il soit déprimé », ou « la vieillesse, c’est difficile à supporter », ou encore « les malades préfèrent mourir », etc. ;

– Le suicide d’un membre de la famille ; – Une perte importante (de capacité physique, de rôle, etc.).

5SynthèSe de LA rencontre ProvinciALe orgAniSée PAr L’aqps

tendances des 25 dernières années

Cet article, comme l’exposé qui ouvrait le colloque du 23 septembre 2010, vise à décrire la situation épidémiologique actuelle du suicide chez les Québécois âgés de 65 ans et plus et à illustrer les tendances passée et future. Les données de suicides sont sensibles à la sous-déclaration et l’examen de celles-ci montre que leur qualité s’est améliorée sensiblement depuis 1981.

La situation actuelleOn dénombre en moyenne 139 suicides de personnes de 65 et plus par année pour la période 2003-2007 pour un taux de 12,7 / 100 000. Les hommes âgés se suicident trois fois plus que les femmes. Au Québec, les taux de suicide sont les plus bas chez les adolescents, ils augmentent jusqu’à 50 ans et diminuent par la suite. Les personnes de 65 ans et plus ont le second taux le plus bas après celui des adolescents. Au niveau canadien, le taux du Québec ne se distingue pas de celui des autres provinces. Au niveau international, les taux de suicide de personnes âgées québécoises se situent au milieu des pays industrialisés. À l’inverse du Québec, la majorité des autres provinces ou pays voient leur taux de suicide augmenter avec l’âge.

Au Québec, les taux de suicide sont les plus bas chez les adolescents, augmentent jusqu’à 50 ans et diminuent par la suite.

Les tendances passée et futureDepuis 1981, le nombre de suicides augmente chez les 65-74 et chez les 75 ans, chez les deux sexes. Cependant, les taux de suicide, qui expriment le risque au niveau individuel, diminuent significati-vement depuis 1981 pour tous les groupes d’âge, hommes et femmes. Ce paradoxe (nombre en augmentation – taux en diminution) s’explique par la croissance du nombre de personnes de 65 ans et plus. Il est difficile de prévoir quelle direction prendront les taux de suicide des personnes âgées au Québec, mais l’expérience de certains pays montre qu’il serait possible d’en diminuer l’ampleur.

giLLes Légaré, m. sc. chercheur à l’institut national de santé publique du québec en collaboration avec mathieu gagné

Les facteurs de protection :

– Les pratiques religieuses. Pas uniquement les croyances à proprement parler, mais ce qui accompagne la pratique d’une religion, le soutien social, la participation aux activités, etc. ;

– Un bon soutien social. Selon Beautrais (2002), il peut diminuer de 27 % le taux de suicide ;

– L’expérience de vie accumulée (mécanismes d’adaptation) ; – Le système de santé et de services sociaux. Les aînés forment

la catégorie d’âge qui se dit la plus satisfaite du réseau sociosanitaire ; – L’identification et le traitement de la dépression et de l’angoisse ; – Les thérapies. Les baby-boomers sont souvent des consommateurs

de services psychologiques. Ils ont une plus grande ouverture à parler de santé mentale et à demander de l’aide ;

– La maladie d’Alzheimer, ou démence sénile. Même si l’annonce d’un diagnostic de démence peut temporairement augmenter le risque, seulement 2 % de ces malades souhaitent la mort, alors que 45 % des aidants (professionnels de la santé compris) pensent que ces malades souhaitent mourir (Baillard et coll., 1996).

Nombres (colonnes) et taux (ligne brisée) de suicide selon le groupe d’âge, Québec, 2003-20072

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2 LÉGARÉ, G. et GAGNÉ, M. dans : « Suicides des personnes âgées au Québec. Tendance des 25 dernières années », document de présentation du colloque « Le suicide et les aînés », Trois-Rivières, 23 septembre 2010. (Sources des données : Infocentre INSPQ).

6 La vie des aînés nous tient à cœur

regards croisés sur Les facteurs de risque et de protectionLe suicide n’est jamais la résultante d’une cause unique. Au-delà de l’élément déclencheur, il faut chercher une combi-naison de facteurs de risque, conjugée à un déficit de facteurs de protection. c’est ce qu’ont décrit lors du colloque sur le suicide et les aînés Louis Plamondon, président de l’AQdr, renée Quévillon du cPS Les deux rives, Sylvie Lapierre et Marie-Alice champeval.

La réaLisation des buts personneLs : un facteur de protectionLa présence de raisons de vivre et de sens à la vie étant incompatible avec le désir de mourir, ces aspects constituent des facteurs de protection du suicide. C’est dans ce contexte qu’a été créé le Programme de réalisation des buts personnels. Ce programme vise à aider les individus à identifier, planifier, poursuivre et réaliser des projets personnels concrets, réalistes et significatifs. Il comporte 14 rencontres de deux heures par semaine pour de petits groupes de sept à huit personnes. Le programme a déjà été offert à de nouveaux retraités de 50 à 65 ans (M=56,7 ans), qui avaient de la difficulté à s’adapter à cette transition de vie, afin d’améliorer leur qualité de vie et de promouvoir leur santé mentale. Parmi les 354 retraités participant à l’étude, 21 personnes avaient exprimé des idéations suicidaires. En comparant les résultats des participants au programme (n=10) à ceux qui n’y ont pas participé (n=11), on observe que les premiers se sont améliorés significativement au niveau de l’espoir, de la sérénité, de la flexibilité, de l’attitude quant à la retraite et de leur capacité à réaliser leurs projets personnels. Les niveaux de dépression et de détresse ont diminué significativement comparativement aux non-participants.

Ces gains se sont maintenus six mois après la fin du programme. Ce programme peut être facilement adapté aux besoins des personnes vivant d’autres types de pertes ou transitions de vie (décès du conjoint(e), maladies chroniques, divorce) et qui doivent faire des changements importants dans leurs priorités et leurs buts person-nels. Ces résultats positifs pourraient mener à une intervention innovatrice pour la prévention du suicide chez les personnes âgées. C’est dans ce contexte que le programme sera maintenant offert à des personnes âgées dépressives de 65 à 85 ans.

facteurs de risque, de protection et impLication stratégique des infirmièresEn raison de leur place privilégiée dans le système de santé québécois, les infirmières jouent un rôle primordial auprès des aînés à risque suicidaire. Elles peuvent contribuer grandement à la promotion des différents facteurs de protection.

Lors des contacts qu’elles établissent avec les aînés, elles sont capables de discuter des fausses croyances véhiculées au sujet du suicide des aînés, et ainsi favoriser la divulgation d’idées suicidaires en brisant les mythes, les tabous toujours présents en 2010. Elles approfondissent ainsi la prise de conscience de plus en plus nécessaire que la notion de souffrance physique et psychique chez les aînés n’est pas une conséquence normale du vieillissement.

Par le biais des soins qu’elles prodiguent autant à la maison qu’à l’hôpital ou au CHSLD, elles encouragent les activités qui enrichissent les saines habitudes comme l’activité physique ou l’alimentation équilibrée. De plus, les infirmières favorisent et orientent vers les activités sociales, le soutien et l’entraide dont les aînés ont besoin.

Elles peuvent par leur approche augmenter les mécanismes d’adaptation des aînés envers leur situation de soins. Elles les accompagnent à travers le processus complet de soin. Les infirmières, en évaluant la condition physique et mentale des aînés symptomatiques, sont en mesure de dépister les facteurs du risque suicidaire et les symptômes de dépression gériatrique et d’intervenir.

Leur implication en concertation avec les différents partenaires du réseau peut contribuer à réduire le phénomène du suicide des aînés au Québec.

syLvie Lapierre, ph. d.directrice du Laboratoire de gérontologie, professeure, université du québec à trois-rivières

marie-aLice champevaLprésidente du regroupement des infirmières et des infirmiers des services ambulatoires de psychogériatrie

7SynthèSe de LA rencontre ProvinciALe orgAniSée PAr L’aqps

La dépression au grand âgeParmi les facteurs de risque, il en est un particulièrement fréquent chez les personnes âgées suicidaires : la dépression, et de manière plus générale, les problèmes de santé mentale. Arthur Amyot, gérontopsychiatre, et richard Boyer, chercheur au centre de recherche Fernand-Séguin de l’hôpital Louis-h. Lafontaine en ont débattu lors d’une table ronde proposée au colloque du 23 septembre dernier. Le premier apportait le point de vue « micro » de la relation thérapeutique tandis que le second développait un regard plus large sur l’épidémiologie de la dépression des aînés.

Le suicide et Les personnes âgées : approche cLinique et psychodynamiqueLe suicide est inhérent à l’histoire de la condition humaine. Pour Albert Camus, « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie ».

Pertes et désinvestissementVieillir expose l’être humain à vivre de nombreuses pertes : déclin de vitalité, problèmes de santé, diminution du niveau de performance, atteintes à l’image de soi, voire perte d’une certaine acuité intellectuelle. Puis, il y a les décès qui s’ajoutent au fil des mois : la personne âgée voit disparaître autour d’elle des collègues de travail, des amis, des membres de sa parenté, des êtres chers, un enfant, un conjoint. À ces pertes est lié, pour plusieurs de ces aînés, un désinvestissement : la personne ayant perdu le ou les objets à investir peut alors vivre une dépression majeure.

Dépression sans issueDans la dépression majeure, la personne éprouve une souffrance psychique intense. Pour cette personne, il n’y a plus de perspectives positives. Toutes les avenues lui paraissent sans issue. Selon certaines études (Pearson et autres), 80 à 90 % des cas de suicides sont associés à la dépression majeure, au trouble grave de la personnalité, au trouble bipolaire, d’où l’importance de les diagnostiquer et de les traiter. Le suicide est le signe d’un profond désespoir. Il est en général la conséquence d’une douleur émotionnelle très grande, insoutenable.

Dépister et référerL’un des signes précurseurs importants est l’expression de pensées reliées à la mort et dans certains cas, de pensées suicidaires. Des remarques comme « Je serais aussi bien mort », « Je serais mieux six pieds sous terre », « J’accumule mes pilules au cas où les choses s’aggraveraient un jour » doivent être prises au sérieux. Il ne faut pas craindre de poser des questions pour que la personne précise sa pensée, ses intentions, sa souffrance psychologique.

Le fait de la faire parler de ses pensées suicidaires ne la rendra pas suicidaire. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide pour soi-même et pour obtenir pour cette personne l’intervention d’un professionnel de la santé.

La personne âgée suicidaire peut être traitée et se sortir de cette souffrance psychique énorme.

La revalorisation comme traitementLa personne âgée suicidaire peut être traitée et se sortir de cette souffrance psychique énorme. Le traitement peut non seulement diminuer le risque suicidaire, mais aussi accroître le bien-être ressenti. Le traitement passera par une revalorisation narcissique. L’écoute, l’invitation à écrire sa biographie, à se plonger dans les albums de photographies ou dans une passion qui l’occupait avant la dépression sont autant de moyens d’amener une personne âgée dépressive à retrouver un objet d’investissement, tout en vainquant un éventuel sentiment d’inutilité.

docteur arthur amyot, gérontopsychiatre à l’hôpital du sacré-cœur de montréal, professeur titulaire au département de psychiatrie de l’université de montréal

Consultez les pages web du colloque et téléchargez les présentations des conférenciers au www.aqps.info/aines.

Téléchargez le rapport « La mortalité par suicide au Québec : tendances et données récentes » au www.inspq.qc.ca/pdf/publications/890_BulSuicide09.pdf.

Consultez le site du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie au www.crise.ca ou appelez le 514 987-4832.

Besoin d’aide pour vous ou pour un proche : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

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8 La vie des aînés nous tient à cœur

L’euthanasie et Le suicide assistéLe suicide des aînés, parce qu’il touche aux valeurs de vie et de mort, à la volonté de vivre et à celle d’arrêter de souffrir, est un thème qui rejoint celui de l’euthanasie et du suicide assisté. Plus généralement, la question de mourir dans la dignité, aujourd’hui en débat au Québec, peut être rapprochée de la question du suicide. ce 23 septembre, elle fit l’objet d’un entretien avec geoffrey Kelley et véronique hivon, respectivement président et vice-présidente de la commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et d’une table ronde qui réunit vanessa Bévilacqua du réseau FAdoQ, claude Lebond, président de l’ordre des travailleurs sociaux et conjugaux du Québec (otStcFQ) et Bruno Marchand, directeur général de l’AQPS.

vieiLLir en société et mourir dans La dignitéEn tant qu’organisme représentant plus de 255 000 aînés au Québec, le Réseau FADOQ a souhaité prendre part au débat qui se tient actuellement au Québec et qui concerne l’euthanasie et le suicide assisté. Dans le cadre de la Commission sur la question de mourir dans la dignité, le Réseau FADOQ souhaite faire valoir le point de vue des personnes âgées, population particulièrement confrontée à ces enjeux.

Prévenir les demandesLe Réseau FADOQ a souhaité recentrer le débat sur une réflexion située en amont de la question de mourir dans la dignité, soit « Comment vieillir en société dans la dignité » ?

Dans une récente étude réalisée en France, on pouvait constater que 57 % des personnes âgées qui avaient demandé l’euthanasie l’ont fait non pas en évoquant la souffrance physique, mais plutôt en justifiant le geste par des raisons liées à l’âge. La perte d’autonomie, la peur d’être un fardeau pour la famille, l’isolement, le sentiment d’inutilité ont été invoqués entre autres (H. Guisadot, 2002). Ainsi, selon le Réseau FADOQ, il est possible de prévenir une partie des demandes d’euthanasie et de suicide assisté avant même que le souhait ne soit formulé. Un encadrement structuré du processus de vieillissement, une meilleure compréhension de la dimension psychosociale du vieillissement et une plus grande valorisation des personnes âgées et malades sont des pistes de solutions intéressantes. Outre cette démarche, le Réseau

vanessa béviLacquaconseillère dossiers sociaux, réseau fadoq

FADOQ souhaite également souligner l’importance d’une amélioration de l’offre de services en soins palliatifs, que ce soit en matière de recherche, d’information, de formation et de prestation.

Une meilleure compréhension de la dimen-sion psychosociale du vieillissement et une plus grande valorisation des person-nes âgées et malades peuvent prévenir une partie des demandes d’euthanasie et de suicide assisté.

Un relâchement exceptionnel et limitatifSi un relâchement législatif devait avoir lieu à l’égard de l’euthanasie et du suicide assisté, le Réseau FADOQ souhaite également souligner que le processus devrait être circonscrit à des cas dits « exceptionnels ». De plus, le Réseau FADOQ opte pour une forme de relâchement législatif limitatif et non pas pour une décriminalisation entière. Il propose la formule de l’excuse absolutoire selon laquelle les actes d’aide à mourir demeurent criminels au sens de la loi, mais qui peuvent être excusés s’ils sont réalisés selon un cadre de règlements.

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9SynthèSe de LA rencontre ProvinciALe orgAniSée PAr L’aqps

euthanasie, suicide assisté et suicide : questionnements sur Les convergencesL’Association québécoise de prévention du suicide a déposé un mémoire auprès de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité et a été entendue le 29 septembre 2010.

L’AQPS n’a pas adopté de position ferme dans le débat qui concerne l’euthanasie et le suicide assisté. Elle est à l’écoute des arguments des autres partenaires. Sa réflexion, nourrie de la confrontation de ses principes et valeurs de base avec la question de l’euthanasie et du suicide assisté, est jalonnée de questionnements.

comment s’assurer que l’euthanasie et le suicide assisté ne contribuent pas à renforcer l’idée collective que se donner la mort est une solution acceptable à la souffrance ?

La préoccupation essentielle de l’AQPS est que les bénéfices attendus de l’euthanasie et / ou du suicide assisté pour une minorité de personnes ne soient pas contrebalancés par un effet sur l’ensemble de la société par une augmentation des suicides. La personne suicidaire, comme celle qui demanderait l’euthanasie ou le suicide assisté, souhaite avant tout l’arrêt de sa souffrance. Dès lors, comment s’assurer que l’euthanasie et le suicide assisté, s’ils sont légalisés, ne contribuent pas à renforcer l’idée collective que se donner la mort est une solution acceptable à la souffrance ? Il est question de l’impact possible des aides à mourir sur l’acceptation sociale du suicide, sur le rapport à la souffrance ainsi que des effets possibles sur les personnes souffrant de dépression et sur les aînés.

Le point de vue des travaiLLeurs sociaux Comme l’a développé Claude Leblond, président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, lors de la table ronde du 23 septembre dernier, l’OTSTCFQ recommande à l’État de reconnaître la légitimité de l’aide médicale active et balisée pour mourir, dans un contexte de fin de vie, en insérant dans la Loi sur les services de santé et de services sociaux la possibilité de l’accorder à la personne qui, en toute connaissance de cause et librement, réclame pour elle-même une aide médicale active et balisée pour mourir. « Nous insistons cependant sur l’importance qu’une telle aide soit balisée par des critères bien définis et très stricts, en plus de s’inscrire dans un processus d’évaluation et d’accompagnement réversible à tout moment. »

Poursuivant sa réflexion, M. Leblond pose la question suivante : « Au nom de quelle valeur, de quel principe, peut-on refuser à une personne dont la fin de vie est inéluctable et qui désire surseoir à ses souffrances le droit de mourir dans la dignité au moment où elle le réclame ? Quelles valeurs culturelles ou même religieuses pourraient primer sur la volonté clairement exprimée et librement consentie de la personne concernée ? Nous croyons que la société n’a pas à porter un jugement sur le bien-fondé ou sur la moralité d’un tel processus qui sera toujours restreint aux seules personnes qui le veulent et qui en ont exprimé la volonté claire et librement consentie ».

La position défendue par l’OTSTCFQ est partagée par plus de 85 % de ses membres, qui se disent en faveur de la mise en place de l’État de mesures permettant à un médecin, dans certaines circonstances bien définies, d’administrer des mesures actives entrainant la mort d’une personne en fin de vie, à sa demande expresse. « Cependant, la notion de consentement clairement et librement exprimé est fondamentale », répète M. Leblond.

Parallèlement, les travailleurs sociaux souhaitent le déploiement de soins palliatifs complets et accessibles dans toutes les régions ainsi que la mise en place d’un processus d’évaluation et de traitement des demandes, de mesures d’accompagnement, d’encadrement et de contrôle.

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cLaude LebLondprésident de l’ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du québec

10 La vie des aînés nous tient à cœur

remerciementsCette rencontre provinciale n’aurait pu être organisée sans le soutien du ministère de la Famille et des Aînés, partenaire majeur du projet à travers le programme Soutien aux initiatives visant le respect des aînés. Nous le remercions bien chaleureusement.

Nous exprimons également notre gratitude aux autres commanditaires de l’événement : Noëlla Champagne, députée de Champlain et l’entreprise Savard Orthoconfort.

L’AQPS remercie de même tous les partenaires du projet, parmi lesquels les personnes et organismes qui ont accepté d’orienter l’association sur le contenu de la journée :

brian mishara, directeur du crise

Enfin, il s’est dégagé de la part des participants une véritable volonté de faire la différence. L’AQPS les remercie pour la qualité des échanges de cette journée.

Le mot de L’animateur

C’est avec plaisir que j’ai accepté d’animer cette journée de réflexion sur un sujet particulièrement délicat et hautement pertinent.

Au moment où notre société s’interroge sur de grandes questions comme l’euthanasie, le droit de mourir dans la dignité ou l’aide au suicide, je me disais qu’un tel colloque ne pouvait faire autrement que d’être utile.

Il y avait dans la salle des gens de tous les horizons. Beaucoup de professionnels du milieu de la santé (au sens large). Beaucoup de gens qui avaient, me semble-t-il, besoin de nourrir leurs réflexions. Moi aussi !

Je ne m’en cache pas… J’ai été vraiment et franchement impressionné par la qualité des gens qui ont accepté de participer à l’événement. Ils nous ont offert profondeur, précision, luminosité. Chapeau !

Enfin, on sort d’un événement comme celui-là… un peu changé. Avec de nouvelles perspectives ? Avec un autre regard sur la réalité ? Avec l’envie de comprendre.

À tous ceux qui ont participé à l’organisation de cette journée, je voulais vous dire… merci !

aLain crevierJournaliste, animateur de l’émission second regard (radio-canada)

* Les informations contenues dans ce document peuvent être citées, à condition de mentionner l’auteur du texte dont elles sont tirées et la source : La vie des aînés nous tient à cœur, synthèse de la rencontre provinciale sur le suicide et les aînés organisée le 23 septembre 2010 par l’Association québécoise de prévention du suicide.

Une invitation de l’Association québécoise de prévention du suicide avec ses partenaires :

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[…] L'éducation et la

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tous. En prenant position,

nous avons le pouvoir de

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extrait de la déclaration

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