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LA VIE QUOTIDIENNE EN ITALIE

AU TEMPS DE MACHIAVEL

(FLORENCE, ROME)

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DU MÊME AUTEUR

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

La vie quotidienne des courtisanes en Italie au temps — de la Renaissance, Hachette, 1975.

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PAUL LARIVAILLE

LA VIE QUOTIDIENNE EN ITALIE AU TEMPS

DE MACHIAVEL (FLORENCE, ROME)

HACHETTE littérature

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Document de couverture : « La légende de sainte Ursule » (détail), Carpaccio, 1495 — Venise, Academia (Cliché Nimatallah- Ziolo).

© Hachette, 1979.

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INTRODUCTION

QUELLE ITALIE?

Une époque de splendeur mais non une époque heureuse

Eugenio GARIN

L'Italie divisée

Si Metternich définissait l'Italie du début du XIX siè-

cle comme une simple « expression géographique », de quel qualificatif plus méprisant aurait-il gratifié la pénin- sule plus morcelée encore du temps de Machiavel ? Qu'est- ce, en effet, que l'Italie en 1469, à l'heure où naît le futur auteur du Prince ? Une mosaïque d'Etats aux dimen- sions territoriales, aux régimes politiques, aux dévelop- pements économiques, voire aux cultures très variables. Cinq grands États « régionaux », qu'opposent de fréquents conflits, dominent la vie de la péninsule : le royaume de Naples, aux mains des Aragon ; les États pontificaux ; l'État florentin, depuis plusieurs décennies sous la coupe de la famille des Médicis ; le duché de Milan et la république de Venise. Autour de ces cinq Etats gravitent un certain nombre d'États mineurs, théoriquement indé- pendants et souverains, mais en fait contraints, pour déjouer les convoitises et survivre, d'aligner au mieux de leurs intérêts leur politique sur celle de l'un ou de l'autre de leurs puissants voisins.

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Ce morcellement territorial, qui favorise les parti- cularismes en même temps que les rivalités sans fin, va bientôt, du vivant même de Machiavel, se révéler catas- trophique pour le destin de la péninsule. L'équilibre pro- visoire, laborieusement construit grâce à l'habileté diplo- matique de Laurent le Magnifique, ne survivra en effet pas à la mort de ce dernier en 1492. Non seulement les maladresses de son fils conduiront, deux ans plus tard, à l'éviction des Médicis de Florence, mais l'arrivée à Rome d'Alexandre VI Borgia, un pape espagnol pétri d'ambitions pour lui-même et sa famille, ainsi que la reprise des dissensions entre Milan et Naples, achèvent de diviser l'Italie et en font une proie offerte aux deux puissantes nations voisines que sont l'Espagne et la France. Et de fait, dès 1494, Charles VIII, prétextant les liens qui unissent les Valois à la famille d'Anjou dépossédée du royaume de Naples par les Aragon, fran- chit les Alpes avec ses armées, inaugurant une période de guerres qui, de batailles en trêves et de paix rompues en nouveaux affrontements, se prolongera jusqu'au traité du Cateau-Cambrésis, en 1559.

Loin de provoquer une alliance des États italiens, les intrusions étrangères qui se succèdent dans la pénin- sule font éclater au grand jour l'absence d'une conscience politique nationale. Certes les appels à l'union sacrée contre l'envahisseur, et particulièrement contre l ' Gallo (le cruel Gaulois), ne manquent pas dans les textes — poétiques surtout — de l'époque 1 Mais ce sont, pour la plupart, des vœux pieux d'intellectuels, dont il est souvent malaisé de dire s'ils constituent l'expression d'une opinion répandue dans la population, le fruit d'une cul- ture et d'une formation personnelles favorisant le dépas- sement des particularismes, ou simplement des lieux com- muns, des envolées rhétoriques d'un effet assuré. On serait

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tenté d'accorder plus de crédit au cri de Fuori i barbari (les barbares hors d'Italie) communément attribué au pape Jules II, encore que les dix années de ligues et de guerres quasi ininterrompues de son pontificat (1503-1513) ne soient pas exemptes, sur la fin, de compromissions ouver- tes avec ces barbares qu'il devait bouter hors de la péninsule : de la défaite infligée à Venise (1509), avec l'aide de tout ce que l'Europe compte de princes et de souverains jaloux de la Sérénissime, à l'expulsion des Français du Milanais au prix d'une nouvelle coalition (la Sainte Ligue, 1511) regroupant contre Louis XII plus d'étrangers que d'Italiens ! Tout compte fait, loin de réa- liser le programme qu'on lui prêtait, le vieux pape bel- liqueux, en affaiblissant Venise, le seul État italien qui tenait encore les barbares en respect, n'a fait que ren- forcer une nouvelle fois la domination étrangère dans la péninsule. Et c'est sans doute à lui que pense Machia- vel, plus encore qu'à ses prédécesseurs sur le trône de saint Pierre, lorsque, dans un chapitre de ses Discours sur la première décade de Tite-Live, il compare amère- ment l'unité de pays comme la France et l'Espagne à la division de l'Italie, rendant l'Église responsable de l'as- servissement de sa patrie :

Jamais aucun pays n'a vécu uni et prospère s'il n'a été soumis tout entier, comme la France et l'Es- pagne, à un seul gouvernement : république ou monarchie. Et si l'Italie n'en est pas là et ne se trouve pas unie elle aussi sous l'autorité d'une seule république ou d'un seul prince, c'est l'Église seule qui en est cause. Elle s'est bien installée dans la péninsule et y a détenu un pouvoir temporel. Mais, d'une part, elle n'a été ni assez puissante ni assez habile pour y imposer sa suprématie et s'en assurer

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la souveraineté ; et d'autre part, elle n'a jamais été assez faible pour que la crainte de perdre son do- maine temporel la dissuade d'appeler une puissance [étrangère] à son secours contre un autre État ita- lien devenu trop puissant à son gré. De nombreux exemples l'attestent : ainsi, par le passé, l'Église fit-elle appel à Charlemagne pour chasser les Lom- bards qui étaient déjà maîtres de presque toute l'Italie ; ainsi, de nos jours, a-t-elle abattu la puis-

, sance vénitienne avec l'aide des Français, avant de chasser ces derniers de la péninsule avec l'aide des Suisses. De sorte que, n'ayant jamais été assez puis- sante pour s'assurer elle-même de l'Italie, mais s'étant toujours opposée à ce qu'un autre s'en empare, l'Église a été cause que ce pays n'a jamais pu s'unir sous l'autorité d'un seul chef, mais qu'il est resté divisé entre un grand nombre de princes et de sei- gneurs. De là cette profonde désunion et cette extrême faiblesse qui ont conduit l'Italie à être la proie non seulement des grandes puissances bar- b a r e s , m a i s d e q u i c o n q u e l ' a s s a i l l e

L ' « i t a l i a n i t é »

P e u t - o n p a r l e r d ' I t a l i e à p r o p o s d e c e t t e m o s a ï q u e

d ' E t a t s i r r é m é d i a b l e m e n t d i v i s é s , p e r d u s , q u i p l u s e s t ,

s u r u n é c h i q u i e r p o l i t i c o - m i l i t a i r e e u r o p é e n o ù i l s n e s o n t

p l u s q u e d e s i m p l e s p i o n s ? C e l a s e m b l e u n e g a g e u r e .

E t p o u r t a n t , q u e l l e c o n s c i e n c e d ' ê t r e I t a l i e n e t d e l a

n é c e s s i t é d e c o n s t i t u e r u n É t a t i t a l i e n c a p a b l e d e f a i r e

p i è c e a u x p u i s s a n t e s n a t i o n s v o i s i n e s d a n s c e s l i g n e s d e

M a c h i a v e l , e t p l u s e n c o r e d a n s l e c h a p i t r e f i n a l d u P r i n c e

o ù i l e x h o r t e l e s M é d i c i s à s e f a i r e l e s r é d e m p t e u r s d e l a

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p é n i n s u l e e t à l a l i b é r e r d u j o u g b a r b a r e ! Q u e l s e n t i -

m e n t p r o f o n d d ' i t a l i a n i t é a u s s i c h e z F r a n ç o i s G u i c h a r d i n ,

c e t a u t r e g r a n d é c r i v a i n e t h o m m e p o l i t i q u e f l o r e n t i n d e

l ' é p o q u e , l o r s q u e , r e c o n n a i s s a n t l e r ô l e d e d i v i s e u r j o u é

p a r l ' É g l i s e m a i s c o n t e s t a n t l a n é c e s s i t é d ' u n e u n i f i c a t i o n

d e l a p é n i n s u l e , i l é c r i t d a n s s e s C o n s i d é r a t i o n s s u r l e s

D i s c o u r s d e M a c h i a v e l : « S i l ' É g l i s e r o m a i n e s ' e s t o p p o -

s é e à l a c o n s t i t u t i o n d e m o n a r c h i e s , j e n ' a d m e t s p a s

a i s é m e n t q u e c e l a a i t é t é u n m a l h e u r p o u r c e p a y s , c a r

s ' e s t a i n s i t r o u v é e s a u v e g a r d é e c e t t e m a n i è r e d e v i v r e

q u i e s t l a p l u s c o n f o r m e à s e s t r è s a n c i e n n e s c o u t u m e s

e t à s e s i n c l i n a t i o n s ! » O n p e u t o b j e c t e r q u e t a n t

M a c h i a v e l q u e G u i c h a r d i n s o n t d e s i n t e l l e c t u e l s e n m ê m e

t e m p s q u e d e s h o m m e s p o l i t i q u e s h o r s d u c o m m u n e t

q u e , c e l a é t a n t , i l s p e u v e n t d i f f i c i l e m e n t ê t r e c o n s i d é r é s

c o m m e d e s é c h a n t i l l o n s r e p r é s e n t a t i f s d e s s e n t i m e n t s d u

p l u s g r a n d n o m b r e . E t i l e s t c e r t a i n q u e s e u l e m e n t u n e

m i n o r i t é d e l e u r s c o n t e m p o r a i n s e s t c a p a b l e d e p r e n d r e

u n e v u e a u s s i p r é c i s e q u ' e u x d u p a s s é e t d u p r é s e n t d e

l e u r p a y s . M a l g r é t o u t , l a r é f l e x i o n m o i n s r i g o u r e u s e e t

r a d i c a l e d e G u i c h a r d i n , c e t t e r e v e n d i c a t i o n t o u t à l a f o i s

n a ï v e e t o r g u e i l l e u s e d ' u n e m a n i è r e d e v i v r e t y p i q u e m e n t

e t e x c l u s i v e m e n t i t a l i e n n e , e s t s a n s d o u t e l ' e x p r e s s i o n

d ' u n s e n t i m e n t l a r g e m e n t p a r t a g é .

S a n s q u e l ' o n p u i s s e d i r e j u s q u ' à q u e l p o i n t u n e

t e l l e c o n s t a t a t i o n v a u t p o u r l e s m a s s e s l a b o r i e u s e s d e l a

p o p u l a t i o n , p o u r l a p l è b e , e x c l u e à l ' é p o q u e d e l a v i e

p o l i t i q u e e t s u r l a q u e l l e o n p o s s è d e p e u d e r e n s e i g n e m e n t s ,

i l s e m b l e b i e n e n e f f e t q u e , d e s c o r p o r a t i o n s a r t i s a n e s a u x

c o u c h e s s u p é r i e u r e s d e l a s o c i é t é , s o i t f o r t e m e n t e n r a c i n é

u n s e n t i m e n t j a l o u x d e l a s p é c i f i c i t é e t d e l a q u a l i t é d e

l a v i e i t a l i e n n e . S a u f c h e z M a c h i a v e l e t q u e l q u e s a u t r e s

p e u t - ê t r e , i l n ' e x i s t e p a s à p r o p r e m e n t p a r l e r d e c o n s c i e n c e

p o l i t i q u e n a t i o n a l e . E t p o u r t a n t , p a r - d e l à l e s m u l t i p l e s

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p a r t i c u l a r i s m e s , p a r - d e l à l e s i n n o m b r a b l e s r i v a l i t é s r é g i o -

n a l e s e t l o c a l e s ( e n r a i s o n m ê m e d e c e s r i v a l i t é s , s e r a i t - o n

t e n t é d e d i r e , d a n s l a m e s u r e o ù e l l e s p r é s u p p o s e n t d e s

i n t é r ê t s , d e s g o û t s , d e s o b j e c t i f s a u m o i n s p a r t i e l l e m e n t

c o n v e r g e n t s ) , p a r - d e l à t o u t c e q u i s é p a r e e t o p p o s e

r é g i o n s , É t a t s e t c i t é s , i l e x i s t e i n d é n i a b l e m e n t u n e

c o n s c i e n c e i t a l i e n n e : p l u s o u m o i n s c l a i r e s e l o n l e s l i e u x ,

l e s m i l i e u x e t l e s d e g r é s d e c u l t u r e , m a i s b i e n r é e l l e t o u t

d e m ê m e . U n e c o n s c i e n c e g é o g r a p h i q u e d ' a b o r d : l e s

A l p e s s o n t u n a n i m e m e n t c o n s i d é r é e s c o m m e l a l i m i t e

n a t u r e l l e d u p a y s q u e , e n d é p i t d e s o n m o r c e l l e m e n t t e r r i -

t o r i a l , o n s ' a c c o r d e à a p p e l e r I t a l i e . U n e c o n s c i e n c e

e t h n i q u e e t l i n g u i s t i q u e a u s s i , m a l g r é l e s d i s p a r i t é s c o n s i -

d é r a b l e s q u i p e r s i s t e n t d a n s c e d o m a i n e e t n e s o n t p a s

p r è s d e s e r é s o r b e r , e n t r e t e n u e s q u ' e l l e s s o n t p a r l e

c l o i s o n n e m e n t p o l i t i q u e : l e p r o b l è m e d e l a d é f i n i t i o n

d ' u n e l a n g u e i t a l i e n n e , q u i s e p o s e a v e c p l u s d ' a c u i t é d a n s

l e s p r e m i è r e s d é c e n n i e s d u X V I s i è c l e e t a l i m e n t e r a l o n g -

t e m p s l e s d i s p u t e s é r u d i t e s , t é m o i g n e , c e r t e s , d ' u n e p e r c e p -

t i o n l u c i d e d e s d i s p a r i t é s e x i s t a n t e s , m a i s i l p r o u v e a u s s i

u n e c l a i r e c o n s c i e n c e d e l ' e x i s t e n c e d e c e s u b s t r a t l i n g u i s -

t i q u e c o m m u n a u x p a r l e r s r é g i o n a u x s a n s l e q u e l i l s e r a i t

v a i n d e c h e r c h e r u n t e r r a i n d ' e n t e n t e . E n f i n e t s u r t o u t ,

l e s e n t i m e n t d ' i t a l i a n i t é n a î t e t s e n o u r r i t , c o m m e l ' i n d i -

q u e b i e n l e t e x t e d e G u i c h a r d i n c i t é p l u s h a u t , d e l a

c e r t i t u d e q u ' o n t l e s h a b i t a n t s d e s c i t é s d e l a p é n i n s u l e

d ' ê t r e t o u s e n s e m b l e , p a r - d e l à l e u r s d i v i s i o n s , l e s h é r i -

t i e r s e t l e s d é p o s i t a i r e s d ' u n e c i v i l i s a t i o n c o m m u n e : d ' u n e

h i s t o i r e , d ' u n e c u l t u r e e t , c o n c r è t e m e n t , d ' u n a r t d e

v i v r e d e b e a u c o u p s u p é r i e u r à c e l u i d e s c o n q u é r a n t s

b a r b a r e s q u i s e d i s p u t e n t à p a r t i r d e 1 4 9 4 l e t e r r i t o i r e

i t a l i e n e t s e r o n t e u x - m ê m e s l a r g e m e n t c o n q u i s p a r l e s

r a f f i n e m e n t s q u ' i l s y t r o u v e n t . C e t t e a s s u r a n c e , q u ' a l i -

m e n t e , p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t m a i s p a s s e u l e m e n t c h e z l e s

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intellectuels, la revendication jalouse de l'héritage romain, le mythe de la continuité de Rome, et plus précisément de la Renaissance multiforme de la grandeur romaine après la « nuit barbare » du Moyen Age, se renforce au contact quotidien de la floraison d'églises, de palais, d'œuvres d'art dont se parent villes et cours italiennes. Et il n'est pas rare qu'il débouche sur un véritable senti- ment de supériorité vis-à-vis des autres peuples ; un sentiment que la débâcle politico-militaire de l'Italie sous les coups de boutoir répétés des grandes nations voisines non seulement n'entamera pas, mais tendra paradoxale- ment à renforcer, dans la mesure même où la condamna- tion des États de la péninsule à un asservissement poli- tique commun alimentera, face à l'hégémonie étrangère, une conscience croissante du caractère national de la culture et de la civilisation italiennes.

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CHAPITRE PREMIER

LES JEUX DE LA POLITIQUE ET DE L'HISTOIRE : FLORENCE

Étant donné le morcellement territorial de la pénin- sule à cette époque, parler d'une vie politique italienne de la Renaissance ne se justifie guère qu'au niveau des rela- tions entre les États. Au-dessous de ce niveau, s'il est plus juste de parler de vies politiques, la variété des régimes n'est pas telle, toutefois, qu'elle ne puisse se ramener à quelques exemples représentatifs de l'ensem- ble : le duché de Ferrare, exemple d'État princier, gou- verné monarchiquement ; l'État pontifical, un autre type d'État princier, mais dont l'originalité tient au caractère non héréditaire de ce que Machiavel appelle la « princi- pauté ecclésiastique » ; et en premier lieu, Florence qui, tant par la position centrale qu'elle occupe, que par ses traditions et par ses changements de régime étroitement liés à l'évolution de la situation dans l'ensemble de la péninsule, constitue une bonne illustration des méandres du jeu politique italien.

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Les institutions florentines

Pour se faire une idée convenable de la vie politique à Florence au temps de la Renaissance, des oscillations successives qui conduisent la ville en 1527, l'année même de la mort de Machiavel, à une dernière et éphémère flambée républicaine avant l'instauration d'un régime princier destiné à durer plusieurs siècles, il faut remonter une centaine d'années en arrière, aux institutions en vigueur dans les décennies qui précèdent l'arrivée des premiers Médicis au pouvoir : des institutions qui s'étaient stabilisées au cours des vingt dernières années du XIV siè- cle, au terme d'un siècle et demi d'une vie communale des plus mouvementées.

Au sommet de la hiérarchie politico-administrative florentine, trois organismes qui détiennent l'essentiel du pouvoir exécutif, d'où le nom de i tre maggiori (les trois premières magistratures) par lequel on les désigne com- munément. La seigneurie, qui constitue la magistrature suprême, est composée de neuf prieurs : deux représen- tants de chacun des quatre quartiers que compte la ville, plus un neuvième fourni alternativement par chacun des quartiers, qui a le titre de gonfalonier de Justice, préside le conseil des prieurs et est aussi le chef suprême des armées. La seigneurie est flanquée de deux conseils res- treints qui l'assistent dans la direction collégiale de la cité : le collège des seize gonfaloniers (ordinairement appelé « collège des seize »), réunissant les porte-éten- dards des seize compagnies armées ou gonfalons (quatre par quartier) dont se compose la milice citadine ; et enfin, le collège dit « des douze bonshommes » (étymologique- ment des douze sages) auquel chaque quartier envoie trois représentants. Toute décision de la seigneurie n'est

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valable que si elle est adoptée à la majorité des deux tiers, ce qui met la ville à l'abri des décisions hâtives, mais conduit aussi parfois à un certain immobilisme, à une indécision qui peut être périlleuse en cas de tension. Les dangers d'un pouvoir personnel durable se trouvent par ailleurs conjurés par une rotation rapide des hom- mes en place : les neuf membres de la seigneurie ne restent en charge que deux mois, les seize gonfaloniers quatre mois et les douze bonshommes trois mois, ce qui implique que pas moins de cent cinquante personnes sont appelées chaque année à assurer le fonctionnement de l'exécutif. Encore ces cent cinquante postes ne sont-ils pas les seuls soumis à un fréquent renouvellement. A côté des trois organismes cités, qui constituent ce que l'on peut appeler le gouvernement de la république, il existe en effet un certain nombre d'autres conseils ou de postes isolés dont les membres, sous la direction des trois magistratures suprêmes, assurent plus précisément l'administration de la ville et du territoire florentin : les ufficiali di parte guelfa, assemblée élue, aux fonctions mal définies, constituée à peu près exclusivement de membres des grandes familles ; les sei di mercanzia, conseil de six membres fonctionnant comme un tribunal de commerce ; les otto di guardia, dont les huit mem- bres sont chargés de la sécurité de l'État ; les dieci di balía, responsables des affaires militaires et des relations diplomatiques en temps de guerre ; les ufficiali di monte, qui veillent au fonctionnement de l'organe central des finances florentines, le monte, chargé de gérer l'ensemble de la dette publique ; les consoli delle arti, consuls repré- sentant les différentes corporations d'artisans et de com- merçants ; le podestà, généralement étranger à la ville, chargé de l'administration de la justice ; le capitano del popolo, à qui est théoriquement confiée la défense des

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intérêts du « peuple » contre les abus des grands. A la déjà longue — mais non exhaustive ! — liste de ces charges toutes propres à la cité, s'ajoute toute une série de charges extérieures, comme celles de capitaine ou de podestat des villes sujettes de Florence (Pise, Arezzo, etc.). Au total, c'est donc un nombre considérable de postes qui deviennent périodiquement vacants et sont assidûment recherchés par les citoyens : surtout les offi- ces mineurs, plus ou moins grassement rétribués, à la différence des trois premières magistratures qui, elles, sont purement honorifiques.

Quant au pouvoir législatif, il relève en temps ordi- naire de deux assemblées élues tous les quatre mois, le Conseil du peuple et le Conseil de la Commune, qui doivent approuver les projets de loi à la majorité des deux tiers. Il existe aussi, toutefois, des assemblées extra- ordinaires. Pour l'aider dans l'élaboration de certaines

décisions ou de projets déterminés, la seigneurie a la faculté de convoquer des assemblées consultatives, les pratiche, plus ou moins nombreuses suivant la nature des problèmes traités et composées de citoyens directe- ment intéressés à ces problèmes. Mais surtout, en certai- nes périodes cruciales (guerres ou autres tensions graves), peut être convoquée, à l'initiative des conseils ordinaires, une assemblée populaire exceptionnelle : le Parlamento. Celui-ci a pour tâche de nommer une assemblée extra- ordinaire plus restreinte, la balía, investie d'une sorte de pouvoir dictatorial provisoire, devant normalement pren- dre fin dès la disparition des événements ou de la situation qui sont à l'origine de sa création. Il arrive même qu'une durée-limite soit expressément fixée au moment de l'élection de la balía qui, quoi qu'il en soit, n'entraîne pas la suppression des magistratures ordinaires, aux- quelles elle ne peut que se superposer provisoirement.

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Au total, l'État florentin est soumis à une organi- sation des plus raffinées, assez touffue sans doute pour les non-initiés qui sont le plus grand nombre. Une orga- nisation qui peut entraîner des conflits entre des magis- tratures aux prérogatives parfois mal définies, mais qui, en contrepartie, pense-t-on à Florence, sauvegarde l'es- sentiel des libertés républicaines : grâce, notamment, à la rotation rapide des charges, et grâce, également, à un système électoral lui aussi très raffiné.

Une république peu démocratique

Ce système électoral, remontant à 1328 et réamé- nagé en 1415, comporte deux phases distinctes : celle de

r la qualification et celle du tirage au sort des candidats aux diverses charges. La qualification s'effectue au moyen d'un scrutin dont la périodicité a été fixée, en 1415, à cinq ans. Les candidats sont d'abord désignés, pour chacun des seize gonfalons que compte la ville, par leurs gonfaloniers respectifs. Puis, les candidatures sont soumises au vote des électeurs, qui eux-mêmes ne représentent qu'une partie restreinte de la population : celle, en gros, qui est inscrite dans les registres des cor- porations. A l'issue du scrutin, les noms des candidats ayant obtenu au moins les deux tiers des voix sont enfouis dans un sac. Pour effectuer cette opération, dite imborsazione (ensachement), sont désignés avant le vote, par la commission électorale, des « officiers » spéciaux appelés accoppiatori dont la mission prend fin dès qu'ils ont rempli et scellé les sacs (borse). Leur rôle, en somme, est — au moins en théorie — purement mécanique. Ils ont à appliquer les règles en vigueur et les consignes de la commission électorale : en particulier, à contrôler

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l'éligibilité des candidats et éliminer ceux qui ne peuvent être élus, en raison soit de leur trop jeune âge, soit de dettes envers le fisc, soit encore d'une parenté trop pro- che avec des gens actuellement en fonctions, etc.

La désignation par tirage au sort a lieu ensuite, chaque fois qu'une charge se trouve vacante. On extrait un par un les noms des sacs, en écartant au fur et à mesure ceux qui ont occupé une charge récemment et ne sont pas rééligibles avant un délai variant généralement de deux à trois ans ; et l'opération prend fin lorsqu'on atteint le nombre d'élus requis.

En théorie donc, ce système en deux temps est relativement simple, et l'élection tous les cinq ans d'un nombre important de citoyens doit permettre, sans pro- blème, d'extraire des borse les noms nécessaires pour assurer la rotation des charges prévues par la constitu- tion. Dans la pratique, toutefois, les choses sont infini- ment plus compliquées et les meilleurs historiens — sans parler des gens de l'époque ! — ont beaucoup de mal à s'y reconnaître. D'abord, un certain nombre d'offices, mineurs pour la plupart mais pas tous (voir, par exemple, celui de podestà, dont le titulaire est recruté hors de Florence), sont pourvus par une simple élection. En ce qui concerne, ensuite, les charges soumises au système électoral en deux temps que nous venons d'évoquer, on ne se contente pas d'un vote unique pour l'ensemble des postes à pourvoir. Le scrutin pour la qualification aux trois magistratures suprêmes est distinct, jusque dans le temps parfois, du scrutin destiné à la qualification des candidats aux autres fonctions intérieures et extérieures : ce qui signifie en clair que, avant même l'élection, une première discrimination se fait déjà au niveau de la dési- gnation des candidats par les gonfaloniers. Il est des personnes dont on accepte la candidature aux offices

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subalternes, mais non aux magistratures les plus impor- tantes ; Enfin, contrairement à ce que l'on pourrait atten- dre, même les élus issus d'un même scrutin sont rarement logés à la même enseigne ! Ainsi, les noms des candi- dats qualifiés pour les trois magistratures suprêmes ne sont pas introduits dans une seule borsa, mais dans plu- sieurs. On ne mélange pas, entre autres, les noms des élus des arti maggiori (les corporations les plus puis- santes) avec ceux des élus des arti minori (les corpora- tions mineures, réservées aux artisans) généralement réduits à la portion congrue 1

Cette organisation très compliquée permet déjà, à elle seule, de se faire une idée assez nette de ce que recouvrent réellement les institutions républicaines floren- tines du XV siècle. La rotation accélérée des charges, la non-rééligibilité immédiate, le suffrage des électeurs, suivi d'un tirage au sort sont autant de remparts contre l'instauration d'un pouvoir personnel. Mais, outre que l'électorat ne représente qu'une fraction restreinte de la population, le système électoral lui-même est des plus sélectifs. Il opère en effet un filtrage draconien des indi- vidus appelés à occuper des charges importantes, ou plus exactement une série de filtrages successifs où les accop- piatori jouent un rôle prépondérant. Car ce sont eux qui répartissent les noms entre les multiples borse, et c'est d'eux que dépend pour une large part le sort réel des candidats qualifiés, dont les chances ne sont que théori- quement égales.

Nous sommes donc en présence d'un système d'où la plèbe (ce que nous appellerions aujourd'hui le peuple), est irrémédiablement exclue ; d'un Etat où le peuple — il popolo qui, dans la terminologie de l'époque, désigne les artisans et la petite et moyenne bourgeoisie — se trouve soigneusement réduit à la portion congrue ; bref,

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Félix TAVERNIER : La vie quotidienne à Marseille de Louis X I V à Louis-Philippe (23.2223.8)

Charles-Marie TERNES : La vie quotidienne en Rhénanie à l'épo- que romaine ( I au IV siècle) (23.1872.3)

Guy THUILLIER : La vie quotidienne dans les ministères au XIX siècle (23.2545.4)

Henri TROYAT : La vie quotidienne en Russie au temps du der- nier tsar (23.2100.8)

Jean TULARD : La vie quotidienne des Français sous Napoléon (23.2543.9)

Jean VARTIER : La vie quotidienne en Lorraine au XIX siècle Maurice VAUSSARD : La vie quotidienne en Italie au XVIII siècle

(23.0910.2) Henri VINCENOT : La vie quotidienne dans les chemins de fer au

XIX siècle (23.2449.9) — La vie quotidienne des paysans bourguignons au temps de

Lamartine (23.2708.8) Gérard WALTER : La vie quotidienne à Byzance au siècle des

Comnènes (1081-1180) (23.1286.6) Jacques WILHELM : La vie quotidienne au Marais au XVII siècle

(23.2925.8) — La vie quotidienne des Parisiens au temps du Roi-Soleil

(1660-1715) (23.2657.7) Armel de WISMES : La vie quotidienne dans les ports bretons

aux XVII et XVIII siècles (23.2256.8) Alexandre WOLOWSKI : La vie quotidienne en Pologne au XVII

siècle (23.2095.0) — La vie quotidienne à Varsovie sous l 'occupation nazie (1939-

1945) (23.2709.6)

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Achevé d'imprimer le 2 mai 1979 sur les presses

de l'imprimerie Cino del Duca, 18, rue de Folin, à Biarritz.

N° 183.