LA VILLE ET EDF

Dans la même collection :

J.-P. Lepetit, L'Effet de serre, 1992, 96 p., avec une préface de Pierre Delaporte.

M. Gaillard, EDF et l'espace rural, 1993, 84 p., avec une préface de François Ailleret.

G. Moynet, Stratégie de veille technologique électronucléaire, 1993, 92 p., avec une préface de Jean Bergougnoux.

C. Derive, P. Godin et J.-V. Le Ridant, Les Innovations technologiques et l'électricité. Courants forts et courants faibles, 1993, 102 p., avec une préface de Paul Caseau.

P. Bauby, Électricité et société, 1994, 126 p., avec une préface de Jean Bergougnoux et une postface de Pierre Le Gorrec.

Y. Thomas, Les Producteurs indépendants d'électricité en Europe. Constat et prospective, 1994, 96 p., avec une introduction de Christian Stoffaës.

F. Salaün, Stratégies et nouvelles formes de concurrence. Prospective de l'industrie électrotechnique, 1995, 210 p., avec une introduction de Pierre Daurès.

Hélène Y. Meynaud (Mission Prospective, DEPS/EDF) est responsable de la publication des Cahiers de Prospective. Pour toute demande d'information, envoyer un message par télécopie au 40 42 13 78.

C A H I E R S D E P R O S P E C T I V E

Pierre dABE

LA VILLE ET EDF

InterEditions

LE COMITÉ DE LA PROSPECTIVE

Le Comité de la Prospective de la direction générale d'EDF, responsable de l'animation et de la coordination des travaux de prospective, regroupe les directeurs des directions fonctionnelles et des experts de la direction générale.

Membres du Comité

Gérard Anjolras, directeur du personnel Jacques Chauvin, directeur des services et des relations sociales financiers et juridiques

Paul Caseau, directeur des études et Denis Gaussot, inspecteur général recherches Jacques Lacoste, contrôleur général

Jean-Michel Fauve, directeur de la à la direction générale Direction des Affaires Internationales Pierre Le Gorrec, contrôleur général

Paul Godin, directeur du développement à la direction générale et de la stratégie commerciale

Animation

Christian Stoffaës, directeur à la Jean Ripert, ancien commissaire au Plan, direction générale, président du ancien secrétaire général adjoint

Comité de la Prospective des Nations Unies, conseiller permanent du Assaad-Emile Saab, chef de la mission Comité

prospective, direction de l'économie, Pierre Lederer, chef du service des études de la prospective et de la stratégie, économiques générales, direction de

secrétaire du Comité l'économie, de la prospective et de la stratégie

Note : le comité a bénéficié du conseil de Jacques Lesourne, de 1988 à 1991, jusqu'à sa nomination à la direction du journal Le Monde.

@ 1995, InterEditions, Paris Tous droits de traduction et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L.122-4, L.122-5 et L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l ' . flâneur. S'adresser au : Centre français d'exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 � � Fél. : 43Ç695 35. ISBN 2 72960593-2

« C'est au réveil, au matin que l'âme se sent étrange entre passé et avenir. Et l'un et l'autre lui semblent étrangers à elle — arbitraires — ou pris dans deux infinités de possibles — comme l'un, un livre qu'on vient de lire et l'autre, un livre que l'on va lire, dans une bibliothèque d'une infinité de volumes. » \ V

Paul Valéry

Préface

Électricité de France, par sa mission de service public, figure parmi les acteurs principaux de la vie de la cité. Sa connaissance du milieu urbain lui vient de ses interventions multiples dans la ville, apportant le confort dans les foyers, animant les transports en commun, alimentant l'acti- vité industrielle et tertiaire, sécurisant les rues, brûlant les déchets, ou encore animant des projets d'insertion de jeunes en difficulté par la formation et la qualification. Cet inventaire à la Prévert pourrait être complété par bien d'autres activités sollicitées auprès d'EDF par les municipalités et les usagers urbains, dans les domaines de l'environnement ou de la maîtrise de l'énergie par exemple.

Sa relation avec l'ensemble des citoyens français, à tous les niveaux de l'échelle sociale, confère à l'entreprise une conscience aiguë de la fracture sociale qui, en l'espace d'une généra- tion, s'est manifestée dans l'espace urbain.

Ce contexte ne peut laisser indifférent. De nombreuses consciences attendent aujourd'hui des entreprises qu'elles soient plus citoyennes, plus attentives aux effets qu'elles induisent sur la société, plus actives pour aider à résoudre les problèmes essentiels.

Depuis quelques années, la politique de la ville s'est affirmée comme un des enjeux majeurs de la société française. Avec l'aménagement du territoire, c'est une dimension nouvelle qui s'impose aux services publics et aux entreprises d'infrastructures.

Poursuivant la réflexion autour du Manifeste européen contre l'exclusion, une quarantaine d'entreprises européennes, parmi lesquelles Danone, SODEXHO, Total, Accor et EDF, ont affirmé lors d'une réunion tenue à Londres en mai 1995 que la compétitivité économique repose aussi sur le maintien de la cohésion sociale.

Pour ces raisons, j'ai souhaité que le Comité de la Prospective d'EDF confie à Pierre Gabe 1 l'animation de cette étude. Elle s'inscrit dans la ligne des réflexions déjà engagées sur l'avenir des relations avec les collectivités locales, puis sur le rôle des services publics dans l'espace rural. Son objet concerne les multiples facettes de la contribution de l'électricité et d'EDF à l'amélioration de la ville. L'une des retombées en sera, à terme, de meilleures condi- tions d'exercice de nos activités.

Quel est le juste rôle d'EDF dans les transformations nécessaires à la restauration d'un cadre urbain plus humain? Jusqu'où aller dans cette démarche? Comment coopérer de manière encore plus efficace avec les collectivités locales? C'est à ces questions que ce cahier veut

1. Pierre Gabe est actuellement directeur exécutif à EDF-GDF Services et coordonne l'action de dix centres de

distribution. Il est également l'initiateur et le responsable de la Mission solidarité d'EDF et de GDF.

r é p o n d r e de m a n i è r e c la i re , l uc ide e t ambi t i euse . Il fou rn i t u n e s o m m e de m a t é r i a u x p é d a g o g i -

q u e s p o u v a n t en r i ch i r le déba t à l ' i n t é r i eu r et à l ' e x t é r i e u r de l ' en t repr i se .

L a voie é tan t c lar i f iée , les r e s p o n s a b l e s d ' E D F sont a u j o u r d ' h u i m i e u x en m e s u r e d ' o r g a -

n i se r leur con t r ibu t ion à une po l i t i que d y n a m i q u e e n f a v e u r de la ville. J e les y invi te i n s t a m m e n t .

F ranço i s Ai l l e re t D i r e c t e u r géné ra l d ' É l e c t r i c i t é de F r a n c e

Table des matières

Préface François Ailleret 7

Introduction générale 11

Pourquoi la prospective? 11

Pourquoi « La ville et EDF »? 12

Quelle ville? 13

Quelle entreprise? 14

PREMIÈRE PARTIE

GROS PLAN SUR LES VILLES FRANÇAISES

Introduction 17

1. La croissance nouvelle des agglomérations françaises 18

2. L'avenir économique des villes françaises 20

3. Des quartiers en crise, des villes menacées 22

DEUXIÈME PARTIE

LES SCÉNARIOS

4. Construction des scénarios d'avenir de la ville 27

5. La ville de demain : trois scénarios 30

Mercalex : la loi du marché ou la ville comme un produit 30

Civitas : le retour aux sources ou la ville citoyenne 36

Exurbia : le rêve technologique ou la ville disséminée 42

6. Construction des scénarios EDF 48

Dans Mercalex, EDF devient-elle une entreprise comme les autres? 48

Dans Civitas, EDF est-elle « chargée de mission »? ........................................................................... 53 Dans Exurbia, EDF «sur mesure»? ................................................................................................... 57

TROISIÈME PARTIE

RECOMMANDATIONS

7. Remarques préliminaires 65

Des scénarios aux recommandations 65

Nécessité d'une réflexion sur la démarche citoyenne 66

Typologie des recommandations 68

8. EDF dans l 'espace urbain 70

9. EDF dans la société 87

10. EDF dans l 'environnement 113

Conclusion 119

Annexe 1. Membres du groupe de prospective « L a ville et EDF » 122

Annexe 2. Personnalités auditionnées ................................................................................................. 123

Annexe 3. Soutiens particuliers ........................................................................................................... 125

Introduction générale

POURQUOI LA PROSPECTIVE?

Une nouvelle promotion des administrateurs de la France d'outre-mer célèbre la fin de ses études. Nous sommes le 1er juin 1954. Demain, les jeunes promus partiront occuper leur premier poste. C'est un ancien gouverneur, haut fonctionnaire, qui prononce le discours de clôture. Il évoque un nouvel élan pour l'empire colonial français, qui doit rester indéfectiblement uni. Il décrit le rôle essentiel des administrateurs, représentants choisis de la France, et leur responsabi- lité dans la nécessaire évolution du système. Il leur demande de ne pas céder aux sirènes du défaitisme et de ne pas accréditer, par leurs réserves ou leur mutisme, ceux qui prévoient la fin de l'empire colonial. Il les exhorte à l'action dans la fermeté, admettant qu'il ne s'agit pas de reproduire le modèle métropolitain, une juste place devant être faite aux spécificités locales.

Huit ans plus tard, toutes les colonies françaises étaient devenues indépendantes. N'était- il pas envisageable que le discours et l'action de l'administration tiennent compte de façon plus officielle et plus efficace d'une issue dont chacun s'accorde à dire aujourd'hui, avec le recul, qu'elle était déjà inscrite dans les faits?

Naturellement, on ne pouvait attendre d'une prospective lucide qu'elle annonce la dispari- tion de l'empire avant moins de dix ans. Cependant, on aurait pour le moins souhaité que soient posées les bonnes questions : est-il de l'intérêt de la France de maintenir sa présence? En est-elle capable, compte tenu de l'émergence des mouvements de libération nationale? D'autres solutions sont-elles envisageables? Quels sont les apports de cet empire? Sommes- nous prêts à faire face à l'imprévisible? Savons-nous former, comme il convient, une élite locale? Nous appuyons-nous sur les forts ou sur les flatteurs?

On aurait apprécié des recommandations plus pertinentes, fussent-elles dérangeantes, qui vien- nent aujourd'hui à l'esprit et qui auraient été valables, il faut y insister, dans tous les cas de figure : une plus grande place au technique et à l'économique dans la formation des élites, la prise en compte, certes difficile, de ce que les esprits les plus ouverts et les plus entreprenants étaient souvent de tendance indépendantiste, le développement accéléré des infrastructures, l'immersion systématique des cadres locaux dans les organisations métropolitaines pour préparer une inévitable relève, la dédramatisation de l'indépendance même de la part de ceux qui n'y étaient pas favora- bles, la consultation des experts compétents, qu'ils partagent ou non la pensée dominante.

Si l'empire colonial avait pu survivre, ces mesures y auraient certainement contribué et, dans le cas contraire, elles ne pouvaient que favoriser l'émergence d'un nouvel équilibre. Notons à l'inverse que le scénario systématiquement affirmé et programmé ne s'est jamais réalisé.

La prospective pourrait donc être cette attitude de l'esprit ouverte à différents futurs possibles qui, refusant de s'enfermer dans les dogmes et posant suffisamment à l'avance les bonnes ques- tions, s'efforce d'identifier l'essentiel et propose des voies pour le promouvoir.

POURQUOI «LA VILLE ET EDF»?

La population française, selon certaines définitions, est déjà urbaine à 96 %; la question urbaine et son devenir apparaissent comme centrales. Dépassant les centres d'intérêt immé- diats de l'entreprise, la démarche prospective se doit de prendre en compte les phénomènes majeurs de l'époque. La ville, source d'espoir et d'inquiétude, est certainement du nombre.

Mais d'abord, qu'est-ce que la ville? Les sociologues nous rappellent qu'elle a pris nais- sance dès l'instant où des hommes se sont rassemblés autour d'un espace initialement informe pour se partager le butin de leurs victoires. Bientôt l'espace est devenu circulaire, donnant naissance à l'agora, puis rectangulaire, formant le forum. La philosophe Hannah Arendt rappelle ainsi qu'« être politique, vivre dans une polis, cela signifiait que toutes choses se déci- daient par la parole et la persuasion et non par la force et la violence ».

On est actuellement loin de cette image positive de la ville. Parler de la ville, c'est générale- ment mettre en avant l'ensemble des dysfonctionnements humains, sociaux, écologiques, qu'elle génère. Vient spontanément à l'esprit l'exemple des banlieues au sein desquelles, pour certaines, tous les handicaps se conjuguent, laissant place à ce que les spécialistes désignent comme des zones de ségrégation socio-urbaine. Les villes apparaissent aussi bien souvent comme les lieux privilégiés de toutes les dérives insécuritaires, de tous les phénomènes d'exclusion et de mal-être. Se profile alors l'image menaçante des ghettos à l'américaine, des explosions de violence urbaine dont on redoute systématiquement qu'elles déferlent la prochaine fois dans «les beaux quartiers». L'espace urbain apparaît en dernière analyse comme tentaculaire et l'on ignore comment faire face à son incessante extension, qui implique un accroissement toujours renouvelé du flux auto- mobile, un trafic toujours plus dense, des distances quotidiennes toujours accrues entre le domicile et le lieu d'activité... On parle alors d'« asphyxie » sans bien savoir comment la conjurer.

Il est naturellement significatif de constater que lorsque fut créé, en décembre 1990, le premier ministère d'État à la Ville, il n'est venu à personne l'idée qu'il pouvait être celui de la promotion et de l'apologie de l'urbain. Pour preuve, l'annonce de sa création, par le président de la République François Mitterrand, faisait suite aux violentes émeutes du quartier du Mas du Taureau à Vaulx-en-Velin, qui semblaient mettre à bas l'ensemble des mesures de la poli- tique de développement social des quartiers dont cette ville offrait l'une des panoplies les plus complètes sur le territoire national. De même, Marseille, ce sont les inquiétantes cités des quartiers Nord, les tensions raciales sur la Canebière, les conflits sociaux qui ruinent lentement le port. C'est aussi, curieusement, l'aventure de son équipe de football qui soulève les passions. C'est enfin, et on ne le dit pas assez, un extraordinaire creuset de civilisations diverses, un lieu d'intégration, depuis deux mille ans, de toutes les populations méditerra- néennes, la ville dans sa plénitude puisque la géographie l'a privée de banlieues.

La ville inquiète donc par tous les maux qu'elle semble concentrer et générer, mais aussi par sa puissance. Le processus de décentralisation, mis en place depuis plus d'une dizaine d'années, a induit un phénomène d'autonomisation des grands espaces urbains qui s'essayent à traiter, au-delà de la puissance publique, avec tel ou tel de leurs homologues européens. On se prend alors à comparer les maires des plus grandes villes aux grands féodaux qu'autrefois les rois considéraient avec tant de circonspection.

C A H I E R S DE P R O S P E C T I V E

Parce que le monde se complexifie et se transforme à grande vitesse, les décisions qui engagent l'avenir des entreprises sont de plus en plus diffi- ciles. C'est pourquoi plusieurs d'entre elles - dont EDF - ont développé des démarches de prospective stratégique.

Ces démarches offrent des instruments d'anticipation confirmés de l'avenir qui ont pour objet d'apporter aux responsables et aux instances décisionnelles les éléments dont ils ont besoin pour éclairer leurs choix stratégiques. A Électricité de France, un Comité de la Prospective a été constitué en 1988. Il a mené avec des équipes plurielles de cadres (ingé- nieurs, chercheurs) et avec le concours de scientifiques et consultants, de nombreuses études qui s'organisent autour de thèmes stratégiques dont certains feront l'objet d'une publication dans les prochains Cahiers de Prospective :

e Le contexte politico-institutionnel et son évolution en fonction des expériences étrangères, de l'internationalisation, des nouvelles idées économiques. e La construction européenne et les liens avec les autres électriciens européens. e Le ralentissement de la croissance de la production d'électricité et les nouvelles stratégies d'investissement. e Les nouvelles technologies de production, de restructuration des industries nucléaires.

e Les nouvelles exigences des publics en matière de qualité de l'envi- ronnement.

e Ladaptation du management des personnes, des relations sociales.

PIERRE GABE

L A V I L L E

E T E D F

EDF s'interroge, de manière renouvelée, sur la question de sa dimension citoyenne, au regard des difficultés croissantes d'une partie de la population. De manière générale, cette citoyenneté pousse à réfléchir à l'utilité sociale d'une entreprise de service public qui est questionnée dans nombre de quartiers en difficulté, ce qui conduit à poser justement la question du devenir de la ville. Si une entreprise comme EDF entreprend une démarche prospective sur la ville, c'est parce que aujourd'hui, en France, c'est le symbole même de la société avec ses forces, ses valeurs et aussi ses handicaps terribles.

L'originalité du travail du groupe de la prospective a été d'imaginer trois modèles d'évolution urbaine et d'inté- grer EDF dans cette perspective. Trois scénarios ont été élaborés : Mercalex (la loi du marché, ou la ville comme outil de développement économique), Civitas (le retour aux sources, ou la ville citoyenne), Exurbia (le rêve technologique, ou la ville disséminée). Ce cahier de prospective tente, in fine, de livrer une vision de la ville émancipée de la stricte optique pro- ductiviste pour laisser place aux réflexions sur les devoirs de l'entreprise envers la société.

Pierre Gabe, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, est directeur exécutif à EDF-GDF Services. Il est également l'initiateur et le chef de la Mission Solidarité d'EDF et GDF

InterEditions

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