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La Vraie Vie d’Adèle Isabelle Desaulve

La Vraie Vie d’Adèle

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La Vraie Vie d’AdèleIsabelle Desaulve

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----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (130x204)] NB Pages : 222 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 18 ----------------------------------------------------------------------------

La Vraie Vie d’Adèle

Isabelle Desaulve

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Préface

Ceci est un roman. Néanmoins, toute ressemblance avec des personnes

existantes ne serait pas fortuite. C’est en suivant un débat politique avant l’élection

présidentielle de 2017 que j’ai eu l’idée de cette fiction. Deux personnages me l’ont inspirée. Ils se reconnaîtront sûrement. Je m’excuse par avance de ne pas leur donner le beau rôle, mais tel n’est pas mon sujet.

J’ai imaginé dans ce livre l’un des pires scénarios qui puisse arriver à la France, en espérant qu’il ne se réalise jamais.

Ceci est un roman… pour le moment.

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A ma fille Gabrielle

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La vraie vie d’Adèle

Le débat s’emballait quand la parole fut donnée à une femme dans le public. Les journalistes se détendirent, ça allait leur faire une pause, une petite question anodine. L’homme politique regarda la femme avec un demi-sourire.

– Bonjour monsieur Penack. – Bonjour. La femme toussota puis dit, regardant l’homme

politique dans les yeux : – Monsieur Penack. J’ai entendu tout ce que vous avez

dit ce soir et… monsieur Penack, vous êtes un homme influent, vous avez fait de hautes études et vous gagnez très bien votre vie. Moi, je ne suis qu’une petite aide-soignante qui passe sa vie au contact de malades. Je les aide de mon mieux parce que j’aime mon métier, malgré un salaire dérisoire.

Monsieur Penack, dans la vraie vie, une femme comme moi rêve qu’un homme comme vous lui change la vie mais, dans cette vie là, un homme comme vous ne regarde jamais une femme comme moi.

En bref, monsieur Penack, les français aimeraient que

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vous leur changiez la vie, mais dans cette même vie, vous ne les regardez pas…

Plus personne ne parlait dans le public. Les journalistes attendaient la chute et l’homme politique semblait captivé. La femme continua :

– … vous ne comprenez pas les gens monsieur Penack parce que vous ne les écoutez pas et que vos préoccupations sont à mille lieux des leurs.

Et la femme ajouta : – C’est pour cela que la petite aide-soignante que je suis

ne votera pas pour vous. Et elle se rassit. L’homme politique était sous le charme,

il ne détachait pas son regard d’elle. Les caméras s’attardèrent sur lui. Et alors que les journalistes allaient passer à autre chose, Alan Penack parla à la femme :

– Comment vous appelez-vous ? – Adèle. – Adèle… c’est un très joli prénom. L’homme sourit et continua : – Je peux vous dire que j’ai beaucoup de considération

pour votre métier, que j’ai déjà eu besoin des services d’aides-soignantes et qu’elles se montrent particulièrement compétentes et…

– Arrêtez monsieur Penack… Alan. Avoir eu besoin d’une aide-soignante ne veut pas dire que vous les respectiez. Et, soyez franc, auriez-vous épousé l’une d’elles ? Je connais la réponse Alan, ne vous fatiguez pas.

L’homme politique fut décontenancé et cherchait Adèle du regard. Les journalistes tentaient de continuer l’émission, en vain. Alan Penack ne répondit plus à aucune question.

Adèle Romance était rentrée chez elle dans son trois pièces à Bobigny.

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Alan Penack rentra chez lui assez tard. Il retrouva sa femme Jeanne sans entrain. Leur couple battait de l’aile depuis presque un an. Il alla fumer sur la terrasse de sa belle maison donnant sur les bords de Marne.

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1 La vie « Normale »

L’image de cette aide-soignante de quarante ans qui fait face à un homme politique aspirant aux plus hautes sphères de l’état fut passée en boucle sur les réseaux sociaux et même à la télé.

Adèle Romance reçut plus de cinquante propositions pour apparaître à la télé dans telle ou telle émission et même au début du journal télévisé. Elle refusa tout en bloc.

Alan Penack fut maintes fois questionné sur l’intervention de « la petite infirmière ». Il répondit vaguement à chaque fois.

Adèle Romance oublia assez vite ce débat télévisé avec un homme d’état. Elle reprit sa vie de mère célibataire sans rien changer. Mais quand elle emmenait son fils Eddy à l’école, les regards se tournaient vers elle et certains parents la félicitèrent pour son audace. Elle ne pensait pas avoir eu de l’audace mais juste avoir été elle-même. Pour elle le débat était clos.

Adèle avait demandé, ou plutôt acceptait, d’intégrer le

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service gériatrie de l’hôpital central qui manquait cruellement de personnel. Jusque là, elle travaillait au service radiologie.

Adèle aimait s’occuper des personnes âgées. Elle se sentait proche d’elles et savait comment les aborder, leur parler, les rassurer. Elle avait beaucoup aimé sa grand-mère, cela provenait peut-être de là.

Adèle fut rapidement acceptée et réclamée par les pensionnaires du service. Elle se montrait à la fois ferme quand il le fallait mais aussi attentive aux besoins de chacun, fussent-ils minimes. Il lui arrivait malheureusement de ne pas avoir le temps de chouchouter tel ou tel pensionnaire qui se mettait alors à réclamer, parfois bruyamment. Le manque de personnel en était la cause et tenter de l’expliquer aux patients n’y changeait rien. Adèle vivait avec cela, comme tout le personnel hospitalier. Et ça se passait comme cela chaque jour ou presque. Elle passait ses journées à panser les plaies physiques et morales sans certainement jamais en faire suffisamment mais en agissant au mieux. Adèle aimait son travail mais elle était épuisée à la fin de la journée.

Quand elle rentrait chez elle, pas avant 19h, Soraya, la nounou, était en train de cuisiner pour Eddy. Le petit garçon de neuf ans sautait dans les bras de sa mère et attendait qu’elle soit douchée avant de lui raconter sa journée. Il savait qu’Adèle avait besoin d’une bonne douche de dix bonnes minutes pour se sentir mieux et chasser la fatigue de la journée au moins pour un instant. Alors elle s’asseyait à côté de son fils et l’écoutait d’une oreille distraite. Elle ne le faisait pas exprès, mais ses pensées allaient vers ses pensionnaires. Certains n’avaient plus que quelques semaines à vivre, d’autres rentreraient chez eux pour vivre

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encore dix ans. Adèle ne parvenait à se déconnecter de son travail que lorsque la fatigue se faisait si pesante qu’elle l’enveloppait. Alors, elle rêvait d’un prince charmant qui lui changerait la vie pour lui prouver son amour. Elle n’aurait plus de problème de factures impayées ou de frigo à moitié vide à la fin du mois. Elle serait Heureuse.

Ce matin-là, elle se rendait à son travail quand elle fut accostée par un homme très chic qui lui déclara avoir une proposition de travail très sérieuse à lui faire. Adèle allait l’envoyer balader quand il lui dit venir de la part d’Alan Penack. Alors, elle ouvrit de grands yeux et l’écouta.

Les jours qui suivirent Adèle ne cessa de penser à la proposition de l’homme. N’importe qui dans son cas aurait accepté sur le champ. Mais Adèle avait besoin de réfléchir. Elle craignait en acceptant cette proposition d’être redevable un jour ou l’autre ou plus libre d’agir comme elle le souhaitait. Et puis, elle n’avait jamais exercé à domicile. L’homme lui avait laissé un numéro de portable où elle pouvait l’appeler. Mais tant de choses se bousculaient dans sa tête qu’elle n’appela pas. Elle se dit que l’homme oublierait sa proposition et irait la faire à quelqu’un d’autre. Après tout, elle n’était pas la seule aide-soignante de la région.

Aussi continua-t-elle son travail sans plus y penser. Mais quand elle rentra chez elle ce soir là, quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit un homme devant chez elle. C’était Alan Penack.

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2 Proposition

Il sourit à Adèle, du même sourire qu’il avait eu sur le plateau télévisé.

– Bonsoir mademoiselle Romance. – Bonsoir… mais, que faites-vous ici ? Il lui tendit la main, elle la serra. – Accepteriez-vous que nous discutions à l’intérieur ? – Je… vous me prenez vraiment de court. J’ai travaillé

toute la journée et je suis fatiguée. J’ai besoin d’une bonne douche…

Alan Penack saisit la main d’Adèle doucement et dit sur le même ton doux en la regardant dans les yeux :

– S’il vous plait Adèle. Elle finit par céder.

Quand Soraya le vit entrer, elle n’en crut pas ses yeux. Il la salua et dit bonjour à Eddy. Le petit garçon lui demanda :

– Tu es le monsieur qui a parlé avec ma maman à la télé ?

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Alan Penack sourit. – Oui, c’est ça. Je suis Alan. Et toi, comment t’appelles-

tu ? – Eddy. Tu restes manger avec nous ? Adèle, un peu mal à l’aise lança un regard entendu à

Soraya et entraina Alan Penack dans le salon. Elle le pria de s’asseoir.

– Vous voulez boire quelque chose ? J’ai whisky, vodka ou un verre de vin rouge.

– Je… un verre de vin rouge avec plaisir si vous m’accompagnez.

– D’accord. Adèle servit deux verres de vin et s’assit en face du

politicien. – Maintenant que vous êtes là, je vous écoute. Il but une gorgée de vin après avoir levé son verre et

commença : – Ce vin est très bon. – Un côte du rhône. Je m’y connais un peu. – Ça se voit. Bien, pourquoi ne pas avoir répondu à ma

proposition d’emploi mademoiselle Romance ? – Adèle. – Adèle… elle est on ne peut plus sérieuse, je vous

l’assure. – Pourquoi m’avoir envoyé quelqu’un et ne pas vous

êtes déplacé comme vous le faites ce soir ? – Vous avez raison. J’aurais dû. Je voulais juste rester

discret. Vous n’êtes pas sans savoir que votre intervention télévisuelle a, comme on dit, fait le buzz.

– Je sais oui. Et vous allez me dire que c’est cela qui vous a donné l’envie de me prendre pour aide-soignante ?

Le ton d’Adèle était monté sans qu’elle le veuille. La

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fatigue et l’irritation. Que lui voulait cet homme à la fin ? Alan Penack sentit l’exaspération dans la voix de la

jeune femme et lui dit d’un ton très doux : – Adèle… oui j’avoue que suite à votre intervention j’ai

pensé à mes parents. Ils sont très âgés, nonagénaires et ont de plus en plus de difficultés pour assurer le quotidien seuls. Et je ne peux ni ne veux les placer en maison de retraite quelle qu’elle soit. J’ai donc pensé à vous faire cette proposition d’embauche. Ceci est parfaitement légale. Vous auriez un contrat de travail en bonne et dû forme. Je souhaiterais que vous vous occupiez de mes parents toute la journée cinq jours par semaine. Du lever jusqu’au coucher. Je me sentirais bien mieux de les savoir ainsi pris en mains par une professionnelle qui serait à même de les aider dans leur vie quotidienne. Nous pouvons débattre des horaires et du salaire comme il vous conviendra. J’en ai bien évidemment parlé à mes parents qui sont emballés.

Adèle baissa les yeux, but un peu de vin et regarda Alan Penack :

– Vous ne me connaissez pas. Ça n’est pas parce que je vous ai répondu sur un plateau télé que vous me connaissez ni que je suis compétente. Et pourquoi me choisir moi ? Il existe un tas d’aides-soignantes diplômées compétentes.

L’homme baissa les yeux à son tour et dit : – C’est vous que je voulais… c’est vous que je voudrais

Adèle. Puis, en la regardant : – S’il vous plait, étudiez au moins le contrat, je l’ai

amené. Il sortit un formulaire de sa poche intérieure et le lui

tendit. Adèle le prit et le lut. Il était écrit qu’elle s’engageait à travailler en tant

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qu’aide-soignante au domicile de Mr et Mme Penack de 8h30 le matin jusqu’à 19h30 le soir, ce du lundi au vendredi avec 1h30 de pause déjeuner, le tout pour un salaire de 3000 euros. Adèle reposa le contrat et regarda Alan Penack.

– Eh bien, qu’en dites-vous Adèle ? – Je tiens à amener mon fils à l’école le matin, donc

disons plutôt 9h. Je n’ai pas besoin d’une pause déjeuner d’1h30. Trente minutes me suffisent mais je ne veux pas finir à 19h. 18h maximum.

L’homme sourit et la regarda de ce même regard doux avec lequel il séduisait son électorat féminin.

– Et si vous habitiez plus près de chez mes parents ? Ils sont à Neuilly.

Adèle leva les sourcils. – Vous croyez vraiment que j’ai les moyens de payer un

loyer dans les beaux quartiers ? – Je vous en trouverai un à un prix très abordable. – Je pense, Mr Penack que le mot « abordable » n’a pas

la même signification pour vous et pour moi. – 500 euros par mois. Il vous en resterait 2500 pour vivre. Adèle n’en crut pas ses oreilles. Elle dit, en plaisantant

à moitié : – Pour ce prix là on a au moins une chambre de bonne ! – Un quatre pièces de 80 mètres carrés. – Impossible. – Il appartient à mes parents. Je vous le loue un prix

d’ami parce que je vous souhaite à leurs côtés. Les deux immeubles sont à quelques mètres de distance.

– Et l’école de mon fils est à 1h ! – Il y a une école à 200 mètres, inscrivez-y votre fils. Il y

sera très bien, j’y suis moi-même allé quand j’avais son âge. L’homme sourit. Adèle lui dit :

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– Je dois y réfléchir. Cela fait beaucoup de changements. Et vous ne m’avez pas précisé à quelle date vous souhaiteriez que je commence.

– Dès que possible. – Je ne peux pas quitter l’hôpital du jour au lendemain.

J’ai un préavis d’un mois. – Dommage, mais d’accord. Vous aurez ainsi le temps

de déménager et de changer votre fils d’école. Si vous avez besoin d’aide pour déménager, je peux vous trouver des gens compétents.

Il avait pensé à tout. Adèle ne répondit rien. Il reprit sa voix douce, enjôleuse.

– Adèle, je vous donne l’opportunité d’exercer votre métier tout en améliorant votre vie et celle de votre fils. Il n’y a aucun piège. Tout est légal, clair. Et vous aurez une période d’essai comme n’importe qui.

L’homme marqua une pause et continua, tout en se levant :

– Je vous laisse Adèle. Je m’excuse de m’être pointé chez vous comme ça, à l’improviste mais je tenais à vous voir en tête à tête. Maintenant c’est à vous de décider. Je souhaiterais, si vous acceptez le job, que vous rencontriez mes parents avant. Vous verrez, ils vous plairont. Il sont très accueillants et chaleureux.

Adèle ne dit toujours rien. Elle se leva et le raccompagna à la porte. Il se tourna vers elle avant de franchir le seuil :

– Je voudrais vraiment que vous acceptiez Adèle. Excusez-moi encore pour le dérangement.

Elle dit enfin : – Quelle est la prochaine étape ? Vous n’avez pas mon

numéro ni moi le votre.

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Il sourit. – C’est exact. Il sortit une carte de visite de sa poche intérieure et la

lui tendit. – C’est fait. Appelez-moi Adèle. Au revoir.

Alan Penack était satisfait. Il savait qu’elle allait dire oui. Sa proposition n’avait rien laissé au hasard. Elle ne pouvait pas refuser. Il avait pesé chaque détail. Un appartement plus grand mais pas trop, un salaire très attractif mais pas indécent. Si elle avait su qu’il aurait été prêt à lui payer le double. Mais elle se serait sentie écrasée, moquée ou prise au piège et elle aurait refusé. Mais là, elle allait accepter. Il lui laisserait quelques jours de réflexion pour ne pas la brusquer. Il espérait ne pas être obligé de la recontacter et qu’elle l’appellerait elle.

L’enquête qu’il avait menée sur elle s’était révélée des plus positives. Adèle Romance était une mère célibataire que le père de son fils avait abandonné dès le bébé venu au monde. Elle n’avait plus jamais eu de ses nouvelles. Il n’avait pas reconnu Eddy. Elle avait d’abord fait des ménages avant de passer une formation de deux ans menant au diplôme d’aide-soignante. Elle n’avait pas souhaité devenir infirmière. Trop de médical ne l’attirait pas. Elle préférait soigner les âmes en soulageant les corps.

Adèle s’en sortait difficilement avec un salaire guère plus élevé que le smic et une nounou à payer en plus du loyer. Elle avait perdu sa mère deux ans plus tôt d’un cancer des reins. Lui restait son père septuagénaire qui vivait en Bretagne et un frère de dix ans son ainé qu’elle voyait rarement.

Sa vie tournait autour de son travail à l’hôpital et de son