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n Histoire Premium / Fondation Charles-de-Gaulle n L’AVENTURE DE LA BOMBE DE GAULLE ET LA DISSUASION NUCLÉAIRE 1958-1969

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n Histoire Premium / Fondation Charles-de-Gaulle n

L’Aventure de LA bombede GAuLLe et LA dissuAsion nucLéAire

1958-1969

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L'AVENTURE

DE LA BOMBE

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COLLECTION ESPOIR

Sous la direction de

L'INSTITUT CHARLES-DE-GAULLE

Par son action et dans ses écrits, le général de Gaulle a abordé la plu-

part des problèmes sociaux, économiques, politiques, qui se posent à

notre temps. Dans de nombreux cas, il a pris position sur leur évolution.

Sans doute quelques données changent-elles, mais les grandes ques-

tions demeurent posées aujourd'hui comme hier.

L'Institut Charles-de-Gaulle se propose de réunir, dans le cadre de la

collection « Espoir » éditée par la librairie Pion, une série d'études

d'actualité dont certaines rapprocheront les vues du fondateur de la V e

République des situations et perspectives du moment.

De même, la collection présentera des témoignagnes de nature à

éclairer la personnalité de ceux qui ont joué un rôle dans la vaste entre-

prise de rénovation nationale commencée en 1940.

En raison du caractère scientifique des travaux de l'Institut, les opi-

nions exprimées dans cette collection seront très variées et parfois oppo-

sées. Dans ces conditions, l'Institut ne saurait donc en prendre aucune à

son compte.

P.L.

Dans la même collection

DE GAULLE FACE A L'EUROPE, par Gilles Gozard.

DE G A ULLE ET LES DÉBUTS DE LA V RÉPUBLIQUE, par Léon Noël.

DE GAULLE ET L'ARMÉE, par Edmond Pognon.

UN AUTRE MALRAUX, par Brigitte Friang.

DE G A ULLE ET LE SER VICE DE L 'ÉTA T, par des collaborateurs du Général.

LES BA TAILLES ÉCONOMIQUES DU GÉNÉRAL DE GA ULLE, par Alain Prate.

DE GAULLE 1944, par René Hostache.

LES NEUF SAGES DE LA RÉSISTANCE, par Diane de Bellescize.

« L'ENTOURAGE » ET DE GAULLE, ouvrage collectif présenté par Gilbert

Pilleul.

« L 'ABOMINABLE ARMISTICE » DE JUIN 1940, par Henri Longuechaud.

DE GAULLE 1947-1954, POURQUOI L'ÉCHEC ? Du R.P.F. à la traversée du

désert, par Louis Terrenoire.

DE GAULLE ET CHURCHILL, par François Kersaudy.

LE GÉNÉRAL DE GAULLE ET L'INDOCHINE, 1940-1946, ouvrage collectifpré-

senté par l'Institut Charles-de-Gaulle.

LA GÉNÉRATION DU FEU, par Charles de Gaulle, Jacques Vendroux, Gérard

Boud'hors.

DE G A ULLE ET LA NA TION FA CE A UX PROBLÈMES DE DÉFENSE 1945-46, Collo-

que organisé avec l'Institut d'histoire du temps présent.

DE GAULLE ET ROOSEVELT, par Raoul Aglion.

UN ÉTRANGE ITINÉRAIRE, LONDRES-VICHY-LONDRES 1940-1944, par Jacques

Soufflet.

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L'AVENTURE

DE LA BOMBE

De Gaulle

et la dissuasion nucléaire

(1958-1969)

Colloque organisé à Arc-et-Senans

par l'Université de Franche-Comté

et l'Institut Charles-de-Gaulle

les 27, 28 et 29 septembre 1984

Sous la direction de L'INSTITUT CHARLES-DE-GAULLE

PLON 8, rue Garancière

Parte

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La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les < copies ou reproductions strictement réservies à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective > et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, c toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti-tuerait donc une contrefaçon sanctionnée» par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Librairie Pion, 1985

I.S.B.N. 2-259-01363-5

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SOMMAIRE

Liste des principaux sigles 12

AVANT-PROPOS par Pierre Lefranc et Daniel Colard 13

PRÉFACE par Geoffroy de Courcel 15

Première partie : LES ORIGINES DE LA FORCE NUCLÉAIRE

DE DISSUASION

CHAPITRE I : Communications 21

1 . La genèse et l'héritage par Bertrand Goldschmidt 23

2. Les premières étapes (1955-1960) par le général Albert Buchalet 39

Annexe I : Chronologie sommaire 55

Annexe II : Organigramme D.T.N — D.A.M. 57

Annexe III : Service des essais 58

CHAPITRE II : Débat 59

1. Les débuts 61

2. L'attitude américaine 63

3. Le contexte international 67

4. Les enjeux intérieurs 70

CHAPITRE III : Appendices 75

1. Histoire du Comité des explosifs nucléaires par le général Jean

Crépin 77

2. Témoignage du président Edgar Faure 86

Deuxième partie : LA MISE EN ŒUVRE DE LA DISSUASION

NUCLÉAIRE

Première section : LES MOYENS 90

CHAPITRE I : Communications 91

1. Les deux premières lois de programme, la FNS et les projets

concernant l'arme nucléaire tactique par Pierre Messmer 93

2. Economie de l'effort d'armement par Jacques Percebois 107

3. La mise en œuvre scientifique et technique par Jacques Cheval-

lier et Pierre Usunier 125

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CHAPITRE II : Débat 145

1. Coût et impact économique de la dissuasion nucléaire 147

2. Conditions et modalités des développements scientifiques et

techniques 153

3. Des apports extérieurs ? 158

Deuxième section : L'ÉLABORATION DU CONCEPT FRAN-

ÇAIS DE STRATÉGIE NUCLÉAIRE 162

CHAPITRE III : Communications 163

1 . La dissuasion du faible au fort par le général Pierre M. Gallois 165

2. La stratégie de dissuasion de la France et la stratégie des Etats-

Unis dans l'Alliance atlantique par Jean Klein 175

3. La dissuasion et les armements classiques par le général Fran-

çois Valentin 189

CHAPITRE IV : Débat 197

1. Les origines et l'affirmation de la pensée stratégique nucléaire

du général de Gaulle 199

2. Arme nucléaire et armée de métier 203

3. La crédibilité de la dissuasion française et la course aux arme-

ments 204

CHAPITRE V : Appendices 207

1. Plaque apposée dans la salle d'armes de l'Ecole navale, repro-

duisant des extraits du discours du général de Gaulle du 15 février

1965 209 2. Extrait de l'allocution prononcée par le général de Gaulle le 27

janvier 1968 au Centre des hautes études militaires 210

3. La dissuasion nucléaire, « doctrine a priori ou doctrine des cir-

constances ? » par Alain Lebougre 212

Troisième section : LA MISE EN ŒUVRE 219

CHAPITRE VI : Communication 221

La mise en place opérationnelle de la triade stratégique (Mirage

IV, SSBS Albion, SNLE) et des chaînes de contrôle par le général

François Maurin 222

CHAPITRE VII : Débat 235

Troisième partie : LES IMPLICATIONS POLITIQUES DE LA FORCE DE DISSUASION

Première section : LES RÉACTIONS INTÉRIEURES A LA

POLITIQUE NUCLÉAIRE DU GÉNÉRAL DE GAULLE 240

CHAPITRE I : Communications 241

1 . Les réactions de l'opinion à travers la presse et les sondages par

Jean Planchais 243

2. Les réactions de l'Armée et des forces politiques par Paul-

Marie de La Gorce 255

CHAPITRE II : Débat 267

1. L'Armée et ses réactions 269

2. Les facteurs de formation de l'« Opinion » 273

3. Arme atomique et politique nucléaire 275

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Deuxième section : LA DISSUASION FRANÇAISE FACE A

L'EXTÉRIEUR 278

CHAPITRE III : Communications 279

1. L'option nucléaire, le problème des essais et la position de la

France sur le désarmement par Daniel Colard et Jean-François Guil-

haudis 281

2. Les réactions des partenaires de la France par Jean-Paul Coin-

tet 295

CHAPITRE IV : Débat 309

1. Les réactions américaines 311

2. ... et celles des autres alliés 315

3. La politique française en matière de désarmement et d'arms

control 317

Troisième section : LA FORCE NUCLÉAIRE ET LE POIDS DE

LA FRANCE 319

CHAPITRE V : Communication 321

La crédibilité du décideur par Maurice Duverger 323

CHAPITRE VI : Débat 331

1. Le décideur 333

2. . . .et les moyens de mise en œuvre de la décision 335

CHAPITRE VII : Communication 337

La France de la force de dissuasion par Dominique Chagnollaud. 339

CHAPITRE VIII : Débat 347

RAPPORT GÉNÉRAL par Jacques Robert 355

LISTE DES AUTEURS DE CONTRIBUTIONS ÉCRITES ET DES INTERVE-

NANTS 363

INDEX 369

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LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES UTILISÉS

ANT Arme nucléaire tactique.

BCRA Bureau central de renseignement et d'action.

BEG Bureau des études générales (au sein du CEA).

CAMEA Comité des application militaires de l'énergie atomique.

CASDN Comité d'action scientifique de la Défense nationale.

CCD Conférence du Comité du désarmement.

CDN Comité de Défense nationale.

CEA Commissariat à l'énergie atomique.

CECA Communauté européenne du charbon et de l'acier.

CED Communauté européenne de défense.

CEL Centre d'essais des Landes.

CEM Centre d'essais de la Marine.

CEN Comité des explosifs nucléaires.

CEV Centre d'études de Vaujours.

CHEM Centre des hautes études militaires.

CNES Centre national d'études spatiales.

CNRS Caisse nationale de la recherche scientifique devenue

ensuite Centre national de la recherche scientifique.

CSI Cours supérieur interarmées.

DAM Direction des applications militaires (au sein du CEA).

DN Défense nationale.

DST Direction de la sécurité du territoire.

DTN Département des techniques nouvelles (au sein du CEA).

EURATOM Communauté européenne de l'énergie atomique.

FAS Forces aériennes stratégiques.

FATAC Forces aériennes tactiques.

FFA Forces françaises en Allemagne.

FNS Force nucléaire stratégique.

FOST Force océanique stratégique.

IFOP Institut français d'opinion publique.

IHEDN Institut des hautes études de Défense nationale.

MCAA Mouvement contre l'armement atomique.

MSBS Mer-sol-balistique-stratégique (type de missile).

ONU Organisation des Nations unies.

OTAN Organisation du traité de l'Atlantique Nord.

PAT Prototype A terre.

PIB Produit intérieur brut.

PNB Produit national brut.

PWR Pressured Water Reactor (réacteur à eau préssurisée).

SEREB Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques.

SGDN Secrétariat général de la Défense nationale. SNLE Sous-marin nucléaire lance-engins.

SSBS Sol-sol-balistique-stratégique (type de missile).

STCAN Service technique des constructions et armes navales.

TNP Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (1968).

UEO Union de l'Europe occidentale.

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A VANT-PROPOS

De Gaulle portait en lui la conviction que la France avait un rôle spé-

cifique à jouer sur la scène internationale, c'est-à-dire dans le concert des

nations. Mais, pour briser la rigidité du système bipolaire et pour ouvrir

une voie nouvelle entre les deux superpuissances et les deux blocs antago-

nistes, la France du général de Gaulle, si tel était bien son grand dessein, se

devait d'assurer par tous les moyens son indépendance politique, économi-

que et militaire. Or, depuis qu 'il existe des Etats — les « plus froids des

monstres froids » — l'indépendance nationale s'accompagne nécessaire-

ment d'une capacité de défense ; dans ces conditions, comme l'affirmait le

fondateur de la Ve République dans sa fameuse allocution prononcée à

l'Ecole militaire le 3 novembre 1959, « il fallait que la défense de la France

fût française » et qu'elle disposât des moyens de la rendre crédible aux

yeux des plus grands. En 1958, la crédibilité militaire ne pouvait être

acquise que par la possession de l'arme nucléaire, arme non seulement stra-

tégique mais aussi diplomatique.

C'est pourquoi, dès son retour aux affaires, le général de Gaulle

décida de consacrer à la fabrication de cette arme les moyens nécessaires :

une formidable aventure commençait. Elle se poursuit encore

aujourd'hui. . .

Les moyens militaires et financiers, scientifiques et technologiques mis

en œuvre durant la période 1958-1969 et les péripéties de cette immense

entreprise — conduite par la France seule — sont peu connus du grand

public. C'est la raison pour laquelle — vingt ans après l'entrée en service de

la première composante de la Force nucléaire stratégique (FNS), les Mira-

ge IV, — l'Institut Charles-de-Gaulle et l'Université de Franche-Comté ont

jugé le moment venu d'organiser une vaste confrontation sur le thème « De

Gaulle et la dissuasion nucléaire ».

Une collaboration fructueuse entre universitaires, militaires, scientifi-

ques et politiques permit de tenir un important colloque qui se déroula les

27, 28 et 29 septembre 1984 dans le magnifique site de la Saline royale

d'Arc-et-Senans, située à une trentaine de kilomètres de la capitale régio-

nale comtoise, Besançon.

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L'université de Franche-Comté et l'Institut Charles-de-Gaulle adres-

sent leurs sincères remerciements aux collectivités locales : la région, le

département du Doubs et la commune de Besançon pour l'appui et l'aide

qu 'elles leur ont procurés ; ils remercient également tous ceux qui, sous une

forme ou sous une autre, ont apporté leur concours à la réussite matérielle

et intellectuelle de cette rencontre pluridisciplinaire dont la somme scienti-

fique est présentée dans les pages qui suivent '. Nous espérons que la publi-

cation des actes de ce colloque contribuera à mieux faire connaître l'œuvre

et l'action de celui qui eut le courage et la volonté de doter la France de la

puissance nucléaire, garantie suprême de sa survie, de son indépendance et

de son rang dans le monde.

Daniel COLARD

Pierre LEFRANC

1. Les organisateurs tiennent à remercier particulièrement M. Bruno Leroux et Mlle Agnès Marcaillou de leur précieuse collaboration.

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PRÉFACE

par Geoffroy de Courcel *

Il n'est pas vraisemblable d'abord que l'homme qui avait prévu de

façon prophétique comment se déroulerait la campagne de 1940, n'ait pas

su dès ce moment avec réalisme, et non sans une certaine inquiétude, les

développements futurs qu'auraient sur le plan de la Défense nationale, les

recherches poursuivies par nos savants dans le plus grand secret, sur une

nouvelle énergie procédant de l'uranium.

D'ailleurs, comme sous-secrétaire d'Etat à la Guerre, il avait eu en

partie à en connaître. Dans ses Mémoires, le général de Gaulle dit qu'au

cours d'un de ses voyages à Londres, pendant la bataille de France, il ren-

contra sur le contre-torpilleur Le Milan qui le menait le 15 juin à

Plymouth, les ingénieurs chimistes que le ministre de l'Armement, Raoul

Dautry, envoyait en mission en Angleterre. Il y avait sans doute parmi eux

certains membres de la future équipe interalliée de Montréal, qui poursuivit

intensément ses travaux pendant la guerre.

Lors de la visite que le général de Gaulle fit à Ottawa en juillet 1944,

MM. Bertrand Goldschmidt et Jules Guéron l'informèrent en grand secret,

des progrès effectués dans la mise au point de la bombe atomique, un an

avant son utilisation, puisque c'est les 6 et 9 août 1945 que les Américains,

afin d'obtenir une reddition sans conditions du Japon, lancèrent leurs deux

bombes sur Hiroshima et Nagasaki.

L'annonce de ces explositions provoqua une grande émotion chez le

général de Gaulle, qui dit dans ses Mémoires, que bien qu'il eût été averti

depuis longtemps que les Américains étaient sur le point d'utiliser ces

« effroyables engins », il ne s'en sentait « pas moins tenté par le désespoir

en voyant paraître le moyen qui permettrait aux hommes de détruire

l'espèce humaine ».

Il était en même temps conscient de ce que représentait pour l'équilibre

mondial, la possession de la bombe atomique, qui était alors un monopole

des Etats-Unis. L'entretien qu'il avait eu avec MM. Goldschmidt et Gué-

* Président de l'Institut-Charles-de-Gaulle.

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ron un an plus tôt, et le bombardement des villes japonaises, expliquent

peut-être la hâte avec laquelle il créa, dès octobre 1945 ', c'est-à-dire trois

mois avant de quitter le pouvoir, le Commissariat à l'énergie atomique

dépendant du président du Conseil et doté de l'autonomie administrative et

financière. De nombreux rapports soulignent l'importance que devait avoir cette

décision pour l'avenir de la force nucléaire française. Elle a, en effet, per-

mis aux dirigeants successifs du CE.A., à MM. Joliot-Curie et Dautry

dans un premier temps, MM. Francis Perrin et Guillaumat ensuite, d'être à

l'origine de toutes nos réalisations dans le domaine nucléaire. Le concours

de quelques hommes politiques de la IVe République, convaincus de la

nécessité pour la France de posséder l'arme atomique, contribua à cette

progression sur le plan militaire, malgré les hésitations et contradictions du

pouvoir d'alors.

Pour le général de Gaulle, la création du Commissariat à l'énergie ato-

mique répondait avant tout à sa volonté de donner à son pays les moyens

de rattraper son retard dans le domaine nucléaire et de briser ainsi l'isola-

tionnisme atomique dans lequel s'enfermaient les puissances anglo-

saxonnes.

C'est sans doute le même sentiment qui anima le général de Gaulle

dans les premières années après son retour en 1958 ; il s'agissait pour lui de

pouvoir dire que la France était politiquement une puissance nucléaire et de

discuter d'égal à égal avec les puissances anglo-saxonnes. La politique

nucléaire était non seulement partie intégrante de sa politique générale,

mais elle occupait même une place prioritaire. Dès le 18 septembre 1958,

comme chacun le sait, il adressait un mémorandum au président des Etats-

Unis et au Premier ministre britannique, dans lequel il affirmait la nécessité

d'instituer à un échelon politique et mondial, une organisation comprenant

les trois pays, ayant pour rôle de mettre en application les plans d'action

stratégique, notamment dans le domaine de l'emploi des armes nucléaires.

Ce mémorandum resta sans réponse. On peut se demander si le général

de Gaulle ne pressentait pas ce silence et même s'il ne l'a pas recherché,

pour mieux démontrer aux Anglo-Saxons dans la suite, que la France était

capable de posséder son arme de dissuasion, bien à elle. C'était déjà une

prise de position en faveur d'une force de frappe nationale.

La première explosion nucléaire française fut couronnée de succès à

Reggane le 13 février 1960. Je me souviens de l'enthousiasme du général de

Gaulle. Bien entendu, il était content de l'exploit technique de ceux qui

avaient mené cette opération à son terme ; mais par-dessus tout, il avait

atteint politiquement son but : la France était devenue une puissance

nucléaire.

En juin 1962, il eut un entretien en tête à tête avec M. Macmillan à

Champs-sur-Marne. L'Angleterre souhaitait alors devenir membre de la

Communauté européenne et proposait une coopération de nos deux forces

nucléaires ; elles devaient être « la colonne vertébrale de la défense de

l'Europe », devait dire Macmillan à l'issue de cette rencontre ; cet accord

fut de courte durée ; le Premier britannique devait changer de position sous

l'influence du président Kennedy.

La mésentente qui en résulta entre de Gaulle et Macmillan à l'entrevue

de Rambouillet, en décembre 1962, à la veille de la réunion anglo-

I. Voir la communication d'Aline Coutrot in Institut Charles-de-Gaulle et I.H.T.P., De

Gaulle et la Nation face aux problèmes de défense (1945-46), Paris, Pion, 1983.

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américaine de Nassau, fit de ce problème nucléaire un des principaux obs-tacles à l'entrée de l'Angleterre dans le Marché commun.

Cette priorité de la question nucléaire joua aussi dans une certaine mesure, un rôle dans l'affaire d'Algérie. Le général de Gaulle était con-vaincu, avant son retour au pouvoir, de l'impossibilité de maintenir notre administration en Algérie, contre le vœu de la majorité de la population ; c'est la principale raison de sa politique d'autodétermination. L'idée qu'il m'a souvent exprimée alors, était que le temps était venu pour la France de réorganiser son système de défense autour d'une force de frappe ; ce fut certainement un des arguments qui justifiaient encore davantage à ses yeux sa politique algérienne ; il y voyait aussi une nouvelle tâche d'intérêt natio-nal qui permettrait à notre armée de se reconvertir.

A partir de 1962, la politique nucléaire de la France prit pour le géné-ral de Gaulle un caractère de plus en plus militaire : c'était la base de la réorganisation de notre Défense nationale.

D'abord notre effort dans le domaine atomique allait s'accélérant et la fin de la guerre d'Algérie permettait le dégagement de certains crédits. Ces crédits ne suffirent pas à l'exécution de la première loi programme de 1960 à 1965, qui les dépassa largement.

Mais surtout, les déclarations de M. Mac Namara définissant en 1962 la doctrine de la riposte graduée, devait amener le général de Gaulle à récu-ser les responsabilités de l'OTAN dans la sécurité de la France. « Dès lors que l'efficacité de la protection est douteuse, pourquoi confierait-on son destin au protecteur », écrit-il dans les Mémoires d'espoir.

A partir de 1962, la politique nucléaire de la France aboutissait inévi-tablement au retrait de l'ensemble de nos forces du commandement de l'OTAN, en 1966.

En même temps, la constitution d'une force nationale stratégique avait pris corps. En novembre 1966, le neuvième et dernier escadron de Mirage IV était formé. Lorsque le général de Gaulle quitta le pouvoir en 1969, la France était sur le point de disposer de la triade composée des Mirage IV, des engins du plateau d'Albion et des sous-marins nucléaires lance-engins.

Nous verrons au cours des débats comment il réussit à constituer cette force nucléaire stratégique et pourquoi il l'avait voulue. Le général de Gaulle voulait que la France fût dotée d'une force de dissuasion, de façon à ne pas s'exposer à n'être qu'une victime de la rivalité entre les deux Grands, et à rester maîtresse de son destin.

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PREMIÈRE PARTIE

LES ORIGINES

DE LA FORCE NUCLÉAIRE

DE DISSUASION

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Chapitre premier

COMMUNICATIONS

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ACHEVÉ D'IMPRIMER

LE 3 OCTOBRE 1985 SUR LES PRESSES

DE

L'IMPRIMERIE

CARLO DESCAMPS

A CONDÉ-SUR-L 'ESCAUT

59163 FRANCE

Dépôt légal: octobre 1985 N° d'éditeur: 11368

N° d'imprimeur : 3864

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n Histoire Premium / Fondation Charles-de-Gaulle n

Le 13 février 1960 explose au Sahara la première bombe atomique française.Comment, dans une IVe République atlantiste et hostile à une bombe fran-

çaise, un petit nombre de politiques et de scientifiques ont-ils pu mener les études qui rendent possible la première expérience moins de deux ans après le retour au pouvoir du général de Gaulle ?

Cette explosion est un aboutissement, c’est aussi le début d’un effort pour doter la France d’une force opérationnelle de dissuasion nucléaire.

Quelles furent les modalités scientifiques, financières et les répercussions économiques de cet effort ? Quelles furent les étapes de la mise en œuvre opé-rationnelle de la nouvelle arme, et de la définition de sa doctrine d’emploi ? Comment l’armée, alors fixée sur le problème algérien, accomplit-elle cette mu-tation nucléaire ? Quelles hostilités et quels obstacles l’accession de la France à l’arme atomique rencontra-t-elle en France et à l’étranger ? Dans quelle mesure participa-t-elle à l’ambition du général de Gaulle de redonner à la France une place éminente dans le monde ?

Voilà les questions qu’éclairent pour la première fois de leurs recherches et de leur expérience les historiens et les témoins réunis par l’Université de Franche-Comté et l’Institut Charles-de-Gaulle.

L’histoire inconnue d’une entreprise secrète qui a rendu son rang de grande puissance à la France.

L’Aventure de LA bombede GAuLLe et LA dissuAsion nucLéAire

1958-1969