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Octobre 2012 Prix au n° : 8 Numéro 201 L’agriculture d’entreprise – L’agriculture pratique • 175 e année DOSSIER L’agriculture au cœur des villes L’agriculture au cœur des villes DOSSIER À LA SAF Succès pour la conférence sur l’eau p. 27 Succès pour la conférence sur l’eau p. 27 ENTREPRISE Territoires et entreprises : le nouveau cycle de la SAF démarre p. 5 Pour un droit rural de l’environnement, vecteur de dynamisme économique FORUM Territoires et entreprises : le nouveau cycle de la SAF démarre p. 5 Pour un droit rural de l’environnement, vecteur de dynamisme économique p. 7 Innovations : l’optimisme est porté par les PME p. 19 La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnel p. 24 Innovations : l’optimisme est porté par les PME p. 19 La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnel p. 24

L’agriculture au cœur des villes - Roland Vidalqui va de pair avec le doublement de la population urbaine qui pourrait atteindre près de 5 milliards à cette même période. «

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Octobre 2012 Prix au n° : 8 € Numéro 201

L ’ a g r i c u l t u r e d ’ e n t r e p r i s e – L ’ a g r i c u l t u r e p r a t i q u e • 175e année

DOSSIER

L’agricultureau cœur des villesL’agriculture au cœur des villes

DOSSIER

À LA SAFSuccès pour la conférence sur l’eau p. 27Succès pour la conférence sur l’eau p. 27

ENTREPRISE

Territoires et entreprises :le nouveau cycle de la SAF démarre p. 5

Pour un droit ruralde l’environnement,vecteur de dynamismeéconomique

FORUMTerritoires et entreprises :le nouveau cycle de la SAF démarre p. 5

Pour un droit rural de l’environnement, vecteur de dynamismeéconomique p. 7

Innovations : l’optimismeest porté par les PME p. 19

La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnel p. 24

Innovations : l’optimismeest porté par les PME p. 19

La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnel p. 24

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É D I T O R I A L

Forme juridique : association loi 1901 reconnue d’utilité publique • Directeur de la publication : Laurent Klein• Rédacteur en chef : Valéry Élisséeff • Rédactrice en chef adjointe : Isabelle Delourme • Abonnements : Sophie Lehuard• Maquette, composition et photogravure : C.A.G., 169, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris • Ont participéà ce numéro : C. Bonnard, S. Carrot, B. Day, I. Delataille. I. Delourme, C. Hernandez Zakine, D. King, S. Lange,B. Peignot, M. Salinas • Liste des annonceurs : Crédit Mutuel, InVivo, BASF • Crédit photo de couverture :© SOA Architectes/LUA • Dépôt légal : à parution • Imprimerie : Apothem, 47, rue Alexandre-Dumas,59200 Tourcoing • Abonnement : 46 euros TTC • le N° : 8 euros TTC • N° de Commission Paritaire de Presse :1213G83987 • La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans la revue, sous quelqueprocédé que ce soit, est strictement interdite • ISNN : 0339-4433.

est une revue éditée par la Société des Agriculteurs de France 8, rue d’Athènes, 75009 ParisTél. : 01 44 53 15 15 Fax : 01 44 53 15 25E-mail : [email protected] : www.agriculteursdefrance.com

Agriculteurs de France

3Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Agricultures des villes,agricultures des champs...Les débats sur une ruralité en difficulté ou inversement, en totale recomposition, sont au

cœur du nouveau Cycle de réflexion de la SAF. Il est urgent d’inventer de nouvelles formes

de production et de socialisation des territoires. Malheureusement, heurté par l’« écologie »

ou la « malbouffe », le monde rural ne sait pas libérer toute la créativité et l’imagination

qu’attendent les 80 % de consommateurs désormais citadins.

Nos sociétés hypermodernes se préoccupent de qualité de vie et de développement

durable. Faut-il donc s’étonner que l’agriculture vienne transformer le territoire des villes ?

Vancouver, San Francisco, Portland ou Montréal, mais aussi Londres, Berlin ou Nantes :

autant de localités où l’« agriculture urbaine » se concrétise en un projet motivant et

durable. Serres et petits élevages au milieu des tours, fermes verticales, ruches sur les

toits, mini-fermes pédagogiques transforment nos environnements tout en offrant de

nouveaux espaces d’innovation et d’inspiration... Des agricultures qui rendent plus

floues les frontières entre l’urbain, le périurbain et le rural.

Se resituer dans de nouveaux territoires« Il n’est plus question de mettre les villes à la campagne, mais au contraire d’accueillir

la campagne à la ville » analysent François Purseigle et Bertrand Hervieu(1). Peut-il en être

autrement ? Quand on sait que le territoire des villes aura triplé dans vingt ans. Une inflation

qui va de pair avec le doublement de la population urbaine qui pourrait atteindre près

de 5 milliards à cette même période. « D’ici à 2050, il faudra doubler la production agricole.

Et trouver de la terre à cultiver » poursuivent les deux sociologues.

Le phénomène « agriculture urbaine » créé donc des liens nouveaux et dynamisants entre

urbains, voire de futures vocations. Les initiatives qui naissent de ce courant sont le reflet

d’une volonté de maîtriser notre propre alimentation, tout en cherchant à concilier la

fraîcheur et le transport des marchandises. Au-delà, les agricultures urbaines redonnent

un nouveau souffle aux campagnes, pôles de culture, de santé, de bien-être, de loisirs.

Soyons convaincus que ces transformations auront un impact sur la gestion de nos

ressources et notre façon de vivre. L’heure est venue de considérer les agricultures

urbaines comme un moyen de fraterniser autrement avec « le peuple des villes » et, pour

les entreprises agricoles, de se resituer dans de nouveaux territoires. La SAF compte relever

un tel défi et appelle tous les acteurs à anticiper cette mutation profonde. ■

(1) « Les nouveaux paysans », Le Monde, hors-série, octobre 2012

Laurent KleinPrésident de la SAF-agriculteurs de France

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S O M M A I R ENuméro 201 – Octobre 2012 – 175e année

Quelle fiscalitépour

l’agriculture ?

Au sommaire du n° 202(décembre 2012)

À retourner à la SAF – Service Abonnements – 8, rue d’Athènes, 75009 Paris

OUI, je m’abonne pour 1 AN (6 numéros) au tarif préférentiel de 46 euros (au lieu de 48 euros)

Nom ................................................................................................................................................................................................................... Prénom ...............................................................................................................................................................................................

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Abonnez-vous et partagez les débats d’idées et l’action de la SAF

ENTREPRISEp. 3 • Agricultures des villes, agricultures des champs...

ÉDITO

DOSSIERp. 12 • L’agriculture au cœur des villes

p. 5 • Territoires et entreprises : le nouveau cycle de la SAF démarre

p. 6 • Biotechnologiesvégétales : des défis à relever

p. 7 • Pour un droit rural de l’environnement,vecteur de dynamismeéconomique

p. 8 • La décentralisation au cœur de la 12e conférence des Villesp. 9 • Regard sur... l’industrie sucrièrep. 10 • Les nouveaux enjeux du monde coopératif agricole à l’horizon 2013p. 11 • L’agriculture, premier pilier de la sécurité alimentaire européenne

FORUM

CULTURE

p. 19 • Innovations :l’optimisme est porté par les PME

p. 20 • Viticulture : les investissementsse maintiennent

p. 21 • Viticulture et politiqueagricole commune : quel est le débat ?

p. 22 • Financement : lesentreprises agricolessont dotées de nombreux atouts !

p. 23 • Holding en agriculture : des montages délicatsp. 24 • La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnel

p. 28 • « Transmettre nos exploitations :le choix d’une vie, un enjeu de société »

p. 29 • À la rencontre d’un producteurd’oignons

À LA SAF

p. 28

p. 9

p. 30 • Écoquartiers : un premier pas vers la ville durable ?

p. 21

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Dans la continuité de ses deuxcycles précédents consacrés auxenjeux du foncier puis au chef

d’entreprise agricole, la SAF-agriculteursde France axe ses travaux sur la place desentreprises agricoles dans les territoiresà un moment où ceux-ci font l’objet degrands bouleversements à la fois poli-tiques, administratifs, économiques,sociaux et environnementaux. Décentralisation et nouveau poids poli-tique donné aux régions, négociationde la PAC 2014, mais aussi développe-ment des territoires environnementaux etessor des agricultures urbaines, réorga-nisation des industries agroalimen-

taires... « Autant de paramètres, et sur-tout d’opportunités pour les chefs d’en-treprise agricole qui doivent s’ancrerdans les territoires pour consolider leurstratégie d’entreprise adaptée aux mar-chés choisis, qu’ils soient de proximité,nationaux ou mondiaux », a commentéLaurent Klein, président de la SAF-agri-culteurs de France.Au terme de ces rencontres, en juin 2013,lors de son assemblée générale, la SAF-agriculteurs de France proposera dans unrapport annuel ses propositions pourque les entreprises agricoles dans leurdiversité jouent pleinement leur rôle dansces territoires en recomposition. ■

5Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Territoires et entreprises :le nouveau cycle de la SAF démarreComment saisir tous les enjeux des territoires pour mieux s’yintégrer ? La SAF-agriculteurs de France examinera tout au longde son nouveau Cycle 2012-2013 les différentes opportunitéséconomiques, stratégiques, politiques qui s’offrent aux acteursdes territoires, notamment aux chefs d’entreprise agricole.

Isabelle Delourme

REPÈRE

RENCONTRE

La SAF présente au3e Forum des Think Tanks

Le samedi 15 dé-cembre 2012, laSAF interviendraau 3e Forum desThink tanks, àParis Sorbonne.Valéry Élisséeff,directeur de laSAF-agriculteursde France, nousexplique l’impor-tance de cette ma-

nifestation, qui permettra la vision moderne deschefs d’entreprises agricoles.

Agriculteurs de France : La SAF participera pour latroisième année consécutive au « Forum des ThinkTanks », parlez-nous de cette manifestation...

Valéry Élisséeff : Peu de gens connaissent vraimenten France les Think tanks. Une vingtaine d’entreeux se sont regroupés en 2010 pour créer un événe-ment grand public et montrer leurs liens avec lasociété. Cette année, le Forum s’intitulera d’ailleurs :« Dans quels mondes vivons-nous ? ».

Agriculteurs de France : Quel est le dénominateurcommun de tous les Think tanks organisateurs ?

Valéry Élisséeff : Le Forum rassemble des organi-sations travaillant sur des sujets aussi variés que ladette, l’e-démocratie, l’éducation, l’Europe etc. Leurdénominateur commun est leur travail sur les poli-tiques publiques et leurs propositions pour l’intérêtgénéral. Tous sont producteurs de connaissances etdéveloppent un certain pouvoir d’influence.

Agriculteurs de France : Comment la SAF se positionne dans ce contexte ?

Valéry Élisséeff : La SAF est certes spécialisée surl’agriculture, mais nos réflexions s’inscrivent dansles préoccupations actuelles. Nous participerons àla table ronde consacrée au progrès, à la responsa-bilité, et au changement de modèles. Une formi-dable tribune pour mettre en avant notre vision duchef d’entreprise agricole stratège, autonome etinnovant, capable de conjuguer économie et envi-ronnement !

FORUMCycle de réflexion 2012-2013

Retrouvez les interventions de la SAFsur le site www.agriculteursdefrance.com

(espace adhérent)

Cycle 2012-2013 : construisons ensemble l’agriculture de demain !Les séminaires, rencontres et colloques du cycle de réflexion 2012-2013 : « Dans des territoiresen mouvement : quelles cartes à jouer pour les entreprises agricoles ? » vont bientôt démarrer.Retenez les dates et venez participer !◗ Jeudi 22 novembre 2012 : IXes Rencontres de Droit Rural« L’agriculteur producteur de biodiversité, l’exemple des mesures compensatoires »Quelles finalités pour les territoires, et les agricultures de demain ?◗ Mardi 18 décembre 2012« Les agricultures au cœur de la recomposition des territoires »Quels enjeux pour les entreprises agricoles ?◗ Jeudi 24 janvier 2013 : XIXes Entretiens de la Rue d’Athènes« Les industries agroalimentaires, moteurs des territoires »L’agroalimentaire, sujet territorial à part entière◗ Jeudi 14 février 2013« Les territoires vus par l’Europe »Quelles régions, pour quelle PAC ?◗ Mardi 26 mars 2013« L’environnement comme avantage comparatif pour les entreprises agricoles »Les territoires environnementaux : outils de régulation de la production agricole◗ Lundi 8 avril 2013« Les agricultures urbaines »Les territoires environnementaux : outils de régulation de la production agricole

Renseignements et inscription : [email protected] détaillé : www.agriculteursdefrance.com

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FORUMRecherche

L e colloque « Biotechnologies végé-tales : hier, aujourd’hui, demain »organisé par l’AFBV avec le soutien

de la SAF, a eu lieu le 4 octobre 2012, rued’Athènes à Paris. Il a réuni dix interve-nants scientifiques aux expertises com-plémentaires. Allant de la résistance dumaïs à la sécheresse aux plantes médici-nales en passant par la culture du coton-nier BT au Burkina Faso, le colloque acouvert une large palette de domaines etde cultures aux enjeux variés.Ce colloque a réuni des experts scienti-fiques dans le but de présenter les avan-cées de la recherche en termes de bio-technologies végétales. Il s’est refusé àtomber dans le débat du grand public,irrationnel et non infor-matif, qui agite actuel-lement les médias. Lesbiotechnologies végé-tales sont avant toutdes techniques, desoutils, le fruit de nombreuses années derecherche. Le président de l’AFBV, MarcFellous, a énoncé à ce propos une belle

citation d’Einstein : « L’usage dépend del’Homme, pas de l’outil ».Laurent Klein, président de la SAF, a rap-pelé, lors de son discours introductif, que

« l’objet premier de laSAF est de porter leprogrès en agricul-ture ». Faire progresserles connaissances dansle domaine des bio-

technologies végétales s’inscrit donc plei-nement dans les objectifs de la SAF. Selonlui, « il est indispensable de créer une

nouvelle dynamique de croissance del’agriculture européenne en investissantmassivement en recherche ».Au cœur de ce colloque, une large partétait consacrée à la réduction des intrants.Marc Fuchs, professeur de virologie végé-tale dans l’État de New York, a présentépar exemple une nouvelle stratégie delutte contre les virus. Il s’agit de plantestransgéniques résistantes à certains virusbien ciblés, qui permettent d’augmenter lesrendements, tout en limitant l’utilisationdes produits phytosanitaires. Avec cetteméthode, la résistance est beaucoup plusdurable sur le long terme qu’avec l’utili-sation des méthodes chimiques.Peter Rogowsky, chercheur à l’Inra deLyon, a présenté le projet GENIUS. Celui-ci fournira aux scientifiques et sélection-neurs français un savoir-faire de pointeconcernant la transgenèse. Il ouvrira lavoie à une sélection végétale à la hauteurdes défis à relever. Ce projet veut égale-ment constituer un « réservoir d’expertisepour politiciens et juristes ». Par ailleurs,il se donne comme défi d’informer demanière factuelle le grand public sur lesnouvelles technologies mises en œuvre.Pour les scientifiques présents, ce col-loque a été l’occasion de réaffirmer lanécessité de maintenir la porte grandeouverte aux innovations futures. ■

6 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Porter le progrèsen agriculture

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La recherche, moteur de l’agriculture de demainPour apporter son témoignage quant à la filière betteravière, Christoph Büren, chef d’en-treprise agricole spécialisé dans les grandes cultures et vice-président de la SAF, est inter-venu lors du colloque « Biotechnologies végétales : hier, aujourd’hui, demain ». Son inter-vention a permis de démontrer l’ampleur des bénéfices apportés par la recherche dansle domaine des biotechnologies végétales. « L’innovation est un véritable moteur »,explique-t-il. Pour lui, productivité et recherche de compétitivité ne s’opposent pas à lapréservation de l’environnement. Au contraire, ces deux aspects peuvent œuvrer l’unpour l’autre. En effet, il a expliqué comment, depuis 1977, l’amélioration variétale a per-mis d’augmenter considérablement le rendement betteravier, tout en réduisant laconsommation d’engrais de 30 %. D’autre part, la sélection variétale a diminué la quan-tité de terre résiduelle présente sur les betteraves, ce qui a réduit le coût carbone du trans-port betteravier. Pour conclure, Christoph Büren a lancé un véritable appel aux chercheurs,pour qu’ils continuent dans leur lancée d’amélioration des végétaux intelligente et effi-cacement menée. « Notre avenir dépend de vous, chercheurs », a-t-il proclamé.

Biotechnologies végétales : des défis à releverLe 4 octobre 2012, les dernières avancées scientifiques en matière de biotechnologiesvégétales ont été présentées par l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV)lors de son colloque, organisé en partenariat avec la SAF.

Mathilde Salinas

Depuis 1977, l’amélioration variétale a permis d’augmenter considérablement le rendement betteravier,tout en réduisant la consommation d’engrais de 30 %, a souligné Christoph Büren, chef d’entreprise agricole

et vice-président de la SAF-Agriculteurs de France, lors du colloque de l’AFBV.

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FORUMDroit

L ’ouvrage d’Isabelle Doussan et deCarole Hermon intitulé Productionagricole et droit de l’environnement

paru en août 2012 aux éditions LexisNexis(1) porte sur le droit de l’environnement appli-qué à l’agriculture. Cet ouvrage pose enréalité au fond la question du champ d’ap-plication du droit de l’environnement, autre-ment dit, de son champ d’intervention parrapport aux autres droits dont le droit rural.Il est particulièrement intéressant de voirla parution d’un tel ouvrage qui est lepremier du genre et qui donne une exis-tence plus officielle à une branche dudroit de l’environnement particulière-ment vigoureuse depuis quelquesannées. Le plan de cet ouvrage a lemérite de bien montrer que cette branchedu droit se caractérise par des règles depolice propres aux installations classéespour la protection de l’environnement, àl’eau, aux produits phytopharmaceu-tiques, auxOGM, par desaides publiquescomme cellesoctroyées dansle cadre de laPAC, par dessanctions administratives et pénales, parune fiscalité et une dissuasion desatteintes à l’environnement et par desterritoires que l’on veut protéger desproductions agricoles (zones vulnérablesnitrates, zones de répartition des eaux,zones de captages, zones Natura 2000),l’agriculture biologique. Cette présen-tation est exacte et révélatrice de lafaçon dont le droit de l’environnementappréhende la production agricole et luiimpose sa vision de l’agriculture.Cette intégration environnementale seformalise de façon très particulière dansl’ouvrage puisque les textes présentésrelèvent soit du code de l’environnement,

soit du code rural comme les produitsphytosanitaires, les matières fertilisantes,l’agriculture biologique et les aides PAC.Ce qui sous-tend une vision extensive dudroit de l’environnement qui engloberaitainsi des domaines présents actuellementdans le code rural, mais marqués par des

considérationsenvironnemen-tales fortes. Le droit de l’en-v i ronnementest une brancheautonome du

droit ayant pour finalité la conservationde l’environnement dans un but désin-téressé avec des caractéristiques origi-nales qui lui donnent toute sa forceactuelle. C’est un droit très dynamiqueporté par les aspirations actuelles de lasociété en faveur de l’environnement. Ilest en particulier structuré autour deprincipes juridiques originaux commele développement durable qui consi-dère le principe d’intégration commeune condition de sa réussite. Ce principe,l’un des plus anciens désormais destextes de l’Union européenne, a pourobjet d’intégrer dans les politiquespubliques à finalité autre qu’environ-

nementale, existantes et à venir, desexigences environnementales. La ques-tion est de savoir si ce faisant le droit del’environnement absorbe les branches dedroit touchées par les exigences envi-ronnementales ou si ces branches dedroit conservent leur autonomie et queltype d’autonomie. La question se posepour le droit rural conçu comme le droitde l’exploitation agricole (2) qui com-porte de plus en plus de volets envi-ronnementaux que ce soit dans le cadredu statut du fermage, de l’aménage-ment du territoire, des SAFER, maisaussi des produits phytosanitaires,

7Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Conserverune finalité économique

productive

Pour la SAF, l’environnement fait partie intégrante de la sphère économique. C’est pour cela qu’elle demande la maximisation de la performance économique et de la performance écologique afin de porter des entreprises agricolesqui produisent plus et mieux et qui fassent de l’environnement une valeur ajoutée, au sens économique du terme.

(1) Carole Hermon et Isabelle Doussan,Production agricole et droit de l’environne-ment, Collection Droit & Professionnels,Éditions LexisNexis, août 2012, 478 p., 42 €.(2) Le noyau dur du droit rural est au moinsconstitué par l’exploitation agricole, qui « estune réalité à deux dimensions, les deuxaspects de la notion étant corollaires l’unde l’autre », puisque l’exploitation agricole estenvisagée à la fois comme entreprise etcomme activité, J. Hudault, « Droit rural,droit de l’exploitation agricole », Dalloz ;P. Ourliac, « Préface » ; J.-C. Rural ».

Pour un droit rural de l’environnement,vecteur de dynamisme économiquePlus qu’un droit de l’environnement appliqué à l’agriculture, il est possible de distinguer un droitrural de l’environnement et ainsi de reconnaître que des activités marquées par de finalités économiquesintègrent bien les préoccupations environnementales.

Carole Hernandez-Zakine

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Suite page 27 (colonne Repère)

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FORUMPartenariat régions et villes

Quels statuts pour les régions et lesgrandes villes le nouvel acte dedécentralisation voulu par le pré-

sident de la République va-t-il engendrer ?Le débat a été lancé lors de la table ronde« régions et grandes villes : un partenariatstratégique à réécrire ? », organisée parl’AMGF, dans le cadre de la 12e conférencedes Villes. Elle mettait en scène PierreCohen, maire de Toulouse et présidentde Toulouse-métropole ; Jean-PaulHuchon, président de la Région Île-de-France ; Alain Juppé, maire de Bordeaux ;et André Rossinot, maire de Nancy, pré-sident du Grand-Nancy et secrétaire géné-ral de l’AMGVF.Selon André Rossinot, les grandes villesdoivent représenter un lieu de flexibilitérépondant aux évolutions de la société. Ilfaudrait pour cela réaliser un « vrai dia-gnostic adaptable et évolutif du fonction-nement de la société ». Il appelle à la

création de partenariats entre grandesvilles et collectivités territoriales, sans pourautant que les grandes villes ne soient enétat de subordination. Il souhaite que cespartenariats se fassent au service de zonesbeaucoup plus vastes. Pour Pierre Cohen,« la Région doit être le chef de file éco-nomique ». La prise en compte de toutesles collectivités territoriales est nécessaire,mais ne doit pas aboutir à une perted ’e f f i cac i t é .Alain Juppé aregretté l’aban-don de la ré-forme du conseiller territorial. Les collec-tivités territoriales doivent travailler ensynergie et les grandes villes jouer le rôle de« locomotives » au sein de la Région. Jean-Paul Huchon, quant à lui, s’est inquiété del’avenir du niveau départemental. Il a sou-ligné l’existence de « zones oubliées detous » dans les régions, et a rappelé que lavocation de la région était de faire vivre latotalité des territoires. Sensible à la néces-sité d’une coopération entre les collectivi-tés, il s’avance pour l’autonomie fiscaledes collectivités, et souhaite une péréqua-tion plus forte entre régions pauvres etrégions riches.À la question « La décentralisation va-t-elle couronner les régions ? », Alain Juppéa proposé un « mille-feuille idéal à deuxcouches » : les Régions et l’intercommu-nalité. « S’engager dans une bagarrevilles/régions n’aurait pas de sens », explique-t-il. André Rossinot propose, lui, un « pactecompétences », partenariat permettant deprofiter des compétences de chacun, « sans

pour autant faire un mille-feuille supplé-mentaire ». Pour Pierre Cohen, les questionspeuvent être traitées par un « Pôle métro-politain », à l’interface entre régions etdépartements, avec la Banque Publiquepour l’Investissement comme outil, sansfaire appel à de nouvelles compétences.Tous soulignent le climat de contraintes(contraintes budgétaires et multiplicationdes normes) auxquelles les maires sont

de plus en plussoumis, commel’indiquent lesrésultats de l’en-

quête Sofres auprès de l’ensemble desmaires de France, réalisée à l’occasion decette conférence.Pour clore les débats, Michel Destot, pré-sident de l’AMGCF, après avoir préciséque les plus grandes agglomérations sontle moteur de la croissance (elles concen-trent 50 % de la valeur ajoutée) et sontégalement des lieux fragiles où se concen-trent les précarités, a énoncé les septpriorités proposées par l’AMGVF devantAnne-Marie Escoffier, ministre déléguéechargée de la Décentralisation. Parmi cespriorités se trouvent la reconnaissancedes grandes villes dans le développementéconomique et la création d’emploi : « lesgrandes villes ne peuvent pas être desimples exécutantes des régions »,explique-t-il. L’AMGVF demande égale-ment une place pour des pôles métro-politains forts, ainsi que la réduction desinégalités territoriales.Pour la ministre, l’objet premier de la révi-sion générale des politiques publiques estde répondre aux besoins de la popula-tion. Elle entend « moderniser » l’actionpublique, notamment en mettant à la dis-position des élus un Haut Conseil des ter-ritoires. D’autre part, elle a rappelé que legouvernement s’était engagé à ce queles collectivités territoriales conservent unestabilité des financements. ■

8 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

La décentralisation au cœur de la 12e conférence des VillesLa 12e conférence des Villes, organisée par l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF)s’est tenue ce mercredi 19 septembre à l’hôtel de ville de Paris. « Le nouveau souffle de la décentralisation »était le thème de cette année, fortement lié au nouveau cycle de réflexion de la SAF sur les territoires.

Mathilde Salinas

« Un mille-feuille idéal »

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Le congrès de l’Association des régions de Francequi s’est tenu les 18 et 19 octobre à l’hôtel de Région de Lyon a poursuivi les échanges sur le thème de la décentralisation. Cela a étél’occasion de mettre les territoires en exergue et de débattre des conditions de leur réussite entermes d’attractivité, de croissance et d’emploi.Pour aller plus loin : www.arf.asso.fr

Page 9: L’agriculture au cœur des villes - Roland Vidalqui va de pair avec le doublement de la population urbaine qui pourrait atteindre près de 5 milliards à cette même période. «

9Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

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Page réalisée en partenariat avec la photothèque du ministère de l’Agriculture – http://photo.agriculture.gouv.fr

L’industrie sucrièreEn pleine campagne betteravière, les sucreries ont entamé leur activité de productionde sucre pour une durée s’étalant entre 85 et 110 jours selon les secteurs. Ces chiffres ont été revus à la baisse pour tenir compte d’une moindre récolte de betteraves, résultantdes conditions climatiques.La France est le premier producteur mondial de sucre de betterave et le septième producteurmondial de sucre. En avril 2012, la filière sucre comptait 25 sucreries appartenant àcinq groupes sucriers, dont Cristal Union (10), Groupe Tereos (9), Saint-Louis Sucre (4).Elle concernait 45 500 salariés et 26 000 planteurs de betteraves dans 28 départements.Elle a produit 5 millions de tonnes de sucre (3,45 milliards d’euros de chiffre d’affaires).La Commission européenne envisage la suppression des quotas betteraviers dès 2015.Néanmoins le ministre de l’Agriculture français Stéphane Le Foll et son homologueallemande, Ilse Aigner, ont rappelé le 9 octobre 2012 dans un communiqué commun« la nécessité de prolonger les quotas sucriers jusqu’en 2020 ». Cet accord franco-allemandest une première étape avant la décision finale pour le prochain « règlement sucre » qui sera prise par les 27 États européens dans le cadre de l’OCM unique de la future PAC.

Sucrerie dePithiviers-le-Viel

(Loiret).

Page 10: L’agriculture au cœur des villes - Roland Vidalqui va de pair avec le doublement de la population urbaine qui pourrait atteindre près de 5 milliards à cette même période. «

FORUMÉtude

La 3e Journée européenne des coopé-ratives agricoles s’est tenue à Parisfin septembre 2012. À cette occa-

sion, l’organisme international d’expertiseet de conseil Pwc, présent dans 158 pays,a présenté une cartographie des coopé-ratives agricoles à l’échelle mondiale.L’étude montre l’importance des coopé-ratives agricoles en Europe. En effet, ellepossède 62 des 100 plus importantescoopératives agricoles du monde. YvesPelle, associé de Pwc, parle d’un « mondecoopératif multiforme mais très dyna-mique ». En Amérique du Nord, lescoopératives interviennent presque exclu-sivement dans la filière laitière, et lesacteurs privés restent dominants sur lemarché. En Europe, on trouve des coopé-ratives polyvalentes dans le sud et plusspécialisées dans le nord. L’Asie (Japon etCorée du nord) est dans une situation

particulière avec peu de grandes coopé-ratives (seulement trois parmi les 100plus grandes) mais qui occupent uneplace forte à l’échelle nationale vis-à-visdes entreprises non coopératives.Une approche sur le long terme et uneprésence sur l’ensemblede la chaîne de valeurssont les forces du modèlecoopératif. Durant les cinqdernières années, le chiffred’affaire des 100 plus grandes coopé-ratives du monde a progressé de 8 %en moyenne. Mais lorsque l’on ramèneannuellement le poids des plus grossescoopératives à celui des entreprises noncoopératives, on constate que le mondenon coopératif s’est développé plusrapidement.L’enquête montre que le monde coopé-ratif fait face à de nouveaux défis.

Il doit d’une part sécuriser sa positiondans un cadre réglementaire en transition(réforme de la PAC et fin des quotas lai-tiers en 2013). Les aspects de la régula-tion/dérégulation des quotas, la diminu-tion des politiques de soutien, et

l’amélioration de la sécu-rité et de la traçabilité ali-mentaires sont les princi-paux points à prendre encompte.

D’autre part, il se doit de répondre auxnouveaux défis socio-économiques : crois-sance de la population mondiale, baissedu nombre d’exploitants agricoles, fortevolatilité des cours des matières pre-mières, développement durable...Face à ces nouveaux enjeux, les coopé-ratives agricoles peuvent adopter dif-férentes stratégies. Les États-Unisempruntent la voie de la concentrationdes coopératives, tandis que les pays depetite taille sont tentés par l’interna-tionalisation.Afin de concilier le statut coopératif etles besoins accrus de financement, Pwcpropose aux coopératives de raisonnerdavantage comme des entreprisescotées, tout en conservant un modèlepérenne et différencié à long terme. Ils’agira de trouver de nouveaux modesde financement tout en préservant unegouvernance équilibrée. Le renforce-ment des savoir-faire et des compé-tences entre l’amont et l’aval sera unpassage obligatoire, explique Yves Pelle.Pour Philippe Mangin, président del’Alliance des coopératives agricoles(ACOOA), il faut en appeler à une« coopération des coopératives » pourrelever le défi. La ministre des PME, del’innovation et de l’économie numé-rique, Fleur Pellerin, qui a participé àl’événement, souhaite bâtir des écosys-tèmes autour de la recherche et de l’in-novation, en recherchant une synergie àl’échelle européenne. ■

10 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Les nouveaux enjeux du mondecoopératif agricole à l’horizon 2013À l’issue de cette année 2012, année internationale des coopératives, Pwc publie une enquête surles grands enjeux du monde coopératif agricole.

Mathilde Salinas

Des stratégiesdifférentes

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Durant les cinq dernières années, le chiffre d’affaire des 100 plus grandescoopératives du monde a progressé de 8 % en moyenne.

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FORUMEurope

Il y a cinq ans, les discussions sur lapolitique agricole en Europe s’orien-taient sur la façon de réduire la pro-

duction. Aujourd’hui, les temps ont bienchangé. Dans son allocution d’ouver-ture de la Conférence européenne sur lasécurité al imentaire de « ForumEurope » à Bruxelles le 25 septembre2012, Luis Manuel Capoulas Santos,rapporteur sur les propositions deréforme de la PAC pour le Parlementeuropéen, a déclaré que le plus grandproblème pour l’agriculture européenneest le ralentissement de la croissance desa productivité. Les phénomènes météorologiquesextrêmes et une forte croissance de laconsommation alimentaire dans lemonde contribuent à l’évolution des prixforts pour l’alimentation, mais c’est leproblème de la productivité agricole quidemande une attention particulière, aconclu le rapporteur.L’opinion publiqueenvers l’agricultureévolue. Il y a unemeilleure prise deconscience de la fra-gilité de la sécuritéalimentaire mondiale,surtout depuis 2008. C’est pourquoi ilest essentiel que les chefs d’État se met-tent d’accord sur un budget adéquat pourune PAC efficace, en dépit de la criseéconomique en Europe.Les propositions de réforme de la PAC surla table, contribueraient-elles à accroîtrela capacité de production de l’UE demanière durable et équitable? Plusieursintervenants à cette conférence du ForumEurope ont eu des doutes, mais personnen’est venu avec une vision alternative decelle proposée par la Commission.Selon David Wilkinson du Centre com-mun de recherche de la Commission, « lessuccès dans le passé ont été atteints par

des emprunts sur l’avenir ; nous avonsmaintenant besoin d’une politique dedéveloppement durable ». Il a lancé unappel pour davantage d’engagement dans

l’innovation et larecherche afin de fairela transition vers uneagriculture durable. Christoph Büren,vice-président de laSAF, et chef d’entre-prise agricole, parti-

cipait à cette table ronde. Il s’est expriméen faveur d’une nouvelle « révolutionverte » pour accroître la productivité agri-cole d’une manière durable. Toutefois, ila insisté pour que l’agriculture européennesoit compétitive en plus d’être productiveet durable. Il y a une forte demande enAfrique du Nord pour les exportationsagricoles européennes, a-t-il estimé, ettant que les agriculteurs produisent demanière durable, il n’y a pas lieu de pro-duire moins en Europe.Christoph Büren a mis en garde contre laréforme de la PAC conduisant à la mise enjachère écologique. Alors que les agri-culteurs sont favorables à l’intégration

des objectifs environnementaux à la pro-duction agricole dans le cadre de la nou-velle PAC, la façon dont cela est fait estdéterminante pour la capacité de l’agri-culture européenne à réaliser son pleinpotentiel. D’imposer simplement une nou-velle couche de l’éco-conditionnalité surchaque agriculteur ne sera pas efficace.Une gestion des « zones d’intérêt écolo-gique » sur une base collective permettraitd’optimiser leur efficacité. Par ailleurs,l’idée d’échanger ces ZIE entre régionsfavorables et défavorables doit être exper-tisée, a conclu M. Büren. ■

11Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

L’agriculture, premier pilier de la sécurité alimentaire européenneÀ la veille de la réforme de la Pac, l’agriculture européenne pourra-t-elle préserver sa compétitivité, tout en étant productive et durable ?

David King

Une nouvellerévolution verte

pour uneagriculture durable

Pensons-y...Chaque année, la population mondiale augmente de80 millions de personnes, la taille de l’Allemagne. Pourchaque hectare retiré de la production en Europe, lemonde a besoin de planter 2 hectares au Brésil ou encore4 hectares en Afrique afin de faire face aux besoinsalimentaires du monde.L’Europe a l’agriculture la plus stable et productif dumonde, et donc une vocation à contribuer à la sécuritéalimentaire et le développement durable de la planète.La réforme de la PAC doit donc encourager les agriculteurspour qu’ils puissent faire leur pleine contribution à la sécu-rité alimentaire mondiale d’une manière durable. Il faut êtreconscient qu’un monde affamé est un monde dangereux.

Christoph Büren, vice-président de la SAF, et chef d’entreprise agricole,a insisté lors de la Conférence européenne sur la sécurité alimentaire, organisée par Forum Europe

pour que l’agriculture européenne soit compétitive en plus d’être productive et durable.

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12 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 201212

En 2005, la FAO estimait que l’agriculture des espaces urbains et péri-urbains permettait de nourrir le quart de la population urbaine mondiale,dans les pays du Sud principalement. Depuis une dizaine d’années, l’agri-culture urbaine n’est plus seulement l’« agriculture des pauvres ». En effet,sollicitée par les consommateurs, elle prend de l’ampleur dans les paysdu Nord, et particulièrement aux États-Unis, au Canada, et aux Pays-Bas.En France, la problématique est toute jeune mais soulève déjà de l’intérêt.En témoignent les multiples initiatives qui révèlent le besoin des citadinsd’accéder à une agriculture plus proche de leurs demandes et de leursbesoins. De leur côté, de plus en plus de chefs d’entreprise agricoleconstatent cette évolution sociétale et agissent en conséquence.C’est pour cela que la SAF a choisi d’aborder ce thème de l’agricultureurbaine le 6 mars prochain, en partenariat avec l’association OREE, dansle cadre de son cycle de réflexion : « Dans des territoires en mouvement :quelles cartes à jouer pour les entreprises agricoles ? ».

L’agriculture

à la reconquête

de la ville p. 13

L’agriculture urbaine :

source d’opportunités,

mais pas suffisante p. 15

Wittenheim :

un champ au cœur

de la ville p. 16

Un maraîcher

au service des citadins p. 17

États-Unis et

Canada : pionniers

de l’agriculture urbaine p. 18

L’agriculture au cœur des villesL’agriculture au cœur des villes

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Dossier réalisé par Isabelle Delourme et Mathilde Salinas

DOSSIER

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Du maraîchage traditionnel périurbain jus-qu’au projet de fermes verticales sur lesChamps-Élysées, l’« agriculture urbaine » est

un vaste concept regroupant des initiatives très dif-férentes. De ce fait, les définitions ne manquent pas.Certains la limitent à l’agriculture au cœur de la ville,d’autres incluent l’ensemble de l’agriculture située enpériphérie de la ville, qu’elle ait ounon des rapports fonctionnels avecelle. S’inspirant de la définition dePaule Moustier (1) et de celled’André Fleury (2), on considéreracomme Agriculture urbaine (AU)une agriculture qui entretient des rapports fonc-tionnels réciproques avec la ville, qu’elle soit situéeen son cœur ou à sa périphérie, ouvrant sur descomplémentarités et des concurrences d’usage.Le regain d’intérêt pour l’Agriculture urbaine s’ins-crit dans un contexte socioculturel en transition, oùles attentes de la société sont multiples et parfoiscontradictoires. Les consommateurs urbains cher-chent à retrouver le lien à la terre qu’ils ont perdudepuis longtemps, tout en souhaitant bénéficierd’une diversité de produits alimentaires facilementaccessibles. Les urbains étant aujourd’hui majori-taires, il est important que le monde agricoleprenne en compte leurs attentes, sans pour autantperdre de vue sa vocation première de production.Par ailleurs, face à l’étalement urbain, la frontièreurbain/rural devient de plus en plus floue, ce qui

n’est pas sans effet sur les paysages. La raréfactiondu foncier cause des conflits d’usage souvent à ladéfaveur de l’agriculture. Cependant, cette der-nière commence à tirer son épingle du jeu danscette transition territoriale complexe. Elle déve-loppe une multifonctionnalité nouvelle à travers desinitiatives originales et innovantes.

De nombreux projets agri-urbainsvoient le jour. Il s’agit souventde partenariats entre agriculteurset collectivités sans dispositifs juri-diques précis.D’une part, les circuits courts de

proximité se structurent et se démocratisent. Enplein essor, ils contribuent à créer un nouveau liensocial entre urbains et ruraux, basé sur une solida-rité de proximité. Ne se limitant plus aux

DOSSIER

Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Analyse

L’agriculture à la reconquête de la villeÀ travers projets et initiatives, voici un tour d’horizon d’une agricultureurbaine émergente aux multiples facettes, s’inscrivant dans un contextesocioculturel en transition.

Beaucoupde partenariats

(1) Pour Paule Moustier, l’agriculture urbaine est une« agriculture pour laquelle il existe une alternative entreusage agricole et non agricole des ressources, qui ouvre desconcurrences et des complémentarités d’usage ».(2) Pour André Fleury, l’agriculture urbaine est d’abordune agriculture périurbaine (en périphérie de la ville)mais qui entretient des rapports fonctionnels réci-proques avec la ville. (3) Les AMAP (Association pour le maintien d’uneagriculture paysanne) mettent en relation producteur etconsommateurs. Elles consistent à proposer des paniersde légumes que le consommateur vient directement cher-cher chez le producteur.

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Le regain d’intérêt pour l’Agricultureurbaine s’inscrit dans un contextesocioculturel en transition, où lesattentes de la société sont multiples et parfois contradictoires.

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L’agriculture urbaine en chiffresL’agriculture des aires urbainesreprésente entre 40 et 45 % desexploitations, de la surface agri-cole utilisée et des unités detravail agricole, révèle une étuded’Agreste menée en 2007. Lessystèmes de production agri-coles sont influencés par la tailledes villes voisines et par la dis-tance qui les en sépare. Prèsdes villes, les entreprises agri-coles sont petites et intensives.Plus la ville est grande, plus lephénomène est important.Lorsqu’on s’éloigne des villes,les exploitations deviennentprogressivement plus grandeset plus extensives. Ces effetss’exercent jusqu’à plusieursdizaines de kilomètres autourdes grandes métropoles.En Île-de-France, 15 % desexploitations agricoles prati-quent la vente en circuit courtde produits alimentaires, soitprès de 800 exploitations, selonune étude de l’Agreste sur lescircuits courts réalisée en 2012à partir du recensement agri-cole 2010. Cette vente en circuitcourt a surtout lieu dans laGrande couronne parisienne.Elle permet à une exploitationsur deux utilisant ce mode decommercialisation de réaliserainsi plus de 75 % de sonchiffre d’affaire. Les exploita-tions maraîchères sont les prin-cipales concernées : deux pro-ducteurs de fruits et légumessur trois utilisent ce mode decommercialisation.

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14 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

seules AMAP (3), bien qu’elles se multiplient enpériphérie des villes, le système des « paniers delégumes » se démocratise à travers diverses opérationsde plus grande échelle. Par exemple, l’opération« Paniers Fraîcheur » permet d’acheter ses légumesdans les gares franciliennes, par un partenariat entreSNCF Transilien, les chambres d’agriculture franci-liennes et les producteurs. Ces circuits courts ont unevocation multifonctionnelle : en plus de créer du liensocial, ils participent à la confortation de l’identitélocale, le maintien voire la création d’emplois enrégions, la limitation des pertes et des gaspillages liésà la multiplication des transports et des intermé-diaires. Le développement des circuits courts estporté par les collectivités. Par exemple, la directiongénérale « Agriculture et Développement durable » dela Commission européenne réfléchit à un dispositifcohérent pour revaloriser les produits commerciali-sés localement. D’autre part, la restauration collectivefavorise de plus en plus les produits locaux.L’agriculture au cœur même de la ville, quant à elle,suscite la curiosité, mais fait l’objet, en France,d’un nombre limité de projets, et pas toujours réa-listes. Les champs situés au sein des zones urbainesn’existent quasiment plus, à quelques exceptionsprès (voir article « un champ au cœur de la ville »).L’agriculture sur les toits, qui est quasiment deve-nue la norme au Japon, se limite en France àquelques jardins partagés, plutôt de l’ordre du jar-dinage que de l’agriculture. Enfin, les fermes verti-cales, si elles font l’objet de projets ambitieux enAmérique du Nord, en Chine et en Australie, nesont pas non plus à l’ordre du jour en France. Lecabinet d’architectes parisiens SOA, après avoirimaginé le projet irréaliste de « Tour Vivante » (4) en2005 mène plusieurs études de faisabilité de laconstruction d’exploitations agricoles en ville. Maispour l’instant, aucun projet ne s’avère suffisam-ment rentable pour être mis en œuvre. Néanmoinsà Romainville la mairie a décidé de se lancer et demettre en place un projet de rénovation urbaine encréant une ferme maraîchère sur les toits pourfournir des fruits et légumes au plus près desconsommateurs. Des réunions de concertation avecles habitants pourraient démarrer d’ici la fin 2012(cf. photo du projet SOA en couverture).

Face à cette multiplicité de projets, des programmesde recherche et des réseaux se mettent en place. Parexemple, l’École nationale supérieure du paysagede Versailles est à l’origine du programme derecherche « Agriculture urbaine », lancé en 1997 ; ilcible les fonctions non alimentaires de l’AU. En2012, le Laboratoire d’urbanisme agricole (LUA)s’est également monté à l’initiative du cabinetd’architectes SOA : il s’agit d’une structure de col-laboration unissant des membres aux compétencesdiverses (urbanistes, architectes, agronomes...)autour de projets novateurs. L’agence UPAU(Urbanisme et paysage, agriculture urbaine), crééeen 2010, recense les différents projets en agricultureurbaine. D’autre part, le réseau « Terres en ville »,dont les membres sont des territoires urbains et péri-urbains, et son homologue européen « Purple »travaillent à la protection et à la valorisation desespaces agricoles urbains et périurbains.Par ailleurs, les festivals et expositions consacrésà l’agriculture urbaine se multiplient. « CarrotCity », le « Festival des utopies concrètes », ouencore le festival « Villes jardinées et initiativescitoyennes » organisé en octobre 2012 par la villede Strasbourg, pour n’en citer que quelques-uns,suscitent un vif intérêt. ■Pour en savoir plus :

• www.agricultureurbaine.com (site de l’UPAU)• www.lua-paris.com • www.terresenvilles.org

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Avec « Carrot City », l’agriculture urbaine fait le tour du mondeAprès avoir parcouru les villes de New York, Casablanca, Montréal et Berlin, l’expositionCarrot City a débarqué en France. Elle s’est tenue à Paris de juin à septembre 2012,dans le parc de Bercy, avant de partir pour Strasbourg puis Lyon. Avec force panneauxexplicatifs et carottes décoratives, l’exposition présente une agriculture urbainetrès... urbaine ! Cultures en sacs, fermes sur les toits, jardinières souples, hydroponieet aquaponie, contenants suspendus et même un campus universitaire « comestible »(c’est-à-dire autosuffisant) : l’exposition foisonne d’explications techniques et d’idéesoriginales à la pointe de l’innovation. Créée en 2008 par des étudiants du Départe-ment de sciences architecturales de la Ryerson University de Toronto au Canada, l’ini-tiative a monté sa première exposition en 2009 à Toronto, puis a rapidement été portéeà l’international. Pour en savoir plus : www.carrotcity.org

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inas Au cours de son tour du monde, l’expo Carrot City révèle au grand public

le foisonnement d’initiatives relatives à l’agriculture urbaine.

(4) Agriculteurs de France n° 174, avril 2008, page 30 :« Une ferme verticale ».

La restauration collective favorise l’agriculture urbaineLa restauration collective est trèsdemandeuse d’approvisionnementlocal. Étant située en milieu urbain,elle favorise ainsi l’agriculture urbaine.Elle constitue un nouveau débouchépour le secteur agricole. LesChambres d’agriculture, qui l’ont bienperçu, ont toutes lancé un travailpour répondre à cette nouvelledemande et évaluer les opportuni-tés de cette démarche pour les agri-culteurs. Par exemple, le projetRealisab (Restauration et approvi-sionnement local : identifier des sys-tèmes adaptés aux besoins), portépar la Chambre d’agriculture (CA)de Franche-Comté, regroupe plusieursCA. Il a été créé pour structurer les cir-cuits de proximité aux besoins spé-cifiques de la restauration collective.Cette tendance est favorisée par uncontexte réglementaire porteur. Laloi de modernisation agricole encou-rage les services de l’État à recourir àdes produits alimentaires issus des cir-cuits courts de distribution. D’autrepart, le Programme national pour l’ali-mentation (PNA) lancé en 2011encourage l’utilisation de produitslocaux dans la restauration collec-tive à travers l’attribution d’une aidedédiée à cet effet.

Les circuits courts ont une vocationmultifonctionnelle.

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15Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

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Le retour à la ceinture maraîchère duXIXe siècle, n’est pas une solution durable nisur le plan économique ni sur le plan éco-

logique » estime Roland Vidal. Ingénieur chargéde recherche et d’enseignement à l’École natio-nale supérieure du paysage de Versailles, ilanime également le Collectif d’enseignement etde recherche en agri-urbanisme et projet deterritoire (CERAPT). D’un point de vue environnemental, et à l’en-contre des idées reçues, les circuits courts deproximité n’ont pas fait leurs preuves. Selon lui,la « mode » d’aller faire ses courses à la ferme parun « souci d’authenticité un peu rapidement paréde valeurs écologiques » souffre de l’absenced’évaluation environnementale. Le « coût car-bone » des quelques kilos delégumes que l’on va chercheren voiture est nettement supé-rieur à celui des mêmes kilo-grammes transportés vers despoints de vente urbains parcamion. D’autre part, il rappelle que c’est pourdes raisons agro-climatiques que les ceintureshorticoles qui entouraient autrefois les villes ontété abandonnées : « les tomates ou les pêchespoussent mieux au soleil et elles coûtent moinscher à produire : économiquement, mais aussiécologiquement ». L’élevage en Normandie, leslégumes en Sologne, et le blé sur les plateauxfranciliens sont le « résultat d’une optimisation desterritoires agricoles rendue possible par l’inventiondu chemin de fer ». Roland Vidal rappelle égale-ment que c’est grâce à la modernisation destransports que la santé publique s’est amélio-rée : « Dans les pays du nord, si on ne mangeaitque des produits locaux, on manquerait de vita-mines en hiver », explique-t-il.Il est pourtant important, souligne Roland Vidal,que le monde agricole prenne en compte lesattentes des citadins, puisque ceux-ci sont deve-nus largement majoritaires. Mais, selon lui, celane doit pas se faire au détriment de la producti-vité agricole, « largement et injustement décriéeaujourd’hui par une population qui a oublié lafaim ». Et sur un sujet aussi sensible que l’envi-ronnement, le monde agricole doit « prendre lui-même en charge ses responsabilités » et

« construire le discours cohérent qui manquedans le brouhaha médiatique actuel ». PourRoland Vidal, qui défend l’idée de Michel Griffond’une agriculture écologiquement intensive,

« nourrir l’humanité, ce n’estpas une alternative qui s’op-pose à la protection de l’envi-ronnement, cela en est lacondition première ».À l’horizon 2030, face à la

raréfaction des énergies fossiles et des engraisminéraux, Roland Vidal admet qu’une réductiondes transports sera nécessaire : « mais il

Interview

L’agriculture urbaine :source d’opportunités, mais pas suffisanteRoland Vidal, agri-urbaniste, nous expose sa vision d’une agriculture urbaine àvocation multifonctionnelle. Il met en garde contre des idéologies passéistesqui pourraient se révéler être contre-productives et pas toujours écologiques.

Des attentes àprendre en compte

Roland Vidal estingénieur chargé de

recherche etd’enseignement àl’École nationale

supérieure du paysagede Versailles. Il anime

le Collectifd’enseignement et de

recherche en agri-urbanisme et projet de

territoire (CERAPT).

Enseignement

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Entre urbanisme et agriculture, un cloisonnement qui peut tomber ?L’idée, lancée il y a cinq ans par des ensei-gnants d’une école de paysage (ENSPV),d’une école d’architecture (ENSAV) et d’uneécole d’agronomie (AgroParisTech)*, étaitde sensibiliser les futurs professionnels dechacune de ces disciplines aux discoursdes autres. Les « agriurbanistes », que cesenseignants contribuent à former depuis,acquièrent des connaissances quant auxlogiques de fonctionnement spatial del’agriculture. Celles-ci sont, à l’heureactuelle, trop souvent ignorées dans lesprojets urbains, affirme Roland Vidal,animateur du Collectif d’enseignement enagri-urbanisme à l’ENSP.Sensibiliser les architectes au discours des agronomesCette ignorance n’est pas sans consé-quences. Elle entraîne des entraves aux cir-culations agricoles, des morcellements par-cellaires peu compatibles avec les logiquesculturales, des enclavements conduisant àl’abandon des terres, sans compter le « gas-pillage » de terres dû à l’étalement urbain,explique Roland Vidal. Selon lui, ces pro-blèmes pourraient être « grandement évi-tés si les planificateurs urbains étaient untant soit peu initiés aux pratiques agri-coles ». La formation de cette nouvellefigure professionnelle commence à porterses fruits, avec l’apparition, par exemple, des« traces de l’agriculture » dans les projetsdes étudiants architectes. Cependant, iln’existe pas encore de véritable cursusd’agri-urbanisme, et le cloisonnement inter-disciplinaire reste fort partout ailleurs enFrance et dans le reste du monde.

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16 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Aménagement

Wittenheim : un champ au cœur de la villeLe « Mittelfeld », signifiant littéralement « champ du milieu », est une zoned’agriculture urbaine de 90 ha, au plein cœur de la ville de Wittenheim, dansla banlieue de Mulhouse (Haut-Rhin).

Cet espace céréalier initialement peu valo-risé, que les promoteurs immobiliersconsidéraient comme une réserve fon-

cière, a fait l’objet d’un vaste débat. Suite à uneétude urbaine débutée en 2009 par l’agenced’urbanisme DeA-Architectes, le conseil muni-cipal de Wittenheim a décidé en 2011 de conser-ver le Mittelfeld. Celui-ci constituera l’élémentcentral de la ville, dans le cadre d’un plan direc-teur à long terme de réaménagement durable.Le maire de Wittenheim, Antoine Homé,souhaite que le Mittelfeld devienne « par étapes

un secteur d’agriculture durable », avait-il déclaréen 2010 lors de ses vœux. Le champ urbain,grâce à une promenade de ceinture et un réseaude voies de circulation vertes, sera le liantentre les différents quartiers de la ville. LeMittelfeld constituera alors un véritable poumoncentral bordé de zones très urbanisées à voca-tion écologique.Wittenheim espère ainsi donner une nouvelleimage à l’ensemble du site, le transformant enun lieu agréable mêlant habilement agricultureet promenade. ■

Internet révolutionne les circuits courtsLe « drive fermier » est un nou-veau concept lancé par le réseau« Bienvenue à la ferme » enGironde, premier départementfrançais en termes de circuitscourts. Ce système permet d’as-socier rapidité d’achat sur inter-net et contact avec le produc-teur. Le principe est simple : leclient passe sa commande sur lesite www.drive-fermier.com/33,puis il la retire sans sortir de savoiture au niveau d’un point deretrait « drive fermier ». Lesdeux premiers « drives» ouvrenten octobre et novembre 2012.Ensuite, de nouveaux « drives »devraient se mettre en place àraison d’un par mois. Placés enbordure de rocade, les pointsde retrait seront tous situés surles axes majeurs des trajetsmaison/travail. Le « coût car-bone » de l’opération sera ainsilimité. Pour l’instant, environ200 produits fermiers girondinssont proposés.Dans le même esprit, l’initiative« La ruche qui dit oui » estun site internet qui recense519 communautés producteurs/consommateurs en France. Lesite permet de trouver en untemps record le producteur par-ticipant le plus proche de chezsoi, et de le contacter.Internet donne ainsi un nou-veau souffle au concept descircuits courts, initialementmarginal, lancé par les AMAPet les Marchés des Producteursde Pays.

faudra tout de même aller chercher dansun rayon de 300 à 400 kilomètres les terres agri-coles nécessaires à l’alimentation d’une villecomme Paris ». Il est certain, dit-il, « qu’un systèmeagroalimentaire durable devra cesser d’importerpar avion-cargo des fruits et légumes produits àl’autre bout du monde », et « qu’il nous faudraretrouver une certaine part de saisonnalité dansnos pratiques alimentaires ». Pour autant, il fau-dra « aller vers autre chose qu’un retour enarrière », ne pas revenir à une période où seuleune minorité de privilégiés avait accès à une ali-mentation saine, tandis que les autres souffraientde carences graves. L’échelle à laquelle il faudraconcevoir la proximité entre ville et agriculturedevra pour cela être optimisée. Il s’agira de trans-porter les denrées alimentaires de la manière laplus économe possible: transport ferroviaire oufluvial plutôt que routier. Mais il faudra surtoutcultiver les plantes et élever les animaux dans lesrégions qui leur conviennent le mieux. Et mêmes’il sera opportun, pour des raisons agro-écolo-giques, de revoir les modèles actuels, « on nereconstituera pas la ceinture maraîchère : ceserait contre-productif ». Si les désirs des citadins ne correspondent pasà la réalité économique et écologique, ils peu-vent cependant constituer des opportunités pourles agriculteurs situés à proximité des villes,explique Roland Vidal. En effet, dans un milieuoù les difficultés d’accès au foncier rendentl’agrandissement des exploitations quasimentimpossible et où la proximité de la ville et de sesréseaux complique le fonctionnement desexploitations, la diversification vers des fonctionsen lien avec la demande citadine peut être un

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L’agriculture urbaine possède sa propre dyna-mique. Elle est soumise à des contraintes spéci-fiques du milieu urbain, parfois très différentes decelles rencontrées couramment en milieu rural. Laproximité des villes cause des dégradations etdes pollutions des sols importantes. La mécani-sation est fortement contrainte par les aména-gements urbains, et l’agrandissement est renduimpossible par la pression de l’urbanisation.L’accès à l’eau est plus souvent rationné en villequ’en milieu rural. L’accès au soleil n’est pas nonplus toujours garanti à cause de l’ombrage générépar les bâtiments. Plus grave, les risques sanitairessont supérieurs, liés à une mauvaise gestion desdéchets ou à l’utilisation de boues d’épuration malsécurisées. Par ailleurs, l’impact de la délinquancey est bien supérieur (vols, branches cassées...). Laproximité du consommateur est donc à doubletranchant ; il faut bien avoir en tête ces nom-breuses contraintes.

L’agriculture urbaine : des contraintes spécifiquesà prendre en compte

bon moyen de trouver une autre source derevenus. Dans ce contexte, les circuits courts ont« un vrai rôle à jouer dans la construction d’unenouvelle relation culturelle entre les citadins etle monde agricole ».Pour Roland Vidal, les circuits courts à proximitédes villes peuvent donc fonctionner « tant qu’ilsne concernent qu’une faible part de la consom-mation alimentaire ». Mais « on ne peut pas ima-giner alimenter la population d’une grande villesans le monde du commerce et l’efficacité de sesréseaux de distribution ». ■

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17Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Portrait

Un maraîcher au service des citadinsParti de rien, Matthieu Ballu a fait le pari de s’installer comme maraîcher enzone périurbaine, avec pour but de nourrir les habitants de sa ville avant tout.Aujourd’hui, il milite pour le développement d’une agriculture urbaine deproximité et prône la mise en place de ceintures maraîchères autour des villes.

En 2008, Matthieu Ballu, un « NIMA » (Nonissu du milieu agricole), s’est lancé à larecherche de terres afin de s’installer en

maraîchage périurbain. « Le plus difficile, c’estle foncier », confie Matthieu. En effet, en milieuurbain, les terres propices au maraîchage sontrares et le prix du foncier y esttrès élevé, d’autant plus quel’agriculture est en concur-rence avec l’immobilier. Il a finalement posé sesvalises à Épernay dans laMarne, ville de 24 300 habitants, où il a créé sonentreprise « Le potager des sept lieux », sansbénéficier d’aucune aide des collectivités. Très vite, il a su trouver une clientèle. Lademande des consommateurs de manger « local »étant nettement supérieure à l’offre, son entre-prise rencontre un franc succès. Pour vendre sa production, il a constitué uneAMAP (Association pour le maintien d’une agri-culture paysanne). Ses clients, membres del’AMAP, s’engagent à acheter sa production toutel’année, à raison d’un panier par semaine, qu’ilsviennent chercher directement chez lui.Au départ, il souhaitait vendre uniquement sapropre production, puis il a fait évoluer sonmétier vers un service rendu aux clients, en com-plétant ses paniers avec la production de parte-naires locaux lorsque la sienne était insuffisante :« Les clients font l’effort de se déplacer pour venirchercher leurs légumes, il ne faut pas qu’ils aientà retourner faire des courses ailleurs unedeuxième fois dans la semaine », explique-t-il.Avec zéro perte et zéro transport, l’entrepriseest à la fois économique et écologique. En effet,ce système lui permet de vendre la totalité de saproduction (contre 20 % de pertes en moyenneen filière classique). Il n’a par ailleurs pas de fraisde transport de la marchandise, puisque ce sontles particuliers qui se déplacent.L’« agriculture citadine de résistance », comme ilaime l’appeler, est selon lui le meilleur moyen,sinon l’unique, de garantir une « traçabilité del’éthique qualitative et sociale ». Elle permet auproducteur d’avoir un retour direct sur son travail,ce qui l’oblige à assumer ses responsabilités,c’est-à-dire réaliser une production de qualitéen adéquation avec les attentes des consomma-

teurs. En se réappropriant sa production, l’agri-culteur devient autonome et entreprenant.Pour ce maraîcher urbain convaincu, la mise enplace de ceintures maraîchères autour des villes,pour lesquelles il milite, est « cruciale pour l’ave-nir » à cause de l’augmentation du prix des car-

burants et des risques clima-tiques et géopolitiques. Lanourriture de base doit « res-ter à portée de main », si l’onveut garantir une alimenta-tion accessible à tous, en

toutes circonstances. Il rappelle que durant laseconde guerre mondiale, c’est la productionlocale qui a évité la famine en France, productionque l’on a remplacée par un système de dépen-dance mutuelle entre États, qui ne garantit plusune autonomie alimentaire.Ainsi, Matthieu Ballu et ses bottes de sept lieuesnous montrent l’exemple d’une agricultureautonome, accessible, et proche du consom-mateur. ■

Éthique qualitativeet sociale

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Vient de paraître

Dans son édition 2013, leDéméter propose un dossier lié authème de l’agriculture urbaine,intitulé « Nature et agriculturepour la ville : les nouveaux désirsdes citadins s’imposent ». Ce dos-sier, très détaillé, analyse la per-ception de la notion de « nature »à la fois par les habitants desvilles et par les politiques. Il étu-die également l’évolution desrelations entre le monde urbain etle monde rural, et fait état d’unedynamique complexe avec uneignorance souvent réciproqueentre les deux espaces.• Déméter 2013, 432 p., 25 euros,www.clubdemeter.com

DOSSIER

Installé à Épernay dans la Marne, « Le potager des sept lieux »

témoigne de l’intérêt des citadinspour une offre de légumes

de proximité.

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DOSSIER

18 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Monde

États-Unis et Canada :pionniers de l’agricultureurbaineSi la culture en bâtiments est encore marginale en France, elle se développe fortement en Amérique du Nord.

L ’Amérique du Nord joue un rôle moteur dansles projets de cultures en bâtiments à l’échelleinternationale. C’est Dickson Despommier,

chercheur à l’université de Columbia aux États-Unis,qui a été le premier à développer le concept deferme urbaine. Son premier projet, conçu en 1999,était une tour agricole pouvant assurer la souverai-neté alimentaire de 50 000 habitants en un seul bâti-ment. Cette idée a ensuite été reprise par de nom-breuses agences d’architectes à l’international. Bienque ce projet, vision très futuriste qui n’a pas étéaccompagnée d’études complètes de faisabilité ni derentabilité, n’ait jamais été réalisé, il a constitué unvéritable appel à projets de par le monde. Il a ouvertune voie à une nouvelle façon de produire.Si ces gratte-ciel entièrement agricoles sont encore àl’état d’imagination, d’autres projets d’agriculture enbâtiments, moins ambitieux, sont déjà réalisés. La bou-langerie et le marché Eli Zabar à Manhattan consti-tuent un exemple emblé-matique. Dès 1995, desserres ont été installées surle toit du magasin pour l’ap-provisionner directement.Depuis, de nombreux res-taurants et magasins aux États-Unis se sont déve-loppés sur le même principe, en cultivant fruits etlégumes sur leurs toits. Cependant, les prix sont

rarement abordables dans ces établissements plutôthaut de gamme. Plus récemment, l’entreprise « SkyVegetables » basée à Berkeley a monté un projet pilotede supermarchés avec production de fruits et légumes

intégrée. Les premierssupermarchés de ce typeont vu le jour en 2009. Laproduction est effectuée surles toits des supermarchésqui mettent en vente des

fruits et légumes toujours frais, à un prix abordable,tout en limitant le gaspillage. Dans la ville de Montréalau Canada, les fermes « Lufa », fondées par MohamedHage, sont nées de l’idée de cultiver des produits fraisau meilleur goût et de les offrir aux consommateursmoins de 24 heures après la récolte. Après plusieursannées de recherche et la contribution d’une douzained’experts (ingénieurs, architectes, biologistes, culti-vateurs...), la première ferme urbaine est entrée enactivité en 2011. D’une surface de 9 500 mètres car-rés, sur le toit d’un édifice à bureaux, elle permet laculture de 25 espèces de fruits et légumes. Plusieursautres fermes de ce genre sont en cours d’être misesen place dans la ville de Montréal.L’agriculture urbaine prend une telle ampleur auxÉtats-Unis qu’elle dispose depuis 2010 de son propremagazine Urban Farm Magazine. D’autre part, l’as-sociation « Urban Farm » constitue un véritable pôled’Agriculture Urbaine. Elle recense 10 000 fermesurbaines membres et propose des formations spé-cifiques destinées aux agriculteurs et au grand public.Ces projets commencent tout juste à inspirer lesEuropéens, qui y voient une solution d’avenirpotentielle. ■

Des toits verts au JaponAu Japon, les cultures sur les toits fleurissent jouraprès jour. C’est en effet un moyen efficace de lut-ter contre deux problèmes majeurs de l’archipel : lemanque de foncier et la pollution sans communemesure qui rend l’air irrespirable 60 jours par an. Lescultures sur les toits permettent d’améliorer la qua-lité de l’air urbain durablement. Elles limitent éga-lement les pics de température en cas de forteschaleurs. Le gouvernement japonais a su se saisir decette opportunité et oblige désormais tous les nou-veaux bâtiments ayant un toit de plus de 1 000mètres carrés à être cultivés. Bien que la barrièrefinancière soit énorme, cette mesure s’avère néces-saire dans ce pays qui a déjà dépassé la saturation.

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Dans la ville de Montréal au Canada, les fermes « Lufa »,

fondées par Mohamed Hage,sont nées de l’idée de cultiverdes produits frais au meilleur

goût et de les offrir aux consommateurs moins de

24 heures après la récolte.

Des légumesau-dessus des magasins

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La 14e édition des Grés d’or de la FEEF(Fédération des entreprises et entrepreneursde France), qui récompensent chaque année des

partenariats exemplaires entre PME et grande dis-tribution, a apporté un souffle d’optimisme sur le sec-teur agroalimentaire français. Des « réservoirs de différenciation et d’innovation » :c’est ainsi que la FEEF qualifie les PME françaises.« Les innovations sont avant tout le fruit des petiteset moyennes entreprises. C’est la multiplication deces petites innovations qui permettra la création derichesses, la création d’emplois, et favorisera ledéveloppement durable », explique DominiqueAmirault, président de la FEEF. « Les PME, plusancrées dans le territoire queles grands groupes, sont éga-lement plus proches desconsommateurs, qui les appré-cient davantage. Non délocalisables, elles génèrentla majorité des emplois nationaux », explique-t-il. La capacité des PME à innover passe souvent par despartenariats avec la grande distribution. En effet, « laFrance a besoin d’entrepreneurs qui s’engagent etprennent des risques pour relancer l’activité », maisles PME ne sont pas assez puissantes pour relever ledéfi seules, explique Dominique Amirault. La contrac-tualisation avec les enseignes de la grande distri-bution permet de lever ce frein en offrant aux PMEla possibilité d’exprimer pleinement leurs capaci-tés. Pour les enseignes, les PME constituent uneréponse à leur volonté de différenciation et d’ancrage

dans le territoire. Plus de 50 % de leur chiffred’affaires est désormais réalisé grâce aux PME.Cette année, dix partenariats ont été primés, pourleurs innovations en termes de produits, mais éga-lement pour de nouveaux modes de commercialisa-tion. Parmi les primés, une large place a été réservéeau développement durable, au développement régio-nal, et aux innovations de « petits plaisirs sucrés ».Le chef d’entreprise agricole peut lui aussi être le

moteur d’innovations agroalimentaires. Jean-FrançoisCretet, apiculteur en Poitou-Charentes depuis troisgénérations, l’a bien démontré. Son entreprise « LesRuchers du Gué » a obtenu le Prix Espoir de ces Grésd’or pour son partenariat avec Intermarché. Celle-ci a

connu un véritable virage stra-tégique, avec l’esprit d’inno-vation comme principal outil.Avec Mieltonia (nutrition spor-

tive), le Miel des chefs (gamme d’aides culinaires à basede miel), MielTea (dosettes individuelles pour sucrerles infusions), ou encore Cœur de tartine (gammede pâtes à tartiner à base de miel), il a réussi à fairesortir le miel de son registre classique. « C’est par larecherche et la valorisation non-stop de nouvellesdéclinaisons que nous nous démarquons de la concur-rence », explique-t-il. Par ailleurs, la Fromagerie desMonts du Cantal, nom commercial de la Coopérativefromagère de Planèze, a également été primée en par-tenariat avec Carrefour. Cette coopérative laitière a reçule Prix Développement régional pour avoir su valori-ser son authenticité en créant l’appellation « Haut

Herbage ». Cette appellation lui per-mettra de se développer à l’échellenationale, et même à l’international.Cette nouvelle édition des Grés d’ora montré que le monde agricole dis-posait d’un réservoir d’idées au fortpotentiel. Le partenariat avec lagrande distribution est un moyen quipermet de les concrétiser et de lesdévelopper. ■

Le SIAL décode les innovationsL’innovation, qui est plusque jamais le moteurdu secteur agroalimentaire,constitue le fil rouge du SIAL(Salon international del’alimentation) qui s’est tenuà Paris du 21 au 25 octobre2012. Pour la première foiscette année, la plateformeSIAL Innovation a proposéun décodage croisé desinnovations et des tendancesde consommation. Pour cefaire, l’étude des tendancesde consommation réaliséepar TNS Sofres a été coupléeavec la base de donnéesdes innovations de XTC World.L’étude montre une plus oumoins bonne adéquation entreles innovations et les attentesdes consommateurs. Latendance de consommation,marquée par le contexte decrise économique, est à larecherche des petits plaisirsabordables et authentiques,alors que les innovationsdans ce domaine sont plutôttournées vers la créativitéet la découverte de nouvellessaveurs. La recherche d’unenouvelle harmonie avecla nature, d’un nouveaulien au terroir est égalementtrès marquée, mais là, lesindustriels l’ont bien perçu.Cependant les consommateurs,de moins en moins fidèlesaux marques, surfent surles tendances, et en sontd’autant plus difficiles à suivre.Leurs choix de consommationsont complexes, et parfoiscontradictoires.

Mathilde Salinas

19Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Innovations : l’optimismeest porté par les PMEMalgré la crise, les PME du secteur agroalimentaire sont dynamiques en termes d’innovation et de valorisation de leurs produits.

Mathilde Salinas

REPÈRE

ENTREPRISEAgroalimentaire

Un virage stratégique

La Coopérative fromagère de Planèze, a été primée, pour avoir su valoriser avec Carrefour, son authenticité en créantl’appellation « Haut Herbage ». Cetteappellation lui permettra de se développer àl’échelle nationale, et même à l’international.©

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ENTREPRISEEnquête

Le salon Vinitech-Sifel (salon bor-delais du matériel viticole, arbori-cole et maraîcher) a lancé une

enquête téléphonique en juillet 2012,confiée à BVA, visant à connaître ladynamique d’investissement dans le sec-teur viticole en cette période de criseéconomique. 239 viticulteurs répartisdans toute la France et 50 caves coopé-ratives ont été interrogés. Les questionsconcernaient d’une part les investisse-ments réalisés au cours des deux der-nières années (2011-2012) et d’autrepart les investissements prévus pour lesdeux années à venir (2013-2014).Sur les 239 viticulteurs français inter-rogés, 79 % ont investi durant les deuxdernières années, et 80 % prévoientd’investir dans les deux années à venir.Les jeunes viticulteurs, les viticulteursvinifiant et les exportateurs hors Europesont ceux qui investissent le plus. Lapriorité est donnée au matériel viticole,en particulier au matériel permettantde réduire la pénibilité des travaux. En

valeur, cependant, les investissementsprévus pour les deux prochaines annéessont légèrement en dessous de ceuxréalisés lors des deux années précé-dentes : 19 % des viticulteurs envisa-gent d’investir plus de 50 000 € pourles deux années 2013et 2014, alors qu’ilsétaient 24 % (parmi lesmêmes viticulteurs) àavoir investi autantdurant les années 2011et 2012.Quelles sont les orientations de ces inves-tissements ? Les viticulteurs se sont bienengagés dans la mise aux normes deleurs entreprises, ainsi que dans unedémarche environnementale. 90 % desviticulteurs ont engagé des actions visantà réduire l’impact environnemental deleur exploitation durant les années 2011-2012, avec en premier lieu la réductiondes pesticides. La conversion à la pro-duction biologique a déjà été réaliséetotalement ou en partie par 11 % des

viticulteurs interrogés. 6 % supplémen-taires comptent se lancer dans les deuxannées à venir. D’autre part, les viticul-teurs vinifiant envisagent de prendre enmain l’avenir de leur commercialisationen favorisant de plus en plus les circuits

courts. D’ici deux ans,37 % des viticulteursréaliseront de la ventedirecte.Du côté des cavescoopératives, les inves-tissements sont à la

hausse. Sur 50 caves coopératives son-dées, 94 % prévoient d’investir durantles deux prochaines années, pour 9,5 %de leur chi f f re d’affai re (CA) enmoyenne. Alors qu’au cours des deuxannées passées, 84 % des caves coopé-ratives ont investi, à hauteur de 7,8 %de leur CA en moyenne. Les investis-sements immatériels sont privilégiés :techniques de vente et ressourceshumaines. 52 % prévoient d’investirdans le marketing (publicité, création demarques et d’étiquettes) durant lesdeux prochaines années. Concernantles investissements matériels, les coopé-ratives s’équipent en priorité pour lacave et le chai puis pour l’embouteillageet le conditionnement. Les deux princi-pales orientations sont la réduction dela dimension des bouteilles et le déve-loppement des ventes à l’export.Ainsi le secteur viticole français nesemble pas être très impacté par lacrise économique. Il prévoit d’investirpour valoriser au mieux sa productiondans le marché mondial, dans uncontexte où la concurrence des autrespays est grandissante. Notons cepen-dant que les prévisions d’investisse-ments des viticulteurs seront peut-êtrerevues à la baisse au vu de la faiblerécolte 2012, l’enquête téléphoniqueayant été réalisée au tout début desvendanges. ■

20 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Viticulture : les investissements se maintiennentLes investissements se portent bien dans la filière vitivinicole, d’après les résultats d’une enquête nationale menée par BVA.

Mathilde Salinas

Parmi lesinvestissements

viticoles,la priorité

est donnée au matérielpermettant de réduire

la pénibilitédes travaux.

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Investissementsimmatérielsprivilégiés

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ENTREPRISEFinancements

Le secteur viticole doit-il conserverses particularités ou bien s’alignersur les autres secteurs ? Le débat,

accentué par la faible récolte de cetteannée, aboutira à de nouvelles mesures,lors d’un Conseil spécialisé prévu pour le15 novembre 2012.Le secteur vitivinicole, contrairement àd’autres secteurs agricoles, ne disposepas d’aide à l’hectare de la Politiqueagricole commune (Pac), à savoir pasde Droits à paiement unique (DPU). Ildépend donc exclusivement du marchéet de ses fluctuations. Cette distinctionprovient de la volonté des acteurs decette filière de positionner le vin nonpas comme un produit agricole, maiscomme un produit « de luxe », à trèsforte valeur ajoutée.Néanmoins, le secteur a un lien étroitavec la PAC, pour plusieurs raisons.Premièrement, le secteur dispose del’OCM (Organisation commune de mar-ché) vitivinicole, à laquelle les viticulteurssont très attachés. Il s’agit d’une aide surles prestations viniques (aide aux moûts,aide au stockage,etc.), et non pasd’une aide à l’hec-tare, ce qui permetune meilleure valori-sation de la produc-tion. « L’OCM actuelle offre plus degaranties aux viticulteurs que le sys-tème DPU », a affirmé Jérôme Despey,viticulteur et président du conseil spé-cialisé de FranceAgriMer pour la filièreviticole, le 4 septembre 2012. Il souligneégalement que le système DPU ne cor-respond pas à l’état d’esprit des viti-culteurs, qui tiennent à la fierté de vivrede leur production. L’absence de DPUoblige les viticulteurs à s’adapter, àmoderniser leur système de productionet à innover, explique-t-il. Pour toutesces raisons, il souhaite que la filièreconserve l’intégralité des montants affec-

tés à l’OCM vitivinicole. Cette volontés’oppose à celle de la Commission euro-péenne qui aimerait uniformiser les sec-

teurs agricoles, enpassant au systèmeDPU pour tous,essentiellement dansle but de simplifierla gestion de la PAC.

D’autre part, la viticulture peine à faireentendre ses intérêts vis-à-vis desmesures agro-environnementales prises

21Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Viticulture et politique agricolecommune : quel est le débat ?À l’heure de la volonté européenne d’uniformisation, le secteur viticole, qui dispose d’un statut particulier dans le monde agricole, se pose aujourd’hui la question du financement.

Cécile Bonnard

Des revendicationsmultiples

La faiblerécolte 2012se traduirapar une légèrehausse desprix du vin et par undéficit en vinde table.

Récolte 2012 : la plus faible depuis 1991Avec 42,5 millions d’hectolitres (Mhl) prévus, la récolte 2012 est la plus faible que les viticulteurs fran-çais aient connue depuis 1991, année de gel généralisé, a indiqué FranceAgriMer. En effet, après uneforte récolte en 2011 (51 Mhl), le secteur a été impacté cette année par des conditions climatiques défa-vorables et par la recrudescence de maladies cryptogamiques. Tous les bassins viticoles sont concernéset cette baisse se confirme à l’échelle européenne. Les viticulteurs en sont les premiers touchés, les chargesfixes n’ayant pas diminué. Cette faible récolte se traduira par une légère hausse des prix du vin et parun déficit en vin de table, secteur constitué des surplus des vins en IGP (Indication géographique pro-tégée) et AOP (Appellation d’origine protégée). Rien d’affolant tout de même, puisque d’une part celacontribuera à retrouver un équilibre entre l’offre et la demande, et d’autre part la perte sera compen-sée en partie par le fort stockage en cuves de la récolte de l’an dernier.

par la PAC, liées aux phytosanitaires etaux aléas climatiques. Enfin, concernant la suppression desdroits de plantation prévue pour 2015,certains viticulteurs attendent de laPAC la signature d’un texte législatifpour maintenir ces droits pour un publicprioritaire, tel que celui des jeunesviticulteurs.Ainsi, le secteur espère « échapper » àla restructuration de la PAC, à travers desrevendications multiples. ■

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Les entreprises agricoles peuvent s’armer d’ar-guments novateurs et sonder de nouveauxréseaux pour réaliser leurs prochains investis-

sements. De nombreux paramètres financiers évo-luent, et constituent en réalité de nouvelles oppor-tunités : contexte économique imprévisible, nouvellesréglementations encadrant la finance, orientationsnationales revisitées depuis le changement de gou-vernement, concrétisées notamment par une réformefiscale qui refond les déductions fiscales pour inves-tissement ou encore la fiscalité écologique...Les financements s’annoncent plus aisés pour desprojets sachant vanter certaines caractéristiques envogue. Aux chefs d’entreprise agricole de privilé-gier certains choix et de mettre en avant des critères,qui ne sont souvent pas si éloignés de la réalitéactuelle de leur entreprise !Qualifier de « social » un investissement devraitséduire de plus en plus les banques mutuelles etcoopératives, ainsi que le futur pôle agricole de labanque publique d’investissement ou encore lescollectivités attribuant des soutiens cofinancés.À l’heure du développement de la finance soli-daire, les entreprises qui sauront se distinguergrâce à leurs effets positifs sur le marché de l’em-ploi feront la différence. Certains choix juridiquespeuvent également payer. Pour réaliser des éco-nomies d’échelle, il peut s’avérer plus judicieux des’organiser sous une forme adaptée de coopérativequ’en société commerciale oucivile. Les coopératives font eneffet partie intégrante de l’éco-nomie sociale et solidaire, etdevraient bientôt donner accèsà de nouveaux avantages fis-caux et financiers. Des textes français et européensse préparent (cf. colonne).Monter des projets à plusieurs est justement undeuxième atout à ne pas négliger pour voir se concré-tiser un projet au service d’une entreprise agricole.Comme la SAF le conseille dans son dernier rap-port (1), les alliances et autres associations partiellespermettent de réduire considérablement les charges.Les projets collectifs sont aussi plus faciles à « vendre »auprès de la société civile, dont dépendent des auto-

risations, comme des organismes de financements. Au-delà de réalisations entre eux, les agriculteurs trou-veront encore plus d’intérêt à se rapprocher d’autrescorps de métiers pour atteindre leurs fins. Le projetGéotexia, présenté lors des 21es assises de Sol et

Civilisation, est un bel exemplede projet mené conjointementpar des agriculteurs et unindustriel, dans le domaine dela méthanisation d’effluentsd’élevage de porcs.

Les synergies positives sur un territoire peuventnécessiter un temps important de maturation, maispermettent de décupler les bénéfices dégagés, tanten terme de valeur ajoutée, de création d’emploique d’impact sur l’environnement. ■

(1) Rapport intitulé « Changement d’attitude pourles agriculteurs : des chefs d’entreprise stratèges, auto-nomes et innovants », téléchargeable sur le sitewww.agriculteursdefrance.com

Coopératives : des mesures en préparationL’Union européennecontinue d’avancer dans sonprogramme en faveur descoopératives. Leurfinancement pourrait êtrefacilité par unemodification des règlementsFeder et FSE, et durèglement sur lescoopératives.Du côté français, uneréforme des coopératives sepréparerait aussi, adossée àun paquet législatif traitantde l’économie sociale etsolidaire. Un rapportparlementaire sur lescoopératives vient d’ailleursd’avancer six propositionspour renforcer le secteurcoopératif français.Plusieurs d’entre elles semontrent particulièrementengagées en faveur descoopératives agricoles. Denouvelles possibilités definancement sont suggérées,notamment via l’institutiond’un fonds dedéveloppement coopératif.D’autres idées visent àassurer une gouvernanceplus fidèle aux principesfondamentaux de lacoopération. Le rapportinsiste, enfin, sur lanécessité de veiller à unenvironnementconcurrentiel équitable etadapté. Ainsi, les auteursappellent à préserver lesspécificités fiscales descoopératives et à contrôleravec discernement lesopérations deconcentration, exemplesà l’appui.

22 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

REPÈRE

Des projets collectifsséduisants

Financement : lesentreprises agricoles sontdotées de nombreux atouts !Dans leurs recherches de financements, les entreprises agricoles peuvent mettreen avant leur ancrage territorial comme leur contribution à l’économie sociale.

Sophie LangePour réaliser des économies d’échelle,

il peut s’avérer plus judicieux de s’organisersous une forme adaptée de coopérative

qu’en société commerciale ou civile.

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ENTREPRISEEntreprise

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Une holding est une société dont l’objet estde gérer les participations qu’elle détient dansune ou plusieurs autres sociétés, qui consti-

tuent ses « filles ». La société « mère », société definancement, peut revêtir une forme juridique civileou commerciale. La holding est de plus en plus uti-lisée par les chefs d’entreprise agricole, mais sonusage comporte encore plusieurs points d’achop-pement avec les dispositions juridiques agricoles.Ce type de montage offre, pour certains types d’opé-rations, des avantages fiscaux non négligeables.Constituer une holding per-met de faciliter la transmis-sion de branches d’activitéagricole, le développement denouveaux ateliers de façonindépendante ou encore l’ar-rivée de capitaux extérieurs. Les résultats d’unesociété fille peuvent servir au développement d’uneautre société fille sans être taxés au moment desmouvements de capitaux. L’utilisation qui en estalors faite par la structure destinataire prend laforme d’un apport en capital ou de constitution degarantie pour un projet investissement. Une autrecaractéristique fiscale du montage est appréciée : lessociétés filles ne sont pas concernées par le caractèreirrévocable de l’option à l’impôt sur les sociétés (IS).Les structures agricoles générant des niveaux derésultat élevés pourront conserver une imposition àl’impôt sur le revenu pour la société d’exploitation,et capitaliser au sein d’une société holding à l’IS, limi-tant le niveau des prélèvements obligatoires.Concernant l’ouverture à des capitaux extérieurs, lasociété holding est une formule qui trouve un certainintérêt car elle permet d’ouvrir les prises de partici-pation au sein d’une société différente de la sociétéd’exploitation. Par ailleurs, cela offre aussi une alter-native à la recherche d’investisseurs pour l’acquisitionde foncier, qui est parfois limitée afin de conserver unpoids dans la négociation avec les créanciers.Les sociétés holding ne sont pas encore entière-ment conciliables avec les règles de droit encadrantles activités agricoles. Certaines dispositions du Coderural, notamment le statut du fermage, freinent la

mise en place de holding en agriculture. Mettre à dis-position des terres à une société d’exploitation n’esten effet possible que si le capital de cette société estmajoritairement détenu par des personnes physiques(1). Il faudra alors chercher à obtenir des baux conclusau nom de la société d’exploitation, ou établir uneparticipation minoritaire de la holding dans la struc-ture fille. Par ailleurs, la holding n’est pas compatibleavec l’installation d’un chef d’entreprise bénéficiantde la dotation jeune agriculteur au sein d’une sociétéfille. Enfin, rappelons que les GAEC ne peuvent

compter que des associés per-sonnes physiques, ce quiempêche toute société d’endétenir des parts. Cela est pos-sible en EARL, mais sousréserve que les associés per-

sonnes physiques soient majoritaires.On peut dès lors légitimement se demander sidemain, des propositions en faveur des montagesavec une société holding en agriculture seraient denature à être retenues parmi les dispositifs concernéspar le projet de loi d’avenir agricole. ■

(1) Article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime

Les ouvrages FrancisLefebvre se renouvellent.Les éditions 2012 s’avèrenttoujours autantindispensables aux juristeset fiscalistes agricoles, ainsiqu’aux chefs d’entrepriseeux-mêmes.L’ouvrage pluridisciplinaireLe patrimoine professionnelcouvre l’ensemble desspécificités juridiques,sociales, fiscales etéconomiques de plus de 100professions, offrant uneapproche globale. La 21e

édition intègre les récentschangements législatifs, etconserve les chapitres« Agriculteurs »,« Fiscalité » et« Transmission ». La collection des classiques« Mémentos pratiques »,avec notamment lesouvrages Fiscal 2012 etAgriculture 2013-2014,continue de répondre auxinterrogations précisessoulevées pour chaquedossier.

23Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

REPÈREHolding en agriculture :des montages délicatsPour diversifier des activités ou préparer la transmission de toutou partie d’une entreprise, la société holding peut s’avérer un outil de prédilection. Cette piste reste toutefois à apprécier au cas par cas,tant que la compatibilité avec l’agriculture n’est pas totale.

Sophie Lange

L’obstacledu statut du fermage

La holding n’est pas compatible avec l’installationd’un chef d’entreprise bénéficiant de la dotationjeune agriculteur au sein d’une société fille.

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ENTREPRISEDroit/Fiscalité

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ENTREPRISEDroit de l’expropriation

L ’expropriation pour cause d’utilitépublique est une procédure admi-nistrative et judiciaire, par laquelle

l’État ou une Collectivité territoriale uti-lise son pouvoir de contrainte pour obte-nir la propriété d’un bien immobilier envue de la réalisation d’un objectif d’in-térêt général.Aussi, parce qu’elle porte éminemmentatteinte au droit de propriété garantipar l’article 17 de la Déclaration desDroits de l’Homme et du Citoyen de1789 annexée au Préambule de laConstitution du 4 octobre 1958, la pro-cédure d’expropriation doit obéir à desrègles strictes.C’est au juge judiciaire, juge naturel,chargé d’assurer la protection du droitde propriété qu’il appartient d’en assu-rer le contrôle, afin de permettre auxexpropriés de faire valoir leur droit« inviolable et sacré », en étant assurésde bénéficier des garanties tirées dudroit à un recours juridictionnel effectifet du principe du débat contradictoire,que leur offrent en particulier l’article 16de la Déclaration de 1789 et l’article 6

de la Convention Européenne deSauvegarde des Droits de l’Homme etdes Libertés Fondamentales.Si pendant longtemps les juges judi-ciaires n’ont pu exercer un quelconquecontrôle sur le point de savoir si lesrègles de procédure fixées par le code del’expropriation portaient ou non uneatteinte illégitime au droit de propriété etaux garanties offertes par le respect duprincipe du débat contradictoire et duprocès équitable, désormais la mise enœuvre de la question prioritaire deconstitutionnalité, introduite dans l’or-donnancement juridique par la loi orga-nique du 10 décembre 2009 entrée envigueur le 1er mars 2010 (1) a donné auxjuges de l’expropriation des pouvoirs decontrôle propres à renforcer les droitsdes expropriés.Le droit de propriété est inscrit enlettres d’or dans l’article 17 de laDéclaration des Droits de l’Homme etdu Citoyen annexée à la Constitutiondu 4 octobre 1958 comme dans lesarticles 544 et 545 du code Napoléondevenu le Code civil.On lit au premier de ces textes : « lapropriété étant un droit inviolable etsacré, nul ne peut en être privé, si cen’est lorsque la nécessité publique,légalement constatée, l’exige évidem-ment et sous la condition d’une juste etpréalable indemnité ». Quant auxtextes du code civil, ils énoncentpéremptoirement : « la propriété estle droit de jouir et disposer des chosesde la manière la plus absolue, pourvuqu’on n’en fasse pas un usage pro-hibé par les lois ou par les règle-ments ». « Nul ne peut être contraintde céder sa propriété, si ce n’est pourcause d’utilité publique et moyennantune juste et préalable indemnité ». Ainsi se trouve affirmé le caractère fon-damental du droit de propriété.

Et si postérieurement à 1789 et jus-qu’à nos jours, les finalités et les condi-tions d’exercice du droit de propriété ontsubi une évolution, caractérisée à lafois par une notable extension de sonchamp d’application à des domainesindividuels nouveaux et par des limita-tions exigées par l’intérêt général, ilest admis que les principes mêmesénoncés par la Déclaration des Droits del’Homme ont pleine valeur constitu-tionnelle tant en ce qui concerne lecaractère fondamental du droit de pro-priété, dont la conservation constituel’un des buts de la société politique,qu’en ce qui concerne les garantiesdonnées aux titulaires de ces droits.La jurisprudence des plus hautes juri-dictions est bien établie en ce sens. Ledroit de propriété est un droit fonda-mental de valeur constitutionnelle (2),mais il l’est également de valeur conven-tionnelle : en effet en reconnaissant àchacun le droit au respect de ses biens,l’article 1er du Protocole n° 1 de laConvention Européenne des Droits del’Homme garantit en substance le droitde propriété (3).Pour autant la protection accordée audroit de propriété est loin d’être garan-tie, tant dans sa phase administrativeque dans sa phase judiciaire, par laprocédure d’expropriation, à laquelle leprincipe fondamental de la séparationdes pouvoirs donne une figure origi-nale : en effet une telle procédure sup-pose tout d’abord l’intervention de lapuissance publique, de l’État ou desCollectivités publiques, qui se mani-feste par une déclaration d’utilitépublique, acte administratif, interve-nant après une enquête sur le terrain,et dont le contentieux est laissé aujuge administratif ; mais elle requiertégalement la protection de l’intérêtparticulier des expropriés dans la fixa-

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La procédure d’expropriation saisie par le Conseil constitutionnelLe droit de l’expropriation est devenu récemment le terrain privilégié de questions prioritairesde constitutionnalité posées par des expropriés inquiets.

Bernard Peignot, vice-président de la SAF, avocat aux Conseils, vice-président de l’AFDR

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tion des indemnités, dont le conten-tieux est réservé aux juridictions del’ordre judiciaire.Parce que d’un droit de protection de lapropriété, il est devenu un droit de res-triction et de contraintes dans lequel« le droit de propriété est un point denon-retour » (4), le droit de l’expropriationest devenu récemment le terrain privilé-gié de questions prioritaires de consti-tutionnalité posées par des expropriésinquiets de voir combien le juge de l’ex-propriation, chargé en qualité de gardientraditionnel de la propriété, de réparer lepréjudice subi par la dépossession, pou-vait s’affranchir des garanties qu’ilsétaient pourtant en droit d’attendred’une procédure destinée, initialement,à les protéger.C’est tout d’abord à l’occasion de laprocédure de transfert de propriété, quele Conseil constitutionnel a eu à se pro-noncer sur le caractère contradictoirede la procédure.On sait que lorsque l’ensemble des for-malités administratives ont été exécu-tées (enquête d’utilité publique et arrêtsde cessibilité), le bénéficiaire de l’ex-propriation doitfixer le montantdes indemnités.Mais il doit aupréalable devenire f f e c t i vementpropriétaire : un transfert de propriétédoit intervenir, qui est opéré par l’or-donnance d’expropriation, qui envoie lebénéficiaire en possession des biensexpropriés.Rendue hors la présence des parties etsans débats, dans les conditions de l’ar-ticle L. 12-1 du Code de l’expropriation,l’ordonnance peut seulement faire l’ob-jet d’un recours en cassation.Autrement dit, alors qu’elle constitueun acte juridictionnel d’une importancecapitale puisque le droit de propriétéest transféré à la date de l’ordonnanceà l’expropriant et qu’ainsi l’expropriéperd de ce fait tous les droits attachésà la propriété – il conserve cependantla disposition du bien tant que l’in-demnité n’a pas été payée ou consi-gnée – l’ordonnance d’expropriationest pourtant rendue suivant une pro-cédure non contradictoire (5) excluantla possibilité pour l’exproprié de s’ex-

pliquer sur l’étendue de l’atteinte por-tée à ses droits.Ainsi, estimant que le caractère noncontradictoire de la procédure suivie

devant le juge del ’expropr iat ionpouvait être consi-déré comme uneatteinte au prin-cipe des droits de

la défense et du procès équitable encontradiction avec l’article 16 de laDéclaration des Droits de l’Homme, laCour de cassation, saisie par un expro-prié, estimant la question sérieuse, ena renvoyé l’examen au Conseil consti-tutionnel (6). Cette haute juridiction s’est prononcéepar une décision remarquée (7) ; aprèsavoir rappelé les effets de l’ordonnanced’expropriation, le Conseil constitu-tionnel s’est alors prononcé sur l’éten-due des garanties que le code de l’ex-propriation pouvoir offrir à ce stade dela procédure.Il a ainsi constaté que « le juge de l’ex-propriation ne rend l’ordonnance portanttransfert de propriété qu’après que l’uti-lité publique a été légalement consta-tée », cependant que « la déclarationd’utilité publique et l’arrêté de cessibilité,peuvent être contestés devant la juri-diction administrative ».

Quant au juge de l’expropriation, « il seborne à vérifier que le dossier que lui atransmis l’autorité expropriante est consti-tué conformément aux prescriptions ducode de l’expropriation pour cause d’uti-lité publique, alors que l’ordonnance d’ex-propriation peut être attaquée par la voiedu recours en cassation, et que le juge-ment par lequel le juge de l’expropriationfixe les indemnités d’expropriation survientau terme d’une procédure contradictoireet peut faire l’objet de recours ».Enfin, le Conseil constitutionnel s’estattaché à rappeler que l’ordonnanceenvoyait l’expropriant en possession,sous réserve qu’il se conforme aux dis-positions du code de l’expropriation rela-tives à la fixation et au paiement de l’in-

25Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Procédure detransfert de propriété

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Pour le ConseilConstitutionnelle juge del’expropriationse borne àvérifier lacomposition du dossier sans pouvoirmodifier enquoi que cesoit les piècesincluses.

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(1) Sur cette loi, cf. B. Peignot : Le droit ruralà l’épreuve de la Constitutionnalité. Agri-culteurs de France n° 195, p. 24.(2) Cons. const. 16 janvier 1982, D. 1983p. 169 ; Cass. 1re Civ. 4 janvier 1995, B. n° 4.(3) CEDH 13 juin 1979, Marcky C/Belgique,série A n° 31 ; CEDH 23 septembre 1982,Sporrong et Lonnroth c/ Suède, série A n° 52.(4) M. Carrias : Le droit de propriété au pointde non-retour. (5) Cass. 3e Civ. 29 mai 2002 B. n° 185D. 1985, p. 293 n° 01-70 175.(6) Cass. 3e Civ. 15 mars 2012 n° 11 23 323.(7) Cons. const. 16 mai 2012 n° 2012-247 QPG.

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26 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

demnité, et qu’en toute hypothèse « encas d’annulation par une décision défi-nitive du juge administratif de la décla-ration d’utilité publique ou de l’arrêté decessibilité, tout exproprié peut faireconstater par le juge de l’expropriationque l’ordonnance portant transfert depropriété est dépourvue de base légale ».Autrement dit, pour le Conseil constitu-tionnel le juge de l’expropriation se borneà vérifier la composition du dossier sanspouvoir modifier en quoi que ce soitles pièces incluses, alors par ailleurs quel’exproprié est assuré de bénéficier d’uneprocédure contradictoire tant devant lajuridiction administrative en cas derecours contre les actes administratifs,autorisant l’expropriation, que devantla Cour de cassation saisie d’un pourvoiformé contre l’ordonnance de transfert depropriété, et devant la juridiction fixantl’indemnité d’expropriation.Pour autant, pour le Conseil consti-tutionnel, les dispositions de l’articleL.12-1 du code de l’expropriation neméconnaissent ni les exigences de l’ar-ticle 16, ni celles de l’article 17 de laDéclaration de 1789 et ne sont contrairesà aucun droit ou liberté que la Consti-tution garantit. La cause est désormaisentendue : le contradictoire ne s’impose

pas au stade de l’ordonnance d’expro-priation. On peut le regretter eu égardaux effets d’une telle décision sur ledroit de propriété.Toutefois, à l’occasion cette fois de laprocédure de fixation des indemnitésd’expropriation, le Conseil constitu-tionnel s’est montré plus exigeant.On sait qu’en vertudes articles L. 15-1et L. 15-2 du codede l’expropriation,dans le délai de unmois, soit du paie-ment ou de la consignation de l’indemnitésoit de l’acceptation de l’offre d’un local deremplacement, les expropriés sont tenusd’abandonner les lieux et passé ce délai,il peut être procédé à leur expulsion. Enoutre, l’appel n’étant pas suspensif, l’ex-propriant peut prendre possession, moyen-nant le versement d’une indemnité aumoins égale aux propositions faites par luiet consignation du surplus de l’indemnitéfixée par le juge de l’expropriation etdevant être simplement consignée.Estimant qu’un tel dispositif, avanta-geant en cas d’appel la collectivité expro-priante, méconnaissait l’article 17 de laDéclaration des Droits de l’Homme etdu Citoyen de 1789 ainsi que ses articles

6 et 16 impliquant qu’une procéduredoit être juste et équitable et garantirl’équilibre des droits des parties, desexpropriés ont saisi la Cour de cassationd’une question prioritaire de constitu-tionnalité portant sur la conformité destextes ci-dessus du code de l’expropria-tion avec les articles 16 et 17 de laDéclaration de 1789.Considérant la question sérieuse auregard des principes constitutionnelsinvoqués, la Cour de cassation en a iciencore renvoyé l’examen au ConseilConstitutionnel (8).Ce dernier n’a pas hésité à stigmatiser ledispositif du code de l’expropriation (9). Ila tout d’abord rappelé que les exigencesde l’article 17 de la Déclaration de 1789devaient, en principe, conduire au ver-sement de l’indemnité au jour de ladépossession. Or, en cas d’appel de l’or-donnance du juge fixant l’indemnitéd’expropriation, les dispositions du codede l’expropriation autorisent l’expro-priant à prendre possession des biensexpropriés, quelles que soient les cir-constances, moyennant le versementd’une indemnité égale aux propositionsqu’il a faites et inférieure à celle fixée parle juge de première instance et consi-gnation du surplus.Aussi pour le Conseil constitutionnel,un tel dispositif « méconnaît l’exigenceselon laquelle nul ne peut être privé de

sa propriété quesous la conditiond’une juste et préa-lable indemnité, desorte que les dispo-sitions des articles

L.15-1 et L.15-2 du code de l’expro-priation doivent être déclarées contrairesà la Constitution ».Pour le Conseil constitutionnel, le paie-ment d’un prix qui n’est pas celui de l’ac-cord entre les parties, mais aussi la consi-gnation d’une partie de ce prix ne peuventêtre assimilés au paiement préalable àla dépossession de la propriété, exigé parl’article 17 de la Déclaration de 1789.Désormais, en l’état de cette décision, etdans l’attente d’une modification destextes qui devra intervenir au plus tard le1er juillet 2013, l’inconstitutionnalité nedevenant effective qu’à cette date, lesexpropriants ne pourront imposer la ces-sion forcée qu’avec prudence : en effet, en

ENTREPRISEDroit de l’expropriation

Le juge de l’expropriation est lié par l’estimation de l’administration si elle est supérieure à la déclaration ou à l’évaluation effectuée lors de la mutation des biens. Mais l’intéressé garde la possibilité de faire la preuve que

l’estimation de l’administration ne prend pas correctement en compte l’évaluation du marché de l’immobilier.

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Une juste etpréalable indemnité

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cas de contestation par l’exproprié desindemnités proposées, l’expropriant devrasoit payer les sommes convenues dans unaccord avec l’exproprié, soit regarder sonprojet, l’appel du jugement indemnitaireétant désormais suspensif (10).Enfin le Conseil constitutionnel, sur ren-voi de la Cour de Cassation (11) s’est pro-noncé sur le caractère constitutionnelde l’article L. 13-17 du code de l’expro-priation relatif auxmodalités de fixa-tion de l’indemnitéd’expropriation.Ce texte précise que le montant de l’in-demnité principale fixée par le juge del’expropriation ne peut excéder l’esti-mation faite par l’administration lors-qu’une mutation à titre gratuit ou oné-reux de moins de cinq ans a donné lieu,soit à une évaluation administration ren-due définitive en vertu des lois fiscales,soit à une déclaration d’un montant infé-rieur à cette estimation. Dans cette hypothèse, le juge de l’ex-propriation est lié par l’estimation del’administration si elle est supérieure à ladéclaration ou à l’évaluation effectuée lorsde la mutation des biens. Et il ne peut enaller autrement – le juge de l’expropria-tion retrouve alors son pouvoir d’appré-ciation – que si l’exproprié démontre quedes modifications survenues dans laconsistance matérielle ou juridique, l’étatou la situation d’occupation de ses bienslui ont conféré une plus-value. Le Conseil constitutionnel devait doncrépondre à la question de savoir si ce dis-positif, en liant le pouvoir du juge de l’ex-propriation, ne méconnaissait pas l’exis-tence constitutionnelle d’une juste etpréalable indemnité et les principes deséparation des pouvoirs et d’indépen-dance de l’autorité judiciaire.À cette question, le Conseil constitu-tionnel a apporté une réponse nuancée,pour conclure en définitive au caractèreconstitutionnel de l’article L. 13-17 duCode de l’expropriation.Il a rappelé que le législateur avait vouluinciter les propriétaires à ne pas sous-estimer la valeur des biens qui leur sonttransmis ou à dissimuler une partie duprix d’acquisition de ces biens et avait,ce faisait, poursuivi un but de lutte contrela fraude fiscale qui constitue un objec-tif de valeur constitutionnelle.

Mais le Conseil constitutionnel a estimé– ce qui est une garantie pour l’expro-prié – que les dispositions contestées nesauraient, sans porter atteinte aux exi-gences de l’article 17 de la déclarationde 1789, avoir pour effet de priver l’in-téressé de faire la preuve que l’estima-tion de l’administration ne prend pascorrectement en compte l’évaluationdu marché de l’immobilier.

Sous cette réserve,la Haute Juridictiona considéré que« ne portaient

atteinte ni à l’exigence selon laquellenul ne peut être privé de sa propriétéque sous la condition d’une juste etpréalable indemnité ; ni à l’indépen-dance de l’autorité judiciaire et à laséparation des pouvoirs » (12).Pour conclure, cette série de décisions duConseil constitutionnel appelle deuxséries d’observations :– en premier lieu, malgré la position defaiblesse du propriétaire touché par uneprocédure d’expropriation et l’impres-sion d’écrasement qu’il peut ressentirface à la puissance publique, le combatjuridique mené au travers de la questionprioritaire de constitutionnalité montrequ’il est parfois possible de changer lerapport de forces ;– mais en second lieu, cette procédurerévèle ses limites : en effet, si le principeconstitutionnel de la juste et préalableindemnisation est constamment réaf-firmé, pour autant les nombreuses dis-positions du code de l’expropriationen ont limité la portée dans des condi-tions telles que le Conseil constitu-tionnel n’a pas cru opportun de lessacrifier sur l’autel de la Constitution,laissant en définitive au droit de l’ex-propriation le soin de maintenir unéquilibre fragile entre l’intérêt généralde la collectivité publique et l’intérêtparticulier des expropriés. ■

27Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

REPÈRE

FORUM

Un équilibre fragile

(8) Cass. 3e Civ. 16 janvier 2012 n° 1140 085.(9) Cons. const. 6 avril 2012 n° 2012-2269 QPC.(10) Décret n° 2005-467 du 13 mai 2005.(11) Cass. 3e Civ. 10 février 2012 n° 1140 096.(12) Cons. const. 20 avril 2012 n° 2012-236 QPG.

Suite de la page 7 :« Pour un droit rural de

l’environnement, vecteur dedynamisme économique »

des fertilisants ou de l’agriculture biologique.Mais la question se pose également pour laPAC qui depuis quelques années intègre lesexigences environnementales y compris désor-mais dans le premier pilier.Il est possible de considérer que le droitrural, en intégrant des exigences environ-nementales, trouve une nouvelle légitimitésociale qui le place dans une perspectived’intérêt général réactualisée. Ce faisant leprincipe d’intégration est à l’origine d’unenouvelle ramification du droit rural, le droitrural de l’environnement, qui sert de passe-relle entre le droit rural et le droit de l’envi-ronnement. Ce nouveau droit, qui ne peutêtre considéré comme une branche auto-nome du droit car non codifié dans un codeunique, peut néanmoins être défini commel’ensemble des règles ayant pour objet laconservation des ressources naturelles parune activité agricole qui conserve sa finalitééconomique productive dans la perspectivedu développement durable. En défendant l’existence d’un droit rural del’environnement nous défendons l’idée quele droit de l’environnement n’absorbe pas lesbranches du droit touchées par ses exigences.Il s’agit finalement de reconnaître que desactivités marquées par des finalités écono-miques intègrent bien les préoccupationsenvironnementales. Ce faisant il s’agit biende reconnaître que l’environnement fait par-tie intégrante de la sphère économique.C’est ce que reconnaît la SAF en demandantla maximisation de la performance écono-mique et de la performance écologique afinde porter des entreprises agricoles qui pro-duisent plus et mieux et qui fassent de l’en-vironnement une valeur ajoutée, au senséconomique du terme. Gageons que lecode rural saura moderniser le bon père defamille en l’inscrivant dans une dynamiqueporteuse de compétitivité et d’améliorationenvironnementale ! ■

Carole Hernandez-Sakine

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RENCONTRE

Le SAF-Club à la foire de Châlons-en-ChampagneTreize membres du SAF-Clubde Châlons-en-Champagne onteffectué leur réunion de rentréesur le site de la foire deChâlons-en-Champagne levendredi 7 septembre 2012.À cette occasion, les membresdu SAF-Club ont été accueillispar Philippe Ravillon, leprésident des Concessionnairesde matériel agricole.M. Ravillon a plus

particulièrement présenté la concession dont il est le PDG et qui a été créée en novembre 1957 par sesparents, eux-mêmes descendants d’un entrepreneur de moissonnage-battage. La concession « Ravillon » est la dixième entreprise de distribution de matériel agricole française de par son chiffre d’affaires ;elle emploie 160 salariés répartis sur huit sites de la Marne et zone limitrophe.Les premières marques de tracteurs qui y ont été commercialisées étaient « Porsche », « Hanomag », puis « Avto ». Aujourd’hui ce sont les marques « Case » et « New Holland » qui sont à l’affiche. En cequi concerne les moissonneuses-batteuses, la marque « Braud » est arrivée en 1966. Aujourd’hui ce sont lesmarques « Case » et « New Holland » qui sont commercialisées et couvrent 50 % de la part de marché régional.Les membres du SAF-Club ont pu assister à la présentation d’un dispositif de guidage par satellitedes tracteurs et engins tractés. Ce système, mis en place depuis 2008, équipe actuellement 118 tracteursagricoles dans la région et tend à se développer. Bruno Day

28 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

SALON INNOVAGRI

Succès pourla conférence sur l’eau

À LA SAF

BRÈVES

Comme chaque année, les membres du SAF-Club ont apprécié lors de leur déplacement les nouveautés techniques

présentées dans le cadre de la foire de Châlons.

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INTERVENTION

« Transmettre nos exploitations : le choix d’une vie, un enjeu de société »Jean-Baptiste Millard, avocat spécialisé en Droit rural et administrateur de la SAF, aparticipé le 13 septembre 2012 à la conférence Agribanque « Transmettre nos exploitations :

le choix d’une vie, un enjeu de société » organisée par le Crédit Mutuel Sud-Ouest à Cognac(16). Retrouvez soninterview, dans laquelleil présente la SAF etles préconisationspour la transmission des exploitations sur lesite www.agriculteursdefrance.com/intervention (accessible pour lesadhérents de la SAF).

22 NOVEMBRE 2012 : « L’agriculteurproducteur de biodiversité »

Les IXes Rencontres de Droit rural orga-nisées par la SAF en partenariat avecl’AFDR se tiendront le 22 novembre2012 à Paris, rue d’Athènes. Cetteannée, le thème choisi est « L’agricul-teur producteur de biodiversité :l’exemple des mesures compensatoires.Quelles finalités pour les territoires etles agriculteurs de demain ? ».

La compensation des atteintes portées à la biodiversité par tous projetsde travaux est une exigence juridique de plus en plus importante pour lesmaîtres d’ouvrage. La dernière évolution est issue du dispositif de l’étuded’impact entré en vigueur le 1er juin 2012. Les agriculteurs sont concer-nés, car ce dispositif suppose des mesures de restauration, de réhabili-tation, de création ou de préservation d’habitats à mettre en œuvre dansla périphérie du site impacté dans un laps de temps pouvant aller jusqu’à60 ans. À l’heure où, une loi sur la biodiversité est annoncée pour 2013,les IXes Rencontres de Droit rural s’intéressent aux opportunités offertesaux agriculteurs en tant qu’acteurs de l’aménagement du territoire.

Programme et inscription sur le sitewww.agriculteursdefrance.com ou [email protected]

La conférence régionale organisée par la SAF le6 septembre 2012 dans le cadre du salon Innovagria attiré de nombreux visiteurs. La problématique« Gestion de l’eau : tous acteurs ! » était parti-culièrement adaptée à cette zone d’agricultureirriguante. Retrouvez les documents des interve-nants et les vidéos de la conférence sont accessiblessur le site www.agriculteursdefrance.com

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Thibaut Aubergé est le fils dePatrick Aubergé, exploitant agri-cole céréalier à Ablis (Yvelines).

Diplômé de l’ISA de Beauvais, Thibautn’avait pas l’intention de poursuivre laproduction céréalière de son père. Pour-quoi les oignons ? C’est à la suite d’unvoyage en Angleterre où le père et le filss’étaient rendus pour se documentersur du matériel d’irrigation, que cetteidée a « germé ». Une démonstrationdes performances du matériel leur aété faite sur place, sur une exploita-tion d’oignons, dont lesAnglais sont très friands.De retour chez eux, ilsont étudié la possibilitéde cultiver à leur tourdes oignons blancs, car le marchéanglais offrait des débouchés. Préci-sons aussi que M. Patrick Aubergé aune formation d’ingénieur en machi-nisme agricole, ce qui lui a permis d’in-venter du matériel « maison » pour lelavage, le triage et le conditionnementdes oignons.Au départ, Patrick Aubergé a démarréla culture des oignons sur 1 ha. Aujour-d’hui, cette culture s’étend sur 60 ha,répartis à Ablis, à La Forêt-le-Roi, et àCarbonville (45) sur les terres de M. J.-M. Leduc, associé.La culture des oignons blancs (il enexiste aussi des rouges) est une cul-ture difficile. Cet oignon se plaît surtoutdans des terres légères, sablonneuses orici, les terres cultivées sont lourdes etargileuses, ce qui rend l’arrachage dif-ficile, par tous temps. L’arrachage se fait exclusivement à lamain par un personnel saisonnier, prin-cipalement des femmes, originaires deTurquie, de Serbie et du Portugal. Cepersonnel réside dans des localités plusou moins proches, se rend sur l’exploi-tation le plus souvent en train puis

emprunte les navettes de la société.L’entreprise occupe quatre permanentset 30 à 60 saisonniers, selon lesbesoins. Le désherbage est égalementréalisé à la main, car il s’agit d’uneexploitation en agriculture raisonnéequi préserve la fraîcheur et le bel aspectde la partie supérieure de l’oignon querecherchent les clients. M. Thibaut Aubergé travaille dans sonexploitation de 6 heures à 21 heures,15 heures par jour ! Sa femme, Marie,se consacre à la partie administrative.

Dur métier que cette cul-ture des oignons ! Nousl’avons constaté surplace : Thibaut Aubergéest partout à la fois,

dans les champs, car il faut avoir l’œil,savoir décider du meilleur moment del’arrachage ; au téléphone, pour trouverdes solutions quand un problème sepose ou répondre aux exigences desclients.Nous avons pu voir les cueilleuses àl’œuvre : à genoux par terre, elles arra-chent un à un les oignons d’un boncalibre, elles retirent les feuilles jau-nies et rassemblent les oignons enbottes dont la grosseur est celle quepeut contenir une main (15 à 20oignons par botte). Les bottes sont ran-gées dans des caissettes et partent versle hall de lavage et de conditionne-ment. Les bottes doivent d’abord trem-per un moment dans de l’eau pourperdre une grande partie de la terreretenue dans les racines ; puis ellessont lavées à grande eau et triées,encore à la main, placées dans descaissettes qui sont expédiées le soirmême vers les centres de distribution.Actuellement, cette société produit2 millions de bottes d’oignons par sai-son, oignons blancs et aussi, depuispeu, oignons rouges, sous l’appella-

tion « Fraîcheur du Terroir ». Elles sontacheminées vers les Grandes etmoyennes surfaces (GMS), Rungis etexportées vers l’Angleterre, qui resteun marché important.Aujourd’hui, M. Thibaut Aubergé estprésent à Rungis, sur le carreau desproducteurs d’Île-de-France, une justerécompense de tous les efforts accom-plis pour proposer aux consommateursdes produits frais et de qualité. Cette journée s’est clôturée avec l’in-tervention de M. Joël Alexandre, prési-dent de la chambre de Commerce etd’Industrie d’Eure-et-Loir, qui a dresséle tableau de la situation économiquedans le département et celle de M. Phi-lippe Lirochon, président de la chambred’Agriculture d’Eure-et-Loir. ■

À LA SAFSAF-Club de Chartres

29Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Sur le carreaude Rungis

À Rungis, le carreau des producteurs accueille des produitsissus des terres d’Ile-de-France. La fraîcheur est maximale. À peine quelques heures s’écoulent entre l’arrachage des légumes et leur disponibilité en plein centre de Paris.

À la rencontre d’un producteur d’oignons Pour sa réunion de rentrée, le SAF-Club de Chartres, présidé par M. Jean-Louis Bergeot, s’est rendu le4 septembre 2012 sur l’exploitation de Thibaut Aubergé, à La Forêt-le-Roi, dans l’Essonne, pour y découvrirl’arrachage, la mise en bottes, le lavage et le conditionnement des oignons blancs et rouges, avant leurexpédition dans la nuit.

Françoise Roulleau

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CONSTRUIRE INNOVER IMAGINER

30 Agriculteurs de France - n° 201, septembre-octobre 2012

Le terme « écoquartier » est un néologisme apparu enFrance au début des années 2000, signifiant projetd’aménagement urbain à vocation écologique et

durable. Les pays nord européens (Suède, Allemagne etPays-Bas) sont les premiers à s’être lancés dans leurconstruction, dès les années 90. En France, seuls trois éco-quartiers sont déjà achevés, dans les villes d’Auxerre,Grenoble et Mulhouse. Mais près de 600 sont à l’état de pro-jet ou en cours de construction.Depuis 2009, le concept est promu par le ministère del’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, à

travers la démarche « ÉcoQuartier », qui estune mesure phare du plan Ville Durable,dans l ’esprit du Grenelle de l ’Envi-ronnement. Il s’agit de « proposer des loge-ments pour tous dans un cadre de vie dequalité, tout en limitant son empreinte éco-logique », en impliquant les habitants dès la

conception du projet. Pour le ministère, l’ÉcoQuartier ne doitpas être un « territoire d’exception », mais un « levier vers laville durable ». Le premier appel à projets ÉcoQuartier, en2009, a connu un franc succès et a été relancé en 2011 puisen 2012 avec une nouvelle grille d’exigences. En 2012, ladémarche a pris de l’ampleur. Le nombre de villes membresest passé de 160 à 500. Les actions de communicationgrand public sont de plus en plus conséquentes, et la miseen place d’un label « ÉcoQuartier » est en cours.Cependant, les écoquartiers, qui constituent pourtant uneopportunité d’innovation technologique et de création d’em-plois, soulèvent parfois la critique. Pour Vincent Renault, quia achevé en 2011 une thèse consacrée aux projets d’éco-quartiers français, les écoquartiers constituent « un projetsocial abstrait, qui ne vise pas à s’ajuster aux usages sociaux,mais à les subvertir ». Selon lui, les projets actuels d’éco-

quartiers en France, contrairement aux premiers écoquartiersnord européens des années 90, ne répondent pas aux attentesde la société. Il évoque un duel habitants/innovations tech-niques, dans lequel les nouveaux aménagements à vocationécologique, tels que les murs végétaux, causent des nuisancesaux habitants. Il déplore un manque d’implication fréquentdes habitants dans ces projets, malgré la volonté des amé-nageurs de les sensibiliser.Les écoquartiers français, en pleine émergence, cherchentdonc leur voie entre environnement et société, les deuxn’étant pas forcément incompatibles. ■

Pour en savoir plus :

• www.developpement-durable.gouv.fr/-EcoQuartier,3863-.html• www.eco-quartiers.fr

Concilierenvironnement

et société

Écoquartiers : un premierpas vers la ville durable ?Concept apparu au début des années 2000, les projets d’écoquartiers émergent partout en France, tentant de mêler tant bien que mal vocation environnementale et vocation sociale.

Mathilde Salinas

L’Essonne : département pionnier de l’aménagement durablePour la troisième année consécutive, le dépar-tement de l’Essonne, à travers un partenariatentre la DDT et le CAUE, lance l’appel à projet« Essonne Aménagement Exemplaire ». Cetteaction a pour but de faire émerger des projets àla fois durables et originaux, dépassant le simpleaménagement du territoire. Les critères retenustiennent compte de l’opération « ÉcoQuartiers »initiée par l’État, de la démarche « NouveauxQuartiers Urbains » de la région Ile-de-France etdes spécificités du territoire essonnien. Parmi les

lauréats 2011 se trouve le projet d’écoquartier« Clause-Bois Badeau » à Bretigny-sur-Orge,dont les travaux ont déjà commencé. Ce projet,qui s’étalera sur 42 ha de friche agro-indus-trielle située sur l’emplacement du siège histo-rique du semencier Clause, a pour ambition defaire le lien entre la gare existante et la vallée del’Orge. Laissant la part belle à la nature, le quar-tier sera organisé autour de trois grandes prai-ries plus ou moins entretenues, faisant une tran-sition graduelle entre l’espace urbain et l’espace

agricole. La diversification des habitats, incluantune bonne part de logements sociaux, installeraune mixité sociale. Le patrimoine agricole etindustriel sera également valorisé, par la réha-bilitation des anciens bâtiments. D’autre part, lesite, qui se veut à haute valeur environnementale,intégrera les premiers bâtiments « énergie 0 » enFrance, en autonomie énergétique totale. Ainsi,l’écoquartier donnera un nouveau souffle à la villede Bretigny-sur-Orge, lui permettant d’affirmerson identité de « ville à la campagne ».

Détail de l’axonométrie du projet d’écoquartier« Clause Bois-Badeau » de Bretigny-sur-Orge.

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