7
1 L’aléa sismique dans les Petites Antilles : Les leçons du séisme d’Haïti du 12 janvier 2010 Institut de Physique du Globe de Paris Observatoires Volcanologiques et Sismologiques des Antilles (Guadeloupe et Martinique) Résumé Les mouvements permanents de 2 cm/an entre les plaques Amérique et Caraïbe accumulent des forces sur les failles formant la frontière de ces plaques, forces qui se relâchent lors des grands tremblements de terre. Le séisme d’Haïti du 12 janvier 2010 s’est produit sur une de ces failles majeures, faisant partie de systèmes de failles capables d’engendrer des séismes de magnitude importante (entre 7 et 8) avec des temps de récurrence de l’ordre de la centaine d’année. En Haïti, ces failles sont localisées très proche des zones fortement urbanisée, impliquant des intensités importantes (IX ou plus). Dans les Antilles Françaises, la faille majeure est la subduction de la plaque Amérique sous la plaque Caraïbe, capable d’engendrer des séismes encore plus importants, de magnitude supérieure à 8 et d’une fréquence comparable aux failles d’Haïti (la centaine d’année). Si la distance de la faille aux zones habitées (70-100 km) atténue les accélérations épicentrales générées par de tels « méga » séismes au niveau des îles de l’arc antillais, des intensités comparables (IX) à celles du séisme d’Haïti sont attendues dans les Antilles françaises (séismes de 1839 à Fort de France et de 1843 à Pointe à Pitre). Les études récentes ont montré qu’il existait d’autres failles, nombreuses, superficielles, localisées dans la plaque Caraïbe, donc proches des îles, et produisant des séismes qui participent au processus de déformation. La magnitude typique de ces séismes est généralement comprise entre 6 et 7 (comme le séisme de Saintes de 2004 de magnitude 6.3, intensité maximale de VIII). Certaines de ces failles, plus longues, peuvent potentiellement produire des séismes de magnitude supérieure à 7 (systèmes de failles de Marie Galante, de Gosier St François) donc des intensités importantes. La fréquence de ces séismes sur une faille prise individuellement est peu connue ; elle est probablement faible (peut être quelques milliers d’années). Le nombre de failles et l’analyse de la sismicité instrumentale et historique montrent qu’un séisme de ce type affecte les îles françaises une à plusieurs fois par siècle. La compréhension de la structure et du fonctionnement de ces failles est essentielle pour améliorer la connaissance de l’aléa sismique. Les actions en cours ou en demande de financement sont les suivantes : - l’établissement d’un réseau d’instruments enregistrant la sismicité et la mesure des défor- mations lentes par GPS, à l’échelle de l’arc des Petites Antilles pour comprendre dans l’es- pace et dans le temps où se localise l’activité et l’état de chargement des failles. - la programmation de campagnes océanographiques pour comprendre la structure et l’état de l’interface de subduction. D’autres campagnes permettront de cartographier les failles intraplaques et caractériser leur activité (vitesse moyenne, magnitudes des séismes, fréquences). - la caractérisation des séismes majeurs qui se sont produits ces derniers milliers d’années, par l’analyse des enregistrements des anomalies de croissance des coraux et la modélisation des déformations des anciennes terrasses marines soulevées. Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

L’aléa sismique dans les Petites Antilles : Les leçons du ... · Figure 1: Bathymétrie et topographie du bassin Caraïbe. Les failles principales sont en traits Les failles principales

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

1

L’aléa sismique dans les Petites Antilles : Les leçons du séisme d’Haïti du 12 janvier 2010

Institut de Physique du Globe de ParisObservatoires Volcanologiques et Sismologiques des Antilles (Guadeloupe et Martinique)

Résumé

Les mouvements permanents de 2 cm/an entre les plaques Amérique et Caraïbe accumulent des forces sur les failles formant la frontière de ces plaques, forces qui se relâchent lors des grands tremblements de terre. Le séisme d’Haïti du 12 janvier 2010 s’est produit sur une de ces failles majeures, faisant partie de systèmes de failles capables d’engendrer des séismes de magnitude importante (entre 7 et 8) avec des temps de récurrence de l’ordre de la centaine d’année. En Haïti, ces failles sont localisées très proche des zones fortement urbanisée, impliquant des intensités importantes (IX ou plus).

Dans les Antilles Françaises, la faille majeure est la subduction de la plaque Amérique sous la plaque Caraïbe, capable d’engendrer des séismes encore plus importants, de magnitude supérieure à 8 et d’une fréquence comparable aux failles d’Haïti (la centaine d’année). Si la distance de la faille aux zones habitées (70-100 km) atténue les accélérations épicentrales générées par de tels « méga » séismes au niveau des îles de l’arc antillais, des intensités comparables (IX) à celles du séisme d’Haïti sont attendues dans les Antilles françaises (séismes de 1839 à Fort de France et de 1843 à Pointe à Pitre). Les études récentes ont montré qu’il existait d’autres failles, nombreuses, superficielles, localisées dans la plaque Caraïbe, donc proches des îles, et produisant des séismes qui participent au processus de déformation. La magnitude typique de ces séismes est généralement comprise entre 6 et 7 (comme le séisme de Saintes de 2004 de magnitude 6.3, intensité maximale de VIII). Certaines de ces failles, plus longues, peuvent potentiellement produire des séismes de magnitude supérieure à 7 (systèmes de failles de Marie Galante, de Gosier St François) donc des intensités importantes. La fréquence de ces séismes sur une faille prise individuellement est peu connue ; elle est probablement faible (peut être quelques milliers d’années). Le nombre de failles et l’analyse de la sismicité instrumentale et historique montrent qu’un séisme de ce type affecte les îles françaises une à plusieurs fois par siècle.

La compréhension de la structure et du fonctionnement de ces failles est essentielle pour améliorer la connaissance de l’aléa sismique. Les actions en cours ou en demande de financement sont les suivantes :- l’établissement d’un réseau d’instruments enregistrant la sismicité et la mesure des défor-mations lentes par GPS, à l’échelle de l’arc des Petites Antilles pour comprendre dans l’es-pace et dans le temps où se localise l’activité et l’état de chargement des failles.- la programmation de campagnes océanographiques pour comprendre la structure et l’état de l’interface de subduction. D’autres campagnes permettront de cartographier les failles intraplaques et caractériser leur activité (vitesse moyenne, magnitudes des séismes, fréquences).- la caractérisation des séismes majeurs qui se sont produits ces derniers milliers d’années, par l’analyse des enregistrements des anomalies de croissance des coraux et la modélisation des déformations des anciennes terrasses marines soulevées.

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

2

Les séismes et la plaque Caraïbe

Les îles des Petites Antilles sont situées sur la même frontière de plaque que les îles des Grandes Antilles, comme Hispaniola (Haïti et Saint Saint-Domingue), entre la Plaque Caraïbe et la Plaque Amérique. Le mouvement relatif permanent entre ces deux plaques, de 2 cm/an, est accumulé élastiquement le long de cette limite, sur des failles qui, par frottement, bloquent ce déplacement qui est restitué lors des tremblements de terre. La fréquence et la magnitude maximale des séismes sur une limite de plaques sont donc dépendantes de cette vitesse relative. Pour comparaison, les bordures de plaques du Pacifique devant absorber 8 à 12 cm/an, les séismes y sont plus fréquents et peuvent être d’une magnitude plus élevée (jusqu’à 9.5 au Chili en 1960) que sur la bordure Caraïbe.

La magnitude correspond à l’énergie libérée lors du séisme. Cette dernière augmente avec la dimension de la faille activée (longueur de la rupture), elle même dépendante de l’amplitude du déplacement sur la faille lors du séisme et au temps de rupture (durée des vibrations sismiques, qui ont des conséquences sur les sollicitations sur les bâtiments). L’intensité, dépendante du lieu où l’on se trouve, correspond aux effets d’un séisme. Au premier ordre elle décroit avec la distance à l’épicentre.

Figure 1 : Bathymétrie et topographie du bassin Caraïbe. Les failles principales sont en traits noirs (épaisseur proportionnelle à leur activité), et les flèches blanches indiquent les directions de déplacement relatif. L’étoile rouge correspond à l’épicentre du séisme d’Haïti du 12 janvier 2010. Les points noirs représentent les séismes historiques importants (d’après Feuillet).

Au premier ordre les conditions aux limites entre les Grandes Antilles et les Petites Antilles étant les mêmes, l’aléa sismique y est comparable. Par contre la localisation de la déformation relativement aux zones habitées y est différente.

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

3

Haïti et la bordure nord de la plaque Caraïbe

Dans les Grandes Antilles, le déplacement entre ces deux plaques est principalement décrochant, c’est à dire que les deux plaques coulissent l’une contre l’autre. Ce mouvement crée une zone de déformation de 250 km de large qui traverse l’île d’Hispaniola (Haïti et la République Dominicaine) et qui est absorbé par plusieurs systèmes de failles :

- Deux systèmes de failles décrochantes linéaires et à pendage vertical, traversent l’île, au nord et au sud, la faille Septentrionale et la faille de d’Enriquillo-Plantain sur laquelle s’est produit le séisme d’Haïti du 12 janvier 2010. Ces deux failles absorbent le principal du mouvement relatif entre les deux plaques, de manière à peu près égale. La magnitude importante du séisme combinée à la proximité de la zone fortement urbanisée de Port Au Prince explique les fortes intensités (IX) observées et donc l’ampleur des dégâts.

- Des systèmes de failles plus plates, principalement inverses (mouvement de rapprochement entre les deux compartiments de faille) sont situées en mer, au large, au nord et/ou au sud de l’île, ainsi qu’au centre. Ces failles absorbent la petite convergence entre les deux plaques à cet endroit.

Cette séparation entre deux types de mouvements est appelée le partitionnement de la déformation. Le système de failles décrochantes est le système principal. Il se prolonge à l’est et à l’ouest sur plusieurs centaines de kilomètres sur des failles majeures dites « lithosphériques ». Absorbant la majorité du déplacement relatif, il engendre donc des séismes plus fréquents, et à priori de magnitude plus importante que sur le système inverse. Sur ce type de décrochements (comme la faille de San Andreas ou la faille Nord Anatolienne) les magnitudes caractéristiques sont comprises entre 7 et 8, rarement supérieures. En Haïti (et en République Dominicaine), le système de failles principales est situé à terre. Il est donc proche des zones habitées. Seule une petite portion de la faille a rompu lors du séisme du 12 janvier 2010 et a donc déchargé ses contraintes, sur une longueur de 50 à 70 km, partie des 250 km de longueur de la faille qui traverse l’île d’est en ouest. Les segments adjacents ont donc été chargés par le séisme. C’est pourquoi sur ce type de décrochements continentaux, les séismes surviennent en cascade, à l’échelle de quelques mois à quelques dizaines d’années comme cela s’est produit lors de la séquence du 18e siècle (1701, 1751, 1770). D’autres séismes d’une ampleur comparable ou supérieure peuvent donc encore se produire proches des zones fortement urbanisées. Ainsi, l’aléa sismique sur l’île d’Hispaniola est et reste très fort, avec de grands séismes (M>7), proches des villes, ayant des temps de récurrence moyens courts (la centaine d’années).

Pour la détermination de l’aléa sismique, outre les analyses de la sismicité instrumentale et de la sismicité historique, on peut y appliquer les techniques de paléo-sismicité terrestre, c’est à dire l’identification et la datation des séismes qui se sont produits durant les derniers milliers d’année, par l’analyse des dépôts dans la zone de faille, à l’aide de tranchées effectuées à travers les failles. Les deux compartiments de la faille étant accessibles on peut aussi y effectuer des mesures de déplacement correspondant à l’accumulation d’énergie élastique sur la faille (par GPS ou interférométrie radar). C’est la combinaison de ces méthodes qui ont permis à Eric Calais et ses collègues d’estimer il y a deux ans, la magnitude du séisme qui s’est produit sur la faille Enriquillo-Plantain le 12 janvier 2010.

Dans les Grandes Antilles, la zone de failles principale, qui passe à terre très proche des zones habitées est capable d’engendrer des séismes de magnitude forte (entre 7 et 8) et fréquemment (centaine d’année).

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

4

L’arc des Petites Antilles

Du fait du changement de direction de la limite de plaque, l’arc des Petites Antilles, situé sur le bord est de la plaque Caraïbe, se trouve en mouvement principalement frontal par rapport au mouvement de la plaque Amérique. Ainsi, à cet endroit le mouvement relatif est majoritairement inverse (compressif), et absorbé le long de l’interface de subduction, zone de contact entre la plaque Amérique qui passe sous la plaque Caraïbe. Comme dans l’arc les Grandes Antilles, la déformation est distribuée sur une largeur de 200 km environ, incluant l’archipel des Petites Antilles. La déformation y est aussi partitionnée entre l’interface de subduction, principal système de failles, et un système de failles dites intraplaques, à l’ouest de la subduction, dans la plaque Caraïbe qui absorbe une petite composante perpendiculaire. Ainsi, plusieurs types de séismes sont attendus, avec des caractéristiques différentes.

Figure 2: Trois types de séismes pouvant se produire au niveau de l’arc des Petites Antilles. Les pointillés représente la trace des failles en surface et les flèches noires leur mouvement.

1 les séismes de l’interface de subduction. La zone sismogénique (zone où s’accumule l’énergie élastique restituée lors des grands tremblements de terre) est située à l’est de l’archipel, sur un large plan incliné vers l’ouest, arrivant en surface dans l’océan Atlantique à une distance d’environ 100 km des îles et atteignant 30-40 km de profondeur à l’est (Figure 2). Cette zone s’étend du nord au sud, sur environ 800 km entre les îles Vierges et Trinidad. Ce sont la largeur de cette zone sismogénique et l’extension souvent linéaire de cette zone de contact qui permettent la rupture de grandes failles et expliquent les magnitudes records observées dans les zones de subduction de la planète (classiquement entre 7.5 et 8.5 et pouvant dépasser 9 comme au Chili, en Alaska ou en Indonésie …). Ainsi dans les Antilles françaises les magnitudes peuvent être plus importantes que celles que l’on peut observer dans les Grandes Antilles, comme les séismes du 19e siècle de Martinique (1839, M∼ 7.5) et du nord de la Guadeloupe (1843, M∼ 8.0). Si la distance de la faille aux zones habitées (70-100 km) atténue les accélérations épicentrales générées par de tels « méga » séismes au niveau des îles, des intensités comparables (Intensité IX) à celles du séisme d’Haïti sont attendues dans les Antilles françaises. Cette magnitude importante (zone de faille de plus de 100 km) affecte donc une très large zone, qui rend difficile l’entraide entre les îles voisines dans un archipel comme les Petites Antilles. La période historique est trop courte pour avoir une bonne connaissance de la récurrence de ces séismes. Elle est de l’ordre de la centaine d’année à l’échelle de l’arc des Petites Antilles.

2 Les séismes intraplaques superficiels dans la plaque Caraïbe participent au partionnement de la déformation, c’est à dire absorbent une petite

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

5

quantité de déplacement différentiel entre les deux plaques (quelques millimètres par an). Ce déplacement n’est pas absorbé le long d’un système de failles localisées et rectiligne comme dans les Grandes Antilles. Cette déformation est distribuée sur de nombreuses failles, comme une multitudes de fractures du bord de la plaque Caraïbe, absorbant un déplacement parallèle à la direction de la subduction. Ces failles sont situées aussi bien au large, en mer qu’à terre, proche des zones habitées. La magnitude des séismes que peuvent engendrer ces failles est directement proportionnelle à leur longueur et donc généralement comprise entre 6 et 7 (e.g. le séisme des Saintes de 2004 ou de Redonda de 1985, tous deux de magnitude 6.3), mais certaines peuvent dépasser 7, comme le séisme d’Antigua de 1974 (M=7.4). Récemment de telles failles ont été identifiées proches des zones habitées (systèmes de faille de Marie-Galante, et de Gosier-St François).

Figure 3 : Cartographie actuelle des failles de la subduction de l’arc antillais. Les ellipses représentent les zones de rupture des derniers grands séismes en subduction (Iles Vierges 1867, Guadeloupe 1843 et Martinique 1839). En rouge les failles d’arrière arc.

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

6

Pour chaque faille prise individuellement, on ne connaît pas la vitesse moyenne ni son temps moyen de récurrence, qui sont probablement respectivement faible (quelques fractions de mm) et long (peut être plusieurs milliers d’année), au vu du nombre de failles sur lesquelles est accommodé le mouvement différentiel. Ce nombre important de failles rend l’exercice de caractérisation de l’aléa sismique difficile. On n’a donc pas aux Petites Antilles une zone de failles continue et rapide dans des zones habitées capables d’engendrer des séismes fréquents de magnitude supérieurs à 7 comme à Hispaniola. Par contre personne n’est épargné sur l’arc. A l’échelle de l’arc des Antilles, un tel séisme de magnitude supérieur à 6 se produit plusieurs fois par siècles.

3 Les séismes de profondeur intermédiaire correspondent au mouvement d’une faille dans la plaque plongeante. Ils sont dus au relâchement des forces présentes dans cette plaque ; leurs relations, leurs interactions avec les précédents types de séismes sont mal connues et leur fréquence difficile à estimer. Le dernier qui s’est produit dans les Petites Antilles est celui de Martinique (M=7.3) de 2007, à 150 km de profondeur. Sur la planète, les magnitudes maximales de ces séismes sont généralement comprises entre 7 et 8 et peuvent se produisent entre 60 et 200 km de profondeur. L’intensité observée est donc très dépendante de la profondeur du séisme.

Sur l’arc des Petites Antilles la zone principale de faille (l’interface de subduction) est plus loin des zones habitées que dans l’arc des Grandes Antilles, et est capable d’engendrer des séismes de magnitude très importante (supérieure à 8) produisant des intensité importantes. Un système de nombreuses failles superficielles d’activité modérées (séismes peu fréquents), et potentiellement proche des zones habitées peut générer des séismes de magnitude comprises entre 6 et 7.5.

La connaissance de l’aléa sismique dans les Petites Antilles

Si la réduction de la vulnérabilité et l’éducation de la population pourront permettre de limiter les conséquences des séismes, l’avancée de la connaissance scientifique de l’aléa sismique est essentielle. Ce sont les données qui permettront d’élaborer des modèles réaliste des risques, base de la réduction de la vulnérabilité. Les priorités sont l’identification et la localisation des systèmes de failles à l’échelle de l’arc des Antilles, la quantification de leur activité, et la compréhension de leur géométrie et de leur mécanique. La plupart de ces structures étant localisées en mer, des campagnes océanographiques sont nécessaires. Il faut aussi quantifier les séismes qui se sont produits ces derniers milliers d’années.On présente ici les actions en cours ou à financer pour améliorer la connaissance de l’aléa sismique dans l’arc des Petites Antilles.

1. Enregistrement de la sismicité et des déformations

L’enregistrement précis et complet de la sismicité instrumentale (sismomètres), combinée à la mesure des déformations lentes (par GPS) dues au chargement des systèmes de failles, sur plusieurs décennies, sont indispensables à la connaissance de l’aléa sismique. Cela permet d’identifier les zones de failles, quantifier dans le temps et l’espace les zones où se localisent la déformation et la sismicité et de décrire l’état de chargement des failles. Dans les Petites Antilles, une modernisation de l’instrumentation sismologique et est en cours à l’échelle de l’arc, coordonné avec les îles voisines (projets CPER et Interreg en cours de montage). Ces stations, mises en place dans le cadre du futur système d’alerte tsunami de la Caraïbe ont aussi un rôle essentiel dans la compréhension de l’aléa sismique. Les zones

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques

7

émergées étant limitées aux îles de l’archipel, l’installation dans l’avenir de sismomètres fond de mer ou OBS (Ocean Bottom Seismometer), ou de géodésie fond de mer serait importante pour couvrir toute la zone d’intérêt.

2. Cartographie des failles et caractérisation de l’interface de subduction par des campagnes océanographiques

La bordure est de la plaque Caraïbe où les failles sont immergée, nécessite la programmation de lourdes campagnes océanographiques. Il s’agit d’imager la structure et la géométrie de l’interface de subduction (extension, segmentation nord-sud, zones de présence de fluides, caractéristiques géophysiques). Il s’agit aussi d’identifier les failles intraplaques dans la topographie sous-marine, d’en déterminer leur activité (vitesse, dates des séismes passés), par l’analyse des sédiments. La cartographie des failles à l’échelle de tout l’arc est importante aussi pour l’identification des failles capables d’engendrer des tsunamis destructeurs. Plusieurs campagnes en mer ont déjà eu lieu ou sont programmées. De nombreuses zones restent encore peu connues ou à étudier.

3. La paléosismicité et la déformation à moyen terme

La description et la datation des séismes majeurs qui se sont produits dans une zone sont essentielles pour caractériser l’activité d’un système de failles (le passé permet de modéliser l’avenir). Les méthodes classiques de la paléosismicité terrestre sont inopérantes dans l’arc des Antilles (principalement immergé). D’autres méthodes, basées sur l’analyse des anomalies de croissance des coraux, mises au point avec succès en Indonésie, sont en cours de développement aux Antilles (projets soutenus par la recherche). De nombreuses terrasses marines émergées témoignent de l’accumulation des déplacements dus aux séismes récents ou de leur succession depuis des dizaines de milliers d’années. Leur modélisation à l’échelle de l’arc permet de comprendre l’évolution de l’activité sismique dans l’espace et dans le temps.

4. Modélisations

En parallèle, il faut continuer à travailler sur la modélisation des sources probables de séismes et de tsunamis. Le BRGM a déjà réalisé la modélisation d’un certain nombre de scenarii sismiques en Guadeloupe, prenant en compte la connaissance du bâti. Ce même travail est programmé sur le département de la Martinique. On peut encore améliorer les modélisations en prenant en compte la dimension de la faille et en améliorant les lois d’atténuation des ondes. L’Université des Antilles et de la Guyane a les moyens de réaliser le même type de scénario pour des sources tsunamigènes. La réalisation de la topographie et de la bathymétrie côtières est nécessaire pour évaluer les impacts.

Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques