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L’ASIE DU SUD ET DE L’EST : LES ENJEUX DE LA CROISSANCE L’Asie du sud et de l’est est l’un des grands foyers de peuplement du monde depuis l’antiquité. Elle est aussi une aire antique de civilisations prestigieuses. Après une éclipse de deux siècles, cet espace se trouve à nouveau au centre de l’économie et de la géopolitique mondiale. Grâce à une croissance record, les pays d’Asie du sud et de l’est sont aujourd’hui un pôle d’impulsion majeur de la mondialisation. Qu’est ce qui fait aujourd’hui de l’Asie du sud et de l’est un pôle d’impulsion de la mondialisation ? I. L’Asie du sud et de l’est : les défis de la population et de la croissance 1. La plus grande concentration de population au monde Le défi démographique Les 55% de la pop mondiale sont essentiellement regroupés dans les géants démographiques (Chine 1,3MD, Inde 1,2, Indonésie 240M, Pakistan 180M, Bangladesh 130M). Hormis le Japon, les nouveaux pays industrialisés (Corée du sud, Taïwan, Sigapour) et la Chine (qui a mené la politique de l'enfant unique depuis 1979, modifiée en 84 pour favoriser la surnatalité féminine à la campagne), les États asiatiques n'ont pas achevé la transition démographique. Les taux de croissance sont donc encore élevés, entre 0,4 et 1,9% par an, maxi 3,1 en Afghanistan et mini -0,1 Japon. La population double donc rapidement au cours du 20° et augmente encore aujourd'hui : l'Inde atteindra 1,7MD en 2050, Indonésie 310M, Pakistan 315, Bangladesh 230. Même si l'indice de fécondité a baissé autour de 2 (sauf en Afghanistan, Népal, Pakistan, Philippines et Timor oriental), la pop continue d'augmenter en raison de 2 facteurs : la part des moins de 15 ans s'élève à 17% en Chine, 33% en Inde et Bangladesh, 28% en Indonésie, 36% au Pakistan. Ces jeunes vont bientôt faire des enfants quelques fois dans des pays très peuplés. D’autre part l’effet de masse entraine automatiquement un fort nombre de naissances.

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L’ASIE DU SUD ET DE L’EST : LES ENJEUX DE LA CROISSANCE

L’Asie du sud et de l’est est l’un des grands foyers de peuplement du monde depuis l’antiquité. Elle

est aussi une aire antique de civilisations prestigieuses. Après une éclipse de deux siècles, cet espace se

trouve à nouveau au centre de l’économie et de la géopolitique mondiale. Grâce à une croissance record,

les pays d’Asie du sud et de l’est sont aujourd’hui un pôle d’impulsion majeur de la mondialisation.

Qu’est ce qui fait aujourd’hui de l’Asie du sud et de l’est un pôle d’impulsion de la mondialisation ?

I. L’Asie du sud et de l’est : les défis de la population et de la croissance 1. La plus grande concentration de population au monde

Le défi démographique

Les 55% de la pop mondiale sont essentiellement regroupés dans les géants démographiques (Chine 1,3MD, Inde 1,2, Indonésie 240M, Pakistan 180M, Bangladesh 130M). Hormis le Japon, les nouveaux pays industrialisés (Corée du sud, Taïwan, Sigapour) et la Chine (qui a mené la politique de l'enfant unique depuis 1979, modifiée en 84 pour favoriser la surnatalité féminine à la campagne), les États asiatiques n'ont pas achevé la transition démographique. Les taux de croissance sont donc encore élevés, entre 0,4 et 1,9% par an, maxi 3,1 en Afghanistan et mini -0,1 Japon. La population double donc rapidement au cours du 20° et augmente encore aujourd'hui : l'Inde atteindra 1,7MD en 2050, Indonésie 310M, Pakistan 315, Bangladesh 230.

Même si l'indice de fécondité a baissé autour de 2 (sauf en Afghanistan, Népal, Pakistan, Philippines et Timor oriental), la pop continue d'augmenter en raison de 2 facteurs : la part des moins de 15 ans s'élève à 17% en Chine, 33% en Inde et Bangladesh, 28% en Indonésie, 36% au Pakistan. Ces jeunes vont bientôt faire des enfants quelques fois dans des pays très peuplés. D’autre part l’effet de masse entraine automatiquement un fort nombre de naissances.

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Le défi de l’urbanisation

Les Etats ayant terminé leur transition démographique (indice de fécondité < 2) se retrouvent confrontés aux problèmes que rencontrent le Nord traditionnel : poids des retraités et financement, mais dans quelques années puisque la population jeune est encore > aux vieux, sauf au Japon (+65 ans 23% pop tot).

Le problème est préoccupant pour la Chine dont l’économie dépend de la quantité de main d’œuvre disponible même si les effets du vieillissement ne seront visibles que dans quelques décennies.

La population est très inégalement répartie à toutes les échelles, avec quelques espaces remarquables : vallée du Gange et Bramapoutre, Java, Chine littorale, deltas... et des déserts (Gobi, montagne birmane, Kalimantan (ex Bornéo).

Le principal défi vient de l'urbanisation rapide puisque l'Asie compte aujourd'hui un cinquantaine de villes de +3M hab. Le taux d’urbanisation n'est que de 50%, ce qui signifie qu'il devrait atteindre 65% en 2050 puisque la ville est l'espace le plus attractif. Les taux et progressions les plus élevés sont en Asie du S et SE, notamment Pakistan, Indonésie et Inde.

Les problèmes sont ceux de la ville, du retard de développement et de la croissance de la population : logement, santé, éducation, approvisionnement en eau potable (en milieu tropical) et traitement des eaux usées, transport publics et privés, saturation des réseaux électriques et téléphone...

La pauvreté dans les villes est un problème majeur. 650 millions de personnes vivent dans des bidonvilles en Asie du sud et de l’est. En Inde des millions de personnes vivent dans la rue tandis qu’au Japon, avec la crise économique, les SDF se multiplient.

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Le défi alimentaire

2. Les enjeux de la croissance

Un pôle majeur de croissance

Asie s’est fortement développée depuis la deuxième moitié du XXème siècle pour représenter aujourd’hui

30% du PIB mondial et 25 % du commerce.

Le déficit en vitamines et en nutriments en Asie

La question alimentaire est stratégique en raison de la pauvreté de la population, du nombre d'habitants parfois trop élevé pour que la région/pays assure une production suffisante (surpopulation localement) et du nombre croissant.

La malnutrition reste un fait important. 200M d'Indiens vivent avec 1 repas par jour, ce qui influe sur la santé et donc la surmortalité infantile 9p316 et sur l'économie, la population anémie ayant une productivité moindre.

Les choix techniques varient peu en-dehors de la Révolution verte, modernisation agricole réalisée dans les années 1960 en Inde qui présente autant d'effets positifs que pervers (pollution). Les tendances récentes sont celles de l'extensification (déforestation à Kalimantan) et de l'appropriation de terres à l'étranger (le land grabbing) : Corée, Chine, Inde et Vietnam investissent dans la terre en Asie et en Afrique, ce qui ne fait que déplacer spatialement le problème agricole et alimentaire, d'autant que les 1° a souffrir de la malnutrition sont les paysans, puis les pauvres en ville.

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Une croissance par grappes

La croissance asiatique suit depuis le XXème siècle le

modèle de développement en « vol d’oies sauvages »

(théorie de l’économiste japonais Kaname Akamatsu

en 1937).

Le développement industriel se fait par étapes.

1 le produit est importé faute d'industrie le fabriquant

2 le produit est fabriqué par substitution aux importations

3 le produit est exporté

4 la production est délocalisée ce qui diminue la production nationale Les 4 étapes se suivent avec des produits de 1°, 2° puis 3° génération, ce qui assure un glissement industriel vers des

techniques et technologies à plus forte valeur ajoutée à chaque nouvelle génération. La production augmente à mesure que le pays s'industrialise, ce qui assure le développement (taux croissance de 10%), les Etats recevant les délocalisations se développant à leur tour.

L'espace le plus développé est donc le Japon qui s'est développé depuis les années 40 sous l'impulsion américaine. Sa croissance repose sur l'innovation, Tsukuba étant l’exemple actuel le plus abouti (cité de l'innovation (technopole) rassemblant 200.000 personnes ). Les structures mise en place par le Japon ont favorisé les exportations : Keiretsu (conglomérat d'entreprises aux activités variées, participation croisées, contrôle d'une banque), MITI (Ministry of International Trade and Industry) et Sogo-Shosha (maisons de commerce qui font l'intermédiaire entre l'industriel japonais et le client étranger).

Les NPI (nouveaux pays industrialisés) 1° génération (les « dragons ») : Corée du sud, Taïwan, Hong Kong, Singapour, ont bénéficié des délocalisations japonaises. Ils deviennent incontournables dans les secteurs dans lesquels ils se sont spécialisés : téléphonie/PC /tablettes/écrans plats, HK jouet électronique...

Les NPI de 2° génération (les « Tigres ») (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines) restent des producteurs de 2° rang mais gagnent lentement en technicité et puissance.

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La Chine a dépassé le RNB du Japon (7000 MD$ contre 5900 au Japon) : c'est l'atelier du monde alors qu'elle est entrée tardivement dans le processus. Elle diversifie ses activités dans le tertiaire.

L'Inde en retard industriel se tourne rapidement vers les hautes technologies pour combler ce retard. Longtemps bureau du monde, elle est concurrencée par la Chine en raison de faiblesses structurelles : société inégalitaire et faible taux d'alpha, tendance longtemps marquée au protectionnisme.

De grandes inégalités

Les inégalités persistent à toutes les échelles. Les espaces les mieux lotis sont en Asie de E et SE, alors que l'IDH reste globalement inférieur à 0,7 en Asie S. Les 2 géants sont respectivement au 101 et 134° rang mondial en terme de développement. Le Japon et les « Dragons constituent par contre des foyers de fort développement.

À l'échelle nationale, les inégalités sont évidentes : Entre villes et campagnes, entre quartiers riches et bidonvilles au sein des villes.

Tous les indicateurs sont très contrastés mais les chiffres sont en constante amélioration, donc l'Asie se développe : le taux de pauvreté extrême est passé de 80 à 20% en 30 ans, même s'il reste 2,2 milliards de pauvres (taux de pauvreté de 60%)

Les inégalités professionnelles restent marquées et se creusent, entre paysans aux techniques arriérées et paysans entrées dans la révolution verte. En Inde Les mêmes écarts se mesurent dans l'industrie et les services, entre les dalits (« Intouchables ») relégués aux tâches impures (récolte et tri des déchets, tanneries...), les ouvriers spécialisés des usines de montage soumis à la NDIT (nouvelle distribution internationale du travail) sans protection sociale, sans droits du travail, aux conditions de vie et de travail équivalentes à celles de l'Europe au début du 19°, et les techniciens et ingénieurs des grandes FTN. On est loin de la moyennisation de la société européenne.

3. Défis environnementaux et tensions géopolitiques

Un environnement dégradé et menacé

En Inde et en Chine, e passage à la révolution verte (intensification) provoque salinisation des sols, pollution des nappes phréatiques et donc perte du potentiel agricole, notamment dans les grandes vallées et deltas. L'extensification nécessite d la déforestation des forêts primaires, notamment en Indonésie où les forêts de Kalimantan sont menacées à court terme par les plantations de palmistes à huile. L'urbanisation rapide et la construction des routes, cad l'artificialisation des sols, perturbe l'écoulement des eaux de surface et l'infiltration ce qui aggrave les inondations en région tropicale, alors qu'ailleurs la surconsommation raréfie la ressource.

D'autre part l'industrialisation forcée reposant sur le transfert des industries polluantes du Nord vers les émergents pose le problème de la pollution de l'eau, de l'air et des sols dans des États qui sont dans le meilleur des cas signataires (sans contraintes) du protocole de Kyoto. Le problème est donc aggravé par le manque de législation portant sur la protection de l'environnement, par manque d'expérience. Les grands États d’Asie connaissent aujourd’hui d’une pollution de l’air record qui pose de fort problèmes de santé publique. La pression sur les ressources est donc maximale en Asie du S et E.

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Des tensions géopolitiques

Conflits sociaux et politiques : ces questions économiques et sociales ont influencé la vie politique asiatique, de manière différenciée selon les cas. En Thaïlande, après le coup d'Etat militaire qui a renversé le 1° ministre ultralibéral Thaksim Shinawatra en 2006, les affrontements entre « cols jaunes » urbains, libéraux et cols « rouges » ruraux pauvres gauchisant ont créé l'instabilité dans la capitale. En Inde, la plupart des régions de l'Est connaissent la guerilla des Naxalistes (maoïstes, donc révolutionnaires, considérés comme terroristes). Ailleurs, les conditions de travail et le sentiment d'être exploité ont poussé les ouvriers de la mondialisation à manifester et à faire grève,

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même si le droit local l'interdit : 200.000 manifestants au Cambodge en 2010, mais aussi au Bangladesh, Pakistan, Chine...

Géopolitique de l'Asie : la géopolitique asiatique contemporaine est l'héritage en partie de la décolonisation et de la guerre froide, elle est rendue complexe par les velléités de puissance des acteurs de la région. Les tensions entre l'Inde et la Pakistan sont encore fortes, notamment à propos du Cachemire. 3 voire 4 États possèdent l'arme nucléaire et sont en tension, notamment pour la possession des îles de Chine méridionale : l'extension de leur ZEE se ferait au détriment de leurs voisins, pour la pêche et les hydrocarbures. Certaines frontières posent toujours problème (Vietnam-Chine, Corée...). Les minorités nationales ne sont pas toujours reconnues et traitées comme telles, notamment dans les États autoritaires (Tibet, Xinjiang, Tamouls du Sri Lanka, tribus des montagnes du Triangle d'Or...). Enfin 2 gros problèmes subsistent : l'Afghanistan et la Corée du Nord.

II. Japon – Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales

Quel pays assurera, à l’avenir, le leadership dans cette région du monde en pleine croissance économique ?

1. Concurrences régionales

Comment se manifeste la rivalité entre le Japon et la Chine en Asie du Sud et de l'Est ?

Les deux géants interdépendants d’Asie

La Chine et le Japon représentent à eux seuls plus de 70% du PIB asiatique (PIB cumulé de 14000 milliards de dollars).

Repères p. 360

Leurs échanges commerciaux se sont intensifiés après l'entrée de la Chine à l'OMC en 2001 : entre 2000 et 2010, les exportations chinoises au Japon triplent, tandis que les importations japonaises en Chine quadruplent.

La Chine est aujourd’hui le premier partenaire économique du Japon (plus de 20% du commerce) tandis que le Japon n’est que le 3ème partenaire de la Chine. Mais le Japon est le 1er fournisseur de la Chine.

Carte 1 p. 361

Les échanges entre la Chine et le Japon représentent aujourd’hui la colonne vertébrale du commerce asiatique. Non seulement leurs échanges directs sont les plus importants de toute l’Asie mais ces deux pays sont les partenaires économiques principaux de la plupart des autres pays d’Asie.

Le Japon a grandement contribué au développement économique de la Chine grâce aux délocalisations de ses usines et reste aujourd’hui le premier investisseur dans ce pays. De même les flux migratoires entre les deux pays deviennent importants (500000 Chinois au Japon et 127000 Japonais en Chine).

Des rivaux économiques

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La suprématie du Japon est financière : le surplus d'épargne, notamment celle des ménages, lui a permis d'accumuler un important patrimoine à l'étranger au point de devenir le premier créancier de l'Asie du Sud et de l'Est.

Doc 2 p. 361

Sa suprématie est aussi technologique : le Japon est devenu une économie de la connaissance axée sur une recherche et une innovation permanentes. Les entreprises japonaises sont parmi les principales pourvoyeuses de brevets au monde.

Carte Toyota

La puissance économique du Japon s’appuie enfin sur ses multinationales qui ont développé en Asie un circuit intégré économique. Les pays en fort développement (Chine mais aussi les Tigres) offrent un réservoir de main d’œuvre où sont fabriquées les pièces détachées tandis que les usines d’assemblage se trouvent au Japon. La bonne santé économique de nombreux pays asiatiques dépend donc du Japon.

La Chine entend s'imposer comme le leader économique dans la région. En trente ans, elle a comblé son retard en s'ouvrant avec succès aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers qui lui ont permis de devenir l'« atelier du monde », notamment celui de l'Asie. Aujourd'hui, elle ambitionne de détrôner le Japon sur le plan technologique en devenant le « laboratoire du monde ».

Des rivaux stratégiques

Le Japon aspire à une normalisation de ses relations avec les pays asiatiques.

Son expansionnisme en Asie entre 1931 et 1945 pèse encore lourd sur celle-ci. Aussi, pour restaurer son influence, il opère un recentrage de sa politique étrangère sur l'Asie en menant une diplomatie économique (aide publique au développement), en s'impliquant dans les questions de sécurité (opérations de maintien de la paix) et en défendant la création d'une Communauté asiatique sur le modèle européen. Sa démilitarisation et sa mise sous tutelle militaire des États-Unis le privent cependant d'un attribut essentiel de la puissance.

Le Japon et la Chine se disputent le leadership stratégique en Asie du Sud et de l'Est. Ils s'engagent pourtant, lorsqu'ils signent le Traité de paix et d'amitié de 1978, à ne pas « rechercher l'hégémonie dans la région Asie Pacifique ».

La Chine aspire à une ascension qui puisse l'imposer comme la seule puissance globale de la région. Sa politique étrangère en Asie vise à renforcer son influence en désamorçant les craintes d'une « menace chinoise ». Elle se décline en trois axes : élimination de conflits frontaliers, même si des contestations sur les frontières maritimes (archipels de la mer de Chine) et terrestres (Himalaya, Taiwan) subsistent ; maintien de la stabilité dans la péninsule coréenne ; diplomatie économique (accords commerciaux bilatéraux, sauf avec le Japon).

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2. Deux puissances aux ambitions mondiales

Le conflit des Iles Senkaku (Diaoyu pour la Chine)

vient périodiquement envenimer les relations

entre la Chine et le Japon. Chacun des deux pays

revendiquent la possession de ces iles

inhabitées pour des raisons historiques mais

aussi économiques (possibilité de pétrole

offshore dans ces eaux).

Des navires chinois viennent régulièrement

patrouiller dans ces eaux tandis que des

Japonais abordent de tant en tant ces iles pour

manifester leurs revendications. Cela déclenche

aussitôt les protestations de l’un ou l’autre pays.

Cette tension est accrue par une montée du

nationalisme de chacun des deux pays allant

parfois jusqu’au négationnisme au Japon

(négation des crimes de guerre).

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Qu'est-ce qui permet au Japon et à la Chine d'atteindre le statut de puissance mondiale qu'ils ambitionnent ?

Puissance établie, puissance ascendante

Doc 3 p. 359

La planète compte deux puissances asiatiques : le Japon et la Chine. La croissance économique de la Chine a entraîné son entrée sur la scène mondiale et son classement dans la hiérarchie des puissances. En 2010, elle détrône le Japon de son rang de 2e économie mondiale qu'il détenait depuis 1968.

Doc 1 p. 359

Les trajectoires des deux puissances asiatiques présentent des similitudes. Ces deux pays longtemps repliés sur eux-mêmes sont contraints par l'Occident à s'ouvrir dans la deuxième moitié du 19° siècle. Après la guerre, ils suivent un modèle de développement fondé sur les exportations (« Haute Croissance » japonaise entre 1955 et 1973 et « Trente Glorieuses » chinoises entre 1978 et 2008). La Chine est passé aujourd’hui à un nouveau stade de croissance, celui du développement technologique. Si le Japon reste dominant la Chine y connait de nombreux progrès.

Le Japon et la Chine présentent cependant une différence majeure : le niveau de vie. Le Japon est une puissance établie ayant un haut niveau de vie, tandis que la Chine est considérée comme une puissance ascendante ou prématurée marquée par un niveau de vie faible. En 2013, entre le PIB par habitant du Japon celui de la Chine, l'écart est de l'ordre de 5 à 1 (38500 dollars pour la Japon, 7000 pour la Chine).

Repères p. 358

De plus, le Japon reste encore une puissance plus mondialisée que la Chine. Ainsi les IDE japonais se répartissent dans le monde entier tandis que les IDE chinois se concentrent avant tout en Asie. Les IDE japonais représentent d’ailleurs encore le double des IDE chinois.

Des puissances économiques vulnérables

La Chine et le Japon pèsent fortement dans l'économie mondiale. Les deux PIB, qui sont loin derrière celui des États-Unis, représentent ensemble 20 % du PIB mondial en 2013. La Chine et le Japon sont devenus les premiers banquiers des États-Unis puisqu'ils détiennent ensemble 45,7 % des bons du Trésor américain en 2011.

Le Japon reste une formidable puissance économique malgré la stagnation qui le mine depuis vingt ans. Il produit certes presque 2 fois moins (Chine 9200 milliards de dollars de PIB, Japon 4900 milliards de dollars en 2013) mais avec douze fois moins d'actifs. Son industrie possède 45 % du parc mondial des robots. Son patrimoine à l'étranger, qui s'élève à 2500 milliards de dollars en 2010, lui rapporte bien plus que son commerce. Mais sa population vieillit et le pays perd des habitants. Le pays ne s’est jamais tout à fait remis de la crise financière de 1997 et sa dette publique représente plus de 200% de son PIB

La Chine est une puissance économique récente mais très dépendante de l'extérieur. Sa stratégie de sortie du sous-développement la transforme en plate-forme d'assemblage de produits fabriqués ailleurs, ce qui en fait le 1° exportateur mondial depuis 2009. Elle l'oblige aussi à s'approvisionner en matières premières en se liant avec les parties utiles du monde (Afrique, Asie centrale et Moyen-Orient). La Chine a été très

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durement touchée par la crise économique de 2008, la croissance du pays connait un ralentissement durable qui fait craindre des troubles sociaux au gouvernement qui durcit donc sa politique intérieure.

Des puissances géopolitiques ambitieuses

Le Japon et la Chine pèsent différemment dans les rapports de force internationaux. Démilitarisé à l'issue de la guerre et protégé par les États-Unis, le Japon est un « nain politique ». Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et du club des États ayant l'arme nucléaire, la Chine se veut le leader des BRICS.

Confronté à la Chine, le Japon entend jouer un rôle politique mondial en s'émancipant de la tutelle des États-Unis. Depuis 1992, il participe aux opérations de maintien de la paix (Irak, Afghanistan). En 2000, le Japon revendique un siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Parallèlement, il s'assure une image positive dans le monde en vantant le Cool Japan.

La Chine ambitionne de jouer un rôle politique mondial et d'égaler, voire dépasser, les États-Unis. Elle défend l'idée d'un partenariat privilégié avec eux, que certains nomment G2. La conquête de l'espace et des abysses, l'ouverture des instituts Confucius, le développement de médias internationaux (CCTV, agence Xinhua), le nombre croissant d'étudiants chinois à l'étranger et la diplomatie du panda sont les signes de son aspiration à devenir une superpuissance.

Conclusion

L’Asie est aujourd’hui un pôle incontournable de l’économie mondiale. Premier pôle démographique et économique, première zone de croissance, elle est appelée à jouer un rôle de plus en plus central. Cependant elle fait encore face à de nombreux défis : démographiques, de développement, politiques. Ses deux locomotives, le Japon et la Chine, sont en concurrence pour le leadership régional tandis que la seconde s’affirme de plus en plus sur la scène mondiale.