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Lacan quotidien
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2Jeudi 16 avril 2015 23h00 [GMT + 1]
NO 503 Je naurais manqu un Sminaire pour rien au monde PHILIPPE SOLLERS
Nous gagnerons parce que nous navons pas dautre choix AGNES AFLALO
www.lacanquotidien.fr
Autisme
Lettre ouverte Madame Sgolne Neuville Secrtaire d'tat charge des Personnes handicapes et de la Lutte contre l'exclusion,
auprs de la ministre des Affaires Sociales
Madame la Secrtaire dtat,
LInstitut Psychanalytique de lEnfant est un rseau scientifique qui fdre de
nombreux praticiens - psychologues, psychiatres, psychanalystes, ducateurs, infirmiers,
orthophonistes, psychomotriciens -, mais aussi des enseignants, et des institutions sanitaires
et mdico-sociales, accueillant entre autres des enfants et adolescents autistes. Actuel
secrtaire de cet Institut, je recueille de nombreux tmoignages qui font apparatre des
changements importants et notables propos de la rception de la question de lautisme et
propos des solutions explores depuis le lancement du 3e Plan Autisme en 2013. Il me semble
quen 2015, ces changements esquisss mais effectifs sont de nature apaiser les tensions
apparues autour de cette question et, loccasion de la tenue du Conseil National Autisme
que vous runissez ce jeudi, je souhaitais vous faire part de ces constats.
Pour les personnes qui souffrent dautisme, les choses ont chang. Des films, des
documentaires, donnent la parole aux personnes autistes ou ceux qui les accompagnent. Ils
ont t diffuss dans de nombreux mdias, tmoignant de faon claire et documente des
souffrances endures, des possibilits offertes ou espres, du dvouement mobilis, de
lcoute ncessaire. Des ouvrages de parents, de sujets autistes dits de haut niveau , de
professionnels engags, sont parus, apportant un clairage souvent trs pertinent sur ce qui
est dsign par le terme de monde de lautisme , savoir la grande difficult entrer en
contact avec autrui et les diverses dfenses mises en uvre par le sujet pour se protger de
toute demande trop directe.
Des structures daccueil fondes sur des rducations de type comportemental ont t
cres. Je nai pas eu connatre les rsultats de ces actions privilgies par le Plan Autisme,
mais sont-ils dun ordre diffrent que ceux depuis longtemps reconnus par les
praticiens dans les structures de soin dj existantes ? savoir, un abaissement du seuil
dangoisse pour les sujets du fait mme de trouver une place reconnue ; une amlioration
rapide des symptmes ; puis linstallation dune zone de dfense qui quelquefois surprend
les accueillants ; une sensibilit nouvelle aux vnements de vie ; la ncessit dun
accompagnement au long court.
Nanmoins, vous le savez, il reste encore trop denfants, dadolescents et dadultes
autistes qui ne trouvent pas de lieu daccueil personnalis et qui ne bnficient pas de projets
pdagogiques et thrapeutiques tenant compte de leurs singularits et de leurs affinits.
Doit-on mettre en pril ce qui est actuellement en place et dsigner comme mal forms les
professionnels investis dans les structures existantes ?
Pour les parents denfants autistes, les choses ont chang. Ils peuvent faire entendre
leurs voix, diverses, et faire valoir leurs difficults et leurs attentes dans de nombreux mdias
et auprs de nombreuses instances, commencer par le Comit National Autisme. Leurs
associations sont coutes et sigent dans ces mmes instances. Elles exercent un lobbying
actif et de longue haleine auprs des parlementaires, des dcideurs dentreprise et des
grands mdias nationaux. Leur action a t le fer de lance des changements actuels
concernant la rception du handicap dans le grand public et semble introduire de grands
changements dans les politiques de sant publique en psychiatrie de lenfant. Cette
reconfiguration en cours est venue incontestablement rencontrer dautres intrts :
promotion des neurosciences comme porteuses de grands espoirs dans ltiologie des
grandes pathologies dites mentales , dsormais promues comme dysfonctionnements
crbraux ; promotion de rseaux de soins libraux au dtriment des structures publiques
(CAMPS, CMP, PMI) ; promotion de centres experts au dtriment des structures
polyvalentes ; promotion du contrle et de lvaluation administrative au dtriment de la
conversation entre pairs.
Et pourtant, malgr lamlioration reconnue dans la prcocit du dpistage, dans le
raccourcissement du dlai de prise en charge, dans louverture de loffre de soin, lannonce
du diagnostic dautisme reste un moment toujours douloureux pour les familles, toujours
dlicat pour le praticien qui sen fait responsable, quels que soient les tests et mthodes
daide au diagnostic utilises.
Pour les professionnels en charge de personnes autistes, les choses ont chang.
Jusqualors chacun exerait avec ce quil estimait le meilleur de ses acquis de par sa
formation, son exprience, ses changes avec ses pairs, et avec lapprciation de ses
responsabilits envers les patients et leurs familles. Depuis dj de nombreuses annes, le
travail en quipe pluridisciplinaire stait galement impos tous, ralisant un consensus
concernant lautisme, indispensable la fois pour le diagnostic et pour la mise en place dun
projet personnalis : structure de soin, inclusion scolaire, accompagnements, prises en charge
spcialises, conseils aux familles. Ces actions, pilotes rappelons-le par les plans de sant
publique successifs, nont pas pu rpondre laccroissement des besoins et nont pas t
accompagnes de la cration dunits daccueil spcifiques. De plus, comme voqu
prcdemment, lautisme lui-mme sest vu contest dans son statut pralable de maladie
mentale . Le paradigme mdical et psychiatrique, quoique amnag par une tradition
humaniste de la psychiatrie de lenfant en France, est apparu comme obsolte, voire comme
scandaleux pour certaines familles et pour certains autistes eux-mmes. Pourtant, de faon
paradoxale, la notion de handicap , revendique par ces mmes familles ou associations,
ne vaut en France que dans la reconnaissance de sa dpendance causale une affection
identifie ou un accident, ouvrant des droits allocation et prise en charge des soins
mdicaux affrents cette affection.
Nanmoins les professionnels ont pu tirer des consquences de ces mises en cause, de
ces mises en question, quelquefois vcues par eux comme injustes, car ayant t les premiers,
pour certains, sortir lautisme et les personnes autistes du statut asilaire o ils avaient t
longtemps cantonns.
Ces consquences sont les suivantes :
- lautisme restant jusqu aujourdhui, malgr certains effets dannonce, un trouble singulier
dorigine inconnue, affectant les grandes fonctions de relation, il gnre de nombreuses
hypothses tiologiques et fonctionnelles dont aucune jusqualors na t valide ;
- de ce fait, de nombreuses possibilits de prise en charge, daccompagnement, daccueil, de
soins, sont dsormais connues et proposes aux personnes autistes et leurs familles ; le plus
grand nombre respecte la singularit de la personne autistique, tient compte du niveau
dangoisse provoqu par la rencontre et la demande, adapte cette demande ducative,
pdagogique ce qui est supportable, utilise les mthodes mises disposition, sans
dnigrer dautres mthodes. Ce niveau de tolrance respectueuse a certainement besoin
dtre restaur, entre autre par laction de la puissance publique.
- mais plus radicalement, les professionnels sont conduits modifier leur regard sur
lautisme et la personne autiste, et modifier leur mode de prsence auprs deux : ils sont
dsormais appels tre accompagnateurs , passeurs , traducteurs , facilitateurs
entre le sujet autiste avec sa logique rigoureuse, quelquefois implacable, et le monde
commun partag, fait de bruit et de fureur. Dans ce rle, ils sont partenaires des familles et
pourtant se doivent dagir selon les principes qui gouvernent leur action ducative,
pdagogique, mdicale, psychologique
Les pouvoirs publics diront quelles sont les structures qui paraissent aujourdhui les
mieux adaptes laccueil et laccompagnement des personnes autistes et de leurs familles.
Ils peuvent choisir de les loigner des prises en charge actuelles de la psychiatrie publique, et
cest actuellement, semble-t-il, la sensibilit qui domine. Ils peuvent solliciter massivement le
milieu scolaire pour y faire une place nouvelle aux autistes, qui respecte leurs rythmes et leur
tolrance au changement. Ils peuvent chercher reconfigurer le secteur dit mdico-social
pour ladapter aux nouvelles catgories de handicaps issus de la nouvelle nosographie
psychiatrique amricaine. Ce sont des choix politiques difficiles, qui ne sont pas sans
consquences, dont il faudra chacun tenir compte.
Les pouvoirs publics peuvent galement tre tents de promouvoir certaines
mthodes plutt que dautres dans la prise en charge des personnes autistes. Ces
recommandations , que certains veulent ensuite faire valoir comme obligations ,
produisent immanquablement des conflits entre partisans des unes et des autres, chacun
ayant de bonnes raisons pour faire valoir celle qui a permis son enfant de trouver un
apaisement et sortir de son enfermement. Pour notre part, depuis la place qui est la ntre,
ayant lopportunit de recueillir les tmoignages de nombreux parents, de nombreux
professionnels, et daccompagner de nombreux sujets autistes, nous ne saurions que
recommander aux pouvoirs publics dviter de prendre ici parti, au risque de relancer des
conflits qui fort heureusement sapaisent, chacun se confrontant dsormais une certaine
longue dure ncessaire un accompagnement de qualit.
Madame la Secrtaire dtat, je me suis permis de vous faire part de ces apprciations
partages par mes collgues et par les familles des enfants et adolescents dont nous avons le
souci, en esprant quelles trouveront auprs de vous lattention que nous pensons quelles
mritent. Restant votre disposition, je vous prie de recevoir lexpression de mes salutations
distingues.
Pour lInstitut de lEnfant,
Docteur Daniel ROY, secrtaire
Le 16 avril 2015
Adresse Madame Sgolne Neuville, Secrtaire dEtat aux personnes handicapes
Aprs son discours au Comit National Autisme du 16 avril 2015
Madame la Secrtaire dtat,
Vous avez le souci de largent du contribuable et de la qualit des interventions qui sont
finances par les pouvoirs publics, et nous vous en sommes reconnaissants.
Vous souhaitez vous appuyer sur des preuves scientifiques pour orienter votre politique, et
ce souci de rigueur vous honore.
Cependant, je tenais vous alerter sur le fait que, concernant la question de lautisme,
- la HAS * na pu accorder aucune mthode le niveau de preuve de grade A, ce qui
signifie quelle reconnat labsence de preuve scientifique de lefficacit des
diffrents modes de prise en charge.
- Une recommandation nest pas une norme, ni une obligation. Cest une aide la
dcision pour le mdecin.
- En aucun cas ces recommandations ne sont opposables. Cest contraire leur
principe.
- Vouloir empcher la pluralit des formations est contraire lesprit de la
rpublique et la loi.
Rassemblement
Pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle
Nous tenons par consquent soutenir la ncessit dune approche plurielle des autismes,
car les tiologies autant que les formes cliniques sont multiples, et il ne parat pas rationnel
de proposer une mthode unique pour des affections aussi varies.
Ce qui apparat ici comme un conflit entre mthodes ou entre positions idologiques ne doit
pas voiler le fait que ce que nous avons dfendre en commun, en tant quassociations de
familles, cest avant tout la cration dun nombre suffisant de places pour accueillir nos
enfants, les aider devenir adultes, et savoir quils seront accueillis lorsque nous ne serons
plus l pour les protger. Le principal retard de la France se situe ce niveau.
Nous sommes dailleurs rattraps sur ce plan par le Qubec qui a tout investi dans les
mthodes que vous voulez rendre exclusives, au dtriment des autres mesures, pensant quil
y aurait beaucoup moins dadultes dpendants grce cette technique. Il se trouve oblig de
constater quil nen est rien, et le manque de places et de prise en charge pour personnes
autistes dpendantes se fait cruellement sentir, chez eux aussi !
En effet, nous attirons votre attention sur le fait que dans les pays que vous prenez pour
modles et qui pratiquent depuis 40 ans ces mthodes, les tudes indiquent que le nombre
de personnes autistes adultes dpendantes est quivalent ce que nous constatons chez
nous.
De mme, lors de la journe parlementaire sur lautisme du 8 avril dernier, Monsieur Marc
Bourquin, directeur du ple mdico-social de lARS dIle de France, a dclar quil ny avait
pas de preuve quun accompagnement intensif cognitivo-comportemental trs jeune
permette de faire des conomies par la suite.
Nous attendons avec intrt une dcision de votre part dvaluer ce quil en est rellement de
lefficacit des 28 centres exprimentaux ABA mis en place voici plusieurs annes dj avec
largent public, et faisons remarquer que dans les tudes sur lABA pratiques jusquici, le
groupe tmoin na jamais t suffisamment dfini et, quen particulier, ces tudes nont
jamais compar leur efficacit celle dune prise en charge plurielle telle quelle est pratique
dans dautres tablissements de notre pays.
De notre ct, nous pouvons dores et dj dire que des tudes scientifiques sont en cours en
France, visant valuer la pertinence dautres approches, et que nous avons de bonnes
raisons desprer prochainement des rsultats intressants qui obtiendront un niveau de
preuve suffisant pour quelles soient recommandes. Car pour HAS "non consensuelle",
"non recommande" ne signifie pas "interdite", mais dsigne l'absence d'tude sur une
question.
Enfin, la HAS na pas du tout, en 2012, mis laccent sur linclusion*. Doit-on laisser tomber
cette revendication ?
Elle a discrdit TEACCH en lui confrant un grade C : doit-on interdire les
pictogrammes ou couper le financement des tablissements qui les utilisent ?
Comment traite-t-on de la violence par les mthodes cognitivo-comportementales ? Il
nexiste aucune tude scientifique sur ce point crucial et frquent.
Est-il ncessaire de rappeler que dans la classification NICE, quivalent de la HAS au
Royaume Uni, la mthode dont vous voudriez imposer lexclusivit nest pas mme
mentionne.
Doit-on faire remarquer que Laurent Mottron, avec lexprience de 15 ans de pratique ABA
au Qubec, nous met en garde et nous dconseille de nous engager dans cette voie ? Serait-
ce dj une mthode obsolte ?
Nous sommes bien placs, nous parents pour savoir quen matire dautisme, il faut inventer
tous les jours, et que ce nest pas toujours compatible avec une dmarche hyper-protocolise.
Nous souhaitons donc maintenir la porte ouverte toute possibilit dinvention et de
recherche, afin doffrir nos enfants tout ce qui peut leur permettre de progresser
et dapporter leur propre singularit la richesse de lhumanit.
Le RAAHP rassemble plusieurs associations de parents : "La Main l'Oreille", "Autisme
libert", "Plagie", "Autisme Pluriels", "La Tribu de Lulu" et "Autisme Espoir" et "Les enfants
de l'Albatros".
Christine Gintz
Secrtaire Gnrale du RAAHP
Le 16 avril 2015
Lexique
- HAS : la Haute Autorit de Sant a sorti en mars 2012 des recommandations de bonnes
pratiques pour les enfants et adolescents autistes qui ont suscit de violentes polmiques.
En effet lapproche psychanalytique de lautisme y tait prsente comme non prouve
scientifiquement et non consensuelle alors quune mthode cognivo-comportementale,
lABA, base sur le conditionnement oprant, y recevait un traitement de faveur.
Jusqu ce jour aucune des nombreuses recommandations de la HAS dans tous les domaines
de la sant navait eu force de loi. Utiliser la HAS pour tenter de lgitimer des choix
idologiques et politiques est contraire au droit et discrdite cette Haute Autorit.
La dcision de refuser daccorder un agrment (ou mme de le retirer) aux organismes de
formation qui ne diffuseraient pas exclusivement cette mthode controverse, ou encore la
menace de ne plus financer les tablissements rcalcitrants, sont autant datteintes graves aux
liberts de pense, dexpression et de la recherche.
- Linclusion : au contraire de lintgration qui vise ce que des personnes en marge de la
socit voluent et sadaptent pour y trouver leur place, une politique dinclusion vise
transformer la socit pour que ces personnes, quelles que soient leur difficults, puissent
avoir accs toutes les sphres de la socit : cole, emploi, transports, culture, etc.
La loi de 2005, qui rendait opposable le droit pour tout enfant tre scolaris dans lcole
publique de son secteur, a t la premire grande rforme en faveur de linclusion.
Depuis 2 ans ce thme a pris une place centrale dans les discours sur le handicap, ce qui
ntait pas encore le cas au moment de la rdaction des recommandations de 2012.
Lacan Quotidien publi par navarin diteur
INFORME ET REFLTE 7 JOURS SUR 7 LOPINION CLAIRE
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