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L'accessibilité des archives historiques concernant la seconde guerre et l'immédiat après-guerre en Belgique

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This article was downloaded by: [The University of Manchester Library]On: 18 December 2014, At: 08:19Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number:1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street,London W1T 3JH, UK

European Review ofHistory: Revue européenned'histoirePublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/cerh20

L'accessibilité des archiveshistoriques concernantla seconde guerre etl'immédiat après-guerre enBelgiqueThierry GrosboisPublished online: 01 Jul 2010.

To cite this article: Thierry Grosbois (2001) L'accessibilité des archiveshistoriques concernant la seconde guerre et l'immédiat après-guerre enBelgique, European Review of History: Revue européenne d'histoire, 8:2,253-268, DOI: 10.1080/13507480120074297

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European Review of History—Revue europeenne d’Histoire, Vol. 8, No. 2, 2001

Practical Information—Informationpratiques

L’accessibilite des archives historiques concernant laseconde guerre et l’immediat apres-guerre en Belgique

L’Etat belge s’est peu soucie de classer, preserver, et rendre accessibles les archives publiques,celles de la plupart des administrations centrales restant souvent inaccessibles aux historiens. Parailleurs, la question royale eut un impact a la fois sur l’ouverture et la mise a disposition des fondsd’archives of� ciels et prives concernant la seconde guerre mondiale, et sur l’orientation destravaux de l’historiographie belge.1

Les circonstances propres a la guerre elle-meme ont provoque un eclatement entre plusieursinstitutions concurrentes productrices d’archives: les autorites allemandes d’occupation pour laBelgique et le Nord de la France, les autorites allemandes de Berlin, les milieux de lacollaboration, les ministeres restes en Belgique occupee sous l’autorite du Comite des SecretairesGeneraux, la Resistance, et le gouvernement belge de Londres. L’accessibilite des traces laisseespar ces divers pouvoirs concurrents s’est revelee tres variable apres la guerre, au point que lesprogres de l’historiographie belge eurent a en souffrir pendant plusieurs decennies. Examinons lesraisons expliquant cette evolution disparate, re� etee dans l’etat actuel de la documentation.2

1. Les archives allemandes

Les archives d’origine allemande furent con� squees par les Allies immediatement apres la guerre.Celles decouvertes dans les zones d’occupation occidentales de l’Allemagne furent centralisees parles Americains a Alexandria, aux Etats-Unis. Le classement et l’inventaire systematique desdocuments nazis furent entrepris. Le micro� lmage integral permit a toute institution scienti� qued’en acquerir des copies. Les originaux furent ensuite peu a peu retrocedes au Bundesarchiv de laRFA. Grace aux inventaires mis a disposition, le CREHSGM a Bruxelles put acquerir lesmicro� lms concernant la Belgique occupee. Aux fonds inventories a Alexandria s’ajoutent lesarchives du ministere nazi des Affaires etrangeres, depouillees et inventoriees a Londres, avantd’etre deposees a Bonn. Et les archives con� squees par l’URSS, qui furent partiellement renduesaccessibles en RDA. La � n de la guerre froide en 1990 permit d’ailleurs l’ouverture des archivessovietiques, ou � guraient des fonds concernant l’ensemble de l’Europe occupee par les nazis, ence compris la Belgique. Mais les archives allemandes ainsi repertoriees restent fragmentaires, enraison des pertes subies par la disparition d’une partie des dossiers.3 Redecouverts a Moscou par

1. Quelques abreviations doivent etre explicitees: ARA (Algemeen Rijksarchief a La Haye), AGR (ArchivesGenerales du Royaume a Bruxelles), ARCA (Archives du monde catholique, Louvain-La-Neuve) , AMSAB(archives du monde socialiste, a Gand), CREHSGM (Centre de Recherches et d’Etudes Historiques de la Secondeguerre mondiale a Bruxelles, devenu le CEGES, Centre d’Etudes et de Documentation “Guerre et Societescontemporaines ”), KADOC (archivesdu monde social-chretien � amand, a Louvain), FPHS (Fondation Paul-HenriSpaak a Bruxelles), MRA (Musee Royal de l’Armee a Bruxelles), UCL (Universite Catholique de Louvain aLouvain-La-Neuve) , ULB (Universite Libre de Bruxelles).

2. Lire egalement l’apercu general propose par: D. Martin, Guide succinct des sources archivistiques relativesa l’histoire de l’occupation en Belgique, Bruxelles, 1996 (CREHSGM).

3. J. Gotovitch, “La seconde guerre mondiale en Belgique. Orientation archivistique”, dans Revue belge dephilologie et d’histoire, t. 47, 1969, p. 511–17.

ISSN 1350-7486 print/ISSN 1469-8293 online/01/020253-16 Ó 2001 Taylor & Francis LtdDOI: 10.1080/1350748012007429 7

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des chercheurs du CREHSGM et de l’AMSAB en 1992, les negociations belgo-russes aboutissenten mars 2001 a un accord permettant le rapatriement en Belgique des archives belges con� squeesen 1940 par les nazis et recuperees par les Sovietiques en 1945.4

L’histoire de la Belgique occupee fut donc, dans un premier temps, interrogeable presqueexclusivement par le biais des archives allemandes, les autorites belges s’etant montrees opposeesa l’ouverture des archives belges equivalentes. Ces circonstances expliquent pourquoi ce furent deshistoriens americains qui entamerent les premiers l’etude scienti� que de la Belgique occupee,basees sur les archives allemandes d’Alexandria. Par ailleurs, le premier historien belge a s’etreplonge dans ces fonds, A. De Jonghe, a la � n des annees soixante, realisa un travail pionnier.

2. Les archives administratives

Les archives administratives produites en Belgique occupee par les divers ministeres restent,jusqu’a aujourd’hui, partiellement inaccessibles, pour des raisons diverses. Les nombreusesreformes de l’Etat qu’a connues la Belgique depuis les annees 70 ont certainement contribue a laconfusion generale, voire a la destruction de nombreux documents.

La question royale explique en partie l’inaccessibilite partielle d’archives essentielles, celles dela monarchie, dotees d’un statut de papiers prives proprietes de la Couronne, bien qu’elles soientgerees par des archivistes quali� es des AGR. En 1963, le Roi Baudouin accepta de rendreaccessibles les archives du Palais Royal, geste qui permit peu a peu l’acces a des archivesessentielles du point de vue de l’Histoire de Belgique.5 Si les archives du Cabinet du Roi LeopoldIII sont en partie ouvertes aux Archives du Palais Royal a Bruxelles, en respectant la regle de 50ans, les papiers personnels du souverain n’y sont pas deposes et ne sont donc pas ouverts a larecherche. Les archives du Cabinet du Prince Regent Charles, ainsi que ses papiers prives, sontegalement fermees. Notons que les archives des secretaires du Roi Leopold III, Robert Capelle etJacques Pirenne, sont deposees aux Archives du Palais Royal, de meme que les papiers LouisFredericq, chef de Cabinet.6 J. Velaers et H. Van Goethem furent les premiers chercheurs aexploiter systematiquement ces sources, dans un fort volume ou l’essentiel est dit, bien qu’il soituniquement disponible en neerlandais.7 Par contre, tres peu d’historiens ont recu l’autorisation deconsulter les papiers personnels du Roi Leopold III rassembles par l’asbl fondee par la princesseLilian.8

Si les documents produits par les autorites occupantes sont depuis les annees soixante a ladisposition des historiens, grace a leur con� scation par les Allies, les archives administratives etjudiciaires belges (police, gendarmerie, Surete de l’Etat, divers ministeres) restent au moinspartiellement fermees, ce qui entrave depuis plusieurs decennies l’emergence d’une vision globaledes evenements, basee sur une analyse exclusivement scienti� que et depassionnee. Rares sont lesministeres belges qui se montrerent accueillant vis-a-vis de l’historien, en ouvrant leurs archivesa la recherche. Ce manque total de transparence s’explique par l’absence d’archivistes profession-nels dans chaque ministere, charges de reperer, sauvegarder, et classer les archives meritant

4. J. Gotovitch, “Faut-il reecrire l’Histoire? A propos des archives de Moscou”, dans Bulletin du Centre deRecherches et d’Etudes Historiques de la Seconde guerre mondiale, n°23, automne 1993, p. 4–7 ; D. Martin, Lesarchives de Moscou, Ibid, n°26, 1995, p. 8–11 ; D. Martin, Les archives du Einsatzstab Reichsleiter Rosenbergconservees a Kiev, Ibid, n°33, 1999, p. 11–15.

5. R. Wellens, “Le departement des archives contemporaines aux Archives Generales du Royaume aBruxelles”, dans Archives et bibliotheques de Belgique, t. 59, 1988, n°3–4, p. 234.

6. G. Janssens, “Het archief van het Koninklijk Paleis te Brussel”, dans Archives et bibliotheques de Belgique,t. 62, 1991, n°3–4, p. 307–42; G. Janssens, “La conservation et la consultabilite des document s aux Archives duPalais royal a Bruxelles”, dans Museum Dynasticum, t. 8, 1996, p. 11–19.

7. J. Velaers & H. Van Goethem, Leopold III. De koning, het land, de oorlog, 2e ed., Tielt, 1994.8. C’est le cas de Jean Vanwelkenhuyzen , de Vincent Dujardin et de Michel Dumoulin qui employerent

notamment ces archives dans le cadre de la redaction des biographies de Paul Van Zeeland et Paul-Henri Spaak.

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preservation. Ce genre d’archivistes existe aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, mais pas enBelgique. Les AGR, qui manquent cruellement de personnel quali� e, de moyens budgetaires, ainsique de locaux, interviennent souvent trop tardivement, lorsque les destructions d’archives ordon-nees par les services, par manque de place, ont deja ete realisees.9 Les archivistes des AGR seplaignent de recevoir les versements provenant des ministeres sous forme de depot en vrac de“vieux papiers”, souvent sans meme un repertoire sommaire du contenu, ce qui rend d’autant plusproblematique l’inventorisation ulterieure. Depuis les annees 80, les AGR ont cependant entreprisdes etudes approfondies sur les structures et les competences des ministeres et services publicsdepuis 1830, aboutissant a la publication de nombreuses monographies devenues indispensables ala comprehension du processus de prise de decision belge.10 Les archives du ministere del’Information a Londres, ainsi que des ministeres du Ravitaillement et de la Reconstruction, actifsimmediatement apres la guerre, sont deposes aux AGR mais ne sont pas accessibles fauted’inventorisation. Seules les archives de l’Administration de la Marine, concernant en partie laperiode de guerre, ont fait l’objet d’un inventaire. A l’exception notable des ministeres des Affairesetrangeres et de la Defense, qui ont recu l’autorisation de conserver leurs propres archives, aucunministere belge ne dispose d’un service d’archives centralise, ce qui signi� e que chaquedepartement decide souverainement du sort de ses “vieux papiers”.11 Il faut cependant signaler queplusieurs ministeres disposent de bibliotheques specialisees pouvant etre utiles aux chercheurs quiobtiennent l’autorisation d’y avoir acces, comme par exemple la Bibliotheque Quetelet (AffairesEconomiques) et la Bibliotheque Centrale du ministere des Finances.12

Meme si la montee en puissance des cabinets ministeriels, peuples de conseillers de ministrescourt-circuitant de plus en plus le processus de decision au sein de l’administration belge, date dudebut des annees 60, leur origine remonte a la crise economique des annees 30, ou quelquesexperts, pour la plupart des economistes, furent attires au sein de leur cabinet par des ministres netrouvant pas les competences indispensables au sein meme des ministeres. Cependant, en Belgique,les archives des cabinets n’etant pas considerees comme des documents administratifs, ellesechappent totalement au controle des ministeres competents et leur sort depend du bon vouloir duministre et de ses proches collaborateurs. Seuls des fragments des archives des divers Cabinetsministeriels peuvent etre redecouverts dans les papiers personnels des ministres s’etant succedesau pouvoir. Lors d’une enquete effectuee par le KADOC en 1989, destinee a essayer de retrouverles traces des archives des Cabinets, une surprise desagreable attendait les historiens. Au cours desannees 60, une pratique courante et generalisee consistait, lors de chaque changement degouvernement, a bruler les archives des Cabinets… dans une vieille locomotive situee a Malines!Si le successeur du ministre provenait d’une autre famille politique, la destruction des documentscompromettants etait totale, ceci a� n d’eviter que le ministre entrant en fonction puisse en prendreconnaissance et les utiliser eventuellement a l’encontre de son ou ses predecesseurs. Le ministredemissionnaire ne conservait generalement que la documentation pouvant lui etre personnellementutile pour son travail parlementaire ulterieur ou sa carriere politique future.13 Les ministres desannees 80 continuerent cette pratique, en ne con� ant plus les archives des Cabinets aux � ammes,mais en les destinant au recyclage. Le sort funeste de la plupart des documents des Cabinetsministeriels belges de l’apres-guerre permet de mieux comprendre le peu de consideration de l’Etatbelge pour son patrimoine archivistique!

A la Banque Nationale de Belgique, la discretion reste la politique of� cielle menee par ladirection, soucieuse d’eviter une remise en cause de l’image de la banque. Contrairement ad’autres banques centrales, le declenchement de l’affaire de l’or vole aux Juifs n’a pas suscite une

9. Lire l’interessante analyse de ce processus d’auto-destruction dans: J. Collonval, “Le traitement des archivesdans les administrations belges”, dans Archives et bibliotheques de Belgique, t. 56, 1985, n°1–4, p. 53–63.

10. C. Wyffels, “Les archives belges depuis la seconde guerre mondiale 1945–1984”, dans Archives etbibliotheques de Belgique, t. 55, 1984, n°1–4, p. 239.

11. Une presentation globale des archives administratives dans: R. Wellens, Le departement des archivescontemporaine s aux Archives Generales du Royaume a Bruxelles, p. 227–29.

12. P. Geerts, “La bibliotheque centraledu ministere des Finances”, dans Archives et bibliothequesde Belgique,t. 44, 1973, n°1–2, p. 59–70.

13. Temoignage de Jacques Petit, ancien chef de cabinet du ministre De Paepe dans: “Kabinetsarchieven :Afdeling 2”, dans KADOC Nieuwsbrief, 1989–1990, n°3, p. 8.

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decision d’ouverture de l’ensemble des archives de la BNB, l’institution considerant que cetteaffaire concerne des biens prives, alors que les efforts deployes par la banque pendant la guerreet immediatement apres ont concerne essentiellement la recuperation de l’or monetaire belge. Leshistoriens peuvent consulter les documents deposes au service des archives de la BNB, tandis queles documents les plus sensibles, conserves dans les archives de la direction, restent en principeinaccessible. Les papiers personnels du gouverneur Maurice Frere, en fonction immediatementapres la guerre, sont cependant accessibles aux AGR. Cette situation appara õ t de plus en plussaugrenue, dans la mesure ou d’autres banques centrales, telles que la Nederlansche Bank ou laBank of England, ont ouvert a la consultation leurs archives concernant la seconde guerre. Deshistoriens et des economistes provenant de diverses universites sont cependant en train de redigerune histoire of� cielle de la BNB, completant l’ouvrage deja realise en 1975 pour la periode del’entre-deux-guerres.14

Le ministere de l’Agriculture a vu ses archives detruites par le feu, au point qu’il n’existepratiquement plus de documents anterieurs aux annees 70. Le ministere de la Defense nationaledispose d’une documentation essentielle, concernant a la fois les operations militaires et la defensedu pays, ainsi que des dossiers individuels sur les prisonniers de guerre et les resistants. Ceministere a depose la plupart de ses archives concernant la seconde guerre au Centre deDocumentation Historique des Forces Armees a Evere et au Musee Royal de l’Armee. Le Prof.Luc De Vos, de l’Ecole Royale Militaire, charge avec une equipe de jeunes historiens, d’editer lesdocuments diplomatiques belges relatifs a la defense, posterieurs a 1945, a recu l’autorisation deconsulter ces fonds.15 Si la regle de 50 ans est en principe respectee, les autorisations d’acces auxdocuments conserves par le CDH sont accordees au cas par cas.16

Seuls deux ministeres font exception a ce triste bilan. Le ministere de la Sante Publique disposed’une Direction generale des Victimes de la guerre, issue de l’ancien Commissariat belge aurapatriement, qui a rassemble au � l des annees une documentation remarquable relative auxprisonniers politiques, aux resistants, et aux victimes civiles, destinee a l’octroi des dedommage-ments et des pensions.17 Bien que ces archives soient ouvertes depuis les annees 60, il fallutattendre pres de 15 ans avant que des chercheurs universitaires entreprirent de les exploiter, ce quidemontre le peu d’interet des milieux academiques belges pour la seconde guerre avant le debutdes annees 70.18 Le ministere des Affaires etrangeres dispose d’un service d’archives, qui ouvreen principe les dossiers classes apres un delai de 30 ans.19 Mais les chercheurs desireux deconsulter les dossiers concernant un theme precis de l’histoire diplomatique ne peuvent pasdepouiller eux-memes les inventaires etablis par ce ministere: les demandes passent toujours parl’intermediaire des archivistes du ministere, ce qui laisse toujours planer un doute quant al’exhaustivite des pieces mises a disposition. De plus, contrairement aux pays voisins (que ce soitla France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et meme le Grand-Duche), le ministere des AffairesEtrangeres belge n’a toujours pas juge bon de rapatrier en Belgique les archives historiques desambassades et legations de Belgique a l’etranger. Le sort des archives des ambassades, dont unepartie des dossiers concerne la seconde guerre, est laisse a la discretion du personnel attache achaque representation diplomatique. Or, nous pouvons emettre l’hypothese que les documents

14. H. Van der Wee & K. Tavernier, La Banque Nationale de Belgique et l’histoire monetaire entre les deuxguerres mondiales, Bruxelles, 1975.

15. Documents diplomatiques belges 1941–1960. De l’independance a l’interdependance, vol. 2, ed. L. DeVos, P. Deloge, E. Rooms, J.-M. Sterkendries, Bruxelles, 1998.

16. P. Lefevre, “Les archives du Ministere de la Defense Nationale”, dans Pour une nouvelle loi belge sur lesarchives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 15–17. (Archives et bibliotheques de Belgique, n° special 23).

17. “Le service ‘archives’ de l’administration des victimes de la guerre”, dans Bulletin du Centre de rechercheset d’etudes historiques de la seconde guerre mondiale, n°16, 1986, p. 37–40 ; P. Nefors, “Les archives non classeesde l’Administration des Victimes de la Guerre”, Bulletin du Centre de recherches et d’etudes historiques de laseconde guerre mondiale, n°28, 1997, p. 11–13.

18. J. Gotovitch, “Problemes de l’historiographie de la Belgique pendant la seconde guerre mondiale”, dansSeptentrion, t. 5, 1976, n°3, p. 8.

19. F.Peemans, “Les conditions de consultation des archives conservees dans le cadredu Ministere des Affairesetrangeres”, dans Pour une nouvelle loi belge sur les archives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 15–17. (Archives etbibliotheques de Belgique, n° special 23).

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entreposes aupres des ambassades attachees aupres des grandes puissances (Washington, Londres,Moscou, Paris, Pekin) ainsi qu’aupres de pays restes neutres (Vatican, Stockholm, Madrid, Berneet surtout Lisbonne) contiennent des elements d’information d’une grande valeur historique. Cetetat de fait se voit tres partiellement compense par la mise a disposition des papiers personnels dequelques diplomates belges. Les papiers de Marcel-Henri Jaspar, Charge d’affaires de Belgiqueaupres du gouvernement tchecoslovaque en exil sont deposes aux AGR a Bruxelles, les papiersd’Andre Motte, Charge d’affaires a Lisbonne pendant la seconde guerre, sont au CEGES, mais lespapiers de Robert Silvercruys, Charge d’affaires a Ottawa avant de devenir en 1946 ambassadeura Washington, ont fait l’objet d’un depot aupres d’une universite americaine (GeorgetownUniversity, Lauinger Library). Bien entendu, des destructions, accidentelles ou volontaires, ontdeja eu lieu. Ainsi, un conseiller attache a l’ambassade de Belgique a Londres nous a informe dufait que les archives de cette ambassade, si essentielles du point de vue de l’histoire dugouvernement belge en exil, ont malencontreusement ete detruites par une inondation d’eau dansles caves. Symptomatiquement, ce conseiller ne s’emouvait pas beaucoup de cette destruction. Ilest vrai que le personnel diplomatique des ambassades belges, souvent en sous-effectif, n’a guerele temps de se preoccuper de la preservation des archives.

L’Auditorat Militaire de Bruxelles, qui conserve une documentation exceptionnelle destinee al’instruction des nombreux proces intentes apres-guerre a plusieurs personnalites et institutions del’Occupation, n’a ouvert que tardivement ses archives a des chercheurs bene� ciant d’uneautorisation de consultation. Or, les magistrats de l’Auditorat Militaire elaborerent des synthesesremarquables des enquetes judiciaires, agrementees de nombreux documents inedits. Ces docu-ments, soumis au secret judiciaire, ne purent etre mis a disposition des historiens, entraõ nant pources derniers une perte de temps precieux.20

Les archives de la Surete de l’Etat, dependant du ministere de la Justice, resterent longtempsinaccessibles a la recherche scienti� que. Elles ont fait, en 1995, l’objet d’un depot aupres duCEGES, sans cependant que cette bonne decision soit accompagnee d’une ouverture a l’ensemblede la communaute scienti� que.21 Ce qui explique notre faible niveau d’information sur l’histoiredes services de renseignement belges et allies operant en Belgique occupee sur ordre de Londres.

Avant la creation du CREHSGM en 1969, les Archives Generales du Royaume ont recueilli uneserie de fonds d’archives administratives ou de papiers prives important pour l’histoire administrat-ive. C’est ainsi qu’entre autres, les AGR de Bruxelles conservent les archives de la Chancelleriedu Premier Ministre, de l’Administration de la Marine, du ministere du Travail et les papiers OscarPlisnier (essentiel du point de vue de l’histoire du Comite des Secretaires Generaux).22 Elles ontaccueilli, plus recemment, les archives du Secretariat general du ministere des Finances anterieuresa 1946. Les AGR ont transfere un certain nombre de fonds speci� ques a la seconde guerremondiale au bon soin du CREHSGM apres la creation de ce dernier.

3. Les archives de la Resistance

Apres la seconde guerre mondiale, l’histoire de la Resistance fut brouillee par l’inscription desresistants, des 1945, dans divers statuts de reconnaissance preetablis et � ges, obligeant a lareecriture de l’Histoire selon des criteres non scienti� ques, s’eloignant du vecu reel des resistantsau cours de l’Occupation. A partir de 1948, les lignes de partage ideologique traversant laResistance se sont accentuees, particulierement entre les communistes et les non-communistes, enraison du contexte general de guerre froide. La mise en perspective des motivations de laResistance communiste ne put d’ailleurs etre effective qu’apres la chute des regimes est-europeens

20. En 1995, le CREHSGM signale dans son bulletin avoir recu des archives judiciaires provenant del’Auditorat general, et con� ees au Centre par les AGR. D. Martin, “La consultabilite de nos collections”, dansBulletin du Centre de Recherches et d’Etudes Historiques de la seconde guerre mondiale, n°26, 1995, p. 5–7.

21. Une partie des archives de la Surete de l’Etat ne sera ouverte qu’en 2015 selon D. Martin, “La consultabilitede nos collections”, p. 6.

22. J. Gotovitch, “La seconde guerre mondiale en Belgique. Orientation archivistique”, p. 518–19.

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en 1989–1990.23 En� n, la question royale agit comme un miroir deformant des reels enjeux de laResistance pendant la guerre, qui ne correspondait pas necessairement a la dichotomie entreleopoldistes et anti-leopoldistes. Et la � n de la question royale en 1951 a incite les anciensresistants membres des mouvements classes a droite a evacuer les motifs profonds qui avaientcontribue a les rassembler en 1940–1944: volonte de lutte contre le communisme, etablissementd’un Etat fort, corporatiste, sous l’autorite du Roi.24 La lecture des remarquables theses de doctoratde J. Gotovitch et F. Maerten constitue un passage oblige pour ceux s’interessant a l’histoire dela Resistance en Belgique.25

Depuis les annees 70, sous l’impulsion du CREHSGM, les archives des mouvements deResistance ont peu a peu ete rendues accessibles aux chercheurs.26 Malgre le caractere secret deleurs activites, les mouvements clandestins ont laisse de nombreuses traces ecrites, qui laissentsongeurs les historiens actuels face aux imprudences commises a l’epoque par des resistantstemeraires. Meme si la consultation des archives importantes des amicales du Front del’Independance et de l’Armee Secrete a longtemps ete soumise a restrictions, les sources ecritesprovenant de la Resistance armee ont fait l’objet d’une ouverture et une mise a disposition bienanterieures a celles des services de renseignements, dont les activites par nature pluscon� dentielles ou plus sensibles politiquement, restent souvent, encore aujourd’hui, dans l’ombre.Le depot des rapports du service de renseignements “Clarence” aupres de l’Imperial War Museumde Londres, ne facilite en rien la tache de l’historien belge. Il est d’ailleurs interessant de soulignerque les annexes politiques des rapports de cet important service ne � gurent pas dans les dossiersdeposes, ce qui rend impossible l’analyse des nombreuses missions a caractere politique con� eespar le gouvernement belge de Londres a “Clarence”.

4. Les archives gouvernementales

Contrairement a des pays voisins, tels que les Pays-Bas, le Grand-Duche ou la France (pour ce quiest de la France Libre), il n’existe pas en Belgique de fonds d’archives speci� ques, classes etinventories, regroupant dans des series distinctes les documents diplomatiques et administratifsproduits par le gouvernement exile a Londres. Les services exiles resterent en activite jusqu’en1946, les ministeres bruxellois prenant peu a peu le relais. Les archives londoniennes suivirent lemouvement: elles furent rapatriees a Bruxelles avant d’etre dispersees aupres des divers ministerescompetents. Actuellement, une partie des dossiers sont accessibles dans divers fonds, prives ouof� ciels, deposes aux AGR a Bruxelles et au CEGES. La dispersion des archives londoniennes etle caractere aleatoire de leur consultation expliquent la dif� culte, pour l’historien souhaitanttravailler sur la periode de guerre, a acquerir une vision globale des activites gouvernementales enexil. Ainsi, par exemple, une recherche portant sur la CEPAG ne peut etre menee a bien qu’enaccumulant la consultation de fonds disperses au ministere des Affaires etrangeres, aux AGR(papiers Jef Rens), a l’UCL (papiers P. Van Zeeland), au CEGES (papiers A. De Vleeschauwernotamment), au KADOC (papiers A.E. De Schryver notamment), au MRA, etc.

Les proces-verbaux du Conseil des ministres belge sont ouverts apres un delai de 50 ans par lesAGR. Au debut de l’annee 2000, les AGR ont ouvert les proces-verbaux jusqu’en 1949, ce quipermet en� n a l’historien d’acceder a une source majeure concernant la guerre et l’immediatapres-guerre. Les AGR � rent preuve a cette occasion d’un reel souci de l’utilisateur � nal, enpubliant les proces-verbaux de la periode 1917–49, a la fois sur son site Web et sur CD-ROM, auformat PDF. Une initiative remarquable, qui devrait etre elargie a d’autres series de documents

23. Un bilanhistoriographique a ete dresse notamment par: E.Verhoeyen, “Resistances et resistants en Belgiqueoccupee 1940–1944”, dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 70, 1992, p. 381–98.

24. J. Gotovitch, “La Resistance, sources et methodes”, dans Clio, n°54, 1978, p. 66–70.25. J. Gotovitch, Du rouge au tricolore. Resistance et parti communiste, Bruxelles, 1992; F. Maerten, Du

murmure au grondement . La Resistance politique et ideologique dans la province de Hainaut pendant la SecondeGuerre mondiale (mai 1940 – septembre 1944), Mons, 1999, 3 vol (Analectes d’histoire du Hainaut, tome 7).

26. J. Gotovitch, “L’acces aux archives au Centre de Recherche et d’Etudes Historiques de la Seconde GuerreMondiale”, dans Pour une nouvelle loi belge sur les archives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 13–14. (Archives etbibliotheques de Belgique, n° special 23).

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frequemment consultables. Le respect strict des 50 ans n’a pour effet que de retarder la recherchescienti� que concernant le temps present en Belgique. De nouveau, cette restriction dans l’access’explique par la question royale, evoquee souvent au Conseil des ministres.27 Il est d’ailleursremarquable de constater que l’annee chaude 1950 n’a point fait l’objet d’une decision d’ouverturepar le gouvernement social-chretien/socialiste dirige par Jean-Luc Dehaene, de meme d’ailleursque les annees immediatement ulterieures, ou le gouvernement homogene catholique continue adiscuter en Conseil du sort a reserver au Roi Leopold III et a la princesse Lilian a la suite de sonabdication. Ce culte du secret est sans doute souhaite encore actuellement par certains milieuxsociaux-chretiens a� n de preserver de l’analyse critique, encore une dizaine d’annees supplemen-taires, les decisions prises par les gouvernements catholiques homogenes Duvieusart (1950),Pholien (1950–52) et Van Houtte (1952–54)? De meme, une collection complete des proces-ver-baux du Comite Economique Interministeriel (CEI) et du Comite Ministeriel de CoordinationEconomique (CMCE), deux instances creees immediatement apres la guerre et essentielles pour lacomprehension du processus de prise de decision gouvernemental en matiere de politiqueeconomique comprise dans un sens large, n’a toujours pas ete mise a disposition des chercheurs.Ces dif� cultes d’acces aux archives gouvernementales belges doivent etre comparees a la situationprevalant en Grande-Bretagne28, ou la regle des 30 ans est strictement respectee par lesadministrations et le PRO, et surtout aux Pays-Bas, ou les ARA appliquent une politiqued’ouverture apres 20 ans seulement.29 De ce fait, les proces-verbaux du Cabinet britannique sontactuellement accessibles jusqu’a la � n des annees 60, tandis que les conseils des ministresneerlandais, deposes au ARA, sont librement consultables sur micro� ches jusqu’au coeur desannees 70. Cela a pour consequence que, si les historiens anglo-saxons et neerlandais s’activentdesormais a l’etude des annees 60 et meme 70, les historiens belges sont, eux, encore en train dese poser des questions sur les zones d’ombre des annees 40. La notion de transparence del’information semble etre a geometrie variable, en fonction de la conception de la democratieprevalant au sein de chaque Etat. De ce point de vue, la Belgique s’illustre par son culte du secretet sa negligence envers son patrimoine archivistique. Ceci ne peut avoir que des consequencesnefastes sur le progres des recherches historiques belges portant sur le XXe siecle.

Le cas du ministere des Affaires etrangeres paraõ t exemplaire, dans la mesure ou, depuis 1875,il est “le seul a posseder un depot d’archives distinct et specialement organise”.30 Cette re� exionde J. Willequet, datant d’une cinquantaine d’annees, reste malheureusement valide aujourd’hui,faute d’une organisation systematique de service d’archives dans les ministeres belges. Cree en1875, le service des archives du ministere des Affaires etrangeres s’appliqua, sous la direction deson premier directeur, Emile Banning, a reconstituer la documentation des annees 1830–1860, endemandant aux Legations belges a l’etranger de renvoyer au ministere les documents anciens, eten s’adressant aux familles d’hommes d’Etat ayant emporte des pieces. Ces sains principes nefurent plus respectes en ce qui concerne la periode des annees 40 et de l’apres seconde guerre, laplupart des documents etant toujours en possessions des Ambassades et Legations a l’etranger,tandis que la consultation des papiers prives permet de decouvrir de nombreux documents of� cielsau point de devenir des passages obliges lorsqu’il s’agit de comprendre l’activite diplomatique

27. Pour etre complet, signalons que le premier ministre social-chretien Jean Duvieusart, a� n de justi� er sapolitique lors du denouement de l’affaire royale, a publie en 1975 des extraits des proces-verbaux du Conseil desministres de juillet et aout 1950. Cela lui fut vivement reproche dans les milieux sociaux-chr etiens a l’epoque,notamment par Gaston Eyskens, qui fut ministre puis premier ministre. Quelques bonnes pages des PV sontaccessibles dans: J. Duvieusart, La question royale. Crise et denouement : juin, juillet, aout 1950, Bruxelles, 1975.

28. Par contraste avec la situation belge, lire les consequences de la politique de transparence pratiquee parles autorites britanniques sur l’etude historique des services de renseignement , du programme nucleaire, et de ladiplomatie, dans: R.J. Aldrich, “Did Waldegrave Work? The Impact of Open Government upon British History”,dans Twentieth Century British History, vol. 9, n°1, 1998, p. 111–26; D.B. Kunz, “Anglo-American Archives andPostwar Diplomatic History: an American Perspective”, dans Twentieth Century British History, t. 4, 1993, n°1,p. 95–104.

29. J.D.C. De Vries, “De openbaarheid van archieven in Nederland”, dans Pour une nouvelle loi belge sur lesarchives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 43–51. (Archives et bibliotheques de Belgique, n° special 23).

30. J. Willequet, “Les archives du ministere des Affaires etrangeres”, dans Archives, bibliotheques et museesde Belgique, t. 22, 1951, n°1, p. 3.

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belge (papiers A. Motte au CEGES, J.-C. Snoy aux AGR et au KADOC, G. Theunis aux AGR,P. Van Zeeland a l’UCL, P.-H. Spaak a la FPHS, par exemple). Il faut noter au passage qu’uneloi britannique oblige les ministres a rendre a leur ministere d’origine ou au PRO, lorsqu’il quitteleur fonction ou la vie politique, les documents of� ciels, consideres comme propriete de l’Etat etpar ailleurs proteges par un copyright. Les archives restituees sont integrees dans les collectionsadministratives lorsqu’il s’agit de documents “vivants” ou constituent des papiers personnelsdistincts deposes au PRO. Mais le sens de l’Etat, particulierement developpe et enrichi par unelongue tradition en Grande-Bretagne, semble inexistant chez de nombreux acteurs politiques enBelgique. Pendant la premiere guerre mondiale, les Allemands occuperent Bruxelles et mirent lamain sur l’ensemble de la documentation du ministere belge des Affaires etrangeres. Ilsl’utiliserent a des � ns de propagande, en publiant des recueils de documents tendancieux remettanten cause l’attitude de stricte neutralite de la Belgique a la Belle Epoque. Les archives furentrestituees apres la defaite de l’Allemagne. Ayant retenu la lecon, les archives diplomatiques furentdesormais entreposees dans des caisses mobiles, qui furent evacuees des le 12 mai 1940 versOstende, suite au declenchement de l’attaque allemande a l’Ouest. Evacuees par bateau versl’Angleterre, les archives furent entreposees, a l’initiative de l’ambassadeur belge a Londres deCartier de Marchienne, au cours de l’automne 1940 dans un chateau gallois. Apres la Liberationde la Belgique en 1944, le ministere des Affaires etrangeres � t rapatrier ses archives historiques,ainsi que les dossiers produits pendant l’exil londonien. Immediatement apres la guerre, lesdossiers posterieurs a la premiere guerre mondiale furent divises entre quatre series: la seriegenerale (rapports des postes diplomatiques et consulaires classes par poste), les dossiers generaux(series generales classees en fonction des pays et destines au micro� lmage), les dossiers speciaux(classement en fonction de thematiques politiques et economiques), les collections d’extraits depresse. A� n de reduire la masse des dossiers, le micro� lmage des documents secondaires futentrepris des la � n des annees 40 avant de proceder a la destruction des originaux. Peu de dossiersconcernant la periode de l’exil londonien semblent avoir subi cette procedure.31 Contrairement auxprocedures de consultation existantes dans les pays voisins, les inventaires des archives diploma-tiques belges ne sont pas consultables directement par le chercheur souhaitant traiter un themeparticulier. Si les inventaires bene� cient d’une consultation libre en Grande-Bretagne (PRO), auxPays-Bas (ARA et ministere des Affaires etrangeres a La Haye) ou au Grand-Duche (Archives del’Etat a Luxembourg), le chercheur n’est pas autorise a decider par lui-meme des dossiers qu’ilsouhaite consulter a Bruxelles. Il est toujours indispensable de passer par l’intermediaire desarchivistes du ministere, qui ont seul acces aux � chiers inventoriant les dossiers. Soulignons queles archives britanniques, neerlandaises, americaines et francaises foisonnent de documentsconcernant le gouvernement belge de Londres et la Belgique occupee, qui sont des sourcesfondamentales pour l’Histoire de Belgique des annees obscures.32 Recemment, plusieurs historiensneerlandais, qui se plaignent des conditions d’acces aux documents of� ciels en Belgique, ontdefendu des theses de doctorat essentielles pour la comprehension de la politique etrangere belgedes annees 40 en exploitant, a� n de solutionner les manques de la documentation belge, dessources americaines, canadiennes, neerlandaises, britanniques, francaises et luxembourgeoises.33

Malgre de nombreuses demarches effectuees par des historiens et institutions scienti� quesaupres de la famille Pierlot, les papiers personnels du premier ministre Hubert Pierlot n’ont

31. J. Willequet, “Les archives”, p. 3–13.32. R. Hemmerijckx, “Le Public Record Of� ce de Londres”, dans Bulletin du Centre de recherches et d’etudes

historiques de la seconde guerre mondiale, n°19, 1989, p. 41–42.33. “In four of these countries we have had almost unrestricted access to all the pertinent documentation , the

only exception being Belgium. Access to Belgian governmenta l records is still rather complicated especially fornon-residents”. C. Wiebes & B. Zeeman, Belgium, the Netherlands and Alliances 1940–1949, Leiden, 1993,p. 13–14. “La documentation neerlandaise est de loin la plus abondante, et ceci pour deux raisons. D’abord, parceque les fonds d’archives sont mieux accessibles et mieux conserves qu’ailleurs. Deuxiemement, une forte traditionecrite regnait parmi les fonctionnaires neerlandais. A la difference de ses collegues belge et francais, le diplomateneerlandais recevait des instructions detaillees et devait regulierement rendre compte de ses activites”. J.W.L.Brouwer, Divergences d’interets et mauvaises humeurs. La France et les pays du Benelux devant la constructioneuropeenne 1942–1950, Leiden, 1997, p. 12.

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toujours pas fait l’objet d’un depot aupres d’un centre d’archives.34 Conservees dans la demeurefamiliale a Cugnon, seules quelques personnes proches du cercle familial ont pu les consulter.Nous pensons que cela induit, dans les travaux historiques recents, une meconnaissance, voire unesous-estimation du role joue par le premier ministre pendant la seconde guerre mondiale, faute dedocuments permettant de retracer precisement l’evolution de sa pensee et de son action. Leclassement recent des papiers de P.-H. Spaak, deposes a la Fondation P.-H. Spaak et au Musee dela Litterature, ainsi que la publication d’une biographie par M. Dumoulin, permettent d’esperer uneprochaine decision d’ouverture. Les papiers du ministre des Finances C. Gutt, ont ete ouverts enl’an 2000 au CEGES, apres qu’une these de doctorat ait ete defendue, en 1999, par J.-F.Crombois.35 Ceci re� ete une tendance recente, alimentee par le succes editorial du genrebiographique depuis les annees 80, se caracterisant par l’ouverture des papiers prives depersonnalites de premier plan de l’exil londonien, dans la foulee de la parution de biographiesautorisees issues de l’exploitation scienti� que de ces documents. Ce fut le cas notammentd’August De Schryver etudie par Godfried Kwanten, de Camille Gutt par J.-F. Crombois, deCamille Huysmans par J. Gotovitch36, de Henri Rolin par R. Devleeschouwer36, de PierreRyckmans par J. Vanderlinden38, de Paul-Henri Spaak par M. Dumoulin39, de Paul Van Zeelandpar B. Henau, V. Dujardin et M. Dumoulin.40 Ces etudes prosopographiques constituent desormaisdes passages obliges pour comprendre l’action du gouvernement belge exile a Londres.

A la Liberation, l’action du gouvernement belge de Londres fut au centre des polemiquesdeclenchees par la question royale, empechant pendant plusieurs decennies son etude depassion-nee. Contrairement aux Pays-Bas41 et a la France, ou des commissions d’enquete parlementairesfurent designees a� n d’interroger des temoins, recolter et publier des documents, et produire desrapports, qui sont d’un interet considerable pour les historiens, la Belgique s’illustre par l’absenced’une initiative parlementaire dans ce domaine. Les protagonistes, leopoldistes et anti-leopoldistes,publierent des recueils de documents censes defendre les theses en presence qui, tout en ne devantpas etre ignores, doivent faire l’objet d’une critique historique attentive.42 Plus recemment, deseditions scienti� ques de documents, concernant essentiellement la politique etrangere de laBelgique, facilitent l’acces a la documentation essentielle.43

34. V. Laureys, “Party and Political Archives in Belgium”, dans Archives et bibliotheques de Belgique, t. 66,1995, n°1–4, p. 135.

35. J.-F. Crombois, Camille Gutt, les � nances et la guerre 1940–1945, Bruxelles, 1999.36. H. Balthazar & J. Gotovitch, Camille Huysmans in Londen, Anvers—Amsterdam, 1978 (Camille

Huysmans. Geschriften en documenten, III); Bijdragen tot het Camille Huysmans-onderzoe k, Anvers, 197137. R. Devleeschouwer , Henri Rolin 1891–1973. Une voix singuliere, une voix solitaire, Bruxelles, 1994.38. J. Vanderlinden, Pierre Ryckmans 1891–1959. Coloniser dans l’honneur, Bruxelles, 1994.39. M. Dumoulin, Spaak , Bruxelles, 199940. B. Henau, Paul Van Zeeland en het monetaire, sociaal-economische en Europese beleid van Belgie

1920–1960, Bruxelles, 1995 (Verhandelingen van de Koninklijke Academie voor Wetenschappen, Letteren enSchone Kunsten van Belgie, Klasse der Letteren, 57, n°158); V. Dujardin & M. Dumoulin, Paul Van Zeeland1893–1973, Bruxelles, 1997.

41. Enquetecommissie regeringsbeleid 1940–1946, La Haye, 1949–1956, 19 vol.42. Livre blanc 1936–1946. Memoire publie par le Secretariat du Roi, Luxembourg, 1946; Rapport de la

Commission d’Information instituee par S.M. le Roi Leopold III, le 14 juillet 1946, Luxembourg , 1947; Notecomplementaire publiee le 8 octobre 1947, par la Commission d’Information instituee par S.M. le Roi LeopoldIII le 14 juillet 1946, Luxembourg, 1948; Rapport presente par le Secretariat du Roi sur les evenements politiquesqui ont suivi la Liberation, mai 1945—octobre 1949, Bruxelles, 1949; Recueil de documents etabli par leSecretariat du Roi, concernant la periode 1936–1949, Bruxelles, 1950; Supplement au Recueil de documents etablipar le Secretariat du Roi, concernant la periode 1936–1950, Bruxelles, 1950; Contribution a l’etudede la questionroyale. Evenements—documents, ed. E. Descampe, Bruxelles, s. d., 2 vol.

43. K. Bott, “Belgian Political Parties and Pressure Groups in the Discussion on European Union”, dansDocuments on the History of European Integration, Vol 3, ed. W. Lipgens, Berlin, 1988, p. 269–345; P. Dasnoy& J.-L. Charles, Les secretaires generaux face a l’occupant . Proces-verbaux des reunions du Comite dessecretaires generaux (1940–1944), Bruxelles, 1974 (coll. Inedits); C. De Visscher & F. Vanlangenhove ,Documents diplomatiques belges, 1920–1940. La politique de securite exterieure, Bruxelles, 1964–1966, 5 vol;Documents diplomatiques belges 1941–1960. De l’independance a l’interdependance, Bruxelles, 1998-; J.

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5. Les sources orales

L’exploitation des sources orales n’a malheureusement plus aujourd’hui la meme actualite qu’il ya deux ou trois decennies. La generation qui avait 20 ans en l’an 40, si l’on reprend le slogan d’unecelebre exposition, est en train de dispara õ tre. Desormais peu de temoins ayant exerce de reellesresponsabilites pendant la seconde guerre peuvent encore etre interroges. Bientot, nous n’auronsplus que des sources ecrites, et non des temoignages vivants, pour evoquer la seconde guerremondiale. Neanmoins, le CREHSGM (CEGES) a entame, des la � n des annees soixante, la recoltesystematique d’interviews des principaux acteurs encore en vie. Le travail remarquable de recueild’interviews de temoins par des etudiants participant au seminaire d’histoire contemporaine duProf. J. Lory a l’UCL, dans la plupart des communes du Brabant wallon et de la province deNamur, constitue un apport essentiel en temoignages inedits, desormais deposes au CEGES.44 Cessources orales nous permettent d’acceder a des temoignages precieux, irremplacables pourl’evocation de l’atmosphere de l’epoque, pour determiner les relations interpersonnelles, etcompleter la documentation ecrite. Meme si les sources orales doivent toujours faire l’objet d’unecritique soigneuse en raison du manque de � abilite quant a la chronologie des faits.

6. Le sauvetage des sources

La sauvegarde des documents fut prise a l’initiative d’institutions privees ou para-etatiques, et nonpar l’Etat belge lui-meme.

Symptomatiquement, la premiere initiative d’une collecte systematique de documents belgesconcernant la seconde guerre mondiale ne fut pas prise par une institution belge, mais americaine.Des l’immediat apres-guerre, la Hoover Library on War, Revolution and Peace de l’Universite deStanford entreprit la collecte et l’achat de sources imprimees, publiees en Belgique entre 1940 et1950 (documents clandestins, publications of� cielles allemandes et belges, livres), concernant laseconde guerre, qui � rent l’objet d’un inventaire des 1950, avant d’etre transferees aux Etats-Unis.45

L’absence d’une politique scienti� que et archivistique a long terme menee par l’Etat belge, acompromis longtemps la recherche portant sur la seconde guerre en Belgique. Cette inaction s’esttraduite par une disparite des sources et la dispersion des documents, rendant particulierementcomplexe le travail de l’historien. Par ailleurs, de nombreuses sources belges ont irremediablementdisparu. A la � n des annees 60, l’absence d’une institution chargee du recueil et de la preservationdes traces relatives a la periode fut critiquee. Il etait devenu patent que la Belgique avait accumuleun retard considerable dans l’etude de la seconde guerre mondiale, par comparaison aux nationsvoisines, telles que la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas ou les Etats-Unis. En 1964,l’initiative prise par le professeur Jacques Willequet de l’ULB de constituer un centre d’histoirede la seconde guerre, publiant un premier “Cahier” et entamant la prospection et l’inventaire dessources disponibles, se heurta a l’indifference generale. Cependant, en 1967, le gouvernementbelge prit un arrete ministeriel creant un centre de recherches specialise a la suite du scandaleprovoque par l’acquittement du collaborateur Verbelen a Vienne, dont le proces avait mis enevidence le manque d’etudes valables sur la periode. La creation du Centre de recherche etd’etudes historiques de la seconde guerre mondiale a Bruxelles (CREHSGM, futur CEGES), en

footnote continued

Gotovitch, “Views of Belgian Exiles on the Postwar Order in Europe”,dans Documents on the History of EuropeanIntegration, Vol 2, ed. W. Lipgens, Berlin, 1986, p. 414–50; J. Gotovitch, “Views of Belgian Resistance on theFuture of Europe”, dans Documents on the History of European Integration, Vol 1, ed. W. Lipgens, Berlin, 1985,p. 215–43.

44. J. Lory & F. Maerten, “L’Occupation allemande dans le Brabant Wallon 1940–1944”, dans La guerre dansl’enseignement et la recherche universitaires, Bruxelles, 1990 p. 7–22 (CREHSGM).

45. J. Van Der Belen, Inventaire de la collection consacree a la Belgique dans la deuxieme guerre mondiale,reunie par les soins de la Belgian American Educational Foundation, a l’intention de la Hoover Library on War,Revolution and Peace, Bruxelles, 1950.

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1969, constitue un tournant, que ce soit du point de vue de l’archivistique ou de l’historiographiede la seconde guerre mondiale en Belgique.46

Le CREHSGM entreprit, apres sa fondation, le recueil des documents disperses jusqu’alors. LeCentre tente de negocier avec les diverses administrations et institutions belges le transfert de leursarchives concernant la seconde guerre, a� n de les preserver et les mettre a disposition de larecherche. Avec des resultats longtemps mitiges en raison du manque de bonne volonte de cesadministrations, manifestement peu soucieuse de transparence. De plus, l’arrete ministeriel creantle CREHSGM limite la mission de ce dernier au domaine prive (individus, organismes etinstitutions), tandis que les AGR conservent le monopole des archives publiques. Ces limitesexpliquent les raisons pour lesquelles l’essentiel des collections du CREHSGM se sont constitueesgrace aux dons de papiers personnels prives, qui completent et eclairent les sources of� cielles.47

Ce n’est que tres progressivement et tardivement que le CREHSGM est entre en possessiond’archives institutionnelles.

Le CREHSGM, meme s’il s’agit d’une institution de reference, ne fut pas le seul a recolter desarchives concernant la seconde guerre mondiale. Les Archives de la Ville de Bruxelles, laBibliotheque de la Ville d’Anvers, le Mundaneum a Mons, le Musee de la Vie Wallonne a Liege,le Musee Royal de l’Armee a Bruxelles, la Fondation Auschwitz a Bruxelles, l’AMSAB a Gand,le KADOC a Louvain48, l’Institut Emile Vandervelde a Bruxelles (archives du parti et depersonnalites socialistes), la Fondation Jacquemotte a Bruxelles (archives du PCB clandestin), lesdivers centres de documentation de l’UCL a Louvain-La-Neuve (ARCA, service des archives,GEHEC, IRES) conservent egalement des fonds abordant certains aspects speci� ques de laseconde guerre mondiale en Belgique. Ces diverses institutions et fondations privees, pour laplupart creees depuis les annees 60, ont reussi, grace a une politique de prospection intensive, asauver des archives privees qui n’auraient jamais abouti aux AGR, en raison de la me� ance, pourdes raisons ideologiques, de certains milieux politiques et sociaux envers les institutions eta-tiques.49 Cependant, la diversite de ces institutions, calquees sur les piliers ideologiques etlinguistiques qui divisent la Belgique, ainsi que leur localisation, ajoutent a la dispersion descollections, obligeant l’historien, desireux d’etudier de facon approfondie un sujet precis, a prendreson baton de pelerin sur les routes de Belgique.50 Ce qui induit des couts de deplacement, pourles etudiants comme les chercheurs, non negligeables, freinant dans les faits l’avancement de larecherche.

Le sauvetage des sources administratives conservees par les divers ministeres belges, et dont unepartie concerne les annees 40, se heurte a des obstacles a la fois administratifs (mauvaise volonteet culte du secret des services detenteurs), legislatifs (inadaptation et obsolescence de la loi de1955 sur les archives), politiques (blocages et confusions lies a la regionalisation de l’Etat) etbudgetaires (faiblesse du budget, des locaux et du personnel affectes aux AGR).51 Depuis plus de30 ans, de nombreux projets legislatifs, destines a resoudre les problemes structurels affectant lagestion et la preservation des archives publiques en Belgique, ont fait l’objet de discussions, quece soit dans les milieux scienti� ques ou politiques. Ainsi, par exemple, en 1985, des journeesd’etudes rassemblant historiens et archivistes, destinees a promouvoir une nouvelle loi surl’accessibilite des archives, ont abouti a une serie de propositions concretes, et ce malgre le constat

46. J. Gotovitch, “Problemes de l’historiographie de la Belgique pendant la seconde guerre mondiale”, p. 9.47. J. Gotovitch, “L’acces aux archives au Centre de Recherche et d’Etudes Historiques de la Seconde Guerre

Mondiale”, p. 13–14.48. J. De Maeyer, “De toegankelijkheid van archieven en de methoden van archiefverwerking op het KADOC”,

dans Pour une nouvelle loi belge sur les archives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 67–87. (Archives et bibliothequesde Belgique, n° special 23); “Katholiek Vlaanderen in stukken: de archiefafdeling”, dans Kadoc Nieuwsbrief,1988–1989, n°3, p. 4–5.

49. C. Wyffels, “Les archives belges depuis la seconde guerre mondiale 1945–1984”, p. 240.50. Un apercu des divers centres de documentationdans: V. Laureys, “Party and Political Archives in Belgium”,

p. 129–40; Y. Quairiaux & J. Pirotte, “Guide des centres de documentation sur l’histoire du mouvement wallon”,dans Archives et bibliotheques de Belgique, t. 49, 1978, n°3–4, p. 469–87.

51. Lire les constats desabuses de: C. Wyffels, “Les archives belges depuis la seconde guerre mondiale1945–1984”, p. 217–53.

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de la faiblesse des moyens budgetaires et en personnel du departement des archives contempo-raines des AGR.52 M.-R. Thielemans, chef de departement, quali� ait de “reve” l’idee que l’Etatbelge puisse un jour debloquer suf� samment de moyens a� n de creer l’equivalent, pour lapreservation des archives publiques contemporaines, des PRO de Kew Garden, un modele dugenre.53 La derniere initiative politique en date, destinee a doter la Belgique d’une legislationadaptee aux exigences de notre temps, discutee au cours de la legislature 1992–95, s’est heurteea un blocage provenant du parti social-chretien � amand CVP, au point de transformer le processusdecisionnel en un veritable “calvaire”. Les nationalistes du CVP, menes par le ministre-presidentLuc Van den Brande, souhaitant aboutir a une regionalisation pure et simple des institutionsscienti� ques federales, en ce compris des archives, � rent en sorte d’enterrer ce projet dereorganisation.54

7. L’etat de l’historiographie belge

Constatons le retard relatif de l’historiographie belge dans l’etude du role joue par la Belgiquependant la seconde guerre mondiale, en comparaison aux historiographies des pays voisins(France, Pays-Bas, Allemagne, Grande-Bretagne). Ce retard, estime a une vingtaine d’annees, ades causes academiques, les historiens belges de l’apres-guerre privilegiant l’etude du Moyen Age,tandis que l’histoire contemporaine eut des dif� cultes a se faire admettre dans les milieuxuniversitaires. Les sciences politiques, embryonnaires dans les universites belges, nes’interesserent pas a la seconde guerre. Quelques economistes et sociologues belges entamerent lespremieres etudes relatives a l’occupation. Les ouvrages du professeur de l’UCL Fernand Baudhuin,� gurent parmi les travaux pionniers, toujours consultes actuellement.55 Le sociologue de l’ULBGuillaume Jacquemyns offre un tableau remarquable de la vie quotidienne de la populationouvriere, basee sur une observation sur le terrain, dans son ouvrage sur la societe belge sousl’Occupation.56 En� n, Leo Lejeune, Secretaire de l’Union de la presse clandestine, rassembla unedocumentation exceptionnelle, aujourd’hui deposee au CEGES, a� n de preparer un livred’hommage a la Resistance belge, publie des 1949, qui restera pendant plusieurs decennies lareference en la matiere.57 Mais ces travaux pionniers resterent isoles, aucune emulation scienti� quen’ayant ete suscitee par leur parution.

L’acces aux archives privees belges concernant la seconde guerre mondiale fut egalementlongtemps rendu dif� cile en raison des divisions politiques heritees de la question royale. La crisede regime subie par la Belgique jusqu’en 1950, s’est par ailleurs accompagnee a l’epoque de larevelation de tres nombreux documents, livres sur la place publique tout autant par les partisantsque par les opposants du Roi Leopold III. Mais ces informations dirigees polariserent le debatselon un clivage bipolaire, opposant le Roi et le gouvernement belge de Londres. Les leopoldistesne pouvaient etre que royalistes, tandis que les anti-leopoldistes s’identi� aient aux londoniens.Cette polemique d’apres-guerre, en obligeant les adversaires a choisir l’un des deux camps, allaitcompletement a l’encontre de la verite historique, telle que vecue pendant la seconde guerre, oules lignes de partage etaient loin d’etre aussi marquees. Par ailleurs la forte personnalisation des

52. M. Dumoulin, “Publicite et accessibilite des archives. Le point de vue d’un utilisateur”, dans Pour unenouvelle loi belge sur les archives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 53–65. (Archives et bibliotheques de Belgique, n°special 23).

53. M.-R. Thielemans, “La publicite et la communicabilit e des archives aux Archives Generales du Royaume”,dans Pour une nouvelle loi belge sur les archives, Bruxelles, vol. 4, 1985, p. 3–9. (Archives et bibliotheques deBelgique, n° special 23).

54. F. Daelemans, “Une nouvelle loi sur les archives pour la Belgique federale. Un veritable calvaire”, dansArchives et bibliotheques de Belgique, t. 66, 1995, n°1–4, p. 23–62; Ph. Catoire, “La revision de la loi sur lesarchives”, dans UCL-Clio, n°100, avril-juin 1994, p. 30–35.

55. F. Baudhuin, Les � nances de 1939 a 1949, Paris, 1951 (coll. histoire � nanciere); F. Baudhuin, L’economiebelge sous l’occupation 1940–1944, Bruxelles, 1945.

56. G. Jacquemyns, La societe belge sous l’occupation, Bruxelles, 1950, 3 vol.57. Livre d’or de la Resistance belge, Bruxelles, 1949.

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attaques (contre Leopold III, P.-H. Spaak, H. Pierlot, la princesse Lilian, etc … ) focalisa lespolemiques autour de quelques individus. Ce qui arrangeait beaucoup de monde, en eclipsantl’importance d’autres facteurs, par exemple le role des Allies, les structures sociales, les rapportsde force politico-economique et les ideologies sous-jacentes.

L’abdication du Roi Leopold III en 1951, permettant la montee sur le trone du Roi Baudouin,s’est accompagnee, de l’instauration d’un silence pesant. Au nom du maintien de l’unite nationaleautour du nouveau souverain, la rememoration de l’histoire de l’Occupation fut evacuee du debatpublic, a� n d’eviter l’emergence de nouvelles polemiques dommageable a la reconciliationnationale. La plupart des temoins directs se turent, souvent de� nitivement jusqu’a leur deces. Denombreux documents revelant le role parfois obscur joue par certains acteurs de l’epoque furentdetruits intentionnellement. Les principaux acteurs politiques de l’epoque ont postpose longtempsl’initiative du depot de leurs archives dans un centre de conservation assurant l’inventorisation etla mise a disposition pour la recherche scienti� que. Les efforts entrepris depuis la � n des anneessoixante par le CEGES (ex-CREHSGM) et, plus recemment, par le KADOC ont permis desauvegarder l’essentiel. Obeissant a une tradition bien etablie destinee a ne pas decouvrir laCouronne, plusieurs personnalites belges ayant echange de la correspondance avec le Roi ou desmembres de la famille royale detruisirent les lettres ou les rendirent au Palais Royal. Un certainnombre de papiers prives d’hommes politiques ont fait l’objet d’un tri avant le depot (c’est le casdes papiers A. Deveze et G. Theunis deposes aux AGR p. ex.)

Bene� ciant de l’ouverture des archives allemandes micro� lmees a Alexandria, des collectionsrassemblees par la Hoover Library, ainsi que des papiers personnels d’hommes politiquesamericains des annees 40 dont ceux du President Roosevelt, des doctorants americainss’engagerent des les annees 60 dans l’elaboration de theses de doctorat et de Master of Arts apropos de la Belgique sous l’Occupation. Au moment ou les recherches en Belgique restaientbalbutiantes voire inexistantes, l’historiographie americaine, indemne de tout a priori ideologiquelie aux polemiques belgo-belges, entamerent des recherches pionnieres, aidees en cela parl’ouverture, au debut des annees 70, d’une partie des archives britanniques concernant la secondeguerre et deposees au PRO a Londres. Peu connus car restes en partie inedits, bien qu’accessiblessur micro� lms lorsqu’il s’agit de theses, les meilleurs travaux aboutissent des le debut des annees70 a des publications remarquees: ce fut le cas par exemple des ouvrages de R. Arango, D. Kieft,G. Tanham et J. Gillingham.58

Ces circonstances expliquent pourquoi , au debut des annees 70, le bilan historiographique belgeconcernant la seconde guerre mondiale se revele particulierement mauvais, surtout si nous lecomparons aux avancees deja realisees a l’epoque notamment en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis,et aux Pays-Bas. Si l’on excepte quelques etudes pionnieres, la recherche fondamentale estembryonnaire, le monde academique belge ayant une part de responsabilite dans ce retard d’unevingtaine d’annees dans la mise en oeuvre d’etudes scienti� ques consacrees a la deuxieme guerre,en negligeant l’histoire ultra-contemporaine, denommee histoire du temps present. Il faut attendrele debut des annees 70, coõ ncidant notamment avec la creation du CREHSGM, pour que lesmilieux universitaires tentent de deminer ce terrain sensible, en cherchant la verite au-dela despolemiques violentes et des mythes.

Le reel demarrage des etudes scienti� ques belges consacrees a la deuxieme guerre mondiale seproduit des la � n des annees 60. A cette epoque, le professeur Henri Bernard de l’Ecole RoyaleMilitaire, lance ses eleves-of� ciers dans des travaux relatifs a la Resistance, qui aboutiront a lapublication de la premiere synthese scienti� que.59 Les langues commencent a se delier parmi lesprincipaux temoins. L’evenement declencheur semble etre la parution en 1968 des “Souvenirs sansretouches” de l’ancien ministre et ambassadeur Marcel-Henri Jaspar, qui, en ne machant pas sesmots a l’egard de ses anciens collegues, suscite la desapprobation, sinon l’hostilite de P.-H. Spaak

58. R.E. Arango, Leopold III and the Belgian Royal Question, Baltimore, 1963; G.K. Tanham, Contributiona l’histoire de la Resistance belge 1940–1944, Bruxelles, 1971; D.O. Kieft, Belgium’s return to neutrality. Anessay in the frustration of small power diplomacy, Londres, 1972; J. Gillingham, Belgian business during nazioccupation , Gand, 1977.

59. H. Bernard, La Resistance belge 1940–1945, Bruxelles, 1968 (coll. Notre passe).

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comme de C. Gutt, au point d’inciter ces derniers a donner publiquement leur propre version desfaits.60 La serie des “Telememoires”, diffusee par la RTB � n 1968, comportant des interviews parHenri-Francois Van Aal des anciens ministres londoniens P.-H. Spaak, C. Gutt et A. DeVleeschauwer, constituent un evenement mediatique et historique majeur, ces protagonistesacceptant, pour la premiere fois, de se con� er sans s’engager dans des polemiques.61 Lapublication en 1969 des “Combats inacheves”, dont la redaction avait ete entamee des 1965 parP.-H. Spaak, ainsi que d’un ouvrage plus modeste par C. Gutt en 1971, reouvre le debat public,et mediatique, sur l’histoire de Belgique pendant la guerre, apres 20 ans d’amnesie collective.62 Audebut des annees 70, une vague de publications ouvre la phase de l’etude scienti� que, en Belgiquememe, des annees d’occupation. Outre Henri Bernard, nous pouvons citer les travaux de Jean-LeonCharles, successeur de Bernard a l’ERM, Luc Schepens, Els De Bens, Mark Van den Wijngaertet surtout Albert De Jonghe.63 Mais, la sensation fut apportee par le reel succes de librairie dontbene� cia la parution de “L’an 40” de Jules Gerard-Libois et Jose Gotovitch, qui, grace a laconsultation des archives allemandes, des archives britanniques recemment ouvertes au PRO et al’acces a de nombreuses sources inedites rassemblees par les auteurs eux-memes et deposees parla suite au CREHSGM, revelent l’etat d’esprit reel des occupes et exiles belges au debut del’occupation allemande.64 Reouvrant des cicatrices encore fraõ ches, levant des tabous enterresdepuis la � n de la question royale en 1951, l’ouvrage, toujours inegale aujourd’hui, suscita a lafois les encouragements et les critiques.65 Ainsi, par exemple, P.-H. Spaak n’appreciait pas ce livre,en raison notamment de l’interpretation donnee a la politique de neutralite d’avant-guerre, ainsiqu’a la rupture entre le gouvernement et le Roi au cours du sulfureux ete 40.66 Mais “L’an 40”,ainsi que l’activite de prospection entamee par le CREHSGM, permirent l’ouverture et le depot denombreuses archives privees inaccessibles jusqu’alors, ainsi que l’enregistrement de temoignagesoraux. Au cours des trois decennies suivantes, de nombreux acteurs de premier plan se deciderenta publier leurs propres souvenirs, de leur vivant ou a titre posthume, parmi lesquels nousremarquons G. De Lovinfosse, D. Denuit, A.E. De Schryver, G. Eyskens, H. Fayat, P. Kronacker,F. Muuls, J. Rens, C. Roger, J.-C. Snoy et d’Oppuers, C. d’Ydewalle et P. d’Ydewalle.67 Le casspeci� que de Fernand Van Langenhove, Secretaire general du ministere des Affaires etrangeres etprincipal conseille de P.-H. Spaak pendant la guerre, doit etre souligne.68 Il fut l’auteur prolixe denombreux travaux, encore partiellement inegales 20 ans apres leur publication mais qui, sous

60. M.H. Jaspar, Souvenirs sans retouche, Paris, 1968; M.H. Jaspar, Changements de decors, Paris, 1972.61. H.-F. Van Aal, Tele-memoires de Vleeschauwer—Gutt—Spaak, Bruxelles, 1971.62. M. Dumoulin, Spaak , p. 672–73.63. J.-L. Charles, Les forces armees belges au cours de la deuxieme guerre mondiale 1940–1945, Bruxelles,

1970; L. Schepens, 1940, dagboek van een politiek con� ict, Tielt-Utrecht, 1970; A. De Jonghe, Hitler en hetpolitieke lot van Belgie, Anvers-Utrecht, 1972; E. De Bens, De Belgische dagbladpers onder Duitse censuur1940–1944, Anvers-Utrecht, 1973; M. Van Den Wijngaert, Het beleid van het comite van de sekretarissen-gen -eraal in Belgie tijdens de Duitse bezetting 1940–1944, Bruxelles, 1975.

64. J. Gerard-Libois & J. Gotovitch, L’an 40. La Belgique occupee, 6e tirage, Bruxelles, 1971.65. J. Gotovitch, Problemes de l’historiographie de la Belgique pendant la seconde guerre mondiale, p. 11.66. J. Gerard-Libois & J. Gotovitch, L’an 40, la Belgique occupee. Commentaires et reactions, Bruxelles, 1972

(CRISP), p. 4–5, 7–9; M. Dumoulin, Spaak , p. 692.67. G. De Lovinfosse, Au service de leurs Majestes. Histoire secrete des Belges a Londres, Strombeek—Bever,

1974; D. Denuit, L’ete ambigu de 1940. Carnets d’un journaliste, Bruxelles, 1978; A. De Schryver,Oorlogsdagboeke n 1940–1942, Tielt, 1998; G. Eyskens, De Memoires, ed J. Smits, Tielt, 4e ed., 1994; H. Fayat,Memoires, Anvers, 1985; P. Kronacker, Souvenirs de paix et de guerre, Paris, 1973; F. Muuls, Quarante anneesau service de l’Etat 1919–1959, ed. E. Muuls, s. l., 1994; J. Rens, Rencontres avec le siecle. Une vie au servicede la justice sociale, Paris—Gembloux, 1987; C. Roger, Souvenirs inedits, de 1905 a nos jours, Ottignies, 1997;J.-C. Snoy et d’Oppuers, Rebatir l’Europe. Memoires, Bruxelles, 1989; C. D’Ydewalle, Le temps de Leopold III.Choses vecues. Souvenirs d’un journaliste, Paris-Bruxelles, 1970; P. d’Ydewalle, Memoires 1912–1940. Auxavant-postes, Bruxelles, 1994; P. d’Ydewalle, Memoires II 1940–1945, Bruxelles, 1997.

68. Lire notamment a ce propos: J. Willequet, La politique etrangere: un bilan historiographique , dans Revuede l’universite de Bruxelles, n°1–2, 1981, p. 157–74.

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couvert de neutralite scienti� que, constituent en realite des souvenirs deguises.69 Il fut en effet unacteur majeur des evenements qu’il decrit. Par ailleurs, Van Langenhove a attendu diplomatique-ment que son “patron”, P.-H. Spaak, rompe lui-meme le silence par la publication de sesmemoires, avant d’aborder la periode posterieure a la politique d’independance, en 1971 (Lasecurite de la Belgique).70

L’orientation de la recherche historique privilegiant la politique interieure (Resistance, collabo-ration, attitude du Roi Leopold III, vie quotidienne … ) constitue une caracteristique del’historiographie belge depuis les annees 70. Abandonnant leur devoir de discretion, tous lescollaborateurs directs du Roi Leopold III prirent tour a tour la plume a� n de defendre le monarqueainsi qu’eux-memes: le comte Capelle, Hendrik De Man, Jacques Pirenne, le general R. VanOverstraeten. Jusqu’a sa mort en 1983, le principal interesse, Leopold III, s’est enferme dans sonmutisme, au point d’exclure la possibilite d’accorder des interviews a des historiens professionnels.Publiees peu apres le deces du souverain, une dizaine d’interviews accordees en 1976 a GilbertKirschen, focalisees sur la nature de son education avant de monter sur le trone, apportentneanmoins quelques elements interessants.71 En 2001, a l’occasion du centenaire de sa naissance,paraissent les memoires de Leopold III, rediges a la � n de sa vie. Cet ouvrage constitue unetentative de justi� cation de son action politique pendant la guerre, le souverain souhaitant repondrea la parution, en 1980, de l’ouvrage de J. Stengers, un chef d’œuvre de critique historique qui nel’epargnait guere.72 D’eminents historiens belges ont consacre des etudes approfondies a laquestion royale entre 1940 et 1950, a� n d’essayer de distinguer le vrai du faux dans les polemiquesviolentes d’immediat apres-guerre relatives au Roi Leopold III. Les travaux de R.E. Arango, A.Dantoing, C. Koninckx, J. Stengers, J. Velaers et H. Van Goethem � gurent parmi les travaux lesplus remarquables bases sur des sources directes.73 Cependant, l’etude de la question royale alongtemps detourne l’attention des historiens envers la position de la Belgique au sein de lacoalition alliee. L’action du gouvernement belge exile a Londres, la politique etrangere, lesrelations avec les autres puissances alliees, le monde des exiles belges en Grande-Bretagne et auxEtats-Unis furent longtemps negliges en tant qu’objet d’etude.74

69. Lire les critiques pertinentes de: M. Dumoulin, Vingt ans d’historiographie des relations internationalesde la Belgique (1964–1984), dans Relations internationales, n°42, ete 1985, p. 180–81. Que l’on peut completerpar un apercu plus recent du meme: M. Dumoulin, “L’historiographie de la construction europeenne en Belgique”,dans Lettre d’information des historiens de l’Europe contemporaine, t. 7, n°1–2, juin 1992, p. 5–16.

70. F. Vanlangenhove , “L’accord militaire franco-belge de 1920 a la lumiere des documents diplomatiquesbelges”, dans Academie Royale de Belgique. Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques,1965, p. 520–35; F. Vanlangenhove , “A propos des relations militaires franco-belges 1936–1940”, dans Revuebelge de philologie et d’histoire, t. 47, 1969, p. 1198–1215; F. Vanlangenhove , La Belgique en quete de securite,1920–1940, Bruxelles, 1969; F. Vanlangenhove , “La politique belge d’independance dans la perspective del’histoire”, dans Bulletin de la classe des Lettres de l’Academie Royale de Belgique, t. 55, 1969, n°5, p. 154–68;F. Vanlangenhove , La securite de la Belgique: contribution a l’histoire de la periode 1940–1950, Bruxelles, 1971;F. Vanlangenhove , La Belgique et ses garants. L’ete 1940. Contribution a l’histoire de la politique exterieurede la Belgique pendant la seconde guerre mondiale, Bruxelles, 1972 (Coll. Memoires de la classe des Lettres,41); F. Vanlangenhove , “Les objectifs de la “politique d’independance” de la Belgique”, dans Revue Belge dePhilologie et d’Histoire, t. 52, 1974, p. 389–403; F. Vanlangenhove , L’elaboration de la politique etrangere dela Belgique entreles deux guerres mondiales, Bruxelles, 1980. (Coll. Memoires de la classe des lettres, 65); F.Vanlangenhove , “De la politique d’independance a l’integration europeenne”, dans Studia Diplomatica, t. 34,1981, n°1–4, p. 3–23.

71. L’Education d’un prince. Entretiens avec le Roi Leopold III, ed. G. Kirschen, Bruxelles, 1984.72. Leopold III, Pour l’Histoire. Sur quelques episodes mon regne, Bruxelles, 2001.73. R.E. Arango, Leopold III and the Belgian royal question, Baltimore, 1963; A. Dantoing, La “collaboration”

du Cardinal. L’Eglise de Belgique dans la guerre 40, Bruxelles, 1991; C. Koninckx, Leopold III, roi et diplomate.La politique etrangere belge et les initiatives de paix pendant l’entre-deux-guerre s 1934–1940, Anvers, 1997;J. Stengers, Aux origines de la Question royale. Leopold III et le gouvernement . Les deux politiques de 1940,Gembloux, 1980; J. Velaers & H. Van Goethem, Leopold III. De koning, het land, de oorlog.

74. Une synthese des travaux historiques concernant la politique etrangere de la Belgique a ete tentee par unpolitologue � amand dans sa these de doctorat, publiee uniquement en neerlandais: R. Coolsaet, Belgie en zijnbuitenlandse politiek 1830–1990, Louvain, 2e ed., 1998.

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268 European Review of History—Revue europeenne d’Histoire

Si l’Histoire de Belgique etait essentiellement francophone il y a cinquante ans, c’est loin d’etreencore le cas actuellement. La preponderance du neerlandais constitue une caracteristique majeurede l’historiographie belge recente. De plus en plus d’articles et de livres sont publies exclusive-ment en neerlandais, les editeurs ne prenant meme plus la peine de les traduire en francais, en cecompris les livres meritant cette traduction. Ceci re� ete la vitalite de la recherche scienti� que enFlandres, qui s’explique notamment par un � nancement plus genereux des autorites publiques� amandes, assurant plus de stabilite materielle au personnel membre des equipes de recherche. Lessources regionales de � nancement dans la partie francophone du pays peuvent etre quali� ees deminimales, dispersees, et denuees d’ambition. De plus, les editeurs francophones, dont le nombreest par ailleurs tres limite, rechignent a consentir le risque de traduire et diffuser sur un marchesi restreint des travaux scienti� ques risquant de ne pas interesser le grand public. Seule unepublication assuree par des aides publiques ou dans le cadre de collections universitaires permetde pallier tres partiellement ce vide editorial. La publication en neerlandais de la majorite destravaux recents, surtout depuis le milieu des annees 80, implique qu’une partie importante desrecherches historiques menees en Belgique n’est desormais plus directement lisible par lacommunaute scienti� que internationale, en raison de la barriere linguistique. Les historiensanglo-saxons, qui souvent ignorent meme les recherches publiees en francais ou allemand, lisentencore moins des textes rediges dans d’autres langues, tandis que les historiens francais neprennent connaissance que des recherches publiees en francais ou eventuellement en anglais. Celaa pour consequence une vision souvent tronquee de l’etat de l’historiographie belge par les milieuxscienti� ques etrangers. Mais ces dif� cultes de diffusion internationale sont egalement rencontreespar des pays europeens pratiquant des langues minoritaires (Scandinavie, pays de l’Europe centraleet orientale, Balkans … ). Si nous appelons de nos voeux l’emergence d’une historiographieeuropeenne, que ce soit a propos de la deuxieme guerre ou d’autres moments historiques cruciauxde l’Europe, ce mouvement se voit freine par la necessite d’ecrire dans l’une des langues majeures(anglais surtout, mais egalement francais, allemand et espagnol) si l’historien souhaite etre lu auniveau international.

Universite d’Artois et Universite Catholique de Louvain THIERRY GROSBOIS

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