Upload
hoangxuyen
View
215
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie
Regards critiques et pistes de réflexions sur les
bonnes pratiques
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
2
Travail sur les bonnes pratiques dans l’accompagnement des aînés en perte d’autonomie – IHW – 2012 Claire Bachelet
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
3
Table des Matières
1 INTRODUCTION ........................................................................................................................... 5
2 LA NOTION DE QUALITÉ DE VIE ........................................................................................... 7
2.1 INTRODUCTION AU CONCEPT ........................................................................................... 7 2.2 LA QUALITÉ DE VIE, DIFFÉRENTE SELON LE POINT DE VUE ? .............................................. 8 2.3 CONCLUSION .................................................................................................................. 9
3 DIFFÉRENTES FORMES D’HÉBERGEMENT ET D’ACCUEIL POUR PERSONNES
ÂGÉES DÉPENDANTES ................................................................................................................... 11
3.1 L’ACCOMPAGNEMENT AU DOMICILE ................................................................................11 3.2 SERVICES TRANS-MUROS ...............................................................................................13 3.3 L’HABITAT ALTERNATIF ..................................................................................................15 3.4 L’ENTRÉE EN INSTITUTION ..............................................................................................16 3.4.1 LES SERVICES INTRA-MUROS .................................................................................................... 17
4 CONCLUSION.............................................................................................................................. 18
5 A LA RENCONTRE DES PROFESSIONNELS DE TERRAIN EN WALLONIE .............. 21
5.1 PROFIL DES PARTICIPANTS .............................................................................................22 5.1.1 SÉMINAIRE DE MONS ................................................................................................................ 22 5.1.2 SÉMINAIRE DE TOURNAI ........................................................................................................... 22 5.1.3 SÉMINAIRE DE NAMUR .............................................................................................................. 22 5.2 CONTENU DES SÉMINAIRES ............................................................................................23 5.2.1 ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES/AIDANTS ........................................................................... 23 5.2.2 ACCUEIL ET ACCOMPAGNEMENT EN INSTITUTION .................................................................... 24 5.2.3 ACTIVITÉS ET ANIMATIONS ....................................................................................................... 25 5.2.4 REPÈRES .................................................................................................................................... 27 5.2.5 ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE ........................................................................................... 29 5.2.6 FORMATIONS ET ACCOMPAGNEMENT DU PERSONNEL SOIGNANT/PARAMÉDICAL .................... 30 5.2.7 CONSTATS D’ACTUALITÉ .......................................................................................................... 32 5.2.8 QUELQUES PRATIQUES RECENSÉES ........................................................................................... 33 5.3 DISCUSSION ..................................................................................................................34
6 PISTES DE RÉFLEXIONS ET REGARDS CRITIQUES ....................................................... 36
7 TROIS PROJETS INSTITUTIONNELS INNOVANTS, EN WALLONIE ET AILLEURS 42
7.1 PROJET DE « MAISON INTERGÉNÉRATIONNELLE » ...........................................................42 7.2 PROJET « MAISON DE VIES SOLIDAIRES POUR ADULTES ÂGÉS » .......................................45 7.3 PROJET CARPE DIEM AU CANADA ..................................................................................48 7.4 CONCLUSION .................................................................................................................50
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
4
8 CONCLUSION GÉNÉRALE ...................................................................................................... 51
9 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................ 54
10 ANNEXE ...................................................................................................................................... 56
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
5
1 Introduction
Avec l’augmentation de l’espérance de vie, nous assistons également à une
augmentation de la population âgée. Ce constat implique que nous vivrons à présent
plus longtemps en bonne santé et parallèlement, que cette même population âgée
verra de plus en plus de personnes développer une démence et/ou de la
désorientation.
Par conséquent et au vu d’une demande croissante relative à la recherche de
structures d’accueil pour les personnes désorientées, l’asbl Infor Homes Wallonie, en
2011, entama une recherche qui tentait de dégager les différentes tendances
concernant la prise en charge des personnes âgées désorientées. L’analyse des
données, récoltées à l’aide d’un questionnaire soumis oralement aux directions des
maisons de repos, mettait en évidence une série de constats pertinents ainsi que de
nouvelles pistes en termes d’accompagnement des résidents désorientés (de la
présence d’une aile sécurisée à la mise en place de repères particuliers ou encore
des modalités de recours à la contention). Même si cette recherche ne permettait pas
de balayer cette vision encore sombre des maisons de repos, elle permettait
néanmoins de souligner d’une part une certaine qualité dans l’accueil des personnes
désorientées et d’autre part, la mise en place progressive de « bonnes » pratiques
(du projet général aux « trucs et astuces » faits maison) destinées à améliorer leur
qualité de vie et à maximiser leur autonomie.
Si la recherche exploratoire réalisée en 2011 nous a donc permis de dresser pour la
Wallonie un état des lieux approximatif de l’accueil en institution des personnes
désorientées (accueil d’un point de vue davantage « pratique » de type « quelles
structures sécurisées, quels types de contention, quels repères concrets ?»…), le
travail ci-présent se veut aujourd’hui d’étendre la question de l’accompagnement à
l’ensemble de la population vieillissante (institutionnalisée ou pas, désorientée ou
pas). Plus précisément, nous proposons ici une réflexion quant à l’accompagnement
des aînés en perte d’autonomie et nous interrogeons quant aux pratiques dites
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
6
« bonnes et innovantes » lorsque la dépendance s’installe. Nous insistons d’ailleurs
sur la nécessité d’appréhender l’accompagnement au travers d’une approche globale
de l’individu. En effet, en plus de tenir compte du ressenti subjectif mais aussi des
difficultés objectives (handicaps associés au vieillissement, degré d’évolution de la
désorientation lorsqu’il y a démence…) propres à la réalité de la personne en perte
d’autonomie, l’accompagnement devra s’étendre aux familles, aux aidants-proches
ainsi qu’au personnel soignant lorsque qu’il y a institutionnalisation et ce, dès les
premiers signes de perte d’autonomie jusqu’aux soins palliatifs (la mort comme partie
intégrante de la vie).
Nous rejoignons notamment Charlot et Guffens (2007) qui expliquent que « le défi
des prises en charge est de garantir aux personnes âgées en perte d’autonomie la
préservation d’une part d’autonomie, qui pourra se traduire dans des gestes simples
accomplis dans la vie quotidienne ou parfois dans des décisions plus importantes »
et d’ajouter que « la part d’autonomie variera en fonction de chaque personne et en
fonction de la progression de la maladie (si maladie il y a), c’est bien ce que traduit le
concept de ‘personne âgée en perte progressive d’autonomie’, il souligne la diversité
et l’évolutivité des situations, casse l’idée d’étiquette, soutient qu’il n’y a pas que des
pertes (dans le vieillissement) et dans les maladies dégénératives, mais aussi des
capacités préservées ».
Dans ce travail et en guise de rappel théorique, nous introduirons dans un premier
temps la notion souvent débattue de « qualité de vie » et tenterons après de mettre
en avant différentes formes d’hébergement et d’accueil pour personnes âgées
dépendantes.
Par la suite, nous présenterons différentes pistes de réflexion dégagées au cours de
3 séminaires réalisés dans les régions de Mons, Tournai et Namur avec la
participation de professionnels de terrain. Nous verrons comment ces pistes nous
amènent à considérer avec prudence les notions de « bonnes et innovantes
pratiques » trop souvent érigées comme « manuels du ‘comment faire’ » au
détriment d’une philosophie de l’accompagnement privilégiant le « comment être ».
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
7
La notion de qualité de vie
1.1 Introduction au concept
La qualité de vie renvoie à un concept multidimensionnel que de nombreux auteurs
se sont employés à définir ces deux dernières décennies. Il ressort néanmoins des
différents travaux un consensus sur quatre propriétés de la qualité de vie : le
caractère multifactoriel, l’auto-évaluation, la variabilité temporelle et la subjectivité
(Salmon et al, 2009).
Parmi les nombreuses définitions suggérées, celle de l’OMS (1993)1 décrit la qualité
de vie comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le
contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquelles il vit, en relation avec
ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. »
Dans la même lignée, en 2002, Ylieff considérera la qualité de vie comme la
synthèse de quatre domaines : l’état de santé physique et les habiletés
fonctionnelles ; l’état de santé psychologique et le bien-être ; le statut social et les
interactions sociales ; les conditions économiques. Comme l’indiquent Salmon et al
(2009), cette variabilité suggère déjà la possibilité d’un maintien individuel d’une
qualité de vie dans certains de ces domaines.
Si la qualité de vie échappe à toute définition restrictive, celles que nous venons de
présenter semblent toutes deux s’accorder sur l’importance du vécu subjectif de la
personne. C’est d’ailleurs en cela que la notion de qualité de vie apparaît si
complexe : elle est un critère d’appréciation censé revêtir un caractère objectif alors
même qu’elle est l’objet d’une interprétation subjective (Leplège, 1999 cité par
l’Anesm2, 2011). L’Anesm (2011) suggère donc de ne pas se limiter à la sensation ou
à la perception mais bien de prendre aussi en considération la réalité que la
perception recouvre. Par exemple, le sentiment de solitude peut être lié à une
1 WHOQOL GROUP, 1993
2 Agence Nationale de l’Evaluation de la qualité des établissements et Services Médico-sociaux
(France). L’anesm a inscrit en 2011 dans son programme de travail un programme « qualité de vie en Ehpad (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes).
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
8
solitude réelle en raison de l’insuffisance des liens sociaux, mais aussi de la
perception négative qu’a la personne de ses relations avec des personnes pourtant
bien présentes.
Ainsi, la qualité de vie peut varier selon l’appréciation de chacun tout comme elle
pourra évoluer dans le temps (Etienne et Fontaine, 1997 cités par Salmon et al,
2009 ; Anesm, 2011).
Il semblerait notamment que la qualité de vie comprenne les mêmes domaines que
la personne soit désorientée ou pas, jeune ou âgée: un fonctionnement cognitif
satisfaisant, la capacité d’exécuter des activités de la vie quotidienne, de s’engager
dans une action sociale, une gestion du temps adéquate et enfin, un équilibre entre
émotions positives et absence d’émotions négatives (Lawton, 1994).
1.2 La qualité de vie, différente selon le point de vue ?
Dans l’évaluation de la qualité de vie, il est important d’attirer l’attention sur les
différences significatives entre l’impression de la personne concernée et celle de son
(ses) proche(s). Il a en effet été observé dans plusieurs études que le(s) proche(s)
évaluai(en)t la qualité de vie du patient comme étant à un niveau plus bas que le
patient lui-même (Novella et al, 2001 ; Karlawish et al, 2001, Shin et al, 2005 ; cités
par Salmon et al, 2009). Dans le cas des démences notamment, la sévérité de la
démence ne sera pas forcément synonyme d’une moins bonne qualité de vie.
Plusieurs études ont même démontré à l’inverse que les personnes en stade avancé
de démence avaient tendance à manifester une meilleure satisfaction de la vie (la
conscience de la maladie s’atténuant avec son évolution) en comparaison de
personnes à un stade précoce de la démence, rapportant davantage de symptômes
dépressifs et par là, une moins bonne qualité de vie. Et l’UCP3 (2010) d’ajouter que
« cette nuance entre « Vie » et « Envie de Vie » influe sur les perceptions de
l’entourage, la famille, les aidants… Influe également sur les pratiques
professionnelles du secteur de l’aide aux personnes âgées. En effet, le regard des
3 Union Catholique des Pensionnés, mouvement social des aînés asbl
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
9
professionnels et les pratiques d’accompagnement (des aînés) s’en trouvent
marqués et peuvent se répercuter sur la personne âgée concernée […] »
Ces données concernant la qualité de vie introduisent pour les familles, les aidants-
proches ainsi que pour les professionnels un changement de perspective important
d’une part en validant que la personne est à même de pouvoir exprimer ses besoins
et ses opinions, de pouvoir faire des choix et de pouvoir participer à ceux qui la
concernent4 et d’autre part en soutenant qu’il est de la mission des aidants de lui
faciliter cette expression et cette participation.
1.3 Conclusion
Comme nous venons de l’aborder brièvement, il n’existe donc pas de définition
consensuelle de la qualité de vie comme il n’y a pas de consensus sur ce qu’est le
bien-être ou la santé5. Toutefois, Corten (1996), dans un essai critique a pu mettre
en évidence un modèle original permettant de comprendre les diverses dimensions
de la qualité de vie, modèle qui peut se résumer à cet aphorisme: la Vie est de
qualité quand elle fait sens ! Et, il faut entendre par “sens” tous les sens du mot
sens, à savoir: les sens en tant que lieu de plaisir où interviennent les affects et les
besoins, bien sûr, mais aussi la sensorialité (écouter, voir, goûter) et la motricité
(marcher, danser, se relaxer), le sens en tant que signifiant où interviennent les
valeurs, les importances, mais aussi la spiritualité, et enfin le sens en tant direction
reliant le passé (avec son histoire et sa personnalité) au futur (avec ses aspirations et
expectations).
Nous avons aussi vu dans cette introduction à la qualité de vie que celle-ci renvoie à
un processus global au sein duquel interagiront différentes variables et c’est en cela
qu’il nous apparaît primordial dans ce travail d’envisager la qualité de vie à la lumière
des différents moyens et structures qu’il sera possible de mettre en place autour de
4 Arrêté du Gouvernement Wallon du 15 octobre 2009, annexe 3, Ch. 1 (normes concernant la liberté
des résidents, le respect de leurs convictions et leur participation) 5 A l’exception de la définition de la constitution de l’OMS (84) : « La santé est un état de complet
bien-être physique, psychologique et social ».
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
10
l’individu en perte d’autonomie. Comme l’avance l’UCP (2010) au sein du travail
« Envie de Vie », produire de la qualité de vie est un processus permanent et
volontariste. Un véritable défi à relever au quotidien, en maison de retraite comme
partout ailleurs.
Dans cette optique, nous proposerons dans le chapitre suivant un rappel global des
différentes formes d’hébergement et d’accueil pour personnes âgées. L’objectif sera
ainsi de présenter au lecteur un rappel concis des structures créées pour venir en
aide lorsque la dépendance s’installe.
La suite du travail quant à elle, en présentant des regards croisés de professionnels
du terrain en Wallonie, nous permettra d’élever la question de l’accompagnement à
une réflexion plus concrète (quelles limites à la mise en place des bonnes pratiques,
quelles difficultés rencontrées sur le terrain, quelles possibilités « novatrices » pour
un accompagnement éthique ?)
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
11
2 Différentes formes d’hébergement et d’accueil pour personnes âgées dépendantes
Considérant le nombre grandissant de personnes n’ayant plus les ressources
nécessaires pour assumer tous les actes de la vie quotidienne, nous répertorions et
décrivons ici une série d’organisations assurant une mission auprès des personnes
en perte d’autonomie qui nécessitent de l’aide dans le cadre d’un maintien au
domicile. Organisations qui permettront notamment à l’aidant proche d’être soulagé
de certaines tâches qu’il ne sait plus assumer seul au jour le jour.
2.1 L’accompagnement au domicile6
Les services d’accompagnement au domicile se mettent progressivement en place
dans le cadre des centres de coordination des soins et de l’aide à domicile. Van
Audenhove, Ylieff et al. expliquent toutefois dans un travail de 2009 que le
développement de ces services rencontre des difficultés liées à la constitution des
équipes et au coût relativement élevé pour les bénéficiaires.
Différents services
Les centres de coordination des soins et de l’aide à domicile : Selon la situation
(aménagement du lieu de vie pour un maintien à domicile ou encore retour de
l’hôpital vers le domicile) les centres de coordination des soins et de l’aide à
domicile proposent une analyse de la situation/des besoins, une organisation des
différentes aides nécessaires, une mise en place d’un plan d’intervention
personnalisé, une coordination assurée entre les différents professionnels. Ils
évaluent donc l’aide adaptée au besoin et organisent avec l’aidant
l’accompagnement pratique.
6 Pour toute information supplémentaire relative au maintien à domicile et pour une sensibilisation qui
plus est interactive, nous invitons le lecteur à consulter le site de la plateforme « bien vivre chez soi » créé par la Wallonie : « http://bienvivrechezsoi.be/ »
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
12
Les services d’aide aux familles : proposent des aides familiales et/ou ménagères
ainsi que des gardes à domicile et non des soins (même s’ils peuvent travailler en
collaboration avec des infirmier(e)s)
L’aménagement du domicile : l’ergothérapeute pourra suggérer des solutions
d’adaptation du lieu de vie en fonction des besoins et des difficultés. De plus,
notons qu’il est prévu pour janvier 2013 que les personnes âgées (ou en situation
de handicap) ayant de faibles revenus pourraient se voir octroyer des prêts sans
intérêts pour des montants entre 300 et 10.000 euros en vue d’aménager le
domicile et d’y vivre ainsi de manière plus autonome et sécurisante.
L’aide familiale : soutien dans tous les gestes de la vie quotidienne et dans
l’information des aidants proches pour les guider dans l’aide qu’ils apportent
Les soins infirmiers (avec spécialisations diverses)
La biotélévigilance : en cas de malaise, d’accident, cela permet de joindre une
centrale de secours 24h/24
Une équipe de brico-dépanneurs : pour la réalisation de tâches de réparation ou
d’entretien que la personne n’est plus en mesure d’effectuer seule
La garde à domicile : des personnes peuvent tenir compagnie et accompagner
dans son quotidien, de jour comme de nuit (selon le service) toute personne en
perte d’autonomie.
Services divers pour l’amélioration de la qualité de vie : prêt/vente de matériel
médical, transport de personnes malades, soins palliatifs, logopédie, pédicure,
coiffure, distribution de repas…
Les prestataires indépendants
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
13
2.2 Services trans-muros
Certaines alternatives de court terme permettront à l’aidant proche d’être soulagé le
temps d’une journée ou plus. Les propositions présentées ci-dessous garantiront un
accompagnement de qualité aux personnes concernées, offriront un moment de
répit7 à l’aidant proche qui se verra à nouveau disponible pour réaliser les activités
qu’il avait dû délaisser (prendre soin de soi pour bien prendre soin des autres). Elles
éviteront la rupture brutale du passage du domicile à l’institution en garantissant à la
personne en perte d’autonomie un retour chez elle ou chez un proche.
Les centres d’accueil de jour ou de soirée/nuit : Ils sont situés au sein d’une
maison de repos ou d’une maison de repos et de soins ou encore en liaison avec
elles et permettent de soulager l’aidant en accueillant la personne en perte
d’autonomie (âgée d’au moins 60 ans sauf dérogation) en constituant un cadre
sécurisant la nuit et en proposant le jour (de 8h à 18h) des activités, des soins
voire une prise en charge thérapeutique et sociale.
Maisons d’accueil communautaire : Se caractérisent par la réponse aux besoins
sociaux des personnes âgées. Elles se distinguent nettement d’un centre d’accueil
de jour dont la finalité première est la prise en charge médicale et thérapeutique.
De plus, un centre d’accueil de jour est automatiquement relié à une maison de
repos puisque celui-ci est géré par le même pouvoir organisateur, le centre
d’accueil communautaire est quant à lui indépendant.
Les centres de soins de jour : Leur objectif est de prendre en charge les
personnes en souffrance psychique et/ou physique nécessitant un
accompagnement et des soins pendant la journée afin de retarder un placement
en maison de repos, d'éviter ou d'abréger les hospitalisations et de faciliter la
récupération de l'autonomie après une maladie chronique. Ces fonctions d'accueil
7 Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si ces services ont également été qualifiés de services de « répit »
aux aidants familiaux.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
14
personnalisé, d'orientation médicale et de réadaptation physique, psychique et
sociale impliquent une offre d'aides et de services variés et coordonnés.
Le court séjour : Les lits de court séjour se situent au sein d’une maison de repos
(ou maison de repos et de soins). Les personnes âgées nécessitant une
convalescence ou dont les proches ne peuvent s’occuper pour une période limitée
sont accueillies pour une durée de maximum 3 mois (ou 90 jours cumulés par
année civile que ce soit ou non dans le même établissement).
Les centres de convalescence et de revalidation : Permettent d’assurer la
transition entre l’hôpital et le domicile. Ils comprennent les soins de kinésithérapie
et de physiothérapie.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
15
2.3 L’habitat alternatif
Lorsque l’état de santé le permet encore, quitter son domicile pour une habitation
plus adaptée peut représenter une alternative intéressante (mais encore trop
méconnue du grand public) à l’institution.
La vie communautaire (genre Abbeyfield8)
Plusieurs personnes âgées se groupent dans une maison à dimensions
humaines dont elles assumeront la gestion ensemble et où elles contribueront à
créer une ambiance familiale. Cette formule allie ainsi vie privée et vie en groupe
tout en restant soutenue par l’association dont elle est membre.
L’habitat kangourou
La personne âgée est la propriétaire ou le bailleur des lieux et accepte de partager
l’habitation avec un jeune ménage ou une famille. La personne âgée s’installe par
facilité au rez-de-chaussée, la famille dispose du reste des lieux. Chaque partie
doit signer un contrat où figureront les modalités de la réciprocité des services et
le loyer modique payé par la famille. Il n’y a pas encore d’expérience de ce type
en Wallonie même si un groupe de travail prépare pour cette année un cadre pour
des mesures complémentaires
Les résidences services
Ce sont des logements particuliers destinés aux personnes âgées de 60 ans au
moins et leur permettant de mener une vie indépendante tout en offrant
obligatoirement des services auxquels elles peuvent faire appel librement. Les
résidences services doivent avoir un accord de collaboration avec une maison de
repos ainsi qu’avec un ou plusieurs centres de coordination de soins et de l’aide à
domicile qui couvrent le territoire.
8 Pour toute information supplémentaire, nous vous invitons à consulter en ligne le site de l’habitat
groupé participatif Abbeyfield : http://www.abbeyfield.be/fr/
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
16
L’accueil familial
Cette formule permet à la personne âgée d’habiter chez une personne ou une
famille qui mettrait à disposition une chambre individuelle, des sanitaires adaptés
et des espaces communs. Ce type d’habitat fait actuellement l’objet d’une
disposition décrétale dont la mise en œuvre serait pour janvier 2013.
L’attention et la prudence restent néanmoins de mise concernant l’habitat kangourou
et la vie communautaire car elles ne font pas, à l’heure actuelle, l’objet de
dispositions légales ou décrétales. Aucun contrôle ni protection ne sont donc
exercés.
2.4 L’entrée en institution
« La maison de retraite est un univers inconnu peu familier, un nouveau lieu de vie avec des
règles et des modalités spécifiques. L’hébergement collectif signifie la cohabitation obligée et
permanente avec d’autres personnes, résidents et professionnels. C’est l’établissement de
nouvelles relations sociales et l’acquisition d’une autre identité et d’un nouveau statut, celui
de résident » (Ylieff, 2002)
L’entrée en institution peut s’avérer être une épreuve pénible autant pour la personne
concernée que pour les familles. En effet, l’individu concerné fera face à des
adaptations quelques fois ardues à un nouvel environnement impliquant une prise en
charge très différente de celle au domicile.
L’adaptation pourra être encore plus difficile si elle apparaît dans un contexte de
crise, d’urgence (transit par urgences des hôpitaux, court séjour etc.). D’où l’intérêt
de préparer son avancée en âge ainsi qu’une éventuelle entrée en institution. Assez
tôt donc, il faut encourager la famille à commencer à rechercher une structure
d’accueil/de soins définitive et ne pas attendre pour le faire que le maintien à
domicile soit devenu impossible. Pour ce faire, les familles peuvent être aidées par
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
17
des professionnels du terrain (Infor Homes Wallonie asbl, cpas, mutuelles, assistants
sociaux…)
Si l’entrée du proche en institution peut représenter pour les familles un certain
soulagement (ne plus se tracasser en permanence, se reposer), ce dernier
s’accompagne souvent d’un ressenti d’échec de la prise en charge à domicile, d’un
sentiment de culpabilité, de déchirement face à la séparation et l’impossibilité de
continuer à s’occuper de son parent. A cela s’ajoute la difficulté de trouver une
institution adaptée à sa situation, au budget etc. (Feteanu et al., 2005).
Il ne faut en effet pas nier que les personnes échappant à l’entrée en institution sont
pour la plupart celles qui ont « une vaste famille, une vaste demeure et dont les
moyens financiers leur permettront d’avoir un personnel abondant » (Polydor, 2009).
Le choix de la maison de repos se fera dès lors sur base de certains critères
(Polydor, 2009), le premier étant le prix, venant ensuite la proximité (quelle facilité
d’accès pour que le lien ne se rompe pas entre famille/aidant et résident ?), et enfin
le critère de qualité de l’établissement. Pour ce dernier point, Infor Homes Wallonie
conseille vivement aux personnes recherchant un établissement de pouvoir en visiter
plusieurs et une fois sur place, de se fier au ressenti personnel, sans pour autant se
laisser rebuter par le nombre de personnes en état de dépendance : « C’est une
réalité déplaisante qu’il faut se préparer à affronter. Passez du temps, posez-vous,
observez, écoutez. Bientôt vous sentirez que dans telle maison, plus toute jeune, le
personnel est d’une extrême gentillesse, que dans telle autre les animations sont
joyeuses et stimulantes, qu’ailleurs, une ambiance paisible règne. Laissez-vous
porter par ce que vous disent vos sens et votre cœur, si vous visitez pour un parent,
tentez de raisonner à sa place et non selon vos seuls critères. Sans négliger les
aspects négatifs, appliquez vous à voir le positif. Habituez-vous à l’idée avant d’y
habituer votre parent malade. » (Polydor, 2009)
2.4.1 Les services intra-muros
Le secteur intra-mural comporte des services permanents (maisons de repos,
maisons de repos et de soins, maisons de soins psychiatriques) ou temporaires
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
18
(hôpitaux généraux, gériatriques, psychiatriques, spécialisés) en fonction de la durée
de séjour des personnes qui y sont accueillies (Van Audenhove, Ylieff et al, 2009)
La maison de repos (MR)
C’est un établissement destiné à héberger des personnes âgées de 60 ans au
moins9 qui y ont leur résidence habituelle et y bénéficient en fonction de leur
dépendance de services collectifs familiaux, ménagers, d’aide à la vie journalière
et de soins médicaux ou paramédicaux.
La maison de repos et de soins (MRS)
La maison de repos et de soins se destine aux personnes âgées dont l’autonomie
est réduite, nécessitant des soins ou atteintes d’une maladie de longue durée
nécessitant une surveillance journalière associée à un traitement médical adapté.
Les personnes accueillies sont fortement tributaires de l’aide de tiers pour pouvoir
accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne. Comparées aux « MR », les
« MRS » disposent de ressources en matériel et personnel infirmier et paramédical
plus importantes en vue d’assurer un traitement approprié aux résidents les plus
dépendants.
3 Conclusion Il faut admettre que si des avancées non négligeables ont vu le jour ces dernières
années en matière d’accueil de la personne âgée en perte d’autonomie, il n’existe
malheureusement pas de « solution miracle » aux problèmes rencontrés, chaque cas
restant unique (il existe en effet autant de « dépendances » qu’il existe d’individus).
Chaque moyen ou structure présenté constitue donc une réponse plus où moins
complète face à la demande et il est important de garder à l’esprit que chaque
formule comportera donc ses avantages mais aussi ses inconvénients. Notons
9 Sauf s’il y a dérogation dans le cas de personnes plus jeunes
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
19
également que les divers lieux d’hébergement pour personnes en perte d’autonomie
se veulent être des nouveaux « chez soi », pourtant, dans le cas des maisons de
repos, la vie en collectivité, avec les rythmes et l’organisation qui en découlent,
rappelle au quotidien cette rupture survenue entre la vie passée et la vie actuelle et
remet forcément en question la possibilité d’être « chez soi » (avec toutes les
références à l’intimité et à la liberté que cela implique) dans un lieu où s’entremêlent
et cohabitent au quotidien les vies des résidents et des professionnels. Cette réalité,
Rimbert (2005) s’y est intéressé en proposant une analyse du « temps rationalisé »
et du « temps domestique » en maison de retraite. Selon lui le rapport au temps en
maison de repos serait un indice efficace de l’intensité de la rupture que constitue la
transition du domicile à l’institution. Il ajoute qu’en effet, « intégrer une institution est
source de changement : départ du lieu d’habitation, voire déplacement géographique
radical, coupure du milieu d’interconnaissance ; arrivée dans un lieu inconnu avec
des individus qui y travaillent, d’autres qui partagent la condition du nouvel arrivant
mais dont la présence ne se justifie pas par les raisons classiques de la cohabitation
(familiales, amicales…). En outre, c’est souvent à la suite d’un évènement déjà
bouleversant que le placement a lieu, comme le décès du conjoint (Caradec, 2004,
cité par Rimbert, 2005), ou une hospitalisation.
Parce que l’organisation du temps des résidents fait partie intégrante des missions
d’une maison de retraite, les relations entre le temps des retraité(e)s et celui des
salarié(e)s sont à la fois une contrainte et une tâche à maîtriser en tant que telle. Le
travail du personnel gériatrique consiste alors à contrôler le rythme des personnes
âgées sans les brusquer. Et le « travail » des résidents revient à préserver la
singularité de leur rythme de vie, dans une sorte de concurrence objective avec les
agents de l’institution. On a là une sorte de « drame social du travail » (Hugues,
1996, cité par Rimbert, 2005), puisqu’il n’y a pas de tension entre la perception
routinière du professionnel et l’angoisse du « client profane », mais entre deux
« routines » qui n’ont pas la même vitesse.
Quelles propositions sont donc faites tant dans l’accompagnement au domicile que
dans une organisation collective hyper structurée pour maximiser la qualité de vie et
préserver tant que possible la singularité des rythmes des individus ? C’est la
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
20
question que nous poserons et à laquelle nous espérons amener un début de
réponse via les 3 séminaires réalisés par Infor Homes Wallonie et présentés ci-
après.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
21
4 A la rencontre des professionnels de terrain en Wallonie Dans le cadre de ce travail, Infor Homes Wallonie a organisé successivement 3
séminaires10 en Wallonie et plus précisément à Mons, Tournai et Namur. Ces
derniers s’adressaient aux professionnels de terrain quels qu’ils soient (du secteur de
l’aide à domicile au personnel de maison de repos…) et se voulaient de récolter un
maximum de « bonnes et innovantes pratiques » destinées à favoriser un
accompagnement de qualité de la personne en perte d’autonomie et ayant cours en
Wallonie.
Aussi, nous n’avons pas soumis aux participants de questionnaire standardisé en
vue de récolter les pratiques en cours dans leur secteur professionnel, nous leur
avons délibérément laissé une quasi11 totale liberté d’échanges et d’expression afin
d’orienter voire biaiser le moins possible le contenu de leurs interventions. Notre
souhait lors de ces séminaires était de favoriser les échanges spontanés (les thèmes
récurrents débattus dans chacune des régions reflétant à notre sens une certaine
priorité accordée par chaque groupe au regard de leurs réalités de terrain
respectives). La spontanéité de ces échanges ajoute toutefois une difficulté dans
l’organisation des informations recueillies, c’est pourquoi nous décidons ci-après de
caractériser en préambule chaque séminaire par une phrase traduisant le plus
fidèlement possible la tendance principale de réflexion qui aura pu s’en dégager.
11
Liberté restreinte cependant par nos interventions en vue de gérer les temps de paroles
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
22
4.1 Profil des participants
4.1.1 Séminaire de Mons
« Pour une meilleure formation des professionnels dans les aides à domicile comme
en institution »
Le séminaire de Mons rassemblait 7 participantes. Parmi celles-ci 3 ergothérapeutes
(2 en MR/MRS, 1 de la CSD12), 2 coordinatrices de centres de coordination des
soins et de l’aide à domicile (ASD13 et CSD), 1 logopède en MR/MRS et enfin 1
secrétaire.
4.1.2 Séminaire de Tournai
« Pour davantage de ressources en matière de personnel et une plus grande
implication des familles »
Le séminaire de Tournai rassemblait 11 participantes. Parmi celles-ci 6 aides-
soignantes en MR/MRS, 1 coordinatrice CMDPA14, 1 assistante-sociale (MR/MRS),
et enfin 2 animatrices (1 en MR/MRS, l’autre pour l’UCP)
4.1.3 Séminaire de Namur
« Pour un questionnement sur les valeurs et les moyens de les concrétiser »
Le séminaire de Namur rassemblait 11 participants. Parmi ceux-ci 3 directeurs de
MR/MRS, 1 aide soignante, 1 co-fondatrice d’une asbl spécialisée dans le
vieillissement, 2 coordinatrices CSD, 2 membres du service d’accompagnement à la
vie quotidienne (CPAS), 1 membre du service social de la mutualité chrétienne et
enfin un chargé de projets FNAMS15
12
CSD (Centrale de Services à Domicile de la mutualité solidaris) 13
ASD (Aides et Soins à Domicile de la mutualité chrétienne) 14
CMDPA (Coordination pour le Maintien à Domicile dans le Pays de Ath) 15
FNAMS (Fédération Nationale des Associations Médico Sociales)
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
23
4.2 Contenu des séminaires
Les informations regroupées lors des 3 séminaires pouvaient être réparties en 8
catégories :
1. L’accompagnement des familles/aidants
2. Accueil et accompagnement en institution
3. Activités et animations
4. Repères
5. Accompagnement en fin de vie
6. Formation et accompagnement du personnel soignant/paramédical
7. Constats d’actualité
8. Quelques pratiques recensées
Pour chaque catégorie nous énumérerons les données récoltées telles qu’elles ont
été formulées sous forme de points. La suite de ce chapitre sera alors suivie d’une
discussion de ces données. Nous tenterons d’en dégager des pistes de réflexion et
de mener un questionnement critique quant à la notion de « bonne pratique » en tant
que telle.
4.2.1 Accompagnement des familles/aidants
Le fait de garder une certaine autonomie ainsi qu’un pouvoir de décision lorsque la
dépendance s’installe est quelques fois difficile à faire admettre à la famille. Il est
donc important d’accompagner les familles et de les familiariser à la problématique
des démences ou même du vieillissement quand il y a dépendance dans ces
situations éprouvantes.
Dans notre société actuelle, phénomène de la « génération sandwich » qui
s’occupe à la fois des petits enfants et des parents. De ce fait, les familles sont de
moins en moins disponibles pour s’occuper à temps plein d’un parent dépendant.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
24
Constat que le passage du domicile vers la maison de repos est un sujet
particulièrement pénible à aborder en famille. Il s’agit d’une décision difficile à
prendre qui nécessite beaucoup de dialogues là où souvent le silence s’installe
par culpabilité. Pourtant lorsque le sujet est abordé à l’avance avec la personne
âgée, le contexte est alors ressenti comme plus respectueux et l’entrée en
institution s’avère plus facile et rapide.
Pour soulager les aidants, un centre d’accueil de jour peut s’avérer une solution
très rassurante. Il est toutefois nécessaire que ce centre soit bien tenu avec du
personnel attitré
Importance de sensibiliser les familles sur le besoin des personnes âgées lors de
leur retour à domicile. Les familles doivent s’impliquer dans cette étape.
Importance d’expliquer aux familles certains comportements de leur proche (par
exemple expliquer pourquoi on laisse un résident atteint d’une démence manger
avec ses doigts).
Importance d’impliquer les familles Les familles doivent prendre leurs rôles,
s’investir et être là pour le parent..
Présentation du projet HESTIA16 : Améliorer la qualité de vie sociale des
personnes isolées à domicile tout en permettant aux aidants proches de s’offrir
des moments de répit ; offrir un service complémentaire à celui des professionnels
du secteur de l’aide et du soutien à domicile.
Initiative intéressante : les groupes de parole et d’entraide d’aidants proches
organisés par Espace Seniors, association partenaire de La Mutualité Solidaris
4.2.2 Accueil et accompagnement en institution
Aménager les chambres avec quelques objets un peu avant l’entrée de la
personne (après déménagement) afin de rassurer la personne.
16
Une initiative proposée par la Croix Rouge de Belgique
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
25
Il est important de rechercher les raisons de certains comportements semblant
inappropriés chez les personnes en perte d’autonomie voire désorientées. En effet,
si un résident apparaît violent lorsqu’une infirmière entre dans la chambre le matin,
peut-être est-ce parce que l’infirmière est entrée brusquement en allumant la
lampe plutôt qu’en entrant calmement pour ouvrir doucement les tentures. Chaque
action (bonne ou mauvaise) du personnel entraînera une réaction (plus ou moins
forte) du résident.
Une aide-soignante constate que la mise en place de la tablette diminue
l’autonomie de la personne. En effet, quelques semaines après la mise en place
de cette mesure, la personne âgée ne marche plus.
Le contexte social et architectural influence les comportements. Il y a tout Intérêt à
privilégier de petites structures ainsi qu’un aménagement réfléchi de l’espace. Par
exemple, prévoir des espaces de déambulation sécurisés et agréables pour les
personnes présentant des comportements d’errance. Cela leur permettra d’errer
calmement sans chercher à tout prix une porte de sortie.
4.2.3 Activités et animations
Dans certaines institutions par exemple, le personnel organisera des activités lors
desquelles les résidents auront la possibilité de faire des achats (encourager la
gestion, l’autonomie et le pouvoir de décision). De même, le personnel permettra
aux résidents de choisir leur tenue chaque jour. Il s’agit là de petits gestes, de
petites initiatives qui pourtant peuvent avoir un impact très important sur l’estime
de soi des résidents.
Le Snoezelen : un concept fort à la mode. Pour certains il s’agira d’un espace
adapté au public avec de vieux objets autrefois connus et des textures diverses
pour stimuler la mémoire affective et les sens. Une fois que le résident quittera le
local Snoezelen, il se retrouvera à nouveau dans un environnement hospitalier.
Pour d’autres il s’agira en plus de cet espace, d’une réelle philosophie de vie qui
devra être mise en pratique au jour le jour.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
26
Les ateliers de réminiscence (également à la mode) sont peu pratiqués (étude
d’IHW en 2011 par De Coster) car ils demandent de mobiliser beaucoup de
personnel pour pratiquer avec de petits groupes (activités plus individuelles).
Aussi, si cette pratique peut apporter un apaisement pour certaines personnes, il
s’agit toutefois d’un « plus » et non d’une condition indispensable au bien-être des
résidents.
De manière générale, le personnel des établissements semble constater une
faible participation aux activités proposées. Certains résidents préfèrent par
exemple passer du temps à tricoter plutôt que de participer aux activités proposées
par l’établissement. Trop souvent en effet, le terme « animation » ferait référence à
des techniques qui parfois peuvent être complètement dénuées de sens pour les
résidents. L’échange permet donc de mettre en évidence l’importance de
s’intéresser au vécu de la personne, à son parcours de vie, ses intérêts réels dès
l’entrée dans la maison de repos (cela apparaît maladroit d’inciter une personne à
participer à une activité de jardinage si celle-ci n’a aucun intérêt pour les plantes et
est passionnée de mathématiques).
Quelques idées d’animations suggérées
Proposition de découvrir une région via un film (monde, pays) et organisation
ensuite d’un repas sur le thème de cette région.
Initiation à internet et utilisation de la Wii17. Réalisation d’un calendrier personnalisé (le calendrier est sur un support en bois à
décorer selon ses goûts). Cette activité en plus d’occuper et stimuler les résidents,
leur offrira un repère temporel supplémentaire.
Présentation du Clown de Tournai qui sillonne les maisons de repos et fait appel
aux sens primaires et sentiments enfouis chez les personnes avec qui il vit
l’échange.
17
La Wii est un jeu vidéo interactif utilisé de plus en plus en kinésithérapie ou en ergothérapie.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
27
4.2.4 Repères
Les repères en institutions : Qu’ils soient spatiaux ou temporels, il est avant tout
important qu’ils soient personnalisés et aient du sens pour le résident :
- Aménager les chambres avec autant d’objets et de petits mobiliers possibles
du domicile et ce, de préférence un peu avant l’installation de la personne
dans la maison de repos afin de la rassurer.
- Un résident désorienté retrouvera plus facilement sa chambre si la porte est
décorée d’un objet déjà présent autrefois sur la porte de la maison de la
personne. De même, il est préférable de mettre sur les portes des photos des
résidents autrefois plutôt que des photos actuelles ou certaines personnes
désorientées risquent de ne pas se reconnaître. En continuité, il faudra aider
le résident à réinvestir son corps (accorder de l’importance à l’esthétisme
(accord des vêtements voire maquillage pour les dames qui avaient l’habitude
de sortir maquillées)…
- Réaliser lors d’une activité un « calendrier » que le résident décorera selon
ses propres goûts et envies.
- Dans une maison de repos sur Tournai, 3 membres du personnel sont «
référents » / « parrains » pour chaque résident. Cela permet à chaque résident
d’avoir une personne de contact dans le personnel (et ainsi une relation
privilégiée et personnalisée) qui peut intervenir en tant qu’intermédiaire (avec
le reste du personnel ou les familles).
Une façon moins personnalisée d’offrir un repère temporel aux résidents mais qui
peut néanmoins s’avérer très utile est, dans le cadre de l’affichage accessible à tous
et obligatoire des menus de la semaine, de barrer les jours passés au fur et à
mesure.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
28
Une maison de repos de la Province de Namur propose des repères temporels
(horloge, calendrier, menu) en format A4. La déco est également basée sur l’actualité
et sur les saisons.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
29
4.2.5 Accompagnement en fin de vie
En cas de décès, possibilité pour les familles mais également pour le personnel de
rencontrer un(e) psychologue.
Le personnel n’est pas assez nombreux pour appliquer telle quelle la philosophie
des soins palliatifs. Faudrait-il également engager des gens mieux formés ?
Souci de ne pas forcer les personnes à boire, à se laver et de privilégier à la
place des soins de confort lorsque l’issue est irrémédiable pour accompagner en
douceur la personne en fin de vie.
Utilisation d’une échelle d’observation comportementale des douleurs (type
Doloplus). En effet la prise en charge palliative peut présenter quelques
particularités liées au déficit cognitif. Par exemple, la douleur physique posera la
question complexe de son évaluation chez les personnes démentes dont la
sensibilité à la douleur est normale, même si elles ne l’expriment pas toujours de
façon habituelle. Plusieurs études ont d’ailleurs mis en évidence que, à pathologies
égales, les personnes atteintes de troubles cognitifs recevaient moins
d’antalgiques que celles qui n’en présentent pas. Il faut donc toujours interroger
directement le malade sur l’existence éventuelle d’une douleur. Toutefois, à un
stade avancé, les échelles d’autoévaluation de la douleur ne seront plus
utilisables. Dans ce cas alors, les échelles d’observation comportementale
pourront constituer une bonne alternative
Il serait utile de rédiger un document dès l’entrée en maison de repos pour savoir
ce que l’on souhaite en fin de vie. (Une déclaration anticipée d’euthanasie est-elle
abordée avec la personne concernée et la famille?, quels tabous peuvent encore
persister quant à l’euthanasie, l’aborder renvoie certes à l’idée de la mort mais
l’éviter n’est-ce pas nier le droit qu’a chaque individu de vivre et mourir selon ses
volontés? Le débat semble rester aujourd’hui encore délicat) ;
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
30
4.2.6 Formations et accompagnement du personnel soignant/paramédical
Dans l’institution
un écueil non négligeable est la dissociation entre le personnel soignant
(infirmiers…) qui pose des actes médicaux relevant du « savoir-faire », et le
personnel paramédical (animateur, ergothérapeute18…) qui privilégie la relation
humaine et un accompagnement en termes de « savoir-être ». L’institution serait
encore trop souvent synonyme de lieu où l’on attribue des soins. Or, la formation
du personnel doit également s’adapter aux aspects relationnels. En effet, la qualité
de l’accompagnement par le personnel soignant ne serait pas forcément en lien
avec l’ancienneté dans l’institution/la profession. Il y aurait même d’après les
participantes un phénomène de groupe qui influencerait le comportement du
personnel (lorsque les mêmes plaintes, mêmes situations, mêmes réponses aux
problèmes se répètent jour après jour, il est difficile de modifier ses attitudes par la
suite même s’il existe des réunions pluridisciplinaires internes à l’établissement.
L’intérêt d’un séminaire comme celui-ci serait donc de permettre aux
professionnels d’un même établissement de confronter leurs pratiques avec celles
d’un autre et de porter un regard plus critique par après sur la manière d’exercer le
métier. Il existerait donc « un monde de différence » entre les univers médical et
paramédical en MR/MRS.
Manque de moyens pour mettre en place l’idéal. Le personnel suit beaucoup de
formations mais il ne sait les mettre en œuvre (faute de temps). Manque de
moyens pour mettre en place l’idéal.
Vigilance de la part des professionnels lorsqu'ils posent un diagnostic car lorsque
celui-ci est posé, l'étiquette reste à vie.
Au domicile
18
Métier encore trop peu connu d’après les participants au séminaire de Mons
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
31
A domicile, le manque de formation des professionnels représenterait également
un obstacle à un accompagnement de qualité. Par exemple, lorsqu’une personne
âgée refuse de voir l’aide-familial qui vient préparer le repas, il arrive souvent que
cette dernière manque de « subterfuges » qui permettraient de pallier aux refus ou
aux autres problèmes rencontrés. Une comparaison est également faite entre le
rôle de l’aide-familial au domicile et l’ergothérapeute en institution : ces deux
professions privilégieront le relationnel.
Si certaines formations sont proposées aux professionnels (comme la formation
sTimul19 , nombreux étaient les participants aux séminaires à déplorer un manque
d’effectif (en termes de personnel) et par là un manque de temps pour participer aux
formations mais également, lorsque le personnel a la possibilité d’y participer, le
manque de temps pour appliquer sur le terrain et au quotidien les « bonnes
pratiques » apprises.
19 La formation « sTimul19 » propose aux soignants de prendre la place des soignés pendant 2 jours (nuits comprises). Ils sont alors pris en charge par des étudiants qui joueront le rôle des soignants. Quelques jours avant le début de la formation, chaque membre du personnel choisi un « handicap » qu’il va devoir s’approprier tout au long de son séjour, comme par exemple la désorientation (telle qu’elle pourrait se manifester dans la maladie d’Alzheimer). L’objectif de cette formation est ainsi de favoriser la réflexion éthique par le biais de la stimulation. Cela permet aux membres du personnel de prendre conscience du mal-être de la personne désorientée et de répondre en connaissance de cause à ses besoins. (Formation qui s’est donnée entre autres dans une maison de repos de la région de Tournai) (Infor Homes Wallonie, 2011)
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
32
4.2.7 Constats d’actualité
Un nouveau phénomène s’observant de plus en plus régulièrement serait le retour
de la maison de repos vers le domicile. En cause prioritairement les frais
engendrés par une institutionnalisation qui sont lourds à assumer pour les
personnes à petits revenus.
Dans le quotidien des professionnels, il est très rare voire inexistant d’avoir des
échanges pluridisciplinaires avec des professionnels d’autres institutions. Les
participantes du secteur du domicile comme des institutions sont donc ravies de
l’initiative d’IHW d’organiser de tels séminaires.
De plus en plus l’on peut entendre qu’il est important de préparer son avancée
dans l’âge. Le public semble pourtant conscient de cette nécessité mais ce n’est
pas pour autant que les gens l’appliquent à eux-mêmes ou à leurs proches. Pour
un participant, il ne serait tout simplement pas possible de faire prendre
conscience aux autres de la nécessité de préparer son entrée dans l’âge et ce,
parce que nous ne sommes pas (ou ne nous sentons pas) vieux nous-mêmes.
La concurrence dans le secteur des maisons de repos pourrait-elle redynamiser le
milieu et améliorer la qualité des services et de l’accompagnement ? En effet, dans
un contexte où la demande est inexorablement plus importante que l’offre, la
motivation et l’énergie à produire de la qualité en institution restent-elles encore
des priorités pour certaines directions ?
Critique de certaines pratiques telles que l’l’Humanitude®20 ou encore la
Validation®21 comme techniques dictant « comment faire ».
Remise en question de la notion de « pratique innovante ». En effet, dans le cadre
d’un placement en institution, la question ne serait-elle pas plutôt « comment être
20
Pour plus d’informations sur l’Humanitude®, consulter le lien suivant : http://www.igm-formation.net/ 21
Pour plus d’informations sur la Validation®, consulter le lien suivant : http://users.swing.be/apvapa/presse/seniorplanet01.pdf
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
33
innovant avant que la personne ne rentre en maison de repos? » De plus, selon le
directeur d’une maison de repos proposant un projet peu classique,
l’« ’innovation » doit amener à préserver la dignité.
Les cantous plus que des « bonnes pratiques » en soi, ils constituent un accueil
tendant à être le plus adapté possible aux personnes désorientées. Ce sont donc
des lieux sécurisés qui, s’ils présentent certains avantages (atmosphère familiale,
petites structures, encadrement spécialisé…) peuvent à la fois entraîner certains
effets « pervers » comme le fait de devoir intégrer une unité MRS (avec la perte
brutale des repères qui s’en suivra) lorsque l’on n’est plus capable de participer
aux actes de la vie quotidienne, le fait de vivre en quelques sortes en « autarcie »
de par l’aspect sécuritaire (portes extérieures verrouillées…) mais également le fait
d’accueillir exclusivement des personnes âgées désorientées entraînant un effet
« Ghetto » avec la difficulté pour les familles qui observent les autres résidents de
l’unité, d’admettre la similitude de l’état de santé de leur parent (craignant alors
une dégradation plus rapide de l’état de santé de ce dernier).
Nécessité impérative de se questionner en permanence sur ses propres valeurs
dans un contexte de production de qualité lorsque l’on travaille avec et pour
d’autres êtres humains. Définir ses valeurs et la manière dont nous voulons les
concrétiser au quotidien constitue la première « bonne démarche » pour rendre les
pratiques « bonnes ». Encourager les gens à raisonner sur les moyens
d’accompagnement de la personne en perte d’autonomie et remettre régulièrement
les actes posés en question.
4.2.8 Quelques pratiques recensées
« Trucs et astuces » Discuter par le biais de messages inscrits sur de petits tableaux ou ardoises
lorsque les personnes présentent des problèmes d’ouïe empêchant un mode de
communication classique.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
34
Proposer une feuille "trucs et astuces" à compléter au fil du temps par le
personnel. Cette feuille comprendrait diverses constatations autant avec les
personnes désorientées qu’avec le reste des résidents, elle proposerait certaines
réponses simples mais efficaces à des situations parfois complexes à gérer et
faciliterait ainsi le travail au quotidien.
« Prêt-à-porter »
Le bracelet émetteur et la télé vigilance. En cas de chute, un signale est transmis
au personnel.
Le robot compagnon22. Une nouveauté dans le secteur (qui peut être critiquée
avec virulence). Ce robot parle, répond aux questions qui lui sont posées, affiche
des mimiques humaines et pourrait, selon ses créateurs, pallier à la solitude d’un
bon nombre de personnes âgées.
Projets de vie Etablissement de la région namuroise se voulant être une « Maison de vies » et non
une maison de repos. Le personnel porte des vêtements de couleurs (ils peuvent
choisir entre différentes couleurs de polo) qui n’ont pas de rapport avec leur fonction.
Les organisations se développent autour des résidents. Le personnel vient s'occuper
du résident lorsqu'il se réveille. La maison les accompagne dans leurs choix et dans
leurs prises de risques. Les résidents désorientés et non désorientés vivent
ensemble. Les résidents prennent et vivent leurs risques (chutes, égarement dans
les bois, etc.).
4.3 Discussion
L’objectif initial des séminaires s’inscrivait dans un souci de recenser les bonnes et
innovantes pratiques ayant cours en Wallonie (et plus particulièrement dans les
régions de Mons, Tournai et Namur) un peu à la manière d’un guide des pratiques
22
Pour plus d’informations concernant le robot compagnon, consulter les liens suivant : http://www.gerontechnologie.net/les-robots-de-compagnie-pour-personnes-agees http://www.clubic.com/robotique/actualite-497204-emox-robot-compagnie-futur.html
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
35
pertinentes face à de nombreuses et variées situations problématiques. La poursuite
du travail nous a cependant amenés, au fil des séminaires, à rejeter quelconque
projet se voulant de dresser un inventaire des « bonnes pratiques » proposant une
solution à tout problème (quel que soit le contexte, quelle que soit la personne).
Nous allons nous en expliquer.
Il faut admettre que les 3 séminaires réalisés successivement à Mons, Tournai et
Namur, plus que de mettre en évidence les bonnes et innovantes pratiques ont
davantage permis de s’interroger quant aux difficultés et limites dans la mise en
place de ces pratiques (qu’il s’agisse d’une remise en question des horaires de
travail, du manque de personnel ou encore de limites dans la formation du
personnel…)
Les informations récoltées23 ont en effet tantôt mis en avant une série de petits trucs
et astuces que l’on pourrait qualifier de « faits maisons » (trompe l’œil aux portes, fils
en travers des entrées de chambres pour éviter les fugues etc…), tantôt présenté
des solutions que nous qualifierons ici de « prêtes à porter » (bracelets
électroniques, contention… Mais ce travail nous aura également offert l’opportunité
d’élever notre réflexion aux principes de valeurs ainsi qu’au respect des
individualités. Nous avons eu l’occasion de rencontrer de nombreux professionnels
du secteur qui invitaient tout un chacun à se questionner et à questionner les
pratiques établies en vue d’une production intelligente de qualité. Ils encouragent en
tant que responsables d’établissements, formateurs, personnel médical où encore
paramédical à réfléchir sur les valeurs ainsi qu’à la façon dont il est possible de les
concrétiser au quotidien.
Aspects pratiques
Peu de participants présents pour chaque séminaire (une dizaine dans chaque
région). Cela reflète donc de manière peu fiable la réalité de terrain sur l’ensemble
du territoire Wallon. L’issue de ces 3 séminaires nous amène donc plus à
23
Non seulement lors des séminaires mais aussi en 2011 au cours de la première étude d’Arnaud De Coster portant sur l’accueil des personnes désorientées.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
36
considérer les informations rapportées en termes de pistes de réflexion qu’en
terme d’ « état des lieux ».
Nous remettons en question le caractère peut-être trop équivoque de la
formulation des objectifs des séminaires auprès des participants. Constat fut établi
lors des rencontres que les professionnels présents étaient dans l’attente que nous
leur présentions les bonnes pratiques innovantes qui pourraient solutionner tant de
problèmes auxquels ils se confrontent chaque jour. Pour notre part, le but était
bien différent : susciter les échanges et la réflexion, amener les participants à nous
relayer les bonnes/mauvaises pratiques dont ils sont témoins dans leur métier.
5 Pistes de réflexions et regards critiques Comme nous l’avons présenté en tête de chaque séminaire, 3 pistes de réflexion
peuvent être dégagées sans grande surprise de ces rencontres :
Une première souligne le manque de personnel effectif que ce soit dans les services
à domicile ou en institution et par là, les difficultés dans la concrétisation des bonnes
pratiques suggérées lors de formations. Les variables influençant ce constat
(davantage d’ordres politique et éducationnel) constituent à elles seules un sujet
d’étude, nous décidons de ne pas les aborder ici.
Une seconde piste renvoie quant à elle au manque de préparation des aidants
proches ainsi qu’au manque de formation du personnel. Un article publié en 2011
dans le magazine « Psychologie » met en évidence que 70% des personnes
atteintes de démence vivent à leur domicile (ou celui d’un proche) grâce à la
présence quotidienne d’un aidant proche. C’est pourquoi, le Dr Bier (neurologue à
l’hôpital Erasme), explique lors d’une interview dans ce même article « qu’il est
primordial de leur offrir (aidants proches) non seulement un soutien, mais aussi une
réelle formation pour leur permettre à la fois de comprendre la maladie, les
comportements parfois déroutants qu’elle peut occasionner mais aussi d’apprendre
des stratégies pour y faire face et des techniques pour contrôler leur propre stress
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
37
sans s’épuiser ou tomber dans le désespoir ». Le Dr Bier a ainsi établi avec son
équipe un programme de « psycho-éducation » où sont autant abordés les troubles
cognitifs que comportementaux. Ce programme proposera entre autres des jeux de
rôles qui permettront à l’accompagnant de se mettre en situation pour anticiper un
problème ou encore se mettre à la place du malade (un malade persuadé qu’il voit
un proche vivant alors que celui-ci est décédé pourrait susciter de l’agacement chez
l’aidant. Or « comprendre toute la détresse qu’une telle idée peut apporter à la
personne (désorientée) permettra d’aborder la situation avec compréhension et
empathie »). De telles approches exerceront incontestablement (plus que les
médicaments) un effet positif sur la qualité de vie de la personne souffrant de
démence et sur celle de son entourage.
En parallèle, il apparaît indispensable de former le personnel des aides à domicile
comme des maisons de repos à un accompagnement adéquat des résidents
dépendants et plus précisément désorientés. Valentine Charlot et Caroline Guffens
(2011), co-fondatrices de l’asbl Le Bien Vieillir donnent de nombreuses formations à
l’attention des professionnels : « Par exemple, une explication même très simple sur
le fonctionnement de la mémoire permet aux soignants (et familles) de comprendre
pourquoi le malade pose tout le temps la même question. Or comprendre fait qu’on
ne s’exaspère plus – ou moins vite –, qu’on ne perd plus du temps à raisonner mille
fois la personne et qu’on arrive à lui répondre de manière à calmer son incessant
questionnement. C’est valorisant et cela contribue à lutter contre l’épuisement du
personnel». Cette approche s’applique d’ailleurs à l’ensemble du personnel et non
pas seulement aux soignants et paramédicaux : « La femme d’ouvrage qui range la
chambre d’un malade à sa façon ne se rend pas toujours compte de l’anxiété que
cela peut provoquer chez la personne désorientée » de même que « le travail avec
les kinés permet de les sensibiliser à l’importance d’encourager la marche ou
simplement la posture ‘debout’. Il faut alors lutter contre les craintes des familles qui
disent ‘s’il marche il va tomber’ à quoi nous répondons ‘s’il ne marche plus, il va
perdre toutes ses forces et péricliter plus vite’. C’est toute une mentalité à faire
évoluer ». Charlot (2011) ajoute que dans les maisons de repos, les comportements
posant « problème » sont surtout ceux identifiés comme agressifs. Toutefois il est
prouvé que du personnel correctement formé à l’accompagnement travaillera dans
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
38
un plus grand respect de la personne et obtiendra moins de comportements
problématiques : « Une agitation, un comportement agressif sont souvent le résultat
d’une anxiété inexprimable par la personne. Tenter d’en comprendre la raison même
si cela prend du temps, est toujours plus profitable que d’avoir recours à la
contention ».
La troisième piste (et celle que nous développerons essentiellement en conclusion
de ce travail) attire l’attention sur les bonnes pratiques en tant que réponses relevant
davantage du « savoir-être » et de la présence à l’autre (Charlot et Guffens, 2007) et
ce au-delà des pratiques relevant spécifiquement de l’ordre médical ou relevant
d’actes infirmiers.
Enfin, plus que de dégager des pistes de réflexion, ces séminaires nous ont
notamment amenés à considérer avec prudence certaines « pratiques » dites « à la
mode ». Nous pensons par exemple ici à la pratique du Snoezelen abordée lors des
séminaires mais également aux stimulations cognitives qui ont suscité un réel
engouement tant auprès du grand public que d’une grande partie des professionnels.
Il est vrai que le Snoezelen est devenu une intervention communément appliquée
pour faciliter la gestion de comportements inadaptés et pour promouvoir un état
d’esprit positif chez des personnes âgées souffrant de démence. Cette pratique
consiste en effet à stimuler les sens primaires (vue, ouïe, toucher, goût et odorat) en
utilisant des effets de lumière, des textures particulières, de la musicothérapie ou
encore de l’aromathérapie. Ce raisonnement repose sur la proposition que créer un
environnement sensoriel pour des personnes démentes engage une faible demande
sur leurs habiletés intellectuelles mais se concentre essentiellement sur leurs
habiletés sensori-motrices résiduelles. Ce nouveau marché n’est cependant pas
encore très sérieusement balisé et il n’existe pas de données scientifiques prouvant
l’efficacité des nouvelles approches24 telles que le Snoezelen mais également de
l’Humanitude® et de la Validation® (Rondia, 2011). En effet, déjà en 2002 une revue
24
L’humanitude et la Validation sont d’ailleurs des marques déposées. Pour plus d’informations sur ces pratiques que nous n’aborderons pas ici, consultez :
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
39
de littérature réalisée par Chung et Lai montrait que l’application clinique du
Snoezelen variait souvent dans la forme, la nature, les principes ainsi que les
procédures. Plus récemment, la précédente recherche exploratoire réalisée par IHW
en 2011 mettait en évidence des utilisations variées du Snoezelen : certains
établissements en Wallonie possédaient une pièce exclusivement réservée à cette
pratique, d’autres proposaient du « Snoezelen itinérant » via un « chariot
snoezelen » qu’il était possible de déplacer de chambre en chambre). De telles
variations ne rendent donc pas seulement difficile l’examination de la valeur
thérapeutique du Snoezelen, mais empêchent également le développement clinique
du Snoezelen dans l’accompagnement des personnes désorientées. (Chung & Lai,
2002).
Si ces données nous amènent à poser un regard prudent mais aussi critique sur les
« nouvelles pratiques à la mode », cela ne signifie pas que ces traitements soient
inefficaces, ils peuvent au contraire avoir leur intérêt car lorsqu’ils sont utilisés dans
le cadre des valeurs définies par Guffens et Charlot (2007) (à savoir autonomie,
liberté, sécurité, individualisation, continuité, considération, tolérance et empathie),
ces traitements peuvent alors « entraîner dans leur sillage un renversement du
regard porté par les ‘bien portants’, professionnels, proches, voisins, etc. sur ceux qui
souffrent de démence. Ils favorisent un regard doux qui s’intéresse ‘à ce qui va
autant qu’à ce qui ne fonctionne plus comme avant ou à ce qui a disparu. Ils
favorisent l’entrée dans le monde de l’autre plutôt que la pose de lunettes
réductrices, ils forcent au respect de l’humain et rendent l’accompagnement plus
serein. » Toutefois, il demeure important de considérer que ces techniques à la mode
nécessitent encore de nombreuses études scientifiques avant de pouvoir en tirer des
conclusions (Chung & Lai, 2002 ; Guffens & Charlot, 2007 ; KCE25, 2011 ;), qu’il faut
souligner le manque de formation à leur égard (certaines font l’objet de programmes
de formation reconnus26, d’autres sont parfois appliquées par des personnes non
formées qui, pleines de bonne volonté, pensent agir dans l’intérêt du malade sans se
rendre compte des effets néfastes qu’un manque de connaissances peut entraîner
25
KCE : Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé. Rapport 160B consultable en ligne : https://kce.fgov.be/sites/default/files/page_documents/kce_160b_demence.pdf 26
Maîtrise en psychologie, logopédie, kinésithérapie, baccalauréat en ergothérapie…)
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
40
ou sans évaluer les conséquences – d’où l’importance d’accentuer les efforts de
formation – ) (Guffens & Charlot, 2007) et également qu’il faut éviter de considérer
ces pratiques comme convenant à tous et apportant des solutions universelles : « Le
plus important reste d’observer le malade, de s’interroger sur le sens de son
comportement. On doit toujours se poser la question du pourquoi. Il n’y a pas
toujours de réponse mais cela permet au moins d’envisager l’autre comme une
personne à part entière. » (Charlot, 2011)27
Le deuxième aspect (encore une fois fort à la mode) que nous souhaitons aborder ici
est celui des « stimulations cognitives28 » le plus souvent pratiquées via les
« ateliers-mémoire » et autres exercices de « musculation » pour neurones
défaillants. Ces interventions sont celles qui parmi les approches non
médicamenteuses, ont donné lieu aux évaluations les plus nombreuses et ont ainsi
montré une « perte de faveur » progressive entre autres en raison d’une application
clinique jugée comme trop rigide (Spector et al., 2007 cités par Dorenlot, 2006). En
effet, bon nombre d’interventions standardisées visant l’amélioration de certaines
fonctions cognitives (mémoire, attention…) par la répétition d’exercices dépouillés de
contexte, ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des déficits cognitifs d’une
personne à l’autre, de l’individualité de ses besoins ou encore de ses centres
d’intérêts. Le risque étant que l’individu, réduit à un état de « récepteur passif » dans
un contexte imposé de « confrontation à la réalité », intègre l’intervention comme une
mise en échec répétée (Woodrow, 1998 cité par Dorenlot, 2006 ). De plus, Clare
(2004, cité par Dorenlot, 2006) souligne que les effets positifs obtenus lors d’une
séance de stimulation cognitive ne sont pas forcément transférables dans le
quotidien et n’impliquent donc pas nécessairement une amélioration significative du
point de vue clinique. Adam (2011)29 soutient ce point de vue et explique que l’on
assiste aujourd’hui à une véritable récupération commerciale du concept de
« stimulation cognitive ». L’on entend en effet souvent qu’il faut exercer sa mémoire
(et autres fonctions) pour les tenir préservées le plus longtemps possible et pour
27
Entretien paru dans l’article de Rondia, K. du magazine « Equilibre », septembre 28
Les stimulations cognitives visent une stabilisation, voire une amélioration de certaines fonctions cognitives, en particulier de la mémoire et de l’orientation spatio-temporelle, par un entraînement et des sollicitations répétées, ainsi que l’acquisition de nouvelles stratégies cognitives (Dorenlot, 2006). 29
Entretien paru dans l’article de Rondia, K. du magazine « Equilibre », septembre
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
41
diminuer le risque de manifester les symptômes d’une démence voire de les diminuer
lorsqu’ils sont déjà présents. Les malades sont alors soumis à des séances de jeux
de mémorisation, de résolutions de problèmes : « on leur propose des grilles de
sudoku, sans parler de tous ces logiciels qui promettent de gagner des points aux
tests de mémoire. Cela se base sur une vision simpliste de notre cerveau. On peut
transformer les malades en champions de sudoku, ils continueront à perdre le
chemin pour retourner dans leur chambre ! » Adam (entretien paru dans l’article de
Rondia, K. du magazine « Equilibre », septembre 2011) reconnaît que parfois ces
entraînements permettront de récupérer l’un ou l’autre point au MMS30 mais que cela
ne se traduira malheureusement par aucune amélioration de la qualité de vie. Et de
rejoindre Woodrow (1998, cité par Dorenlot, 2006) en ajoutant qu’ « en exhortant
sans cesse ces personnes à faire des exercices répétitifs et dénués d’intérêt, on les
confronte à leur déclin cognitif, on les focalise sur leurs symptômes déficitaires […]
lutter contre la maladie (et de manière plus générale, contre les déficits cognitifs),
c’est bien plus vaste (et complexe) qu’améliorer un score de mémoire ! »
Ces constats invitent donc à questionner, non pas le bien fondé des techniques de
stimulations cognitives, mais bien la manière dont elles sont appliquées. En effet,
appliquées de manière adaptée à chaque patient celles-ci peuvent alors présenter un
intérêt non négligeable. Il est ainsi suggéré que les éléments visant au soutien de
certaines fonctions cognitives soient proposés en faisant appel aux émotions qu’ils
suscitent chez chaque individu. Plus précisément, il est important de sélectionner des
tâches choisies par la personne (et non des tâches imposées par du personnel
pourtant plein de bonne volonté et ce, en fonction de leurs propres centres d’intérêts
– qu’il s’agisse de tricot ou d’une visite d’un musée – et en travaillant avec eux non
pas à récupérer leur mémoire mais plutôt à consolider leurs capacités préservées et
leurs automatismes qui restent conservés étonnamment longtemps malgré la
progression d’une maladie cérébrale dégénérative. Si nous abordons ici la question
des stimulations cognitives dans le cadre des démences, nous tenons toutefois à
préciser que le fait de proposer des activités (destinées à stimuler les neurones) à
des personnes âgées en perte d’autonomie, qu’elles soient maintenues au domicile
30
MMS : Mini Mental State Evaluation, un test de référence en matière d’évaluation globale des fonctions cognitives.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
42
ou pas, désorientées ou pas, doit s’inscrire dans une recherche du plaisir via ce qui
donne du sens à l’autre, et non dans une seule optique d’entraînement cérébral au
cours d’activités dénuées d’intérêt pour le participant (nous pensons à nouveau à
l’exemple de l’activité de jardinage proposée à quelqu’un qui n’a jamais apprécié le
travail de la terre). Ce qui compte n’est au final pas de gagner des points aux tests
cognitifs, mais de consolider des activités qui améliorent vraiment la qualité de vie.
6 Trois projets institutionnels innovants, en Wallonie et ailleurs
Nous présentons ici 3 projets institutionnels « sortant des sentiers battus » et
constituant une alternative à la conception traditionnelle de l’accompagnement et des
services. Les 2 premiers projets sont rendus anonymes31 délibérément car ils se
tiennent en Wallonie et nous nous voulons ici de soutenir une philosophie
d’accompagnement et non de promouvoir un « nom » quelconque. Le troisième
projet n’est quant à lui pas rendu anonyme car est développé au-delà de nos
frontières, au Canada.
6.1 Projet de « maison intergénérationnelle »
Autrefois, avant de devenir une maison de repos, cet établissement était une
institution accueillant 90 enfants de 0 à 14 ans. Suite à une décision politique en
1990, l'institution s’est vue supprimer la tranche d'âge des 7-14ans. Il ne restait plus
que 25 enfants, ce qui n'était plus viable pour cette organisation. De nouveaux
projets ont alors été proposés et c'est celui de faire une maison de repos
intergénérationnelle, c’est à dire en "cohabitation" avec le restant des enfants qui a
été retenu. Ce home s'est modernisé au fil du temps et s'est agrandi pour compter à
l'heure actuelle une septantaine de lits pour les personnes âgées et entre 20 et 30
enfants de 0 à 7 ans.
31
Pour de plus amples informations concernant ces projets, contacter Infor Homes Wallonie au 070 246 131
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
43
Le projet de vie général est ici de mettre autour de la personne âgée différents
éléments favorables qui tentent de lui donner l’envie de continuer à vivre quel que
soit son état de santé physique ou mental. C'est aussi profiter de l'opportunité de la
présence des enfants pour recréer un lieu vivant où chacun peut apporter et recevoir.
La présence des enfants fait donc partie intégrante du projet de la maison et cette
co-habitation inter âges est autant de bénéfices tant pour les personnes âgées que
pour les enfants eux-mêmes. Le contact des enfants est en effet un stimulant
supplémentaire pour raviver « l’envie de vie » des résidents, tandis que les
personnes âgées symboliseront les grands-parents avec un rôle de transmission des
savoirs voire parfois même d’éducation. L’apport de la rencontre intergénérationnelle,
s’il demande une certaine stimulation des aînés, est donc globalement positif et l’est
d’autant plus que le séjour de l’enfant est de longue durée. Ces rencontres offrant
l’opportunité de recréer un lieu vivant.
Concrètement, l’infrastructure a été conçue pour ressembler le moins possible à une
clinique ou à une maison de repos, tant du point de vue de son usage individuel que
collectif. Tous les logements sont donc individuels, studios ou appartements (à
l’exception de 4 appartements pour des couples) avec l’espace suffisant pour que les
habitants puissent apporter leurs objets/meubles préférés.
Les couloirs de chacune des ailes portent un nom de rue… C’est le quartier et il y en
a 6 au total qui comprennent chacun un lieu de vie commun avec une petite cuisine
équipée qui permettra par exemple au résident qui le souhaite de préparer un gâteau
pour la visite dominicale des enfants du centre. Au coeur des quartiers se trouve la
« Grand-place » où est servi le café l’après-midi et où les gens se retrouvent.
L’établissement possède également une bibliothèque commune aux personnes
âgées et aux enfants.
L’accompagnement des pensionnaires reposera sur une connaissance de leurs
centres d’intérêts, ce qui facilitera l’entrée en communication et permettra
d’encourager et d’organiser des rencontres en fonction de leurs savoir-faire (comme
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
44
ce monsieur passionné de timbres qui apprenait du coup aux enfants à les décoller
et à les conserver).
De même, concernant les activités, la philosophie de ce projet privilégiera les
moments de vie (une vieille dame s’installe sur la « Grand-place » derrière son
chevalet, se met à peindre, suscite l’intérêt des résidents et la curiosité des enfants),
aux animations trop structurées. La maison ne comporte d’ailleurs pas d'animateur,
la direction tentant d’éviter le terme « animation » faisant trop souvent référence à
des techniques qui parfois peuvent être complètement dénuées de sens pour les
résidents. Chaque membre du personnel s’investira plutôt pour un temps donné dans
le projet de vie en fonction de ses centres d’intérêt.
Le personnel bénévole est une des autres composantes du projet de vie de cette
institution. Ils sont ainsi nombreux à venir partager leurs savoir-faire avec les
résidents (une dame donne par exemple 3 heures de son temps toutes les 2
semaines pour venir faire la lecture aux malvoyants). Au-delà du temps qu’ils
consacrent aux habitants, les volontaires sont importants car ils représentent une
identité extérieure à l’institution et constituent des moteurs permettant d’éviter de
fonctionner uniquement en « vase clos ». Toutefois ils ne doivent pas empiéter sur le
travail des professionnels et doivent adhérer au principe de la maison : les résidents
sont des adultes capables et responsables.
Un conseil des résidents est prévu 1 fois tous les trois mois (et il est fait). La réalité
montre pourtant qu’il a lieu de façon moins formelle tous les jours après midi lors de
la tasse de café partagée sur la Grand-place où tout le monde se retrouve, résidents,
personnel et direction. C'est lors de cette rencontre quasi quotidienne que
s'effectuent les échanges les plus riches. Toutes les revendications sont abordées à
ce moment là. Selon, la direction, et non sans humour, c'est bien plus intéressant
qu'un conseil des résidents « qui va ne parler que de savoir pourquoi la soupe est
verte tous les jours ».
L’établissement refuse tout accueil dans l’urgence car leur démarche, qui prend du
temps, repose sur un état d’esprit de vraie collaboration avec la famille. Il faut
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
45
permettre aux nouveaux résidents de vivre aussi bien que possible leur fin de vie et
donc leur donner du temps pour accepter l’entrée en maison de repos mais aussi
donner du temps à la famille pour qu’elle comprenne la collaboration nécessaire à
établir, à savoir une continuité dans l’accompagnement du parent jusqu’à la fin de sa
vie.
La qualité de l’hébergement, la préparation de l’accueil du résident et de sa famille,
l’implication de l’équipe professionnelle et des volontaires, la présence des enfants
sont toutes les composantes de ce projet de vie et il n’y en a pas une plus importante
que l’autre. Entre autres, ce projet intergénérationnel questionne et travaille sur
certaines failles de notre société qui met les enfants à la crèche, les jeunes à
l’écoles, les adultes au travail et les aînés en maison de repos. Il est urgent à présent
de revaloriser la personne âgée en tant que capital de savoirs, de savoir-faire et de
savoir-être qui dans une société solidaire peuvent être mis au service de l’ensemble
des classes d’âges.
6.2 Projet « maison de vies solidaires pour adultes âgés »
Cette institution se niche au cœur d’un immense parc boisé de 5 hectares doté
d’une infrastructure unique, héritée de son activité antérieure de tourisme social
(piscine intérieure, terrains de tennis, plaine de jeux, parcours de mini golf, pétanque,
…). Son autre particularité est qu’elle s’inscrit dans la logique du concept de « milieu
de vie de substitut » impliquant que la maison de repos est imaginée comme un lieu
de vie (où certains reçoivent aussi, si nécessaire, des soins) et non comme un lieu
uniquement de soins ou comme un « petit hôpital décentralisé ».
Le projet de vie général s’appuie en effet sur certaines valeurs telles que le respect
de l'autonomie, de la citoyenneté et des libertés (personnelles, de mouvements, de
prise de risque). L’autonomie renvoie ici à l’idée que l’adulte âgé habitant en maison
de repos sait mieux que quiconque ce qui est bon ou mauvais pour lui, il décide dès
lors lui-même de ce qu’il va vivre, boire, manger, faire ou ne pas faire…
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
46
Les habitants de cette maison sont avant tout des adultes, âgés voire très âgés, qui
ne sont jamais ramenés à un statut de malade ou de personne âgée dépendante
mais qui sont simplement accompagnés en tant qu’Hommes.
Le leitmotiv de l’établissement est donc de s’adapter au maximum aux besoins et
désirs spécifiques de ses habitants et cela repose sur 6 principes :
1. Prendre en considération les habitudes de vie antérieures
2. Maintenir leurs capacités, le plus et le mieux possible, en collaboration avec
eux.
3. Offrir un réel espace de liberté
4. Respecter leur droit d’exprimer leurs volontés sur les sujets qui les
concernent.
5. Favoriser une vie sociale, culturelle et spirituelle agréable.
6. Privilégier les partages d’expériences, de compétences et d’intérêts.
En cohérence avec le respect de ces principes, la direction est attentive à développer
une organisation souple et adaptable inscrite dans une dynamique qu’elle qualifie de
« questionnante et apprenante ». Le personnel est de ce fait en perpétuelle
recherche de sens : ne pas prendre de décision ou ne pas poser des actes sans en
avoir cherché le sens.
Concrètement, le personnel porte des polos dont la couleur peut varier chaque jour
et ne renvoie donc pas à une fonction particulière. Seul un badge au logo de
l’établissement avec le nom, le prénom et la fonction permettra aux habitants
d’identifier leur interlocuteur. Le personnel est présenté à chaque nouveau résident
(fonction et nom), et ce dernier décidera s’il préfère tutoyer ou vouvoyer le personnel.
A l’inverse, les personnes âgées sont vouvoyées (sauf demande de leur part explicite
d’être tutoyées).
Les résidents possèdent la clé de leur chambre qu’ils peuvent personnaliser. Le
personnel, s’il veut rencontrer la personne demandera la permission de se rendre
dans sa chambre...
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
47
Une autre forme de respect consiste à tenter au maximum de préserver les rythmes
individuels des résidents. Ceux-ci peuvent ainsi déjeuner quand ils le souhaitent, en
chambre ou au restaurant.
Egalement, le personnel tiendra compte des régimes mais ne les imposera jamais si
la personne décide de ne pas les suivre. De même, les actes tels que le coucher, le
lever, ou le fait d’être changé la nuit ne se feront qu’à la demande du résident. Quelle
que soit la situation, l’adulte âgé restera libre de ses choix.
Au niveau des activités, il s’agira davantage de créer des moments de vie partagés
que de proposer des activités rigoureusement organisées. Des sorties sont
suggérées (par exemple la visite d’un musée) et des rencontres intergénérationnelles
sont organisées avec la jeunesse locale (les jeunes viennent expliquer l'informatique
aux aînés, une école des devoirs est mis sur pieds…). Aussi, une mini boutique est
ouverte dans l'entrée de la maison avec des produits de première nécessité (savon,
shampoing,...). L’objectif de ce petit magasin est de donner le choix aux habitants, de
les responsabiliser et de leur rendre une plus grande autonomie rappelant celle qu’ils
avaient autrefois en vivant au domicile.
Concernant l’accompagnement en fin de vie, plusieurs membres du personnel ont
suivi des formations en soins palliatifs même s’il est essentiellement fait appel à une
plateforme palliative. Les décès sont ensuite annoncés dans la maison et un temps
de silence est respecté. La mort s’associe de cette manière moins à un tabou qu’à
une dernière étape naturelle de nos propres vies.
L’établissement tient notamment beaucoup à ce que les résidents désorientés
restent libres de toute entrave et partagent la vie de la maison avec les autres
résidents non désorientés (les résidents désorientés ou pas habitent les lieux
librement et ne sont jamais contenus ni maintenus dans un fauteuil, un service ou
une aile sécurisée). Les portes sont ouvertes sur l’extérieur et la déambulation est
encouragée dans le sens où elle atténue l’anxiété et préserve une certaine forme
physique. Tout être humain doit être libre de vivre ses risques. La vie en soi est
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
48
risquée et selon la direction, il n’y aurait de pire risque que de ne pas en prendre.
Autoriser la prise de risques aux habitants, c’est leur reconnaître le droit d’encore
être vivant.
6.3 Projet Carpe Diem au Canada
L’asbl « Habitat et participation », dans un rapport de 2002, présentait déjà le projet
de la maison Carpe Diem. Ce projet qui signifie « saisir le jour » suggère une façon
nouvelle d’héberger et d’accompagner les personnes atteintes de la maladie
d’Alzheimer. Le concept « carpe diem » repose ainsi sur la conviction que l’évolution
d’une personne dépend en grande partie de la façon dont on la regarde, l’envisage
ou la perçoit. Toutes les actions posées par les intervenants sont guidées par une
croyance profonde en la force de la vie, en la richesse de tout être humain et en son
droit de vivre jusqu’au bout son histoire. Une histoire qui ne s’inscrit ni sous le signe
de l’aggravation inéluctable des déficits, ni dans la solitude et l’exclusion mais qui
s’enrichit de découvertes et d’expériences nouvelles et continue à se tisser dans
l’amour familial, la reconnaissance mutuelle, les rencontres et l’amitié.
La philosophie de cette maison repose sur 4 grands principes :
1. La personne désorientée doit avoir la possibilité d’établir des relations stables
et de confiance avec les gens qui l’entourent. Elle doit se sentir acceptée et
utile afin de vivre un sentiment de satisfaction à travers des interactions
sociales.
2. Toute intervention doit viser le maintien de l’autonomie et de l’estime de soi
dans un contexte s’apparentant à un milieu plus familial qu’institutionnel. Aider
la personne à développer son potentiel et diminuer l’anxiété en la valorisant et
en l’accompagnant dans ses activités quotidiennes.
3. Respecter les liens de la personne avec son entourage et favoriser
l’implication de la famille dans le quotidien de la maison.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
49
4. Respecter le rythme, la dignité et la réalité de la personne. Etre en mesure de
mettre de côté ses propres références et ses propres besoins personnels pour
mieux comprendre et satisfaire ceux de la personne.
Le projet Carpe Diem est né de l’implication des familles, de volontaires et de gens
d’affaires de la région. Il s’agit donc d’un exemple de mobilisation de la communauté
pour la communauté. La maison Carpe Diem est ainsi devenue la pierre angulaire
des services d’accompagnement à domicile, de soutien aux familles, de centres de
jour, de formations et stages…
Concrètement, cette résidence est un ancien presbytère d’architecture traditionnelle.
Elle se situe dans un environnement social en continuité avec les habitudes de vie
des résidents (proximité immédiate d’une épicerie, d’une église, d’une école –
donnant l’opportunité de contacts avec les enfants –). Le quartier étant calme, il
présente peu de risques si les résidents souhaitent s’y promener. Pour les personnes
plus désorientées, une vaste cour sécuritaire existe et permet des moments de
détente. L’établissement tente au possible de s’adapter aux déficits perceptifs et
cognitifs des résidents afin qu’ils trouvent facilement des repères.
L’organisation de la vie s’articule autour du respect du rythme de chacun (les
habitudes de vie de chacun sont respectées), de son droit à l’intimité et de la
cohésion nécessaire à une vie en collectivité.
L’environnement, en procurant des sources de stimulation est considéré comme une
source d’intervention en soi. De plus, de nombreuses tâches quotidiennes (ménage,
repassage, jardinage…) sont effectuées par les résidents désorientés eux-mêmes et
avec l’aide des intervenants (ces tâches ne sont jamais imposées). Cela, avec le fait
de laisser aux résidents le choix de leurs vêtements et la possibilité de se vêtir et de
manger eux-mêmes, permet le maintien d’une forte estime de soi. Les activités
sociales et culturelles occupent également une place importante.
Notamment, ce projet à le souci constant de ne pas spécialiser les rôles du
personnel (en institutionnalisant et en compartimentant les interventions), les valeurs
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
50
organisationnelles étant très peu orientées vers la productivité et la rapidité mais bien
vers le développement des relations entre les individus.
Une règle essentielle aussi concerne l’importance du langage et le poids de certains
mots parfois lourds de sens. Les termes « démence », « déments », les expressions
telles que « comportements agressifs et perturbateurs », « troubles du
comportement » ou « troubles déambulatoires » sont proscrits du vocabulaire : à
Carpe Diem il n’y a que des gens qui expriment un besoin, adressent un message
qu’il nous appartient de décoder et de comprendre.
Enfin, l’approche pharmacologique est un aspect rigoureusement suivi et exploré.
L’objectif d’un traitement est de viser le bien-être ou le soulagement de la souffrance
et non un moyen de contrôle des comportements ou de comblement des lacunes
organisationnelles en tentant de remplacer les interventions humaines.
6.4 Conclusion
Les projets présentés sont d’autant plus complexes qu’ils demandent à la fois une
organisation rigoureuse et une grande souplesse. Ils constituent un cadre de
référence qui doit s’adapter en permanence aux personnes à qui ils sont destinés.
Leur survie repose essentiellement sur la qualité et l’importance des ressources
humaines. En effet, le respect de l’approche et de la philosophie dépend entièrement
de la compétence, de la sensibilité et de l’engagement du personnel à concrétiser les
valeurs du projet au quotidien. C’est pour cette raison qu’un rigoureux processus de
sélection a été développé pour recruter le personnel. Les critères de cette sélection
reposent ainsi principalement sur la capacité de l’individu à développer une relation
de confiance avec autrui, sur ses aptitudes à travailler en équipe et sur ses
compétences organisationnelles. Même si tous les intervenant(e)s possèdent une
formation professionnelle (et les compétences spécifiques professionnelles sont bien
sûr essentielles), celle-ci n’est donc pas le premier critère de sélection. Les équipes
doivent en effet être à la fois très flexibles et très organisées. Elles doivent être aptes
à identifier les besoins des personnes en perte d’autonomie, désorientées ou pas), et
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
51
leur donner la priorité sur l’accomplissement des tâche pour favoriser leur estime de
soi.
7 Conclusion générale
Au vu des chapitres précédents, nous comprenons que les « bonnes pratiques »
recouvrent un concept flou, complexe à définir et à observer. Cette notion balaye il
est vrai, autant les trucs et astuces dont usent au quotidien les aidants et le
personnel soignant/paramédical, que les projets vie de plus grande ampleur que
certains établissements tentent de mettre en place en vue d’une optimisation de la
qualité de vie et ce, dès les premiers signes de dépendance jusqu’à
l’accompagnement en fin de vie.
Le projet de répertorier les bonnes pratiques représente dès lors un objectif très
ambitieux qui demande une connaissance approfondie du secteur de
l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie. Rappelons d’ailleurs
que les bonnes pratiques nécessitent d’envisager la réalité de la personne
concernée dans toute sa globalité à savoir la personne elle-même, le/les aidant(s)
proche(s), les professionnels au domicile et en institution, l’environnement dans
lequel évolue la personne (aspects architecturaux/esthétiques)…
Ce travail, en investiguant mais en critiquant donc également à certains égards le
concept fort à la mode de « bonnes et innovantes pratiques », a permis de dresser
une revue (non exhaustive) de la notion de qualité de vie ainsi que des différents
lieux d’hébergement existant pour accompagner les personnes âgées en perte
d’autonomie. Dans un second temps et via les 3 séminaires organisés, ce même
travail a pu donner la parole de manière exclusive aux professionnels du secteur.
Ces rencontres mettaient en avant une réelle motivation des professionnels à tendre
vers un accompagnement de qualité, soulignaient certaines limites et difficultés
rencontrées dans la mise en place des « bonnes pratiques » mais aussi, nous
amenaient à porter un regard critique vers les pratiques présentées comme solution
miracle et universelle aux problèmes au détriment d’une réflexion au cas par cas en
fonction des individus, des moyens réels (en termes financiers et de personnel), bref,
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
52
au détriment d’un questionnement sur l’autonomie, la liberté, la sécurité, la continuité,
la considération, l’empathie et la tolérance (Charlot et Guffens, 2007) ainsi que sur la
manière dont ces valeurs seront concrétisées au quotidien. S’investir de manière
proactive dans un effort de réflexion sur les valeurs et leur concrétisation reflètera
dès lors un réel engagement vers la production de qualité (avec le souci de respecter
les besoins des personnes) et non une application relativement simple de solutions
pré-faites à des situations problématiques aussi diverses qu’il existe d’histoires de
vies.
Dans la continuité des thèmes abordés ici, une prochaine recherche exploratoire
nous permettra à notre tour de nous interroger quant aux besoins des personnes en
perte d’autonomie : qu’est-ce qu’une bonne pratique lorsque l’on questionne leur
point de vue, leur ressenti ? Et par là de constater que nous avons appréhendé ici la
question des bonnes pratiques (à savoir des réponses adaptées à des besoins
variés) avant même d’avoir identifié les besoins des personnes en perte d’autonomie.
Nous le citions d’ailleurs dans le chapitre abordant la notion de qualité de vie que
« les données concernant la qualité de vie introduisent pour les familles, les aidants-
proches ainsi que pour les professionnels un changement de perspective important
[…] en validant que la personne est à même de pouvoir exprimer ses besoins […] ».
Pour clôturer cette conclusion, nous ajouterons que la production de qualité ainsi que
la satisfaction des besoins des personnes en perte d’autonomie passent
nécessairement par une démarche proactive de la part des professionnels et des
familles. Comme toute forme de production, celle de qualité demande, en plus d’un
investissement affectif, un effort autant physique (par le temps donné, la présence
physique…) qu’intellectuel (la remise en question de soi-même, la réflexion
permanente quant aux actes posés…), mais aussi un engagement perpétuel en
faveur d’une concrétisation des valeurs et un souci du respect de l’autre dans son
statut de maturité et d’expérience quel que soit son état de santé ou de conscience.
Nous espérons par ce travail repousser un peu plus l’ère du robot compagnon et
maintenir la chaleur des contacts (comme ils nous furent prodigués dès la naissance)
jusque dans l’accompagnement vers la mort. L’objectif général des bonnes pratiques
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
53
et de leur diversité restant de privilégier la qualité de vie plutôt que son allongement
à tout prix.
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
54
8 Bibliographie
Alzheimer : Les approches non médicamenteuses. Comprendre pour mieux soigner.
Equilibre. Psychologie (44 – 46)
Charlot, V. & Guffens, C. (2007). Où vivre entouré? L’accueil des personnes âgées
atteintes de démence dans les lieux de vie résidentiels collectifs. Fondation Roi
Baudouin ; Les éditions Namuroises.
« Chez soi autrement. Lieux de vie pour personnes âgées en Région Wallonne » Espace Seniors.
Chung, J.C.C., & Lai C.K.Y. (2002). Snoezelen for dementia (review). Cochrane
Database of Systematic Reviews. Issue 4.
« Envie de vie ! Produire de la qualité de vie en maison de repos ça ne s’improvise
pas… ». UCP, mouvement social des aînés.
Infor Homes Wallonie (2011). L’accueil des personnes désorientées en maison de
repos. Recherche exploratoir pour la Wallonie.
Dorenlot, P. (2006). Démences et interventions non médicamenteuses : revue
critique, bilan et perspectives. Psychologie et neuropsychiatrie du vieillissement, 4(2),
135-143.
Démence : quelles interventions non pharmacologiques ?. KCE. Centre Fédéral
d’Expertise des Soins de la Santé. Rapport 160B
Feteanu, D.; Lopez-Tourres, F.; Trivalle, C. (2005). La personne démente en
institution. Psychologie et neuropsychiatrie du vieillissement, 3(1), 26-34.
Initiatives seniors. Les éditions de l’Avenir, 2012
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
55
Lawton, M.P. (1994). Quality of life in Alzheimer disease. Alzheimer disease and
associated disorders , 8(3), 138-150.
Polydor, J.P. (2009). Alzheimer mode d’emploi. Le livre des aidants. L’esprit du
temps
Rondia, K., Comprendre pour mieux soigner, Equilibre, 44-46, septembre 2011
Rapport final : Nouvelles activités et projets d’hébergement pour travailleurs âgés.
Habitat et Participation (2002)
Van Audenhouve, C., Spruytte, N., Detroyer, E., De Coster, I., Declercq, A., Ylieff,
M., Squelard, G., & Misotten, P. (2009). Les soins aux personnes atteintes de la
maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée: perspectives et enjeux. Fondation
Roi Baudouin
WHOQOL GROUP. Study protocol for the World Health Organization project to
develop a quality of life assessment instrument (Whoqol). Quality Life Research,
1993
Ylieff, M; Di Notte, D. (2002). Qualité de vie. In Fontaine O., Ylieff, M., Buntinx F., De
Lepeleire J. (Eds). Qualidem : rapport final 1999-2002
L’accompagnement des aînés en perte d’autonomie : Regards critiques et pistes de réflexion sur les bonnes pratiques
Infor Homes Wallonie asbl – 2012
56
9 Annexe
Questions posées par les professionnels quant au fonctionnement de l’asbl Infor Homes Wallonie
Nombre de volontaires à IHW ?
Une liste des lits disponibles en MR/MRS peut-elle être obtenue par IHW ?
IHW peut-elle accompagner d’autres services (type Espace Seniors, UCP) dans
leurs projets ?
IHW dispose-t-elle d’une évaluation du service ?
Serait-il possible de diffuser les informations de la base de données sur le site
internet ?
Y-a-t-il à IHW un accompagnement psychologique poussé des personnes
demandeuses ou l’asbl relaie-t-elle avers d’autres services ?
Comment IHW entreprend-t-elle les missions de médiatisation/sensibilisation ?
Comment IHW renseigne le grand public ?