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L'ACCROISSEMENT DES DIMENSIONS DES NAVIRES Un des aspects les plus spectaculaires de l'évo- lution des flottes de commerce au cours des der- nières années est l'accroissement des dimensions des navires. Particulièrement marquée dans le cas des pétroliers, l'augmentation du tonnage unitaire est importante, bien que plus récente en ce qui concerne les minéraliers et transporteurs de vrac ; la « spécialisation » des cargos de ligne pour le transport des containers conduit aussi, bien que dans des proportions beaucoup plus modestes, à un accroissement de leurs dimensions. On examinera successivement l'évolution du tonnage de ces trois catégories de navires, avant de traiter des aspects économiques de cette évo- lution et des problèmes qu'elle pose. I. - ÉVOLUTION DU TONNAGE UNITAIRE DES NAVIRES 1. - Les pétroliers Selon les statistiques du Lloyd's Register of shipping, les pétroliers de 20 000 tonneaux de jauge brute et au-dessus (30 000 tonnes de port en lourd environ) représentaient le 30 juin 1956 moins de 8 % du tonnage mondial. Ils en repré- sentaient la moitié le 30 juin 1966. D'après J. I. Jacobs, le tonnage des pétroliers en service de plus de 40 000 TJB a été multiplié par 4 du I er janvier 1962 au I er janvier 1967, passant de 11,8 à 48,6 millions de tonnes, cepen- dant que celui des navires de ce type en commande ou en construction doublait de 12,3 à 23,7 mil- lions de tonnes. Au I er janvier 1967, dix navires de plus de 100 000 TPL étaient en service dont un de plus de 200 000 A la même date, on comptait dans le monde, 96 navires de plus de 100 000 TPL en construction ou en commande, pour 16,9 millions de dont : 3 0 navires de 6 » 15 » 100 000 à 125 000 TPL pour 3,2 millions de TPL 125 000 à 150 000 » 0,8 » 150 000 à 180 000 » 2,5 » — 43 6 180 000 à 220 000 276 000 8,7 1,7 Fait remarquable, dans ce carnet de commandes les chantiers français s'inscrivaient en seconde position derrière les chantiers japonais, avec 10 navires de plus de 150 000 tonnes de port en lourd. Pour l'ensemble de la flotte pétrolière mondiale, le tonnage unitaire moyen des pétroliers en service est passé entre ces deux dates de 23 000 à 33 000 tonnes de port en lourd, celui des navires en construction ou en commande de 47 900 à 100 000 tonnes. Bien qu'aucune contrainte particulière ne paraisse s'opposer à la construction de navires de très fort tonnage, il semble que les pétroliers de la classe des 200 000 TPL doivent marquer une étape et que l'armement mondial doive se constituer une flotte importante de tels navires dont les avantages au point de vue nautique et économique sont importants, ainsi qu'on le verra plus loin. 52

L'ACCROISSEMENT DES DIMENSIONS DES NAVIREStemis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/pj/... · 2009. 9. 7. · 540 navires de ce type représentant 20 956 000 TPL sont à attendre

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  • L'ACCROISSEMENT

    DES DIMENSIONS DES NAVIRES

    Un des aspects les plus spectaculaires de l'évo-lution des flottes de commerce au cours des der-nières années est l'accroissement des dimensionsdes navires. Particulièrement marquée dans le casdes pétroliers, l'augmentation du tonnage unitaireest importante, bien que plus récente en ce quiconcerne les minéraliers et transporteurs de vrac ;la « spécialisation » des cargos de ligne pour letransport des containers conduit aussi, bien quedans des proportions beaucoup plus modestes, àun accroissement de leurs dimensions.

    On examinera successivement l'évolution dutonnage de ces trois catégories de navires, avantde traiter des aspects économiques de cette évo-lution et des problèmes qu'elle pose.

    I. - ÉVOLUTION DU TONNAGE UNITAIREDES NAVIRES

    1. - Les pétroliersSelon les statistiques du Lloyd's Register of

    shipping, les pétroliers de 20 000 tonneaux de

    jauge brute et au-dessus (30 000 tonnes de port enlourd environ) représentaient le 30 juin 1956moins de 8 % du tonnage mondial. Ils en repré-sentaient la moitié le 30 juin 1966.

    D'après J. I. Jacobs, le tonnage des pétroliersen service de plus de 40 000 TJB a été multipliépar 4 du I e r janvier 1962 au I e r janvier 1967,passant de 11,8 à 48,6 millions de tonnes, cepen-dant que celui des navires de ce type en commandeou en construction doublait de 12,3 à 23,7 mil-lions de tonnes.

    Au Ier janvier 1967, dix navires de plus de100 000 TPL étaient en service dont un de plusde 200 000

    A la même date, on comptait dans le monde,96 navires de plus de 100 000 TPL en constructionou en commande, pour 16,9 millions dedont :

    3 0 navires de6 »

    15 »

    100 000 à 125 000 TPL pour 3,2 millions de TPL125 000 à 150 000 » 0,8 »150 000 à 180 000 » 2,5 »

    — 43— 6

    180 000 à 220 000276 000

    8,71,7

    Fait remarquable, dans ce carnet de commandesles chantiers français s'inscrivaient en secondeposition derrière les chantiers japonais, avec 10navires de plus de 150 000 tonnes de port en lourd.

    Pour l'ensemble de la flotte pétrolière mondiale,le tonnage unitaire moyen des pétroliers en serviceest passé entre ces deux dates de 23 000 à 33 000tonnes de port en lourd, celui des navires enconstruction ou en commande de 47 900 à 100 000tonnes.

    Bien qu'aucune contrainte particulière neparaisse s'opposer à la construction de navires detrès fort tonnage, il semble que les pétroliers de laclasse des 200 000 TPL doivent marquer une étapeet que l'armement mondial doive se constituerune flotte importante de tels navires dont lesavantages au point de vue nautique et économiquesont importants, ainsi qu'on le verra plusloin.

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  • 2. - Les minéraliers et transporteurs de vrac

    L'accroissement du tonnage des navires miné-raliers et transporteurs de vrac est lui aussi parti-culièrement spectaculaire. Navire d'un type rela-tivement récent, puisqu'il y a une vingtained'années la flotte mondiale ne comportait qu'unecinquantaine d'unités de ce type, il a pris uneplace importante par suite du développement destransports de matières premières. Au 30 juin 1966,selon les statistiques du Lloyd's Register ofShipping, la flotte de minéraliers comptait 1619unités représentant 23 277 000 tonnes. A cetteaugmentation considérable en quantité, s'estajoutée une transformation des tonnages unitaires.A la même date, la flotte mondiale comporte 424navires de plus de 20 000 TPL de moins de 4 ans,alors que 90 navires de même tonnage ont entre5 et 9 ans. Le tableau suivant indique très nette-ment cette progression :

    — navires deo à 4 ans — 424 de plus de 20 000 TPL5 à 9 ans •— 90 de plus de 20 000 TPL

    10 à 14 ans — 40 de plus de 20 000 TPL15 à 19 ans — 2 de plus de 20 000 TPI,

    Ceci conduit à un tonnage moyen de la flotte deminéraliers au 1/6/66 se situant à 14 300 TPL,qui ne fera que croître au fur et à mesure que lesnavires actuellement en commande ou en construc-tion entreront effectivement en flotte. En effet, si540 navires de ce type représentant 20 956 000TPL sont à attendre pour les prochaines années,l'accroissement unitaire de ces navires sera sensi-ble. Les carnets de commandes mondiaux seprésentent comme suit :

    69 navires de 30 000 à 40 000 TPI,.94 navires de 40 000 à 50 000 TPL.55 navires de 50 000 à 60 000 TPL.30 navires de 60 000 à 70 000 TPL.48 navires de 70 000 à 80 000 TPL.17 navires de 80 000 à 90 000 TPL-8 navires de 90 000 à 100 000 TPL.5 navires de 100 000 à 110 000 TPL.

    Ces navires de plus de 30 000 TPL représentent60 % des commandes actuelles de ce type. Ainsi,comme pour les pétroliers, on constate tout à lafois une augmentation de leur nombre et de leurscaractéristiques unitaires qui ne semblent pasavoir atteint leur stade ultime d'évolution.

    3. - Les cargos de ligne

    La flotte de cargos de ligne n'a pas enregistréla même évolution au cours des dernières années.Ceci tient essentiellement à l'évolution du traficmaritime mondial. En effet, de 1954 à 1964 letrafic mondial a augmenté de 730 à 1450 millions

    de tonnes. Cependant, alors que le trafic pétrolierpassait de 320 à 780 millions de tonnes, soit unrythme cumulatif de 9,5 % par an, le trafic desmarchandises sèches ne passait que de 410 à 670millions de tonnes soit un accroissement moyende 5 % par an. Sur ce tonnage, près de 175 millionsde tonnes ont été transportées par navires miné-raliers ou assimilés. Dès lors, si l'accroissement demarchandises diverses, plus particulièrement des-tinées à être transportées par des cargos de ligne,a été sensible et si il ne cesse d'augmenter, iln'atteint pas les pourcentages d'accroissement despétroliers et minéraliers. Par voie de conséquence,les navires de ce type, s'ils ont subi des moderni-sations sensibles - leur vitesse en particulier aaugmenté - n'ont vu leur tonnage unitaire que peuévoluer.

    Cependant un nouveau type de transport faitactuellement son apparition qui pourrait devenirdans les prochaines années le plus utilisé pour lesmarchandises diverses. En effet, pour permettreaux chargeurs de se voir offrir des conditions detransport voisines de celles du transport aérien,les armateurs développent l'utilisation du contai-ner donnant la possibilité de réaliser du « porte àporte » avec tous les avantages que comportentce moyen de transport.

    Pour mettre en œuvre cette nouvelle formed'activité, des navires d'un type nouveau ont étéconçus dont un certain nombre sont déjà en com-mande dans les divers chantiers navals du monde.Ces navires, qui connaîtront des séjours dans lesports considérablement diminués par suite de larapidité des manutentions des containers, sontdotés, d'une part de moyens propulsifs leur per-mettant une vitesse d'environ 22 à 23 noeuds,d'autre part d'un port en lourd supérieur auxnavires de ligne actuels permettant le transportd'un nombre important de- containers. Ils pour-ront atteindre jusqu'à 20 000 ou 30 000 TDW.

    Ainsi, pour la plupart des types de navires, onassiste à une augmentation importante de leurstonnages unitaires. Pour quoi une telle évolutionne produit-elle et quelles en sont ses limites ?

    II. - ASPECT ÉCONOMIQUE DE L'ÉVOLU-TION DES TONNAGES UNITAIRES

    La question qui vient immédiatement à l'es-prit est la suivante ': Pourquoi construire de sigrands navires ? Dans le domaine maritimecomme dans les autres, la recherche du profit estle stimulant permanent dans la conduite desexploitations. Or, en matière de navire, cetteaugmentation du profit est directement liée à la •course du tonnage. En effet, pour une capacité detransport déterminée, le prix de revient de la

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  • construction d'un navire, et le prix de revient deson exploitation, diminuent avec l'accroissementde la taille du navire.

    Bn ce qui concerne le -prix de construction de latonne, de fort en lourd de pétroliers, on a constatéune baisse régulière du coût de production au furet à mesure que s'élèvent les tonnages unitaires.C'est ainsi qu'en 1964 le prix de construction dela tonne de port en lourd était le suivant :

    T. P. L.

    60 000 à 65 000 TDW90 000 TDW

    100 000 »120 000 »150 000 »

    $

    100 à 105100928879

    En ce qui concerne la réduction des coûtsd'exploitation, l'armateur qui se voit imposé, soitpar les réglementations nationales (dépensesd'équipage, frais de port...), soit par des prix demarché (soutes, assurances...), le coût des différentsfacteurs qui entrent dans son exploitation, n'aguère d'autre ressource pour abaisser son prix derevient que d'acquérir des navires de tonnageunitaire de plus en plus important.

    «Ceci est d'autant plus vrai que la valeur desmarchandises transportées est peu élevée. Ainsien est-il des matières premières industrielles etagricoles. La possibilité de les transporter en vraca déjà permis un abaissement sensible du coût deleur transport, l'accroissement des cargaisonsunitaires est de natute à contribuer de façonnotable à une réduction nouvelle de ce coût.Suivant des estimations récentes, on a pu chiffrersur la base 100 pour un pétrolier de 50 000 tonnesles indices des frais fixés d'exploitation, des amor-tissements et charges financières et de l'ensemblede ces deux éléments rapporté à la tonne de porten lourd :

    TONNAGE

    des navires

    50 000 t80 000 i

    100 000 t150 000 t200 000 t350 000 +500 000 t

    FRAIS FIXES

    10071,862,544,937,529,726,6

    AMORTIS-sementscharges

    financières

    10085,88066.758,352,550

    ENSEMBLE

    (1) et (2)

    1007971,756,348,541,638,9

    Le graphique ci-contre montre que la courbedes prix de revient à la tonne en fonction dutonnage unitaire tend à se rapprocher d'une

    asymptote. Cependant les gains importants réa-lisés sur les frais fixes d'exploitation au-delà de200 000 TPL (20 % de 200 000 à 350 000 TPL et10 % de 350 000 à 500 000 TPL), sont partiel-lement compensés en diminution par une moindreréduction du coût d'amortissement et chargesfinancières. En résumé, si le prix de revient à latonne s'abaisse de plus de 50 % lorsque l'on passed'un navire de 50 000 TPL à un navire de 200 000TPL, il ne s'abaisse plus que de 14 % de 200 000à 350 000 TPL et de moins de 7 % de 350 000 à500 000 TPI,.

    io

  • tion ne présente pas de contrainte particulièrepour les chantiers navals bien équipés - et à cetégard les chantiers français n'ont pris aucunretard -, leur exploitation est soumise à des ser-vitudes, tant dans le domaine technique que dansle domaine économique.

    Sur le plan technique, ces contraintes touchent àla fois à l'infrastructure et aux conditions denavigation. En effet la navigation de telles unitésexige qu'un certain nombre de ports puissent lesaccueillir, tant pour assurer la manutention deleur cargaison que pour éventuellement leur per-mettre d'effectuer des réparations. I,a réceptionde ces navires posent en particulier des questionsde tirant d'eau (200 000 TPL = 17 m. 50 ; 276 000TPI, = 21 m. 90) et d'aire d'évitage, difficilementsolubles dans la plupart des ports actuellementfréquentés par des unités de moindre tonnage.Aussi a-t-on conçu l'idée de forts relais susceptiblesde faciliter la dispersion par des pétroliers de pluspetit tonnage des cargaisons transportées. Cepen-dant, si de telles solutions peuvent être menéesà bien pour les pétroliers qui n'exigent que desdispositifs de pompage en un lieu correctementabrité, il n'en est pas de même pour les grandsminéraliers pour lesquels des dispositifs de manu-tention plus élaborés doivent être installés. Enfin,la réparation de ces navires nécessite la mise à leurdisposition de formes suffisamment vastes. Or enFrance, par exemple, il n'existe pas actuellementde forme, même à Marseille ou au Havre, suscep-tible d'accueillir les plus de 200 000 tonnes.

    Si l'infrastructure indispensable pour ces navirespose de délicats problèmes, leurs conditions denavigation sont complexes. C'est ainsi que l'uti-lisation des canaux maritimes, leur est interditeeu égard à leurs dimensions. L,e canal de Suez nepermet actuellement le passage que des naviresde 11,58 mètres de tirant d'eau (possibilité quisera portée en 1970 à 12,49 mètres). Celui de Pana-ma limite la largeur des navires à 31,08 mètres. Dèslors, la question des routes maritimes plus longuesse posent et, par voie de conséquence, les risquesde navigation s'accroissent en zones fréquentéespour des navires tel un pétrolier de 175 000 TPI,qui, lancé à pleine vitesse, doit parcourir 4 à 6 kmpour être stoppé.

    Sur le plan économique, les risques commerciauxinhérents aux transports ne font que s'accroîtreavec l'utilisation de grandes unités et les immobi-lisations militaires que représente un navireciterne de 500 000 T. de pétrole brut sont considé-rables, eu égard l'importance des compagniesmaritimes devant en assurer le financement etl'amortissement.

    De plus, le stockage des produits transportésposent de nombreux problèmes. Ainsi, si le sto-ckage et le transport terrestre du pétrole brut estrelativement aisé, son traitement en raffinerieexige des unités de craking très importantes. Dèslors l'emploi d'unités de ce tonnage n'est conce-vable que si elle ne compromet pas la vitesse derotation des stocks de produits bruts ; il reste donclié à l'implantation de nouvelles raffineries d'unecapacité unitaire accrue. On conçoit ainsi claire-ment que la croissance des pétroliers et celle desraffineries soient intimement liées.

    En ce qui concerne les produits pondéreux solidesdont le transport terrestre est plus malaisé, laprésence de nouvelles installations industriellesd'une capacité unitaire croissante à proximité desports terminaux est également la condition del'emploi de navires à pondéreux de 100 000 TPLet plus.

    Enfin le stockage et la manutention des contai-ners exigent des aires de dégagement telles quecertains ports ne réuniront jamais les conditionssuffisantes, faute d'un site géographique adap-table.

    Ainsi le monde maritime semble être entré dansl'ère des grands navires, seuls capables d'apporterdes solutions de rentabilité à des exploitationssans cesse plus massives. Cependant, si cette voiepeut apparaître comme la seule qui puisse êtresuivie, il n'en demeure pas moins que la limite dugigantisme paraît déjà inscrite dans les courbesdu prix de revient unitaire, et les difficultés dede réalisation dans les nombreux risques nongarantifiables qu'elle implique au plan de l'entre-prise comme à celui de la nation et de la commu-nauté des peuples.

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  • LES NAVIRES AUTOMATISES

    Pendant les six premiers mois de l'année 1966,trente navires représentant un tonnage total de652 000 tjb. ont été commandés par les armementsfrançais. Ce chiffre record représente 13,5 % dutonnage global de notre flotte.

    Or tous ces navires de types fort divers ont unecaractéristique commune : ils sont largementautomatisés.

    Il est en effet frappant de constater les progrèsde l'automatisation des navires de commerce,science encore toute neuve, et qui cherche sa voie,au travers de réalisations assez différentes les unesdes autres.

    navires de la première génération, c'est-à-dire ceux de 1964, sont aujourd'hui en service,mais les résultats obtenus prouvent que malgrécertaines défaillances de jeunesse cette évolutionprésente un caractère irréversible.

    I. - PRINCIPALES TENDANCES ACTUELLES

    A l'initiative de l'administration, les premièresétudes ont été faites conjointement par plusieursarmements français, vers 1963, dans un premierdomaine : celui de l'automatisation de la conduitede la machine.

    L/idée de créer à l'intérieur du compartimentmachine un local insonorisé, climatisé, regroupantl'ensemble des moyens de commande et de con-trôle remonte à i960 ; cela permettait dans unpremier stade d'assurer le quart à la machinedans des conditions plus confortables, tout eneffectuant des rondes périodiques de surveillanceet d'entretien.

    Parallèlement, les tâches dévolues au personneld'entretien : graissage d'auxiliaires, surveillancede niveaux, nettoyage de filtres, remplissage descaisses etc... étaient simplifiées grâce à la généra-lisation de la technique du graissage centralisé

    et au regroupement dans la cabine des moyens decommande et de contrôle ou à leur automatisation.

    Cette première phase a donc eu pour principalesconséquences d'améliorer considérablement lesconditions de travail du personnel machine, etd'expérimenter l'utilisation d'appareils automa-tiques.

    Un deuxième pas fut franchi quand on chercheà apprécier toutes les conséquences possibles del'automatisation ; en effet, le coût supplémentairede ces installations ne devait pas, à première vue,se traduire par une augmentation du prix derevient, mais plutôt par une amélioration de larentabilité. On pouvait certes craindre que lasécurité ne soit diminuée, que du personnel dequalification plus élevée ne soit indispensable etc...En tout cas l'organisation du travail à bord devaitêtre complètement repensée.

    A partir du moment où les moyens de commandeet de contrôle étaient regroupés dans une cabine,on pouvait supprimer les tâches dévolues au per-sonnel de surveillance en rendant automatiquela vérification d'un certain nombre de paramètresessentiels, et de leur enregistrement. Le personnelde surveillance pouvait être momentanémentsupprimé, son intervention étant seulement néces-sité, soit par des tâches peu fréquentes et qu'iln'était pas prévu d'automatiser, soit lors del'apparition de défauts qu'il convenait de réparerimmédiatement.

    1. - Conception générale de l'automatisation del'appareil propulsif (cas du moteur diesel)

    I,a formule dont l'adoption se généralise actuel-lement est alors la suivante :

    — maintien dans la salle des machines d'unecabine regroupant l'ensemble des moyensde commande, de contrôle et d'enregistre-ment, ainsi que le tableau électrique prin-cipal ;

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  • commande directe à partir de la passerelle,du moteur principal et des groupes dieselalternateurs (i) et de quelques auxiliairesessentiels ;surveillance automatique d'un certain nom-bre de paramètres, assurée par un enregis-

    treur ou par un calculateur, permettant lasuppression du personnel de surveillance,tout en s'assurant de la marche normale del'appareil propulsif ;signalisation lumineuse et sonore des défautsà la machine et à la passerelle.

    Photo « R. Simon » Marseille (2e)

    L'OYONNAX - Vue de la passerelle

    De gauche à droite, on distingue l'imprimante de défauts, le tableau des alarmes, le levier de télé-commande du moteur et celui du chadburn de secours, le pilote automatique et le radar.

    Examinons plus en détail le fonctionnementd'une telle installation.

    a) - La commande du moteur principal estassurée depuis la passerelle par un dispositif detélécommande pneumatique ou électrique, et, en

    • cas de nécessité, depuis la cabine (commande desecours). Comme dernier secours un dispositifmanuel est souvent installé sur le moteur lui-même.

    Ce dispositif permet par la simple manœuvred'un levier d'assurer la mise en route dans un sensou dans un autre, le réglage de l'allure, l'arrêt oule renversement de marche. Un dispositif auto-matique règle le temps de montée en régime.

    Pour bien marquer le progrès réalisé, rappelonsqu'une opération aussi classique que le renverse-ment de la marche n'était obtenue qu'après la

    (I) Dans le cas où la production à la mer d'électricité estassurée normalement par un turbo-alternateur, la mise en route etl'arrêt de cet appareil se font toujours localement.

    suite dés opérations élémentaires suivantes : miseà zéro du cran de pétrole, arrêt du moteur, modi-fication de l'arbre à cames, ouverture de la soupaped'air permettant l'entrée de l'air comprimé delancement jusqu'à mise en route du moteur,fermeture de la soupape d'air et réouverture ducran de pétrole.

    b) - Les moyens d'information et d'alarmescomprennent : un certain nombre de capteurs demesure permettant de contrôler les différentsparamètres tels que températures, pression,vitesse, charge des circuits principaux, soit dumoteur principal, soit des groupes producteursd'électricité (leur nombre est de l'ordre de lacentaine).

    Un certain nombre de capteurs fonctionnantpar « tout ou rien », en se déclenchant quand unetempérature est trop élevée, quand une pressionest trop basse, ou quand un niveau atteint unecertaine cote ; ils peuvent doubler les capteursde mesure. (Leur nombre peut dépasser le chiffre200).

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  • Iv'ensemble des informations obtenues de cescapteurs est traité par un appareil électronique quipeut être, soit un enregistreur, soit un calculateur.Celui-ci permet, d'une part d'élaborer le journalmachine, c'est-à-dire d'imprimer à intervallesréguliers ou sur une demande les valeurs d'uncertain nombre de mesures, et d'autre part ilpermet de signaler un certain nombre d'informa-tions ou d'alarmes (i) sous deux formes :

    — Impression sur une ou plusieurs machinesde l'heure d'apparition et de disparition dudéfaut, et de son numéro d'ordre ;

    — Allumage d'un voyant de signalisation pou-vant être commun à plusieurs voies d'alar-mes et déclenchement d'un signal sonore.

    Enfin il effectue la comparaison des valeursmesurées par rapport à un seuil préréglé, etdéclenche une alarme en cas de dépassement.

    L,es alarmes sont elles-mêmes classées par ordred'urgence : intervention immédiate, interventiondifférée ou simples informations.

    En outre, pour des raisons de sécurité, un cer-tain nombre d'auxiliaires essentiels, tels que

    Pholo « L. Sciarli » Marseille (3e)

    L'ANGO - La cabine de contrôle

    Au Ier plan, le pupitre d'exploitation, on distingue le levier de télécommande du moteur et,sur la partie frontale, les tableaux synoptiques de commande des auxiliaires principaux et lesalarmes correspondantes. A l'arrière plan, le tableau électrique.

    pompes à huile, pompes de circulation etc..., sontdoublés et des automatismes, absolument indé-pendants du calculateur, assurent la mise enroute de l'auxiliaire de secours en cas de défail-lance de l'auxiliaire de service. D'autres comman-dent la mise au ralenti ou même l'arrêt du moteurprincipal dans certaines circonstances très graves(manque de pression d'huile par exemple). De telsincidents, quand ils se produisent, sont bienentendu signalés sous formes d'alarmes.

    (1) Les moyens d'enregistrement comprennent en général deuxmachines différentes, situées dans la cabine de contrôle, ellesassurent la tonne du journal machine et signalent les défauts. Unetroisième machine installée dans la passerelle signale elle aussi lesdéfauts.

    Enfin, un dispositif de signalisation permetd'afficher à la demande sur des tubes électroniquesla valeur des mesures.

    Notons aussi que la production d'électricité estassurée de façon entièrement automatique ; ainsià la mer un seul groupe est normalement en ser-vice ; en cas d'insuffisance de celui-ci, la mise enroute et le couplage du groupe de réserve s'effec-tuent automatiquement.

    Ces dispositions permettent la suppressiond'une surveillance constante de la machine.

    Extension de l'automatisationUne catégorie importante de navires automa-

    tisés est représentée par les polythernes : ceux-ci

    58

  • ont une installation frigorifique importante, pou-vant assurer jusqu'à i ooo ooo de frigories /heure.

    Son fonctionnement est automatique. La sur-veillance de l'installation est assurée grâce àl'enregistreur déjà installé pour la machine, paradjonction d'un certain nombre de capteurs,mesurant les différents paramètres de l'installa-tion frigorifique.

    Dans ce cas, le nombre total de mesures etd'alarmes peut dépasser 500.

    Les différentes températures surveillées parl'enregistreur sont notées, soit sur le journalmachine, soit par une imprimante chargée detenir un journal « cargaison », et qui peut êtreinstallée à la passerelle.

    Mais l'automatisation s'étend aussi à biend'autres domaines :

    — Appareils de manœuvre.Un certain nombre de navires sont munis d'un

    propulseur d'étrave leur facilitant considérable-ment les évolutions dans les ports.

    La mise en route de ces groupes, dont la puis-sance est de l'ordre de 4 à 500 CV, s'effectuedirectement à partir de la passerelle par l'officierde quart qui s'assure avant leur mise en route quela puissance disponible sur les alternateurs estsuffisante. Dans le cas contraire, il met lui-mêmeen route un groupe supplémentaire.

    Les treuils d'amarrage sont également de plusen plus fréquemment à tension contrôlée, c'est-à-dire qu'ils permettent aux amarres de conserverune tension constante par virage ou dévirageautomatique.

    — Appareils de mouillage. Certains armateursont prévu la commande à distance desguindeaux. Cette solution, encore rarementemployée, paraît très séduisante, notammentdans le cas où des raisons de sécurité néces-sitent de mouiller immédiatement ;

    — La navigation, pour sa part, pose un pro-blème d'automatisation si particulier quenous nous réservons d'y revenir. Il ad'ailleurs été l'objet de nombreuses études.

    CETRAMARPupitre passerelle.

    Enfin et surtout un domaine jusque là encorepeu exploré reste ouvert à l'automatisation : c'estcelui de la manutention. D'ores et déjà des com-mandes de fermeture et d'ouverture des panneauxde cale s'effectuent automatiquement à l'aided'appareils hydrauliques ou électriques.

    2. - Variation autour du schéma généralBien entendu, les diverses réalisations diffèrent

    plus ou moins les unes des autres, nous essayeronsde les analyser.

    a) - Appareils de traitement de l'information.Deux appareils bien différents sont utilisés :— le « datalogger » dénommé jusqu'ici « enre-

    gistreur » dans cet article ;— le calculateur.

    Le « datalogger », lui-même est plus ou moinscomplexe ; il comprend en général une mémoired'une quinzaine de mots permettant d'enregistrerl'apparition simultanée de quinze défauts, et unélément de calcul faisant des moyennes. Mesures

    59

  • et défauts peuvent constituer deux parties dis-tinctes de façon à augmenter la fiabilité desappareils.

    Le principal inconvénient du « datalogger » estd'avoir des performances limitées et une program-mation simple et impossible à modifier. Sa vitesseest trop grande pour les applications maritimeset sa fiabilité est encore insuffisante. En contre-partie, ayant déjà été largement construit pourdes installations terrestres, son prix est modéré.

    Le calculateur n'a été encore installé que surdeux navires français dont l'un est un des premiersà avoir été automatisé. Le calculateur permetd'augmenter considérablement le champ d'actionde l'automatisation, notamment en assurant l'auto-matisation séquentielle de certaines opérationslongues, telles que la préparation de l'appareillage,la mise en route des centrifugeuses, pour ne citerque celles-là.

    Le calculateur permet en outre de faire descalculs divers et son programme peut être étendud'une manière à peu près illimitée.

    De plus, l'emploi d'un calculateur est indispen-sable pour l'automatisation de la navigation.

    Toutefois, par crainte d'une défaillance du cal-culateur, aucun chantier n'a encore osé lui confierla commande de tous les automatismes impor-tants à séquence, tels que la mise en route d'unechaudière auxiliaire. Nous reviendrons plus loinsur cet aspect particulier de la conception del'automatisation.

    En revanche, et jusqu'à maintenant, le prixd'un calculateur est plus élevé que celui d'unenregistreur.

    b) - Dispositifs de signalisation.Nous avons vu que certaines installations dis-

    posent de deux moyens distincts de signalisationde défauts graves :

    — l'un par l'intermédiaire de l'enregistreur ;— l'autre directement, par signalisation lumi-

    neuse et sonore. Ces deux moyens sont com-mandés par des capteurs différents.

    Certaines installations n'ont pas ce luxe ; lasignalisation lumineuse et sonore est commandéepar l'enregistreur.

    Si pratiquement toutes les installations pré-voient dans la cabine de contrôle un grand nombrede voyants -pouvant même être égal au nombred'alarmes - il est admis en passerelle de regrouperplusieurs alarmes sur un même voyant, unevingtaine au maximum suffisent. Cela évite d'ac-

    caparer inutilement l'attention du personnel deveille.

    Sur certaines passerelles se trouve, en plusde l'imprimante - défauts, une imprimante dujournal machine. Dans ce cas 5 machines sontinstallées à bord : dans la cabine de contrôlecomme sur la passerelle, deux imprimantes pourle journal machine et les alarmes ; une cinquièmemachiné sur la passerelle imprime le journalcargaison.

    3. - Variation dans la conception de l'automa-tisation

    En fait, on trouve quelques installations dontla conception diffère quelque peu du schéma quenous venons d'exposer.

    Sur l'une d'elles, l'installation d'automatisationcomporte un local en salle de machine équipéseulement d'un enregistreur, et les diversesmachines sont groupées en passerelle. La centra-lisation des commandes des auxiliaires et desdivers cadrans, de contrôle, qui était effectuéedans la cabine de contrôle, se trouve abandonnée.

    Cette installation a été conçue en partant duprincipe que le personnel de service dans lamachine doit essentiellement s'occuper de l'entre-tien, et n'a donc pas à se trouver dans la cabinede contrôle ; celle-ci devient alors inutile.

    Citons également l'installation d'un navire encours de construction, et qui ne comporte pasd'enregistreur ; les défauts, au nombre d'une cen-taine, sont signalés sous forme d'alarmes lumineu-ses et sonores. L'installation de surveillance estcomplétée par des appareils enregistreurs analo-giques qui permettent de surveiller une cinquan-taine de points de mesure. Ce bâtiment n'est pasencore en service, il n'est donc pas possible deporter un jugement sur la valeur de cette solution.

    Enfin un certain nombre d'armateurs ne sontpas encore convaincus des avantages d'une auto-matisation aussi poussée qui permet la suppres-sion du quart machine. Aussi ont-ils adoptés unesolution intermédiaire, 'rappelant celle utilisée ily a quelques aimées au tout début de l'automati-sation : la télécommande dû moteur principals'effectue depuis la passerelle, mais la surveillancede l'appareil propulsif est assurée par un officierde quart depuis une cabine située dans le compar-timent machine ; cette cabine regroupe les diffé-rents moyens de contrôle et de commande desauxiliaires, y compris les alternateurs. L'officierde quart peut toutefois s'absenter notammentpour effectuer des rondes ; un dispositif permetalors le renvoi en passerelle des alarmes.

    60

  • On ne peut s'étonner d'une telle diversité dansles solutions : la novation ne saurait se confondreavec l'uniformité d'autant que d'autres problèmesse présentent avec un relief particulier.

    4. - Sécurité contre l'incendie dans le compar-timent machine

    II est impossible de séparer l'étude de l'auto-matisation d'un navire de l'étude de la protectioncontre l'incendie. L'une fait progresser l'autre.

    Ce problème peut être examiné sous ses troisaspects principaux : la prévention, la détection etla lutte.

    a) La prévention contre l'incendie a fait l'objetd'un certain nombre.de mesures générales concer-nant notamment la simplification des circuits etla protection des tuyautages de combustibles.L' étude des circuits est conduite de façon à éviterautant que possible le voisinage de points chauds.Ainsi la rupture d'un tuyau d'arrivée de combus-

    CETRAMARPupitre machine.

    tible aux injecteurs sous haute pression, incidentencore fréquent, peut-elle entraîner un incendie ?

    D'autres mesures ont été prises ; l'une d'ellesconsiste à entourer le tuyau de combustible souspression d'un deuxième tuyau, recueillant lesfuites provenant d'une éventuelle fissure du tuyaucentral ; celles-ci s'écoulent dans un collecteur oùleur présence anormale est détectée et signalée.

    D'autres mesures générales telles que l'emploide tubes soudés au lieu de raccords ont permisde diminuer les causes possibles d'incidents.

    b) La détection est actuellement réalisée pardes détecteurs à ionisation, très sensibles. Ilsdoivent être prévus en quantité suffisante, et leurrépartition étudiée avec soin. En effet, dans unemachine, l'air est constamment agité par les ven-tilateurs et les sources de chaleur, aussi la répar-tition correcte des détecteurs ne peut être déter-minée qu'expérimentalement dans les conditionsréelles d'exploitation.

    Enfin, dans certains cas, des installations detélévision à dispositif de commande et de réglageà distance transmettent à la passerelle des vuespartielles du compartiment, et permettent de sur-veiller des points particulièrement sensibles, telsles chaudières.

    Les alarmes correspondantes sont en généralrassemblées à la passerelle sur un pupitre spécialcomprenant également les commandes à distancedes moyens de lutte.

    c) Les moyens de lutte, dont la commande peuts'effectuer, soit localement, soit à distance, com-prennent essentiellement, pour la machine, desmoyens classiques tels que le gaz carbonique,l'eau diffusée et la mousse physique à faibleexpansion. Néanmoins de nouveaux moyensparaissent très prometteurs ; ainsi, par exemple,la mousse à grande expansion présente l'avantagede se répandre facilement, de nécessiter très peud'eau, donc d'éviter la détérioration des matériels,et de ne pas provoquer l'asphyxie.

    61

  • De nombreux progrès restent encore à fairedans ce domaine et ce sera sans doute un desmérites de l'automatisation de les avoir rendusnécessaires.

    5. - Remarques sur la conception de l'automa-tisation

    Les réalisations actuelles font seulement jouerà l'enregistreur ou au calculateur un rôle d'infor-mation ; ces appareils permettent de connaîtrel'état de la machine, et de signaler les avaries,mais aucune décision ne leur est confiée. Cesdécisions sont dévolues en général à des automa-tismes distincts ou confiées à l'officier de quart.

    Pourtant le calculateur pourrait jouer un rôlebeaucoup plus complet, en assumant toutes lesfonctions assurées encore par des automatismesdistincts, telles que remplacement d'un auxiliairepar un autre, régulation des installations frigori-fiques etc. Il pourrait, en outre, agir sur la régula-tion des moteurs diesel et surtout des machines àturbine, de façon à obtenir un rendement optimum.Le fonctionnement serait, alors du type « à bouclefermée ».

    Mais, pour respecter toutes garanties de sécurité,cette solution risque d'être très coûteuse. Elleconduit, soit à doubler les fonctions essentiellesdu calculateur par des automatismes individuels,soit à doubler le calculateur lui-même. Elle esttoutefois, à notre connaissance, prévue sur desnavires en construction en Allemagne (encores'agirait-il de problème de régulation thermiquedont la programmation est relativement aisée).

    IL - ÉVOLUTION PROBABLE

    Bien que les premiers résultats d'exploitationaient fait apparaître un certain nombre de défautsdus aux conditions sévères d'environnement desappareils d'une part, et d'autre part aux difficultésde remédier à une panne sur un appareil aussicomplexe qu'un enregistreur ou un calculateur,le principe même de l'automatisation n'a jamaisété contesté.

    Les seules pannes graves ont d'ailleurs été pro-voquées par défaillance d'appareils classiques.

    On peut donc en déduire que les réalisationsactuelles préfigurent largement celles de demaindans leur principe, sans préjudice d'une certaineévolution que nous allons tenter d'analyser.

    i° — En ce qui concerne la réalisation d'unetelle installation, on assistera très vraisemblable-ment à une certaine recherche de normalisationet de simplicité de présentation des pupitres, et

    de sobriété des appareils de la passerelle ; c'estd'ailleurs le rôle des sociétés de classification quiont créé une marque « AUTOMATISATION ».Le nombre de voyants de signalisation des alar-mes en passerelle sera sans doute très faible, del'ordre de la dizaine, peut-être moins.

    Cette simplification de la présentation risquede n'être qu'apparente, l'appareillage deviendrade plus en plus complexe à mesure que l'on voudrautiliser au mieux les possibilités qu'offre l'automa-tisation, et atteindre un niveau élevé de la fiabilité.Deux voies semblent se dessiner : dans la pre-mière, un enregistreur serait toujours l'organecentral de traitement de l'information. Cet enre-gistreur sera sans doute simplifié par rapport auxmodèles actuels, il n'aura pas de mémoire, le nom-bre de voies surveillées sera restreint, sa vitessede scrutation sera plus faible, et sa fiabilité meil-leure, cette disposition pouvant être retenue pourles bâtiments dont le prix de construction est peuélevé et pour lesquels l'armateur hésiterait àinvestir une somme importante dans l'automatisa-tion. La deuxième voie ferait appel à l'utilisationd'un calculateur : celui-ci, plus complexe, et dontla technique est d'ores et déjà beaucoup plusévoluée que celle du datalogger, permettra detraiter un plus grand nombre d'informations, deprogrammer des séquences relatives aux prépara-tifs de l'appareillage, de la manœuvre, ou de laroute libre, ainsi qu'à la mise en route et à laconduite de certains auxiliaires complexes, sansomettre le traitement des problèmes relatifs à lanavigation. :

    Enfin, d'autres domaines sont encore peu tou-chés par l'automatisation ; on verra sans douteapparaître ou se généraliser l'adoption de nouveauxprocédés qui amélioreront en les mécanisant :amarrage, manœuvre et manutention.

    La mise en service de porte-containers a déjàsimplifié considérablement les opérations de manu-tention ; la structure des navires dits ouverts, àcale de grande taille, l'emploi de nouveaux moyensde manutention automatisés sont autant de fac-teurs d'amélioration des conditions de travail,du chargement notamment.

    En revanche, le compartiment machine nedevrait plus connaître de mutations brutales ;aucun substitut à la vapeur ou au cycle diesel -que ce soit l'énergie nucléaire ou la pile à combus-tible^ ne paraît compétitif. Certes, une tendancese dessine en faveur d'une augmentation de lavitesse du navire, entraînant jusqu'à un double-ment des puissances actuellement réalisées et unfractionnement de la puissance sur deux lignesd'arbre, mais cette tendance peut fort bien s'ac-commoder des solutions déjà éprouvées.

    62

  • Enfin, dans le domaine de la navigation propre-ment dite, l'automatisation n'a encore que peu deréalisations à son actif ; si l'on excepte le piloteautomatique dont l'emploi est maintenant géné-ralisé, le calculateur pourra assurer l'entretien del'estime, déterminer la route et la vitesse optimale,compte tenu du programme théorique de la navi-gation, de l'état de la mer. Le frein principal audéveloppement de telles installations est leur prixencore élevé, et pour conséquence une rentabilitéfaible. Le calculateur pourrait en outre aider àrésoudre le problème d'anticollision, en recevantd'une manière semi-automatique les informationsd'un radar, et en visualisant sur l'écran radar lestrajectoires respectives des bâtiments. Ainsi,après le personnel de la machine, le personnel deconduite verrait à son tour ses tâches simplifiées.

    Si l'on s'est limité jusqu'ici à l'aspect techniquede l'automatisation, il ne faut pas oublier deuxautres aspects essentiels, l'aspect humain et

    l'aspect économique ; le progrès technique n'estcertes pas une fin en soi.

    Un remodèlement de la fonction du personnelnavigant se dessine. La distinction traditionnelleentre le personnel de pont et le personnel demachine a tendance à disparaître au profit desnotions nouvelles de personnel d'entretien et depersonnel de conduite. Le personnel d'entretienvoit ses conditions de travail considérablementaméliorées. La durée journalière de celui-ci est dehuit heures, réparties en deux fois quatre heures.Le personnel de conduite, réduit au strict mini-mum a déjà à sa disposition les appareils les plusmodernes, tels que pilote automatique. Il aurapeut-être demain un calculateur.

    Il est encore tôt pour comparer les différentesinstallations, mais déjà commence à se préciserle sens optimiste des bilans. Cela permet deconclure que l'automatisation est devenu un desprincipaux facteurs d'amélioration des prix derevient du transport maritime.

    63

  • LES TRANSPORTS PAR CONTAINERS

    Le transport des marchandises par containersn'est pas une formule récente. Bien avant le débutdu siècle, son ancêtre, le « cadre », était couram-ment utilisé pour le transport du mobilier. Pour-tant ce n'est qu'à la Conférence de Rome en 1928que le container acquiert définitivement seslettres de noblesse, par la création de service« porte à porte » par les chemins de fer européens.

    Î e container fut d'emblée adopté pour le trans-port maritime. Cependant, pour qu'apparaisse sonutilisation en séries, il fallut attendre le 16 avril1956 où, pour la première fois, un navire de la PanAtlantic Corporation le S/S « Maxton » reliaNew-York à Houston avec à son bord 60 contai-ners. Détail piquant, ce premier navire porte-containers était en réalité un pétrolier doté d'uneplate-forme permettant leur transport en pontée.I,a même année, la Matson Line de San Franciscodevait réaliser le premier transport de cette naturesur un cargo. Il s'agissait d'un C 2 transformépour recevoir 75 containers également en pontée.

    L,e succès rencontré, et surtout l'économiequ'elle permettait sur les manutentions, allaitdonner son plein essor à cette nouvelle techniquede transport.

    portant aucune autre forme de fret, le « Fairland »de la Compagnie Sea Land Service, quittait New-York (Port Elisabeth) pour Rotterdam, Brème etGrangemouth.

    Iya préparation de cette première liaison trans-atlantique a suscité chez la plupart des armateursdu monde un grand courant d'intérêt qui a déter-miné la constitution de nouvelles sociétés entrearmements pour construire et exploiter des naviresporte-containers, afin de lutter à armes égales surce nouveau terrain de.compétition maritime.

    Parallèlement, le développement récent dutransport aérien de fret qui de 1956 à 1966 estpassé de 1 426 millions de tonnes/kilomètres à5 910, soit une augmentation dans le rapport de4,14 représentant un accroissement annuel deI5»3 %. a incontestablement poussé les armementsdans la voie du porte-containers, seul moyenvraiment efficace pour lutter contre l'emprisecroissante du transport aérien.

    Ainsi, la concurrence, née du porte-containersaux Etats-Unis et de l'accroissement du transportaérien de fret, a donné toute son actualité à cenouvel aspect du transport maritime.

    1. - Un mode de transport d'actualité

    C'est ainsi que le cabotage par navires porte-containers s'est développé très rapidement le longdes côtes américaines (New-York-Houston, New-York-Miami-I,a Nouvelle Orléans, New-YorkPorto Rico). De 1956 à 1958 le tonnage de mar-chandises ainsi transporté est passé de 63 000tonnes à 696 000 tonnes. Pendant le même temps,le coût des manutentions portuaires apparutcomme vingt fois moindre que par un navire tra-ditionnel et la rotation des navires enregistra ungain de 53 %, chaque navire étant chargé etdéchargé en 15 heures au lieu de 7 jours.

    Dès lors, le lancement de véritables lignes «long-courriers » de fret transporté par navires spéciali-sés devait rapidement se mutiplier et, le 23 avril1966, le premier navire porte-containers ne trans-

    2. - Avantages pour les transporteurs et lesutilisateurs

    Si le transport des marchandises par containersconnait une expansion aussi rapide, c'est qu'ilprésente de nombreux avantages tant pour letransporteur que pour l'utilisateur. Aux uns etaux autres, il apporte en particulier des réductionsde coût et de prix fort importantes.

    Aux transporteurs, l'utilisation des unités decharge permet :

    — une réduction sensible des délais de manu-tention. C'est ainsi qu'on estime que pourcharger un navire classique de 10 000 tdw,quatre jours sont nécessaires, alors qu'unnavire porte-containers de même tonnagene nécessite qu'un seul jour. En effet, des

    64

  • installations appropriées et notamment desgrues de 35 tonnes permettent de chargerde 400 à 500 tonnes à l'heure pour quinzecontainers de 20 pieds et quinze containersde 40 pieds ;

    — cette réduction des temps de manutentionentraîne une réduction très nette de leurscoûts. C'est ainsi que M. Van Houten,Président du Conseil d'Administration del'Atlantic Container Une, estime qu'étantdonné que les opérations peuvent s'effectuerpar un petit nombre de dockers, les frais dechargement et de déchargement pourraienten théorie être réduits d'un tiers, ce qui estconsidérable car ces frais représentent lamoitié environ des recettes sur la ligne deNew-York.

    Cet aspect particulier n'est pas sans incidencessociales. Dès lors qu'un nombre moins importantde dockers est nécessaire, Je problème de leuremploi est posé. Dans un premier temps, et pourfaire face à d'éventuelles difficultés, les équipesn'ont pas été réduites. Cette manière de voir leproblème devra être réexaminée car le développe-ment des containers doit être générateur d'untrafic plus important. Il faudra donc procéder àdes reconversions dont un aspect importantapparaît dans l'intensification des opérations demanutention par engins sur les aires d'évolutionet de stockage que ce procédé entraîne.

    — une réduction du temps passé au port. Unetelle accélération des manutentions permetde diminuer sensiblement le nombre dejours passés au port. Or il n'est pas excep-tionnel qu'un navire y passe 180 jours paran.

    Cette réduction entraîne à son tour une accélé-ration des rotations génératrices d'accroissementdes capacités offertes. S'il est vrai qu'un navireporte-containers transporte moins de marchan-dises qu'un navire classique de même tonnagede jauge, l'augmentation du nombre de voyagespermet d'offrir une capacité plus importante.C'est ainsi qu'il a été calculé que si un navireclassique accomplit 20 voyages par an, un navireporte-containers en fera 40, offrant ainsi unecapacité supérieure de 30 à 40 % malgré l'espaceperdu.

    Aux utilisateurs, le container apporte :— une plus grande facilité de transport. l,e

    container en effet n'a son plein sens que dansla mesure où il permet le « porte à porte »,c'est-à-dire quand il donne la possibilité deprendre une marchandise à l'usine de pro-duction pour la livrer au consommateur.Cette solution idéale n'est pas toujours pos-

    sible, mais l'installation de centres de grou-page et d'éclatement permet de limiter lesdifficultés.

    Il est cependant important de tendre au « porteà porte » absolu, car c'est seulement dans cettesituation que les avantages de ce mode de transportsont les plus nets, en particulier face au transportaérien.

    — une réduction appréciable du prix du trans-port, eu égard aux économies de manuten-tion et de rupture de charge réalisées, maissurtout grâce à une réduction sensible desaccessoires du prix de transport que sont :

    — une réduction du prix des emballages. D'unemanière générale, on peut dire que le prix del'emballage maritime est relativement élevé,eu égard aux risques encourus tant au coursdu voyage maritime que lors des manuten-tions. I,e container réduit au minimum cesemballages en constituant lui-même l'em-ballage proprement dit.

    — une réduction des assurances. I,es marchan-dises ainsi conditionnées sont sensiblementmoins sujettes aux risques d'avaries et devols, ainsi qu'aux conséquences de séjoursprolongés en atmosphère saline. Par voie deconséquence, les primes d'assurances s'entrouvent diminuées.

    Enfin le transport par container maritime, etceci est encore plus vrai du container aérien, enréduisant la durée du transport permet une immo-bilisation des stocks moins longue et, à la limite,permet une sensible diminution de ceux-ci, ainsique des frais bancaires correspondants, aussi bienpour le producteur que pour le consommateur.

    3. - Problèmes à résoudre

    Si le transport de marchandises par containersprésente ainsi de nombreux avantages, il posecependant un certain nombre de problèmes, toutau moins dans la période de démarrage danslaquelle il se situe encore.

    Trois séries de problèmes se posent en ce quiconcerne la flotte utilisée pour cette activité,l'infrastructure terminale indispensable et lecontainer lui-même.

    IvA FLOTTE.Pour transporter physiquement des containers,

    on l'a vu dès l'origine, peu d'aménagements sontnécessaires. Un pétrolier muni d'un pont adaptépeut transporter des containers en pontée. Parcontre, pour transporter des containers dans debonnes conditions de rentabilité, il est indispen-sable d'utiliser des navires spécialisés ne trans-portant aucun autre type de fret.

    65

  • La construction de tels navires est unitairementrelativement onéreuse. En effet, d'une part pourune même quantité de marchandises à transporter,il est nécessaire de prévoir une plus grande capa-cité, d'autre part ces navires étant généralementplus rapides exigent des appareils moteurs pluspuissants, enfin il est indispensable, tout au moinsactuellement où les ports terminaux ne sont pastoujours équipés pour ce genre de trafic, de doterles navires de moyens autonomes et relativementélaborés de manutention. L'ensemble de cescaractéristiques augmente sensiblement le prixde revient de tels navires.

    C'est ainsi que les navires de l'Atlantic Contai-ner Line, qui pourront transporter 380 containersde 20 pieds à une vitesse de 22 nœuds coûterontde 30 à 40 millions de francs soit l'équivalent d'unavion long courrier Boeing 707.

    Toutefois, il faut remarquer que l'efficacité deces navires étant plus grande que celle des cargosclassiques, leur nombre pour un trafic identiquesera moins important, le coefficient de capitaln'est pas dans le rapport du coût unitaire desnavires à tonnage égal.

    L/INFRASTRUCTURE.

    Le navire porte-containers qui se présentedevant un port doit pouvoir y trouver un certainnombre d'installations et d'aménagements. C'estainsi que, dans l'hypothèse la plus élaborée, ildevra trouver des moyens de manutention spé-ciaux aptes à traiter sa cargaison de containers,des aires de stationnement suffisantes pour lesentreposer et pour faciliter les évolutions desmoyens de transports routiers ou ferroviaires derelais.

    Ces servitudes posent ainsi deux séries de ques-tions. I,es ports doivent être équipés et les trans-porteurs de containers doivent prévoir leurs pro-pres moyens de transport terrestre : rail, routeou voie navigable, ou coordonner étroitement leuraction avec les entreprises de transport terrestre.

    - L E CONTAINER.

    Le container lui-même pose un certain nombrede problèmes. Le prix d'achat d'un container estélevé : environ 2 500 $ pour une unité de 20 pieds.Pour mener à bien l'exploitation d'un seul navireporte-container, il est nécessaire de posséder unparc équivalent à trois ou quatre fois la capacitédu navire.

    Le transport des containers exige une normali-sation très poussée qui est loin d'être entrée dansles mœurs. Le container ancienne formule étaitd'une charge maximale de 3 à 5 tonnes ; les normesproposées par l'International Standard Organisa-tion (I. S. O.) sont largement supérieures. Elles

    décrivent des unités de 8 pieds au carré sur 10 de20, 30 ou 40 pieds représentant des charges utilesde 20, 25 et 30 tonnes. Malheureusement, la Com-pagnie Sea Land, qui possède actuellement le parcle plus important du monde avec 12 000 containerssoit les 2 /5e du parc américain, en est resté aucontainer de 35 pieds.

    Si une normalisation doit intervenir il faudrade nombreuses années pour résorber un tel poten-tiel.

    Les containers posent également le problèmede leur propriété. Actuellement, ils sont considéréscomme l'accessoire du navire et mis à la disposi-tion des chargeurs. On peut se demander si unetelle solution se pérennisera et s'il n'y aura paslieu de revoir cette question d'importance dansle sens de la création d'un pool interprofessionnelqui pourrait plus efficacement veiller à la norma-lisation.

    Le contrat de transport, qui est jusqu'à présentstrictement maritime, devra sans doute se modifierpour recouvrir le transport maritime principalainsi que les transports terminaux. Ceci impli-quera la recherche d'une solution au problème dela responsabilité des transports successifs ainsique celui de l'assurance. Parallèlement, la déter-mination du chef de file devra faire l'objet d'études.Dans ce but, des professionnels de la fédérationfrançaise des commissionnaires et auxiliaires detransport, commissionnaires en douane, transi-taires, agents maritimes et aériens, étudient uneformule d'association qui agirait pour le comptede chacun.

    Le taux de fret sera-t-il établi en fonction de lamarchandise transportée ou du cubage utilisé ?

    Enfin le régime douanier applicable en lamatière a fait l'objet d'une décision administrativede mai 1966 qui réglemente tout à la fois le traite-ment douanier applicable aux containers eux-mêmes et le traitement douanier du trafic commer-cial utilisant les containers. En ce qui concerne lepremier, le régime de l'admission temporaire a étéretenu. Quant au second, les règles habituellespropres au régime douanier définitif ont été main-tenues tandis que le régime de transit sous douanea été rendu possible.

    Ces nombreux problèmes, dont bon nombren'ont pas encore reçu de solutions satisfaisantes,montrent à quel point le domaine de transportpar container n'en est encore qu'à sa phase initiale.Ces solutions devront d'ailleurs se trouver sur unplan international où d'ores et déjà apparaissentde menaçants conflits de législation.

    Une flotte importante en construction.Ayant ainsi situé les différents aspects du

    transport de marchandises par containers, il

    66

  • convient de fixer le point de son évolution actuelledans le monde.

    Au I e r janvier 1967, 100 navires porte-contai-ners de différents types représentant 1 322 000 tdwétaient en commande ou en construction dans lemonde. Ils se répartissaient de la manière suivante :cargos porte-containers . . 89 représentant 1 192 000 TDWbulk carriersporte-contai-ners 4 représentantnavires à pas-sagers adaptésau transportdes containers..

    116 000 TDW

    7 représentant 14 000 TDW

    Total 100 représentant 1 322 000 TDW

    Cette répartition montre l'importance donnéepar les armements aux navires porte-containersexclusifs de tout autre forme de transport de fret.

    Ces commandes intéressent pour près de 50 %les Etats-Unis avec 665 000 TDW, la Suède avecplus de 190 000 TDW, le Japon avec 120 000 TDW,la Grande Bretagne avec plus de 100 000 TDW.

    Parmi les compagnies qui assurent le transportdes containers par navires spécialisés, il faut noterla croissance considérable de l'une d'entre ellesqui fut parmi les premières à réaliser de tels trans-ports. L,a Pan Atlantic Sealand, filiale d'une entre-prise de transports routiers américains, effectuason premier service en 1962 à l'aide d'un tankertransformé. L,a progression escomptée est révéla-trice du développement de ce mode de transport.

    A N N É E S

    1966

    1968

    1970

    NOMBREde navires

    23

    28

    36

    NOMBREde containers

    12 00O

    17 000

    25 000

    On mesure mieux ainsi la déclaration du Pré-sident de l'Atlantic Container I^ine qui estime que,dans 5 ans, 85 % du trafic marchandises del'Atlantique Nord sera effectué par containers.

    La France est présente dans la compétition.l,a. France n'est pas absente de cette nouvelle

    compétition maritime et, dès le 5 décembre 1966,la Compagnie Générale Transatlantique, la Com-

    pagnie des Messageries Maritimes, la CompagnieMaritime des Chargeurs Réunis, la CompagnieFabre/SGTM, la Société anonyme de Gérance etd'Armement, la Société Navale Delmas Vieljeux,la Société Navale Caennaise et la Nouvelle Com-pagnie Havraise Péninsulaire de Navigation, s'as-sociaient pour créer un secrétariat commund'études et de documentation en matière decontainers, palette et, d'une façon plus générale,d'unités de charge, et pour prendre tous contactsnécessaires avec les différents organismes spécia-lisés dans cette activité.

    Pour son compte, la Compagnie Générale Trans-atlantique s'est associée à trois armements suédois(la Swedish America L,ine, la Swedish Transatlan-tic Ivine, la Compagnie Wallenius), à un armementhollandais (la Holland America I,ine) et à unarmement britannique (la Cunard Steam Ship)pour constituer l'Atlantic Container I/ine (A. C. L.)qui sera spécialisée dans le transport rapide parcontainers entre l'Europe et les Etats-Unis.

    Cette filiale commune qui disposera de 10 navires,2 pour chacune des Compagnies Cunard, Transat,Holland America et Wallenius, 1 pour chacunedes deux autres, desservira les ports européens :Le Havre, Gôteborg, Bremerhaven, Rotterdam,Anvers, et les ports américains : New-York,Baltimore, Norfolk. Quatre de ces bâtimentsentreront en service en 1967 et la totalité en 1969.Ils auront la possibilité de transporter 30 %environ des échanges maritimes entre les Etats-Unis et l'Europe du Nord.

    Ainsi donc le transport de marchandises parcontainers, formule ancienne dans sa conception,vient de prendre son véritable départ en se spé-cialisant. Si un bon nombre de problèmes tech-niques ont été résolus, de nombreux aspects res-tent à étudier.

    Face au développement du transport aérien defret, l'apparition de cette nouvelle technique detransport facilitera une lutte qui pouvait rapide-ment devenir inégale. Dès lors que les transportsde surface pourront offrir un service de « porte àporte » de même nature que celui des transportsaériens, l'utilisateur devrait pouvoir dans quelquesannées choisir le moyen d'acheminement de samarchandise, entre le transport le moins cher oule transport le plus rapide.

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  • ÉVOLUTION DE LA TECHNIQUE DES NAVIRES TRANSPORTEURSDE 6AZ DE PÉTROLE OU DE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ

    Depuis 1947, le transport maritime des gaz depétrole s'est considérablement développé tandisqu'en 1964 apparaissaient les premiers transportsmaritimes commerciaux de gaz naturel liquéfié.En 1961, on dénombrait une cinquantaine denavires spécialisés dans le monde, dont 9 souspavillon français. Actuellement la flotte mondiales'élèverait à 169 navires, représentant une capacitéde transport de 700 000 m3, tandis que l'ondénombre sous pavillon français 14 navires repré-sentant 90 000 m3, soit 14 % de la capacité detransport mondiale environ, alors que le total dela flotte française ne représente que 3 % de l'en-semble de la flotte mondiale.

    Au surplus l'armement français, par le canal desociétés étrangères qu'il contrôle sur le plan finan-cier comme sur le plan technique, représente à luiseul environ la moitié du trafic maritime mondial.

    Du point de vue de la construction navale, il estincontestable également que nos chantiers se sontacquis une position enviable dans le monde pource qui concerne la construction de navires trans-porteurs de gaz. Près de 40 navires de ce type, soitpresque le 1 /4 de la flotte en service, ont été com-mandés aux chantiers français depuis i960, dontplus de la moitié par des armateurs étrangers.C'est dire que, dans ce domaine, au plan de laconstruction comme à celui de l'exploitation desnavires, les techniques françaises sont à la pointedu progrès.

    I. - ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DENAVIRES TRANSPORTEURS DE GAZDE PÉTROLE LIQUÉFIÉ

    En l'espace de 5 ans l'évolution technique s'estmanifestée dans une direction qui tend à augmen-ter le rapport entre le poids des produits trans-portés et le poids des réservoirs. Il s'agit du rem-placement des techniques initiales des transportssous pression par des procédés de transport à despressions plus faibles, voire égales à la pression

    atmosphérique. On a certes envisagé égalementde transmettre les efforts subis par les réservoirs,du fait des cargaisons, à la coque du navire, c'est-à-dire de passer des cuves auto-porteuses auxcuves dites intégrées, ce qui naturellement conduitaussi à un allégement du poids des cuves.

    Cette deuxième évolution apparaît toutefoisassez limitée en raison d'un changement de cer-taines réglementations.

    1. - Les transports réfrigérés

    En raison des températures critiques relative-ment élevées du propane, du butane, du butadiène,la liquéfaction de ces produits à températureambiante est relativement aisée. A cette tempéra-ture, le produit se trouve à une pression qui cor-respond à la tension de vapeur de sa phase liquide.

    premiers transports se sont donc effectuésdans des réservoirs à la température ambiante(450 maximum), à des pressions de l'ordre de 17bars ; les réservoirs étaient donc de forme cylin-driques avec des fonds sphériques. Toutefois, lesvolumes transportés s'accroissant, il apparaissaittrès vite que le poids des réservoirs devenaitexcessif, et tous les efforts tendirent à accroîtreles volumes unitaires à poids donné de réservoirs.Pour diminuer la pression de service, il fallaitnaturellement abaisser la température de trans-port. On vit donc successivement apparaître lesnavires « semi-réfrigérés », c'est-à-dire des navirestransportant les gaz de pétrole liquéfiés au voisi-nage de 6 bars et à une température légèrementsupérieure à la température ambiante (2), puisune réfrigération complète de — 400 C à — 50 ° C(— 420 C pour le propane), autorisant un transportà la pression atmosphérique.

    (1) Par gaz de pétrole, on entend certains produits de raffinageou d'origine pétrochimique, par exemple butane, butadiène, buty-lène, propylêne, éthylène.

    (2) Le premier navire semi-réfrigéré fut construit en 1959 enFrance pour compte français.

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  • L'utilisation de la réfrigération devait toutefoisposer deux problèmes spécifiques touchant, l'unaux conditions de chargement et de déchargement,l'autre aux dispositifs d'isolation à bord. En effet,pour ce qui concerne le chargement et le décharge-ment, les stockages à terre étaient et demeurentencore, dans la plupart des cas, des stockages souspression, en sorte que la puissance frigorifique àinstaller (à bord ou à terre) est intimement liéeaux cadences de chargement, de même que ledébit de déchargement est fonction de la capacitéd'utilisation des « réchauffeurs » existant, soit àbord, soit à terre.

    En ce qui concerne l'isolation, il convenaitnaturellement de concevoir une isolation de natureà éviter des phénomènes de condensation sur lesparois extérieures, tout en maintenant le produità une température bien déterminée dans une cer-taine plage de variation.

    2. - Cuves autoporteuses ou cuves intégrées

    Toutes les réalisations actuelles, à l'exceptiond'une seule, ont fait appel à la technique des cuvesauto-porteuses, c'est-à-dire de cuves reposant surle fond du navire, aucune liaison rigide n'étantassurée entre les parois latérales de la cuve etcelles du navire.

    La raison principale de cet état de fait est lefaible coût de l'acier utilisé pour la constructionde telles cuves, à peine plus élevé que celui de lacoque. On rappelle que la température de fragili-sation de l'acier est de — 6o° C environ.

    Toutefois, par analogie avec l'évolution de latechnique des cuves de transport de gaz naturel,que nous verrons dans le paragraphe suivant, etqui a abouti à la définition des cuves intégrées -c'est-à-dire pour lesquelles les efforts subis par lesréservoirs du fait de la cargaison sont transmis àla coque du navire - on pouvait penser il y a encorequelques mois que la technique des cuves intégréesserait, elle aussi, utilisée pour le transport de gazde pétrole liquéfié. Cette technique permettaitd'alléger considérablement la construction desréservoirs, et offrait l'avantage de faire jouer à lacoque du navire le rôle de la double coque jusque-là imposée par certaines sociétés étrangères declassification, pour des raisons de sécurité. Elle ad'ailleurs été adoptée pour la construction d'unpropanier de 29 000 m3 selon le procédé françaisGaz-Transport.

    Mais c'était compter sans un autre facteur :l'évolution des règles des sociétés de classificationa autorisé la suppression de cette double coque.

    Cette modification a permis l'allégement de laconstruction des cuves auto-porteuses, par sup-

    pression de la double coque qui devait leur êtreincorporée, mais n'a pas modifié la structure descuves intégrées.

    Les avantages principaux de la cuve intégréedisparaissaient alors, les deux procédés demeurantd'un prix très voisin.

    IL - ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DENAVIRES TRANSPORTEURS DE GAZNATUREL

    Tout différent est le problème du transport degaz naturel ; le transport sous pression et à latempérature normale de tels gaz n'a jusqu'ici pasencore été envisagé d'une manière approfondie.En effet, le poids des réservoirs permettant untransport sous une pression très élevée apparaîtà priori prohibitif par rapport au poids de gaztransporté ; ainsi, dans les meilleures conditions,le transport de 10 000 tonnes de gaz naturelnécessiterait des réservoirs dont le poids totalserait de l'ordre de 60 000 tonnes. Comme consé-quence, le prix et la taille de tels navires seraientimportants et, bien que quelques études aient étéfaites sur cette technique, aucune réalisation n'aencore vu le jour.

    Il convient toutefois de préciser que le principalavantage d'une telle solution serait de supprimerle coût de la liquéfaction et du réchauffage naturel,qui entre dans une proportion importante (50 %environ) du prix de revient du m3 de gaz rendu àdestination, contre 20 % pour le prix du transportmaritime sur des trajets courts du type Afriquedu Nord-France.

    Les techniques de transport actuellement uti-lisées font toutes appel au transport de gaz sousforme liquide, c'est-à-dire à des températures del'ordre de — 1600 dans des cuves initialementauto-porteuses et maintenant intégrées à la coquedu navire, de manière pratiquement systématique.

    Cette évolution devrait être rapide ; en effet lestrès basses températures imposaient d'emblée -ce qui n'est pas le cas pour les gaz de pétrole -des aciers très spéciaux et très chers ; en consé-quence, toute diminution des épaisseurs mises enjeu, permise par l'intégration des cuves à la coquedu navire, se traduisait par des économies substan-tielles sur le poids de métal coûteux nécessaireà la fabrication des cuves et sur sa mise en œuvrequi devient plus rapide.

    Nous noterons au passage que la technique descuves auto-porteuses a été utilisée sur le « JulesVerne », premier transport de gaz naturel, actuel-lement en service entre la France et l'Algérie. Legaz est transporté dans sept cuves cylindriques

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  • d'axe vertical, construites en acier à 40 % denickel dont l'épaisseur varie de 9 à 15 mm. Iyenavire transporte environ 0,5 milliard de m3 paran dans des conditions très satisfaisantes.

    Cuves intégrées

    Dès 1963, diverses sociétés françaises entrepre-naient les premières études d'une nouvelle tech-nique de transport de gaz liquéfié, dite à cuvesintégrées : Dans cette technique, comme nousl'avons dit précédemment, les efforts de pressionhydrodynamique sont retransmis de la paroi àla coque du navire. Î a cuve, membrane trèsmince, constitue un élément d'étanchéité disposésur une isolation rigide et porteuse, qui est instal-lée à l'intérieur de la coque et qui évite sa miseen froid.

    Cette paroi mince devait pouvoir se déformerélastiquement, pour supporter la contraction dueau refroidissement, et subir sans dommage laflexion et la torsion de la poutre navire. Enfin, lafabrication devait être rationnalisée.

    Trois techniques différentes sont issues desrecherches françaises. Elles ont été développéespar les Ateliers et Chantiers de la Seine Maritimeet les Forges et Chantiers de la Méditerranée(procédé repris par Gaz Transport), par les Chan-tiers de l'Atlantique sur contrat 50 /50 de Gaz deFrance, et par la Société Technigaz ; il s'agit dansles trois cas de cuves parallelepipediques mettanten œuvre des alliages à faible coefficient de contrac-tion ; dans le cas de l'Atlantique et de Gaz Trans-port, les parois sont planes, tandis qu'elles sontgaufrées dans le cas de Technigaz.

    Gaz Transport utilise un alliage à 35 % denickel - de type Invar, c'est-à-dire à coefficientde dilatation très faible, l'Atlantique de l'acierà 9 % de nickel, et Technigaz de l'acier inox. L,esépaisseurs sont de l'ordre du mm. dans le cas desA. C. S. M. et de Technigaz, et de 5 mm. dans le

    cas de l'Atlantique ; ceci explique la dénominationdes cuves semi-membranes, donnée par cettesociété à son procédé.

    dilatations et les contraintes thermiquesen résultant sont très faibles dans le cas de latechnique Gaz Transport, absorbées dans le casde Technigaz par les ondulations des parois. Dansle procédé Chantiers de l'Atlantique ces dilata-tions sont absorbées par des raccordements deformes appropriées entre les parois.

    Dans les trois procédés, les barrières secondairessont d'une technique analogue à celle des cuvesen contact avec le liquide.

    De nombreux essais ont été effectués sur cesdiverses techniques, tous les procédés et méthodesayant reçu la sanction de l'expérience, à terre eten mer.

    C'est ainsi que le « Pythagore », d'une capacitéde 630 m3 et construit selon le procédé Technigaz..est actuellement utilisé pour le transport de pro-duits froids et notamment d'éthylène (— 1040 C).En outre, nous avons déjà signalé la constructiond'un propanier de 28 700 1113 (— 420 C) suivantle procédé Gaz Transport.

    On conçoit que, dans ces conditions, la Francepuisse espérer exporter ses procédés de transportet de fabrication, et construire dans ses chantiersbon nombre de na /ires transport de gaz de pétroleou de gaz naturel. De leur côté les armateursfrançais, qui ont souvent joué un rôle essentieldans le développement des techniques navales,peuvent valablement prétendre à assurer une partimportante du trafic mondial des gaz de pétroleet gaz naturel.

    C'est ainsi qu'on vient d'apprendre la commandepassée à un chantier suédois de deux méthaniersde 65 000 m3 construits suivant la techniqueélaborée par Gaz Transport. Ces navires apporte-ront au Japon du gaz naturel d'Alaska.

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  • ÉVOLUTION RÉCENTE DES TECHNIQUESET DES B A T E A U X DE PÊCHE

    L'accession du Pérou au premier rang des paysproducteurs de poissons a constitué l'événementle plus remarquable dans l'industrie mondialedes pêches au cours de ces dix dernières années.La production annuelle de ce pays est passée de200 ooo tonnes en 1953-57 à 7 et même 9 millions detonnes en 1964-66. Cette augmentation spectacu-laire de la production, qui porte d'ailleurs sur uneseule espèce, 1' « anchoveta », n'a été rendue pos-sible que grâce à l'utilisation d'une méthode depêche particulièrement efficace : la senne tour-nante et coulissante manœuvrée à l'aide dupower-block.

    Cet exemple montre l'importance de l'évolutiondes techniques de pêche sur la production. C'estainsi que l'on peut dire que, sur le plan mondial,cette évolution se fait en faveur de deux engins :la senne et le chalut ; la première étant utiliséesurtout pour la pêche des poissons de surface, etle deuxième, d'un emploi plus général, convenantaussi bien à la capture des poissons de fond qu'àcelle des poissons pélagiques.

    A l'inverse, l'on note une certaine désaffectionpour les méthodes de pêche aux lignes. Ces métho-des, qui présentent l'inconvénient de nécessiterune main-d'œuvre importante, sont néanmoinsencore utilisées avec succès par les Japonais.

    Dans le même temps, en France, l'évolutiondes techniques de pêche a suivi des tendancescomparables. L'emploi de la senne reste cependantencore relativement limité, et le chalut demeurel'engin le plus couramment utilisé dans notre pays.Plus récemment, l'on a observé aussi un dévelop-pement de l'usage des filets maillants calés sur lefond ; cette technique, qui garde le plus souventun caractère artisanal, est employée également àl'étranger, notamment en Islande et au Canada.

    Ce sont les points les plus marquants de l'évo-lution intervenue récemment dans les techniqueset dans les bateaux de pêche, en France et àl'étranger, qui sont présentés ici.

    I. - ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DEPÊCHE

    1. - Principales tendances

    a) Emploi des chaluts pélagiques et semi-péla-giques.

    Les possibilités du chalut de fond, dont l'em-ploi était surtout limité jusqu'à ces dernièresannées à la pêche dès poissons plats et des pois-sons ronds, ont été augmentées considérablementpar l'adoption d'engin de type pélagique et semi-pélagique.

    Ce dernier est en fait un chalut de fond à grandeouverture verticale, dérivé des « wing-tiawls »Scandinaves. Modifié en fonction des conditionsde pêche française, ce type d'engin a été progres-sivement adopté, à partir de 1962-63, dans lesports du Nord où il est surtout employé à Boulogne,Fécamp et Giavelines, pour la pêche du hareng,de la morue et du merlan. Quelques navires arti-sanaux de cette même région l'utilisent aussi pourla pêche du maquereau. Ce type de filet, dontl'ouverture est au moins double de celle du chalutde fond ordinaire (8 m en moyenne pour unbateau de pêche industrielle), donne de bonsrésultats sur les poissons qui vivent à une certainedistance du fond au-dessus duquel sa partieinférieure peut passer à une distance de 1 à 2 m.Dans de telles conditions, il peut être utilisé avecavantage sur les très mauvais fonds où il subitmoins d'avaries qu'un filet ordinaire.

    Le chalut semi-pélagique a été essayé aussiavec succès à bcrd de plusieurs de nos navires degrande pêche à partir de 1964. Les rendementsobtenus sur la morue, dans la région de Terre-Neuve et du Groenland, ont montré ses grandespossibilités dans certaines conditions. Il a étéadopté également à bord de grandes unités espa-gnoles péchant le merlu au large de l'Afrique duSud.

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  • Sur les côtes françaises de l'Atlantique, il estutilisé pour la pêche du sprat dans la région duCroisic et de la Turballe. En Méditerranée, ilprésente un grand intérêt en raison des possibi-lités nouvelles de capture qu'il offre par rapportau chalut méditerranéen traditionnel.

    L'implantation du chalut pélagique en Francea été plus longue. Elle s'est faite en deux temps :le filet traîné par deux bateaux a fourni le premierdes résultats rentables, tandis que le filet remor-qué par un seul bateau, demandant une plusgrande technicité, est d'adoption plus récente.

    Traîné par deux bateaux, le chalut-bœuf péla-gique, mis au point tout d'abord par le danoisLaisen, a été introduit en France vers les années1952-53 dans les ports de Gravelines, puis d'Eta-ples. Cette méthode, qui donne de bons résultatspour la pêche des poissons bleus comme le hareng,la sardine, le maquereau ou le sprat, est restéecantonnée jusqu'à présent dans le nord de laFrance où elle conserve un caractère artisanal.Il n'en est pas de même dans d'autres pays euro-péens comme l'Allemagne où la pêche pélagiqueen bœufs se pratique à bord de lougres en acierde 40 m d'une puissance de 600 cv environ.

    I,es plans des chaluts-bœufs utilisés par lesartisans français ont été améliorés constamment,en particulier par l'adoption de fils plus fins per-mettant un agrandissement notable des dimen-sions du filet et, plus récemment, par l'emploi detrès grandes mailles entraînant une meilleurefiltration de l'eau à l'entrée et dans le corps dufilet.

    Les premiers essais réellement fructueux duchalut pélagique traîné par un seul bateau ont eulieu à partir de 1962 à bord de chalutiers indus-triels de Boulogne, Gravelines et Fécamp, sur leslieux de pêche du hareng. Il s'agissait alors d'unengin fonctionnant plutôt d'une manière semi-pélagique, les panneaux employés, du modèlerectangulaire classique, traînant toujours plus oumoins sur le fond. Compte tenu de l'ouverturebeaucoup plus importante, qui atteignait 16 à 18m avec un bourrelet passant en moyenne à 5 mdu fond, ce filet pouvait cependant être considéré

    . comme un engin pratiquement pélagique.

    L'utilisation rentable d'un filet totalementpélagique, pouvant fonctionner à n'importe quelleprofondeur, ne remonte qu'à l'année dernière carce type d'engin ne convient vraiment qu'auxgrands chalutiers à pêche arrière, qui, commenous le verrons plus loin, sont d'adoption nouvelleen France.

    Dans tous les cas, il s'agit d'un grand filet àquatre faces égales ou inégales, présentant une

    ouverture de 10 à 20 m, de forme grossièrementcarrée ou rectangulaire, variant suivant la plusou moins grande dispersion des bancs exploités.Employé avec des panneaux hydrodynamiquesspéciaux, il peut pêcher à n'importe quelle pro-fondeur, sans aucun contact avec le fond, sonimmersion étant contrôlée par un sondeur decorde de dos. Il faut signaler aussi que la plupartdes bateaux qui pratiquent cette pêche se serventd'un détecteur horizontal ou asdic pour ne pasperdre le banc de poissons qu'ils veulent capturer.

    A l'étranger, le chalutage pélagique connaîtdepuis deux ans un développement important,principalement en Allemagne où les chalutiers depêche industrielle exploitent maintenant les con-centrations de harengs dans la Mer de Norvège,par des profondeurs allant jusqu'à 200 m etdavantage.

    b) Amélioration et développement de la méthode depêche à la senne.

    Utilisée en France sous le nom de bolinchedepuis de nombreuses années, principalementpour la pêche de la sardine où elle a finalementremplacé la pêche au filet droit, la senne tour-nante et coulissante était demeurée jusqu'à cesdernières années un engin à caractère artisanal,le filet étant manœuvré en grande partie à la main.Faisant suite à la généralisation depuis 1955 del'usage du sondeur détecteur, l'adoption récentepar les sardiniers français d'un procédé de rele-vage mécanique du filet, dont le type le plusrépandu est le power-block d'origine américaine,a permis d'élargir considérablement les possibi-lités de cette méthode de pêche qui, partout dansle monde, connaît une extension importante. Lespower-blocks, adoptés d'abord par les pêcheursaméricains pour la capture du menhaden et duthon, sont employés maintenant d'une manièrecourante non seulement au Pérou, comme nousl'avons déjà signalé, mais aussi dans tous les paysgros producteurs de poisson, comme la Norvègeou l'Islande. Il s'agit alors d'une véritable pêcheindustrielle qui s'exerce le plus souvent sur lehareng et le maquereau, ou parfois sur des espècesdiverses telles que le capelan, la morue ou l'églenn(pour ces deux dernières espèces le gréement de lasenne doit cependant être modifié pour permettreau filet de plonger plus profondément).

    En France, la pêche à la senne n'a pris uncaractère industriel que dans des cas assez limitésjusqu'à présent. Après les senneurs sardinierscongélateurs, on voit se constituer depuis deuxans une flotte de thoniers senneurs opérant aularge des côtes africaines. Dans ce cas, ce sontd'anciens clippers à l'appât vivant, transforméspour pouvoir employer cette technique plusrentable.

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  • Selon les espèces recherchées, les sennes, qui ontdes caractéristiques très variables, peuvent attein-dre de très grandes dimensions : jusqu'à 550 m delong et 160 m de chute pour le hareng (mailles de16 mm) ou 750 m et 120 m pour le thon (maillesde 50 mm).

    Dans cette technique de pêche à la senne,comme"dans celle du chalutage pélagique, on doitsouligner l'importance prise par l'asdic en tantque moyen de recherche et de localisation desbancs de poissons entre deux eaux. Cette particu-larité sera traitée plus en détail dans le chapitreconcernant les bateaux.

    Pfio/o « ACMB

    La conversion des thoniers à l'appât vivant en senneurs constitueun des faits les plus marquants de ces dernières années. On dis-tingue, à l'extrémité du mât de charge, le power-block dont l'adop-tion a radicalement transformé les conditions de cette pêche.

    c) Pêche du poisson de fond aux filets maillants.

    Bien connue dans les pays Scandinaves et pra-tiquée en France depuis longtemps mais sur unetrès petite échelle, la pêche aux filets maillantscalés sur le fond connaît depuis quelques tempsun développement important dans les ports médi-terranéens et surtout dans ceux de l'Atlantique.

    C'est ainsi que cette méthode, après avoir étéexpérimentée pour la première fois avec succès parun bateau d'Audierne, il y a un peu plus d'un an,

    a essaimé très vite dans les autres ports du sud dela Bretagne et de la Vendée.

    Ce sont surtout des unités de pêche artisanale -anciens langoustiers, palangriers ou autres - quise sont reconverties à cette nouvelle méthode,axée essentiellement sur la pêche du merlu,espèce sur laquelle les pêcheurs espagnols de lacôte atlantique avaient obtenu de bons résultatsavec les filets maillants.

    La période initiale d'engouement passée, ondevait se rendre compte rapidement des limitesde la nouvelle technique. Les rendements trèsbons au début, arrivent très tôt à un maximum,puis ils diminuent sensiblement. Le problème dela surexploitation des fonds se pose là aussi et ilconvient dès à présent de prévoir un maillagelimite, et une réglementation de ce type de pêchequi, à l'exemple de celle pratiquée par les Islandaisou les Canadiens, est susceptible dans les annéesà venir de se développer sur la morue en Mancheet en Mer du Nord.

    2. - Autres faits à signalera) Amélioration du chalutage de fond.Malgré le développement des autres techniques,

    le chalut de fond reste l'engin de prédilection despêcheurs français. Cette méthode de pêche, qui estdemeurée longtemps assez routinière, tend main-tenant à progresser, au même titre que le chalu-tage semi-pélagique ou pélagique. Les filets sontmieux coupés et sont réalisés dans des textileset des fils plus résistants, généralement synthé-tiques, dont l'importance dans la conception desfilets va grandissante.

    Ive gréement des chaluts de fond a été lui aussiamélioré notablement. Pour la pêche sur les fondsdurs, les anciens diabolos en bois sont progressive-ment remplacés par des diabolos en caoutchoucou par des sphères en acier. A la place des panneauxdivergents rectangulaires, on trouve souvent,surtout à bord des grands chalutiers, des panneauxde forme ovale, comportant une ou plusieursfentes destinées à canaliser les filets d'eau ; cespanneaux plus étudiés ont de meilleures qualitéshydrodynamiques et passent mieux sur les fondsirréguliers.

    De nouveaux types de funes ont été étudiés,comme pour les pêches de lingues bleues que leschalutiers de Boulogne réalisent au nord del'Ecosse, par des profondeurs de plus en plusgrandes. Pour pouvoir remorquer le chalut surdes fonds qui atteignent presque 900 m, la consti-tution des câbles d'acier servant de funes doitparfois être modifiée pour obtenir des résistancesidentiques avec des diamètres plus faibles per-

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  • mettant de bobiner de plus grandes longueurs surles tambours du treuil.

    Sous cette rubrique, on doit également citerl'utilisation à bord des cotres hollandais de laméthode qui consiste à employer deux chalutsà perche traînés simultanément aux extrémités dedeux tangons, de part et d'autre du bateau.Appliquée avec les variantes nécessaires à la cap-ture de la sole ou de la crevette grise, cette tech-nique permet de doubler le rendement en pêche.Elle n'est pas encore adoptée en France.

    Il faut enfin rappeler la réalisation, par unpêcheur du Ctotoy, d'un système de chalut sélectifpour la pêche de la crevette. I,e principe de cettetechnique très intéressante, qui permet à la foisde protéger les alevins de poissons plats et defaciliter le triage, devrait pouvoir être adopté partous les pêcheurs crevettiers français.

    b) Pêche à la lumière et pêche à l'électricité.Si la pêche à la lumière, employée depuis très

    longtemps en Méditerranée, constitue une métho-de de pêche efficace, la pêche à l'électricité, à partquelques rares exceptions, n'a pas encore dépasséle stade expérimental.

    1/utilisation de la lumière comme moyen d'at-traction du poisson dans la pêche au filet tournanttend cependant à s'implanter en Atlantique pourla capture de la sardine. Î es raisons qui militenten faveur de cette technique sont avant toutéconomiques, la rogue atteignant un prix élevé,et le poisson étant de meilleure qualité.

    Quant à l'électricité, elle est employée peur lespêches de Kilka (sorte de sprat) faites par lesrusses en Mer Caspienne. I/effet du courant àimpulsions est complété par l'action phototropiquede la lumière et par l'emploi d'une pompe puis-sante. Dans la plupart des expériences en cours, lecourant électrique sert en général, soit à attirerle poisson vers une pompe ou vers un filet, soit àparalyser les espèces capturées pour en faciliterl'embarquement.

    ,.c) Pêches en régression.On ne peut passer sous silence la diminution de

    certaines formes d'activité telles que la pêche à lalangouste aux casiers ou aux filets maillants etcelle aux cordes ou palangres.

    I,a régression de la pêche langoustière est dueà la raréfaction des crustacés provoquée par unepêche trop intensive. Ce n'est pas la valeur de laméthode qui est en cause, mais l'exploitation tropirrationnelle des fonds. Des essais de repeuplementou d'acclimatation d'espèces plus prolifiques sontd'ailleurs envisagés pour tenter de redonner àcette pêche une activité normale.

    Î a pêche de surface aux filets maillants et déri-vants avait subi il y a quelques années une éclipsesérieuse, provoquée surtout par le coût élevéd'achat et d'entretien des filets ; on utilisait alorsdes engins en coton de conservation médiocre, quiréclamaient des soins constants à terre pendantles arrêts du bateau. Le remplacement du cotonpar le nylon, plus solide et d'excellente conserva-tion, a relancé partiellement cette méthode, enBretagne pour la pêche du maquereau, et enManche orientale pour celle du hareng, mais ellerestera limitée, en France, a une petite pêchecôtière et saisonnière. Comme pour les palangres,c'est surtout au Japon que les filets dérivantssont encore utilisés à l'échelle industrielle, parexemple pour la pêche du saumon au large, dansle Pacifique nord.

    3. - Progrès réalisés dans les textiles servant àla confection des filets de pêche

    II y a une quinzaine d'années, les filets de pêcheétaient encore fabriqués à partir des textilesnaturels : chanvre, sisal ou coton. Depuis lors, ilsont été remplacés progressivement par les fibressynthétiques qui présentent l'avantage d'être pra-tiquement imputrescibles et d'offrir une meilleurerésistance à la rupture. Actuellement les textilesnaturels ne constituent plus qu'un très faiblepourcentage de la pro