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Pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (TPL) RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE PRÉSENTÉ À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE EN CARRIÉROLOGIE DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL PAR © MARIE-SOLEIL POIRÉ SEPTEMBRE 2013

Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

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Pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de

clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite

(TPL)

RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE PRÉSENTÉ À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE

L’ÉDUCATION EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE EN

CARRIÉROLOGIE DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

PAR

© MARIE-SOLEIL POIRÉ

SEPTEMBRE 2013

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Sommaire

Grâce à l’adoption de la Loi 21, les conseillers et les conseillères d’orientation sont

maintenant reconnus comme des professionnels qui notamment ont pour activité réservée

d’évaluer, dans le cadre du champ d’expertise qui leur est propre, des individus atteints du

trouble de la personnalité limite (TPL) lorsqu’attesté d’un diagnostique. En raison de la

symptomatologie qui leur est propre, ces derniers sont nombreux à utiliser les services

d’aide de toutes sortes. De croire qu’ils sont nombreux à obtenir les services des

conseillers d’orientation s’avère judicieux en raison de cette même symptomatologie.

Pourtant, la littérature scientifique sur le sujet est faible. Par conséquent, de déterminer

différentes pistes d’intervention en counseling de carrière à effectuer auprès de cette

clientèle serait souhaitable.

Afin de démontrer la pertinence de ce sujet, il sera d’abord question d’établir

l’épidémiologie relative au trouble afin de permettre de saisir l’ampleur du sujet posé

ainsi que sa pertinence. Par la suite, de déterminer l’étiologie qui y est liée tendra à mettre

en lumière les causes du trouble afin de mieux le comprendre dans son contexte

développemental. Puis, il sera question des conséquences qui y sont associées, tant au

plan individuel, relationnel, organisationnel et sociétal. Différentes perspectives relatives

au trouble seront subséquemment présentées, soit d’un point vue médical, légal,

institutionnel, thérapeutique et carriérologique. De tel sorte qu’il sera aisé de saisir la

pertinence du sujet posé.

La conceptualisation de l’évaluation de la personnalité limite en orientation pourra ensuite

être amorcée. Dans un premier temps, la description de l’évaluation en orientation comme

tel sera effectuée. Deux perspectives associées au fonctionnement psychologique seront

ensuite présentées afin de permettre des parallèles du TPL comme tel lors des résultats.

Dans un deuxième temps, il sera question du trouble de la personnalité limite lui-même.

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Des descriptions détaillées du trouble s’ensuivront et se termineront par différents

traitement offerts à cette clientèle d’un point de vue psychologique.

Les résultats de cette recherche seront finalement présentés, soit différentes pistes

d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la

personnalité limite fondée sur les informations recueillies au cours de cet ouvrage.

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Remerciements

La rédaction de cet ouvrage fut une grande source d’apprentissages avec pour seule égale

les difficultés engendrées. Ce rapport n’aurait pu être mené à terme par son auteure sans

l’apport significatif de nombres de personnes. De les remercier aujourd’hui s’avère être

un des petits plaisir de la vie.

Louis. Tu m’as vue dans ma douleur, me battre contre moi-même. Je te remercie de

m’avoir écoutée et accueillie, même à l’improviste. Cela, tout comme tes débats

socratiques et tes encouragements, ont certes contribués à l’atteinte de cet ultime objectif,

finir ce rapport.

Diane, Robert, Sébastien, Kim et Jocelyne. Vos encouragements tout comme vos

incessantes demandes quant à ma progression m’ont poussé à en finir. Je vous en remercie

tous. Ma mère, je me rappellerai toujours ta réaction lorsque je t’ai annoncé que j’avais

décidé d’aller l’université. En rétrospective, tu m’as mise au défi et je t’en remercie

profondément. Ta force de caractère et ta volonté sans fin sont certes ce qui m’est le plus

précieux en toi, tout comme ton amour. Ma vie en sera teintée jusqu’à la fin. Sans oublier

Geneviève et Valéry. Combien d’heures avons-nous étudié ensemble ma chère Geneviève

et nous sommes confiées l’une à l’autre dans notre découragement, tout comme motivées

mutuellement? Combien de fois ta force intérieure Valéry m’a été d’un grand secours,

tout comme ta conviction que dans la vie, de vouloir, c’est pouvoir? Pierre, source

d’amour puis d’amitié, je te remercie de m’avoir appuyée.

Et sans l’ombre d’un doute, cette période de ma vie que je chérirai toujours, mes études

universitaires, n’aurait été aussi agréable, positive, constructive, drôle (et combien

interminable à d’autres moments!) sans les liens significatifs qui se sont tissés entre

Virginie, Valérie et moi-même. Certes, ce trio infernal est loin d’être dissous.

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Table des matières

Sommaire .............................................................................................................................2

Table des matières ................................................................................................................5

Liste des tableaux .................................................................................................................7

Liste des figures ....................................................................................................................8

Introduction ..........................................................................................................................9

1. Problématique : le trouble de la personnalité limite ........................................................ 11

1.1 L’épidémiologie ................................................................................................................... 11

1.2 Des notions cliniques et controverses ................................................................................... 16

1.3 L’étiologie ............................................................................................................................ 18

1.3.1 Facteurs biogénétiques .................................................................................................. 19

1.3.2 Facteurs psychologiques et environnementaux ............................................................. 20

1.3.3 Facteurs sociaux et culturels .......................................................................................... 23

1.4 Les conséquences ................................................................................................................. 24

1.4.1 Au plan individuel ......................................................................................................... 25

1.4.2 Au plan relationnel et organisationnel ........................................................................... 28

1.4.3 Au plan social ................................................................................................................ 31

1.5 L’intervention ....................................................................................................................... 33

1.5.1 Perspective médico-légale et institutionnelle ................................................................ 33

1.5.2 Perspective thérapeutique .............................................................................................. 37

1.5.3 Perspective carriérologique ........................................................................................... 38

1.5.4 Orientation et trouble de la personnalité limite : absence relative de littérature

scientifique ............................................................................................................................. 41

1.6 Question de recherche .......................................................................................................... 43

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2. Conceptualisation de l’évaluation du trouble de la personnalité limite en contexte

d’orientation ....................................................................................................................... 45

2.1 Approches de counseling de carrière centré sur le fonctionnement psychologique ............. 46

2.1.1 L’évaluation en orientation ............................................................................................ 46

2.1.2 Le bilan de compétence ................................................................................................. 54

2.1.3 Approche centrée sur les schémas ................................................................................. 57

2.2 Le trouble de la personnalité limite ...................................................................................... 61

2.2.1 Définitions et notions essentielles ................................................................................. 62

2.2.2 Controverses associées .................................................................................................. 69

2.2 Le traitement du trouble de la personnalité limite ................................................................ 71

2.2.1 Modèle psychodynamique ............................................................................................. 72

2.2.2 Thérapie dialectique-comportementale ......................................................................... 74

2.2.3 Thérapie centrée sur les schémas................................................................................... 78

5. Résultats ......................................................................................................................... 83

6. Conclusion ...................................................................................................................... 87

Bibliographie ...................................................................................................................... 90

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Liste des tableaux

Tableau 1 Quelques indicateurs des trois éléments d’évaluation

Tableau 2 Le processus d’intervention pour l’évaluation en orientation

Tableau 3 Les schémas précoces inadaptés et leur domaine

Tableau 4 Modes d’adaptation

Tableau 5 Différences entre les symptômes qui peuvent aider à distinguer le

trouble de la personnalité limite d’autres diagnostics

Tableau 6 Tableau descriptif des critères diagnostiques du trouble de la

personnalité limite

Tableau 7 Stratégies d’interventions dialectiques

Tableau 8 Quatre modes de la thérapie des schémas appliqués au TPL

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Liste des figures

Figure 1 Taux de suicide normalisé selon l’âge de 100 000 personnes et le sexe,

de 1950-2009

Figure 2 Modèle neurocomportemental du trouble de la personnalité limite

Figure 3 Hospitalisations pour troubles de la personnalité dans les hôpitaux

généraux pour 100 000 par groupe d’âge, Canada, 1999-2000

Figure 4 Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour troubles de

la personnalité, Canada, 1987-1988-1999-2000

Figure 5 Une approche « générique » en counseling de carrière

Figure 6 Le continuum d’intervention exploratoire / de support en

psychothérapie d’orientation psychodynamique

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Introduction

D’un point de vue social, les coûts inhérents aux soins offerts aux personnes atteintes de

maladies mentales s’avèrent importants (Santé Canada, 2002). De tous les troubles de la

personnalité, le trouble de la personnalité limite (TPL) s’avère être le plus fréquemment

rencontré en contexte clinique. La symptomatologie qui y est propre augmenterait les

chances que l’individu atteint recherche de l’aide selon l’Americain Psychiatric

Association (APA, 2001). Malgré tout, tant pour les cliniciens que pour les différents

professionnels œuvrant auprès de cette clientèle, ce trouble apparaît être une

problématique d’intervention complexe (Bouchard, Lemelin, Dubé et Giguère, 2010). À

l’instar de ces derniers, les conseiller(ère)s d’orientation (c.o.) de différents secteurs

d’activités sont susceptibles d’accueillir ces clients et de les accompagner au plan

carriérologique. Bien que de nombreuses recherches soient disponibles, aucune ne traite à

notre connaissance de la spécificité des pratiques professionnelles des c.o. Cet ouvrage

visera à concevoir certaines notions d’importance quant à l’intervention en counseling de

carrière auprès de cette clientèle.

Lors du premier chapitre, un aperçu épidémiologique du trouble sera présenté afin de

permettre au lecteur de se positionner quant à l’importance qu’il revêt au sein de la

population ainsi que dans les pratiques professionnelles des c.o. Une mise en contexte de

ses manifestations sera amenée. Puis, une description générale ainsi que son étiologie

faciliteront une compréhension du trouble comme tel ainsi que de ses origines. Les

conséquences associées au plan individuel et relationnel, de même qu’au plan

organisationnel et sociétal permettront par la suite d’évaluer son impact à plusieurs

niveaux. Différentes perspectives associées au trouble seront subséquemment présentées

et permettront au final de constater le manque de littérature de nature carriérologique. La

pertinence pour les c.o. de mieux saisir cette problématique ainsi démontrée, la question

de recherche en découlant sera apportée, soit: comment les conseillers d’orientation

œuvrant auprès d’une clientèle jeune adulte âge de 18 à 35 ans diagnostiquée du trouble

de la personnalité limite évaluent-ils? S’ensuivra le second chapitre. Pour éclaircir

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davantage cette question, l’évaluation en contexte carriérologique sera d’abord abordée,

suivi de …. Ensuite, le trouble comme tel sera conceptualisé. Il s’agira donc d’établir les

caractéristiques propres au TPL ainsi que le contexte dans lequel ces caractéristiques ont

été définies, en plus de certaines notions d’importance à l’égard de la compréhension du

trouble. S’ensuivra alors différentes approches utilisées pour le traitement de ce trouble.

Quant au troisième chapitre, il dressera les objectifs spécifiques de recherche. La

méthodologie utilisée dans le cadre de cet ouvrage sera subséquemment présentée. Une

analyse conceptuelle visant à faire ressortir les principaux points à retenir concernant

l’intervention en counseling de carrière auprès des TPL sera par la suite présentée. Les

derniers chapitres en seront, dans l’ordre, un de discussion à l’égard de cette recherche et

le second, un de conclusions qui y sont liées.

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1. Problématique : le trouble de la personnalité limite

Sans contredit, il est reconnu que les conseillers et conseillères d’orientation du Québec

œuvrent auprès d’une vaste clientèle (Office des professions du Québec, 2012). L’Ordre

professionnel précise que la modification du Code des professions, adoptée sous la Loi 21

en juin 2009, a permis d’établir le champ d’expertise de ces professionnels à l’égard de la

santé mentale (2010). Dans le cadre du champ d’expertise ciblé, l’évaluation des troubles

mentaux (avec ou sans diagnostic) fait notamment partie des activités qui leurs sont

réservées selon des conditions spécifiques (voir section 1.5.3). À l’égard du présent

ouvrage, il s’avère essentiel de déterminer la fréquence à laquelle ces derniers sont

susceptibles d’entrer en contact avec des individus atteints du TPL, tous secteurs

d’activités confondus. Cela permettra de saisir l’ampleur de ce phénomène et d’évaluer la

nécessité de mieux le comprendre.

1.1 L’épidémiologie

Selon des données américaines rendues publiques par l’Agence de la santé publique du

Canada (2002), une proportion de 6 % à 9 % de la population souffre d'un trouble de la

personnalité. Quant au trouble de la personnalité limite, il s’avère qu’aucune étude

statistique réalisée par le Canada ou encore le Québec ne soit disponible à ce sujet.

Toutefois, l’outil de classification Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders,

4e édition, (DSM-IV-TR) indique quant à lui un taux de 2% (APA, 2001) et ce,

indépendamment du contexte culturel associé. Son incidence pourrait être en constante

augmentation selon des preuves indirectes soulevées par Millon (1993) et également par

Paris (1992) (cités par Paris, 1994). Tel que le rapporte Doucet (2006);

... la prévalence du trouble de la personnalité limite atteindrait 10% chez

les individus suivis en clinique externe de psychiatrie et 20% chez les

patients hospitalisés dans les services de psychiatrie. De plus, dans les

populations suivies en clinique externe pour des troubles de la personnalité,

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la proportion d’individus ayant un trouble de la personnalité limite s’élève

entre 30 et 60% (APA, 2000). (p. 5)

De manière plus spécifique, le trouble survient généralement au début de l’âge adulte

(APA, 2000). Une étude de Paris et Zweig-Frank (2001) rapporte l’évolution du

diagnostic d’individus aux prises avec un TPL sur une période de 27 ans, démontrant que

le trouble se stabilise avec l’âge. Ces derniers constatent que le tiers des personnes

diagnostiquées retrouveront un niveau de fonctionnement s’apparentant à la normale au

milieu de l’âge adulte, soit vers 35 à 40 ans, tandis qu’approximativement 90% seront

rétablis à l’âge de 50 ans et ce, indépendamment du genre. Cette diminution des

symptômes avec l’âge dénote de la présence davantage marquée du trouble auprès des

populations jeunes adultes, la prévalence étant ainsi d’autant plus grande que dans la

population en générale.

En outre, Paris (1994) précise que ce diagnostic est très commun chez les jeunes femmes

et l’Association Américaine de Psychiatrie (APA, 2001) stipule que les trois quarts des

diagnostics seraient émis à des femmes. Toutefois, l’APA ajoute à ce propos que des

diagnostics de trouble de la personnalité antisociale ou narcissique seraient possiblement

attribués à tord à des hommes qui présentent en fait un TPL. Non seulement cela, l’Institut

de la Statistique du Québec (2010) rapporte que, peu importe le motif de consultation

associé, les femmes utilisent davantage les services de professionnels que les hommes,

respectivement de 13% contre 6%. Ces derniers seraient en conséquence moins

représentés en contexte clinique et qui plus est, sous-diagnostiqués. Des caractéristiques

tempéramentales pourraient expliquer ce constat selon Gunderson (2006), en raison du

besoin d’affiliation plus grand des femmes. Torgersen et al. (2001) abondent dans le

même sens. Ils ajoutent qu’il n’y aurait pas de distinctions de sexe quant à la prévalence

du trouble au sein de la population générale, ce que les recherches de Zimmerman et

Coryell (1989; 1990) appuient (cités par Torgersen et al., 2001). En d’autres termes,

l’attribution plus fréquente du diagnostic à des femmes pose en soi un questionnement au

plan de sa prévalence en fonction du genre.

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Dans un autre ordre d’idées, au plan des risques associés à ce trouble de santé mentale, le

TPL s’accompagne généralement de comportements à risques et autodestructeurs, tels la

conduite dangereuse et les dépenses excessives, le vol à l’étalage, la boulimie, l’abus de

substances, les comportements sexuels à risque, l’automutilation et les tentatives de

suicide (APA, 2001). Une comorbidité, consistant en la présence de troubles secondaires

au trouble principal, est observée dans 60% des cas selon Kernberg (2009). L’Institut

National de Santé Mentale (NIMH) élève ce pourcentage à 80% (2010). Ce phénomène

est associé tant à l’Axe I (troubles majeurs cliniques) qu’à l’Axe II (troubles de la

personnalité et retard mental) de la classification du DSM-IV-TR dans le cas des TPL. De

sorte qu’il est commun que des troubles de l’humeur, de toxicomanie, de l’alimentation,

de stress post-traumatique, de panique et de déficit de l’attention avec hyperactivité (Axe

I) tout comme de trouble antisocial, évitant, histrionique, narcissique et schizotypique

(Axe II) soient ajoutés au diagnostic de TPL (APA, 2001). Insel (2010) rapporte les

résultats d’une étude réalisée par le NIMH établissant les fréquences relatives à la

présence de comorbidité généralement relevée lorsqu’il s’agit de TPL;

o 61% ont au moins un trouble anxieux (communément phobie spécifique ou

sociale),

o 49% ont un trouble obsessionnel-compulsif (communément lié à un trouble

explosif intermittent),

o 38% présentent une toxicomanie ou une addiction (communément l’abus ou la

dépendance à l’alcool),

o 34% ont un trouble de l’humeur (communément la dysthymie (moyenne,

dépression chronique) ou dépression majeure).

La détresse psychologique auquel il a été fait référence précédemment est par conséquent

d’autant plus grande lorsque ce phénomène est observé, tout comme le risque de suicide

(Institut de la Statistique du Québec, 2010). D’ailleurs, les actes parasuicidaires sont

présents dans 75% des cas, ce pourcentage augmentant chez les personnes ayant été

hospitalisées (Gunderson, 2006). Le suicide « réussi » ou « complété » est

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particulièrement élevé chez les individus atteint du trouble de la personnalité limite. « ...

Le TPL est un problème de santé mentale aux conséquences dramatiques, puisqu’il est

caractérisé par un taux de suicide important, celui-ci variant entre 8 et 15% selon les

études » (Doucet, 2006, p. 5). Majoritairement, les études rapportent qu’une personne aux

prises avec un TPL sur dix parviendra à un suicide complété. Selon Hoeppli (2010), ce

taux est 50 fois plus élevé que dans la population en générale. Le tableau suivant fait état

de la variation du taux de suicide au sein de la population normale selon le groupe d’âge

et le sexe au Canada de 1950 à 2009.

Figure 1

Taux de suicide normalisé selon l’âge de 100 000 personnes et le sexe, de 1950-2009

Source : Statistique Canada (2012). Statistiques de l'état civil du Canada - Base de données sur

les décès. Tableau 051-001—Estimations de la population, selon le groupe d'âge et le sexe au 1er

juillet, Canada, provinces et territoires. Ottawa : Statistique Canada.

Statistique Canada (2012) rapporte que le suicide est parmi les principales causes de décès

indépendamment de l’âge. L’Institut précise que chez les personnes âgées de 15 à 34 ans,

le suicide est la deuxième cause de décès la plus commune. La prévalence du suicide

complété parmi les individus atteints du TPL étant nettement supérieure à celle de la

population générale et les symptômes propres au trouble ayant tendance à diminuer avec

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l’âge, il est judicieux de croire en une prévalence marquée du taux de suicide parmi les

jeunes adultes atteints. La figure 1 permet également de constater que le taux de suicide

est plus élevé chez les hommes que chez les femmes au sein de la population canadienne.

Ces dernières étant plus portées à demander de l’aide et le diagnostic de TPL étant

possiblement attribué à tord majoritairement à des femmes, la possibilité que davantage

d’hommes atteints se suicident sans qu’aucun diagnostic n’est été émis apparaît

significative.

Selon quatre études portant sur les diagnostics psychiatriques de suicide

chez les jeunes, dont la plupart étaient mâles (Lesages et al., sous presse;

Runeson et Beskow, 1991; Rich et al., 1992; Martunnen et al., 1992)

environ le tiers de ces jeunes répondaient aux critères de la PL. Mais

comme les hommes sont moins susceptibles que les femmes de recourir à

des soins psychiatriques (Robins et Regier, 1991), les études sur les taux de

suicide dans les populations cliniques sous-estiment peut-être le risque

global associé à la PL. (Paris, 1994, p.2)

Différents facteurs peuvent intervenir lorsqu’il s’agit de suicide. Paris a publié plusieurs

parutions à cet égard. Dans un texte portant sur le suicide chez les patients présentant un

trouble de la personnalité limite (1994), il cite une étude montréalaise (Paris et al., 1988)

dans laquelle les patients atteints de TPL présentant un niveau plus élevé d’éducation

étaient plus susceptibles de réussir leur suicide. Il cite également Flavin et al. (1990),

rapportant que Stone a démontré qu’un usage comorbide de substances toxiques

augmentait le risque de suicide complété chez cette clientèle, tout comme dans la

population en générale. Une autre étude de 1989, réalisée par Paris et ses collaborateurs, a

démontré que les tentatives de suicides antérieures prédisent le suicide complété. Par

ailleurs, pour les individus qui obtiennent un traitement, le suicide se produit au cours des

cinq premières années de suivi et ce, généralement lorsqu’ils ne sont plus en traitement

actif (Paris, 1994). Il demeure que, tel que le précise l’auteur, 90% des patients ne se

suicident pas. Il propose différentes explications face à ce constat, tel que le fait que

l’impulsivité, contribuant au désir de suicide, décroît lorsqu’ils gagnent en âge.

L’expérience de vie qui l’accompagne permettrait de mieux gérer les problèmes

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existentiels rencontrés ou encore, d’éviter des situations pouvant contribuer à leurs

tendances suicidaires, notamment les relations intimes.

À la lumière de l’épidémiologie, la prévalence du TPL apparaît significative au sein de la

population ainsi que des services d’aide. De tous les troubles de la personnalité et ce,

indépendamment des origines ethniques, le TPL est le plus fréquemment rencontré en

contexte clinique (APA, 2001), probablement en raison de la symptomatologie qui lui est

propre. Bien qu’aucune donnée à cet effet n’ait pu être répertoriée, ce constat indique

qu’il est judicieux de croire que ce trouble présente une prévalence plus élevée que dans

la population en générale dans les services d’aide tel l’orientation. De considérer que

certains milieux de travail où œuvrent les conseiller(ère)s d’orientation sont plus propices

à recevoir cette clientèle apparaît également éclairé. Une présence davantage marquée au

sein de la clientèle jeune adulte amène à penser que les conseiller(ère)s d’orientation

œuvrant auprès de ce groupe d’âge sont plus susceptibles de les rencontrer. Les tendances

suicidaires et le taux de suicide associés à ce trouble sont très élevés et très présents au

sein de ce groupe d’âge. Les conseillers et conseillères d’orientation ont donc à leur égard

un rôle important à jouer considérant leur champ d’expertise et les activités qui leurs sont

réservées ainsi qu’assurément, en regard de la finalité dramatique de ce trouble aux plans

déontologique, éthique et moral. Il s’avère par conséquent nécessaire pour ces derniers

d’en posséder une compréhension permettant d’élaborer des interventions judicieuses.

1.2 Des notions cliniques et controverses

Bien que le trouble jouît d’une grande popularité scientifique depuis les années 1980, les

chercheurs ainsi que les cliniciens ont remis inlassablement en question sa définition et

même son entité diagnostic selon les approches préconisées (Hoeppli, 2010). Cette réalité

demeure entière aujourd’hui. D’emblée, elle est représentée comme; « un diagnostic

caractérisé par l’impulsivité, l’instabilité affective et les relations instables (APA,

1987). Ses symptômes les plus communs sont les gestes et les menaces suicidaires

(Zanarini et al., 1989a) » (Paris, 1994, p.1). Pour Kernberg et Michels (2009), deux

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notions cliniques sont généralement associées au diagnostic de trouble de la personnalité

limite.

La vision la plus ancienne est issue de l’approche psychanalytique, le TPL étant une; «

... catégorie de patients dont la structure psychologique sous-jacente n'a pas seulement le

chaos, la désorganisation, ou un défaut dans l'épreuve de réalité associée avec les patients

psychotiques, mais a aussi un manque dans l'intégration, la stabilité des relations, et la

régulation de l'affect associé à des patients névrotiques »1 (p. 505). Le TPL est ainsi

représenté aux frontières du névrotisme et de la psychose tels que l’avait identifié Stern en

1938. Selon cette approche, le trouble n’est pas un problème phénoménologique tel que la

définition subséquente le présentera, mais plutôt celui d’une structure psychologique

sous-jacente (Kernberg et Michels, 2009).

L’APA, dans la version révisée en 2000 du DSM-IV, présente une définition du trouble

s’attardant davantage aux phénomènes associés. D’emblée, il s’agit d’un trouble de la

personnalité (Axe II) du groupe B. La définition retenue renvoie à « un schéma

envahissant d'instabilité dans les relations interpersonnelles, l'image de soi et les affects,

également marqué par l'impulsivité commençant chez le jeune adulte et présent dans un

grand nombre de contexte »2 (p. 292). Elle est accompagnée de critères ou symptômes

diagnostiques (pour une description complète, voir la section 2.2). Pour Kernberg et

Michels (2009), une critique adressée à l’approche psychanalytique est la profondeur que

celle-ci nécessite, tandis que l’utilisation clinique du DSM-IV-TR ne permet qu’une

évaluation en surface de la complexité de la personnalité étudiée.

Le phénomène de comorbidité, les problèmes de faux diagnostics, la complexité de ses

symptômes ainsi que de ses causes, le manque de démonstration de la validité et de

fidélité du diagnostic, le besoin de développer une approche multidimensionnelle, la

1 Traduction libre

2 Ibid.

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difficulté relationnelle au plan du traitement ainsi que les faibles preuves de

rétablissement clinique selon les approches préconisées ont certes contribués aux

désaccords ainsi qu’à la difficulté de conceptualisation de ce trouble. Sa complexité

dénote de l’importance pour les conseiller(ère)s d’orientation de posséder des

connaissances et des outils permettant de travailler adéquatement auprès de cette clientèle.

L’amélioration des connaissances à l’égard de l’étiologie associée à ce trouble permettra

donc de mieux en saisir la nature, l’information demeurant par ailleurs la meilleure arme

contre la stigmatisation et l’exclusion sociale.

1.3 L’étiologie

En ce qui concerne les facteurs de risques associés à l’établissement du TPL, de

nombreuses études ont été menées. Bien que thèmes récurant seront présentés

subséquemment en raison notamment de leur prévalence au sein des individus atteints, il

demeure que la relation de cause à effet entre ces facteurs n’est pas encore clairement

identifiée (Distel et al., 2009). L’élaboration d’une approche permettant leur intégration et

la clarification des connaissances à cet égard s’avérait nécessaire et non disponible à ce

jour, bien que des tentatives aient été réalisées (Trull, J. Sher, Minks-Brown, Durbin et

Burr, 2000). Somme toute, le trouble de la personnalité limite est d’origine

neurodéveloppementale (Bouchard et al., 2010). Une compréhension des facteurs

biogénétiques est conséquemment souhaitable, tout comme des facteurs d’ordres

développementaux. Trois thèmes principaux sont associés aux risques de développer le

trouble de la personnalité limite, soit les traits de personnalité, l’historique familial ainsi

que des épisodes traumatisants vécus durant l’enfance (Trull, 2001).

Page 19: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

19

1.3.1 Facteurs biogénétiques

En raison des nouvelles percées technologiques ainsi que de la multiplication des

recherches, la part innée du trouble de la personnalité limite s’avère être supportée

seulement depuis peu par les études faites auprès de jumeaux ainsi que de familles

jumeaux (Distel et al., 2009). Une étude réalisée par Torgersen et al. (2000) auprès de

jumeaux indiquait que 69% de la variance est expliquée par des facteurs génétiques (cités

par Bandelow et Schmahl, 2010). Selon Distel et al. (2009); « Les études auprès de

jumeaux ainsi que de familles de jumeaux ont démontrées que la génétique explique

environ 35 à 50% (dont la part est indépendante) de la variance entre le trouble de la

personnalité limite et les caractéristiques du TPL »3 (p. 20). Toujours selon ces auteurs, le

chromosome 9 aurait une influence génétique sur le développement du TPL. Il aurait un

impact sur certains acteurs du système nerveux, soit la sérotonine, la dopamine et la

monoamine oxydase-A.

Afin de mieux saisir ces interactions et de pouvoir allier la compréhension

neurobiologique et psychologique du trouble, quatre principaux courants de recherches

neuroscientifiques s’attardent depuis peu au développement du TPL. Selon Bouchard et

ses collaborateurs (2010), il s’agit d’étudier; « ... les similitudes entre les effets de

lésions aux aires préfrontales cérébrales et certaines manifestations du TPL, la présence de

déficits frontaux chez les personnes souffrant d’un TPL, le développement cérébral des

enfants ayant souffert d’abus et la négligence parentale et les implications des études

d’imagerie cérébrale des mécanismes cognitifs relatifs à la théorie de l’esprit chez le

TPL » (p. 228). Dans l’ensemble, le fonctionnement neurobiologique normal est requis

afin de permettre une régulation adéquate des différentes zones du cerveau inhérentes au

mécanisme de régulation des émotions, du contrôle des impulsions ainsi que de la

perception des signes sociaux. Il semble que la réaction de certaines zones du cerveau

3 Ibid.

Page 20: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

20

permettant la régulation normale des émotions et du traitement de l’information est

réduite chez les personnes atteintes du TPL (Gunderson, 2006).

À ce jour, des études supplémentaires doivent être réalisées afin d’allier les facteurs

psychologiques et environnementaux (lesquels seront abordés subséquemment) à une

compréhension neurodéveloppementale du trouble (Bouchard et al., 2010). Il apparaît

néanmoins qu’un pourcentage somme toute important de prédispositions génétiques

contribue au développement d’un TPL. Gunderson (2006) abonde dans le même sens,

expliquant que le trouble de la personnalité limite nécessite une base héréditaire pour se

développer; le tempérament. Il précise que trois phénomènes attribuables au tempérament

semblent être associés aux traits caractéristiques du TPL; le dérèglement de l’affect

(critères 6 et 8 du DSM-IV-TR), l’impulsivité (critères 4 et 5) ainsi que la perturbation de

l’attachement (critères 1, 2 et 6). Il s’avère que seule l’une de ses prédispositions est

nécessaire au plan génétique afin de développer le trouble selon cet auteur. Ce

développement s’effectuerait soit en limitant les bases tempéramentales, soit en les

exacerbant.

1.3.2 Facteurs psychologiques et environnementaux

La considération héréditaire appuie l’idée d’une origine génétique et ainsi familiale

contribuant aux risques de développer le TPL. Les parents eux-mêmes sont

conséquemment susceptibles d’être atteints de psychopathologies. Selon Trull et ses

collaborateurs (2000), des recherches démontrent que la prévalence du TPL et/ou de la

dépression majeure combinée à l’usage abusif de substances illicites chez les parents des

individus présentant un TPL est suffisamment significative pour ne pas être simplement

attribuée à la chance. Ces données portent à croire que la psychopathologie parentale

constitue un second facteur de risque au développement du trouble, bien qu’elle n’ait pas

été démontrée indispensable. En effet, que les parents présentent ou non une pathologie,

une relation parent-enfant dysfonctionnelle peut engendrer le trouble. Une étude (Laporte,

Paris, Guttman et Russell, 2011) appuie l’idée selon laquelle le tempérament propre au

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21

TPL sera davantage affecté par une telle relation. D’autant plus que certaines personnes

évolueront sans développer le trouble comme tel bien qu’elles auront grandi dans un

environnement propice à son établissement (négligence ou anomalie dans les rapports

parentaux). Un autre facteur, soit la perte ou la séparation (deuil, divorce ou maladie) de

l’enfant avec les personnes significatives dans son développement psychologique

subséquent, s’avère également un risque au développement du TPL (Paris, 1996).

S’ajoutant à cela, Laporte et al. (2011), tout comme Paris (1996) et de nombreux autres

auteurs, ont contribué à démontrer l’importance des traumatismes vécus durant l’enfance

(agression sexuelle et/ou physique) chez les individus diagnostiqués TPL. En

comparaison des autres troubles de la personnalité ainsi que par rapport à la population

dite normale, le TPL se démarque quant à la prévalence de cet historique particulier.

Également, la gravité de ses agressions les distinguent (Paris, 1996). Une récente étude

(McGowan, King, Frankenbrug, Fitzmaurice et Zanarini, 2012) démontre la prévalence

des agressions physiques et des abus sexuels à l’âge adulte, en y ajoutant également la

présence de violence verbale et/ou émotionnelle. En comparaison des autres troubles de

l’Axe II, les patients TPL auraient plus fréquemment subit ces quatre types d’abus. Il est

toutefois judicieux de préciser à cet effet qu’aucune étude n’a pu démontrer que toutes les

personnes atteintes du TPL ont nécessairement un tel historique. Encore une fois, les

recherches de Browne et Finkelhor (1986) ainsi que de Malinovsy-Rummel et Hanen

(1993) démontrent que 80% des enfants ayant vécus des expériences d’agressions

physiques ou d’abus sexuels ne développeront pas de psychopathologie à l’âge adulte

(cités par Paris, 1996). C’est donc dire que bien que les traumatismes sont fréquemment

relatés dans l’historique des personnes atteintes du TPL, la plupart des individus ayant

vécu de tels évènements n’en développeront pas pour autant le trouble en question.

Les enfants déjà biologiquement fragiles sont les plus susceptibles de

développer une pathologie à l’âge adulte lorsqu’ils sont exposés à des

facteurs de stress psychosociaux (Rutter, 1987, 1989). De plus, les

expériences d’agression ne surviennent généralement pas de façon isolée;

elles s’intègrent en effet parfois au contexte plus global d’une famille

dysfonctionnelle (Nash et al., 1992). En général, la psychopathologie tend

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22

davantage à découler d’une suite d’expériences traumatiques subies à

répétition que d’expériences ponctuelles et isolées (Rutter, 1988, 1989). De

plus, certains facteurs de résilience confèrent une protection aux enfants

contre les expériences traumatiques et contribuent à expliquer la variabilité

des réactions manifestées suite à des traumatismes subis durant l’enfance.

(Paris, 1996, p. 3)

Rutter (2006) stipule que la résilience peut être définie : « comme une réduction de la

vulnérabilité aux expériences environnementales à risques, le dépassement d'une

contrainte ou de l'adversité, ou un résultat relativement bon malgré les expériences à

risques »4 (cité par Rutter, 2012, p. 336). La résilience dans un environnement

pathologique peut permettre à l’enfant de détecter l’anomalie des relations parentales.

Ainsi, il sera à même de rechercher de nouveaux modèles parentaux ainsi que de combler

son besoin d’attachement. Il n’en demeure pas moins qu’un individu ayant vécu ce type

d’évènement traumatique pourrait être désavantagé dans son développement et engendrer

le TPL. Fonagy (2000) précise à ce chapitre quatre causes développementales possibles.

D’abord, les capacités de mentalisation ne sont pas développées dans une relation

d’attachement sécuritaire avec le parent ou la figure parentale, ce qui engendre une

certaine vulnérabilité. Ils présenteraient également une tendance émotionnelle propice à

prendre la perspective de l’autre, qu’il soit hostile ou encore agresseur, la résilience étant

d’autant moins présente. De surcroît, les relations interpersonnelles subséquentes seraient

compromises par cette vulnérabilité et par ce manque de résilience. Ils pourront par la

suite éprouver une difficulté à effectuer la séparation entre leur monde intérieur et

l’environnement, devenant ainsi à la fois hypervigilant à l’égard des autres tout en étant

critique à l’égard d’eux-mêmes. Au final, il n’en demeure pas moins que les traumatismes

ne sont pas une condition nécessaire ou suffisante pour le développement du trouble de la

personnalité limite (Paris, 1996).

4 Ibid.

Page 23: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

23

1.3.3 Facteurs sociaux et culturels

Bien que les diverses études s’attardent principalement aux facteurs de risques

susmentionnés, Gunderson (2006) note que des facteurs sociaux et culturels sont

susceptibles de contribuer à la fluctuation de la prévalence du trouble au sein de la

population. « Vivre dans une société où le rythme de vie est rapide et stressant, où il y a

une grande mobilité et où les situations familiales ont tendance à être instables à cause du

divorce, de facteurs économiques ou d’autres pressions sur les parents/tuteurs, pourrait

favoriser le développement de ce trouble » (p. 7). Paris (1997), rapportant les propos de

Rutter (1987), stipule que les traits de personnalité sont la combinaison du tempérament

(génétique) et de l’apprentissage social. Il ajoute à ce chapitre que la perte de liens solides

avec la famille élargie, la perte du sens de la communauté, la perte de valeur consensuel

au plan sociétal, la difficulté de développer des rôles sociaux tout comme de choisir une

carrière ou un partenaire de vie ainsi que la fragilité du réseau social sont susceptibles de

constituer des facteurs de stress importants. L’éducation pourrait également s’ajouter à ses

facteurs (Paris, 2001). Dans le cas d’une personne prédisposée génétiquement et évoluant

dans une famille dysfonctionnelle, ces facteurs supplémentaires de stress peuvent ainsi

contribuer au développement du trouble (Paris, 1997). Le tableau suivant fait été des

principales causes inhérentes au développement du trouble de la personnalité limite, outre

les facteurs sociaux ci-haut nommés.

Page 24: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

24

Figure 2

Modèle neurocomportemental du trouble de la personnalité limite

Source : Lied, Zanari, Schmahl, Linehan et Bohus, 2004, p. 454

1.4 Les conséquences

Malgré la prolifération des recherches sur le trouble de la personnalité limite, plusieurs

mystères concernant l’interaction entre les différents facteurs susceptibles d’y contribuer

perdurent. Cette relation permettant de saisir le trouble afin d’en arriver à mieux adapter

l’intervention et le traitement aux particularités de l’individu, des recherches

supplémentaires s’avèrent nécessaires. Car en effet, ce trouble est le plus répandu des

troubles de la personnalité ainsi que le plus dévastateur (suicide). Ainsi, les enjeux tant au

plan des individus affectés que de leurs familles, des professionnels qui les côtoient, des

organisations qu’au plan sociétal sont indéniables.

Facteurs génétiques

Comportements mésadaptés,

autodestructeurs, suicide

conflit et déficit psychosociaux

Difficultés ou

traumatismes

vécues à l’enfance

Dérèglement

de l’affect

Impulsivité

Page 25: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

25

1.4.1 Au plan individuel

Les conséquences relatives au trouble de la personnalité limite sont nombreuses pour

l’individu qui en souffre en raison de l’instabilité qui les caractérise (APA, 2000). Malgré

tout, tel que le rapporte Nehls (1999), peu d’études ont été réalisées sur ce

qu’expérimentent au quotidien les individus atteints suite à l’obtention d’un diagnostic.

En effet, une majorité d’écrits portent sur la prévalence, le traitement et la gestion des

soins offerts à ces derniers. Ou encore, les principaux ouvrages recensés émettent le point

de vue des professionnels quant aux conséquences du trouble, lesquels seront détaillés

plus loin. Nehls (1999) a toutefois réalisé une étude qualitative auprès de 30 patientes

bénéficiaires de services de psychiatrie répondant aux critères diagnostiques émis par

l’APA et étant en situation économique précaire. Lors de son étude, trois thèmes

principaux sont ressortis lors des entrevues semi-dirigées.

Premièrement, selon les participantes, les gens tout comme les professionnels ont

généralement une opinion défavorable du TPL. Le diagnostic revêt donc pour elles une

étiquette sociale à connotation négative. De ce fait même, la crainte d’être potentiellement

maltraitée et le sentiment d’être davantage marginalisé augmentent. Deuxièmement, elles

encouragent les professionnels à ne pas percevoir leurs gestes d’automutilation et leurs

tendances suicidaires comme une forme de manipulation et de contrôle, mais bien comme

un moyen de gérer leur souffrance émotionnelle intense. Et troisièmement, elles estiment

que l’accès aux services d’aide ainsi qu’aux professionnels est limitée en termes de temps

et manque d’opportunité de dialogues significatifs. Les conséquences perçues au plan

individuel par ces femmes permettent de comprendre que de leur point de vue, le

diagnostic de TPL a des impacts négatifs sur la perception des autres à leur égard,

augmentant ainsi leur sentiment de mal-être. La stigmatisation sociale à laquelle il a été

fait référence auparavant semble ainsi être confirmée par ces dernières. Cela renforce la

croyance d’une nécessité de véhiculer une information juste à propos du trouble de la

personnalité limite afin que les professionnels eux-mêmes ne renforcent pas ce sentiment.

Page 26: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

26

En effet, ces conséquences ne sont pas indifférentes de la détresse émotionnelle élevée

chez les individus atteints. Au plan identitaire, ce trouble est caractérisé entre autre par

une relative incapacité à se définir soi-même. Ils peuvent ainsi présenter une difficulté à

se rappeler de leur passé tout comme à se projeter dans le futur. Leur souffrance

psychologique n’y est pas indifférente, la détresse émotionnelle étant intense en raison du

grand vide intérieur que ces gens ressentent. « Ils ont fréquemment le sentiment de ne

pouvoir s’en sortir et cela se reflète par des sentiments d’angoisse, de découragement,

jusqu’à présenter fréquemment des idées et des gestes suicidaires » (Boucher, Drolet et

Villeneuve, 2005, p. 2). Le taux de suicide (d’environ une personne sur dix) observé chez

les personnes atteintes du TPL dénote sans contredit de ce que vivent ces gens au plan

émotionnel. S’ajoutant à cela, la coprésence d’autres troubles de santé mentale dans la

majorité des cas (Kernberg et Michels, 2009) rend davantage malade l’individu atteint et

complexifie le traitement. Également, ces derniers présentant une tendance à adopter des

comportements autodestructeurs, plusieurs abuseront de l’alcool, de drogues ou de

médicaments, s’engageront dans des dépenses majeures impulsivement, auront une

alimentation inadéquate, pourront commettre des vols, avoir des comportements sexuels à

risque, avoir une conduite dangereuse, etc. (Boucher et al., 2005).

Puisqu’une instabilité généralisée est caractéristique des TPL, les différents sphères de la

vie de l’individu en sont affectées. De même, Reed (2001) précise que la productivité, les

loisirs, les interactions sociales, les activités de la vie quotidienne et domestique sont

perturbés, bien qu’en surface la personne atteinte puisse paraître fonctionnelle (cité par

Doucet, 2006). Une attitude de « tout » ou « rien », de « noir » ou « blanc », de clivage

selon les psychanalystes (Delaney, Yeomans, Stone et Haran, 2008) ou encore de pensée

dichotomique pour les cognitivistes (Kaplan et Sadock, 1998) (cités par Doucet, 2006) est

communément observée chez les personnes ayant ce trouble. Ce fonctionnement les

amènera à pouvoir vivre hostilité et dépendance à l’égard des autres, de telle sorte que le

fonctionnement « normal » ou « adéquat » en société est compromis. « Les patients aux

prises avec un trouble de personnalité limite ont par définition une personnalité non

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27

fonctionnelle sujette à réagir aux changements et aux stress psychosociaux par des états

de crise récurrents. » (Renaud, 2004, p. 241). Leur difficulté à être en contact avec l’autre

tout comme eux-mêmes ne seraient pas indifférente également de leur capacité réflexive,

laquelle serait compromise dans le développement de leur lien d’attachement durant

l’enfance (Fonagy, 2000). « Cette «capacité réflexive» ou «mentalisation» réfère à la

conscience de l’individu vis-à-vis ses propres pensées, sentiments et comportements, ainsi

qu’à sa conscience face à ceux des autres (Cyr et David, 2001a ; Fonagy et al., 2000 ) »

(Doucet, 2006, p. 10).

Qui plus est, selon l’APA (2000), les individus atteints du TPL présentent une propension

à mettre en échec leurs réussites potentielles. Selon les propos de Doucet

(2006); « Dawson (1988) constate également que les personnes présentant un TPL

n’arrivent pas à se définir comme compétentes, responsables ou ayant une valeur au sein

de la société. Cette difficulté à se définir peut les pousser à multiplier les gestes

suicidaires » (p. 9). Ainsi, l’accumulation d’expériences négatives pour l’individu dénote

entre autre de sa difficulté à fonctionner au quotidien de manière adéquate. La souffrance

émotionnelle est ainsi d’autant plus grande et augmente en elle-même le risque d’échec ou

d’abandon réel ou perçu, tout comme la possibilité de passage à l’acte.

Dans l’ensemble, les conséquences vécues par les individus atteints du trouble de la

personnalité limite sont nombreuses. Leur difficulté à entrer en contact avec autrui et eux-

mêmes de manière adaptée découle tant de leur propension à vivre des émotions

démesurément contrastées, leur peur d’être abandonnés tout comme de leur capacité

réflexive réduite. Plusieurs personnes atteintes en viendront même à ne plus avoir de

réseau social (Koekkoek, Van Meijel, Schene et Hutschemaekers, 2009), à l’exception

probable des services d’aide. Cette difficulté s’ajoute à leur tendance à l’échec, à la

coprésence d’autres troubles de santé mentale, aux comportements autodestructeurs ainsi

qu’au risque suicidaire qui les caractérisent. Devant sa prévalence dans la population et au

sein des services de relation d’aide ainsi qu’en regard de le dessein dramatique associé au

Page 28: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

28

trouble, il y a tout lieu de considérer que ce trouble nécessite une attention particulière par

les professionnels.

1.4.2 Au plan relationnel et organisationnel

L’APA (2001) précise que « le trouble de la personnalité limite provoque une détresse

ainsi qu’une détérioration sur le plan social, occupationnel ainsi que dans les différents

rôles qu’occupe la personne atteinte, en plus d’être associé à des comportements

autodestructeurs (par exemple, des tentatives de suicide) ainsi que des suicides

complétés »5 (p.7). Une instabilité marquée dans différents domaines de vie (relations

interpersonnelles, émotions, image de soi, impulsivité) est communément observée (APA,

2001). Les relations familiales, amoureuses ou d’amitiés, la sexualité, tout comme le

travail sont susceptibles d’être affectés. Le découragement, l’impuissance, la colère,

l’angoisse tout comme la peur sont vécues par l’entourage des individus diagnostiqués,

que ce soit au plan de la famille ou du couple (Boucher et al., 2005). L’instabilité de

l’humeur caractéristique chez ses individus compromet sérieusement les relations sociales

qu’ils entretiennent, le tout n’étant pas indifférent de la complexité pour la famille et les

proches de venir en aide à ces derniers. L’anxiété que leurs comportements

autodestructeurs génèrent est également certes difficile à gérer pour leurs proches. Pour

Oldham (2004), leur entourage tout comme les professionnels qui les rencontrent en

viennent à les trouver pénibles et épuisants (cité par Doucet, 2006).

En effet, les professionnels de la relation d’aide et ainsi les c.o. qui les côtoient sont

également susceptibles de vivre ces conséquences au plan émotionnel. Selon Bouchard

(2010), les intervenants en santé mentale seront confrontés à un sentiment d’impasse au

contact de cette clientèle. Tel que le rapporte Cousineau (1997), les patients limites sont

susceptibles d’adopter deux attitudes extrêmes à l’égard de leur thérapeute. Tantôt ils les

idéaliseront et s’y accrocheront de façon démesurée, tantôt ils les dévaloriseront et les

5 Ibid.

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29

détesteront à l’excès. Une réputation de « patients difficiles », notamment pour la relation

thérapeutique qui les caractérisent, mais également en raison de leur propension au

suicide, leur est attribuée à tord ou à raison. Masterson (conférence à l’Institut Philippe

Pinel de Montréal, le 22 novembre 1996) exprime l’idée selon laquelle une partie de la

littérature présenteraient davantage les réactions des thérapeutes que des patients eux-

mêmes. En effet, le contre-transfert est fréquemment vécu avec cette clientèle (cité par

Cousineau, 1997). « On peut y retrouver le fantasme du «sauveur», la réaction de mépris

pur et simple (en écho au mépris du patient pour lui-même), le sentiment de colère, la

peur des poursuites judiciaires, etc. » (Cousineau, 1997, p. 5).

Selon une étude réalisée par Koekkoek et al. (2009) auprès d’experts de cette clientèle, la

difficulté majeure se situe au niveau de leur lien d’attachement. Ces derniers ont besoin

d’établir ce lien avec le professionnel afin de bénéficier du traitement. Par contre, ils

peuvent également développer un lien tel qu’ils deviendront des utilisateurs à long terme

des services. Les rechutes sont également difficiles à gérer pour les professionnels devant

s’y adapter (c’est-à-dire annuler leurs rendez-vous, être présents lors d’une crise qui peut

survenir à tout moment, etc.). Le fait que ces individus n’ont souvent pas d’emploi,

d’argent, de réseau social ou encore de maison s’ajoute aux difficultés, complexifiant le

traitement et augmentant la fréquence de la demande d’aide. Les professionnels qui ne

sont pas attitrés spécifiquement à cette clientèle en viennent également à devenir

pessimistes quant aux chances de guérison du patient, n’étant pas fréquemment présents

lors de réussites vécues. Tel que le rapporte l’auteur « Les patients sont perçus comme

imprévisibles et avec lesquels ont ne peut établir de lien. À ce point, il s’agit d’un petit

pas vers « blâmer » le patient »6 (Koekkoek et al., 2009, p. 511). En effet, selon Betan,

Heim, Conklin et Westen (2005) des attitudes et des sentiments contre-transférentiels

négatifs sont fortement associés aux professionnels qui œuvrent auprès de cette clientèle

(cités par Bouchard, 2010). Certains professionnels en arriveront à développer des

stratégies afin de ne pas traiter le patient.

6 Ibid.

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30

Au plan organisationnel, selon le Ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec

(Gouvernement du Québec, 2013); « les problèmes de santé mentale au travail ont un

impact négatif sur les organisations, que ce soit en termes d’absentéisme, de présentéisme

et des coûts qui en découlent, de baisse de productivité et de rotation de personnel. […]

La santé mentale est tributaire, en bonne partie, des relations qu’une personne entretient

avec son entourage ». De tous les troubles de la personnalité, le TPL s’avère être le plus

fréquemment rencontré en contexte de travail. Le travail étant un lien favorisant les

relations interpersonnelles, ce trouble peut compromettre sérieusement ses relations, tant

pour lui que pour l’environnement de travail.

En outre, étant notamment caractérisé par une peur réelle ou imaginé d’abandon, ce

trouble peut amener les individus qui en souffrent à pouvoir accuser les autres de mal

faire le travail lorsqu’ils sont sur le point d’obtenir une réussite potentielle (tendance à

l’auto-sabotage). Ils peuvent également prétendre que leur milieu de travail les amènent à

vouloir se suicider (Mc Donald, 1996). Mc Donald (2003) explique qu’il est commun

d’observer chez les gens présentant un trouble de la personnalité une tendance à la

victimisation, à l’irritabilité, au perfectionnisme, à la manipulation, à des propositions

sexuelles, etc. Toujours selon l’auteur, il en résulte ainsi qu’ils seront plus portés à se

déclarer victime d’une injustice, d’agression ou de discrimination, ce qui augmente la

probabilité de poursuite judiciaire contre un employeur. Par exemple, ils pourront

idéaliser un superviseur, puis le critiquer et réagir avec des émotions ou une conduite

inadaptée. Leur perception des évènements étant altérée, il est possible qu’ils s’imaginent

des évènements qui ne sont pas survenus et s’en déclarer victime. Parfois, ils en arriveront

à créer eux-mêmes les situations imaginées (autoprophétie). En cour, le fait que leurs

tendances naturelles à engendrer de tels comportements proviennent de leur enfance et

qu’ils sont présents bien avant l’arrivée en emploi diminue la valeur de leur témoignage.

Dès qu’un employé est reconnu comme présentant un diagnostic de trouble de la

personnalité, ses revendications au plan de la loi peuvent perdre de la crédibilité pour ces

raisons. La stigmatisation sociale apparaît ainsi être sanctionnée.

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31

1.4.3 Au plan social

7,331 milliards de dollars représentait en 1993 le coût estimé inhérent aux maladies

mentales au Canada (Santé Canada, 2002). En dépit des difficultés éprouvées au plan de

l’intervention auprès du trouble de la personnalité limite, les gens affectés sont les plus

nombreux à demander de l’aide de tous les troubles de personnalité (APA, 2001).

Zanarini, Frankenbrug, Henne et leurs collaborateurs (2004) rapportent que « près de 95%

des patients souffrant d’un TPL ont tenté de profiter d’une psychothérapie individuelle,

72% ont déjà été hospitalisés et près de 70% ont une prescription pour trois médications

psychotropes ou plus » (cités par Bouchard, 2010). De surcroît, le fait de demander cette

aide n’est pas en soi garant du traitement. Tel que le rapporte Delaney et al. (2008);

« Avec tous les soutiens existants et accessibles aux patients, il s’avère souvent

«avantageux» de rester assez malade pour y rester admissible. Michael Stone

(communication personnelle) a calculé qu’il faudrait que le patient gagne une fois et demi

le montant d’argent qu’il reçoit des prestations sociales pour qu’un retour au travail en

vaille la peine » (p.19).

Pour Morissette et Parisien (1996), les nombreuses consultations aux urgences ainsi que

les hospitalisations répétées sont directement liées aux symptômes propres au TPL (cités

par Doucet, 20006). Plusieurs auteurs (APA, 2000; Bender et al., 2001; Cyr et David,

2001a; Dawson, 1988; Hull, Yeomans, Clarkin, Li et Goodman, 1996; Swarts et al., 1990;

Zanarini, 2000) s’accordent pour dire que ces individus sont les plus grands utilisateurs

des services de santé (cités par Doucet, 2006). De même, selon Powers et Thomas (2012),

des études (Bender et al., 2001; Frankenburg et Zanarini, 2006; Powers et Oltmanns, sous

presse) ont montré que des problèmes de santé physique (perception de l’état de santé ou

problèmes réels) sont associés au TPL. Des problèmes de santé chroniques (maladies

cardiaques, arthrite, obésité, etc.) semblent y être liés (Powers et Thomas, 2012). Leurs

traitements s’ajoutent donc aux coûts relatifs au trouble.

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32

Figure 3

Hospitalisations pour troubles de la personnalité* dans les hôpitaux généraux pour

100 000 par groupe d’âge, Canada, 1999-2000

Source : Agence de la Santé publique du Canada (2012). Les troubles de personnalité. Rapport

sur les maladies mentales au Canada. Ottawa : Institut canadien d’information sur la santé.

La figure 3 dresse un portrait des taux d’hospitalisation attribuables aux troubles de la

personnalité au Canada de 1999 à 2000 en fonction du sexe et de l’âge des patients.

Toutefois, tel que le rapporte l’Agence de la santé publique du Canada (2002), à ces

données doivent être prise en compte l’importance statistique des comportements

suicidaires relatifs à ces hospitalisations. En effet, une majorité de femmes souffrant d’un

TPL sont reflétées dans ces données en raison des symptômes associés et de

l’épidémiologie précédemment définie. Par le fait même, de considérer que le trouble

apporte des coûts majeurs à la société s’avère exact. Les difficultés d’intégration

socioprofessionnelle vécues par les personnes atteintes tout comme la perte de

nombreuses vies humaines s’ajoutent également au déficit collectif relatif au trouble.

Page 33: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

33

1.5 L’intervention

Les conséquences du TPL ne se limitent pas à l’individu qui en souffre et s’inscrivent

dans un système complexe de relations avec les autres et l’environnement. Bien que cette

clientèle semble être fréquemment relatée comme «difficile» par les professionnels et que

le traitement s’avère complexe, la recherche d’aide et de support quant à leur détresse

émotionnelle est commune. D’emblée, lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de cette

clientèle, une conscience des services qui leurs sont accessibles, la structure pour y

accéder ainsi que le respect des aspects légaux et déontologiques sont d’importances, tout

comme les traitements disponibles. Étant donné la fréquence à laquelle elle est susceptible

d’entrer spécifiquement en contact avec des conseillers d’orientation, de bien saisir le rôle

de ces derniers à son égard ainsi que de connaître les concepts inhérents à cette pratique

s’avèrent nécessaires.

1.5.1 Perspective médico-légale et institutionnelle

Différents professionnels gravitent autour de cette clientèle et peuvent être habiletés à

effectuer l’évaluation du trouble ou encore, s’ils sont titulaires du permis, offrir des

services de psychothérapie (conseiller(ère)s d’orientation, psychologues,

psychothérapeutes, travailleurs sociaux, infirmiers, ergothérapeutes) (OCCOQ, 2011). Il

n’en demeure pas moins que les médecins psychiatres sont les seuls à pouvoir

émettre « un diagnostic basé sur une évaluation complète incluant un examen mental et

physique, des analyses de laboratoires, de l’imagerie médicale et une histoire

psychosociale détaillée » (Association des Médecins Psychiatres du Québec, 2012). Ces

médecins spécialistes en maladies mentales abordent l’individu selon une approche

biopsychosociale, permettant d’établir tant le diagnostic que le traitement ainsi que la

prescription pharmacologique. Ces derniers se retrouvent en cabinets privés ainsi qu’à

l’hôpital en services de psychiatrie. Au Québec, la référence à ceux-ci doit être faite par

un médecin de famille et leurs frais sont entérinés par la Régie de l’Assurance Maladie du

Québec (RAMQ).

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34

De plus, les Centres de Santé et des Services Sociaux (CSSS) sont responsables d’offrir

l’accès aux services en matière de santé mentale au Québec, de l’enfance à l’âge adulte

(http://santemontreal.qc.ca). Ils ont pour mandat de procéder à l’évaluation de la situation

de l’individu et déterminent l’aide à lui offrir en conséquence. Cette évaluation se fait

notamment par les Centres Locaux de Services Communautaires (CLSC), les cliniques

médicales et les hôpitaux de soins généraux et spécialisés. Selon les besoins ciblés, ils

peuvent faire appel aux centres de crise, aux urgences psychiatriques, à des professionnels

de la santé mentale (équipe multidisciplinaire œuvrant au CSSS), des centres de

réadaptation, des organismes communautaires, etc. Lorsque la sécurité de l’individu

présentant un trouble de santé mental est compromise, ce dernier est référé à l’urgence

psychiatrique. Rattachée à un hôpital psychiatrique ou à un hôpital de soins généraux, ce

service procède à l’accueil et au triage, à l’évaluation médicale et psychiatrique, au

traitement et à l’hospitalisation de l’individu au besoin (http://santemontreal.qc.ca). Tant

les centres de crise que le service d’urgence simple ou d’urgence psychiatrique sont

ouverts en tout temps. Selon l’Agence de la santé publique du Canada (2002), les

individus souffrant d’un TPL sont, de tous les troubles de la personnalité, les plus souvent

hospitalisés. Le taux élevé de comportements suicidaires explique ce constat.

L’évaluation du risque suicidaire est ainsi primordiale dans l’intervention auprès de ces

individus et peut entraîner l’hospitalisation. En matière de loi, tel que le stipule la Charte

des Droits et Liberté de la personne, chapitre 1, article 2; « […] Tout être humain dont la

vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie

est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique

nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou d'un autre motif

raisonnable ». Ainsi, une première évaluation à effectuer est de déterminer le niveau de

dangerosité (APA, 2001). Selon cette évaluation, l’hospitalisation peut être obligatoire.

Lors d’une hospitalisation, l’évaluation initiale recommandée par l’APA (2001) afin de

déterminer la mise en place du traitement offert à l’individu détermine à prime abord trois

Page 35: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

35

types d’hospitalisation; partielle ou de courte durée lorsque ceux-ci ne sont pas

disponibles, de courte durée ou brève ainsi que de longue durée ou à long terme. Selon

l’Éclusier du Haut-Richelieu, dans un guide à l’intention des familles touchées par la

maladie mentale (cité par www.ffapamm.com), l’hospitalisation est recommandée

lorsqu’une période de crise ou de désorganisation sévère chez la personne est observée.

Toujours selon cette source, l’entrée à l’hôpital peut mener à trois types de gardes

(préventives, provisoires ou prolongées).

D’abord, le médecin du service d’urgence peut demander une garde préventive durant un

maximum de trois jours, avec ou sans le consentement du malade. Un psychiatre évaluera

son état, lui donnant congé s’il ne présente plus de danger. Des services de traitement lui

seront offerts. Si le psychiatre juge que l’individu présente toujours un danger, une garde

préventive sera recommandée au patient afin de procéder à des évaluations psychiatriques.

Ce dernier peut toutefois refuser et dans ce contexte, seul un tribunal peut légiférer en

faveur d’une garde prolongée en établissement. La figure suivante dresse un portrait de la

durée moyenne des hospitalisations au Canada de 1987 à 2000 pour des personnes

atteintes de trouble de la personnalité.

Page 36: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

36

Figure 4

Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour troubles de la

personnalité*, Canada, 1987-1988-1999-2000

Source : Agence de la Santé publique du Canada (2012). Rapport sur les maladies mentales au

Canada – Chapitre 5 troubles de la personnalité; figure 5-6. Centre de prévention et de contrôle

des maladies chroniques. Base de données sur la morbidité hospitalière utilisée par Santé Canada.

Institut canadien d’information sur la santé

Santé Canada (2002), dans un rapport sur les maladies mentales au Canada, rapporte que

depuis 1991, la durée moyenne d’hospitalisation d’individus présentant un trouble de la

personnalité avait diminué de 50% en 1999. Ce dernier indique que davantage d’études

devraient être réalisées pour y associer clairement des causes. Des hypothèses selon

lesquelles la diminution du nombre de lits disponibles ou encore des améliorations aux

soins apportées sont toutefois soulevées dans le rapport. Selon Cousineau (1997), la

résolution de la crise est actuellement favorisée pour une majorité de patients au Québec.

Il cite à cet effet Morissette et Parisien (1997), expliquant que le retour à la communauté

passera par le biais de la normalisation rapide des comportements.

Page 37: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

37

1.5.2 Perspective thérapeutique

Au cours de leur vie, 97% des patients atteints de TPL se présenteront pour

obtenir un traitement en services externes aux États-Unis, pour une

moyenne de six thérapeutes, 95% recevront une thérapie individuelle, 56%

une thérapie de groupe, 42% une psychothérapie familiale ou de couple,

37% un traitement d’un jour, 72% une hospitalisation en soins

psychiatriques et 24% un traitement en maison de transition. 9-40% de ces

utilisateurs réguliers des services d’hospitalisation en soins psychiatriques

sont diagnostiqués du trouble.7 (Lieb, Zanarini, Schmahl, Linehan et

Bohus, 2004, p.455)

Bien qu’une controverse subsiste quant aux traitements à favoriser auprès des individus

atteints de TPL, certains obtiennent somme toute l’accord d’une majorité de

professionnels. L’hospitalisation, la psychothérapie et la pharmacothérapie sont les trois

principales méthodes d’interventions préconisées auprès de cette clientèle (Kaplan et

Sadock, 1998) (cités par Doucet, 2006). Selon l’APA (2001), bien qu’aucune approche

n’ait été établie comme plus efficace qu’une autre, l’expérience a démontré que les gens

atteints de TPL nécessitent généralement une psychothérapie de longue durée pour que les

progrès effectués se maintiennent dans le temps. Des modèles d’interventions

d’orientations psychodynamiques/psychanalytiques et cognitive-comportementales

(thérapie dialectique comportementale) sont néanmoins présentés en tant que références

reconnues par l’APA (2001).

Somme toute, le traitement s’étant avéré le plus efficace auprès des individus atteints de

TPL demeure la psychothérapie, tandis que la pharmacothérapie peut permettre de

supporter le traitement par son intervention sur des symptômes spécifiques (APA, 2001;

Oldham, 2005). Une médication adéquate permettrait en effet de diminuer l’instabilité

affective, l’impulsivité, les symptômes de types psychotiques ainsi que les comportements

autodestructeurs; « La pharmacothérapie est utilisée pour traiter les états symptomatiques

durant des périodes de décompensations aiguës aussi bien qu’en présence de traits

vulnérables » (APA, 2001, p.12). Étant donné que les recommandations émises par l’APA

7 Ibid.

Page 38: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

38

sont appuyées d’études réalisées avant 1998, Lieb, Võllm, Rücker, Timmer et Stoffers ont

réalisé une étude parue en 2010 recensant également les recherches effectuées depuis

2009. Là encore, aucun médicament n’a été démontré comme efficace quant au TPL

comme tel, les résultats appuyant plutôt la nécessité d’une utilisation ciblée de la

médication quant à des symptômes spécifiques, la psychothérapie demeurant encore une

fois centrale au plan du traitement. Pour les auteurs, un suivi continuel durant trois mois

devrait permettre d’observer une amélioration des symptômes ciblés par la médication,

sans quoi ce traitement médicamenteux devrait être avorté. Les risques d’effets

secondaires sont également à tenir en considération (dépendance au médicament, gain de

poids, niveau élevé de cholestérol, fatigue, problèmes de mémoire et de concentration)

(Lieb et al., 2010). Dans le même ordre d’idées, Renaud (2004) apporte certaines mises en

garde à l’égard de la pharmacothérapie. Le risque de transmettre un message de

déresponsabilisation ainsi que de favoriser le désinvestissement de l’individu dans sa

guérison est d’autant plus grand plus cette technique est utilisée. Selon lui, des psychiatres

d’expériences savent que l’apport de la médication est mitigé.

Dawson et MacMillan nous mettent beaucoup en garde contre la

déresponsabilisation, l’invalidation et la prise en charge du patient atteint

d’un trouble de la personnalité limite. Le médecin doit éviter de prendre la

responsabilité de la vie du patient à sa place. De plus, ces patients sont

extrêmement sensibles au regard des autres. Par conséquent, si le médecin

juge que son patient est responsable et capable de prendre en main la

gestion de sa détresse, c’est ce message que le patient recevra et il se

mobilisera possiblement davantage. (Gamache, 2010, p.71)

1.5.3 Perspective carriérologique

Tel qu’apporter précédemment, le TPL s’avère être le trouble de personnalité le plus

fréquemment rencontré dans un contexte clinique et ce, indépendamment du contexte

culturel associé selon l’APA (2001). Pour Torgersen, Kringlen et Cramer (2001), la

symptomatologie propre au TPL augmenterait la probabilité que ces derniers consultent.

Au plan de l’orientation, un questionnement demeure quant à savoir si la prévalence du

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39

trouble s’apparente davantage aux statistiques cliniques qu’à celles de la population

générale, en raison de la relation d’aide qui est associée à leur champ d’exercice. D’un

point de vue hypothétique, de considérer sa présence comme plus fréquente que dans la

population générale en raison de sa symptomatologie apparaît avisé. Par ailleurs, après

consultation du site Internet de l’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du

Québec (OCCOQ) (http://www.orientation.qc.ca), il s’avère possible d’identifier 81

membres enregistrés dont une part de leur expertise se situe au niveau de l’intervention

auprès de personnes présentant des problèmes de santé mentale ainsi que 57 au plan de

l’intervention en situation de crise et ce, uniquement en cabinet privé. Bien que ces

données ne soient pas attribuées spécifiquement au trouble de la personnalité limite, il

demeure que ces expertises y sont étroitement liées. Qui plus est, parmi les 2400 membres

de l’Ordre professionnel, il est certes possible de retrouver ces expertises au sein d’autres

milieux de travail, tel l’éducation, l’employabilité, la réadaptation, la santé et les services

sociaux, le communautaire, etc.

Il est par conséquent judicieux de croire que les conseillers et les conseillères

d’orientation du Québec sont appelés à travailler auprès d’individus présentant un trouble

de la personnalité limite et ce, tant en raison de leur milieu de pratique qu’à l’aide qu’ils

fournissent grâce à leur champ d’exercice. Sur ce point, la récente modification du Code

des professions a d’ailleurs permis d’établir le champ d’expertise de ces derniers ainsi que

les activités qui leurs sont réservées. En effet, depuis l’adoption de la Loi 21 (Article

187.1), l’évaluation « d’une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique

attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité »

(Office des professions du Québec, 2012, p.44) est une activité réservée aux c.o. en

contexte d’orientation. Ainsi, il en revient à ces derniers de porter un jugement clinique

sur l’individu présentant un diagnostic de trouble de la personnalité limite dans le cadre

de leur champ d’expertise (lequel n’est pas toutefois pas réservé exclusivement aux c.o.

outre les actes réservés par la Loi 21).

Page 40: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

40

Toujours au regard de la Loi 21, d’autres aspects de la pratique professionnelle du c.o.

sont sanctionnés et peuvent être appliqués au TPL lorsqu’une formation supplémentaire

est effectuée ou encore si les acquis sont reconnus. En outre, une seconde activité a été

sanctionnée. Le conseiller d’orientation peut; « évaluer les troubles mentaux, lorsqu’une

attestation de formation lui est délivrée par l’Ordre dans le cadre d’un règlement pris en

application du paragraphe o de l’article 94 » (Office des professions du Québec, 2012,

p.33). Évidemment, cette évaluation doit toutefois être distinguée du diagnostic, les

médecins étant les seuls professionnels habiletés à poser l’acte médical qu’est le

diagnostic. Finalement, la pratique de la psychothérapie, soit le traitement notamment

d’un trouble mental et ainsi le TPL dans le cas présent, est dorénavant attestée comme

faisant partie de la pratique du c.o. qui possède un permis délivré par l’Ordre des

psychologues du Québec (http://www.orientation.qc.ca).

Néanmoins, devant l’épidémiologie, les symptômes, l’étiologie, les conséquences et la

complexité de l’intervention auprès de cette clientèle, il est possible de se questionner

quant à la pertinence du champ d’expertise du c.o. face à ce trouble. Notamment, leurs

propres difficultés à se définir eux-mêmes indépendamment de leur environnement, à

faire preuve d’introspection et de résilience, à se rappeler du passé tout comme de se

projeter dans l’avenir, à se considérer comme compétents ainsi qu’à ne pas saboter leurs

réussites potentielles, à maintenir des relations interpersonnelles saines avec les proches

tout comme avec l’aidant ainsi que la comorbidité qui leurs est commune et la prévalence

des tentatives de suicide ou des menaces associées peuvent faire douter de l’apport du c.o.

En effet, l’évaluation visant à prime abord tant à permettre des choix personnels et

professionnels tout au long de la vie qu’à rétablir l’autonomie socioprofessionnelle ainsi

que de réaliser des projets de carrière (OCCOQ, 2010), ces éléments peuvent se présenter

comme d’autant d’obstacles à l’atteindre de ces objectifs. Toutefois, Lacharité (2011)

rapporte que, selon un Aide-mémoire de l’Ordre;

Le travail est une sphère de l’activité humaine dans laquelle les problèmes

de santé mentale apparaissent. Soit que le travail en soit la cause, soit que

ces problèmes aient un impact sur la capacité à travailler.

Page 41: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

41

Le conseiller d’orientation est le spécialiste de la relation individu-travail.

Cette relation entre santé mentale et travail a maintes fois été démontrée.

La relation avec le travail ou l’influence de ce dernier dans la vie des

personnes sur les plans cognitif, affectif, social et comportemental, est à

même de s’avérer un révélateur d’un trouble mental. Évaluer le trouble

mental peut être nécessaire pour s’assurer que la personne a les ressources

pour faire face aux exigences de l’insertion au travail. Autrement, une

tentative de retour présente un risque potentiel pour la santé mentale de la

personne. (OCCOQ, 2011, p.5)

Au bout du compte, le trouble de la personnalité limite peut compromettre la réussite d’un

projet professionnel particulier, le tout ayant potentiellement des impacts majeurs pour

l’individu. L’évaluation du c.o. à cet égard est d’importance, notamment en raison de son

expertise de la relation individu-travail. À cela s’ajoute également ses devoirs

déontologiques (OCCOQ, 2010). Devant les impacts potentiels d’une telle évaluation

auprès d’une clientèle vulnérable (Office des professions, 2012), il se doit de bien saisir la

complexité de la personne qui se présente à lui, tant dans les subtilités propres au trouble

qu’à son fonctionnement psychologique, ses ressources personnelles et des conditions du

milieu de manière plus globale. Si l’Ordre professionnel le sanctionne, il peut notamment

s’avérer un acteur important dans le développement de l’autonomie socioprofessionnelle

de l’individu par l’évaluation du trouble comme tel ou encore par la pratique de la

psychothérapie.

1.5.4 Orientation et trouble de la personnalité limite : absence relative de

littérature scientifique

À la lumière de l’étiologie propre au TPL ainsi qu’aux activités qui sont réservées aux

conseiller(ère)s d’orientation en matière de troubles mentaux, il est somme toute

surprenant de constater une relative absence de textes provenant de ces derniers portant

sur le sujet. La littérature recensée provient en majeure partie des psychiatres ou encore

des psychologues et parfois, d’autres professionnels des services de santé, tels les

infirmiers, travailleurs sociaux, ergothérapeute, etc. Locas (2011), dans une édition

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42

spéciale portant sur la Loi 21 du magazine L’orientation publié par l’Ordre, précise que;

« Pour certains c.o., une mise à jour des connaissances et des compétences sera sans doute

nécessaire. Par exemple, un c.o. qui n’a pas été en contact depuis plusieurs années avec

une clientèle atteinte de troubles mentaux devra sans doute réviser certaines notions de

l’incidence des troubles mentaux sur le cheminement vocationnel d’une personne »

(OCCOQ, 2011, p.7). Dans ce même magazine, Goyer (2011) propose différents ouvrages

à consulter afin d’appuyer la pratique professionnelle auprès d’une clientèle atteinte de

trouble mentaux. Ceux-ci font principalement référence à des ouvrages écrits de

psychiatres ou psychologues américains. Une exception faite, un texte de monsieur Alain

Dubois, c.o. (2010), abordant le thème de l’employabilité en matière de réhabilitation.

Des recherches effectuées dans le cadre de cet ouvrage, les conseillers d’orientation

apparaissent n’avoir écrit aucun ouvrage portant spécifiquement sur le lien entre le

cheminement vocationnel ou l’insertion professionnelle et les troubles de la personnalité.

De surcroît, tel que le rapporte Diane Kjos, psychologue (1995); « peu d’attention a été

accordée, par contre, au lien entre la personnalité dite «anormale», le développement de

carrière et l’intervention en counseling de carrière »8 (p.592). Toutefois, un fait intéressant

à l’égard du trouble retenu et de l’orientation est la part importante de littérature écrite à

l’égard des concepts de personnalité dite «normale» et de carrière. En dépit de cela,

l’importance grandissante que prend cette problématique au sein des services d’aide est

soutenue. En effet, en plus des conclusions hypothétiques précédemment apportées en

raison de l’étiologie et de la symptomatologie propre au trouble, l’essai de Maltais (2012)

rapporte que selon Cournoyer (2010);

[…] la clientèle présentant des troubles de santé mentale est en

augmentation dans les organismes en employabilité. Il mentionne par

exemple des problématiques de dépression, de troubles bipolaires et de

troubles de personnalité limite, comme faisant partie des problématiques

auxquelles les spécialistes du domaine de l’employabilité doivent de plus

en plus faire face. Il peut être ajouté à cela, des problèmes de

8 Ibid.

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43

consommation de drogue, de lourde médication ou de la dépendance au

jeu. (http://www.orientationpourtous.blogspot.ca)

Ainsi, l’importance de bien saisir le trouble de la personnalité limite est palpable dans ce

secteur de pratique des c.o., bien qu’aucun auteur ne puisse à notre connaissance en

revendiquer l’étude spécifique au plan de la carriérologie. Le manque de littérature sur le

sujet renforce la pertinence de cette étude, tout secteur d’activité confondu.

1.6 Question de recherche

Devant l’ensemble des informations apportées à ce stade, différents constats s’imposent ;

1. Le trouble de la personnalité limite connaît une forte prévalence au sein de la

population et ses conséquences sont non seulement nombreuses, mais peuvent

également être dramatiques.

2. En raison de la diminution des symptômes avec l’âge, les jeunes adultes sont donc

les plus susceptibles d’être affectés directement par le trouble.

3. Ces mêmes symptômes augmentent la probabilité que ces derniers obtiennent des

services professionnels auprès de conseiller(ère)s d’orientation.

4. Dans le champ d’exercice décrit par la Loi 21, l’acte d’évaluation des troubles

mentaux, lorsqu’attestés d’un diagnostic, leur est réservé.

5. Cette expertise reconnue ne semble toutefois pas être appuyée par des ouvrages

scientifiques écrits par ces mêmes professionnels. De manière spécifique, aucun

ne porte sur le trouble de la personnalité limite comme tel.

Devant à la fois le rôle du c.o. et la symptomatologie propre au TPL, ces constats posent

problème. Cela questionne l’expertise pratique des c.o. sur ce sujet lorsqu’aucune assise

théorique de ce champ disciplinaire ne semble avoir été produite. Certes, des liens entre la

personnalité dite «normale», les théories du cheminement vocationnel et le TPL peuvent

faire partie du jugement clinique du professionnel et ce sens, lui conférer cette prétention

et avec raison. Il demeure néanmoins que cette absence de littérature apporte des

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questionnements quant aux pratiques professionnelles des c.o. auprès de cette clientèle

tout autant complexe que vulnérable. Car en effet, aucune formation supplémentaire ne

s’avère nécessaire selon la Loi 21 et il en est de la responsabilité du c.o. de demeurer à

jour pour intervenir auprès de cette clientèle (Locas, 2011) (publié par l’OCCOQ, 2011).

Cet ouvrage pourrait permettre d’apporter certaines lignes à considérer à ce chapitre. Qui

plus est, la Loi 21 porte à croire que les c.o. pourraient dorénavant être davantage

sollicités face à cette expertise en raison de la reconnaissance sociale et légale qui y est

associée et ainsi, augmenter la probabilité de rencontrer cette clientèle dans le cadre de

leur pratique professionnelle. Par conséquent, l’objectif de cet ouvrage sera de mettre en

lumière différentes pistes d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus

diagnostiqués du trouble de la personnalité limite en orientation. Il tentera de répondre à

la question de recherche suivante : comment intervenir en counseling de carrière

auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la personnalité limite?

Pour y parvenir, il sera d’abord question de mettre en lumière ce qu’est l’évaluation en

orientation comme tel. Pour faciliter la compréhension de l’évaluation du fonctionnement

psychologique, essentiel auprès des TPL, deux approches seront également présentée.

Ensuite, le trouble de la personnalité limite comme tel sera décrit ainsi que différentes

notions essentielles associées. S’ensuivra trois modèles de traitement du trouble. Le tout

permettra d’en arriver à des résultats de recherche permettant d’établir des pistes

d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus diagnostiqué du TPL.

Page 45: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

45

2. Conceptualisation de l’évaluation du trouble de la

personnalité limite en contexte d’orientation

Les personnes aux prises avec une maladie mentale sont souvent victimes

de préjugés. Ces préjugés sont généralement le fait d’un manque de

connaissances et d’une prolifération d’idées fausses sur la santé mentale et

sur la maladie mentale. Cette stigmatisation s’ajoute aux souffrances et aux

contraintes qui pèsent sur la personne atteinte d’une maladie mentale et

peut conduire à son exclusion sociale. Les maladies mentales ne sont pas

des faiblesses personnelles. Le mot le dit : ce sont des maladies, et elles

peuvent être soignées. La meilleure arme contre les préjugés à l’égard de la

maladie mentale est l’information. (Ministère de la Santé et des Services

Sociaux du Québec, Santé mentale, para. 1)

Le trouble de la personnalité limite est somme toute récent dans la littérature scientifique.

Il présente aujourd’hui de nombreuses appellations et sa définition même a fait l’objet de

désaccords. Ces derniers ne sont pas indifférents de la complexité de cette entité clinique

dont l’existence fût remise en question par plusieurs. Face aux préjudices potentiels

pouvant survenir auprès des individus atteints (Office des professions du Québec, 2012),

il demeure néanmoins que de posséder une information juste à propos du trouble s’avère

essentielle afin de permettre une évaluation rigoureuse en contexte d’orientation.

Devant l’importance établie de mettre en évidence les pratiques professionnelles des c.o. à

l’égard notamment de ce trouble, ce chapitre visera d’abord à définir l’évaluation en

contexte d’orientation et d’en permettre le parallèle avec la problématique retenue. Il sera

ensuite question de présenter deux approches se rapportant au fonctionnement

psychologique de l’individu en lien avec l’évaluation. Il tendra par la suite à établir ce

qu’est le TPL ou plutôt sa conceptualisation à ce jour ainsi que certaines notions

d’importances associées, tout en le considérant dans le contexte macro-psycho-

systémique dans lequel il s’inscrit.

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46

2.1 Approches de counseling de carrière centré sur le

fonctionnement psychologique

Au plan du développement vocationnel d’un individu, de nombreuses théories existent et

permettent aux conseiller(ère)s d’orientation de consolider leur discipline par des

connaissances théoriques (Bujold et Gingras, 2000). De surcroît, différentes approches et

outils leur permettent d’appuyer leur pratique professionnelle par des interventions

favorisant l’alliance de travail. Dans le cadre de leur champ disciplinaire, le tout facilite

l’adaptation des c.o. à la singularité des individus rencontrés, favorisant du même coup

l’atteinte des objectifs de la démarche d’orientation entreprise. C’est d’ailleurs grâce à

l’évaluation comme telle que cette pratique adaptée aux besoins de l’individu devient

possible.

2.1.1 L’évaluation en orientation

L’évaluation s’inscrit dans le cadre d’une pratique réglementée. En effet, un consensus

général est incontestable au sein de la communauté professionnelle, soit que la situation

doit être évaluée de manière rigoureuse, première compétence définie par le Profil des

compétences générales des conseillers d’orientation (OCCOQ, 2010). Afin d’appuyer

cette compétence, l’Ordre a publié le Guide d’évaluation en orientation en 2010.

L’évaluation au regard du champ d’exercice s’y décrit comme suit;

Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les

conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que développer et

maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des

choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir

l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez

l’être humain en interaction avec son environnement. (p.3)

Au regard du profil des compétences des conseiller(ère)s d’orientation, ce guide rapporte

qu’il s’agit d’évaluer les éléments suivants :

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47

o La demande d’aide ou la situation problématique;

o Le fonctionnement psychologique des personnes, dont leurs intérêts,

leurs aptitudes et leurs fonctions cognitives et affectives, en tenant

compte de leur état de santé mentale, y compris les risques suicidaires

et homicidaires;

o Le fonctionnement normal et le fonctionnement pathologique, en

tenant compte des dimensions psychologiques, sociales et physiques;

o Les enjeux présents entre les personnes et leur environnement;

o Les ressources et les limites de l’environnement;

o La situation en s’appuyant sur les connaissances théoriques et

pratiques appropriées. (p.4)

Ainsi, l’évaluation du conseiller d’orientation se base sur le fonctionnement

psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu de l’individu,

éléments en interaction constante avec ce dernier. « À l’intérieur d’un environnement

donné (conditions du milieu), le fonctionnement psychologique de la personne lui permet

une mobilisation, de façon plus ou moins efficiente, de ses ressources personnelles »

(OCCOQ, 2010, p.6). Comme le rapporte le Guide d’évaluation en orientation (OCCOQ,

2010), l’évaluation du fonctionnement psychologique, soit des caractéristiques propres à

l’individu, de l’organisation dynamique de son expérience et des effets de ces derniers sur

la vie de l’individu, se rapporte directement aux troubles mentaux et par conséquent, au

TPL. À ce chapitre, le c.o. doit tenir compte des effets du trouble en se basant sur des

référentiels reconnus en santé mentale (dont le DSM-IV-TR et la CIM-10) ainsi que de

son l’étiologie, le fonctionnement psychologique étant basé sur des facteurs biologiques,

psychologiques et sociaux. Les ressources personnelles peuvent quant à elles être

attribuables aux connaissances et au niveau d’information que possède la personne, à ses

acquis et ses compétences, aux qualifications requises, à son état de santé physique et

psychologique, à des variables sociodémographiques, etc. En ce qui attrait des conditions

du milieu, il s’agit des possibilités et des contraintes de la situation de la personne, soit les

relations entre elle et son environnement. Devant les conséquences possibles du trouble

détaillées précédemment ainsi que l’inter-influence de ces trois dimensions, l’évaluation

des ressources personnelles et des conditions du milieu tient ainsi tout autant compte du

trouble comme tel. Le tableau suivant apporte des indicateurs étant susceptibles de

correspondre à ces éléments d’évaluation.

Page 48: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

48

Tableau 1

Quelques indicateurs des trois éléments d’évaluation

Fonctionnement

psychologique

o Tempérament

o Intérêts et valeurs

o Croyances

o Personnalité

o Besoins fondamentaux

o Sensibilité

o Estime et confiance en soi

o Stratégies d’adaptation

o Motivation

o Lieu de contrôle

o Affirmation et expression de soi

o Projets et aspirations

o Initiative, autonomie et

responsabilité

o Rigueur et discipline, etc.

Ressources

personnelles

o Connaissance de soi

o Expériences de vie,

professionnelles et scolaires

o Connaissances

o Aptitudes, habiletés, capacités

o Compétences génériques,

humaines et techniques

o Acquis formels et informels

o Contacts et réseaux sociaux

o Soutien social

o Santé physique et mentale

o Sexe, âge, apparence, situation

de handicap

o Diplôme et spécialisation

o Qualification et certification

o Langues parlées

o Permis de conduire, transport

o Revenus et actifs financiers

o Connaissance du marché du

travail

o Connaissance en technologies

des communications et de

l’information, etc.

Conditions du

milieu

o Famille, groupes de pairs,

collègues de travail et d’études,

supérieurs, enseignants :

valeurs, normes, dynamique

relationnelle, influence diverses

o Possibilités d’emploi et de

formation

o Contexte socioculturel,

institutionnel et organisationnel

o Conditions économiques

o Politiques sociales, éducatives et

du travail

o Autres lois et réglementation du

travail, etc.

Source : OCCOQ, 2010, p.8

Toujours selon le Guide d’évaluation en orientation, cette évaluation se fait

habituellement dans le cadre d’un processus d’intervention. Il est néanmoins possible

qu’une seule intervention d’évaluation soit effectuée sans que cette dernière ne soit suivie

d’un processus d’intervention, c’est-à-dire, avant que ce dernier ne débute. Comme le

guide le rapporte, cela pourrait être le cas notamment lors d’entrevue de sélection pour un

emploi ou une formation. Outre ces considérations, « le processus d’intervention pour

l’évaluation en orientation peut se développer […] à différents moments, soit avant, au

début, à la fin ou encore après un processus d’intervention en orientation » (OCCOQ,

2010, p.9). Le tableau suivant propose, à titre indicatif, différents objectifs d’intervention

susceptibles d’être rencontrés avant et durant ce processus.

Page 49: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

49

Tableau 2

Le processus d’intervention pour l’évaluation en orientation

Avant Début Milieu Fin Après Outils

d’évaluation

selon

l’objectif de

l’intervention

(test psycho-

métrique,

entrevue

d’évaluation,

etc.)

Sélectionner

pour

l’emploi ou

la formation

Dresser la

liste des

ressources

et des

limites pour

offrir un

service

adapté, etc.

Faciliter

l’exploration

de soi

Faciliter la

connaissance

de soi

Faciliter

l’exploration

professionnelle,

etc.

Organiser

les éléments de

connaissance de soi

Organiser des

caractéristiques

personnelles pour

découvrir des

professions ou des

pistes d’emploi

Faire un suivi

de l’évolution de

l’intervention

(mesure de

l’indécision, de la

motivation, de

l’estime

de soi, etc.)

Valider le

choix

Valider la

capacité

à réaliser le

projet

retenu

Valider la

capacité

à réaliser le

plan

d’action,

etc.

Évaluer l’effet

de la démarche

Évaluer

l’effet sur le

fonctionnement

psychologique

Évaluer les

ressources

développées,

etc.

Mise en œuvre systématique du processus d’évaluation selon l’objectif poursuivi Source : OCCOQ, 2010, p.9

Ce processus permettant l’évaluation de la situation de l’individu au regard de

l’orientation est constitué de quatre phases qui surviennent de façon non-linéaire

(OCCOQ, 2010) dans l’esprit du c.o. En effet, le tout s’effectue de manière continue et

non-systématique, c’est-à-dire que ces phases se produisent conjointement avec la

pratique de ce dernier. Selon la demande ainsi que le contexte de service, il s’agit de;

o Recueillir consiste à obtenir des informations pertinentes

relativement à la situation de la personne.

o Décoder consiste à traduire les informations dans un langage clair

et spécifique à l’orientation.

o Analyser consiste en un examen systématique et méthodique des

informations recueillies et décodées dans le but d’en dégager une

compréhension suffisante de la situation de la personne.

Page 50: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

50

o Communiquer consiste à transmettre sous forme écrite ou verbale

les informations issues du jugement professionnel à l’égard de la

situation de la personne. (OCCOQ, 2010, p.10)

En effet, selon le Guide d’évaluation en orientation (2010), la cueillette d’information

effectuée par le conseiller d’orientation tout au long du processus d’intervention présente

de nombreuses possibilités en ce qui concerne les outils auxquels ce dernier peut faire

appel. Les tests psychométriques, fréquemment associés à la pratique professionnelle des

c.o., s’avèrent être uniquement l’un des nombreux moyens pour ces derniers de recueillir

de l’information à propos de la situation de l’individu. Tant au plan de ces derniers que

des autres moyens disponibles, le c.o. se doit de considérer les enjeux positifs et négatifs

inhérents à cette collecte d’information, tout comme à la communication de son jugement

professionnel ultérieur. Au fil de cette collecte d’information, le c.o. la décode, pouvant

ainsi la traduire à l’intérieur de référentiels d’interprétation théoriques ou conceptuels

issus de son champs disciplinaire, la recadrer à l’intérieur de la demande de service ou

encore il peut tenir compte du contexte socioculturel associé. Ce faisant, il tend à

favoriser une évaluation à la fois rigoureuse et objective de la situation de la personne en

l’allégeant notamment de ses propres biais personnels. Son analyse subséquente permettra

de lier ensemble les informations et de les interpréter, le tout permettant de donner un

sens à l’intervention. « Cette analyse permet d’anticiper les répercussions possibles,

favorables ou défavorables, de divulguer ou d’intervenir sur certaines dimensions

relatives au fonctionnement psychologique, aux ressources personnelles ou aux conditions

du milieu » (OCCOQ, 2010, p.15). Dès lors, il sera en mesure de communiquer son

jugement professionnel sur la situation de la personne tout en l’adaptant aux enjeux

inhérents à cette dernière.

Devant ces balises reconnues par la communauté professionnelles comme faisant partie

intégrante de la pratique professionnelle des c.o., l’acte réservé d’évaluation en contexte

d’orientation vis-à-vis d’un individu diagnostiqué du TPL nécessite certaines précisions.

En 2011, Bastien indiquait que la Loi 21 laisse un questionnement quant au rôle du c.o. à

ce chapitre. En effet, dans un magazine publié par l’OCCOQ cette année-là, l’auteure

indique que rien ne permet d’affirmer avec certitude que cet acte réservé ne réserve en lui-

Page 51: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

51

même l’ensemble de la démarche d’orientation aux c.o. auprès de cette clientèle. Elle

laisserait plutôt croire qu’il s’agit d’une évaluation effectuée au «début» de la démarche.

Pourtant, telle qu’elle le souligne, l’évaluation en orientation s’inscrit dans un processus

d’intervention qui débute «avant» la démarche et se poursuit même «après». « Donc, en

fait, c’est toute la démarche d’orientation qui devrait être réservée aux c.o. et non

seulement une évaluation qui serait faite en début de processus » (p.11). Toutefois, dans le

Guide d’évaluation en orientation, cette précision est apportée: « il est important de ne

pas le confondre le guide interprétatif de la Loi modifiant le code des professions et

d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations

humaines » (OCCOQ, 2010, p.2).

Plus récemment, dans le Guide explicatif du projet de Loi 21 publié par l’Office des

professions en août 2012, le champ d’exercice des c.o. précédemment cité est soutenu par

la description de ce qu’est l’évaluation et la pratique contemporaine de ces derniers.

Évaluer, dans un contexte d’orientation professionnelle, consiste à porter

un jugement clinique dans le cadre d’un processus permettant

d’apprécier la situation d’une personne au regard de son cheminement

vocationnel ou de son insertion socioprofessionnelle. Le conseiller

d’orientation détermine, par la suite, un plan d’intervention permettant

de développer chez la personne sa capacité à s’orienter, à faire des choix

personnels et professionnels et à réaliser des projets d’études ou de

carrière. Ainsi, le conseiller d’orientation doit considérer les trois aspects,

soit le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les

conditions du milieu dans l’évaluation de la situation de la personne.

Il intervient également pour que la personne maintienne des stratégies

actives d’adaptation lorsqu’elle est confrontée à des choix ayant des

impacts sur l’ensemble de sa vie, principalement sur le plan des études et

du travail.

C’est dans ce contexte que le conseiller d’orientation intervient sur des

aspects problématiques liés à l’identité et au développement de la personne,

ainsi qu’aux processus psychologiques sous-jacents.

[…] La pratique du conseiller d’orientation consiste à outiller la personne

afin qu’elle puisse développer et affirmer son autonomie professionnelle.

Page 52: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

52

Ses interventions visent le développement de la personne en portant une

attention particulière à la dimension professionnelle. (p.17)

Bien que l’évaluation et la pratique des conseiller(ère)s d’orientation soient définies de la

sorte, le champ d’exercice du c.o. tout comme les actes réservés par la Loi 21 présentent

des explications spécifiques. D’abord, le guide rapporte que le champ d’exercice ciblé

n’est pas exclusif aux c.o. et ne leur est donc pas réservé. Toutefois, l’acte d’évaluation

des troubles mentaux (ou neuropsychologiques) attestés d’un diagnostic au regard de ce

dernier l’est. Cet acte se définit comme suit; « évaluer le fonctionnement psychologique,

les ressources personnelles et les conditions du milieu d’une personne atteinte d’un

trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation

effectuée par un professionnel habilité » (p.44). Cette spécification de l’évaluation du c.o.

au regard de cet acte réservé laisse place à une certaine ambiguïté. En effet, aucune

référence au processus «d’intervention» en orientation ni est faite comme le mentionnait

Lacharité (2011). Ailleurs dans ce même guide (p.29), il est précisé qu’un plan

d’intervention n’est pas inclus dans une activité réservée (à l’exception d’une autre

activité en vigueur pour les centres de réadaptation). Le tout laisse un questionnement

quant aux balises régissant l’évaluation réalisée par les c.o. (les objectifs de l’évaluation et

ainsi, les outils d’évaluation associés, les interventions réservées ou non, etc.).

En ce qui concerne la pratique spécifique des conseiller(ère)s d’orientation œuvrant dans

le développement de l’employabilité et cautionnées par des ententes contractuelles avec

Emploi-Québec, certains exemples sont présentés quant aux activités réservées.

« L’évaluation de l’autonomie socioprofessionnelle dans le cadre d’une référence par

Emploi-Québec; l’évaluation reposant sur un jugement clinique effectuée par les services

spécialisés de main-d’œuvre auprès de personnes handicapées; l’évaluation spécialisée de

clientèles, dans le cadre d’une référence par Emploi-Québec » (Office des professions,

2012, p.45) sont réservées aux différents professionnels visés par la Loi 21 (psychologue,

thérapeute conjugal et familial, c.o., psychoéducateur, ergothérapeute). Également, des

précisions quant aux interventions qui ne présentent aucune réserve sont apportées:

Page 53: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

53

[…] Toute autre intervention effectuée auprès de cette clientèle

particulièrement vulnérable qui n’est pas de même nature que l’évaluation

réservée par le PL n0

21 et par le PL n0

90 peut être réalisée par tout

intervenant, notamment le soutien, l’accompagnement ou le suivi qui ne

sont pas de la nature d’un traitement médical, infirmier ou

psychothérapeutique au sens de la Loi. Des exemples d’interventions qui

peuvent être accomplies par tout intervenant, que la personne qui le

requiert soit ou non atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique

attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un

professionnel habilité :

o L’évaluation de la capacité à entreprendre une démarche vers l’emploi

réalisée par les agents d’aide à l’emploi;

o La fixation d’objectifs dans le cadre d’un programme de

préemployabilité et l’évaluation quant à l’atteinte de ces objectifs (par

exemple, l’amélioration d’aptitudes sociales, la ponctualité, l’hygiène

personnelle, l’autonomie, la capacité de s’exprimer correctement, etc.;

o L’évaluation des compétences liées à la recherche d’emploi (rédiger un

curriculum vitæ, passer une entrevue d’emploi, etc.);

o L’évaluation du potentiel d’une personne dans le cadre d’un processus

de sélection et de recrutement pour un emploi;

o L’analyse initiale des besoins d’une personne (accueil, analyse,

orientation, référence – AAOR);

o L’analyse du dossier scolaire en vue de l’inscription à l’éducation des

adultes;

o L’évaluation du rendement scolaire;

o L’utilisation de l’outil d’évaluation multiclientèle du MSSS dans le

cadre d’une demande de service de soutien à domicile;

o Les interventions destinées à la mise en œuvre des plans

d’intervention. (Office des professions, 2012, p.47-48)

Ainsi, d’autres intervenants peuvent effectuer des évaluations spécifiques comme par

exemple, l’évaluation de la capacité à entreprendre une démarche vers l’emploi. Il est

toutefois reconnu par la Loi 21 qu’ils ne possèdent pas l’expertise suffisante pour tenir

compte de l’interaction entre le fonctionnement psychologique, les ressources

personnelles et les conditions du milieu attribuables au champ d’exercice des

conseiller(ère)s d’orientation.

Page 54: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

54

Peu importe les limites conceptuelles de l’évaluation du c.o. à l’égard de la Loi 21, la

symptomatologie propre au TPL amène un questionnement quant à ces balises permettant

à bons nombres d’intervenants de travailler auprès de ceux-ci. En effet, la difficulté de

maintenir des relations interpersonnelles stables communément associée à ce trouble

questionne la pertinence qu’autant d’intervenants puissent collaborer au mieux-être de

l’individu atteint. En ce sens, l’idée selon laquelle l’ensemble d’une démarche

d’orientation devrait être réservée aux c.o. (Lacharité, 2011) apparaît préférable pour

favoriser l’autonomie socioprofessionnelle de cette clientèle. S’agirait-il là une ambiguïté

de la Loi 21, laissant aux conseiller(ère)s d’orientation la possibilité d’exercer leur

jugement professionnel lors de l’évaluation du fonctionnement psychologique afin de

déterminer si l’ensemble de la démarche d’orientation devrait être réservé dans le cas d’un

individu en particulier? Puisqu’en effet, l’objectif de la Loi 21 est de protéger les

clientèles vulnérables et cette vulnérabilité chez les individus atteints du TPL peut

notamment passez par l’instabilité des relations interpersonnelles.

2.1.2 Le bilan de compétence

Lecomte et Savard (2004) propose un processus de bilan de compétences comportant trois

phases via l’entretien conseil. Ils abordent d’abord l’importance pour le conseiller de tenir

compte des tensions que le changement peut opérer tant cognitivement qu’affectivement

chez l’individu. Ce processus de changement génère différentes tension chez le client,

vacillant entre son désir de continuité et son obligation de changer. Ce processus vient

modifier les caractéristiques dynamiques de l’organisation de l’expérience subjective. Le

soi interne tente de se conserver (assimilation) tout en intégrant de nouvelles données

(accommodation). Il s’autorégule (mécanisme d’autoprotection) également, c’est-à-dire

que cet ajustement est progressif. Les émotions provoquées par le changement « jouent un

rôle central dans l’autorégulation et l’action » (Lecomte et Savard, 2004, p.193).

Les auteurs abordent également la dynamique des ressources personnelles et

environnementales. Le soi précédemment apporté se régule (autorégulation) et s’auto-

Page 55: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

55

protège (maintien vs ouverture) dans un ensemble multidimensionnel. Dans cet ensemble,

à l’extérieur du soi se retrouve l’environnement physique et social, tout comme le soutien

social. Des informations facilement accessibles (formation, âge, santé, etc.) se retrouvent

également à l’extérieur de soi. À l’intérieur de cet ensemble, l’organisation de

l’expérience subjective et intersubjective (aux plans affectif, cognitif, somatique,

comportemental, relationnel et contextuel) s’y retrouve, en plus de la dynamique des

intérêts, aptitudes et valeurs. Cette expérience subjective tant à s’autoréguler en dépit des

interventions de l’environnement. Elle peut être entravée par des émotions intenses.

L’individu fait un effort supplémentaire pour se réguler dans cet ensemble

multidimensionnel. En effet, la résolution de problème implique « souvent une

réorganisation de l’expérience subjective de soi et des autres, donc un changement »

(Lecomte et Savard, 2004, p.196).

Toujours selon ses auteurs, les schémas et les croyances de l’individu sont au centre de

cet ensemble multidimensionnel. Selon Storolow et Orange (1998), les schémas sont des

conclusions émotives provenant d’interaction et de régulation intersubjectives (cités par

Lecomte et Savard, 2004). Ils débutent à l’enfance. « Ainsi, lorsqu’une personne a été

abandonnée, critiquée, surprotégée, victime d’abus, de rejet de son entourage ou victime

de privations, cela va inévitablement influencer sa façon de penser et d’agir et avoir un

impact sur ses relations avec soi et les autres » (Lecomte et Savard, 2004, p.195). Les

auteurs précisent que ces schémas sont centraux notamment parce qu’ils sont au cœur du

traitement de l’information que fera l’individu. En effet, « les individus résistent à

l’information incongruente avec les éléments contenus dans la structure du soi qui se

compose aussi des croyances et des schémas » (Lecomte et Savard, 2004, p.196).

En lien avec le bilan de compétences, les auteurs abordent la dynamique des compétences.

Ces dernières sont le fruit d’une dynamique entre les intérêts, les aptitudes, les valeurs et

les croyances qu’entretient l’individu à propos de celle-ci. L’histoire développementale de

l’individu l’amènera à croire ou non en certaines compétences selon les réponses reçues

par l’environnement. En ce qui concerne les intérêts, il est également possible de

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56

participer à une activité sans que cela ne soit un intérêt. Il peut s’agir d’un mécanisme

d’autoprotection développé par l’individu. En ce sens, l’exploration des intérêts du client

est essentielle afin de savoir comment ces derniers se sont développés. Quant aux valeurs,

« elles peuvent avoir pris naissance à partir de besoins auxquels il n’a pas été répondu

(carence) ou à partir de besoins qui ont été satisfaits (réponse optimale) dans son

environnement » (Lecomte et Savard, 2004, p.199). Lorsqu’il y a carence, la valeur se

manifeste souvent avec rigidité. Une valeur est constructive lorsqu’elle participe à la

croissance de l’individu et non constructive lorsqu’elle devient un obstacle au

développement. À l’égard des aptitudes, elles peuvent avoir été développées par choix ou

par obligation. Elles ne correspondent pas systématiquement à un intérêt. Face aux

croyances, les auteurs indiquent qu’elles se construisent au « fur et à mesure du

développement des intérêts, des valeurs et des aptitudes » (Lecomte et Savard, 2004,

p.200). Ces croyances peuvent être limitatives lorsqu’elles sont irrationnels, tant à propos

de soi que les autres ou encore le système social.

En lien avec ces différents concepts, les auteurs proposent d’utiliser l’entretien conseil en

bilan de compétences. Elle y est décrite comme un processus d’’influence

interpersonnelle et intersubjective, dont l’influence est déterminante.

Dans l’organisation et la dynamique de l’expérience subjective et

intersubjective, la mobilisation d’un sens de compétence et d’efficacité

personnelle est déterminante pour en arriver à des prises de décision. De

plus, la compréhension empathique de l’expérience subjective et

intersubjective est déterminante pour mobiliser les ressources de la

personne qui consulte, et « alliance de travail » constitue un des facteurs les

plus fondamentaux du changement. (Lecomte et Savard, 2004, p.200)

Il s’agit d’un processus en trois phases. Dans la première phase (exploration), le conseiller

reconnaît et valide par l’exploration de l’expérience subjective et intersubjective. Il s’agit

de reconnaître et de valider la dynamique observée chez le client. Souvent lors de cette

phase, les tensions entre le maintien et l’ouverture au changement sont visibles. « De plus,

cette phase vise à reconnaître et valider la perception subjective et intersubjective du

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57

travailleur quant à la dynamique vécue qui se manifeste souvent par un besoin de

maintenir et un espoir de changement qui semble difficile, voire impossible » (Lecomte et

Savard, 2004, p.202). De cette dynamique, il s’agit de créer l’alliance de travail. Le

conseiller et le client fixe des objectifs et se mettent en accord sur les tâches à accomplir.

Lors de la deuxième phase (compréhension), le conseiller comprend et intègre par la

clarification de l’expérience subjective et intersubjective. Cela permet de « reconnaître ses

ressources et limites personnelles et environnementales par l’identification de ses intérêts,

aptitudes, valeurs, besoins, croyances et d’autre part, la dynamique de leur tensions »

(Lecomte et Savard, 2004, p.202). La dernière phase (action) vise à identifier les enjeux et

les risques relatifs au changement. La compréhension se remplace par des options

tolérables et tangibles. Le conseiller et le client pèse les pours et les contres quant aux

options retenues pour en arriver à établir un plan d’action. Ces trois phases ne sont pas

linéaires, elles doivent être prise comme un processus hélicoïdal, c’est-à-dire qu’il y aura

durant le processus des allers-retours entre ces différentes phases. En fait, à chaque phase

se retrouvent les deux autres de façon moindre.

2.1.3 Approche centrée sur les schémas

[…] à ce jour, la pratique et les diverses conceptions de l’orientation

s’intéressent particulièrement à l’identification des ressources personnelles

et des conditions du milieu de l’individu, mais de façon moindre au

fonctionnement psychologique de celui-ci. (Cournoyer, 2012, p.5)

Le fonctionnement psychologique est central dans l’évaluation que fait le conseiller

d’orientation. L’approche centrée sur les schémas s’attarde à cette dimension de

l’individu. Young en est le précurseur. D’un point de vue théorique, l’approche a été

influencé par quatre courants : humaniste-existentiel, systémique et interactionniste,

cognitif-comportemental et psychodynamique (Cournoyer, 2012). Elle comporte 18

schémas attribuables au fonctionnement psychologique. Selon Young, Klosko et

Weishaar (2009), les schémas sont précoces et inadaptés, en ce sens qu’ils présentent des

modèles ou des thèmes importants et envahissants pour l’individu. Souvenirs, émotions,

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58

pensées et sensations corporelles constituent les schémas. Ils sont présents dans la relation

entre la personne et les autres. Ils tirent leur source lors de l’enfance ou de l’adolescence.

Voici un tableau résumant les 18 schémas précoces inadaptés.

Tableau 3

Les schémas précoces inadaptés et leur domaine

DOMAINES ET SCHÉMAS DESCRIPTIONS

Domaine I Séparation rejet - Typiquement associé à une famille d’origine instable.

- Difficulté à former des liens,

Schéma Abandon/Instabilité - Peur d’être abandonné.

- Perception du manque de stabilité ou de fiabilité dans le lien

relationnel qui existe entre le sujet et des personnes importantes.

Schéma Méfiance/Abus - S’attend à ce que les autres le maltraite, lui mentent, profitent de lui.

Schéma de Manque Affectif - Perception que les autres ne lui donneront pas le soutien affectif.

- Manque d’apports affectifs, d’empathie ou de protection.

Schéma Imperfection/Honte - Se juge incapable, présente une gêne à se comparer.

- Manque de confiance en soi.

Schéma Isolement Social - Se sent différent des autres.

- Se sent coupé, isolé du reste du monde.

Domaine II Manque,

autonomie et performance

- Les parents faisaient tout à leur place ou encore, ne s’occupait

pas d’eux.

Schéma

Dépendance/Incompétence

- Incapable de faire face aux responsabilités journalière sans l’aide des

autres.

- « Je suis incapable de… ».

Schéma Peur du danger ou de

la Maladie

- Peur exagérée d’une catastrophe éventuelle.

- Trois types : santé (par ex., contracter le sida), émotions (par ex.,

peur de perdre la tête) et catastrophe naturelle ou phobie.

Schéma

Fusionnement/Personnalité

Atrophiée

- Attachement émotionnel excessif.

- Ne peut être heureux sans l’autre.

- Sentiment d’être vide.

Schéma Échec - Croyance selon laquelle on a échoué, on échouera inévitablement et

qu’on est incapable de réussir.

Domaine III Manque de limites - Les limites en matière de réciprocité et d’autocontrôle n’ont pas

été développées.

- Égoïste, narcissique, irresponsable, incapacité à soutenir des

buts à long terme.

Schéma Droits personnels

exagérés/Grandeur

- Se croit supérieur aux autres, pouvoir.

- Exigeants, dominateurs, manque d’empathie.

Schéma Contrôle de

soi/Autodiscipline insuffisants

- Ne peut supporter d’être frustré, incapable de modérer l’expression

des émotions et des impulsions.

Domaine IV Orientation vers

les autres

- Accorde une importance excessive aux besoins des autres.

Schéma Assujettissement - Soumission excessive au contrôle des autres.

- Docilité excessive et empressement à faire plaisir.

Schéma Abnégation - Souci de combler les besoins des autres au détriment des leurs.

Schéma Recherche

d’approbation et de

reconnaissance

- Besoin excessif d’attention, d’estime.

Domaine V Sur-vigilance et

inhibition

- Répriment l’expression spontanée des sentiments et des pulsions.

Page 59: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

59

Schéma Négativité/Pessimisme - Centré sur le négatif et minimise les aspects positifs de la vie.

Schéma Surcontrôle émotionnel - Inhibition de la colère et de l’agressivité, contrôle des impulsions.

- Importance accordée à la raison.

Schéma Idéaux

Exigeant/Critique excessive

- Perfectionnisme, règles rigides, préoccupe du temps et de

l’efficacité.

Schéma Punition - Critique, impatient, enclin à punir les autres et lui-même.

Adaptation : Young et al., 2009, p.41-49

De ces schémas, différents modes d’adaptation peuvent survenir chez les clients.

D’ailleurs, le concept de mode/schéma est né du travail avec des individus atteints du

trouble de la personnalité limite (Young et al, 2009). « Un mode de schéma représente

ceux des schémas et des réponses d’adaptation – adaptés ou dysfonctionnels – qui sont

actifs à un moment donné pour un individu » (Young et al., 2009, p.71). Il y a le mode de

l’enfant, les modes des styles adaptatifs dysfonctionnels, le mode du parent

dysfonctionnel et le mode de l’Adulte Sain. Ce dernier est favorisé en thérapie. En voici le

résumé.

Tableau 4

Modes d’adaptation

Modes de l’enfant Enfant vulnérable Abandonné, abusé, rejeté, oublié.

Enfant colérique Furieux, insatisfait, inconséquent.

Enfant impulsif Agit selon ses désirs, tendance du moment,

insouciant (soi, autres).

Enfant heureux Besoins affectifs fondamentaux comblés.

Modes des styles

adaptatifs

dysfonctionnels

Soumis obéissant Passif, impuissant, soumis aux autres.

Protecteur détaché Retiré, détaché, évitement de l’intimité.

Compensateur Veut se prouver, comportements extrêmes, inadapté,

maltraite les autres.

Modes du parent

dysfonctionnel

Parent punitif Punit un des modes d’enfant, condamne son

comportement : vulnérable, colérique, impulsif,

heureux.

Page 60: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

60

Parent exigeant Met de la pression et punit en permanence les modes

de l’enfant par des normes excessivement élevées.

Adulte sain Qui apprend à s’apprécier, se reconnaître.

Source : Cournoyer, 2012, p.28

Cournoyer (2012) propose d’utiliser le modèle de la thérapie des schémas à l’orientation.

« L’intention en counseling de carrière n’est pas de traiter le schéma, mais d’accompagner

la personne vers la capacité d’opérer un changement de façon (plus) autonome par

différentes stratégies d’adaptation » (Cournoyer, 2012, p.32). Toujours selon l’auteur, le

modèle de la thérapie des schémas permet d’identifier chez le client sa dynamique

personnelle et d’ainsi adapter l’intervention en conséquence, sans toutefois nommer le

schéma au client comme tel. Ainsi, il s’agit d’un cadre de référence pour les conseiller

d’orientation en ce qui attrait au fonctionnement psychologique des clients. Cournoyer

(2012) émet une application du modèle de Lecomte et Savard combiné à celui de

l’OCCOQ.

Figure 5

Une approche « générique » en counseling de carrière

Page 61: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

61

Source : Cournoyer, 2012, p.36

Selon Cournoyer (2012), lors de la première phase, soit l’exploration, le conseiller

d’orientation accompagne le client à travers son parcours personnel, ses enjeux, ses

problèmes, dans l’écoute de ses croyances, ses valeurs, ses besoins. Lors de la phase

suivante, la compréhension, le conseiller s’attarde davantage au fonctionnement

psychologique. Il veille à le comprendre via les aspects cognitifs, affectifs,

comportementaux et somatiques. Le tout influençant le traitement de l’information du

client à propos de lui-même et du monde qui l’entoure. Lors de la dernière phase, la phase

d’action, le conseiller accompagne « le client vers une action éclairée, ce qui tient aussi

bien compte du contenu (c’est quoi je veux faire ? Pourquoi je veux le faire) que de la

dynamique (comment je vais le faire) afin de ne pas reproduire des comportements

(schémas) dysfonctionnels » (Cournoyer, 2012, p.35).

2.2 Le trouble de la personnalité limite

Au cours des siècles, différents auteurs ont décrit le trouble de la personnalité limite.

C’est toutefois en 1938 que le psychanalyste Stern reprit l’expression «borderline» ou

Page 62: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

62

«limite». Le terme «limite» signalait ainsi sa position dans le continuum de la

personnalité, soit à la frontière de la névrose et de la psychose.

En 1972, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande de

standardiser la classification et l’épidémiologie des troubles de personnalité

en utilisant un système multiaxial ou multidimensionnel et de proposer une

méthode pour décrire la sévérité des troubles (de Girolamo et Reich, 1993).

Répondant à ce souhait, la formulation multiaxiale du troisième manuel

diagnostique de l’Americain Psychiatric Association (DSM-III) (APA,

1980) a l’effet d’un stimulant sur les cliniciens et les chercheurs. (Renaud

et Cloutier, 1999, p. 1)

De cette recommandation, la multiplication des recherches et la prise en compte des

critiques émises (Wetzler et Dubro, 1990, cités par Renaud et Cloutier, 1999) ont mené à

la description que propose aujourd’hui le DSM-IV-TR, lequel utilise le terme borderline

personnality disorder. La Classification Internationale des Maladie (CIM-10), régie par

l’OMS, utilise le terme; personnalité émotionnellement labile type borderline ou limite. À

l’époque, la Régie Régionale de la Santé et des Services Sociaux de Québec faisait état en

1999 (cité par Doucet, 2006) des différentes appellations utilisées couramment par les

professionnels; état limite, organisation limite de la personnalité, trouble de la

personnalité, borderline et trouble sévère de la personnalité. Somme toute, les différentes

appellations attribuées au trouble sont variées et dénotent déjà d’une certaine confusion

entourant ce dernier.

2.2.1 Définitions et notions essentielles

Deux définitions sont abondamment citées dans la littérature. D’abord, la définition

officielle présentée sur le site Internet de la CIM-10 regroupe le TPL sous les troubles de

la personnalité et du comportement chez l’adulte, à l’intérieur des troubles spécifiques de

la personnalité, à titre de personnalité émotionnellement labile (F60.3);

Trouble de la personnalité caractérisé par une tendance nette à agir de

façon impulsive et sans considération pour les conséquences possibles, une

Page 63: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

63

humeur imprévisible et capricieuse, une tendance aux explosions

émotionnelles et une difficulté à contrôler les comportements impulsifs,

une tendance à adopter un comportement querelleur et à entrer en conflit

avec les autres, particulièrement lorsque les actes impulsifs sont contrariés

ou empêchés. Deux types peuvent être distingués: le type impulsif,

caractérisé principalement par une instabilité émotionnelle et un manque de

contrôle des impulsions, et le type borderline, caractérisé en outre par des

perturbations de l'image de soi, de l'établissement de projets et des

préférences personnelles, par un sentiment chronique de vide intérieur, par

des relations interpersonnelles intenses et instables et par une tendance à

adopter un comportement auto-destructeur, comprenant des tentatives de

suicide et des gestes suicidaires.

Inclus: Personnalité: agressive, borderline, explosive

Exclus: Personnalité: dyssociale (F60.2)

La seconde, soit celle de l’APA, permet de diagnostiquer le trouble par la présence ou

l’absence des critères spécifiques aux cinq axes du DSM-IV-TR (APA, 2000), lesquels

sont présentés subséquemment.

o Axe I : Troubles cliniques

Autres situations qui peuvent faire l’objet d’un examen clinique

o Axe II : Troubles de la personnalité

Retard mental

o Axe III : Affections médicales générales

o Axe IV : Problèmes psychosociaux et environnementaux

o Axe V : Évaluation globale du fonctionnement

Positionné à l’axe II du DSM-IV-TR, le TPL se retrouve parmi les troubles de la

personnalité du groupe B. Selon Renaud et Cloutier (1999), rapportant les propos de Tyrer

(1985), les deux axes du DSM ont permis d’identifier l’opposition entre trait caractériel et

état psychopathologique. L’axe I permet d’identifier certaine pathologie et l’axe II apporte

un niveau de fonctionnement sans ses pathologies. « Un état dépressif ou anxieux à l’axe I

augmente la sévérité des troubles de personnalité et certains traits fluctuent selon la

psychopathologie. ... ». (p.11). En effet, tel que mentionné précédemment, la souffrance

Page 64: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

64

chez l’individu atteint le TPL augmente lorsqu’il y a présence d’un autre trouble, d’une

comorbidité. Le tableau suivant apporte certaines pistes à considérer pour différencier le

TPL d’autres diagnostics.

Tableau 5

Différences entre les symptômes qui peuvent aider à distinguer le trouble de la

personnalité limite d’autres diagnostics

Symptômes TPL Autres diagnostics Dépression Humeur déprimée qui est vécue sur une

courte période ou cliniquement

intermittente

Épisode dépressif majeur: humeur

déprimée de longue durée et continue

Sautes d’humeurs Changements rapides de l’humeur allant de

la dépression à la colère, durant

généralement seulement des heures ou

quelques jours et qui sont précipités par

des évènements environnementaux

Trouble bipolaire: changement de

l’humeur allant de la dépression à la

manie, pouvant durer des semaines à

des mois et qui ne comportent

généralement aucun évènement

précipitant

Dysfonctions

cognitives

Hallucinations auditives intermittentes

liées au stress et qui sont reconnues comme

des hallucinations par le patient

Schizophrénie: Hallucinations, majori-

tairement auditives, continues et non

reconnues comme des hallucinations

par le patient

Idéation paranoïde Tendances, non-délirantes

Schizophrénie: idées délirantes

Dépersonnalisation Sentiment de perte de la réalité physique et

mentale, relié au stress

Schizophrénie: non-fréquent

Source : Paris, 2005, p.15819

9 Ibid.

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65

Deux critères distincts doivent être rencontrés pour émettre le diagnostic. L’individu doit

à la fois présenter les critères généraux d’un trouble de la personnalité ainsi que ceux du

TPL (Hoeppli, 2010). Selon le DSM-IV (2000), un trouble de la personnalité se définit

comme « un mode durable des conduites et de l'expérience vécue qui dévie notablement

de ce qui est attendu dans la culture de l'individu, qui est envahissant et rigide, qui

apparaît à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, qui est stable dans le temps et qui est

source d'une souffrance ou d'une altération du fonctionnement ». Les critères propres au

TPL se rapportent comme suit ; « une instabilité omniprésente dans les relations

interpersonnelles, l’image de soi et les affects, ainsi qu’une impulsivité marquée

commençant à se manifester au début de l’âge adulte dans divers contextes, tel qu’ils se

présentent dans au moins cinq critères parmi les suivants:

1) Des efforts effrénés afin d’éviter un abandon réel ou imaginé. Remarque : Ne comprend par les comportements suicidaires ou autodestructeurs du 5

e critère.

2) Des relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par une

alternance entre les extrêmes de l’idéalisation et de la dévalorisation.

3) Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image de soi ou

de la notion de soi.

4) Impulsivité dans au moins deux domaines ayant un potentiel autodestructeur (ex.

dépenses, sexe, toxicomanie, conduite dangereuse, boulimie). Remarque : Ne comprennent pas les comportements suicidaires ou autodestructeurs du 5

e critère.

5) Comportements, gestes ou menaces suicidaires ou d’automutilations récurrents.

6) Instabilité affective causée par une réactivité marquée de l’humeur (ex. dysphorie

épisodique intense, irritabilité ou anxiété qui dure habituellement quelques heures

et rarement plus de quelques jours).

7) Sentiment chronique de vide.

8) Colères inappropriées et intenses ou de la difficulté à maîtriser sa colère (p. ex.,

sautes d’humeur fréquentes, colère constante, batailles récurrentes).

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66

9) Idées passagères de persécution ou symptômes dissociatifs graves en situation de

stress. (p. 292-293)10

Tel que mentionné précédemment, seule la présence de cinq ou plus des critères du DSM-

IV est suffisante pour émettre un diagnostic de trouble de la personnalité limite. De

nombreuses combinaisons de ces derniers sont donc possibles. En effet, tel que le rapporte

l’APA, sur le site Internet du DSM-5 (http://dsm5.org), 256 possibilités de combinaisons

sont possibles à partir de ces critères. C’est donc dire que nombreuses sont les formes que

peuvent prendre le trouble de la personnalité limite.

Dans le même ordre d’idée, la difficulté de conceptualisation des troubles de la

personnalité et de trouver entente par le passé quant au TPL même n’est pas indifférente à

la complexité du concept de personnalité. Tel que cité par Saucier et Goldbreg (2006),

Allport effectua en 1937 une recension des différentes définitions attribuables au concept

de personnalité. En bout de ligne, il y constata 50 sens différents, le tout étant disposé sur

un continuum allant de façons d’être observables au moi intérieur. Il en vint à sa propre

définition d’une conception biophysique; « la personnalité, c’est l’organisation

dynamique, interne à l’individu, des systèmes psychophysiques qui déterminent son

adaptation particulière à l’environnement » (Allport, 1937, p.48) (cité par Saucier et

Goldberg, 2006, p.266). Encore aujourd’hui, plusieurs définitions sont attribuables à la

personnalité.

Selon l’OMS qui parraine la Classification Internationale des Maladies

(CIM, 1992) (de Girolameo et Reich, 1993), la personnalité consiste en un

style imbriqué de pensées, de sentiments et de comportements caractérisé

par un mode de vie et d’adaptation unique à chaque individu et résultant de

facteurs constitutionnels, développementaux et d’expériences sociales.

(Renaud et Cloutier, 1999, p. 3)

Boucher et al. (2005) précise qu’en ce qui concerne le TPL, les traits de personnalité sont

rigides, envahissants et persistants, éléments caractéristiques d’un trouble de la

personnalité. En effet, selon Renaud et Cloutier (1999), les comportements adoptés par les

10

Ibid.

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67

personnes atteintes sont teintés de ces traits, produisant une réponse inflexible de

l’individu face à plusieurs situations personnelles et sociales. Une détresse subjective, un

trouble de fonctionnement social ou de performance sont ainsi vécus. Toujours selon ses

auteurs, la notion de mésadaptation dépasse en conséquence les symptômes seuls tels

qu’utilisés selon une approche catégorielle.

[…] La stabilité à travers les années et dans différentes situations est un

critère important pour le diagnostic d'un trouble de la personnalité. Les

traits de personnalité doivent ainsi être distingués des éléments qui

apparaissent pour une période limitée en réponse à des situations de stress

spécifiques. Ils doivent aussi être distingués des symptômes et réactions qui

sont dus à des états mentaux transitoires comme un trouble anxieux, un

épisode de dépression, un trouble psychotique, une intoxication par une

substance, etc. Enfin ils doivent être distingués des caractéristiques

associées à l'appartenance à une culture ou une religion.

(http://www.psychomedia.qc.ca/personnalite/dossier/les-troubles-de-la-

personnalite)

Également, « Un environnement exceptionnel ou générateur de traumatismes peut

influencer de façon déterminante la personnalité ou favoriser des manifestations

pathologiques qui modifieront la structure de la personnalité qui doit s’y adapter »

(Renaud et Cloutier, 1999, p.13). Selon Cousineau (1997), rapportant les propos de Paris

(1997), les différentes catégories de TPL sont rarement explicitées par les auteurs. Ces

dernières se situent sur le continuum de la personnalité. D’un côté, les patients

dysfonctionnels, lesquels répondent aux critères du DSM-IV (socialement inadaptés,

impulsifs, faible capacité de résolution de problème ou insight). À l’opposé, les patients

fonctionnels qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les critères du DSM-IV. Bien

que les relations intimes soient plus difficiles, il demeure qu’ils fonctionnent bien au plan

social. Ils sont moins impulsifs et ont de meilleures capacités d’insight. Entre ces

extrêmes, plusieurs variations sont possibles. Le tout influencerait la difficulté à trouver

un traitement. De même, cela relativise l’épidémiologie, l’étiologie et les conséquences

précédemment apportées, en ce sens que chaque individu diagnostiqué présentera ou non

(selon ses symptômes spécifiques), à un niveau relativement élevé ou non, ces difficultés

ou obstacles à son autonomie socioprofessionnelle. Également, selon le NIMH

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68

(www.psychomedia.qc.ca), le TPL serait peut-être plus fréquent que la schizophrénie ou

le trouble bipolaire. Toutefois, « Un facteur de diagnostic inexact est la compensation

financière. Les patients reçoivent souvent un autre diagnostic officiellement, tel que le

trouble bipolaire, si leurs compagnies d'assurance ne remboursent pas pour le TPL »

(www.psychomedia.qc.ca).

Pour Gunderson (2006), des progrès importants ont été réalisés tant au plan des

connaissances que du traitement au cours des dernières décennies. Pour lui, le trouble

serait victime des symptômes qui lui sont propres ainsi que de la connotation négative

attribuable au terme «limite», amenant même certains professionnels à refuser d’émettre

le diagnostic comme tel. Selon les conclusions d’une étude réalisée par Biskin, Paris,

Renaud, Raz et Zelkowitz (2011), le trouble de la personnalité limite peut se présenter au

début de l’adolescence. Une rémission (c’est-à-dire, une atténuation des symptômes

propres au TPL) s’opèrera dans la majorité des cas au bout de quatre années. Il est en

conséquence préférable de diagnostiquer tôt le TPL et d’ainsi pouvoir favoriser le

traitement pour ces auteurs. Le tableau suivant permet une compréhension plus

approfondie des différents critères diagnostique du DSM-IV-TR.

Tableau 6

Tableau descriptif des critères diagnostiques du trouble de la personnalité limite

Critères Descriptions

1) Peur de

l’abandon

o Perception d’une séparation/rejet/perte pouvant provoquer des changements à

l’image de soi, l’affect, les perceptions ou les comportements.

o Peut ressentir une peur intense d’abandon et/ou une colère inappropriée devant

une séparation de durée limitée ou des changements imprévus.

o Incapacité à supporter la solitude et besoin d’être entouré de gens.

o Efforts effrénés pour éviter l’abandon pouvant se traduire en des comportements

suicidaires ou d’automutilation.

2) Relations

instables et

intenses

o Idéalisation ou dévalorisation des proches (sources potentielles de soins ou de

protection). Pensée dualiste « noir ou blanc » ou clivage.

o Résulte aussi d’une difficulté à contrôler les émotions et à gérer les impulsions,

d’une difficulté à tolérer la solitude et la peur du rejet.

3)

Perturbation

de l’identité

o Image de soi instable ou indistincte : les valeurs, les habitudes et les attitudes

proviennent souvent de l’environnement immédiat.

o Problèmes d’identité amplifiés en contexte de relations interpersonnelles en

raison des lacunes au niveau de l’apprentissage de l’identification de leurs

propres émotions ainsi qu’à décoder les motifs et intentions de leurs actions.

4) o Effets autodestructeurs ou du moins des intentions.

Page 69: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

69

L’impulsivité o Abus d’alcool, toxicomanie, boulimie, sexualité à risques, conduite dangereuse.

o Diffère de l’impulsivité d’une maniaco-dépression ou du trouble antisocial.

5) Comporte-

ments

suicidaires ou

auto-

destructeurs

o Caractéristiques du trouble limite. Le diagnostic de TPL vient à l’esprit en

présence de comportements autodestructeurs récurrents.

o Peuvent se manifester à l’adolescence et être déclenchés par des menaces de

séparation, de rejet ou de responsabilités imposées.

o Ce critère permet d’établir le diagnostic de TPL chez les patients qui présentent

des symptômes de dépression ou d’anxiété

6) Instabilité

affective

o Associée au départ à la dépression et trouble bipolaire (troubles de l’humeur).

o Distinction: changements d’humeur ne durent que quelques heures (dépression

épisodique intense, agitation, colère, panique ou désespoir). Humeur

dysphorique sous-jacente est rarement soulagée.

o Réactivité extrême au stress, en particulier lié aux relations interpersonnelles.

7) Vide o Sentiment chronique de vide, décrit comme un sentiment viscéral intérieur.

o Ni un sentiment d’ennui ni d’angoisse existentielle.

o Associé à la solitude et à un grand besoin affectif.

o «Vide», «manque», «aucun sentiment, aucune pensée, aucun rêve».

8) Colère o Pourrait découler d’un tempérament excessif (cause génétique) ou de la réponse

du nourrisson à une très grande frustration (cause environnementale).

o Ressentent la colère la plupart du temps (exprimée ou non).

o Peut être provoquée par leur perception qu’une personne significative pour eux

les néglige, les prive, les abandonne ou ne se soucie pas d’eux.

o L’exprimer amène honte et culpabilité, renforçant le sentiment d’être méchant.

9) Distorsion

de la réalité

o Symptômes de dissociation : sentiment d’être dépersonnalisé ou monde irréel.

o Généralement de courte durée, ne dépassent pas quelques jours et se produisent

souvent pendant des situations extrêmement stressantes.

o Conscience d’eux-mêmes irréaliste parfois (les gens jugent ou parlent d’eux).

o Doivent être distinguées d’autres pathologies car en général, au moyen de

«feedbacks», ils sont capables d’apporter des correctifs à leurs distorsions.

Adaptation de : Gunderson, 2006, p.4-5.

2.2.2 Controverses associées

Une vision juste du TPL nécessite la compréhension de l’outil de travail qu’est le DSM-

IV-TR en tant qu’ouvrage de référence largement utilisé quant au diagnostic posé. Renaud

et Cloutier (1999), dans un texte portant sur les troubles de la personnalité et leur

difficulté conceptuelle, amènent des points de vigilance à l’égard de l’utilisation du DSM-

IV-TR en tant que modèle diagnostique. En effet, ce dernier a été publié sans que

l’étiologie, la validité et la consistance de la position théorique ne soient démontrés.

S’ajoutant à cela, étant basé sur une approche strictement catégorielle et ne tenant pas

compte de l’approche dimensionnelle (l’une nominale et la seconde ordinale), cet outil ne

tient pas compte du continuum entre trait de personnalité, trouble de la personnalité et

psychopathologie. Ils citent par exemple le continuum attentif, vigilant, hypervigilant,

méfiant et paranoïde. De même, cela a pour effet de compromettre la classification des

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70

patients qui sont à la limite des catégories, n’ayant pas d’indicateurs clairs quant au

continuum. À cet égard, Morey (1988) précise que l’approche dimensionnelle

nécessiterait toutefois des tests psychométriques rarement disponibles (cité par Renaud et

Cloutier, 1999). Trull, Distel et Carpenter (2011) expriment l’idée selon laquelle

l’approche catégorielle du DSM-IV-TR est malgré tout souvent retenue en raison du fait

que le diagnostic en soit consiste en une décision catégorielle, soit de diagnostiquer ou

non, ou encore de traiter ou non le patient.

Les théories neurobiologiques, psychodynamiques, cognitives ou sociales

offrent des explications étiologiques de ces troubles et la recherche

permettra éventuellement de mieux circonscrire leur contribution

respective. Lenzenweger et Clarkin (1996, 1-36) insistent sur la nécessité

de formuler des modèles autres que simplement descriptifs, capables de

mettre en évidence l’étiologie, le mode de développement et les séquelles

développementales à long terme de ces pathologies. À l’approche

multiaxiale devrait se greffer une compréhension multisystémique qui

permettrait d’enrichir la compréhension psychodynamique classique ... .

(Renaud et Cloutier, 1999, p.2)

De nombreux autres auteurs et professionnels ont formulé des limites claires à propos du

DSM-IV-TR. L’Association Américaine de Psychiatrie, sur le site Internet du DSM-5

(http://dsm5.org) fait état des principales raisons l’ayant amenée à modifier le DSM-IV-

TR dont voici un résumé;

o Nécessité d’une approche dimensionnelle plutôt que catégorielle

o Prévalence marquée du phénomène de comorbidité au sein des troubles de la

personnalité (partant du principe d’un individu possède une seule personnalité, il

devrait en conséquence n’avoir qu’un seul trouble de la personnalité)

o Hétérogénéité extrême entre les patients ayant reçu le même diagnostic (par

exemple, dans le cas du TPL, la combinaison des critères permet 256 possibilités)

o Manque de synchronisme avec la médecine moderne (cette dernière précisant le

degré de sévérité des symptômes, contrairement au DSM-IV-TR qui présente une

évaluation dichotomique)

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71

o Instabilité du diagnostic dans le temps (les traits de personnalité étant relativement

stables dans le temps, un diagnostic devrait somme toute être relativement stable

également lorsqu’il est question de troubles de la personnalité)

o Faible couverture de l’ensemble des psychopathologies (le tout créant de

nombreux diagnostics d'un trouble omniprésent de la personnalité, non spécifié

ailleurs, créant une variété de trouble de la personnalité)

o Faible validité convergente des études (l’utilisation de différentes méthodes de

mesure combinée à la grande variation au sein des caractéristiques propres aux

participants ne permettant pas de connaître à quel degré ses études diffèrent).

L’APA prévoit lancer une nouvelle édition du manuel en mai 2013, soit le DSM-5. À la

lumière de ces constations ainsi que de la collaboration à différents degrés de milliers de

professionnels, ce manuel proposera une approche hybride entre catégorie et dimension. Il

demeure néanmoins qu’à ce jour, les diagnostics de TPL sont basés sur le DSM-IV-TR. À

la lumière de cet état de fait, de questionner le professionnel ayant émis le diagnostic de

trouble de la personnalité limite apparaît être une source importante d’information pour le

conseiller ou la conseillère d’orientation cherchant à comprendre le fonctionnement

psychologique de l’individu.

2.2 Le traitement du trouble de la personnalité limite

En raison de la symptomatologie qui lui est propre, le traitement du trouble de la

personnalité limite s’avère complexe. Certains atouts de personnalité peuvent également

contribuer au traitement. « Ces traits peuvent être liés au monde extérieur : le courage, la

curiosité et la flexibilité ; d’autres sont plutôt liés à l’investissement dans le travail et les

relations humaines : l’engagement, la persévérance et la responsabilité, et, enfin, les traits

qui facilitent les relations interpersonnelles : l’humour, l’empathie et la confiance »

(Delaney, Yeomans, Stone et Haran, 1998, p.18-19). Selon Stone (1990), l’intelligence, la

beauté, la position sociale, la richesse et le talent s’ajoutent à cette liste (cité par Delaney

et al., 1998). Comme ce fut mentionné précédemment, la psychothérapie de longue durée

s’avère reconnue comme essentielle. Les modèles d’intervention psychodynamique et

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72

cognitive-comportementale sont reconnues par l’APA (2001) et seront présentés

subséquemment. En raison de sa portée pratique en orientation, le modèle de la thérapie

des schémas de Young sera également présenté.

2.2.1 Modèle psychodynamique

Kernberg (1996) explique que le trouble de la personnalité limite présente un

développement carencé et une organisation primitive de la personnalité selon les auteurs

d’orientation psychodynamique (cité par Renaud et Cloutier, 1999). « Pour les troubles de

personnalité avec une composante psychodynamique, la maturation du système

neuropsychologique ou la psychothérapie peuvent améliorer les capacités d’adaptation en

favorisant la disparition progressive des symptômes avec l’acquisition de l’introspection »

(Renaud et Cloutier, 1999, p.9). Ainsi, l’amélioration des capacités d’introspection chez

l’individu atteint du trouble de la personnalité limite est importante au plan du traitement

selon cette approche. Comme ce fut apporté précédemment, les individus atteints du TPL

présentent une tendance au clivage. Ce concept freudien est défini ainsi par Kernberg

(1976);

[…] L’identité diffuse qui découle du recours dominant à la défense

primitive qu’est le «clivage» constitue la pathologie de base commune à

tous les troubles sévères de la personnalité. Le clivage est la dissociation

active de segments d’expériences, chargés positivement ou négativement,

qui survient à la suite de l’activation excessive d’affects négatifs par

rapport aux affects positifs, conséquences de dispositions génétiques et

constitutionnelles. (Delaney et al., 1998, p.15)

Pour Delaney et al. (1998), le système de valeur interne chez la personnalité limite

présente une structure pathologique. Les relations avec soi-même et autrui seront « tout

bon » (idéalisée) ou « tout mauvais » (persécutrice).

Selon l’APA (2001), la psychothérapie d’orientation psychodynamique se définit comme

suit; « la psychothérapie d’orientation psychodynamique est généralement conceptualisée

Page 73: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

73

comme agissant sur un continuum d’intervention exploratoire et de support (aussi appelé

expressif et de soutien) » (APA, 2001, p.45)11

. L’objectif de l’intervention du côté

exploratoire du continuum est de rendre les « pattern » du patient davantage conscient, le

tout favorisant notamment la tolérance, diminuant l’impulsivité, augmentant la capacité

d’ « insight » dans les relations interpersonnelles ainsi qu’une capacité réflexive (APA,

2001). Dans les interventions de support, il s’agit de renforcer les défenses, d’augmenter

l’estime de soi, valider les sentiments, favoriser la relation thérapeutique et d’améliorer

les capacités à faire face à des émotions difficiles (APA, 2001). Le tableau suivant en

dresse le portrait du continuum d’intervention.

Figure 6

Le continuum d’intervention exploratoire/de support en psychothérapie

d’orientation psychodynamique

Interprétation Faire le lien

entre les

émotions,

pensées,

comportements

ou symptômes

avec leur sens

inconscient ou

leur origines

Confrontation Aborder des

problématiques

que le patient

ne veut

accepter ou

souhaite éviter

Clarification Reformuler

les propos du

patient dans

une vision

plus

cohérente de

ce qu’il

cherche à

dire

Encourager

à élaborer Demander

davantage

d’information

au patient

Validation

empathique Démontrer

de

l’empathie à

l’égard des

états

intérieurs du

patient

Conseil et

approbation Prescrire et

renforcer

certaines

activités qui

procurent

des

bénéfices au

patient

Affirmation Supporter

le patient

dans ses

observations

ou ses

comportements

EXPLORATOIRE

DE SUPPORT

Source : APA, 2001, p.4612

11

Ibid.

12 Ibid.

Page 74: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

74

Deux manières d’être en intervention sont amenées par les auteurs quant il s’agit

d’intervenir auprès d’un individu atteint du trouble de la personnalité limite selon Renaud

(2004). Elle cite d’abord Gunderson (1997), lequel préconise chaleur et empathie auprès

de cette clientèle. Toujours cité par l’auteure, Galloway et Brodsky (2003) soutiennent

que certains individus atteints du TPL sont inconfortables dans cette proximité affective.

Ils recommandent une position détachée (Renaud, 2004).

2.2.2 Thérapie dialectique-comportementale

Tel que le rapporte Bégin et Lefebvre (1997), cette approche est issue des travaux du Dr.

Marsha Linehan, lesquels ont débutés vers le milieu des années 80. Cousineau et Young

(1997) rapportent que ses recherches sont les seules concluantes dans le traitement du

trouble.

La philosophie de base de l'approche de Linehan s'inspire de la notion de

dialectique de Karl Marx et d'Hegel. La réalité est un tout complexe,

chargée d'oppositions et dont les composantes sont constamment en

relation, c'est-à-dire qu'elles s'inter-influencent. L'adoption d'une

perspective dialectique suggère que dans chaque dysfonction, on retrouve

une fonction ; que dans chaque distorsion, il y a une part de vérité. La

vérité est paradoxale et ainsi des vérités qui semblent contradictoires ne

doivent pas nécessairement s'annuler l'une l'autre, ni se dominer. Par

exemple, la vérité n'est plus ceci ou cela mais bien ceci et cela. (Bégin et

Lefebvre, 1997, p.48)

Toujours selon les mêmes auteurs (1997), la dialectique signifie qu’il y a une synthèse des

deux pôles pour Linehan. Cela permet à la tendance au « noir » ou « blanc » (pensée

dichotomique) d’être intégrée par l’individu atteint du TPL. Pour Linehan, la difficulté

présentée par les individus atteints du TPL se présente au niveau des émotions. Ils

présentent une incapacité à les gérer ainsi que les comportements qui en découlent (Bégin

et Lefebvre, 1997). Les tentatives de suicides répétées seraient une manière de gérer leur

souffrance émotionnelle.

Page 75: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

75

Afin de guider l’intervention, Linehan présente trois outils cliniques; « Il s'agit donc de

trois outils permettant de mieux comprendre l'étiologie (théorie biosociale) et le

développement du comportement problématique (principes béhavioraux) ainsi qu'un

guide pratique présentant la hiérarchie des cibles comportementales (Koerner et Linehan,

1996) » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.50). La théorie biosociale est une manière de

représenter le patient dans sa réalité. Il s’agit de la comprendre tant par ses facteurs

biologiques (grande vulnérabilité émotionnelle) qu’environnementaux (environnement

invalidant) (voir étiologie section 1.3). Quant à l’approche béhaviorale, elle consiste à

observer les comportements du patient. « Par comportement, Linehan se réfère à tout

comportement public et observable (les actions) de même qu’à tout comportement privé

et observable (les pensées, les sentiments, les souvenirs et les valeurs) » (Bégin et

Lefebvre, 1997, p.52). Concernant le guide pratique, il présente une hiérarchie des cibles

comportementales à atteindre lors du traitement. Elle comporte cinq grandes étapes, soit

le pré-traitement ainsi que les phases un à quatre.

Toujours selon le texte de Bégin et Lefebvre (1997), lors du pré-traitement, il s’agit

d’établir la décision de travailler ou non ensemble à l’atteinte des objectifs ciblés. Ils

décident alors des modalités de traitement et des objectifs à atteindre sur une période de

un an. S’ensuivra alors la phase un, nommée stabilité, sécurité et alliance thérapeutique. Il

s’agira, de manière séquentielle, de diminuer la fréquence des comportements suicidaires

et parasuicidaires, de diminuer la fréquence des comportements qui interfèrent avec la

thérapie ou qui menacent le traitement, de diminuer la fréquence des comportements qui

interfère avec la qualité de vie et d’enrichir le répertoire d’habiletés comportementales. La

phase deux, nommée exposition et examen des émotions liées au passé et aux évènements

traumatiques, a pour objectif de diminuer le stress lié aux traumatismes vécus par

l’individu.

Lors de cette étape, les objectifs principaux sont (1) reconnaître et accepter

la réalité de l'abus et du trauma, (2) réduire la part de blâme que l'individu

s'attribue, le sentiment de stigmatisation, et la fréquence des

comportements d'invalidation de soi, (3) diminuer les réponses de stress

extrêmes observées en présence d'indices associés au trauma et (4)

Page 76: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

76

effectuer la synthèse des représentations dichotomiques de l'abus. (Bégin et

Lefebvre, 1997, p.56).

Les phases trois et quatre se nomment synthèse, respect de soi, objectifs personnels. La

phase trois « consiste à faire une synthèse des apprentissages, augmenter l’estime de soi

de la personne et travailler à l’accomplissement et à l’atteinte d’objectif personnels

choisis par la cliente » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.57). La phase quatre est une phase qui

fut ajouté récemment. Il s’agit d’aider la personne à ressentir de la joie sur une période

prolongée, en intégrant « le passé, le présent et le futur, les visions contradictoires de soi

et d’autrui et d’accepter la réalité telle qu’elle est » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.57). Voici

un tableau représentant les différentes stratégies d’interventions dialectiques, lesquelles

peuvent permettre de valider des sentiments, expériences, pensées ou encore promouvoir

le changement.

Tableau 7

Stratégies d’interventions dialectiques

Stratégies dialectiques Description

Entrer dans le paradoxe Mettre en évidence les comportements et les pensées du client qui semble

contradictoires dans le but de montrer que deux propositions peuvent être

parfois incompatibles et parfois compatibles (ex. « Jeu veux devenir plus

autonome et je dois appeler si j’ai besoin d’aide).

Métaphores Proposer un cadre de référence différent qui lui permet de mieux

comprendre ses pensées, ses sentiments et ses comportements (ex. les

pissenlits, le tremblement de terre, le naufrage, l’échelle brûlante).

Extrapolation Consiste à prendre plus au sérieux les propos du client qu’il ne le fait lui-

même (ex. « Mon ami ne m’appelle pas ce soir, je vais me tuer ». Réponse :

« Tu veux te tuer, on va regarder cela ensemble »).

Faire de la limonade

avec des citrons

Consiste à voir les comportements problématiques du client comme un outil

ou une opportunité de pratiquer ses habiletés dans le quotidien (ex. « Tu as

un souper de famille et ça te rend excessivement anxieuse ? Parfait !

Ce sera une occasion de pratiquer tes nouvelles habiletés d'assertion

! Discutons-en davantage. »).

Page 77: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

77

L’avocat du diable Utilisé fréquemment en phase de pré-traitement. L'objectif est d'arriver à

une synthèse entre l'argumentation et la contre-argumentation

comme par exemple : « Je sais que m'engager dans une thérapie va

me demander beaucoup d'énergie, mais j'ai vraiment besoin d'aide. »

Permettre le

changement naturel

Consiste à « permettre le changement naturel » dans l'environnement

thérapeutique (placer différemment le mobilier de la salle d'entrevue,

non pour habituer la cliente au changement mais pour ne pas

s'empêcher de le faire si on en a envie).

Wise wind (sagesse

intérieure)

consiste à aider la cliente à intégrer à la fois la raison et les émotions,

à avoir accès à des réponses plus intuitives et spontanées. La cliente

apprend à prendre des décisions non pas seulement parce que « il le

faut absolument » ou parce que « j'en ai drôlement envie » mais

parce que « c'est efficace de le faire » compte tenu des facteurs de

réalité et des émotions ressenties.

Évaluation dialectique L'intervenant et le client recherchent les éléments valides des

explications du comportement ou des événements qui sont rapportés

lors des séances.

Adaptation : Bégin et Lefebvre, 1997, p.60-61

D’autres stratégies d’intervention sont à la base de l’approche comportementale-

dialectique. D’abord, un équilibre est recherché entre la validation (acceptation) et la

résolution de problème (changement).

Selon Linehan, il y a six degrés de validation : (1) observer et écouter de

façon non biaisée la cliente ; (2) refléter ses propos ; (3) faire des

hypothèses sur les pensées et les sentiments non exprimés (lecture de

pensée) ; (4) valider le discours en se référant à des apprentissages passés

ou à des facteurs biologiques et (5) valider les propos de la patiente en

référant à des événements actuels tout en faisant ressortir la partie adaptée

du comportement adopté et identifier les facteurs environnementaux qui

semblent avoir une influence négative sur le comportement de la cliente.

Les stratégies de validation réfèrent également à l'authenticité du

thérapeute. Ceci constitue le sixième degré de validation. (Bégin et

Lefebvre, 1997, p.62)

Deux étapes existent quant à la résolution de problème. Il s’agit d’abord de définir le

problème ou les patrons comportementaux dysfonctionnels en analysant les

comportements, puis d’utiliser le brainstorming pour générer des solutions qui seront

chacune évaluées par la suite. Le thérapeute peut lui-même proposer des solutions au

client si ce dernier en est incapable (modeling). Une mise en application de la solution

Page 78: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

78

retenue peut être ensuite faite via l’enseignement des habiletés et les jeux de rôle. Il est

important de viser un équilibre entre la validation et la résolution de problème.

Il existe également des stratégies dites stylistiques ainsi que des stratégies de gestion de

cas. En ce qui concerne les premières, elles concernent le style de communication

employé (le ton de voix du thérapeute, la vitesse de son discours et l’intensité des propos).

Deux types existent, soit la communication réciproque et la communication

irrévérencieuse. La chaleur du thérapeute (se montrer disponible, à l’écoute, utiliser le

dévoilement de soi) est préconisée lors d’une communication réciproque. Lors d’une

impasse, le thérapeute utilisera la communication irrévérencieuse. « Cette stratégie de

communication a pour but d'obtenir l'attention de la cliente, d'aider cette dernière à

comprendre la situation (événement interne ou externe) sous un angle complètement

différent et de modifier la réponse affective perçue (le thérapeute confronte la patiente, la

surprend avec un brin d'humour, etc.) » (Bégin et Lefebvre, 1997 , p.63). Quant aux

stratégies de gestion de cas, il en existe trois types, soit les stratégies de consultation

auprès du client, l’intervention environnementale et la consultation des thérapeutes. Dans

le premier cas, il s’agit d’outiller la cliente pour faire face à son environnement. Dans le

second, le thérapeute intervient lui-même dans l’environnement (lorsque le client est

mineur, par exemple). Dans le troisième cas, le thérapeute fait appel à son équipe de

supervision pour obtenir du support.

2.2.3 Thérapie centrée sur les schémas

Young et al. (2009) ont définis comment la thérapie des schémas devait s’opérer auprès

de personnes atteintes du trouble de la personnalité limite. D’abord, ils ont constaté que

ces individus présentent généralement les 18 schémas de la théorie précédemment

présentée. De plus, une propension à changer d’état affectif à un autre tel qu’il est

fréquemment observé chez les TPL ne peut être expliquée par les schémas, ces derniers se

rapportant davantage à des traits. De ces observations, les auteurs ont bonifié cette

thérapie par le concept de mode.

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79

Cinq modes principaux sont présents chez les individus atteints du trouble de la

personnalité limite : L’Enfant Abandonné, L’Enfant Coléreux ou Impulsif, Le Parent

Punitif, Le Protecteur Détaché et l’Adulte Sain. Le but du traitement vise essentiellement

à favoriser ce dernier. Le thérapeute peut identifier ces modes entre autre par le ton de

voix employé par l’individu. Il pourra en conséquence fournir une réponse adapté au

mode exprimé. Voici un tableau présentant les modes dans le détail.

Tableau 8

Quatre modes de la thérapie des schémas appliqués au TPL

Modes Signes et symptômes Stratégies

Enfant

Abandonné

- Fragile, naïf, triste, agité, effrayé, mal-aimé.

- Obsédé par l’idée de trouver quelqu’un qui

s’occupera d’eux.

- Ressemble à un jeune enfant, innocent et

dépendant.

- Idéalisation de l’autre.

- Efforts désespérés pour éviter l’abandon.

- Émotions pures et intenses, non modérées.

- Consoler

- Re-maternage partiel

- Identifier, accepter et

satisfaire les besoins affectifs

fondamentaux en matière de

sécurité de la relation,

amour, empathie authentique

de soi et de spontanéité.

Enfant

Coléreux et

Impulsif

- Colère exprimée de façon inappropriée.

- Furieux, exigeant, dévalorisateur, contrôleur ou

abuseur.

- Agit de manière impulsive, peut être

manipulateur ou insouciant.

- Menaces suicidaires.

- Exigences de droits particuliers.

- Fixer des limites.

- Amener à apprendre des

moyens plus appropriés

d’exprimer la colère et de

satisfaire les besoins

fondamentaux.

Parent

Punitif

- Dégoût, critique, déni de soi.

- Automutilation, intentions suicidaires,

comportements auto-destructeurs.

- Colère envers lui-même.

- Se punit lui-même, se reprochant des besoins

normaux.

- Aider à rejeter les messages

du parent punitif et à

construire l’estime de soi.

- Soutenir l’Enfant

Abandonné dans ses besoins.

- Essayer de refouler et de

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80

- Parle de lui-même de façon dure. supplanter le Parent Punitif.

Protecteur

Détaché

- Sauf dans les cas sévères, les TPL passent la

plupart de leur temps dans ce mode.

- Permet de se détacher des émotions, de

s’éloigner des autres et à avoir un comportement

soumis pour éviter la punition.

- « Bon patient », apparence normale.

- Se comporte de façon adaptée, par ex. est à

l’heure au rendez-vous.

- Dépersonnalisation, sensation de vide, ennui,

abus de drogues, boulimie, automutilation,

absence de pensée, plaintes psychosomatiques,

réponses d’obéissances automatiques.

- C’est une erreur de

renforcer ce mode, car

l’individu est détaché de ses

besoins.

- Aider à faire l’expérience

de ses émotions sans les

bloquer lorsqu’elles

apparaissent

- Le faire se relier aux autres

- Lui faire exprimer ses

besoins.

Adaptation : Young et al. (2009), p.386-389

La personnalité limite peut se promener entre ces différents modes. En effet, un mode

peut en activer un autre. « Un patient peut, par exemple, exprimer un besoin dans le mode

Enfant Abandonné, osciller vers le mode Parent Punitif pour se punir de l’expression de

ce besoin, et passer ensuite en mode Protecteur Détaché pour échapper à la douleur de la

punition » (Young et al., 2009, p.389).

Dans le traitement, Young et al. (2009) invitent dans un premier temps les thérapeutes à

percevoir les individus atteints du trouble de la personnalité limite comme des enfants

vulnérables, des enfants abandonnés à la recherche de leurs parents. En effet, leur

environnement familial était bien souvent déficient et personne n’était là pour combler

leur besoin fondamentaux. Deuxièmement, ils proposent de viser un équilibre entre les

droits du thérapeute ainsi que ceux du patient. « Les thérapeutes ont le droit de se

conserver une vie privée, d’être traités avec respect, et de fixer des limites lorsque les

patients enfreignent ces droits » (Young et al., 2009, p.402). Pour sa part, l’individu

atteint du trouble de la personnalité limite a le droit d’être un très jeune enfant. Les

besoins de ce dernier seront supérieurs à ce que le thérapeute pourra répondre par le re-

maternage partiel et cela créera un conflit dans leur relation. Les limites professionnelles

peuvent être considérée comme froides par l’individu, souhaitant un parent qui soit

toujours disponible. Il faut néanmoins tendre vers un équilibre entre les droits des deux

parties. Troisièmement, il s’agit d’opérer un re-maternage partiel de l’individu, ce dernier

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81

passant du jeune enfant à progressivement l’Adulte Sain via cette technique. Voici un

aperçu général des étapes de traitement :

1) Première étape : le lien et la régulation émotionnelle

- Le thérapeute crée un lien avec le patient, il contourne le Protecteur Détaché,

et il devient une base éducative stable et attentionnée.

- Au cours des séances, le thérapeute incite à l’expression des besoins et des

émotions.

- Le thérapeute apprend au patient des techniques adaptatives pour gérer son

humeur et pour apaiser la détresse liée à l’abandon.

- Le thérapeute et le patient négocient des limitent en matière de disponibilité du

thérapeute, en fonction de la sévérité des symptômes, et des droits personnels

du thérapeute.

- Le thérapeute gère les crises et fixe des limites aux comportements auto

destructeurs.

- Le thérapeute commence le travail émotionnel en s’intéressant à l’enfance du

patient.

2) Deuxième étape : la modification des modes de schémas

- Le thérapeute façonne le mode Adulte Sain grâce au re-maternage du patient.

- L’Adulte Sain agit pour apaiser et protéger l’Enfant Abandonné, pour fixer des

limites à l’Enfant Coléreux, pour remplacer le Protecteur Détaché et pour

éliminer le Parent Punitif.

3) Troisième étape : l’autonomie

- Le thérapeute conseille le patient dans ses choix de partenaires appropriés et il

l’aide à généraliser aux relations extérieures à la thérapie les changements

survenus en séance.

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82

- Le thérapeute aide le patient à découvrir ses tendances spontanées et à les

suivre dans les situations de tous les jours et dans les décisions importantes de

la vie.

- Le thérapeute sèvre progressivement le patient de sa thérapie en réduisant la

fréquence des séances. (Young et al., 2009, p.405-410)

Le trouble de la personnalité limite s’avère être une problématique complexe et pour

laquelle le fonctionnement psychologique est au cœur de l’intervention. À cet égard, dans

l’évaluation en orientation, les ressources personnelles, les conditions du milieu et le

fonctionnement psychologique sont au centre de l’intervention. Le bilan de compétences

présente un modèle qui tient compte du fonctionnement psychologique de l’individu. Ce

modèle en trois phases est repris par Cournoyer (2012) à la lumière de l’évaluation selon

l’OCCOQ. Il s’agit d’amener l’individu à traverser trois phases, soit l’exploration, la

compréhension et l’action, tout en tenant compte des ressources personnelles, des

conditions du milieu, du fonctionnement psychologique ainsi que du plan relationnel,

comportemental, contextuel, cognitif, affectif et somatique. Quant à l’approche par les

schémas, force est de constater que les individus atteints du TPL présentent la plupart des

schémas de cette théorie. Dans l’intervention, de s’attarder davantage aux modes présents

chez l’individu est davantage adéquat. Dans l’approche psychodynamique, l’intervention

utilise les interventions d’exploration et de support pour amener la personne aux prises

avec le TPL à diminuer l’impact de ses symptômes dans son fonctionnement au quotidien.

Il s’agit encore là d’agir sur le fonctionnement psychologique de l’individu. Quant à la

thérapie dialectique comportementale, le fonctionnement psychologique se retrouve dans

le concept de pensée dichotomique.

Page 83: Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite (tpl)

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5. Résultats

Une analyse conceptuelle de cette recherche permet de retirer différents constats et

notions à retenir dans un contexte d’intervention auprès d’individus atteints du trouble de

la personnalité limite, lesquels sont présentés ici.

Risque suicidaire. Selon Gunderson, les actes parasuicidaires sont présents chez 75% des

individus atteints du TPL. Doucet rapporte que le suicide complété est réussi dans 8% à

15% des cas. Une évaluation primordiale a effectué auprès de cette clientèle est donc le

risque suicidaire, tant aux plans déontologique, éthique et moral. Comme il est commun

d’observer chez les individus atteints du trouble de la personnalité limite des menaces et

des gestes suicidaires, le conseiller d’orientation se doit d’évaluer cette facette chez le

client tout au long du processus. Étant donné que, comme le stipulait Linehan (2004),

certains TPL ont besoin d’être suicidaire pour gérer leur souffrance émotionnelle intense,

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84

il est important d’évaluer le risque réel de suicide associé. S’agit-il de menaces suicidaires

ou d’intentions réelles de passage à l’acte? Sait-il où, quand, comment et pourquoi il

souhaite se suicider?

Alliance de travail. Tel que le stipulait Bastien (2011), l’acte d’évaluation en orientation

s’effectue dans un processus continu allant d’avant la démarche jusqu’à après. Bien que la

Loi 21 n’oblige pas que le conseiller d’orientation soit le seul acteur d’une démarche

d’orientation lorsqu’il s’agit d’individu atteint d’un diagnostic de trouble mental

(OCCOQ, 2010), les caractéristiques propres au TPL laisse croire qu’il vaudrait mieux

qu’il n’y ait qu’un seul acteur dans cette démarche. En effet, l’alliance de travail est

difficile à établir avec cette clientèle en raison de sa symptomatologie. L’instabilité des

relations leur étant commune, il est judicieux de croire qu’il est préférable de n’avoir

qu’un seul acteur dans le cadre de leur démarche d’orientation.

Médication. Il est important de rappeler qu’aucun médicament n’est donné pour le

trouble de la personnalité limite comme tel (APA, 2001). Évidemment, ce ne sont pas tous

les individus atteints de TPL qui prennent une médication. Elle est recommandée dans le

cas où l’individu présente un trouble secondaire au trouble principal, c’est-à-dire une

comorbidité (APA, 2001). Selon Kernberg (2009), la comorbidité est observée dans 60%

des cas. Dans cette alternative, le conseiller d’orientation doit s’assurer de connaître le

second trouble ainsi que de saisir le rôle de la médication qui y est associé. Le client

prend-t-il sa médication de façon continue? Peut-elle avoir des impacts son

comportement? Quels sont-ils?

Comportements à risques. L’individu atteint de TPL peut présenter des comportements

à risques. De questionner le client sur ses comportements s’avère essentiel. Il peut

présenter différents comportements, tel la conduite dangereuse, les dépenses excessives,

le vol à l’étalage, la boulimie, l’abus de substance, les comportements sexuels à risque,

l’automutilation et les tentatives suicidaires (APA, 2001). Le conseiller ne

recommanderait pas, par exemple, à une personne ayant des antécédents de conduite

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dangereuse au volant de viser une formation de camionneur. Ou encore, le client a-t-il des

dépenses excessives? Si tel est le cas, un retour en formation pourrait être compromis.

Une planification financière détaillée serait alors de mise.

S’entourer. Bouchard (2010) expliquait que les intervenants auprès de cette clientèle sont

fréquemment confrontés à un sentiment d’impasse. Souvent, les individus atteints du TPL

vont adopter deux attitudes à l’égard des intervenants selon Cousineau (1997). Soit ils les

idéaliseront, soit ils les dévaloriseront. Ainsi, le conseiller d’orientation vivra

inévitablement différentes frustrations au contact d’individus atteints du TPL. De parler

avec d’autres conseillers d’orientation des difficultés vécues avec cette clientèle permettra

au conseiller de conserver son objectivité durant l’intervention.

Re-maternage de l’enfant. Comme le stipulait Young et al. (2009), l’individu atteint du

TPL est un enfant vulnérable. « Lorsque les thérapeutes sont en difficulté pour traiter les

borderlines, nous leur proposons de superposer mentalement l’image d’un petit enfant sur

celle du patient : cette méthode les aide à mieux comprendre le patient et à s’imaginer ce

qu’ils doivent faire » (Young et al., 2009, p.401). Bien qu’il ne s’agisse pas de traiter le

trouble comme tel, cette technique permet au conseiller d’orientation de se détacher des

difficultés vécues lors de l’intervention pour se ramener à la douleur que vivent les TPL.

Clivage ou pensée dichotomique. Selon les propos de Linehan rapportés par Bégin et

Lefebvre (1997), les individus atteints du TPL présentent une nette tendance au « noir »

ou « blanc ». De les aider à faire une synthèse des deux pôles, c’est-à-dire d’opter pour le

« noir » et « blanc, leur permet de relativiser leurs pensées. Puisqu’il ne s’agit pas d’une

thérapie de longue durée où le thérapeute et patient ont de nombreuses séances pour

construire la relation, le conseiller d’orientation en début de processus n’interfère que peu

avec ces pensées. Plus l’alliance de travail se construit, plus il peut refléter au client la

part extrême de ses deux pôles et amener le client à relativiser ses positions.

Réseau. Il est commun d’observer une instabilité des relations chez les individus atteints

du TPL (DSM-IV, 2000). Le conseiller d’orientation, lors de l’évaluation, explore les

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conditions du milieu du client à ce chapitre (OCCOQ, 2010). Le client possèdera-t-il le

support nécessaire à l’atteinte de son objectif? Peut-il rechercher dans son réseau

d’entraide le support adéquat? Doit-il se créer un nouveau réseau?

Émotions. Pour Linehan, la difficulté présentée par les individus atteints du TPL se

présente au niveau des émotions. Ils présentent une incapacité à les gérer ainsi que les

comportements qui en découlent (Bégin et Lefebvre, 1997). La détresse émotionnelle que

vivent ces individus est intense en raison du grand vide intérieur qu’ils ressentent. Selon

Boucher et al. (2005), ils présentent souvent une peur de ne pouvoir s’en sortir, ce qui se

reflète par de l’angoisse et du découragement. Leurs tentatives suicidaires n’y sont pas

indifférentes. D’explorer les émotions avec eux lors de l’intervention s’avère nécessaire

pour faciliter le processus de changement. L’approche Gestalt pourrait être utile auprès de

cette clientèle.

Fixer des limites claires. Lors du pré-traitement selon l’approche dialectique, il s’agit

d’établir la décision de travailler ou non ensemble à l’atteinte des objectifs ciblés (Bégin

et Lefebvre (1997). Les modalités de traitement sont alors décidées. C’est par la suite que

s’ensuivra la phase un, laquelle se nomme stabilité, sécurité et alliance thérapeutique.

Ainsi, avant même d’amorcer le traitement, des limites claires à l’intervention sont

définies. Il en va de même en orientation. En début de processus, il est important de fixer

des limites claires à la relation et à bien déterminer ce qui est attendu du client tout

comme du conseiller. Ces clients tenteront inévitablement de déjouer ses limites, arrivant

en retard à un rendez-vous ou oubliant d’avoir effectuer les exercices demandés. De

pouvoir rappeler avec une certaine fermeté ce qui est attendu du client sera plus facile si

les limites ont bien été définies au début du processus.

Instabilité professionnelle. Tel que le rapporte l’APA (2001), il est commun d’observer

chez l’individu atteint du TPL de nombreux emplois. L’instabilité caractéristique chez les

TPL s’étant jusqu’au travail et il en va de même pour leur choix de carrière. D’explorer

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87

les constantes parmi l’historique de travail s’avère essentiel pour permettre au client d’y

retrouver une certaine stabilité.

6. Conclusion

Une définition abondamment recensée dans la littérature définit le trouble de la

personnalité limite comme « un diagnostic caractérisé par l’impulsivité, l’instabilité

affective et les relations instables (APA, 1987). Différents éléments s’ajoutant à cette

définition ont pu être apportés dans cet ouvrage à propos des TPL. D’abord, il a été

question de son épidémiologie. En effet, le trouble est présent dans une faible proportion

de 2% de la population (APA, 2001). Toutefois, en raison de leur symptomatologie, les

individus atteints du TPL sont nombreux à recourir à des services d’aide de toutes sortes

et il est pertinent de croire que les conseillers d’orientation œuvrent auprès de cette

clientèle représentée majoritairement par des femmes. Ces individus sont également sujets

à présenter une comorbidité, ce qui augmentent la détresse émotionnelle qu’ils vivent au

quotidien et complexifie davantage l’intervention. Le taux de suicide d’une personne sur

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dix dépeint cette douleur intense. Par ailleurs, plusieurs causes du trouble ont également

été présentées. D’abord, il y aurait une part génétique au trouble, bien qu’aucun modèle

neurodéveloppementale ne soit disponible à ce jour. Différentes facteurs supplémentaires

s’ajoutent au développement possible du trouble. D’abord, il y a la famille, souvent

dysfonctionnelle, qui contribue au développement du trouble. Des traumatismes vécus

dans l’enfance peuvent également y contribuer. Les conséquences associées au trouble

sont nombreuses, tant au plan individuel que relationnel, organisationnel et social. Au

plan de l’intervention, plusieurs perspectives ont été présentées, permettant de

comprendre le TPL selon un point de vue médico-légal et institutionnel, thérapeutique et

carriérologique.

Sur ce dernier point, un manque flagrant de littérature a été constaté. Avec la Loi 21, les

conseillers d’orientation ont maintenant comme activité réservée, dans le cadre de leur

champ d’exercice, l’évaluation des troubles mentaux lorsqu’attestés d’un diagnostique et

ainsi, celle du trouble de la personnalité limite. Devant le manque de littérature sur le

sujet, ce constat pose problème étant donné notamment qu’aucune formation

supplémentaire n’est requise pour œuvrer auprès de cette clientèle complexe. Ainsi s’est

posée la question de recherche suivante : comment intervenir en counseling de carrière

auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la personnalité limite?

Pour répondre à cela, il a été question de présenter différentes approches en counseling de

carrière pouvant permettre de conceptualiser l’intervention auprès des individus atteints

de TPL. L’évaluation en orientation a d’abord été présentée comme une marche à suivre

générale en orientation, puis deux modèles attribuables au fonctionnement psychologique

ont été apportés. Ensuite, le trouble de la personnalité limite comme tel a été

conceptualisé en tenant compte des controverses qui y sont associées. Le tout s’est conclu

par trois modèles utilisés dans le traitement des TPL.

En réponse à cette question de recherche, différents résultats en sont ressortis.

L’évaluation du risque suicidaire est apparue comme primordiale auprès de cette clientèle

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en raison des taux de suicide précédemment apportés. Par ailleurs, bien que dans le cadre

de la Loi 21 le processus d’orientation ne soit pas attribué uniquement aux conseillers

d’orientation, il est judicieux de croire qu’il vaut mieux qu’il n’y ait qu’un seul acteur de

cette démarche pour favoriser l’alliance de travail en raison de l’instabilité relationnelle

qui caractérise les TPL. Au plan de la médication, il est judicieux de soulevé qu’il n’existe

aucun médicament associé au trouble comme tel. Il est important de valider à quoi sert la

médication du client, laquelle est attribuée dans le cas de comorbidité. De même, il faut

questionner le client quant à ses comportements, lesquels peuvent être à risque et peuvent

avoir des impacts au plan carriérologique. Une autre recommandation soulevée se situe au

niveau du conseiller d’orientation lui-même. Ce dernier est encouragé à bien s’entourer de

collègue, en raison des frustrations qu’il sera susceptible de vivre au plan de l’intervention

auprès de cette clientèle. Une seconde recommandation est d’envisager le client comme

un enfant vulnérable afin de se détacher des comportements difficiles que pourrait

présenter le client. Dans un autre ordre d’idée, le client présentera une pensée

dichotomique, traduite par une tendance au « noir » ou « blanc ». Une recommandation a

été de permettre au client en début de processus cette pensée et plus la relation évolue,

plus il se permettra d’aider le client à faire la synthèse des deux pôles. Puis, de

questionner le client quant à son réseau d’entraide personnel est apparu judicieux en

raison de l’instabilité qui caractérise les TPL. D’explorer les émotions avec eux s’avère

également essentiel dans le cadre d’un processus de changement. De fixer des limites

claires dès le début de la démarche favorisera le processus subséquent. Finalement, en

raison de l’instabilité qui les caractérise, il est possible de croire que cette dernière est

également vécue au plan professionnel. D’explorer les constantes dans le parcours du

client s’avère judicieux.

Différentes limites à cette recherche sont à soulever. D’abord, le fait que les pistes

d’intervention soulevées n’aient pas été appliquées à des individus atteints de TPL

présente un manque d’application terrain. Il en va de même pour le fait qu’aucun

conseiller d’orientation n’ait participé à cette recherche. Elle apporte toutefois première

évaluation des interventions à favoriser auprès des TPL les résultats étant basés sur les

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écrits scientifiques relevés. Au plan de la formation et de la recherche en carriérologie,

elle soulève les grandes lignes à connaître auprès des TPL. Une piste de recherche

subséquente pourrait être d’appliquer les résultats obtenus auprès d’individu atteints du

trouble de la personnalité limite.

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