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Pages 181 à 216 AU SOMMAIRE : n L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence et de législation (n o 051 à n o 057) PAGE 185 RPDS n o 914 DOSSIER SPÉCIAL LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL PAGE 189 Prix : 7,50 € Numéro 914 Juin 2021 ÉDITORIAL n La tâche des magistrats Par Laurent Milet – PAGE 183

L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

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Page 1: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

Pages 181 à 216

AU SOMMAIRE :

n L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence et de législation(no 051 à no 057)PAGE 185

RPDS

no 914

DOSSIER SPÉCIAL

LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

PAGE 189

Prix : 7,50 €

Numéro

914Juin 2021

ÉDITORIAL n La tâche des magistrats Par Laurent Milet – PAGE 183

Page 2: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

182182 no 914 | juin 2021

SOMMAIRE

183 ÉDITORIAL

La tâche des magistratsPar Laurent Milet

185 L’ACTUALITÉ JURIDIQUE

Sommaires de jurisprudenceDROIT DU TRAVAIL

• Contrat de travail 185Télétravail (no 051)

• Contrat à durée déterminée et de travail temporaire 186Requalification (no 052)

• Discipline dans l’entreprise 186Règlement intérieur (no 053)Sanctions disciplinaires (no 054)

• Instances représentatives du personnel 187Comité de groupe (no 055)

• Mesures de prévention des risques professionnels 187Équipements de travail et de protection (no 056)

• Accident du travail et maladie professionnelle 188Accident de travail (no 057)

189 DOSSIER SPÉCIAL

La modification du contrat de travailPar Charlotte Hodez et Marjolaine Paradis

1. Comprendre : le régime juridique de la modification du contrat de travail 190

A – Principe de l’interdiction d’une modification unilatérale du contrat de travail 190a) Le contrat de travail, contrat

de droit commun 190b) La modification du contrat de travail,

un régime spécifique 192

B – Les exceptions au principe 193a) Modifications du contrat

susceptibles de s’imposer 193b) Changements des conditions

de travail susceptibles d’être refusés 194

2. Analyser : modification du contrat ou changement des conditions de travail 197

A – Les éléments essentiels du contrat de travail 197a) Qualification 197b) Rémunération 198c) Durée de travail 200d) Lieu de travail 204e) Lien de subordination 208

B – Autres éléments contractualisés 208

3. Agir : mise en œuvre de la modification, acceptation ou refus du salarié 209

A – Procédure de modification du contrat de travail 209a) Le droit commun du travail 209

b) Les procédures spécifiques 210

B – Les conséquences du refus du salarié 213a) La rupture du contrat de travail

à l’initiative de l’employeur 213b) La continuation du contrat

de travail 214

AUTRES RUBRIQUES

• Rétrospective 184

Principales abréviations utilisées dans la revueTribunaux et institutions Publications et revues

• Cass. soc. : Arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre sociale.

• Cass. crim. : Arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre criminelle.

• Cass. civ. 2e : Arrêt rendu par la Cour de cassation, 2e chambre civile. Le numéro de pourvoi qui suit cette référence vous permet de retrouver le texte intégral de l’arrêt cité sur le site [www.legifrance.fr], rubrique jurisprudence judiciaire.

• Cons. Ét. : Arrêt rendu par le Conseil d’État. Le numéro de requête qui suit cette référence vous permet de retrouver le texte intégral de l’arrêt cité sur le site

[www.legifrance.fr], rubrique jurisprudence administrative.

• Appel : Arrêt rendu par une cour d’appel.

• CPH : Jugement rendu par un conseil de prud’hommes.

• TGI : Jugement rendu par un tribunal de grande instance.

• TI : Jugement rendu par un tribunal d’instance.

• DGT : Direction générale du travail.

• DIRECCTE ou Direccte : Direction ou directeur régional(e) des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

• JO : Journal officiel, (disponible sur [www.legifrance.fr]).• Bull. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation.• BJT. : Bulletin Joly Travail.• Cah. soc. : Les Cahiers sociaux.• D : Recueil Dalloz.• Dr ouv. : Droit ouvrier.• Dr soc. : Droit social.• JCP : La semaine juridique, (éd. « G » pour Générale, « E » pour Entreprise, « S » pour Sociale).• LS : Liaisons sociales.• RDT : Revue de droit du travail.• RJS : Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre.• RPDS : Revue pratique de droit social.• SSL : Semaine sociale Lamy.

DOSSIERLes clauses de non-concurrence

Prochain numéro

RPDS no 915 • Juillet 2021

Page 3: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

183 no 914 | juin 2021

HLa tâche des magistratsHasard du calendrier, le dossier sur la modification du contrat de travail que publie ce mois-ci notre revue a été précédé, au mois de février, par la disparition de Philippe Waquet, ancien doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation. Celui-ci fut précisément à l’origine de la nouvelle approche de cette juridiction sur la modification du contrat de travail.

Au-delà, force est de constater que de 1988 à fin 2001, les décisions rendues par la chambre sociale portent son empreinte même si elles sont collégiales. Sur cette période, la Cour a rendu quelques arrêts de principe qui donnaient une direction comme, notamment, l’inter-diction faite au juge de contrôler si les revendications des grévistes sont raisonnables ou non ; l’absence de caractère réel et sérieux de la rupture du contrat de travail en présence d’une lettre de licenciement non motivée ; l’obligation de reclassement individuel en cas de licenciement économique ; la nullité des licenciements prononcés en cas d’absence ou d’insuffisance de plan social (aujourd’hui PSE), etc.

Certains arrêts pouvaient néanmoins prêter à discussion. C’est le cas notamment des grands arrêts de 1996 sur la modification du contrat de travail. Car, en définissant un socle contrac-tuel dont la modification des éléments nécessite un accord express des salariés concernés, la force du contrat en droit du travail était affirmée. Mais, on le sait, celle-ci est néanmoins toute relative dans la mesure où le salarié en état de subordination n’a souvent le choix, en période de récession de l’emploi, que de se soumettre ou se démettre. Qui plus est, la juris-prudence peine parfois, encore aujourd’hui, à distinguer ce qui relève du socle contractuel et ce qui ne constitue qu’un simple changement des conditions de travail ne permettant pas au salarié d’exprimer sa volonté.

Quoi qu’il en soit, la volonté du doyen Waquet était d’assurer une pérennité des solutions jurisprudentielles avec, globalement, une vision progressiste en donnant plein effet aux mécanismes légaux.

C’est ce qu’a bien compris le patronat qui s’est employé, depuis lors, à faire modifier la loi afin de détricoter les jurisprudences qu’il estimait contraires aux intérêts des entreprises. Le summum a été atteint avec la loi travail de 2016 et les ordonnances de 2017 où certaine garanties qui protégeaient les salariés, notamment procédurales, ont été remises en cause et où les obligations pesant sur les employeurs ont été assouplies.

La période récente permet cependant de reprendre espoir. La réduction des droits légaux amène, en effet, certains magistrats à chercher des solutions innovantes en revenant à certains fondamentaux. On pense bien évidemment aux juges du fond entrés en résistance contre l’application du barème Macron plafonnant les indemnités de licenciement. On pense aussi à l’affaire Veolia-Suez, où le droit d’information et de consultation du comité social et économique (CSE) d’une société ciblée par une prise de participation en amont d’une offre publique d’achat, a été réaffirmé par les juges. Et ce malgré l’appauvrissement du contenu du nouvel article L. 2312-8 du Code du travail par l’ordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017, en se fondant sur l’impact d’une telle prise de participation sur la marche générale de l’entre-prise, même si elle provient de l’extérieur de celle-ci (1).

À l’heure où les juges sont si contestés, il est donc de bon augure de se rappeler ces mots du doyen Waquet : « […] donner son plein effet à la loi, c’est bien quand même la tâche des magistrats » (2).

Laurent Milet

(1) Voir en dernier lieu Appel Versailles, 15 avr. 2021, n° RG 20/09953 et notre éditorial RPDS 2021, n° 910, p. 39. (2) Voir le documentaire réalisé par l’Université de Nancy, https://videos.univ-lorraine.fr/index.php?act=view&id=2550

ÉDITORIAL

Revue Pratique de Droit Social Revue mensuelle – 76e année 263, rue de Paris, case 600, 93 516 Montreuil CEDEX.

Directeur : Maurice Cohen (†), docteur en droit, lauréat de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris.

Rédacteur en chef : Laurent Milet, docteur en droit, professeur associé à l’université de Paris-Saclay.

Comité de rédaction : Tél. : 01 49 88 68 82 Fax : 01 49 88 68 67 Marie Alaman, Claire Blondet (chef de service), Mélanie Carles, Aude Le Mire, Estelle Suire.

Ont participé à ce numéro : Charlotte Hodez et Marjolaine Paradis

Assistante de la rédaction : Patricia Bounnah.

Maquette et mise en page : réalisées par la NVO.

Secrétariat de rédaction : Cécile Bondeelle.

Rédactrice en chef technique : Véronique Gérardin.

Éditeur : NSA « La Vie Ouvrière », 263, rue de Paris, case 600, 93 516 Montreuil CEDEX.

Directeur de la publication : Jacques Eliez.

Prix au numéro : 7,50 € (numéro double : 15 €)

Pour toute commande et abonnement : NSA La Vie Ouvrière, 263, rue de Paris, case 600 93 516 Montreuil CEDEX. et sur www.nvo.fr Envoi après réception du règlement Tél. : 01 49 88 68 50

Tarif d’abonnement incluant l’accès Internet : 9 € par mois ou 108 € par an (Étranger et Drom-Com : 139 €).

Copyright : Reproduction totale ou partielle soumise à autorisation.

Imprimé par : RIVET Presse Édition 87 000 Limoges.

ISSN : 0399‑1148

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Page 4: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

184184

RÉTROSPECTIVE

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Éditions

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ET DROIT SYNDICAL • Disponible sur nvoboutique.fr •

no 914 | juin 2021

Articles et commentaires parus depuis un anDu numéro 902 (juin 2020) au numéro 913 (mai 2021)

NUMÉROS OU DOSSIERS SPÉCIAUX• Les droits d’alerte du CSE, 2021, p. 153 (no 913)

• Le télétravail, 2021, p. 121 (no 912)

• L’expert habilité du CSE (santé, conditions de travail, égalité professionnelle), 2021, p. 85 (no 911)

• Le travail à temps partiel, 2021, p. 45 (no 910)

• Jurisprudence de droit social 2019-2020, 2021, p. 5 (no 909)

• La communication numérique des syndicats et du CSE, 2020, p. 387, (no 908)

• Le paiement des salaires, 2020, p. 351, (no 907)

• Les heures de délégation, 2020, p. 315, (no 906)

• L’épargne salariale, 2020, p. 257, (no 904-905)

• La durée du travail (3e partie), 2020, p. 229, (no 903)

• La durée du travail (1re et 2e partie), 2020, p. 189, (no 902)

COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE• Les droits d’alerte du CSE 2021, p. 153 (no 913)

• L’expert habilité du CSE (santé, conditions de travail, égalité professionnelle) 2021, p. 85 (no 911)

• La communication numérique des syndicats et du CSE 2020, p. 387 (no 908)

• Les heures de délégation 2020, p. 315 (no 906)

• Dialogue social au pas de course 2020, p. 183 (no 902)

CONDITIONS DE TRAVAIL• Le télétravail 2021, p. 121 (no 912)

DISCRIMINATIONS• Discrimination, départ laborieux pour l’action de groupe 2021, p. 99 (no 911)

DIVERS• Quoi qu’il en coûte ? 2021, p. 111 (no 912)

• Veolia-Suez ou ne pas se fier aux apparences 2021, p. 39 (no 910)

• Une digitalisation des relations sociales à deux vitesses 2020, p. 379 (no 908)

• Droit dur, souple, mou… 2020, p. 343 (no 907)

DURÉE DU TRAVAIL• Le travail à temps partiel 2021, p. 45 (no 910)

• Contrôle du temps du travail et contentieux de la durée du travail 2020, p. 229 (no 903)

• Les différents temps du travail 2020, p. 191 (no 902)

• L’organisation du temps de travail 2020, p. 201 (no 902)

EMPLOI• Actualité de l’activité partielle 2021, p. 101 (no 911)

• Les régimes d’activité partielle 2020, p. 399, (no 908)

ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ• Tour de passe-passe sur l’AGS 2021, p. 75 (no 911)

ÉPARGNE SALARIALE• L’intéressement 2020, p. 257, (no 904-905)

• La participation aux résultats de l’entreprise 2020, p. 271, (no 904-905)

• Les plans d’épargne dans l’entreprise 2020, p. 257, (no 904-905)

JUSTICE ET TRIBUNAUX• Jurisprudence de droit social 2019-2020 2021, p. 5 (no 909)

LICENCIEMENT• La notification du licenciement 2020, p. 367 (no 907)

• L’entretien préalable au licenciement 2020, p. 329 (no 906)

LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE• La notification du licenciement 2020, p. 367 (no 907)

• L’entretien préalable au licenciement 2020, p. 329 (no 906)

PRUD’HOMMES• Quand une entreprise fait l’objet d’une procédure collective… 2021, p. 137 (no 912)

REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL• Les heures de délégation 2020, p. 315 (no 906)

SANTÉ AU TRAVAIL• L’expert habilité du CSE (santé, conditions de travail, égalité professionnelle) 2021, p. 85 (no 911)

• Protocole sanitaire national : les principales mesures 2020, p. 335 (no 906)

• Le document unique d’évaluation des risques professionnels, objet de toutes les attentions 2020, p. 245 (no 903)

SALAIRE ET AVANTAGES• Transports domicile-travail : quelle prise en charge par l’employeur ? 2021, p. 175 (no 913)

• L’index de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes 2021, p. 63 (no 910)

• Le paiement des salaires 2020, p. 351 (no 907)

SYNDICATS• La communication numérique des syndicats et du CSE 2020, p. 387 (no 908)

Page 5: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

185185185 no 914 | juin 2021

ACTUALITÉ JURIDIQUE

Sommaires de jurisprudenceRubrique réalisée par Marie Alaman, Claire Blondet, Laurent Milet et Estelle Suire.

DROIT DU TRAVAIL

Contrat de travailTélétravail

051 Accord des parties – Remboursement des frais professionnels non automatique

Selon l’article L. 1222-9 du Code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. Le contrat de travail, ou son avenant, précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécu-tion du contrat de travail sans télétravail. À défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail, ou son avenant, pré-cise les modalités de contrôle du temps de travail.

Il ressort des constatations de la cour d’appel que le salarié qui demandait le remboursement de frais professionnels sou-tenait que ni les dispositions de l’accord du 4 mars 2014 relatif au télétravail, ni celles propres à l’Urssaf Ile-de-France ne lui étaient applicables. Elle a, par ailleurs, fait ressortir qu’il n’exis-tait aucun accord entre le salarié et l’employeur sur le recours au télétravail. En considération de ces éléments, elle en a exacte-ment déduit que le salarié ne pouvait se prévaloir de la législation relative au télétravail (Cass. soc. 17 févr. 2021, n° 19-13783).

Commentaire : Le salarié qui prend seul l’initiative de télétravailler, sans avoir obtenu l’accord préalable de son employeur, ne peut pas être remboursé des frais professionnels qu’il a engagés.

Les textes applicables s’apprécient au moment des faits : dans cette affaire, la Cour de cassation devait statuer sur des faits antérieurs au 26 novembre 2020, date de la signature d’un accord national interprofes-sionnel (ANI) entre patronat et syndicats (hormis la CGT). Dans la mesure où les textes conventionnels étaient différents avant le 26 novembre 2020, les juges devaient s’y référer. L’ANI du 19 juillet 2005 était donc la référence dans cette affaire ainsi que les textes légaux alors en vigueur.

L’accord de l’employeur est nécessaire pour télétravailler : le télé-travail n’est pas un droit pour le salarié puisque l’accord de l’employeur est nécessaire. Le télétravail repose sur la double volonté d’y accéder, du salarié et de l’employeur.

Un accord d’entreprise ou une charte doit prévoir les modalités d’ac-ceptation du salarié. À l’époque des faits, s’il n’existait ni accord ni charte,

l’employeur et le salarié devaient formaliser le télétravail par un avenant au contrat de travail (art. 2 de l’ANI du 19 juillet 2005 et art. L. 1222-9 du Code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017).

Un télétravail improvisé par le salarié : contrôleur à l’Urssaf, le sala-rié disposait d’un bureau partagé avec d’autres salariés. Il ne pouvait pas y laisser ses dossiers et avait donc pris l’initiative de les ramener à son domicile, sans obtenir l’accord préalable de son employeur. Il existait bien un accord sur le télétravail dans l’entreprise, mais ce dernier ne s’appli-quait pas à son poste. En l’absence d’avenant à son contrat de travail, le salarié s’était alors placé dans « l’illégalité ».

Le remboursement des frais liés au télétravail n’est pas auto­matique : selon l’article 7 de l’ANI du 19 juillet 2005, l’employeur prend en charge les coûts directement engendrés par le télétravail, en par-ticulier ceux liés aux communications. Mais ce n’est pas le cas si le télé travail n’est pas expressément accepté par l’employeur, nous dit la Cour de cassation.

Si les faits de l’affaire s’étaient déroulés sous l’empire de l’ANI du 26 novembre 2020, la position de la Cour de cassation aurait probable-ment pris une autre tournure :

- l’avenant au contrat de travail n’est plus obligatoire ; l’accord des parties s’effectue désormais par tout moyen (art. L. 1222-9 du C. trav, et art. 2 ANI du 26 nov. 2020). Le salarié ne se serait ainsi pas trouvé en situation délicate car l’absence d’avenant ne signifie plus forcément absence d’accord de l’employeur.

- le remboursement des frais professionnels n’est possible que si l’employeur a accepté par avance la dépense réalisée (art. 3.1.5 ANI du 26 nov. 2020). Ainsi, le problème ne serait pas de savoir si le salarié est autorisé à télétravailler, mais surtout si le salarié a été autorisé à réaliser la dépense. Cette conception des choses méconnaît la réalité des difficultés que rencontrent chaque jour les salariés en télétravaillant.

Lutter pour obtenir le remboursement des frais : exécution déloyale du contrat de travail. La jurisprudence liée à l’exécution loyale par l’employeur du contrat de travail pourrait être invoquée dans ces circonstances. Il serait sans doute possible d’obtenir le remboursement des frais professionnels sur le terrain de la bonne foi/mauvaise foi de l’employeur (art. L. 1222-1 du C. trav.). D’autant que les juges rap-pellent régulièrement le principe selon lequel « les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’inté-rêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier » (Cass. soc. 9 sept. 2013, n° 12-15137). Si une clause du contrat de travail prévoit le contraire, cette dernière est réputée non écrite (Cass. soc. 27 mars 2019, n° 17-31116). Cette solution est à notre avis transposable au cas du salarié en télétravail. E.S.

Page 6: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

ACTUALITÉ JURIDIQUE

186186 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

Contrat à durée déterminée et de travail temporaireRequalification

052 Salarié intérimaire – Équipements de protection individuelle – Nullité de la clause les mettant à la

charge de l’intérimaire – Pas de requalification en CDILes dispositions de l’article L. 1251-23 du Code du travail

relatives à la charge financière des équipements de protec-tion individuelle n’entrent pas dans les prescriptions qui, en application de l’article L. 1251-16, ont pour objet de garantir les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite et dont la violation implique la requalification en contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc. 17 fév. 2021, n° 19-14812).

Commentaire : Comme tout salarié, le travailleur temporaire a droit au respect de sa santé et de sa sécurité au travail. Selon le principe d’égalité de traitement, il bénéficie des mêmes droits que les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. Il en est ainsi concernant les équipements de protection individuelle (EPI), tels que casque, bleu de travail et chaussures de sécurité, qui ne peuvent en aucun cas être à la charge financière du salarié intérimaire, comme nous le rappelle cet arrêt.

• Sont à la charge de l’entreprise casque, bleu de travail et chaussures de sécurité. L’entreprise de travail temporaire, dont l’intérimaire est salarié, et l’entreprise utilisatrice, dans laquelle il effectue sa mission, sont responsables solidairement pour la prévention des risques professionnels et la sécurité des salariés intérimaires. Lorsque des équipements de protection individuelle sont nécessaires à la réalisation de la mission en toute sécurité, l’entreprise utili-satrice doit le préciser et les fournir, sauf concernant certains équipements personnalisés, tels casques et chaussures, qui peuvent être à la charge de l’entreprise de travail temporaire. Ces indications doivent être précisées dans le contrat de mise à disposition signé entre l’entreprise utilisatrice et celle de travail temporaire (art. L. 1251-43 du C. trav., 5°).

• La clause imposant la charge des équipements au salarié inté­rimaire est illicite. Le Code du travail indique explicitement que « les salariés temporaires ne doivent pas supporter la charge financière des équipements de protection individuelle » (art. L. 1251-23 du C. trav.). Ceci n’empêche pas certaines entreprises de travail temporaire de pratiquer en toute illégalité des retenues sur salaires aux intérimaires pour leur faire payer les casques et les chaussures de sécurité fournis. Dans l’affaire pré-sente, la société Kobaltt Sud-Est avait jugé bon d’ajouter dans le contrat de travail une clause stipulant que les chaussures de sécurité, casque et bleu de travail étaient fournis par le salarié intérimaire. La Cour de cassa-tion juge évidemment que cette clause illicite est nulle.

• Droit à des dommages­intérêts mais pas à la requalification en CDI. Ne pas fournir les équipements de protection individuelle ouvre droit à des dommages-intérêts pour le salarié intérimaire pour manquement aux équipements de sécurité. L’entreprise de travail temporaire tout comme l’entreprise utilisatrice sont tenues, à l’égard des salariés intérimaires, d’une obligation de sécurité dont elles doivent assurer l’effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques (Cass. soc. 30 nov. 2010, n° 08-70.390).

Cependant, si le manquement à cette obligation de sécurité ouvre droit à des dommages-intérêts pour le salarié intérimaire, il ne lui permet pas d’obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée (CDI). En effet, la Cour de cassation juge ici que les dispositions relatives à la charge financière des équipements de protection individuelle n’entrent pas dans les prescriptions dont la violation implique la requalification du contrat de mission en CDI. Et pourtant, ces prescriptions, définies à l’article L. 1251-16 du Code du travail, implique bien la reproduction des clauses du contrat de mise à disposition énumérées à l’article L. 1251-43 du Code du travail et notamment son 5° : « La nature des équipements de protection individuelle que le salarié utilise. Il précise, le cas échéant, si ceux-ci sont fournis par l’entreprise de travail temporaire. » Mais, il n’est pas question ici de la charge financière des EPI. Certains diront que la Cour chipote eu égard aux enjeux de préservation de la sécurité des tra-vailleurs intérimaires… C.B.

Discipline dans l’entrepriseRèglement intérieur

053 Seuil d’effectif – Preuve à la charge de l’employeur – Annulation des sanctions

disciplinairesUne sanction disciplinaire autre que le licenciement ne

peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur. Il appartient à l’em-ployeur, en cas de litige, de faire la preuve que le seuil d’effectif de l’entreprise était, au jour du prononcé de la sanction, habi-tuellement resté inférieur pendant plus de six mois, à celui imposant la mise en place du règlement intérieur (Cass. soc. 6 janv. 2021, n° 19-14440).

Commentaire : Dans cette affaire, un salarié demandait l’annulation d’une mise à pied disciplinaire et de deux avertissements en s’appuyant sur l’absence de règlement intérieur prévoyant de telles sanctions alors même que l’entreprise comptait au moins vingt salariés. Attention, l’article L. 1311-2 du Code du travail qui prescrit l’établissement d’un règle-ment intérieur dans les entreprises a été modifié depuis les faits. Dans cette affaire, le règlement intérieur était obligatoire dans les entreprises employant habituellement au moins 20 salariés pendant six mois consé-cutifs. Depuis le 1er janvier 2020, il est obligatoire dans les entreprises employant au moins 50 salariés pendant douze mois consécutifs. La Cour de cassation pose ici une règle qui s’applique dans tous les cas : c’est à l’employeur de prouver que l’effectif de l’entreprise était inférieur au seuil rendant obligatoire l’établissement d’un règlement intérieur. Si l’employeur ne peut le prouver, alors il ne peut prononcer aucune sanc-tion disciplinaire autre que le licenciement. En effet, l’absence de règle-ment intérieur, lorsque l’entreprise a l’obligation de le mettre en place (aujourd’hui dans les entreprises d’au moins cinquante  salariés), prive l’employeur de latitude en matière disciplinaire, en dehors du licencie-ment (Cass. soc. 23 mars 2017, n° 15-23090). La charge de la preuve de l’effectif de l’entreprise pèse sur l’employeur et non sur le salarié. En l’espèce, l’employeur ne faisant pas la preuve de l’effectif de l’entreprise, les sanctions disciplinaires à l’encontre du salarié ont été annulées. C.B.

Page 7: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

ACTUALITÉ JURIDIQUE

187187 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

Sanctions disciplinaires

054 Rétrogradation disciplinaire – Modification du contrat de travail – Refus du salarié –

Licenciement pour faute graveUne modification du contrat de travail ne pouvant être

imposée au salarié, l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disci-plinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licencie-ment pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée (Cass. soc. 10 fév. 2021, n° 19-20918).

Commentaire : Dans cette affaire, un chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire avait été sanctionné par une rétrogradation au poste d’employé d’exploitation, de qualification et de rémunération inférieure. La rétrograda-tion disciplinaire est une sanction qui peut être refusée par le salarié dans la mesure où elle entraîne la modification de son contrat de travail. Mais, comme le rappelle ici la Cour de cassation, l’employeur peut alors prononcer une autre sanction et celle-ci peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave si les faits à l’origine de la rétrogradation le justifient (Cass. soc. 11 fév. 2009, n° 06-45897). Le raisonnement de la cour d’appel – dès lors que l’employeur avait d’abord proposé un changement de poste, il ne pouvait plus invoquer la faute grave, qui implique que le maintien du salarié dans l’entreprise est impossible – est censuré par la Cour de cassation. C.B.

Instances représentatives du personnelComité de groupe

055 Accord antérieur à la mise en place du CSE – Conditions de survie de l’accord

Restent applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 9, VII de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. Lorsqu’une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d’entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d’y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en œuvre de cette clause (Cass. soc. 27 janv. 2021, n° 19-24400).

Commentaire : Lors de la fusion des institutions représentatives du personnel au sein du comité social et économique (CSE), le législateur a prévu que les stipulations conventionnelles relatives au comité d’entreprise, aux délégués du personnel, au CHSCT et à la délégation unique du person-nel cessaient de produire leurs effets à compter du premier tour des élec-tions du CSE (art. 9, VII de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 sept. 2017). Les organisations syndicales doivent ainsi négocier un nouvel accord pour que ces dispositions devenues caduques puissent continuer de s’appliquer en étant adaptées à l’instance unique.

Dans l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation précise que les accords collectifs relatifs au comité de groupe ne sont pas concernés et

peuvent continuer à s’appliquer. En effet, le comité de groupe est une ins-tance qui n’a pas disparu avec la mise en place du CSE. Ainsi, les accords relatifs au comité de groupe antérieurs à la mise en place du CSE conti-nuent de s’appliquer quand bien même ils font référence aux anciennes instances de représentation du personnel. Il suffit alors de remplacer les termes « comité d’entreprise » ou « délégués du personnel » ou « CHSCT » ou « délégation unique du personnel » par celui de « comité social et éco-nomique ». Une condition est toutefois posée : il faut que ce changement de vocabulaire permette de poursuivre l’application de l’accord sans nécessiter d’autre modification. À cette condition, l’accord perdure.

La Cour de cassation poursuit ainsi la construction de sa jurisprudence relative aux effets de la mise en place du CSE sur les accords concernant les institutions représentatives du personnel. Elle avait en effet déjà jugé que les accords reconnaissant l’existence d’une unité économique et sociale (UES) demeuraient applicables, excepté leurs stipulations fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts qui devenaient caduques lors de la mise en place du CSE et devaient être renégociées selon les prévisions de l’article L. 2313-8 du Code du travail (Cass. soc. 25 mars 2020, n °18-18401). C.B.

Mesures de prévention des risques professionnelsÉquipements de travail et de protection

056 Entretien des vêtements de travail – Prise en charge par l’employeur – Obligation de

sécurité de l’employeur – Ordre public – Nullité des clauses conventionnelles contraires

Les dispositions d’un accord collectif qui autorisent l’em-ployeur à ne pas assurer directement l’entretien de la tenue de travail des ambulanciers, en leur allouant une indemnité, sont contraires à l’obligation de l’employeur de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l’exposition aux agents biologiques et, à ce titre, d’assurer lui-même l’entretien et le nettoyage des tenues professionnelles (Cass. soc. 23 sept. 2020, n° 18-23474).

Commentaire : Les salariés peuvent être contraints de porter des vêtements de travail que ce soit pour des raisons de santé et de sécurité ou de stratégie commerciale de l’entreprise. Dans les deux cas, l’employeur est tenu non seulement de fournir gratuitement aux salariés leur tenue professionnelle, mais également de prendre en charge son entretien :

• Concernant les vêtements professionnels portés pour des mesures de santé et de sécurité au travail, le Code du travail pose le principe selon lequel celles-ci « ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (art. L. 4122-2). En conséquence, les équipements de protec-tion individuelle et les vêtements de travail appropriés doivent être fournis gratuitement par l’employeur qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires (art. R. 4323-95 du C. trav.).

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ACTUALITÉ JURIDIQUE

188188 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

• Concernant les tenues de travail imposées pour d’autres rai­sons, par exemple pour les relations avec la clientèle, la jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises que l’employeur est tenu de fournir et d’as-surer leur entretien car « les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle, et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être supportés par ce dernier » (Cass. soc. 21 mai 2008, n° 06-44044).

Si l’employeur ne prend pas en charge directement l’entretien des tenues de travail, il doit donc allouer une indemnité aux salariés (Cass. soc. 14 fév. 2018, n° 16-25563). Mais, dans certains cas, l’employeur ne peut déléguer l’entretien des tenues de travail au salarié. L’exposition à certains risques, chimiques ou biologiques, par exemple, impose à l’employeur de prendre en charge lui-même l’entretien des vêtements de travail. Si le salarié devait s’en occuper lui-même, cela ferait courir le risque que l’en-tretien soit mal ou pas effectué et pourrait mettre en danger le salarié et sa famille, en ramenant la tenue à la maison – la responsabilité d’une entre-prise a été reconnue dans la pathologie développée par l’épouse d’un ouvrier exposé à l’amiante à l’occasion du nettoyage de ses vêtements de travail (Appel Aix-en-Provence Ch. 10, 6 nov. 2013, n° 12/02246). Dans ces cas, l’entretien des vêtements de travail ne peut être transféré au salarié, y compris en échange d’une indemnité, car cela apparaît contraire à l’obligation légale de sécurité de l’employeur.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’obligation de sécu-rité de l’employeur ne se négocie pas. Elle ne peut faire l’objet d’aucun aménagement par accord collectif. En l’espèce, la Cour a annulé la clause d’un accord de branche du transport sanitaire qui autorisait l’employeur à ne pas assurer directement l’entretien de la tenue professionnelle des ambulanciers en leur allouant une indemnité. Or, comme il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes contaminent les tenues de travail des ambulanciers, l’employeur était dans l’obligation de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l’exposition aux agents biologiques. Il devait donc assurer lui-même l’entretien et le nettoyage des tenues professionnelles (art. L. 4121-2, R. 4422-1 et R. 4424-5 du C. trav.).

Cette jurisprudence est l’occasion de rappeler que le principe de faveur n’est pas mort. En effet, les dispositions du Code du travail rela-tives à la protection de la santé et de la sécurité relèvent de l’ordre public et assurent l’effectivité du droit fondamental à la santé des travailleurs (Préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; Charte des droits fonda-mentaux de l’Union européenne, art. 31 ; Convention de l’OIT n° 155). Ainsi, en matière de santé et de sécurité au travail, le principe de faveur continue de s’appliquer et une convention ou un accord collectifs ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public, sauf à comporter des dispositions plus favorables aux salariés que les dis-positions légales en vigueur (art. L 2251-1 du C. trav.). Un accord collectif, même signé par des organisations patronales et syndicales majoritaires, ne peut donc pas réduire les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. C.B.

À savoir. Le Covid-19 a été reconnu comme un agent biologique patho-gène de groupe 3, c’est-à-dire pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs (art. R 4421-3 du C. trav. et arrêté du 18 déc. 2020 relatif à la classification du coronavi-rus SARS-CoV-2 dans la liste des agents biologiques pathogènes).

Accidents du travail et maladies professionnellesAccident du travail

057 Dépression après une altercation avec un supérieur – Salarié à l’origine de l’altercation – Cause

insuffisante pour écarter la qualification d’accident du travailEst considéré comme un accident du travail, quelle qu’en

soit la cause, l’accident survenu, par le fait ou à l’occasion du travail. L’accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire. La preuve contraire s’entend de la preuve d’une cause totalement étrangère du travail. Que l’agent soit exclusivement à l’origine du différend l’ayant opposé à son responsable ne permet pas d’établir que l’acci-dent, survenu au temps et au lieu du travail de la victime, avait une cause totalement étrangère au travail (Cass. soc. 28 janv. 2021, n° 19-25722).

Commentaire : Selon l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale, doit être considéré comme un accident du travail celui survenu par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause. Autrement dit, tout accident, ou lésion, survenu sur le lieu et dans le temps de travail, à condition que la matérialité des faits soit établie, est présumé avoir une cause professionnelle et doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle. En général, lorsque le salarié agit sous la subordination de l’employeur, la présomption s’applique. Il s’agit d’une présomption simple, elle peut donc être renversée, et l’accident requalifié en un accident de droit commun. Pour cela, l’employeur ou la caisse primaire d’assurance maladie doivent prouver que la victime se livrait à une activité étrangère au travail lors de l’accident ou que la lésion dont elle est atteinte relève d’un état pathologique préexistant à l’accident.

Dans cette affaire, un agent de la RATP déclare être victime d’un accident du travail après une altercation avec un responsable de l’entreprise, à pro-pos de son casier d’habillement. Le salarié soutient présenter un syndrome anxiodépressif à la suite de cet événement. La Caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la RATP a pourtant refusé la prise en charge au titre d’un accident du travail, car l’incident n’est, selon elle, pas imputable au travail. La cour d’appel valide la décision de la CCAS. Même si elle reconnaît la matérialité des faits (l’incident a eu lieu au travail), seul le salarié était à l’origine du différend avec son responsable. Les propos du supérieur n’avaient pas de caractère outrageant ou menaçant qui aurait pu choquer la victime psychologiquement. La cour évoque aussi l’existence d’antécédents dépres-sifs chez le salarié. Ces éléments écarteraient donc la qualification d’accident du travail. Mais, selon la Cour de cassation, pour l’écarter, il faut apporter « la preuve d’une cause totalement étrangère au travail ». Le fait que le salarié soit à l’origine du différend avec son responsable ne suffit pas à prouver qu’il n’existe aucun lien entre l’activité professionnelle et les lésions. Il en est de même pour les antécédents psychologiques du salarié. La qualification d’acci-dent du travail aurait donc dû être reconnue au profit du salarié. M. A.

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189 no  914 | juin 2021

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

Cl. Fasc. 2. Annule et remplace RPDS 2010, nos 781 (p. 155 à 172) et 783 (p. 239 à 246)

« Mon employeur veut modifier mon contrat, il a le droit de faire ça ? ! » Voici une question apparemment simple à laquelle représentants du personnel et avocats sont souvent confrontés… Face à l’inquiétude légitime du salarié, confronté à une situation concrète bien souvent angoissante, l’on aimerait pouvoir répondre à la question par un « oui » ou un « non » clair, net et précis.

Néanmoins, la réalité juridique est plus complexe, et le droit nous impose un large détour par de nombreuses et subtiles distinctions, avant de pouvoir formuler une réponse qui se devra, la plupart du temps, de rester circonspecte et prudente…

En outre, les dernières évolutions législatives et jurisprudentielles tendent à saper de plus en plus le bastion défensif des salariés. Si le principe reste celui d’une interdiction de la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur, en pratique, il est parfois bien difficile pour le salarié de s’opposer à ladite modification. En effet, les conséquences du refus s’avèrent parfois pires que celles de la modification du contrat. Il est donc très important de bien peser tous les paramètres avant de prendre une décision.

Confronté à une situation d’évolution de la relation de travail, on devra ainsi tenter de répondre aux questions suivantes : le salarié doit-il accepter l’évolution à laquelle il est confronté ou, au contraire, s’y opposer ? Un refus est-il possible ? Un refus est-il souhaitable ?

Lorsque le dossier arrive au stade du contentieux, la question sera a posteriori de savoir si la rupture consécutive au refus du salarié peut être utilement contestée, ce qui nécessitera de répondre à l’interrogation fondamentale : le refus du salarié était-il légitime ?

Pour répondre très concrètement à ces problématiques, il nous faut dans un premier temps bien comprendre le régime juridique applicable, qui repose sur une subtile distinction d’origine jurisprudentielle entre modification du contrat de travail et simple changement des conditions de travail (partie 1). Il sera ensuite nécessaire d’examiner à laquelle de ces deux catégories appartient le cas d’espèce auquel on est confronté, afin de déterminer si un refus est juridiquement envisageable et légitime (partie 2). Enfin, se posera la question de la mise en œuvre concrète de l’acceptation ou du refus de l’évolution proposée (partie 3).

* Avocates au barreau de Paris.

áSachez-le vite !

Lorsque l’employeur veut modifier un élément de la relation de travail, tantôt cela s’impose au salarié, tantôt ce dernier a la faculté de refuser le changement proposé.

Pour savoir si le salarié peut s’y op poser, il faut déterminer si le cas relève d’une véritable modification du contrat de travail, qui requiert alors l’accord du salarié, ou d’un simple changement des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur.

Le plus souvent, l’accord du salarié sera requis si l’employeur entend toucher au salaire, à la qualification, à la durée du travail, ou à une autre clause contractuelle expressément négociée entre les parties.

La modification du contrat ne peut être réalisée que dans le respect d’une certaine procédure.

Le salarié qui refuse une modification de son contrat peut être licencié. Toutefois, pour ce faire, l’employeur doit fonder sa décision sur une cause réelle et sérieuse extérieure au seul refus du salarié, sauf exception prévue par la loi.

La modification du contrat de travailPar Charlotte Hodez et Marjolaine Paradis*

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DOSSIER

190190

1 COMPRENDRE : LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAILLe principe régissant la modification du contrat de

travail est que le contrat de travail ne peut être modifié qu’avec l’accord des deux parties, tandis que l’employeur conserve le pouvoir de faire évoluer unilatéralement les conditions de travail du salarié sans que ce dernier ne puisse s’y opposer. Cependant, comme tout principe, celui-ci connaît un certain nombre d’exceptions.

A - Principe de l’interdiction d’une modification unilatérale du contrat de travailLe contrat de travail est à la fois « contrat » et « de

travail ». Cette assertion, qui peut paraître évidente, sim-pliste, voire idiote, n’est pas sans conséquence sur un plan juridique. Car en tant que « contrat », le contrat de tra-vail relève avant tout, par nature, du droit commun des

contrats. Mais en tant que contrat « de travail », il s’inscrit dans une relation fondamentalement déséquilibrée : la rela-tion de travail salariée, qui implique un délicat équilibre entre consentement des parties et pouvoir de direction de l’employeur. Le contrat de travail revêt en conséquence une nature juridique particulière, qui a conduit la jurisprudence à lui construire un régime de modification spécifique.

a) Le contrat de travail, contrat de droit commun

1. Principe du consentement mutuelLe Code du travail nous indique : « Le contrat de travail

est soumis aux règles du droit commun. » (1). Par sa nature, le contrat de travail appartient ainsi, avant tout, au régime juridique du droit civil des contrats.

Le Code civil consacre un sous-titre complet au régime du contrat. Il s’agit des articles 1101 à 1231-7, qui dessinent le paysage du droit commun des contrats. Outre des règles techniques précises qui ne retiendront pas ici notre atten-tion, on y trouve à l’article 1103 le principe fondateur du régime contractuel français : « Les contrats légalement

(1) Art. L. 1221-1 du C. trav.

no  914 | juin 2021

LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL1. COMPRENDRE : LE RÉGIME JURIDIQUE

DE LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL 190A – Principe de l’interdiction d’une modification unilatérale

du contrat de travail 190a) Le contrat de travail, contrat de droit commun 190

1. Principe du consentement mutuel 1902. Limites à la liberté contractuelle 191

b) La modification du contrat de travail, un régime spécifique 1921. La difficile conciliation du régime contractuel et du lien

de subordination 1922. Construction jurisprudentielle d’un régime spécifique 192

B – Les exceptions au principe 193a) Modifications du contrat susceptibles de s’imposer 193

1. Modifications imposées par l’effet de la loi 1932. Modifications imposées par l’effet de la négociation collective 194

b) Changements des conditions de travail susceptibles d’être refusés 1941. Ordre public et hiérarchie des normes 1942. Abus de droit et bonne foi contractuelle 195

2. ANALYSER : MODIFICATION DU CONTRAT OU CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL ? 197

A – Les éléments essentiels du contrat de travail 197a) Qualification 197

1. Qualification / tâches 1972. Qualification / responsabilités 198

b) Rémunération 1981. Seule la rémunération contractuelle est contractuelle 1982. Toute la rémunération contractuelle est contractuelle 199

c) Durée de travail 2001. Souplesse des horaires de travail 2002. Intangibilité de la durée du travail ? 203

d) Lieu de travail 2041. En l’absence de disposition contractuelle 2042. Clauses contractuelles relatives au lieu de travail 206

e) Lien de subordination 208

B – Autres éléments contractualisés 208

3. AGIR : MISE EN ŒUVRE DE LA MODIFICATION, ACCEPTATION OU REFUS DU SALARIÉ 209

A – Procédure de modification du contrat de travail 209a) Le droit commun du travail 209

1. L’employeur propose 2092. Le salarié dispose, après réflexion 209

b) Les procédures spécifiques 2101. Modification du contrat de travail pour un motif économique 2102. Accord de performance collective 211

B – Les conséquences du refus du salarié 213a) La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur 213

1. Cas d’un refus légitime d’une modification du contrat de travail 2132. Cas d’un refus illégitime 213

b) La continuation du contrat de travail 214

ENCADRÉS ä Cas des salariés élus ou mandatés 196

ä Changements d’horaires illicites 202

ä Modèle de lettre – Refus d’une modification du contrat de travail 210

ä Cas particulier du contrat à durée déterminée 213

SCHÉMAS ä Modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail,

quand le salarié peut-il le refuser ? 196

ä La procédure de modification du contrat de travail pour motif économique 211

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

191191 no  914 | juin 2021

formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Le contrat est la loi des parties. Ce qui confère à la volonté des cocon-tractants une puissance similaire à celle de la loi (quoique à moindre échelle).

Néanmoins, cette puissance est soumise à une condi-tion : la commune volonté des parties. Pour avoir force de loi, le contrat ne peut naître que du commun accord de deux ou plusieurs personnes. La réciproque logique en est qu’aucune des parties, prise individuellement, ne peut s’arroger la puissance normative née du contrat. D’où le principe selon lequel toute modification apportée au contrat doit absolument requérir l’accord de tous les cocontractants.

Le contrat est ainsi à la fois puissant et durable : ce qui y est inscrit s’impose à tous, et ne peut être modifié sans l’assentiment de tous. Cette règle est destinée à garantir la solidité des relations contractuelles : le vendeur ne pourra pas changer le prix de la chose au moment de la vente, l’ac-quéreur ne pourra pas refuser de payer le prix convenu.

Et le contrat de travail, dans tout ça ? Le contrat de tra-vail est bien un contrat au sens du Code civil, puisqu’il naît d’un accord de volontés entre deux personnes (le salarié et l’employeur) et fait naître pour celles-ci des obligations. Il est même « synallagmatique » : ce qui signifie que les deux parties s’engagent réciproquement l’une envers l’autre. Le salarié s’engage à accomplir un travail, et l’employeur à régler un salaire. Et il est conclu « à titre onéreux » : chaque partie en retire un avantage, en contrepartie de ce qu’elle fournit à l’autre. En échange de son travail, le salarié reçoit un salaire. En contrepartie du salaire versé, l’employeur bénéficie du travail fourni par le salarié.

Cette interdépendance des deux parties renforce encore la nécessité d’un commun accord des cocontractants sur les conditions essentielles de cette relation de travail.

Exemple :Le salarié embauché pour effectuer un travail de plombier à 25 € de l’heure ne pourra pas se voir imposer soudainement de deve-nir fleuriste pour 12 € de l’heure. De même, le grossiste qui aurait commandé 100 kg de carottes à bas prix ne pourrait pas se voir livrer des choux à prix d’or !

En ce sens, le contrat de travail obéit bien au régime général contractuel français. À cet égard, d’ailleurs, le droit met sur un pied d’égalité tous les cocontractants, et le salarié ne peut pas plus que l’employeur décider seul de la modification de son contrat de travail. Un salarié qui déciderait de son propre chef de modifier un élément contractuel (par exemple, notre plombier qui déciderait de son propre chef de vendre désormais des fleurs plutôt que des prestations de plomberie aux clients de l’entreprise) s’exposerait à un licenciement disciplinaire justifié.

Mais si, prise séparément, chaque partie ne peut pas imposer sa volonté à l’autre, ensemble, au contraire, les parties peuvent décider de modifier le contrat de travail, qui leur tient lieu de loi. Or, outre la puissance née de leur commun accord, le Code civil confère encore aux cocon-tractants la liberté : « Chacun est libre de contracter ou de ne

pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat. » (2)

Exemple :Si notre plombier est d’accord pour devenir fleuriste, le contrat peut être modifié sans problème. De même, si notre grossiste est d’accord, les parties disposent du pouvoir de changer les carottes en choux !

2. Limites à la liberté contractuelleAu nom de la liberté contractuelle, les parties peuvent-

elles convenir, d’un commun accord, que l’employeur pourra modifier unilatéralement tout ou partie du contrat de travail ?

À cette question, la jurisprudence répond fermement : « non ». Le contrat ne peut pas autodétruire sa propre base, qui repose sur le consentement libre et éclairé des deux par-ties. En conséquence, les parties ne peuvent pas convenir entre elles d’autoriser l’employeur à modifier unilatérale-ment le contrat de travail. Une telle clause est jugée nulle par la Cour de cassation (3). Ainsi, le salarié ne peut pas renoncer à son pouvoir de cocontractant et accepter de confier toute la puissance contractuelle à l’employeur. Le contrat de tra-vail est consensuel par nature, et ne peut échapper à la règle du consentement mutuel des parties. Toutefois, s’il n’est pas possible d’autoriser par avance l’employeur à modifier uni-latéralement le contrat de travail, il n’est pas impossible de prévoir qu’un élément du contrat pourra varier en fonction d’éléments objectifs préalablement définis. Ainsi, il peut être inséré dans le contrat une clause de variation de la rémuné-ration, « dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indé-pendants de la volonté de l’employeur, ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rému-nération en dessous des minima légaux et conventionnels .» (4) De même, s’il est possible de prévoir une clause de mobilité, cette dernière ne peut pas être évolutive. Le salarié doit savoir précisément ce à quoi il consent. Ainsi, le contrat de travail peut prévoir que le lieu de travail pourra être déplacé au sein d’un périmètre géographique défini (certaines villes, un département, une région, un pays). Mais le contrat ne peut pas prévoir que l’employeur pourra modifier le lieu de travail « pour les besoins de l’entreprise » (5) ou muter le salarié « dans tout service de notre société » (6).

Ce qui est sanctionné par la Cour de cassation est le caractère potestatif que pourraient revêtir de telles clauses évolutives, c’est-à-dire le fait qu’elles reposent sur une volonté discrétionnaire de l’une des parties. L’une des parties ne peut accepter de s’en remettre à l’arbitraire de son cocontractant. D’autant que le salarié étant la « partie faible » du contrat de travail, son « consentement » à ce type de clause risquerait de n’être que tout relatif…

Par ailleurs, même par un consentement mutuel, libre et éclairé, les parties ne peuvent convenir de modifications

(2) Art. 1102 du Code civil.

(3) Cass. soc. 16 nov. 2018, no 17-11757.

(4) Cass. soc. 20 avril 2005, no 03-43734.

(5) Cass. soc. 28 avril 2011, no 09-42321.

(6) Cass. soc. 9 nov. 2011, no 10-10320.

Page 12: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

192192 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIEREn effet, il est très difficile de déterminer d’une façon objec-tive et absolue ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Ce qui l’est pour l’un, ne le sera peut-être pas pour l’autre…

2. Construction jurisprudentielle d’un régime spécifiquePour y remédier, la Cour de cassation a bâti, à partir

de 1996, un nouvel édifice jurisprudentiel. Désormais, on distingue la modification du contrat de travail du simple changement des conditions de travail (8).

Dès lors que l’évolution envisagée de la relation de tra-vail constitue une modification du contrat de travail, fût-elle minime – fût-elle, même, plus favorable au salarié ! – elle requiert l’accord exprès des deux parties. Le salarié peut ainsi légitimement s’y opposer, et ne peut en aucun cas se la voir imposer.

Il en va ainsi quand bien même la modification envi-sagée résulterait d’une sanction disciplinaire, comme une rétrogradation : l’accord du salarié est requis pour qu’elle puisse être mise en œuvre (9). Un salarié ne peut donc être rétrogradé contre son gré.

En revanche, si l’évolution envisagée ne ressort pas du champ contractuel stricto sensu, alors on considère qu’il s’agit d’un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur. Si catastro-phique que puisse être ce changement pour le salarié, ce dernier ne peut alors légalement s’y opposer.

Ce nouveau régime a présenté l’avantage d’une meil-leure sécurité juridique : dorénavant, les cocontractants sont censés savoir à quoi s’en tenir. Le champ contractuel est préservé, tandis que le pouvoir de direction de l’em-ployeur s’exerce pleinement en dehors de celui-ci.

Ainsi, bien que le contrat de travail soit présenté par le Code du travail comme un contrat de droit commun, force est de constater qu’il obéit en réalité, pour sa modifi-cation (mais également sur de nombreux autres aspects !), à un régime spécifique, construit essentiellement par la jurisprudence.

Je retiens :• Que toute modification du contrat de travail requiert

l’accord exprès des deux parties et peut donc être refusée par le salarié ;

• Que le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur et ne peut être refusé par le salarié.

Sur le papier, la distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de tra-vail paraît limpide, et devrait permettre d’apporter une réponse claire, nette et précise aux justiciables. Mais en pratique, ce n’est jamais aussi simple. Tout d’abord, surgit une nouvelle difficulté : la détermination de ce qui relève du contrat de travail et de ce qui n’en relève pas.

(8) Cass. soc. 10 juil. 1996, no 93-40966 ; cette jurisprudence a été élaborée notamment sous l’impulsion du doyen Philippe Waquet.

(9) Cass. soc. 16 juin 1998, no 95-45033 ; Cass. soc. 10 fév. 2021, no 19-20918.

qui seraient contraires à l’ordre public. Le contrat de travail demeure inscrit dans le système juridique français et doit, en conséquence, demeurer conforme aux lois d’ordre public, à la Constitution, et aux normes internationales liant la France.

Je retiens :• Que le contrat naît du consentement mutuel des parties ;• Que la modification du contrat nécessite en droit

commun l’accord des deux cocontractants ;• Que le salarié ne peut pas confier à l’employeur le pouvoir

de modifier unilatéralement le contrat de travail ;• Que dans tous les cas le contrat de travail doit continuer

à respecter l’ordre public et les normes supérieures de notre système juridique.

Ainsi, en tant que contrat de droit commun, le contrat de travail ne peut être modifié en principe qu’avec l’accord des deux parties, et dans le respect général de notre sys-tème juridique. Si l’on s’arrêtait là, la règle paraîtrait simple ! Mais toute la difficulté réside dans le caractère profondément déséquilibré de la relation de travail, qui nécessite de concilier le pouvoir et la liberté d’entreprendre de l’employeur, avec les règles du droit civil régissant la relation contractuelle.

b) La modification du contrat de travail, un régime spécifique

1. La difficile conciliation du régime contractuel et du lien de subordination

Si le contrat de travail relève par principe du droit com-mun, la relation de travail à durée indéterminée, en s’inscri-vant dans la durée, s’inscrit également dans une évolution de la vie de l’entreprise. Or, cette dernière est soumise aux fluctuations du contexte économique, aux mutations tech-nologiques, aux envies et projets du chef d’entreprise, aux aléas de la vie personnelle de chacun de ses membres… L’entreprise est en constante évolution, et se heurte ainsi parfois à l’impossibilité de modifier un contrat régi par la règle du consentement mutuel. L’interdiction d’une modi-fication unilatérale du contrat de travail est également en contradiction avec le profond déséquilibre qui régit la relation de travail : l’employeur, propriétaire ou gérant de l’entreprise a, en contrepartie, le pouvoir de donner des ordres et des directives au salarié, placé sous lien de subordination. Comment concilier ce pouvoir de direction de l’employeur-entrepreneur, avec les règles du droit civil plaçant les cocontractants sur un strict pied d’égalité ?

Pour résoudre cette difficile équation, pendant long-temps, la Cour de cassation a distingué selon l’importance de la modification que l’employeur entendait imposer au salarié. Tant que la modification n’était pas jugée « substan-tielle », l’employeur pouvait l’imposer unilatéralement (7). Or, le caractère « substantiel » ou non de la modification décidée est une appréciation largement empreinte de subjectivité…

(7) Cass. soc. 16 mai 1991, no 89-44485.

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193193 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

opposer (13). Il appartient alors au cessionnaire, s’il n’est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement. À défaut, le salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire du contrat, laquelle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (14).

Certes, on pourrait considérer qu’il ne s’agit pas là à proprement parler d’une modification du contrat de tra-vail, mais d’une novation. Il n’en reste pas moins qu’un élément essentiel de la relation contractuelle se trouve alors modifié sans qu’aucune des deux parties ne puisse s’y opposer. D’ailleurs, a contrario, si l’article L. 1224-1 n’a pas vocation à s’appliquer, tout changement d’employeur est considéré comme une modification du contrat de tra-vail que le salarié peut refuser (15).

Autres modifications. Dans certains cas, la loi met en place des mécanismes qui impliquent une modification du contrat . Par exemple :

ä salariés à temps partiel prioritaires pour passer à temps complet et inversement (16) ;

ä salariés à temps complet pouvant imposer un pas-sage à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation (17) ;

ä salariés déclarés inaptes à leur poste, ou en risque de licenciement économique, devant être reclassés même au prix d’une modification de leur qualification contractuelle (18).

Pour autant, le salarié ne peut se voir imposer la modi-fication de son contrat de travail dans ces différentes hypo-thèses. Le salarié dispose donc d’un « droit à la modifica-tion du contrat de travail » à sens unique.

Inversement, le mécanisme de l’activité partielle per-met à l’employeur de s’exonérer temporairement, en tout ou partie, des dispositions du contrat de travail relatives à la durée du travail et à la rémunération, sans que le salarié ne puisse s’y opposer (19).

En conséquence, il convient toujours de vérifier si la modification appliquée par l’employeur ne relève pas d’un régime juridique spécifique expressément prévu par la loi. En effet, un refus du salarié dans ce cas serait considéré comme illégitime et pourrait entraîner une sanction disci-plinaire pouvant aller jusqu’au licenciement…

(13) Cass. soc. 17 avril 2019, no 17-17880.

(14) Cass. soc. 30 mars 2010, no 08-44227.

(15) Cass. soc. 23 sept. 2009, no 07-44200.

(16) Art. L. 3123-3 du C. trav.

(17) Art. L. 1225-47 du C. trav.

(18) Art. L. 1226-2, L. 1226-10, L. 1233-4 du C. trav.

(19) Voir L. Milet, « Les régimes d’activité partielle », RPDS 2020, no 908, p. 399.

Par ailleurs, comme tout principe, ce dernier connaît des exceptions, dont le nombre ne cesse de croître au fil des années…

B - Les exceptions au principeAu fur et à mesure des évolutions législatives et juris-

prudentielles, un certain nombre d’exceptions se sont créées. Ainsi, certaines modifications du contrat de travail peuvent s’imposer aux parties, tandis que l’employeur ne pourra pas toujours mettre en place à sa guise un change-ment des conditions de travail .

a) Modifications du contrat susceptibles de s’imposerCertaines modifications du contrat de travail peuvent

être imposées aux parties par l’effet de la loi ou de la négo-ciation collective.

1. Modifications imposées par l’effet de la loiIl arrive tout d’abord qu’une évolution législative vienne

bouleverser les plans des parties. En effet, comme précé-demment évoqué, le contrat de travail demeure soumis à l’ordre public et aux normes internationales. Ainsi, par exemple, si le Smic augmente, l’employeur ne pourra pas verser au salarié une rémunération qui y serait inférieure et ce, quel qu’ait été l’accord des parties sur ce point. Il en irait de même en cas de modification de la durée légale du travail.

Modification dans la situation juridique de l’em-ployeur. En cas de modification dans la situation juridique de l’employeur (en cas de transfert d’une entité économique autonome d’une entreprise à une autre), l’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail est alors automatiquement transféré à la nouvelle entité juridique. En ce cas, les parties au contrat de travail se trouvent modi-fiées, puisque l’identité de l’employeur change (10).

Cette règle est d’ordre public ; elle s’impose aux employeurs comme aux salariés. Autrement dit :

ä le salarié ne peut pas considérer le changement d’employeur à la tête de l’entreprise comme une modifi-cation de son contrat de travail (11) ;

ä le contrat de travail doit être repris par le nouvel employeur avec ses clauses essentielles ; il ne peut pas imposer comme condition du transfert une modification dudit contrat (12) ;

ä si l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y

(10) Sur le transfert d’entreprise : B. Lardy-Pélissier, « Le transfert d’entreprise », Dr. ouv. 2012, no 398 ; M. Carles, « Le transfert d’entreprise », RPDS 2009, no 773 ; P. Morvan, Restructurations en droit social, 5e éd., Lexis-Nexis 2020 ; A. Mazeaud, Transferts d’entreprise : aspects individuels, Rép. Dalloz Droit du travail, oct. 2010 (actualisé oct. 2020).

(11) Cass. soc. 28 mai 1997, no 94-44644.

(12) Cass. soc. 14 janv. 2004, no 01-45126.

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DOSSIERdes accords de performance collective. L’article L. 2254-2 du Code du travail prévoit ainsi : « Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord de performance collective peut :– aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;– aménager la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1o du I de l’article L. 2253-1 ;– déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. […] ».

Il en résulte que les stipulations de l’accord se subs-tituent de plein droit aux clauses contraires et incompa-tibles du contrat de travail, y compris en matière de rému-nération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Ainsi, pour la première fois, un accord collectif peut « de plein droit » modifier les contrats de travail des salariés entrant dans son champ d’application.

S’agissant d’une modification du contrat de travail, le salarié conserve la faculté de s’y opposer mais il devra le faire expressément et dans un délai prédéterminé, et son refus constituera alors automatiquement un motif légitime de rupture de son contrat de travail à l’initiative de l’em-ployeur (voir p. 211).

Je retiens :• Que certaines modifications du contrat de travail peuvent

résulter de la loi ;• Que le salarié à temps complet ne peut s’opposer

à un aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine mis en place par accord collectif ;

• Que les accords de performance collective peuvent modifier les contrats de travail en matière de durée du travail, de rémunération et de mobilité géographique ou professionnelle.

La modification du contrat de travail du salarié peut ainsi parfois lui être imposée par la loi ou la convention collective, même si ce n’est pas toujours la terminologie employée par le Code du travail… À l’inverse, certaines évolutions constituant, en principe, de simples change-ments des conditions de travail ne peuvent être imposés par l’employeur.

b) Changements des conditions de travail susceptibles d’être refusés

1. Ordre public et hiérarchie des normesLe pouvoir de direction de l’employeur trouve tout

d’abord sa limite dans la hiérarchie des normes de notre système juridique.

Ainsi, l’employeur ne peut imposer au salarié des chan-gements qui seraient contraires à l’ordre public absolu. Sont ainsi prohibées toutes les mesures qui présente-raient un caractère discriminatoire, qui constitueraient

2. Modifications imposées par l’effet de la négociation collectiveEn principe, l’accord collectif, qu’il soit conclu au

niveau de l’entreprise, de la branche, ou interprofession-nel, ne peut pas modifier le contrat de travail des salariés concernés sans l’accord de ces derniers (20).

En contrepartie, les avantages instaurés par les accords collectifs ne s’incorporent pas aux contrats de tra-vail et peuvent donc être révisés ou supprimés au fil de la négociation collective. Lorsque l’accord collectif cesse de s’appliquer, les avantages qu’il instaurait cessent avec lui. À cet égard, il convient de souligner qu’il n’y a plus d’incor-poration au contrat de travail des « avantages individuels acquis » depuis les ordonnances dites « Macron » de sep-tembre 2017 (voir toutefois p. 198 sur le maintien de la rémunération).

Le champ de la négociation collective est ainsi bien dis-tinct de celui de la négociation individuelle prenant place dans le cadre du contrat de travail. La frontière, en prin-cipe, n’est pas poreuse.

Toutefois depuis quelques années, ce principe est grandement tempéré.

Le premier coup de canif a été porté par la loi du 22 mars 2012 (21). La jurisprudence considérait tradition-nellement qu’un accord d’aménagement du temps de tra-vail instaurant une annualisation ou une modulation du temps de travail constituait une modification du contrat de travail qui devait être soumise à l’acceptation des salariés concernés (22).

Le législateur est intervenu et a prévu que la mise en place par accord collectif d’un dispositif d’aménage-ment du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ne constituerait plus une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet. Le salarié placé dans cette situation ne peut donc plus s’y opposer. En revanche, la jurisprudence antérieure demeure d’actualité pour les salariés à temps partiel, pour lesquels la mise en place d’un aménagement du temps de travail nécessitera la signature d’un avenant au contrat de travail (23).

Cette exception prévue par l’article L. 3121-43 du Code du travail ne concerne que les accords opérant une répar-tition du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (« modulation » ou « annualisation »). En revanche, l’instauration d’un forfait en heures ou en jours constitue toujours une modification du contrat de travail requérant l’accord du salarié.

Par la suite, la loi du 14 juin 2013, la loi du 8 août 2016 et l’ordonnance no 2017-1385 du 22 septembre 2017 se sont engouffrées dans la brèche pour aboutir à un nouveau type d’accord collectif ayant, pour la première fois, expressé-ment le pouvoir de modifier les contrats de travail. Il s’agit

(20) Cass. soc. 25 févr. 2003, no 01-40588 ; Cass. soc. 14 mai 1998, no 96-43797.

(21) Loi no 2012-387 du 22 mars 2012, JO du 23, art. 45 ; art. L. 3121-43 du C. trav.

(22) Cass. soc. 28 mai 2010, no 08-43161.

(23) Cass. soc. 28 sept. 2011, no 10-19076.

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195195 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

le manquement de l’employeur à la bonne foi contractuelle peut permettre de caractériser l’abus de droit et, partant, la possibilité pour le salarié de refuser légitimement un changement de ses conditions de travail relevant en prin-cipe du pouvoir de direction de l’employeur (26).

Toutefois, il convient de souligner que la bonne foi contractuelle est présumée (27). Il incombe alors au salarié de rapporter la preuve de l’abus de l’employeur, notam-ment en démontrant que la décision a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise (28).

Tel pourra être le cas, notamment, lorsque les motifs invoqués par l’employeur ne sont pas réels, et si la décision prise est en réalité motivée par l’intention de nuire au sala-rié. L’abus de droit a ainsi été retenu :

ä pour un changement d’horaire à caractère discrimi-natoire, ne répondant ni aux nécessités d’organisation de l’entreprise ni à un quelconque motif légitime (29) ;

ä lorsque les motifs invoqués par l’employeur, pour justifier le changement d’horaire consistant à accorder un jour de congé un mercredi sur deux au lieu de tous les mercredis, ne sont pas réels et que sa décision a été prise dans le but de nuire au salarié qui, étant divorcé, avait la garde de ses deux enfants et souhaitait préser-ver son jour de repos chaque mercredi (30) ;

ä pour un changement de lieu de travail, alors que le sala-rié se trouvait dans l’impossibilité de se rendre sur place à l’heure prévue, en l’absence de transports en commun (31) ;

ä pour le changement de secteur d’une attachée com-merciale qui « était de nature à lui nuire, non seulement en raison du fait que les programmes de commercialisation dont elle devait être chargée dans son nouveau secteur étaient, à court terme, nettement moindres que ceux du secteur qui était jusqu’alors le sien, mais également parce qu’aucun programme n’était prévu à moyen et long terme, ce qui détruisait l’avenir professionnel de la salariée […] alors qu’il n’était pas justi-fié que la décision de l’employeur était dictée par l’intérêt de l’entreprise » (32) ;

ä lorsque la fermeture de site alléguée n’est pas établie (33) ;

ä lorsque la mise en œuvre de la clause de mobilité n’est justifiée par aucun motif objectif (34).

Par ailleurs, le changement dans les conditions de travail, mis en œuvre en vertu du pouvoir de direction de l’employeur, ne pourra pas conduire à imposer au salarié

(26) Cass. soc. 18 mai 1999, no 96-44315 ; Cass. soc. 10 mai 2006, no 05-42210.

(27) Cass. soc. 23 févr. 2005, no 04-45463.

(28) Cass. soc. 3 oct. 2007, no 06-45478 ; Cass. soc. 13 nov. 2008, no 06-45086..

(29) Cass. soc. 25 févr 2004, no 02-40020.

(30) Cass. soc. 12 mars 2002, no 99-46034.

(31) Cass. soc. 10 janv. 2001, no 98-46226.

(32) Cass. soc. 9 mai 1990, no 87-40261.

(33) Cass. soc. 21 janv. 2009, no 07-43070.

(34) Cass. soc. 23 janv. 2002, no 99-44845.

une infraction pénale, qui ne respecteraient pas les règles d’hygiène et de sécurité, etc.

De telles pratiques, qu’elles relèvent d’une modifica-tion du contrat de travail ou d’un simple changement des conditions de travail, peuvent légitimement être refusées par le salarié sans pouvoir justifier par la suite le licencie-ment de ce dernier.

Par ailleurs, le salarié est également protégé par l’ordre public social qui s’applique encore dans certains domaines du droit du travail : il n’est possible de déroger à certaines normes légales ou conventionnelles que dans un sens plus favorable au salarié. En conséquence, ni une modification du contrat de travail, ni le pouvoir de direc-tion de l’employeur, ne pourront déroger à ces normes au détriment du salarié. Dans tous les domaines relevant encore de l’ordre public social, l’employeur pourra donc être contraint, au besoin par une action en justice, de res-pecter la loi et la convention collective si les dispositions en sont plus avantageuses pour le salarié.

Le pouvoir de direction de l’employeur se heurte éga-lement aux normes supérieures comme la Constitution ou les normes internationales (notamment la Convention européenne des droits de l’homme). En effet, l’article L. 1121-1 du Code du travail dispose : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collec-tives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » La Cour de cassation en déduit que le changement des conditions de travail peut être légitimement refusé par le salarié s’il porte une atteinte excessive à un droit ou à une liberté fondamentale, et notamment au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale (24).

Cette jurisprudence relative aux droits et libertés fon-damentaux semble prendre la suite de la jurisprudence « classique » de la Cour de cassation concernant l’abus de droit, la loyauté et la bonne foi contractuelle.

2. Abus de droit et bonne foi contractuelleComme dans tout domaine du droit, le pouvoir de

direction de l’employeur trouve traditionnellement sa limite dans la notion d’abus : le salarié peut refuser un changement de ses conditions de travail si l’employeur abuse de son pouvoir de direction.

L’abus de droit (ou le détournement de pouvoir) de l’employeur peut se caractériser en premier lieu par la brutalité ou la précipitation d’un ordre. On en trouve des exemples en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre des clauses de mobilité, l’employeur devant respec-ter un délai de prévenance raisonnable pour permettre au salarié de s’organiser (25).

La notion d’abus est également associée à l’obligation pour l’employeur d’exécuter de bonne foi le contrat de tra-vail, obligation résultant de l’article 1104 du Code civil. Ainsi,

(24) Cass. soc. 8 nov. 2011, no 10-19339.

(25) Cass. soc. 16 févr. 1987, no 84-43047 ; Cass. soc. 3 juin 1997, no 94-43476 ; Cass. soc. 1er déc. 2004, no 03-40306.

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DOSSIER

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une modification du contrat de travail. Ainsi, « lorsqu’elle s’accompagne d’une modification de tout ou partie de la rému-nération du salarié, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle contraire, que le salarié l’accepte » (35). De même, « la limitation de la zone géo-graphique de prospection d’un commercial, qui est de nature à amoindrir son potentiel commercial et à influer par la suite sur le montant de la partie variable de sa rémunération, assise sur le “chiffre d’affaires généré” selon les termes du contrat, est constitutive d’une modification du contrat de travail, nécessi-tant l’accord du salarié » (36).

Le changement des conditions de travail ne doit pas servir de « cheval de Troie » pour dissimuler et imposer de façon indirecte la modification d’un élément contractuel de la relation de travail.

Je retiens :• Que la relation de travail doit dans tous les cas respecter les

normes d’ordre public ;• Que le principe de faveur continue de s’appliquer dans

certains domaines du droit du travail ;• Que l’employeur ne peut porter une atteinte excessive

aux droits des personnes et aux libertés individuelles des salariés, même sous couvert de son pouvoir de direction ;

• Que l’employeur ne doit pas commettre un abus dans la mise en œuvre de son pouvoir de direction ;

• Qu’un changement des conditions de travail ne peut pas être imposé s’il entraîne de façon corollaire une modification du contrat de travail ;

• Qu’aucun changement des conditions de travail ne peut être imposé unilatéralement à un salarié protégé (voir encadré ci-contre).

(35) Cass. soc. 14 oct. 2008, no 07-41454 ; Cass. soc. 15 déc. 2004, no 02-44714.

(36) Cass. soc. 10 avr. 2013, no 12-10193.

áCas des salariés élus ou mandatésAucun changement des conditions de travail ne peut être imposé unilatéralement à un salarié détenteur d’un mandat représentatif (salarié dit protégé) (1).

A fortiori, l’accord de ce dernier est requis pour une modification du contrat de travail. Dans les deux cas, si le salarié refuse, l’employeur devra donc choisir entre abandonner son projet ou engager une procé-dure de licenciement  (2). Dans cette seconde hypothèse, le chef d’en-treprise doit respecter la procédure particulière applicable aux salariés protégés et demander l’autorisation de l’inspecteur du travail (3).

Attention toutefois : le refus ne sera pas forcément considéré comme légitime et les juridictions administratives peuvent estimer que le refus constitue un motif valable de licenciement, y compris pour faute grave en cas de simple changement des conditions de travail (4).

La tentative de l’employeur de mettre en œuvre unilatéralement une modification du contrat de travail, ou un changement des conditions de travail du salarié protégé, est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite que le juge peut faire cesser en référé  (5), ou justifier une résiliation judiciaire, ou une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement nul s’agis-sant d’un salarié protégé (6).

(1) Cass. soc. 22 juin 2011, no 10-13820 ; Cass. soc. 23 sept. 1992, no 90-45106 pour une clause de mobilité ; Cass. soc. 19 févr. 1981, no 79-16700 pour une modification disciplinaire.(2) Cass. soc. 2 mai 2001, no 98-44624.(3) Pour des développements plus conséquents, voir M. Cohen et L. Milet, « Le droit des CSE et des CG », 16e éd., LGDJ 2021, no 1890.(4) CE, 22 juin 1990, no 88.608 ; CE, 16 févr. 1996, no 151.401 ; CE, 27 juin 1997, no 165.522 ; CE, 6 mai 1996, no 147.250.(5) Cass. soc. 9 févr. 2012, no 10-21829.(6) Cass. soc. 16 mars 2005, no 03-40251 ; Cass. soc. 15 févr. 2006, no 03-42510 ; Cass. soc. 25 janv. 2006, no 04-40789 ; Cass. soc. 5 juil. 2006, no 04-46009.

MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL OU CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL, QUAND LE SALARIÉ PEUT-IL LE REFUSER ?

Situation litigieuse

S’impose au salarié

Possibilité de refuser

Possibilité de refuser

S’impose au salarié

Relève d’une modification du contrat de travail

Relève du pouvoir de direction de l’employeur

Changement conforme au droit positif

Salarié protégé

Salarié non protégé

Possibilité de refuser

Modification prévue par la loi

Modification résultant de la volonté de l’employeur

ou d’un accord collectif

Changement abusif contraire à l’ordre public ou aux droits et libertés fondamentaux

Page 17: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

197197

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

no 914 | juin 2021

2 ANALYSER : MODIFICATION DU CONTRAT OU CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL ?Le régime de la modification du contrat de travail est

profondément structuré par la distinction entre modifica-tion contractuelle requérant l’accord du salarié, et simple changement des conditions de travail pouvant être imposé par l’employeur, même si on a pu voir qu’il existait des exceptions dans chacune de ces catégories. La deuxième étape est donc de parvenir à déterminer dans quelle caté-gorie se situe exactement le cas d’espèce auquel le prati-cien se trouve confronté.

La distinction s’avère beaucoup plus difficile à effec-tuer qu’on aurait pu le penser. En effet, le contrat de travail en tant que document rédigé (instrumentum) ne recouvre pas nécessairement le contenu contractuel de la relation entre les parties (negotium). Autrement dit, tout ce qui est écrit dans le contrat de travail n’est pas contractuel, et tout ce qui est contractuel n’est pas forcément écrit dans le contrat de travail…

En outre, la vie ne correspond pas toujours aux catégo-ries théoriques créées par le droit. Ce, d’autant plus, qu’il n’existe pas toujours un contrat de travail écrit entre les parties, et que l’on a parfois du mal à ranger une situation concrète dans une case juridique. En pratique, le praticien ou le militant du droit procèdera donc par élimination et la notion de « changement des conditions de travail » s’inscrira ainsi en creux par rapport à la modification du contrat. Si le changement proposé ne peut être rattaché à aucun élément contractuel de la relation de travail, alors c’est qu’il s’agit d’un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.

Mais quels sont précisément les éléments contrac-tuels de la relation de travail ? On peut en distinguer deux sortes : les éléments « essentiels » du contrat de travail , et ceux qui auront été contractualisés par l’effet de la com-mune volonté des parties.

A - Les éléments essentiels du contrat de travailLa doctrine distingue généralement quatre piliers

constituant le « socle », de la relation contractuelle : la qua-lification, la rémunération qui est intiment liée à la durée du travail , et dans une certaine mesure le lieu de travail . Nous y ajouterons le lien de subordination, qui se trouve au fondement même de la relation de travail salariée.

Si le principe est que ces quatre piliers ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié, en pratique de nouveau il faudra opérer de subtiles distinctions au sein de chaque catégorie pour définir ce qui relève réellement du socle contractuel et ce qui appartient au pouvoir de direction de l’employeur.

a) QualificationLa qualification correspond plus ou moins au poste

pour lequel le salarié a été embauché : secrétaire, comp-table, vendeur, directeur d’établissement… Dit comme cela, la notion semble évidente et recouvrirait presque celle de « métier ».

En réalité, il faut distinguer plusieurs notions qui ont tendance à se superposer sous le vocable de qualification :1. la qualification personnelle du salarié, ses compétences,

ses diplômes (le salarié est « qualifié » pour effectuer tel travail : par exemple, il a un diplôme de cuisinier) ;

2. l’intitulé du poste tel qu’indiqué dans le contrat (« cuisi-nier polyvalent », « équipier »…) ;

3. les tâches effectuées concrètement par le salarié (faire la vaisselle, préparer les entrées ou les desserts…) ;

4. la qualification au sens de la classification convention-nelle (plongeur, commis de cuisine, cuisinier, chef de partie, chef de cuisine).

Lorsque l’on dit que l’employeur ne peut modifier la qualification du salarié sans l’accord de ce dernier, de quelle qualification parle-t-on ?

S’agissant des qualifications personnelles du salarié, la Cour de cassation semble clairement exclure ce critère : ce n’est pas parce que le salarié a les compétences pour effec-tuer la nouvelle fonction envisagée que cela ne constitue pas une modification du contrat de travail (37). La bonne réponse semble être plutôt la réponse « 4. », si l’on tente de dégager un portrait global des arrêts rendus par la Cour de cassation au fil des années. Néanmoins, les contours de la notion ne sont pas si nets et les juges raisonnent en pra-tique en s’appuyant sur la technique du faisceau d’indices.

1. Qualification / tâchesLa Cour de cassation a précisé que « la circonstance que

la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant où elle correspond à sa qualifica-tion, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ».

Exemple :Une ouvrière agricole qui effectuait jusqu’alors la récolte des citrons peut être affectée à l’engainage des bananes sans que cela constitue une modification de son contrat de travail, puisque l’une comme l’autre de ces tâches relèvent bien de sa qualification d’ouvrière agricole (38). De même, une femme de ménage chargée de l’entretien des appartements de copropriétaires ne peut refuser d’être affectée au nettoyage des parties communes (39).

Ainsi donc, la notion de qualification contractuelle est plus large que les tâches effectuées par le salarié.

Néanmoins, pour apprécier la qualification contrac-tuelle, le juge devra se référer aux fonctions réellement exercées en dernier lieu par le salarié, même si le contrat de travail n’a pas été mis à jour ou comporte une mention

(37) Cass. soc. 6 juil. 2001, no 09-42557.

(38) Cass. soc. 10 mai 1999, no 96-45673 (arrêt connu sous l’appellation « citrons-bananes »).

(39) Cass. soc. 24 avr. 2001, no 98-44873.

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198198 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIERimprécise (40). La qualification ne se confond pas avec les tâches, mais les tâches effectuées en dernier lieu peuvent permettre de déduire la qualification.

L’adjonction de tâches nouvelles, de même, ne consti-tuera une modification du contrat de travail que si les nou-velles tâches ne correspondent pas à la qualification contrac-tuelle. Sinon, le refus du salarié constitue une faute, car l’adjonction de tâches, sans dénaturation de la fonction n’est qu’un changement des conditions de travail (41). Inversement, la suppression d’une tâche annexe ne constitue pas non plus en soi une modification du contrat de travail (42).

2. Qualification / responsabilitésSi la suppression de tâches aboutit à altérer les res-

ponsabilités du salarié, alors la modification du contrat de travail sera généralement retenue.

Il en est ainsi par exemple lorsque : ä la mutation du salarié a eu pour effet de lui faire

perdre la qualification de chef d’équipe (43) ; ä les nouvelles fonctions d’un consultant-manager le

placent à un niveau hiérarchique moins élevé, de sorte qu’il se trouve dépassé, voire commandé par des salariés dont il était auparavant l’égal (44) ;

ä un salarié engagé comme médecin « soignant », se voit proposer des fonctions au sein d’un service admi-nistratif ne comportant plus de suivi thérapeutique (45).

Ainsi, la perte de responsabilités, le « déclasse-ment » (46), même temporaire (47), constitue une modifica-tion du contrat de travail en ce qu’elle porte atteinte à la qualification (au sens de classification) du salarié.

En revanche, la seule création d’un échelon hiérar-chique intermédiaire au-dessus du salarié ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail, si la qualifica-tion et les responsabilités du salarié ne sont pas altérées (48).

L’atteinte à la qualification est également retenue dans le cas d’une rétrogradation pour motif disciplinaire : cette sanction ne pourra être mise en œuvre qu’avec l’accord du salarié car elle constitue une modification du contrat de travail (49). Le critère le plus fiable reste donc globalement

(40) Cass. soc. 5 mars 2006, no 04-42070 : une salariée promue chef d’équipe ne peut être réaffectée au poste de simple ouvrière pour lequel elle avait été engagée ; de même pour une salariée embauchée comme secrétaire administrative exerçant depuis des fonctions de responsable du personnel : Cass. soc. 22 sept. 2010 no 09-40929 ; voir encore Cass. soc. 17 janv. 2006, no 04-43228 ; Cass. soc. 8 mars 2006, no 04-43862.

(41) Cass. soc. 10 oct. 2000, no 98-41358.

(42) Cass. soc. 16 mars 2011, no 08-42671 ; Cass. Ass. plén., 6 janv. 2012, no 10-14688.

(43) Cass. soc. 17 mars 1994, no 90-42457.

(44) Cass. soc. 16 mai 2007, no 06-40868.

(45) Cass. soc. 26 sept. 2018, no 17-10192.

(46) Cass. soc. 31 oct. 1996, no 93-46365.

(47) Cass. soc. 23 janv. 2019, no 17-27200.

(48) Cass. soc. 12 mai 2010, no 09-41008 ; Cass. soc. 10 juin 1996, no 93-40966 ; Cass. soc. 5 mai 2009, no 07-44898 ; Cass. soc. 6 févr. 2008, no 06-45863.

(49) Cass. soc. 16 juin 1998, no 95-45033.

celui de la classification conventionnelle, de l’emploi-repère, de la fiche de poste théorique du salarié. Toutefois, il faut prendre garde aux classifications conventionnelles trop larges : par exemple, la qualification « d’ingénieur » ne permet pas de faire effectuer du développement web à un « ingénieur qualification » (50).

Je retiens• Que la modification de la qualification contractuelle est une

modification du contrat de travail ;• Que le juge n’est pas lié par l’intitulé de poste figurant sur le

contrat de travail ;• Que le changement de tâches n’est pas en soi une

modification de la qualification contractuelle ;• Que le retrait de responsabilités (déclassement) est

généralement retenu comme portant atteinte à la qualification contractuelle ;

• Que les qualifications personnelles du salarié sont indifférentes pour apprécier s’il y a modification de la qualification contractuelle ;

• Que l’on peut se référer le plus souvent à la classification conventionnelle, sauf si elle est trop large.

b) RémunérationLe salaire est par nature l’élément essentiel du contrat

de travail. Il fait vivre le salarié. La rémunération contrac-tuelle ne peut en conséquence être modifiée sans l’accord du salarié (51).

Mais encore une fois se pose une question de définition : qu’est-ce que la rémunération contractuelle ? Toute rému-nération est-elle contractuelle ? Qu’est-ce qui est garanti : le taux horaire, le montant global, le mode de calcul ?

1. Seule la rémunération contractuelle est contractuelleTout d’abord, il convient de préciser que seule la rému-

nération découlant du contrat de travail est contractuelle (52). Autrement dit, la rémunération découlant d’un accord col-lectif ou d’un usage ne fait pas partie du contrat de travail et n’est donc pas protégée à ce titre. Ainsi, les primes fondées sur des accords collectifs ou des usages ne font pas partie du salaire contractuel, sauf lorsque le contrat l’a expressément prévu. Dès lors que leurs supports juridiques, conventions ou accords collectifs ou usages sont régulièrement dénoncés ou modifiés, la prime disparaît ou est modifiée, sans que le salarié ne puisse refuser la modification.

Exemples :• lorsque la structure de la rémunération résulte de la conven-

tion collective et d’accord d’entreprise, le changement de la structure salariale résultant de la conclusion d’un accord de substitution s’impose aux salariés sans que ceux-ci puissent se prévaloir d’une modification de leurs contrats de travail dans la

(50) Cass. soc. 5 mars 2014 no 12-29242.

(51) Cass. soc. 3 mars 1998, no 95-43274 ; Cass. soc. 9 déc. 1998, no 96-44789 ; Cass. soc. 30 mai 2000, no 97-45068 et no 98-44016.

(52) Cass. soc. 19 mai 1998, no 96-41573 ; Cass. soc. 26 oct. 2011, no 09-72351 ; Cass. soc. 23 mai 2013, no 11-26754 ; Cass. soc. 13 févr. 2013 no 11-28565.

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

mesure où le salaire annuel avait été maintenu conformément aux engagements de l’employeur (53) ;

• la transformation du statut collectif (du personnel d’Air France) résultant des modifications apportées au réglement du person-nel n’emporte pas en soi modification du contrat de travail ; ainsi, la réduction de la durée effective du travail à 38 heures par semaine payées  39 puis son rétablissement à 39  heures n’entraîne pas de modification contractuelle du traitement men-suel forfaitaire des salariés (54) ;

• si la rémunération du salarié résulte exclusivement d’un usage, et si ce dernier est dénoncé, la rémunération doit désormais être fixée par voie d’accord ou sous l’autorité du juge (55) ;

• la simple référence dans le contrat de travail d’un salarié aux modalités de calcul de la prime d’intéressement telles que pré-vues par l’accord collectif alors en vigueur n’emporte pas contrac-tualisation, au profit de ce salarié, de ce mode de calcul (56).

Toutefois, lorsque l’accord collectif est remis en cause et n’est pas remplacé par un accord de substitution à l’issue de son délai de survie, « les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rému-nération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois » (57). Cette nouvelle disposition remplace l’ancien texte qui prévoyait le main-tien des « avantages individuels acquis ». Désormais, seul le niveau global de rémunération annuelle est maintenu, mais tous les autres avantages résultant de l’accord col-lectif tombent avec lui. La rémunération découlant d’un accord collectif ou d’un usage n’est donc pas contractuelle, sauf exceptions.

De même, un changement dans les conditions de tra-vail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur, peut entraîner la suppression d’une prime dès lors que cette der-nière n’avait pas été expressément contractualisée par les parties (58). De la même manière, les frais professionnels ne constituent pas en principe un élément de la rémunération contractuelle, mais un remboursement de frais qui n’est pas dû lorsque le salarié n’a plus à effectuer des déplace-ments (59). Il en va différemment lorsque le remboursement a été contractualisé par la volonté des parties (60).

Un employeur peut également supprimer de façon unilatérale une prime qui avait été versée de façon unilaté-rale (61), ou dont le montant était laissé à l’appréciation de l’employeur (62). Et l’employeur ne manque pas à ses obli-

(53) Cass. soc. 27 juin 2000, no 99-41135.

(54) Cass. soc. 17 sept. 2002, no 01-41428.

(55) Cass. soc. 20 oct. 1998, no 95-44290.

(56) Cass. soc. 6 mars 2019, no 18-10615.

(57)Art. L. 2261-14 du C. trav.

(58) Cass. soc. 16 mars 2011, no 08-42671 pour une prime de travaux perçue à chaque remplacement de chaudière ; Cass. soc. 13 mars 2013, no 12-12272 pour une indemnité liée aux fonctions d’inspecteur ; Cass. soc. 9 avr. 2015, no 13-27624 pour la diminution d’une prime de panier liée à un changement d’horaires.

(59) Cass. soc. 16 déc. 1998, no 96-40227.

(60) Cass. soc. 26 mai 1999, no 97-41572.

(61) Cass. soc. 15 oct. 2014, no 13-11466 & 13-11467.

(62) Cass. soc. 4 avr. 2006 no 04-47105.

gations en supprimant une prime attachée à une tâche précise, dès lors qu’elle a disparu dans la nouvelle affecta-tion du salarié consécutive à l’acceptation par ce dernier d’un nouveau poste de travail (63).

Mais alors, inversement, qu’est-ce qui relève de la rémunération contractuelle ?

2. Toute la rémunération contractuelle est contractuelleTout d’abord, bien entendu, est considérée comme

contractuelle la rémunération telle qu’indiquée dans le contrat de travail. Ainsi, ne peut pas être modifié unila-téralement le taux horaire prévu au contrat, même si cela ne diminue pas le total de la rémunération mensuelle (64). De même, ne peut être modifiée sans l’accord du salarié la structure de la rémunération prévue au contrat, même de manière minime, et même si l’employeur indique que la modification serait plus favorable (65).

Relèvent ainsi du régime de la modification du contrat de travail :

ä l’attribution de stock-options en remplacement d’une part de rémunération variable (66) ;

ä le remplacement du remboursement des déplacements professionnels par l’octroi d’un véhicule professionnel (67) ;

ä l’intégration dans le salaire de base d’une prime de pause ou d’ancienneté (68) ;

ä la modification d’un taux de commission d’un VRP (69) ; ä la modification ou la suppression d’un avantage en

nature tels que : logement de fonction (70), véhicule (71) ou téléphone mobile (72).

Mais peut aussi faire partie du contrat de travail une rémunération qui n’est pas mentionnée par écrit dans le contrat de travail. En effet, la Cour de cassation semble admettre parfois, à titre exceptionnel, qu’un élément de rémunération versé de façon constante et fixe, pendant une longue durée, puisse s’analyser en un élément contrac-tuel de rémunération ne pouvant être supprimé ou modifié sans l’accord du salarié.

Exemples :• une mutation entraînant la perte d’une prime d’astreinte régu-

lièrement perçue depuis neuf ans (73) ;

(63) Cass. soc. 16 mars 2011, no 08-42671 ; dans le même sens, Cass. soc. 16 oct. 2019, no 17-18446.

(64) Cass. soc. 3 nov. 2011, no 10- 11.765.

(65) Cass. soc. 19 mai 1998, no 96-41573 ; Cass. soc. 5 mai 2010, no 07-45409 ; Cass. soc. 18 mai 2011, no 09-69175.

(66) Cass. soc. 29 juin 2011, no 09-67492.

(67) Cass. soc. 15 févr. 2006, no 04-44736.

(68) Cass. soc. 23 mai 2013, no 11-26754 ; Cass. soc. 23 oct. 2001, no 99-43153 ; Cass. soc. 7 fév. 2006, no 04-43196.

(69) Cass. soc. 18 avr. 2000, no 97-43706.

(70) Cass. soc. 30 oct. 2000, no 98-44786 ; Cass. soc. 14 nov. 2007, no 06-43762.

(71) Cass. soc. 29 oct. 2013, no 12-22447 ; Cass. soc. 2 déc. 2020, no 19-18445.

(72) Cass. soc. 18 févr. 2015, no 13-14696.

(73) Cass. soc. 19 juin 2008, no 07-41282.

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DOSSIER• une prime d’assiduité, versée depuis presque trente ans ; « compte

tenu de sa fixité et de sa constance, elle constituait un élément de salaire qui ne pouvait être supprimé » sans l’accord du salarié (74) ;

• la perte d’indemnités de logement perçues depuis onze ans (75).

Le régime de la modification du contrat de travail s’ap-plique quand bien même la modification de la rémunéra-tion serait indirecte. Ainsi, l’instauration d’un quota maxi-mum, non prévu au contrat de travail, qui est de nature à avoir une incidence sur la rémunération du salarié consti-tue une modification du contrat (76). De même, la modifi-cation de la liste des clients d’un VRP ou du secteur de prospection contractuellement fixé, entraînant une baisse de la rémunération est une modification du contrat que le salarié est en droit de refuser (77). Enfin, il a aussi été jugé que la mise en œuvre d’une clause de mobilité ne peut pas être imposée au salarié lorsqu’elle entraîne une réduction de sa rémunération (78).

Par ailleurs, si une clause ne peut permettre à l’em-ployeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle (79), en revanche une « clause du contrat de tra-vail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, ne fait pas porter le risque d’entre-prise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rémunéra-tion en dessous des minima légaux et conventionnels » (80).

Il est d’ailleurs courant que les contrats de travail prévoient une part de rémunération variable. En ce cas, la variation du montant de la rémunération en application de ces clauses contractuelles (notamment en fonction de l’atteinte des objectifs fixés au salarié) ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Qui plus est, l’employeur peut se réserver la possibilité de fixer annuellement les objectifs qui permettent de déter-miner le montant de la rémunération variable, sans que cela ne constitue une modification du contrat de travail dès lors que les objectifs sont « réalisables » et qu’ils sont « portés à la connaissance du salarié en début d’exercice » (81).

En revanche, la modification du mode de calcul ou de l’assiette du variable de la rémunération est une modifica-tion du contrat de travail (82). Et le salarié peut aussi refu-ser une modification trop radicale de la nature ou l’assiette des objectifs (83).

(74) Cass. soc. 11 mars 2008, no 07-40210.

(75) Cass. soc. 4 févr. 2015, no 13-26284.

(76) Cass. soc. 18 juil. 2000, no 98-41222.

(77) Cass. soc. 12 juil. 1999, no 97-41126.

(78) Cass. soc. 15 déc. 2004, no 02-44714.

(79) Cass. soc. 27 févr. 2001, no 99-40219 ; Cass. soc. 16 juin 2004, no 01-43124.

(80) Cass. soc. 2 juil. 2002, no 00-13111.

(81) Cass. soc. 2 mars 2011, no 08-44978 et no 08-44977 ; Cass. soc. 18 juin 2008, no 07-41910.

(82) Cass. soc. 8 janv. 2002, no 99-44467 ; Cass. soc. 23 mai 2013, no 12-14072.

(83) Par exemple, une augmentation de près de 80 % des objectifs de prise de commandes à atteindre par rapport à l’année précédente : Cass. soc. 21 sept. 2005, no 03-46661.

À l’inverse, si le contrat de travail prévoit que les objec-tifs seront définis chaque année par avenant, donc de façon contractuelle, alors les nouveaux objectifs doivent néces-sairement être acceptés par le salarié. Le défaut d’accep-tation par le salarié constituerait une modification unilaté-rale du contrat de travail.

Je retiens• Que par principe l’employeur ne peut modifier ni le montant

ni la structure de la rémunération contractuelle, même de façon minime ;

• Que les éléments de rémunération découlant d’un accord collectif, d’un usage, ou d’une décision unilatérale de l’employeur peuvent en revanche être modifiés ou supprimés sans l’accord du salarié ;

• Qu’une clause de rémunération variable peut être valablement conclue et que la fluctuation du montant du salaire qui en résulte n’est pas une modification du contrat de travail ;

• Que les primes liées à une sujétion ou les remboursements de frais peuvent être supprimés ou modifiés par l’employeur dès lors qu’ils n’ont pas été expressément contractualisés.

c) Durée de travail

1. Souplesse des horaires de travailPar principe, les horaires de travail relèvent du pou-

voir de direction de l’employeur et ne sont pas un élément contractuel de la relation de travail. Même si le change-ment d’horaire peut être très pénible pour le salarié, ce dernier ne peut donc, la plupart du temps, pas s’y opposer sans commettre une faute passible de sanction discipli-naire pouvant aller jusqu’au licenciement.

La Cour de cassation affirme ainsi très clairement que « le changement d’horaire consistant dans une nouvelle répartition de l’horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pou-voir de direction du chef d’entreprise, et non une modification du contrat de travail » (84).

Même lorsque le salarié travaille selon le régime du forfait en heures, l’employeur peut donc lui imposer des horaires fixes (85).

La répartition sur la semaine peut également être modifiée sans qu’il y ait lieu nécessairement à modification. Ainsi, l’employeur peut imposer un travail du samedi (86), demander à un salarié d’être présent le vendredi après-midi au lieu du lundi matin (87), répartir le travail du lundi

(84) Cass. soc. 22 févr. 2000, no 97-44339 ; Cass. soc. 9 avr. 2002, no 99-45155 ; Cass. soc. 6 oct. 2004, no 02-43488 ; Cass. soc. 3 nov. 2011, no 10-14702.

(85) Cass. soc. 2 juil. 2014, no 13-11904 ; sur les conventions de forfait, voir M. Benyoucef et L. Rieux, RPDS 2019, no 887, p. 83.

(86) Cass. soc. 27 juin 2001, no 99-42462.

(87) Cass. soc. 16 mai 2000, no 97-45256.

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

ou vendredi au lieu du mardi au samedi (88) ou demander aux salariés de travailler pendant l’heure du déjeuner (89).

Quand bien même ce changement d’horaires entraîne-rait une perte de rémunération, la jurisprudence ne le consi-dèrerait pas comme une modification du contrat de travail dès lors que la perte de rémunération résulte d’une réduc-tion des sujétions imposées au salarié : par exemple, la perte d’une prime de panier (90). De même, un aménagement qua-drihebdomadaire du temps de travail, mis en place unilaté-ralement par l’employeur, ne constitue pas une modification du contrat de travail alors que ce changement fait perdre au salarié des majorations pour heures supplémentaires (91).

À cet égard, il convient d’attirer l’attention des sala-riés sur le fait que la mention d’horaires dans le contrat de travail n’en fait pas, en soi, un élément contractualisé qu’il ne serait plus possible de modifier sans l’accord des deux parties. Par principe, cette mention n’a qu’une valeur informative, à moins qu’il en soit expressément stipulé autrement (voir p. 208).

Il existe toutefois un certain nombre de limites, qui viennent nuancer ce pouvoir de direction de l’employeur.

Abus de droit et/ou atteinte aux droits et libertés fondamentaux. Comme précédemment évoqué (voir p. 195), le pouvoir de direction de l’employeur quant au changement des horaires de travail du salarié trouvera sa limite dans le respect des droits et libertés fondamentaux du salarié, et dans la notion d’abus de droit. La Cour de cassation pose en conséquence en attendu de principe : « Sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur » (92).

Ainsi, le refus du salarié peut être légitime lorsque le changement d’horaires n’est pas compatible avec des obli-gations familiales impérieuses (93), y compris en présence d’une clause de mobilité dans le contrat (94). Il en va de même si l’intention de nuire de l’employeur est caracté-risée (95). Inversement, si pénible que soit le changement d’horaires, la modification du contrat de travail ne sera pas retenue dès lors que le salarié n’invoque pas expres-sément d’incompatibilité avec ses obligations personnelles ou familiales (96).

(88) Cass. soc. 16 sept. 2009, no 07-45032.

(89)Soc. 17 oct. 2000, no 98-42177.

(90) Cass. soc. 9 avr. 2015, no 13-27624.

(91) Cass. soc. 11 mai 2016, no 15-10025.

(92) Cass. soc. 3 nov.2011, no 10-14702 ; Cass. soc. 8 nov. 2011, no 10-19339.

(93) Cass. soc. 9 mai 2001, no 99-40111.

(94) Cass. soc. 21 oct. 2020, no 18-23907.

(95) Cass. soc. 12 mars 2002, no 99-46034 précité.

(96) Cass. soc. 23 janv. 2013, no 11-22364 : pour une salariée qui avait travaillé avec les mêmes horaires pendant plus de trente ans, à qui l’on imposait désormais de prendre son poste une heure plus tôt, de subir une pause-déjeuner de près de quatre heures et qui était privée de sa journée complète de repos, remplacée par deux demi-journées.

Bouleversement de l’économie du contrat. Plus étonnant, l’on observe une résurgence de l’ancienne juris-prudence qui consistait à caractériser la modification du contrat de travail en fonction de l’importance de la modifi-cation proposée (voir p. 192).

Ainsi, la Cour de cassation considère que le change-ment d’horaire peut caractériser une modification du contrat de travail lorsqu’il entraîne un bouleversement de l’économie du contrat. La jurisprudence ne donne pas de critères permettant de reconnaître ce bouleversement, mais dresse peu à peu un inventaire des catégories de changement d’horaires entrant dans ce cadre, en rendant au fil de l’eau des arrêts de principe.

On relève ainsi : ä le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un

horaire de nuit ou inversement, d’un horaire de nuit à un horaire de jour : « le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue, nonobstant toute clause contrac-tuelle ou conventionnelle contraire, une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié » (97) ;

ä le passage d’un horaire fixe à un horaire variable (98) ou d’un horaire variable à un horaire fixe (99) ;

ä le passage d’un horaire continu en un horaire discon-tinu ou vice versa (100).

La Cour de cassation semble également retenir le bouleversement de l’économie du contrat lorsque la modi-fication affecte la répartition du temps de travail sur la semaine, en particulier lorsque cela a une incidence sur le repos hebdomadaire et le travail du week-end.

La modification du contrat de travail a ainsi pu être retenue pour :

ä des salariés qui étaient jusqu’alors en repos les samedis et dimanches et que l’employeur voulait faire travailler un samedi sur deux (101) ;

ä une nouvelle répartition sur cinq jours par semaine de l’horaire jusqu’alors pratiqué par cycle de deux semaines à raison de trois jours une semaine et quatre jours la semaine suivante (102) ;

ä la perte, une semaine sur deux, du bénéfice d’un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs (103) ;

(97) Cass. soc. 27 févr. 2001, no 98-43783 ; Cass. soc. 22 mai 2001, no 99-41146 ; Cass. soc. 5 juin 2001, no 98-44781 ; Cass. soc. 18 déc. 2001, no 98-46160, Cass. soc. 16 nov. 2018, no 17-11757 ; Cass. soc. 7 avr. 2004, no 02-41486 ; Cass. soc. 11 juil. 2007, no 06-41537 ; Cass. soc. 9 avr. 2002, no 00-42780 ; Cass. soc. 13 juil. 2005, no 03-44866 ; Cass. soc. 14 oct. 2008, no 07-40092 ; Cass. soc. 1er juil. 2009, no 08-43650 ; Cass. soc. 9 oct. 2013, no 12-21807.

(98) Cass. soc. 14 nov. 2000, no 98-42218.

(99) Cass. soc. 12 déc. 2000, no 98-44580 ; Cass. soc. 24 janv. 2007, no 05-42688.

(100) Cass. soc. 18 déc. 2000, no 98-42885 ; Cass. soc. 14 nov. 2000, no 98-43218 ; Cass. soc. 6 juil. 2004, no 02-44331 ; Cass. soc. 8 juil. 2008, no 06-45769 ; Cass. soc. 3 nov. 2011, no 10-30033 ; Cass. soc. 25 avr. 2007, no 05-45106.

(101) Cass. soc. 2 juil. 1987, no 83-45390 ; Cass. soc. 13 mars 1991, no 87-41592 ; Cass. soc. 3 mars 1993, no 90-40230 ; Cass. soc. 22 oct. 2003, no 01-42651.

(102) Cass. soc. 10 mai 1999, no 96-45652.

(103) Cass. soc. 22 oct. 2003, no 01-42651.

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DOSSIER

áChangements d’horaires illicitesLa modification des horaires peut être refusée par le salarié si elle est illi-cite, à savoir contraire à une norme légale ou conventionnelle en la matière.Par exemple :

ä modification d’horaires contraire aux dispositions de la convention collective de branche prévoyance deux jours de repos consécutifs (1) ;

ä aménagement d’horaires contrevenant au principe du repos dominical (2).

(1) Cass. soc. 20 juin 1984, no 82-41104.(2) Cass. soc. 2 mars 2011, no 09- 43223 ; Cass. soc. 17 oct. 2012, no 11-24315 ; Cass. soc. 5 juin 2013, no 12-12953.

ä une nouvelle organisation du travail imposant à un sala-rié de travailler deux dimanches sur trois au lieu d’un (104).

À noterOn remarque que ces cas, où le changement des horaires de tra-vail est considéré comme une modification du contrat, relèvent de situations où le changement proposé peut être objectivement considéré comme important. La distinction ici ne repose plus sur une atteinte à la vie privée et aux contraintes personnelles du salarié, mais sur l’idée que certains changements ont nécessaire-ment des répercussions importantes sur le salarié : par exemple, le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, qui perturbe l’horloge biologique de l’être humain, ou la privation d’un jour de repos, sont en eux-mêmes de nature à affecter l’état de santé du salarié.Dans ces situations, peu importe la clause contractuelle qui aurait été insérée dans le contrat de travail. La modification du contrat devra être retenue quand bien même l’employeur aurait fait figu-rer dans le contrat que l’horaire de travail ne constitue pas un élément essentiel du contrat et qu’il peut être changé en fonction des besoins de l’entreprise (105). La nature des fonctions du salarié ne sera pas invoquée avec plus de succès (106).

Cas particulier des contrats à temps partiel. L’article L. 3123-6 du Code du travail dispose : « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération,

la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et […] la répar-tition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. […] ».

Ainsi, le contrat à temps partiel implique un accord contractuel formel des parties sur la durée du travail et sa répartition, ainsi que les modalités d’une modification

(104) Cass. soc. 17 nov. 2004, no 02-46100.

(105) Cass. soc. 5 juin 2013, no 12-12953 ; Cass. soc. 14 nov. 2018, no 17-11757.

(106) Cass. soc. 18 déc. 2001, no 98-46160 ; Cass. soc. 9 oct. 2013, no 12-21807 ; Cass. soc. 24 mars 2010, no 08-43324.

éventuelle de cette répartition. Le temps partiel ne se pré-sume donc pas, et nécessite un accord écrit des parties : il en résulte que le temps partiel ne peut être imposé au salarié (107).

Si le législateur permet à l’employeur de modifier uni-latéralement la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, c’est à condition :

ä de respecter un délai de prévenance ä que le contrat contienne expressément l’énonciation des

cas dans lesquels cette modification pourra intervenir (108).

L’article L. 3123-12 du Code du travail précise : « Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. »

Il s’en déduit par exemple que constitue une modifi-cation du contrat de travail pouvant être refusée par le salarié la répartition du temps partiel sur trois jours au lieu de quatre (109), dès lors que le contrat de travail ne défi-nissait pas précisément les cas dans lesquels la répartition de la durée du travail pouvait être modifiée. À cet égard, il convient de souligner que les clauses imprécises qui auto-risent par exemple une variation des horaires « en fonction des nécessités du service » ne sont pas valables (110).

Allant plus loin, ce même article L. 3123-12 permet encore au salarié à temps partiel de refuser le changement de ses horaires de travail dans certains cas, quand bien même le changement proposé respecterait le cadre posé par le contrat de travail :

« Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modi-fication n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supé-rieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3o de l’article L. 3123-6. »

Ainsi, quand bien même la modification d’horaires s’inscrirait dans le cadre des limites prévues au contrat de travail, le salarié conserve encore la possibilité de s’y opposer pour :

ä obligations familiales impérieuses ; ä suivi d’un enseignement scolaire ou universitaire ;

(107) Cass. soc. 29 juin 1999, no 97-42248 ; Cass. soc. 7 juil. 1999, no 97-43292 ; voir M. Carles, « Le travail à temps partiel », RPDS 2021, no 910, p. 45.

(108) Cass. soc. 28 juin 2005, no 04-40752 ; Cass. soc. 11 juil. 2012, no 11-15540.

(109) Cass. soc. 7 juil. 1998, no 95-43443.

(110) Cass. soc. 6 avr. 1999, no 96-45790.

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

ä incompatibilité avec une autre activité profession-nelle salariée ou non.

À l’inverse, dès lors que la durée du travail ou sa répar-tition ne sont pas touchées, et en dehors des cas de l’article L. 3123-12, l’employeur conserve son pouvoir de direction quant à la fixation des horaires de travail à l’intérieur de la journée (111).

2. Intangibilité de la durée du travail ?Si la modification des horaires de travail relève donc,

en principe, du pouvoir de direction de l’employeur, à l’in-verse, on a coutume de dire que constitue une modification du contrat de travail tout changement portant atteinte à la durée du travail. Mais la question est plus complexe qu’il n’y paraît… Selon la Cour de cassation, « la durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue, en principe, un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, peu important que la rémunération soit maintenue » (112). Comme pour la rémunération, la Cour de cassation indique ainsi dans une formule emphatique et quelque peu redon-dante que la durée contractuelle de travail est contractuelle…

Mais cela signifie-t-il pour autant que toute modifica-tion de la durée de travail est une modification du contrat de travail ? Ou bien au contraire, la Cour de cassation entend-elle restreindre ce régime aux éléments stricte-ment formalisés dans le contrat de travail ? L’employeur peut-il modifier à sa guise la durée du travail qui ne serait pas expressément formalisée par écrit dans le contrat de travail ?

En dehors des cas de stricte contractualisation de la durée du travail, la jurisprudence a tendance à contourner la question : « Toute réduction de la durée du travail, dès lors qu’elle a pour conséquence une diminution de la rémunération, constitue une modification d’un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut intervenir sans l’accord du salarié », énonce la Cour de cassation dans une affaire concernant la réduction de la durée du travail d’une employée de maison à raison d’une demi-heure par jour (113).

Dans une autre espèce, la Cour de cassation approuve une cour d’appel ayant considéré que constituait une modi-fication unilatérale du contrat de travail la réduction de durée du travail de la salariée, lui occasionnant une perte de rémunération (114).

Ainsi, la Haute Juridiction effectue le détour par la rémunération pour constater la modification du contrat de travail… Ce qui permet de caractériser une modification nécessitant l’accord du salarié est en réalité le fait que la rémunération de la salariée ait été diminuée du fait de la réduction de la durée du travail, et non la réduction de la durée du travail en elle-même.

(111) Cass. soc. 18 juil. 2001, no 99-45076 ; Cass. soc. 3 nov. 2010, no 09-41132.

(112) Cass. soc. 30 mars 2011, no 09-70853 ; Cass. soc. 20 oct. 1998, no 96-40614.

(113) Cass. soc. 5 juil. 2005, no 03-43807.

(114) Cass. soc. 4 mai 2011, no 10-14767.

Ce qui semblait un grand principe s’avère en réalité plutôt relever du domaine de l’exception. La modification de la durée du travail constitue finalement une modifica-tion du contrat de travail :

ä lorsque la durée du travail est expressément contractualisée entre les parties (115) ;

ä lorsque la rémunération du salarié est affectée (voir p. 198).

On réservera également le cas un peu particulier des astreintes. En effet, la mise en place d’une astreinte, non prévue au contrat de travail, a pu être jugée par la Cour de cassation comme une modification requérant l’accord du salarié (116). En revanche, lorsque les astreintes sont mises en place en exécution d’un accord collectif, la décision de l’employeur s’impose au salarié, sans qu’il soit nécessaire de faire figurer une mention prévoyant cette application dans le contrat de travail (117).

Inversement, s’il a pu être jugé qu’une mutation pou-vait être refusée en ce qu’elle faisait perdre au salarié le bénéfice de primes d’astreintes (118), lorsque l’astreinte constitue une sujétion liée à la fonction du salarié, sa sup-pression ne semble pas constituer une modification du contrat de travail, la jurisprudence ne reconnaissant pas aux salariés « un droit acquis à l’exécution d’astreintes » (119).

Mais en dehors de ces hypothèses, il existe de nom-breuses situations dans lesquelles l’employeur peut agir sur la durée du travail du salarié, sans que cela ne soit considéré comme une modification du contrat de travail, donc sans que le salarié ne puisse s’y opposer.

Heures supplémentaires. Normalement, un salarié ne peut refuser d’accomplir des heures supplémentaires. L’accomplissement d’heures supplémentaires ne s’analyse pas en une modification du contrat de travail et le refus du salarié constitue en conséquence une faute qui peut être sanctionnée (120).

À l’inverse, l’employeur peut unilatéralement les réduire ou les supprimer sans que cela constitue une modification du contrat de travail (121). Comme pour les astreintes, la Cour de cassation considère qu’il « n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires » (122).

(115) Inscription au contrat de travail : Cass. soc. 20 oct. 1998, no 96-40614 ; temps partiel : Cass. soc. 29 juin 1999, no 97-42248 ; convention de forfait : Cass. soc. 7 févr. 2001, no 99-40869.

(116) Cass. soc. 31 mai 2000, no 98-42112.

(117) Cass. soc. 16 déc. 1998, no 96-42102 ; Cass. soc. 13 févr. 2002, no 00-40387 ; Cass. soc. 9 déc. 1998, no 96-44789.

(118) Cass. soc. 19 juin 2008, no 07-41282 ; cf. supra § II.A.2.b.

(119) Cass. soc. 15 déc. 2004, no 02-43233 ; Cass. soc. 13 juil. 2010, no 08-44092 ; Cass. soc. 10 oct. 2012, no 11-10454.

(120) Cass. soc. 10 févr. 1977, no 76-40240 ; Cass. soc. 5 avr. 1978, no 77-40094 ; Cass. soc. 22 juil. 1982, no 80-41012 ; Cass. soc. 18 nov. 1997, no 95-41372 ; Cass. soc. 9 mars 1999, no 96-43718.

(121) Cass. soc. 2 nov. 2005, no 03-47679.

(122) Cass. soc. 10 oct. 2012, no 11-10455 ; Cass. soc. 19 juil. 1988, no 85-46061 ; Cass. soc. 10 mars 1998, no 95-44842.

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DOSSIEROn réservera toutefois, comme toujours, l’hypothèse

de l’abus de droit ou de l’atteinte aux droits et libertés fon-damentaux, de la violation de la loi ou de la convention col-lective, ainsi que l’hypothèse d’une contractualisation d’un volume d’heures supplémentaires garanti au salarié (123).

Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine. La Cour de cassation considérait auparavant que « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié » (124). Cette jurisprudence contraignait les employeurs qui souhaitaient mettre en place un aménagement du temps de travail sur l’année à recueillir l’accord individuel de chaque salarié, par avenant au contrat de travail.

Volant au secours des entreprises, le législateur a fait introduire en 2012 une nouvelle disposition dans le Code du travail, et l’article L. 3121-43 dispose désormais : « La mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de tra-vail sur une période supérieure à la semaine par accord collec-tif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet ».

L’accord collectif d’entreprise ou de branche remplace donc désormais l’accord du salarié sur ce point, et l’em-ployeur peut ainsi modifier l’aménagement de la durée du travail sans avoir à soumettre à chaque salarié concerné un avenant à son contrat de travail.

Activité partielle. L’activité partielle, remise au pre-mier plan par la pandémie de Covid-19 depuis mars 2020, réduit la durée du travail du salarié mais ne constitue pas pour autant une modification du contrat de travail. Le sala-rié ne peut donc la refuser sous peine d’être sanctionné (125).

Toutefois, la jurisprudence considérait auparavant que le salarié protégé ne pouvait se voir imposer contre son gré une mise en activité partielle (126). Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, au printemps 2020, le légis-lateur a mis un terme à cette pratique en disposant, dans l’article 6 de l’ordonnance no 2020-346 du 27 mars 2020 : « L’activité partielle s’impose au salarié protégé au sens des dispositions du Livre IV de la deuxième partie du Code du travail, sans que l’employeur n’ait à recueillir son accord, dès lors qu’elle affecte, dans la même mesure, tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé. »

Accords de performance collective. Comme déjà évoqué, la durée du travail peut être modifiée par voie d’ac-cord collectif dans le cadre des accords de performance collective prévus à l’article L. 2254-2 du Code du travail.

(123) Cass. soc. 10 oct. 2012, no 11-10455 précité.

(124) Cass. soc. 28 sept. 2010, no 08-43161.

(125) Cass. soc. 18 juin 1996, no 94-44654 ; rectif. Cass. soc. 16 juil. 1996, no 96-43396 ; Cass. soc. 9 mars 1999, no 96-43718.

(126) Cass. soc. 15 avr. 1984, no 81-42280 ; Cass. soc. 18 févr. 1988, no 86-41857 ; Cass. soc. 18 juin 1996, no 94-44653.

En ce cas, la modification de la durée du travail s’impose au salarié sans qu’il puisse s’y opposer.

Je retiens :• Que le changement des horaires de travail relève en principe

du pouvoir de direction de l’employeur ;• Que la modification de la durée du travail constitue

une modification du contrat de travail si elle est expressément contractualisée ou s’il y a atteinte à la rémunération du salarié ;

• Que le travail à temps partiel obéit à un régime distinct plus protecteur ;

• Que le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit et inversement constitue toujours une modification du contrat de travail ;

• Que dans tous les cas, le salarié peut s’opposer à la modification de son temps de travail en cas d’abus de droit, d’atteinte aux droits et libertés fondamentaux, ou de bouleversement de l’économie du contrat.

d) Lieu de travailLe lieu de travail est souvent, en pratique, un élément

déterminant du choix que fait un salarié d’accepter ou non une offre d’emploi. Trop loin, trop inaccessible en trans-ports, le lieu de travail peut se révéler un handicap dans la vie quotidienne du travailleur.

Pourtant, la Cour de cassation précise que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a seulement « valeur d’information, à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu » (127).

On distinguera, en conséquence, selon que le contrat de travail contient ou non des stipulations expresses rela-tives au lieu de travail.

1. En l’absence de disposition contractuelleIl faut distinguer selon que la modification du lieu de

travail a un caractère temporaire (déplacement profes-sionnel) ou définitif (mutation).

Changement temporaire de lieu de travail. La Cour de cassation juge traditionnellement que le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géo-graphique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail, dès lors que la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique (128).

Les deux critères posés étaient ainsi : ä l’intérêt de l’entreprise ; ä des fonctions impliquant une certaine mobilité.

(127) Cass. soc. 3 juin 2003, no 01-43573 ; Cass. soc. 2 avr. 2014, no 13-11922 ; Cass. soc. 29 oct. 2014, no 13-21192.

(128) Cass. soc. 22 janv. 2003, no 00-43826.

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

Dans un arrêt postérieur (129), la Cour de cassation a par la suite énoncé : « l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituelle-ment ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail ; il n’en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l’intérêt de l’entreprise, qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du carac-tère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible ».

Dans ce deuxième arrêt, les critères requis sont ainsi : ä l’intérêt de l’entreprise ; ä des circonstances exceptionnelles ; ä l’information préalable du salarié.

Il est probable que ces deux arrêts ne doivent pas être considérés comme contradictoires, mais plutôt alternatifs. Le changement temporaire du lieu de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur dès lors qu’il s’inscrit dans l’une ou l’autre de ces configurations.

Ainsi, dans des arrêts postérieurs à 2010, la Cour de cassation a réaffirmé sa solution traditionnelle et a jugé que les salariés concernés ne pouvaient pas refuser des déplacements temporaires dans des cas où la mobilité était inhérente à leurs fonctions :

ä pour un emploi impliquant un travail régulier chez les clients et pour lequel l’établissement de l’entreprise n’est en réalité qu’un point d’attache (130) ;

ä pour un chauffeur dès lors que « la nature même de l’em-ploi impliquait une certaine disponibilité géographique » (131) ;

ä pour un consultant international dont la fonction implique par nature des déplacements à l’étranger, peu important que le contrat de travail le mentionne ou pas (132) ;

ä pour un travail sur des chantiers (133).

Le lieu de travail peut donc être déplacé de façon tem-poraire, sans que cela ne constitue une modification du contrat de travail, dès lors que l’employeur justifie, d’une part, que ce déplacement est dans l’intérêt de l’entreprise et d’autre part, qu’il s’inscrit dans le cadre d’une mobilité intrinsèque aux fonctions ou dans le cadre de circons-tances exceptionnelles.

Mutations à caractère définitif. En l’absence de dispositions contractuelles relatives au lieu de travail, le principe est que le salarié ne peut s’opposer à un change-ment de son lieu de travail à l’intérieur d’un même « secteur géographique » (134).

(129) Cass. soc. 3 févr. 2010, no 08-41412.

(130) Cass. soc. 23 nov. 1983, no 81-41840.

(131) Cass. soc. 4 janv. 2000, no 97-41154.

(132) Cass. soc. 11 juil. 2012, no 10-30219.

(133) Cass. soc. 2 avr. 2014, no 12-19573.

(134) Cass. soc. 16 décembre 1998 no 96-40227 ; Cass. soc. 21 mars 2000, no 98-44005 ; Cass. soc. 18 janv. 2012, no 10-10981 ; Cass. soc. 8 févr. 2005, no 02-46987 ; Cass. soc. 18 avr. 2008, no 06-41874.

À noterCe sont bien les deux lieux de travail, ancien et nouveau, qui sont comparés pour déterminer s’ils se situent dans le même secteur géographique, et non pas le nouveau lieu de travail par rapport au lieu de résidence du salarié. Le lieu du domicile du salarié est indif-férent pour l’appréciation de la modification du contrat de travail.

La difficulté majeure rencontrée dans cette configura-tion est que la jurisprudence ne donne aucune définition précise de cette notion de secteur géographique. Ce qui est certain, c’est que le secteur géographique ne recouvre pas simplement des frontières géographiques administratives telles que la ville, la région (135) ou le département : parfois, cela peut coïncider, mais pas forcément. Le secteur géo-graphique n’est pas plus défini par une distance maximale prédéfinie (136). Mais savoir ce que le secteur géographique n’est pas, ne suffit pas à dire ce qu’il est.

Comment, dès lors, déterminer ce fameux secteur géographique, critère déterminant de la modification ou non du contrat de travail ?

La Cour de cassation nous indique que la notion de secteur géographique doit être apprécié de façon objec-tive : ainsi, ne sont pas jugés des arguments pertinents le fait que le statut de cadre et les revenus du salarié « lui per-mettaient de prendre des dispositions susceptibles d’atténuer sensiblement les effets de ce changement », ni le fait que le salarié ait reconnu que « l’utilisation de son véhicule person-nel n’aurait augmenté la durée du trajet quotidien que d’envi-ron une demi-heure » (137).

Pour délimiter objectivement le « secteur géographique », sans le calquer sur les frontières administratives, les juges du fond procèdent en conséquence par comparaison entre l’ancien et le nouveau lieu de travail selon la technique du faisceau d’indices, en se référant par exemple à la notion de « bassin d’emploi », et en prenant en compte les distances ainsi que les moyens de transport. Ainsi, la mutation au sein du même secteur géographique, donc s’imposant au salarié, a été retenue dans les exemples suivants :

ä mutation entre Dax et Bordeaux (138) ; ä pour une distance de 40 km reliée par une autoroute,

dans un département voisin du lieu de travail précédent, dans le même bassin d’emploi (139) ;

ä pour une distance d’environ 70 km, dans le même bassin d’emploi et dans le même département (140) ;

ä au sein du Bassin parisien (141) ; ä entre Aubagne et Marseille (142).

(135) Cass. soc. 28 sept. 2005, no 03-43571.

(136) Cass. soc. 21 fév. 2007, no 06-40257.

(137) Cass. soc. 4 mai 1999, no 97-40576.

(138) Cass. soc. 10 avr. 2013, no 11-26082.

(139) Cass. soc. 12 déc. 2012, no 11-23762

(140) Cass. soc. 23 mai 2013, no 12-15461

(141) Cass. soc. 3 mai 2012, no 10-30869 : Paris–Évry ; Cass. soc. 14 nov. 2007, no 05-45895 : Malakoff–Courbevoie ; Cass. soc. 2 avr. 1998, no 95-43541 : Paris–Val-d’-Oise pour un salarié résidant dans le Val-de-Marne ; Cass. soc. 21 janv. 2004, no 02-12712 : Romainville–Antony ; Cass. soc. 25 mars 1998, no 96-41519 : Paris–Créteil ; Cass. soc. 4 avr. 2006, no 04-43506 ; Antony–Chaville.

(142) Cass. soc. 18 janv. 2012, no 10-10981.

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206206 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIERÀ l’inverse, l’existence d’un même secteur géogra-

phique n’a pas été retenue entre Versailles et Chartres (143), ou entre Amiens et Laon ou Saint-Quentin (144), ou entre la région Sud-Ouest et la région Sud-Est (145).

La jurisprudence se réfère de plus en plus à la notion de bassin d’emploi pour apprécier le secteur géographique (146). Bien que la notion ne soit pas bien définie, on peut par exemple se référer pour en avoir une idée à la définition de la « zone d’emploi » selon l’INSEE : à savoir l’espace à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent.

Néanmoins, la méthode demeure très aléatoire, et la jurisprudence est loin d’être homogène et cohérente. Il en résulte une grande insécurité juridique sur cette question et ce, d’autant plus que la Cour de cassation se contente d’un contrôle restreint et laisse la plupart du temps le sec-teur géographique à l’appréciation souveraine des juges du fond, se bornant à vérifier la motivation des arrêts des cours d’appel. On relève en conséquence des décisions divergentes.

Exemples :La modification du contrat de travail n’a pas été retenue pour une mutation d’Orgeval à Nancy  (420 km), puis à Paris  (147). Au contraire, n’est pas située dans le même secteur géographique la nouvelle affectation, distante de 30 km du précédent lieu de travail de la salariée, et reliée à celui-ci par une route sur laquelle la circulation était parfois difficile en hiver (148).

Par ailleurs, l’appréciation « objective » du secteur géographique a pour conséquence l’absence de prise en compte des éventuels bouleversements que peut induire le changement du lieu de travail sur la vie quotidienne du salarié. Celui-ci ne peut donc en principe se préva-loir de l’allongement excessif de son temps de transport pour se rendre à son travail, ou du fait que celà l’empêche désormais d’aller chercher ses enfants à temps à l’école. Inversement, le fait que la mutation soit en réalité plus favorable à un salarié, compte tenu du lieu de son domicile, ne permettra pas à l’employeur d’échapper à la qualifica-tion de « modification du contrat de travail », si les juges considèrent que l’ancien et le nouveau lieu de travail ne sont pas situés dans le même secteur géographique…

En revanche, comme pour tout changement des condi-tions de travail, le salarié pourra tout de même tenter de faire valoir éventuellement une atteinte injustifiée et dis-proportionnée à sa vie privée et familiale, sur le fondement de l’article L. 1121-1 du Code du travail (149).

Enfin, il convient de réserver l’hypothèse où la mobilité géographique résulte d’un accord de performance collec-tive (voir p. 194).

(143) Cass. soc. 1er juil. 1998, no 96-42989 ; Cass. soc. 4 mai 1999, no 97-40576.

(144) Cass. soc. 5 mars 1998, no 95-45289.

(145) Cass. soc. 17 févr. 2021, no 19-22013.

(146)Voir par exemple Cass. soc. 4 mars 2020, no 18-24473 ; Cass. soc. 20 févr. 2019, no 17-24094.

(147) Cass. soc. 22 mai 1997, no 94-40297.

(148) Cass. soc. 12 juin 2014, no 13-15139.

(149) Cass. soc. 23 mars 2011 no 09-69127 ; Cass. soc. 12 juil. 2010, no 08-45516.

La question de la modification du lieu de travail se résoudra plus facilement dans le cas où les parties ont for-malisé des clauses contractuelles sur ce sujet.

2. Clauses contractuelles relatives au lieu de travailL’employeur et le salarié peuvent avoir contractualisé

certaines dispositions relatives au lieu de travail, dans le contrat qui les lie.

Clause de sédentarité. Tout d’abord, les parties peuvent avoir expressément convenu que le lieu de travail indiqué dans le contrat serait intangible et revêtirait un caractère contractuel et non informatif comme c’est le cas en principe (150). Il faut néanmoins pour cela qu’il « soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera exclusi-vement son travail dans ce lieu », afin qu’il ne puisse y avoir aucun doute sur la volonté des parties (151). Dans ce cas, la modification du lieu de travail constituera une modification du contrat de travail requérant l’accord exprès du salarié.

Travail à domicile/télétravail. La Cour de cas-sation considère traditionnellement que « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail » de sorte que le salarié ne peut pas y être contraint (152). Cette liberté du salarié de refuser de travailler à son domicile est reprise à l’article L. 1222-9 du Code du travail, en son avant-dernier alinéa : « Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail ».

Si le salarié ne peut en principe être contraint d’accep-ter un passage en télétravail, l’employeur ne peut inverse-ment y mettre fin unilatéralement : « lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modi-fier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié » (153). Le caractère contractuel du travail à domicile peut à cet égard se déduire de sa durée (154).

Clause de mobilité. Le contrat de travail peut conte-nir une clause permettant à l’employeur de modifier uni-latéralement le lieu de travail du salarié, en vertu de son pouvoir de direction, sans que cela ne constitue une modi-fication du contrat de travail (155). Dès lors que le change-ment de lieu de travail intervient dans le périmètre défini par la clause, il constitue alors un simple changement des conditions de travail auquel le salarié ne peut s’opposer.

(150) Cass. soc. 16 mai 2000, no 97-45923.

(151) Cass. soc. 3 juin 2003, no 01- 40376 et 01-43573 ; Cass. soc. 21 janv. 2004, no 02-12712.

(152) Cass. soc. 7 avr. 2010, no 88-44865 ; E. Suire, « Le télétravail », RPDS 2021, no 912, p. 121.

(153) Cass. soc. 12 févr. 2014, no 12-23051 ; Cass. soc. 31 mai 2006, no 04-43592.

(154) Cass. soc. 13 févr. 2013, no 11-22360 pour un travail à domicile depuis douze ans.

(155) Cass. soc. 13 juin 2018, no 17-17644.

Page 27: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

207207 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

Ces clauses doivent néanmoins obéir à un certain nombre de conditions pour être valables.

Tout d’abord, la clause de mobilité doit figurer dans le contrat de travail, lequel doit être signé (156). Si l’employeur veut ajouter une clause de mobilité en cours de relation de travail, il faudra donc signer un avenant avec le sala-rié (157). La clause de mobilité peut également résulter de la convention de branche, mais il faut alors que le salarié soit « informé de l’existence de la convention collective et mis en mesure d’en prendre connaissance » (158).

Par ailleurs, la clause de mobilité doit impérativement être limitée géographiquement. Cela signifie que la clause doit mentionner précisément un périmètre fixe dans lequel pourra avoir lieu la mobilité. À défaut, la clause est consi-dérée nulle et non écrite, et donc inopposable au salarié.

Par exemple, ont été jugées nulles les formulations suivantes :

ä « acceptation de tout changement d’affectation géogra-phique pour les besoins de l’entreprise » (159) ;

ä « compte tenu de la nature des activités de la société le salarié pourra être appelé à exercer ses fonctions dans les installations de ses entreprises clientes » (160).

Le périmètre peut être large, tant qu’il est défini. Ainsi, la clause de mobilité peut viser l’ensemble du territoire français (161). Le périmètre doit être fixe, il ne peut pas être évolutif et s’étendre au fil du temps.

Exemples :• N’est pas valable une clause de mobilité visant « toute la zone d’activité de son employeur qui, depuis 1991, avait été étendue à l’ensemble du territoire national » (162) ;• Est nulle une clause qui « était formulée de manière générale et conférait à l’employeur le pouvoir de l’étendre à volonté » (163).• Est nulle la clause par laquelle le salarié s’oblige à accepter « toute mutation en tout lieu où le groupe G… est implanté en France et DOM/TOM, soit en son nom propre, soit par l’intermé-diaire des sociétés filiales ou alliées » (164).

On relèvera cependant que la Cour d’appel de Versailles a validé une clause de mobilité rédigée en les termes suivants :

« La société E… pourra être amenée à :– vous affecter dans l’un quelconque de ses établissements et/ou auprès de l’une quelconque des sociétés appartenant au groupe C…, tant en France métropolitaine que dans les DOM/TOM/collectivité ou à l’étranger [...] ;– modifier ou mettre un terme à votre affectation dans l’un quelconque de ses établissements et/ou auprès de l’une

(156) Cass. soc. 2 avr. 1998, no 95-43541.

(157) Cass. soc. 24 nov. 1999, no 97-45202.

(158) Cass. soc. 27 juin 2002, no 00-42646.

(159) Cass. soc. 28 avr. 2011, no 09-42321.

(160) Cass. soc. 17 mars 2010, no 08-43368.

(161) Cass. soc. 9 juil. 2014, no 13-11906 ; Cass. soc. 5 nov. 2014, no 13-16687.

(162) Cass. soc. 7 juin 2006, no 04-45846.

(163) Cass. soc. 18 mai 2011, no 09-42232 ; Cass. soc. 2 oct. 2019, no 18-20353.

(164) Cass. soc. 20 févr. 2013, no 11-27612.

quelconque des sociétés appartenant au groupe C…, tant en France métropolitaine que dans les DOM/TOM/collectivité ou à l’étranger (...). » (165).

Il n’est pas certain que cette clause serait validée par la Cour de cassation si le cas lui était soumis…

Outre la question de la validité de la clause, se pose ensuite la question de sa mise en œuvre. Comme déjà évo-qué dans cet article, la clause de mobilité doit être mise en œuvre de bonne foi (sans abus de droit) et dans le respect des droits et libertés fondamentaux du salarié (voir p. 194).

La mutation doit notamment reposer sur une cause objective et être décidée dans l’intérêt de l’entreprise, et non pas pour nuire au salarié ou pour des motifs discri-minatoires. Par ailleurs, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose de respecter à l’égard du salarié un délai de prévenance raisonnable, ce qui n’est pas le cas :

ä d’un délai de vingt-quatre heures (166) ; ä d’un délai de quarante-huit heures (167) ; ä d’un délai de sept jours pour un parent élevant seul un

enfant en bas âge (168) ; ä de l’affectation immédiate sur un autre site, sans res-

pect du délai de prévenance conventionnel d’un mois (169).

Enfin, pour demeurer un simple changement des conditions de travail, la mise en œuvre de la clause de mobilité ne doit pas entraîner de façon corollaire une modification du contrat de travail, comme une réduction de rémunération (170), ou un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour (171).

Je retiens• Que la modification temporaire du lieu de travail peut être

imposée au salarié dès lors qu’elle est mise en œuvre dans l’intérêt de l’entreprise et qu’elle relève, soit de la nature même des fonctions du salarié, soit de circonstances exceptionnelles ;

• Que la modification pérenne du lieu de travail, en l’absence de dispositions contractuelles, peut être imposée au salarié au sein d’un même « secteur géographique » ;

• Qu’une mutation géographique peut être imposée au salarié dans le cadre d’une clause contractuelle de mobilité dès lors que le périmètre de cette dernière est précisément défini ;

• Que dans tous les cas la mise en œuvre de la mobilité doit se faire sans abus de droit et dans le respect des droits et libertés fondamentaux du salarié.

(165) Appel Versailles, 15e Ch., 29 avr. 2020, RG no 16/02723.

(166) Cass. soc. 28 nov. 2012, no 11-22645.

(167) Cass. soc. 3 mai 2012, no 10-25937 ; Cass. soc. 1er déc. 2004, no 03-40306.

(168) Cass. soc. 25 janv. 2011, no 09-42307 ; Cass. soc. 19 mars 2003, no 01-40128.

(169) Cass. soc. 4 mars 2020, no 18-24329.

(170) Cass. soc. 15 févr. 2006, no 04-45584.

(171) Cass. soc. 14 oct. 2008, no 07-40092.

Page 28: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

208208 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIERe) Lien de subordination

Le salariat implique un lien de subordination entre le salarié et son employeur, parties au contrat de travail. En conséquence, toute modification de nature à modifier la nature de cette relation est une modification du contrat de travail requérant l’accord de ces deux parties.

Ainsi, le fait qu’un salarié devienne mandataire social (par exemple président du conseil d’administration) ne permet pas de considérer que le contrat de travail est transformé en mandat social. Le contrat de travail sub-siste, il est simplement suspendu le cas échéant (172).

Par ailleurs, le changement d’employeur est également une modification du contrat de travail requérant en prin-cipe l’accord du salarié. Il n’y a qu’en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail (changement dans la situation juridique de l’employeur, transfert d’une entité économique autonome) que le contrat de travail d’un salarié peut être transféré automatiquement à un autre employeur.

Dans les autres cas, et notamment lorsque le trans-fert résulte de dispositions conventionnelles relatives à la perte de marchés comme c’est le cas par exemple dans les secteurs du nettoyage ou de la sécurité, le changement d’employeur nécessite l’accord exprès du salarié.

La Cour de cassation énonce ainsi : « la clause de mobi-lité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s’est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe est nulle, et […] sauf application éventuelle de l’article L. 1224-1 du Code du travail, le changement d’employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l’accord exprès du salarié, qui ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction » (173).

Seul le salarié peut cependant se prévaloir de son absence d’accord exprès (174). Dans cette espèce, le salarié soutenait que son contrat de travail avait été transféré à la société entrante en application de dispositions convention-nelles relatives à la perte et reprise de marché. La société entrante, pour sa part, réfutait ce transfert en indiquant que le salarié avait refusé de signer l’avenant au contrat de travail entérinant le changement d’employeur.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir fait droit aux demandes du salarié et d’avoir confirmé le transfert, nonobstant le refus de l’intéressé de signer l’ave-nant au contrat de travail…

Je retiens• Que la modification du contrat de travail touchant au lien

de subordination nécessite l’accord du salarié ;• Que le changement d’employeur, hors le cas où l’article

L. 1224-1 du Code du travail est applicable, nécessite l’accord exprès du salarié.

(172) Cass. soc. 14 juin 2005, no 02-47320.

(173) Cass. soc. 19 mai 2016, no 14-26556.

(174) Cass. soc. 12 juin 2019, no 17-21013.

B - Autres éléments contractualisésEn dehors des éléments essentiels du contrat de tra-

vail précédemment évoqués, les parties peuvent égale-ment avoir conclu d’autres stipulations contractuelles.

Il est possible, par exemple, de contractualiser expres-sément des éléments du contrat qui relèvent en principe du pouvoir de direction de l’employeur, comme les horaires de travail (175), le lieu de travail (176) ou un avantage résultant initialement d’un usage (177).

Néanmoins, pour qu’il y ait contractualisation d’un élé-ment en principe non-essentiel du contrat de travail, il faut que cela résulte d’une clause expresse, claire et précise (178).

Au-delà de ces éléments « de base » du contrat de tra-vail, les parties peuvent aussi convenir d’ajouter à leur relation de travail divers éléments optionnels, comme par exemple, une clause de non-concurrence (179), une clause d’exclusivité (180) ou une clause de garantie d’emploi (181).

Les parties peuvent aussi convenir entre elles, sur certains points, d’appliquer une règle différente de celle normalement prévue par le Code du travail ou la conven-tion collective : une durée de préavis dérogatoire (182), une catégorie professionnelle supérieure (183) ou l’application volontaire d’une convention collective (184).

La liberté contractuelle permet aux parties d’imaginer toutes sortes de clauses à ajouter dans leur contrat de tra-vail, toujours sous réserve de respecter l’ordre public et les droits et libertés fondamentaux des salariés (voir p. 190).

Tous ces éléments relevant d’une contractualisa-tion entre les parties obéiront, en cas de changement, au régime de la modification du contrat de travail.

Je retiens• Que les parties peuvent convenir de contractualiser divers

éléments en plus des éléments essentiels du contrat de travail ;• Que la contractualisation doit résulter d’une clause claire

et précise du contrat de travail ;• Que les éléments contractualisés ne peuvent être modifiés

sans l’accord des deux parties.

(175) Cass. soc. 11 juil. 2001, no 99-42710 ; Cass. soc. 9 mars 2005, no 03-41715 ; Cass. soc. 11 juil. 2001, no 99-42710 ; Cass. soc. 16 juin 2009, no 08-40240.

(176) Cass. soc. 16 mai 2000, no 97-45923.

(177) Cass. soc. 22 janv. 1992, no 89-42840.

(178) Cass. soc. 3 juin 2003, no 01-40376 et Cass. soc. 3 juin 2003, no 01-43573 à propos de la contractualisation du lieu de travail.

(179) Cass. soc. 7 juil. 1998, no 96-40256.

(180) Cass. soc. 7 juin 2005, no 03-42080.

(181) Cass. soc. 4 mars 2008, no 06-45221.

(182) Cass. soc. 30 sept. 2003, no 01-44454.

(183) Cass. soc. 6 juil. 2011, no 09-431302.

(184) Cass. soc. 3 févr. 1993, no 89-45433.

Page 29: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

209209 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

3 AGIR : MISE EN ŒUVRE DE LA MODIFICATION, ACCEPTATION OU REFUS DU SALARIÉLa phase d’analyse a permis d’évaluer si la situation

litigieuse est plus susceptible de recevoir, devant une juri-diction, la qualification de modification du contrat ou de changement des conditions de travail.

Néanmoins, avoir identifié une modification du contrat de travail ne signifie pas avoir résolu le problème. La pos-sibilité théorique ouverte au salarié de s’opposer à la modi-fication de son contrat ne signifie pas pour autant que cela soit en pratique véritablement possible, ou souhaitable. En effet, même légitime, le refus du salarié ne sera pas sans conséquence . Et encore faut-il exprimer ce refus de la bonne façon et au bon moment, en fonction de la procé-dure applicable au cas d’espèce .

A - Procédure de modification du contrat de travailLa mise en œuvre d’une modification du contrat de tra-

vail n’obéit, en principe, à aucune procédure particulière prévue par le Code du travail. Toutefois, des procédures spécifiques et un certain formalisme sont à respecter en cas de modification trouvant son origine dans un motif économique ou un accord de performance collective.

a) Le droit commun du travailPar principe, le Code du travail ne prévoit aucune

procédure particulière, aucun formalisme, pour mettre en œuvre une modification du contrat de travail. La logique impose cependant trois grandes étapes : une proposition de l’employeur, une réflexion du salarié, et une réponse de ce dernier.

1. L’employeur proposeLa proposition de l’employeur peut être orale ou écrite,

mais dans tous les cas, si la modification du contrat de tra-vail est acceptée par le salarié, elle devra faire l’objet d’un avenant écrit au contrat de travail. Par ailleurs, verbale, une proposition présente l’inconvénient majeur d’être difficile-ment prouvable. Il est donc de l’intérêt des parties que la proposition de modification du contrat de travail fasse l’ob-jet d’un écrit. Par ailleurs, un écrit sera tout de même exigé en cas de modification du contrat de travail pour un motif disciplinaire. En effet, dans ce cas, l’employeur est tenu de respecter la procédure disciplinaire prévue à l’article L. 1332-2 du Code du travail, ce qui implique de convoquer le salarié à un entretien préalable, de tenir cet entretien, de laisser s’écouler ensuite un délai de réflexion de deux jours, avant de notifier dans le délai d’un mois une sanction qui doit être écrite et motivée. La notification de la sanction prendra alors, en l’occurrence, la forme d’une proposition

de modification du contrat de travail. Il ne s’agit pas à pro-prement parler d’une procédure spécifique de modification du contrat de travail : cette dernière s’inscrit simplement dans la procédure disciplinaire de droit commun.

Dans cette configuration, la jurisprudence a posé une exigence particulière : l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de sa faculté de refuser la modification propo-sée (185), à défaut de quoi elle sera considérée comme modi-fication unilatérale du contrat de travail (186).

2. Le salarié dispose, après réflexionL’employeur doit laisser au salarié un délai de réflexion

raisonnable. En effet, il a été jugé que l’employeur avait manqué à la bonne foi contractuelle en demandant à une salariée de signer sur-le-champ un avenant au contrat de travail, sans lui laisser aucun délai de réflexion (187). La vali-dité de l’avenant signé sans aucun délai de réflexion pour-rait ainsi être remise en cause sur le fondement du vice du consentement.

Enfin, il est très important de souligner qu’en matière de modification du contrat de travail, le silence ne vaut pas acceptation. L’adage courant, selon lequel « qui ne dit mot consent », ne s’applique pas en la matière. L’accord du sala-rié doit être exprès et ne peut résulter de la poursuite du contrat aux conditions modifiées (188).

ExempleLe fait que le salarié ait travaillé pour une société entrante à l’oc-casion d’une perte et reprise de marché ne suffit pas à caractéri-ser son accord pour être transféré (189).

L’accord du salarié doit non seulement être exprès, mais également être clair et exempt de vice du consen-tement. À cet égard, la signature d’un avenant avec la mention « sous réserve de mes droits » a pu être considérée comme ne valant pas acceptation (190). Le vice du consen-tement pourra également être retenu si le salarié n’a pas été correctement informé de sorte que son consentement n’était pas « libre et éclairé » (191). L’accord du salarié doit également être complet : un accord donné uniquement sur des fonctions ne vaut pas accord sur la rémunération (192).

L’accord du salarié est absolument requis, même lorsque la modification proposée a un motif qui peut sem-bler légitime, comme une sanction disciplinaire (193) ou un reclassement dans le cadre d’une inaptitude physique (194).

(185) Cass. soc. 28 avr. 2011, no 09-70619 ; Cass. soc. 29 mai 2013, no 12-13437.

(186) Cass. soc. 29 mai 2013, no 12-13437.

(187) Cass. soc. 28 mars 2001 no 99-41703.

(188) Cass. soc. 8 oct. 1987, no 84-41902 ; Cass. soc. 7 févr. 1990, no 85-44638 ; Cass. soc. 19 févr. 2014, no 12-21162 ; Cass. soc. 16 oct. 2019, no 17-18445.

(189) Cass. soc. 19 mai 2016, no 14-26588.

(190) Cass. soc. 4 févr. 2003, no 01-40066.

(191) Cass. soc. 2 juil. 2003, no 01-40564.

(192) Cass. soc. 9 oct. 2013, no 12-10265.

(193) Cass. soc. 16 juin 1998, no 95-45.033.

(194) Cass. soc. 15 févr. 2012, no 10-18660.

Page 30: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

210210 no 914 | juin 2021 no 914 | juin 2021

DOSSIER

210210 no 914 | juin 2021

áModèle de lettreRefus d’une modification du contrat de travail

Nom, prénom (Madame, Monsieur) le directeur de (entreprise)Adresse Adresse de l’entreprise

Lettre recommandée avec avis de réceptionÀ (Ville), le (date)

(Madame, Monsieur) le directeur,Vous m’avez notifié le (date) une modification de mes conditions de travail (indiquez les changements litigieux, lieu, durée, qualification, rémunération).Vous n’ignorez pas qu’un tel changement constitue une modification de mon contrat de travail que je ne peux que refuser. En effet, cette modification aurait de sérieuses conséquences sur ma vie privée (transports, domicile, obligations familiales ou sociales…).En conséquence, je vous prie de bien vouloir renoncer à votre projet de modification et vous confirme que je souhaite poursuivre l’exécution de mon contrat de travail avec votre société dans le respect de mes conditions de travail actuelles.Recevez (Madame, Monsieur) le directeur, mes salutations distinguées.Signature

L’absence d’accord exprès du salarié sera nécessaire-ment assimilée à un refus.

En pratique, l’accord des parties se matérialisera par la signature d’un avenant au contrat de travail. À cet égard, il convient de rappeler qu’un document peut constituer un avenant même s’il n’en porte pas le titre.

Attention donc pour le salarié, à ne rien signer qui soit susceptible de constituer une acceptation de la modifica-tion du contrat de travail, quand bien même le document ne s’intitulerait pas « avenant » ! Il a été jugé par exemple qu’un salarié avait donné un accord exprès à la modi-fication de son contrat de travail au vu des échanges de courriels entre l’employeur et le salarié montrant que ce dernier avait déclaré désirer être affecté au poste auquel il avait été muté (195).

Une fois l’avenant signé, aucun délai de rétractation n’est prévu. Le salarié ne peut donc plus changer d’avis, toute nouvelle modification du contrat de travail nécessi-tant de nouveau l’accord des deux parties.

Je retiens• Que la proposition de modification du contrat de travail

n’obéit en principe à aucune procédure et aucun formalisme particulier ;

• Que la procédure disciplinaire doit cependant être respectée lorsque la modification est envisagée à titre de sanction ;

• Que le salarié doit disposer d’un délai de réflexion raisonnable ;

• Que l’accord du salarié doit être exprès, clair, et exempt de vice du consentement, et se matérialiser par la signature d’un avenant au contrat de travail ;

(195) Cass. soc. 16 oct. 2019, no 17-18446.

• Qu’il n’existe pas de possibilité de rétractation une fois que le salarié a donné son accord ;

• Que l’absence d’accord exprès du salarié s’assimile nécessairement à un refus.

b) Les procédures spécifiquesLe Code du travail prévoit des procédures particu-

lières pour la modification du contrat de travail lorsque celle-ci intervient pour un motif économique ou dans le cadre d’un accord de performance collective .

1. Modification du contrat de travail pour un motif économique

L’article L. 1222-6 du Code du travail dispose :« Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élé-

ment essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs écono-miques énoncés à l’article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l’entreprise est en redresse-ment judiciaire ou en liquidation judiciaire.

À défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judi-ciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »

Cette procédure est applicable dès lors que la raison pour laquelle l’employeur souhaite modifier le contrat de travail correspond à un motif non inhérent à la personne du salarié (196).

(196) Cass. soc. 3 mai 2012 no 10-27427 : « la modification du contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié est réputée fondée sur un motif économique ».

Page 31: L’ACTUALITE JURIDIQUE Sommaires de jurisprudence LA

Modification envisagée pour un motif non

inhérent à la personne du salarié

Proposition de la modification par LRAR avec information sur le délai de refus d’un mois

(15 jours si RJ/LJ)

Accord exprès du salarié

dans le délaiMise en œuvre

de lamodification

Abandon de la

modification

Licenciement pour motif

économique

Silence du salarié jusqu’à l’expiration

du délai

Refus explicite du salarié

dans le délai

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

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LA PROCÉDURE DE MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL POUR MOTIF ÉCONOMIQUE

La procédure spécifique pour motif économique s’ap-plique indépendamment du caractère justifié ou non du motif économique invoqué. Ainsi, même s’il s’avère après coup que le motif économique allégué n’était pas fondé, le consentement tacite du salarié acquis par l’écoulement du délai d’un mois ne peut pas être remis en cause (197).

Cette procédure se déroule en trois étapes :1° L’employeur formule une proposition écrite par lettre

recommandée avec avis de réception, en informant le salarié du délai imparti pour refuser.

2° Le salarié dispose d’un délai d’un mois (quinze jours en cas de procédure collective) à compter de la réception de la lettre pour refuser expressément la modification de son contrat.

3° En l’absence de refus exprès du salarié dans le délai imparti, la modification du contrat de travail peut être mise en œuvre ; à l’inverse, en cas de refus exprès du salarié, l’employeur peut mettre en œuvre un licencie-ment pour motif économique.

Il s’agit donc d’une dérogation au principe selon lequel le silence du salarié ne vaut jamais acceptation de la modi-fication de son contrat.

La Cour de cassation précise qu’il faut que la lettre notifiant la proposition de modification informe le salarié « de ses nouvelles conditions d’emploi comme des éventuelles mesures accompagnant cette modification afin de lui permettre de prendre position sur l’offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix ; qu’à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse » (198).

Le délai d’un mois (ou quinze jours) court à compter de la réception effective de la lettre par le salarié, et non de la première présentation du recommandé (199).

(197) Cass. soc. 5 mars 2014, no 12-25035.

(198) Cass. soc. 30 janv. 2008, no 06-42000.

(199) Cass. soc. 27 mars 2008, no 07-40428.

À noterCe délai est un délai de réflexion impératif qui doit être respecté en intégralité par l’employeur, même si le salarié fait connaître son refus avant la fin du délai : si la procédure de licenciement est enga-gée avant l’écoulement du délai, la rupture est privée de cause réelle et sérieuse (200). Le salarié a donc la possibilité de changer d’avis en cours de délai, et l’employeur ne peut en aucun cas lui demander de se prononcer dans un délai inférieur au délai légal.

La Cour de cassation a eu l’occasion de juger que, si le silence du salarié vaut acceptation, tel n’est pas le cas d’une réponse ambiguë qui, elle, vaut refus (201).

En cas de refus de la modification par le salarié, l’em-ployeur peut soit décider de continuer le contrat aux condi-tions antérieures, soit engager une procédure de licencie-ment pour motif économique. Si la modification du contrat de travail a été proposée à plusieurs salariés, et si plusieurs refusent, c’est un licenciement économique collectif que l’employeur devra mettre en œuvre en respectant les dis-positions spécifiques du Code du travail à cet égard.

L’employeur qui ne respecte pas correctement la pro-cédure de l’article L. 1222-6 ne peut se prévaloir ni d’un refus, ni d’une acceptation du salarié (202).

À noter cependant, cette procédure pour motif écono-mique ne s’applique pas lorsque la modification du contrat de travail est envisagée dans le cadre d’une proposition de reclassement s’inscrivant déjà dans une procédure de licenciement pour motif économique (203).

2. Accord de performance collectiveLes accords de performance collective sont un type

spécifique d’accord collectif, résultant des ordonnances

(200) Cass. soc. 28 oct. 2008, no 07-42718 ; Cass. soc. 4 juil. 2012, no 11-19205.

(201) Cass. soc. 16 janv. 2001, no 00-45269 ; Cass. soc. 20 mars 2013, no 11-27806.

(202) Cass. soc. 28 sept. 2016, no 15-16775 ; Cass. soc. 25 janv. 2005, no 02-41819.

(203) Cass. soc. 27 nov. 2001, no 99-41723

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DOSSIERdites « Macron » de septembre 2017. Ils sont prévus à l’ar-ticle L. 2254-2 du Code du travail (voir p. 194) et regroupent dans un régime unique les anciens accords « de mobilité », « de maintien de l’emploi » et « de préservation ou développe-ment de l’emploi » qui étaient issus des lois du 14 juin 2013 et du 8 août 2016 (204)

Ces accords, conclus « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi », ont le pouvoir de modifier les contrats de travail en s’y incorporant sur des sujets tels que la durée du travail, la rémunération ou la mobilité pro-fessionnelle ou géographique. Les paragraphes III à V de l’article L. 2254-2 prévoient à ce titre :

« III. – Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de tra-vail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord.

IV. – Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord.

V. – L’employeur dispose d’un délai de deux mois à comp-ter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu’aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20. »

Si l’accord de performance collective a la faculté de modifier le contrat de travail des salariés concernés, ces derniers conservent ainsi toutefois la possibilité de s’y opposer.

La procédure spécifique applicable dans ce cas est la suivante :1° l’employeur informe les salariés « par tout moyen » de

l’accord conclu et de la possibilité de s’opposer à la modification du contrat de travail ;

2° le salarié dispose d’un délai d’un mois pour refuser par écrit la modification du contrat de travail ;

3° en cas de refus exprès du salarié, l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour engager un licenciement pour motif personnel qui sera automatique ment justifié par une cause réelle et sérieuse.

Encore une fois, dans cette procédure, le silence du salarié vaut acceptation de la modification du contrat de travail, qui s’applique « de plein droit ».

Le délai accordé aux salariés pour exprimer leur refus est fixé à un mois par le Code du travail, néanmoins il

(204) Voir A. Le Mire, « Les accords de performance collective », RPDS 2018, no 879, p. 227.

paraît possible que l’accord collectif en cause fixe un délai plus long, donc plus favorable aux salariés. Un délai plus court serait en revanche illicite.

Le point de départ du délai de réflexion, à l’instar de la procédure de modification pour motif économique, est la date d’information du salarié. Cependant, dans le cas de l’accord de performance collective, l’information n’est pas individuelle par lettre recommandée, mais collec-tive par tout moyen. Les salariés doivent donc demeurer particulièrement attentifs pour ne pas manquer cette information.

L’article du Code du travail ne précise pas si l’em-ployeur doit attendre la fin du délai d’un mois pour mettre en œuvre la modification du contrat de travail. Néanmoins, cela paraîtrait logique puisque le salarié dispose de ce délai pour refuser… Toutefois, l’accord collectif entre en prin-cipe en vigueur le lendemain de l’accomplissement des formalités de dépôt, et le texte indique qu’il modifie « de plein droit » le contrat de travail. La question demeure donc irrésolue et il faudra attendre la position de la Cour de cas-sation sur ce point.

Normalement, lorsqu’un salarié refuse une modifica-tion de son contrat de travail, l’employeur a le choix entre abandonner la modification envisagée, ou procéder au licenciement du salarié. Mais dans le cas de l’accord de performance collective, la continuation du contrat aux conditions antérieures est-elle envisageable ? Risquant d’aboutir à ce que l’accord collectif ne s’applique que par-tiellement au sein de l’entreprise, l’hypothèse paraît peu probable… Il est donc quasi certain que le salarié qui refuse la modification de son contrat sera licencié.

Or, dans ce cas particulier, le Code du travail crée de toutes pièces un motif de licenciement spécifique, automa-tiquement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Même si l’accord collectif a été initialement conclu dans un contexte de difficultés économiques, le licenciement prononcé n’est pas un licenciement pour motif économique mais consti-tue un licenciement pour motif personnel. Le salarié ne bénéficiera donc, ni du contrat de sécurisation profession-nelle, ni d’une recherche de reclassement, ni d’une prio-rité de réembauche, etc. Ce licenciement ne peut pas être contesté dès lors que l’accord collectif a été valablement conclu, et que l’employeur a respecté la procédure de l’ar-ticle L. 2254-2.

Je retiens• Que l’employeur doit respecter une procédure spécifique

lorsque la modification du contrat de travail est envisagée en application d’un motif économique ou d’un accord de performance collective ;

• Que dans ce cas le silence du salarié vaut acceptation de la modification de son contrat de travail ;

• Que le salarié peut s’opposer à la modification de son contrat de travail en exprimant par écrit son refus explicite dans le délai imparti (quinze jours, un mois ou deux mois selon les cas) ;

• Que le refus du salarié risque d’entraîner son licenciement.

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DOSSIER CONTRAT DE TRAVAIL

áCas particulier du contrat à durée déterminéeLe contrat à durée déterminée ne peut pas être rompu par un licencie-ment. Il en résulte qu’en cas de refus par un salarié de la modification de son contrat de travail, l’employeur ne peut pas décider de rompre la relation de travail. Il est donc contraint de continuer l’exécution du contrat aux conditions antérieures.En cas de refus d’un simple changement des conditions de travail par un salarié sous contrat à durée déterminée, il conviendra de rechercher si ce refus est susceptible de constituer une faute grave justifiant la rupture du contrat à durée déterminée (1), ce qui ne sera pas nécessairement le cas (2).

(1) Art. L. 1243-1 du C. trav.(2) Cass. soc. 20 nov. 2013, no 12-30100.

B - Les conséquences du refus du salariéLorsque le salarié refuse la modification de son contrat

de travail, l’employeur prend alors généralement l’initiative de rompre la relation de travail . Mais il arrive tout de même parfois que le contrat de travail se poursuive, soit parce que l’employeur renonce à la modification envisagée, soit parce qu’il tente de l’imposer unilatéralement au salarié .

a) La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur

1. Cas d’un refus légitime d’une modification du contrat de travail

Le salarié peut légitimement s’opposer à la modifica-tion de son contrat de travail.

Lorsque le salarié refuse la modification proposée, l’employeur qui ne souhaite pas renoncer à son projet n’a d’autre solution que de prendre l’initiative de rompre la relation de travail. En ce cas, il doit initier une procédure de licenciement. Cependant, le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas, en soi, un motif légitime de licenciement (205). Pour autant, le licenciement prononcé à la suite du refus par un salarié de la modification de son contrat de travail ne sera pas néces-sairement dénué de cause réelle et sérieuse.

C’est la raison initiale ayant conduit à proposer la modi-fication du contrat qui constituera le motif de licenciement. Ce motif, conformément au droit commun, doit constituer une cause réelle et sérieuse, qu’elle soit de nature person-nelle (206) ou économique (207). En cas de contestation de la rupture, il appartiendra aux juges du fond de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement (208).

La procédure de licenciement à respecter dépend de l’origine de la modification du contrat de travail. Ainsi, si la modification du contrat de travail a été proposée au salarié en guise de sanction disciplinaire, l’employeur doit observer la procédure disciplinaire des articles L. 1332-1 et suivants du Code du travail. Si la modification du contrat résulte d’une cause personnelle mais non disciplinaire, c’est un licenciement pour motif personnel de droit commun régie par les articles L. 1232-1 et suivants du Code du travail.

Si la modification du contrat a été envisagée pour un motif non inhérent à la personne du salarié, le licenciement est un licenciement pour motif économique obéissant aux règles du chapitre III du titre III, Livre II, première partie, du Code du travail. L’employeur doit donc rechercher un reclassement, proposer le contrat de sécurisation professionnelle, informer la DREETS, éventuellement mettre en place du plan de sau-vegarde de l’emploi si les conditions en sont remplies, etc.

(205) Cass. soc. 6 juil. 1994, no 93-40611 ; Cass. soc. 28 janv. 2005, no 03-40639 ; Cass. soc. 8 juin 2011, no 09-65436.

(206) Art. L. 1232-1 du C. trav.

(207) Art. L. 1233-2 du C. trav. ; Cass. soc. 28 mai 2019, no 17-17929 ; Cass. soc. 27 mai 2020, no 18-19605.

(208) Cass. soc. 10 déc. 1996, no 94-40300 ; Cass. soc. 19 févr. 1997, no 95-41207.

Dans la mesure où le salarié a refusé la modification de son contrat de travail, le préavis de licenciement doit être exécuté aux conditions antérieures, sans appliquer la modification envisagée (209). Si le préavis ne peut être exécuté aux conditions antérieures, son inexécution est alors imputable à l’employeur et le salarié est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis (210).

Attention !• Quand bien même le salarié serait dans son droit le plus strict en refusant la modification de son contrat de travail, il peut faire l’objet d’un licenciement qui ne sera pas forcément contestable. Cette perte d’emploi possible (et même probable) doit donc être sérieu-sement envisagée et soigneusement mise en balance avec la modi-fication du contrat proposée, avant d’exprimer un refus définitif… • Cela oblige également le salarié et ses défenseurs à bien ana-lyser la modification du contrat de travail ayant fondé un licencie-ment, avant d’engager éventuellement une action en contestation devant le conseil de prud’hommes. En effet, de la légitimité ou non de la modification proposée dépendront les chances de suc-cès de l’action prud’homale.

2. Cas d’un refus illégitimeIl est des cas où le salarié se trompe en pensant pou-

voir refuser le changement proposé par l’employeur. En effet, il est parfois difficile de distinguer un simple change-ment des conditions de travail d’une véritable modification du contrat de travail. Le salarié pourra donc parfois déci-der de s’opposer à ce qu’il considère comme une modifica-tion du contrat de travail, tandis que l’employeur considère qu’il s’agit d’un simple changement des conditions de tra-vail relevant de son pouvoir de direction.

Le salarié qui refuse un simple changement de ses conditions de travail peut être sanctionné par l’employeur. Cette sanction peut aller jusqu’au licenciement, éventuel-lement pour faute grave, ce qui prive le salarié des indem-nités de rupture (211).

(209) Cass. Ass. plén. 18 nov. 1994, no 90-44.54 ; Cass. soc. 8 juin 1994, no 90-45703.

(210) Cass. soc. 3 mai 2016, no 14-25726.

(211)Voir par exemple, Cass. soc. 13 juin 2018, no 17-17644.

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DOSSIERDans ce cas, le motif de licenciement n’est plus à

rechercher dans la raison originelle du changement envi-sagée : il s’agit d’un pur motif disciplinaire résultant, en soi, du refus du salarié de se soumettre au pouvoir de direction de l’employeur. Le licenciement a donc, en principe, une cause réelle et sérieuse (212).

Si le refus par un salarié du changement de ses condi-tions de travail ne constitue plus en principe, « à lui seul », une faute grave (213), la faute grave peut néanmoins être retenue lorsque l’employeur rapporte la preuve d’une insu-bordination caractérisée (214).

L’appréciation de l’existence ou non d’une faute grave en l’espèce relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Dans ce cas, le salarié sera contraint d’exécuter son préavis aux conditions modifiées par l’employeur (215). Si le salarié refuse d’exécuter le préavis aux conditions modifiées, il ne pourra pas demander le paiement de l’in-demnité compensatrice de préavis car l’inexécution lui est imputable (216).

L’employeur pourrait même solliciter une indemnisa-tion du fait de l’inexécution du préavis par le salarié.

Je retiens• Que le refus légitime d’une modification du contrat

de travail peut entraîner un licenciement dont la cause résidera dans le motif de la modification ;

• Que les juges du fond apprécient souverainement si le motif de modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

• Que le refus d’un simple changement des conditions de travail constitue un motif disciplinaire pouvant fonder un licenciement, éventuellement pour faute grave.

b) La continuation du contrat de travailSi l’employeur renonce à la modification envisagée, le

contrat de travail se poursuit aux conditions antérieures (217).Dès lors que l’employeur abandonne son projet de

modification, cette hypothèse ne pose pas de problème. En revanche, il arrive parfois (souvent ?) que l’employeur tente d’imposer au salarié la modification du contrat de travail, malgré le refus du salarié, ou sans même tenter de recueillir l’avis de celui-ci.

(212) Cass. soc. 10 juil. 2019, no 17-31637.

(213) Cass. soc. 23 févr. 2003, no 03-42018 ; Cass. soc. 11 mai 2005, no 03-41753 ; Cass. soc. 17 juil. 2007, no 06-42935 ; Cass. soc. 12 mai 2010, no 09-41008.

(214) Cass. soc. 19 nov. 2014, no 13-20129 ; Cass. soc. 10 déc. 2014, no 13-13644.

(215) Cass. soc. 25 nov. 1997, no 95-44053 ; Cass. soc. 4 avr. 2006, no 04-43506.

(216) Cass. soc. 31 mars 2016, no 14-19711 ; Cass. soc. 4 mars 2020, no 18-10636.

(217) Cass. soc. 5 oct. 1993, no 90-42064 ; Cass. soc. 29 juin 1999, no 97-42248 ; Cass. soc. 26 nov. 2002, no 00-44517.

Or, le salarié ne peut être tenu d’exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l’employeur (218).

Face à un employeur qui tente de lui imposer une modification unilatérale de son contrat de travail, quels sont alors les recours du salarié ?

En premier lieu, il est possible de solliciter la résilia-tion judiciaire du contrat de travail (219). Le salarié peut également décider de prendre acte de la rupture. En ce cas, les juges du fond devront examiner si le manquement de l’employeur justifiait la prise d’acte. Dans l’affirmative, celle-ci produira les effets d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; à défaut, elle produira les effets d’une démission et le salarié prend alors le risque de se retrouver sans indemnités de rupture et sans droit aux indemnités Pôle emploi.

La jurisprudence a dans un premier temps adopté une position relativement favorable aux salariés : dès lors que la modification unilatérale du contrat était retenue, la prise d’acte était justifiée (220).

Néanmoins, la Cour de cassation a infléchi sa position et exige désormais que le manquement de l’employeur soit suffisamment grave pour justifier la prise d’acte ou la rési-liation judiciaire.

Si la modification du contrat imposée par l’employeur est jugée mineure, ou si elle a été régularisée entretemps par exemple, la résiliation judiciaire sera refusée (221) ou la prise d’acte sera considérée comme produisant les effets d’une démission (222).

Je retiens• Que si l’employeur renonce à la modification du contrat

de travail, la relation de travail se poursuit aux conditions antérieures ;

• Que l’employeur ne peut pas imposer au salarié de poursuivre la relation de travail aux conditions modifiées lorsque cela relève d’une modification du contrat de travail ;

• Que le salarié peut prendre acte de la rupture ou demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsque le manquement est suffisamment grave, ce qui n’est pas nécessairement le cas même si la modification unilatérale du contrat de travail est caractérisée.

(218) Cass. soc. 26 juin 2001, no 99-42489 ; Cass. soc. 13 juil. 2004, no 02-43700.

(219) Cass. soc. 13 nov. 2002, no 00-44028 : « la modification par l’employeur de la rémunération justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ce dernier » ; Appel Versailles 6 mai 2020, no 17/02839, Sté Louis Berger (modification des fonctions imposée à une salariée ayant entraîné la réduction de ses tâches et la perte de ses responsabilités).

(220) Cass. soc. 13 juil. 2005, no 03-45247 ; Cass. soc. 5 mai 2010, no 07-45409.

(221) Cass. soc. 12 juin 2014, nos 13-11448 et 12-29063.

(222) Voir par exemple, Cass. soc. 15 janv. 2020, no 18-14665.

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