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L’éditionoriginaledecetouvrageaparusousletitre:

ATHOUSANDBOYKISSES

Copyright©2016byTillieCole.Tousdroitsréservés.

Traduitdel’anglais(Royaume-Uni)parCharlotteFaraday.

Couverture:HangLe.

©HachetteLivre,2016,pourlatraductionetlapremièreéditionfrançaises.HachetteLivre,58,rueJean-Bleuzen,CS70007,92178VanvesCedex.

ISBN:978-2-01-161347-9

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Àtousceuxquicroientaugrandamour.Celivreestpourvous.

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PROLOGUE

Rune

Mavieaétémarquéeparquatremomentsclés.Envoiciletoutpremier.

*

BlossomGrove,Géorgie,États-UnisDouzeansplustôt

Àcinqans

—Jegvildra!Nå!Jegvilreisehjemigjen!J’aihurlédetoutesmesforces.Jevoulaispartir.Toutdesuite.Jevoulaisrentreràlamaison.—Non,Rune,arépondumamère.Maintenant,notreplaceestici.Elles’estagenouilléedevantmoi,dansnotrenouveaujardin,etm’aregardédroitdanslesyeux.—JesaisquetunevoulaispasquitterOslo,maistonpappaaunnouveautravailici,enGéorgie.Ellem’acaressélebraspourmecalmer.Rienn’yfaisait.JenevoulaispasvivreenAmérique.Jevoulaisrentreràlamaison.—Sluttåsnakkeengelsk!DepuisnotredépartdeNorvège,mesparentsnemeparlaientqu’enanglais.Moi,jecontinuaisàleur

répondredansmalanguenatale.—On est enAmérique,Rune. Ici, tout lemonde parle anglais. Tu connais bien cette langue. Il est

tempsdet’enservir.Mamère a soulevé un carton et l’a porté jusque dans lamaison. Je suis resté planté là, dans notre

nouvellerue.Ilyavaitsixgrandesmaisons.Lanôtreétaitrouge,avecdesfenêtresblanchesetunegrandeterrasse.Machambreétaitaurez-de-chaussée.Jel’aimaisbien.Elleétaitspacieuse,différentedecelled’Oslo.Là-bas,machambreétaitaupremierétage.Lesautresmaisonsétaientpeintesde toutes lescouleurs :bleuciel, jaune, rose…Celledesvoisins

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étaitblanche,avecdesfenêtresnoires.Elleétaitquasimentcolléeàlanôtre.Nouspartagionsmêmeunpetitboutdepelouse.Iln’yavaitnibarrière,nimur.Sij’enavaiseuenvie,j’auraispucourirdansleurjardin.Ilyavaitdesfauteuilssurleurterrasseetunefenêtrejusteenfacedemachambre.Justeenface!Jen’aimaispasça.Jenevoulaispasvoirchezeux,etsurtoutpasqu’ilsvoientchezmoi.J’aiflanquéuncoupdepieddansuncaillouetjel’airegardéroulerensilence.J’allaisrejoindrema

mèreàl’intérieurquandunbruitaattirémonattention.Celavenaitdelamaisond’àcôté.C’étaitunefille.Elleestdescendueparlafenêtrefaceàmachambre.Elleasautédansl’herbeets’est

essuyélesmainssurlescuisses.Elleportaitunerobebleueetunnœudblancsurlatête.Elleavaitlescheveuxbruns,attachésenchignon.Onauraitditunnidd’oiseau.Elleacouruversmoiensouriant.—Bonjour!Jem’appellePoppyLitchfield,j’aicinqans,etjesuistavoisine.Ellem’atendulamain.Jel’aifixéeensilence.Elleavaitdelabouesurlesjouesetelleportaitdes

bottesjaunesencaoutchouc,avecdesballonsrougesdessinéssurlescôtés.Elleétaitbizarre.Etpuis,jenecomprenaispaspourquoiellemetendaitlebras.Poppyalevélesyeuxauciel.Ellem’a

attrapélamainetl’aserréedanslasienne.—Mamanditqu’ondoittoujoursserrerlamaindesinconnus.C’estunemarquedepolitesse.Jen’airienrépondu.J’étaisstupéfait.—Tut’appellescomment?m’ademandéPoppy.Elleapenchélatêtesurlecôté.Elleavaitdesbrindillesdanslescheveux.—Hé!Jet’aidemandétonnom.Jemesuiséclaircilavoix.—Jem’appelleRune.RuneErikKristiansen.Elleafroncélessourcils.—Tuesbizarre.—Neidetgjørjegikke!Jemesuisdirigéverslamaison.Jen’avaisplusenviedeluiparler.—Qu’est-cequetuasdit?—J’aiditquenon,jesuispasbizarre!C’estdunorvégien!Poppym’aregardéavecdegrandsyeux.—Tuesnorvégien?CommelesVikings?Mamanm’aluunlivresureux!TuesunViking,Rune?J’aibombéletorse.MonpèredisaitquetousleshommesdelafamilleétaientdesVikings.J’enétais

fier.—Ja,ai-jerépondu.JesuisunVikingdeNorvège.Unsourireailluminésonvisage.Elleaéclatéderireetavancéd’unpasversmoi.—C’est pour ça que t’as les cheveux longs et blonds et les yeuxbleus.T’es unViking !Avant, je

croyaisquetuétaisunefille…—Jesuispasunefille!

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Elleapasséunemaindansmescheveux.Ilsm’arrivaientjusqu’auxépaules.Touslesgarçonsd’Osloétaientcoifféscommemoi.—TuesunvraiViking,commeThor.Ilalescheveuxblondsetlesyeuxbleus,luiaussi!—Ja.Thorestleplusfortdetous.Poppyaposélesmainssurmesépaules,l’airsérieux.—Neledisàpersonne,Rune…maisjesuisuneaventurière.Ellearegardéautourd’elle,commepours’assurerquepersonnenel’écoutait,puiselleaapprochésa

bouchedemonoreille.—D’habitude,jen’emmènepersonneavecmoidansmesaventures,maistuesunViking.LesVikings

sontfortsetcourageux.Ilspassentleurtempsàvoyageretàcapturerlesméchants.Jenecomprenaistoujourspasoùellevoulaitenvenir.—Tuvasêtremonmeilleurami,Rune.—Ahbon?Elleahochélatêteetm’aserrélamainunesecondefois.—Jesuistonmeilleurami?—Oui!PoppyetRune…PoppyetRune,meilleursamispourlavie!Elleavaitraison.Çasonnaitbien.—Montre-moitachambre!Ilfautquejeteracontenotreprochaineaventure!Ellem’aattrapéparlamain,etnousavonscourujusquedansmachambre.Poppys’estprécipitéevers

lafenêtre.—Elleestenfacedelamienne,Rune!Onpourradiscutertouslessoirsetsefabriquerdestalkies-

walkiesavecdesboîtesdeconserve!Onseraconteranossecretsquandtoutlemondedormira!Poppyn’arrêtaitpasdeparler,mais jem’enfichais.J’aimais lesondesavoix.J’aimaissonrireet

j’aimaislenœudblancdanssescheveux.Finalement, ce pays n’était pas aussi horrible que je pensais. Pas avec Poppy Litchfield comme

meilleureamie.

*

Voilàcommentnotrehistoireacommencé.PoppyetRune.Meilleursamispourlavie.Dumoins,c’estcequejepensais.C’estfoucommeleschosespeuventchanger.

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CŒURBRISÉETBOCALDEBAISERS

Poppy

NeufansplustôtÀhuitans

—Qu’est-cequisepasse,papa?Monpèrem’apriseparlamainetm’aguidéejusqu’àlavoiture.J’aijetéunderniercoupd’œilvers

l’école,medemandantpourquoiilétaitvenumecherchersitôt.J’étaistristederentreràlamaison.Jenevoulaispasratermoncoursd’histoire.C’étaitmamatièrepréférée.J’adoraisl’école.J’aimaisapprendredenouvelleschoses.—Poppy!Oùvas-tu?Rune,monmeilleurami,étaitdel’autrecôtédelagrille.Nousétionsinséparables, luietmoi.Nous

nousennuyionsquandl’autren’étaitpaslà.J’aitournélatêteversmonpère,àlarecherched’unindice,maisiln’apasrépondu.—Jenesaispas,ai-jeditàRune.Je suis entréedans lavoiture, jeme suis installée sur le rehausseur et j’ai bouclémaceinture. J’ai

entendulecoupdesiffletdanslacour.Larécréationétaitterminée.Touslesélèvessesontprécipitésàl’intérieur.Tous, saufRune. Il étaitplantéderrière lagrille, le regard fixésurmoi.Ses longscheveuxblondsdansaientdanslevent.Est-cequeçava?ai-jelusurseslèvres.Ilavaitl’airinquiet.Monpèreadémarréavantquej’aieletempsderépondre.Runeacourulelongdelagrille,jusqu’àcequeMmeDavisleforceàretournerenclasse.—Poppy?—Oui,papa.—Tusaisquemamievitavecnousdepuisquelquetemps.J’aihochélatête.Magrand-mèredormaitdanslachambreenfacedelamienne.Mongrand-pèreétait

mortquandj’étaisbébé,etmagrand-mèreavaitvécuseulependantdelonguesannées,jusqu’àcequ’elle

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s’installecheznous.—Tuterappellescequ’aexpliquémaman?Tusaispourquoimamiehabiteàlamaison?—Oui,ai-jemurmuré.Parcequ’elleabesoind’aide.Parcequ’elleestmalade.Rienqued’enparler,j’enavaisleventrenoué.Magrand-mèreétaitmameilleureamie.CommeRune.

Ellem’atoujoursditquenousnousressemblions,touteslesdeux.Avantdetombermalade,elleavécupleind’aventures.Touslessoirs,ellemelisaitdeshistoiresdeconquérants :AlexandreLeGrand, lesRomainset,nospréférées,cellesdessamouraïsduJapon.Jesavaisqu’elleétaitmalade,maisellen’enavaitpasl’air.Ellesouriaittoutletemps,ellemeserrait

fortdans sesbraset elleme faisait rire.Elledisaitqu’elleavaitunclairde lunedans lecœuretdesrayonsdesoleilsurleslèvres.Elleétaitheureuse.Etellemerendaitheureuse,moiaussi.Cesdernièressemaines,elledormaitbeaucoup.Elleétait trèsfatiguée.C’étaitmoiquilui lisaisdes

histoireslesoir,etellepassaitunemaindansmescheveuxensouriant.Lessouriresdemamieétaientlesplusbeauxdumonde.—Oui,machérie.Mamieestmalade.Trèsmalade.Tucomprends?—Oui,papa.—C’estpourçaquejesuisvenutechercheràl’école.Mamiet’attend.Elleveuttevoir.Jenecomprenaispaspourquoiilfallaitquejerentreplustôt.Aprèstout,c’étaitlapremièrechoseque

jefaisaisenrentrantdel’école:jefonçaisdanssachambreetjeluiracontaismajournée.Monpèreatournédansnotrerueets’estgarédansl’allée.—Jesaisquetun’asquehuitans,mapuce,maisilvafalloirêtrecourageuseaujourd’hui.D’accord?J’aihochélatête.Monpèrem’asouri.Unsouriretriste.—Tueslameilleure.Ilestsortidelavoitureetilaouvertmaportière.Maindanslamain,nousnoussommesdirigésversla

maison. Il y avait plus de voitures que d’habitude. J’allais lui demander pourquoi quandMmeKristiansen,lamèredeRune,atraversélapelouseavecungrandplatdanslesmains.—Bonjour,James.—Bonjour,Adelis.Elle s’est arrêtéedevantnous.Elleavaitde longscheveuxblondsqui tombaientencascade sur ses

épaules.Elleétaitbelleetgentille.Elledisaitquej’étaislafillequ’ellen’avaitjamaiseue.—C’estpourvous,a-t-elleconfiéenluitendantleplat.DisàIvyquejepensefortàelle.Papaalâchémamainpourl’attraper.MmeKristiansens’estaccroupiedevantmoietm’aembrassée

surlajoue.—Soiscourageuse,Poppy.Ellenous a souri, puis elle est retournée chez elle.Papa apousséun soupir etm’a fait signede le

suivre.À l’intérieur, le salon était rempli à craquer.Mesoncles etmes tantes étaient installés sur lescanapésetmescousinsjouaientparterre.MatanteSilviaétaitassiseavecmessœurs,Savannah–quatreans–etIda–deuxans–,surlesgenoux.Certainss’essuyaientlesyeux.D’autrespleuraient.Personneneparlait.Inquiète, jeme suis agrippée à la veste demon père.Ma tanteDella était à l’entrée de la cuisine.

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C’étaitmatantepréférée.Jel’appelaisDeeDee.Ellemefaisaitrire.Elleétaitplusjeunequemamère,maisellesseressemblaientbeaucoup.Ellesavaientdelongscheveuxbrunsetlesyeuxverts,commemoi.Engrandissant,j’espéraisressembleràDeeDee.—Bonjour,mapuce.Elleavaitlesyeuxrougesetlavoixquitremblait.Elleaéchangéunregardavecmonpère,etelles’est

emparéeduplatdeMmeKristiansen.—C’estbientôtl’heure,James.ElleattendPoppy.J’ai suivimonpère, surprisequeDeeDeeneviennepasavecnous. J’ai jetéunœilpar-dessusmon

épaule.Matanteaposéleplatsurlatableetacachésonvisagedanssesmains.Elleaéclatéensanglots.Ellepleuraittellementfortquedessonsétrangess’échappaientdesabouche.—Papa…ai-jemurmuré.Ilaposéunemainsurmonépaule.—Toutvabien,mapuce.DeeDeeabesoind’êtreseule.Nousavonsmarchéjusqu’àlachambre,etmonpères’estarrêtédevantlaporte.—Mamanestàl’intérieur.ElleestavecBetty,l’infirmièredemamie.J’aifroncélessourcils.—Uneinfirmière?Ilaouvertlaporte.Mamèreétaitassisesurunechaiseàcôtédulit.Elleavaitlesyeuxrougesetelle

étaitdécoiffée.Mamèren’étaitjamaisdécoiffée.L’infirmièreétaitentraind’écriresurunbloc-notes.Ellem’asaluéedelamain.Magrand-mèreétait

allongéeavecuneaiguilledanslebras,reliéeàuntubetransparentetàunsacquipendaitàuncrochetenmétal.Mamères’estlevéeetmagrand-mèreatournélatête.Elleétaittouteblanche.Elleavaitl’airtrèsfatiguée.—Poppy?—Jesuislà,mamie.Jemesuisapprochéed’elle.Ellem’asouri.Unsourireréconfortant.—Jesuiscontentedetevoir,Poppy.Jemesenstoujoursmieuxquandmonpetitsoleilestlà.Ellem’appelaittoujoursson«petitsoleil»,oula«prunelledesesyeux».Unjour,ellem’avaitdit

quej’étaissapetite-fillepréférée.Jenedevaisenparleràpersonnepournepasvexermescousinsetmespetitessœurs.C’étaitnotresecret.Jemesuisassisesurlereborddulit.Magrand-mèreaserrémamaindanslasienne.Elleavaitlapeau

froide.Elleaprisunegrandeinspiration,etsapoitrineacrépitécommeunfeudecheminée.—Est-cequeçava,mamie?—Jesuisfatiguée,mapuce.Jel’aiembrasséesurlajoue.D’habitude,ellesentaitletabac.Ellefumaitbeaucoupdecigarettes.Ce

jour-là,ellen’avaitpasd’odeur.—Jevaisbientôtpartir,Poppy.J’aifroncélessourcils.

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—Partiroù?Est-cequejepeuxveniravectoi?Aprèstout,nouspartionstoujoursàl’aventureensemble.—Non,mapuce.Làoùjevais,tunepeuxpasmesuivre.Pasencore.Maisunjour,dansdelongues

années,tumerejoindras.Derrièremoi,mamèreaéclatéensanglots.—Jenecomprendspas,mamie.Jenecomprendspasoùtuvas.—Àlamaison,Poppy.Jerentreàlamaison.—Maistuesdéjààlamaison.—Non,mabelle.Cen’estpasmavraiemaison.Jem’apprêteàpartirpouruneautreaventure.Laplus

grandedetoutes.Jemesuissentietriste.Trèstriste.J’avaisenviedepleurer.—Mais…tuesmameilleureamie!Onparttoujoursàl’aventureensemble.Tun’aspasledroitde

partirsansmoi!Deslarmesdévalaientmesjoues.Ellelesaessuyéesdureversdelamain.—Jesais,Poppy.Maispascettefois.—Tun’aspaspeurdepartirtouteseule?—Non,jen’aipaspeur.—Jeneveuxpasquetupartes.—Tumeverrasdanstesrêves,mapuce.J’aiclignédesyeux.—Commetoiavecpapy?Tudistoujoursqu’ilterendvisitedanstesrêves.Elleahochélatêteensouriant.J’aiséchémeslarmes.Magrand-mèreaéchangéunregardavecma

mère.—J’aiuneaventureàteconfier,Poppy.—C’estvrai?— Rappelle-toi, ma puce. Quel est mon souvenir préféré ? Celui qui me fait encore sourire

aujourd’hui?—Lesbaisersdepapy.Parcequ’ilsétaientbeaux,qu’ilsterendaientheureuseetquec’étaitl’homme

detavie.Mamère s’est approchée de nous en silence.Elle avait un bocal dans lesmains. Il était rempli de

petitscœursenpapier.Ellel’aposédevantmoi.—Qu’est-cequec’est?—C’esttonaventure,arépondumagrand-mère.Millepetitscœurs.Millebaisersdegarçon.J’aiessayédecompterlescœurs…Impossible.Ilsétaienttropnombreux.—Jenecomprendspas…Elleaattrapéuncrayonsurlatabledechevet.—Tuavaisraison,Poppy.Mesplusbeauxsouvenirssontlesbaisersdetongrand-père.Pasceuxde

tous les jours,mais lesplusmémorables.Ceuxque tonpapynevoulaitpasque j’oublie.Ceuxquiont

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faillifaireéclatermoncœurdebonheur.Nosbaiserssouslapluie,devantlecoucherdesoleil,aubaldefind’année…quandilmeserraitfortdanssesbrasetmemurmuraitdesmotsdoux.Monregards’estposésurlebocalentremesmains.—C’estunbocaldesouvenirs,a-t-elleexpliqué.Grâceà lui, tu te rappelleras lesbaisersqui t’ont

rendueheureuse,ceuxauxquelstuvoudrasrepenserquandtuserasvieille,commemoi.Lesplusbeaux.Ceuxqui t’ont fait sourire.Chaque foisque legarçonque tuaimes t’offreunbaiser,ouvre lebocaletattrape un cœur. Écris l’endroit où il t’a embrassée. Quand tu seras grand-mère, tu raconteras tesaventuresàtespetits-enfants,commejel’aifaitavectoi.Tuaurasunbocalàtrésorsaveclesmilleplusbeauxbaisersdetavie.—Millebaisers?C’estbeaucoup,mamie!Ellearidoucement.—C’estmoinsquetunepenses,Poppy.Tuverras.Tuasdelonguesannéesdevanttoi.Elleasoupiréetelleafermélesyeux,commesielleavaitmalquelquepart.—Mamie?Elleaserrémamaindanslasienne.Unelarmeadévalésajouepâle.—Jesuisfatiguée,mabelle.Ilestbientôtl’heuredepartir.Jevoulaistevoirunedernièrefois,ette

donnercebocal.Jepenseraiàtoiauparadis.Jepenseraiàtoitouslesjours,enattendantdeterevoir.Mesyeuxsesontemplisdelarmes.—Nepleurepas,Poppy.Cen’estpaslafin.Cen’estqu’unepetitepausedansnosvies.Jeveillerai

surtoi.Jeseraidanstoncœur.Jeseraidanslacerisaiequej’aimetant,danslesoleiletlevent.Mamèreaposéunemainsurmonépaule.—Embrassemamie,Poppy.Elleestfatiguée.Elleabesoinderepos.Jemesuispenchéeetjel’aiembrasséesurlajoue.—Jet’aime,mamie.Elleapasséunemaindansmescheveux.—Jet’aimeaussi,mabelle.Tueslalumièredemavie.Jemesuisagrippéeàsamain.Jenevoulaispaslalâcher.Monpèrem’asoulevéedulitetm’aposée

par terre. J’ai serré le bocal fort contremoi. Jeme suis dirigée vers la porte, etma grand-mèrem’aappeléeunedernièrefois.—Poppy?Jemesuisretournée.Ellem’afaitungrandsourire.—N’oubliepas…Clairdeluneetrayonsdesoleil…—Jen’oublieraijamais.Ensortantdelachambre,j’aientendumamanéclaterensanglots.NousavonscroiséDeeDeedansle

couloir.Elleavaitl’airtriste,elleaussi.Jenevoulaispasresterlà.J’avaisbesoindesortirdelamaison.—Papa,est-cequejepeuxalleràlacerisaie?—Biensûr,mapuce.Jeviendraitechercherplustard.Faisattentionàtoi.Il a attrapé son portable et il a appelé quelqu’un. Je suis partie en courant, sans savoir de qui il

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s’agissait.Jesuissortiedelamaisonetj’aicouru,monbocalàlamain.—Poppy!Poppy,attends!Runeétaitrentrédel’école.Ilm’acouruaprès,maisjenemesuispasarrêtée.Pasmêmepourlui.Je

voulaisvoir lescerisiersenfleur.C’était l’endroitpréférédemagrand-mère.Jevoulaisêtredanssonendroitpréféré.Parcequej’étaistristequ’elleparteauparadis.Savraiemaison.—Poppy!Attends!Lesbranchesdescerisiersformaientuntunnelau-dessusdematête.L’herbeétaitverteetlecielbleu.

Lesarbresétaientgorgésdefleursrosesetblanches.J’airemontélesentierjusqu’auplusgrandcerisier.Sesbranchesétaientlourdesetbasses.C’étaitmonarbrepréféré,etaussiceluideRuneetdemagrand-mère.Jemesuismiseàgenoux,j’aiserrélebocalfortcontremapoitrineetj’ailaisséleslarmescoulersur

mesjoues.Runes’estarrêtéderrièremoi.—Poppymin?C’était comme ça qu’ilm’appelait.Poppymin. «Ma Poppy » en norvégien. J’adorais quand ilme

parlaitdanssalangue.—Nepleurepas,Poppymin.J’auraisaiméluiobéir,maisc’étaitplusfortquemoi.Jenevoulaispasquemagrand-mères’enaille.

Jesavaisque,quandjerentreraisàlamaison,elleneseraitpluslà.Jenelareverraisplusjamais.Runes’estassisàcôtédemoietm’aserréedanssesbras.J’aiblottimonvisagecontrelui.—Mamamieestmalade.Ellevapartir,Rune.—Jesais.Mamanmel’aditenrentrantdel’école.Jemesuisredresséeetj’aiessuyémeslarmes.Runeaprismamaindanslasienneetl’aposéesurson

cœur.Sontee-shirtétaitbrûlant,chaufféparlesoleil.—Jesuisdésolé,Poppymin.Jen’aimepastevoirpleurer.D’habitude,tuestoujoursheureuse.J’aiposélatêtesursonépaule.—C’estmameilleureamie,Rune.—Moiaussi,jesuistonmeilleurami.Jemesuissentieunpeupluslégère.—Tuasraison.PoppyetRune,pourtoujours.—Pourlavie.Noussommesrestésassisensilence,jusqu’àcequeRunes’intéresseàmonbocal.—Qu’est-cequec’est,Poppymin?—Mamamiem’aoffertunenouvelleaventure.Uneaventurequidureratoutemavie.Confus,ilafroncélessourcils.Desmèchesdecheveuxblondssonttombéessursonvisage.Jelesai

glissés derrière ses oreilles, et il m’a souri. Rune ne souriait qu’à moi. À l’école, toutes les fillesrêvaientd’êtreàmaplace.Ellesmel’avaientdit.JeleurairéponduqueRuneétaitmonmeilleurami,etquejenevoulaispaspartager.

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—Tutesouviensdessouvenirspréférésdemamamie?Jet’enaidéjàparlé.Runearéfléchiuninstant.—Lesbaisersdetonpapy?J’aihochélatêteetcueilliunpétalerosesurlabranche.Magrand-mèredisaitqueleschoseslesplus

bellesétaientéphémères.Lesfleursdecerisierétaientuniquesparcequeleurvieétaitcourte.Commelessamouraïs:beautéextrême,mortsoudaine.Ellem’aditquejecomprendraisengrandissant.Je savaisquemagrand-mèreétait trop jeunepourpartir.Un jour, j’avaisentendumonpère ledire.

C’étaitpeut-êtrepourcetteraisonqu’elleaimaitlesfleursdecerisier.Parcequ’elleétaitcommeelles.—Poppymin?LavoixdeRunem’atiréedemarêverie.—C’estvrai, ai-jemurmuréen lâchant lepétale.Cesont lesbaisersdemonpapyqui l’ont rendue

heureuse.Ilsluirappelaientàquelpointill’aimait.—Etlebocal,Poppymin?Runepinçait les lèvres, impatient d’en apprendredavantage. J’ai ouvert le bocal et j’en ai sorti un

cœurrose.—C’estunfuturbaiser,Rune.Mamamiem’enadonnémille.J’airemislecœuràsaplace.—C’estmaprochaineaventure,Rune.Jedoisrecevoirmillebaisersd’ungarçonavantdemourir.—Millebaisers?Runeavaitl’airencolère.Celaluiarrivaitparfois.J’aiattrapélecrayondansmapocheetjemesuis

levée.—Chaquefoisquelegarçonquej’aimem’embrassera,chaquefoisqu’ilm’offrira leplusbeaudes

baisers, jedevrai l’écrire suruncœur.Etquand je seraivieille, jepartageraices souvenirsavecmespetits-enfants.C’estcequemamamievoulait,Rune.Ilfautquejecommencebientôt!Jeveuxluifaireplaisir!Runes’estlevéàsontour.Leventasoufflédanslacerisaieetdespétalessesontenvolésautourde

lui.J’aisouri.Rune,lui,avaitl’airfurieux.—Tudoisembrasserungarçonpourremplirtonbocal?—Oui!Millebaisers,Rune!Mille!—NON!Monsourires’estenvolé.Runeafaitunpasversmoi.—Jeneveuxpasquetuembrassesungarçon,Poppy!Jenetelaisseraipasfaire!—Mais…Ilaprismamaindanslasienne.—Tuesmameilleureamie.Jeneveuxpasquetuembrassesd’autresgarçons!— Il le faut,Rune.C’estmanouvelle aventure.Tu resterasmonmeilleur ami. Je te le promets.Tu

comptesplusquetout.

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Sonregards’estposésurmoi,puissurlebocal.—Poppymin…TuesmaPoppy.Pourlavie.J’allaislerassurerquandRunes’estpenchéversmoi.Sansprévenir,ilaposésabouchesurlamienne.

Ses lèvres étaient tièdes. Elles avaient un goût de cannelle. Ses cheveux blondsm’ont chatouillé lesjoues.QuandRuneaécartésonvisagedumien,j’étaisàboutdesouffle.Jemesentaisdifférente.Pluslégère.

Moncœurtambourinaitdansmapoitrine.J’aimisunemaindessuspourlesentirbattre.—Rune…J’aiposéundoigtsurmeslèvres,puissurlessiennes.J’étaisstupéfaite.—Tum’asembrassée.—Jetedonneraitesmillebaisers,Poppymin.Personned’autrequemoinet’embrassera.Jamais.—Mais…çavaprendredesannées,Rune!Ilfaudraqu’onresteensembletoutenotrevie!Runeahochélatêteensouriant.—Jesais.PoppyetRune,pourlavie.—Tumedonnerastousmesbaisers?Assezpourremplirmonbocal?—Tous!Ons’embrasseraplusdemillefois,Poppymin.J’aiouvertmonbocal,j’aiattrapéuncœuretjemesuisassisepourécrire.Runes’estmisàgenoux

devantmoi.Ilaglissésescheveuxderrièrelesoreilles.—Est-cequemonbaisert’arendueheureuse,Poppy?Est-cequetoncœuraéclatédebonheur?Tu

m’asditqueseulslesplusbeauxbaisersavaientleurplacedanstonbocal.—Biensûr,Rune.Jem’ensouviendraitoutemavie.J’aiposélecœursurlecouvercledubocal.Runes’estassisentailleuràcôtédemoi.—Qu’est-cequetuvasécrire?J’aiposélecrayoncontremaboucheenréfléchissant,puisj’aiécrit:

Baisern 1AvecmonRune.Danslacerisaie.

Moncœurapresqueéclaté.

J’airangélecœurdanslebocaletj’aifermélecouvercle.—Voilà!Montoutpremierbaiser.Runeaposéunemainsurlamienneetilm’aregardéedroitdanslesyeux.J’avaisdespapillonsdans

leventre.—Est-cequejepeuxt’embrasser,Poppymin?—Encore?Ilahaussélesépaules.—J’enaitoujoursrêvé.Etpuis,teslèvresontungoûtdesucre.

o

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—J’aimangéuncookieauxnoixdepécan.Lespréférésdemamamie.Runes’estpenchéversmoietilm’aembrassée.Encore.Etencore,etencore,etencore.Àlafindelajournée,j’avaisquatrebaisersdeplusdansmonbocal.Quandjesuisrentréeàlamaison,mamanm’aditquemamieétaitpartieauparadis.J’aicourudansma

chambreetjemesuisdépêchéedem’endormir.Commepromis,ellem’arenduvisitedansmesrêves.JeluiairacontélescinqbaisersdemonRune.Ellem’asourietm’aembrasséesurlajoue.Laplusbelleaventuredemavievenaitdecommencer.

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2

NOTESDEMUSIQUEETFEUXDECAMP

Rune

DeuxansplustôtÀquinzeans

Unsilenceesttombésurlasalledèsl’instantoùPoppyestmontéesurscène.Elleétaitmagnifiquedanssarobenoire,avecsonchignonetsonnœudblancdanslescheveux.Elle s’estassiseaucentrede la scèneetelleaposé l’archet sur lescordesduvioloncelle.Comme

chaque fois, mon cœur s’est emballé. J’ai attrapé mon appareil photo. J’adorais capturer cet instantprécis.Celuioùellefermaitlesyeux,justeavantdeselancer.Unvisageserein,inspiréparsapassion,parlessonsquis’apprêtaientàs’échapperdesoninstrument.J’aiappuyésurledéclencheur,etlamusiqueacommencé.J’aibaissél’appareilpourmefocalisersur

Poppy. Je n’arrivais pas à la photographier quand elle jouait. Je ne voulais rien rater de sesperformances.Poppy se balançait en rythme, ne faisant qu’une avec son violoncelle. C’était un de ses morceaux

préférés.Ellelejouaitdepuistoujours.Pasbesoindepartition.ElleconnaissaitGreensleevesparcœur.Ses fossettes se creusaient quand elle se concentrait sur les passages difficiles. Elle jouait les yeuxfermés,mais on devinait sesmoments favoris : elle penchait la tête sur le côté, et un sourire timideilluminaitsonvisage.Personnenecomprenaitqu’aprèstoutcetemps,Poppyetmoisoyonsencoreensemble.Depuisnotre

premierbaisersouslescerisiers,jen’avaiseud’yeuxquepourelle.Poppyétaitdifférentedetouteslesautresfilles.Ellesefichaitdecequelesgenspensaientd’elle.Elleaimait lamusique, levioloncelle,lire,étudieretseleveràl’aubepourregarderlesoleilselever.Poppyétaitunique.Ellenerêvaitpasdedevenirpom-pomgirl, ellen’aimaitpas lescommérageset ellenecouraitpasaprès lesgarçons.Ellesavaitqu’ellem’avaitmoi.Nousn’avionsbesoinderiend’autre.Lemorceautouchaitàsafin.J’aiprisunedernièrephotoaumomentoùPoppylevaitsonarchet.Les

applaudissementsontretenti.Elles’estlevéeetasaluélepublic.Sonregards’estposésurmoi.Ellem’a

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souri,puiselleadisparuencoulisses.Les lumièresde la salle se sont rallumées.Poppyétait toujours ladernièreàpasser sur scène.Elle

était la meilleure musicienne de son âge. Un jour, je lui ai demandé quel était son secret. Elle m’aréponduque,pourelle,jouerduvioloncelleétaitaussinaturelquederespirer.Lesspectateurssesontdirigésverslasortie.Unemains’estposéesurmonbras.MmeLitchfieldavait

leslarmesauxyeux,émueparlaperformancedesafille.—IdaetSavannahsont fatiguées. Il fautqu’on les ramèneà lamaison.Est-ceque tupeuxprévenir

Poppy?—Biensûr.Lespetites sœursdePoppy– Ida, neuf ans, etSavannah,onze ans– s’étaient endormiesdans leurs

fauteuils.M.Litchfieldm’afaitunclind’œil,puisillesaréveilléeschacuneleurtour.MmeLitchfieldm’aembrasséetilssontsortisavecleursfillesdanslesbras.Enremontantl’allée,j’aientendudesmurmuresetdesgloussementsàmadroite.Ungroupedefilles

étaitentraindem’observerenriant.J’aibaissélatêteetj’aicontinuémonchemin.Celaarrivaitsouvent.Jenecomprenaispaspourquoielles insistaient. J’étaisavecPoppy.Lesautresnem’intéressaientpas.Jamaisellesneparviendraientànousséparer.J’aiquitté la salle et j’ai attenduPoppydevant l’entréedes artistes.Le tempsétait douxethumide.

Montee-shirtnoirmecollaitàlapeau.Lerestedematenue–jeannoiretbottesencuirnoires–n’étaitpasadaptéàlachaleurduprintemps,maisc’étaitmonstyle,peuimportelasaison.Lesmusiciensfiltraienthorsdescoulissespourrejoindreleursfamilles.J’aiposéledoscontrelemur

enbriquesblancheset j’aicroisé lesbrassur le torse,ne lesdécroisantquepourglissermescheveuxblondsderrièrelesoreilles.Lesfillesdetoutàl’heureétaientsortiesetm’observaientducoindel’œil.J’aidétournéleregard.Jenevoulaispasqu’ellesviennentmeparler.Jen’avaisrienàleurdire.Uneminuteplustard,Poppys’estjetéedansmesbras.Jel’aiserréefortcontremoi.J’étaisgrandpour

monâge.Jemesuraisdéjàunmètrequatre-vingts.Poppym’arrivaitàpeineauxépaules.J’aiaspiréuneboufféedesonparfum,etelleareculéd’unpasensouriant.Elles’étaitmisdumascara.

Ses yeux verts paraissaient encore plus grands que d’habitude. Elle venait d’appliquer son baume àlèvrespréféré,celuiàlacerise.Saboucheétaittouterose.Incapablederésisteràlatentation,j’aiplacélesmainssursesjouesetj’aiapprochémeslèvresdessiennes.Poppy s’est agrippée àmon tee-shirt. Je l’ai embrassée lentement, avec tendresse, puis j’ai déposé

troispetitsbaiserssurseslèvres.—Baisernumérotroiscentcinquante-deux.AvecmonRune,contrelemurduthéâtre.J’airetenumonsouffle,attendantlasuite.Poppys’estmisesurlapointedespiedsetaapprochéses

lèvresdemonoreille.—Moncœurapresqueéclaté.Ellen’ajoutaitdanssonbocalquelesbaiserslesplusbeaux,ceuxquilarendaient leplusheureuse.

Lesannéesavaientbeaupasser,cesmotsmetouchaienttoujoursautant.Jeluiaidonnéundernierbaiser,puisj’aiglisséunbrassursesépaules.Poppyaenroulélesienautour

dema taille. Le groupe de filles n’avait pas bougé, et elles ontmontré Poppy du doigt. J’ai serré lamâchoire. Je détestais la façon dont elles la traitaient. Elles étaient jalouses. La plupart des filles nevoulaientpasdevenirsonamieparcequ’ellesluienviaientnotrehistoired’amour.

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—Ignore-les,Poppy.Ellem’asouri,maisjevoyaisbienqueleurattitudelablessait.—Ellesnemedérangentpas,Rune.J’aifroncélessourcils.Poppynesavaitpasmentir.—Jelescomprends,a-t-ellecontinué.Regarde-toi.Tuesbeau,grand,mystérieux,norvégien.Tuasun

airdemauvaisgarçonquelesfillesadorent.Tuesparfait,Rune.J’aiapprochémonvisagedusien.—Jesuisàtoi,Poppymin.Etjenesuispasmystérieux.Tumeconnaisparcœur.—Moi,oui.Maispaslesautres.J’aipousséunsoupird’agacement.—Peuimporte.Iln’yaquetoiquim’intéresses.Pourtoujours.—Pourlavie,a-t-ellemurmuréàmonoreille.—Jen’aimeque toi,Poppy.Depuisque j’aicinqans,depuis le jouroù tum’as serré lamain.Les

autresfillesnecomptentpas.—C’estvrai?—Ja,ai-jerépondu.Elleadoraitquandjeparlaisnorvégien.J’aidéposéunbaisersursonfront,puis je l’aiprisepar la

main.—Tesparentssontrentrésavectessœurs.Ilsm’ontdemandédeteprévenir.Elleahochélatête.—Qu’est-cequetuaspenséduconcert?—Horrible,commed’habitude.Elleaéclatéderireetm’adonnéuncoupdecoude.—RuneKristiansen!Tuesméchant!Jel’aiserréecontremoi.—Tuétaisincroyable,Poppy.Commetoujours.Tuétaisparfaite.Jesuisfierdetoi.—Tuexagères…—Pasdutout!Unjour,tujouerasauCarnegieHall.Turéaliserastonrêve.J’ensuiscertain.—Tuestropgentilavecmoi.—C’estlavérité.Ellem’aembrassé,etnousnoussommesdirigésverslasortieduparking,maindanslamain.—Onvaauparc?—Jenesaispas,Poppy.Jepréfèreêtreseulavectoi.—Toutlemondeyva!Joriem’adonnérendez-vouslà-bas.J’aipincéleslèvres.Jen’avaispasenviedevoirnosamis.J’avaisenvied’êtreseulavecPoppy.—Onestvendredisoir,Rune.Tuasquinzeansettuviensdepasserlasoiréeàécouterdelamusique

classique!Onaledroitdeseretrouverentreamis,tusais.Commedesadosnormaux.

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—Commetuveux.Maisdemain,onsefaitunejournéeentêteàtête.—Promis.J’aipasséunbrasautourd’elle,etelles’estagrippéeàmataille.J’aientendulesfillesprononcermon

nomdansnotredos.J’aipousséunsoupird’exaspération.—Mets-toi à leur place, Rune. Tu es différent des autres garçons. Tu es un artiste, tu portes des

vêtementsnoirs…J’aiglissémescheveuxderrièremesoreilles.Poppyasouri.—Maisc’estsurtoutàcausedeça!—Àcausedequoi?—Quandtutouchestescheveux…C’estirrésistible.—Ja?J’airépétélegesteenluifaisantunclind’œil.Elleaéclatéderire.—Jenesuispasjalousedesautresfilles,Rune.Laseulequimefaitpeur,c’estAvery.Elleestprêteà

toutpourteconquérir.Jelesens.Averyfaisaitpartiedenotregrouped’amis.Toutlemondelatrouvaitbelle.Toutlemonde,saufmoi.

Jen’aimaispassonattitudeetjeluienvoulaisdefairedumalàPoppy.—Ellenem’intéressepas,Poppymin.Pasdutout.Nousavonsemprunté le sentierquimenaitauparc. Jorie, lameilleureamiedePoppy,acouruvers

nousets’estjetéedanssesbras.—Poppy!J’aimaisbienJorie.Elleétaittêteenl’airetelleneréfléchissaitpasavantdeparler,maiselleadorait

Poppy.—Tuessuperbe!a-t-elleditenadmirantsarobenoire.Nousavonsrejointnosamisautourdufeudecampqu’ilsavaientallumédanslebrasero.Jemesuis

assisparterre,contreunbancenbois,etPoppys’estinstalléeentremesjambes.Elles’estblottiecontremontorseetalovésatêtedansmoncou.Judson etDeacon,mesmeilleurs amis, étaient assis de l’autre côté du feu avecRuby, la copine de

Deacon.Ilsnousontsaluésdelamain.—Comments’estpasséleconcert?Poppyahaussélesépaules.—Plutôtbien.—C’étaitlameilleure,ai-jerépondu.Commetoujours.—Tuexagères,Rune.—Pasdutout!Tuascassélabaraque.Joriem’asouri.Averyalevélesyeuxauciel.Poppyachangédesujet,etlaconversations’esttournée

versM.Millen,notreprofdemaths.—Cemecestunextraterrestre!s’estécriéeJorie.Undémon.IlaétéenvoyésurTerrepourtorturer

leshumainsavecsesformulesd’algèbre.C’estcequilemaintientenvie.J’ensuissûre.Etilsaitqueje

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l’aidémasqué.C’estpourçaqu’ilmedétesteetmedonnelespiresnotesdelaclasse!Poppyaéclatéderire.Elleagigotédansmesbras,etmonappareilphotoaglissé,s’écrasantcontrele

pieddubanc.Elles’estexcuséeensouriant.J’aiposéundoigtsoussonmentonpourl’embrasser.Poppya glissé une main dans mes cheveux, et notre baiser s’est enflammé. J’ai caressé sa langue avec lamienne.J’auraispupassermavieàl’embrasser.Quelqu’uns’estraclélagorge.J’aiécartémonvisagedusienetj’aicroiséleregarddeJudson,quise

retenait de rire. Poppy est devenue toute rouge. Je l’ai serrée fort contre moi. La conversation arecommencé,etj’aiinspectémonappareilpourm’assurerqu’iln’avaitpasprisuncoup.Mesparentsmel’avaient offert pour mes treize ans. Je ne m’en séparais jamais. J’étais passionné de photographie.J’aimaiscapturerdesinstantsuniques,touscespetitsmomentsquidéfinissentnotrevie.Pourmoi,c’étaitmagique.J’ai repensé à ceux qui remplissaient déjà cette pellicule : des photos de nature, des gros plans de

fleursdecerisieretlesportraitsdePoppysurscène.Àsesyeux,jecomptaisautantquesamusique.Unlienqueriennipersonnenebriserait.J’aiattrapémonportable, etPoppya levé la têteversmoi. J’ai tendu lebraspournousprendreen

photoensemble.Elleafaitsemblantd’êtreagacée.J’aiéclatéderire.Poppyadoraitlesphotosdenous.J’ai jeté unœil à notre selfie.Poppy était belle, avec sesgrandsyeuxverts et ce regard,celui qui

prouvaitque,malgrénotrejeuneâge,nousavionstrouvénotreâmesœur.—Faisvoir.Jeluiaimontrél’écran.Elleasouri.—Elleestparfaite,Rune.Voilàpourquoic’étaitmapassion.Enunéclairdeseconde,unephotographieexprimaitdescentaines

d’émotions.—Ilfautqu’onrentre,Poppymin.Ilesttard.Elleahochélatête,etnousnoussommeslevésenmêmetemps.—Vouspartezdéjà?ademandéJudson.—Oui.Onsevoitlundi.Je les ai saluésde lamain, etnous sommes rentrésà lamaison. J’ai accompagnéPoppy jusqu’à sa

porteetjel’aiserréedansmesbras.—Jesuisfierdetoi,Poppymin.TuseraspriseàJuilliardettujouerasauCarnegieHall.J’ensuissûr.Poppym’afaitungrandsourire.Sonregards’estposésurl’appareilphotoautourdemoncou.—EttuserasprisàlaTish,Rune.OnvivraensembleàNewYork,commeprévu.J’étaisen trainde l’embrasserunedernière foisquandM.Litchfieldaouvert laporte. J’ai lâché la

maindePoppyetj’aireculéd’unpas.Ilalevélesyeuxaucielavantd’éclaterderire.Poppyestdevenuetouterouge.—Bonnenuit,Rune.—Bonnenuit,monsieurLitchfield.J’aitraversélejardinjusquechezmoietj’airejointmesparentsdanslesalon.Ilsétaientassissurle

canapé.

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—Hei!—Hei,Rune.J’aifroncélessourcils.L’atmosphèreétaittendue.—Qu’est-cequisepasse?Mamèreaéchangéunregardavecmonpère.—Rien,monchéri.Leconcerts’estbiendéroulé?—Poppyétaitparfaite.Commetoujours.J’aicruvoirdeslarmesdansleregarddemamère.Elleaclignédesyeuxpourlesfairedisparaître.

Mesparentsmecachaientquelquechose.—Jevaisdéveloppermesphotos,ai-jedit,pressédequitterlesalon.—Attends,Rune.Jemesuisarrêtéàl’entréeducouloir.—Demain,onvaàlaplage.Enfamille.—J’aiprévudepasserlajournéeavecPoppy.—Tulaverrasplustard.—Qu’est-cequ’ilya?Monpères’estlevé.Ilaavancéjusqu’àmoietaposéunemainsurmonépaule.—Jenetevoisjamaisàcausedemontravail.J’aimeraisresterplusdetempsavectoi.—Est-cequePoppypeutveniravecnous?—Non,Rune.Pascettefois.J’étaisencolère,maisjesentaisqu’ilnechangeraitpasd’avis.—Vadéveloppertesphotos.Onsevoitdemain.Jesuisdescenduausous-sol,danslapetitepiècequemonpèreavait transforméeenchambrenoire.

J’aidéveloppémesphotosetj’aiimprimécellequej’avaispriseavecmonportable.Vingtminutesplustard,jesuismontéàl’étage,notreportraitàlamain.Jel’avaisglissédansuncadreargenté.J’aitraverséle couloir et je suis passé devant la chambre d’Alton, mon petit frère. Sa porte était entrouverte. Ildormaitcontresongrosnounoursmarron,seslongscheveuxblondsétaléssurl’oreiller.Jesuisentrédansmachambre.Ilétaitplusdeminuit.LamaisondesLitchfieldétaitplongéedansle

noir.SeulePoppyavaitlaissésalampeallumée,signequelavoieétaitlibre.J’aifermémaporteàclé,j’aienfilémonbasdepyjamaetun tee-shirtavantdesortirpar lafenêtre.J’ai traversé lapelousequiséparaitnosmaisonsetjel’airetrouvéedanssachambre.Poppyétaitaulit,emmitoufléedanssacouverture.Elleavaitlesyeuxfermés.J’aiposélecadresursa

tabledechevetetjemesuisallongécontreelle.Nouspassionsnosnuitsensembledepuistroisans.Lapremièrefois,c’étaitarrivéparerreur.J’avaisrejointPoppypourdiscuteretjem’étaisendormisursonlit.Le lendemain, jem’étais réveilléassez tôtpour rentrerchezmoisanséveiller lessoupçonsdenosparents.Lelendemain,j’aifaitexprèsderester.Depuis,c’étaitnotresecret.Plus le temps passait, plus c’était compliqué. Maintenant que j’avais quinze ans, je la voyais

différemment…etelleaussi.Nosbaisersétaientdeplusenpluspassionnés.Nosmainsexploraientdesendroitsinterdits.Nousavionsdeplusenplusdemalànousarrêter.J’envoulaisdavantage.Jelavoulais

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toutentière.Poppyaouvertlesyeux.Elleaglisséunemèchedecheveuxderrièremonoreille.—Jemedemandaissituviendrais.Tun’étaispasdanstachambre.—Jesuisallédéveloppermesphotos.Mesparentsétaientbizarres,cesoir.—Ahbon?—Ilsepassequelquechose.Jelesens.Poppyafroncélessourcils.J’aiserrésamainpourlarassureret j’aiattrapélecadrederrièreelle.

Poppyaeffleuréleverre.—Elleestsuperbe,Rune.Ellel’aremiseàsaplace,puiselleasoulevélacouverturepourquejelarejoignesouslesdraps.J’ai

déposédesbaiserssursesjouesetdanssoncou.—Rune!Tumechatouilles!Jeluiaisourietjemesuisallongécontreelle.—Qu’est-cequetuaimeraisfairedemain?J’aipousséunsoupir.—Mesparentsveulentqu’onailleàlaplage.—C’estvrai?J’adorelaplage!—Jesuisdésolée,Poppymin…maismonpèreainsistépourqu’onyailleenfamille.—Ahbon?D’habitude,tonpèrem’invitetoujoursavecvous.—C’estbiencequejedisais.Ilsmecachentquelquechose.Poppyavaitl’airdéçueettriste.J’aiposéunemainsursajoue.—Onpasseralasoiréeensemble,d’accord?—D’accord.Ellem’aregardédroitdanslesyeux.Lalueurdelalampedessinaitdesombressursonvisage.—Tuestellementbelle,Poppymin.J’aiécrasémabouchesurlasienne.Poppys’estagrippéeàmescheveux.Elles’estmisesurledoset

jemesuisallongé surelle. J’aidéposédesbaisers le longde samâchoireetglisséunemain sous sachemisedenuit.Elleaenroulésesjambesautourdemataille.J’aigrognédeplaisiretcaressésalangueaveclamienne.—Rune…J’aiposélatêtesursonépaule.Jelavoulaistrop.C’étaitindescriptible.Poppym’acaresséledos,et

jemesuisconcentrésurlerythmedesesdoigts.Lesminutessesontécoulées.J’étaisbiencontreelle,sansbouger.—Rune?Est-cequeçava?J’ailevélatête.Elleavaitl’airinquiète.—Toutvabien,Poppy.J’aijustetrèsenviedetoi.Quandons’emporte,commecesoir…j’aidumalà

mecontrôler.—Jesuisdésolée.

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—Tuasraisondem’arrêter,Poppy.Tun’aspasàt’excuser.Jemesuisallongésurlecôté,etPoppys’estblottiecontremoi.—Jet’adore,RuneKristiansen.J’aiouvertlesyeuxetjel’aiembrassée.Unbaiserlongettendre.—Pourtoujours,ai-jemurmuré.—Pourlavie.Etnousnoussommesendormisl’uncontrel’autre.

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3

DUNESDESABLEETLARMESSALÉES

Rune

—Ilfautqu’onparle,Rune.Nousétionsàtable,dansunrestaurantavecvuesurlamer.Monpèreétaitblanccommeunlingeetma

mèreavaitleslarmesauxyeux.—Vousallezdivorcer,c’estça?—Non,Rune.Monpèreaattrapélamaindemamère,commepourmeprouverlecontraire.—Alors,qu’est-cequ’ilya?—C’estmontravail,a-t-ilrépondu.Monpatronm’envoieàOslo.Ilsontbesoindemoilà-baspour

réglerunproblème.—Combiendetemps?Monpèreapasséunemaindanssescheveux.Ilapousséunsoupir.—Jenesaispas,Rune.Jediraisentreunettroisans.J’aiécarquillélesyeux.—Tuvaspartirpendantplusd’unan?Mesparentsontéchangéunregard,etmamèreaposéunemainsur lamienne.Je l’ai fixéeun long

moment,jusqu’àcequel’informationatteignemoncerveau.—Non,ai-jemurmuré.Impossible.Ilsn’avaientpasledroit.J’ailevélatêteetj’aivularéponsedansleurregard.C’étaitvrai.Voilàpourquoi ilsm’avaientemmenéà laplageseul, sansPoppy.Moncœurs’estemballédansma

poitrine.Ilsn’avaientpasledroit!—Non!ai-jerépété,attirantl’attentiondestablesvoisines.Jeresteici.Avecelle.

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Mamèreabaisséleregard.J’aienlevémamaindelasienne.—Onestunefamille,Rune.Onnepeutpas resterséparéspendantaussi longtemps.Ondoityaller

ensemble.—Non!Cettefois,j’aicrié.J’aipoussémachaiseetjemesuislevé.—Vousn’avezpasledroit!Onhabiteici!PasenNorvège!JeneveuxpasretourneràOslo!—Rune…J’aitournéledosàmesparentsetjesuissortientrombedurestaurant.Lesoleiladisparuderrièreles

nuagesetlevents’estlevé.J’aicouruverslesdunes,levisagefouettéparlesgrainsdesable.Comment pouvaient-ils me faire une chose pareille ? Ils savaient à quel point j’avais besoin de

Poppy!J’aigrimpéladunelaplushauteetjemesuisassisausommet.Jetremblaisderage.J’airegardélecielgrisetj’aiessayéd’imaginermavieenNorvège,sanselle.C’étaitinsupportable.J’étaismaladeàl’idée de ne plus avoir Poppy à mes côtés, de ne plus tenir sa main dans la mienne, de ne plusl’embrasser…J’arrivaisàpeineàrespirer.Je connaissais mon père. Quand il décidait quelque chose, rien ne le faisait changer d’avis. Je le

suivrais enNorvège. Je l’avais vu dans son regard. Je n’avais pas le choix. Ils allaientm’arracher àl’amourdemavie,àmonâmesœur.J’étaisimpuissant.Monpèrem’arejointenhautdeladuneets’estassisàcôtédemoi.J’aifixél’océan.Jerefusaisde

regardercetraîtredanslesyeux.—Quand?ai-jedemandé,brisantlesilence.Quandest-cequ’onpart?J’aitournélatêteverslui.Monpèreavaitl’airtristeetgêné.—Demain,Rune.—Quoi?—On est au courant depuis unmois.On attendait la dernièreminute pour te l’annoncer.On savait

commentturéagirais.IlsontbesoindemoiàOslodèslundi,Rune.Tononcleapréparélamaisonpournotrearrivée.Desdéménageursvontenvoyernosaffairessurplace.Tuesdéjàinscritdanstonnouveaulycée.Pourlapremièrefoisdemavie,jehaïssaismonpère.Unevaguedecolères’estemparéedemoi.J’ai

serrélespoings.Ilaposéunemainsurmonépaule.—Rune…—Nemetouchepas!Nemeparlepas.Jenetepardonneraijamais.—Jecomprendstaréaction…—Non,tunecomprendspas!Tun’asaucuneidéedecequejeressens.Tunesaispasàquelpoint

Poppycomptedansmavie.Sinon,tunenoussépareraispas.Tuauraisrefusétamutation.Tuseraisrestéici!Ilapousséunsoupir.—Jesuisleuragenttechnique,Rune.Jen’aipaslechoix.Jedoisallerlàoùonm’envoie.Jemefichaisdesesexcuses.Jeluienvoulaisdenousforceràquitterlepays.Jeluienvoulaisdeme

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l’annoncerauderniermoment.—Rejoins-nousà lavoituredans cinqminutes.Plus tôton sera rentrés,plus tôt tu reverrasPoppy.

C’estlemoinsquejepuissefaire.J’avaisleslarmesauxyeux.Pasdetristesse,maisdecolère.J’étaisfurieux.—C’esttemporaire,Rune.Nel’oubliepas.Dansquelquesannées,onseraderetour.Jetelepromets.

Notre vie est enGéorgie. Et puis,Oslo est une ville formidable. Tamère sera contente de revoir safamille,ettoiaussi.J’ensuissûr.Jen’airienrépondu.Quelquesannées…SansPoppy,celamesemblaituneéternité.Monpère a dévalé la dune et amarché jusqu’à la voiture. J’ai regardé les vagues s’écraser sur le

sable.IlmetardaitderevoirPoppy,maisjenesavaispascommentluiannoncerlanouvelle.J’allaisluibriserlecœur.Quelquesminutesplustard,monpèreaklaxonné.J’airejointmafamillesurleparking.Mamèrem’a

souri.Jel’aiignoréeetjemesuisassisàl’arrière,àcôtéd’Alton.Nousnoussommeséloignésdelacôteetj’airegardélepaysagedéfilerderrièrelavitre.Monfrèreaposéunemainsurmonbras.Ils’estagrippéàlamanchedemaveste,latêtepenchéesur

le côté. J’ai passé unemain dans ses cheveux, et il a éclaté de rire. Ilm’a observé du coin de l’œilpendanttoutletrajet.Ilsentaitquejesouffrais.Monpetitfrèrededeuxansmecomprenaitmieuxquemespropresparents.Quandmonpères’estgarédansl’allée,jesuisdescendudelavoitureetj’aicouruchezlesLitchfield.

J’aifrappéàlaporte.LamèredePoppym’aouvert.Elleasaluémesparentsdelamainetm’aserréfortdanssesbras.Elleétaitaucourant.Jelevoyaisdanssesyeux.—Poppyestlà?—Elleestà lacerisaie. Jesuisdésolée,Rune.Poppyvaêtredévastée.Tucomptesbeaucouppour

elle.Elleaussi,ai-jeeuenviederépondre,maisjen’enaipaseulaforce.J’aicourujusqu’àlacerisaie.

Poppyétaitassisesousnotrearbrepréféré.Jemesuisarrêtéauboutdusentieretjel’airegardéelire,avec son casque violet sur les oreilles. Des branches gorgées de fleurs roses l’abritaient comme unbouclier,laprotégeantdusoleil.Elleportaitunerobeblancheetsonnœudblancdanslescheveux.MavieentièretournaitautourdePoppy.Jelavoyaistouslesjours,jel’embrassaistouslesjoursetje

dormaisavecelletouteslesnuits.Commentsurvivrais-jesanselle?Commentrespirerais-jesansPoppyàmescôtés?Ellealevélatêteetm’asouri.J’airemontélechemind’unpaslourd.Ilétaitcouvertdepétales.On

auraitditunerivièreroseetblanche.Plusjem’approchaisdePoppy,plussonsourires’estestompé.Ellemeconnaissaitbien.Ellevoyaitquequelquechosen’allaitpas.Elleaenlevélecasquedesesoreilles,posésonlivreparterreetenroulélesbrasautourdesesjambes.Jemesuismisàgenouxdansl’herbeetjel’airegardéedroitdanslesyeux.Poppysavaitquecequisortiraitdemabouchechangeraitnosviesàjamais.—Jem’envais,Poppymin.Elleestdevenuetouteblanche.—Demain.JeparsàOslo.C’estàcausedemonpèreetdesontravail.Jenesaispaspourcombiende

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temps.Entreunettroisans.—C’estimpossible,a-t-ellemurmuré.Ildoityavoirunesolution.Tupourraisresterici,vivreavec

nous…— Non, Poppy. Tu connais mon père. Il ne changera pas d’avis. Ils sont au courant depuis des

semaines.Ilsonttoutorganisé.Ilsm’ontdéjàinscritdansunlycée.Ilsmel’ontcachéparcequ’ilsavaientpeurdemaréaction.Jen’aipaslechoix,Poppymin.Jedoispartir.J’aidétournéleregard.Unpétales’estdétachéd’unebranche.Légercommeuneplume,ils’estécrasé

dansl’herbe.Désormais,chaquefoisquejeverraisuncerisier,jepenseraisàPoppy.J’aifermélesyeuxetjel’aiimaginéeseule,danslacerisaie,sanspersonneavecquirireetpartager

sesaventures…Sanspersonnepourl’embrasseretremplirsonbocal.J’ai tourné la tête vers Poppy. Elle était immobile, le dos contre l’arbre, les joues recouvertes de

larmes.—Poppymin…Jel’aiprisedansmesbras.Elleapleurécontremoi,etj’aifermélesyeux,sentantsadouleurautant

quelamienne.—Qu’est-cequejevaisdevenirsanstoi?J’aisecouéla tête.Jenesavaispas.Lesmotsrestaientcoincésdansmagorge.Poppyaenrouléses

brasautourdemataille,etnoussommesrestésl’uncontrel’autre,ensilence,pendantdesheures.Lesoleils’estcouchéàl’horizon,laissantderrièreluiuncielorangé.Lanuitesttombée.Lesétoileset

lalunesontapparues.Unventfroids’estengouffrédanslacerisaie,faisantdanserlespétalesautourdenous.Poppys’estmiseàtremblerdansmesbras.Ilétaittempsdepartir.—Rentronsàlamaison,Poppymin.Ellem’aserréfortcontreelle.—Jeneveuxpasquetupartes,Rune.J’aiposélesmainssursesjoues.Ellesétaientglacées.—Jevaisrevenir,Poppymin.Ettumeverrasdanstesrêves.Commetagrand-mère.Deslarmesontdévalésesjouesetglissésurmesdoigts.—Tuvasattraperfroid.Ilesttard.Jeneveuxpasquetutefassespunir.Poppyasouriàtraversseslarmes.—JepensaisquelesVikingsnerespectaientpaslesrègles.J’aiposémonfrontcontrelesienetjel’aiembrasséeaucoindelabouche.—Quandtesparentsserontcouchés,jeterejoindraidanstachambre.Commetouslessoirs.Tuvois?

Jesaisbriserlesrègles.—TueslepluscourageuxdesVikings,Rune.Jel’aipriseparlamainpourl’aideràserelever.Jemesuisjurédenejamaisoublierleplaisirqueje

ressentaisquandelleétaitcontremoi.Nousavonsempruntélesentierdepétales,etPoppyaposélatêtecontremonbras,leregardtourné

verslesétoiles.—Lecielesttoujoursplusnoirdanslacerisaie.Lanuit,lesfleursontl’airencoreplusblanches.On

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secroiraitdansunrêve.J’ailevélatêteetj’aisouri.Elleavaitraison.C’étaitpresquesurréaliste.—Iln’yaquetoipourremarquercegenredechoses,Poppymin.Tuvoislemondedifféremment.—Ma grand-mère disait que c’était à nous de choisir notre paradis. La cerisaie était son endroit

préféré.Quandjesuisici,jel’imagineassisesouscemêmecerisier,auparadis,entrainderegarderlesarbres,lesfleursetlesétoilesenmêmetempsquemoi.—C’estlecas,Poppymin.Elletesouritdelà-haut,commepromis.Poppyacueilliunefleurdecerisieretl’atenduedevantelle,admirantlespétales.— Elle disait aussi que les plus belles choses sont éphémères. Elles meurent trop tôt pour nous

rappelerquelavieestcourteetprécieuse.Commelesfleursdecerisier.Commelesétoilesfilantes.Onest tellement habitué aux autres étoiles qu’on les oublie.Mais quand on voit une étoile filante, on sesouvientdecemomentàjamais.Poppyajetélafleurenl’air,etleventl’aemportée.—Toietmoi,onestcommelesfleursdecerisier,Rune.Commelesétoilesfilantes.Ons’estaimés

tropfortettropjeunes.Notreamourabrûlésifortqu’ils’éteinttroptôt.Notrehistoirenousauraapprisuneleçon.Ellenousauramontréqu’onestcapablesd’aimer.Poppyavaitlevisagerongéparlechagrin.J’aiposélesmainssursesjoues.—Écoute-moibien,Poppymin.JenevaispaspassermavieàOslo.Jereviendrai.Etons’appellera

touslesjours.Ons’écrira.Tuserastoujoursavecmoi.Cen’estpaslafindenotreaventure.Pasencore.Elleaclignédesyeux. J’étais terrifiéà l’idéequ’ellebaisse lesbras,qu’elle tireun trait surnotre

histoire.Jenel’avaismêmepasenvisagé.—Onestensemblepourtoujours,Poppymin.Pourlavie.Elles’estmisesurlapointedespiedsetm’aregardédroitdanslesyeux.—Tumelepromets,Rune?Parcequemonbocalestloind’êtrerempli.—Jetelepromets.Etjetedonneraiplusdemillebaisers.Jet’endonneraideux,trois,quatremille!Poppym’asouri.Jel’aiembrasséeavectendresse.—Baisernumérotroiscentcinquante-quatre.AvecmonRune,danslacerisaie.Moncœurapresque

éclaté.J’aipousséunsoupirdesoulagement.—Personned’autreque toine toucheraàmes lèvres,Rune. Je te lepromets.Elles sontà toi,pour

toujours.—Etlesmiennessontàtoi,Poppy.Pourlavie.Main dans la main, nous avonsmarché jusque chez elle. J’ai déposé un baiser sur son nez et j’ai

approchémabouchedesonoreille.—Jeterejoinsdansuneheure.Elleaplacéunemainsurmontorse.Ellel’aregardéeunlongmoment,l’airsérieux.—Est-cequeçava,Poppymin?Sansdireunmot,ellem’atournéledosetaouvertlaporte.Jesentaisencorelachaleurdesamain

contremapeau.La têteailleurs, jesuis rentréchezmoi.Enouvrant laporte, j’aiétéaccueilliparune

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montagnedecartons.Mesparentsétaientdanslesalon.Monpèrem’aappelé,maisjen’aipasrépondu.J’ai traversé lecouloir jusquedansmachambreet j’ai rassemblé lesaffairesque jevoulaisemporteravecmoiàOslo.J’aiattrapéleportraitdePoppyetmoi,celuiquej’avaisimprimélaveille.Monpèrem’asuividansmachambre.—Jetedéteste,ai-jemurmuré.Jamaisjenetepardonnerai.Mamèreétaitlà,elleaussi.Elleavaitl’airaussichoquéequelui.Jamaisjeneleuravaisparlésurce

ton.—Rune…—Jenevouspardonneraijamais.Jamais!Mavoixétaitteintéederage.Uneragequigonflaitenmoi.Uneémotionquejen’avaisjamaisressentie

auparavant.J’étaisrenfrognédenature,maisilétaitrarequejememetteencolère.Cesoir,c’étaitellequimepossédait.Ellecoulaitdansmesveines.Mamèreavaitleslarmesauxyeux.Tantmieux.Jevoulaisqu’ilssouffrentautantquemoi.—Onpartàquelleheure?—À7heures,demainmatin.J’aifermélesyeux.SeulementhuitheuresàpasseravecPoppy,avantdelaissermoncœuretmonâme

ici.Seulemacolèreferaitlevoyageavecmoi.—Toutiramieuxavecletemps,Rune.Turencontrerasquelqu’und’autre…J’aijetémalampedechevetcontrelemur.L’ampouleaéclaté.—Neme dis plus jamais ça ! Plus jamais ! J’aime Poppy ! Seulement elle ! Et toi, tu oses nous

séparer!Monpèreestdevenutoutblanc.J’aiavancéd’unpasverslui,lespoingsserrés.—Jesaisquejen’aipaslechoix.Jesaisquejenepeuxpasrestericitoutseul.Jen’aiquequinzeans.

MaisjevoushaïraichaquejourquimeséparedePoppy.Jusqu’ànotreretour.Jamaisjenel’oublierai,etjamais je ne vous pardonnerai.À cause de vous, je vais perdre des années avec la fille que j’aime !J’aimePoppyplusquetout,maisvousvousenfichez!Jeleuraitournéledosetj’aiouvertmonplacard.—Voussavezquoi?Moiaussi,jemefichedecequevousressentez!Surtouttoi,papa.J’aijetémesvêtementsdanslavalisequemamèreavaitposéesurlelit.Monpèreestrestéimmobile,

têtebaissée.—Jesuisdésolé,Rune.JesaisàquelpointPoppycomptepourtoi.J’aidécidédetel’annoncerau

derniermomentpourt’épargnerdessemainesdesouffrance.J’aieutort.Unjour,tucomprendras.Ilafermélaportederrièrelui.Jemesuisassissurlelit.J’aipasséunemainsurmonvisageetj’ai

fixé le placard vide. La colère était toujours là, vive et brûlante dans mon ventre. J’ai enfoncé mesdernierstee-shirtsdanslavalise,sansprendrelapeinedelesplier,puisj’aijetéunœilparlafenêtre.LachambredePoppyétaitallumée.J’aifermémaporteàclé,jesuissortietj’aitraversélapelouse.J’aigrimpéàsafenêtreetjel’aiferméederrièremoi.Poppyétaitassisedanssonlit.Elleétaitbelledanssachemisedenuitblanche.Elleavaitlescheveux

détachés, lesbraset les jambesnuset les jouesrougiespar les larmes.Elle tenaitnotrephotodans lamain.Ellearemislecadreàsaplaceetposélatêtesursonoreiller.Jemesuisallongéàcôtéd’elle.Dès

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l’instantoùj’aiplongémesyeuxdanslessiens,macolères’estapaisée.—Nepleurepas,Poppymin.Jen’aimepastevoirpleurer.—Mamèrem’aditquevouspartiezdemainmatin.J’aihochélatête.—C’estnotredernièrenuitensemble,Rune.—Ja.Elleaétudiémonvisage.—Qu’est-cequ’ilya,Poppy?Elles’estapprochéedemoi,frôlantmaboucheaveclasienne.Ellesentaitledentifriceàlamenthe.

Elleapasséunemainsurmonvisage,moncouetmontorse,s’arrêtantjusteenbasdemontee-shirt.Sansprévenir,Poppyaécrasésabouchecontrelamienne.Ellem’aembrasséavecpassion,glissantunemaintremblantesousmontee-shirt,surmonventre.—Qu’est-cequetufais,Poppymin?Elleadéposéunbaiserdansmoncou.—Rune…Je…J’aienviedetoi.Letempss’estarrêté.Ellem’aregardédroitdanslesyeux.—Non,Poppy…—Jeveuxêtreavectoiavantquetupartes.Jet’aime,Rune.Moncœurs’estemballé.Jesavaisqu’ellem’aimait,maisc’étaitlapremièrefoisqu’ellemeledisait.—Jegelskerdeg,Poppymin.Ellem’asouri.Jeluiaisourienretour.—Jet’aime,ai-jerépétéenanglais.Poppy s’est assise aumilieu du lit et elle a soulevémon tee-shirt. Ellem’a embrassé sur le torse.

Jamaisjenel’avaistrouvéeaussibelle.—Netesenspasobligée,Poppy.Jeveuxquetusoisprête.—Jesuisprête,Rune.—Onesttropjeunes…—Onabientôtseizeans.RoméoetJulietteavaientnotreâge.J’aiéclatéderire.C’étaitplusfortquemoi.—Jesuisprêtedepuislongtemps,Rune.Jen’étaispaspressée.Jepensaisqu’onavaitlaviedevant

nous.Maintenant,toutachangé.Notretempsensembleestcompté.Jet’aime,Rune.—Jet’aime,Poppy.—Pourtoujours.Elleapasséundoigtsouslesbretellesdesachemisedenuitetlesafaitglissersursesbras.Lehaut

desarobeluiesttombésurleshanches.Poppyétaitnuedevantmoi.J’étaisstupéfait.Jeneméritaispascebonheur.—Tuenessûre,Poppymin?

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Elleaprismamaindanslasienneetl’aposéesursapeaunue.—Oui,Rune.J’ensuissûre.J’enaienvie.Jemesuislaisséalleretjel’aiembrassée.Jecomptaisprofiterdupeudetempsquinousrestaitavec

Poppy,detouteslesmanièrespossibles.Sansbrisernotrebaiser,elleaexplorémontorseduboutdesdoigts.J’aiglisséunemainsursondos,

laserrantfortcontremoi.J’aiposéunemainsursacuisseetjesuisremonté,lentement.Poppyaposélefrontcontremonépaule.—Continue,a-t-ellesoupiré.J’aiobéi,ravalantmapeur.Jel’aimaistellement…J’avaispeurdeluifairedumal,delaforcer.Je

voulaisqu’ellesesentebien.Qu’ellecomprenneàquelpointellecomptaitpourmoi.Noussommesrestésimmobiles,ensilenceetàboutdesouffle,attendantlasuite.Poppyaeffleuréles

boutonsdemonjean.—Jepeux?J’ai hoché la tête.Uneminute plus tard, nos vêtements étaient empilés par terre. Poppy était assise

devantmoi,lesmainssurlesgenoux,seslongscheveuxtombantencascadesursesépaules.Jenel’avaisjamaisvueaussiintimidée.Jenem’étaisjamaissentiaussinerveux.Elles’estallongéesurlecôté,etjemesuismisenfaced’elle.J’aidéposédesbaiserssursesjoueset

sonfront,puisje l’aiembrasséelonguementsurlabouche.Poppyapasséunemaindansmescheveux,m’attirantcontreelle.—Jesuisprête,Rune.Elle s’est penchée et a sorti un petit paquet du tiroir de sa table de chevet. Elle me l’a tendu en

rougissant.—Jesavaisquecemomentarriveraitbientôt.Jem’étaispréparée.Elleaouvertlesbrasetm’aguidésurelle.Jel’aiembrasséepourmedonnerducourage,appréciant

songoûtdeceriseetsapeauchaudecontrelamienne.J’aicroisésonregardetelleahochélatête.Jevoyaisdanssesprunellesqu’elleavaitenviedemoi.Jenel’aiplusquittéedesyeux.Pasuneseulefois.

*

Après,nousnoussommesallongésfaceàface,souslacouverture.Nosdoigtsétaiententrelacéssousl’oreiller.Aucundenousn’osaitparler.J’espéraisqu’elleneregrettaitpassadécision.Poppyapousséunsoupir.J’aiglisséunemèchedecheveuxderrièresonoreille.—Jet’aime,Poppymin.Cequ’onvientdevivre…C’étaittellement…Jen’arrivaispasàm’exprimer.Frustré,j’aifermélesyeux.Elleadéposéunbaisersurmabouche.—Jemesouviendraidecettenuittoutemavie,Rune.Jel’aiembrasséeavecpassion.J’aiécartémonvisagedusienetellem’asouri.— Baiser numéro trois cent cinquante-cinq. Avec mon Rune, dans ma chambre. Après avoir fait

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l’amourpourlapremièrefois.Moncœurapresqueéclaté.Elleaposémamainsursoncœur.Jelesentaisbattresousmapaume.Elleavaitleslarmesauxyeux.—Jeneveuxpasquetupartes.—Moinonplus,Poppymin.Iln’yavaitplusrienàdire.J’aipasséunemaindanssescheveux,etelleacaressémonventredubout

desdoigts.Poppys’estendormie.Sonsouffletranquillem’abercé.J’aiessayédetenirlepluslongtempspossible, pour profiter d’elle jusqu’au bout, mais je me suis endormi à mon tour, à la fois triste etheureux.Jemesuisréveilléauleverdujour.Lejourdemondépart.J’aiclignédesyeuxetj’airegardéleréveil.Plusqu’uneheure.Poppydormaitencore,latêteposée

surmon torse.Elle étaitmagnifique.Nosmains étaient encore jointes surmonventre.Elle avait l’airtellementheureusedanssonsommeil…J’espéraisquecettenuitavaitétéaussibellepourellequepourmoi.Poppyasoulevélespaupières.Unsourireailluminésonvisage.Elles’estblottiecontremoncou,etje

l’aiserréedansmesbras,toutengardantunœilsurleréveil.Pluslesminutess’écoulaient,pluslacolèredelaveilles’emparaitdemoi.—Ilfautquej’yaille,Poppymin.—Jesais.Elleavaitlevisagesillonnédelarmes.Jemesuismisàpleurer,moiaussi.Poppyapasséunemainsur

majoue.Jel’aiadmiréeensilence,gravantsestraitsdansmamémoire,puisjemesuislevéetjemesuishabillé.Sansmeretourner,jesuissortiparlafenêtreetj’aitraversélapelouse,lecœurlourd.Jesuisentrédansmachambre.Laporteavaitétéouvertedel’extérieur.Monpèreétaitplantéàcôtédu

lit.Pendantuninstant,j’aieupeurdesaréaction.Puislacolèreaprisledessus.J’étaisprêtàentendreses reproches. J’étais prêt à me battre. Je n’avais pas honte d’avoir passé la nuit avec la fille quej’aimais.Ladernièrenuit,parsafaute.Ilestsortisansdireunmot.Unedemi-heureplustard,j’aibalayémachambreduregard,unedernière

fois.J’aisoulevémonsacàdosetjesuissorti,monappareilphotoautourducou.M. etMmeLitchfield étaientdehors, avec Ida etSavannah. Ils disaient au revoir àmesparents. Ils

m’ontrejointenbasdel’escalieretm’ontprisdansleursbras.IdaetSavannahsesontagrippéesàmataille.Laportedeleurmaisons’estouverte.Poppynousarejointsencourant.Ellesortaitdeladouche.Elle

avaitlescheveuxmouillés.ElleaenlacémesparentsetembrasséAltonsurlajoue.Ilssesontinstallésdanslavoiture,etlafamilledePoppyestrepartiepournouslaisserseulàseule.Jel’aiserréefortdansmesbras,j’aiposéundoigtsoussonmentonetjel’aiembrasséepourladernièrefois.Poppyétaitenlarmes.—Baisernumérotroiscentcinquante-six.AvecmonRune,devantchezlui…lejourdesondépart.J’aifermélesyeux.Madouleurétaitinsurmontable.Monpèreabaissésavitre.

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—Ilfautqu’onyaille,Rune.Poppy s’est agrippée à mon tee-shirt et a étudié mon visage. On aurait dit qu’elle essayait d’en

mémoriserlemoindredétail.J’aisoulevémonappareilpourlaprendreenphoto.J’aicapturéunmomentrare:l’instantmêmeoùuncœursebrise.Lepas lourd, j’aimarché jusqu’à lavoiture. Jemesuisassisà l’arrière, incapabledecontenirmes

larmes.Poppyestrestéeplantéelà,sescheveuxmouillésdansantdanslevent.Monpèreafaitdémarrerlavoiture.J’aibaissélavitreettendulamain.Poppyl’aserréedetoutesses

forces.—Jeteverraidansmesrêves,Rune.—Jeteverraidanslesmiens.Mon père a faitmarche arrière. J’ai lâché lamain de Poppy et je l’ai regardéeme dire au revoir,

jusqu’àcequ’elledisparaissedemonchampdevision.Jemesuisaccrochéàcettedernièreimage.Jemesuisjurédelagarderenmoijusqu’àmonretour.Jusqu’ànosretrouvailles.

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SILENCE

Rune

Oslo,Norvège

Lelendemain,j’atterrissaisàOslo,séparédePoppyparunocéan.Lesdeuxpremiersmois,nousnoussommesappeléstouslesjours.J’essayaisdem’encontenter,maischaqueminutepasséesanselleattisaitmacolère.Quelquechoses’étaitbriséenmoi.Jemesentaisvide.Aulycée,jerefusaisdemefairedesamis.Jenevoulaispasquecetendroitdeviennemanouvellemaison.MaplaceétaitenGéorgie.AvecPoppy.Pendantnosconversations,jem’efforçaisdecachermatristesse.Jenevoulaispasqu’ellesefassedu

souci.Puis,unjour,Poppyaarrêtéderépondreàmesappels,àmesemailsetmestextos.Elleadisparu.Sansunmot,sansunetrace.J’aiapprisqu’elleavaitquitténotrelycéeetnotreville.Pendantdeuxans,elle m’a abandonné de l’autre côté de l’Atlantique. Deux ans pendant lesquels je n’ai cessé de medemanderoùelleétait,cequis’étaitpassé,sij’avaisfaitquelquechosedemal,sijel’avaispousséetroploinlorsdenotredernièrenuit.Cettepériodeamarquémavie.UneviesansPoppy.Uneviesansrien.

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AMOUREUXETÉTRANGERS

Poppy

BlossomGrove,GéorgieÀdix-septans

—Ilrevient.Deuxmots.Deuxsimplesmotsquiontbouleversémavie.Ilrevient.J’aiserréleslivrescontremapoitrineaumilieuducouloirbondéetj’aitournélatêteversJorie,ma

meilleureamie.Elleaposéunemainsurmonbras.—Çava,Poppy?Tuestouteblanche.—Qui…Quit’aditqu’ilrevenait?—JudsonetDeacon.Sonpèreestaffectéici.Pourdebon,cettefois.—Danslamêmemaison?—Oui,Poppy.Jesuisdésolée.J’aifermélesyeux.Ilseraitànouveaumonvoisin.Sachambredonneraitsurlamienne,commeavant.Jorieafroncélessourcils.—Tuessûrequeçava?Tuviensjustederentrer,toiaussi,etrevoirRune…—Net’inquiètepaspourmoi.Onnes’estpasparlépendantdeuxans.Runeestunétranger.—Poppy…—Ilfautquej’ailleencours.J’ai tourné le dos àmon amie, la seule avec qui j’étais restée en contact pendant ces deux longues

années.Les autres pensaient que j’avais quitté la ville avecma famille pour vivre auprès d’une tantemalade.SeuleJorieconnaissaitlavérité.Jemesuisarrêtéeaumilieuducouloiretj’aijetéunœilpar-dessusmonépaule.—Quandest-cequ’ilrevient?

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—Cesoir.JudsonetDeaconontdemandéàtoutlemondedeserassemblerauparcpourl’accueillir.C’étaitcommerecevoiruncoupdepoignarddansledos.Personnenem’avaitinvitée,etjecomprenais

pourquoi. J’avaisquittéBlossomGrovesansunmot.Quand jesuis revenue,sansRuneàmonbras, jesuisdevenueinvisible.Lafillequiportaitunnœuddanslescheveuxetquijouaitduvioloncelle.JorieetRubyétaientlesseulesàs’êtreémuesdemonabsence.—Çavaaller,Poppy?Jemefaisdusoucipourtoi.—Net’inquiètepas.J’aiconnupire.J’aibaissélatêteetj’aitraversélecouloiràtoutevitesse.Jenevoulaispasdesapitié.Jesuisarrivée

justeàtempsàmoncoursdemaths.Pendantuneheure,jen’aipenséqu’àuneseulechose:ladernièrefoisquej’avaisvuRune.Notredernierbaiser.Notredernièrenuit.J’étaiscurieusedesavoiràquoi il ressemblait,deuxansplus tard.Ànotreâge,noscorpsévoluent

vite.Jelesavaismieuxquequiconque.Jemesuisdemandésisesyeuxétaienttoujoursaussibleus,s’ilavaitencorelescheveuxlongsets’ilpassaitsontempsàlesglisserderrièrel’oreille,ungestequifaisaitfondrelesfilles.Pendantunbrefinstant,jemesuisdemandés’ilsongeaitencoreàmoi,etànotredernièrenuit.Laplus

bellenuitdemavie.Puis les idéesnoiresontpris ledessus.Avait-iloffert ses lèvresàuneautrependantsonabsence?

Avait-ilbrisésapromesse?Pire:avait-ilfaitl’amouràuneautre?Lasonneriearetenti.Jemesuisdirigéeverslasortie,soulagéequelajournéetoucheàsafin.J’étais

fatiguéeet j’avais lecœurbrisé. JesavaisqueRuneseraitde retourcesoir-là. Jenepourraispas luiparler,niletoucher,niluisourire,nil’embrassercommej’enrêvais.Ilfallaitquejegardemesdistances.Detoutemanière,ilyavaitdegrandeschancespourqu’ilneveuillepasm’approcher.Pasaprèscequejeluiavaisfaitsubir.Jeneluiavaismêmepasditaurevoir.Je suis sortie du lycée et j’ai glissé les cheveux derrière mes oreilles. Mes cheveux longs me

manquaient.Avecmacoupeaucarré,jenemesentaispasmoi-même.Entraversantleparking,j’aiadmirélecielbleuetlesoiseauxdanslesarbres.Lanaturem’apaisait.Je

suispasséedevantJudsonetsesamis,attroupésautourd’unevoiture.J’aibaissélatêteetj’aiaccélérélepas.Troptard.Averym’avaitrepérée.Ellem’aappelée,etjemesuisretournée.Elleestdescendueducapot où elle était assise et elle s’est approchée de moi. Elle était toujours aussi belle. Maquillageimpeccable,delongscheveuxblonds…Touslesgarçonslavoulaient,ettouteslesfillesrêvaientdeluiressembler.—Tuesaucourant?m’a-t-elledemandé.—Dequoi?—RunerevientàBlossomGrove.Elleavaitl’airravie.J’aidétournéleregard.—Non,ai-jementi.Jen’étaispasaucourant.RubyetJoriesesontempresséesdenousrejoindre.Mesdeuxvraiesamies.—Qu’est-cequisepasse?avoulusavoirRuby.—JedemandaisàPoppysiellesavaitqueRunerevenaitcesoir.

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Deaconnousarejointes.IlapasséunbrassurlesépaulesdeRuby.—Runen’apasparléàPoppydepuisdeuxans,Avery.Jetel’aidéjàdit.Ce n’était pas son intention,mais sesmotsm’ont brisé le cœur.Maintenant, je savais queRune et

Deaconétaientencontact,etqueRuneneluiparlaitjamaisdemoi.Jen’existaisplus.Averyahaussélesépaules.—Jevoulaisjustevérifier.Aprèstout,ilsétaientinséparables…—Ilfautquej’yaille,ai-jeditenleurtournantledos.J’aitraverséleparcjusqu’àlacerisaie.Lesbranchesétaientnuesettristes.Ellesétaientpresséesde

retrouverleursfleurs,unsouhaitquineseréaliseraitpasavantleprintemps.Jesuisrentréechezmoietj’airejointmamèreetmessœursdanslacuisine.IdaetSavannahfaisaient

leurs devoirs sur la table. J’ai pris ma mère dans mes bras et je l’ai serrée un peu plus fort qued’habitude.—Çava,machérie?—Oui,jesuisjustefatiguée.—Tuenessûre?Elleaposéunemainsurmonfront.—Oui,maman.Toutvabien.Jesuisalléedansmachambreetj’aijetéunœilparlafenêtre.LamaisondesKristiansenn’avaitpas

changé depuis leur départ. Ils ne l’avaient pas vendue. Mme Kristiansen avait dit à ma mère qu’ilsaimaienttropcequartier.Unefemmedeménagevenaitunefoisparsemainepourquelamaisonsoitenétatàleurretour.Ce jour-là, les fenêtres étaient ouvertes. Elle avait visiblement tout préparé pour leur arrivée. J’ai

fermélesrideaux,et jemesuisallongéesur le lit.J’enavaismarred’être tout le tempsfatiguée.Pourmoi,dormirétaitunepertedetemps.Jepréféraisexplorer lemonde,m’amuseretcréerdessouvenirs.Hélas,jen’enavaispaslechoix.JemesuisendormieenpensantàRune.Commechaquefois,j’airêvédelui.Runemeserraitdansses

bras,m’embrassait etmedisait qu’ilm’aimait.C’est unbruit de camionsquim’a réveillée.Desvoixfamilières me sont parvenues depuis le jardin. Mon cœur s’est emballé. Je me suis agrippée à macouverture.Ilétaitlà.Jeme suis levéeet jeme suis approchéede la fenêtre. J’ai reconnu lesvoixdemesparents etdes

parentsdeRune.Jen’aipasouvertmesrideaux,depeurqu’ilsmevoient.Jesuissortiedemachambreetje suis allée à l’étage, dans le bureau demon père.C’était la seule autre fenêtre qui donnait sur leurmaison.Jemesuiscolléeaumuretj’aisourienvoyantlesparentsdeRune.Ilsn’avaientpasbeaucoupchangé.MmeKristiansenétaittoujoursaussibelle,aveclescheveuxplus

courts.M.Kristiansenétaitgrisonnant,etilavaitunpeumaigri.Unpetitgarçonblondacourujusqu’àlaported’entrée.Alton.Ildevaitavoirquatreans.Ilavaitles

cheveuxaussilongsetblondsqueceuxdesonfrère.IlressemblaitàRunelejourdenotrerencontre.Lesdéménageursfaisaientdesaller-retourentrelescamionsetlamaison,lesbrasremplisdecartons.

AucunsignedeRune.Mesparentssontrentrés,etjesuisrestéeplantéelà,attendantl’arrivéedugarçon

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demes rêves. Une heure plus tard, la nuit est tombée. J’allais baisser les bras quand j’ai aperçu dumouvementàl’arrièredeleurmaison.Unéclatdelumièreetunefuméeblanche.Unegrandesilhouetteasurgi de l’ombre, se dévoilant à la lueur du lampadaire.Veste en cuir, tee-shirt noir, jean noir, bottesnoires…etdelongscheveuxblonds.Il a passé une main dans ses cheveux. Je connaissais ce geste, cette mâchoire, ces épaules. Je le

connaissaisparcœur.Rune.MonRune.Unnuagedefumées’estéchappédesabouche.Ilfumait.Runefumait.MonRunen’auraitjamaisfumé.Magrand-mèreétaitmorted’uncancerdupoumon.Runeetmoinous

étionspromisquejamaisnousnetoucherionsàunecigarette.Runeavaitbrisénotrepromesse.Jel’aiobservéensilence.Ilétaitencoreplusbeauquedansmesrêves.Ilaécrasésacigarettedans

l’herbe, et sonpère l’a rejointdehors.Runea tourné la têtevers lui. Jen’aipascompriscequ’ils sedisaient,maisRuneavait l’airencolère.Il luiaréponduennorvégien.Sonpèreabaissélatêteetestretournédanslamaison.Runeluiafaitunbrasd’honneur.Laportes’estrefermée.J’étaischoquée,tristeetdéçue.Legarçonquejeconnaissaissibienétaitdevenuunétranger.Ilafait

lescentpasentrenosdeuxmaisons.Mêmedeloin,jesentaisqu’ilétaitfurieux.Ilatournélatêteverslafenêtre dema chambre.Un coup de vent a soulevé ses cheveux et, pendant un bref instant, j’ai vu ladouleuretlatristessedanssesyeux.MonRuneétaitencorelà.Jeconnaissaisceregard.Ilafaitunpasenavant,etj’aipresquecruqu’ilallaitgrimperàmafenêtre,commeavant.Maisilaserrélespoings,ilestrevenusursespasetilestrentréchezlui.Sachambres’estallumée.Ilaouvertlafenêtreets’estassissurlerebord.Tandisqu’ilallumaitune

autrecigarette,mamèreestentréedanslebureau.Ellem’arejointeàcôtédelafenêtre.—Runeachangé,Poppy.IlleuracausébeaucoupdeproblèmesàOslo.Eriknesaitpluscomments’y

prendre. Ils sont contents d’être de retour. Ils voulaient l’éloigner de sesmauvaises fréquentations enNorvège.Runefumaitsacigaretteenfixantlafenêtredemachambre.Mamèreaposéunemainsurmonépaule.—Tuasprislabonnedécision,machérie.Iln’auraitpassupportécetteépreuve.J’avaisleslarmesauxyeux.Jel’avaiscoupédemaviepoursonbien,pourleprotéger.Lesimplefait

de l’imaginer heureux, en Norvège, m’avait aidée à me battre.Mais ce n’était qu’une illusion. Runen’étaitpasheureux.Ilétaitperdu,dansl’ombre.Iln’étaitpluslemême.LavoituredeDeaconestapparuedansl’allée.LeportabledeRunes’estallumédanssamain.Ilest

sortidelamaisonetarejointDeaconetJudson.Ilsluiontserrélamain.Averyl’aprisdanssesbras.Elleportaitunejupecourteetunhautmoulant.Elleétaitparfaite.Ilsétaientparfaits.Grands,blondsetbeaux.Lavoitureadisparuauboutdelarue.LepèredeRuneétaitplantésurlepasdelaporte, leregard

danslevide.Ilalevélatêteverslafenêtreoùjemetenaisetilacroisémonregard.Ilm’asaluéedelamain.Ilavaitl’airtriste.Fatigué.Désespéré.Je lui ai souri avant de retourner dans ma chambre. Je me suis allongée et j’ai attrapé ma photo

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préférée.Notredernierportrait.Jel’airegardéeenmedemandantcequiétaitarrivéàRune.Pourquoiilavaittantchangé.Etj’aipleuré.PleurépourRune,pourceluiquej’avaistantaimé.Pleurépournotrehistoire,aussibelleetéphémèrequelesfleursdecerisier.

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6

COULOIRSBONDÉSETCŒURSTRANSPERCÉS

Poppy

Mamères’estgaréedevantlelycée.Leslarmesauxyeux,elleaposéunemainsurmonbras.—Est-cequeçava,mapuce?—Oui,maman.Toutvabien.—Tun’espasobligéed’alleraulycéeaujourd’hui.—J’aienvied’yaller.Jeneveuxpasratermoncoursd’histoire.—Tuescommetagrand-mère.Têtuecommeunemule,etuneéternelleoptimiste!Je lavoisentoi

touslesjours.Ces paroles ont suffi àme réchauffer le cœur. Ellem’a tendu lemot dumédecin, et j’ai ouvert la

portière.—Jet’aime,maman.Detoutmoncœur.Unsourireailluminésonvisage.—Jet’aimeaussi,Poppy.Detoutmoncœur.Jesuissortiedelavoiture, j’aifermélaportièreet jemesuisdirigéeversl’entrée.J’avaisratéma

premièreheuredecours.Unsilenceetuncalmedignesde l’apocalypseplanaientsur le lycée.Tout lecontrairedubrouhahahabituel.Jesuispasséeausecrétariatetj’aidonnélemotdumédecinàMmeGreenway,lasecrétaire.—Commentallez-vous,Poppy?—Trèsbien,merci.—Tantmieux.Ellem’afaitunclind’œilenmetendantmonmotd’excuse.J’aijetéunœilàmamontre.Moncoursde

littératurevenaitàpeinedecommencer.J’aitraversélecouloirjusqu’àmoncasieroùj’airécupéréleslivresdontj’avaisbesoin.Jel’aiferméetjesuisrevenuesurmespas,lesbraschargés.C’estlàquej’ailevélesyeuxetquejemesuisretrouvée…faceàRune.Legarçonquej’aimaisencore,plusquetoutaumonde.

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Ilétaitplantéaumilieuducouloir,àquelquesmètresdemoi.Ilavaitlemêmestylequ’avant:tee-shirtnoir,jeannoiretbottesnoires.Sesbrasétaientplusmusclés,satailleplusfine,samâchoiredessinéeetsespommettessaillantes.Unefinebarbeblonderecouvraitsonmentonetsesjoues.Sessourcilsblondsse sont froncés au-dessus de ses grands yeux bleus. Des yeux que je n’avais pas oubliés, malgré ladistanceetlesannées.Moncœurs’estemballé.Sonregardsurmoiavaitchangé.Unregardaccusateur,enragé.J’airavaléma

douleur.Sonamourm’avaitréchauffélecœurpendantdesannées,maissacolèremeglaçaitlesveines.Plusieursminutessesontécoulées.Nilui,nimoin’avonsbougé.L’atmosphèreétaitélectrique.Runea

serrélespoings.Onauraitditqu’ilmenaitunebatailleaveclui-même.Laporteducouloirs’estouvertederrière lui. Le surveillant, William, s’est approché de nous, brisant la tension. Tant mieux. J’avaisbesoindemeressaisir.—Jepeuxvoirvosautorisations?J’ai posémes livres en équilibre surungenoupour lui tendre lamienne,maisRunem’adevancée.

Williamalusonmotd’excuse,puislemien.—Prendssoindetoi,Poppy.Je suis devenue toute blanche, puis j’ai compris que le papier disait que je revenais de chez le

médecin.Riendeplus.Iln’étaitpasaucourantdureste.—Merci.Runem’a observée, l’air inquiet. J’ai croisé son regard, et son visage s’est fermé. Il était pourtant

tellementbeauquandilsouriait…J’espéraisquesacolères’estomperaitavecletemps.William nous a fait signe de circuler. J’ai traversé le couloir, j’ai poussé la porte et je me suis

retournéeunedernièrefois.Runen’avaitpasbougé.Ilmefixaitencore,del’autrecôtédelavitre.Puisilm’atournéledos,etjesuispartieencours.Uneheureaprès,jetremblaisencore.

*

Unesemaine s’est écoulée.Unesemainedurant laquelle j’ai évitéRuneà toutprix.À lamaison, jem’enfermaisdansmachambre,rideauxtirésetfenêtrefermée.Aulycée,Runemedévisageaitcommesij’étaissapireennemie.Jenedéjeunaispasàlacantine.Jeprenaismesrepasdanslasalledemusique,etjepassaislerestedemapauseàjouerduvioloncelle.Lamusiqueétaitmonsanctuaire,monéchappatoire.Ellemefaisaitoublierlasouffrancedecesdeux

dernièresannées.Quandjejouais,lasolitude,leslarmesetlacolères’envolaient,laissantplaceàunepaixintérieurequejenetrouvaisnullepartailleurs.Pourtant,depuismesretrouvaillesavecRunedanslecouloir, la musique ne me suffisait plus. Chaque fois que je terminais un morceau, le désespoir merongeaitetmesuivaitjusqu’ausoir.Lasemaineétaitenfinterminée.Lacourgrouillaitd’élèvespressésderentrerchezeuxetdefêterle

débutduweek-end.Entraversantleparc,jesuistombéesurRuneetsesamis,assisdansl’herbe.JorieetRubyétaientlà,ellesaussi.AveryétaitassiseàcôtédeRune,quifumaitunecigarette,ledoscontreunarbre.J’aiaccélérélepas,maisJoriem’acouruaprès.—Poppy!

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Jemesuisarrêtée,refusantd’ignorermonamie.Runem’observaitducoindel’œil.J’aifaitminedenepaslevoir.—Commentvas-tu?—Bien,ai-jemurmuré.Elleapousséunsoupir.—Tuneluiaspasencoreparlé?—Non,etc’estmieuxcommeça.Jenesauraispasquoiluidire.Runeachangé.Jenelereconnais

plus.—Jesais,Poppy.Toutlemondeparledeluidepuissonretour.Commed’habitude,lesfillesfonttout

pourattirersonattention.Saufqu’avantilétaitavectoi,onsavaitqu’ilnetequitteraitpaspouruneautre.Aujourd’hui,c’estdifférent.Jesuisdevenuepâledejalousie.Jorieaposéunemainsurmonbras,l’airdésolé.Jeneluienvoulais

pas.Elleavaitraison.—Qu’est-cequetufaisdemainsoir?—Rien.—Super!Deaconorganiseunefête.Onyvaensemble?J’aiéclatéderire.—Jedétestelesfêtes,Jorie.Tulesaisbien.Etpuis,jenesuispasinvitée…—Si!C’estmoiquit’invite.—JenesuispascapabledefairefaceàRune.Pasaprèstoutcequiestarrivé.—Ilneserapaslà.IladitàDeaconqu’ilavaitautrechosedeprévu.—Ahbon?—Jen’en saispasplus.Runeest toujours aussimystérieux.Maispeu importe…Allez,Poppy,dis

oui!J’aimeraispasserplusde tempsavec toi.Onadeuxansàrattraper.Rubysera làaussi.Onne telaisserapastouteseule,promis!J’aifixélesol,àlarecherched’uneexcuse.—D’accord.—Super!Unsourireailluminésonvisageetellem’aserréefortdanssesbras.Sonenthousiasmem’afaitrire.—Ilfautquej’yaille.J’aiunrécital,cesoir.—C’estvrai?Bonnechance!Onsevoitdemain.Jeviendraitechercher.—OK.Àdemain,Jorie.J’aitraverséleparcjusqu’àlacerisaie.Enempruntantlesentier,j’aientendudubruitdansmondos.

J’ai jeté unœil par-dessusmon épaule.Rune était à quelquesmètres demoi. J’ai détourné le regard,terrifiéeàl’idéequ’ilm’adresselaparole.Ets’ilmedemandaitdesexplications?Ets’ilmedisaitquenotrehistoirenecomptaitplusàsesyeux?Celamebriseraitlecœur.Jemesuisdépêchéederentreràlamaison.Ilm’asuiviejusqu’aubout,sanspourautantessayerdeme

rattraper. Il s’estplantéàcôtéde sa fenêtreet il apasséunemaindans sescheveux. J’aieuenviede

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lâcher mon sac et de me jeter dans ses bras, de tout lui raconter. J’étais prête à tout pour qu’ilm’embrasseunedernièrefois.Jesuisentréechezmoietjemesuisallongéesurmonlit.Lesmotsdemamèreontdéfiléenboucle

dansmatête.Tuasprislabonnedécision,machérie.Iln’auraitpassupportécetteépreuve.Enfermantlesyeux,jemesuisjurédeneplusjamaisl’approcher.Jerefusaisd’êtreunfardeau.Jeleprotégerais,coûtequecoûte.Parcequejel’aimaistoujours.Mêmesiluinem’aimaitplus.

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TRAHISONETVÉRITÉS

Poppy

Jemesuisétiréeencoulisses,monvioloncelleàlamain.Parfois,mesdoigtss’engourdissaient,etjedevais attendrequelquesminutesavantdepouvoir reprendre.Mais riennem’empêcheraitde jouercesoir.J’iraisjusqu’auboutetjesavoureraischaqueseconde.Michael Brown a terminé son solo de violon. Les spectateurs l’ont applaudi, puis le maître de

cérémonieaannoncémonnomaumicro.C’étaitlapremièrefoisquejeremontaissurscènedepuismonretour.Mesparentsetleshabituésm’ontapplaudie.Ilsontcriémonnom,m’accueillantànouveaudansleurmonde.Encoulisses,mesamisdel’orchestrem’ontencouragée.Lecœurbattant, j’airedressélesépaulesetjemesuisavancée.Mafamilleétaitautroisièmerang.Mesparents,mespetitessœurs,M.etMmeKristiansenetlepetit

Altonm’ontsouri.Runen’étaitpaslà.Avantsondépart,Runenerataitjamaismesrécitals.Mêmequandilsavaientlieuloind’ici,ilmesuivait,sonappareilvisséaucouetunsourireauxlèvres.J’aifermélesyeuxetj’aiposélesdoigtssurlescordes.J’aicomptéjusqu’àquatreavantdejouerun

prélude de Bach, un de mes morceaux préférés. La mélodie était complexe et rapide. Le son duvioloncellea résonnédans lasalle.Lamusiquecoulaitdansmesveinesetdansmoncœur.Jemesuisimaginée sur la scène du Carnegie Hall. Mon rêve ultime. Je voyais le public, des spectateurs quivivaientpourlamusique,pourlanoteparfaite.Desgenscommemoi.J’enaioubliéquej’avaislesdoigtsengourdis.J’ai toutoublié, jusqu’àcequeretentisse ladernièrenote.Alors j’aiouvert lesyeuxet j’aisouri,apaiséeparcemomentunique,cedouxsilencequiprécédait lesapplaudissements.Àcet instantprécis,jemesentaiscapabledeconquérirlemonde.Lesspectateursontapplaudi,etjelesaisalués.J’aibalayélasalleduregardetj’aicruapercevoirun

éclairdecheveuxblonds toutau fond,disparaissantderrière laporte.Unesilhouettenoireetdesyeuxbleus…Impossible,ai-jepensé.Runemedéteste.Monespritmejouedestours.Jesuissortiedescèneetj’airejointmafamilleàl’extérieur.Savannah,mapetitesœurdetreizeans,

s’estjetéedansmesbras,suiviedeprèsparIda.Ellesavaientleslarmesauxyeux.—Nepleurezpas,lesfilles.N’oubliezpasvotrepromesse.Savannahm’asouri,etIdaahochéla tête.Mesparentsm’ontserréedansleursbras.Ilsm’ontdità

quelpointilsétaientfiersdemoi.M.etMmeKristiansennousontrejoints.Pourlapremièrefoisdepuis

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leurretourd’Oslo,j’allaisleurparler.—MapetitePoppy…QuandlamèredeRunes’estapprochéedemoi,jemesuisjetéedanssesbras.Elleadéposéunbaiser

surmonfront.—Tunousasmanqué,mabelle.Sonaccentnorvégienétaitplusprononcéqu’àl’époque.JemesuisdemandésiRuneavaitunaccent,

lui aussi. Son pèrem’a enlacée à son tour, etAlton s’est agrippé à sa jambe. Il a levé la tête etm’aregardéeàtraversseslongscheveuxblonds.—Bonsoir,Alton.Tutesouviensdemoi?Ilasecouélatête.—J’étaistavoisine.Parfois,Runeetmoit’emmenionsjouerauparc.Toutlemondem’aregardéeavectendresse.J’avaisprononcésonnomsansréfléchir.J’aieumalau

cœur,lamêmedouleurquequandjepensaisàmagrand-mère.Altonatirésurmarobe.—TuesamieavecRune?Je n’ai pas su quoi répondre. Sa mère a froncé les sourcils. J’ai poussé un soupir et je me suis

accroupiedevantlui.—Runeétaitmonmeilleurami.Jel’aimaisdetoutmoncœur…etjel’aimeraitoujours.—Tuveuxdireque…Runeteparlait?—Biensûr.Ilmeparlaittoutletemps.Ilalevélatêteverssonpère,l’airconfus.—C’estvrai,papa?Sonpèreahochélatête.—Oui,Alton.Poppyétaitsameilleureamie.Ill’aimaitbeaucoup.Altonavaitleslarmesauxyeux.Salèvreinférieures’estmiseàtrembler.J’aiposéunemainsurson

bras.—Qu’est-cequisepasse,Alton?—Runenemeparlejamais.Ilneveutjamaisjoueravecmoi!Jenecomprenaispas.Runeadoraitsonpetitfrère.—Est-cequetupeuxm’aider,Poppy?Tuessameilleureamie.Ilt’écoutera,toi.J’ai croisé le regard de ses parents, puis des miens. Tout le monde était choqué, attristé par la

confessiond’Alton.—J’aimeraisbeaucoupt’aider,Alton.Maisilnemeparleplus,àmoinonplus.Ilabaissélatête.J’aidéposéunbaisersursonfront,etils’estréfugiédanslesbrasdesamère.Mon

pèreainvitélesKristiansenàboireunverreàlamaisonlelendemain.Moi,j’airegardédanslevide,perduedansmespensées,jusqu’àcequ’unbruitdemoteurmetiredemarêverie.J’ailevélatêteetj’aivuungrandblondvêtudenoirmonterdansuneCamaro.LavoituredeDeacon,lemeilleuramideRune.

*

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J’aiétudiémonrefletdanslemiroir.Jeportaisunerobebleueetmesballerinesnoires.J’ainouémonrubanblanc àmes cheveux, et j’ai enfilémesbouclesd’oreillespréférées.Runeme les avait offertespourmesquatorzeans.Ellesétaientenformedehuit:lesymboledel’infini.J’aiattrapémavesteenjeanetj’airejointJoriedevantchezmoi.Ellem’attendaitauvolantdelavoituredesamère.Elleportaitunerobenoiremoulanteetdesbottinesencuir.—Jenesavaispasquoimemettre,ai-jeditenouvrantlaportière.Elleabalayématenueduregard.—Tuesparfaite.Lerécitals’estbiendéroulé?—Oui.—Tutesenscomment?J’ailevélesyeuxauciel.—Arrêtedetefairedusoucipourmoi,Jorie.Tuespirequemamère!Ellem’atirélalangue,etj’aiéclatéderire.Pendantletrajet,ellem’aracontétoutcequis’étaitpassé

aulycéependantmonabsence.J’aisouriethochéla tête,mêmesiceshistoiresnem’intéressaientpasvraiment.Jories’estgaréedevantchezDeacon.J’aientendulafêteavantdelavoir.Descrisetdelamusique

s’échappaient des fenêtres.Nous sommes sorties de la voiture, et jeme suis agrippée au bras demameilleureamie.—C’esttoujoursaussi…bruyant?Jorieaéclatéderire.—Oui,Poppy.Àl’intérieur,lamusiqueétaittropforte.Nousnoussommesfrayéuncheminparmilafoule.Jen’aipas

quittéJoried’unesemelle.RubyetDeaconétaientdanslacuisine.Rubys’estjetéedansmesbras.—Salut,Poppy!Tuveuxboirequelquechose?—Oui,unCoca,merci.Elleafroncélessourcils.—T’aspasenvied’untrucplusfort?—Non,merci.—Commetuveux.Deaconm’asaluéed’unemain.Ilétaitentraindelireunmessagesursonportable.Rubym’atenduun

verre. Nous sommes sorties toutes les trois dans le jardin. Une poignée de personnes étaient assisesautourd’un feudecamp.C’étaitpluscalme,et celam’arrangeaitbien.DeaconaappeléRubydans lacuisine,etjemesuisretrouvéeseuleavecJorie,lesyeuxfixéssurlesflammes.—Jesuisdésoléepourhier,Poppy.ParrapportàRune.Jenevoulaispastefairedemal.Parfois,je

feraismieuxdemetaire.—Jenet’enveuxpas.Ellem’aregardéed’unaircurieux.—Tuletrouvescomment?J’aihaussélesépaules.

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—Nemedispasquetun’aspasd’opinionsurl’hommedetavie!—Biensûrquesi.Ilesttoujoursaussibeau.Jorieaavaléunegorgéedebière.Lecœurlourd,jejouaisavecmongobeletquandlavoixd’Avery

s’estéchappéedelamaison.Joriealevélesyeuxauciel.—Lasorcièreestarrivée.—Lasorcière?—Jeplaisante!Averyn’estpasméchante.Elledraguejustetoutcequibouge.—EllenedragueraitpasJudson,parhasard?ai-jeditpourlataquiner.Joriem’ajetésongobeletvideàlafigure.J’aiéclatéderire.ElleétaitamoureusedeJudsondepuis

desannées,etellerefusaitdeleluiavouer.—Averyaessayédeleséduire,maisellelelaissetranquilledepuisqueRuneestrevenu.Mabonnehumeurs’estaussitôtenvolée.Jorieaprisconsciencedecequ’ellevenaitdedire.—Oh!Excuse-moi,Poppy!Jenevoulaispas…—Net’inquiètepaspourmoi.Elleaprismamaindanslasienne.—Est-cequeturegrettestadécision?—Touslesjours.Monamieavaitl’airtristepourmoi.Jeluiaisouripourlarassurer.—Ilmemanque…tun’imaginespasàquelpoint.Mais jenepouvaispas luiavouer lavérité.J’ai

préférégarderlesilence,lelaisservivresaviedesoncôté.Jorieaposélatêtesurmonépaule.—S’ilavaitsucequisepassait,ilauraitessayéderevenir.Jenevoulaispasqu’ilsouffre.Jedevais

leprotéger.—Qu’est-cequetuvasfaire,Poppy?Bientôt,toutlemondeseraaucourant.— J’espère que non. Je ne suis pas populaire comme toi, Ruby et Rune. Personne ne s’en rendra

compte.PasmêmeRune.Tuverraislafaçondontilmeregarde…Ilmedéteste,Jorie.—Tul’aimestoujours,pasvrai?Monsilenceétaitplusfortqu’uncri.Biensûrquejel’aimaistoujours.Jories’estlevéeengrimaçant.—Ilfautquej’aillefairepipi.Tuviensavecmoi?J’aiéclatéderireetjel’aisuivieàl’intérieur.Jel’attendaisdevantlaportedestoilettesquandj’ai

entendulavoixdeRubys’échapperdelapièced’àcôté.J’aiouvertlaporte.Jel’aiaussitôtregretté.C’étaitunpetit salonavec troiscanapés.RubyetDeaconétaientassis sur lepremier, Judsonet ses

amissurledeuxième,etAverysurledernier.Elleavaitungobeletàlamainetlebrasd’ungarçonsurlesépaules.Jeconnaissaiscebras.Jeconnaissaiscettemain.Runeatournélatête.

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Jesavaisqu’ilavaittiréuntraitsurmoi,maiscetteimagem’adéchiréedepartenpart.—Çava,Poppy?m’ademandéRuby.—Oui,ai-jemurmuré.J’aireculéd’unpas,etAveryatournélatêteversRune.Pourl’embrasser.Je suis partie en courant. J’ai remonté le couloir et je suis entrée dans la première pièce que j’ai

trouvée.Labuanderieétaitplongéedansl’obscurité.Lafenêtredonnaitsurlejardinetlesflammesdufeudecampdessinaientdesombressurlesmurs.J’aifermélaportederrièremoietj’aiposélesmainssurlamachineàlaver.J’aiéclatéensanglots.Cetteimageresteraitancréeàjamaisdansmamémoire.Moiquicroyaisavoirenduréladouleursous

toutes ses formes…J’avaiseu tort.Runevenaitdebriser sapromesse. Il avaitoffert ses lèvresàuneautre.Quelqu’unatournélapoignée.Runeestentré,fermantlaporteàcléderrièrelui.Surprise,j’aireculé

contre lemur et je l’ai observéde la tête auxpieds. Il avait les brasmusclés, les poings serrés et levisagepâle.Ilapasséunemaindanssescheveuxpourdégagersonvisage.Ungestequejeconnaissaisparcœur.J’auraisaiméavoirlecouragedem’enfuir,maisRunemebloquaitlaroute.J’étaispiégée.Ilaavancéd’unpasversmoi.Jesentaislachaleurémanerdesoncorps.Sonodeurmerappelaitnos

joursd’étédanslacerisaie,etnotredernièrenuitensemble.Seshabitssentaientletabacetsonsoufflelamenthe.J’avaisenvied’effleurersesjouesmalrasées.Monregards’estposésurseslèvres,cellesquivenaientd’embrasserAvery.J’aitournélatêteetj’aifermélesyeux.Runeaplaquélesmainscontrelemurderrièremoi,encadrantmonvisageavecsesbras.Sesmèches

blondes m’ont caressé la joue. J’ai ouvert les yeux et je les ai plongés dans les siens. J’avais despapillonsdansleventre.Ilaétudiémonvisageet,sansprévenir,ilaposéunemainsurmajoue.—Poppymin.Unelarmeadévalémapeauets’estécraséesursesdoigts.Poppymin.J’étaissaPoppy.Pourtoujours.Pourlavie.Ce simple mot m’a transpercé le cœur. Rune a posé son front contre le mien, comme si ces deux

dernièresannéesn’avaientjamaiseulieu.Commes’iln’étaitjamaisparti.Toutàcoup,lapénombrequis’étaitemparéedemois’estenvolée,chasséeparlessouvenirsetparl’amourdeRune.Quelqu’unafrappéàlaporte,brisantcetinstantprécieux.—Rune?Tueslà?C’étaitAvery.Runeaouvert lesyeuxets’estécartédemoi.J’aiessuyémeslarmesdureversdela

main.—Laisse-moisortir,Rune.Jen’avaisplusde forces,pasassezpour faire semblant. Je l’ai contourné, et ilm’aattrapéepar la

mainavantquej’atteignelapoignée.—S’ilteplaît,Rune.

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Averyafrappédetoutessesforcescontrelaporte.—Rune!Jesaisquetueslà!Ilaserrémamaindanslasienne.J’aiavancéd’unpasetjemesuismisesurlapointedespieds.J’ai

passéundoigtsurseslèvres,merappelantlasensationdesabouchecontrelamienne.—Tondépartm’abrisélecœur,Rune.Tonabsence,monsilence…C’étaitinsupportable.Maistevoir

embrassercettefille…c’estpirequetout.Runeestdevenutoutblanc.J’aipousséunsoupir.—Jen’aipasledroitd’êtrejalouse.Jesaisquetoutestmafaute,maisc’estplusfortquemoi.Laisse-

moisortir,Rune.Jet’enprie.Ilavaitl’airchoqué.J’enaiprofitépourretirermamaindelasienneetouvrirlaporte.Jesuissortie

entrombedelapièce,ignorantAvery,rougedecolère,etDeacon,Judson,RubyetJorie,quelacuriositéavaitpoussésdanslecouloir.J’aiquittélamaisonetj’airemontélarueencourant.—Rune!acriéDeacon.Qu’est-cequetufais,mec?Reviens!J’aitournéàdroite,endirectionduparc.C’étaitletrajetlepluscourtpourrentrerchezmoi.Leportail

étaitouvert.J’étaisessoufflée,épuisée.J’avaismalauxpieds.J’aientendudesbruitsdansmondos.J’aijetéunœilpar-dessusmonépaule.Runem’avaitsuivie.J’aiaccélérélepasetjesuisentréedanslacerisaie,monendroitpréféré.Notreendroitpréféré.J’ai

ralenti et je me suis arrêtée sous les arbres nus. Pas la peine de continuer. Rune aurait fini par merattraper.Jemesuistournéeverslui.Ilapasséunemaindanssescheveuxetils’estapprochédemoi.—Pourquoi,Poppy?Mesyeuxsesontemplisdelarmes.—Pourquoitum’ascoupédetavie?Réponds-moi!Son accent norvégien était prononcé, comme à son arrivée aux États-Unis, douze ans auparavant.

Comme lors de notre première rencontre. Depuis, tout avait changé. Notre innocence s’était envolée,Runeétaitencolèrecontremoi,etjenepouvaispasluiavouerlavérité.—Pourquoitunem’aspasrappelé?Pourquoituasdéménagé?Qu’est-cequis’estpassé?Ilfaisaitlescentpasdevantmoi.Uncoupdeventasoulevésescheveux.—Tum’avaispromis,Poppy!Tum’avaispromisquetum’attendrais!Toutallaitbienet,dujourau

lendemain,tuasignorémesappels!Pasunmessage!Rien!Ils’estplantédevantmoi.Lespointesdesesbottesonteffleurémesballerines.—Réponds-moi!J’ailedroitdesavoir!Savoixetsesmotsétaientremplisdevenin.L’ancienRunenem’auraitjamaisparlésurceton.— Je ne peux pas. Ne me force pas, Rune. S’il te plaît. Il faut tirer un trait sur nous, sur notre

histoire…Ilesttempsdepasseràautrechose.Il a reculé d’un pas, comme si je lui avais donné une gifle. J’étais triste de le voir dans cet état.

Quelquesannéesplustôt,samèrem’avaitavouéqu’avantnotrerencontreRuneétaitunpetitgarçonencolère,tristeetsolitaire.Ilachangégrâceàtoi,m’avait-elledit.Tuluiasmontréquelavieétaitbelle,quec’étaituneaventureetqu’ilfallaitprofiterdechaqueinstant.

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Pendantsonabsence,Runeétaitredevenulegarçoncolériquequ’ellem’avaitdécrit.J’airepenséàladevisedemagrand-mère.Clairdeluneetrayonsdesoleil.J’aifermélesyeuxpourétoufferlatristessequimenaçaitdemeconsumer.Lavérité,c’étaitqueRuneétaitainsiparmafaute.—Regarde-moidanslesyeux,Poppy!Dis-moipourquoitum’asquitté!Leslarmesontdévalémesjoues.—Quies-tu?ai-jemurmuré.Oùestpassélegarçonquej’aimais?OùestmonRune?Ilalâchémonbras,commesijel’avaisbrûlé.—Tuveuxvraimentsavoir?TuveuxsavoiroùesttonRune?Ilestmortlejouroùtul’asabandonné.Jeluiaitournéledos,maisilm’abloquélepassage.—Jet’aiattendue,Poppy.J’aiappelétoutlemonde.J’étaisprêtàtoutpourteretrouver,maistuavais

disparu!Onm’aditquevousaviezdéménagéchezunetantemalade.Jesavaisquec’étaitfaux.Mêmetonpèrerefusaitdemerépondre!J’aiessayéd’êtrepatient,maislesmoisontfilé,etj’aiperduespoir.Parta faute, Poppy. J’ai laissé la douleur s’emparer de moi jusqu’à ce que l’ancien Rune disparaisse àjamais.Jenepouvaisplusleregarderdanslemiroir.CeRuneétaitàtoi,Poppy.CeRuneétaitheureuxetamoureux.Ettul’asabandonné!Tul’aslaissésombrerdanslasouffranceetlacolère!Ilacollésonvisageaumien.—C’esttoiquil’astué,Poppy.LeRunequetuaimaisestmortlejouroùtuasbrisétapromesse.J’aireculéd’unpas,choquéeparsacruauté.Aucunecompassiondanssesyeux.Seulementlatristeet

froidevérité.Inspiréeparsacolère,j’ailaissélamienneéclater.Jel’aipoussédetoutesmesforces.Ancrédansle

sol,Runen’apasbronché.J’aiéclatéensanglots.—Je tedéteste!Je tedéteste,Rune!Jedéteste legarçonque tuesdevenu!Jevoulais tesauver!

Jevoulaisteprotéger!J’avaispeurquetutesentesimpuissant,commemafamille.Jenevoulaispasquetumevoiesdanscetétat!Runeétaitimmobile,telleunestatue.—Ilfallaitquejemebatte,Rune!J’auraistellementaimét’avoiràmescôtés…maistuauraistout

quittépourmerejoindre.Jelesavais.TudétestaistesparentsettavieàOslo.Jelesentaischaquefoisqu’onseparlait.Tuétaisencolère.Tun’auraispassupportétoutça!Runemeregardaitfixement.Iln’avaitmêmepasclignédesyeux.Moi,j’étaisépuisée.—Ilfautquej’yaille.Restons-enlà,toietmoi.Danscettecerisaiequ’onaimetant.C’estmieuxainsi.

C’esttropdur,Rune.J’aibaissélatête,refusantdelirelatristessedanssesyeux.—J’aibesoindeclairsdeluneetderayonsdesoleil.J’aibesoindelumièreetd’espoir.C’estcequi

metientenvie.Jeveuxcontinueràcroirequelemondeestbeau.Jeneveuxplustefairesouffrir.Jeluiaitournéledosetjesuispartieencourant.Runem’asuiviejusqu’ànotrearbrepréféré.—Jenecomprendspas,Poppy!Dequoituparles?Dequoivoulais-tumeprotéger?—Laisse-moitranquille,Rune…—Réponds-moi!Ilaposé lesmainssurmesépaules.Pour lapremièrefoisdemavie, jevoulaisfuir lacerisaie.Un

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endroitqui,d’ordinaire,m’apaisait.—J’aibesoind’explications,Poppy.—Jenepeuxpas…—Réponds-moi!—NON!—RÉPONDS-MOI,POPPY!—JEVAISMOURIR!Ma voix a résonné dans la cerisaie. J’ai posé une main sur ma poitrine, choquée par ma propre

confession.Jem’étaisjurédeleluicacherjusqu’aubout.—Jevaismourir,Rune.Je…vais…mourir.J’aifixélesol.Sesmainstremblaientsurmesépaules.Lachaleurdesespaumestraversaitmarobe.

J’ai plongémes yeux dans les siens. Ce regard troublé était la raison pour laquelle j’avais brisémapromessedeuxansplustôt.Laraisonpourlaquellej’avaisvoululelibérer,sanssavoirqu’aucontraire,jel’emprisonnerais.—J’aiuncancer,Rune.LamaladiedeHodgkin.Ilnemerestequequelquesmoisàvivre.Onnepeut

rienyfaire.J’aiattendu.J’aiattenduuneréaction,maisRunen’ariendit.Un«non»silencieuxs’estéchappédesa

bouche. Il m’a regardée une dernière fois et il est parti en courant, me laissant seule au milieu descerisiers.Je suis rentrée chezmoi en silence. LesKristiansen étaient dans le salon avecmes parents. Enme

voyantentrer,mamères’estlevée.Jemesuisjetéedanssesbrasetj’aiéclatéensanglots.J’avaisbrisélecœurdugarçonquej’aimais.Legarçonquej’auraisaimésauver.

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SOUFFLECOUPÉETÄMESTROUBLÉES

Rune

Jevaismourir.J’aiuncancer,Rune.LamaladiedeHodgkin. Ilnemerestequequelquesmoisàvivre.Onnepeutrienyfaire…Jesuispartiencourant,hantéparlesparolesdePoppy.Jesuistombéàgenouxdansl’herbeet j’aiessayédereprendremonsouffle.Unedouleurvivem’atranspercélecœur.Elles’estrépanduedansmespoumons,puisdansmoncorpstoutentier,jusqu’àcequenousnefassionsplusqu’un.Jepensaisavoirdéjàconnulapiredessouffrances:lesilenceetl’absencedePoppy.J’avaiseutort.

Cen’étaitriencomparéàcequejeressentaismaintenant.J’aihurlédetoutesmesforces.J’airaclélesolavecmesmains.Desbrindillesm’ontarrachélapeauetlaterres’estglisséesousmesongles.J’aipenséàlaréactiondePoppyquandelleestentréedanslesalon,àsondésespoirquandelleavu

Avery assise à côté demoi. Je n’avaismêmepas prévudevenir à cette fête,mais quand Judsonm’aenvoyéunmessagepourmedirequePoppyétaitlà,c’étaitplusfortquemoi.Ilfallaitquej’yaille.Depuismonretour,Poppym’ignorait.Ellenem’avaitmêmepasadressélaparole.Moi,jen’attendais

qu’uneseulechose:qu’ellemediselavérité.Qu’ellem’expliquepourquoiellem’avaitrejeté.J’airavaléunsanglot.Jamaisjen’auraispenséqu’illuiarriveraitunechosepareille.Ellen’avaitpasledroitdemourir.Ellen’avaitpasledroitdem’abandonner.Ellen’avaitpasledroitdenousabandonner.Sanselle,plus rienn’auraitde sens.Poppyétait trop jeune.Elleétait censéeêtreàmescôtéspour

l’éternité.PoppyetRune,pourtoujours.Pourlavie.Jetremblaisdelatêteauxpieds.Unautrecris’estéchappédemabouche,m’arrachantlagorge.Des

larmesontdévalémesjoues,s’écrasantsurlaterresèche.Jen’avaispaslaforcedemerelever.Àquoibon?J’étaisperdu.Poppyavaitraison.J’étaisimpuissantfaceàsonsort.J’ailevélatêteverslecielétoilé.

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—Poppy…Poppymin.Ilnemerestequequelquesmoisàvivre.Onnepeutrienyfaire.J’aiéclatéensanglots.J’aipleuré

enimaginantcequ’elleavaitendurépendantcesdeuxannées.Sansmoiàsescôtés.Sansmamaindanslasienne.Sansmesbaisers.Sansmesbraspourlarassurerquandletraitementlarendaittropfaible.Elleavaitsouffertsansmoi.Je me suis levé avec difficulté. J’avais l’impression d’être dans un cauchemar. J’aurais aimé me

réveillerdanslacerisaie,sousnotrearbrepréféré,avecPoppydansmesbras.Nousaurionsànouveauquinze ans. Elle aurait levé la tête vers moi, et je l’aurais embrassée. Elle m’aurait souri, les yeuxfermés…—Baisernumérodeuxmillecinquante-trois.Danslacerisaie,avecmonRune.Moncœurapresque

éclaté.J’auraisattrapémonappareil,attendantqu’elleouvrelesyeuxpourlaprendreenphoto.Jeluiaurais

ditquejel’aimaisenpassantunemainsursajoue.Plustard,j’auraisaccrochécettephotosurlemurdemachambrepourlavoirtouslesjours…Lecrid’unechouettem’aramenéàladureréalité.Poppyallaitmourir.Jen’arrivaispasàycroire.

J’ai levé lesyeux.Levent faisaitdanser lesbranchesdans lanuitnoire. Je suis rentréà lamaisonenpleurant.Jevoulaistesauver!Plusriennemesauverait.Lesimplefaitdel’imaginermalademebrisaitlecœur.Enremontantmon

allée, j’ai jetéunœilvers la fenêtredePoppy.Lamaisonétaitplongéedans lenoir.Jesavaisqu’elleétaitdanssachambre.J’aiavancéd’unpas,hésitantàlarejoindre,maisjenepouvaispasl’affronter.Jen’enétaispascapable.Jesuisrentréchezmoietj’aitraversélesalon.—Rune?Mamèreétaitplantéeaumilieudelapièce,lesjouescouvertesdelarmes.Ellesavait.Jemesuisprécipitédansmachambreet j’aiclaquélaportederrièremoi.J’aipasséunemaindans

mescheveux…etj’aicraqué.J’ailaissétoutemacolèresedéverser,meposséderetmeporter.J’aisoulevélecadredelitetjel’ai

retourné avec lematelas. J’ai balayé d’un coup de bras les affaires surmon bureau. J’ai attrapémonordinateurportableetjel’aijetécontrelemur.Jenemesuispassentimieuxpourautant.Ladouleurétaittoujourslà.Leslarmesaussi.J’aiserrélespoings,jesuistombéàgenouxetj’aicrié.J’aihurléjusqu’àcequemagorgemefassemal.Laportes’estouverte,etmamèreestentrée.Elles’estaccroupiedevantmoi.Elleaposélesmains

derrièremoncou.Jemesuisdébattu,maisellem’aattirécontreelle,etjemesuiseffondrédanssesbras.J’avaisbesoind’elle.J’avaisbesoinquequelqu’unmecomprenne.J’ailâchéprise,etelleapleuréavecmoi.Monpèreestentréàsontour,leslarmesauxyeux.L’hommequim’avaitarrachéàPoppy,quim’avait

empêchéd’êtreàsescôtéspendanttoutescesannées.Jemesuisécartédemamèreetj’ailevélatêteverslui.—Sorsd’ici.

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—Rune…—SORSDEMACHAMBRE!—Tuesenétatdechoc.Jemesuislevé,propulséparlaragequimeconsumait.J’aiavancéd’unpasverslui.Mamèreavoulu

m’enempêcher.Monpèrel’aattrapéeparlebrasetl’atiréederrièrelui,danslecouloir.—Sorsdemachambre,ai-jerépété.—Jesuisdésolé,Rune.Unelarmeadévalésajoue.Ilavaitleculotdepleurerdevantmoi!Iln’avaitpasledroit!—Jemefichedetesexcuses!C’esttoiquinousasséparés!Poppyesttombéemaladeetmaintenant

elle…elleva…Jen’avaispas laforcedefinirmaphrase.Jerefusaisdeprononcercemot.Jemesuis jetésurmon

pèreetj’aiécrasélesmainssursontorse,lepoussantcontrelemur.—Rune!ahurlémamère.Jel’aiattrapéparlecoletj’aicollémonvisageausien.—Toutesttafaute!Tunousasvolédeuxans!Poppysavaitquejesouffriraisd’êtreaussiloin,dene

paspouvoirl’aider.Tum’asempêchéd’êtreàsescôtésalorsqu’elleavaitbesoindemoi!Maintenant,ilesttroptard.Ellen’aplusquequelquesmoisàvivre!J’ailâchésoncoletj’aireculéd’unpas.—Jenetelepardonneraijamais.—Rune…—Sorsdemachambre.Sorsdemavie.Jeneveuxplusteparler.Plusjamais!Monpèreafermélaportederrièrelui.Unsilencedeplombs’estabattusurlamaison.Jemesuisassis

par terre,sur lematelasretourné. Immobile,hagard.Malampedechevetavaitsurvécuàmonéclatderage.Mon regard s’estposé surunephotoaccrochéeaumur.Mamèreavaitdû la sortir envidant lescartons.C’étaitunephotodePoppy,quelquesjoursavantmondépartpourOslo.Elledansaitdanslacerisaie,

entouréedesfleursqu’elleaimaittant.Elletournaitsurelle-même,lesbrasenl’airetlatêteenarrière,unsourireilluminantsonvisage.MaPoppy.Cellequisouriait,courait,dansaitetriaitsouslescerisiers.Cellequivoulaitquejetireuntraitsurnotrehistoire.Impossible.Jamaisjenel’abandonnerais.J’avaisbesoind’elle,etelleavaitbesoindemoi.Jenela

laisseraispastraversercetteépreuveseule.Jeme suis levéet j’aimarché jusqu’à la fenêtre. Je l’aiouverte, je suis sortide la chambreet j’ai

traversélapelousejusqu’àlasienne.Ellenel’avaitpasferméeàclé.J’aigrimpésurlerebordetj’aifermélafenêtrederrièremoi.J’aipoussélerideauavantdebalayerlachambreduregard.LeparfumdePoppyachassélepoidsquiécrasaitmapoitrine.Elleétaitallongéedanssonlit.Salampedechevetétaitallumée,maiselledormaitpaisiblement.Croyait-ellevraimentquej’étaiscapabledegardermesdistances?Mêmesiellenem’avaitpasavoué

lavérité,etmalgrélafrustrationetlacolère,jeseraisrevenuverselle.J’étaisattiréeversPoppycommeunaimant.

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J’aiadmiréseslèvresrosesetsesjouespâles.J’allaisperdrePoppy.L’amourdemavie.Denouvelleslarmesontdévalémesjoues.Sousmespieds,leplancheragrincé.Poppyaouvertlesyeux.Jemesuisapprochédulit,j’aiposélatêtesursesgenouxetj’aiéclatéensanglots.Elleaposéunemaindansmescheveux,etj’aipleuré,trempantsachemisedenuit.—Toutvabien,Rune.Toutvabien.Savoixétaitdouceetréconfortante,maisellen’apassuffiàapaisermadouleur.Jemesuisagrippéà

Poppy.J’avaispeurdelalâcher,peurqu’elledisparaisseàjamais.J’avaisbesoind’elle.—Non,Poppy.Toutvamal.Elleaposéundoigtsousmonmentonetelleaessuyémeslarmesdureversdelamain.Ellem’asouri,

leslarmesauxyeux.—Terevoilà,a-t-ellemurmuré.MonRune.Elleapoussé lescheveuxcollésàmonfrontetaexplorémonvisageduboutdesdoigts.Jevoulais

gravercetinstantdansmamémoire,commeunephotographie.—Jemedemandaisàquoi turessembleraisaprès toutescesannées,Rune.Quandje t’aivudansle

couloir, j’enai eu le souffle coupé.Tuétaisplusbeauquedansmes rêves lesplus fous.Tescheveuxblondssontpluslongsqu’avant,ettesyeuxbleusplusperçants.Tuesgrandetfort.MonViking.J’airavalélaboulequis’étaitlogéedansmagorgeetj’aicollémonfrontausien.—Poppymin…Cettefois,cesontleslarmesdePoppyquisesontécraséessursesgenoux.—Nepleurepas…—Jenesuispastriste,Rune.Cesontdeslarmesdebonheur.J’aiplongémesyeuxdanslessiens.—Jepensaisneplusjamaisentendrecemotdanstabouche.Jepensaisneplusjamaist’avoirprèsde

moi,neplusjamaisressentirçademavie.—Ressentirquoi?—Ça, a-t-elle répondu en posantmamain sur son cœur battant. Je ne pensais pasme sentir aussi

heureuse,Rune.Pasavantde…Ellen’apasterminésaphrase.Noussavionstouslesdeuxcequ’ellesous-entendait.Unelarmeacoulé

sursajoueetsonsourires’estenvolé.—PoppyetRune,enfinréunis.—Jesuisperdu,Poppy.J’aimeraist’aidermais…jenesaispascomment.Elleaposéunemainsurmajoue.—Iln’yaplusrienàfaire.Ilfautaffronterlatempête.Jen’aipaspeur,Rune.Elle le pensait vraiment.Ma Poppy était menue et fragile, mais elle était pleine de courage et de

lumière.J’étaisfierd’elle.Sonlitétaitbeaucoupplusgrandqueceluidanslequelelledormaitilyadeuxans.Assiseaumilieu,

on aurait dit unepetite fille.Poppy s’est décaléevers la gauche.Elle avait l’air à la fois heureuse etméfiante.Elleavaitraison.Jen’étaispluslemême.J’avaischangé.JenesavaispassijeredeviendraisunjoursonRune.

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Ellem’afaitsignedem’installeràsescôtés.Moncœurs’estemballé.Malgrétoutcequinousétaitarrivé,ellevoulaitquejeresteauprèsd’elle.Jemesuis levé.J’avais les jambesquiflageolaient.Leslarmesavaienttachémesjouesetrâpémagorge.J’aienlevémesbottesetj’aigrimpésurlelit.Commeàl’époque,nousnoussommesallongéssurlecôté,faceàface.Maisplusrienn’étaitcommeavant.Toutavaitchangé.Plusieurs minutes ont passé. J’avais une question à lui poser. Une question qui me rongeait de

l’intérieur.—Dis-moi,Rune.J’aifroncélessourcils.Poppyahaussélesépaules.—Jeneconnaispeut-êtrepaslegarçonquetuesdevenu,maisjeconnaiscetteexpression.Tuasune

questionàmeposer.Elleaapprochésesdoigtsdesmiens,poséssurledrap,danslenoman’slandquinousséparait.En

regardantnosdeuxmains,siprochesmaissidistantes,j’aieuenviedesortirmonappareilphotopourlapremièrefoisdepuisdesannées.J’auraisaimécapturercetinstant.—Jesaiscequitetracasse,Rune.Tuasbeauavoirchangé,legarçonquej’aimeesttoujourslà.Je

saisqu’ilexisteencore,etj’aimeraislerevoir.Jepensequec’estmonplusgrandsouhait.Lerevoirunedernièrefoisavantdepartir.J’aidétournéleregard,refusantdel’entendreparlerdesamort.Poppyaposéunemainsurlamienne.

Unsourires’estdessinésursabouche.Jemesuisdemandécombiendesouriresilluirestait,etoùelletrouvaitcetteforce.—Tonsilence,Poppy…Est-cequec’était justeàcausedetamaladie?Ouest-cequ’ilya…autre

chose?Des images de notre dernière nuit ensemble ont défilé devantmes yeux.Moi allongé sur elle.Nos

baisersenflammés.Nosvêtementssurlesol.Sonvisagependantetaprès,quandelles’estendormiedansmesbras.—Est-cequejesuisallétroploin,cesoir-là?Est-cequejet’aiforcée?Est-cequetul’asregretté?Poppyavaitleslarmesauxyeux.J’aieupeurqu’ellem’avouequeoui,quetoutcequej’avaiscraint

pendantcesdeuxannéesétaitvrai.Jeluiavaisfaitdumal.J’avaistrahisaconfiance.Poppys’estredresséeetelleaattrapéquelquechosesouslelit.Sonbocal.Sonbocalremplidecœurs

enpapier.Millebaisers.Elleasoulevélecouvercleetelleafouilléparmilescœurs.Laplupartd’entreeuxétaientvides,etle

bocal était couvert de poussière. J’ai ressenti un mélange de tristesse et d’espoir. L’espoir, parcequ’aucunautregarçonn’avaittouchéseslèvres.Latristesse,parcequesonaventureavaitétémiseentreparenthèses.Poppyn’avaitplusquequelquesmoisdevantellepour remplir sonbocal.Ellen’écriraitpassurun

cœurlejourdesonmariage,commeelleenrêvait.Ellenedeviendraitpasmaman,etelleneliraitjamaissescœursàsespetits-enfants.—Rune?

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J’ai essuyémes larmes, hésitant à croiser son regard. Jenevoulaispas la rendre triste.Poppym’atenduuncœur.Elleavaitécritdessusàl’encrerose,camouflantpresquelemessage.Je l’ai attrapé entremes doigts et je l’ai lu : «Baiser numéro trois cent cinquante-cinq.Avecmon

Rune,dansmachambre.Aprèsavoir fait l’amour.Moncœurapresqueéclaté.»J’ai retourné lecœurpourlirel’autrecôté:«Laplusbellenuitdemavie.»J’aifermélesyeuxetsoupirédesoulagement.Poppyavaitaimécettenuit.Jeneluiavaispasfaitde

mal.—Jepensaisquec’étaitmafaute,Poppy.Jepensaisqueturegrettais…—Pasdutout.D’unemaintremblante,elleaglisséunemèchedecheveuxderrièremonoreille.— Quand je suis tombée malade, quand j’ai subi tous ces traitements et quand ils ont arrêté de

fonctionner…j’aibeaucouprepenséàcettenuit.Tuasététellementdoux.C’étaitleplusbeaumomentdemavie,Rune.J’yrepensechaquefoisquej’aimalouquej’aipeur.J’aieutellementdechance.Enunenuit,j’aivécutoutl’amourdontmeparlaitmagrand-mère.Enunenuit,j’aisuquej’étaisaimée.—Personned’autrenet’aembrassée?—Non,Rune.J’aitenumapromesse.Meslèvressontàtoi.Ellesl’onttoujoursété.J’aieffleurésaboucheduboutdesdoigts.Seslèvresétaientencorelesmiennes.Pourtoujours.Poppy

arougietm’aregardéd’unairméfiant.—Combien,Rune?J’aifroncélessourcils.Jenevoyaispasdequoielleparlait.Àsontour,elleaposésesdoigtssurmes

lèvres.C’estalorsquej’aicompris.Elleregardaitmabouchecommesiellel’avaittrahie.—JesaisquetuasembrasséAvery.Est-cequ’ilyenaeud’autresàOslo?Combien,Rune?—Est-cequec’estvraimentimportant?Jemesuisagrippéaucœurenpapier,symboledenotrepromesse.Poppyahochélatête.—C’esttrèsimportant,Rune.Plusquetunel’imagines.—Jesuispartilongtemps,Poppy.—Jesais.—J’aidix-septans…—C’estbiencequejepensais.Tuasétéavecd’autresfilles.Poppys’estécartéedemoi.Elles’est levéeets’estdirigéevers laporte.J’ai repenséàcesannées

gaspillées, passées à noyermon chagrin dans l’alcool et les fêtes pendant quePoppy étaitmalade. Jesentaislacolèreressurgiraucreuxdemonventre.—C’estimportantparcequetuesàmoi,Rune.Malgrétoutcequis’estpasséentrenous,j’espérais

quetunebriseraispasnotrepromesse,qu’ellecomptaitautantpourtoiquepourmoi.—C’estlecas.Poppys’estarrêtée,lamainposéesurlapoignée.Jemesuislevéetjemesuisapprochéd’elle.—Jen’aipasoubliénotrepromesse,Poppy.Derrièrecettecolèreetcettefrustration,moncœurbat

pourtoi.Pourtoujours.Elleaplongésesyeuxvertsdanslesmiens.

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—Jenecomprendspas.—J’aitenumapromesse.—Maisjet’aivuembrasser…—Jen’aiembrasséquetoi.Iln’yaeupersonned’autre,etiln’yenaurajamais.—EtAvery?—Jesavaisquetuétaisàcettefête.Jesavaisquetuseraisjalousedemevoiravecelle.J’aivoulute

fairesouffrircommetum’asfaitsouffrir,moi.Jemesuisassisàcôtéd’Averyenespérantquetunoussurprennes.Jevoulaistefairecroirequejel’embrasserais.Poppys’estmiseàpleurer.—Commentas-tupumefaireunechosepareille?—J’aichangé,Poppy.J’étaistellementencolèrequ’onnoussépare…Audépart,quandons’appelait,

j’aiessayédetelecacher.Unocéannousséparait,maistaprésenceettavoixmeréconfortaient.Quandtut’esmiseàignorermesappels,j’aibaissélesbras.J’ailaissétoutecetterageetcettefrustrationmeconsumer.Voilààquoijeressemblequandtun’espasdansmavie.Cettecolèreestnéeparcequej’étaisloindetoi,Poppymin.Etmaintenant,tum’annoncesquetuvasvraimentpartir…—Rune…J’airavaléunsanglot.Poppys’estjetéecontremoi,entourantmatailledesesbras.Pourlapremière

foisdepuisdeuxans,j’aieul’impressionderespirer.—Jeneveuxpasteperdre,Poppymin.Jenetelaisseraipaspartir.Jetesuivrai,oùquetuailles.J’ai

déjàessayédevivresanstoi.C’estimpossible.Poppytremblaitdansmesbras.—Làoùjevais,jenepeuxpast’emmener.J’aireculéd’unpasetjemesuisassissurlelit.Poppyétaitforte.Elleaffrontaitsapropremortavec

dignité.Moi, jemaudissais lemonde, prêt à tout détruire surmon passage. J’ai baissé la tête et j’aipleuré.Poppyminallaitmourir.Elleallaitvraimentmourir.Ellem’arejointsurlelit.Jemesuisblottidanssesbrasetjemesuisagrippéàsataille,gravantces

sensationsdansmamémoire.Soncorpschaudetsoncœurbattant.—Qu’est-cequis’estpassé,Poppy?Commentl’as-tuappris?Elleapousséunsoupir.—Peuimporte.—Jeveuxtoutsavoir.—Jesais,Rune.Jeteraconteraitout,maispascesoir.Cesoir,iln’yaquetoiquicomptes.Riende

plus.Jemesuispenchéverselle.Jevoulaissentirseslèvrescontrelesmiennes.Auderniermoment,j’ai

déposéunbaisersursajoue.Unbaisertendreetdoux.Cen’étaitpassuffisant.J’enaidéposéunautresurson front.Nous avions tous les deux changé.Rune et Poppy n’étaient plus lesmêmes.Notre prochainbaiserauraitlieuàleurretour.

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Jel’aiembrasséesurleboutdunez,etelleaéclatéderire.Unesensationdelégèretéaprisplacedansmoncœur,éteignantmacolère.—Meslèvressontàtoi,Poppy.—Lesmiennesaussi,Rune.Ellem’aembrassésurlajoueetnousnoussommesblottisl’uncontrel’autre.J’étaisépuiséetmeurtri,

maislesommeils’estemparédemoi,commetoujoursquandPoppyétaitàmescôtés.Voilàletroisièmemomentquiamarquémavie.Lesoiroùj’aiapprisquej’allaisperdrelafilleque

j’aimais,quenosjourspassésensembleétaientcomptés.Jel’aiserréefortcontremoietnousnoussommesendormis,enlacés,commeunéchodecequenous

avionsété.

*

Àmonréveil,Poppyétaitplantéedevantlafenêtre.—Poppymin?Elleatournélatêteversmoi.Jemesuiséclaircilavoix,encoreenrouéeparleslarmes.Poppyportait

unegrosseparkapar-dessusunjoggingetunpull.Elleaposéunsacàdosàsespieds.Ilfaisaitencorenuit.—Qu’est-cequisepasse?Ellem’asouri,l’airmalicieux.Sabonnehumeurétaitcontagieuse.—Tuviens?—Oùça?—Voirleleverdusoleil.Tuasoubliéquej’aimaisça?Biensûrquenon.Jen’avaisrienoublié.Jemesuislevéenm’accordantunsourire.Jem’ensuisaussitôtvoulu.Poppyapousséunsoupir.Elle

s’estapprochéedemoietellem’aprisparlamain.—Tuasledroitdesourire,Rune.Tuasledroitd’êtreheureux.Jesaiscequeturessens.Mafamille

vit la même chose. Je déteste les voir souffrir. C’est pire que ma propre douleur. C’est pire qued’affronterlamort.Jeneveuxpasquemamaladiedétruiselajoieetlabonnehumeurdemesproches.Mesjourssontcomptés,etjeveuxqu’ilssoientuniques.Fantastiques.Elle m’a offert un grand sourire, de ceux qui ont le pouvoir de rendre heureux le plus triste des

hommes.Jeluiaisourienretour.J’ailaisséentrevoirlebonheurqu’elleprovoquaitenmoi.—Tuvois!m’a-t-elletaquiné.Tusaisencoresourire.Jepensaisquec’étaitunelégende,commele

monstreduLochNess.Maisilestbienlà.Jel’aivudemespropresyeux!J’ailevélesyeuxaucieletj’aiéclatéderire.Dehors,unoiseaus’estmisàchanter.Poppyatournéla

têteverslafenêtre.—Allons-y!Jeneveuxpasraterlesoleil.J’aienfilémesbottes,j’airamassésonsacetjel’aimissurl’épaule.Poppyaattrapéunecouverture

dansl’armoire.

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—Tonmanteaunetesuffitpas?ai-jeditenouvrantlafenêtre.—C’estpourtoi,Rune.Tuesentee-shirt.Tuvasmourirdefroid.—Jesuisnorvégien,ai-jeditensouriant.—Jesais,maismêmelesVikingsattrapentdesrhumes.Elleestsortieparlafenêtre,etjeluiaiemboîtélepas.Elleavaitraison.Leventétaitglacé.J’aiattiré

Poppycontremoietj’airelevélacapuchesursatête.J’aiattachélecordonpourlamaintenirenplace.Ellem’aregardédroitdanslesyeux.—Tuesencorelà,Rune.Jetevois,derrièretoutecettecolère.Je ne voulais pas en parler. J’ai reculé d’un pas et j’ai levé la tête vers le ciel, qui commençait à

s’éclaircir.—Onyva?Poppym’asuivienpoussantunsoupir.J’aienfoui lesmainsdansmespochesetnousavonsmarché

jusqu’àlacerisaie.Poppyétaitfascinéepartoutcequil’entourait.Sonregardseposaitsurlemoindreoiseau,arbreoubrind’herbe.Ellevoyait lemondecommepersonned’autre.Ellepercevait la lumièredans la pénombre, le bon dans le mal. C’est pour cette raison qu’elle m’acceptait à nouveau auprèsd’elle.Nousavonstraversélacerisaiejusqu’ànotrearbrepréféré.Poppyaouvertlesacàdosetenasorti

uneautrecouverture.Ellel’aétaléeparterreetm’afaitsignedelarejoindre.J’aiposéledoscontreletroncducerisieretPoppys’estassisecontremoi.Elleabaissésacapucheetafixé l’horizon.Lecielétaitnoir,avecdestouchesderougeetd’orange.J’aiglisséunemaindansmapocheetj’aiattrapémonpaquetdecigarettes.J’enaialluméuneetj’aicrachélafumée.Poppyatournélatêteversmoi.—Tufumes.—Ja.—Tuneveuxpasarrêter?J’aisecouélatête.Fumermecalmait.—Est-cequeturegardaislesoleilseleveràOslo?—Non.Devantnous,l’horizonseteintaitderose.Lesétoilesdisparaissaientpeuàpeu.J’aiaspiréuneautre

boufféeetj’aijetélatêteenarrièrepourcracherlafumée.—Pourquoi?—Jen’yaijamaispensé.—Tuauraisdû,asoupiréPoppy.Jen’aijamaisvoyagé,jen’aijamaisvulesoleilseleverailleurs

qu’auxÉtats-Unis.Toi,tuétaisenNorvège,ettunet’espaslevépourenvoirun.—Ilsseressemblenttous,ai-jeditenhaussantlesépaules.Poppym’aregardéd’unairtriste,commesielleavaitpitiédemoi.—C’estfaux,Rune.Chaquematinestdifférent.Lescouleurs,lestons,l’émotionqu’ilprovoque.S’ily

abienunechosequej’aiapprisependantcesdeuxdernièresannées,c’estquechaquejourestundon.Elleafermélesyeuxetlevélatêteversleciel.—C’est comme levent.Plus l’hiver approche,plus lesgens le fuient. Ilspréfèrent rester auchaud

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dansleursalon.Moi,j’aimesentirleventcontremonvisage,commelesoleilenété.J’aienviededansersouslapluie,dem’allongerdanslaneige,desentirlefroidjusquedansmesos.Elleaouvertlesyeux.Lesoleilcommençaitàapparaîtreàl’horizon.—Quandj’étaisàl’hôpital,j’aidemandéauxinfirmièresd’approchermonlitdelafenêtrepourvoir

lesoleilselever.Ilmeredonnaitespoir.Mescendressesontécraséesdansl’herbe.Poppyatournélatêteversmoi.—Quandjepensaisàtoi,quandtonabsencem’étaitplusinsoutenablequelachimio,jeregardaispar

lafenêtre.Jeregardaislesoleilseleverent’imaginantfairelamêmechoseenNorvège,etjemesentaisapaisée.Jen’aipassuquoirépondre.—Est-cequetuasétéheureuxpendantcesdeuxans,Rune?Aumoinsunefois?—Non.Jamais.Lacolères’estravivéedansmonventre.J’aiécrasémacigaretteparterre.Poppysesentaitcoupable.

Jelevoyaissursonvisage.— Je pensais que tu m’oublierais, Rune. J’ai arrêté de te répondre, parce que je ne pensais pas

survivreaussilongtemps.J’aidelachance.Jesuisencorelà.C’estunmiracle,commetonretour.Poppyparlaitdesamortdemanièredésinvolte.Moi, j’avaisdumalàgardermoncalme.Elles’est

colléeàmoietelleamissamainsurlamienne.Elleamontrél’horizondudoigt.Unnouveaujours’étaitlevé. J’aiposé la têtecontre l’écorce tandisque lacerisaie se teintaitde rose.Poppyadéplié l’autrecouvertureetl’aétaléesurnous.Nousavonsregardélesoleil,maindanslamain,jusqu’àcequ’ilgrimpedansleciel,jusqu’àcequelesnuagessedispersentetquelecielrosedeviennebleu.—Tum’asbrisélecœur,Poppy.Elle s’est mise à pleurer. J’avais besoin d’être honnête. De lui dire la vérité. Il fallait qu’elle

comprennepourquoi j’avaischangé.Pourquoi jemefichaisdescouchersdesoleil.Pourquoi j’étaisencolèretoutletemps.J’aiglisséunbrassursesépaules,etelles’estblottiecontremoi.—Jesuisdésolée,Rune.—Cen’estpastafaute.—Biensûrquesi.Jenevoulaispastefairedumal.Jevoulaisseulementteprotéger.J’ai plongémes yeux dans les siens et j’ai su qu’elle disait la vérité. Ellem’avait repoussé parce

qu’ellem’aimait.Pourmesauver.—Jesais,Poppy.—Çan’apasmarché.—Non.J’aidéposéunbaisersursonfrontetj’aiessuyéseslarmes.—J’aimeraisretrouverl’ancienRune.—Jepensequ’iln’existeplus,maislenouveaut’aimetoujoursautant,Poppymin.Mêmesituneveux

pasdelui.—Jesuisperdue.Jenetereconnaispas.Jenepensaispasterevoirunjour.Enmêmetemps,jesuis

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remplied’espoir.L’idéedepassermesderniersinstantsavectoi…c’estincroyable.—Jesuislà,Poppy.Etjeseraitoujourslà.Jesaisquej’aichangé,maisjesuisàtoi.Pourtoujours.LevisagedePoppys’estdétendu.Elleaposélatêtesurmonépaule.—Jesuisvraimentdésolée.—Moiaussi.Jenesaispascommenttufaispourêtreaussicourageuse,oùtutrouvescetteforce.—J’aimelavie,Rune.J’aitoujoursaimélavie.Jesuislafillequiselèvetôtpourvoirlesoleilse

lever,cellequivoit lebienchez lesautres,que lamusique faitvoyageretque l’art inspire.Cellequibrave l’orage pour voir l’arc-en-ciel. Pourquoi être triste quand on peut être heureux ? Pourmoi, laquestionneseposemêmepas.J’aidéposéunbaisersurledosdesamainetelleaembrassélamienne.Elleadessinédesformessur

mapeau.Lesignedel’infini.—Jesaiscequim’attend,Rune.Jenesuispasnaïve.Maisjepenseaussiquelavienes’arrêtepas

quandonmeurt. Jecroisauparadis.Quand je rendraimondernier souffle,quand je fermerai lesyeuxdanscettevie,jemeréveilleraidansuneautre,enbonnesanté.J’ycroisdetoutmoncœur.Cette simple imagemenouait leventre,mais j’étais fierdePoppy.Ellem’a souri.Ellen’avaitpas

peur.—Toutvabiensepasser,Rune.Jetelepromets.—Jenepeuxpasvivresanstoi.—Biensûrquesi.Moi,j’ycrois.Poppyabalayélacerisaieduregard.—Ilmetardequelescerisiersfleurissent.Quandilssontenfleur,onsecroiraitdansunrêve.Elleapasséunemainsurunebrancheetelles’estlevée,sescheveuxdansantdanslevent.Elles’est

miseàtournersurelle-mêmeenriant,unrireinnocentetjoyeux.Jen’aipasbougé.Impossible.J’étaisfasciné.Onsecroiraitdansunrêve.Elleavaitraison.Poppy,emmitoufléedanssonmanteau,dansantdansla

cerisaieauleverdusoleil…Commeunoiseau,Poppyétaitbellequandellevolaitenliberté.—Tulesens,Rune?—Quoi?—Lavie!Lavie,Rune!Elleaarrêtédetourner,lesjouesrougiesparlefroid.Ellen’avaitjamaisétéaussibelle.J’auraisaimé

laprendreenphoto,immortalisercemomentàjamais.—Lavieestbelle,Rune!J’aimeraisquetoutlemondes’enrendecompte.Pourquoifaut-ilfrôlerla

mort pour en prendre conscience ?Pourquoi attendons-nous demanquer de tempspour accomplir nosrêves?Pourquoineregarde-t-onpasceluiqu’onaimecommesic’étaitladernièrefoisqu’onlevoyait?Sic’étaitlecas,notrevieseraittellementplusbelle,tellementplusintense!Ellem’aoffertleplusbeausouriredumonde.J’aisuivisonconseil.J’airegardélafillequej’aimais

commesic’étaitladernièrefoisquejelavoyais,etjemesuissentivivant.J’étaislapersonnelapluschanceusedelaplanète,parcequePoppyfaisaitpartiedemavie,etmoidelasienne.Jemesuislevéetjemesuisplantédevantelle.Unebourrasquenousaenlacés.

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—Est-cequetulesens,Rune?—Oui,Poppymin.Je sentais le vent surmon visage et le soleil surmes joues. Et c’est à cemoment précis que j’ai

compris:jen’avaispasledroitdem’apitoyersurnotresort.Ilfallaitquejemeconcentresurleprésent.Quejel’aideàsesentirvivante.Quejeregagnesaconfianceetsoncœur.Poppyaglisséunemainsurmonbras.—Tuesglacé.Jem’enfichais.J’aiposéunemainsursanuqueetj’aiapprochémonvisagedusien.J’aicaressésa

joueavecmonnez.Cen’étaitpaslefroidquilafaisaitfrissonner,maislasensationdemapeaucontrelasienne. J’ai posémes lèvres dans son cou, laissantmon cœur battre en accord avec le sien. Poppy apousséunsoupirdeplaisir.—Allons-y,Poppy.Tuasbesoinderepos.J’airassemblénosaffaires,etnousavonsprislechemindelamaison.Lesimagesdesdouzedernières

heuresontdéfilédevantmesyeux.Toutescesémotions,nosretrouvailles,soncorpscontrelemien.Puisj’aipenséàsonbocal,remplidecœursvides.L’aventurequesagrand-mèreluiavaitofferte,interrompueparmondépart.J’aitournélatêteversPoppy.Elleobservaitunoiseauquichantait,perchésurunebranche.—Tuaimestoujourslesaventures,Poppy?—Bien sûr.Chaque jour est une aventure.Lesmois qui arrivent vont être difficiles. Je veuxvivre

chaqueinstantcommesic’étaitledernier.Ignorant ladouleurquecesmots avaient éveillée enmoi, j’ai commencéà élaborerunplan.Poppy

s’estarrêtéedevantlafenêtredesachambre.J’aiposélesacetlacouvertureparterre.— Je sais que j’ai changé,Poppy,mais laisse-moi une chance.Commençons une nouvelle aventure

ensemble.Unsourireailluminésonvisage.Ellem’atendulamain.Jel’aiattrapéeetellel’aserréedeuxfois,

commelejourdenotrerencontre.— Jem’appelle PoppyLitchfield et tu t’appellesRuneKristiansen.Maman dit qu’on doit toujours

serrerlamaindesinconnus.Maintenant,onestamis.Meilleursamis.J’aiéclatéderireen larevoyantàcinqans,sautantdesafenêtredanssarobebleue, recouvertede

boue,avecsonnœudblancdanslescheveux.—Sorsavecmoicesoir,Poppy.Jet’invite.—Tun’asjamaiseubesoindem’inviter.—Ilyaunepremièrefoisàtout.Jepassetechercherà18heures.Jeluiaitournéledosetj’aigrimpéàmafenêtre,neluilaissantpasletempsderefuser.J’avaisdécidédelarendreheureuse.J’étaisprêtàlareconquérir,moi,lenouveauRune.Jen’avaispaslechoix.C’étaitnotreaventure.Cellequilarendraitvivante.

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9

SOURIRESETRENDEZ-VOUS

Poppy

—Tusorsavecqui?m’ademandéSavannah.Messœursétaientallongéessurmon lit,admirantmonrefletdans lemiroir. J’aienfilémesboucles

d’oreillespréféréesetj’aiappliquéunedernièrecouchedemascara.—AvecRune.—AvecRune?RuneKristiansen?—Oui.C’estsiétonnantqueça?—LenouveauRunen’estpasdugenreàinviterunefilleensoirée!aditSavannah.Ilpassesontemps

àfumeretàboireauparc.Ilneparleàpersonneetilnesouritjamais.—Touteslesfillesl’adorent,aajoutéIda.Quandellesvontapprendrequ’ilt’ainvitée,ellesvontêtre

mortesdejalousie!Toutàcoup,sonsourires’estenvolé.—Est-cequ’ilestaucourant,Poppy?Messœursm’ontregardéed’unairtriste.Jenesupportaispasdelesvoirainsiparmafaute.—Oui,ilestaucourant.—Commentilaréagi?J’aisourimalgréladouleurquimeperçaitlecœur.—Mal.Savannahavaitleslarmesauxyeux.—Jesuisdésolée,Poppy.—Jen’auraisjamaisdûlecouperdemavieilyadeuxans.C’estàcausedemoiqu’ilestencolère.

Je luiai faitdumal.Hier,quandje luiaiannoncé lanouvelle, je luiaibrisé lecœur.Pourtant, ilm’ainvitéeàsortiravecluicesoir.MonRune,aprèstoutescesannées!Maintenant,c’estIdaquiavaitleslarmesauxyeux.—Tuenasparléàmamanetpapa?

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—Pasencore.Jeleuraifaitunclind’œil.Ellesontéclatéderire.—Tuesfolle!DepuisleretourdesKristiansen,papaparledeRunetouslesjours.Ilditquec’estun

mauvaisgarçon,qu’ilfumeetmanquederespectàsonpère.JesavaisquemesparentssefaisaientdusoucipourRune,maisjenepensaispasqu’ilslejugeaient

aussisévèrement.—Est-cequ’ilpassetechercher?m’ademandéSavannah.J’allais répondre quand la sonnette a retenti. Nous avons écarquillé les yeux. D’habitude, Rune

frappaitàmafenêtre,pasàlaporte.Savannahajetéunœilàmonréveil.—Ilest18heures,Poppy.J’ai inspecté mon reflet une dernière fois, j’ai attrapé ma veste et je suis sortie en trombe de la

chambre,suiviedeprèsparmessœurs.Depuislecouloir,j’aivumonpèreouvrirlaporteetseretrouvernezànezavecRune.Jemesuisarrêtéenet.Idaaprismamaindanslasienne.—Bonsoir,monsieurLitchfield.—Rune?Qu’est-cequetufaislà?Monpèreétaitpoli,commeàsonhabitude,maisjelesentaisméfiant.—J’airendez-vousavecPoppy.Monpères’estagrippéà lapoignée. Idaavait lesyeuxquipétillaient, intriguéepar la scènequi se

déroulaitdevantnous.Jeluiaisouri.Cesmomentsdecomplicitémetouchaientplusquetout.J’ai laissémes sœurs dans le couloir pour rejoindremon père à l’entrée. Il a balayéma tenue du

regard:marobejaune,lenœuddansmescheveuxetmonmaquillage.Ilestdevenutoutblanc.—Poppy?—Salut,papa.—Tuasrendez-vousaveclui?—Oui.J’ai entendumes sœurs chuchoterdans le couloir.Mamèreobservait la scènedepuis le salon. J’ai

profitédel’étatdechocdemonpèrepourmetournerversRune.Ilportaitsatenuehabituelle:tee-shirtnoir,jeannoir,bottesnoiresetvesteencuir.J’airougisousl’intensitédesonregard.L’atmosphèreétaittendue,électrique.Monpères’estéclaircilavoix.J’aiposéunemainsursonbras.—Jereviensplustard.Toutvabien,papa.Netefaispasdesoucipourmoi.J’ai rejoint Rune sur le pas de la porte, et nous avons remonté l’allée côte à côte. Ilme fixait, la

mâchoireserrée.J’aijetéunœilpar-dessusmonépaule.Monpèreavaitl’airinquiet.Runeaattrapédesclésdanssapoche.—Mamèremeprêtesavoiture.Jel’aisuivijusqu’àlaRangeRover.Ilaouvertlaportecôtépassager.Jeluiaisourienm’asseyant.Il

afermélaportièrederrièremoietaprisplacederrièrelevolant.Leregardnoir,ilatournélatêteversmonpère.—Ilveutjustemeprotéger,ai-jemurmuré.

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Runeamislecontactetatournédansnotrerue,lesmainscrispéessurlevolant.Jesentaissacolère,etellemerendaittriste.Jen’auraispaspuvivreainsi,avecautantderageenmoi.—Çava,Rune?Ilahochélatêteeteffleurésescheveux.Jen’aipaspum’empêcherdesourire.—Qu’est-cequ’ilya?J’aiposéunemainsurlecuirusédesamanche.—Jecomprendspourquoi lesfillessontfollesde toi. Idam’aditqu’ellesseraient jalousessielles

savaientquejepasselasoiréeavectoi.Rune a levé les sourcils. Ma remarque l’amusait. Je le voyais dans ses yeux. Ses mains se sont

détenduessurlevolant.—Depuisquejesuismalade,monpèreesttrèsprotecteur.Ilnet’enveutpas,Rune.Ilvoitjustequetu

aschangé.Ilnesavaitmêmepasqu’ons’étaitparlédepuistonretour.Runen’ariendit.J’airegardélepaysagedéfilerderrièrelavitre.Jenesavaispasoùilm’emmenait,

maisj’étaisexcitéecommeunepuce.Pourbriserlesilence,j’aiallumélaradio.J’aichoisimastationpréférée.—Oh!J’adorecettechanson.J’ai fermé les yeux et je me suis mise à fredonner, laissant les notes du piano et des violons

m’emporter.Voilàpourquoij’aimaislamusique.Elleracontaitunehistoireetexprimaittouteunepaletted’émotions.—Elleparled’unefillequiestamoureused’ungarçon.Ilss’aimentencachetteetelleaimeraitquele

mondeentiersoitaucourant.—Continueàchanter,Poppy.Surpriseparsademande,jemesuisexécutée.Cettehistoireressemblaitàlanôtre.Runeetmoi.Notre

histoired’amouretnotreséparation.Lemorceaus’estterminéetalaisséplaceàunautre,quejeneconnaissaispas.—J’adorelamusique,ai-jemurmuré.—Jesais,Poppy.Savoixétaitteintéedetendresse.J’aiplongémonregarddanslesienetRuneapousséunsoupir.Ila

tournéàgauche,empruntantunejolieroutedecampagne.J’aiétudiésonprofil.Jemedemandaisàquoiilressembleraitdansdixans.Laisserait-ilpoussersescheveux?Queferait-ildesavie?J’espéraisqu’ildeviendraitphotographe. Ilaimait laphotographiecomme j’aimais levioloncelle.Pourtant,depuissonretour,jenel’avaispasvuavecsonappareil.Celamerendaittriste.Puis despensées interditesm’ont traversé l’esprit. Je nous ai imaginésnous, dans dix ans.Mariés,

vivantdansunpetit appartement àNewYork.Moi en traindepréparerun repas et dedanserdans lacuisine.Runeàmescôtés,capturantnotrequotidienavecsonappareilphoto.Desmomentsparfaits,fixéspourl’éternité.Maiscen’étaitqu’unrêve.J’aiverséunelarme.J’aienfouimadouleurauplusprofonddemoietje

mesuisconcentréesurl’avenirdeRuneentantquephotographe.Jemesuispromisdel’observerdelà-haut,etdeveillersurlui.—Tum’asmanqué,Rune.

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Sentant la tristesse dansmavoix,Rune amis le clignotant et s’est garé sur le bas-côté. Jeme suisredresséedansmonsiège.Iladécollélesmainsduvolantetlesaposéessursonjean.—Toiaussi,Poppymin.Moncœurs’estemballé.Nesachantquoidire,j’aiposéunemainentrenous.Runel’arecouverteeta

entrelacénosdoigts.Cesimplecontactm’adonnédesfrissons.Cettesoiréereprésentaitunnouveaudébut.LesretrouvaillesdePoppyetRune.Nousétionstoujours

là,cachésderrièrecettesouffrance,cettetristesseetcettecolère.Amoureux.Ensemble.Jemefichaisdecequepensaientlesautres.Mesjoursétaientcomptés,maisilsn’étaientpasaussiprécieuxqueRune.Ilareprislarouteetj’aienfincomprisoùilm’emmenait:lacrique.Ils’estgarédevantchezTony,levieuxrestaurantquejeconnaissaissibien.Laterrasseétaitdécorée

de guirlandes bleues, et chaque table chauffée par un radiateur. C’était ici que ma grand-mère nousemmenait quand nous étions petits.Tous les dimanches soir.Elle adorait leurs langoustines.Elle étaitprêteàparcourirdeskilomètrespourenmanger.Runeétaitagrippéàmamain.J’aiessayédelaretirer,maisilm’enaempêchée.Jel’airegardéd’un

airamusé.—Tuneveuxpassortir?Ilm’alâchéecontresongré.J’aiattrapémonmanteauetj’aiouvertlaportière.Ilm’arejointedehors

etm’aarraché lemanteaudesmains. Jenevoulaispas leporter,mais ilm’ya forcée. J’aipousséunsoupirenglissant lesbrasdans lesmanches.Runearemonté la fermetureÉclairetposé lesmainssurmoncol.—Tuessublime,Poppy.—Merci.Ilaapprochéseslèvresdemonoreille.Moncœurabondidansmapoitrine.—N’attrapepasfroid,Poppymin.Jeneveuxpasquetutombesencoreplusmalade.—D’accord,Rune.Pourtoi.Ilm’aprisepar lamain.Laserveusenousaguidés jusqu’à la terrassequidonnait sur lacrique. Je

n’étaispasvenuedepuisdesannées,maisrienn’avaitchangé.L’eauétaitcalmeetplate,unpetitboutdeparadiscachésouslesarbres.Laserveuses’estarrêtéedevantunetableaufonddelaterrasse.J’aisouri,prêtem’asseoir.—Non,aditRune.Ilamontrédudoigtlatablelaplusprochedel’eau.—Celle-ci.—Commevousvoudrez,a-t-ellerépondu.Entraversant la terrassebondée,plusieursfillesdenotreâgeont tournélatêteversRune.J’aisuivi

leurregardetj’aiétudiésonvisage,commeuneinconnuequileverraitpourlapremièrefois.L’exercices’estavérédifficile,maisjesavaiscequ’ellesvoyaient:unbeaujeunehomme,mystérieuxettroublant.Laserveuseaposédeuxmenussurlatable.—Celle-civousconvient?Runeahochélatête.Laserveusenousalaissésseuls.Ils’estassisetatirémachaiseàcôtédelui.

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Désormais, nos deux chaises étaient tournées vers l’eau.Rune a augmenté la chaleur du radiateur au-dessusdenous.Ilaprismamaindanslasienneetill’aembrassée,lesyeuxfixéssurl’eau.Lavueétaitsuperbe.J’admiraislesarbres,l’eau,lescanardsetlesgrues,maisc’étaitRunequimefascinait.Ilavaitchangédepuislaveille.Ilétaittoujoursaussifroid,cependantsonregardsurmoiavaitchangé.Commes’il voulait me protéger. J’adorais cette sensation. L’ancien Rune me manquait, mais le nouveau mecaptivait.Àcemomentprécis,danscetendroitquenousaimionstant,j’étaisravied’êtreencompagniedeceRune.Plusqueravie.Jemesentaisvivante.Unserveurestarrivé,unhommed’unevingtained’années.Runeaserrémamain.Jalousie?—Bonsoir.Vousvoulezboirequelquechose?—Unthésucré,s’ilvousplaît.—Unerootbeer,aréponduRune.Leserveuraprislacommandeetadisparudanslerestaurant.Runeavaitl’airfurieux.—Ilt’adévoréeduregard.J’aiéclatéderire.—N’importequoi!—Tuneterendspascompte,Poppy.—Dequoi?—Àquelpointtuesbelle.J’aicaressélescicatricessursonpoing.Jemedemandaiscequilesavaitcausées.—Toujoursaccroauthésucré,àcequejevois.—Ettoiàlarootbeer.Runeahaussélesépaules.—C’est introuvable en Norvège. Depuis notre retour, j’en bois tout le temps. Il y a beaucoup de

chosesquim’ontmanquépendantmonabsence.—Rune…J’aieuenviedem’excuserunenouvellefois,maisleserveurm’ainterrompueenposantnosboissons

surlatable.—Vousêtesprêtsàcommander?—Deuxplatsdelangoustines,aréponduRune.—Trèsbien.Leserveurestreparti.Runem’aregardée,lefantômed’unsouriredessinésurseslèvres.Ilapoussé

lescheveuxderrièremonoreille.—Tulesportestoujours.—Biensûr.Lesbouclesd’oreilles.Cellesqu’ilm’avaitoffertes.Lesymboledel’infini.—Tut’escoupélescheveux.—Non,Rune.Jelesaiperdus.Ilsontrepoussé.Sonvisages’estfermé.Jenevoulaispasgâcherlamagiedecettesoiréeenparlantdemamaladieet

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delachimio.—J’aimebiencettelongueur.C’estplussimpleàentretenir.Etpuis,seulslesVikingsdevraientavoir

lescheveuxlongs.Etlesmotards.Dommagequetun’aiespasdemoto.Jeluiaisouri,maisRuneagardésonairsérieux.—Jepeuxm’enacheterune,sic’estcequ’ilfautpourtereconquérir.J’aiposéunemainsursajoue.—Tun’aspasbesoindemereconquérir,Rune.—Ahbon?—Tunem’asjamaisperdue.Jenesavaispascommentilréagirait.Jenem’attendaisniàdelatendresse,niàdeladouceur,niàce

quemoncœurfondedebonheur.Pourtant,Runem’aembrasséesurlajoueetafrôlémeslèvresaveclessiennes.—TuesunViking,Rune.Tun’aspasbesoindemoto.Cettefois,ilasouri.J’étaisfièredemoi.Leserveurestrevenuavecnotrecommandeetaposélesdeuxplatsdelangoustinessur lanappeen

papier.Runealâchémamain,etnousavonsdévorénotrerepas.J’aifermélesyeuxpourmieuxapprécierladouceurdeleurchairsurmalangueetl’aciditéducitronquimebrûlaitlagorge.Runes’estmoquédemoi.Jeluiaijetéunmorceaudelangoustine,quiaatterrisursesgenoux.Jeme

suisessuyélesmainssurlaservietteetj’ailevélesyeuxversleciel.Lesétoilesscintillaient.Pasunseulnuageenvue.—Cetendroitestmagique.Runeabalayélacriqueduregard.—Quandj’étaisàOslo,jepensaissouventàcerestaurant.Jemedemandaissituyretourneraissans

moi.—C’estlapremièrefoisdepuistondépart.Mesparentsn’aimentpasleslangoustines.Pasautantque

magrand-mère.Tutesouviensqu’elleemportaitsaflasquedewhiskyavecellepourenverserdanssonthé?J’aisourienl’imaginantassiseànotretable.—Elletemanque?ademandéRune.—Jepenseàelle tous les jours. J’imagine lesaventuresqu’onauraitpuvivreensemble.Onaurait

voyagéenItaliepourvisiterAssise,etenEspagnepourfairedurodéo.J’aiéclatéderireenrepensantàtousnosprojets.—Labonnenouvelle,c’estquejevaisbientôtlarevoir.Quandjerentreraiàlamaison.Commemagrand-mère, jesavaisquenotremortn’étaitqueledébutd’uneautreaventure.Monâme

retourneraitchezelle,àsaplace.Attristé par mes propos, Rune s’est levé brusquement. Il a traversé la terrasse, s’est allumé une

cigarette et a disparu dans le noir, au bout du ponton. Seul le nuage de fumée blanche trahissait saprésence.—C’estterminé?m’ademandéleserveur.

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—Oui,merci.Est-cequ’onpourraitavoirl’addition?—Biensûr,mademoiselle.Jemesuislevéeetj’airejointRune.Ilavaitledosappuyécontrelarambarde,leregarddanslevide.—Jesuisdésolée,Rune,maisjenepeuxpasfairesemblant.Jenepeuxpasvivredansunrêve.Jesais

cequim’attend.Ilabaissélatête.—C’estinjuste,Poppy.Sadouleurmebrisait lecœur.J’aiposélesmainssur larambardeet j’aiaspiréunegrandebouffée

d’airfrais.—Tusaiscequiauraitétéinjuste,Rune?Denepaspouvoirvivrecesprochainsmoisensemble.Ona

delachance.Tuesrentréseulementquelquessemainesaprèsqu’onm’arenvoyéechezmoi.Onesticipouruneraison.J’ensuiscertaine.J’airegardélesétoiles,commesiledestinnoussouriaitdelà-haut.JemesuisapprochéedeRuneet

j’aiglisséseslongscheveuxderrièresesoreilles.Unelarmeacoulésursajoue.Jel’aiembrassée.Ilablottilatêtecontremoncou.—Jet’aiinvitéeicipourterappelerdebonssouvenirs,Poppy.Quandonétaitheureux,amoureuxet

inséparables…J’aisentiqu’ilavaitquelquechosesurlecœur.—Dis-moi,Rune.—J’aipeurquecesoitladernièrefois.J’aiattrapésacigaretteetjel’aijetéeàl’eau.Jemesuismisesurlapointedespiedsetj’aiposéles

mainssursesjoues.—Dans ce cas, on se souviendra de cette soirée pour toujours.On aura profité de chaque instant,

Rune.J’aiconnuungarçonquivivaitchaquejourcommesic’était ledernier,quipensaitqu’uneseulesecondepouvaitchangerlemondeoulaviedequelqu’un.Cettesoiréeétaitparfaite,Rune.Reveniriciavectoi,repenseràmagrand-mèreetmerappelerpourquoijel’aimaistant…Jemesouviendraitoujoursdecetinstant,celuiquetum’asoffert.Jel’emporteraiavecmoi,oùquej’aille.Runeafermélesyeux.Jel’aiprisdansmesbras.—Mercipourcecadeau.Onnepeutpaschangernotredestin,maisonpeutencorevivre.Vivreaussi

fortquepossible,etcélébrerlesjoursquimerestent.RedevenirPoppyetRune,commeavant.—Notredernièreaventure.Unevaguedebonheurs’estemparéedemoi.Runeaenroulésesbrasautourdemataille.—C’est la dernière dans cette vie,Rune.Pas dans la prochaine. Je sais qu’on sera réunis un jour.

Quandcelle-ciseterminera,uneautrenousattendradel’autrecôté.Leparadisn’existeraitpassitunemerejoignaispasunjour.Runes’estcrispédansmesbras.Jel’aiserréfortcontremoi,jusqu’àcequ’ilsecalme.—Alors,RuneKristiansen,monVikingvenudeNorvège…prêtpourunedernièreaventure?Rune a éclaté de riremalgré lui. Je lui ai tendu lamain et ilme l’a serrée deux fois, en guise de

promesse.Leserveurnousaappelésdepuislaterrasse,notreadditionàlamain.

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—Çavaaller?ai-jedemandéàRune.Ilahochélatêteetfroncélessourcils.Jel’aiimitépourletaquiner,etilasouri.Ilm’apriseparla

mainetm’aguidéejusqu’aurestaurant.Aprèsavoirpayénotrerepas,noussommesretournésàlavoiture.—Ilyaunendroitoùj’aimeraist’emmeneravantderentrer.—Unautrebeausouvenir?Runeafaitdémarrerlavoiture.—Jel’espère,Poppymin.Jel’espèrevraiment.

*

Runen’apasditunmotdetoutletrajet.Ilavaittoujoursétésilencieux,mêmeavantsondépart.Celacollaitàsonimaged’artistetourmenté.Ilaallumélaradioetm’alaisséechoisirlastation.J’aifredonnéunechansonetilm’aregardéeavectendresse.Enapprochantdelaville,jemesuismiseàbâiller.J’étaisépuisée,maiscurieusededécouvriroùilm’emmenait.Lorsqu’ils’estgarédevantlethéâtredelaville,moncœurs’estemballé.C’était l’endroitoùjerêvaisdejouer,l’orchestremunicipaldontjerêvaisdefairepartie.—Qu’est-cequ’onfaitici?Runeacoupélemoteur.—Viensavecmoi.Confuse, j’ai ouvertmaportière et je lui ai emboîté le pas.Nous avonsmarchémain dans lamain

jusqu’à l’entrée. Il était tard, mais Rune n’a pas hésité à passer la porte. Depuis le hall, j’ai crureconnaîtreunairdePuccini.J’aiserrélamaindeRune.Ilm’asourietnousavonsgravilesmarchesdubelescalier.—Oùest-cequetum’emmènes?Il a posé un doigt surmes lèvres, puis il a poussé une porte qui donnait sur le premier balcon du

théâtre.La musique s’est écrasée sur nous comme une vague sur des rochers. J’ai suivi Rune jusqu’à une

rangéedesièges.Lasalleétaitvide.Lesmusiciensrépétaientsurscène,dirigésparlechefd’orchestre.Jelesaireconnusaussitôt:l’orchestredechambredeSavannah.—Rune…Commentas-tufait?Ilahaussélesépaules.— Je voulais t’inviter à leur concert, mais il était trop tard. Ils repartent en tournée demain. J’ai

contactélechefd’orchestre,etilm’aditqu’onpouvaitassisteràleurdernièrerépétition.Incroyable.Jenesavaispascommentleremercier.J’aiposélatêtesursonépauleetjemesuisblottie

contre lui, profitant du spectacle qui nous était réservé. J’étais captivée par les gestes du chefd’orchestre.JesentaisqueRunem’observait,maisjen’arrivaispasàdécollerlesyeuxdesmusiciens.Jemesuis imaginéesurscèneaveceux,à jouerdevantmafamille,mesamisetRune,sonappareilphotoautourducou.L’orchestres’esttu.Lepremiervioloncelleatiréunechaiseaucentredelascène.C’étaitunefemme

d’unetrentained’années.Elleaposésonarchetsurlescordes,lechefd’orchestrealevésabaguetteetla

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premièrenotem’acoupélesouffle.C’étaitlaplusbellemélodiedumonde.LeCygneduCarnavaldesanimaux.Lavioloncellisteétaittranscendéeparlamusique,sonexpressiontrahissantsesémotions.J’auraisaiméêtreàsaplace.J’auraisaiméjouercemorceauavecautantd’aisance.J’aifermélesyeux

etj’ailaissélamusiquemeposséder.Deslarmesontdévalémonvisage.Runeaserrémamaindanslasienne. Il était inquiet, mais j’allais bien. Plus que bien. Je planais, emportée par cette merveilleusemélodie.Voilàpourquoij’aimaislamusique,pourquoic’étaitdevenumapassion.Ilsuffisaitd’unsimpleinstrumentpourinsufflerdelaviedansnosâmes.Jesuisrestéeimmobilejusqu’àlafindumorceau.Lavioloncellisteasoulevésonarchetetaouvertles

yeux. Commemoi, la musique l’avait transportée ailleurs. Le chef d’orchestre a hoché la tête et lesmusiciensontregagnélescoulisses.Runes’estassissurlereborddusiège.—Jesuisdésolé,Poppymin.Jepensaisqueçaterendraitheureuse.—C’estlecas.Cesontdeslarmesdebonheur,Rune.Ilapousséunsoupirdesoulagementenessuyantmesjouestrempées.—C’estmonmorceaupréféré.LeCygne,duCarnavaldesanimaux.Lavioloncelliste l’a jouéà la

perfection.C’estceluiquej’avaisprévudeprésenteràmonauditiondeJuilliard.Celuiquejemevoyaisun jour jouer au Carnegie Hall. Je le connais par cœur. Chaque note, chaque changement de tempo,chaquecrescendo…C’étaitincroyabledel’entendrecesoir,assiseàcôtédetoi.Runeapasséunbrassurmesépaulesetm’aattiréecontrelui.Iladéposéunbaisersurmonfront.—Promets-moiquelquechose,Rune.Promets-moique,quandtuvivrasàNewYork,tuassisterasàun

concertdel’OrchestrephilarmoniquedeNewYork.Promets-moiquetuécouterascemorceau,etquetupenserasàmoi.Commesij’étaissurscène,entrainderéalisermonrêve.J’aipousséunsoupirdebonheur,apaiséeparcetteimage.—Jen’aipasbesoindeleréaliserpourêtreheureuse,Rune.Jelevivraiàtraverstonimagination.—Poppy…—Promets-le-moi,Rune.—ÀquoibonalleràNewYorksanstoi?—Pourvivretapassionetréalisertonrêve.Ilaserrélamâchoire.Sonvisages’estfermé.—Pourquoias-tuarrêtélaphoto,Rune?—Sanstoi,jenevoyaispluslemondedelamêmefaçon.Toutachangé,Poppy.Plusrienn’avaitde

sens.J’étaisencolère.Mapassionestmortelejourdemondépart.Ses parolesm’ont rendue profondément triste. Rune fixait la scène, bâtissant un nouveaumur entre

nous. J’ai repensé à la soirée que nous venions de passer, et à la musique qui caressait encoremesoreilles.—Merci,Rune.Toiseulsaisàquelpointlamusiquecomptepourmoi.Lesprojecteurssesontéteints,plongeantlasalledanslenoir.Runeadéposéunbaisersurmajoue.—Tuétaisàmonrécitall’autrejour.—Biensûr,Poppymin.Jen’allaispasraterça.Ils’estlevéetm’atendulamain.Iln’apasprononcéunmotdeplus.Niendescendantl’escalier,nien

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sortantduthéâtre,nienmontantdanslavoiture,nipendantletrajet.Runes’estgarédevantchezluietm’aouvert laportière.Ilm’araccompagnéechezmoi,nonpasjusqu’àlaporte,maisjusqu’àmafenêtre.Ilavaitl’airfrustré.Confus.J’avaisbesoindesavoiràquoiilpensait.J’aiposéunemainsursajoue.Sansprévenir,ilm’aplaquée

contre le mur, pressant son corps contre le mien. Mon cœur s’est mis à battre à tout rompre. Cetteproximitéetl’intensitédesonregardm’ontcoupélesouffle.—Jevoulaisêtrepatient,Poppy.Jevoulaisenêtrecapable,maisc’estplusfortquemoi.Ilaattrapémamainetl’aposéesursoncœur.—TuconnaislevraiRune,etjeteconnaismieuxquequiconque.Jeneveuxpasgaspillerletempsqui

nousreste.Tuesàmoi,Poppy,etjesuisàtoi.Jemefichedureste.—Rune…J’avaisenviedecrierquej’étaisàlui,etqueriend’autrenecomptait,maisj’enavaisperdumavoix.

J’étaissubmergéeparlesémotions.—Dis-le-moi,Poppy.Dis-moioui.Ilaeffleurémeslèvresaveclessiennes,prêtàmepossédertoutentière.Jel’airegardédroitdansles

yeux.—Oui,ai-jemurmuré.Il a écrasé sabouchecontre lamienne.Sachaleuret songoûtdementheont assaillimes sens.Son

torsebombém’apresséecontre lemur.Àtraverssonbaiser,Runenemedonnaitd’autrechoixquedem’offriràlui,aprèstoutescesannéesd’absence.Ilaglisséunemaindansmescheveux.J’aigémidebonheurquandsalangueatouchélamienne,tiède

etdésespérée.J’aipasséunemainsursondos.Runeagrognédeplaisiretm’aembrasséeavecpassion,balayantmesderniersdoutesd’unreversdelamain.Ilm’aembrasséejusqu’àcequechaquecentimètredemoncorpsluiappartienne.Jusqu’àcequenoscœursbattentànouveauenharmonie.J’aicommencéàfaiblirdanssesbras.Ilaécartésabouchedelamienneetilm’aembrasséesurles

joues,lamâchoireetdanslecou.—Baisernumérotroiscentcinquante-sept.AvecmonRune,contrelemurdemamaison.Quandilm’a

retrouvée.Moncœurapresqueéclaté.Pourlapremièrefoisdepuissonretour,Runem’aoffertunvraisourire.Undeceuxquiilluminaient

sonvisage.—Poppymin.—MonRune.Ilafermélesyeuxetpousséunsoupirdejoie.—Ilestl’heurederentrer,ai-jemurmuré.—Ja.Ilm’aembrasséeunedernièrefoisavantdemerelâcher.Ilareculéets’estdirigéverschezlui.—Situcontinuesàm’embrassercommeça,monbocalvaseremplirtrèsvite.Runeajetéunregardpar-dessussonépaule.—C’estlebut,Poppy.Millebaisersdemoi.

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Jel’aisuividuregardjusqu’àcequ’ildisparaisse.Jemesentaislégèreetheureuse.J’aifoncédansmachambre,j’aiattrapélebocalsouslelitetj’aiouvertlecouverclepoussiéreux.J’aiattrapéuncœuretuncrayonetj’ainotélebaiserdecesoir.Uneheureplustard,mafenêtres’estouverte.Runeapoussélesrideaux.Ilaenlevésontee-shirtetl’a

jeté par terre. J’ai écarquillé les yeux à la vue de son torse nu. J’ai soulevé la couverture, et il s’estallongécontremoi,enroulantlesbrasautourdemataille.Jemesuisblottiecontresoncorpsetj’aifermélesyeux.Runeadéposéunbaisersousmonoreille.—Dors,Poppy.Jesuislà.Ilétaitlà,pourmoi.Etmoi,pourlui.

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10

MAINSTENDUESETRÊVESÉVEILLÉS

Rune

Quandj’aiouvertlesyeux,Poppyétaitdéjàréveillée.Ellem’asouriets’estblottiedansmesbras.—Bonjour,Rune.J’aipassélamaindanssescheveux.Elleajetéunœilparlafenêtre.—Onaratéleleverdusoleil.—Désolé,Poppy.—Cen’estrien.Aucunleverdesoleilnevautunréveilàtescôtés.Jel’airetournéeetjemesuisallongésurelle.Elleaéclatéderire.J’aiécrasémabouchesurlasienne

etelles’estagrippéeàmescheveux.Notrebaiseraétéinterrompuquandquelqu’unafrappéàlaporte.—Poppy?aditsonpère.C’estl’heuredeselever.Jesentaissoncœurbattrecontremoi.Elleaéloignéseslèvresdesmiennes.—Jesuisréveillée,papa.Noussommesrestésimmobilesjusqu’àcequ’ils’éloignedelaporte.J’airoulédemoncôtédulitet

j’airamassémontee-shirtparterre.—Onadormitroptard,Rune.—Onferaattentionlaprochainefois.Même si nous ne faisions rien demal, il fallait être prudents. Je ne voulais pas prendre de risque.

J’avaisenviedepassertoutesmesnuitsavecelle.Poppyaposélementonsurmonépaule.—C’étaitmarrant.Pendantuninstant,jemesuissentievivante.—Tuesfolle,ai-jeditensouriant.Jemesuislevéetj’aienfilémesbottes.Poppys’estassiseauborddulit.Jenevoulaispasavoirune

mauvaiseinfluencesurelle.—Finalement,j’aimebientoncôtémauvaisgarçon.Jesensquecesprochainsmoisvontêtrepleinsde

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surprises.Jemesuisdirigéverslafenêtre,etPoppyasortideuxcœursdubocal.Elleanoténosdeuxbaiserset

ellearefermélecouvercle.Desbruitsdepasontremontélecouloir.Poppyaécarquillélesyeuxetm’afaitsignedepartir.J’aisautédelafenêtreetj’aicourujusqu’àlamienne,accompagnédesonrire.Jesuisentrédansma

chambreetj’aifoncésousladouche.J’aiposélesmainssurlecarrelagedevantmoietj’ailaissél’eauchaude s’écraser surmondos.D’habitude, jeme réveillais triste et amer, rongépar la colère.Pas cejour-là.GrâceàPoppy.J’aiéteintladouche,jemesuisséché,j’aienfilémonjeanetjesuissortidelasalledebains.Mon

pèreétaitplantédanslecouloir,devantlaportedemachambre.—Bonjour,Rune.J’aimarchéjusqu’àmonarmoire.J’aienfiléuntee-shirtblancetmesbottes.Monpèren’avaittoujours

pasbougé.—Qu’est-cequ’ilya?Ilaavancéd’unpas,satassedecaféàlamain.—Comments’estpasséetasoiréeavecPoppy?Jen’aipasrépondu.Jeneluienavaismêmepasparlé.Ilneméritaitpasdesavoir.Mamèreavaitdû

leteniraucourant.Ils’estéclaircilavoix.—LepèredePoppynousarenduvisitehiersoir.Unevaguedecolèrefamilières’estemparéedemoi.J’airepenséàlaréactiondeM.Litchfieldquand

ilm’aouvertlaporte.Sonregardquandj’aiaccompagnéPoppyjusqu’àlavoiture.Ilétaitfurieux.IlnevoulaitpasquePoppyvienneavecmoi,maisiln’avaitpasoséluidirenon.—Ilsefaitdusouci,Rune.Ilapeurquevosretrouvaillesnesoientpasunebonnechose.J’aiserrélespoings.—Pourelleoului?—PourPoppy,Rune.Tusaisqu’ellen’apaslongtemps…—Jesais.Difficiled’oublierquelafillequej’aimeestentraindemourir.—JamesveutjustequelesderniersjoursdePoppysoientcalmes.Sansstress,sansproblèmes…—C’estmoi,leproblème?C’estça?Ilapousséunsoupir.—Ilveutquetulalaissestranquille.Quetupassesàautrechose…—Jamaisdelavie.J’airamassémonsacparterre,j’aienfilémavesteencuiretjemesuisdirigéverslaporte.—PenseàPoppy,Rune.—Jene faisqueça ! Jepenseàelle tout le temps.Tun’asaucune idéedecequ’onvit ensemble.

Arrêtezdevousmêlerdenosaffaires!—C’estsafille!

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—Etalors?Moi,c’estl’amourdemavie!Jamaisjenel’abandonnerai.Etvousn’ypouvezrien,nitoi,nisonpère.Jesuissortientrombedemachambre.Monpèrem’aemboîtélepas.—Poppyestunegentillefille,Rune!Regarde-toi.Tuaschangé.Tufumes,tubois,tutemetsencolère

pourunrien!Penseàelle.Negâchepassesderniersinstants.Jemesuisarrêtéaumilieuducouloir.—Tusaisquoi?Poppyaimelesmauvaisgarçons.C’estellequimel’adit.Jesuispassédevantlacuisine.MamèreetAltonm’ontditbonjour.Jelesaiignorés.J’aiclaquéla

porte derrière moi et, à peine sorti, j’ai allumé une cigarette. J’étais furieux. M. Litchfield voulaitm’éloignerdesafille.Qu’est-cequ’ilcroyait?Quej’allaisluifairedumal?LaportedechezPoppys’estouverte,etelleestsortieavecSavannahetIda.Sessœursm’ontsaluéde

lamain.Idam’asouri,maisSavannahavaitl’airplusméfiante,commesonpère.Poppym’a rejoint avec ses sœurs.Elle portait une jupe rouge, des collants noirs, des bottines, une

chemiseblancheetunecravatenoiresousunmanteaubleu.Elleétaitadorable.J’ai jeté ma cigarette par terre, j’ai posé les mains sur ses joues et je l’ai embrassée. Un baiser

passionné,quiprouvaitaumondequ’elleétaitàmoi.Unbrasd’honneuràtousceuxquivoulaientnousséparer.—Undepluspourtonbocal,ai-jemurmuré.Elleestdevenuetouterouge.Idaaéclatéderire.Savannahenestrestéebouchebée.J’aiprisPoppy

parlamain.—Prête?Ellearegardénosdoigtsentrelacés.—Onvaaulycéecommeça?—Oui.Pourquoi?—Toutlemondevaêtreaucourant.Ilsvontparlerdenous…—Et alors ?Avant, tu te fichais de cequepensaient les autres.Ne commencepas à t’en inquiéter

maintenant.—Ilsvontcroirequ’ons’estremisensemble.—C’estlecas.Unsourireailluminésonvisage.Elleavaitl’airsoulagée,commesielleattendaitmaconfirmation.—Danscecas,jesuisprête.Nous avons remonté la rue, suivis de près par les sœurs de Poppy. Juste avant d’entrer dans la

cerisaie,j’aijetéunœilpar-dessusmonépaule.M.Litchfieldétaitplantédevantchezlui.Ilnousfixait,levisagefermé.J’aiserrélesdents.Jerefusaisdeperdrecettebataille.Idaaparlépendanttoutletrajet.Poppyriaitavecelle.Elleadoraitsapetitesœur.Idaluiressemblait

beaucoup,jusqu’auxfossettessursesjoues.Savannah,elle,étaitplutôtintrovertie,ettrèsprotectricevis-à-vis dePoppy.Au bout de quelquesminutes, nos chemins se sont séparés : les filles sont parties endirectiondeleurécole,etnousdulycée.—Savannahn’apasditunmot,s’estinquiétéePoppy.

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—C’estàcausedemoi.—Non,Rune.Ellet’adore.—Ellem’adorait.Aujourd’hui,elleapeurquejetebriselecœur.Poppys’estarrêtéesousunarbreàcôtédulycée.—Tunemebriseraspaslecœur,Rune.Jelesais.Etpuis,silemiensebrise,letienaussi.Ilsbattent

àl’unisson.J’aipousséunsoupirdefrustration.Certainsélèvesnousavaientvus,et la rumeurse lisaitdéjàsur

leurslèvres.—Est-cequetuseraiscapabledemefairedumal,Rune?—Non.Jamais.—Alors,netesouciepasdecequepensentlesautres.J’étaissurprisetamuséparsadétermination.—J’aivraimentunemauvaiseinfluencesurtoi.J’aisourietj’aiposéunemainsursahanche.Jel’aiplaquéecontreletroncetjel’aiembrassée.Un

baiser langoureux, doux et sucré. Poppy en avait le souffle coupé. Elle a glissé une main dans mescheveuxhumides.—Jeteconnaisparcœur,Rune.Tuesquelqu’undebien.—Avectoi,Poppymin.Seulementavectoi.Elleaétudiémonvisage.—C’estpeut-être leproblème.Si tu t’ouvraisauxautres, si tu leurmontrais levraiRune, ilsne te

jugeraientpasaussisévèrement.Ilst’aimeraientpourcequetues.CommeAlton.Commentçasepasseentrevous?—Altonn’estqu’unenfant…—C’esttonpetitfrère.Ilt’adore,Rune.Ilaimeraitquetuluiparlesetquetujouesaveclui.Monventres’estnoué.—Commentlesais-tu?—Ilmel’adit.Ilétaittrèstriste.J’aiimaginéAltonentraindepleurer,maisj’aivitechassécetteimagedemonesprit.Jepréféraisne

pasypenser.C’étaittropdouloureux.—Ilt’admire,Rune.Ilalescheveuxlongscommetoi,etilimitetesfaitsetgestes.C’estadorable.—Ilalescheveuxlongsparcequ’ilestnorvégien.Poppyalevélesyeuxauciel.—Tous lesNorvégiens n’ont pas les cheveux longs,Rune. Tu le sais.Alton veut te ressembler. Il

t’imiteparcequ’ilt’aime,etpourattirertonattention.J’aibaissélatête.Poppyasaisimonvisageàdeuxmainspourmeforceràlaregarderdanslesyeux.—Ettonpère,Rune?Quandvas-tuluidonnerunechance?—Çasuffit,ai-jerépondusèchement.Jenevoulaispasparlerdelui.Jamaisjeneluipardonneraisdenousavoirséparés.Cesujetétaitclos.

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Poppyn’avait l’airnichoquée,nivexéeparmaréaction.Ilyavaitdelapitiédanssonregard.C’étaitpire.Je l’aiprisepar lamain,etnousavonsmarché jusqu’auxbâtiments.Lesélèvesnousobservaientdu

coindel’œil.—Ignore-les,Poppy.Elles’estrapprochéedemoietnoussommesentrésdanslecouloir.Deacon,Judson,Jorie,Averyet

Rubyétaientrassemblésdevantlescasiers.Jen’avaisadressélaparoleàpersonnedepuislafête.Jories’estretournéeenpremier.Elleaécarquillélesyeuxetelleamurmuréquelquechose.Nosamis

nousontfaitface,l’airconfus.—Ilfautqu’onleurexplique,ai-jedit.—Ilsnesontpasaucourantdemamaladie,Rune.Jen’enaiparléqu’àJorie.—Tuluiasditàelle,etpasàmoi?Poppym’aregardéed’unairtriste.—Mets-toi à ma place, Rune. J’avais besoin d’elle. Besoin deme confier à quelqu’un. C’est ma

meilleure amie. Elle m’a aidée à rattraper les cours que je ratais et elle m’a soutenue pendant montraitement.Etpuis,Jorienem’aimepasautantquetoi.C’estdifférent.Jesavaisqu’elletiendraitlecoup,qu’elleneselaisseraitpasabattre.Majalousies’estaussitôtenvolée.J’aipasséunbrassursesépaules.—Ilssaurontunjouroul’autre,Poppy.—Jesais…maispasmaintenant.—Rune!acriéDeacon.—Prête?ai-jedemandéàPoppy.—Prête.Nousnoussommesfrayéunchemindanslecouloirbondé.Poppyaglisséunbrasautourdemataille,

etnousnoussommesplantésdevantnosamis.Deaconavaitlesourirejusqu’auxoreilles.—Alors?Vousvousêtesremisensemble?J’aihochélatête.Averym’alancéunregardnoir.Jem’enfichais.Ellenecomptaitpas.—C’estvrai?ainsistéRuby.—Oui,aréponduPoppy.J’aidéposéunbaisersursonfront.Jorieavaitl’airravie.—C’est lameilleure nouvelle de l’année. Poppy et Rune, enfin réunis. La vie peut reprendre son

cours.Jesuiscontentepourvous.—Merci,Jorie.Ellesontéchangéunregardlourddesens.Jorieavaitleslarmesauxyeux.—Bon,ilfautquej’yaille.Àplustard!Elle est partie à toute vitesse pour ne pas craquer devant les autres. J’ai suivi Poppy jusqu’à son

casier.—Tuvois?C’étaitfacile.

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Elleaattrapéseslivres,etjel’aiplaquéecontrelecasierpourl’embrasser.Puisj’aiglisséunemaindanssescheveux.Quandj’aiécartémonvisagedusien,Poppyavaitlesyeuxquipétillaientetlesjouestoutesroses.—Baisernumérotroiscentsoixante.AvecmonRune,contremoncasier.Moncœurapresqueéclaté.J’aireculéd’unpasetj’airemontélecouloirensouriant,endirectiondemoncoursdemaths.—Rune?—Ja?—Quelesttonendroitpréféré?Jenem’attendaispasàunequestionpareille.Poppydevaitavoiruneidéederrièrelatête.—Lacerisaie,auprintemps.—Etlerestedel’année?—Laplage.Pourquoi?—Parcuriosité.—Onseretrouveaudéjeuner?—Jemangedanslasalledemusique.J’aimejouerduvioloncellependantmapause.—Parfait.Jeserailà.LevisagedePoppys’estilluminé.Noussommesrestésplantésaumilieuducouloir,ànousregarderen

silence.—Pourtoujours,amurmuréPoppy.—Pourlavie,ai-jerépondu.

*

Lasemaineestpasséeaussivitequel’éclair.Avant,jemefichaisdutempsquis’écoulait.Désormais,j’auraisaiméqu’uneminutedureuneheure,qu’uneheuredureunjour.Toutallaitvite.Tropvite.Les rumeursànotresujetsesontcalmées,maisonparlaitencoredenousdansnotredos.C’était le

cadetdemessoucis.J’étaisallongésurmonlitquandlasonnettearetenti.Jemesuislevéetj’aiattrapémavesteencuir.

Cematin-là,Poppym’avaitditqu’ellepasseraitmechercheràdixheures.Jenesavaispaspourquoi,nioùellecomptaitm’emmener,maisj’aiobéi.Ensortantdemachambre,j’aientendusavoixdanslesalon.—Bonjour,Alton.Commentvas-tu?—Bien,arépliquémonfrère.Elle était accroupie devant lui.Alton a passé unemain dans ses cheveux pour dégager son visage.

Commemoi. Poppy avait raison. Jeme suis arrêté dans le couloir, et j’ai regardémon petit frère sebalancerd’unpiedàl’autre.Ilétaittimideetsilencieux.Ilneparlaitquesionluiadressaitlaparole.—Qu’est-cequetufaisaujourd’hui?a-t-elledemandé.—Rien.

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LesouriredePoppys’estenvolé.Altonl’aregardéed’unairtriste.—Ettoi,tusorsavecRune?—Oui.—Ilarecommencéàteparler?—Oui,Alton.Runemeparle.Elleapasséunemainsursajoue.Altonavaitl’airtriste,maiscesimplegestel’afaitsourire.Poppy

m’asurprisentraindelesobserver.Elles’estlevée,etjelesairejoints.Jel’aipriseparlamainetjel’aiembrassée.—Tuesprêt?J’aihochélatête.—Tuneveuxtoujourspasmedireoùonva?Poppyasecouélatête,l’airmalicieux,etm’aguidéverslaporte.—Aurevoir,Alton.—Aurevoir,Poppymin.Jemesuisarrêténet,choquéd’entendrecesurnomdanslabouchedemonpetitfrère.Poppyaposéune

mainsursabouche,àlafoissurpriseetattendrie.Elleacroisémonregard.Ellevoulaitquejeluidisequelquechose.—Aurevoir,Alton.Monfrèrealevélatêteetunsourireailluminésonvisage.Jeneluiavaispourtantditquetroismots.Ens’asseyantderrièrelevolant,Poppym’aregardéavectendresse.—Jesuisfièredetoi,Rune.Jemesuisassiscôtépassager,pressédechangerdesujet.—Tumedisoùonva?—Tudevinerasbienasseztôt.J’aiallumélaradioetj’aichoisilastationpréféréedePoppy.Elles’estmiseàchanterunechanson

quejeneconnaissaispas.Commequandellejouaitduvioloncelle,sesfossettessecreusaientquandellechantaitetquandellesouriait.J’avaislagorgeserrée.C’étaitunebataillequotidienne.J’aimaisvoirPoppyheureuseetinsouciante,

maisjesavaisaussiquesesjoursétaientcomptés.Celafaisaitrenaîtreenmoiladétresseetlacolèredecesdernièresannées.Elleaposéunemainsurmongenou.Jel’airecouverteaveclamienneetj’aidétournéleregardpourla

préserver.Lecanceravaitbeau la rongerde l’intérieur,c’était lechagrindesesprochesqui la faisaitsouffrir.Lorsquej’étaissilencieuxoutriste,sesyeuxperdaientdeleuréclat.Quandmacolèreprenaitledessus, je voyais la fatigue se dessiner sur son visage. Elle s’en voulait de causer tant de souffranceautourd’elle.J’airegardélepaysagedéfilerderrièrelavitreetj’aidéposéunbaisersursamain.Poppyatournéen

directiondelacôte.Quandj’aicomprisoùellem’emmenait,jemesuissentiplusléger.—Onvaàlaplage.—Tonendroitpréféré,Rune.Aprèslacerisaie.

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J’aipenséauxcerisiersenfleuret jemesuis imaginésousnotrearbre,avecPoppyàmescôtés.Jen’étaispascroyant,maisj’aipriépourquePoppyvivejusqu’auprintempsetvoielesfleursunedernièrefois.Ilfallaitqu’elletiennejusque-là.—Jelesverrai,Rune.Jetelepromets.J’enaiperdumesmots.Poppyavait ludansmespensées.Elleaserrémamaindans lasienne.J’ai

comptélesmoisquinousséparaientduprintemps.Quatrelongsmois.—Jesais,Poppy.Jeteconnais.Quandtuveuxquelquechose,tul’obtiens.Jemesuisenfoncédansmonsiègeetj’aifermélesyeux.Quandelles’estremiseàchanter,jemesuis

agrippéàsamainetàchaquenotequis’échappaitdesabouche.

*

Nousapprochionsdelacôte.J’aiaperçulegrandphareblanc,perchéenhautdelafalaise.Ilfaisaitdouxetlecielétaitbleu.Pasunnuageàl’horizon.Poppys’estgaréesurleparking.—Tuasraison,Rune.Moiaussi,j’adorelaplage.Ona regardé les famillesdispersées sur le sable.Les enfants jouaient et lesmouettesplanaient au-

dessusd’eux,enattentedenourriture.Certainsadultes lisaient,assiscontre lesdunes.D’autresétaientallongés,lesyeuxfermés,profitantdusoleil.—Tutesouviensdesjournéesqu’onyapassées?—Ja.Poppyamontrélajetéedudoigt.—Ici, tum’asoffertmonsoixante-quinzièmebaiser.Ons’étaitcachésderrière la jetée.Tuavais le

goûtdesel.Tut’ensouviens?—Ja.Onavaitneufans.Tuportaisunmaillotdebainjaune.—C’estvrai!a-t-elleditenriant.Noussommessortisdelavoiture.Mescheveuxontdansédanslevent.J’aiattrapéunélastiqueàmon

poignetet je lesaiattachéspourmedégager levisage.J’ai rejointPoppyavantde l’aideràsortir lesaffairesducoffre.Elleavaitemportéunpanierdepique-nique,unparasoletunsacàdos.Jenesavaispascequis’ycachait.Poppyaessayédetoutportertouteseule.J’aiinsistépourlesprendreàsaplace.Ellealevélatêteversmoi,l’airsurpris.—Rune…Elleaeffleurémonvisageduboutdesdoigts,lelongdemesjouesetsurmonfront.—Qu’est-cequ’ilya?—Jevoistonvisage.Elles’estmisesurlapointedespiedspourinspectermonchignon.—Tuestellementbeau,Rune.Terends-tucompteàquelpointtucomptespourmoi?J’aisecouélatête.Jenem’enrendaispascompte,etj’avaisbesoindel’entendre.Poppyaplacéma

mainsursoncœur,etaposélasiennesurlemien.—C’estcommelamusique,Rune.Quandjeteregarde,quandtumetouches,quandons’embrasse…

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moncœurchante.Ilaretrouvésamoitié.Cellequiluimanquait.—Poppymin…Elleamisundoigtsurmeslèvres.—Écoute-les,Rune.Elleafermélesyeux.Jel’aiimitée.Etjelesaientendus.J’aientendunoscœursbattreàl’unisson.—Quandtuesprèsdemoi,moncœurs’envole.Ilbatcommeuntambour.Ilchantenotrechanson.Poppyaouvertlesyeuxetj’aiécrasémabouchesurlasienne.Elleaappliquélesmainssurmataille

ets’estagrippéeàmontee-shirt.Jel’aiplaquéecontrelavoiture.J’entendaisencorel’échodesoncœurdansmapoitrine.J’aicaressésalangueetelleapousséunsoupirdeplaisir.—Baisernuméroquatrecenttrente-deux.Àlaplage,avecmonRune.Moncœurapresqueéclaté.Elleadéposéunbaiser surma joueet ellea soulevé le sacàdos sur sonépaule. J’aivoulu le lui

prendre,maisellem’enaempêché.—Jenesuispasfaible,Rune.Pasencore.Jemesuisemparédupanieretduparasoletjel’aisuiviejusqu’àuncoinisoléenboutdeplage,près

delajetée.J’aireconnul’endroitexactoùjel’avaisembrassée.Avantderepartir,jel’embrasseraisiciànouveau.Pascommeungarçondeneufans,maiscommeunadolescentdedix-septans.Uncœurdeplusdanssonbocal.—Ons’installeici?—Ja.Nous avons posé les affaires par terre. J’ai planté le parasol dans le sable et Poppy a étalé une

couverture. Je lui ai fait signe de s’asseoir. Ellem’a embrassée sur lamain en passant.Mon cœur achanté,commelesien.Elles’estassise,lesyeuxfermés.Elleavaitl’airheureuse.Sajoiedevivreétaitsanslimite.Sansle

savoir,ellemedonnaituneleçond’humilité.Jemesuisassisàcôtéd’elleetj’airegardél’océanetlesbateauxauloin.Jemedemandaisoùilsallaient.—Tucroisqu’ilspartentàl’aventure?ademandéPoppy.—Jenesaispas.—Moi,jepensequ’ilslaissentleurancienneviederrièreeux.Ilssesontréveillésunmatinetilsont

décidédepartir.Danscelui-ci,c’estuncoupled’amoureuxquiexplore lemonde. Ilsontvendu toutesleursaffairesetontachetéunbateau.Elleaimelamusiqueetilaimelaphotographie.Poppyasourienposantlementonsursesgenoux.—Ilsferontletourdumonde,Rune.Ilsvivrontdemusiqueetd’art.Ilss’embrasserontdesmilliersde

foisetilsserontheureux.L’aventureparfaite.Qu’est-cequetuenpenses?J’étaisincapablederépondre.Poppys’esttournéeversmoietsonregards’estarrêtésurmespieds.

Ellealevélesyeuxauciel.—Enlèvetesbottes,Rune!Ilfaittropbeaupourporterdeschaussures.Elles’estmiseàgenouxetellelesaenlevéesàmaplace,enroulantmonjeanjusqu’auxchevilles.—Voilà!C’estmieux,pasvrai?Elleaéclatéderireetnousnoussommesallongéssurlacouverture.Elleaplacéunbrassurmataille,

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quej’aicaresséenregardantleciel.— J’ai commencé à me sentir fatiguée peu de temps après ton départ. Tellement fatiguée que je

n’arrivaisplusàmelever.Moncœurs’estemballé.Poppyallaitenfinmeracontersonhistoire.—Mamèrem’aemmenéechezlemédecin.J’aipasséplusieursexamens.Toutlemondepensaitque

tondépartm’avaitsecouée.Lespremiersjours,j’aifaitcommesituétaispartienvacances,commesituallaisrevenir.C’estcequim’aaidéeàtenir.Maispluslessemainespassaient,plusjesouffraisdetonabsence.Enmêmetemps,j’avaismalpartout.Jedormaistoutletempsetjen’avaisplusd’énergie.OnnousaenvoyésàAtlantapoursubird’autresexamens.OnavécuchezmatanteDeeDeeenattendantlesrésultats.Poppyalevélatêteetaposéunemainsurmajoue,meforçantàlaregarderdanslesyeux.—Jenevoulaispas t’enparler,Rune. J’ai faitmineque tout allait bien. Jenevoulaispas te faire

souffrir davantage. Je voyais que tu allaismal. Chaque fois qu’on échangeait sur Skype, je sentais tacolèreettonchagrin.—Tum’asditqueturendaisvisiteàtatante,maispasquetuétaismalade.Poppyahochélatête.Elles’envoulait.Jelevoyaisdanssesyeux.—Jeteconnaisparcœur,Rune.J’avaispeurdetaréaction.Quelquesjoursplustard,lediagnosticest

tombé.J’étaisatteintedelamaladiedeHodgkin.Lanouvellenousabouleversés.Unefoislechocpassé,j’aibeaucouprepenséàmavie,àmavisiondumonde.J’aitoujoursvécuchaquejourcommesic’étaitledernier. Ce jour-là, j’ai compris pourquoi. Au fond, je sentais ce qui allait m’arriver. Je savais quej’auraismoins de temps que les autres.Quand lemédecin nous a annoncé qu’ilme restait deux ans àvivre,malgrélestraitementsetlesmédicaments,j’étaisprêteàl’entendre.Poppyavaitleslarmesauxyeux.Jemesuisretenudepleurer.—OnavécuchezDeeDee,àAtlanta.IdaetSavannahontchangéd’école.Monpèrevoyageaitpour

sontravail.J’aiétudiéàlamaisonetàl’hôpital.Mesparentsespéraientunmiracle,maisjesavaisquec’étaitpeineperdue.J’aigardélatêtehautemalgrélachimio,malgrélachutedemescheveux.Lepiredanstoutça,c’étaittonabsence.Parmafaute.Jevoulaisteprotéger,Rune.Jenevoulaispasquetumevoiesdanscetétat.Jevoyaisl’effetquelamaladieavaitsurmafamille.Ilétaittroptardpoureux,maispaspourtoi.Jepouvaisencoret’offrircequejeleuravaisvolé.Uneviesanstristesseetsansdouleur.—Çan’apasmarché,Poppy.—Jesais.J’aipenséà toi tous les jours.J’aipriépour toi.J’espéraisque lacolèreque j’avaisvu

naîtres’étaitenvoléedepuismonabsence.Raconte-moi,Rune.Dis-moicequis’estpassé.J’aiserrélamâchoire.Jenevoulaispasrevivretoutecettesouffrance,maisjenepouvaispasluidire

non.—J’étaisfurieux,Poppy.Personnenerépondaitàmesquestions,etmesparentsnemelâchaientpas

d’unesemelle.Monpèrememettaitlapression.Jeluienvoulaisdenousavoirséparés.Jeluienveuxencore.Poppyaouvertlabouche,sûrementpourprendresadéfense,maisjel’enaiempêché.—Non,Poppy.S’ilteplaît.J’aifermélesyeuxetjemesuisforcéàcontinuer.

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—Aulycée,jetraînaisavecdesmecsencolère,commemoi.Jemesuismisàfairelafête,àboireetàfumer.Toutlecontrairedecequevoulaitmonpère.C’estdevenumavie.J’aijetémonappareilphotoetj’aicachétoutcequimerappelaitnotrehistoire.Pourtant,rienn’yfaisait.Jepensaisàtoitouslesjours.PuisonestrentrésauxÉtats-Unis.Ici.Quandjet’aivuedanslecouloir,pourlapremièrefois,macolères’estdécuplée.Jemesuisallongésurlecôté,faceàPoppy,etj’aiposéunemainsursajoue.—Tuétaistellementbelle,Poppy.Riennem’avaitpréparéànosretrouvailles.Enuninstant,tousles

effortsquej’avaisfaitspendantdeuxanspourt’oubliersesontenvolés.Enunregard.Puistum’asparlédetamaladie…Tuconnaislasuite.—Merci,Rune.—Ettoi?Pourquoies-turevenue?—Parce que c’était terminé. Plus rien ne fonctionnait. Je voulais rentrer à lamaison et vivremes

derniersinstantsici,entraitementpalliatif,entouréedeceuxquej’aime.Ellem’aembrasséeavectendresse.—Maintenant, tues là, toiaussi.C’étaitnotredestin,Rune.Ondevaitse retrouveraprès toutesces

années,àlamaison.Unelarmeadévalémajoue.Poppyl’aessuyéeduboutdesdoigts.—Jen’aipaspeurdelamort,Rune.Jesaisquemasouffrances’arrêteraunjour,quejepartiraien

paix.Maispourceuxquirestent,cettesouffranceneferaques’accroîtreavecletemps.Elleaprismamaindanslasienne.—Jeneveuxpasquemamortvousrendetristes,Rune.Jeveuxqu’onsesouviennedemoicommede

quelqu’un qui a vécu une belle aventure et qui a profité de chaque instant. Pourquoi gaspiller notretemps?Ilestsiprécieux.Etlavieesttellementcourte.Ilfautprofiterdechaqueminute,chaqueseconde.Voilàlemessagequejeveuxlaisserderrièremoi,lecadeauquejeveuxfaireàceuxquej’aime.J’aimaiscettefilleplusquetoutaumonde.J’admiraissavisiondelavie,etl’espoirqu’elleessayait

dem’insuffler. Il y avait une vie après elle.Voilà ce qu’elle essayait deme dire. Je n’y croyais pasencore,maisPoppyétaittêtue.Elleétaitprêteàtoutpourmeconvaincre.—Voilà,Rune.Tusais tout.Maintenant,neparlonsplusdemamaladie.Pensonsànotreavenir.Ne

soyonspasesclavesdupassé.Promets-le-moi.—Jetelepromets.Jemesuisbattucontrelechagrinquimedéchiraitdel’intérieur.Jerefusaisdeluimontreràquelpoint

j’étaistriste.Aujourd’hui,jemedevaisd’êtreheureux.Pourelle.J’aipasséunemaindanssescheveuxetunebrisenousacaressélapeau,emportantavecellelepoids

denossoucis.J’étaisentraindem’assoupirquandPoppyamurmuréàmonoreille:—Àquoiressembleraittonparadis,Rune?—Jenesaispas…Unendroitpaisible.Unendroitoùjetereverrai.—Moiaussi.Elleadéposéunbaisersurmontorseetelles’estendormiecontremoi,lesourireauxlèvres.Unvieux

couples’estinstalléàquelquesmètresdenous.Levieilhommeaétenduunecouverturesurlesable.Ilaembrassésafemmeetl’aaidéeàs’asseoir.

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J’étais jaloux. Poppy et moi n’aurions pas cette chance. Nous ne vieillirions pas ensemble. Pasd’enfants.Pasdemariage.Rien.J’airetournémonattentionsurPoppy,sursesbeauxcheveuxbrunsetsesmainsdélicates,et jemesuis senti reconnaissantde l’avoiràmescôtés. Jenesavaispascequinousattendait,mais je l’avaisaujourd’hui. Je l’aimais depuis que j’avais cinq ans.Voilà pourquoi j’étaistombéamoureuxsijeune.Commeelle,j’avaispeut-êtrepressenticequel’avenirnousréservait.Uneheureplustard,Poppydormaitencore.Jel’aiallongéeàcôtédemoietjemesuisassis.Lesoleil

descendait vers l’horizon et les vagues caressaient le sable. J’ai ouvert le panier et j’ai sorti lesbouteillesd’eauquePoppyavait emportées.Enbuvant,mon regard s’estposé sur lemystérieux sacàdos.Jemedemandaiscequis’ycachait.Jel’aiattrapéetjel’aiouvertsansunbruit.Ilyavaitunpetitsacnoiràl’intérieur.Moncœurs’estemballédèsl’instantoùj’aicomprisdequoiils’agissait.J’aiposélesacnoirsurlacouvertureetj’aipasséunemainsurmonvisage.J’aifixél’océanetles

bateauxàl’horizon,repensantauxparolesdePoppy.Moi,jepensequ’ilslaissentleurancienneviederrièreeux.Ilssesontréveillésunmatinetilsont

décidédepartir.Danscelui-ci,c’estuncoupled’amoureuxquiexplorelemonde.Ilsontvendutoutesleursaffairesetontachetéunbateau.Elleaimelamusiqueetilaimelaphotographie.Ilaimelaphotographie…J’avaisabandonnélaphotodeuxansplustôt.Cen’étaitplusmapassion,nimonrêve.Jenevoulais

plusétudieràNewYork.Jen’avaisplusenviedetenirunappareildanslesmains.Pourtant,j’aiouvertlesacetjetéunœilàl’intérieur.Onauraitditmonvieilappareil,monCanonnoir.Impossible,ai-jepensé.Jel’avaisjetéàOslo.Ildevaits’agird’unautre,qu’elleavaittrouvésurInternet.Parcuriosité,jel’aisoulevéetjel’airetourné.Monnométaitinscritdessous.Jel’avaisgravélejour

demestreizeans,lejouroùmesparentsmel’avaientoffert.Poppyavaitretrouvémonappareilphoto.Ilyavaitunepelliculeàl’intérieuretdesobjectifsdanslesac.Jelesconnaissaisparcœur.Jesavais

encorelesquelsutiliserpourphotographierunpaysage,unportrait,unescènedenuit,dejour,enstudio…Derrièremoi,Poppys’estréveillée.Elles’estredressée,leregardposésurl’appareilphoto.—C’estmoiquienaiparléàtonpère,Rune.Jesuisalléelevoirhiersoir.Ilm’aditquetuavaisjeté

tonappareiletqu’ill’avaitrécupérédanstondos.Ilétaitcassé,etplusieursobjectifsétaientfêlés.Ill’aréparé,ilaachetédenouvellespelliculesetdenouveauxobjectifs.Ill’agardépendanttoutescesannées,enespérantquetuyreprendraisgoûtunjour.Ils’enveutbeaucoup,Rune.Ilpensequetuasarrêtéàcausedelui.J’aieuenviedecrier,dehurlerqueoui, toutétaitsafaute…mais jemesuis retenu.Quelquechose

m’enaempêché.—Tonpèreétaitémuauxlarmes.Iln’enavaitmêmepasparléàtamère.J’aifixél’appareildansmesmains.L’imagedemonpèreentraindelenettoyeretdeleréparerme

rongeaitdel’intérieur.—Ilaremisenétatlachambrenoire,Rune.Elleestprête.J’ai fermé les yeux.Mon cœur battait à tout rompre. Jem’étais juré de ne plus jamais prendre de

photos,etvoilàquel’objetdemonaddictionétaitlà,devantmoi.L’objetquej’auraisaiméignorer,toutcommemonpèreavaitignorémessentiments.Macolèreamonté.Monventres’estnoué.J’étaissurlepointd’exploserquandPoppys’estlevée.

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Je l’ai regardée marcher jusqu’à l’océan. Ses pieds s’enfonçaient dans le sable et ses cheveuxdansaientdanslevent.Elleasoulevésarobejusqu’auxgenoux,elleatournélatêteversmoietelleaéclaté de rire en pataugeant dans les vagues. Poppy était libre, insouciante. Sa peau et ses yeux vertsscintillaientausoleil.Elleétaitmagnifique.Belleàencouperlesouffle.Par réflexe, j’ai approché l’appareil de mon œil. J’ai choisi le plus bel angle pour photographier

Poppydanslesvagues…etj’aiappuyésurledéclencheur.Moncœurbattaitcommeuntambour,soulagédecapturerPoppyàcetinstantprécis.Ilmetardaitdéjà

de développer cette photo. Je préférais les vieux appareils. J’adorais l’anticipation dans la chambrenoire,lasatisfactionetlafiertédedécouvrirsesclichés.J’avaiscapturéunmomentmagique.Poppy,danssonélément,piedsnussurlesable,lesjouesrougies

parlesoleil.Ellea levélesmainsenl’airet lebasdesarobeest tombédansl’eau.Elleacroisémonregardet

s’estfigéetelleunestatue.J’aiattendulebonmoment.Etilestarrivé.Lorsqu’ellem’avuavecl’appareildanslesmains,sonvisages’estilluminédejoie.Elleafermélesyeuxetj’aiappuyé,gravantcetinstantàjamais.Poppym’afaitsignedelarejoindre.Jemesuislevéetj’aimarchéjusqu’àelle,monappareilautour

ducou.Jel’aipriseparlamain,etellem’aembrassé.Jemesuisperdudansnotrebaiser,brisantpeuàpeulebouclierquejeportaisdepuisdeuxlonguesannées.J’aisoulevél’appareilau-dessusdenousetj’aiappuyé,àl’aveugle.Mêmeaveclesyeuxfermés,j’étaisconvaincud’avoirprislaplusbellephotodelajournée.Noussommesretournésnousasseoirsurlacouverture.J’aipasséunbrassursesépaulestièdesetje

l’aiserréecontremoi.J’aidéposéunbaisersursonfrontetellem’aregardédroitdanslesyeux.J’avaisenviedelaremercierpoursoncadeau,maislesmotsnevenaientpas.—Derien,a-t-ellemurmuré,lisantdansmespensées.Jenem’étaispassentiaussibiendepuislongtemps.Depuisdeuxans.—Regarde,Rune.Nos tracesdepasdans lesable.Deuxpaires,quatreempreintes.Commedans le

poème.Ellealevélatêteetm’asouri.Jenecomprenaispasdequoielleparlait.—C’estmonpoèmepréféré,etaussiceluidemagrand-mère.—Qu’est-cequ’ilraconte?—C’esttrèsspirituel,Rune…Jenesaispass’ilvateplaire.—Dis-le-moiquandmême.J’avaisenvied’entendresavoix.J’adoraisquandellemeparlaitdechosesquilapassionnaient.—C’estl’histoired’unhommequifaitunrêve.Danssonrêve,ilmarchesurlaplage,àcôtédeDieu.J’ailevélesyeuxauciel.Poppyaéclatéderire.—Jet’avaisprévenu!—Excuse-moi,ai-jeditensouriant.Continue.Elleapousséunsoupirets’estmiseàdessinerdeshuitdanslesable,lesymboledel’infini.—L’hommevoitsavieentièredéfilerau-dessusdelui,danslecielnoir.Commeunfilm.Àlafinde

chaque scène, de nouvelles traces de pas apparaissent derrière lui, dans le sable. Quand le film est

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terminé,ildécouvrequelquechosedetroublant.Pendantlesmomentslesplustristesdesavie,uneseulepaire d’empreintes s’est dessinée dans le sable.Les siennes.Et pendant lesmoments les plus joyeux,deuxpairesd’empreintessontapparues.JemedemandaisoùPoppyvoulaitenvenir.Ellealevélatêteversleciel,leslarmesauxyeux.—L’hommeestconfus.Après tout, leSeigneurprometàsesdisciplesderesterà leurscôtésdurant

touteleurvie.IlnecomprendpaspourquoiDieul’aabandonnédanslesmomentsdifficiles.Ildécidedeluiposerlaquestion.Poppyatournélatêteversmoi.Unelarmeadévalésajoue.— Dieu lui répond qu’il a toujours été là. Pendant les périodes les plus sombres, celles où ses

empreintesontdisparu,iln’apasmarchéàsescôtés.Ill’aporté.Elleablottisatêtecontremonépaule.—Jesaisque tun’espascroyant,Rune,maiscepoèmeestuniversel.Onconnaît tousdesgensqui

nous soutiennent dans lesmoments difficiles. Que ce soit Dieu ou un proche. Quand on ne peut plusmarcher,quelqu’unvientànotreaide,etnousportejusqu’àcequ’onaillemieux.J’aifixénosempreintesdanslesable.Jenesavaispasquiportaitqui.Poppyinsinuaitquec’étaitmoi

quil’aidaispendantcesderniersmois,maisjecommençaisàpenserl’inverse.C’étaitellequiétaitentraindemesauver.Ellealevélatête,lesjouescouvertesdelarmes.—C’estbeau,n’est-cepas?J’ai hoché la tête. Jenepouvaispasparler.Pas après cequ’ellevenait deme raconter. Jeme suis

concentrésurl’océanetellem’asouri.Elleavaitl’airfragile,toutàcoup.—Est-cequeçava?—Jesuisfatiguée,Rune.Ellemebrisait lecœur.Pluslesjourspassaient,plusellemanquaitd’énergie.Ellenes’enplaignait

pas,maisjelevoyaissursonvisage.—Tuasledroitd’êtrefatiguée,Poppy.—Jesais,maisjedétesteça.Dormir,c’estunepertedetemps.—Tuasbesoindesommeilpourreprendredesforcesetvivredenouvellesaventures.Etpuis,tusais

àquelpointj’aimequandtut’endorsdansmesbras.Poppyapousséunsoupir.—Iln’yaquetoipourmefaireaimercequejedétesteleplusaumonde.Jel’aiembrasséesurlajoueetj’airassemblénosaffaires.J’airegardélajetéeducoindel’œil,tendu

lamainversPoppy.—Tuviens?Ensouvenirdubonvieuxtemps.Je l’ai aidée à se lever, et nous avonsmarché,main dans lamain, jusqu’à l’endroit exact de notre

baiser.J’aiposé lesmainssurses joues tièdesavantde l’embrasser lentement, tendrement.J’aiécartémonvisagedusien,savourantlegoûtdecerisesurseslèvres.Poppyaouvertlesyeux.Elleétaitàboutdeforce.—Baiser quatre cent trente-trois, ai-je dit à sa place. AvecPoppymin, sur la plage.Mon cœur a

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presqueéclaté.Parcequejel’aime.Jel’aimeplusquetout.Bouleverséeparmaconfession,Poppya écarquillé lesyeux.Des larmesontdévalé ses joues.Elle

s’estagrippéeàmamain,blottissantsajouecontremapaumefroide.—Jet’aimeaussi,RuneKristiansen.Jen’aijamaiscessédet’aimer.Elles’estmisesurlapointedespiedsetaposésonfrontcontrelemien.—Tuesmonâmesœur,Rune.Jemesuissenticalme,apaisé.Poppys’estjetéedansmesbrasetjel’aiserréecontremoi.—Rentronsàlamaison.Poppyahochélatête.Nousavonsrécupérénosaffairesetmarchéjusqu’àlavoiture.J’aiattrapéles

clésdanssonsacetj’aiouvertlaportièrecôtépassager.Jel’aisoulevée,jel’aiassisesurlesiègeetj’aiattachésaceinture.J’aidéposéunbaisersursonfrontetelleapousséunsoupir.—Jesuisdésolée,Rune.Tellementdésolée…—Dequoi?Elleavaitl’airtriste.J’aiglisséunemèchedecheveuxderrièresonoreille.—Det’avoirrayédemavie.Monventres’estnoué.Elleaéclatéensanglots.—J’auraisdûtedirelavérité,Rune.Onauraittrouvéunmoyendetefairerevenir.Tuauraisétéàmes

côtéspendantcesdeuxannées.Tum’auraissoutenueetaimée,etjet’auraisaiméenretour…Jesuisunevoleuse!J’aivolédeuxansdenotrehistoire.Pourrien.Elles’estagrippéeàmonbras,commesielleavaitpeurquejem’enfuie.Elleavaitbesoinquejela

rassure.—Toutvabien.Jesuislà,Poppy.J’aiposésamainsurmoncœuretj’aiséchéseslarmes.Ellearespiréenrythmeavecmoi.—Jen’acceptepas tesexcuses,Poppymin.Tun’as rienà te reprocher.Lepasséestderrièrenous.

C’est toiqui l’asdit.Cequicompte,c’est lemomentprésent.Notredernièreaventureensemble.Pourtoujours.—Pourlavie.Elleasourietj’aipousséunsoupirdesoulagement,heureuxd’avoirsularéconforter.—MaPoppyestderetour.—Jenesuisjamaispartie.Jesuistoujourslà.Amoureusedetoi.Ellem’a embrassé une dernière fois et s’est enfoncée dans son siège. J’ai fermé la portière et j’ai

entendusavoixfluettedansmondos.—Baiserquatrecenttrente-quatre.AvecmonRune,àlaplage.Quandilm’aditqu’ilm’aimait.Elleafermélesyeuxets’estendormie.Elleavait les jouesrougiespar les larmeset lesourireaux

lèvres.Elleétaitparfaite.Jemesuisassissurlecapotdelavoitureetj’aiattrapéunecigarettedanslapochedemonjean.J’ai

regardélesoleilsecoucheràl’horizon.Lecielétaitteintéd’orangeetderose.Laplageétaitquasimentvide.Levieuxcoupleétaitencore làmais,cettefois, jenemesuispassenti jaloux.J’ai tournéla têteversPoppy,quidormaitpaisiblementdanslavoiture,et jemesuissentiheureux.Moi.Heureux.Parcequ’elleétaitlà…amoureusedemoi…

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Poppyminm’aimait.Etc’étaitsuffisant.C’étaittoutcequicomptait.J’aiécrasémacigaretteparterreetj’aiprisplacederrièrelevolant.Jemesuiséloignédelaplage,

convaincuquenousyreviendrionsunjourensemble.Etsicen’étaitpaslecas,commel’avaitditPoppy,nousaurionsaumoinsvécucettejournée.Cesouvenir.Cebaiser.Etellem’avaitoffertsoncœur.

*

Jemesuisgarédansl’allée.Lanuitétaittombéeetlesétoilesscintillaientdansleciel.Poppyavaitdormid’unetraite.Jesuissortide lavoiture, j’aiouvertsaportièreet j’aidétachésaceinture.Je l’aiprisedansmesbras.Poppyétaitlégèrecommeuneplume.Elles’estblottiecontremoitandisquejelaportais jusque chez elle. La porte s’est ouverte.M.Litchfield s’est décalé pourme laisser passer. LamèreetlessœursdePoppyregardaientlatélédanslesalon.Samères’estlevéeennousvoyant.—Toutvabien?—Trèsbien,ai-jerépondu.Elleestjustefatiguée.MmeLitchfieldadéposéunbaisersurlefrontdesafille.—Bonnenuit,mapuce.J’aitraversélecouloir,jesuisentrédanslachambreetj’aidéposéPoppysursonlit.Parréflexe,elle

atenduunbrasdemoncôtédulit.Jemesuisassisetjel’aiembrasséesurlajoue.—Jet’aime,Poppymin.Pourtoujours.Enmelevant,jemesuisretrouvéfaceàfaceavecM.Litchfield.Ilavaittoutentendu.J’aitraverséle

couloirensilenceetj’airécupérémonappareilphotodanslavoiture.JesuisrevenusurmespaspourrendrelesclésdePoppyàsesparents.M.Litchfieldestsortidusalonetm’atendulamain.Jelesluiaidonnéesetjeluiaitournéledos.—Vousavezpasséunebonnejournée?Saquestionm’asurpris.J’aihochélatêteetj’aisaluéMmeLitchfield,IdaetSavannahdelamain.—Ellet’aimeaussi,Rune.J’airegardélepèredePoppydroitdanslesyeux.—Jesais.Jesuissortide lamaisonet j’ai traversé lapelouse jusquechezmoi.J’aiposé l’appareilphotosur

monlit.J’étaiscurieuxdedécouvrirlesclichésdenotrejournée.LesportraitsdePoppy,dansantdanslesvagues.Je suis descendu dans la chambre noire. Quand j’ai ouvert la porte, une vague d’émotions s’est

emparéedemoi.Poppyavaitraison.Monpèreavaittoutpréparé.Monéquipementétaitenplace,commeàl’époque.Lescordesetlespincesàlingen’attendaientquemoi.J’aidéveloppémesphotosavecuneaisanceétonnante.Chaqueétapemesemblaitnaturelle.Jen’avais

rienoublié.Poppy savait que j’avais besoinde cette passiondansmavie. J’étais trop aveuglépar lepassépourm’enrendrecompte.Uneheureplustard,lesphotosontprisformesousmesyeux.L’uned’ellesaattirémonattention.Le

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momentoùPoppyatournélatêteversmoi,fixant l’objectifpar-dessussonépaule.Elletenaitsarobe,pieds nus dans les vagues et les cheveux dans le vent.Le soleil illuminait son visage, tel un coup deprojecteurattiréparsabeautéetsajoiecontagieuse.J’aiapprochéundoigtdelaphoto,dessinantsonvisage,seslèvresetsesjoues.Ceportraitconfirmait

cequej’avaistoujourssu:unjour,jedeviendraisphotographe.Quelqu’unafrappéàlaporte.—Ja?Monpèreestentrédanslachambrenoire.Sonregards’estposésurlarangéedephotosaccrochées

devantmoi.Uneminutes’estécoulée.Uneminutedesilence.—Elleestmagnifique,Rune.Ilfixaitlaphotoquej’avaisadmiréequelquesinstantsplustôt.Monpèreétaitsurlepointderepartir

quandjemesuistournéverslui.—Merci,ai-jemurmuré.Ils’estarrêténet,lamainposéesurlapoignée.—Tun’aspasàmeremercier,Rune.Jamais.Ilafermélaporteetm’alaisséseul.J’aichoisideuxphotos,etjesuisretournéàl’étage.Entraversant

lecouloir,jesuispassédevantlachambred’Alton.Ilétaitassissursonlit,devantlatélé.J’aihésitéuninstant,puisjesuisentrédanssachambre.Altonm’asouri.—Hei,Rune.—Hei.Qu’est-cequeturegardes?—LeMonstredel’étang.Tuveuxleregarderavecmoi?Ilapasséunemaindanssescheveux.Ils’attendaitàcequejedisenon.Jelesentais.—D’accord.Ilaécarquillélesyeux.J’aiavancéd’unpas,etils’estdécalépourmefaireuneplacesursonpetitlit.

Jemesuisallongéàcôtédelui.Nousavonsregardélefilmensilence.Monpetitfrèrem’observaitducoindel’œil.J’aicroisésonregard,etilarougi.—J’aimebienpasserdutempsavectoi,Rune.—Moiaussi,Alton.Quelquesminutesplustard,ils’estendormi.J’aiéteintlatélévisionetjesuissortidesachambre.Ma

mèreétaitdanslecouloir,émueparlascèneàlaquelleellevenaitd’assister.Jeneluiairiendit.Jesuisentrédansmachambreetj’aifermélaporteàclé.J’aiposéunephotosurmonbureauavantdesortirparlafenêtrepourrejoindrePoppydanssachambre.Elledormaitencore. J’aienlevémon tee-shirtet j’aiposé l’autrephotoàcôtédesonoreiller,pour

qu’ellelavoiedèssonréveil.C’étaitcellequej’avaisprisedenousdeux,pendantnotrebaiser.Alors,jemesuisallongéàcôtédePoppy.Elleaposélatêtesurmontorse,enroulantunbrasautourde

mataille.Quatreempreintesdanslesable.

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NUAGESETÉTOILES

Poppy

Troismoisplustard

—Poppy?J’aiouvert lesyeuxet jemesuis redresséedansmon lit. J’ai tendu l’oreille, espérantnepasavoir

rêvé.—DeeDee?Des voix ont retenti dans le couloir, la porte s’est ouverte, et ma tante est apparue. Elle avait un

chignonsurlatêteetportaitsonuniformed’hôtessedel’air.Elleétaittoutepimpanteetsouriante.Elles’estassisesurlereborddulitpourmeserrerdanssesbras.—Qu’est-cequetufaislà,DeeDee?—Jet’emmène,a-t-elleréponduenmefaisantunclind’œil.Deux semaines plus tôt, ma tante avait passé Noël et le Nouvel An avec nous. Je la savais très

occupée,cemois-ci.Moi,j’étaisaulitdepuisplusieursjours.J’avaispassédesexamens,etmonniveaude globules blancs était trop bas. On m’avait fait une transfusion et donné des médicaments. J’étaisconfinéedansmachambrepouréviterdetombermalade.Lesmédecinsvoulaientquejeresteàl’hôpital,maisj’avaisrefusé.Jenevoulaispasperdremontempsloindechezmoi.Jesavaisquemoncancerétaitentraindeprogresser.Chaquesecondeétaitprécieuse,etj’étaisplusheureuseàlamaison.Runeétaitlàpourmeprotégeretm’embrasser.Jen’avaisbesoinderiend’autre.J’aijetéunœilàmonréveil.Ilétait16heures.Runerentreraitbientôtdulycée.Jel’avaisforcéàaller

encours.C’était sadernièreannée. Il lui fallaitdebonnesnotespourentrerà l’université. Je refusaisqu’ilmettesavieentreparenthèsesàcausedemoi.Matanteabondidulit.—Àladouche,Poppy!Onpartdansuneheure.J’avaisdesdizainesdequestionsàluiposer,maisDeeDeeestsortiedelachambreavantquej’enaie

letemps.Jemesuislevéeetjemesuisétirée.Jemesentaismieux.Plusforte.Assezfortepoursortirde

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lamaison.J’aiprismadouche,jemesuismaquilléeetjemesuisattachélescheveux,avecmonnœudblancsur

le côté. J’ai enfilé une robe verte et un pull blanc par-dessus. J’étais en train demettremes bouclesd’oreillesquandlaportes’estouverte.Runeestentré.Ilm’aprisedanssesbras,etj’aienroulélesmiensautourdesataille.Ilsentaitbon.Ilareculéd’unpasetilm’aembrassée.—Tuasl’aird’allermieux.—Jemesensmieux,Rune.—Super.Sinon,ilauraitfalluannuler.—Annulerquoi?Ilasourietapprochélabouchedemonoreille.—Notreprochaineaventure.Moncœurs’estemballé.—Uneaventure?Runem’adonnélamain,etnoussommessortisdemachambre.Iln’enparlaitjamais,maisjesavais

qu’ils’étaitfaitdusoucipourmoi,cesdernièressemaines.Jelevoyaisdanssesyeuxchaquefoisqu’ilmeregardait.Ilsedemandaitcombiendetempsilnousrestait.Ilétaitterrifié.Moi, j’étais prête à affronter les épreuves quim’attendaient. Je ne craignais pas lamort. Je savais

qu’unenouvellevies’ouvriraitbientôtdevantmoi.Pourtant,l’inquiétudedeRunesemaitledouteenmoi.Pluslesjourspassaient,plusj’avaispeurdelequitter.Peurdesonabsence.Peurdeneplussentirsesbrasautourdemoietsesbaiserssurmeslèvres.Runeacroisémonregard,commes’ilavaitludansmespensées.J’aihochélatêtepourlerassurer…

oupourmerassurermoi.—Ellenesortirapasdecettemaison!Lavoixdemonpèrearésonnéjusquedanslecouloir.Runeapasséunbrassurmesépaules.Toutle

mondeétaitdanslesalon.Monpèreétaitrougedecolère.Mamèreaposéunemainsursondos.Matanteavaitlesbrascroiséssurlapoitrine.—Poppy…amurmurémonpère.Ils’estapprochédemoi.Runeestrestéàmescôtés.—Qu’est-cequisepasse,papa?J’aiprissamaindanslamienne.Jemesuistournéeversmamère,quiapousséunsoupir.—On a organisé ce voyage il y a plusieurs semaines.Rune a demandé de l’aide à ta tante.On ne

pensaitpasquetasantésedétérioreraitaussivite.Tonpèreneveutpasquetupartes.—Partiroù?—C’estunesurprise,aréponduRune.Monpèrem’aregardéedroitdanslesyeux.—Tonniveaudeglobulesblancsesttropbas,Poppy,ettonsystèmeimmunitairetropfaible.Iln’est

pasprudentdeprendrel’avion.—L’avion?Jevaisprendrel’avion?

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Runeahochélatête.Mamèreaposéunemainsurmonbrasets’estéclaircilavoix.—J’enaiparléaumédecin.Ilpensequ’àcestadedetamaladie…tudevraisyaller,situenasenvie.Jesavaiscequesous-entendaitlemédecin.Ilmeconseillaitdevoyageravantqu’ilsoittroptard.—J’enaienvie.J’ailevélatêteetRunem’am’embrassée.Devantmafamille.Ils’estdirigéversmatante.Ilyavait

unevaliseparterre.Ill’aramasséeetl’aportéejusqu’àlavoiture.Monpèreaserrémamaindanslasienne.Ilétaitmortd’inquiétude.J’aidéposéunbaisersursajoue.—Jesaisquec’estrisqué,papa.Jesaisquetutefaisdusoucipourmoi,quetuaspeurquejesouffre.

Maiscequimefaitsouffrir,c’estderesterenferméecommeunoiseauencage.J’aibesoindesortir.Jeneveuxpaspasserlepeudesemainesquimerestentcloîtréedansmachambre.J’aibesoindevivre…J’aibesoindecetteaventure.J’avaisleslarmesauxyeux.Ilahésitéuninstant,puisilahochélatête.Unevaguedebonheurs’est

emparéedemoi.Jemesuisjetéedanssesbrasetilm’aserréefortcontrelui.J’aiembrassémamère.Matantem’atendulamain.Monpèrel’aregardéed’unairméfiant.—Jetefaisconfiance,DeeDee.Prendssoind’elle.—Tumeconnais,James.J’adoremanièce.Rienneluiarrivera,fais-moiconfiance.—Trèsbien.Etjeleurinterdisdedormirdanslamêmechambre.J’ailevélesyeuxauciel.Monpères’estlancédansunelistedeconditionsàrespecter,maisjenel’ai

pasécouté.J’airegardéRuneàtraverslaporteentrouverte.Ilétaitdosaumurdelamaison,unecigaretteàlabouche,sesgrandsyeuxbleusfixéssurmoi.Ilasouffléunnuagedefuméeetécrasésacigaretteparterre.J’ailâchélamaindeDeeDeeetj’aifermélesyeuxpourgravercetteimagedansmamémoire.Monmauvaisgarçon.MonViking.Jel’airejointdehorsetjemesuisblottiedanssesbras.Ilm’asoulevée,décollantmespiedsdusol.

J’aiéclatéderire.—Prêtepourunenouvelleaventure?—Prête.Ilaposésonfrontcontrelemien.—Jet’aime,Poppymin.—Jet’aimeaussi,Rune.Ilm’asourienmereposantparterre.Mesparentssesontplantéssurlepasdelaporte.DeeDees’est

dirigéeverslavoiture.—C’estparti!Jeneveuxpasqu’onratenotreavion.J’aiditaurevoiràmesparentsetjemesuisassiseàl’arrièreavecRune.Maindanslamain,comme

toujours.J’aijetéunœilparlavitretandisquematantereculaitdansl’allée.J’airegardélecieletlesnuages,conscientequejevoleraisbientôtparmieux.Jepartaisàl’aventure.UneaventureavecmonRune.

*

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—NewYork?ai-jerépétéenlisantl’écran.Runem’asourid’unairsatisfait.—Onavaitditqu’oniraitensemble,pasvrai?Ceserajustepluscourtqueprévu.J’en avais le souffle coupé. J’ai enroulémesbras autour de sa taille et j’ai posé la tête contre lui.

DeeDeeaéchangéquelquesmotsavecunehôtesseàlaported’embarquement.—Allez,lestourtereaux.C’estl’heure.Nousl’avonssuiviedanslecouloirquimenaitàl’avion.Ellenousaguidésjusqu’ànosplaces.Deux

siègesenpremièreclasse.Voyantmasurprise,matanteahaussélesépaules.—Àquoibontravaillerenpremièreclassesijenepeuxpasyfairevolermaniècepréférée?Jemesuisjetéedanssesbras,etellem’aserréeplusfort,pluslongtempsqued’habitude.Elles’est

écartéedemoi,leslarmesauxyeux,etelleadisparuderrièrelerideau.Runem’apriseparlamainetm’amontrélesiègecôtéhublot.—Pourtoi,Poppy.J’étaisexcitéecommeunepuce.Jemesuisassiseetj’aiobservélesgensquitravaillaientsurlapiste.

Touslesvoyageursontprisplace.L’avions’estmisàbouger.J’aipousséunsoupirdebonheur.—Merci,Rune.Ilm’aregardéedroitdanslesyeux.—JevoulaisquetuvoiesNewYork.Jevoulaisyalleravectoi.Ils’estpenchépourm’embrasser,maisjel’enaiempêché.—Tum’embrasserasdansleciel.Danslesnuages.Sonsoufflementholém’acaressélajoue.Ilafaitsemblantdebouder,alorsj’airitandisquel’avion

décollait. Une fois dans le ciel, Rune a plongé une main dans mes cheveux et m’a embrassée avecpassion.Jemesuisagrippéeàsontee-shirtetj’aicaressésalangueaveclamienne.—Baisernumérohuitcenthuit.Dansleciel,avecmonRune.Moncœurapresqueéclaté.Lorsquel’avionaatterri,j’avaisplusdedixbaisersàajouteràmonbocal.

*

—C’estpournous?DeeDeeavaitréservénonpasunechambre,maisunesuitedansunluxueuxhôteldeManhattan.Même

Runen’enrevenaitpas.—Tamèren’estpasaucourant,maisjesorsavecquelqu’undepuisquelquesmois.Disonsquec’est

uncadeaudesapart.Ellem’afaitunclind’œil.J’étaistellementcontentepourelle!Matanteétaitcélibatairedepuisdes

années,etjevoyaisàsatêtequecethommelarendaitheureuse.—Ill’aréservéerienquepournous?—Ilnel’apasréservée.Ilestpropriétairedel’hôtel.J’ensuisrestéebouchebée.Runeaposéundoigtsurmonmentonpourlafermer.

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—Tuétaisaucourant?—DeeDeem’aaidéàtoutorganiser.—C’estbiencequejedisais!Tuétaisaucourant.Rune s’est contenté de hausser les épaules. Il a porté la valise dans la chambre, ignorant les

instructionsdemonpère.—Cegarçonestfoudetoi,aditmatante.—Jesais.J’étaisheureuse,malgrélapeurquiprenaitpeuàpeuplacedansmonventre.—Merci,DeeDee.—Jen’ysuispourrien.C’estRunequ’ilfautremercier.Jen’aijamaisvudeuxadosaussiamoureux

demavie!Profitedetontempsaveclui,mapuce.—Promis.Elles’estdirigéeverslaporte.—Onesticipourdeuxnuits.JeseraiavecTristandanssasuite.Appelle-moisi tuasbesoin.Jene

seraipasloin.—D’accord.Ellea fermé laportederrièreelle.Cetendroitétait incroyable.Lesplafondsétaient trèshautset la

pièceétaitgigantesque.LabaievitréeoffraitunevuepanoramiquesurNewYork.J’aireconnuleslieuxmythiquesquej’avaisvusdanslesfilms:l’EmpireStateBuilding,CentralPark,lastatuedelaLiberté,leFlatironBuilding,laFreedomTower…Ilyavaittellementdechosesàvoir!Devantmois’étendaitlaville dans laquelle j’aurais dû vivre, où jeme serais sentie chezmoi.Mes racines étaient àBlossomGrove,maisNewYorkm’auraitdonnédesailes.EtRuneauraitétéàmescôtés.Ilyavaituneporteàmagauche,quidonnaitsuruneterrasse.Curieuse,j’aitournélapoignée.Unvent

glacé s’est engouffrédans lapièce. J’ai fermémonmanteauet je suis sortie. Ily avaitunbancetdesfleursd’hiverenpots.Desfloconsdeneigetournoyaientautourdemoi.J’aijetélatêteenarrièrepourles sentir sur mon visage. Ils se sont écrasés sur mes cils, chatouillant mes paupières. J’ai marchéjusqu’au bout de la terrasse.Une plaque était fixée aumur, décrivant le panorama.Runem’a rejointedehors.Ilaenroulélesbrasautourdematailleetposélementonsurmonépaule.—Tuesheureuse,Poppy?Ilparlaitàvoixbasse,commepournepasperturbercehavredepaix.—Jen’arrivepasàycroire,Rune.Tum’asoffertNewYork!Ilm’aembrasséesurlajoue.—Ilesttard.Unegrossejournéenousattenddemain.Ilfautquetutereposes.Jemedemandaiscequ’ilavaitprévu.Toutàcoup,uneidéem’atraversél’esprit.—Rune?—Ja?—Est-cequejepourraiaussit’emmenerquelquepart?—Biensûr.

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Ilaplongésesyeuxdanslesmiens,essayantdecomprendrecequejemanigançais.Ilnem’apasposédequestion.Tantmieux.Sijeleluiavaisdit,ilauraitrefusé.—Merci,Rune.Ilm’avaitoffert cevoyage, et je luioffriraisquelquechoseenéchange. Jevoulais lui rappeler son

rêve,unrêveréalisablemêmeaprèsmondépart.—Ilestl’heurededormir,Poppymin.—Avectoiàmescôtés.—Biensûr.Jet’aifaitcoulerunbainetj’aicommandéàmanger.Après,aulit.Jemesuisretournéeetjemesuismisesurlapointedespieds.J’aiposélesmainssursesjoues.Elles

étaientglacées.—Jet’aime,Rune.Je le lui répétais souvent, et je le pensais toujours autant. Je voulais qu’il sache à quel point je

l’adorais.Runeapousséunsoupiretm’aembrasséeavectendresse.—Jet’aimeaussi,Poppymin.Ilm’aguidéejusqu’àlasalledebains.Aprèsmonbain,nousavonsmangéetnoussommesallésnous

coucher.Jemesuisblottiecontreluiaumilieudel’immenselitàbaldaquin.Jemesuisendormiedanssesbras,unsourireauxlèvresetdanslecœur.

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CŒURETBEAUTÉ

Poppy

Moiquipensaisconnaîtrelevent,rienn’étaitcomparableauxbourrasquesglacéesquifouettaientnosvisages au sommet de l’Empire State Building. Moi qui pensais avoir été embrassée de toutes lesmanièrespossibles, rienn’était comparable auxbaisersqueRunem’avaitoffertsdevant le châteauduBelvédère à Central Park, sur la couronne de la statue de la Liberté et au milieu de Times Square,entourésdepassantspressés.Lesgensallaienttropvite.Ilsavaientletempsdevivre.Pasmoi,etj’essayaisdeprofiterdechaque

instant.Desavourerchaqueexpérience.Derespireretd’entendrechaqueodeuretchaquebruit.Chaquebaiserétaitdifférent.Certainsétaient lentsetdoux.D’autresrapidesetpassionnés.Tousme

rendaientheureuse.Tousfiniraientdansmonbocal.Après avoirmangéundélicieux repas auStardustDiner–devenumon troisièmeendroit préféré au

monde–,noussommessortis,maindanslamain,surletrottoirenneigé.Runearemontémoncolautourducou.C’étaitàmontourdel’emmenerdansunendroitsecret.—Tuasdeuxheures,Poppy.Après,onreprendmonprogramme.Jeluiaitirélalanguepourletaquiner.Ilm’aembrasséeavecpassion.Ilaécartésonvisagedumienet

ilm’aoffertungrandsourire.—Tul’ascherché.Depuis son retour d’Oslo, nous n’étions pas allés plus loin.Au fil des semaines, j’ai senti l’envie

renaîtreenmoi.Lessouvenirsdenotrepremièrenuitensembledéfilaientdansmatête,vifsetpuissants.Je ne souvenais encore de son regard, de sa chaleur, de ses caresses. Jeme souvenais de son visageaprès.Nous savionsquecetteexpériencenousavait changésà jamais.Nousétions liéspour toujours,corpsetâmes.Runeaposéunemainsurmajoue.—Tuesbrûlante.—Jevaisbien.J’aiprissamaindanslamienneetj’aicontinuéàmarcher.Ilavaitl’airinquiet.—Poppy…

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—Jetejurequejevaisbien.Ilaglisséunbrassurmesépaulesetj’aicherchélenomdelarue,essayantdemerepéreretdetrouver

monchemin.—Oùest-cequetum’emmènes,Poppymin?J’airefuséderépondre.Runes’estalluméunecigarette.J’enaiprofitépourregarderautourdemoi.

J’adorais New York. J’adorais ses habitants, ses artistes, ses hommes d’affaires et ses rêveurs, tousdifférentsmaistousliés.J’adoraislesruesbondéesetlescoupsdeklaxon,lasymphonieparfaited’unevillequinedormaitjamais.J’aiaspiréunegrandeboufféed’airet inhalé l’odeurdeneigefraîche,mêléeàcelledelafuméede

cigarette,désormaisfamilière.—C’estcequ’onauraitvécu,ai-jemurmuré.Runeatournélatêteversmoi.—On aurait exploré la ville, bu des cafés avec nos amis, traversé les rues pour aller en cours ou

rentreràlamaison.Tum’auraisserréecontretoi,commeaujourd’hui,ettum’auraisracontétajournée.L’imageétaitordinaire,maisellem’afaitsourire.Jen’avaispasbesoindegrandsgestesnidecontes

defées.Jenedemandaispaslalune.Toutcequejevoulais,c’étaitunevienormaleaveclegarçonquej’aimais.Rune est resté silencieux. Lorsque je parlais ouvertement d’un avenir qui n’aurait pas lieu, Rune

préféraitsetaire.Jelecomprenais.Ilessayaitdepréserversoncœurdéjàbrisé.Jesavaisquej’enétaislacausemaisj’espérais,aufonddemoi,êtreaussisonremède.J’aienfinaperçulabannièreaccrochéeaubâtiment.—Onyestpresque.Runearegardéautourdelui.Jenevoulaispasqu’ilcomprenneoùjel’emmenais.Pasencore.Ilafini

sa cigarette et l’a écrasée par terre. Je l’ai guidé jusqu’à l’immeuble en question avant de retirer nosticketsàl’accueil.Runeapayéàmaplace.Jel’aiembrassésurlajouepourleremercier.—Unvraigentleman.—Cen’estpascequepensetonpère.J’aiéclatéderire.Ilm’aattiréecontrelui.—Chaquefoisqueturis,j’aienviedeteprendreenphoto.—Jesais,Rune.Ilétaitheureuxavecmoi.Moi,jevoulaisqu’ilapprenneàêtreheureuxseul,mêmesijeresteraiàses

côtéslongtempsaprèsmamort.—Suis-moi.Maindanslamain,nousnoussommesdirigésverslesportesbattantesquidonnaientsurl’exposition.

Lasalleétaitimmenseetlesmursétaientrecouvertsdephotographies.Runes’estarrêtéàl’entrée.J’ailevélatêtejusteàtempspourvoirsaréaction.Ilavaitl’airàlafoissurprisetfasciné.Sonrêveétaitlà,devantlui.Uneexpositiondephotographiesquiavaientmarquéetchangélemonde.Ilm’aregardéedroitdanslesyeux.J’aiposéunemainsurl’appareilphotoaccrochéàsoncou.—J’aientenduparlerdecetteexpositionl’autrejour.Ilfallaitquetulavoies,Rune.Elleestlàjusqu’à

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l’annéeprochaine,maisjevoulaislapartageravectoi.Ilaclignédesyeuxetserrélamâchoire.Jenesavaispassic’étaitbonoumauvaissigne.J’aiattrapé

unguide,etnousavonsavancéjusqu’à lapremièrephotographie, leportraitd’unmarinquiembrassaitune infirmièreaumilieudeTimesSquare. J’ai lu la légende :«NewYork.14août1945.V-JDay inTimesSquare,parAlfredEisenstaedt.»J’aisentil’excitation,laliesseetlajoiequisedégageaientdecetteimage.Commesij’yétais,commesijepartageaiscetinstantaveceux.Runeaétudiélaphoto,latêtepenchéesurlecôté.Sonexpressionn’apaschangé,maissamâchoire

s’estdétendue.Sesdoigtsontremuécontrelesmiens.J’aipousséunsoupirdesoulagement.Ilavaitbeaulecacher,jesentaisqu’iladoraitdéjàcetteexposition.Jel’aiguidéjusqu’àladeuxièmephotographie.J’aiétésecouéeparlapuissancedecetteimage.Un

convoidetanksetunhommeentraversdelaroute,leurbloquantlechemin.«PlaceTian’anmen,Pékin.5 juin1989.Unhommetentedebloquer laprogressiond’unecolonnedechars lorsdesmanifestationscontrelegouvernementchinois.»—C’esttriste,ai-jemurmuré.Runeahochélatête.Chaquephotographieprovoquaitenmoiuneémotiondifférente.Cetteexposition

prouvait qu’une simple image pouvait avoir un réel impact sur notre société, et que l’humanité étaitcapabledumeilleur,commedupire.Ellesoulignaitlaviedanssaformelapluspure.Jen’aipaspuregarderlasuivante.Ils’agissaitd’unenfantaffamé,amaigri,surveilléparunvautour.

Runes’estapprochéducadre.Jel’aiobservéentraind’étudierl’image.Sapassionétaitentrainderenaître.Enfin.—C’est une des photos les plus controversées de l’histoire, a-t-il dit sans la lâcher du regard.Le

photographecouvrait la famineenAfrique. Il est tombésurcet enfantquicherchaitde l’aide, aveccevautour qui rôdait autour de lui, attiré par lamort. En une image, il amontré l’étendue de la faminecommeaucunautrejournaliste.Grâceàcettephoto,lesgensontprisconsciencedel’ampleurdudrame.Onaenvoyédessecours,etlapresseenaparlédavantage.Cettephotoachangéleurmonde.Nousavonsmarché jusqu’à lasuivante.J’avaisdeplusenplusdemalàregarderces images.Elles

dégageaient tropdesouffrance.Jesavaisqu’unphotographecommeRunevoyaitenellesuneformedepoésie,aussichoquantessoient-elles.Unmessageprofondetinfini,capturéenuninstant.—Cemoine bouddhiste s’est immolé pendant unemanifestation contre la guerre duVietnam. Il est

restéimmobilejusqu’aubout.Ilaenduréladouleurpourfairepasserunmessagedepaix.Sonacteamisenavantlafutilitédecetteguerreetladétressequ’ellecausait.Runem’aracontél’histoiredechaquephotographie,jusqu’àlatoutedernière.C’étaitleportraitd’une

jeunefemme.Laphotoétaitennoiretblancetsacoupedecheveuxsemblaitdaterdesannéessoixante.Elledevaitavoirunevingtained’années.Ellesouriait.JeluiaisourienretouretjemesuistournéeversRune.Ilnelaconnaissaitpasnonplus.Iln’yavait

qu’untitre:«Esther.»J’aiouvertmonguideetj’ailul’explication,leslarmesauxyeux.—EstherRubensteinétaitlafemmedumécènedecetteexposition.Décédéed’uncanceràl’âgede

vingt-sixans,elleaétéplacéedanscetteexpositionparsonmariqui,depuissadisparition,nes’estjamaisremarié.C’est luiqui l’apriseenphoto,Rune. Ilditquecettephoton’apaschangé lemonde,maisqu’Estherachangélesien.Deslarmesontdévalémesjoues.Runeabaissélatête.J’aiglisséunemèchedecheveuxderrièreses

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oreilles.Sonexpressionmebrisaitlecœur.—Pourquoim’as-tuemmenéici,Poppy?—Parcequec’estcequetuaimes.OnestàlaTish,Rune.L’universitédetesrêves.Jevoulaisquetu

voiesdequoituétaiscapable,dequoitonavenirestfait.Jemesuismiseàbâiller.—Tuesfatiguée.Ilavaitraison.J’étaisépuisée.J’avaisbesoinderepos.Runem’apriseparlamain.—Allonsreprendredesforcesavantcesoir.Jel’airetenu,refusantdemettrefinàcetteconversation.—S’ilteplaît,Poppymin.Jeneveuxpasenparler.NewYork,c’étaitnotrerêve.Àquoibonvenirici

sanstoi?J’aibaissélesbras.Jenevoulaispaslevoirsouffrirdavantage.Ilm’aembrasséesurlefront,etnous

sommessortispourappeleruntaxi.Deretouràl’hôtel,nousnoussommesallongéssurlelit,etjemesuisendormieaveclevisaged’Estherdanslatête.Jemedemandaiscommentsonmaris’étaitremisdesondépart.Jemedemandaiss’ilenétaitremistoutcourt.

*

—Poppymin?LavoixdeRunem’atiréedemonsommeil.Lachambreétaitplongéedanslenoir.J’aiallumélalampe

dechevet.Runeportaituntee-shirtblancsousunevestemarron,sonjeannoiretsesbottesnoires.—Tuestrèsélégant.Ilasourietm’aembrasséetendrement.Ilvenaitdeselaverlescheveux.Illesavaitmêmepeignés.Les

mèchesdoréesétaientdoucescommedelasoie.—Commenttutesens?—Unpeufatiguéeetcourbaturée,maisçava.—Tuenessûre?Onn’estpasobligésdesortircesoir.J’aiapprochémonvisagedusien.—Jeveuxsortir,Rune.Surtoutsituportescetteveste.Jenesaispascequetuasprévu,maisçaal’air

spécial.—Jepensequeoui.—Alors,allons-y.Ilm’aaidéeàm’asseoir.—Jet’aime,Poppymin.—Jet’aimeaussi,Rune.Ilétaitchaquejourdeplusenplusbeau,etsatenuedecesoirfaisaitbattremoncœurcommejamais.—Jenesaispasquoimemettre,ai-jeavoué.

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Ilm’afaitsignedelesuivredanslesalon.Unedamenousyattendait.Desaccessoiresdecoiffureetdemaquillageétaientétaléssurlatabledevantelle.Surprise,jemesuistournéeversRune.Ilapasséunemaindanssescheveux.—C’esttatantequiatoutorganisé.Ellevoulaitquetusoisparfaite.Mêmesitul’esdéjà.Iladéposéunbaisersurmamain.—Vas-y,Poppy.Onpartdansuneheure.Ilm’aprésentéeàJayne,lastyliste,etils’estassissurlecanapéàl’autreboutdelapièce,avecson

appareil autour du cou. Jayne a commencé parme coiffer. Pendant lesminutes qui ont suivi, Rune acapturéchaqueinstant.Jamaisjenem’étaissentieaussiheureuse.

*

Jayneainspectésontravailunedernièrefoiset,aprèsunderniercoupdepinceau,ellem’asouri.—Voilà,Poppy.Tuesprête.Ellearassemblésesaffairesetm’aembrasséesurlajoue.—Profitebiendetasoirée.—Merci,Jayne.Jel’airaccompagnéeetj’aifermélaportederrièreelle.Runes’estlevéetapasséunemaindansmes

cheveuxfraîchementbouclés.—Tuesmagnifique,Poppymin.—C’estvrai?Ilasoulevésonappareiletaprisunephoto.—Parfaite.Noussommesretournésdanslachambre.Unerobenoiretailleempireétaitaccrochéeàlaporte,etune

pairedechaussuresàtalonsétaitposéesurlamoquette.Runeaattrapélarobeetl’aétaléesurlelit.—Habille-toi,Poppy.Ilestbientôtl’heure.Runeestsortidelachambreetj’aienfilélarobeetleschaussures.J’aiadmirématenuedanslemiroir

delasalledebains.Jenereconnaissaispaslafilledanslereflet.J’avaislescheveuxbouclésetlesyeuxmaquillés.Mespendantsd’oreilles étaientmis envaleurparmacoiffureet s’accordaientparfaitementavecmarobe.Runeafrappéàlaporte.—Tupeuxentrer,ai-jeditsansmedécollerdumiroir.J’aivusaréactiondanslereflet.Luinonplusn’encroyaitpassesyeux.Ilaposélesmainssurmes

épaules.Marobeétaitlégèrementdécolletée,avecdelargesbretelles.Runeadéposéunbaiserdansmoncou.J’aitournélatêteverslui,etilm’aembrassée.Ilaattrapélenœudblancsurlemeubledelasalledebainsetill’aattachédansmescheveux.—Tuessublime.Le désir dans sa voix m’a donné des frissons. Il m’a prise par la main et nous avons traversé la

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chambre.Unmanteaum’attendaitdanslesalon.Commeunvraigentleman,ilm’aaidéeàl’enfiler.—Prête?—Prête.Unelimousinenousattendaitàl’entrée.Runearéponduàmaquestionavantmêmequejenelapose:—DeeDee.Nousnoussommesassissurlabanquettearrière.Lechauffeurafermélaportièreetlalimousines’est

frayéuncheminlelongdel’avenue.Lestrottoirsgrouillaientdemonde.J’airegardéManhattandéfilerderrièrelavitrejusqu’àcequenousapprochionsdenotredestination.J’aivulebâtimentavantmêmedesortirdelalimousine.Moncœurs’estemballé.Jemesuistournée

versRune,mais il était déjà sorti. Il a ouvert la portière etm’a tendu lamain. Je suismontée sur letrottoir,lesyeuxlevésversl’immensebâtiment.—CarnegieHall,ai-jemurmuré.Runeafermélaportière,etlechauffeurestreparti.—Suis-moi,Poppymin.Nousnoussommesdirigésversl’entrée.J’avaisbeauchercherunindicesurlesmurs,jenesavaispas

qui jouait ce soir-là. Rune a poussé la porte, et un homme nous a accueillis à l’entrée. Nous avonstraversélehalletsommesentrésdanslasalle.J’enaieulesoufflecoupé.J’étaisauCarnegieHall!Unedessallesdeconcertlesplusconnuesaumonde.J’aibalayélasalleduregard:lesbalconsdorés,lessiègesetlestapisrouges.Nousétionsseuls.Pasdepublic.Pasd’orchestre.Runeavaitl’airnerveux.Ilamontrélascènedudoigt.Unechaiseetunvioloncelletrônaientaucentre.

Jenecomprenaispas.Ilm’aguidéelelongdel’alléeets’estarrêtédevantdesmarchesprovisoiresquidonnaientsurlascène.—Tuauraisdûjouericientantqueprofessionnelle,Poppymin.Avecl’orchestredetesrêves.Lavie

estinjuste.Onsaittouslesdeuxqueçan’arriverapas,maisjevoulaisaumoinst’offrircettechance.Jevoulaisquetutouchesàtonrêve,quetubrillessouslesprojecteurs.Tulemérites,Poppy.Entantquemusicienne,etparcequejet’aimeplusquetoutaumonde.L’ampleurdesongestem’aémueauxlarmes.—Est-ceque…Comment…Commentas-tufait?Runen’apasrépondu.Ils’estcontentédemetendrelamainetilm’aaidéeàmonterlesmarches.—Cesoir,cettescèneestàtoi,Poppymin.Jesuisdésoléd’êtreseuldanslepublic,maisjevoulais

quetujouesdanscettesalle.Jevoulaisquetamusiquelaremplisseets’imprègnedanssesmurs.Ilaposélesmainssurmesjouescouvertesdelarmesetilaappuyésonfrontcontrelemien.—Tulemérites,Poppy.Tuauraisdûavoirletempsderéalisertonrêve,mais…mais…—Çavaaller,Rune.J’ai souri à traversmes larmes. J’entendaispresque l’échodesmusiciensqui avaient joué sur cette

scène,quiavaientembellicelieudeleurpassionetdeleurgénie.J’aiimaginélasallerempliedespectateurs.Deshommesetdesfemmespassionnésdemusique.Jene

trouvaispaslesmotspourdécrirecequejeressentaisàcetinstantprécis.Cecadeauétaitlepluspur,leplusdouxetleplusbeauqu’onm’aitoffert.

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J’aimarchéjusqu’àlachaisequim’attendaitaucentredelascène.J’aipasséunemainsurlecuirnoiretsurlevioloncelle,cetinstrumentquejevoyaiscommel’extensiondemonproprecorps,quimerendaitheureuseetm’emplissaitdetranquillité,desérénitéetd’amour.J’aidéboutonnémonmanteau.Runel’arécupéré,ilm’aembrasséesurl’épauleetilestdescendude

scène.Unprojecteurs’estalluméet les lumièresdelasallesesont tamisées.J’aiavancéd’unpas.Leclaquement de mes talons a résonné dans la salle vide, redonnant vie à mes muscles affaiblis. J’aisoulevélevioloncelleetj’aiattrapél’archetdansmamaindroite.Jemesuisassiseaveccetinstrument,le plus bel instrument que j’ai vu de ma vie, et j’ai fermé les yeux. J’ai pincé chaque corde pourm’assurerqu’ilétaitaccordé.Ilétaitparfait.Jemesuisassisesurleborddelachaiseetj’ailevélatêteversleprojecteur,commes’ils’agissaitdu

soleil.J’aifermélesyeux,j’aiposél’archetsurlescordes…etj’aijoué.LespremièresnotesdupréludedeBachsesontenvolées,remplissantlasalled’unsondivin.Jeme

balançaisenrythmeavecl’instrument,laissantlamusiques’échapperdemoi,mettremonâmeànu.Dansmatête,chaquefauteuilétaitoccupé.Lesspectateursécoutaientmamusique,unairquilesfaisaitpleurerd’émotion,quitouchaitleurscœursetlesemplissaitdepassion.Lachaleurduprojecteurréchauffaitmesmusclesetatténuaitmadouleur.Lemorceautouchaitàsafin.

J’enaijouéunautre.J’aijouéjusqu’àcequej’enaiemalauxdoigts,jusqu’àcequ’unsilences’abattesurlasalle.Unelarmeadévalémajoue.Jesavaisquelmorceauviendraitensuite.Celuiquimetouchaitplusque

tout autre, et que j’avais toujours rêvé de jouer sur scène. Celui qui resterait ancré dans ces murslongtempsaprèsmondépart.Celuiquisigneraitlafindemonaventuremusicale.Aprèsavoirjouédanscettesallemagnifique,jenetoucheraisplusàunvioloncelle.Plusjamais.J’allaisdireadieuàlapassionquim’avaittenueenvie,cellequim’avaitsauvéequandj’étaisseuleet

perdue. J’allais laisser une partie demon cœur sur cette scène.Mes dernières notes danseraient danscettesallepourl’éternité.J’avais lesmainsqui tremblaient et les jouescouvertesde larmes.Cen’étaitpasde la tristesse. Je

pleuraispourdeuxamies : lamusique,et laviequiendécoulait. Ilétait tempsde leurdireau revoir,mêmesijesavaisquejelesreverraisunjour.J’ai posé l’archet sur les cordes et j’ai joué Le Cygne du Carnaval des animaux. Mes mains,

désormaisassurées,ontentonnécettemélodieque j’aimais tant.Lagorgeserrée, j’ai jouéchaquenotecommeuneprière,chaquecrescendocommeunhymne.J’airemerciéleDieuquim’avaitoffertcedon.J’airemerciél’instrumentquinefaisaitqu’unavecmoi.Enfin,j’airemerciélegarçonassisdanslenoir.Celuiquiaimaitlaphotographiecommej’aimaislamusique.Celuiquim’avaitdonnésoncœurilyatantd’années.Celuiquim’avaitoffertcettechance,cecadeau,cerêvequemonavenirm’interdisait.Monâmesœur.Ladernièrenotea retentietmes larmessesontécraséessur leplancherde lascène.Je l’ai laissée

résonner,undernieréchomontantauparadisetprenantplaceparmilesétoiles.Jemesuis levéeet j’ai salué, imaginant lesapplaudissementsdupublic. J’aiposé levioloncelleet

l’archetetj’aidescendulesmarches.Leslumièresdelasallesesontrallumées,éteignantlesvestigesdemonrêve.C’étaitfini.Runeétaitassis, lesjouesrougiesparleslarmes.Ilavaitcomprisquec’était ladernièrefoisqueje

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jouerais.Ilyavaitdanssesyeuxunmélangedetristesseetdefierté.Ilm’a rejointedevant la scèneet ilm’aembrassée.Unbaiserpleind’amour.Unamourquepeude

jeunesdenotreâgeavaientlachancedevivre.Unamoursansfrontières,deceuxquiinspirentlamusiqueàtraverslesâges.Cebaiserauraitsaplacedansmonbocal,plusquetoutautre.Baisernumérohuitcentdix-neuf.Lebaiserquiatoutchangé.Lebaiserquiprouvaitqu’unjeuneNorvégienauxcheveuxlongsetqu’unejeunefilleduSuddesÉtats-Unispouvaients’aimer.Lapreuvequel’onpouvaits’aimerchaqueminute,chaquesecondequelavienousoffrait.—Jen’aipasdemots,Poppy.Dansaucunedemeslangues.Jeluiaisouri.Lesilenceétaitbienplusfortquedesparoles.Jel’aiprisparlamain,etnoussommessortisdelasalle.Nousavonstraversélehalld’entréeavantde

nousengouffrerdanslefroiddefévrier.Notrelimousinenousattendait.Nousavonsprisplaceàl’arrière.JemesuisblottiecontreRunetandisquelechauffeurnousramenaitàl’hôtel.Nousn’avonsrienditdetout le trajet, ni dans l’ascenseur. Le bruit de la carte électronique dans la serrure a résonné dans lecouloirvide,brisantlesilence.J’aiouvertlaporte,meschaussuresclaquantcontrelesol,etj’aitraversélesalonjusqu’àlachambre.Runem’asuivie,etnosregardssesontcroisés.J’avaisbesoindelui.Enviedelui.Ilaserrémamain

danslasienne.Unevaguedecalmes’estemparéedemoi,metraversantcommeunerivière.J’ailâchésamain et, le cœur battant, j’ai enlevé monmanteau et je l’ai laissé tomber par terre. J’ai enlevé meschaussures.Runerespiraitfort.Sontee-shirtblancmettaitenvaleursontorsemusclé.J’aiposélesmainssur ses épaules et j’ai enlevé sa veste.Rune était immobile commeune statue, le regard perçant. J’aipasséunemainsursonventre,sesbras,etj’aiembrassésesdoigts,entrelacésaveclesmiens.J’aireculéd’unpas,leguidantverslelit.Jemesentaisàl’aise.Enpaixavecmoi-même.Empreinte

dedésir,j’aisoulevéletee-shirtdeRune,etill’ajetéparterre.J’aiexplorésonventreetsontorseduboutdesdoigts.J’aiposémeslèvrespar-dessussoncœur.—Tuesparfait,RuneKristiansen.Leslarmesauxyeux,ilapasséunemaindansmescheveux.—Jegelskerdeg.Jet’aime.J’aienlevéunebretelle,puisl’autre,etj’ailaissétombermarobeàmespieds,dévoilantmoncorpsau

garçonque j’aimais. J’étaisnue, révélant lescicatricesdecesdeuxdernièresannées, symbolesdemabataille.Runeabalayémoncorpsduregard.Iln’avaitpasl’airdégoûté.Jen’aivuquedel’amoursursonvisage.Dudésir,etuneémotionplusfortequetout.Ilaplaquésontorsecontremapoitrineetilaglisséunemèchedecheveuxderrièremonoreille.Ila

effleurémoncouduboutdesdoigts.J’aifrissonnédeplaisir.Sonsoufflementholém’acaressélapeautandisqu’ildéposaitdesbaiserssurmesépaules.—Poppymin…—Fais-moil’amour,Rune.Il a posé sa bouche contre lamienne.Cebaiser était doux comme la nuit. Plein de promesses. Il a

glissélesmainsdanslacourburedemanuque,puissurmataille.Ilm’asoulevéeetm’aallongéesurlelit.Sansmequitterdesyeux,ilaenlevélerestedesesvêtementsets’estallongécontremoi.Moncœurbattaitlachamade.

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—Jet’aimeaussi,Rune.Ilafermélesyeux,commes’ilavaitbesoind’entendrecesmots.Ilm’aembrasséeavecpassion.J’ai

caressésondosetsescheveux.Ilaenlevémessous-vêtementsetlesajetésparterre.—Tuenessûre,Poppymin?—Certaine.J’aisouri.Jel’ailaissém’embrasseretexplorermoncorps.Avecchaquebaiser,chaquecaresse,ma

peurs’estenvolée,jusqu’àcequenousredevenionsPoppyetRune,liésàjamais.Runem’afaitsienne.Moncorpss’estemplidelumière.Moncœurdébordaitd’amouretdebonheur.Puisnous sommes redescendus surTerre. Jeme suisblottie contre lui.Nospeauxétaientbrûlantes,

couvertesdesueur.J’aifermélesyeux,refusantdebriserlamagiedel’instant.Runealevélatêteetjel’aiembrasséavectendresse.—Baisernumérohuitcentvingt.AvecmonRune,àNewYork.Leplusbeaujourdemavie.Moncœur

apresqueéclaté.Runes’estallongéàcôtédemoietm’aprisedanssesbras.J’aifermélesyeuxetjemesuisassoupie.

Iladéposéunbaisersurmonfrontets’estlevédiscrètement.Laportedelachambres’estferméeetcelledelaterrasses’estouverte.Curieuse,j’aienfilélepeignoiraccrochéàlaporteet leschaussonsposésaupieddulit.J’aisouri,

enivrée par l’odeur de Rune sur ma peau. Je suis entrée dans le salon et je me suis dirigée vers laterrasse.Monsourires’estaussitôtenvolé.Runeétaitdehors,àgenoux.Enlarmes.Ilétaittorsenu,danslefroidetlaneige.Soncorpsétaitsecoué

desanglots.J’ai ouvert la porte. Mes pieds se sont enfoncés dans la fine pellicule de neige qui recouvrait la

terrasse.Runenem’apasentenduearriver.Ilétaitrongéparladouleur,lesmainsposéessurlesolglacé.J’aienroulémesbrasautourdelui,etils’esteffondré.Desmilliersdelarmescoulaientlelongdeses

joues et s’écrasaient par terre. Je l’ai bercépour le calmer, essayantmoi-mêmede respirermalgré ladouleur.LadouleurdevoirRunesouffrir,etdesavoirquejepartiraisbientôt.J’avaisacceptémonsort,maisj’avaisencoreenviedemebattrepourresteravecRune,pourRune,mêmesic’étaitpeineperdue.Mondestinétaitécrit.Meslarmesontdévalédanssescheveux.Runealevélatêteversmoi.—Jeneveuxpasteperdre,Poppymin.Jeneveuxpasteregarderpartir.Jenepeuxpasvivresanstoi.Ilavaitlevisagedéforméparlechagrin.—Tuestropjeune,Poppy!Notreamouresttropfort!—Jesais,moncœur.J’ai détourné le regard pour ne pas éclater en sanglots, moi aussi. Les lumières de New York

scintillaientànospieds.—C’est mon destin, Rune. Je veux croire que tout cela a un sens. Sinon, je serais rongée par le

désespoiràl’idéed’abandonnerceuxquej’aime.Det’abandonnertoi.Surtoutaprèscesoir.Runes’estlevéenpleurant.Ilm’aprisedanssesbrasetm’aportéejusqu’àlachambre.Jeluienétais

reconnaissante.J’étaisàboutdeforces.J’aiposéla têtecontresontorseet j’aifermélesyeux.Ilm’a

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glisséesouslacouvertureets’estallongécontremoi.Ilavaitlesyeuxrougesetlescheveuxtrempés.—Quand tu as joué sur scène, ce soir… j’ai su que tu disais au revoir. J’ai pris conscience de la

réalité. Je ne peux plus respirer, Poppy. Chaque fois que j’imagine ma vie sans toi, je ne peux plusrespirer. J’ai déjà essayé, pendant deux ans… mais c’était différent. Je savais que tu étais vivante,quelquepart.Bientôt…Bientôt…Lessanglotsl’ontempêchédeterminersaphrase.J’aiposéunemainsursajoue.—Est-cequetuaspeur,Poppymin?—Jen’aipaspeurdemourir.J’aimeraisjustequ’onm’accordeplusdetemps,plusdejourspassés

danstesbras,plusdeminutesàt’embrasser.Runeaserrélesbrasautourdemataille.—J’aipeurdet’abandonner,Rune.Jen’aipaspeurdemourir,maisj’aipeurdepartirsanstoi.Quand

tuétaisàOslo,jepensaisàtoitouslesjours.Jejouaistesmorceauxpréférésetjelisaisnosbaisersdansmonbocal.Quandjefermaislesyeux,jesentaistabouchecontrelamienne.Jerepensaisàladernièrenuitqu’onapasséeensemble.Tun’étaispasavecmoi,mais tuétaisdansmoncœur.C’était suffisant,mêmesi j’étaismalheureuse.Aujourd’hui,c’estdifférent.Tuesrevenu,etc’estencoreplusfort.Jenesuisriensanstoi,Rune.J’aiéclatéensanglots.—Poppy…—Je t’ai blessé en t’aimant.Etmaintenant, je dois partir à l’aventure sans toi ! Je ne veux pas te

laisserseuldanstonchagrin…Çamebriselecœur,Rune.Ilm’a serréedans sesbras, et j’ai pleurépendantdesheures.Nous avonspartagénospeurs et nos

angoisses.J’aiposélesmainssursondos,réconfortéeparsachaleur.Quandnoslarmessesontséchées,Runeaguidémonvisageverslesien.—Àquoiressembletonparadis,Poppy?—Àunrêve.Unsourires’estdessinésursonvisage.—J’ailuquelquepartqu’àchaquefoisquel’onrêve,onvisitenotreparadis.Lemien,ceseratoiet

moiàdix-septans,danslacerisaie.Pourl’éternité.J’aiattrapéunemèchedoréeentrelesdoigts.—Est-cequ’ilt’arrivedefairedesrêvestellementréalistesquetuasl’impressionqu’ilsontvraiment

eulieu?—Ja.—C’estparcequ’ilssontvrais,Rune.Lanuit,quandtufermeraslesyeux, jeserai là.Jet’attendrai

danslacerisaie.Etquandilseratempspourtoidepartir,jet’accueilleraidansmesbras.Iln’yauraplusdetristesse,plusdesouffrance.Seulementdel’amour.J’aipousséunsoupirdebonheur.—Imagine,Rune!Unendroitsanstristessenisouffrance.Quandj’ypense,jen’aipluspeurdutout.—Tuasraison,Poppymin.C’estcequejeveuxpourtoi.—Notrehistoireestéternelle,Rune.Jelesais.Jelesens.

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Ilm’asoulevéeetm’aallongéesurlui.J’aifermélesyeuxetjemesuislaissébercerparsarespirationetlesbattementsdesoncœur.—Qu’est-cequetuaimeraisfaireavanttondépart,Poppy?J’airéfléchiuninstant.—Jeveuxvoirlescerisiersenfleurunedernièrefois.Jeveuxdanseravectoiaubaldefind’année.

Jeveuxtevoirencostumecravate,aveclescheveuxpeignésenarrière.Ilm’asouri,amuséparmonsouhait.—Jeveuxvoirundernierleverdesoleil.Etsurtout,jeveuxpartiravectonbaiser.J’espèrearriver

dansmaprochainevieaveclachaleurdetabouchesurlamienne.Jeprietouslesjourspouravoircettechance.Vivreassezlongtempspouraccomplirtoutesceschoses.—Ellessontparfaites,Poppy.Ilm’acaressélescheveuxet jemesuisendormiedanssesbras.Enpriantpourquemessouhaitsse

réalisent.Heureuseetamoureuse.

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13

NUAGESNOIRSETCIELBLEU

Rune

Jedessinaisdescerclessurmafeuillependantqueleprofdechimieparlaitdecomposéschimiques.JepensaisàPoppy.Jepensaistoujoursàelle,maisaujourd’hui,c’étaitdifférent.NousétionsrentrésdeNewYorkquatrejoursplustôt,etelleétaitdeplusenplussilencieuse.Chaque

jour, jeluidemandaiscequin’allaitpas.Chaquejour,ellemerépondaitquetoutallaitbien.Jesavaisqu’ellemementait.Ce matin-là, en marchant ensemble jusqu’au lycée, sa main était brûlante dans la mienne. J’avais

demandé à Poppy si elle se sentait malade. Elle m’avait assuré que non. J’avais un mauvaispressentiment.Pendant ledéjeuner,Poppys’étaitblottiedansmesbrasetn’avaitpasditunmotànosamis.L’après-midiétaitinterminable.Pluslesminutess’écoulaient,plusj’angoissais.J’avaispeurquelafinapproche.Jemesuisredressésurmachaisepourbalayermesidéesnoires.Ladernièresonnerieaenfinretenti.

Je suis sorti en trombe de la salle et j’ai foncé jusqu’à son casier. Jorie était en train de ranger sesaffaires.—Est-cequetuasvuPoppy?—Ellet’attenddehors.Ellenevapasbien,Rune.Jemefaisdusoucipourelle.J’airejointPoppydanslacour.Elleétaitdebout,sousunarbre,leregarddanslevide.Elleavaitle

teintpâleetunefinepelliculedesueursurlevisage.Enmevoyant,Poppyaclignédesyeuxetm’asouri.—Qu’est-cequisepasse,Poppy?—Rien.Jesuisjustefatiguée.Ilfallaitquejelaramènechezsesparents.J’aipasséunbrassursesépaulesbrûlantes.Elleaenroulé

unbrasautourdemataille.Jelasentaisfaible.Elletenaitàpeinedebout.J’auraisvoululaporter,maisjesavaisqu’ellerefuserait.Entraversantleparcàsescôtés,j’aiessayéd’étouffermapeur.Peurdelamaladie.Peurdelamort.

Poppynedisaitrien.Sarespirationétaitdeplusenplussaccadée.Àpeineentréedanslacerisaie,sesjambessesontdérobéessoussonpoids.—Poppy!

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Jel’airattrapéejusteàtemps.J’aiglissésescheveuxderrièresesoreilles.Ilscollaientàsonvisage.—Qu’est-cequisepasse,Poppy?Dis-moi!Ellearrivaitàpeineàgarderlesyeuxouverts.Elleaserrémamaindanslasienne.—Rune…Ellemanquaitd’air.Ellen’avaitplusdeforce.J’aiattrapémonportableetj’aiappelélesurgences.Je

leuraidonnél’adressedePoppyet je leuraiparlédesamaladie.Je l’aiprisedansmesbraspour laporterjusquechezelle.Elleaposéunemainsurmonvisage.Unelarmeadévalésajoue.—Jenesuispasprête…Elleperdaitconnaissance.Malgrématerreur,j’aicouru,plusvitequejamais.Enpassantdevantchez

moi, j’aiaperçumamèreetAltondans l’allée.J’aientendulessirènesau loin.J’aicouru jusquechezPoppyetj’aidonnéuncoupdepieddanslaporte.Lesalonétaitvide.—Àl’aide!J’aiallongéPoppysurlecanapé.Samèreestarrivéeets’estaccroupieàmescôtés.—Poppy?MonDieu…Poppy!Elleaposéunemainsursonfront.—Qu’est-cequis’estpassé?—Jenesaispas.Elles’esteffondréedansmesbras.J’aiappeléuneambulance.Lessirènesapprochaient.LamèredePoppys’estprécipitéedanslarue.Jemesentaisimpuissant.J’ai

passéunemaindansmescheveux.Poppyluttaitpourrespirer.—Çavaaller,Poppymin.Jetelepromets.Avecdifficulté,elleaposéunemainsurmajoue.—Pasencore…Je…Jenesuispas…prête…Lesambulancierssontentrésdanslesalon.Jemesuisdécalépourleslaissertravailler.Ilsontposéun

masquesursonvisageetilsl’ontallongéesurunbrancard.Poppyatendulamainversmoi.—Rune…—Jesuislà,Poppy.Jeresteavectoi.Derrièremoi,IdaetSavannahétaientenlarmes.MmeLitchfieldadéposéunbaisersurlatêtedesa

fille.—Toutvabiensepasser,mapuce.J’aicroisésonregard.Ellen’ycroyaitpas.Ellepensaitquec’étaitlafin,elleaussi.Je les ai suivis jusqu’à l’ambulance. Poppy refusait de lâcher ma main. Mme Litchfield a couru

derrièrenous.—Vas-y,Rune.Jevoussuisaveclesfilles.Jelasentaishésitante.EllevoulaitresterauprèsdePoppy.Mamèrenousarejoints.—Monteaveceux,Ivy.Jem’occuped’IdaetdeSavannah.Noussommestouslesdeuxmontésdansl’ambulance.Poppyafermélesyeux,maisellen’apaslâché

mamain.QuandMmeLitchfieldaéclatéensanglots,jeluiaitendul’autre.

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*

J’aisuiviPoppyjusqu’auserviced’oncologie.Lesmédecinsetlesinfirmièressesontactivésautourd’elle.J’avaislagorgeserréeetlecœurquibattait tropfort.Onluiafaituneprisedesangetprissatempérature.Poppysebattait.Ellen’arrivaitplusàrespirer,maisellegardaitsoncalme.Lesyeuxfixéssurmoi,ellemurmuraitmonprénomchaquefoisqu’ellesesentaitpartir.Jesuisrestéfortpourelle.Cen’étaitpaslemomentdecraquer.Elleavaitbesoindemoi.MmeLitchfieldmetenaitlamain.Sonmarinousarejoints,lacravatedetravers.—Qu’est-cequis’estpassé?MmeLitchfieldaessuyéseslarmes.—ElleaperduconnaissancedanslesbrasdeRune,enrentrantdulycée.Lesmédecinspensentque

c’estuneinfection.Sonsystèmeimmunitaireesttropfragilepourlacombattre.LepèredePoppym’aregardédetravers.—Rune a sauvé notre fille, James. Il l’a portée dans ses bras jusqu’à lamaison. Il a appelé une

ambulance.IlasauvéPoppy.J’airavalémasalive.M.Litchfieldahochélatêteenguisederemerciement,etilssesontapprochés

deleurfille.Lesmédecinsleurontdemandédes’écarter.Cinqminutesplustard,l’und’euxestvenunousparler.—Poppysebatcontreuneinfection.Commevouslesavez,sonsystèmeimmunitaireestdéjàfaible.—Ellevas’ensortir?ademandéMmeLitchfield.—Nousallonsfairedenotremieux,madame.Poppyavaitlevisagerecouvertparlemasqueetuneintraveineusedanslebras.Sesgrandsyeuxverts

étaientposéssurmoi.Lemédecinnousaexpliquéqu’ilsplongeraientPoppydansuncomaartificielpourl’aideràcombattrel’infection.Ilnousaproposédeluiparlerunedernièrefoisavantqu’elles’endorme.Jeme suis approché d’elle. Poppy a secoué la tête et une larme a dévalé sa joue. Elle amurmuré

quelquechosesoussonmasque.Pasbesoindel’enleverpourlacomprendre.Sapromesseétaitdanssesyeux:ellen’étaitpasprêteàpartir.Sonheuren’étaitpasencorevenue.M.Litchfieldnousarejoints.—Rune,est-cequ’onpeutpasserquelquesminutesavecPoppy?J’aihochélatêteetjeleurailaissémaplace.Elleagémietserrémamain.Ellenevoulaitpasqueje

parte.J’aidéposéunbaisersursonfront.—Jereviens,Poppymin.Jeresteavectoi.Promis.Jesuisalléàl’autreboutdelapièceetj’airegardésesparentsluiparleretl’embrasser.J’aiserréles

poings,meretenants’éclaterensanglots.Ilfallaitquejesoisfort.Elledétestaitmevoirpleurer.Mamère est arrivée avec Ida et Savannah.Mme Litchfield les a fait entrer. J’ai vu la douleur se

dessinersurlevisagedePoppy.Elleadoraitsessœurs.Ellenevoulaitpasqu’elleslavoientdanscetétat.—Poppy!s’estécriéeIda.Elles’estprécipitéeàsonchevetetl’aembrasséesurlajoue.Poppyluiafaitunclind’œiletIdas’est

blottiedanslesbrasdesamère.Savannah,elle,s’estmiseàpleurer.

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—Jet’aime,Poppy.S’ilteplaît,neparspas…Pasencore.Poppyahochélatête,commeunepromesse.Elleajetéunœildansmadirectionetsafamillenousa

laissés tous les deux. J’ai avancé jusqu’à elle, le pas lourd. L’orage qui grondait enmoi s’est calméquandnosmainssesonttouchées.Jemesuisassisauborddulitetj’aiglissésescheveuxderrièresesoreilles.—Hei,Poppymin.Elleafermélesyeux.Ellesouriaitsoussonmasque.Jelesavais.— Ils vont t’endormir pour t’aider à combattre cette infection.Tuvas pouvoir rêver, Poppy.Rends

visiteàtagrand-mère,etquandtuserasassezforte,reviensmevoir.D’accord?Onaencorepleindechosesàvivreavanttondépart.Elleahochélatête.—Faisdebeauxrêves,Poppymin.Jeserailààtonréveil.Lemédecinestentré.—Jevousinviteàrejoindrelasalled’attente.Safamilleestsortie,maispasmoi.Jenevoulaispasl’abandonner.Lemédecinaposéunemainsur

monépaule.—Onvaprendresoind’elle.C’estpromis.J’aidéposéundernierbaisersursamainetjesuissortidelapièce.Lasalled’attenteétaitenface,

maisj’avaisbesoind’air.Jemesuisréfugiédanslepetitjardinauboutducouloir.Leventacaressémonvisage.Jemesuisassissurunbanc,jemesuisprislatêteàdeuxmainsetj’aipleuré.Laportes’estouvertederrièremoi.C’étaitmonpère.Jen’avaispaslaforcedel’affronter.Macolère

étaitenfouiesousmonchagrin.Ilestvenus’asseoiràcôtédemoi.Iln’apasessayédemeconsoler.Ilsavaitquejelerepousserais.Ilestjusterestéàmescôtésetm’alaissépleurerenpaix.Jenevoulaispasl’admettre,maisj’étaiscontentdenepasêtreseul.Auboutdequelquesminutes,j’aifiniparmecalmer.J’aipasséunemainsurmonvisage.—Ellevas’ensortir.Jelesais.Monpèrea tourné la têteversmoi. J’ai serré lamâchoire.LaviedePoppy touchaità sa fin. Jene

savaispascombiendetempsilnousrestaitàvivreensemble,etc’étaitsafauteàlui.Laportes’estouverteet,cettefois,c’estM.Litchfieldquiestsorti.Monpères’estlevéetluiaserré

lamain.—Jesuisdésolé,James.LepèredePoppyluiasouri.—Est-cequejepeuxparleràRune?—Biensûr.Monpèreestparti,etM.Litchfields’estassisàcôtédemoi.J’airetenumonsouffle.Iln’ariendit,

doncj’aiparléàsaplace.—Nemedemandezpasdelaquitter.Jenepartiraipas.Jen’abandonneraijamaisPoppy.—Pourquoi?Surprisparsaquestion,j’aiétudiésonvisage.Ilmeregardaitdroitdanslesyeux.Ilvoulaitvraiment

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savoir.—Parcequejel’aimeplusquetout.Jeluiaipromisderesteràsescôtésjusqu’aubout.Moncœuret

monâmesontliésàPoppy.Jenepeuxpaslalaissermaintenant.Elleabesoindemoi.M.Litchfieldapousséunsoupir.Ilaposéledoscontreledossierdubanc.—Dèstonretourd’Oslo,j’aisuquetuavaischangé,Rune.Enunregard.J’étaisdéçu.Tufumais,tu

étaisencolèreettuneressemblaisplusaugarçonquej’avaisconnu.Celuiquemafilleaimait.Celuiquiétaitprêtàtoutpourelle.J’aiencaissélescoupsensilence.Ils’estéclaircilavoix.—Jenepensaispasquetul’aimaisencore.Pasautant.Jemesuisbattucontretoi.Quandjevousai

revusensemble,j’aitoutfaitpourlaretenir.Maisvousêtesattiréscommedesaimants,Rune.Lagrand-mère dePoppydisait que votre histoire était le fruit du destin, que vous vous aimiez pour une raisonprécise,quel’ondécouvriraitunjour.Elleavaitraison.Ilaposéunemainsurmonépaule.—Vousétiezfaitsl’unpourl’autre,Rune.Pourquetulaguidesetquetulasoutiennes,pourqueles

derniers jours dema fille soient remplis de bonheur. Un bonheur que nimoi, ni samère ne sommescapablesdeluioffrir.Unedouleurm’atranspercélecœur.J’aifermélesyeuxpourlacontenir.—J’aitoujourssuqu’ellet’aimait,Rune.Jen’étaisjustepascertainquetul’aimesautant.—J’aitoujoursaiméPoppy.Mêmependantmonabsence.— Je sais,Rune. Je l’ai compris dès votre retour deNewYork. Poppy est revenue changée de ce

voyage.Ellem’aracontécequetuluiavaisoffert.CarnegieHall.Tuasréalisélerêvedemafille.J’aibaissélatête.—Ellemelerendtouslesjours.—SiPoppys’ensort…—Quandelles’ensortira,l’ai-jecorrigé.Ilapousséunsoupir.—Quand elle s’en sortira, je nememettrai plus entre vous. Poppy ne s’est jamais remise de ton

départ,Rune.Jesaisquetuasbeaucoupsouffert,toiaussi,etjecomprendsquetuenveuillesàtonpère,maislavieestpleined’imprévus.Jenepensaispasquemafillepartiraitavantmoi.Poppym’aapprislagratitude.Elleacceptesonsort.Nousn’avonspasledroitd’êtreencolèreàsaplace.Jel’airegardéensilence.J’airevuPoppyentraindedanserdanslacerisaie.Jel’airevueàlaplage,

les pieds dans l’eau et les cheveux dans le vent. Poppy était heureuse.Malgré samaladie,malgré sasouffrance,elleétaitheureuse.—Jesuiscontentquetusoislà,Rune.Grâceàtoi,Poppyvasourirejusqu’àlafin.Ils’estlevéetilafermélesyeux,levisagetournéverslesoleilcouchant.Commesafille.—Tu es le bienvenu ici, Rune. Rends-lui visite aussi souvent que tu veux. Poppy veut passer ses

derniersjoursavectoi.Ellevas’ensortir.Jel’aivudanssonregardtoutàl’heure.Ellen’estpasprêteàpartir.Pasencore.Tusaisàquelpointelleesttêtue.Quandelleveutquelquechose,ellel’obtient.Je luiai souri,et ilm’a laisséseuldans le jardin. J’aiattrapémonpaquetdecigarettes. J’allaisen

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allumerune,maisj’aipenséàPoppy.Jel’aiimaginéeentraindeplisserlenez,commechaquefoisquejefumais.J’aienlevélacigarettedemeslèvresetjel’aiécraséeparterre.—Assez.J’ai jetémonpaquet à la poubelle, jeme suis levé.Dans la salle d’attente, il y avait la famille de

Poppy,maisaussimamère,monpèreetAlton.Monpetitfrèrem’asouri,etjemesuisassisàcôtédelui,commel’auraitvouluPoppy.—Hei,Alton.Ilagrimpésurmesgenouxets’estagrippéàmoncou.Ils’estmisàpleurerdansmesbras.—Poppyminestmalade.J’aihochélatêteenretenantmeslarmes.—JeneveuxpasquePoppymins’enaille.Grâceàelle,tumereparlesettuesredevenumonami.Je

neveuxpasquetusoisencolèrecommeavant.Sesmotsonteul’effetd’uncoupdepoignarddansmapoitrine.Ilavaitraison.Poppym’avaitguidé

versmonpetitfrère.—Jeneseraiplusencolère,Alton.Etjecontinueraiàteparleretàjoueravectoi.Promis.Ilalevélatêteets’estessuyélesyeux.Jeluiaisouri,etils’estblotticontremoi.Ilestrestédansmes

bras jusqu’àceque lemédecinentredans lapièce.Poppyétait endormie.Nousavions ledroitde luirendrevisite,deuxpersonnesàlafois.M.etMmeLitchfieldsontalléslavoirenpremier,puismontourestvenu.Poppyétaitallongéeaumilieudelapièce,entouréedemachines.Elleavaitl’airminusculeetbrisée.

Aucunetracedesouriresursonvisage.Jemesuisassissurlachaiseàcôtédulit,j’aiprissamaindanslamienneetjel’aiembrassée.Lesilenceétaittroppesant.Jeluiaiparlédenotrepremierbaiser.J’aiénuméré tous les baisers dont je me souvenais. J’étais convaincu qu’elle m’entendait, et qu’elle lesrevivraitavecmoi.Lesneufcentdeuxbaisersà l’abridanssonbocalet lesquatre-vingt-dix-huitqui lesrejoindraientà

sonréveil.CarPoppyallaitseréveiller.Nousavionsunepromesseàtenir.

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14

FLEURSETPAIX

Rune

Unesemaineplustard

J’étais en train de rattrapermesdevoirs dans la chambredePoppyquand Jorie, Judson,Deacon etRubyontfrappéàlaporte.—Salut,Rune.Jeleuraifaitsigned’entrer.Poppyétaitaulit,toujoursdanslecoma.Quelquesjoursaprèssonarrivée

àl’hôpital,lesmédecinsavaientditquelepireétaitdésormaisderrièreelleetqu’ellepouvaitrecevoirdesvisiteurs.Poppyavaitréussi.Elleavaitvaincul’infection.Jesavaisqu’elleenétaitcapable.Aprèstout,ellemel’avaitpromis.Lesmédecins avaientprévude la sortirducomaprogressivement,dans les joursqui suivraient.Ce

soir-là, ils réduiraient le dosage de l’anesthésiant. J’étais impatient. Cette semaine m’avait paruinterminable.Sanselle,plusrienn’avaitdesens.Désormais, touslesélèvesétaientaucourantdelamaladiedePoppy.Tout lemondeétaitchoquéet

triste.Nousétionsàl’écoleaveccesgensdepuislamaternelle.Lanouvelleavaitsecouélelycéeetlavilleentière.Lesgensdel’églises’étaientmêmemisàprierpourelle.LesmédecinsnesavaientpasdansquelétatPoppyseraitàsonréveil.Ilsnevoulaientpasnousdire

combiende temps il lui restait,mais onnous avait prévenus : l’infection l’avait affaiblie. Il fallait seprépareraupire.Ellen’avaitpeut-êtrequ’unepoignéedesemainesdevantelle.C’était cruel et j’avais le cœur brisé, mais j’essayais de me réjouir de la moindre victoire. Nous

aurionsletempsderéalisersesdernierssouhaits.J’auraisletempsdeluidireaurevoir,del’entendrerireetdel’embrasser.JorieetRubysontentréesenpremier.JudsonetDeaconontposéunemainsurmonépaule.Quandils

ont appris lanouvelle,mesamisont séché les courspourme rendrevisite etme soutenir. Ilsnous envoulaient de ne pas leur avoir dit la vérité plus tôt, mais ils comprenaient le choix de Poppy. Ilsadmiraientsaforceetsoncourage.Les jours où je n’allais pas en cours,mes amism’apportaient les devoirs. Ils s’occupaient demoi,

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commejem’occupaisdePoppy.DeaconetJudsonrefusaientque jeratemonannée. Ilsvoulaient fêternotredépartàl’universitéensemble.Moi,jemefichaisdulycéeetdel’université,maisj’appréciaisleuraide.Enune semaine, j’avaisdécouvert àquelpointmesamis comptaientpourmoi.Poppyavaitmoncœur,maisj’aidécouvertquej’avaisdel’amourailleurs.Desamisprêtsàtoutpourmesoutenir.MesparentsrendaientvisiteàPoppytouslesjours.Sijeneparlaistoujourspasàmonpère,lesilence

neledérangeaitpas.Lesimplefaitd’êtreassisàcôtédemoiluisuffisait.—Commentva-t-elleaujourd’hui?ademandéJorie.—Demieuxenmieux.Jemesuisassissurlereborddulit.J’aiprislamaindePoppyetj’aidéposéunbaisersursonfront.—Nosamissontlà,ai-jemurmuré.Ilssontvenustevoir.J’aicruvoirsescilsbouger,maiscen’étaitquelefruitdemonimagination.Ilmetardaitqu’ellese

réveille.D’iciquelquesjours,elleouvriraitlesyeuxpourdebon.Mesamissesontassissurlecanapéàcôtédelafenêtre.—Lesmédecins vont commencer à la sortir du coma ce soir. Il lui faudra quelques jours pour se

réveiller.L’infectionestpassée.Elleestprêteàrevenir.Jevaisenfinlarevoir.—C’estunebonnenouvelle,aréponduJorie.Ellem’aoffertunsouriretriste.—Dansquelétatsera-t-elleàsonréveil?ademandéRuby.—Elleserafaible,maisderetourparminous.Jelaporteraipartouts’illefaut.Jeveuxjustelavoir

sourire.Jeveuxêtreàsescôtés,jusqu’àlafin.Rubys’estmiseàpleurer.Joriel’aserréedanssesbras.J’aipousséunsoupir.—Je saisque tu l’adores,Ruby,mais il fautque tu sois forte.Poppyne supportepasdenousvoir

tristes.Ondoitlarendreheureuse,autantqu’ellenousrendheureux.Rubyahochélatête.—Ellenereviendrapasaulycée?—Non,etmoinonplus.Pasavant…Jen’aipaspu terminermaphrase.Jen’étaispasencoreprêtàprononcercemot.Pasencoreprêtà

affrontercetteépreuve.—Qu’est-cequetuasprévupourl’annéeprochaine?s’estinquiétéDeacon.Est-cequetut’esinscrit

àl’université?Jemefaisdusoucipourtoi,Rune.—Jen’arrivepasàmeprojeteraussiloin.Mavieestici,maintenant,avecPoppy.Iln’yaqu’ellequi

compte.Jemefichedel’annéeprochaine.Unsilencepesants’estabattusurlachambre.Deaconavaitd’autreschosesàdire,maisils’estretenu.—Est-cequ’elleseralàpourlebaldefind’année?amurmuréJorie.— Je ne sais pas. Elle en avait envie, mais c’est dans six semaines… C’était un de ses derniers

souhaits.Poppynedemandepasgrand-chose.Elleveut justedanseraubalde find’année,commeunefillenormale.Avecmoi.JorieetRubyontpleuréensilence.Jen’aipascraqué.Jemecontentaisdecompterlesheuresquime

séparaientdePoppy,del’imaginerouvrirlesyeuxetmesourire.

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Uneheureplustard,mesamissontrepartis.Judsonaposélesdevoirsdelajournéesurlapetitetablequimeservaitdebureau.—Mathetgéographie.Lesprofsonttoutnotépourtoi.Jelesairemerciésetjeleuraiditaurevoir.Aprèsleurdépart,j’aiterminémesdevoirsetjesuisallé

prendredesphotosdehors.Monappareilnemequittaitplus.Ilfaisaitànouveaupartiedemoi.Endébutdesoirée,lafamilledePoppyestarrivéeetlesmédecinsontsuivi.—Bonsoir,Rune.M.Litchfieldm’aserrédanssesbras.DepuisquePoppyétaitdanslecoma,unesortedetrêves’était

installéeentrenous.Ilmecomprenait,etjelecomprenais.MêmeSavannahavaitchangé.Ellesavaitqueje ne briserais pas le cœur de sa grande sœur. Je n’avais pas quitté son chevet depuis son arrivée àl’hôpital.Mondévouementleuravaitprouvéàquelpointjel’aimais.Idaaenroulésespetitsbrasautourdemataille.MmeLitchfieldm’aembrassésurlajoue.—Leniveaudeglobulesblancsestsatisfaisantàcestadedelamaladie,nousainforméslemédecin.

Nous allons réduire l’anesthésie dès ce soir. Poppy vamettre du temps à se réveiller. Elle risque deperdre et de reprendre connaissance, d’être différente, d’avoir des hallucinations.Tout devrait rentrerdansl’ordred’iciquelquesjours.Moncœurs’estemballé,maislemédecinalevélesmains,commepournousprévenir.—Poppyesttrèsfaible.Nousdevonsattendresonréveilpourdéterminersonétatetlesconséquences

del’infection.Ilestprobablequ’elleneretrouvepassonénergied’avant,etqu’ellesoitlimitéedanssesmouvements.Seulletempsledira.J’aifermélesyeuxetpriépourqu’elleaillebien.Etsicen’étaitpaslecas,jemesuisjurédel’aider.

J’étaisprêtàtoutpourelle.Le lendemain, Poppy a commencé à remuer les doigts et les cils. Le deuxième jour, elle a ouvert

lesyeux.Seulementquelques secondes,mais cela a suffi àme redonner espoir.Le troisième jour,uneéquipedemédecinsetd’infirmiersontcommencéàladétacherdecertainesmachines.Lecœurbattant,jeles ai regardés enlever le tubede sa gorge.Poppy était toute blanche et elle avait les lèvres gercées,cependantj’étaiscontentdelavoirànouveaulibre.J’étaisassisàsonchevet, leregardfixéauplafond,quandelleaserrémamaindans lasienne.J’ai

bondidesurprise.J’aiappuyésurleboutonpourappeleruneinfirmière.—Jepensequ’elleseréveille.LesparentsdePoppyetlemédecinsontarrivéspeuaprès.Poppyasoulevélespaupières,révélantses

grandsyeuxverts.—Bonjour,Poppy.Elleatendulamainetelleaessayédeparler.Lemédecins’esttournéversl’infirmière.—Allezchercherdesglaçonspourseslèvres.M.Litchfieldavoulumeretenir,maisc’étaitplusfortquemoi:ilfallaitquejelarejoigne.J’aiprisla

maindePoppyetelleatournélatêteversmoi.—Hei,Poppymin.Ellem’asourietelles’estrendormie.

Page 119: L’édition originale de cet ouvrage a paru sous le titreekladata.com/7tA7aSCwxP2m0dN9GXifg7ftulU.pdfétait blanche, avec des fenêtres noires. Elle était quasiment collée à la

Poppys’estréveilléeplusieursfoisdanslajournée.Ellen’étaitpaslucide,maisellemesouriait.Ellesentaitmaprésence.J’aiprofitédelavisited’uneinfirmièrepourluidemanderunservice.—Est-cequ’onpeutbougersonlitdevantlafenêtre?Poppyadoreregarderlesoleilselever.L’infirmièrem’aregardéavectendresse.Jenevoulaispasdesapitié.Jevoulaisjustequ’ellem’aide.—Biensûr,Rune.Soulagé, je l’ai aidée à faire rouler le lit face à la fenêtre, qui donnait sur le jardin du service de

pédiatrie.—Ici?a-t-elleditenactionnantlesfreins.—Parfait,ai-jeréponduensouriant.Merci.Cesoir-là,quandlesparentsdePoppyluiontrenduvisite,samèrem’aserrédanssesbraspourme

remercier.Lesjoursquiontsuivi,sesparentsontalternélagardedenuit.L’undormaitdansunepièceréservée

auxfamilles,àl’autreboutducouloir,etl’autrerestaitàlamaisonaveclesfilles.Moi,jerestaisdanslachambredePoppyjouretnuit.Unsoir,lamèredePoppyétaitentraindeluiracontersajournéequandquelqu’unafrappéàlaporte.

C’étaitmonpère.—Rune?Est-cequejepeuxteparleruninstant?Ilm’aattendusurlepasdelaporte.J’aihésité,puisjemesuislevéetjel’airejointdanslecouloir.Il

tenaitquelquechosedanssamain.— Je sais que tu nem’as rien demandé,mais j’ai développé tes pellicules. Je t’ai vu prendre ces

photos,Rune.Jesaisqu’ellessontpourPoppy.Maintenantqu’elleseréveille,jemesuisditquetuauraisenviedelesluimontrer.Ilm’atenduunalbumremplidetouteslesimagesquej’avaiscapturéesdepuisquePoppyétaitdansle

coma.Touslesmomentsqu’elleavaitratés.Jen’étaispasrentréchezmoidepuisunesemaine.Jen’avaispaseuletempsdelesdévelopper,etmonpèrel’avaitfaitàmaplace.—Merci.Ilapousséunsoupirdesoulagementetilaposéunemainsurmonépaule.J’aifermélesyeux.Pourla

premièrefoisdepuisl’arrivéedePoppyàl’hôpital,j’aieul’impressionderespirer.J’aihochélatêteetjesuisretournédanslachambre.Jemesuisassisàmaplace,l’albumsurlesgenoux.MmeLitchfieldnem’ariendemandé.ElleacontinuéàraconterdeshistoiresàPoppyjusqu’àtarddanslanuit.Quandelleestpartiesecoucher,j’aienlevémesbotteset,commechaquesoir,j’aiouvertlesrideaux

etjemesuisallongéàcôtédePoppy.Jemesuisendormienregardantlesétoiles.Quelquesheuresplustard,unemains’estposéesurmonbras.Surpris,j’aiclignédesyeux.Lesoleilétaitentraindeseleveràl’horizon.Unsoufflechaudmecaressaitlevisage.Poppyavaitlesyeuxgrandsouverts.—Poppymin?Elleabalayélachambreduregardetelleaessayédedéglutir.J’aiattrapéleverred’eausurlatable

et j’ai approché la paille de sa bouche. Poppy a bu quelques gorgées et soupiré de soulagement. J’aiappliquésonbaumepréférésurseslèvrescraquelées.Ellem’aoffertleplusbeausouriredumonde.Unevaguedebonheurs’estemparéedemoi.J’aidéposéunbaisersursaboucheetPoppys’estéclairci lavoix.

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—Baisernuméro…Confuse,elleafroncélessourcils.—Neufcenttrois,Poppy.—Baisernuméroneufcenttrois.AvecmonRune,àmonréveil.Commepromis.J’aiblottimonvisagedans lecreuxdesoncou.J’avaisenviede laserrerdansmesbras,maiselle

était trop fragile. Comme une poupée de porcelaine. Elle a passé unemain dansmes cheveux et j’aiprofitédecetinstantmagique,desonregardetdesonvisage.—J’aidormilongtemps?—Unesemaine.—Combiendetemps…ilmereste?—Jenesaispas,Poppy.Personnenesait.Elleahochélatête,unmouvementàpeineperceptible.J’aijetéunœilparlafenêtre.—Regarde,Poppymin.Tut’esréveilléeenmêmetempsquelesoleil.Lesrayonsorangeluicaressaientlevisage.Unsourires’estdessinésurseslèvres.—C’estsublime.Onaregardélesoleilselever,baignantlachambredelumièreetdechaleur.—Jemesensfaible,Rune.—C’estnormal.—Lesoleilm’amanqué.—Tutesouviensdequelquechose?—Pasvraiment.Jemesouviensdetamaindanslamienne.C’esttout.—Ja?—Oui.J’aiattrapél’albumphotosurlatableetjel’aiouvertsurmesgenoux.Lapremièrephotoétaitcelledu

soleilquiselevaitderrièrelesnuages,sesrayonsrosestraversantlesbranchesdespins.—Tonpremiermatinàl’hôpital,Poppy.Jenevoulaispasqueturatesleleverdusoleil.Elleaposélatêtecontremonépaule.Ellen’avaitpasbesoindeparler.Jelasentaisheureuse.J’aitournélespagesdel’album.Jeluiaimontrélesarbresquicommençaientàfleurir.Lesgouttesde

pluiesurlafenêtre.Lesétoilesdansleciel,laluneetlesoiseauxquipréparaientleurnid.Quandj’aifermél’album,Poppyaplongésonregarddanslemien.—Tuasphotographiétouslesmomentsquej’airatés.J’aibaissélatêteetelleamisunemainsurmajoue.—Promets-moidecontinuer,Rune.Mêmequandjeneseraipluslà.Cesphotossonttropprécieuses

pournepasêtreprises.Penseàtouteslespossibilitésquis’offrirontàtoi.—Jetelepromets,Poppymin.—Merci.—Tum’asmanqué.

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—Toiaussi,Rune.—Denouvellesaventuresnousattendentaprèstasortiedel’hôpital.Sonvisages’estilluminé.—Est-cequelescerisierssontenfleur?—Pasencore.Ilsdevraientfleurirdansunesemaine.Elleafermélesyeux.—Jetiendraijusque-là,Rune.J’ensuiscapable.—Tutiendrasbienpluslongtemps.—Jusqu’àmillebaisers.—Jusqu’àmillebaisers.—AvecmonRune.Pourtoujours.

*

Poppyestsortiedel’hôpitalunesemaineplustard.Lemédecinnousaannoncéqu’ellenemarcheraitplus.Mêmeenfauteuilroulant,Poppynes’estpaslaisséabattre.—Tantquejepeuxsortir,sentirlesoleilsurmapeauettenirlamaindeRune,jesuisheureuse.Le jour de son retour, j’ai grimpé à sa fenêtre, une enveloppe à lamain.C’était une surprise.Mon

cadeaudebienvenue.Undesesrêvesquiseréalisait.Poppyaouvertlesyeux.—Lelitétaitfroidsanstoi,a-t-elleditensouriant.Jemesuisassisàcôtéd’elleetj’aidéposéunbaisersurseslèvres.Poppyaattrapéuncœurdansson

bocaletelleyaajouténotrebaiser.Jeluiaitendul’enveloppe.—Qu’est-cequec’est?—Desphotos.—Moncadeaupréféré.Dèsl’instantoùelleaouvertl’enveloppe,sonvisages’estilluminé.—Ilssontenfleur?J’aihochélatêteensouriant.—Quandest-cequetulesasprises?—Ilyadeuxjours.Elleaposéunemainsursabouche.—Emmène-moi,Rune.Jemesuislevéetjel’aiprisedansmesbras.Elleaglissélesmainsderrièremoncou.—Prête?—Prête.Jel’aiinstalléesursonfauteuilroulantetj’aidisposéunecouverturesursesgenoux.Elleapenchéla

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têteversmoi.—Merci,Rune.Je l’ai embrassée et je l’ai poussée dans le couloir. Son rire a résonné dans lamaison vide.Nous

avonstraversélapelouseendirectiondelacerisaie.Ilfaisaitbeau,lecielétaitbleuetlesoleilbrillait.Poppyafermélesyeuxetlesarouvertsensentantleparfumdescerisiers,avantmêmedelesvoir.—Rune…Elle s’est agrippée auxaccoudoirs. J’ai pris sa réaction enphoto.Ellene s’en estmêmepas rendu

compte.Elleétaitcaptivéeparlabeautédulieu.Elleacaressélespétalesd’unebrancheetelleaplongésonregarddanslemien.J’aisoulevémonappareiletcapturécetinstantprécis.Sonvisage,plusvivantque jamais, avec un océan rose et blanc en arrière-plan. Les fleurs de cerisier formaient un halo au-dessusdesatête.Poppyétaitunefleurdecerisier.Mafleurdecerisier.Unefleursanségale,tropbellepourdurer.Une

fleur qui embellissait nos vies pendant un court instant, avant de disparaître dans le vent. Poppynousrappelait qu’il fallait vivre.Que l’amour existait.Quenotre vie avait un sens et quenos jours étaientcomptés.—Jeveuxtraverserlacerisaieavectoi,Rune.J’aipoussésonfauteuillelongdusentier.Poppyrespiraitlentement,profitantdechaqueinstant.J’ai

étaléunecouverturesousnotrecerisierpréféré,j’aiportéPoppyetjel’aiinstalléesousl’arbrerose.Jemesuisassiscontreletroncetelles’estblottiecontremoi.—Onaréussi,Rune.J’aidéposéunbaiserdanssoncou.—Onsecroiraitdansunrêve.Dansunepeinture.J’espèrevraimentqueleparadisressembleàça.Aulieudemesentirtristeoublesséparsesparoles,j’aisouhaitélamêmechosequ’elle.Jevoulais

quePoppyaitdroitàcettebeautépourl’éternité.Elleneseplaignaitjamais,maisjevoyaisàquelpointelleétaitfatiguée,àquelpointellesouffrait.Elles’accrochait,commesielleattendaitquejesoisprêtàlalaisserpartir.—Rune?—Ja?Sonvisages’estassombri,commesielleavaitpeur.Poppyn’avaitjamaispeur.—Etsijevousoubliais?—Oublierqui,Poppymin?—Toi,mafamille…nosbaisers.—Tunelesoublieraspas.—J’ailuquelquepartquenotreâmeoublietoutaumomentdesondépart.C’estcequil’aideàaller

del’avant,àtrouverlapaixauparadis.Moi,jeneveuxpasoublier.Jeveuxmesouvenirdetoutcequej’aivécu.Ellealevélatêteversmoi,leslarmesauxyeux.—J’aibesoindetoi,Rune.Jeveuxtevoirvivretavie.Ellevaêtretrépidante.Jelesais.Jeveuxvoir

toutes lesphotosque tuprendras.Et jeveuxme souvenirdenosmillebaisers. Je refused’oublier cequ’onavécutouslesdeux.Jelesveuxavecmoi,pourl’éternité.

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—Jeferaiensortedetelesmontrer.—C’estvrai?—Jetelepromets,Poppy.Jenesaispascomment,maisjetrouveraiunmoyen.—Etmoi,j’attendraidanslacerisaie.—Ja.Elleasouri,unsouriredistantetrêveur.—Tudevrasattendreunan,Rune.—Unan?—Ilparaîtquenotreâmemetunanàpasserdel’autrecôté.Jenesaispassic’estvrai,maisaucas

où,attendsunpeuavantdemerappelernosbaisers.Jeneveuxpaslesrater.—D’accord.J’avaisenvied’éclaterensanglots.Desoiseauxvolaientdebrancheenbranche,secachantderrière

lesgrappesdepétales.Poppyaserrémamaindanslasienne.—Merci,Rune.Mercid’avoirréalisémonrêve.Jel’aiserréedansmesbrasetjel’aiembrasséeavectendresse.Elleafermélesyeux.—Baiser numéro neuf cent trente-quatre.AvecmonRune, sous les cerisiers en fleur.Mon cœur a

presqueéclaté.J’aisouri,àlafoisremplidebonheuretdedésespoir.Nousyétions.Lafindenotreaventure.—Tuasarrêtédefumer,a-t-elleremarqué.—Ja.—Pourquoi?—Parce quequelqu’unm’a appris que la vie est précieuse, et qu’il ne faut pas la gâcher. Je l’ai

écouté.—C’estvrai,Rune.Chaquejourcompte.N’engaspillepasuneseconde.Noussommesrestésunlongmomentensilence,àadmirerlabeautédescerisiers.Poppyapousséun

soupir.—Jenepensepasquejeverrailebaldefind’année,Rune.Jemesensfatiguée.Trèsfatiguée.J’aifermélesyeuxetjel’aiserréedansmesbras.—Ilfautcroireauxmiracles,Poppy.—Jesais.J’auraisjusteaimétevoirencostumeetdanseravectoi,surunemusiquequinousrappelle

notrehistoire.Jelasentaisdeplusenplusfaibledansmesbras.—Viens,Poppy.Jeteramèneàlamaison.Ellem’atendulamainetjel’aiportéedansmesbras.—Jenesuispasprêteàtedireaurevoir,Rune.Pasencore.En lapoussant jusquecheznous, j’aipriépourqu’elle tienneencoredeuxsemaines. Jevoulaisque

toussessouhaitsseréalisentavantsondépart.

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Illefallait.C’étaitmafaçonàmoidelaremercier.Leseulcadeauquejepouvaisluioffrir.

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15

CLAIRDELUNEETRAYONSDESOLEIL

Poppy

Deuxsemainesplustard

J’étaisassisedansmonfauteuilroulant,danslasalledebainsdemesparents.Mamèrememaquillaitlesyeux.Jelaregardaisavecattention,soucieusedegraversonvisagedansmamémoire.Jem’éteignaispeuàpeu.Jelesavais.Toutlemondelesavait.Chaquematin,jemeréveillaisunpeu

plusfaible,unpeuplusfatiguéedanslesbrasdeRune.Maisaufonddemoi,jemesentaisforte.Unautremondem’appelait.Pluslesheurespassaient,plusjemesentaiscalme.Apaisée.J’étaispresqueprête.J’avaisbeaucoupobservéma famille, cesderniers jours. Je les sentaisprêts, euxaussi.Mes sœurs

étaientheureusesetcourageuses,etmesparentslesaimaientplusquetout.Runeétaitceluiquej’auraisleplusdemalàquitter.Ilavaitbeaucoupgrandi.Iln’étaitpluslegarçon

briséetmoroserevenudeNorvège.Ilétaitpleindevie.Ilsouriait.Ilprenaitdesphotos.Mieuxencore, ilm’aimaitouvertement. Il ne se cachait plusderrièreunmurde tristesse.Soncœur

s’étaitouvert.Sonâmeétaitlumineuse.Ilétaitprêt,luiaussi.Mamère s’est dirigée vers l’armoire. Elle est revenue dans la salle de bains avec une belle robe

blanche.J’aipasséunemainsurletissu.—Elleestjolie.—Jet’aideàl’enfiler?J’aiclignédesyeux,confuse.—Pourquoi?Qu’est-cequisepasse,maman?Ellem’asouri.

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—C’estunesurprise,mapuce.Ellem’aaidéeàm’habilleretàenfilermesballerinesblanches.Laportes’estouverteetDeeDeeest

entrée,leslarmesauxyeux.—Tuessuperbe,Poppy.Elleaprismamèreparlamainetlesdeuxsœursm’ontadmiréeensouriant.—Jepeuxmevoir?Mamèrem’apousséejusqu’aumiroir.Jen’encroyaispasmesyeux.Larobeétaitencoreplusbelle

quecequej’imaginais.Mamèrem’avaitfaitunchignonetaccrochémonnœudblancpar-dessus.Commetoujours,mesbouclesd’oreillesscintillaient,symbolesdel’infinietdemonamourpourRune.—Jenecomprendspas…Jesuishabilléecommepouralleraubal.J’aicroiséleregarddemamèreetdeDeeDeedanslemiroir.Moncœurs’estemballé.—Jevaisaubal?C’estça?Mais…ilalieudansdeuxsemaines!Comment…Lasonnettem’a interrompue.Ellesontéchangéunregardcomplice.J’aientendulaportes’ouvriret

j’aireconnulavoixdemonpère.Desmilliersdepenséesm’onttraversél’esprit,maisjenevoulaispasmefairedefauxespoirs.Mamèrem’apousséedans le couloir.Monpèreetmes sœursétaientplantésdevant l’entrée.Rune

étaitsurlepasdelaporte.Ilavaitunebranchedecerisierdanslamain…etilportaituncostume.Monvisages’estilluminé.Ilexauçaitmonderniersouhait.Ils’estaccroupidevantmoi.—Tuesmagnifique,Poppymin.J’aipasséunemaindanssescheveuxblonds.—Tut’espeigné.Ettuportesuncostume.—Jetel’avaispromis.Ilm’atendulesfleurs.J’aiplongémesyeuxdanslessiens,etilm’aembrassée.—Est-cequec’estunrêve,Rune?—Non,c’estlavérité.Jet’emmèneaubal,Poppymin.Unelarmeadévalémajoue.Inquietdemaréaction,Runeafroncélessourcils.J’aiéclatéderire.—Cesontdeslarmesdebonheur,Rune!Tumerendsheureuse.Runeavaitfaitdemoilafillelaplusheureusedumonde,etpasseulementcesoir.Toutemavie.Je

voulaisqu’illesache.—Toiaussi,Poppymin.Monpères’estraclélagorge.—Allez,lesjeunes.Vousallezêtreenretard.J’aientendul’émotiondanssavoix.Runeaposélesmainssurlespoignéesdufauteuil.—Prête?—Prête.

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Runeavaitréalisémonrêve,etjerefusaisd’enperdreunemiette.Ilm’apousséejusqu’àlavoituredemamère et ilm’a assise côté passager.Quelquesminutes plus tard, il s’est garé devant le lycée. Lamusiques’échappaitdesportesdugymnase.J’aifermélesyeux,savourantcetteimage:leslimousinesquidéposaientlesélèves,lesjoliesrobesetlesbeauxcostumes…Runem’aassisedansmonfauteuiletilm’aembrassée.Unbaiserpleind’amouretdepassion.Ilsavaitquenosbaiserstouchaientàleurfin.Celalesrendaitencoreplusuniques.Nousnousétionsembrasséspresquemillefois,maislesderniersétaientlesplusforts.—Baisernuméroneufcentquatre-vingt-quatorze.AvecmonRune,aubaldefind’année.Moncœura

presqueéclaté.Runem’aembrasséesurlajoueetm’apousséeendirectiondugymnase.Lesprofesseursnousontvus

arriver.Leurréactionm’aréchauffélecœur.Ilsm’ontsouri,enlacée…jemesuissentieaimée.Ilmetardaitdevoirl’intérieur.QuandRuneaouvertlaporte,jesuisrestéesansvoix.Legymnaseétait

décoréenroseetblanc.—Lesfleursdecerisier?C’estlethèmedelasoirée?Runeahaussélesépaules.—Quoid’autre?Toutlemondenousregardait.Pourbeaucoup,c’étaitlapremièrefoisqu’ilsmevoyaientdepuisqu’ils

avaient appris la nouvelle. Je me suis sentie mal à l’aise jusqu’à ce qu’ils viennent à ma rencontre,jusqu’àcequ’ilsmefassentlabiseetmenoientdecompliments.Runem’apousséejusqu’àunetablequidonnaitsurlapiste,oùnosamisétaientassis.Jorieabondidesachaiseets’estjetéedansmesbras.J’aiéclatéderire.—Tuessublime,Poppy.—Toiaussi.Judsonestapparuderrièreelleetl’apriseparlamain.Joriem’alancéunregardcomplice.—Ilfallaitbienqueçaarriveunjour.J’étaiscontentepourelle.Jorieméritaitd’êtreavecceluiqu’elleaimait.Ruby,JudsonetDeaconm’ont

prisedansleursbras.Runem’apousséejusqu’àmaplaceets’estassisàcôtédemoi.Ilnemequittaitpasduregard.—Est-cequeçava,Rune?Ilahochélatête.—Tuesmagnifique,Poppy.—Toiaussi.Lecostumetevabien.—Merci.J’aimisdutempsàmettrelenœudpapillon.—Tuasréussitoutseul?—Monpèrem’aaidé.—C’estvrai?Tul’aslaisséfaire?Moncœurs’estemballé.Runenesavaitpasqu’undemessouhaitsétaitqu’ilseréconcilieavecson

père.Sonpèrel’aimait,etRuneauraitbientôtbesoindelui.—Oui,jel’ailaisséfaire.

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J’aiposélatêtesursonépaule.—Jesuisfièredetoi,Rune.J’aibalayélasalleduregard.Noscamaradesdansaientets’amusaient.J’aiobservétouscesgensavec

qui j’avaisgrandiet jemesuisdemandécequ’ilsdeviendraientplus tard,avecqui ilssemarieraient,s’ilsauraientdesenfants.MesyeuxsesontposéssurAvery,assiseàuneautretable.Jel’aisaluéed’unemainetellem’asouri.Lesheuresontdéfilé.J’aiprisplaisiràregardernosamispasserunbonmoment.J’aidemandéàRune

commentilavaitorganisécettesoirée.IlamontréJorieetRubydudoigt.—C’étaitleuridée,Poppymin.Ellesontavancéladatedubaletchangélethème.—Seulementelles?Tuenessûr?Runeestdevenutoutrouge.Ilavaitjouéunrôlebienplusimportantqu’ilnelelaissaitentendre.J’ai

posémesmainssursesjouestièdes.—Jet’aime,RuneKristiansen.Jet’aimeàlafolie.—Jet’aimeaussi,Poppymin.Plusquetout.—Jesais,Rune.Jesais.Ilm’ainvitéeàdanser,maisjenevoulaispasmontersurlapisteenfauteuil.JorieestalléevoirleDJ,

qui amis If I Could Fly des OneDirection. Elle nous a fait un clin d’œil. Je n’en croyais pasmesoreilles.J’avaisditàJoriequecettechansonmerappelaitmonhistoireavecRune.Je luiavaisconfiéquesinousnousétionsmariés,celaauraitéténotrechanson.Notrepremièredanseentantquemarietfemme.Runem’asoulevéeetm’aportée jusqu’à lapiste. Ils’estmisàdanseravecmoidanssesbras.J’ai

plongémesyeuxdanslessiens.Ilécoutaitattentivementlesparoles.Jenevoyaisquelui.Luietmoi,quidansionsparmilesfleursdecerisier.Deuxâmessœurs,uniespourl’éternité.Lachansonétaitsurlepointdeseterminer.J’aiapprochémabouchedesonoreille.—Rune?—Ja?—J’aimeraisquetum’emmènesquelquepart.Ilahochélatête,l’airinquiet,etilm’aembrassée,leslèvrestremblantes.Unelarmeadévalémajoue.—Baisernuméroneufcentquatre-vingt-quinze.AvecmonRune,sur lapistededanse.Moncœura

presqueéclaté.Ilaappuyésonfrontcontrelemien.J’aicroiséleregarddeJorie,quimefixait,immobile,leslarmes

auxyeux.J’aiposéunemainsurmoncœur.—Merci,ai-jemurmuré.Jet’aime.Tuvasmemanquer.Jorieafermélesyeux.—Jet’aimeaussi.Tuvasmemanquer,Poppy.Ellem’aditaurevoird’unemain,etjemesuistournéeversRune.—Onyva?Ilm’aassisedanslefauteuiletnoussommesretournésàlavoiture.—Jet’emmèneoù,Poppymin?

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—J’aimeraisvoirlesoleilseleversurnotreplage.—Notreplage?C’estloin,Poppy.Etilestdéjàtard.—Peuimporte.Jemesuisenfoncéedansmonsiègeet j’aipris lamaindeRunedans lamienne,prêteàvivrenotre

toutedernièreaventure.

*

Quelquesheuresplustard,Runes’estgarésurleparkingquidonnaitsurlaplage.Lesoleiln’étaitpasencorelevé.—Tuveuxt’asseoirsurlesable?—Oui,ai-jeréponduenregardantlesétoiles.—Ilfaitfroid,Poppy.—Peuimporte,tantquejesuisavectoi.Ilm’aregardéed’unairattendri.—Attends-moiici.Ilestsortidelavoitureetilaattrapéplusieurscouverturesdanslecoffre.Ilenaétaléunesurlesable,

puisilaenlevésonnœudpapillon.Enl’observant,jemesuisdemandécommentj’avaiseucettechance.Lachanced’êtreaiméeparcegarçon,avectellementdeforcequetouteslesautreshistoiresd’amourmesemblaientpâlesencomparaison.Mavieavaitétécourte,maisj’avaisaiméetonm’avaitaimée.C’étaittoutcequicomptait.Runeaouvertlaportièreetm’aprisedanssesbras.—Jenesuispastroplourde?—Pasdutout,Poppymin.Jel’aiembrassésurlajoueetj’aiblottilatêtecontresontorse.Lebruitdesvaguesbrisaitlesilence

de la nuit et mes cheveux dansaient dans le vent. Rune s’est mis à genoux sur la couverture et m’aallongéedessus.J’aifermélesyeux,appréciantl’airsalédel’océan.Ilm’aenveloppéedansdegrossescouverturesenlaine.Jeluiaisourietjemesuisblottiedanssesbras.—Çava,Poppymin?—C’estparfait.—Tuesfatiguée?—Oui,Rune.Jesuistrèsfatiguée.Jenevoulaispasluimentir.Ilapousséunlongsoupir.—Tuasréussi,Poppy.Tuasvulescerisiersenfleur,lebaldefind’année…—Etnosbaisers.Rune?—Ja?—N’oubliepas,lemillièmeestréservéàmondépart.Tuestoujoursd’accord?—Biensûr,Poppymin.

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Ilm’aserréedavantagecontrelui.J’aisentidanssavoixquemademandeluifaisaitdumal.—Ceseramoncadeaulepluscher,Rune.Partirenpaix,avectes lèvressur lesmiennes.Lafinde

notreaventure.Unelongueaventuredeneufans.Jel’airegardédroitdanslesyeux.—Jeneregretterien,Rune.Jeveuxquetulesaches.Toutaétéparfait.Promets-moiquetupartirasà

l’aventuredanslemondeentier,quetuvisiterasd’autrespays,quetuprofiterasdelavie.Runeahochélatête.—Jetelepromets,Poppy.Soulagée,j’aiposélatêtecontrelui.Lesminutesontpasséensilence.J’airegardélecieletlesétoiles

disparaîtrepeuàpeu.Runes’estéclaircilagorge.—Est-cequetuasétéheureuse,Poppymin?Est-cequetuas…aimétavie?—J’aiadorémavie,Rune.Absolument tout.Et je t’aiaimé toi.Tuasembellimesjournéesetmes

nuits.Tuétaisderrièrechacundemessourires.J’aifermélesyeuxetj’airepenséànotrehistoire.Àtouteslesfoisoùilm’avaitprisedanssesbras,

oùilm’avaitembrasséeetaimée.—Oui,j’aieuunebellevie.Ilapousséunsoupir,commesimaréponselesoulageaitd’unfardeau.—Moiaussi.J’aifroncélessourcils.—Latiennen’estpasencoreterminée.—Poppy…—Non,Rune!Écoute-moibien.Jesaisquemondépartvatebriserlecœur,maistun’aspasledroit

debaisserlesbras.Jeseraitoujourslà.Jemarcheraiàtescôtés.Jetetiendrailamain.Jefaispartiedetoi,commetufaispartiedemoi.Tuvasvivre,rire,explorerlemonde…pournousdeux.J’aiserrésamaindanslamienne,l’implorantdem’écouter.—Disouiàtout,Rune.Toujours.Disouiàdenouvellesaventures.Madéterminationl’afaitsourire.Ilapasséunemainsurmajoueetjeluiaisourienretour.—D’accord,Poppymin.Jetelepromets.—Tuastellementàoffriraumonde,Rune.Tueslegarçonquim’aofferttouscesbaisersetexaucé

mesderniersvœux.Cegarçonn’estpasdugenreàabandonner. Il se relève, comme le soleil tous lesmatins.Domptelatempête,Rune.Etsouviens-toid’unechose.—Quoi?—Clairdeluneetrayonsdesoleil.Runeaéclatéderire,unriremerveilleux.—Jesais,Poppymin.Jesais.Le soleil est apparu à l’horizon.Lagorge serrée, j’ai pris lamaindeRunedans lamienne et nous

l’avonsadmiréensilence.Celeverdesoleilsepassaitdecommentaires.J’avaistoutdit.Jel’aimais.Jevoulaisqu’ilvive.Etjesavaisquejelereverraisunjour.

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J’étaisenpaixavecmoi-même.J’étaisprêteàpartir.Commes’ilavait ludansmespensées,Runem’aserréecontre lui.Lesoleilachassé la luneet les

étoiles,surgissanttelleunebouledefeuau-dessusdel’eau.Lespaupièreslourdes,jesuisrestéeblottiedanssesbras,heureuseetsatisfaite.—Poppymin?—Oui,Rune.—Est-cequejet’aisuffi?Ilavaitlavoixrauque,érailléeparlechagrin.—Biensûr.Plusquetout.Lesoleilaprissaplacedanslecielmatinal.—Jesuisprêteàpartir,Rune.Ilm’aserréeunedernièrefoiscontrelui,ils’estlevéetilm’atendulamain.—Non,Rune…Jesuisprêteàpartir.Ilafermélesyeuxuninstant.Ils’estaccroupidevantmoietaprismonvisagedanssesmains.—Jesais,Poppy.J’aisentil’instantoùtul’asdécidé.Ilm’aportéejusqu’àlavoiture.J’aitournélatêteversl’océan,unedernièrefois.—Regarde,Rune.Tesempreintesdanslesable.Cetteimagenousacoupélesouffle.—Tum’asportéedanslesmomentslesplusdifficiles,quandjen’avaispluslaforced’avancer.Tu

m’asportéejusqu’aubout.—Pourtoujours,Poppymin.Pourlavie.Jel’airegardéconduirependanttoutletrajet.Jevoulaisgravercesouvenirdansmamémoire,jusqu’à

cequ’ilsoitderetourdansmesbras.

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16

RÊVESETSOUVENIRS

Rune

C’estarrivédeuxjoursplustard.DeuxjourspassésauchevetdePoppy,àluitenirlamainetàl’embrasser.Neufcentquatre-vingt-dix-

neufbaisers.Nousavions installéson litdevant la fenêtre,commeà l’hôpital.Poppyétaitdeplusenplus faible,

maistoujoursaussiheureuse.Ellenoussouriaitàlongueurdejournéepournousrassurer.J’étaisfierd’elle.Jemesuisisolédansuncoindelapièceetj’airegardéchaquemembredesafamilleluidireaurevoir.

J’aiécoutésespetitessœursetDeeDeeluidirequ’ellessereverraientunjour.Jesuisrestéfortpendantquesesparentsretenaientleurslarmes.Quandsamères’estécartée,Poppym’atendulamain.J’aimarchéd’unpaslourdjusqu’àelleetjeme

suisassissurlereborddulit.Poppyétaittoujoursaussibelle.—Hei,Poppymin.—Hei,Rune.J’aidéposéunbaisersursamain.Sonsourirem’abrisé lecœur.Dehors,unnuagedepétaless’est

envolédanslevent.—Regarde,Rune.Elless’envont.LedestinvoulaitquePoppypartelemêmejourquelesfleursdecerisier.Ellesguideraientsonâmeet

l’accompagneraientdanssonderniervoyage.—Jet’aime,Rune.—Jet’aimeaussi,Poppymin.—Jeteverraidansmesrêves.—Jeteverraidanslesmiens.Elle a poussé un soupir. Un sourire paisible s’est dessiné sur ses lèvres. Elle a fermé les yeux et

penché lementon versmoi, en quête de son dernier baiser. J’ai poséma bouche sur la sienne je l’aiembrassée.Unedernièrefois.Elleaexpiréparlenez,m’enivrantdesondouxparfum…etellen’aplus

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jamaisrespiré.J’aiouvertlesyeuxetj’airegardéPoppy,endormiepourl’éternité.J’aidéposéunbaisersursajoue.—Milleetun,ai-jemurmuré.Puisj’enaidéposéunautre,etencoreuneautre.—Milledeux,milletrois,millequatre.Unemains’estposéesurmonbras.M.Litchfieldasecouélatêted’unairtriste.Unevagued’émotions

m’a traversédepart enpart.LamaindePoppyétait immobiledans lamienne. Jevoyaisqu’elleétaitpartie,maisjenevoulaispaslalâcher.—Poppymin…Dehors, lespétalesdecerisiervolaientaugréduvent.Mon regards’estarrêté sur lebocalqu’elle

avaitlaissésurlatabledechevet.Underniercœuretuncrayonétaientàcôté.Jemesuislevé,jelesaiattrapésetjesuissortisurlaterrasse.Lesjouescouvertesdelarmes,jemesuisassisparterre,dosaumur,etj’aiplacélecœursurmongenou.

Baisern 1000AvecPoppymin

Quandelles’estenvoléeMoncœuraéclaté

J’aiouvertlebocal,j’aimislederniercœuràl’intérieuretj’aifermélecouvercle.J’étaisperdu.Vide.J’airegardéautourdemoi,àlarecherched’unindice.J’aiposélebocalparterre

etj’aienroulélesbrasautourdemesjambes.Leplancheracraqué.J’ailevélatête.Monpèreétaitlà.Illuiasuffid’unregardpourcomprendrequePoppyétaitpartie.Sesyeuxsesontremplisdelarmes.J’aiéclatéensanglots,etilm’aprisdanssesbras.J’enavaisbesoin.J’avaisbesoindelui.J’ai abandonné les dernières traces de colère et je me suis effondré dans ses bras, libérant mon

chagrin.Ilestrestéàmescôtés,surcetteterrasse,jusqu’àcequelanuittombe.Iln’apasditunmot.Sij’avaistendul’oreille,sij’avaisécoutéleventsoufflerdansnotrerue,j’auraisentendulerirede

Poppy,souriantetdansantverssaprochaineaventure.

*

L’enterrementaeulieuunesemaineplustard.Lacérémonieétaitbelle,àl’imagedePoppy.Après,jesuisrentréchezmoietjemesuisisolédansmachambre.Mesparentsontfrappéàlaporte.Monpèreestentréetaposéuneboîtesurmonlit.—Qu’est-cequec’est?—Poppynousademandédeteladonneraprèssonenterrement.Ellel’apréparéeavantdepartir.Moncœurs’estemballé.—Tudoislirelalettreenpremier.Ilyaplusieursboîtesàl’intérieur.Ellessontnumérotées.Jemesuisagrippéàsamain.

o

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—Merci.—Jet’aime,Rune.—Jet’aimeaussi.Etjelepensaisvraiment.Cettesemaine,notrerelationavaitchangé.S’ilyavaitbienunechosequela

courteviedePoppym’avaitapprise,c’étaitqu’ilfallaitapprendreàpardonner,àaimeretàvivre.J’enavaisvouluàmonpèretroplongtemps.Macolèren’avaitcauséquedeladouleurautourdemoi.Clairdeluneetrayonsdesoleil.Mamèrem’aembrassésurlajoue.—Appelle-noussituasbesoin.Ellese faisaitdusoucipourmoi,mais je lasentaisplussereinedepuismaréconciliationavecmon

père. J’ai attendu qu’ils sortent. Ilm’a fallu un quart d’heure avant de trouver le courage d’ouvrir laboîte.Lalettreétaitsurledessus.J’aiouvertl’enveloppeetjel’aidépliéelentement.Rune,Toutd’abord,sachequejet’aimeplusquetout.Tulesais,etpersonnesurcetteplanètenedirale

contraire : nous étions faits l’unpour l’autre.Cependant, aumomentoù tu lis cette lettre, je seraipartie.Sachequemêmeenécrivantceslignes,jen’aipaspeur.Cettedernièresemaineadûêtredifficile

pourtoi.Difficilederespirer,deteleverchaquejour.Jelesais,carc’estainsiquejemesentiraissiont’enlevaitàmoi.Jesuistristedesavoirquemonabsencetefaitsouffrir.C’étaitleplusdur,Rune.Lechagrindemesproches,ettacolère.Jet’enprie,nelaisseplusjamais

cettecolèreteguider.Continueàêtrel’hommequetuesdevenu.Leplusbelhommedumonde.Commetupeuxlevoir, j’aiunderniercadeauàt’offrir.J’aidemandéàtonpèredem’aider.Ila

accepté sans la moindre hésitation. Parce qu’il t’aime plus que tout. J’espère que tu le sais,désormais.Tutrouverasunegrandeenveloppedanslaboîte.Ouvre-lamaintenant,etjet’expliquerai.

J’aiposélalettredePoppysurlelit.Lesmainstremblantes,j’aiattrapélagrandeenveloppeetj’enai

sortiuneautrelettre.J’aifroncélessourcilsenlisantl’en-tête:«UniversitédeNewYork.TishSchooloftheArts.»M.Kristiansen,Aunomducomitéd’admission,nousavonsl’honneurdevousinformerquevousêtesadmisànotre

programmedePhotographie.J’ailulalettreenentier.Deuxfois.J’airamassélalettredePoppypourlirelasuite.

Félicitations!

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Je teconnais,Rune.Tuessûrementen trainde froncercessourcilsblondsque j’aimetant.C’estnormal. Jem’attendaisàceque tu sois choqué,àceque tu résistes.Maisne résistepas,Rune.Turêvesdecetteécoledepuistoujours.Cen’estpasparcequejenesuispluslàpourvivremonrêvequetudoissacrifierletien.Jesavaisquetuabandonneraistesétudespourresteràmescôtéscesdernièressemaines.Jet’en

suisreconnaissante,Rune.Tut’esoccupédemoi,tum’asgardéedanstesbras,tum’asembrassée…Jet’enremercie,maisjenevoulaispasquetusacrifiestonavenirparamour.Tuesnépourcapturertouscesmomentsmagiques.Tuesdoué,passionné.Laphotographiefaitpartiedetoi.Cettefois,c’estmoiquit’aiporté.Avantdedécouvrir la suite, sacheque c’est tonpèrequim’aaidéeàpréparer tonportfolio et à

t’inscrireàl’université.Ilaaussipayélepremiersemestreettachambre.Ill’afaitavecamour,mêmequandtul’ignorais.Ilm’abeaucoupémue.Ilestfierdetoi,Rune.Maintenant,ouvrelaboîtenuméroun.

Il y avait un portfolio à l’intérieur. Poppy etmonpère avaient rassemblémesmeilleures photos de

paysage,deleversdesoleiletdecouchersdesoleil.Toutescellesdontj’étaisleplusfier.Quandjesuisarrivéàladernièrepage,monventres’estnoué.C’étaitPoppy.LaphotodePoppysurla

plage.Unephotoquimettaitenavantsabeautéetsagrâce.Mapréférée.J’airetenumeslarmesenpassantundoigtsursonvisage,puisj’aireprismalecture.

Impressionnant,n’est-cepas?Tuasundon,Rune.Jesavaisquetuseraisaccepté.Jenesuispas

une experte en photographie, mais je voyais que tu étais capable de capturer des images commepersonned’autre,quetuavaisunstylebienàtoi.La dernière photo est ma préférée. Pas parce qu’il s’agit de moi, mais parce qu’elle a redonné

naissanceàtapassion.Cejour-là,surlaplage,jel’aivuerevivreentoi.Cejour-là,j’aicomprisquetu survivraisàmondépart. J’ai retrouvé leRuneque je connaissais etque j’aimais tant.Celuiquivivraitsaviepournousdeux.LeportraitdePoppym’arappelénotrevoyageàNewYork,etl’expositionoùPoppym’avaitemmené.

Cejour-là,ellesavaitdéjàqu’onm’avaitaccepté.J’enétaiscertain.J’airepenséaudernierportraitdel’exposition.Esther.Lafemmedumécène.Leportraitqu’ilavaitprisdesa femme,partie trop tôt.Ceportraitn’avaitpaschangélemonde,maissafemmeavaitchangélesien.PoppyLitchfieldétaitunejeunefillecommelesautres,néedansunepetitevilledeGéorgie.Pourtant,

elleavaittransformémavie.Façonnémonmonde.Etaujourd’hui,mêmeaprèssamort,ellel’embellissaitencore.J’enarriveàladernièreboîte,Rune.Jetepréviens:ellerisquedenepasteplaire.Avantdetelaisser,jetiensàcequetusachesquelquechose.Mavieaététropcourte,etjen’aipas

passé autant de temps avec toi que je l’aurais voulu,mais pendant ces brèves années, pendant cesderniersmois,j’aiappriscequ’étaitl’amour.Grâceàtoi,Rune.Tum’asfaitsourire.Tum’asrendueheureuse. Et, surtout, tum’as offert tes baisers.Quand je repense à ces dernières semaines, à ton

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retourdansmavie, jen’aipas ledroitd’être triste.Parceque tuétaisàmescôtés.Tum’asaiméeintensément,etjen’avaisbesoinderiend’autre.C’étaitsuffisant.Maisçanel’estpaspourtoi.Tuméritesencored’êtreaimé.Quandtuasdécouvertmamaladie,tu

t’en es vouludenepaspouvoirme sauver.Plus j’y pense, plus je sais que cen’était pas ton rôle.C’étaitàmoidetesauver,Rune.Grâceàmamort,grâceànotrehistoire,tut’estrouvétoi-même.C’estlaplusgrandeaventurequi

noussoitofferte.Tuasbrisélesténèbresettuasmarchéverslalumière.Unelumièrepurequiteferaavancer,etquitemèneraunjouràl’amour.J’imaginetaréactionàlalecturedeceslignes.N’oubliepasquelavieestcourte,Rune,maisque

l’amour est sans limites et nos cœurs sont immenses. Alors ouvre le tien. Accepte d’être aimé etd’aimerànouveau.Dansquelquesinstants,tuouvrirasladernièreboîte.Maisd’abord,jetiensàteremercier.Mercide

m’avoiraiméechaquejour,chaqueminute,chaqueseconde.Mercipourtessourires.Mercipourlesmillebaisersquetum’asofferts.Chacund’entreeuxétaitprécieux.Commetoi.Etsachequetun’espasseul.Tuneserasjamaisseul,Rune.Jeseraiàtescôtés.Mamaindansla

tienne,etmesempreintesdanslesable.Jet’aime,RuneKristiansen.Detoutmoncœur.Ilmetardedeteretrouverdansmesrêves.

J’aiposélalettresurlelit.Deslarmesdévalaientmesjoues.Jelesaiessuyéesdureversdelamain.

J’ai ouvert la dernière boîte. Elle était plus lourde que les autres. J’ai tout de suite su de quoi ils’agissait.Unbocal.Ilyavaitunmessageaccrochéaucouvercle.

Disouiàdenouvellesaventures.Poppyx

Lebocalétaitremplidepetitscœursenpapierbleu.Ilsétaienttousvides.Uneétiquetteétaitcolléeauverre:«Millebaisersdefille.»J’aiserrélebocalcontremoncœuretjemesuisallongé.Jenesaispascombien de temps je suis resté là, immobile, les yeux fixés au plafond, à revivre chaque instant quej’avaispartagéavecPoppy.J’aisourienrepensantàtoutcequ’elleavaitaccompli.Jemesuissentienpaix.JesavaisquePoppy

meregardaitdelà-hautensouriant…avecsonjolinœudblancdanslescheveux.

*

UnanplustardBlossomGrove,Géorgie

—Tuesprêt,Alton?Monpetitfrèreadévalél’escalieretm’aprisparlamain.

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—Ja.—Allons-y.Noussommessortisdelamaisonmaindanslamain,endirectiondelacerisaie.Lecielétaitparsemé

d’étoiles. J’avais mon appareil autour du cou. J’en avais besoin. Je devais capturer cette image. Jel’avaispromisàPoppymin.J’aientendulafouleavantdelavoir.Altonm’aregardéavecdegrandsyeux.—Ilyabeaucoupdemonde.—Millepersonnes,ai-jeréponduenentrantdanslacerisaie.Lescerisiersétaientenfleur.Unocéanroseetblanc.Celam’arappeléladernièrefoisoùj’étaislà,

avecPoppy.Toutlemondeétaitrassembléaumilieudescerisiers.Celam’aréchauffélecœur.—Rune!Idaatraversélafouleencourantetelles’estjetéedansmesbras.J’aiéclatéderire.Ellealevélatête

et,pendantuninstant,j’aicruvoirPoppy.—Tunousasmanqué!Savannah,M.etMmeLitchfieldetmesparentsnousontrejoints.MmeLitchfieldm’aembrassésurla

joueetM.Litchfieldm’aserrélamain.—Tuasl’airenforme,Rune.—Merci.Vousaussi.—CommentçasepasseàNewYork?—Trèsbien.Poppyauraitadorécetteville.MmeLitchfieldavaitleslarmesauxyeux.Elleamontrélafouledudoigt.—Elleauraitadoréça,Rune.Jesuissûrequ’ellenousvoitdelà-haut.Jen’aipasrépondu.J’enétaisincapable.Altons’estagrippéàmoi.Depuismonretouràlamaison,ilmesuivaitpartout.Monpèreaposéunemainsurmonépaule.—Toutlemondeestprêt.Jemesuisdirigéverslapetiteestradeetlemicroquim’attendaientaucentredelacerisaie.Deacon,

Judson,JorieetRubym’ontbloquélepassage.—Rune!Jories’estjetéedansmesbras.Deaconm’adonnéunetapedansledos.—Onestprêts,Rune.Ilyaplusdemondequeprévu.J’aihochélatêteenbalayantlacerisaieduregard.Leshabitantsdelavilleavaientréponduprésent.

Chacunportaitunelanternechinoise,etàchaquelanterneétaitattachéundenosbaisers,écritengrandeslettresnoires:«Baisernumérodeuxcenttrois,avecmonRune,souslapluie,moncœurapresqueéclaté.Baisernumérovingt-trois,avecmonRune,danslejardin,moncœurapresqueéclaté.Baisernuméroneufcentun,avecmonRune,dansmonlit,moncœurapresqueéclaté.»Unelanternem’attendaitsurscène.Jemesuisdemandéquimel’avaitlaissée.J’aicroiséleregardde

monpère,quiabaissélesyeux,gêné.Lemillièmebaiser.AvecPoppymin,quandelles’estenvolée.Mon

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cœuraéclaté.Ilavaitraison.C’étaitàmoid’envoyercelui-ci.C’étaitcequ’elleauraitvoulu.Jesuismontésurl’estradeavecAltonetj’aiattrapélemicro.Toutlemondes’esttu.Devantmoi,un

océandelanternes,prêtesàs’envoler.C’étaitparfait.Encoreplusbeauquecequej’imaginais.—Jenevaispasfaireunlongdiscours.Parlerenpublic,cen’estpasmonfort.Jetenaisjusteàvous

remercierd’avoirréponduàmonappelcesoir.Émuauxlarmes,j’aieudumalàcontinuer.J’aipasséunemaindansmescheveux.—Avantdemourir,Poppym’ademandédeluienvoyernosbaiserspourqu’ellelesvoiedelà-haut.Je

saisquelaplupartd’entrevousn’avezpaseulachancedelarencontrer.Toutcequejepeuxvousdire,c’est quePoppy était la plus belle personne que j’ai connue.Elle aurait adoré cette soirée. S’il vousplaît,allumezvoslanternesetaidez-moiàenvoyernosbaisersàmaPoppy.J’aiposélemicro.Lesflammesdesbriquetsontilluminélacerisaie.L’uneaprèsl’autre,leslanternes

sesontenvoléesdans lanuitnoire, illuminant leciel.J’ai ramassé lamienneet jemesuis tournéversAlton.—Prêtàl’envoyeràPoppymin?Mon petit frère a hoché la tête. J’ai allumé la lanterne et j’ai libéré notremillième baiser. Le tout

dernier.Jel’airegardésuivrelesautresets’envolerverselle.Altonamissamaindanslamienneet jel’aiserréedetoutesmesforces.J’aifermélesyeuxetj’ai

envoyé unmessage à Poppy.Voilà tes baisers, Poppymin. Je t’avais promis de te les envoyer. J’airéussi.—Rune?—Ja?—Pourquoiondevaitlefaireici,danslacerisaie?—Parcequec’étaitsonendroitpréféré.—Pourquoionaattenduquelescerisierssoientenfleur?—ParcequePoppyminétaitcommeune fleurdecerisier.Elleestpartie trop tôt,maispersonnene

l’oublierajamais.Parcequelesplusbelleschosessontéphémères.Poppyétaitunefleur,unpapillon,uneétoilefilante.Elleétaitparfaite.Elleétaitàmoi…etj’étaisàelle.

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ÉPILOGUE

Rune

Dixansplustard

Jemesuisréveilléensursaut.J’étaisdanslacerisaie.Lesoleilréchauffaitmapeauetleparfumdescerisiersmecaressaitlesnarines.Lecielétaitremplidelanternes,millelanternesenvoyéesdesannéesplustôt,quiflottaientau-dessusdematête.Touslesarbresétaientenfleur.Ici,labeautéétaitéternelle.Commeelle.Jel’aientenduechanteravant

mêmedelavoir.Moncœurs’estemballé.Jemesuislevéetjel’aiattendue.Poppyestapparueauboutdusentier.Elledansaitetsouriait,caressantlesfleursaupassage.—Rune!Elleacouruversmoietaenroulésesbrasautourdemoncou.—Tum’asmanqué!—Toiaussi,Poppy.Elleavait les jouesroseset lesourire jusqu’auxoreilles.Je l’aiprisepar lamain.Commetoujours

dansmesrêves,j’avaisànouveaudix-septans.Poppys’estmisesurlapointedespieds.J’aiposéunemainsursajoueetjel’aiembrassée.Unbaiserpleindepassionetdetendresse.Jenevoulaispasqu’ilsetermine.J’aiécartémonvisagedusien.Ellem’asourietm’aguidéjusqu’ànotrearbrepréféré.Jemesuisassis

contreletroncetelles’estblottiecontremoi.J’aidéposédesbaisersdanssoncou.Quandjelarevoyaisici,jeprofitaisdechaqueinstant,sachantquejerepartiraisbientôt.Poppyregardaitleslanternesdansleciel.Elleslarendaientheureuse.Jelesavais.—Commentvontmessœurs,Rune?CommentvaAlton?Etnosparents?—Toutlemondevabien.Tessœursettesparentssontheureux.Altonestamoureux.Ilgagnetousses

matchsdebase-ball.Mesparentsvontbien.—Tantmieux.Un silence inhabituel s’est installé entre nous. J’ai froncé les sourcils. Dansmes rêves, Poppyme

posaittoujoursmillequestionssurmontravailetlespaysquejevisitais.Ellemedemandaitcombiende

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mesphotosavaientétépubliées.Cesoir-là,elleétaitsilencieuse.Pluspaisiblequed’habitude.—Tuneregrettespasden’avoiraiméquemoi,Rune?Den’avoirembrasséquemoi,pendanttoutes

cesannées?Denepasavoirremplilebocalquejet’aioffert?—Non,Poppy.J’aimemafamille,j’aimemontravail,mesamisetmescollègues.Jesuisheureux,etje

n’aijamaiscessédet’aimer.Jen’aibesoinderiend’autre.Monbocals’estremplienmêmetempsqueletien.J’aiplacéunemainsoussonmenton.—Meslèvressontàtoi,Poppymin.Jetel’aipromis.Rienn’achangé.Unsourireailluminésonvisage.—Lesmiennesaussi,Rune.J’aimisunemaindansl’herbe.Cesimplecontactm’asurpris.C’était…différent.D’habitude,quand

jerendaisvisiteàPoppy,jesentaisl’herbe,maispassesbrins.Jesentaislabrise,maispassachaleur.Jesentaislesarbres,maispasleurécorce.Cesoir-là,toutmesemblaitplusréel,plusvif.Commesij’étaisréveillé.J’aiappliquéunbaisersur

l’épauledePoppyetj’aisentiladouceurdesapeaucontremeslèvres,lachairdepoulesursesbras.Poppym’aregardéavecdegrandsyeux.Etj’aicompris.Toutétaittropvrai.Tropréel.Moncœurs’estemballé.—Cen’estpasunrêve…n’est-cepas,Poppymin?Elle s’estmise à genouxdevantmoi et elle a posé lesmains surmes joues.Ellem’a regardé avec

tendresse.—Non,Rune.Cen’estpasunrêve.—Comment…—C’étaittrèsrapide.Tun’aspassouffert.Tafamillevabien.Tuasvécuunebellevie,Rune.Celle

quej’espérais.—Tuveuxdireque…—Tut’esenvolé.Tuesrevenudansmesbras.Unevaguedebonheurs’estemparéedemoi.J’aiécrasémabouchecontrelasienne.J’étaisenfinàma

place.—Jeresteavectoi?Pourtoujours?—Oui,Rune.C’estledébutd’unenouvelleaventure.Jel’aiembrasséeànouveau.Poppyafermélesyeux.—Unbaiseréternel.AvecmonRune,danslacerisaie.Quandilestrentréàlamaison.Nousavonséchangéunsourire,etelleaajouté:—Moncœurapresqueéclaté.

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PLAYLIST

BEAUCOUPdechansonsontaccompagnél’écrituredecelivre,maisdeuxgroupesenparticulierenontformélabandeoriginale.J’ail’habitudedevarierlesgenresmais,cettefois,jesuisrestéefidèleàmon inspirationet j’aivoulupartageravecvous lesmorceauxquim’ontaidéeà façonner l’histoiredePoppyetRune.

OneDirection

InfinityIfICouldFlyWalkingintheWindDon’tForgetWhereYouBelongStrongFireproofHappilySomethingGreatBetterThanWordsLastFirstKissIWanttoWriteYouaSongLoveYouGoodbye

LittleMix

SecretLoveSongPtIIILoveYouAlwaysBeTogetherLoveMeorLeaveMeTurnYourFace

Autresartistes

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EyesShut–Years&YearsHeal–TomOdellCan’tTakeYouWithMe–BahamasLetTheRiverIn–DotanAreYouWithMe–Suzan&FreekStayAlive–JoséGonzálezBeautifulWorld–AidenHawkenLeCygne(LeCarnavaldesanimaux)–CamilleSaint-SaënsWhenWeWereYoung–AdeleFootprints–SiaLonelyEnough–LittleBigTownOverandOverAgain–NathanSykesPourécouterlaplaylist,visitezmapage«AuthorTillieCole»surSpotify.

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REMERCIEMENTS

Maman et papa, merci de m’avoir soutenue pendant l’écriture de ce livre. Votre bataille contre lecancernousabouleversés,moietnotrepetitefamille.Votrecourageetvotreoptimismeont transformémafaçondevoirlemonde.Cesdernièresannéesontétédifficiles,maisellesm’ontapprisàprofiterdechaque instant, et àvousapprécierdavantage.Vousêtes lesmeilleursparentsdumonde. Jevousaimetellement ! Merci de m’avoir autorisée à m’inspirer de votre expérience. C’est ce qui a rendu cettehistoireplusvraieetréaliste.Nanna,tuespartietroptôt.Tuétaismameilleureamie,etjet’aimeplusquetout.Tuétaisdrôle,une

présencepositiveetlumineuse.Lagrand-mèredePoppyestinspiréedetoi.J’étaisla«prunelledetesyeux»,tameilleureamie,etmêmesitun’espluslà,j’espèrequetuesfièredemonlivre!J’espèrequetusourislà-hautavecGrand-Père,danstapropreversiondelacerisaie.Jim,monbeau-pèrepartitroptôt.Tuasétécourageuxjusqu’aubout.Tonfilsettafemmesonttrèsfiers

detoi.Tunousmanquesbeaucoup.Àmonmari,mercidem’avoirencouragéeàécrirecelivre.Jet’aiparlédecetteidéeilyalongtemps,

et tum’as poussée àme lancer,même si c’était très différent de ce que j’ai l’habituded’écrire. Je tedédiecelivreenentier.Jet’aimepourtoujours.Pourlavie.Sam,Marc,Taylor,Isaac,ArchieetElias.Jevousaime.Àmespremierslecteurs:Thessa,Kia,Rebecca,RacheletLynn.Encoreunefois,MERCI.C’étaitdur,

maisvousvousêtesaccrochées,mêmesijevousaifaitpleurer!Jevousaime.Thessa,monétoileetmasuper-assistante.MercideprendresoindemapageFacebooketdet’occuper

demoi.Mercipourtescorrections.Etsurtout,mercidem’avoirpousséeàécrirel’épilogue.C’étaitunedécisionstressante,n’est-cepas?TRÈSstressante!Tuasétémonpilier.Jet’adore.Tun’ignoresjamaismesmessages,mêmetarddanslanuit,etjenepourraispasdemandermeilleureamie.Gitte,monVikingpréféré!Mercid’avoirparticipéàcetteaventure.Dèsl’instantoùjet’aifaitpartde

cettehistoire–etdèsque tuasapprisque lehérosseraitnorvégien!– tum’asencouragéeà l’écrire.Mercipourtestraductions.Mercipourl’inspiration.Runeestparfait!Etsurtout,mercid’êtretoi.Tuesunamiformidable.Tunem’asjamaisabandonnée.Jet’aime,PusPus!Kia!Quelleéquipenousformons!TueslaMEILLEUREéditriceetcorrectriceaumonde.Cen’est

queledébutd’unelonguehistoire!Mercipourtouttontravail,etmercipourl’inspirationmusicale.MesamisduGoldenBow,Rachel,quiauraitcruquetoutescesannéesàjouerduvioloncellenousserviraientàcepoint?

Page 144: L’édition originale de cet ouvrage a paru sous le titreekladata.com/7tA7aSCwxP2m0dN9GXifg7ftulU.pdfétait blanche, avec des fenêtres noires. Elle était quasiment collée à la

Liz,monformidableagent.Jet’aime.Fêtonsmonentréedanslemondedelalittératurejeunesse!GitteetJenny(encore!)duTotallyBookedBlog.Merci,jevousaime.Vousmesoutenez,quoiqueje

fasse,même quand je change de genre.Vous faites partie des plus belles personnes que je connaisse.Notreamitiém’estprécieuse.Ungrandmerciauxnombreuxblogsquimesoutiennentetfontlapromotiondemeslivres:Celesha,

Tiffany,Stacia,Milasy,Neda,KinkyGirls,Vilma…Lalisteestlongue!Tracey-Lee,ThessaetKerry,mercidedirigermonfanclub:[email protected]àmescôtés.Jevousadore,lesfilles!Àtouslesmembresdemonfan-club:JEVOUSAIME!!!JodietAlycia,jevousaime,lesfilles.Vousêtesmesmeilleuresamies.MacommunautéInstagram!!!Jevousadore!!!Àmes lecteurs.Merci d’avoir lu ce roman. J’imagine que vous avez les yeux gonflés et les joues

rougiespar les larmes,mais j’espèrequevousaimezPoppyetRuneautantquemoi.J’espèreque leurhistoireresteraàjamaisgravéedansvotrecœur.Jenepourraispascontinuersansvous.Jevousaime.Pourtoujours.Pourlavie.