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L'ADMINISTRATION PROVINCIALE ET LA F ÉODALITÉ A LA FIN DE L'ANCIEN EMPIRE PAR JACQUES PIRENNE 76003

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L'ADMINISTRATION PROVINCIALE ET LA FÉODALITÉ

A LA FIN DE L'ANCIEN EMPIRE PAR JACQUES P I R E N N E

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L ' A D M I N I S T R A T I O N P R O V I N C I A L E E T L A

F É O D A L I T É A L A F I N D E L ' A N C I E N E M P I R E

MO N S I E U R Hermann K E E S a consacré à l'administration provinciale de l'Ancien Empire une seconde étude relative à la Basse-Égypte

Je ne discuterai pas, dans le présent article, les hypothèses émises par M. Kees au sujet de l'administration des nomes de la IV6 à la VI^ dynaëtie. Il ne formule, en réalité, aucune conclusion à ce sujet. La raison en e§t qu'il n'a pas dégagé suffisamment l'évolution du gouvernement, qui se suit cependant pas à pas dans la titulature à condition de sou­mettre celle-ci à un classement chronologique rigoureux. Cet examen des documents nous permet de résumer cette évolution comme suit :

Sous la IlJe dynastie, les gouverneurs de Haute-Égypte s'intitulent heqa het aat ^ régent de grand château, titre qui rappelle évidemment l'organisation seigneuriale de l'ancien royaume féodal de Nekhen.

En Basse-Égypte, les gouverneurs des nomes sont intitulés adj mer, intendants. C'eSt là un titre de fonctionnaire et non un titre seigneurial. Toutefois, les gouverneurs de Basse-Égypte cumulent parfois les titres de heqa het, régents de château et de adj mer , intendants.

L'Égypte, ou tout au moins le Delta, e§t protégé par des zones frontières à l'eSt et à l'oueSt, zones qui englobent plu­sieurs nomes et à la tête desquelles se trouvent placés de très hauts personnages, les seshem ta guides du pays. Ceux-ci, superposés aux gouverneurs de nomes, possèdent des pou­voirs militaires dont ne disposent pas les nomarques.

La grande réforme administrative de la IV^ dynastie, qui unifie le droit en Haute et Basse-Égypte, supprime ces anciens titres de nomarque et les remplace par le titre unique

1. Hermann KEES, Beiiràge z^ur altà^ptischen Vrovim^ialverwaltmg und der Geschichte des Veudalismus. II. UnteràgypieH. (Nachrichten von der Geselhchaft der Wissenschajten r^u GSttingen. Phil. Hift. Klasse, 1933, pp. 579 à 598.)

2. Meten, SETHE, Urk., I, n" i ; Pehernefcr. MASPERO, Études É^ipt., Il, 246. 3. Meten, Pehernefer cités; Khoutaa, WEILL, II"-!!!'' djn. ; PéTRIE, Koyal Tomhs,

II, p. 53. 4. Meten.

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porté désormais par tous les gouverneurs de l'Égypte, de sab adj mer i, juge intendant, qui correspond exactement aux fondions judiciaires et administratives des gouverneurs des nomes à cette époque.

Sous la Ve dynastie, le titre des gouverneurs de nome reste le même que sous la IV^. Cependant, la création d'une nouvelle noblesse issue du culte royal, aboutit à la formation d'une oligarchie au sein de laquelle se recrutent de plus en plus les hauts fonctionnaires et notamment les gouverneurs des nomes.

Les charges religieuses deviennent héréditaires sous la Ve dynaS^tie. Cette tendance à l'hérédité se manifeste égale­ment dans les fondions civiles. C'eSt ainsi que dans différents nomes de Haute-Égypte, les gouverneurs se succèdent héré­ditairement.

Or, on remarque que les gouverneurs devenus héréditaires, abandonnent le titre de sah adj mer.

Dans le nome du Lièvre (15^ nome de Haute-Égypte), Ser-ef-en-ka et son fils Ourirni ^ se succèdent comme no-marques et s'intitulent seshem-ta, guide du pays, et heqa het, régent de château.

Inti , général qui avait conduit victorieusement l'armée impériale jusqu'en Palestine, se vit accorder le gouvernement héréditaire du 21^ nome de Haute-Égypte avec le même titre de seshem ta que son fils ( ?) Iteti-shedou devait porter après lui.

Il semble de même que l'hérédité du gouvernement s'inSlalle dans le nome de Cusae (14^ nome de Haute-Égypte), au profit du grand prêtre d'Hathor, Nekankh *, qui s'intitule ainsi que son fils Hen-Hathor, imira het aat, directeur de grand château, titre voisin de celui que portaient les gou­verneurs des nomes de Haute-Égypte sous la III^ dynastie.

Ce même titre de imira het aat eSl porté héréditairement sous la dynastie par Shepseskaf-ankh, li-Meri, Ptah-baou

1. Kanefer, Stèles British Muséum, I, pl. 4; Akhet-hetep, MARIETTE, Mast., p. 70; Ankhires, MARIETTE, Mast., p. 109; Aakhi, JUNKER, Gi^a, I, p. 240; Seshem-nefer I.EPSius, Denkm., II, 27-29.

2. DAVIES, Kock Tomhs of Sheik-Saïd, pp. 10 et suiv. 3. PéTRIE, D;shasheb, p. 42, pl. IV à XIV. 4. SETHE, [Jrk., I, n" 17.

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nefer^,qui semblent bien avoir été, eux aussi, des gouverneurs de nomes, sans que nous puissions préciser dans quelle province ils exercèrent cette charge.

La Vie dynaélie vit s'opérer le démembrement de la Haute-Égypte en principautés féodales.

Les anciens gouverneurs, sab adj mer, disparaissent pro­gressivement. Il n'en re§te plus un seul à la fin du règne de Pepi II. Ils sont remplacés par des familles qui deviennent princières. La titulature de ces familles de nomarques héré­ditaires, si flottante sous la V« dynastie, se fixe sous la VI® et, dès le règne de Teti, tous les gouverneurs héréditaires de nomes s'intitulent heqa het, régents de château. Ils ajoutent bientôt à ce titre celui de chancelier, sedjaouti hiti, que n'avaient porté jusqu'alors que les vizirs.

Après avoir exercé le gouvernement héréditaire pendant deux ou trois générations, les nomarques heqa het obtiennent la dignité princière de hatia. Les principaux d'entre les nomarques s'intitulent également, en outre, grand chef, heri djadja aa.

Sous l'autorité du prince de nome, des régents héréditaires qui appartiennent généralement à la famille du prince, gou­vernent des subdivisions territoriales du nome; ils s'inti­tulent heqa het, mais ne sont jamais chanceliers.

Certains nomarques, déjà sous la dynastie, portent le plus haut de tous les titres nobiliaires, celui de iri par. Mais si ce titre paraît désigner tous les princes féodaux sous le Moyen Empire, il n'en eSl pas de même jusqu'à la fin du règne de Pepi II.

On ne trouve, en effet, comme prince iri pat, que les nomarques de Cusae, Thinis, Hiérakonpolis, Koptos, Hip-ponos. Il faut noter que ces différentes familles princières sont alliées à la famille royale, ou que l'un de leurs membres a occupé le vizirat.

En Basse-Égypte, les gouverneurs semblent avoir porté, sous la VI^ dynaëtie, le titre de imira ou heqa het aat ^.

1. LEPSIUS, Denkni., II, 49, 50, 56; MARIETTI;, Alast., p. 491. 2. Pour l'étude approfondie de cette qucSlion, on verra J. PIRENNE, Hifioire des

Institutions et du Droit privé dans l'Ancienne Ègfpte, t. III, chap. XLV et J. PIRENNE, Évolution de la titulature des nomarques, » Annuaire de l'InStitut de Philologie et d'HiSloire Orientales de l'Université de Bruxelles », 3'= année (1935).

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Dans son étude, H. Kees étudie spécialement le vizirat à la fin de la VI^ dynastie et aboutit à cette hypothèse que cette haute charge fut partagée entre deux vizirs : l'un pour la Haute-Égypte, l'autre pour la Basse-Égypte. La question mérite évidemment un examen attentif.

Les vizirs de la V P dynastie se donnent très fréquemment comme exerçant leur autorité à la fois sur la Basse et sur la Haute-Egypte. Il en eSt ainsi pour :

K A G E M N I 1 : imira oupout n ta djer-f, direfteur des missions dans l'Égypte entière; kherp bout net hedjet deshert, maître des châteaux des cou­ronnes blanche et rouge ; imira S berna Meh, gouverneur du Sud et du Nord ; imira Shema, iri Pe, gouverneur du Sud, gouverneur de Pe (Bouto).

M E R I 2 : saou Nekhe», imira Shema, « gardien » de Nekhen, gouverneur du Sud ; adj mer Dep, our senout aa Douaou, kherp bout net desbert, gouverneur de Bouto, « Grand » du sanftuaire de Leto-polis, maître des châteaux de la couronne rouge.

M E R I - T E T I : saou Nekben, vice-roi de Nekhen ; adj mer Dep, our senout aa Douaou, kherp bout net desbert, gouverneur de Bouto, « grand » du sanéhiaire de Leto-polis, maître des châteaux de la couronne rouge.

N E F E R - S E S H E M - R A * : imira oupout n ta djer-f, directeur des missions dans l'Égypte entière.

P E P I - A N K H ^ : saou Nekhen, imira Shema, iri Pe, « Gardien » de Nekhen, gouverneur du Sud, gouverneur de Pe (Bouto).

En outre, les vizirs Kagemni, Meri, Nefer-seshem-Ra, Thetou s, apparaissent comme les chefs direâs de l'admi­nistration de la Haute et de la Basse-Égypte ; ils sont imira

1. GuNN, Cemetery of Teti, pp. 105 et ss. 2. GuNN, op. cit., pp. 131 et ss. 5. DARESSY, Le tombeau de Mera, pp. 548. 4. CAPART, Une rue de tombeaux à Saqqarah, I, pp. 17 et ss., pl. XI à XV. — GUNN,

op. cit., pp. l o j et s. 5. A. M. BLACKMAN, The Rock tombs of Meir, IV, pp. T et ss. 6. G U N N , op. cit., p p . 1 5 1 e t s s .

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perouï hed/ouï, directeur de la double administration des finances; imira perout neb, direéleur de la double maison de l 'or; imira shenouti, direfteur du double service des greniers; imira ahet Shema Meh, diredteur des domaines du Sud et du Nord (Thetou); imira perouï ahet, direfteur de la double administration des domaines (Kagemni).

Il semble donc établi que, jusque sous le règne de Pepi I^', en tout cas, il n'y ait eu qu'un seul vizir pour tout le pays. Nord et Sud.

Faut-il admettre que, sous Pepi II, le vizirat se soit scindé en deux ?

Kees, étudiant certains bas-reliefs du temple funéraire de Pepi II, constate que, dans une même salle, sur le mur sud figure le vizir Idi^ suivi immédiatement du direâeur des khenti-she, puis du direéleur du Sud Khouï sur le mur nord, le vizir Ihi-khent, qui pourrait peut-être être ce Ihi-khent signalé par le décret de Dashour comme direéleur du céré­monial royal .

Il en déduit que l'Égypte, sous Pepi II, aurait été soumise à deux vizirs, l'un pour le Sud, Idi, l'autre pour le Nord, Ihi-khent.

Je ne crois pas pouvoir l'admettre. L'étude des documents prouve que Ihi-khent et Idi furent

vizirs dans les premières années du règne de Pepi II. En effet, Ihi-khent eSt cité dans le décret de Dashour, rendu l'an 21 du règne de Pepi I J", c'eSl-à-dire dans la dernière année, semble-t-il, de ce règne. Il y eSl cité comme imira khentiou-she, direc­teur des bénéficiaires. Dans le même décret nous apprenons que le dernier vizir de Pepi I " fut Meriptah-merira.

Il paraît donc très probable que Ihi-khent fut le premier à être promu vizir sous Pepi IL II occupait d'ailleurs, sous Pepi p r , la charge la plus honorifique après celle de vizir imira khentiou-she ; le temple funéraire de Pepi II montre en effet que ce personnage, chef de la noblesse, passe immé­diatement après le vizir dans les cérémonies de la Cour.

1. C'est le vizir cité dans le décret de Teti : SETHE, Urk., I I I , n"> 43 (nouv. éd.). 2. Cité dans le décret de Pepi II : SETHE, Urk., IV, n» 31 (nouv. éd.). 3. SETHE, IJrk., III, n" 45 (nouv. éd.).

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D'autre part, il e§t représenté dans le temple funéraire de Pepi II, en même temps que le vizir Idi et le gouverneur du Sud, Khouï, lequel e§t cité comme tel en l'an XI du règne de Pepi II dans le décret de Koptos ^ Mais dans ce décret de Koptos, le vizir en exercice c§t Djaou, frère de Idi. Idi put être vizir avant Djaou; il devait être fort âgé, en effet, à l'avènement de Pepi II, puisqu'il e§t cité comme prince de Thinis dans un décret de Teti , c'egt-à-dire au moins trente ans plus tôt.

Il faut donc admettre que le haut fonélionnaire Meriptah-merira fut le dernier vizir de Pepi I^'; qu'il eut pour succes­seur le plus haut dignitaire du palais, le chef de la noblesse de Cour, Ihi-khent, auquel succédèrent Idi, prince de Taour, puis le frère de celui-ci, Djaou, qui était vizir en l'an XI de Pepi II.

Nous savons que Péri * fut également vizir sous Pepi II, et qu'à la fin du règne de ce roi le vizir était le puissant prince de Koptos, Shemaï

La thèse de Kees suppose que seuls les vizirs Ihi-khent et Idi auraient été cités dans le temple funéraire de Pepi II, ce qui paraît impossible à admettre puisque ce sont précisément les deux premiers vizirs du règne. Il faut en déduire, sans doute, que le temple funéraire contenait la représentation de tous les vizirs du règne mais que nous n'avons conservé que le tableau oii sont figurés les deux premiers.

Ajoutons que Djaou, qui fut certainement vizir après Ihi-khent et Idi, s'intitule k^erp ourou Shema Meh, maître des grands du Sud et du Nord; il a donc exercé son autorité sur le pays tout entier; il dut par conséquent en être de même pour ses devanciers.

Les sources dont nous disposons ne nous permettent donc pas, à mon avis, d'accepter l'hypothèse de Kees et de conclure à la division du vizirat.

1. SETHE, Ijrk., IV, n° 31 (nouv. éd.). — Trad. MORET, Journal Asiatique, 1917, pp. 79-98.

2. SETHE, \Jrk., III, n" 43 (nouv. éd.). — MORET, Journal Asiatique, 1917, pp. 436-441.

3. JéQUIER, Tomb. de particuliers contemporains de Pepi II, N. V., p. 108. 4. Cité dans les décrets de Pepi II et de Neferl^aouhor : SETHE, UrA., IV, n"* 54-

35. — MORET, C. R. AC. Inscr., 1914, p. 565.

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L E TITRE Imira net mer. Enfin, je crois devoir relever le sens que Kees donne au

titre imira net mer. Comme la plupart des auteurs d'ailleurs, Kees voit dans ce fonâionnaire le direéleur de la ville de la Pyramide, ou gouverneur de la résidence royale.

Or, je crois ce sens tout à fait erroné. On remarquera, en i ffet, que le titre imira net nier e§t porté, sous la VI^ dynastie, par les vizirs Idi Djaou 2, Ra-hem-Isi , Meriptah-merira *, Henkou ^ Shemaï " et Idi de Koptos il e§t aussi porté par Khouï beau-père de Pepi I^r, père du vizir Idi de Ta-our, et peut-être lui-même vizir. On ne trouve donc comme imira net mer, si l'on excepte peut-être Khouï dont nous ne connaissons pas la titulature complète, que des vizirs.

Le titre imira net mer apparaît fréquemment aussi suivi du nom d'une pyramide royale, notamment :

Imira net ?ner Nefer-Isesi, porté sous la dynastie par Akhet-hetep »;

Imira net mer Djed-isout-Teti, porté sous la VI^ dynastie par le vizir Kagemni i";

Imira net mer Men-nefer-Pepi, porté sous Pepi II par Pepi-nakht 11, prince d'Éléphantine et Saou nekhen.

Il eSl très caraâérigtique de constater que les titres imira net mer et imira net mer d'une pyramide déterminée ne se cumulent pas. J'en déduis qu'ils ont le même sens. Ce sens e§t, à mon avis, non pas « gouverneur de la résidence royale », mais « gouverneur du domaine de la pyramide », ce domaine étant la fondation perpétuelle destinée à fournir au culte royal les ressources nécessaires, domaine immense,

1. Voir le décret de Teti : SETHE, Urk., III, n° 43 (nouv. éd.). 2. WEIL, Die Vet^iere, n" 30. 3. DAVIES, Deir-el-Gebrawi, II, p. 19, pl. XVI, X X I . 4. Voir le décret de Dashour cité ci-après. 5. DAVIES, op. cit., II, p. 27, pl. XXII , X X V I . 6. Voir décrets de Pepi II et de Neferkaouhor : MORET, C. R. AC. Inscr., 1914,

p. 565. 7. Décret de Demedjibtaouï : MORET, id. 8. DE ROUGé, Six premières flyn., pp. 131-134. ç. MARIETTE, MaHabas, D. 64, p. 359.

10. GuNN, Cemetery ofTeti,p. 105. 11. SETHE, Vrk., II, n° 27 (nouv. éd.).

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formé de nombreuses terres sur lesquelles s'érigent notam­ment les habitations des prêtres et de tout le personnel qui y eft attaché. Le titre imira net mer ne confère donc pas un pou­voir de gouverneur, mais constitue le plus considérable des bénéfices auquel puissent aspirer les féaux, comme la direc­tion de tout domaine funéraire attaché à une tombe con-ftitue un bénéfice de féauté, pour son détenteur héréditaire. Mais, seul de tous les bénéfices, celui de imira net mer de la pyramide du roi régnant ne devient pas héréditaire; il eft ma­nifestement, sous la Vie dynastie, conféré de droit au vizir.

Le sens de net mer, domaine de la pyramide, résulte très nettement des décrets royaux de la VI^ dynastie. Le décret de Dashour ^ l'établit à l'évidence. Pepi I "" accorde l'immu­nité au domaine de la pyramide de Snefrou et à cette occasion décrit tout le personnel de prêtres, d'artisans, de tenanciers et d'ouvriers qui en relèvent, ainsi que les féaux qui ont obtenu un bénéfice en terre sur ce domaine, les khenti-she ^.

Ce décret écarte de la façon la plus formelle le sens de « résidence royale » donné aux mots net mer, domaine de la pyramide.

Le décret de Koptos % en Stipulant que les fonctionnaires qui ne respefteraient pas la loi, ne pourraient plus être prêtres du domaine de la pyramide de Pepi II, confirme le sens que nous donnons à net mer. Cette même formule se retrouve de façon plus explicite encore, dans le décret de Pepi II relatif à l'immunité accordée au temple de Min de Koptos *, par laquelle le roi spécifie « tout gouverneur du Sud, tout ser, tout messager, tout scribe, s'ils n'agissent point confor­mément aux paroles de ce décret pris pour la grande salle d'Horus , Ma MajeSté ne permet pas qu'ils soient prêtres dans la pyramide de Men-ankh-Neferkara, ni dans aucun domaine (net) qui dépend de son autorité ».

1. SETHE, Urk., III, n" 45 (nouv. éd.). Traduftion : MORET, Journal Asiatique, 1917, pp. 387 et ss.

2. Sur les khenti-she, on verra J. PIRENNE, HiH. des Infîitutions et du droit privé de l'Ancienne ÉQipte, t. I, pp. 249 et ss., et t. III, pp. 312 et suiv.

3. SETHE, Ûrk., IV, n" 31 (nouv. éd.), trad. MORET, Journal Asiatique, 1917, pp. 97-98. 4. SETHE, Vrk., IV, n» 33, §§ IX à XIV (nouv. éd.). Trad. MORET, Journal

Asiatique, 1916, pp. 325-329. 5. Sur la différence qu'il y a entre le décret royal, ouJj nisout, et le décret pris pour la

grande salle d'Horus, oudj shesepou r ousekht (het) Her, voir J. PIRENNE, op. cit., t. II, pp. 242 et s.

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La biographie d'Ouni > signale d'autre part qu'il fut sehedj hem neter n net Men-nefer Pepi : prêtre supérieur du domaine de la pyramide de Pepi I^', titre qui prouve que le mot net désigne la pyramide et tout l'ensemble des biens et du personnel dont elle dispose.

Une dernière remarque : Kees, considérant le titre imira net mer, comme signifiant : gouverneur de la résidence, dit que la capitale de l'Égypte eft placée sous l'autorité du vizir, qui, selon lui, présiderait aux destinées de la Basse-Égypte.

Mais en même temps il considère le vizir Idi comme ayant été vizir de la Haute-Égypte. Or Idi porte le titre de imira net mer. Il y a donc là une nouvelle raison d'écarter l'hypo­thèse formulée par H. Kees.

Les textes sont tout à fait formels, le mot net dans le titre net mer ne signifie pas ville, mais domaine; le imira net mer n'eSl donc pas un fonftionnaire chargé du gouvernement de la capitale, mais le direfteur du domaine de la pyramide, c'egt-à-diré un féal bénéficiaire d'une charge particulièrement honorifique et lucrative. Jacques P I R E N N E .

I. SETHE, IJrk., II, n° 17 (nouv. éd.).

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