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L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS : ENJEU DES SOCIÉTÉS DU SAVOIR SYNTHESE ET ACTES Séminaire euro-méditerranéen organisé par la Commission nationale française pour l’UNESCO en coopération avec l’UNESCO, et avec le soutien du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 27-28 octobre 2005 Paris

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L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS : ENJEU DES SOCIÉTÉS DU SAVOIR

SYNTHESE ET ACTES Séminaire euro-méditerranéen organisé par la Commission nationale française pour l’UNESCO en coopération avec l’UNESCO, et avec le soutien du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

27-28 octobre 2005 Paris

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Commission nationale française pour l’UNESCO 57, boulevard des Invalides 75 700 Paris 07 SP Tél : 01.53.69.37.80 Tlcp : 01.53.69.32.23 http://www.unesco.fr/ Atelier d’impression de l’IIPE (UNESCO) Paris, octobre 2006

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SOMMAIRE Présentation Synthèse I – Savoir s informer II – Savoir informer Conclusions et recommandations ANNEXE : Programme

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Présentation

Ce séminaire euro-méditerranéen consacré à l’éducation aux médias s’est inscrit dans le prolongement du projet Mentor initié par l’UNESCO, en 2002, dans le cadre d’un partenariat avec la Commission européenne, et dans la perspective de la 2ème phase du Sommet mondial sur la société de l’information qui s’est tenu en novembre 2005 à Tunis.

Il a résulté d’une réflexion engagée, en mars 2004, par la

Commission française pour l’UNESCO, en étroite coopération avec le secteur communication de l’UNESCO, dans le cadre d’un groupe intersectoriel associant des experts des secteurs de l’éducation et de la communication.

Cette rencontre était également le cinquième volet d’un

cycle de réunions thématiques organisé par la Commission française pour l’UNESCO et consacré à la société de l’information, qui a permis d’aborder les problématiques du plurilinguisme dans le cyberespace, de la liberté d’expression sur l’Internet, des droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information ou encore de la diversité des contenus sur le web.

Le séminaire a été construit autour d’un axe double

correspondant à deux dimensions clés de l’éducation aux médias : l’éducation des jeunes aux médias traditionnels et nouveaux d’une part, et la sensibilisation et la formation des professionnels à la prise en considération de l’impact de leurs productions sur le public, en particulier les jeunes, d’autre part.

Il a permis d’engager un dialogue entre les différents types

d’acteurs concernés (experts, enseignants, parents, journalistes, jeunes lycéens et étudiants) et une meilleure connaissance et prise de conscience des préoccupations et des attentes du public, des contraintes et des responsabilités des professionnels et des enjeux

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de l’éducation aux médias à l’ère de la société de l’information. Sur la base de cet échange, qui a eu lieu dans un cadre comparatif et coopératif euro-méditerranéen, ont été formulées des recommandations visant à favoriser le développement de l’éducation aux médias à l’échelle internationale et destinées à la fois à l’UNESCO, aux autorités nationales compétentes et aux différents acteurs concernés.

Le rapport ci-après présente une brève synthèse des deux

journées de travaux en mettant tout particulièrement l’accent sur les propositions et recommandations qui en sont issues.

Les communications in extenso des intervenants sont quant à elles rassemblées dans le CD-rom des actes du séminaire joint au présent ouvrage.

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Synthèse

La première idée force qui s’est dégagée des travaux de ces deux journées est la conviction profonde exprimée par tous les participants que, pour que la « société de l’information » soit une société plurielle, inclusive et participative, il est plus que jamais nécessaire de fournir à tous les citoyens, et en particulier aux jeunes, les compétences pour savoir rechercher, décrypter l’information, prendre la distance nécessaire à l’analyse critique, l’utiliser et être soi-même producteur de contenus. I - Savoir s’informer

Le traitement de la problématique de l’éducation aux médias fait ressortir des questions de définitions et de terminologies préalables qui se complexifient avec la diversité des contextes nationaux et des langues dans un cadre multiculturel comme celui de l’euro-méditerranée. Les termes « information » et « médias », sans cesse utilisés, recouvrent des significations multiples et nécessitent un essai de clarification.

Le terme « médias » désigne en effet :

• tantôt, les entreprises et les professionnels (en l’occurrence les journalistes) dont l’objectif est de recueillir, de traiter et de diffuser des informations d’actualité en vue d’informer l’opinion de ce qui se passe dans le monde aux niveaux local régional, national et international. C’est ce qu’on appelle communément la « presse », ce qui inclut aussi bien la presse écrite que la radio et la télévision dans leur mission d’information, avec parfois, un sens plus large couvrant l’ensemble des programmes diffusés par la

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radio ou la télévision, qu’il s’agisse d’actualités, de publicité, d’émissions de divertissement, de films, etc.

• tantôt, l’ensemble des moyens de communication modernes, notamment informatiques, ainsi que les contenus qu’ils véhiculent quelles que soient leur nature et leur origine. Cette définition extensive inclut, outre la radio et la télévision, le réseau Internet et la masse énorme d’informations de toutes sortes qu’il rend accessible instantanément à toute personne pourvue d’un ordinateur.

Le terme « information » lui-même n’est pas univoque. Une

typologie des informations accessibles par le Net a été esquissée. Ce sont :

• des informations d’actualité validées par les professionnels de la presse ;

• des données ou datas à caractère scientifique ou technico-commercial ;

• des informations diverses émanant de communications interpersonnelles de groupes ou d’individus (parfois mal ou non identifiés) qui veulent faire part de leurs opinions ou désireux de dialoguer avec d’autres internautes (blogs, chats, etc.). Dans ce dernier cas la validation de l’information est aléatoire voire impossible.

L’éducation aux médias, selon que l’on prend la définition

restrictive - la Presse - ou sa définition extensive, en particulier Internet, ne pose pas les mêmes problèmes et ne fait pas appel aux mêmes méthodes. C’est dans le domaine de l’éducation à la presse que l’on dispose de plus de recul et de plus d’expériences, comme le montrent les témoignages présentés par nos collègues maltais ou par le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) pour ce qui concerne la France. Dans la plupart des pays participants, on note l’existence de tentatives réussies, sur la base du volontariat, dans le cadre des activités

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para ou périscolaires. Le caractère obligatoire de cette éducation, inscrit dans les programmes, n’a été mentionné qu’à Malte et en Tunisie, dans la loi d’orientation.

Les objectifs en sont clairement formulés :

• inciter les jeunes à lire les journaux ou à écouter et/ou regarder les informations radio-télévisées ;

• les aider à les décrypter, c’est-à-dire à les comprendre, à les situer dans leur contexte, à prendre de la distance, à avoir, le cas échéant, une attitude critique ;

• leur faire connaître le métier de journaliste et les contraintes technico-commerciales auxquelles il est soumis : exigence de rapidité, difficulté de vérifier les sources, de hiérarchiser l’information, etc.

Les méthodes sont assez clairement identifiées. Elles reposent sur des exercices pratiques plus que sur des cours théoriques. Elles comprennent souvent la réalisation de journaux de classe ou d’école, ainsi que la rencontre de journalistes (exposés et échanges) et la visite des installations de presse (comment fabrique-t-on un journal ?). Des instruments sont souhaitables tels que des guides ou des manuels. On doit mentionner ici le kit en cours de réalisation dans le cadre du projet MENTOR de l’UNESCO ainsi que les manuels utilisés à Malte. Le développement rapide de l’utilisation d’Internet par les jeunes pose des problèmes nouveaux :

• On trouve sur Internet des informations de toutes sortes ; certaines ont des sources identifiées et sont validées, d’autres au contraire émanent de sources plus ou moins anonymes et incontrôlées. D’où un risque de désinformation, de propagande, de manipulation voire de perversion. Le tri pour un jeune est difficile à faire, ce qui rend nécessaire, au moins pour les plus jeunes,

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une aide et une vigilance accrue de la part des adultes (enseignants, éducateurs, parents).

• Sur Internet, les jeunes ne sont pas seulement consommateurs d’informations, ils sont aussi producteurs. Ils peuvent librement faire part de leurs sentiments, de leurs opinions et de leurs idées. Mais tout ce qui paraît sur Internet relève de l’espace public et donc tombe sous le coup des lois (respect de la personne, droit à l’image, protection contre la diffamation etc.). Pour l’avoir ignoré ou oublié des lycéens ont été traduits en justice. Internet ne permet pas tout. Son utilisation exige, au-delà d’un apprentissage technique et pédagogique (comment trouver rapidement l’information dont on a besoin ?), une formation juridique et civique.

• De façon plus positive, il a été rappelé qu’Internet ouvrait de nouvelles voies d’accès aux savoirs : accès direct et autonome du jeune aux informations pertinentes qui lui sont nécessaires pour répondre à une question, faire un exposé, résoudre un problème, réalisation de simulations permettant de mieux comprendre une situation, travail collectif à distance pour concevoir et réaliser des projets, etc.

Internet permet ainsi de créer de nouvelles situations

d’apprentissage faisant appel à la participation active de l’élève. Il ne s’agit plus seulement alors d’éducation aux médias mais bien d’une éducation par les médias. Le maître n’en est pas exclu mais de « dispensateur » de savoir il devient un guide, un accompagnateur.

Une autre observation mérite d’être retenue : le message

reçu ne comporte pas toutes les clés de son interprétation ; à la limite, on peut lui faire dire ce qu’on veut. Pour ne pas tomber dans le piège, il convient au préalable d’être bien « informé ». Comme le formule un professeur, présent dans la salle, il y a là une sorte de cercle vertueux : pour bien s’informer, il faut déjà

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savoir. Finalement on peut dire que la meilleure éducation aux médias c’est le développement de l’éducation pour :

• développer la curiosité, l’appétit de savoir, l’ouverture au monde par les médias ;

• donner les moyens de situer, de comprendre, d’interpréter, de hiérarchiser les informations reçues ;

• donner à chacun tous les outils nécessaires propres à développer son esprit critique et à préserver son autonomie et sa liberté.

II - Savoir informer

Les analyses qui ont été faites par la plupart des intervenants ont mis en évidence la situation de crise que traversent les médias de masse sur fond de convergence et de concentration des entreprises médiatiques, de commercialisation croissante d’une information qui tend à s’homogénéiser et de dérégulation du marché du travail des professionnels dont le statut se précarise. Cette situation se double d’une crise de confiance du public à leur égard qui se fonde sur une communication asymétrique excluant le citoyen et sur un certain nombre de questions portant sur le traitement de l’information : la hiérarchie de l’information, qui relève de plus en plus de logiques commerciales avec l’ampleur des thèmes « people » en politique, le non-respect des personnes, de leur vie privée et de la présomption d’innocence, la surenchère dans l’émotion et l’inconscience ou le défaut d’attention à l’égard de l’impact potentiel de l’information, et en particulier des images, sur le public.

A toutes ces interrogations, s’oppose couramment la fin de

non recevoir des journalistes et leur refus de toute perspective d’encadrement ou de contrôle de leurs activités au nom de l’indépendance nécessaire à la bonne conduite de leurs activités professionnelles et de la liberté d’expression et d’information qui

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sont des droits fondamentaux. Ainsi que le stipule la première charte professionnelle des journalistes, datant de 1918, un journaliste ne reconnaît que la juridiction de ses pairs, souveraine en matière d’honneur professionnel. La critique émanant du public ou le dialogue avec lui se trouve donc souvent rejetée et apparemment irrecevable.

La défense de ces valeurs et principes fondamentaux est

absolument indispensable, et fait partie intégrante des conditions du bon fonctionnement d’une démocratie. C’est précisément en raison du rôle joué par les médias et de la place toujours croissante qu’ils occupent dans nos sociétés contemporaines que les participants de la rive sud de la Méditerranée, plus particulièrement, ont souligné la double nature des médias qui sont, certes, des entreprises soumises à des contraintes économiques et financières fortes mais qui, parallèlement, ont une responsabilité sociale à assumer à l’égard des citoyens, voire un rôle d’éducateur.

Des évolutions sont toutefois perceptibles dans la réception

de la critique par les professionnels, peut-être davantage sur le principe que dans la pratique.

L’apparition des médiateurs dans la presse écrite et les médias audiovisuels est un signe positif d’ouverture de l’entreprise médiatique à l’égard du public, même si la place qui lui est réellement faite et l’influence qu’il exerce sur la rédaction, la programmation et la diffusion restent limitées.

Se développent également des espaces de débats publics et de critique dans les médias sous forme d’émissions, de publications, de rubriques. Ces démarches témoignent d’une acceptation progressive de la critique par les journalistes mais sont encore fragiles.

Les chartes et codes professionnels de déontologie sont des

outils pouvant apporter une réponse à la question de la responsabilité des journalistes mais seulement de façon partielle

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dans la mesure où ils se trouvent souvent en décalage compte tenu de la rapidité de l’évolution de l’environnement médiatique et des réalités du quotidien.

La question de la responsabilité des journalistes devrait

également être abordée par rapport à la notion de devoir à l’égard du public et des citoyens, et requiert un véritable dialogue qui ne peut avoir lieu qu’entre des professionnels conscients de leur responsabilité et ouverts à la critique et des citoyens formés à la lecture critique de l’information.

La formation des professionnels des médias et des

journalistes en particulier a, à cet égard, un rôle essentiel à jouer dans la façon dont ils exercent leur profession. D’où l’importance de renforcer les enseignements liés au droit et à l’éthique dans le cadre de la formation dispensée aux journalistes et, au préalable, de s’assurer que les journalistes soient des professionnels c’est-à-dire qu’ils aient tous reçus une formation spécifique et adaptée.

L’éducation aux médias des jeunes et plus largement du

public et la mobilisation des citoyens est aussi une condition nécessaire pour que puisse se développer ce dialogue avec les professionnels dans le cadre d’un véritable lieu de débats ouverts sur l’information et les médias. De tels échanges seraient de nature à permettre une réflexion renouvelée sur le journalisme et le journalisme participatif et citoyen, à assurer une forme de co-régulation et à améliorer la qualité des contenus produits et diffusés en tenant compte des besoins et des intérêts des usagers.

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Conclusions et recommandations

1. Changer d’échelle L’éducation aux médias n’est pas une préoccupation

nouvelle ; des structures spécialisées travaillent sur le sujet depuis plus de vingt ans dans un certain nombre de pays de la région euro-méditerranéenne. Pourtant des efforts de sensibilisation significatifs doivent encore être fournis, à des degrés divers selon les situations nationales, dans l’ensemble de la zone où toute la mesure de l’importance de l’éducation aux médias et aux TIC est encore loin d’avoir été prise et où il convient de se mobiliser afin de favoriser une prise de conscience générale. L’éducation aux médias ne constitue toujours pas une composante des programmes scolaires, ni une dimension essentielle de l’éducation pour tous. Si de nombreuses expériences existent en France, en Europe et dans d’autres régions du monde, elles n’ont pas fait l’objet, en dehors de l’exemple maltais, très intéressant à cet égard, d’une généralisation que ce soit aux différents niveaux de l’enseignement, à l’ensemble des établissements scolaires d’un pays, ou à l’échelle internationale.

Aussi, compte tenu des récentes et rapides évolutions du

paysage médiatique, du développement des technologies de l’information et de la communication et de la croissance exponentielle du volume de l’information disponible, la nécessité se fait pressante de changer d’échelle. C’est la première conclusion qui s’impose à tous, il est urgent de faire un saut quantitatif significatif en matière d’éducation aux médias et de passer des expériences particulières à un enseignement généralisé.

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2. Rendre l’éducation aux médias obligatoire

Pour cela, un large consensus s’est dessiné autour de la proposition qui consisterait à rendre l’éducation aux médias obligatoire en l’intégrant dans les programmes scolaires, soit de manière transversale soit en tant que discipline, de manière continue dans le cursus scolaire ou à des périodes clés ; sur ce point les avis sont restés partagés. 3. Développer la formation des formateurs

Dès lors que l’éducation aux médias devient un

enseignement obligatoire, se pose, en amont, la question des compétences scientifiques, techniques et pédagogiques des enseignants dans ce domaine. On observe dans certains pays une certaine résistance voire réticence des enseignants vis-à-vis de cet enseignement qui est souvent en partie liée à une maîtrise insuffisante des outils technologiques, du sujet lui-même, et à un manque de manuels pédagogiques.

L’accent doit donc être mis sur le développement de la formation des formateurs à l’éducation aux médias et sur la production d’outils concrets pour enseigner les médias tel que le kit élaboré dans le cadre du projet Mentor.

L’enseignant reste un médiateur et un accompagnateur mais son métier évolue en profondeur ce qui requiert un changement de méthode.

Il faudrait également élaborer un référentiel commun des

compétences minimales exigibles d’un enseignant ainsi que d’un élève à un certain niveau de son cursus, et être capable de mesurer les compétences acquises par les élèves en recherche, décryptage, analyse critique et production de l’information.

Enfin il serait utile de développer un réseau d’échanges

entre enseignants sur les pratiques, les manuels, les résultats obtenus.

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4. Faire de l’éducation aux médias un enseignement global

Cet enseignement intègrerait la connaissance de l’entreprise médiatique et de son fonctionnement, l’analyse critique du contenu de l’information, la maîtrise des technologies de l’information et de la communication, la connaissance des droits et des devoirs d’un internaute et la production de contenus.

En ce qui concerne plus particulièrement l’Internet, les

participants ont insisté sur l’importance de former les jeunes non seulement à maîtriser l’outil technologique mais aussi et surtout l’information et son contenu afin qu’ils soient en mesure d’être des usagers avertis, autonomes et responsables. Il faut qu’ils sachent rechercher l’information dont ils ont besoin, appréhender l’information et les contenus auxquels ils ont accès (authenticité, fiabilité, qualité, origine, etc.), les analyser, les utiliser et produire à leur tour. Selon la Commission européenne, « aujourd’hui la culture numérique se concentre sur l’acquisition des aptitudes des compétences liées aux nouvelles technologies qui sont nécessaires dans un nombre croissant d’emplois mais l’initiation aux médias a une portée plus générale du fait qu’elle met en lumière l’influence croissante de l’image et de l’information auxquelles ces nouvelles technologies ont conféré des pouvoirs de fascination et d’influence sans précédent ». Et d’ajouter : « un nombre de plus en plus élevé d’européens peuvent maintenant créer et diffuser des images, des informations et des contenus de sorte que l’initiation aux médias est largement considérée comme l’un des principaux instruments de responsabilisation des citoyens ».

Dans leur enseignement, il importe que les pédagogues

s’intéressent :

• plus aux publics des médias qu’aux médias eux-mêmes,

• plus à la perception des messages qu’aux seuls messages,

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• tout autant aux contenus ludiques, publicitaires, musicaux, des médias qu’aux seuls contenus d’information,

• à chaque média en fonction de son positionnement propre, de son histoire, de ses ambitions, de son public,

• autant aux interactions entre médias qu’à chaque média isolément,

• aux « impasses » des médias autant qu’à ce qu’ils traitent,

• à la dimension culturelle des contenus, l’origine, les codes et les valeurs de ces derniers étant de plus en plus différents de ceux des récepteurs compte tenu de la diffusion transfrontière.

Dans les différents usages de l’Internet développés par les

jeunes, comme la recherche d’information mais aussi, les jeux, les chats, les blogs, etc., les jeunes sont à la fois récepteurs et émetteurs. Il est essentiel de leur apprendre leurs droits et devoirs sur l’Internet qui est en partie un espace public (droit à l’image, droit d’auteur, respect de la vie privée, etc.). Le filtrage et la protection parentale ne sauraient être des garanties suffisantes pour prévenir contre les abus dont les jeunes peuvent être les victimes ou les auteurs. La prévention par l’éducation est le moyen le plus efficace de protéger les jeunes en leur donnant les clés qui leur permettront d’adopter un comportement adapté à la situation à laquelle il sont confrontés plutôt qu’en limitant leur accès et leurs usages par la censure. Apprendre aux jeunes, et aux adultes, à produire du contenu de manière responsable et autonome est indispensable pour permettre la participation des citoyens à la société de l’information.

Savoir s’informer et informer constitue une dimension clé

de l’éducation à la citoyenneté.

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5. Faire de l’éducation aux médias l’affaire de tous Que l’on se place du côté des apprenants ou des acteurs

enseignant, l’éducation aux médias ne saurait être réduite à la seule formation des enseignants et des jeunes à la maîtrise de l’information à l’école. L’éducation aux médias doit également être développée en milieu extra-scolaire, dans le cadre d’activités de loisirs, de divertissement, dans les associations de quartiers. Les bibliothèques et médiathèques, qui sont des lieux publics privilégiés de l’accès de tous à l’information, jouent un rôle central et touchent un public très large qui dépasse les seuls jeunes. C’est là un aspect tout à fait essentiel, car l’éducation aux médias ne doit pas avoir les jeunes pour seule cible. Les adultes, à commencer par les parents de ces jeunes, et le public ou les usagers des médias sont autant de bénéficiaires potentiels de l’éducation aux médias. Autant dire que tous les citoyens aujourd’hui ont besoin, à l’heure où se développe la « société de l’information », d’être formés à la maîtrise de l’information et à l’usage des médias. L’éducation aux médias doit être envisagée comme une composante de l’éducation tout au long de la vie.

L’éducation aux médias est l’affaire de tous, des jeunes, des

enseignants, des éducateurs, mais aussi des parents, des usagers, des journalistes et des professionnels des médias ainsi que des chercheurs.

6. Sensibiliser et mobiliser les citoyens, usagers des médias A cet égard, les participants ont appelé à la sensibilisation

et à la mobilisation du public, des citoyens afin qu’ils soient en mesure de faire entendre leur voix, leurs intérêts et leurs besoins, qu’ils se constituent en lobby auprès des décideurs politiques et en contre-poids face aux limites de l’autorégulation des médias. Le rôle de la société civile, de la démocratie participative, est fondamental pour passer à l’action concrète. Aussi, il apparaît nécessaire d’apporter un soutien aux associations et initiatives

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défendant les intérêts des téléspectateurs et des usagers des médias et de sensibiliser l’opinion publique. A cette fin, l’EAVI (European Association for Viewers Interests) a proposé de lancer une journée européenne des téléspectateurs et de se constituer en plateforme pour le développement d’un réseau de coopération et d’échange de bonnes pratiques.

7. Mieux former les journalistes à la dimension éthique et juridique de leur profession afin d’aiguiser leur conscience de la responsabilité sociale des médias S’agissant des professionnels des médias, comme pour les

enseignants, a été réaffirmé avec force le besoin récurrent de formation. Un intervenant, Directeur d’école de journalisme, a même prôné la création d’un « permis de conduire journalistique » avec un module minimal en responsabilité sociale, éthique, droit, etc. préalable à l’obtention de la carte professionnelle. Les médias ont une responsabilité sociale à assumer, en lien avec le rôle de contre-pouvoir qui est le leur dans le fonctionnement démocratique des Etats. La formation des professionnels des médias doit prendre cette dimension en considération et une plus grande attention doit être accordée aux questions éthiques et aux publics.

Il est également important de soutenir le développement de

la coopération entre les écoles de journalisme du pourtour méditerranéen.

8. Améliorer la qualité des programmes, en particulier ceux destinés aux jeunes Les diffuseurs et producteurs de contenus devraient être

plus attentifs à la qualité des programmes. Il serait également souhaitable d’encourager l’offre de programmes

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éducatifs et des programmes de qualité spécialement destinés aux jeunes, qui font largement défaut actuellement. Des enseignants pourraient être associés au travail des programmateurs d’émissions pour les jeunes. Les services publics de l’audiovisuel devraient à cet égard jouer un rôle central. Il faudrait aussi ménager des espaces de diffusion des créations des jeunes. 9. Encourager la recherche sur les médias et

l’éducation aux médias La nécessité de renforcer la recherche sur les médias a été

soulignée. Le manque de données pour l’analyse et d’études approfondies sur le paysage médiatique, la sociologie des médias, les publics et leur comportement, etc. constitue un frein au développement de l’éducation aux médias.

A cet égard, a été réitérée la proposition qui avait été

formulée en son temps par Lluis Artigas de l’UNESCO de créer une chaire UNESCO itinérante sur l’éducation aux médias.

Un observatoire international pourrait également être mis

en place afin de dresser un état des lieux de l’éducation aux médias dans le monde, de faciliter les études comparatives, les échanges d’expériences et de bonnes pratiques, et d’encourager le développement de l’éducation aux médias.

10. Créer un lieu de débat entre les professionnels de la communication et les autres acteurs (public, jeunes, enseignants, parents, chercheurs, etc.) sur l’information et les médias Au-delà des recommandations qui concernent chaque

groupe d’acteurs concerné, plusieurs propositions portent sur le

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lien qui doit être tissé et resserré entre toutes ces parties prenantes.

Alors que le journalisme traverse une période de crise,

notamment marquée par une tendance lourde à la marchandisation de l’information et une relative perte de confiance des citoyens dans les médias, il est plus que jamais nécessaire de réintroduire l’information dans le débat public et de prendre en considération les publics des médias, leurs souhaits et leur perception des messages.

Dans la plupart des pays de la région euro-méditerranéenne

il n’existe pas de lieu de débat et d’analyse sur les médias qui associerait les professionnels des médias et le public. Il est préconisé par conséquent de créer une instance de dialogue et de réflexion sur l’information qui pourrait également favoriser une forme de co-régulation et de contrôle éthique. Il faut encourager les partenariats multi-acteurs et le dialogue afin de développer une culture commune de l’éducation aux médias et la participation citoyenne, des jeunes notamment.

La constitution d’une « grande alliance » des journalistes

avec le public, mais aussi les chercheurs, les documentalistes, etc. a aussi été évoquée comme un moyen susceptible de permettre aux professionnels de la communication de mieux résister aux forces du marché et de mieux assumer leur responsabilité sociale. 11. Mener des actions de sensibilisation des autorités

compétentes en faveur du développement de l’éducation aux médias à l’échelle internationale

Il a été suggéré de saisir l’occasion de grands rendez-vous

pour porter ce dossier à la connaissance des chefs d’Etat et de gouvernement et de sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés, tels que la deuxième phase du SMSI de Tunis (16-18 novembre

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2005) et le 10ème anniversaire du partenariat euro-méditerranéen de Barcelone (27-28 novembre 2005).

La proposition a également été formulée de prévoir, en mai

2007, à l’occasion du 25ème Anniversaire de la Déclaration de Grunwald sur l’éducation aux médias de l’UNESCO, un événement international qui associerait tous les partenaires (parents, éducateurs, professionnels des médias, consommateurs, etc.) afin d’actualiser la Déclaration en y intégrant ce qui concerne l’Internet et les TIC.

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ANNEXE : Programme JEUDI 27 OCTOBRE 2005 9h30 Accueil des participants 10h00 Ouverture

- Jean-Pierre BOYER, Secrétaire général de la Commission française pour l’UNESCO

- René CLUZEL, Spécialiste du programme, Division de la société de l’information, UNESCO

- Evelyne BEVORT, Directrice déléguée du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) : présentation de la problématique générale

11h00 Présentation d’un cas pratique sur la diversité du

traitement de l’information, préparé par Agnieszka SLOSARSKA, journaliste, Arte

12h00 Débat 13h00 Déjeuner libre 14h30 1ère table ronde : Savoir s’informer

Les enfants sont-ils bien formés à la maîtrise de

l’information ?

Modérateur : Jean-Claude ALLANIC, Médiateur

de France 2

- Hara Prasad PADHY, spécialiste du programme, UNESCO

- Divina FRAU-MEIGS, Professeur, Université de Paris 3

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- France PICARD, Coordinatrice, Union nationale des Associations familiales (UNAF)

- François LABOULAIS, Chargé de mission nationale « Enfants, écrans, jeunes et médias » des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA)

15h30 Débat

16h00-16h30 Pause café

- Samy TAYIE, Professeur, Université du Caire (Egypte) Communication présentée par M. José Manuel PEREZ TORNERO.

- Mustapha ENNAIFAR, Directeur général du Centre de formation des formateurs en éducation (CENAFFE) (Tunisie)

- Mary Anne LAURI, Professeur, Université de Malte (Malte)

Rapporteur : André LAFOND, Vice-président du

comité éducation de la Commission

française pour l’UNESCO

17h30 Débat 18h00 Fin de la 1ère table ronde

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VENDREDI 28 OCTOBRE 2005 9h30 2ème table ronde : Savoir informer

Les professionnels des médias sont-ils conscients

de leur responsabilité à l’égard des citoyens?

Modérateur : Sylvain GOUZ, Directeur adjoint

délégué à l’information, France 3

- Jean-Marie CHARON, Sociologue, Ecole des

hautes études en sciences sociales (EHESS) - Abdelkrim HIZAOUI, Département du

journalisme de l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI) (Tunisie)

- Nadia LAMHAIDI, Professeur, Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) (Maroc)

- Paolo CELOT, Secrétaire général de l’European Association for Viewers Interests (EAVI)

10h30 Débat

11h00-11h30 Pause café

- Manuel PINTO, Professeur, Université de Minho (Portugal)

- Eila HEIKKILA, Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP) (Grèce)

- Vladimir GAI, Chef de la section du développement de la communication, UNESCO. Communication lue par M. Hara Prasad PAHDY

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- Lynda BOUADMA, journaliste, Radio Nationale Algérienne (Algérie)

12h30 Débat

Rapporteur : Michel MATHIEN, vice-président

du comité communication de la

Commission française pour

l’UNESCO

13h00 Fin de la deuxième table ronde

15h00 Séance de conclusions

Présidente : Suzy HALIMI, Présidente du comité

éducation de la Commission française

pour l’UNESCO

Présentation des rapports et des recommandations des deux tables rondes par les rapporteurs

15h45 Réactions des deux témoins-répondants :

- Loïc HERVOUET, Directeur de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille

- Jose Manuel PEREZ TORNERO, Professeur, Université autonome de Barcelone (Espagne)

16h30 Débat général

17h30 Fin des travaux