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« Christian, tu as souhaité une cérémonie conviviale et quelque peu intimiste réunissant quelques amis… Donc je vais faire un effort pour faire assez court. Ne m’en veut pas, mais il est coutume que le délégué fasse l’éloge du récipiendaire en usant du vouvoiement. Donc en tant qu’élogeur, je ferai ton éloge d’élogé dans les règles… Christian, Paul, Henri, vous êtes né le 7 novembre, comme Albert Camus, Franck Dubosc ou David Guetta… Vous, c’est en 1954 que vous voyez le jour et prenez votre premier repas à Montréal au Canada, avant de rejoindre la France en 1958. D’abord Avignon, puis Asnières, Le Pré-Saint-Gervais et Paris où vos parents achètent ce qui deviendra la célèbre pâtisserie Millet dans le 7 e arrondissement. Vous vous mariez avec une jeune Hollandaise, Ankie Hartog, en 1979 et vous rejoignez les Lilas en 1982. Vous avez une fille et deux belles filles. Côté professionnel… Tel un certain Obélix, on peut dire que vous êtes tombé petit dans la marmite. Fils de Jean Millet, grand pâtissier, Un des Meilleurs Ouvriers de France en 1961 et filleul du célèbre sorcier de Bougival, Jean Delaveyne, vous baignez très jeune dans l’univers de la gastronomie, et même de la haute gastronomie. Celle de la convivialité, de la fraternité et de l’amitié. “Convivialité”, “fraternité” et “amitié”, voilà trois mots qui vous définissent bien, mais j’y reviendrai… Après un apprentissage en 1969, en cuisine au restaurant Georges-Garin de la place Maubert à Paris, vous rejoignez de 1973 à 1982 la société Jali, spécialisée dans les bonbons au chocolat… gourmand… en tant qu’attaché de direction. Pour les plus jeunes ou celles et ceux qui ne savent pas qui était Georges Garin, je les invite à consulter sur internet l’éloge écrit par le grand chef Gérard Besson, titulaire de son siège à l’Académie culinaire de France. Hasard de la vie et de l’histoire, c’est à ce même Gérard Besson que vous achetez en 2009 le restaurant La Vieille dans les halles que vous conserverez jusqu’en 2015. En 1977, appel sous les drapeaux pour une année de service national à Barcelonnette. C’est en 1982 que vous rejoignez la maison Mora, toujours en tant qu’attaché de direction, jusqu’à en prendre la direction en 2003, maison que vous quitterez en 2015… Alors 2015, c’était hier. D’aucuns pourraient se dire que l’éloge se termine… Seulement vous ne connaissez pas Christian Millet. Vous ne connaissez pas son appétit… et de l’appétit, cher Président, il vous en a fallu. Pour cumuler toutes vos fonctions à une époque où le cumul n’était pas décrié ! Il vous en a fallu également pour accompagner le surnommé amicalement “père Mora”, celui avec qui vous avez fait le tour des tables parisiennes et françaises à une époque où le commerce et les liens amicaux se tissaient autour d’une table. Devenu expert, docteur es 4 b (“bonne bouffe et bonne bouteille”), vous n’avez jamais arrêté de fédérer, réunir vos bons copains que ce soit au célèbre Regain de la rue St-Dominique où vous étiez directeur associé ou chez vous au Pouilly Reuilly, célèbre restaurant du Pré St-Gervais dont vous êtes le chef propriétaire depuis 1999. Quand d’autres s’imposent un rituel sportif ou culturel une fois par semaine, vous, vous alliez les deux avec le célèbre casse- croûte du samedi matin au Rubis ou ailleurs. Trois mots  “convivialité”, “fraternité” et “amitié”, cités précédemment. “Convivialité” : votre bonhomie naturelle en atteste ! Et qui s’est retrouvé un jour, un après-midi, un soir, une nuit, bref, n’importe quand ou pendant longtemps, voire très longtemps avec vous, autour d’une table, d’un coin de table, d’un petit bout de tablette même, ne pourra me contredire…. Enfin ceux qui ont survécu. La convivialité mène à la fraternité… “Fraternité” : depuis tant d’années, pas seulement aux heures des repas, ni de midi à minuit, mais sans compter vos heures, sous votre bannière et maintenant en digne Président des Cuisiniers de France revêtant votre tablier de chef et le grand Cordon Antonin-Carême, vous avez rallié tant et tant de chefs. Cuisiniers, pâtissiers et épicuriens de tous ordres et tous horizons. Les travaux que vous dirigez lors de nos conseils d’administration ont mené, il faut le dire, les Cuisiniers de France là où nous en sommes aujourd’hui. Pour cela et en leurs noms, merci, Monsieur le Président. La fraternité mène à l’amitié… “Amitié” : pas un vain mot pour vous. Toujours bienveillant, vous savez vous rendre disponible pour vos amis. Les témoignages et les éloges à votre sujet sont légion. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, Joël Robuchon, le grand chef Joël Robuchon, nous disait à la soirée du Taittinger que “… s’il y en a bien un qui mérite le titre d’un des Meilleurs Ouvriers de France honoris causa, c’est bien Christian Millet, tant il donne de lui pour les autres, pour les concours et pour le métier”. Vous avez tant fait pour nos métiers, nos terroirs, notre agriculture et notre viticulture ! Il était justifié que le ministre souhaite vous distinguer en vous élevant au grade de commandeur du Mérite agricole. Monsieur Christian Millet, au nom du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, nous vous faisons commandeur du Mérite agricole. » Chers Sociétaires, mes chers Amis, En ce début d’année 2017, permettez-moi de vous adresser à toutes et à tous mes vœux les plus sincères de bonheur, joie, santé et réussite dans tous vos projets. Le conseil d’administration, l’ensemble des collaborateurs, le directeur Pierre Miécaze ainsi que moi-même concentrerons tous nos efforts au bon fonctionnement de notre belle association. Bonne et heureuse année 2017. Christian Millet

L’excellence du goût à la Française · En 1977, appel sous les drapeaux pour une année de . service national à Barcelonnette. C’est en 1982 que vous rejoignez la maison Mora,

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Page 1: L’excellence du goût à la Française · En 1977, appel sous les drapeaux pour une année de . service national à Barcelonnette. C’est en 1982 que vous rejoignez la maison Mora,

1 La Revue Culinaire N°905 janvier/février 2017

« Christian, tu as souhaité une cérémonie conviviale et quelque peu intimiste réunissant quelques amis… Donc je vais faire un effort pour faire assez court. Ne m’en veut pas, mais il est coutume que le délégué fasse l’éloge du récipiendaire en usant du vouvoiement. Donc en tant qu’élogeur, je ferai ton éloge d’élogé dans les règles…

Christian, Paul, Henri, vous êtes né le 7 novembre, comme Albert Camus, Franck Dubosc ou David Guetta… Vous, c’est en 1954 que vous voyez le jour et prenez votre premier repas à Montréal au Canada, avant de rejoindre la France en 1958. D’abord Avignon, puis Asnières, Le Pré-Saint-Gervais et Paris où vos parents achètent ce qui deviendra la célèbre pâtisserie Millet dans le 7e arrondissement. Vous vous mariez avec une jeune Hollandaise, Ankie Hartog, en 1979 et vous rejoignez les Lilas en 1982. Vous avez une fille et deux belles filles.

Côté professionnel… Tel un certain Obélix, on peut dire que vous êtes tombé petit dans la marmite. Fils de Jean Millet, grand pâtissier, Un des Meilleurs Ouvriers de France en 1961 et filleul du célèbre sorcier de Bougival, Jean Delaveyne, vous baignez très jeune dans l’univers de la gastronomie, et même de la haute gastronomie. Celle de la convivialité, de la fraternité et de l’amitié. “Convivialité”, “fraternité” et “amitié”, voilà trois mots qui vous définissent bien, mais j’y reviendrai…

Après un apprentissage en 1969, en cuisine au restaurant Georges-Garin de la place Maubert à Paris, vous rejoignez de 1973 à 1982 la société Jali, spécialisée dans les bonbons au chocolat… gourmand… en tant qu’attaché de direction. Pour les plus jeunes ou celles et ceux qui ne savent pas qui était Georges Garin, je les invite à consulter sur internet l’éloge écrit par le grand chef Gérard Besson, titulaire de son siège à l’Académie culinaire de France. Hasard de la vie et de l’histoire, c’est à ce même Gérard Besson que vous achetez en 2009 le restaurant La Vieille dans les halles que vous conserverez jusqu’en 2015. En 1977, appel sous les drapeaux pour une année de service national à Barcelonnette.C’est en 1982 que vous rejoignez la maison Mora, toujours en tant qu’attaché de direction, jusqu’à en prendre la direction en 2003, maison que vous quitterez en 2015… Alors 2015, c’était hier. D’aucuns pourraient se dire que l’éloge se termine… Seulement vous ne connaissez pas Christian Millet. Vous ne connaissez pas son appétit… et de l’appétit, cher Président, il vous en a fallu. Pour cumuler toutes vos fonctions à une époque où le cumul n’était pas décrié ! Il vous en a fallu également pour accompagner le surnommé amicalement “père Mora”, celui avec qui vous avez fait le tour des tables parisiennes et françaises à une époque où le commerce et les liens amicaux se tissaient autour d’une table. Devenu expert, docteur es 4 b (“bonne bouffe et bonne bouteille”), vous n’avez jamais arrêté de fédérer, réunir vos bons copains que ce soit au célèbre Regain de la rue St-Dominique où vous étiez directeur associé ou chez vous au Pouilly

Reuilly, célèbre restaurant du Pré St-Gervais dont vous êtes le chef propriétaire depuis 1999. Quand d’autres s’imposent un rituel sportif ou culturel une fois par semaine, vous, vous alliez les deux avec le célèbre casse-croûte du samedi matin au Rubis ou ailleurs. Trois mots  “convivialité”, “fraternité” et “amitié”, cités précédemment. “Convivialité” : votre bonhomie naturelle en atteste ! Et qui s’est retrouvé un jour, un après-midi, un soir, une nuit, bref, n’importe quand ou pendant longtemps, voire très longtemps avec vous, autour d’une table, d’un coin de table, d’un petit bout de tablette même, ne pourra me contredire…. Enfin ceux qui ont survécu.

La convivialité mène à la fraternité…“Fraternité” : depuis tant d’années, pas seulement aux heures des repas, ni de midi à minuit, mais sans compter vos heures, sous votre bannière et maintenant en digne Président des Cuisiniers de France revêtant votre tablier de chef et le grand Cordon Antonin-Carême, vous avez rallié tant et tant de chefs. Cuisiniers, pâtissiers et épicuriens de tous ordres et tous horizons. Les travaux que vous dirigez lors de nos conseils d’administration ont mené, il faut le dire, les Cuisiniers de France là où nous en sommes aujourd’hui. Pour cela et en leurs noms, merci, Monsieur le Président.

La fraternité mène à l’amitié…“Amitié” : pas un vain mot pour vous. Toujours bienveillant, vous savez vous rendre disponible pour vos amis. Les témoignages et les éloges à votre sujet sont légion. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, Joël Robuchon, le grand chef Joël Robuchon, nous disait à la soirée du Taittinger que “… s’il y en a bien un qui mérite le titre d’un des Meilleurs Ouvriers de France honoris causa, c’est bien Christian Millet, tant il donne de lui pour les autres, pour les concours et pour le métier”.Vous avez tant fait pour nos métiers, nos terroirs, notre agriculture et notre viticulture ! Il était justifié que le ministre souhaite vous distinguer en vous élevant au grade de commandeur du Mérite agricole.

Monsieur Christian Millet, au nom du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, nous vous faisons commandeur du Mérite agricole. »

Chers Sociétaires, mes chers Amis,

En ce début d’année 2017, permettez-moi de vous adresser à toutes et à tous mes vœux les plus sincères de bonheur, joie, santé et réussite dans tous vos projets.Le conseil d’administration, l’ensemble des collaborateurs, le directeur Pierre Miécaze ainsi que moi-même concentrerons tous nos efforts au bon fonctionnement de notre belle association.

Bonne et heureuse année 2017.

Christian Millet

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3 La Revue Culinaire N°905 janvier/février 2017

Sommaire

p.38

p.70 p.72

p.52

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Le magazine des Cuisiniers

de FranCe

Le magazine des Cuisiniers

de FranCe

Bimestriel n°905 janvier/février 2017 - 10€50

Paris, Le ritz

niCoLas saLe Quintessence

des meilleurs produits, harmonie des déclinaisons 

Bruxelles

isabelle arpinLa patte Arpin

Paris, Le Moulin-Rouge

david Le QuellecFéérie et gastronomie

Paris,Park Hyatt Paris Vendôme

Jimmy mornet« Gourmandise, simplicité et esthétisme »

Philippe oléron Cuisinier et artiste

Paris, ICC

romain Besseron Grand vainqueur de l’International Cup de Cuisine

LRC905_P001-004_CV.indd 1 15/12/2016 10:43

N° 905JANVIER/FÉVRIER 2017

En couverture, NICOLAS SALE

© Alban Couturier

D.R.

D.R

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4EN COUVERTURE

Nicolas Sale

24UNE CHEFFE, UNE PASSION

Isabelle Arpin

38UN CHEF, UN ÉVÉNEMENT

David Le Quellec

52JEUNE TALENT DE LA PÂTISSERIE

Jimmy Mornet

68CUISINIER ET ARTISTE

Philippe Oléron

70PRIX LITTÉRAIRE DE LA GASTRONOMIE

ANTONIN-CARÊME

72INTERNATIONAL CUP DE CUISINE

Romain Besseron Grand vainqueur

77VIE DE LA SOCIÉTÉ

Salon EquipHotel

86LIVRES À DÉGUSTER

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La Revue Culinaire N°905 janvier/février 20174© Alban Couturier

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5 La Revue Culinaire N°905 janvier/février 2017

En couverture

« Le seul talent que je me concède, c’est de m’entourer de gens plus talentueux que moi ! » Pas étonnant qu’animé d’une telle modestie, il ait été surpris par l’ap-pel de Christian Boyens, directeur général du Ritz, déjà convaincu par le profil de Nicolas Sale : jeune quarantaine, atypique, ayant expé-rimenté tous les aspects de sa pro-fession dans son parcours.Alors très heureux à Courchevel, couronné de quatre étoiles depuis 2014, pourquoi aurait-il quitté ses montagnes ? Demeure que le Ritz est un sommet de l’hôtelle-rie d’excellence qui ne se refuse pas… Il signe donc son contrat le 15 avril 2015, après avoir fait une ultime saison à Courchevel : « Je ne serai jamais parti si ce n’avait été pour aller au Ritz et succéder à un chef auquel je vouela plus grande admiration. » Michel Roth, bien sûr, entré le 15 octobre 1981. Et qui a redonné ses deux étoiles au palace en 2009, qu’il quittera en 2014, à la veille de tra-vaux de rénovation qui, pour gigan-tesques qu’ils aient été, n’auront en rien altéré son âme.

TransmissionUne transition qui inspire une bien belle idée à Nicolas. Sa brigade aus-sitôt constituée, son premier sou-hait est de marquer d’une pierre blanche ce moment de transmis-sion, en hommage à Michel Roth, un autre modeste. Soit trois dîners à quatre mains, celles de Nicolas et Michel — prix Taittinger 1985, Bocuse d’or et MOF 1991 — avant que nos deux grands modestes ne se congratulent la larme à l’œil.Souvenir de ce grand moment d’émotion : la veste dédicacée de Michel dans le bureau de Nicolas aux étagères encombrées de vieux classeurs répertoriant coupures, notes et recettes retraçant sa car-rière. Passéisme qui peut intriguer, voire amuser. Et alors ? Le chef est attaché à sa jeunesse où le vélo a tenu une grande place. De là à croire que l’ère de Guy Legay dans le palace (1980-1999) fut un signe avant-cou-reur, il n’y a qu’un tour de roue de vélo, notre prestigieux MOF 1972, toujours aussi affûté, vouant une éternelle passion pour le cyclisme.D’ailleurs, quand Guy obtient ses

deux étoiles en 1983, Nicolas — né le 29 juillet 1972 à Paris — a 11 ans. Et il court, il court, tête dans le gui-don de son vélo de course Peugeot.

Graine de champion

A 10 ans, fort de sa première virée de plus de cent kilomètres, c’est décidé  : il remportera le Tour de France, rêvant, dans son sommeil d’enchaîner les grands cols, en-touré des posters de ses idoles qui tapissent les murs de sa chambre : « Le Blaireau » Bernard Hinault, « Le Ricain » Greg LeMond, Sean Kelly et bien sûr « L’Intello », le regretté Laurent Fignon, son idole. Au cyclisme, il ajoute d’autres sports, foot, handball, tennis, sans que cela nuise à son honorable ni-veau scolaire. Boulimie de dépenses d’énergie qui l’incline — brevet des collèges en poche — vers un lycée sport-études cyclisme. Mais il doit y renoncer, l’orientation s’avérant trop onéreuse.Il entre donc au lycée hôtelier Eu-génie-Cotton de Montreuil et est apprenti au restaurant L’Écurie à

LE RITZ, PARIS

Nicolas Sale« Quintessence des meilleurs produits, harmonie des déclinaisons »

Depuis la naissance du Ritz en 1898, il est le dixième cuisinier de son histoire magistralement commencée avec Auguste Escoffier, engagé par César Ritz lui-même. Zoom sur Nicolas Sale, dernier successeur du « roi des cuisiniers et du cuisinier des rois », chef exécutif désigné pour écrire une nouvelle page gastronomique de ce monument de la splendeur de l’art de vivre à la française, avec le talent qu’on lui connaît et cette grande modestie qui l’honore.

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Villemomble (93). Un restaurant cossu néo-bourgeois où se reflètent dans les rutilances des cuivres, foie gras, confits et poêlée d’escargots. Avec pour chef Pascal de Pericot. A ses côtés et aux fourneaux, Freddy Faverot (aujourd’hui chef patron du restaurant-bou-tique Tempi Fà à Propriano en Corse) avec deux apprentis, dont Nicolas, auquel il ne fait aucun cadeau, comme il nous le raconte :« Je ne l’ai pas ménagé pour qu’il réalise d’emblée la dureté de son métier. Nico a tenu bon. Devinant son potentiel, je voulais qu’il se cramponne. C’est ce qu’il a fait. Il était obstiné, rebondissant face à toutes les situations. Il était rapide, agile, tel un feu-follet. »

mois, il porte le reste du temps son tablier au Comme chez soi (75009 Paris). Une enseigne répertoriée dans tous les guides, là encore réputée pour sa belle cuisine bourgeoise, « la sole soufflée » comptant parmi les plats

vedettes, avec Jean-Claude Meu-nier, le chef que

Nicolas seconde très rapidement :« C’est là, après que Freddy m’a aguerri aux exigences de cette profession, que faire de la cui-sine mon métier m’est apparu pour la première fois comme une évidence. Mais à la condition que je m’y consacre pleinement, prenant conscience que, une fois mes CAP-BEP obtenus, j’allais me retrouver au seuil d’un uni-

trois jours. Pour Nicolas, ça durera douze mois. Sans s’en plaindre. Ce n’est jamais du temps perdu pour qui veut avoir une vision à 360 ° de la profession.

DavidFrémondière

Pour preuve ? Le voilà en parfaite condition pour découvrir l’univers musclé de la brasserie. Et plus par-ticulièrement celui du Vaudeville (75002 Paris), énième réussite du bâtisseur d’empire qu’est Jean-Paul Bucher.Il y travaille six mois comme com-mis aux entremets, le temps de découvrir les rouages comme les impératifs d’une cuisine accessible

RévélationQuand ils ne sont pas à L’Écurie, la passion du vélo rapproche, là encore, le maître de l’élève dans le goût partagé de l’effort. Tandis qu’au lycée, le jeune apprenti cara-cole en tête de sa classe. Fort de ses progrès, Freddy l’incite à intégrer le lycée Jean-Drouant pour y obte-nir son CAP. En costume, cravate (et pinces à vélo !) une semaine par

vers prometteur et sans limites. »Veillant durant ses coupures à ce qu’il révise tous les plats du Planche & Sylvestre, le chef l’aide à obtenir son diplôme haut la main, inutile de le pousser. Dans sa tête, il a d’ores et déjà décidé d’être pugnace dans l’effort. CAP-BEP en poche en 1990, il s’acquitte de son service militaire, passant de Comme chez soi aux po-potes du fort de Vincennes où can-tinent les appelés durant leurs tests d’aptitudes au service national des

conjuguant quantité et qualité, sé-duisant alors le Tout-Paris, à rai-son de 600 couverts par jour. Au lendemain de cette expérience, il décide que son parcours sera 100 % parisien. En le commençant dans une pépite du Second Empire du bois de Bou-logne, le Pavillon Royal, commis dans la brigade de David Frémon-dière. La cuisine de ce disciple de Michel Del Burgo (au Bristol*) et de Jacky Fréon (au Paris*, hôtel

Au seuil d’un univers prometteur

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Lutétia, Bocuse d’or 1987 et MOF honoris causa) est une révélation :« Jusqu’à présent, je faisais de la bonne cuisine, mais pas de gas-tronomie. La différence n’était pas affaire de goût, mais de dé-tails : précision et élégance du geste, un niveau d’élaboration qui m’était jusqu’alors inconnu. Ajoutez à cela un esprit d’équipe d’autant plus combatif que nous étions peu nombreux pour en-voyer 35 couverts par service de très belle facture. »Une cuisine couronnée de trois toques au Gault-Millau pour David Frémondière qui occupe là son pre-mier poste de chef :« Nous comptant sur les doigts d’une main et réalisant une cui-sine très créative, nous devions

au Perreux-sur-Marne, couronné en 1989. Le chef patron, Gérard Royant (aujourd’hui Le Briefing à l’aérodrome de Lognes - 77), est dans la mouvance proposant une cuisine classique teintée d’une pointe de modernité.Dans cette adresse parmi les plus prisées et média-tisées de la banlieue parisienne, il est commis aux entrées puis aux desserts, s’initiant ainsi et par la force des choses aux rudiments de la pâtisserie, puisqu’il ne sait même pas ce que signifie « enrobage ». N’empêche ! Marsupilami sachant rebondir face à toutes les situa-tions, Nicolas s’en sort avec brio. Mais cette expérience inattendue l’alerte, malgré l’enrichissement qu’elle lui procure, ne souhaitant

talentueux et beau ténébreux José Lampreia au lendemain de sa triste disparition. Perchée au sommet du théâtre des Champs-Élysées, avec sa salle à

manger contemporaine aménagée en cascade offrant au Tout-Paris qui s’y presse une des

plus belles vues sur la capitale, l’établissement impressionne Ni-colas. Et plus encore sa brigade :« Pour la première fois, je me trouvais confronté à une brigade de 20 cuisiniers d’autant plus im-pressionnants qu’ils semblaient venir d’ailleurs avec leurs ban-danas. Pour avoir tous travaillé dans de grandes maisons, nantis de CV longs comme le bras, ils appartenaient à un autre monde

être réactifs. En ce domaine, Nicolas, très polyvalent, était toujours au taquet. Gentillesse, disponibilité, talent et endu-rance. Cette dernière qualité n’était sans doute pas étrangère à sa passion pour le vélo. »

Gérard RoyantIl y demeure deux ans quand, à 22 ans, il intègre son premier étoilé Michelin : Les Magnolias

plus être dérouté de la sorte. Si d’aventure elle se reproduisait, rien ne dit qu’il ne se poserait pas de questions quant à son avenir de cuisinier.

José MartinezIdées noires dont il se remet vite en entrant à La Maison Blanche, reprise de mains de maître par René Durand (en salle) et José Mar-tinez (aux fourneaux) succédant au

comparé au mien, puisque je ve-nais de nulle part. »L’esprit de compétition étant de règle, la première question qu’il se pose alors est de savoir comment il va parvenir à sortir du lot et grandir dans cette maison. Et à quel poste il se stabilisera. Il sera très vite ras-suré sur ses capacités d’adaptation. Entré commis au garde-manger, il est chef de partie aux poissons, quand José Martinez lui propose la place de second. Offre qu’il décline,

"Je venais de nulle part !" 

Briefing de Nicolas Sale avec les responsables de salle.

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se considérant encore trop jeune pour endosser cette responsabilité. Il lui faut encore s’enrichir.« Chi va piano va sano e lontano » ! Bien que feu-follet, Nicolas n’en est pas moins sage, comme il est ignorant des arcanes de la haute gastronomie parisienne. Ce qu’il va apprendre à ses dépens au len-demain d’un repas au Lucas-Car-ton***, l’ayant tellement ébloui qu’il demande à José Martinez de lui donner un coup de pouce.

Bertrand GuéneronC’est donc dans ses petits souliers qu’il intègre la brigade triplement étoilée pour tenter de s’y fondre. En commençant par renoncer à son catogan — en hommage à son idole Laurent Fignon — pour une coupe de cheveux moins avant-gardiste.A la tête de cette brigade plétho-rique, Bertrand Guéneron (au-jourd’hui Le Bascou, 75003 Paris), l’excellent second d’Alain Sende-rens lui demande — chacun devant avoir son matériel — de s’acheter une panoplie de couteaux de cui-sine professionnels pour remplacer son arsenal hétéroclite de couteaux à trois sous. Las, il n’aura pas le temps de cares-ser longtemps du regard son em-plette chez Mora ! Quelques jours plus tard, on les lui vole ! Dès lors, il n’oubliera jamais ce qu’a fait le chef, réunissant la brigade au complet, pour annoncer qu’à titre exceptionnel, l’argent de la cagnotte servirait à lui offrir une nouvelle panoplie.De quoi se faire des ennemis… Et il n’en manque pas, bientôt habitué à ce qu’on lui dise lorsqu’il passe devant le poste de chef saucier : « Regarde-le bien, parce que tu ne l’occuperas jamais ». Tout ce qu’il faut pour l’aiguillonner et que la provocation devienne challenge. Douze mois plus tard, Nicolas est nommé chef saucier.Entre-temps, subjugué par la cui-sine qu’il apprend, orientée sur les

goûts et les saveurs les plus subtiles, trait d’union entre le classicisme et la créativité, Nicolas « vit, pense et dort cuisine ». Quant à Bertrand Guéneron, il a découvert un jeune cuisinier qui avait une étoile au-dessus de la tête, comme il nous l’a confié :« Un garçon humble, curieux et passionné, sachant s’arrêter et revenir, si besoin est, sur les choses. Dans une grande brigade, les choses se font seules. Lui était de ceux qui ne baissent jamais les bras. Sa passion pour le vélo, l’âpreté dans l’ef-fort qu’il exige l’ont affûté aussi beaucoup mora-lement. Et puis, il a cette recon-naissance à l’égard de tous ceux qui l’ont aidé à se construire qui est émouvante. Enfin, il conjugue vitalité et maîtrise. Pour preuve ?

Gaël Orieux (aujourd’hui Auguste*, 75007 Paris), il fait un autre choix très judicieux, soucieux de toucher à tout, et donc de découvrir une autre facette de la restauration. Après les enseignes bourgeoises, la brasserie, la cuisine fougueuse et créative et le « trois mac », un autre mastodonte trois étoiles du traiteur Potel et Chabot, mené au plus haut de l’excellence par Jean-Pierre Biffi. Là encore, une expé-rience unique :« Deux années durant, j’ai été chef extérieur de l’enseigne. Sa-

lon du Bourget, gar-den-party de l’Ély-sée… Jean-Pierre Biffi m’a initié aux

challenges les plus incroyables. Toutes les prestations de Potel et Chabot, pour cent ou pour mille, c’est du sur-mesure. On ne peut être qu’admiratif de leur maîtrise

Nicolas a toujours su faire des choix judicieux pour mener au mieux sa carrière. »

Potelet ChabotAu lendemain de son passage au Lucas, où il s’est lié d’amitié avec

professionnelle, mais aussi de cette faculté qu’ils témoignent à se renouveler sans cesse dans le plus grand respect des bases et de nos traditions. J’y ai rencon-tré de nombreux talents comme Marc-Henry Vergé, Marie Soria, Jacques de Ribaucourt, Noël

Parcours aux choix très judicieux

Le Ritz bar. 

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Péraud, Jean-Pierre Jacquin, Lu-dovic Gasnier, Stéphane Simon, François Riva, etc. et tant de chefs complices des évènements Potel et Chabot comme Guy Savoy et Michel Rostang… »

Pierre GagnaireC’est lors d’une manifestation de Potel et Chabot à laquelle Pierre Gagnaire est associé qu’il rencontre le chef triplement étoilé de l’hôtel Balzac. Envoûté par sa cuisine de funambule, toujours sur

mais dans le sable, n’appartenant qu’à l’instant puisque modulable

selon l’inspi-ration et ses fulgurances. A ce titre, seul Michel Nave a

les clés de son univers. Comme il le dit joliment : M. Gagnaire donne le la et quand la musique est écrite, je garde une oreille constante sur l’harmonie ! »

George V et Meurice

Après Potel et Chabot et Pierre

le fil du rasoir, il intègre sa brigade, sous la houlette de son second, Mi-chel Nave (MOF 2004) : « Il n’y a qu’un seul Pierre Ga-gnaire. Et mon souhait, c’était de m’enrichir de son approche de la cuisine, en intégrant sa brigade. Chef de partie au garde-manger, j’ai très vite compris que j’avais affaire à un créateur dans le plus pur sens du mot. Un génie, un chef surnaturel en perpétuel mouvement, pour qui une recette n’est pas écrite dans le marbre,

Gagnaire… les palaces. Justement, en cette année 1999, Le Four Sea-sons George V rouvre ses portes au lendemain de travaux pharao-niques. A la tête de sa brigade, Philippe Legendre (MOF 1996), qui réussira l’exploit d’apporter ses trois étoiles au Cinq dès 2003. Parmi ses chefs de partie, Gaël Orieux et Nicolas, bien sûr, arrivé par l’intermédiaire de Marc-Henry Vergé sur le pôle event de l’hôtel, avant d’être chef tournant sur le room service et le Cinq :

«  J’ai eu la chance de partici-per à la réouverture de l’hôtel et à la mise en place de ses trois espaces de restauration. Une expérience bien sûr unique, à l’âge de 28 ans, auprès d’un chef, conjuguant rigueur, discipline, humilité et en avance sur son temps… estampillé classique, mais en apparence seulement ! »Chefs de partie, Nicolas et Gaël y demeurent deux ans. Quand ils dé-cident de suivre au Meurice* Marc Marchand et Jérôme Videau, leur sous-chef (aujourd’hui Royal Man-sour à Marrakech). Nicolas passe alors par tous les postes, secondant bientôt le chef avec Gaël Orieux et Frédéric Le-sourd. Mais après avoir assuré la transition Marchand/Alléno, le trio se sépare. Nicolas s’apprête à partir pour Valence chez Pic, où Anne-So-phie, après en avoir repris les rênes en 1998, guigne la consécration suprême qu’elle obtiendra en 2007.

Hyatt RegencyExcitante aventure en perspective, quand des raisons familiales le contraignent à rester à Paris, oc-cupant ainsi sa première place de chef au Hyatt Regency Malesherbes (75008 Paris) grâce au premier chef Christophe David (ancien du Lucas Carton) pourvu de deux restau-rants aux cartes très distinctes, La Chinoiserie et le restaurant-café M.L’entente est parfaite avec son directeur Christophe Lorvo. Et cela lui convient très bien que la chaîne réserve la haute gastrono-mie défendue par Jean-François Rouquette au Pur*, le restaurant de son plus prestigieux maillon pari-sien, le Park Hyatt Paris-Vendôme. Les conditions idéales sont donc réunies pour que, loin des sentiers balisés par les médias, Nicolas ait tout loisir — au nom de sa sempi-ternelle sagesse — d’évaluer, puis de peaufiner sa capacité à diriger une équipe :«  Quatorze en cuisine, avec les seconds David Delsart (au-

Jean-Pierre Biffi et ses équipes : l’initiation aux challenges !

La terrasse du bar Vendôme. ©

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jourd’hui La Villa Florentine* à Lyon) et Glenn Viel (aujourd’hui L’oustaù de Baumanière »** aux Baux-de-Provence), le challenge était de réaliser une cuisine d’excellent niveau, surtout pas prétentieuse, pour séduire, sans esbroufe, notre belle clientèle. »

Le CastelletArrivé en avril 2006 dans le Var, Nicolas met le turbo. Par l’inter-médiaire de Didier Bru, proche d’Anne-Sophie Pic, il rencontre Philippe Gurdjian, l’homme de la renaissance du circuit Paul-Ri-card, de l’aéroport international et du vaste et élégant domaine où se niche l’hôtel du Castellet. Gurdjian cherche une pointure qui apporterait l’étoile au Monte Cristo, le restaurant gastro. Chaleureux, convivial, mais brut de pomme, il lui lâche le rencontrant : «  Sale ? Ce doit être difficile à porter pour

un cuisinier ! » Plaisanterie qui marque le point de départ d’une fructueuse collaboration et d’un profond respect mutuel frappé au sceau de l’amitié. En 2007, année historique ! Nicolas décroche la première étoile de sa carrière avec « l’escabèche de rou-gets, fleur de fenouil » et le « râble de lapin fermier à l’olive » et fait intégrer l’hôtel aux Relais & Châ-teaux.«  Nous étions 15 maximum en cuisine. 100 couverts de moyenne, banquets, gastro, carte piscine, room-service, catering pour l’aéroport. Dans les moments les plus rock’n’ roll, j’ai souvent remercié Jean-Pierre Biffi pour tout ce qu’il m’avait apporté !  Je crois que nous avons fait du beau travail. Nous en étions fiers et j’étais heu-reux pour Philippe Gurdjian qui fut pour moi un second père. » En 2009, Gurdjian, surnommé le

« gentleman driver », négocie un nouveau virage dans sa carrière. Bientôt, la nouvelle direction en-visageant de supprimer le gastro, Nicolas quitte le Var pour les Alpes-Maritimes. Cap sur le cap d’Antibes et Les Pêcheurs, restaurant appar-tenant à la famille Ferrante. Mis-sion : décrocher la seconde étoile après que Francis Chauveau a ob-tenu la première en 2006. Il conser-vera le macaron, notamment avec le « risotto moelleux et langoustines en parfum de crustacés », occupant son poste jusqu’en fin 2010, soit deux saisons.

Courchevel et la K-collection C’est alors que Jean-Alain Baccon, directeur de la restauration de La Table du Kilimandjaro* propose à Nicolas de succéder au talent bouillonnant d’Alexandre Ongaro, parti pour ouvrir Côté Marché* à