L’héroïsme

La croisée des mondes 28 juin 2018

Une réflexion sur la place et la figure du héros dans les armées comme dans la société civile

L’héroïsme

éditions de l’école de guerre

CollectionFeux croisés

© Les Éditions de l’École de Guerre, tous droits réservés, 2018

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Note de l’éditeur

L’École de guerre est un lieu d’étude et de réflexion où se forment les chefs de demain : ceux de la prochaine guerre de Troie, de cent, de trente ou de sept ans… Mais nos combats ne se mènent plus dans la lice, entre les palis-sades d’un terrain clos. Ils ne concernent pas seulement les militaires dévoués à leur pays, quelques mercenaires égarés ou les enfants perdus de tristes tropiques. Ils sont une responsabilité collective de nos démocraties. L’étude et la réflexion ne peuvent être le seul fait d’officiers déve-loppant leur pensée dans ce quadrilatère hors du temps que serait l’École militaire si elle ne s’ouvrait sur le monde.

Là réside la vocation des Éditions de l’École de Guerre : susciter l’intelligence, encourager l’écriture et publier au profit de la réflexion et du dialogue de tous, civils ou militaires.

Cette maison d’édition ne diffuse pas la doxa offi-cielle qui a pour s’exprimer d’autres organes. Elle ne représente pas même les doctrines de l’École de guerre.

Elle souhaite simplement rendre publics des ouvrages qui, polémiques ou non, n’engagent que leurs auteurs mais contribueront à la pensée militaire, géopolitique et stratégique française.

Elle repose pour cela sur quatre collections :– la collection « Champs de bataille » traite d’histoire,

de géopolitique et de stratégie ;– la collection « Ligne de front » illustre cette néces-

sité de « penser autrement » qui est l’un des leitmotivs de l’École de guerre ;

– la collection « Feux croisés » aborde des réalités et des problématiques parallèles ou au contraire diver-gentes ;

– la collection « Honni soit qui mal y pense » publie en langue anglaise des textes porteurs d’une certaine pensée française.

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Avec la participation de

Débats animés par le journaliste David Abiker.

Par ordre d’entrée en scène :Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la

ministre des ArméesLoïc Finaz, contre-amiral, directeur de l’École de guerreCharles Pépin, philosopheAnne Nivat, grand reporter, reporter de guerre et écrivainFranck Duchemin, chef de bataillon, École de guerreJulien Fort, capitaine de frégate, École de guerreEmmanuelle Périé, exploratriceDeux membres du GIGN, École de guerreJean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationaleRégis Debray, écrivain et philosopheAntony Branchereau, capitaine de frégate, École de guerreCyril Babigeon, capitaine de frégate, École de guerreJean-Michel Herpin, lieutenant-colonel, École de guerreYannick Agnel, double champion du monde de natation

Loïc Boyer, capitaine de frégate, École de guerreAlberto Calvo Lopez, commandant de l’armée de l’air

espagnole, en duo avec un officier, École de guerreMarc Tourret, professeur agrégé d’histoirePaul Lemaire, chef de bataillon, École de guerrePierre-Yves Mesplède, chef de bataillon, École de guerrePatrice Franceschi, écrivain…Emmanuelle Duez, entrepreneur, fondatrice de The Boson

Project

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L’héroïsme ?Contre-amiral Loïc Finaz

Longtemps, non pas « je me suis couché de bonne heure » – nos nuits militaires sont plutôt blanches, et notre quête est plus celle de la maîtrise du temps gagné que celle de la recherche du temps perdu – mais long-temps je n’ai pas compris Jeanne d’Arc.

D’abord, le soldat que je suis est trop convaincu que s’il y a un lieu dont nous avons chassé Dieu c’est bien celui de nos champs de bataille. Je ne vois pas pourquoi il viendrait y arbitrer une querelle entre Français et Anglais… Et puis, le chrétien que j’essaye d’être n’aimait guère la récupération de la part des extrêmes, de gauche comme de droite, politiques comme religieuses, de ce personnage historique pour le placer dans mon pan-théon personnel.

Jusqu’à ce que je lise les minutes de son procès. Et là, au-delà de mes credo personnels, au-delà du remar-quable chef de guerre qu’elle est, j’ai découvert une femme inouïe, une femme d’un courage hallucinant,

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d’une lucidité et d’une intelligence étonnantes, d’une modernité incroyable.

Je crois d’ailleurs, même si ce n’est pas le sujet du jour, que Jeanne d’Arc est le grand personnage, la figure emblématique, de la laïcité. Elle a tout compris ! Ceux qui pérorent, déblatèrent, pleurnichent sur ce sujet feraient bien de relire les minutes de son procès. Mais c’est en effet un autre sujet.

Courage inouï, don de soi total, problématique aussi du messager puisqu’il n’y a pas de héros sans messager et que les minutes de son procès, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles n’ont pas été rédigées par ses thuriféraires, sont le messager de Jeanne. Courage, don de soi, messager… voilà trois des thèmes qui vont être abordés aujourd’hui. Mais pas seulement, il y en aura d’autres.

Le 8 février 1807, parce que dans un cimetière glacé (il fait moins quinze degrés) où il se sent menacé par les troupes russes qui s’approchent Napoléon lui a dit « nous laisseras-tu dévorer par ces gens », Murat déclenche ce qui restera comme la plus grande charge de cavalerie de toute l’Histoire. Vagues après vagues, les dragons, les cuirassiers, les grenadiers montés de la Garde viendront porter la mort, et la recevoir tout autant, parmi l’infanterie et l’artillerie russes sur cette neige d’Eylau, aussi noire que le ciel, noire de sang, noire de glace, noire d’absurdie…

Ces vagues successives de tous ces cavaliers ont-elles laissé dans l’histoire des héros ou des victimes ? Je crois qu’individuellement ces soldats ont été des

victimes, mais je pense aussi que collectivement ils ont été des héros.

Héroïsme collectif, héroïsme individuel, voilà d’autres sujets abordés aujourd’hui, mais mon rôle n’est pas de les dévoiler, il était seulement de les annoncer et de vous remercier d’être ici pour cette deuxième « Croisée des mondes ». Avec peut-être un dernier commentaire : ces orateurs du jour, ces orateurs civils ou militaires qui ont ignoré la douceur, voire même la torpeur, de cet été qui s’est enfin installé sur Paris, sont-ils des héros ? Les héros du jour très certainement, mais pas seulement.

Il y a un mois, à la sortie de son magnifique livre Un été avec Homère, Sylvain Tesson m’écrivait dans sa dédicace : « Ton école est-elle la fabrique des héros de la guerre de Troie qui vient ? » Je ne sais quand elle adviendra cette guerre de Troie, mais ce dont je suis sûr, ce dont je suis absolument certain, moi qui ai eu l’honneur et plus encore la joie d’être leur directeur pendant un an, c’est que les officiers de l’École de guerre, ces hommes et ces femmes qui sont les chefs militaires de demain, oui, ils sont prêts à être les héros dont nous avons besoin.

Mais après tout, cela je vous en laisse juges, je vous les livre…