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D&S – 9/2011. Où va la distance ?, pages 515 à 540 L’hybridation des cours et l’intégration de l’injonction à produire Françoise Paquienseguy 1 Carmen Perez-Fragoso 2 1. Université Paris 8 2, rue de la Liberté 93526 Saint-Denis cedex, France [email protected] 2. Universidad Autónoma de Baja California Km. 103 Carretera Tijuana - Ensenada Ensenada, B.C., 22760 México, Mexique [email protected] RÉSUMÉ. Aborder la distance de façon globale dans le contexte de l’enseignement supérieur permet aujourd’hui de lire l’industrialisation à l’œuvre au quotidien, à travers des stratégies individuelles des enseignants et des étudiants et au fil des exigences de la tutelle, transformations qui s’incarnent dans des objectifs de productivité ou de certification. Trois entrées sont ici convoquées pour étudier les enjeux de « la distance », qui, par son poids et son rôle dans les mutations de l’enseignement supérieur, se révèle être une des réponses possibles pour atteindre les objectifs énoncés par les instances de tutelle. D’abord, le niveau institutionnel, à travers des politiques de gestion de l’établissement, et le fonctionnement général de l’université ; ensuite celui du personnel enseignant, tout particulièrement perceptible dans les stratégies de carrière des titulaires ; enfin celui des motivations et des choix des étudiants à s’orienter vers des cours donnés « à distance ». ABSTRACT. The introduction of new forms of organization into the institutions engaged in processes of knowledge production, due mainly to the entanglement of academic considerations with broader economic concerns and political issues, can be observed more clearly in the field of distance education. In order to be able to compete with other universities, higher education institutions have been forced to adapt or transform the forms of organization of their academic work as a result of the public policies created to promote an increase in their productivity, especially when those policies are tied to financial resources. This paper analyses the case of the faculty from a university in northern Mexico, which in order to fulfill the requirements to improve their productivity, have decided to teach online. The implication of the introduction of these policies for the students and the institution are also discussed. MOTS-CLÉS : hybridation des cours, politiques d’évaluation, enseignement supérieur, Mexique, EAD, mutations de l’enseignement supérieur. KEYWORDS: hybrid courses, evaluation policies, higher education, Mexico, distance education, higher education’s transformation. DOI:10.3166/DS.9.515-540 © Cned/Lavoisier 2011 Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com

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D&S – 9/2011. Où va la distance ?, pages 515 à 540

L’hybridation des cours et l’intégration de l’injonction à produire

Françoise Paquienseguy1 — Carmen Perez-Fragoso2

1. Université Paris 8 2, rue de la Liberté 93526 Saint-Denis cedex, France

[email protected]

2. Universidad Autónoma de Baja California Km. 103 Carretera Tijuana - Ensenada Ensenada, B.C., 22760 México, Mexique

[email protected]

RÉSUMÉ. Aborder la distance de façon globale dans le contexte de l’enseignement supérieur permet aujourd’hui de lire l’industrialisation à l’œuvre au quotidien, à travers des stratégies individuelles des enseignants et des étudiants et au fil des exigences de la tutelle, transformations qui s’incarnent dans des objectifs de productivité ou de certification. Trois entrées sont ici convoquées pour étudier les enjeux de « la distance », qui, par son poids et son rôle dans les mutations de l’enseignement supérieur, se révèle être une des réponses possibles pour atteindre les objectifs énoncés par les instances de tutelle. D’abord, le niveau institutionnel, à travers des politiques de gestion de l’établissement, et le fonctionnement général de l’université ; ensuite celui du personnel enseignant, tout particulièrement perceptible dans les stratégies de carrière des titulaires ; enfin celui des motivations et des choix des étudiants à s’orienter vers des cours donnés « à distance ».

ABSTRACT. The introduction of new forms of organization into the institutions engaged in processes of knowledge production, due mainly to the entanglement of academic considerations with broader economic concerns and political issues, can be observed more clearly in the field of distance education. In order to be able to compete with other universities, higher education institutions have been forced to adapt or transform the forms of organization of their academic work as a result of the public policies created to promote an increase in their productivity, especially when those policies are tied to financial resources. This paper analyses the case of the faculty from a university in northern Mexico, which in order to fulfill the requirements to improve their productivity, have decided to teach online. The implication of the introduction of these policies for the students and the institution are also discussed.

MOTS-CLÉS : hybridation des cours, politiques d’évaluation, enseignement supérieur, Mexique, EAD, mutations de l’enseignement supérieur.

KEYWORDS: hybrid courses, evaluation policies, higher education, Mexico, distance education, higher education’s transformation.

DOI:10.3166/DS.9.515-540 © Cned/Lavoisier 2011

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Introduction

Les pionniers universitaires de l’enseignement à distance partageaient des idéaux et une volonté de s’adresser à des publics pour lesquels l’enseignement supérieur n’était alors qu’un mirage à cause de contraintes physiques, géographiques ou professionnelles. La plupart de ces enseignants se sont consacrés, voire dévoués, à la cause de l’enseignement à distance sans compter d’une part, et sans faillir de l’autre (Jacquinot et Fichez, 2008). Nous faisons l’hypothèse dans cet article qu’aujourd’hui l’EAD se transforme de façon fondamentale et structurelle, et que, s’éloignant de ces premiers desseins, il est de plus en plus instrumentalisé pour satisfaire aux différentes injonctions reçues par les enseignants, en termes de productivité, d’évaluation, comme de labellisation. Il s’oriente alors vers une hybridation des cours s’adressant de plus en plus à des étudiants présents sur les campus, inscrits à des cours donnés par des enseignants titulaires également présents à l’université, ce qui n’est pas un paradoxe mais un trait caractéristique de l’hybridation puisqu’elle correspond à la mise à distance de certains moments du processus d’enseignement et/ou d’apprentissage (PLS Ramboll Management, 2004). Nous montrons donc dans la première partie le faisceau des politiques publiques, consignes et règles imposées aux universités quant à leur fonctionnement et leur organisation, pour analyser ensuite le choix de l’EAD comme une réponse du corps professoral à ces changements majeurs dans la deuxième partie. Enfin, nous portons le regard sur les étudiants, inscrits dans ces cours hybrides, pour montrer dans la troisième partie à quel point ils savent, eux aussi, faire de cette modalité une opportunité d’optimiser leur cursus académique. Nous le faisons à partir de l’analyse du cas de l’Université Autonome de Basse Californie, qui se rattache à un travail de recherche plus vaste, conduit de 2006-2010 dans le cadre de l’ERT-Carm@é, dirigée par Françoise Paquienséguy. Il avait pour objectif une analyse en réception des technologies de l’information et de la communication numériques (TICN) dans l’enseignement supérieur dans un contexte franco-mexicain. L’UABC est donc une des sept universités étudiées dont nous avons toutes les deux spécifiquement assuré l’enquête et l’analyse. Méthodologiquement, nous avons procédé en cinq temps : premièrement une analyse des stratégies d’acteurs permettant de saisir les raisons d’un déploiement institutionnel des modalités à distance et ici hybrides, couplée à une analyse des plateformes utilisées ; deuxièmement, selon une démarche quantitative, un questionnaire en ligne a été adressé aux étudiants inscrits dans les formations hybrides (130 réponses) ; troisièmement, selon une démarche qualitative et inductive, deux séries d’entretiens compréhensifs avec les enseignants impliqués dans les formations hybrides (6 professeurs) sur deux années successives ; quatrièmement, deux séries d’entretiens sur des étudiants inscrits dans des formations hybrides (38 étudiants) ; cinquièmement, un séminaire de restitution en juin 2010 à la fin de la recherche avec les enseignants interrogés qui souhaitaient y participer. La visée de cette analyse se focalise sur les pratiques professionnelles développées par les enseignants et les étudiants que nous ne cherchons pas à croiser ici avec l’analyse des processus d’industrialisation à l’œuvre.

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Notre analyse s’appuie donc sur le cas de l’Université Autonome de Basse Californie (UABC), délocalisée sur cinq campus pour être au plus près des étudiants. Il nous semble en effet pertinent de quitter la perspective française, mieux connue et plus analysée, pour évoquer, premièrement, l’internationalisation des processus à l’œuvre qui témoigne d’un mouvement de fond et d’une transformation lourde de l’institution ; et pour insister, deuxièmement, sur des processus mis en lumière par la situation mexicaine parce que la population y est très jeune et que les demandes d’inscription à l’université explosent. Par ailleurs, le premier diplôme délivré par l’Université mexicaine (la licence en quatre ans) conserve une vraie valeur sur le marché du travail, et le deuxième, la maîtrise, ouvre les portes de l’enseignement supérieur.

Les institutions de l’enseignement supérieur en changement

Les dernières décennies du XXe siècle consignent, pour la première fois dans l’histoire, l’introduction de nouvelles formes d’organisation dans les institutions engagées dans les processus de production de la connaissance, introduction principalement due à l’enchevêtrement de considérations académiques avec des préoccupations économiques et politiques plus larges (Gumport, 2000). En effet, dans bien des pays, les pressions qu’elles connaissent pour être compétitives et obtenir des financements sont manifestes. Cependant, ces changements ont été assimilés de manière différente dans les pays développés et dans ceux en voie de développement, en raison de niveaux variables de consolidation de leurs institutions éducatives, fruits de leurs trajectoires historiques et sociales.

Un tissu contraignant et complexe de politiques publiques et de consignes

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (Tic) pour améliorer la qualité de l’enseignement a été abordée de manière consistante par l’Unesco, à partir de la Conférence Mondiale sur l’Enseignement Supérieur de 1998, qui soulignait la nécessité d’un accès continu aux nouveaux savoirs et de la réactualisation permanente des connaissances pour l’ensemble de la société. Elle mettait donc en avant la création de nouveaux environnements pédagogiques proposant des « établissements et systèmes virtuels d’enseignement capables de vaincre les distances et d’établir des systèmes d’éducation de haute qualité » (Unesco, 2002, p. 88). Plus récemment, dans l’agenda des pays membres, l’Unesco (2009, p. 11-12) suggérait d’abord d’ « établir et [de] fortifier les systèmes de garantie de bonne qualité et des cadres réglementaires avec la participation de toutes les parties intéressées », et ensuite de « soutenir la pleine intégration des Tic et [de] promouvoir l’apprentissage ouvert et à distance pour satisfaire la demande croissante pour l’enseignement supérieur ». Bien entendu, l’entrée en conformité avec les recommandations des organismes internationaux signifie l’obtention de sources de financement comme le souligne McGinn : « Les pays préparés à adopter un cadre de

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politiques pour l’enseignement supérieur mettant en relief une structure institutionnelle différenciée et une base de ressources diversifiée, avec une forte prise en compte des promoteurs privés et des fonds privés, continueront à recevoir un traitement de priorité » (McGinn, 1997, p. 252).

Au Mexique, les politiques visant à améliorer la qualité de l’enseignement supérieur et, par conséquent, la productivité de ses acteurs apparaissent avec le siècle. Rétrospectivement, nous pouvons qualifier les politiques et les programmes précédents – qui ont vu le jour pendant les années 1990 – de programmes de transition, essentiellement chargés de mettre en place des schémas d’évaluation, jusque-là absents du système éducatif national.

Le Programme intégral pour le renforcement institutionnel (Pifi), introduit en 2001, comprend ainsi deux objectifs généraux : améliorer le système éducatif national et obtenir la reconnaissance sociale des établissements d’enseignement supérieur sur la base d’une amélioration de leurs performances et de la transparence de leurs opérations de transformation, amélioration perceptible à partir d’indicateurs préétablis. Selon la planification du Pifi, l’attribution des ressources est corrélée non seulement à la gestion de l’université, mais aussi aux unités académiques et aux groupes de travail répertoriés dont elle définit les objectifs et évalue les réalisations. Pour obtenir des ressources importantes du Pifi, un établissement doit également intégrer le respect des recommandations d’autres programmes spécifiques. Dans l’idéal, par exemple, les enseignants doivent posséder le profil du Programme pour l’amélioration du professorat (Promep), avoir un rattachement disciplinaire institutionnel, et appartenir au Système national de chercheurs (SNI) – nous reviendrons sur ce point par la suite. Quant aux étudiants, ils participent également à l’évaluation générale puisque les universités doivent divulguer la proportion d’étudiants de licence ayant présenté les examens de certification professionnelle1 ainsi que le nombre d’étudiants ayant obtenu des résultats dits « excellents », dès lors qu’elles sollicitent un financement du Pifi.

Progressivement, sur une dizaine d’années, les processus mis en œuvre pour satisfaire aux procédures internes et externes d’évaluation pour obtenir des fonds du Pifi deviennent de plus en plus importants dans les établissements et entraînent dans un même mouvement de normalisation la gestion et la gouvernance de l’université elle-même. La productivité mesurée des enseignants et la réussite quantifiée des étudiants font preuve de la qualité de l’établissement, qualité « labexisée » par le ministère de tutelle. Ce processus est encore renforcé par les Comités Interinstitutionnels pour l’Évaluation de l’Enseignement Supérieur (CIEES), créés en 1991. Ce sont des organisations non gouvernementales ayant pour mission d’évaluer et d’accréditer les programmes et les unités académiques, sur la base d’une méthodologie d’évaluation qui prend en considération des standards et des critères internationaux de qualité éducative.

Nous voyons que, comme en France, tout un appareil d’évaluation, de mesure et de validation s’est progressivement mis en place avec comme objectif premier de

1. Validation de fin d’études, cet examen facultatif est spécifique à chaque formation.

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garantir la qualité de l’enseignement supérieur et d’en témoigner au travers de divers critères et indicateurs, principalement statistiques et comptables. Cependant, le cas mexicain a ceci de particulier que les licences ouvrent toutes sur des métiers porteurs d’emplois d’une part et que toute une variété hétéroclite d’institutions et d’organismes privés partage le créneau de l’enseignement supérieur avec les universités d’état d’autre part. C’est ainsi que se superpose à l’évaluation publique un deuxième appareil d’évaluation et d’accréditation issu d’associations corporatistes. Le Conseil pour l’Accréditation de l’enseignement supérieur (Copaes) a pour fonction de régler les processus d’accréditation et de certification des agences d’accréditation. Il vérifie qu’elles disposent de la capacité académique, technique et opérationnelle pour fonctionner en tant que telles. Il existe actuellement des agences d’accréditation qui certifient des programmes d’études dans seize disciplines. Désormais, afin qu’un établissement puisse demander des ressources au Pifi, ses programmes doivent être accrédités par les CIEES ou par une agence reconnue par le Copaes. Si les universités publiques mexicaines dépendent à ce point de financements complémentaires du Pifi, c’est principalement parce qu’elles connaissent un problème récurrent lié à la fois à la demande croissante d’inscriptions dans l’enseignement supérieur et à leur incapacité à la satisfaire. Cette situation a pour résultat une forte création d’établissements privés qui échappent à ces réglementations et accréditations et qui, par voie de conséquence, offrent une qualité d’enseignement disparate, voire discutable dans certains cas. De plus, une large partie de ces institutions privées offrent souvent des programmes d’études nationaux et internationaux en ligne afin d’augmenter le nombre d’inscriptions payantes. Ce phénomène n’est pas marginal et menace l’enseignement supérieur, limité dans ses moyens comme dans ses actions, et d’ailleurs l’OCDE le signale depuis 2006, via le ministère mexicain de l’Éducation publique (SEP) qui notait alors l’existence de 1 179 établissements privés d’enseignement supérieur (contre 713 publics). Nombre en constante augmentation en relation avec la même augmentation de la population étudiante concernée par ces institutions d’enseignement supérieur privées, qui avait elle-même augmenté de plus de 33 % en 2008/2009 selon le rapport 2010 du Sep. Les universités publiques doivent donc lutter sur deux fronts, la concurrence effective du privé et leur propre développement, ou survie.

En ce qui concerne les universités privées, le problème est très grave, puisqu’il existe deux types d’universités privées totalement différents. D’un côté, nous trouvons des universités prestigieuses aux coûts d’inscription élevés, qui accueillent les populations CSP+ et CSP++ du pays ; elles sont d’autant plus prestigieuses qu’elles sont très peu nombreuses, citons Lasalle, ITESM, ITAM, Iberoamericana, ITESO et UDLA par exemple. De l’autre, nous trouvons des universités privées de faible envergure, toujours plus nombreuses, qui se caractérisent par la faible qualité de leurs programmes et le manque d’installations adaptées car aucune université privée ne reçoit de fonds fédéraux et elles sont principalement régies par des critères commerciaux. Mais elles doivent cependant obtenir la Reconnaissance de Validité Officielle d’Études (RVOE) délivrée pour chaque diplôme par le Secrétariat de l’Éducation Publique au Mexique. Leur nombre et leur renouvellement incessant

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empêchent un réel contrôle du SEP dont le sous-secrétaire a récemment annoncé que « pendant les trois dernières années, le SEP a annulé un peu plus de 800 programmes de Licence, Spécialisation, Master et Doctorat d’universités privées de basse qualité ( …) et a refusé l’ouverture de 2 500 programmes issus d’écoles privées » (El Universal, 2011). Les différences de qualité des programmes offerts sont impressionnantes ; Gil Antón (2011) le déplore : « (…) il est inadmissible que le système soit si radicalement inégal ». Si nous ajoutons à ce panorama les formations supérieures en ligne, la profusion et la diversité augmentent encore, même si le SEP publie sur son site la liste des universités mexicaines et étrangères habilitées par les instances nationales publiques.

Nous voyons ainsi que, de manière générale, ces programmes et ces systèmes pour « l’assurance qualité » de l’enseignement supérieur qui vont de pair avec les politiques publiques éducatives, ont influencé de diverses manières la vie et le fonctionnement universitaires. Les résultats en sont, d’ailleurs, analysés de façon controversée, les analystes de ces politiques mentionnant des résultats contrastés (Del Castillo, 2007, 2005 ; Kent, 2005). Les premiers résultats, qui soulignent les avantages, considèrent que « la politique de financement et de qualité a provoqué des changements fondamentaux, d’une part dans l’attribution de ressources publiques, à travers des mécanismes de quasi-marché qui permettent aux institutions publiques de se faire concurrence et d’accéder à des ressources financières supplémentaires en échange de l’adoption de règles d’évaluation ; et, d’autre part, dans la stratégie d’évaluation nationale à travers l’introduction de mécanismes d’accréditation qui permettent de consolider ou d’augmenter, selon le cas, le prestige des universités dans la société par la reconnaissance publique de la qualité éducative avec laquelle elles offrent leurs plans d’études » (Del Castillo Alemán, 2005, p. 64). Cet auteur considère aussi que les politiques introduites « favorisent des processus de changement orientés vers le renforcement de l’obligation de rendre des comptes », ce qui améliore aussi l’utilisation des ressources publiques (Del Castillo Alemán, 2007, p. 716). Parmi les bénéfices observés au niveau institutionnel se trouvent l’introduction de la planification stratégique dans les établissements d’enseignement supérieur, le développement de programmes à long terme, la conception de programmes de tutelle pour les étudiants afin d’augmenter le nombre de diplômés, la mise à jour systématique des plans d’études (Del Castillo Alemán, 2007, 2005), ainsi que l’accroissement de la productivité des enseignants et des chercheurs, et l’amélioration de la qualité des produits du travail académique ainsi que l’élimination de pratiques arbitraires (Acosta Silva, 2000 ; Grediaga Kuri, 2001 ; Ordorika et Navarro, 2006).

Les nombreux inconvénients évoqués mettent en relief les effets pervers de cette compétition pour les ressources financières, et surtout les conséquences des programmes d’évaluation de la productivité sur le corps professoral. Comme le remarquent Ordorika et Navarro (2006), l’utilisation de primes financières liées à la production académique des professeurs varie selon les pays ; d’ailleurs, le cas du Mexique acquiert un grand intérêt de par son étendue et l’impact sur les salaires des enseignants du supérieur, car, dans certains cas, la proportion de ces rémunérations

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supplémentaires représente jusqu’à 70 % du salaire perçu ; le pourcentage augmente lorsque s’y ajoute la prime reçue par les membres du SNI (Ibarra Colado, 2001 ; Ordorika et Navarro, 2006) qui reçoivent une rétribution complémentaire multipliant le salaire de base au moins par 6 et au plus par 14 (Diario Oficial, 2008). À l’UABC, le Programme des Prix pour la Performance du Personnel Académique (Predepa) octroie une prime qui, selon les points obtenus par le professeur, équivaut à 15 %, voire jusqu’à 50 % du salaire de base de l’enseignant (Gaceta Universitaria, 2010). Cette compétitivité entre enseignants aurait pour résultat une baisse dans la qualité des productions des enseignants (Comas Rodríguez, 2003). En effet, comme en France, la productivité se mesure aux taux de publications et d’activités scientifiques effectuées dans la période évaluée, sans labellisation ou indexation des lieux de production (colloque, revue…), ce qui conduirait certains enseignants à démultiplier leurs productions scientifiques dans des revues de moindre qualité, mais faciles d’accès ou dans des actes de colloque de troisième zone. Cela provoquerait aussi des petits arrangements entre chercheurs qui publient en nom collectif, sans tenir compte de leur réelle participation à l’élaboration du travail, à charge de revanche, bien entendu. Plusieurs auteurs dénoncent ces mécanismes générateurs d’une rupture du tissu social et de la destruction progressive des communautés académiques (Díaz Barriga et Pacheco, in Ordorika et Navarro, 2006).

Ce débat de fond sur les problèmes et les bénéfices produits par l’introduction des politiques publiques visant à favoriser une culture de l’évaluation et un accroissement de la productivité des institutions d’éducation supérieure commence à surgir. Mais la facette de ce phénomène discutée dans ce travail reste le changement de la conception de l’enseignement à distance et la transformation des pratiques universitaires qui s’en suivent en accord avec cette nouvelle conception d’une part, et de l’autre, la manière par laquelle les actions de stimulation de la productivité académique présentent ou promeuvent l’enseignement à distance. Il apparaît alors comme un choix viable afin d’améliorer la productivité tant au niveau institutionnel qu’aux niveaux individuel et collectif des professeurs. À l’UABC, par exemple, les exigences institutionnelles pour l’introduction des technologies dans les cours sont toujours plus fortes et ont conduit en 2006 à la création d’un Centre d’Éducation Ouverte (CEA), dont la mission est de promouvoir des initiatives d’incorporation des Tic dans les processus éducatifs de manière institutionnelle (Lloréns, et al., 2009). L’objectif premier du centre est la formation de tous les enseignants à l’utilisation de Blackboard, plate-forme officielle, pour son emploi dans les cours, présentiels ou semiprésentiels.

La transformation de l’enseignement à distance et l’hybridation

de l’enseignement

La technologie est instrumentale pour l’évolution de l’enseignement à distance, et ses transformations s’expliquent généralement par étapes, au fil des moyens technologiques utilisés (Nipper 1989 ; Bates 1994). Cette évolution a commencé au XIXe siècle, vers 1840, avec l’éducation par correspondance, associée aux technologies

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de la presse et des transports, et continue aujourd’hui avec des modes de mise à disposition permettant la création d’environnements d’apprentissage virtuels, adossés à des technologies d’information et de télécommunication (Greenwood, 2004).

Dès ses débuts, l’enseignement à distance a eu besoin d’être légitimé : la reconnaissance sociale a été obtenue, en général, vers la fin des années 1980, bien que les événements déclencheurs et les dates varient selon les pays (King, 2001 ; Grepperud et al., 2002). Le besoin de légitimer et de professionnaliser l’enseignement à distance a obligé les acteurs et les institutions à préciser les spécificités qui constituaient leur domaine d’action et qui délimitaient ce type de contribution éducative (King, 2001) puisque les institutions d’enseignement à distance ont été conçues avant tout pour répondre à une demande de formation impossible en présentiel, sur la double base d’un dispositif pédagogique et d’un dispositif technologique spécifique ; ce qui sera remis en cause à la fin du vingtième siècle, quand les acteurs historiques de l’enseignement en présentiel intègreront, progressivement une partie de ce dispositif technologique (les ENT par exemple ou la visioconférence) et certaines caractéristiques des institutions d’enseignement à distance (l’inscription en ligne, le cahier de texte numérique…). La raison d’être des institutions spécialisées dans l’enseignement à distance est alors remise en question au niveau international. Mais actuellement, c’est sous l’influence directe des politiques éducatives d’organismes nationaux et internationaux que l’enseignement à distance se déplace de la périphérie au centre du débat éducatif (Cookson, 2002), dont il devient un des protagonistes.

L’UNESCO y participe, principalement à partir de 2001 (Visser, 2002 ; 2007, p. 640) et s’interroge : « Maintenant que l’enseignement à distance a atteint le niveau de reconnaissance et d’estime souhaité vis-à-vis des alternatives éducatives traditionnelles, il est temps qu’il se remette en question, et que l’on se demande comment cette expérience s’inscrit dans les exigences et les possibilités inhérentes à la société actuelle et comment elle reflète l’état actuel des connaissances sur la façon dont on apprend […] ». Cette tendance s’inscrit dans une tendance plus large, celle du changement de l’enseignement supérieur, quelle qu’en soit la modalité : « les frontières entre l’enseignement à distance et sur campus s’effacent, et les distinctions de travail qui fondent les deux modalités seront plus difficiles à maintenir » (Coaldrake, 2000, dans Fleming et Becker, 2007, p. 292).

La distance : un choix nécessaire

Certaines universités publiques mexicaines proposent, et depuis bien des années, principalement ou uniquement, des formations accessibles totalement à distance. Et, parmi les plus connues, celles de l’Université de Guadalajara qui, après plus de quinze années de travail en éducation à distance, a créé en 2005 une nouvelle composante : l’UDG Virtual, pour permettre aux populations plus âgées de faire des études ou de valider leurs expériences professionnelles. L’objectif et les conditions étaient alors différents comme nous le savons, car la modalité du « tout à distance »,

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relativement lourde et, finalement, assez peu fréquente, s’adressait alors à un public atypique et spécifique d’étudiants, adultes, souvent salariés et en reprise d’études. Mais aujourd’hui, nous remarquerons que l’ensemble des entités chargées de l’EAD dans les universités évoquées ci-dessus sont actuellement en restructuration, et ce de façon fondamentale : l’UDG Virtual cherche désormais à accueillir les primo-arrivants, statistiquement de plus en plus nombreux, et propose cette alternative afin d’augmenter ses capacités d’accueil et le nombre de diplômés ; le DEP s’adresse aujourd’hui à des jeunes gens principalement localisés dans les pays d’Afrique francophone et demandeurs de diplômes français dans des disciplines absentes de leurs universités locales ; l’Institut d’Enseignement à Distance semble s’orienter vers une politique de soutien à l’ensemble des formations de Paris 8 sur un principe d’hybridation des cours. L’Université Autonome de Basse-Californie ne déroge pas à ces évolutions dans lesquelles nous identifions deux tendances fortement présentes dans les établissements d’enseignement supérieur d’Amérique latine.

Première tendance, la virtualisation des processus d’enseignement supérieur fait référence « à l’impact qu’a eu l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans tous les domaines du travail universitaire pour la création et de la mise en place d’une offre éducative » (Ortiz Boza et al., 2004, p. 293). Cela comprend non seulement l’offre de cours en ligne mais aussi l’intégration des TICN dans les modalités d’apprentissage des licences en présentiel. En effet, comme nous l’avons écrit, le déploiement des Tic à l’Université a été soutenu de façon générale et intense par plusieurs programmes publics internationaux et nationaux avec pour objectif principal d’en former et développer les usages auprès des étudiants comme des enseignants. Si viser les deux publics et l’ensemble des modalités pédagogiques se perçoit d’abord comme une rationalisation effective des outils et systèmes développés (plateforme pédagogique, cellule Tice, portail universitaire, ENT…), une deuxième lecture valide la prégnance de ces dispositifs dans l’offre de formation et leur contribution à la virtualisation de l’enseignement supérieur indépendamment des modalités pédagogiques proposées.

Deuxième tendance, les institutions qui offrent un enseignement à distance tendent à l’inclusion de sessions en présentiel dans leurs programmes. En se référant à ce phénomène en Amérique Latine, Rama (2007, 2008) suggère, qu’au-delà d’un enseignement à distance ou d’une éducation virtuelle, nous nous trouvons devant un modèle de virtualisation hybride hautement hétérogène, avec des éléments présentiels et informatiques qui se caractérisent par une diversité de niveaux de qualité. Il propose pour en témoigner l’expression « déprésentialisation de l’enseignement supérieur » (Rama, 2007, 2008) montrant par là l’effacement de la présence physique réelle de l’enseignant lors des activités pédagogiques ; processus renforcé par la récente croissance du nombre de formations totalement ou partiellement en ligne en Amérique Latine, selon lui.

Ces tendances ne sont pas anecdotiques, car le nombre d’étudiants inscrits selon des modalités virtuelles ou hybrides croît sans cesse et la majorité d’entre eux suivent des cours semi-présentiels. En 2005, en Amérique Latine, sur 201

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institutions d’enseignement supérieur offrant des formations à distance, 11 % seulement avaient des modèles purs, exclusivement à distance ou exclusivement présentiels ; les autres opéraient avec des modèles hybrides diversement proportionnés (Rama, 2007). « On combine ainsi de manière différenciée des éléments virtuels et à distance mais aussi, successivement, des technologies analogiques et des technologies virtuelles, ainsi que des matériaux pédagogiques traditionnels, ou interactifs, de niveaux de complexité et de modèles de simulation variés. Même aujourd’hui, dans le domaine virtuel, on constate l’existence d’une vaste différenciation de logiques pédagogiques, en fonction de dynamiques basées sur Internet 1.0 ou sur le Web 2.0 » (Rama, 2007, p. 36).

A l’intérieur même des institutions éducatives publiques, deux mouvements profonds se rencontrent, d’une part, comme nous l’avons expliqué des faisceaux de contraintes qui pèsent sur les universités pour lesquelles l’enseignement à distance semble alors constituer une solution d’adaptation ; d’autre part, la transformation des modes de vie et des profils des étudiants, en double relation avec le monde contemporain et leurs usages des TICN, qui favorisent leur intérêt pour l’enseignement à distance. Le tout-à-distance, qui a été largement étudié (Jacquinot et Fichez, 2008), et dont les difficultés et les conséquences sont aujourd’hui plus que connues, ne répond ni aux injonctions de rationalisation faites aux universités, ni aux attentes des étudiants, contrairement à l’hybridation. Ainsi, des processus et réalités spécifiques à l’enseignement supérieur convergent dans un espace-temps relativement resserré, forgeant alors, principalement sous la pression des politiques publiques d’autonomie et d’évaluation, un contexte extrêmement favorable au déploiement de l’hybridation. Sans oublier que ce contexte est également traversé, et depuis vingt ans, par des programmes en faveur du développement des Tic à l’Université, en faveur de la mobilité étudiante, mais aussi par une internationalisation des études souhaitée par le Processus de Bologne et encouragée par les politiques éducatives des organismes internationaux. Initiés par les politiques publiques, ces choix institutionnels se concrétisent aussi à la faveur des initiatives des enseignants.

Le choix de la distance par les personnels enseignants

Comme nous l’avons montré, les conditions requises pour assumer une carrière académique se sont considérablement durcies au cours des dernières années. Les enseignants que nous avons interrogés sont ceux des licences d’Ingénierie Industrielle et d’Administration des entreprises dont les maquettes ressemblent fortement à celles des licences professionnelles françaises, à ce détail près que la version mexicaine court sur quatre années de formation. Les enseignants titulaires doivent obtenir des reconnaissances exogènes à l’université sur la base de leur productivité, comme avoir le profil « Promep », ou encore parvenir à être membres du SNI, (Système National de Recherche) et du SANS, (système national d’évaluation), équivalent de l’AERES et du CNU en France. Ainsi, en plus des enseignants-chercheurs qui, par vocation, acceptent d’élargir leurs responsabilités et

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activités académiques, nous trouvons des collègues qui se voient obligés de le faire pour augmenter leur productivité, leur salaire, afin d’être mieux positionnés à l’intérieur de leur université et d’améliorer leur trajectoire professionnelle. La gestion de la carrière prédominant, donner des cours en ligne en devient une modalité, car la distance permet de « gagner » du temps pour mener à bien d’autres activités professionnelles mieux évaluées et mieux « notées » en relation avec des fonctions à responsabilité ou des activités de recherche.

Si nous considérons que l’enseignement en ligne exige une nouvelle forme d’organisation du travail de l’enseignant, avec des exigences qui lui sont propres, comme une plus grande disponibilité, il paraît paradoxal que les enseignants y voient une façon de gagner du temps. Il convient de clarifier ici que le gain de temps, ici, fait référence au temps de travail, c’est-à-dire, au temps qu’ils passent dans l’institution, et qu’en réalité les enseignants sont disposés à prolonger leurs tâches et à les effectuer dans d’autres horaires, en dehors de l’institution, y compris la nuit ou le week-end. Il faudrait s’interroger plus avant sur ces formes d’organisation en creusant les pratiques professionnelles de ceux qui paraissent disposés à le faire, ainsi que la viabilité de ces pratiques sur un temps long. Il serait aussi intéressant de confronter cette situation avec la tendance inverse à l’œuvre dans les pays anglo-saxons où la majeure partie des responsabilités académiques sont transférées à des professions « para-académiques » émergentes, cession en partie due à l’émiettement du processus éducatif et à l’introduction de tâches administratives, ce qui montre l’industrialisation de l’enseignement sous un autre jour (Macfarlane, 2011). Dans notre cas, les mêmes enseignants assument toutes ces responsabilités, qu’ils exercent en présentiel ou en ligne. Cela dit, nous relevons maintenant tout particulièrement deux forces déterminantes dans la compréhension des enjeux et ses motivations des enseignants à faire cours à distance dans un dispositif pédagogique plus ou moins hybride et instable.

Des pratiques professionnelles marquées par la distance

Ces enseignants, qui se disent eux-mêmes « maestros en línea », réalisent et donnent tout ou partie de leurs cours via une plateforme qu’ils ont librement choisie et à partir d’une mise en forme et en ligne qu’ils ont assurée. Si, pour ce faire, les transformations de leurs pratiques professionnelles s’organisent de façon singulière, elles reposent toujours sur des critères personnels, car ces nouvelles pratiques, supportées par la distance et une plateforme, intègrent elles-mêmes des pratiques communicationnelles souvent antérieures, parfois concomitantes, issues de la vie quotidienne, et développées autour de l’ordinateur et d’Internet2. L’étude de terrain que nous avons conduite révèle que ces « maestros en línea », peut-être ferments d’un nouveau type d’enseignants, sont avant tout des utilisateurs réguliers des TICN

2. Par exemple, l’expérience d’interactions à distance développées dans un contexte familial via Skype conduit ensuite l’enseignant à proposer à ces étudiants de travailler avec Netmeeting.

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dans la vie privée, ce qui entraîne un certain niveau d’appropriation de ces outils, services et fonctions. Ils n’ont pas d’investissement lourd à produire au démarrage des cours en ligne, car leurs ressources sont généralement déjà pensées pour ces supports et enseigner à distance leur permet très vite d’augmenter leur productivité.

Du point de vue de ces enseignants, donner des cours en ligne permet surtout d’intégrer d’autres activités académiques, comme la recherche ou la participation à un groupe de travail, comme assumer des tâches administratives, par exemple diriger un département ou une composante. Dans les interviews, ils ont déclaré préférer enseigner en ligne, même si cela implique un travail nocturne ou dominical afin de mener à bien d’autres projets professionnels personnels dont ils ne pourraient s’acquitter s’ils assuraient tout leur service en présentiel. Leurs propos montrent de façon évidente qu’ils favorisent les activités les mieux évaluées, pas forcément au détriment des cours ou des étudiants, mais au détriment de la modalité la plus contraignante à leurs yeux, le présentiel.

Des exigences diversement intégrées

Face aux nouvelles exigences de productivité individuelle et collective, les enseignants expliquent qu’ils se considèrent comme « une génération de transition » ; ils pensent que les nouvelles générations d’enseignants, qui connaîtront leurs exigences de productivité dès qu’elles signeront leur contrat, trouveront d’autres dynamiques de travail et de formes d’organisation qui répondent mieux aux exigences des politiques et de l’évaluation pour l’amélioration de la qualité des tâches académiques dans les établissements d’enseignement supérieur, alors qu’ils ne font, eux, que « s’adapter à la situation ».

Dans ce sens, nous pouvons dire que les politiques introduites ont généré de nouvelles formes d’organisation du travail académique ; « la plus significative d’entre elles est la formation de groupes de travail et de réseaux entre les chercheurs, les universités, le gouvernement et les entreprises. Dans le cas du Mexique, ceci constitue une politique promue à travers le Programme d’Amélioration du Professorat (Promep), qui encourage la formation de Corps Académiques et de réseaux, afin de fortifier les processus de production et d’application de nouvelles connaissances » (López Leyva, 2006, p. 15).

Mais cette politique, liée au programme Promep, appartient davantage au domaine du règlement administratif qu’à la formation de groupes de travail réellement disciplinaires. Puisque la participation dans les Corps Académiques constitue un mécanisme pour obtenir des ressources financières, les chercheurs s’organisent en fonction de ce schéma ; surtout que l’administration centrale de l’université exerce une pression pour que tous les enseignants adoptent cette forme de travail, de sorte qu’ils puissent répondre aux appels à projets et obtenir ainsi davantage de ressources pour l’institution. (López Leyva, 2006). C’est d’ailleurs à la suite de ces politiques que l’UABC a créé en 2010 le statut d’enseignant-chercheur ;

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avant cela, les titulaires étaient soit enseignant, soit chercheur, avec des droits et des obligations différents. Actuellement, les titulaires enseignants peuvent, chaque semestre, faire la demande d’une réduction d’heures de cours pour pouvoir effectuer de la recherche ; à cet effet, ils doivent se rattacher ou être assignés à un projet de recherche et s’engager à publier. Les enseignants qui font partie de ces Corps Académiques peuvent aussi demander des ressources financières pour la consolidation de leur travail de recherche. Cela constitue une prime importante au niveau individuel, mais au niveau collectif, c’est surtout un moyen d’augmenter la productivité des chercheurs dans les rapports d’activités fournis au Pifi. Pour pouvoir le faire, certains enseignants ont choisi de donner des cours en ligne, ou des cours intensifs dans les périodes inter-semestrielles.

Puisque l’obtention de ressources financières dépend, en grande partie, de leurs indices de productivité (publications, thèses dirigées, projets de recherche, participation à des conférences, en plus de leurs cours réglementaires), le temps devient un bien de plus en plus précieux pour les enseignants-chercheurs. Les résultats de notre enquête3 auprès d’eux ont montré que la perspective d’augmenter leur productivité en donnant des cours en ligne – qui n’exigeraient pas forcément leur présence pendant ces heures de travail – a été un élément important dans leur décision de donner des cours de cette façon. Par ailleurs, certains ont allégué d’emblée qu’ils considéraient que les cours en ligne étaient non seulement de qualité pédagogique égale aux cours présentiels traditionnels, mais aussi plus efficaces.

Selon nous, l’industrialisation progressive de l’éducation supérieure, renforcée par des politiques associées à l’obtention de ressources financières, constitue et crée une formule qui force la réorganisation et la restructuration des universités, comme nous le voyons dans le cas mexicain. À l’échelle institutionnelle, pour qu’une politique soit mise en œuvre, elle doit présenter des « intérêts considérables, ou, comme on le voit actuellement de plus en plus dans l’enseignement supérieur, des sanctions pour ceux qui ne parviennent pas à mettre en œuvre la politique » (Pusser et Doane 2006, p. 15) ; dans le cas du Mexique, « les programmes d’évaluation établissent les limites des activités que les institutions ne peuvent pas franchir, au risque d’y perdre » (Ordorika et Navarro, 2006, p. 56) ; c’est-à-dire, au risque de ne pas recevoir les ressources financières dont elles ont un besoin vital pour leur fonctionnement. En ce qui concerne les enseignants, ils se trouvent dans la même situation : leur participation aux programmes de rémunération au mérite (Merit pay) devient nécessaire pour compléter leurs salaires.

Expliquer la performance et la productivité des enseignants-chercheurs dans les différentes activités universitaires et analyser les possibles effets que les différents programmes de la politique publique pourraient avoir sur ces indicateurs s’avère très complexe (Grediaga Kuri, 2006), et ce n’est pas l’intention de ce travail. Cependant,

3. Les deux auteurs ont conduit, de 2007 à 2009, une analyse en réception des TIC numériques – dans le cadre de l’ERT-Int Carma-e, rattachée au Gresec de l’Université Grenoble 3.

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la plupart des études effectuées sur ce thème prennent la recherche des professeurs (et non l’enseignement) comme objet d’étude alors que notre recherche suggère un résultat non anticipé : donner des cours en ligne comme mesure plausible et reconnue par l’institution pour libérer du temps et augmenter la productivité dans d’autres domaines académiques, comme la recherche ou la gestion. Avant la mise en œuvre de ces programmes, la plupart des raisons avancées par les enseignants pour se décider à donner des cours en ligne coïncidaient le plus souvent : il s’agissait d’essayer d’améliorer les processus d’enseignement et d’apprentissage en investissant plus de temps que celui attribué au cours en présentiel. Dans cette étude, nous avons trouvé, d’emblée, des enseignants qui ont commencé leur carrière selon cette modalité et avec ce même but en tête, mais nous avons trouvé aussi des cas où la possibilité de libérer du temps d’enseignement pour effectuer d’autres activités académiques, liées à l’efficacité des cours en ligne, a été un facteur important dans leur changement. Ainsi, certains collègues ont-ils mis en place un blog ou des forums afin de faire travailler leurs étudiants en équipe-projet, par exemple.

Ce phénomène ne se manifeste pas sans substrat ; nous pouvons dire, en suivant Mercier (1987), que les conditions de leurs usages ont été déjà « fécondées » par la culture. A la différence des décennies précédentes, dans lesquelles l’introduction des divers outils techniques à l’école avait démontré une lutte continue entre les positions des acteurs éducatifs et civils concernés, Miège observe que « les conditions présentes semblent moins défavorables aux Tic » (2004, p. 162), et l’informatisation de la société avance à travers celle de l’école et vice-versa. Non seulement les étudiants, mais aussi les enseignants sont continuellement exposés à l’utilisation des technologies ; puisque l’institution promeut l’utilisation des Tic pour rendre plus efficaces les processus d’enseignement et d’apprentissage4, les enseignants peuvent choisir d’être formés pour intégrer les Tic dans leurs cours. Ces cours comprennent non seulement l’utilisation didactique des plateformes, mais aussi celle du tableau électronique, le maniement de softwares pour élaborer des ressources pédagogiques et des évaluations, comme celui d’outils du web 2.0, ainsi que le design des cours pour les modalités du présentiel, semi-présentiel et à distance. Ainsi, chaque fois, nous trouvons d’abord des populations d’enseignants, déjà titulaires depuis plusieurs années, qui se sont formés sur le tas, ce qui leur permet s’appuyer sur leurs propres expériences au moment d’utiliser les TICN dans leurs cours, recommandation proposée par Savoie-Zajc (2001), entre autres, pour avoir de plus grandes probabilités de réussite. Mais il y a aussi de jeunes enseignants5, fraîchement recrutés, qui sont directement et uniquement « maestros en línea » dès leur première rentrée et qui développent leurs cours à distance en s’appuyant doublement sur leurs pratiques personnelles et leur formation professionnelle.

4. Dix des vingt cours qui constituent le PFFDD (Programme flexible de formation et développement des enseignants 2011-12) soutiennent cet objectif ; et sur ces dix cours, seulement trois cours ont lieu en présentiel. 5. Le cas est flagrant à l’UDG Virtual lorsqu’elle recrute ses assesseurs virtuels (Paquienséguy, 2010).

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Mais il est cependant nécessaire de rappeler ici le poids des diverses pressions qui conduisent les enseignants à recourir à ces modalités d’enseignement. Samarawickrema (2009) rapporte qu’au-delà de la diversité des motivations, les politiques internes et externes qui régissent la vie académique en sont indirectement une des principales sources. Elle a interviewé vingt-deux enseignants qui témoignent unanimement d’un manque de temps, de lourdes charges de travail, d’obligation de production (publications) ; conditions qui les incitent à utiliser Blackboard dans leurs cours et à introduire l’apprentissage combiné/mixte/hybride. Toutefois, ces facteurs sont pondérés par la résistance des enseignants à ce contexte contraignant ; les réponses recueillies révèlent une négociation permanente entre les contraintes institutionnelles et personnelles en présence. Par exemple, tous les universitaires étaient conscients que la recherche et les publications étaient essentielles pour l’avancement de leurs carrières individuelles. « Pour les participants, c’était donc une négociation continue et contradictoire entre le temps consacré à la recherche et le développement de ressources pour l’apprentissage mixte, et ce conflit continue d’influer sur leurs décisions d’adoption [des technologies pour leurs cours] » Samarawickrema (2009, p. 229). Tous les participants ont reconnu avoir adopté de nouvelles formes d’organisation du travail à la suite de l’utilisation de Blackboard dans leurs cours ; ils ont indiqué aussi que cela entraînait des tâches supplémentaires, de nouvelles responsabilités et activités comme développeur multimédia ou administrateur. Même si ce n’est pas ici notre focus principal, la mutation du métier d’enseignant, et tout autant, si ce n’est plus, de celui de chercheur, dans une institution universitaire, paraît à la fois préoccupante, comme nous le savons tous, mais surtout corrélée à l’industrialisation de l’enseignement supérieur et renforcée par le formidable déploiement des TICN dans la sphère éducative d’une part et dans l’ensemble de la société d’autre part. Au Mexique, comme en France, de vastes programmes d’action publique ont soutenu et consolidé le déploiement d’une offre technologique et informationnelle pour l’accès aux savoirs, et leurs noms résonnent toujours à nos oreilles : « société de l’information », « société de la connaissance », « académie en ligne », « société numérique en réseau »… ; leurs échos pèsent aussi aujourd’hui lourdement sur les pratiques professionnelles des enseignants qui les ont intégrés à leur quotidien, certes à leur façon et selon leurs propres dispositions. Mais quasiment aucun n’y déroge ou ne s’y oppose, même ceux pour lesquels leur maniement a représenté ou représente encore un effort conséquent et notoire, car tous en font l’instrument d’un changement lourd de carrière, comme faire en parallèle des cours à l’UABC et une thèse de doctorat au Mexique ou à l’étranger. La multiplication de « maestros en línea » se trouve par ailleurs totalement soutenue par l’adhésion des étudiants à cette modalité pédagogique.

La distance saisie par les étudiants

De façon partagée par enseignants et étudiants, la modalité d’enseignement à distance intervient donc comme outil de rationalisation et d’optimisation d’un certain nombre d’activités et de tâches qui peuvent être délocalisées des lieux institutionnels

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d’enseignement (campus, bibliothèque, salle de cours…), désynchronisées des rythmes et régularités traditionnels (semestre, cours hebdomadaires, nombre d’EC par an…) tout en se déroulant symboliquement à l’intérieur de l’institution universitaire qui, elle seule, vérifie le statut d’étudiant et la validation de diplômes nationaux. Ainsi donc, suivre des cours à distance permet également aux étudiants de résister aux pressions institutionnelles qu’ils subissent à cause du statut d’étudiant. Pressions qui se ressentent d’autant plus que l’entrée à l’université mexicaine se fait sur concours, et par discipline : une fois le statut d’étudiant acquis, il faut pouvoir le conserver et le valoriser, et pour cela l’étudiant doit composer avec l’assiduité, le travail personnel, l’internationalisation des études, le coût du semestre, les évolutions du marché de l’emploi et sa vie privée, ce qui n’est pas toujours simple dans ce pays. L’offre de formation hybride apporte alors une certaine souplesse au dispositif pédagogique qui facilite la réussite de l’étudiant. En effet, depuis 2000 l’université a intégré les caractéristiques de ces nouveaux étudiants et a ouvert des licences dites « semi-scolarisées » qui réclament seulement deux jours de présence sur le campus, les autres activités d’apprentissage se faisant en ligne6. Cette modalité « semi-présentielle » repose principalement sur l’autonomie accordée à l’étudiant tant dans son organisation quotidienne que dans la planification de ses études et se vérifie sur le terrain. Suivre un parcours hybride permet désormais aux étudiants de l’UABC, soit d’accomplir plus rapidement leur cursus, et ce quel qu’en soit le niveau ; soit de suivre plusieurs cursus en même temps pour être doublement diplômés ; soit de maintenir une activité professionnelle et de valider des savoir-faire professionnels par une formation universitaire professionnelle suivie en parallèle ; soit enfin, pour ceux dont les arrières financiers sont assurés par les parents ou la famille, de développer une organisation du travail académique en osmose avec leur propre vie de jeune adulte qui, dès lors, n’est plus uniquement centrée sur les études ; tous ces profils étant fortement nourris par les pratiques communicationnelles liées aux Tic numériques des étudiants comme nous allons le montrer à partir de l’analyse en réception qui a été conduite pendant 3 ans à l’UABC.

Les motivations des étudiants à suivre des cours en ligne

Les étudiants qui suivent des cours en ligne à l’UABC sont jeunes, et ce de façon homogène avec les étudiants des campus mexicains, puisque l’âge de ceux que nous avons interviewés variait de 18 à 24 ans ; ils sont dans une situation personnelle souvent complexe qui convoque une obligation de résultats. Assez traditionnellement, la majorité d’entre eux sont célibataires et vivent avec leurs parents qui leur fournissent un soutien financier incluant le paiement des frais et droits universitaires. Mais les difficultés du contexte mexicain font que, malgré cela, un tiers d’entre eux travaillent, le plus souvent à mi-temps. Cet emploi leur impose généralement de s’éloigner de

6. En 2011, 1 702 étudiants étaient inscrits dans ce type de licences bimodales.

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l’université. Ils ont alors tendance à s’inscrire à celle qui leur permet au mieux de poursuivre leurs études, indépendamment du critère de proximité géographique. Il faut noter par ailleurs que l’UABC initie les primo-arrivants au semi-présentiel en imposant un cours de ce type au premier semestre de la première année de licence. Ainsi ne choisissent-ils pas de suivre des cours en ligne à leur inscription à l’université : ils découvrent en début de premier semestre que certains cours ne sont donnés que via une plateforme, choisie par l’enseignant qui n’est contraint ni par l’université, ni par la Direction des systèmes d’information (Dsi). La motivation des étudiants est donc totalement construite sur leur expérience qu’ils peuvent accroître comme ils le souhaitent en suivant par exemple des cours supplémentaires afin de compléter ou de précipiter leur cursus. Par ailleurs, les cours en ligne peuvent se suivre depuis les salles informatiques du campus, ouvertes et accessibles, ce qui leur permet d’optimiser leur temps de présence dans les locaux de l’université. La proposition d’hybridation ne valant pas pour les cours fondamentaux au premier semestre, elle est à la fois marginale et renforcée, l’offre s’exerçant dans les conditions particulières et favorables de cours perçus comme moins difficiles à suivre que les cours fondamentaux, et souvent sélectionnés par l’étudiant. Le processus est ainsi initié, sans rupture forte avec le modèle pédagogique traditionnel, ce qui permet une véritable appropriation de la modalité par les étudiants dont les représentations ne sont pas remises en cause, qu’elles soient favorables ou défavorables à l’enseignement universitaire traditionnel : le cours magistral. Précisons que, selon Proulx (2001), le processus d’appropriation réclame trois conditions : une maîtrise technique suffisante pour permettre la manipulation effective des objets sociotechniques ; l’intégration de ces manipulations à la routine quotidienne ; et une marge de manœuvre qui laisse la place au détournement, à la personnalisation, autrement dit à des manières de faire sienne l’utilisation des TIC. C’est pourquoi ces processus d’appropriation conduisent à une évolution des façons de suivre des études universitaires et les propos des étudiants montrent qu’ils sont conscients des avantages de l’apprentissage en ligne et qu’ils fondent leur décision sur l’argument de la flexibilité, de la libre organisation du temps. C’est pour eux « une façon très pratique de travailler » qui les autorise à « organiser [leur] temps et à faire plusieurs choses simultanément ».

La majorité des étudiants interviewés fait preuve d’une forte motivation pour l’obtention du diplôme, une licence ouvrant au Mexique sur un emploi qualifié, intéressant et correctement rémunéré. C’est dans cette motivation profonde et pérenne que se fondent les bases de l’appropriation du dispositif technique et pédagogique d’enseignement à distance et/ou en ligne ; car les étudiants se donnent la réussite comme seul objectif. Ils témoignent d’une volonté infaillible d’y arriver, et ce dès le premier semestre ; cet engagement dans leurs études leur permet de surmonter une grande partie des difficultés liées aux plateformes et aux consignes pédagogiques. Les craintes dues à l’inconnu, à la nouveauté, à l’obligation de résultat, au respect forcé des délais, toutes présentes d’ordinaire dans les premiers temps de l’appropriation s’estompent et disparaissent rapidement, ou plutôt se déplacent du dispositif à l’objectif. Aucun, par exemple, n’a déclaré avoir peur de ne pas faire fonctionner le dispositif principal (la plateforme), car la très grande

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majorité craint avant tout « de ne pas arriver à faire l’exercice demandé ». Cette forte motivation engendre chez eux une volonté et une détermination certaines qui conduisent chaque étudiant à « intégrer » ses études à sa vie quotidienne.

Mais l’élément fondamental pour nous reste la mise en place, non déclarée, de véritables stratégies d’apprentissage qui cherchent à chaque fois à tenir le compromis entre les différentes activités sociales déjà présentes dans la vie de l’étudiant et l’intégration des études à ce planning déjà chargé. Les différentes tâches se mêlent : le travail universitaire, un emploi professionnel, et des charges familiales dans certains cas. Prises dans ce maelström puissant, fait de motivations fortes, d’espoir d’une vie plus facile, d’investissement financier et humain et d’ambition personnelle, les TICN paraissent un facteur secondaire qui ne préoccupe pas vraiment les étudiants focalisés sur deux points qu’ils mentionnent tous : « hacer la meta » (accomplir la tâche demandée) et « no tener retraso » (ne pas prendre de retard sur le programme), clefs du succès : « terminar a tiempo » ou « lo más pronto posible » (terminer à temps ou finir le plus tôt possible). Ils l’énoncent clairement à plusieurs occasions dans les entretiens. Comme pour les enseignants, les TICN ne sont qu’un moyen d’accéder plus facilement ou plus rapidement à leurs buts.

L’appropriation de l’hybridation des cours

Les pratiques majoritairement observées sont liées à une véritable appropriation de l’enseignement à distance lui-même comme en témoigne donc la mise en œuvre de stratégies personnelles d’apprentissage. Nos résultats suggèrent que l’apprentissage en ligne fournit une façon de dépasser les frontières, d’abord entre l’enseignement supérieur et certains publics peu favorisés, ensuite entre les étudiants (tous publics confondus) et les Tic numériques dans un contexte d’usage utilitaire et rationnel inhérent à l’apprentissage en ligne.

Mais les TICN, toutes indispensables qu’elles soient à ce type d’apprentissage et de cursus, apparaissent seulement comme l’un des éléments constitutifs du dispositif pédagogique. L’appropriation va plus loin que la plateforme, pour se focaliser sur l’éducation en ligne, sur les études en ligne et à distance car pour les étudiants de l’UABC, population jeune, les cours en ligne fournissent des « espaces » de liberté dans la rigidité des cursus universitaires et des programmes d’études. Nous pouvons ici véritablement parler d’appropriation de l’enseignement à distance, laquelle n’a rien de commun avec l’appropriation des TICN qu’ils ont développée, à des degrés très variables, et pas forcément dans le contexte éducatif. En effet, ils s’organisent pour exploiter au mieux les opportunités du présentiel, cumulées à celle de la distance. Il ne s’agit pas simplement pour eux d’avoir du temps libre pour autre chose, travailler ou sortir, mais d’avoir un meilleur cursus, plus adapté à ce qu’ils souhaitent faire ensuite et de l’accomplir dans un minimum de temps, surtout pour la licence qui s’obtient généralement en 4 ans. Au final, la plupart d’entre eux souhaiteraient suivre encore plus de cours en ligne, souhait qui génère à la fois une

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nouvelle demande pour l’université et une incitation forte faite aux enseignants à proposer leurs cours via une plateforme.

L’apprentissage en ligne signifie ici une opportunité de faire des études et de les valoriser qui, théoriquement, ne serait pas possible si les étudiants devaient respecter les contraintes organisationnelles d’un enseignement en présentiel. Les pratiques dépendent des stratégies d’apprentissage, personnelles, qui s’orientent pour les plus jeunes vers un cursus plus complet ou plus rapide et pour les autres tout simplement vers un cursus universitaire rendu possible par l’hybridation. Ce sont donc ici les stratégies d’apprentissage, élaborées au cas par cas, qui caractérisent le mieux la situation observée, car elles définissent les pratiques d’apprentissage et servent de contexte à l’usage des plates-formes et des services d’accompagnement.

Une rationalisation du travail académique

Comme nous l’avons dit, les étudiants optent pour une stratégie instrumentale, focalisée sur les tâches à accomplir pour satisfaire aux exigences académiques. Dans cette perspective, les ressources et les activités additionnelles sont considérées comme externes et facultatives à la production qui sera évaluée : la tâche hebdomadaire à accomplir sur la plateforme. Les étudiants se concentrent donc sur l’utilisation des ressources minimales nécessaires à son exécution. Ce constat sur le manque d’utilisation des ressources et contenus complémentaires montre des utilisations de l’environnement d’apprentissage caractérisées par une stratégie utilitaire, cherchant « la meilleure manière d’accomplir les tâches, plutôt qu’un engagement vif et exploratoire de l’utilisation des outils et matériaux en ligne » (Orton-Johnson, 2009, p. 844). De plus, les étudiants organisent et répartissent leur temps en fonction des tâches à accomplir pour les cours en ligne selon une logique de rationalisation à court terme, la cadence étant donnée par le cours lui-même. Ainsi, ils segmentent, ou regroupent le travail à faire, travaillent immédiatement à la sortie du cours, sur place dans les salles informatiques en libre accès ou dès qu’ils rentrent chez eux, selon l’ampleur et la difficulté de la tâche demandée par l’enseignant. Tous par contre la considèrent comme une priorité, presque une urgence, dont ils sont dégagés dès lors que le travail a été déposé sur la plateforme. Cadré par un dispositif technologique, l’exercice demandé l’est tout autant par l’étudiant : « J’essaie de faire le travail tout de suite, sur le campus ou dès que je rentre chez moi, comme ça après je suis tranquille ».

Cette rationalisation avérée de l’investissement dans les cours en ligne n’est pas le seul élément en présence dans les stratégies personnelles des étudiants de licence. En effet, certains cherchent à avoir plus de temps libre pour programmer d’autres activités académiques requises pour l’obtention du diplôme dans le même temps que les cours : par exemple, accomplir le « service social » obligatoire, faire le stage en entreprise, partir à l’étranger un semestre ou deux ou présenter l’examen national de sortie de

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l’université (certification professionnelle) de façon anticipée ce qui, en cas d’échec, leur permettra de le repasser sans prendre de retard sur leur génération.

Les stratégies personnelles des étudiants ont ceci de commun avec celles des enseignants qu’elles se saisissent de la distance, totalement perçue comme un moyen, pour mener à bien une autre organisation du travail en phase avec des objectifs personnels de réussite et de promotion. Les mouvements à l’œuvre dans les trois niveaux étudiés, le niveau institutionnel, le corps professoral et les étudiants, produisent une synergie dynamique (augmentation du nombre d’inscrits – taux de réussite élevé – diplômes labellisés / enseignants accrédités – chercheurs actifs – porteurs de financement complémentaires / université valorisée – assurance qualité vérifiée), qui s’appuie sur une très forte communauté d’intérêts, permise par la souplesse et la réactivité de l’université à l’hybridation des cours, puisque cette modalité ne « vide » pas les campus, attirant au contraire les étudiants les plus motivés.

Conclusion

Les pressions subies par les établissements d’enseignement supérieur lors de l’introduction des politiques publiques pour l’amélioration de la qualité de leur offre de formation, avec les possibilités de progrès que celles-ci entraînent, ont produit des changements certains dans leur propre organisation interne. Cette adaptation des universités aux nouvelles exigences de l’environnement pour répondre aux exigences de qualité, d’efficacité et d’accès, liées à l’obtention et à l’administration de ressources financières, a engendré de grandes aspirations quant à l’accroissement de la productivité et de la compétitivité de chaque institution (Gumport et Sporn, 1999). Par ailleurs, l’utilisation des TICN dans la formation ne va pas sans la promesse, ou du moins l’espoir, de rendre l’apprentissage plus attrayant et dynamique. Mais cela ne doit pas éclipser le fait que l’introduction des Tic ait des conséquences profondes sur les systèmes éducatifs, en encourageant dans certains cas l’industrialisation de la formation qui apparaîtrait alors comme une manifestation supplémentaire de l’avancée du capitalisme dans les sociétés dites occidentales (Fichez, 2001). Ces mutations pèsent sur la vie académique de tous les acteurs de l’institution : les autorités, les enseignants, les chercheurs, les techniciens et les administratifs comme les étudiants.

Les facteurs que les établissements d’enseignement supérieur doivent prendre en compte sont nombreux et complexes, et le recours aux TICN pour rendre plus efficaces les tâches académiques est devenu une exigence politique et sociale. Depuis l’introduction des politiques pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur au Mexique, les formes d’organisation du travail académique dans les universités, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif, font face à des processus de changement variés. L’adaptation des universités n’est pas homogène. Dans le cas de l’UABC, elle a signifié la création du statut d’enseignant-chercheur, avec des modifications aux réglementations correspondantes

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pour le soutenir, de sorte que « celui-ci » puisse collaborer à la production de la connaissance à travers la recherche, et qu’il ne se limite donc pas à l’enseignement.

Dans le passé, la division entre les cours présentiels et à distance était très marquée à l’UABC ; maintenant, l’utilisation des plateformes et les outils du Web 2.0 pour des usages d’enseignement spécifiques (comme pour recevoir des devoirs, saisir les notes, envoyer des diplômes, etc.) sont plus communs, même dans les cours totalement en présentiel. Cette « fusion » de la distance dans les activités d’enseignement présentiel est à l’origine des changements de la perception de ce qui est ou n’est pas « à distance », tant chez les étudiants que chez les enseignants. Aujourd’hui apparemment, les valeurs pédagogiques et les postulats sur ce que doit être l’enseignement « on » ou « off line » ont changé, et les visions des enseignants et des étudiants sont de plus en plus « compatibles ».

Au niveau institutionnel, les politiques éducatives, qui promeuvent l’amélioration de la qualité éducative et l’intégration des technologies, tendent toutes vers l’obtention de ressources économiques, lesquelles fonctionnent comme un stimulant pour les institutions elles-mêmes qui s’efforcent d’y souscrire pour augmenter leur budget de fonctionnement. Progressivement mais fermement et rapidement, les institutions fondent leurs propres programmes sur les linéaments nationaux et internationaux qui prennent l’utilisation des technologies comme un indicateur de la qualité éducative de l’offre de formation de l’enseignement supérieur.

Enfin, nous nous accordons avec Vidal, Grandbastien et Mœglin (2003) pour confirmer que l’appropriation des TICN par les enseignants, en tant que groupe professionnel, est un processus long et lent, avec des étapes de transition et de négociation entre tous les acteurs impliqués, et pas seulement entre les étudiants et les enseignants. Cependant, de notre point de vue, les politiques et les programmes pour promouvoir la productivité paraissent fonctionner au Mexique comme un stimulant de plus pour accélérer cette appropriation, surtout lorsqu’ils comprennent des avantages financiers sous forme de primes. Ainsi, se crée un cercle vertueux (ou vicieux…), dans lequel l’exposition continue aux cours soutenus par les technologies (indépendamment de leur solidité pédagogique), finit par être considérée comme une activité pédagogique « naturelle ».

Et ce d’autant plus que, du point de vue des étudiants, générations de jeunes gens qui ont utilisé les TICN depuis leur enfance, la valeur instrumentale attribuée aux cours (suivre un cursus et valider une matière) répond à leurs attentes. En effet, ils considèrent ces cours comme équivalents à ceux en présentiel. Pour eux, ces cours sont efficaces et permettent, non seulement d’avancer dans leur formation universitaire, mais aussi d’économiser du temps en n’assistant pas au cours dans une salle de classe ; ils peuvent ainsi en profiter pour suivre d’autres cours, comme suivre des matières facultatives prises d’autres licences, ou s’engager dans un échange type Erasmus pour un ou deux semestres.

Ainsi, nous osons dire que l’injection de la productivité, constituée de pressions à produire plus, forme un stimulant/motivant qui soutient le surgissement progressif de

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programmes en ligne, encore plus puissant lorsque ces injonctions incluent les ressources économiques, en union avec la normalisation de l’utilisation des technologies dans les cours à l’université – présentiels, semi-présentiels ou à distance –. Du point de vue des acteurs engagés – l’institution, les enseignants et les étudiants – l’offre des cours et programmes en ligne apporte à chacun des bénéfices instrumentaux et symboliques, leur permettant de mieux s’adapter aux exigences évolutives de leurs propres statuts.

Cependant, il est nécessaire de réitérer ici que les processus de réforme sont en général de longue haleine, tout comme leur consolidation. Les premiers résultats actuels de ces réformes ne représentent que le commencement, et paraissent encore peu encourageants. Les instruments d’évaluation, pour la plupart quantitatifs, brouillent ou font perdre la notion de qualité, et risquent donc d’aggraver les problèmes qu’ils cherchent à résoudre, surtout quand leur utilisation est directement liée à l’obtention de ressources financières. Tout reste à prouver : la qualité des compétences acquises par les étudiants et leurs performances sur le marché du travail, ainsi que la qualité des productions des enseignants-chercheurs.

Quant à savoir « Où va la distance ? », nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses sur les éléments qui interviennent dans les transformations visibles de notre environnement éducatif en tenant compte des tendances internationales, en veillant à ne pas les généraliser ni pour l’ensemble des universités mexicaines en raison de la diversité, déjà évoquée, des systèmes institutionnels, ni pour d’autres systèmes d’enseignement supérieur en raison de spécificités sociodémographiques du Mexique. Certes, nous pouvons affirmer, pour le cas de l’UABC, que l’hybridation des cours et la déprésentialisation des licences, avec l’appui des technologies, s’insèrent dans la tendance globale d’une hybridation de l’éducation supérieure, qui pèse lourdement sur la définition du métier d’enseignant et sur les pratiques professionnelles professorales ou estudiantines, mais il reste encore à approfondir notre étude en examinant la pertinence et la qualité de ces processus de transformation par rapport à leurs résultats.

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