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1 L’importation des cadres théoriques dans la recherche en comptabilité verte : Une analyse critique des théories et modèles généralement convoqués Résumé L’identification d’un cadre théorique capable d’expliquer le comportement responsable des entreprises en général, et la diffusion d’informations vertes par ces dernières en particulier, est le point le plus controversé dans la recherche en comptabilité verte. Aussi, diverses explications sont données dans la littérature pour expliquer pourquoi les entreprises s’engagent dans la RSE en diffusant des informations sur leurs actions sociales et environnementales. Parmi les nombreuses raisons données, la littérature parle par exemple de recherche de légitimation ; de pression des parties prenantes ; de manipulation des comptes ; de dépendance vis-à-vis des ressources ; ou encore de comportement de mimétisme, et d’influence culturelle. La question est abordée dans tous les sens, sans qu’aucun socle théorique ne fasse l’unanimité dans l’explication du phénomène. Après avoir discuté de la rivalité entre ces cadres théoriques, il ressort que le choix du cadre théorique suit une certaine évolution au fil du temps. De l’emprunt des théories économiques à l’usage des métathéories, en passant par l’usage des modèles sociaux et des théories socio-politiques, quatre différentes phases de cette guerre des logiques sont identifiées. Cette recherche souligne la nécessité de renoncer à la vérification des théories et modèles existant, et de recourir plutôt à des approches compréhensives de type grounded theory. Une telle perspective serait utile pour conduire des recherches dans des contextes peu explorés, comme celui de l’Afrique subsaharienne. Mots clés : COMPTABILITE VERTE ; DIFFUSION D’INFORMATIONS VERTES ; THEORIES COMPTABLES ; MODELES SOCIAUX ; METATHEORIES. Abstract The choice of a theoretical framework that can explain the responsible behavior of companies in general, and the publication of green information by companies in particular, is the most controversial point in green accounting research. Therefore, various explanations are given in the literature to explain why companies engage in CSR by publishing information about their social and environmental actions. Among the many reasons given, the literature speaks for example of seeking legitimation; pressure from stakeholders; accounts manipulation; resources dependance; or isomorphism, and cultural influence. The question is approached in all directions, without any theoretical basis is unanimous in the explanation of the phenomenon. After discussing the rivalry between these theoretical frameworks, it appears that the choice of the theoretical framework follows a certain evolution over time. From the borrowing of economic theories to the use of metatheories, through the use of social models and socio-political theories, four different phases of this war of logic are identified. This research highlights the need to abandon the verification of existing theories and models, and instead to resort to comprehensive grounded theory approaches. Such a perspective would be useful for conducting research in under-explored contexts, such as sub-Saharan Africa. Keywords : GREEN ACCOUNTING ; ACCOUNTING THEORIES ; SOCIAL MODELS ; METATHEORIES ; GROUNDED THEORY.

L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

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L’importation des cadres théoriques dans la

recherche en comptabilité verte : Une analyse

critique des théories et modèles généralement

convoqués

Résumé

L’identification d’un cadre théorique capable

d’expliquer le comportement responsable des

entreprises en général, et la diffusion d’informations

vertes par ces dernières en particulier, est le point le

plus controversé dans la recherche en comptabilité

verte. Aussi, diverses explications sont données dans la

littérature pour expliquer pourquoi les entreprises

s’engagent dans la RSE en diffusant des informations

sur leurs actions sociales et environnementales. Parmi

les nombreuses raisons données, la littérature parle par

exemple de recherche de légitimation ; de pression des

parties prenantes ; de manipulation des comptes ; de

dépendance vis-à-vis des ressources ; ou encore de

comportement de mimétisme, et d’influence culturelle.

La question est abordée dans tous les sens, sans

qu’aucun socle théorique ne fasse l’unanimité dans

l’explication du phénomène. Après avoir discuté de la

rivalité entre ces cadres théoriques, il ressort que le

choix du cadre théorique suit une certaine évolution au

fil du temps. De l’emprunt des théories économiques à

l’usage des métathéories, en passant par l’usage des

modèles sociaux et des théories socio-politiques, quatre

différentes phases de cette guerre des logiques sont

identifiées. Cette recherche souligne la nécessité de

renoncer à la vérification des théories et modèles

existant, et de recourir plutôt à des approches

compréhensives de type grounded theory. Une telle

perspective serait utile pour conduire des recherches

dans des contextes peu explorés, comme celui de

l’Afrique subsaharienne.

Mots clés : COMPTABILITE VERTE ; DIFFUSION

D’INFORMATIONS VERTES ; THEORIES

COMPTABLES ; MODELES SOCIAUX ;

METATHEORIES.

Abstract

The choice of a theoretical framework that can explain

the responsible behavior of companies in general, and

the publication of green information by companies in

particular, is the most controversial point in green

accounting research. Therefore, various explanations

are given in the literature to explain why companies

engage in CSR by publishing information about their

social and environmental actions. Among the many

reasons given, the literature speaks for example of

seeking legitimation; pressure from stakeholders;

accounts manipulation; resources dependance; or

isomorphism, and cultural influence. The question is

approached in all directions, without any theoretical

basis is unanimous in the explanation of the

phenomenon. After discussing the rivalry between these

theoretical frameworks, it appears that the choice of the

theoretical framework follows a certain evolution over

time. From the borrowing of economic theories to the

use of metatheories, through the use of social models

and socio-political theories, four different phases of this

war of logic are identified. This research highlights the

need to abandon the verification of existing theories and

models, and instead to resort to comprehensive

grounded theory approaches. Such a perspective would

be useful for conducting research in under-explored

contexts, such as sub-Saharan Africa.

Keywords : GREEN ACCOUNTING ; ACCOUNTING

THEORIES ; SOCIAL MODELS ; METATHEORIES ;

GROUNDED THEORY.

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Introduction

L’identification d’un cadre théorique capable d’expliquer le comportement responsable

des entreprises en général, et la diffusion d’informations vertes par ces dernières en particulier,

est le point le plus controversé dans la recherche en comptabilité verte. Gray et al. (1995),

précisent même que : « la tâche la plus importante et la plus difficile dans la recherche en

comptabilité sociétale est le choix de la théorie qui explique la diffusion d’ISE1 ». De toute

évidence, la diffusion d’informations vertes se présente comme un phénomène complexe qui

est généralement soumis à des réalités contextuelles (Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Belal et

Cooper, 2011 ; Haider, 2010 ; Khan et al., 2011).

Conséquemment, la littérature laisse transparaitre dès les premières recherches en

comptabilité verte dans les années 1960, des analyses contradictoires entre les chercheurs, qui

conduisent généralement à des disparités récursives dans les résultats produits (Ali et Rizwan,

2013 ; Giordano-Spring et Riviere-Giordano, 2007). De fait, identifier un cadre théorique

adéquat pour expliquer le comportement social des organisations2 conduit les chercheurs soit à

convoquer (ou à emprunter) diverses théories issues de disciplines voisines comme l’économie

(Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ;

Carroll, 1979 ; Wood, 1991).

Aussi, diverses explications sont données dans la littérature pour expliquer pourquoi les

entreprises s’engagent dans la RSE en diffusant des informations sur leurs actions sociales et

environnementales. Parmi les nombreuses raisons données, la littérature parle par exemple de

recherche de légitimation (Deegan, 2006) ; de pression des parties prenantes (Edward, 1984 ;

Phillips et al., 2003) ; de manipulation des comptes (Watts et Zimmerman, 1978 ; Watts et

Zimmerman, 1990) ; de dépendance vis-à-vis des ressources (Davis, 1973 ; Pfeffer et Salancik,

2003 ; Salancik et Pfeffer, 1977) ; ou encore de comportement de mimétisme, et d’influence

culturelle (Abrahamson et Fombrun, 1992 ; Claeyé et Jackson, 2012 ; DiMaggio et Powell,

2000 ; Haider, 2010 ; Jacob et Rouziès, 2014) etc. Ainsi, la question est abordée dans tous les

sens, sans qu’aucun socle théorique ne fasse l’unanimité dans l’explication de ce phénomène.

1 Traduction libre. ISE pour Informations Sociales et Environnementales

2 Au sens large, la diffusion d’ISE fait partie du courant managérial qui étudie le comportement responsable des

organisations.

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Cette quête de la théorie ou du modèle qui explique le mieux le phénomène de diffusion

comptable d’informations sociales et environnementales s’apparente de plus en plus à une

quasi-guerre : une nouvelle « guerre des paradigmes ». Le début de cette guerre peut être situé

dans la seconde moitié des années 1900, lorsque les chercheurs commencent à s’intéresser à

l’extension de la comptabilité financière3 vers de nouvelles réalités telles que le social,

l’environnemental, les immatériels … (Colasse, 2000). Au fil du temps, la recherche du cadre

théorique adéquat pour étudier la diffusion d’ISE a connu plusieurs variations qu’il est possible

de délimiter en 4 phases : au départ, l’emprunt des théories économiques ; ensuite, le

développement de modèles sociaux ; après, l’émergence des théories socio-politiques ; et enfin

l’heure des paradigmes (ou des logiques) multiples (Antheaume et Teller, 2001).

Cette recherche interroge et analyse la forte tendance des chercheurs en sciences de

gestion en général, et ceux des sciences comptables en particulier, à importer des cadres

théoriques dans des disciplines voisines au management. En effet, comme le rappellent

Bollecker et Azan (2009), les pratiques d’emprunt théorique d’une communauté de chercheurs

conduisent à s’interroger sur la nature des travaux produits par ces derniers. Ces deux auteurs

ajoutent qu’il semble légitime de se demander si le management ne serait alors qu’un art

pratique, qui n’aurait de scientifique que ce qu’il emprunte à l’économie, à la sociologie, à la

psychologie ou aux sciences cognitives (David, 2002). Les intersections avec d’autres

disciplines peuvent conduire à considérer la gestion comme une discipline carrefour dépourvue

de tout contenu théorique propre. Ne constituerait-elle alors « qu’un champ d’application pour

des disciplines scientifiques authentiques » (Bollecker et Azan, 2009) ?

Cette recherche s’inscrit donc dans la lignée des problématiques critiques en

comptabilité, qui visent à interroger ce corps de science (Colasse et al., 2001 ; Berland et Pezet,

2009 ; Kamla, 2007 ; Milne, 2002 ; Welford, 2004 ; Souleymanou et Hikkerova, 2018 ;

Chiapello, 2017 ; Caron et Turcotte, 2017 ; Deegan, 2017 ; Dillard et Vinnari, 2017 ; Ntsonde

et Aggeri, 2017 ; Schaltegger et Burritt, 2017 ; Lehman, 2017). Le travail sera ainsi organisé

en deux parties. Dans la première partie, les principaux modèles et/ou théories qui servent de

cadre théorique dans les recherches en comptabilité verte seront présentés et discutés, et dans

la deuxième partie, cette recherche discutera de la tendance actuelle des recherches à recourir à

l’usage de « métathéories ».

3 Comptabilité classique ou comptabilité traditionnelle.

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1. L’emprunt des cadres théoriques dans les recherches en comptabilité

verte

La comptabilité verte est un domaine de recherche en construction qui ne dispose pas

encore de cadre théorique consensuel (Gray, 2001 ; Gray et al., 1995). C’est la raison pour

laquelle les chercheurs dans ce domaine recourent le plus souvent à l’emprunt des théories et

des modèles issues d’autres disciplines de recherche. Or, ces théories et modèles pris isolément,

se révèlent souvent insuffisants lorsqu’ils sont transposés dans les recherches en comptabilité

verte. Alors, pour résoudre le problème et donner plus de robustesse à leur cadre théorique, les

chercheurs n’hésitent pas à combiner plusieurs théories dans la même recherche, ou encore à

recourir à des « métathéories ». Les cadres théoriques mobilisés dans les recherches en

comptabilité verte sont répartis ici en trois groupes. Le premier groupe est constitué des théories

contractuelles et économiques (1.1.), le second est représenté par les modèles sociaux (1.2.), et

enfin le troisième groupe répertorie les théories socio-politiques (1.3.).

1.1. L’usage des théories contractuelles et économiques pour étudier la diffusion

comptable d’Informations Sociales et Environnementales

Les théories contractuelles et économiques regroupent d’une part des théories issues de

l’économie néoclassique comme la théorie positive de la comptabilité, et d’autre part les

théories communément connues sous le vocable de nouvelles théories de la firme, notamment

la théorie des droits de propriété, la théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence.

1.1.1. La Théorie positive de la comptabilité

Watts et Zimmerman (1978 ; 1990) sont souvent cités comme étant à l’origine de la base

théorique associée aux études empiriques sur la diffusion d’ISE (Dumontier et Raffournier,

1999 ; Jeanjean et Ramirez, 2008). Cependant la référence qu’ils font de la diffusion d’ISE dans

leurs travaux est obscure. Au mieux, leur référence aux « campagnes de responsabilité sociale

dans les médias » se rapporte à une pratique commune aux Etats-Unis à l’époque de la publicité

avocate « advocacy advertising » (Gray et Milne, 2002 ; Hackston et Milne, 1996

; Milne et Gray, 2013). La publicité avocate était une tactique utilisée par

de nombreuses entreprises, en particulier Mobil Oil (Inc), pour contrer les

informations des médias et influencer les lois publiques et les débats

politiques. La théorie de Watts et Zimmerman se rapporte alors à une sorte

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de management basée sur la maximisation du profit, où les managers font des

bénéfices importants en abusant potentiellement du pouvoir de leur monopole ;

l’hypothèse ici c'est d’utiliser une multiplicité d’approches comptables

pour instrumentaliser (manipuler) les données. Les ISE de par leur nature,

offrent ainsi aux dirigeants une marge de manœuvre encore plus importante,

pour « maquiller » les comptes de l’entreprise et « distraire » le public

(Milne, 2002 ; Vourvachis, 2008).

La conclusion donnée par Gray et al (1995), est que la théorie

d’économie positive a très peu à ajouter à notre compréhension de la

diffusion d’informations sociales et environnementales. Sans pour autant

rejeter les arguments de Watts et Zimmerman, ces auteurs montrent que les

théoriciens de la comptabilité positive ont échoué, en offrant une substantive

évidence ou en soutenant la vision selon laquelle les entreprises utilisent

les ISE dans l’optique « unique » de manipuler les données contenues dans

le Rapport Annuel, et satisfaire ainsi leurs intérêts personnels. De fait,

dans la plupart des cas, les études empiriques basées sur la théorie positive

de la comptabilité pour expliquer la diffusion d’ISE ont toutes échouées en

suivant les arguments de la thèse originelle de Watts et Zimmerman.

1.1.2. La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction

La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction étudient les relations

(relations d’agence) qui existent entre dirigeants et propriétaires d’une entreprise (Alchian et

Demsetz, 1972 ; Coase, 1960 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen et Meckling, 1978). Ces

théories très souvent mobilisées en comptabilité positive trouvent également un écho

considérable en comptabilité verte (Gillet-Monjarret et Martinez, 2012). D’après elles, les ISE

constituent un complément d’information sur les données sociales et environnementales, qui

permet au dirigeant de réduire les incertitudes informationnelles et de prendre les meilleures

décisions. Les deux agents mis en évidence (dirigeants et actionnaires) peuvent à partir de ces

nouvelles données, réduire l’incertitude qui aurait contribué à augmenter les coûts d’agence.

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La principale limite de ce raisonnement se situe dans la nature même du phénomène de

diffusion d’ISE. Loin de se résumer à une simple relation entre dirigeants et propriétaires, les

ISE ont vocation à satisfaire un public beaucoup plus important. Résultant de pressions

multiples imposées directement ou indirectement aux organisations, la diffusion d’ISE nait en

réalité des limites du capitalisme. Aussi, les entreprises incapables de corriger toutes les

externalités négatives résultant de leur fonctionnement (catastrophes environnementales, stress

au travail, pollutions, changements climatiques, etc.), sont contraintes de tenir compte de

plusieurs facteurs dans le calcul de leur valeur sociale. De manière évidente, la relation d’agence

de type 1 (dirigeants VS propriétaires) ne suffit plus à justifier les informations produites ou

communiquées, puisque de nouveaux interlocuteurs de l’entreprise émergent, et lui réclament

aussi des comptes. Au regard de cette limite dans l’explication de la diffusion d’ISE, les

chercheurs ont essayé de trouver un cadre théorique capable d’intégrer les autres interlocuteurs

de l’entreprise qui sont exclus de la relation d’agence de type 1.

L’une des solutions est trouvée dans une vision orientée stakeholder4, dans laquelle la

relation d’agence de type 1 est déplacée pour intégrer d’autre agents (Hill et Jones, 1992). La

« stakeholders-agency theory » (théorie de l’agence généralisée) qui en résulte semble mieux

adaptée aux études sur la diffusion d’ISE. Dans la relation d’agence étendue à d’autres agents

(Etat, collectivité, clients, ONG, etc.), l’entreprise diminue l’asymétrie informationnelle avec

ses nouveaux agents et réduit de facto les coûts d’agence en diffusant des ISE. Les nouveaux

agents étant différents par nature, et avec des exigences qui ne convergent pas toujours,

l’entreprise a toutefois besoin d’adapter sa communication pour rendre des comptes. Le modèle

comptable traditionnel qui servait jusque-là de base à la communication financière, est

désormais questionné sur sa capacité à rendre des comptes à ce public hétérogène.

Au-delà de la difficulté à rendre des comptes à ses nouveaux interlocuteurs via le

reporting financier traditionnel, l’entreprise dans l’approche « stakeholders-agency theory »,

reste toujours orientée stockholders. Ceci, dans la mesure où la réduction des coûts d’agence

vise surtout à maximiser le profit du principal agent, et non celui combiné de tous les agents.

La théorie de l’agence généralisée se retrouve alors confrontée aux mêmes critiques avancées

à la théorie de l’agence.

4 Stakeholder ou partie prenante ou porteur de part. Voir Freeman (1984).

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De nombreuses recherches font encore recours aux théories économiques et

contractuelles pour expliquer la diffusion « comptable » d’ISE. Ces théories assez éprouvées

dans les recherches en comptabilité positive, présentent pourtant beaucoup de limites

lorsqu’elles sont convoquées en comptabilité verte. De fait, résumer la diffusion comptable

d’ISE au besoin de manipuler les données, ou encore à une relation limitée entre principal et

agent semble partiel et réductionniste. Puisque, loin de s’apparenter à une simple relation

économique, des études plus récentes montrent que le phénomène de diffusion d’ISE est très

complexe, et qu’il faudrait intégrer plusieurs autres éléments dans son explication. Cette limite

principale des théories empruntées de l’économie positive, a conduit au développement de

modèles sociaux.

1.2. L’usage des modèles sociaux pour étudier la diffusion comptable d’Informations

Sociales et Environnementales

Les modèles sociaux essaient d’aller au-delà de la simple explication économique.

Ainsi, contrairement aux études basées sur les théories empruntées à la comptabilité positive,

les modèles sociaux intègrent des aspects nouveaux dans l’explication du comportement

responsable des entreprises. Parmi ces modèles, la pyramide de Carroll se démarque en raison

de son originalité. La plupart des autres modèles développés (modèle de Wood par exemple)

sont généralement inspirés de celui de Carroll. Ce modèle (de Carroll) alliant les motivations

économiques, sociales, éthiques et philanthropiques dans l’explication du comportement

responsable des entreprises est présenté à la suite.

1.2.1. La présentation du modèle pyramidal de Carroll

Carroll a proposé en 1979 une définition à quatre niveaux de la RSE5 qui a été formalisée

en modèle. Dans ce modèle, Carroll fait la différence entre quatre types de RSE : économique,

légale, éthique et discrétionnaire.

La première catégorie identifiée par Carroll (1979) est la responsabilité de nature

économique, mettant en exergue : la récupération de l’investissement initial des actionnaires et

des investisseurs ; la création d’emploi et le paiement des salaires ; la découverte de nouvelles

ressources ; la promotion de l’innovation technologique ; et la création de nouveaux produits et

5 Responsabilité Sociale des Entreprises

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services. Dans cette perspective, le business se rapporte à la fonction primaire de l’entreprise

vue comme une unité de production.

La deuxième catégorie est la responsabilité légale qui se rapporte aux obligations légales

et juridiques dont doit faire face l’entreprise. Dans cette perspective, la société espère que le

business remplisse sa mission économique dans le cadre défini par la loi. La loi circonscrit à

cet effet les limites des comportements tolérables mais ne définit ni les règles de l’éthique, ni

les règles de moralité (Solomon, 1994b ; Solomon, 1994a).

Dans son essence, la responsabilité éthique pour sa part, pallie les limites de la loi en

créant un cadre éthique à l’intérieur duquel peut exercer chaque entreprise. Le business

représente ici un processus moral, dans lequel la bonne pratique des affaires est la règle.

Seulement, la responsabilité éthique intègre des activités qui ne sont pas nécessairement

codifiées par la loi, mais qui sont néanmoins espérées dans le business par les membres de la

société, comme le respect des convictions religieuses et les droits de l’homme.

La dernière responsabilité est celle dans laquelle les entreprises ont un champ

discrétionnaire de jugement et de choix élargi, sur les activités philanthropiques à mener. La

racine de ce type de responsabilité repose dans la croyance selon laquelle le business et la

société sont jumelés dans un processus organique. C’est la responsabilité la plus controversée

car ses limites sont relatives et ses implications peuvent entrer en conflit avec la responsabilité

économique.

Figure 1 : La pyramide de Carroll

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Source : Golli et Yahiaoui (2009)

1.2.2. L’implication et les limites du modèle de Carroll dans l’explication de la diffusion

comptable d’ISE

Le modèle présenté par Carroll, est une pyramide à quatre échelles d’importance

décroissante de la base vers le sommet. La responsabilité économique occupe la base de la

pyramide, suivie successivement des responsabilités juridiques, éthiques et philanthropiques.

L’implication de ce modèle en comptabilité sociale et environnementale, c’est la priorité que

l’entreprise donne aux ISE à diffuser. Ainsi, conformément à ce modèle, l’entreprise diffusera

selon l’ordre des priorités : d’abord les informations économiques (pour les stockholders),

ensuite les informations légales (pour le respect des lois et des règlementations), suivi ensuite

des informations éthiques et enfin des informations philanthropiques (pour les autres

stakeholders) (Carroll, 1979 ; Carroll, 1991 ; Carroll, 1999).

Malgré que le modèle de Carroll ait été vérifié empiriquement dans de nombreuses

études pour la plupart réalisées dans les pays occidentaux, il présente néanmoins des limites

contextuelles. La limite la plus importante repose sans doute dans l’ordre des priorités dévolue

à chaque responsabilité, qui n’est pas toujours le même en fonction de la localisation des études.

Si dans les pays développés, l’ordre des responsabilités est généralement conforme à celui du

modèle développé par Carroll (Golli et Yahiaoui, 2009), des études montrent que dans les pays

en développement par exemple, les responsabilités suivent les priorités suivantes :

économiques, philanthropiques, légales et enfin éthique (Visser, 2006). Cette limite remet en

exergue l’influence du contexte dans l’étude de la diffusion d’ISE. Ce phénomène (diffusion

d’ISE) souvent influencé par des réalités culturelles et même religieuses (Kamla, 2007), se prête

difficilement aux seules réalités économiques.

L’avantage des modèles sociaux comme celui de Carroll ou encore celui de Wood6, c’est

d’intégrer au-delà de l’aspect économique, les aspects sociaux qui représentent aussi une part

non négligeable dans l’explication de la diffusion comptable d’ISE. Ce sont principalement les

limites contextuelles de ces modèles, qui réduisent leur pouvoir explicatif.

Finalement, les aspects économiques et sociaux ne suffisant pas à l’explication de la

diffusion comptable d’ISE, les chercheurs ont eu recours à d’autres cadres théoriques. Dans cet

6 Voir Wood (1990)

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ordre d’idées, les théories socio-politiques ont connu un écho considérable en raison de

l’originalité de leur positionnement dans l’explication du phénomène. La section suivante est

réservée à leur présentation.

1.3. L’usage des théories socio-politiques pour étudier la diffusion comptable

d’Informations Sociales et Environnementales

Après le recours aux théories économiques et le développement des modèles sociaux,

les insuffisances toujours perceptibles dans l’explication du comportement social des

entreprises ont favorisé l’émergence des théories socio-politiques. Ces théories ont le mérite

d’associer des aspects jusque-là ignorés. Parmi les théories sociopolitiques on distingue la

théorie de la légitimité, la théorie de la dépendance des ressources, la théorie de la dépendance,

la Théorie des Parties Prenantes (TPP) et la théorie institutionnelle pour ne citer que celles-là.

Chacune de ces théories est présentée dans cette partie, en prenant le soin de préciser ses mérites

et ses limites éventuelles.

1.3.1. L’usage de la théorie de la légitimité pour expliquer le comportement social des

entreprises

D’après la théorie de la légitimité, il existe un contrat social implicite ou explicite entre

l’entreprise et la société (Suchman, 1995). L’entreprise doit tout mettre en œuvre pour éviter

que le contrat ne soit rompu. Elle obtient ainsi la légitimité d’exercer et d’utiliser les ressources

du milieu dans lequel elle exerce son activité. Ce contrat social s’exprime par les besoins de la

société qui évoluent avec le temps (Savage, 1998). C’est une obligation morale envers les

parties prenantes de son environnement externe. L’entreprise s’expose à des risques (boycott

de ses produis par les consommateurs, compagnes et soulèvements de la population, paiement

de taxes élevées, diminution de l’attrait auprès d’investisseurs etc.) (Dart, 2004 ; Deegan, 2002

; Deegan, 2006 ; Savage, 1998) en cas de rupture de ce contrat, car seules les entreprises ayant

la légitimité de la société ont le droit d’exercer, voire d’exister (De Villiers et Van Staden,

2006).

La diffusion d’informations sociales et environnementales (ISE) dans ce cas est un

moyen pour l’entreprise de se dédouaner et de maintenir le contrat social. En rendant compte

de ses actions en faveur de l’environnement et de son implication dans le développement de la

communauté, l’entreprise légitime son mandat. Savage et al., (2000) identifient alors douze

stratégies de légitimation classées en deux groupes : le groupe 1 des stratégies substantielles

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(redéfinition de son rôle ; isomorphisme coercitif ; altération des pratiques socialement

instituées), et le groupe 2 des stratégies symboliques (adoption d’objectifs socialement

acceptables ; démenti et dissimulation ; identification à des valeurs, des symboles ou des

institutions ; offre d’explications ; offre d’excuses ; conformité cérémoniale ; reconnaissance

de culpabilité ; divulgation partiale ou partielle ; évitement, trivialisation.) (Savage et al., 2000

; Savage, 1998).

Longtemps utilisée comme cadre théorique de référence dans de nombreuses études en

comptabilité verte, la théorie de la légitimité a encore toute sa résonance dans les études

récentes. La principale limite de cette théorie repose surtout sur son incapacité à cerner tous les

contours du phénomène de diffusion d’ISE. De manière évidente, la diffusion d’ISE ne repose

pas uniquement sur la volonté de légitimation de l’entreprise auprès de ses nombreuses parties

prenantes, mais aussi dans d’autres réalités comme la dépendance vis-à-vis des ressources

développée ci-après.

1.3.2. La théorie de la dépendance des ressources

Une demi-douzaine de paradigmes parmi les plus solides sur l’étude des organisations,

a émergé presque au même moment pendant l’administration de Ford, et pour la plupart à

Stanfort (Davis et Cobb, 2010). A l’occasion, on a assisté à l’explosion de théories majeures

telles que la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975 ; Williamson, 1983), la théorie

de l’agence (Jensen et Meckling, 1976), la nouvelle théorie institutionnelle (Meyer et Rowan,

1977), l’écologie de la population (Hannan et Freeman, 1977) et la théorie de la dépendance

des ressources (Pfeffer et Salancik, 1975 ; Salancik et Pfeffer, 1977). Ces théories et notamment

la théorie de la dépendance des ressources, continuent à exercer leur influence aujourd’hui.

La théorie de la dépendance des ressources stipule que l’entreprise se trouve dans un

environnement hostile, caractérisé par une rareté de ressources stratégiques. Les entreprises qui

détiennent les ressources disposent alors d’un pouvoir (une influence) sur les autres. Dans cette

perspective, toutes les actions de l’entreprise visent à obtenir le contrôle de ces ressources. La

diffusion d’ISE représente ainsi une stratégie visant à obtenir un mandat auprès des différentes

parties prenantes (Etat, Clients, Fournisseurs, collectivités locales, …) et par conséquent, le

contrôle des ressources.

Cette théorie est moins utilisée dans l’étude de la diffusion d’ISE que la théorie de la

légitimité (Davis et Cobb, 2010 ; Giordano-Spring et Riviere-Giordano, 2007). De fait, il

Page 12: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

12

semble à priori irréaliste de rapporter la motivation à diffuser des ISE à la recherche pure et

simple du contrôle des ressources, étant donné que l’explication pourrait tout aussi venir des

réalités historiques qui conditionnent parfois les pratiques des entreprises. La théorie de la

dépendance exposée à la suite illustre un positionnement nouveau dans la recherche.

1.3.3. La théorie de la dépendance : l’apanage des études réalisées en contexte PVD (Pays en

Voie de Développement)

La théorie de la dépendance relève le plus souvent des études réalisées dans le contexte

des pays émergents et en développement, pour signifier l’impact de la colonisation ou toute

autre attitude impérialiste sur le comportement d’une nation ou d’un groupe. Utilisée dans le

cadre du reporting sociétal, elle montre comment l’adoption des pratiques de diffusion d’ISE

dans les [anciennes] colonies est fortement influencée par les approches de reporting adoptées

dans les [anciennes] métropoles (Kamla, 2007).

A la lumière de cette théorie relativement jeune, et dont les premières utilisations datent des

années 1990, Les entreprises des pays colonisés ou dominés diffusent des ISE par mimétisme

ou par contrainte, au regard de pratiques adoptées dans les pays dominateurs. La limite de cette

théorie est purement contextuelle, c’est pourquoi elle est généralement l’apanage des études

réalisées en contexte pays émergent ou en développement (Kamla, 2007).

Seulement, au-delà de l’influence souvent exercée par des réalités historiques,

l’entreprise peut tout aussi être confrontée à la pression constante et grandissante de ses porteurs

de parts que Freeman (1984) a appelés les « stakeholders », communément connu en langue

française sous le vocable « parties prenantes ». C’est ce positionnement original qui meuble le

développement qui va suivre.

1.3.4. La Théorie des Parties Prenantes (TPP) pour expliquer la diffusion comptable d’ISE

La visée de la TPP est articulée en deux principales questions. Premièrement elle

demande quel est le but de la firme ? Et deuxièmement quelle est la responsabilité du manager

vis-à-vis des parties prenantes ? (Edward, 1984). La TPP définit ainsi l’entreprise comme étant

en permanence sous la pression de plusieurs parties prenantes. Pour Freeman (1984), les Parties

Prenantes sont présentées comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui peut être

affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise ». Le modèle représentatif de la TPP est

une roue circulaire, ayant à son centre l’entreprise, et dont les rayons représentent l’ensemble

de ses parties prenantes.

Page 13: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

13

Le positionnement original de la TPP, justifie l’engouement que cette théorie a suscité

parmi les chercheurs. Elle (la TPP) devient l’objet de nombreux développements et analyses

dans la littérature, visant généralement à améliorer son pouvoir explicatif. Parmi ces analyses,

La distinction à faire entre Parties Prenantes proches (Stockholders ou actionnaires), et Parties

Prenantes diffuses (Stakeholders), est à l’origine de deux approches de la TPP : l’approche

instrumentale ou managériale ; et l’approche normative.

Figure 2 : La théorie des parties prenantes

Source : BONNAFOUS-BOUCHER et RENDTORFF (2014). 7

L’approche managériale de la TPP donne la primauté aux parties prenantes proches,

principalement les actionnaires et les investisseurs. Les actions de l’entreprise doivent être

7 Bonnafous-Boucher M. et Rendtorff J. (2014). La théorie des parties prenantes. Paris. La Découverte.

Page 14: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

14

dirigées en priorité pour satisfaire ce groupe. Dans cette optique, toute communication d’ISE

n’est justifiée que si elle améliore la prise de décision des propriétaires ou si elle leur est

favorable. La comptabilité sociale et environnementale est utilisée ici comme un outil (ou un

instrument) qui aide les stockholders à atteindre leurs objectifs, d’où son nom de vision

« instrumentale » des parties prenantes.

L’approche normative de la TPP est quant à elle plus humaine, puisqu’elle considère

« implicitement » que toutes les parties prenantes ont la même priorité. Dans cette mesure,

l’entreprise adopte des comportements dans le but de satisfaire toutes les parties prenantes

(directement ou indirectement) concernées par ses activités. La communication d’ISE va

évidemment en direction de tous les groupes qui ont un intérêt sur l’entreprise, pour les informer

de toutes ses actions. Le problème de cette vision repose essentiellement sur la difficulté à

établir les limites des parties prenantes de l’entreprise, certains auteurs qualifiant même

d’ « irréaliste », un tel positionnement (Friedman, 1971).

Dans l’optique de concilier ces deux visions et pallier les insuffisances de l’une comme

de l’autre, certains auteurs ont essayés de formaliser un modèle hybride, conciliant les

approches instrumentales et normatives de la TPP appelé « théorie convergente des parties

prenantes » (Jones et Wicks, 1999). Le principal argument avancé pour justifier cette approche

est celui selon lequel, toute théorie exclusivement normative ou exclusivement instrumentale

est par essence incomplète. Mais cette formalisation, loin de plaire, a fait l’objet de violentes

critiques, notamment au sujet de sa difficulté à être expérimentée8.

Dans l’optique de pallier les limites de la TPP, un autre positionnement assez différent,

ramène l’explication de la diffusion comptable d’ISE sur la tendance des organisations à se

ressembler, plutôt qu’à se différencier. C’est la vision de la nouvelle théorie institutionnelle.

1.3.5. La théorie néo-institutionnelle : Un espoir pour comprendre le comportement

responsable des organisations

La théorie néo-institutionnelle explique les raisons de l’adaptation de certaines

pratiques/formes organisationnelles dans un champ organisationnel donné (Ali et Rizwan, 2013

8 La théorie convergente des parties prenantes est examinée plus bas, dans la partie 2, qui présente la construction

d’un cadre théorique multiple.

Page 15: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

15

; Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Deegan, 2006). Elle a deux dimensions : l’isomorphisme

(isomorphism), et le découplage9 (decoupling).

L’isomorphisme est défini comme un processus de contrainte qui force une unité de la

population à imiter d’autres unités qui font face aux mêmes conditions environnementales

(DiMaggio, 1995 ; DiMaggio et Powell, 2000). L’isomorphisme se réfère ainsi à l’adoption

d’une pratique institutionnelle (comme la diffusion comptable d’ISE) par une organisation

(DiMaggio et Powell, 2000). Dans ce cas, la diffusion comptable d’ISE est une pratique

organisationnelle, tandis que le moyen par lequel cette pratique est adoptée est un processus

d’isomorphisme. Cet isomorphisme est un processus influencé par la pression d’une

multiplicité de parties prenantes (pressions institutionnelles et professionnelles par exemple).

Il existe trois types d’isomorphisme : l’isomorphisme coercitif, l’isomorphisme

mimétique et l’isomorphisme normatif (Ali et Rizwan, 2013 ; Ashworth et al., 2007 ; Claeyé et

Jackson, 2012 ; Deegan, 2006 ; DiMaggio et Powell, 2000).

L’isomorphisme coercitif résulte des pressions formelles et informelles exercées sur une

organisation par d’autres organisations dont elle est dépendante, et par les croyances culturelles

propres à son environnement. Ces pressions peuvent se manifester par la force, la persuasion

ou l’invitation à rejoindre une coalition. Dans l’isomorphisme coercitif, le pouvoir des parties

prenantes joue un rôle significatif qui force les entreprises à adopter certaines pratiques

institutionnelles comme la diffusion d’ISE.

L’isomorphisme mimétique pour sa part est dû à certaines situations dans

l’environnement de l’entreprise, où en l’absence de référence ou de ligne directrice, l’entreprise

essaie de devenir le modèle pour les autres organisations. D’autres entreprises essaient de copier

les meilleures pratiques de reporting, pour ressembler aux entreprises opérant dans le même

environnement.

L’isomorphisme normatif quant à lui provient du professionnalisme, qui se réfère aux

exigences de la profession d’adopter certains standards ou certaines pratiques institutionnelles

(comme la diffusion comptable d’ISE). Les deux principales sources de pression normatives

sont les réseaux éducatifs et les réseaux professionnels. Dans ce type d’isomorphisme, la culture

et les valeurs éthiques exercent leur influence sur les professionnels pour l’adoption de certaines

9 Le découplage ne fait pas l’objet d’une attention particulière dans la littérature, c’est pourquoi nous choisissons

délibérément de ne pas l’aborder.

Page 16: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

16

pratiques institutionnelles (Ali et Rizwan, 2013 ; Deegan, 2006). Le groupe normatif inclus les

académiciens, les consultants environnementaux, les associations d’industries, et les

organisations gouvernementales et professionnelles qui utilisent les ISE des entreprises.

Subséquemment, la théorie institutionnelle a le mérite d’intégrer dans son explication

plusieurs réalités à la fois (culture, religion, normes, règlementation, pression diverses …).

Mullenbach-Servayre et Rmadi Said (2010) voient même en elle un espoir pour comprendre le

comportement socialement responsable des organisations (Servayre et Said, 2010).

Le tableau de synthèse suivant récapitule les principales limites des cadres théoriques

mobilisés dans les recherches en comptabilité verte.

Tableau 1 : Les limites des cadres théoriques mobilisés dans les recherches en

comptabilité verte

CADRES THEORIQUES

MOBILISES EN COMPTABILITE

VERTE

USAGES LIMITES REFERENCES

THEORIES

CONTRACTUELLES

ET ECONOMIQUES

Théorie

positive de la

comptabilité

Les ISE de par leur nature, offrent

aux dirigeants une marge de

manœuvre encore plus importante,

pour « maquiller » les comptes de

l’entreprise et « distraire » le public.

Attitude réductionniste de

résumer la diffusion d'ISE à la

manipulation des comptes

Milne (2002) ;

Vourvachis (2008) ;

Watts et Zimmerman

(1978 ; 1990) ; Milne

(2001) ; Gray et al

(1995)

Les études empiriques utilisant la

thèse originelle de Watts et

Zimmerman ont toutes échouées

Théorie de

l'agence et

théorie des

coûts de

transaction

les ISE constituent un complément

d’information sur les données

sociales et environnementales, qui

permet au dirigeant de réduire les

incertitudes informationnelles et de

prendre les meilleures décisions.

la relation d'agence de type 1

(dirigeant-propriétaire) est

inopérante puisque les ISE ont

vocation à satisfaire un public

beaucoup plus important

Jensen et Meckling

(1978) ; Coase

(1960) ; Alchian et

Demsetz (1966) ;

Théorie de

l'agence

généralisée

la réduction des coûts d’agence

vise surtout à maximiser le profit

du principal agent, et non celui

combiné de tous les agents.

Hill et Jones (1992) ;

Gillet et Martinez

(2012)

MODELES SOCIAUX

Modèle de

CARROLL et

Modèle de

WOOD

La diffusion d'ISE obéît à une

certaine hiérarchie : d'abord les

informations économiques, ensuite

les informations légales, les

informations éthiques, et enfin les

informations philanthropiques. la hiérarchie de diffusion d'ISE

diffère en fonction des contextes

Carroll (1991) ; Golli

et Yahiaoui (2009) ;

Visser (2006) ;

Kamla (2007) intègre au-delà de l’aspect

économique, les aspects sociaux qui

représentent aussi une part non

négligeable dans l’explication de la

diffusion comptable d’ISE

Page 17: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

17

THEORIES SOCIO-

POLITIQUES

Théorie de la

légitimité

En rendant compte de ses actions en

faveur de l’environnement et de son

implication dans le développement

de la communauté, l’entreprise

légitime son mandat.

la diffusion d’ISE ne repose pas

uniquement sur la volonté de

légitimation de l’entreprise

auprès de ses nombreuses parties

prenantes.

De Villiers et Van

Staden (2006) ;

Savage et Cataldo

(1999) ; Suchman

(1995)

Théorie de la

dépendance des

ressources

La diffusion d’ISE est une stratégie

visant à obtenir un mandat auprès des

différentes parties prenantes (Etat,

Clients, Fournisseurs, collectivités

locales, …) pour le contrôle des

ressources.

il semble à priori irréaliste de

rapporter la diffusion des ISE à

la recherche pure et simple du

contrôle des ressources.

Aldrich et Pfeffer,

(1976) ; Pfeffer et

Salancik (1978) ;

Giordano et Rivière

(2008) ; Mercier

(2005) ; Davis et

Cobb (2009)

Théorie de la

dépendance

l’adoption des pratiques de diffusion

d’ISE dans les [anciennes] colonies

est fortement influencée par les

approches de reporting adoptées dans

les [anciennes] métropoles.

des réalités historiques sont

insuffisantes pour expliquer la

diffusion comptable d'ISE.

Williams (1999) ;

Kamla (2007)

Théorie des

parties

prenantes

L'entreprise doit rendre compte à

toutes les parties prenantes qui ont

une influence sur elle.

le périmètre de responsabilité de

l'entreprise est difficile à

identifier.

Freeman (1984) ;

Jones et Wicks

(1999) ; Bonnafous-

Boucher et Rendtorff

(2014) ; Friedman

(1973)

La vraie responsabilité de

l'entreprise est d'abord

économique avant d'être sociale.

Théorie

Institutionnelle

Par un processus d'isomorphisme les

entreprises sont contraintes d'imiter

d’autres unités qui font face aux

mêmes conditions

environnementales.

le processus d'isomorphisme ne

justifie pas seul, la diffusion

comptable d'ISE.

Di Maggio et Walter

(1983) ; Deegan

(2009) ; Ali et

Rizwan (2013)

Source : Nos propres soins

Seulement, au-delà de son mérite à intégrer de nombreuses réalités contextuelles dans

son explication, la théorie institutionnelle suffit-t-elle à expliquer de manière exhaustive la

diffusion comptable d’ISE ? Répondre par la négative à cette question n’est pas incongru, au

regard de la tendance actuelle des recherches en comptabilité verte.

2. La construction d’un cadre théorique multiple : L’usage des

« métathéories10 » pour expliquer la diffusion comptable d’ISE

C’est un exercice vraiment complexe d’essayer d’expliquer la diffusion d’ISE à partir

d’une théorie unique. Au regard des insuffisances reprochées aux études mono-théoriques11, la

plupart des chercheurs recourent désormais à la convocation de plusieurs théories pour

expliquer la diffusion comptable d’ISE. Globalement, trois cas de figure peuvent être observés :

10« the metatheoretical question of integrated theory » est une expression utilisée par Treviño et Weaver (1999)

pour désigner la question de l’intégration d’une théorie dans un cadre explicatif plus grand.

11 Etudes dont le cadre théorique est basé sur une seule théorie.

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18

dans le premier cas, pour justifier le choix d’une théorie, les chercheurs se lancent dans des

démonstrations théoriques profondes, dans l’optique de montrer la supériorité de cette théorie

sur les autres théories rivales ; dans un deuxième cas, des théories proches ou complémentaires

sont mises ensembles (ou fusionnées) pour créer un cadre théorique jugé plus robuste ; dans un

troisième cas enfin, des théories mutuellement exclusives sont convoquées de manière

séquencée au cours d’une même recherche pour expliquer chacune, des pans d’une réalité

complexe.

Toutefois, loin d’aboutir à un niveau supérieur d’explication, ce regroupement de

théories à l’intérieur du même cadre est souvent à l’origine de nombreuses contradictions et

incohérences. Certains auteurs critiques, dénoncent non seulement le manque de cohésion entre

ces théories combinées, mais aussi la difficulté de ces cadres théoriques multiples à se soumettre

à la validation empirique.

Dans cette partie, la recherche est premièrement consacrée à l’illustration des problèmes

d’incohérences entre les théories mobilisées, ainsi que des contradictions entre les résultats

retrouvés dans les études. Deuxièmement, il est observé que le choix des cadres théoriques par

les chercheurs, connait plusieurs variations dans le temps. Ces variations (ou phases) seront à

leur tour présentées.

2.1. La recherche d’un cadre théorique pour la comptabilité verte : l’amalgame des

constructions théoriques

Trois études sont choisies dans trois contextes bien distincts pour servir d’illustration.

Dans ces trois cas, les auteurs se livrent à des démonstrations (et analyses) théoriques pour

montrer la supériorité d’une théorie dans l’explication du comportement social des

organisations. Le dénominateur commun de ces trois cas est l’usage de la théorie des parties

prenantes (Edward, 1984).

Dans le premier cas (étude présentée au congrès de l’Association Francophone de

Comptabilité), la théorie des parties prenantes est décrite comme une sorte de métathéorie située

sur un continuum ayant dans un extrême les théories contractuelles, et dans l’autre extrême les

théories normatives, en l’occurrence la théorie de la légitimité. La supériorité de la théorie des

parties prenantes est mise en exergue à l’issue d’une démonstration théorique plutôt rigoureuse.

Le second cas par contre, est extrait d’un débat dans l’Academy of Management Review, portant

sur la théorie des parties prenantes, et notamment la proposition d’une « théorie convergente

Page 19: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

19

des parties prenantes » qui présenterait le mérite d’être à la fois instrumentale et normative. Le

troisième cas enfin, provient de l’International Journal of Asian Social Science. Dans cette

dernière étude réalisée en Asie12, c’est la supériorité de la théorie institutionnelle qui est

démontrée. La théorie des parties prenantes est présentée ici comme ayant un pouvoir explicatif

plus réduit que celui de la théorie institutionnelle. Les trois cas sont présentés et analysés de

manière successive.

2.1.1. La « métathéorie » des parties prenantes proposée par Giordano et Rivière

Les recherches en comptabilité verte ont mobilisé plusieurs théories souvent empruntées

à la sociologie et aux sciences économiques, pour étudier le phénomène de diffusion

d’informations sociales et environnementales. Seulement, ces cadres théoriques copiés, sont le

plus souvent mal adaptés. C’est pourquoi Richard (2005) préconise d’utiliser des cadres

normatifs comptables éprouvés, pour se démarquer des théories de la RSE qui sont peu

stabilisées (Capron et al., 2005 ; Richard, 1999). Il s’agit en clair de prendre comme socle, les

cadres normatifs comptables (approche statique et dynamique de la comptabilité).

Sur cette lancée, et dans l’optique des construire un cadre théorique adapté aux études

en comptabilité verte, Giordano et Riviere (2007) identifient la théorie des parties prenantes

(TPP) comme étant aux deux extrêmes d’un continuum constitué des théories économiques

(théorie de l’agence, théorie des coûts de transaction …) et des théories sociopolitiques (théorie

de la légitimité en l’occurrence). Ainsi, Giordano et Rivière démontrent dans leur analyse que

la théorie des parties prenante à d’abord une vision économique, qu’ils qualifient d’« approche

instrumentale de la théorie des parties prenantes ». Cette vision se rapporte aux théories

contractuelles et par conséquent, elle intègre le reporting sociétal à la communication financière

dans une logique de la valeur. Parallèlement, il y’a aussi la vision sociale de la TPP baptisée

« approche normative de la TPP », qui repose sur la théorie de la légitimité (Gray et al., 1995),

et préconise au contraire une conception plus égalitaire des stakeholders (logique de la

transaction). Cette analyse est synthétisée dans le schéma ci-dessous issu des travaux de ces

deux auteurs.

Figure 3 : Continuum des cadres théoriques de la RSE

12 L’étude est menée au Bangladesh

Page 20: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

20

Source : Giordano et Rivière (2007)

En résumé, la théorie des parties prenantes peut aisément se substituer aux théories

contractuelles et à la théorie de la légitimité. Elle constitue donc à elle seule, un cadre explicatif

robuste pour expliquer la diffusion comptable d’ISE. Cette conclusion à laquelle arrivent

Giordano et Rivière conduit néanmoins à émettre des réserves sur la faisabilité du

rapprochement entre la vision instrumentale de la TPP et la vision normative de la TPP. Un

houleux débat consacré à la TPP dans une célèbre revue scientifique américaine, met à jour les

limites d’une combinaison entre les deux visions identifiées de la TPP. La présentation de ce

débat est l’objet du développement qui va suivre.

2.1.2. Le paradoxe de la théorie « convergente » des parties prenantes de Jones et Wicks

Donaldson et Preston (1995) distinguent trois théories des parties prenantes :

- La théorie des parties prenantes empirique descriptive, reposant sur l’hypothèse selon

laquelle « les managers agissent actuellement avec certaines manières », en tenant compte des

intérêts et des revendications des différents acteurs. La limite de cette théorie est qu’elle ne

permet pas de faire la connexion entre le management des stakeholders et les objectifs

traditionnels de l’entreprise ;

- La théorie des parties prenantes empirique instrumentale, qui étudie les liens entre

management des stakeholders et rentabilité. C’est une approche contingente qui utilise les

méthodes statistiques conventionnelles. L’hypothèse sous-jacente est que « certains résultats

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21

sont plus probables si les organisations et les managers agissent avec certaines manières ». De

la sorte, en adoptant les pratiques de RSE, les entreprises sont performantes en termes de profit,

de stabilité, de croissance …

- La théorie normative des parties prenantes, qui indique que « les entreprises et les

managers doivent agir selon certaines mesures ». C’est une vision interprétative narrative,

reposant sur des concepts fondamentaux philosophiques.

Présenté de cette manière, la théorie des parties prenantes offre globalement deux

visions d’analyses : la vision instrumentale ou managériale, et la vision normative. Seulement,

cette distinction opérée entre vision instrumentale et vision normative de la théorie des Parties

prenante est à l’origine de vives controverses.

Dans l’optique de concilier les deux visions à l’intérieur d’un cadre théorique unique,

Weaver et Treviño (1994) étudient la relation entre approche normative et empirique de

l’éthique des affaires en se basant sur trois critères :

a- Le parallélisme, qui suppose le rejet de toute liaison entre normatif et empirique, pour

des raisons conceptuelles et pratiques ;

b- La symbiose, qui indique que les deux approches surviennent l’une de l’autre mais

restent distinctes dans leurs hypothèses et méthodologies ;

c- L’intégration, qui précise que les deux font partie d’un même cadre théorique.

En définitive, toute théorie est incomplète si elle est exclusivement normative ou

exclusivement expérimentale (Trevino et Weaver, 1994 ; Treviño et Weaver, 1999 ; Weaver et

Trevino, 1994).

Jones et Wicks (1999) proposent dans ce sens une théorie hybride des parties prenantes,

qui allie vision normative et vision empirique, puisqu’ils jugent que l’une ne va sans l’autre. Ils

nomment cette théorie hybride : la théorie convergente des parties prenantes « convergent

stakeholders theory ». Leur théorie hybride des parties prenantes repose sur trois

postulats majeurs :

a- L’organisation opère publiquement dans un marché économique compétitif ;

b- Les décisions sont prises par les managers professionnels ;

c- Les comportements sont contingents.

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22

Cette théorie s’intéresse ainsi aux relations entre managers et stakeholders se basant sur

des fondements moraux. Elle est simultanément normative et instrumentale. Son fondement

normatif est explicitement moral, et les moyens utilisés ne sont que pour des fins morales.

Cependant, les critiques avancées à l’encontre cette théorie sont d’une extrême

violence : intégration difficile entre théorie empirique et théorie instrumentale ; manque de

clarté ; manque de construit ; absence de variable empirique testable etc. Freeman (1999)

propose même en guise de réponse à Jones et Wicks, une ironique théorie divergente des parties

prenantes « divergent stakeholders theory ». Dans le même ordre d’idées, Treviño et Weaver

(1999) targuent Jones et Wicks d’être des théoriciens divergents qui ont mal compris la question

métathéorique de ce qu’est une théorie intégrée.

Sans intention de revenir sur le houleux contenu de ce débat qui a fait l’objet de la

publication d’un numéro spécial dans l’academy of management review13, cette recherche tente

simplement de décrire toute la difficulté qu’il y a à construire un corpus théorique cohérent et

adapté à la recherche en comptabilité verte.

Un dernier cas illustratif est issu d’une revue scientifique d’Asie. Il présente cette fois

une autre théorie jugée supérieure à la TPP, et mieux adaptée pour servir de cadre théorique

aux recherches en comptabilité verte dans les pays en développement.

2.1.3. La métathéorie institutionnelle d’Ali et Rizwan

La théorie institutionnelle a deux branches : l’isomorphisme et le découplage (Ali et

Rizwan, 2013 ; Deegan, 2002 ; DiMaggio et Powell, 2000 ; Suchman, 1995). La diffusion d’ISE

est une pratique, tandis que le processus par lequel l’entreprise adopte des pratiques similaires

à celles des firmes qui opèrent dans le même milieu qu’elle est appelé processus

d’isomorphisme.

Pour Ali et Rizwan (2013), L’adoption des pratiques de diffusions d’ISE par les

entreprises des pays en développement est influencée par un certain nombre de parties

prenantes : Etat, syndicats, associations de consommateurs, acheteurs internationaux, médias,

employés, investisseurs, entreprises multinationales, concurrents, réseaux de RSE, ONG,

organismes de normalisation et institutions académiques (Ali et Rizwan, 2013).

13 Academy of Management Review, 1999, Vol. 24, No. 2.

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23

Contrairement à la TPP qui classifie les Parties Prenantes en deux groupes (en fonction

de leur proximité : PP14 proches et PP diffuses), la théorie institutionnelle les classifient

respectivement à leur pouvoir en trois groupes : coercitif (Etat, Syndicats, associations de

consommateurs, acheteurs internationaux, médias, employés et investisseurs), mimétique

(entreprises multinationales, concurrents) et normatif (réseaux de RSE, ONG, organismes de

normalisation et institutions académiques.)

L’étude d’Ali et Rizwan (2013) montre que les groupes normatifs exercent une pression

normative sur les firmes des pays en développement, pour les inciter à diffuser des ISE. Or, ces

groupes normatifs ne peuvent pas économiquement les impacter. Il revient donc à chaque

entreprise d’intégrer ou non les recommandations de ses PP. D’un autre côté, les PP telles que

l’Etat, les actionnaires, les employés, les clients internationaux et les médias, peuvent exercer

une pression coercitive sur les entreprises des pays en développement. Ces PP ont en effet le

pouvoir de contraindre économiquement ces entreprises. D’autres PP comme les

multinationales et les entreprises concurrentes, créent plutôt une pression mimétique sur les

entreprises des pays en développement (Ali et Rizwan, 2013).

Le modèle théorique issu de cette analyse, démontre la supériorité de l’approche

institutionnelle sur les deux autres approches : l’approche selon la théorie de la légitimité et

l’approche selon la théorie des parties prenantes respectivement. Il faut remarquer que

contrairement à l’analyse faite par Giordano et Rivière (2007), la TPP est reléguée ici à un

niveau d’explication inférieure à celui de la théorie de la légitimité, et de la théorie

institutionnelle. Le modèle d’Ali et Rizwan (2013) est illustré par le schéma suivant :

Figure 4 : Perspective de la théorie institutionnelle selon Ali et Rizwan (2013)

14 Parties Prenantes.

1

2

3

Diffusion

d’Informations

Sociales et

Environnementales

Etat

Syndicats et associations de consommateurs Clients internationaux

Média

Employés Investisseurs / Institutions Financières

PARTIES PRENANTES /

INSTITUTIONS

PARTIES PRENANTES /

INSTITUTIONS

PARTIES PRENANTES / INSTITUTIONS

THEORIE DE LA LEGITIMITE

THEORIE DES PARTIES PRENANTES

Entreprises Multinationales

Normes industrielles et Concurrents

Caractéristiques de l’entreprise

Cadre conceptuel sur la RSE ONG

Labels RSE et Agences de normalisations

Institutions Académiques

ISOMORPHISME

PROCESSUS INTENSITE DE LA

PRESSION

Faible

Moyenne

Elevée

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24

Source : Traduit d’Ali et Rizwan (2013)

Les trois cas ci-dessus illustrent le mal profond qui mine la recherche en comptabilité

verte. La robustesse des différentes études n’est pas remise en question ici, mais c’est plutôt la

divergence des résultats qui est problématique. Comme le précise Gray (2002 ; 2005), à certains

moments, le programme de recherche en comptabilité verte peut être contradictoire, confus et

divergent.

Globalement, un regard panoramique de ces multiples tentatives pour trouver enfin un

cadre théorique adapté aux études en comptabilité verte, conduit à constater que cette quête suit

une certaine évolution au fil du temps. Après cette présentation des différentes théories

mobilisées15 pour expliquer le phénomène de diffusion d’ISE par les entreprises, il sera exposé

à présent la démarche par laquelle les recherches actuelles essaient de trouver (ou construire)

des cadres théoriques plus robustes, pour expliquer la diffusion comptable d’ISE.

2.2. Les différentes phases de « la guerre des paradigmes » : présentation de l’évolution

des cadres théoriques associés aux recherches en comptabilité verte

La recherche en comptabilité verte pose résolument le problème du choix d’un cadre

théorique adéquat. Tantôt emprunté à des disciplines voisines, ou tantôt construit sur la base

de multiples théories, le cadre théorique utilisé dans les recherches en comptabilité verte varie

selon les études. Une analyse menée sur des travaux publiés depuis la seconde moitié du

vingtième siècle permet d’observer que le choix du cadre théorique a suivi une certaine

évolution au fil du temps. Cette évolution dans le choix des cadres théoriques mobilisés par les

chercheurs en comptabilité verte, s’apparente à une véritable guerre d’idées (ou d’écoles de

15 Les auteurs mobilisent souvent plusieurs théories au cours de la même étude, nous ne présentons dans cette

communication que les théories prises individuellement.

Page 25: L’importation des cadres théoriques dans la recherche en ... · (Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ; Carroll, 1979 ;

25

pensées), qui est désignée dans cette recherche comme « la guerre des paradigmes », pour

paraphraser l’expression utilisée généralement pour désigner l’opposition traditionnelle entre

positivisme et herméneutique.

De l’emprunt des théories économiques à l’usage des métathéories, en passant par

l’usage des modèles sociaux et des théories socio-politiques, les différentes étapes de

cette guerre des logiques sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2 : Evolution des cadres théoriques en comptabilité verte

Phases Cadre théorique Auteurs de référence Etudes ou travaux de recherche

Phase 1 : emprunt des

théories économiques

Théorie positive Théorie positive de la comptabilité

(Watts et Zimmerman, 1976)

Labellle et Thibault (1998) ;

Cochran et Wood (1984)

Théories

contractuelles

Théories de l’agence (Jensen et

Meckling ; 1978) ; Théorie des droits

de propriété (Coase, 1960) ; Théorie

des coûts de transaction (Alchian et

Demetz, 1966)

Gillet et Martinez (2012) ;

Phase 2 : développement et

usage de modèles sociaux

Modèles sociaux Pyramide de Carroll (Carroll, 1979 ;

1991 ; 1999) ; Modèle de Wood

(Wood, 1991)

Jamali et Mirshak (2007)

Phase 3 : arrivée des théories

socio-politiques

Théories socio-

politiques

théorie des parties

prenantes (Freeman, 1984)

Ullman (1985) ; Damak-Ayadi

(2006)

théorie de la légitimité (Sethi, 1975) ;

(Dowling et Pfeffer, 1975)

De Villiers et Van Staden (2006) ;

Dobbs et Van Staden (2012) ; Sethi

(1975)

théorie institutionnelle (Dimaggio et

Powell, 1983)

Mullenbach et Rmadi, (2010)

théorie de la dépendance des

ressources (Pfeffer et Salancik, 1978)

David et Cobb (2009) ; Déjean et

Oxibar (2012)

théories de la dépendance (Ghandi,

1998) ; (Said, 1978 ; 1993)

Kamla (2007)

Phase 4 : l’heure des

paradigmes multiples

Cadre

complémentaire

formé de plusieurs

théories proches ou

rivales

Janicot (2007) ; Trebucq (2006) ;

Cauvin et al. (2006) ; Quairel

(2004) ; Hahn et Lülfs (2013)

Démonstration de la

supériorité de

certaines théories ou

l’heure des

Métathéories (fusion

de théories)

Damak-Ayadi (2006) ; Ali Et

Rizwan (2013) ; Weaver et Treviño

(1994 ; 1999) ; Jones et Wicks

(1999)

Phase 5 : développements

futurs ?

Nouvelles théories ? ? ?

Nouveaux modèles ? ? ?

Passage vers une

théorie formelle ?

? ?

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26

Abandon ? ? ?

Source : Nos propres soins

L’explication des différentes phases de la guerre des logiques identifiées dans le

tableau est détaillée à la suite.

2.2.1. Phase 1 : l’emprunt des théories économiques

Dans la première phase de cette guerre, les chercheurs en comptabilité verte (appelée au

départ comptabilité de RSE16) font appels aux théories économiques (Jensen et Meckling, 1976

; Jensen et Meckling, 1978 ; Watts et Zimmerman, 1978) comme dans la plupart des premières

études réalisées en comptabilité financière.

2.2.2. Phase 2 : le développement et l’usage des modèles sociaux

Par la suite, un malaise dû principalement à l’encrage social17 du phénomène de

diffusion d’ISE18, a orienté les recherches vers les modèles sociaux, qui ont été développés

initialement pour étudier la performance sociale des organisations. Ces modèles de performance

sociale ou de performance RSE (Golli et Yahiaoui, 2009) sont utilisés par les chercheurs en

comptabilité verte, pour expliquer à partir d’une échelle de priorité, l’importance que

l’entreprise accorde au traitement de chaque information (économique, règlementaire ou légale,

éthique, philanthropique…). Parallèlement, les auteurs concluent que le type d’information

diffusé par les entreprises est lié à cet ordre priorité (Carroll, 1979 ; Wood, 1991). Comparé à

la première phase de la recherche du cadre théorique adapté à la comptabilité verte, l’usage des

modèles sociaux n’a pas eu un écho considérable dans la communauté des chercheurs.

Conséquemment, la littérature récence peu d’études qui ont utilisé les modèles sociaux comme

cadre théorique.

16 Responsabilité Sociale des Entreprises. Se référer au chapitre 1 de cette thèse pour connaitre les autres noms

attribués à la comptabilité verte.

17 La diffusion d’ISE est un phénomène social, qui échappe aux seules études économiques. Il est étroitement encré

dans les relations entre les hommes, et donc beaucoup plus proche des sciences sociales que des sciences « dures »

(Ali et Rizwan, 2013 ; Islam, 2009).

18 Informations Sociales et Environnementales

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27

2.2.3. Phase 3 : l’arrivée des théories socio-politiques

Sans une véritable transition entre les deux premières phases de « la guerre des

paradigmes », les recherches se sont orientées vers les théories socio-politiques (DiMaggio,

1995 ; Edward, 1984 ; Freeman, 1994 ; Pfeffer et Salancik, 2003). C’est le début de la troisième

phase de cette guerre, qui est sans doute la plus longue et la plus prolifique. Les théories socio-

politiques semblent mieux adaptées à l’étude de la diffusion comptable d’ISE, puisqu’elles

offrent aux chercheurs un positionnement particulier. Très proches des théories contractuelles,

ces théories possèdent en plus un côté un normatif. Elles permettent ainsi d’intégrer dans

l’explication de la diffusion comptable d’ISE, aussi bien des raisons économiques que des

raisons sociales, politiques, historique ou encore culturelles. Jusqu’à présent, de nombreux

chercheurs continuent encore à recourir aux théories socio-politiques pour étudier la diffusion

comptable d’ISE.

2.2.4. Phase 4 : l’heure des paradigmes multiples

La quatrième phase de « la guerre des paradigmes » est marquée par la recherche des

cadres théoriques plus puissants, voire plus globalisants. De fait, à la suite de moult vérifications

et controverses, les théories socio-politiques ont été jugées peu robustes. Non seulement, elles

ne sont pas pertinentes dans tous les contextes, mais aussi, elles ne sont pas toujours vérifiables

empiriquement. Conséquemment, le débat actuel est dominé par des études qui recourent à des

méthodes plus ou moins sophistiquées, pour fusionner des théories, ou pour démontrer la

supériorité de certaines théories sur les autres théories rivales (Ali et Rizwan, 2013 ; Damak

Ayadi, 2006 ; Jones et Wicks, 1999). L’usage d’un cadre théorique composé de multiples

théories (rivales ou complémentaires) est donc devenu la règle (Ali et Rizwan, 2013 ; Azizul

Islam et Deegan, 2008 ; Belal et Cooper, 2011 ; Momin et Parker, 2013).

Le tableau de synthèse présenté, s’achève sur plusieurs interrogations qui peuvent se

résumer en deux questions : convoquer et vérifier de multiples théories permettra-t-il à termes

d’aboutir à des cadres théoriques adéquats pour les recherches en comptabilité verte ? La

recherche progresse-t-elle vers le développement de théories formelles ou au contraire,

s’achemine-t-elle vers une impasse ?

Ces questions essentielles laissent transparaitre en réalité l’une des limites majeures des

recherches en comptabilité vertes : le recours à des modélisations et des vérifications

théoriques, basées sur des raisonnements généralement déductifs (ou positivistes).

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28

Conclusion

En fin de compte, les développements précédents ont montré que le programme de

recherche en comptabilité verte est encore en construction, et qu’il demeure fortement influencé

par des réalités contextuelles (Ali et Rizwan, 2013 ; Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Belal et

Momin, 2009 ; Momin, 2006). Ainsi, étroitement liée aux problématiques de RSE, la

comptabilité verte peine encore à trouver un équilibre face à la nécessité de combiner des

réalités économiques, sociales et environnementales. C’est pourquoi loin de contribuer à la

compréhension de la diffusion comptable d’ISE, les recherches axées sur la vérification des

théories rivales conduisent le plus souvent à verser dans des analyses contradictoires, qui

rendent encore plus floue la compréhension de ce phénomène (Gray et al., 1995). Pour mettre

fin à la guerre d’idées (au conflit entre théories et/ou modèles rivaux) qui dure depuis plus d’un

demi-siècle, certains auteurs critiques recommandent de renoncer à la vérification des théories,

et de recourir plutôt à des approches compréhensives (Belal et Cooper, 2011 ; Belal et Momin,

2009). Il s’agit en clair, de questionner directement les entreprises pour avoir des explications

(ou informations) non détachées de la réalité (Momin, 2013). Une telle posture a pour avantage

de comprendre le phénomène dans son contexte, pour ensuite (et si nécessaire) construire un

modèle, développer une théorie, ou encore identifier des postulats (ou des propositions) plus

adaptés aux données étudiées. Ce genre de démarche nécessite de mener un travail

[sociologique] profonds et fastidieux, mais qui aura le mérite d’aboutir sur une meilleure

compréhension du phénomène (Luckerhoff et Guillemette, 2012 ; Momin, 2013). Alors, pour

mener à bien ce travail long et rigoureux, cette recherche propose d’utiliser une démarche

inspirée de la sociologie, basée sur l’application de la « grounded theory », encore appelée

méthode de théorisation enracinée (Glaser et Strauss, 1995 ; Glaser et Strauss, 2009 ;

Luckerhoff et Guillemette, 2012). C’est une démarche qui repose sur un processus itératif de

collecte et d’analyse des données, permettant de générer des théories enracinées dans les

données. Ayant fournie des résultats positifs dans les recherches en sociologie, en sciences

infirmières, et en sciences de gestion, cette méthode a déjà été utilisée en comptabilité, dans des

études menées au Royaume-Uni, au Canada, et même en Afrique (Gaspar, 2017 ; Gaspar et

Mkasiwa, 2014 ; Goddard, 2004 ; Goddard, 2005 ; Mkasiwa, 2011 ; Mkasiwa et Gasper, 2014).

Une telle perspective serait utile pour conduire des recherches dans des contextes peu explorés

comme celui de l’Afrique subsaharienne.

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29

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