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LAMARTINE, Méditations poétiques, « Le vallon » A l’heure où Chateaubriand, l’aîné des écrivains romantiques, est nommé ministre des affaires étrangères, Lamartine est encore un jeune secrétaire d’ambassade en Italie et un poète plein d’avenir, qui vient de publier ses Méditations poétiques. Ce recueil, paru en 1820, rencontre un succès immédiat, comme si la sensibilité romantique ne demandait qu’à s’épanouir dans une poésie de facture encore classique. Nées de vagabondages au bord d’un lac ou dans un vallon, ces méditations font surgir, comme dans le poème que nous allons étudier, des réflexions ainsi qu’un travail formel dont nous nous demanderons quelles sont les caractéristiques proprement romantiques. Pour ce faire, nous analyserons tout d’abord la description idyllique que le poète nous présente, comme un tableau romantique. Puis nous verrons comment ce poème se fait l’écho, d’une certaine manière, du « mal du siècle ». Enfin, nous envisagerons la question de l’écriture, instrument de réconciliation de l’homme et du monde par la voie du symbole. Comme dans un certain nombre de « méditations », le poète nous donne tout d’abord à voir le tableau d’une nature idyllique, qui lui inspire réflexions et sentiments variés. La présence de l’énonciateur, à travers les adverbes de lieu liés à l’énonciation tels que « ici » ou « », ou le présentatif « voici », souligne la géographie des lieux, que le lecteur est invité à parcourir mentalement, accompagnant le poète dans ses réflexions. Ce lieu possède toutes les caractéristiques du locus amoenus, « lieu agréable » qui constitue un topos de la poésie latine depuis l’Antiquité, lieu dans lequel l’ombre et la fraîcheur sont propices au repos comme au dialogue philosophique. Ici, le poète éprouve une sensation de « paix » à la vue de l’onde « limpide », et le « doux rayon de l’astre du mystère » éclaire cette nature idyllique. Outre les adjectifs mélioratifs qui viennent qualifier le paysage parcouru des yeux par le poète, on observe par ailleurs que tout concorde à faire de ce vallon un abri, un lieu sûr et protégé. On peut remarquer

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LAMARTINE, Méditations poétiques, « Le vallon »

A l’heure où Chateaubriand, l’aîné des écrivains romantiques, est nommé ministre des affaires étrangères, Lamartine est encore un jeune secrétaire d’ambassade en Italie et un poète plein d’avenir, qui vient de publier ses Méditations poétiques. Ce recueil, paru en 1820, rencontre un succès immédiat, comme si la sensibilité romantique ne demandait qu’à s’épanouir dans une poésie de facture encore classique. Nées de vagabondages au bord d’un lac ou dans un vallon, ces méditations font surgir, comme dans le poème que nous allons étudier, des réflexions ainsi qu’un travail formel dont nous nous demanderons quelles sont les caractéristiques proprement romantiques. Pour ce faire, nous analyserons tout d’abord la description idyllique que le poète nous présente, comme un tableau romantique. Puis nous verrons comment ce poème se fait l’écho, d’une certaine manière, du « mal du siècle ». Enfin, nous envisagerons la question de l’écriture, instrument de réconciliation de l’homme et du monde par la voie du symbole.

Comme dans un certain nombre de « méditations », le poète nous donne tout d’abord à voir le tableau d’une nature idyllique, qui lui inspire réflexions et sentiments variés. La présence de l’énonciateur, à travers les adverbes de lieu liés à l’énonciation tels que « ici » ou « là », ou le présentatif « voici », souligne la géographie des lieux, que le lecteur est invité à parcourir mentalement, accompagnant le poète dans ses réflexions. Ce lieu possède toutes les caractéristiques du locus amoenus, « lieu agréable » qui constitue un topos de la poésie latine depuis l’Antiquité, lieu dans lequel l’ombre et la fraîcheur sont propices au repos comme au dialogue philosophique. Ici, le poète éprouve une sensation de « paix » à la vue de l’onde « limpide », et le « doux rayon de l’astre du mystère » éclaire cette nature idyllique.

Outre les adjectifs mélioratifs qui viennent qualifier le paysage parcouru des yeux par le poète, on observe par ailleurs que tout concorde à faire de ce vallon un abri, un lieu sûr et protégé. On peut remarquer d’une part le champ lexical de l’obscurité, qui s’ouvre avec l’ « obscure vallée » et se poursuit avec « l’ombre qui les couronne » ; d’autre part, toute l’architecture du paysage, marquée par des formes circulaires, contribue à donner une impression protectrice : les coteaux « couvrent le poète tout entier », la verdure lui fait un « rempart » et l’ « horizon borné » de la nature se referme sur le poète comme un cocon protecteur. Le « lit » même des ruisseaux, terme consacré par la géographie, n’est pas sans rappeler celui que le poète semble trouver au sein de cette nature bienveillante.

Pour finir, la description de la nature est ici marquée par l’impression de silence, dont on verra qu’elle est propice au recueillement et au retour sur l’intériorité. Le « murmure » des ruisseaux se fait entendre au « loin », et ce « murmure des eaux » remplace les vaines paroles humaines, dont le poète veut s’éloigner par sa promenade. Ouvert aux sensations diverses, visuelles, auditives ou tactiles, le poète se recueille dans le silence et « voit la vie, à travers un nuage ». Il est traversé par des émotions contradictoires, où se mêlent la nostalgie du passé et l’espoir d’un profond apaisement, puisé dans le présent de la nature.

Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Phrase d’accroche : générale, permettant d’amener le sujet
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
3è idée de la 1ère partie (donc 3è alinéa)
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Résumé de l’idée précédente (transition) et annonce de la 2è idée
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Première idée de la première grande partie
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Annonce du plan
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Problématique
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Au-delà d’une promenade romantique dans de « beaux lieux », le poème fait en effet écho à ce que Musset appellera plus tard le « mal du siècle ». Exprimant le désenchantement qui habite son époque, le locuteur du poème exprime un profond sentiment de lassitude, voire de dégoût, à l’égard du passé et de la vie en général. La récurrence de l’emploi du passé composé, temps qui souligne le caractère accompli d’une action passée, met en valeur cette fatigue de l’être, marquée aussi par la répétition de l’adverbe « trop » : « J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie » nous dit le poète, et ce qui devrait être du côté de la vie (sentir, aimer) est présenté comme pesant, inutile, vain comme la « poussière » que le poète secoue à ses pieds.

Face à ce « bruit lointain du monde qui arrive en expirant », le présent est celui d’une « âme troublée » qui vient chercher « l’oubli ». Mais la pensée du poète, se détournant du passé, est irrésistiblement happée par le futur, sombre et sans issue. Certaines strophes du poème présentent en effet un ton tragique, qui rappelle le désespoir exprimé par le poète dans « Le lac » : on peut y lire de douloureuses réflexions sur la fuite irrémédiable du temps, et ce thème hautement romantique s’exprime naturellement dans la symbolique du paysage. En effet, le « chemin » par lequel l’homme « ne repasse jamais » - on notera le présent de vérité générale qui souligne le passage de la description à la « méditation » - est à la fois linéaire et dans un mouvement descendant, puisqu’il descend « le sentier des tombeaux ». L’ombre de la mort plane sur ce paysage naturel, et l’homme cherche sa place dans une nature qui, contrairement à lui, a le bonheur de renaître au rythme des saisons.

Pour finir, nous allons voir comment le travail de l’écriture elle-même se présente dans ce poème comme une œuvre de réconciliation – du poète avec le monde, de l’homme avec le temps qui passe, de la mort avec la beauté. D’emblée, le locuteur du poème semble gagné par la « paix » des lieux qui l’entourent : « Mon cœur est en repos, mon âme est en silence » écrit le poète, soulignant par l’équilibre de la construction rythmique de ce vers le chemin qu’il fait vers la sérénité. Mais on note par ailleurs le dédoublement énonciatif qui marque la fin du poème, le locuteur faisant usage de l’impératif pour s’adresser à son « âme » et l’inviter au repos : « la nature est là qui t’invite et qui t’aime ; plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ». D’une certaine façon, le poète lance la même invitation au lecteur, puisqu’il généralise son propos en faisant usage de la première personne du pluriel (« nos »).

Ainsi, non seulement l’écriture poétique apparaît comme une invitation à se réconcilier avec la nature, mais à un niveau symbolique, Lamartine propose de lire dans la nature une façon d’être au monde qui permettrait à l’homme de retrouver une forme de sérénité existentielle. En avance sur Baudelaire qui présente la nature comme une « forêt de symboles » (cf. le poème « Correspondances »), le poète romantique entend prêter « l’oreille aux célestes concerts » et percer le « mystère » de la nature qui entre en résonnance avec celui de l’esprit humain. Pour cela, regarder la mort comme un retour à un état proche de l’enfance, ou de ce qui la précède – la description du vallon rappelant dans une certaine mesure celle du sein maternel – est une manière pour le poète de rejoindre la temporalité cyclique de la nature, et d’y (re)trouver profondément sa place.

Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Résumé de l’idée précédente et annonce de la 2è idée
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Idée générale de la 3è partie.
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Résumé de la 2è partie
Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Idée générale de la 2è grande partie. On saute une ligne entre les grandes parties.
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Enfin, du point de vue de l’écriture même du poème, le travail de Lamartine est celui d’une recherche de beauté formelle, la versification harmonieuse venant résoudre les tensions qui habitent le sujet lyrique. On notera tout particulièrement la coïncidence forte entre le mètre et la syntaxe, qui produisent une impression d’équilibre rythmique correspondant à la sensation de calme ressentie par le locuteur. Loin du vers hugolien, tortueux, jouant des rejets et des ruptures de rythme, l’écriture de Lamartine est toute clarté et limpidité, à l’image de la nature qui lui inspire ces « méditations poétiques ».

A travers une forme tout à fait classique, Lamartine fait donc entendre une sensibilité nouvelle, qu’il déploie à travers un poème qui allie sensations et réflexions. Sans sombrer dans la nostalgie ou la noirceur, le verbe du poète se fait le vecteur d’une communion entre l’homme et le monde, dans un esprit qui annonce le mouvement symboliste de la deuxième partie du 19è siècle.

Donatienne Du Jeu, 04/10/12,
Début de la conclusion. Sauter une ligne avant.