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L’Amazonie fertilisée par… la poussière du Sahara Portion du fleuve Amazone vue depuis l'espace. © NASA. Représentant à elle seule environ la moitié des forêts tropicales de la planète, l'Amazonie est un écosystème important pour la régulation de toute la Terre. Comme l'explique une équipe américaine dans une étude à paraître dans les Geophysical Research Letters (GRL), "des changements relativement modestes dans la couverture et la productivité forestières pourraient avoir des conséquences importantes, à l'échelle régionale ou globale, sur le cycle du carbone, celui de l'eau, la circulation atmosphérique et le climat". Or cette productivité est limitée par la disponibilité des nutriments et en particulier par la présence ou non de phosphore dans le sol. On parle peu de lui, pourtant le phosphore est un élément indispensable aux plantes et aux animaux, un "véritable facteur limitant du vivant", pour reprendre l'expression de feu Jean- Claude Fardeau, qui était spécialiste de la question à l'Institut national de recherche agronomique (INRA). En plus de constituer un des éléments de base de la double hélice d'ADN, le phosphore est la clé de voûte du métabolisme énergétique chez tous les êtres vivants, par l'entremise de la molécule d'ATP (adénosine triphosphate). Qu'on soit arbre ou humain, champignon ou escargot, rien n'est possible sans phosphore. Or on estime que 90 % des sols de l'immense bassin amazonien – 960 millions d'hectares – en manquent, lessivés par les pluies et les eaux de ruissellement. D'où l'intérêt de ces chercheurs américains pour la manière dont cet élément est naturellement apporté à la région, le plus surprenant de ces apports étant celui... du désert du Sahara.

L’Amazonie Fertilisée Par La Poussière Du Sahara

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Représentant à elle seule environ la moitié des forêts tropicales de la planète, l'Amazonie est un écosystème important pour la régulation de toute la Terre. Comme l'explique une équipe américaine dans une étude à paraître dans les Geophysical Research Letters (GRL), "des changements relativement modestes dans la couverture et la productivité forestières pourraient avoir des conséquences importantes, à l'échelle régionale ou globale, sur le cycle du carbone, celui de l'eau, la circulation atmosphérique et le climat". Or cette productivité est limitée par la disponibilité des nutriments et en particulier par la présence ou non de phosphore dans le sol.

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  • LAmazonie fertilise par la poussire du Sahara

    Portion du fleuve Amazone vue depuis l'espace. NASA.

    Reprsentant elle seule environ la moiti des forts tropicales de la plante, l'Amazonie est un cosystme important pour la rgulation de toute la Terre. Comme l'explique une quipe amricaine dans une tude paratre dans les Geophysical Research Letters (GRL), "des changements relativement modestes dans la couverture et la productivit forestires pourraient avoir des consquences importantes, l'chelle rgionale ou globale, sur le cycle du carbone, celui de l'eau, la circulation atmosphrique et le climat". Or cette productivit est limite par la disponibilit des nutriments et en particulier par la prsence ou non de phosphore dans le sol.

    On parle peu de lui, pourtant le phosphore est un lment indispensable aux plantes et aux animaux, un "vritable facteur limitant du vivant", pour reprendre l'expression de feu Jean-Claude Fardeau, qui tait spcialiste de la question l'Institut national de recherche agronomique (INRA). En plus de constituer un des lments de base de la double hlice d'ADN, le phosphore est la cl de vote du mtabolisme nergtique chez tous les tres vivants, par l'entremise de la molcule d'ATP (adnosine triphosphate). Qu'on soit arbre ou humain, champignon ou escargot, rien n'est possible sans phosphore. Or on estime que 90 % des sols de l'immense bassin amazonien 960 millions d'hectares en manquent, lessivs par les pluies et les eaux de ruissellement. D'o l'intrt de ces chercheurs amricains pour la manire dont cet lment est naturellement apport la rgion, le plus surprenant de ces apports tant celui... du dsert du Sahara.

    http://onlinelibrary.wiley.com/enhanced/doi/10.1002/2015GL063040/?campaign=wlytk-41855.6211458333http://www.agriculture-nouvelle.fr/phosphore-fertilisation-indispensable/http://www.agriculture-nouvelle.fr/phosphore-fertilisation-indispensable/http://fr.wikipedia.org/wiki/Ad%C3%A9nosine_triphosphatehttp://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/files/2015/02/NASAs-World-Wind.jpg

  • A des milliers de kilomtres de l'Amazonie, par-del l'ocan Atlantique et par-del une bonne part du continent africain, on trouve la dpression du Bodl. Ce vestige du mga lac Tchad, lequel, il y a quelques dizaines de millnaires, couvrait au moins 1 million de kilomtres carrs, est une zone aride et la plus abondante source de poussires du monde. Le sol a gard la trace de son pass lacustre sous forme de diatomite, une roche faite de carapaces de diatomes, des algues unicellulaires. Extrmement friable, la diatomite part en poussires et avec celles-ci s'envole, pour un long voyage, le phosphore autrefois contenu dans les algues.

    L'tude paratre dans les GRL a quantifi la quantit de poussires africaines transportes chaque anne par les vents en direction du continent amricain et la part qui se dpose dans le bassin amazonien. Pour ce faire, les chercheurs ont analys sept ans de donnes de Calipso, un satellite scientifique franco-amricain (CNES-NASA) lanc en 2006 pour tudier l'impact des nuages et des arosols, ce afin d'amliorer les modlisations du climat. Calipso utilise un lidar (sorte de radar o les ondes radio sont remplaces par un laser) qui "scanne" les diffrentes strates de l'atmosphre.

    Les quantits de poussires arraches au sol varient d'une anne sur l'autre, beaucoup si le Sahel est rest sec, peu s'il a plu sur la rgion. Quoi qu'il en soit, en moyenne, ce sont 182 millions de tonnes d'arosols qui, chaque anne, quittent le Sahara pour traverser l'Atlantique. Cela en fait le plus grand transport de poussires l'uvre sur cette plante. Sur ce total 27,7 millions de tonnes retombent sur l'Amazonie, soit presque 29 kilogrammes par hectare et par an, une estimation cohrente avec les mesures de particules effectues au sol en Guyane. Evidemment, la quantit de phosphore contenue dans les poussires est nettement plus faible. Les chercheurs ont estim que 22 000 tonnes annuelles de phosphore saharien se dposaient dans le bassin amazonien, ce qui donne un petit 23 grammes par hectare et par an.

    Cela ne reprsente que 13 % de l'apport de phosphore via l'atmosphre mais, selon l'tude, ce sont 23 grammes capitaux car cette quantit est comparable ce qui est perdu annuellement par un hectare (entre 8 et 40 grammes). L'apport saharien compense donc la perte naturelle. L'tude conclut que, sans les poussires venues d'Afrique, le lessivage des sols viderait le rservoir amazonien de phosphore en l'espace de quelques sicles voire en quelques dcennies. Le premier auteur de ce travail, Hongbin Yu, chercheur l'universit du Maryland et la NASA, souligne quel point la poussire "est une composante essentielle du systme Terre. La poussire a un effet sur le climat et, l'inverse, le changement climatique aura un effet sur la poussire." Ajoutons qu'il y a une certaine beaut voir une des zones les plus inhospitalires et les plus vides de plantes de la plante fertiliser la rgion qui symbolise la plus luxuriante des vgtations.

    http://smsc.cnes.fr/CALIPSO/Fr/index.htmhttp://smsc.cnes.fr/CALIPSO/Fr/index.htmhttps://www.youtube.com/watch?v=ygulQJoIe2Y