L‘Amour Sauvera

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U N E C O L L E C T I O N D PA N O U I S S E M E N T I N T R I E U R

Dirige par Anne Ducrocq

On nat, on grandit, on vit, on prend des coups, on

stonne. On esquive, on mrit, on gurit, on avance.

Et parce que la vie est la vie et quelle nous veut du

bien, on rencontre sur le chemin des livres de sagesse

et dpanouissement intrieur: on y apprend respirer

avec le cur; la vie sy faule, vaste et libre, toujours

en train de commencer.

Car il ne suffit pas dtre n, il faut renatre lessentiel.

Des histoires personnelles aux expriences univer-

selles, de la foi au combat spirituel, des preuves

lamour, des blessures la fin de vie,

tout est vivre.

A. D.


N en 1931, comdien de thtre et de cinma ayant tra-vaill sous la direction des plus grands (Beckett, Duras, Welles, Losey, Tru aut, Annaud), Michael Lonsdale est un artiste considrable. Il a reu en 2010 le csar du meilleur second rle masculin pour son inoubliable interprtation du rle de frre Luc dans le lm de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux.


M i c h a e l L o n s d a l e

L A M O U R S A U V E R A L E M O N D E

Mes plus belles pages chrtiennes

Philippe Rey


Les titres des extraits duvre ont parfois t ajouts par lauteur.

Les rfrences bibliographiques des uvres cites se trouvent en n douvrage.

isbn 978-2-7578-4814-2(isbn 978-2-84876-198-5, 1re publication)

ditions Philippe Rey, 2011

Le Code de la proprit intellectuelle interdit les copies ou reproductions destines uneutilisation collective. Toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite par quelqueprocd que ce soit, sans le consentement de lauteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitueune contrefaon sanctionne par les articles L.335-2 et suivants du Code de la proprit intellectuelle.


9LAmour sauvera le monde

Dostoevski a crit cette phrase devenue clbre : La beaut sauvera le monde. Jai longtemps nourri cet espoir, moi aussi, puisque la con ance en lart a guid ma vie de comdien et dacteur.

Pourtant, de la beaut, jai ressenti les limites. Elle lve les sentiments, gurit, soulage, donne une raison davancer, de faire un effort sur soi-mme. Mais elle ne peut pas retourner une me, la diriger vers une lumire neuve. Cela, seul lamour le peut.

Oui, je le crois profondment, cest lamour qui changera le monde. Le vritable amour, celui qui unit Dieu toute Sa Cration. Le jour o les hommes rpondront cet appel damour, ils en seront transforms, et le monde sera sauv.

Lamour de Dieu permet de dcouvrir quel point ltre humain est extraordinaire, quel


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quil soit. Chacun dentre nous est une espce de trsor, mme si nous sommes mal chus et par moments insupportables. Cest magni que, une personne magni que, ce quil y a en elle de paix, de chagrin, de joie. Le genre humain est un sujet de contemplation pour moi, de plus en plus : je vois Dieu dans les tres, je sais quIl est l, mme si cach souvent, parfois enferm, mur dans beaucoup dindividus qui ne Le connaissent pas et qui en sou rent. ceux-l, je dis quil existe quelque chose qui peut leur changer la vie, les rendre plus heureux.

Chacun a son mystre Le mien, sil en est, se trouvera ici clair par les choix que la vie ma amen faire, sous le et conjugu de la volont et du hasard. Le hasard ? Jen rappellerai la d nition dEinstein : cest Dieu qui descend incognito sur la terre.

Mon chemin vers la foi

Si loin que je men souvienne, la foi mest venue tout doucement Je navais pas t baptis enfant. Mon pre tait protestant, non pratiquant. Ma mre tait catholique, mais gardait un trs


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mauvais souvenir de son ducation chez les surs en Angleterre, coups de menaces : tu seras damne , tu iras en enfer Elle nest pas reste hostile au Christ, puisquelle sest remise pratiquer pass 60 ans, aprs avoir relu Pascal.

Tout petit, jtais attir par Dieu. Dieu, plus que par la religion. Rabat o nous vivions, une amie de ma mre, peintre, memmenait parfois le dimanche la cathdrale o jaimais lodeur de lencens. Un jour, force dentendre rpter Allluia , jai demand la dame qui maccompagnait : Luia, cest qui ? Cest dire si jtais dou

Une autre relation de maman, adventiste, lui avait dit : Ce petit a des dispositions. Des dispositions spirituelles ? En tout cas, cest aprs une crmonie au temple o elle mavait emmen quelle formula ce diagnostic. Je me souviens de mtre lev pendant lo ce et davoir pris la parole Pour dire quoi ? Comme souvent, limpression seule demeure, tandis que le contenu se ace. Cest ainsi que les choses se sont imprimes en moi, sous forme de sensations plus que dides. Je me rappelle des chants religieux, une nuit de Nol, qui mavaient grandement mu. Mais tout a nallait pas plus loin.


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Quand on leur demandait si je serais un jour baptis, mes parents rpondaient que je choisirais moi-mme plus tard. Mon pre ne parlait jamais de religion. Ma mre, elle, restait ouverte la foi. Ds mon plus jeune ge, elle mavait donn un livre, Th e Life of Jesus, qui mavait beaucoup plu et que jai toujours.

Mon cheminement spirituel a vraiment com-menc grce un musulman, un antiquaire de Fs. Cet homme de belle prestance avait t engag pour jouer dans un lm. Nous tions plusieurs jeunes qui nous retrouvions autour de lui pour parler de Dieu. Jaimais sa faon de sexprimer, il mimpressionnait. tel point que je me suis dit un moment : je vais peut-tre me faire musulman, pourquoi pas ?

Mon baptme

Aprs la guerre, mes parents se sont spars et jai vcu dans ma famille maternelle, que je connaissais trs peu. Jtais soudain plong dans un milieu trs cultiv, jtais terroris par Paris que je trouvais abominable, triste et noir. Cest lart qui ma o ert lvasion intrieure dont javais besoin.


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Jai frquent les Ateliers dart sacr fonds par Maurice Denis, place de Frstenberg, dans lancien atelier de Delacroix. Cest l que jai assist une confrence dun dominicain, le pre Pie Raymond Rgamey. Cet homme tellement lucide et clairvoyant sur ce qutaient la foi et lart ma fascin : il est devenu mon pre spirituel et ma propos de me faire baptiser, lge de 22 ans. Mon baptme fut une vritable initiation. En pleurant toutes les larmes de mon corps, je dis oui , dans une adhsion absolue.

Au mme moment, la providence ma envoy ma marraine. Ctait une aveugle, qui a dbarqu dans ma vie et ma conduit dune faon maternelle vers la foi en mexpliquant tout.

Mon chemin navait rien de lisse, cependant. Jy avanais cahin-caha, loin dtre un chrtien modle. Modle, au sens o lon adopte le mode de vie chrtien prcisment balis par la pratique : la messe chaque jour, la confession rgulirement. Beaucoup de chrtiens sy conforment. Je ne faisais rien de tel. Je ne priais mme pas. Mais je rencontrais des gens fabuleux. Des sommits en matire de thologie au couvent Saint-Jacques, comme le pre Marie-Dominique Chenu ou le pre Yves Congar. Des gens dune ouverture


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desprit, dun accueil et dune gentillesse hors du commun. Javais accs un autre monde. Jtais heureux.

La bondieuserie me rvulsait. Javais reu un missel pour mon baptme, mais je con ai un jour au pre que je ne pouvais pas supporter ce livre. Il me faisait le et dune bimbeloterie. Il se fcha : Ce nest pas srieux, ce que vous dites. Non seulement ctait srieux, mais ctait mme le signe que je ne parvenais pas mintgrer dans le milieu pratiquant. La paroisse de mon quartier me paraissait insupportable. Je my ennuyais souvent prir, tout me semblait surann, le crmonial englu dans de vieilles histoires et de vieux chants. En mme temps, au fur et mesure de mes rencontres, un monde de plus en plus vaste souvrait moi. Jai connu lglise Saint-Sverin le pre Joachim Moubarac, Libanais maronite, qui est devenu un grand ami. Grce lui, et dautres aussi, je comprenais que la vie spirituelle ne se bornait pas forcment aux limites dune pratique : ctait des gens ouverts lart et tous les cultes.

Jai assist aux confrences du fameux pre Maurice Zundel, venu de Lausanne, invit par les dominicains. Il prcha tout doucement lAvent,


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Saint-Sverin, et ctait surnaturel. Ses ides taient si avances que lglise lui avait conseill de prendre quelque repos en Suisse. Dans lglise on trouve des mdiocres ct de gens fabuleux ! Zundel disait que Dieu tait la faiblesse mme, quIl navait pour lui que Son Amour. La grande rencontre avec Dieu, disait-il, cest le Jeudi saint. Ce jour-l, le Christ a lav les pieds de ses disciples. Il ne faut pas voir Dieu sur Son trne, dans une magni cence pleine de navet. Dieu na pas de forme, il ne sagit pas de Le faire parler. Sa forme humaine est le Christ. Dieu, Lui, cest lamour, seulement lamour. Libre chacun de le recevoir.

Le pre Zundel tait un tout petit bonhomme, frileux et drle. Jtais si timide que je nosais pas lui parler. Ctait une lumire, de ces grands esprits toujours un peu en avance. Les dominicains sont souvent, eux aussi, des tres prophtiques, preuve les prtres ouvriers, qui on interdit de donner les sacrements. Ce poids de la tradition est un pige terrible pour lglise, qui devrait plutt savoir tre mouvante comme la vie. Il ne su t pas de trouver des formules et de sy tenir sans rien changer. Non, il faut que lEsprit avance, quil reconsidre toujours les choses. Il est bon parfois, sinon de tout transformer lvangile nen a


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certes pas besoin , du moins de modi er un peu, travers quelques mots. Dans le Notre Pre , par exemple, on trouve cette formule : Que Ta volont soit faite. Certains ont propos une autre traduction : Que Ton dsir soit accompli. Je trouve cette expression in niment plus belle.

Sauv par lEsprit-Saint

Jusqu lge de 40 ans, tout se passa bien. Puis, en lespace dune anne, jai perdu ma mre, ma tante, mon oncle, ma marraine, dautres proches. Jai plong dans une sorte de dsert de tristesse, de dsespoir. Jai eu seulement la force de dire : Seigneur, sauve-moi parce que je ne sais pas si je vais continuer vivre.

La rponse est venue de mon parrain, qui passait par hasard Paris. Voyant mon tat, il ma emmen Saint-Franois-Xavier. L, jai dcouvert une assemble de trois cents personnes, joyeuses, qui levaient les mains dans une merveilleuse allgresse commune. Jai t boulevers par leur communion dans lEsprit-Saint. Je suis n le jour de la Pentecte, et lide de lEsprit a toujours fait natre en moi une motion sublime. Ce spectacle


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ma port au plus haut. Chacun y recevait lappel de Dieu sa faon. Par la suite, je me suis rendu des journes de gurison, organises par le pre Emiliano Tardif. Jai vu des malades gurir.

Jaime beaucoup le Renouveau charismatique, qui reprsente une grande ouverture. Ces chrtiens partagent et accueillent, on prie ensemble. Ce sont des protestants, dans des universits amricaines, qui ont lanc ce mouvement au cours des annes soixante-dix. Il prne un retour lEsprit-Saint, dveloppe le charisme en nous, car nous sommes tous trs dous, nous avons des talents inconnus de nous-mmes. Les charismatiques reprennent la parole de saint Paul dans lptre aux Corinthiens : Il y a diversit de dons, mais le mme Esprit ; diversit de ministres, mais le mme Seigneur ; diversit doprations, mais le mme Dieu qui opre tout en tous. Or, chacun la manifestation de lEsprit est donne pour lutilit commune.

Renouveau, partage, chants : les assembles sont merveilleuses. Jprouvais des di cults prier en solitaire. Ces groupes ont servi de dclencheur. On a pri pour moi. Jai pri pour les autres. Dsormais, la prire surgit, spontanment. Nim-porte o : dans le mtro, pendant un djeuner. Dans la beaut et le partage.


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Chrtien charismatique, je souhaite lvolution de lglise, louverture, la communication hors de tout esprit de paroisse. Jai fait plusieurs retraites Laval, Notre-Dame de Port-du-Salut, labbaye de Lrins sur lle Saint-Honorat. Ce sont des lieux de repos, de mditation. Le silence est dor dans ce bruyant monde moderne, o lon narrte pas de gesticuler. Jai besoin de silence. Je connais bien la rgle de saint Benot. Certes, on ne peut pas lappliquer dans notre vie quotidienne, au troisime millnaire, mais on peut sen inspirer : cest un exemple de fraternit vraie.

Depuis les vangiles le Seigneur nous demande notre amiti ! Jessaie de vivre ainsi le plus pos-sible. Ma journe est remplie de prire, comme un dialogue incessant avec Lui. Je donne tous les moments que je vis au Seigneur. Cest une intimit, un partage immdiat avec Lui. Il mest arriv de prier sur scne, quand je navais pas parler, pendant dix minutes. Le public ne le voyait pas Mais surtout, jessaie daimer tous ceux qui mentourent. Car le message du Christ passe dabord par lamour du prochain.

tre chrtien, cest rpondre aux propositions du Christ. Cest un mode de vie, je nen ai pas trouv de plus beau, jy adhre compltement.


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Le Seigneur est exigeant, cest di cile dobir. Sa demande parat simple, pourtant : Aimez-vous les uns les autres. Mais on a du mal la mettre en pratique, on a souvent tendance critiquer les autres, porter un jugement.

Je ne suis plus le mme depuis que la foi ma retourn . Jtais un chrtien un peu tide, vivant gostement. La foi ma appris le pardon et le refus du jugement. La religion est devenue lessentiel de ma vie, intimement lie aux deux autres piliers de mon existence que sont le cinma et la peinture. Lexpression artistique est un don de Dieu.

Continuer jouer

Associer la beaut et la foi ma aid tout au long de ma vie dacteur. Au dpart, cest le pre Carr, aumnier des artistes, qui ma recommand daller suivre les cours de Tania Balachova. Cest l que jai vritablement pris mon envol. Auprs de cette femme remarquable, pdagogue exemplaire, intelligente, amoureuse de ses lves, jai pu sortir de ma timidit. Alors que javais peur de tout, que jtais plein dinhibition, elle ma fait clore


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parmi une ppinire de talents Laurent Terzie , Jean-Louis Trintignant, Delphine Seyrig, Antoine Vitez

Tania ma dclar : Comdien vous tes, sans quoi vous ne seriez pas l, mais il faut que vous acceptiez dinterprter tous les sentiments humains, du plus terrible au plus tendre. Et elle a ajout : Vous ne ferez pas grand-chose avant lge de 30 ans parce que vous ntes ni franais ni anglais, il est di cile de vous d nir. Vous tes peut-tre belge ? Elle voulait dire que jtais ailleurs, et elle avait raison.

Cest e ectivement vers 30 ans que jai com-menc pouvoir choisir mes rles, et surtout que jai prouv un plaisir croissant. Le pre Rgamey, au moment de mon baptme, mavait nonc une grande vrit : Vous direz au public des choses que vous ne pourrez dire personne dans votre vie. Je nai jamais oubli cette phrase.

Au fond, je crois que, si jai voulu devenir comdien, ctait pour continuer jouer. Quand vous tes enfant, vous aimez que lon vous raconte des histoires. Chez moi, peut-tre cette envie sest-elle prolonge jusqu aujourdhui. Jouer est une faon dchapper moi-mme. Jai t un enfant adultrin, comme on disait lpoque :


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ma mre est partie avec un autre homme alors quelle tait marie. Mon grand-pre maternel tait un enfant naturel, de mme que mon arrire-grand-pre : trois gnrations. On ma cach pendant longtemps, ctait la honte de la famille. Comme les enfants ressentent tout, il est possible que jaie voulu montrer depuis que jexistais malgr tout. Jai besoin dtre sous le soleil, dattirer lattention pour compenser le fait que je ny ai pas eu droit dans mon enfance. On peut voir l un besoin damour.

Mon pre spirituel disait : Tout le monde joue un rle. Le problme, cest de le jouer bien.

Durant ma carrire professionnelle, on ma beaucoup sollicit. Jai parfois hsit entre deux propositions de rle dont lune tait spirituelle et lautre non. Dans ces cas-l, jentendais une voix qui me disait : Viens vers Moi, cest plus important que du divertissement. Jessaie de mettre Dieu en premier dans ma vie. Il ne faut pas avoir peur du changement, de sortir des sentiers battus : le Christ nous bouscule ! Les uvres de Dieu sont toujours en devenir, jamais installes dans la tranquillit.


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Il nest jamais trop tard pour le grand amour

Le cinma est plus propice que nimporte quel autre milieu pour tmoigner. Pendant longtemps les croyants nosaient pas savouer tels, parce que beaucoup de gens, les plus passionnants, taient des gens de gauche qui mprisaient la foi, la considraient comme un recul de lintelligence. Lorsque jvoquais Dieu, on me rtorquait : coute, arrte de me casser les pieds avec a ! Alors nous, les croyants, intimids, on ne disait rien, on la bouclait.

Un de mes grands amis, Mgr Dominique Rey, maintenant vque de Toulon, ma dit : Quand on possde un trsor comme la foi, il ne faut pas le garder pour soi, il faut le partager, en parler autour de soi. Alors, sous sa tutelle, on a fond un groupe de prire pour les artistes, qui a dur vingt ans. Ce fut une exprience formidable daccueil, de partage, de prire les uns pour les autres. Beaucoup ont dbarqu l dans des tats graves de malheur. On les a aids, on a pri pour eux. Ils ont t soulags, ils savaient quils ntaient plus seuls.


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Au fond, les artistes ne sont pas si loin de la foi : ils cherchent la beaut, la vrit, lexpression, lmotion. Mais ils font un mtier rempli de tentations : gloire, vanit, argent Dans ma vie, je nai jamais tabli de frontire entre lart et la foi. Je suis artiste et croyant. On me demande souvent comment jai pu servir avec conviction le thtre davant-garde, celui de Beckett par exemple Nest-ce pas l une remise en question de lide de Dieu ? Dans En attendant Godot, on attend longtemps, tout de mme notre poque, le spirituel sincarne plutt, comme chez Beckett, dans le dsespoir, dans un regard assez pessimiste, empli dhumour aussi, sur la condition humaine, une mise en majest du rebut humain. Un regard dune incroyable commisration.

Je pense que tous les grands artistes, croyants ou non, sont proccups par lide de Dieu. Lart est une transposition de la vie, qui tend montrer linvisible. Cette capacit de sentir et de pressentir est prsente chez beaucoup dartistes. Marguerite Duras disait toujours : Je ne crois pas en Dieu, mais jen parle tout le temps. Le Seigneur habite chez tous les tres, mme de faon souterraine

Une uvre dart est un levier considrable. Certains se sont convertis en entrant dans la


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cathdrale de Chartres, saisis par la grandeur et la beaut. Dautres en coutant de la musique, en lisant un texte, en tournant un lm comme ce jeune acteur qui est devenu moine aprs avoir jou le Christ. Quand jai mont mon spectacle sur sainte Th rse de Lisieux, une jeune femme, qui hsitait beaucoup devenir carmlite, a vu le spectacle et a dit sitt aprs : a y est, jai compris, je vais y aller.

Il ne faut jamais dsesprer, le bonheur est toujours possible. Elles sont intimidantes, nos grandes civilisations, tout devient anonyme, on nest plus personne. Les jeunes cherchent quoi se raccrocher, comment exister. On aimerait que le regard de rdemption du Christ se pose plus souvent sur les tres perdus. Lart peut y contribuer.

Jaime beaucoup la phrase de sur Emma-nuelle : Il nest jamais trop tard pour le plus grand amour. Voil une trs belle parole. Elle avait une intelligence a te, elle tait unique ! Et pour utiliser ses dons, elle a attendu davoir plus de 60 ans !

Je lai croise plusieurs fois, lt. Ctait un pistolet, elle attaquait les gens de front : Et vous, comment cest la pauvret dans votre


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vie ? disait-elle des gens trs bien, trs riches. Il sensuivait un grand silence.

Se faire linstrument du Tout-Puissant peut donner des forces. Ne dsesprons pas de lhumanit. Il faut aider le bien, le vouloir, le demander, et non attendre passivement. Pratiquer la prire, en appeler lEsprit-Saint. Mais il ne su t pas dune petite prire de temps en temps. Certains passent leur vie prier.

Frre Luc, mon ami

Le tournage du lm Des hommes et des dieux a t une tape trs importante de ma vie, ne serait-ce que parce quil ma permis de rencontrer la gure du frre Luc, de Tibhirine. Il incarne mon idal : ne plus soccuper de soi, constamment se ddier aux autres. Voil une des plus belles trajectoires de la foi.

Frre Luc est un personnage riche, magni que jouer. Jtais souvent trs mu par exemple en improvisant cette scne o on le voit se serrer contre une reproduction de la agellation : cest ainsi, tout coup, quil dit son amour pour le Christ, en acceptant de partager Sa sou rance.


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Luc tait un frre convers, pas un prtre. Les convers accomplissaient les tches domestiques, au service de la communaut des moines. On lui avait propos de devenir prtre, mais il avait refus, parce quil navait pas le temps dassister aux cinq o ces quotidiens : trop de gens attendaient pour tre soigns. Pendant cinquante ans il a exerc la mdecine, de 7 heures du matin 10 heures du soir. Il a vcu des choses trs di ciles car il a mme soign des terroristes. Si les villageois lui reprochaient : Tu aides les gens qui nous tuent , il rpondait : Moi, cest ce quil y a derrire le costume qui mintresse.

Quand on lui a propos de partir se reposer, il a refus : Dans une maison de retraite, je ne servirai plus rien, tandis quici je suis encore utile, alors je reste. Il avait 82 ans.

Dans ce lm, je nai pas eu limpression de jouer : jai vcu. Luc tait l, tout le temps, il ma prt son esprit pour interprter le rle. Il guidait mes paroles. Juste avant de tourner la scne dans laquelle la petite Algrienne me pose des questions sur la vie et lamour, le metteur en scne, Xavier Beauvois, ma annonc quil ntait pas content de son texte et ma demand dimproviser. Jai donc laiss libre cours ma


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voix : les mots sont venus tout seuls. Jai parl au nom de Luc. Quand on a a aire un tre aussi fort, il ne sagit pas de jouer, mais de se laisser habiter par ses paroles.

La vie exemplaire de frre Luc illustre parfai-tement cette phrase de la Bible : Il ny a pas de plus grand amour que de donner sa vie ceux quon aime. Ce saint homme a o ert sa vie Dieu, mais aussi tous ceux quil aidait chaque jour. Luc aimait les Algriens. En refusant de quitter le monastre, il est all jusquau sacri ce. Il est toujours prsent dans ma prire, cest un grand modle pour moi.

Luc aimait la musique. Il avait souhait que lon crive sur sa tombe une phrase de Piaf : Je ne regrette rien. Tous les soirs, mme quand il tait puis, il lisait quelques pages avant de sendormir. Souvent des auteurs hostiles lglise. Il avait beaucoup dhumour

Les prtres et les moines que javais jous jusque-l taient des tres de papier. Avec frre Luc, je mattaquais du vcu. Mon souci tait de ne pas le trahir, de ne pas dformer son caractre. Cest ainsi que frre Luc est devenu un ami.


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La grce dun tournage

Quand jai rencontr Xavier Beauvois pour la premire fois, jai aim son ton, la faon dont il parlait de son projet de lm, son air sincre. Il ma dit que je lintimidais horriblement. Que je puisse intimider quelquun, voil une chose qui me fait toujours rigoler. Il ma donn le scnario, jai demand voir ses lms. Je me suis dit : tiens, l, il y a quelquun de bien. Je connaissais lhistoire des moines de Tibhirine, javais eu le grand honneur de lire un jour, Saint-Sulpice, le fameux testament de Christian de Cherg, prieur du monastre, en prsence de sa mre, qui est morte peu de temps aprs. Ctait un coup de couteau, cette histoire. Jai tout de suite accept la proposition de Xavier Beauvois.

Le tournage fut un moment de grce. Nous tions au Maroc, dans un ancien monastre bndictin, dont lhistoire avait connu de trs belles rencontres, aux environs de 1950, entre musulmans et chrtiens. Y guraient des gens aussi prestigieux que Louis Massignon ou Lanza Del Vasto Lendroit tait depuis longtemps inoccup, les plafonds se ondraient. Il fallut


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le retaper, rinstaller une cloche. Il y rgnait la mme atmosphre qu Tibhirine, et la vue sur les collines tait splendide.

Le tournage sest droul avec une simplicit totale, sans problme, sans angoisse. Les acteurs croyants et incroyants se sont parfaitement accords : on jouait entre nous, on se respectait, on saimait beaucoup, on tait souvent trs touchs. Ctait beau de voir sengager ces acteurs dans des textes qui ntaient pas eux, mais auxquels ils taient chargs dapporter la vie. Ils lont fait avec une modestie incroyable.

Mes camarades avaient dcid de passer une semaine dans le monastre de Tami pour savoir comment les moines vivent. Ils ne connaissaient pas du tout ce monde, pensaient du moins certains dentre eux que les moines taient des pres Fouettard Ils ont t surpris de dcouvrir des tres accueillants, trs gentils, tout fait disponibles. Pendant le tournage, ils avaient cur de bien chanter, et ds quils taient ensemble, en attendant les prises de vue, ils se mettaient tous chanter, a leur plaisait beaucoup. Nous avons tch dtre justes, avec beaucoup de simplicit. Nous tions inspirs quelque chose se passait, l.


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La beaut du lm Des hommes et des dieux, cest le partage, lhumanit, la con ance quil contient. On ne peut pas tre chrtien aujourdhui et ignorer son prochain, quil soit chrtien ou musulman

Les frres de Tibhirine ont essay de comprendre le monde musulman. Ils ne voulaient pas faire de proslytisme ou convertir la population. Ils rencontraient les Algriens en tant qutres humains, pour le jardinage, le travail, les soins. Ils partageaient la vie modeste des pauvres. Sils ont t jusquau sacri ce, sils ont donn leur vie, cest parce quen partant, ils auraient eu limpression dabandonner cette population qui les aimait tellement. Cest un exemple rare et qui tonne, car on voit plus souvent des manifestations de haine entre religions. Le fanatisme islamique est e rayant, cest vrai. Mais la majorit des musulmans sou rent beaucoup de ce que ces violents font au nom du Coran. Aprs le succs du lm, jai souvent t arrt par des musulmans qui mont dit : Merci davoir montr que nous ne sommes pas tous des assassins.

Un tel lm est un exemple de vrit, de justesse. Tout tre humain recle dimmenses possibilits de gnrosit, mais elles ne sont pas toujours vcues.


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Cela sapprend, la gnrosit, comme le partage, le souci du prochain. Mais il faut quon nous en parle. Ce qui a subjugu dans cette histoire, cest la force qui se dgageait des moines de Tibhirine. On sait maintenant quil a exist des tres capables dun tel sacri ce.

Des hommes et des dieux est tomb pic dans un monde bouscul, o on ne respire plus : on cavale, on gesticule, on regarde une image, puis une autre, tout de suite, on avale des avalanches de mauvaises nouvelles. Il faut que a bouge, pas de repos. Pourtant, lexcs dimages de catas-trophes, les rapports humains devenus virtuels, les conversations interminables sur Internet, ce nest pas du partage ! La vraie vie, cest esprer, se rencontrer, se connatre !

Je crois que, dans nos vies satures, voir soudain apparatre un lm montrant des rythmes de repos et de prire, des gens calmes qui aimaient les autres, cela a tranch sur tout le reste. Ce sont de vraies drogues que ces images-l ! Le lm fait cho la part humaine, la soif de sens que chacun porte en soi. Il a rveill le meilleur de lhomme et montr que sont pos-sibles le partage et le respect entre les peuples, les religions di rentes.


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Lorsquon me demande de faire des confrences sur ma foi, sur le personnage de Luc et sur le lm, jai limpression dapporter un tmoignage utile car nous avons grand besoin de bont. Aujourdhui je suis plus heureux que jamais. Je pensais qu 80 ans jen aurais assez de bouger. Mais non, je continue parce que je peux maintenant le faire dans une grande paix.

Jai peut-tre dit dans le lm ce que je pense au fond de moi : lamour du Christ pour les hommes a toujours provoqu mon immense admiration. Il nous demande de nous aimer de la mme faon, cest un but vers lequel il faut tendre sans cesse.

Le Christ a soif de notre amour

Jsus-Christ est un exemple damour incompa-rable. Il est descendu dans la condition humaine la plus humiliante, il est devenu le pauvre des pauvres, jusqu la mort. Il voulait tre avec nous dans notre dtresse, notre misre et notre sou rance. Il nous a o ert le don ultime : sa vie.

Jsus nous dit : Prenez votre croix et sui-vez-moi. Certains ont des croix terribles : des maladies, des peurs, des angoisses, des deuils.


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Le Seigneur nous encourage les porter avec Lui. Jai eu beaucoup de sou rance dans ma vie, mais je nai jamais dsespr. La croix nest pas une n, elle conduit toujours la rsurrection. Il faut sabandonner au Christ avec con ance, on ne sera pas du. Et mme sil nous semble quIl ne fait rien pour nous, revenons sans cesse Lui, Il nous attend toujours, Il a soif de notre amour.

Jsus touche le fond de ltre humain, toujours le mme travers le temps et lespace. Il dit la vrit de lhomme, qui ne se dmode pas ! Croire en la parole du Christ, cest comprendre quil est urgent daimer. Le Christ est triste mourir quand ses enfants drapent.

Longtemps, la mchancet ma troubl. Jai finalement compris que les mchants sont malheureux parce quils ne saiment pas. Jai beaucoup de compassion pour eux. Certains nont pas damour dans leur vie, ni amour charnel, ni amour spirituel. Rien. Il ne faut pas juger, il faut couter, prendre au srieux la faiblesse, la dtresse, langoisse. Il faut o rir la parole de Dieu, le Seigneur agira ensuite. Nous ne sommes que des passeurs. Il faut donner con ance en lEsprit, en la beaut du monde, malgr le cauchemar que certains vivent.


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Dieu nest pas dans le ciel et dans les nuages. Il est, par Son Esprit, en chacun et chacune de nous. Je pense qutre croyant, cest tenter de librer lEsprit que nous enfermons double tour dans notre cur, do il ne peut plus sortir. Saimer soi-mme, cest aimer Dieu en soi, Dieu qui est au fond de soi, qui est l, qui attend quon Lui ouvre la porte. On dit toujours : Entre, Seigneur ! Moi, je dirais plutt : Sors, Seigneur ! Et sois vivant en moi !

Le miracle du pardon

Pour moi, vivre parmi les autres suppose une chose que jai dcouverte il ny a pas si longtemps : le pardon. Le pardon si essentiel que le Christ le place au centre du Notre Pre

Cest une des cls essentielles de la vie chrtienne. Nous en avons tant besoin ! Cest pour cela que nous disons sans cesse au Seigneur : Aie piti de nous, prends piti de nous , parce que nous allons chaque jour sur tant de fausses routes !

Notre pardon est capital aussi ; je my attelle avec passion. Cest dur de pardonner ceux qui nous ont fait du mal. Je connais des personnes


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qui refusent de le faire, elles en rcoltent des cancers de lme, elles rongent leur os de haine. Or le pardon est un salut de lme, il gurit les corps. On ny arrive pas tout seul, il faut presser le Seigneur de nous aider pardonner.

Jen ai fait lexprience avec mon propre pre, mort en 1954. Jai compris bien plus tard que je lui en avais voulu normment, que je le mprisais, quil me faisait honte. Tant de temps tait pass, je pensais lavoir oubli. Mais on noublie pas. Un jour, je lui ai demand pardon du fond du cur et jai pri pour lui. Jai rv de lui le lendemain mme, il venait vers moi en me tendant la main. Ce signe ma boulevers. Le pardon est miraculeux.

La paix ne relve pas de dogmes. Elle est au cur de ltre humain. Le Christ vient pour uni er : Soyez un, soyez en paix. Il nous demande la fois de pardonner ceux qui nous ont blesss, de recevoir le pardon des autres pour nos fautes, et en n de savoir nous pardonner nous-mmes. Beaucoup de gens dus par la vie se font des reproches, ils estiment quils nont pas t la hauteur. Ils vivent dans une haine inconsciente deux-mmes. Cest pourquoi la proposition chrtienne lexigence du pardon est extraordi-naire. Cest ce chemin-l qui mintresse. Dlivrer


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les autres de leur emprisonnement, des limites quils croient indpassables : voil le programme chrtien.

Se mettre lcoute par la prire

Cest trs personnel et intime, la prire. Elle arrive toute seule. Mme si on ne sest pas mis en tat, il faut y rpondre, dun coup.

La vie se situe entre deux ples contradictoires, lunivers de lintelligence et celui du cur. Pour le christianisme, cest celui du cur qui doit parler dabord. Comme dit Pascal, le cur a ses raisons que la raison ne connat pas. Je fais appel lEsprit de Dieu tous les jours. Je me dis que Dieu a un plan pour chaque tre humain et quil faut laisser la grce travailler. Voil comment je me remets quelque chose de plus profond que ma volont.

LEsprit-Saint joue un grand rle dans ma vie. Il reprsente une possibilit daller trs loin. Souvent, les hommes se sont construit des forteresses : leurs parents, leur entourage, la socit. Ils pensent que rien ne changera jamais. La foi nous amne bousculer nos habitudes, notre faon dtre, de prier. Mais il faut solliciter lEsprit-Saint, Il


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nattend que a. Les gens se plaignent : Je prie, et il ne se passe rien. Alors je leur dis quil faut continuer, quil faut insister. Mme si le Seigneur nous met lpreuve, Sa rponse arrive tt ou tard, souvent sous une forme imprvue. Il faut se mettre Sa disposition, Sa volont ne peut tre que lumineuse.

Il y a un mystre, une prsence de linvisible qui est dun autre domaine que notre volont. Tra-vailler avec le cur, cest laisser place linconnu.

Si lon cessait, ne serait-ce que le temps dune journe, de se noyer dans le bruit, si lon avait cette patience et ce courage, on obtiendrait, en se mettant lcoute, de petites indications pour atteindre de grandes richesses.

Mes plus belles pages chrtiennes

Si jai choisi de partager mes plus belles pages chrtiennes, cest une manire pour moi de rendre hommage ces hommes et ces femmes saints, moines, religieuses, prtres, crivains, personnes ordinaires , ptris de la parole du Christ, qui mont accompagn au long de ma vie. De saint Benot et sa rgle monastique sur Emmanuelle,


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militante si gnreuse ; de saint Augustin lme fervente au pre Christian de Cherg et son cur fraternel ; de Pascal et ses fulgurantes intuitions sainte Th rse de lEnfant-Jsus dans son abandon total au Christ, en passant par des crivains chers mon cur Villon, Chateaubriand, Hugo, Verlaine, Jammes, Claudel, Bobin , jaimerais faire connatre leur lumire, leur foi, leur profonde sagesse humaine.

Je voudrais marquer ici une attention spciale saint Franois dAssise. Il a t le premier saint que jai aim, une poque o je ntais mme pas encore baptis. Javais 8 ans. Jai plus tard mont un spectacle sur les Fioretti, avec quinze des cinquante textes, dont le merveilleux discours aux oiseaux. Chaque fois que je les relis, ces paroles me pntrent le cur, je sens quil y a une vrit dans le fait de parler aux animaux, de les aimer beaucoup. Je suis trs sensible lenfance, et Franois, cest un enfant qui a grandi dans la vrit.

Je suis fascin par sa vocation : il a tout aban-donn, mme la richesse de son pre, pour se mettre nu. Il sest dpouill pour rejoindre les pauvres. Moi, les pauvres me gnaient beaucoup autrefois, je les envoyais balader. Puis jai eu honte.


Chaque tre humain est un trsor irremplaable, une cration de Dieu. Il est l dans le pauvre comme dans le riche. Franois est un modle de pauvret, il nous apprend tre attentifs la tristesse et la misre humaine. Il faut prendre le temps de relire sa vie, essayer de sapprocher de lui le plus possible.

Saint Franois ne nous montre-t-il pas que la modestie et le dpouillement sont indispensables pour nous rapprocher de Dieu, pour sentir Sa prsence continuelle ?

Sa parole sadresse nous encore aujourdhui : Vous avez bien sujet de louer votre Crateur et de Laimer toujours.

Oui, voil le plus beau des chemins : tre amoureux du monde, aimer les tres humains comme soi-mme. On trouve l une immense paix.

Au fond, qui est vraiment Dieu ? Pour moi, Il est la somme de tout lamour du monde.

Michael Lonsdale


MES PLUS BELLES PAGES CHRTIENNES


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Et la bannire quil dploie sur moi, cest lamour

Je suis un narcisse de Saron, Un lis des valles.Comme un lis au milieu des pines, Telle est mon

amie parmi les jeunes lles.Comme un pommier au milieu des arbres de la fort,

Tel est mon bien-aim parmi les jeunes hommes. Jai dsir masseoir son ombre, Et son fruit est doux mon palais.

Il ma fait entrer dans la maison du vin ; Et la bannire quil dploie sur moi, cest lamour.

Soutenez-moi avec des gteaux de raisins, For-ti ez-moi avec des pommes ; Car je suis malade damour.

Que sa main gauche soit sous ma tte, Et que sa droite membrasse !

Je vous en conjure, lles de Jrusalem, Par les gazelles et les biches des champs, Ne rveillez pas, ne rveillez pas lamour, Avant quelle le veuille.


Cest la voix de mon bien-aim ! Le voici, il vient, Sautant sur les montagnes, Bondissant sur les collines.

Mon bien-aim est semblable la gazelle Ou au faon des biches. Le voici, il est derrire notre mur, Il regarde par la fentre, Il regarde par le treillis.

Mon bien-aim parle et me dit : Lve-toi, mon amie, ma belle, et viens !

Cantique 2,1-10

Le Cantique des cantiques est un des plus grands pomes de la Bible. Il est constitu dune suite de chants damour alterns entre une femme et un homme. Sa composition est attribue un compilateur du IVesicle av.J.-C. qui y aurait fondu diff rents pomes. On a avanc lhypothse que le Cantique des cantiques ait t rdig par le roi Salomon ou par une femme Le livre a dabord t rejet cause de son caractre profane, dont tmoignent les nombreuses images rotiques quil contient, mais ila t nalement conserv dans le corpus biblique comme allgorie de la relation damour quentretiennent le Christ et son glise, ou le Christ et lme humaine.


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Comprenez-vous ce que je vous ai fait ?

Avant la fte de Pques, Jsus, sachant que son heure tait venue de passer de ce monde au Pre, et ayant aim les siens qui taient dans le monde, mit le comble son amour pour eux.

Pendant le souper, lorsque le diable avait dj inspir au cur de Judas Iscariote, ls de Simon, le dessein de le livrer,

Jsus, qui savait que le Pre avait remis toutes choses entre ses mains, quil tait venu de Dieu, et quil sen allait Dieu,

Se leva de table, ta ses vtements, et prit un linge, dont il se ceignit.

Ensuite il versa de leau dans un bassin, et il se mit laver les pieds des disciples, et les essuyer avec le linge dont il tait ceint.

Il vint donc Simon Pierre ; et Pierre lui dit : Toi, Seigneur, tu me laves les pieds !

Jsus lui rpondit : Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientt.


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Pierre lui dit : Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jsus lui rpondit : Si je ne te lave, tu nauras point de part avec moi.

Simon Pierre lui dit : Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tte.

Jsus lui dit : Celui qui est lav na besoin que de se laver les pieds pour tre entirement pur ; et vous tes purs, mais non pas tous.

Car il connaissait celui qui le livrait ; cest pourquoi il dit : Vous ntes pas tous purs.

Aprs quil leur eut lav les pieds, et quil eut pris ses vtements, il se remit table, et leur dit : Com-prenez-vous ce que je vous ai fait ?

Vous mappelez Matre et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis.

Si donc je vous ai lav les pieds, moi, le Seigneur et le Matre, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ;

Car je vous ai donn un exemple, a n que vous fassiez comme je vous ai fait.

Jean 13, 1-15


Saint Jean tait le plus jeune aptre du Christ, celui qui il est rfr comme ledisciple que Jsus aimait . Selon la tra-dition, il se serait retir la n de sa vie sur lle de Patmos pour y rdiger son vangile. Les exgtes saccordent aujourdhui pour dire que ce texte eut plutt plusieurs rdacteurs. Cest lvangile o la plus grande part est donne aux paroles que le Christ a prononces. Ce passage du lavement des pieds montre le Christ dans son humilit et son service aux autres.


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Un seul et mme Esprit

Il y a diversit de dons, mais le mme Esprit ;Diversit de ministres, mais le mme Seigneur ;Diversit doprations, mais le mme Dieu qui

opre tout en tous.Or, chacun la manifestation de lEsprit est donne

pour lutilit commune.En e et, lun est donne par lEsprit une parole

de sagesse ; un autre, une parole de connaissance, selon le mme Esprit ;

un autre, la foi, par le mme Esprit ; un autre, le don des gurisons, par le mme Esprit ;

un autre, le don doprer des miracles ; un autre, la prophtie ; un autre, le discernement des esprits ; un autre, la diversit des langues ; un autre, linterprtation des langues.

Un seul et mme Esprit opre toutes ces choses, les distribuant chacun en particulier comme il veut.

Saint Paul, 1 Corinthiens 12, 4-11


Saint Paul (v. 8-v. 67), juif de Tarse, a longtemps t un pourfendeur des premiers chrtiens avant de subir une foudroyante conversion sur la route de Damas. Il devient alors le plus important propagateur de la nouvelle religion, celui dont les ptres aux communauts parses de chrtiens constituent jusqu aujourdhui le socle thologique de lglise. Ce passage de la premire ptre aux Corinthiens montre lerle essentiel de lEsprit-Saint dans nos vies, aujourdhui.


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Si je nai pas la charit, je ne suis rien

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je nai pas la charit, je suis un airain qui rsonne, ou une cymbale qui retentit.

Et quand jaurais le don de prophtie, la science de tous les mystres et toute la connaissance, quand jaurais mme toute la foi jusqu transporter des montagnes, si je nai pas la charit, je ne suis rien.

Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mme mon corps pour tre brl, si je nai pas la charit, cela ne me sert de rien.

La charit est patiente, elle est pleine de bont ; la charit nest point envieuse ; la charit ne se vante point, elle ne sen e point dorgueil,

Elle ne fait rien de malhonnte, elle ne cherche point son intrt, elle ne sirrite point, elle ne souponne point le mal,


Elle ne se rjouit point de linjustice, mais elle se rjouit de la vrit ;

Elle excuse tout, elle croit tout, elle espre tout, elle supporte tout.

La charit ne prit jamais.Saint Paul, 1 Corinthiens 13, 1-8

Lors de son deuxime voyage en mission, saint Paul passa dix-huit mois dans laville grecque de Corinthe. Lglise quil y fonda comprenait surtout danciens paens appartenant des milieux modestes.Corinthe connaissait alors une grande prosprit, mais limmoralit y tait grande, do plusieurs lettres de saint Paul par la suite sur des sujets aussi divers que lunit des chrtiens, la consommation de viandes, le mariage, les dons du Saint-Esprit, et ici, pour lun des plus beaux et clbres passages de toutes les ptres, sur limportance in nie de la charit (du mot latin caritas : amour).


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Que jai commenc tard vous aimer !

Que jai commenc tard vous aimer, beaut si ancienne et si nouvelle ! Que jai commenc tard vous aimer ! Vous tiez au-dedans de moi ; mais, hlas ! Jtais moi-mme au-dehors de moi-mme. Ctait en len-dehors que je vous cherchais. Je courais avec ardeur aprs ces beauts prissables qui ne sont que les ouvrages et les ombres de la vtre, cependant que je faisais prir misrablement toute la beaut de mon me, et que je la rendais par mes dsordres toute monstrueuse et toute di orme. Vous tiez avec moi, mais je ntais pas avec vous. Car ces beauts qui ne seraient point du tout si elles ntaient en vous, mloignaient de vous. Vous mavez appel : vous avez cri, et vous avez ouvert les oreilles de mon cur en rompant et en brisant tout ce qui me rendait sourd votre voix. Vous avez frapp mon me de vos clairs : vous avez lanc vos rayons sur elle, et vous avez chass toutes les tnbres qui la rendaient aveugle au milieu


de votre lumire mme. Vous mavez fait sentir lodeur incomparable de vos parfums, et jai commenc ne respirer que vous, et soupirer aprs vous ; jai got la douceur de votre grce, et me suis trouv dans une faim et dans une soif de ces dlices clestes. Vous mavez touch, et je suis devenu tout brlant dardeur pour la jouissance de votre ternelle flicit.

Saint AugustinConfessions

Saint Augustin (354-430), vque africain, pre et docteur de lglise, se convertit lge de 28 ans sous lin uence de sa mre Monique et de saint Ambroise de Milan. Il mena une action inlassable pour dfendre la doctrine de lglise face aux hrsies. Sonuvre est fondamentale, dont lesfameuses Confessions qui comptent parmi les plus beaux chants damour dune me son Crateur.


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Les instruments des bonnes uvres

Avant tout, aimer le Seigneur de tout son cur, de toute son me, de toute sa force.

Ensuite, le prochain comme soi-mme.Ensuite, ne point tuer.Ne point commettre dadultre.Ne point voler.Ne point convoiter.Ne point porter faux tmoignage.Honorer tous les hommes.Ne point faire autrui ce que nous ne

voudrions pas quon nous ft.Se renoncer soi-mme pour suivre le Christ.Chtier son corps.Ne pas embrasser les dlices.Aimer le jene.Soulager les pauvres.Vtir ce qui est nu.Visiter les malades.


Ensevelir les morts.Secourir ceux qui sont dans la tribulation.Consoler les a igs.Rompre avec les manires du sicle.Ne rien prfrer lamour du Christ. []

Saint BenotRgle

Saint Benot (v.480-547), issu dune famille noble de Nursie, dans le centre de lItalie, passa sa jeunesse tudier Rome. Choqu par la vie dissolue qui sy menait, il se retira dans une rgion dserte prs de Subiaco et vcut dans une grotte pendant trois ans. Durant toute cette poque, sa rputation de saint homme grandit et le peuple en foule accourut pour le voir. Il fonda plus tard un monastre au mont Cassin ainsi que lordre bndictin pour lequel il crivit sa Rgle. Il est considr comme le fondateur du monachisme occidental.


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coute avec loreille du cur

Feuillette lAncien et le Nouveau Testament : tu constateras que les plus merveilleuses rsurrections ont eu pour principaux, sinon seuls tmoins, des femmes, ont t accomplies pour elles ou en leur faveur. LAncien Testament mentionne deux morts ressuscits la demande dune mre : par lie, et par son disciple lyse. Quant lvangile, il rapporte trois rsurrections, opres par le Seigneur, et o des femmes jouent un rle. Il con rme ainsi la parole apostolique laquelle jai fait allusion : Les femmes obtinrent la rsurrection de leurs morts. Jsus, touch de compassion, rendit une mre, veuve, lenfant quil ressuscita devant la porte de Nam. la prire des surs Marthe et Marie, il rappela son ami Lazare la vie. Les femmes obtinrent la rsurrection de leurs morts : cette phrase sapplique mme la lle du chef de la synagogue, ressuscite par Notre Seigneur la demande du pre, puisque cette jeune lle recouvra ainsi son propre corps, comme dautres


avaient recouvr celui de leurs proches. Il ny eut pas besoin de beaucoup de prires pour provoquer ces miracles. []

Jen viens toi, dont je ne doute pas que la saintet ne soit trs puissante auprs de Dieu, et qui me dois une aide toute particulire dans lpreuve dune si grande adversit. Souviens-toi toujours dans tes prires de celui qui tappartient en propre. Poursuis-les avec dautant plus de con ance que, tu le reconnais, elles sont plus lgitimes et par l plus agrables celui qui les reoit. coute encore une fois, je ten prie, avec loreille du cur ce que souvent tu as entendu avec celle du corps. Il est crit dans les Proverbes : La femme diligente est une couronne pour son mari. Et ailleurs : Celui qui a trouv une femme vertueuse a trouv le bien vritable et reu du Seigneur une source o puiser la joie. Ailleurs encore : On tient de ses parents sa maison, sa fortune, mais de Dieu seul une femme sage.

Pierre Ablard, Lettre Hlose

Pierre Ablard (1079-1142), philosophe et thologien, ensei-gnait la scolastique et lalogique lorsquil sduisit lune de ses lves, Hlose, quil pousa en secret. LvqueFulbert, oncle dHlose, le t masculer. Ablard se retira dans des monastres o il reprit son enseignement. Ses crits subirent plusieurs condamnations de la part de lglise. Il eut une longue correspondance avec Hlose, devenue abbesse.


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Dans la solitude nocturne de la chambre

Qui veut prier en paix ne tiendra pas seulement compte du lieu, mais du temps. Le moment du repos est le plus favorable et, lorsque le sommeil nocturne tablit partout un profond silence, loraison se fait plus libre et plus pure.

Avec quelle sret la prire monte dans la nuit, quand Dieu seul en est tmoin, et lAnge qui la reoit pour aller la prsenter lautel cleste ! Elle est agrable et lumineuse, teinte du rouge de la pudeur. Elle est calme, paisible, lorsque aucun bruit, aucun cri ne viennent linterrompre. Elle est pure et sincre, quand la poussire des soucis terrestres ne peut la salir. Il ny a pas de spectateur qui puisse lexposer la tentation par ses loges ou ses atteries. Cest pourquoi lpouse agit avec autant de sagesse que de pudeur lorsquelle choisit la solitude nocturne de sa chambre pour prier, cest--dire pour chercher le Verbe, car cest tout un. Vous priez mal, si en priant vous cherchez autre chose


que le Verbe, ou si vous ne demandez pas lobjet de votre prire par rapport au Verbe. Car tout est en lui : les remdes vos blessures, les secours dont vous avez besoin, lamendement de vos dfauts, la source de vos progrs, bref, tout ce quun homme peut et doit souhaiter.

Saint Bernard de Clairvauxuvres mystiques

Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) fut le fondateur et premier abb de labbaye de Clairvaux. Une des principales personnalits de lOccident chrtien, il intervenait dans les aff aires publiques et conseillait les papes. Homme daction et de spiritualit, il est lauteur de nombreux traits, de sermons, de pomes. Canonis en 1173, il est docteur de lglise.


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Des novices

Le prieur enseigne lhumilit du cur et du corps et se orce dduquer sur ce point les novices, selon cette parole : Mettez-vous mon cole, car je suis doux et humble de cur (Matt. 11, 29). Il leur apprend se confesser frquemment avec sincrit et discernement vivre sans proprit, abandonner leur volont propre, pratiquer en toutes choses une obissance volontaire lgard de la volont de leur suprieur ; il leur apprend comment se conduire en toute sorte de lieu et en toute a aire, comment tenir la place o on les aura mis, comment faire linclination qui leur donne ou leur enlve quelque chose, qui leur parle bien ou mal ; quelle attitude rserve ils doivent garder dans les lieux, en conservant les yeux baisss ; quelle prire dire et


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comment la faire silencieusement pour que le bruit ne gne pas les autres. demander pardon en quelque lieu quils reoivent une rprimande du suprieur, ne point se permettre de discuter avec qui que ce soit ; en n obir en toutes choses leur matre ; faire attention de bien suivre le compagnon qui marche leur ct dans la procession sous le clotre ; ne point parler dans les lieux et dans les moments dfendus ; dire Benedictus Deus quand on leur donne quelque vtement en faisant linclination profonde ; ne juger profondment personne, mais sils voient faire quelque chose qui leur paraisse mal, quils se demandent si cela ne serait pas bon, ou fait du moins dans une intention bonne ; car le jugement de lhomme se laisse souvent garer. Il leur montre comment faire la venia au chapitre, ou partout o ils recevraient une rprimande ; recevoir frquemment la discipline ; ne parler dun absent que pour en dire du bien ; boire deux mains et assis. Avec quel soin mnager les livres et les vtements et les autres biens du monastre. Quelle application ils doivent avoir ltude, en sorte que de jour et de nuit, la maison et en voyage, ils soient toujours occups lire ou mditer quelque chose, se orant de retenir par cur tout ce qui leur est possible. Quelle ferveur


ils devront avoir dans la prdication quand le temps en sera venu.

Saint DominiqueConstitutions primitives de lordre des Prcheurs

Saint Dominique (1170-1221), prdicateur espagnol, fonda lordre des Frres prcheurs (dominicains), pour lequel il crivit la Rgle. Les frres sont invits sinstruire sans relche. Il fut trs respect pour son austrit et sa pauvret.


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Lou sois-Tu, mon Seigneur

Trs haut, Tout-Puissant, bon Seigneur, Toi sont les louanges, la gloire et lhonneur, et toute bn-diction. Toi seul, Trs-Haut, ils conviennent ; et nul homme nest digne de prononcer Ton nom.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, avec toutes Tes cratures : spcialement Messire frre Soleil qui donne le jour, et par qui Tu nous claires ; il est beau et rayonnant avec une grande splendeur : de Toi, Trs-Haut, il est le symbole.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour sur Lune et pour les toiles : dans le ciel Tu les as cres, claires, prcieuses et belles.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour frre Vent, pour lair et les nuages, et le ciel pur, et tous les temps, par lesquels Tes cratures Tu donnes soutien.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour sur Eau, qui est trs utile et humble, prcieuse et chaste.


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Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour frre Feu, par qui Tu claires la nuit ; il est beau et joyeux, robuste et fort.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour sur notre mre la Terre, qui nous soutient et nous nourrit, et produit divers fruits avec les eurs aux mille couleurs et lherbe.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour ceux qui par-donnent pour lamour de Toi, et supportent douleur et tribulation ; bienheureux ceux qui persvreront dans la paix, car par Toi, Trs-Haut, ils seront couronns.

Lou sois-Tu, mon Seigneur, pour notre sur la Mort corporelle, qui nul homme vivant ne peut chapper. Malheur ceux qui meurent en tat de pch mortel ! Bienheureux ceux quelle trouvera conforme Tes trs saintes volonts, car la seconde mort ne leur fera point de mal.

Louez et bnissez mon Seigneur et rendez-Lui grces, et servez-Le avec grande humilit.

Saint Franois dAssiseCantique de frre Soleil


Saint Franois dAssise (1181-1226), ls dun riche marchand, rompit avec sa famille et renona tous ses biens pour fonder un ordre de frres mendiants prchant la pauvret vanglique : les Franciscains, qui eut une in uence consi-drable auMoyen ge. Franois eut de frquentes extases ainsi que des stigmates. SonCantique de frre Soleil est le premier grand pome de la langue italienne.


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La dle con ance

Lamour vritable et parfait se mesure la grande esprance et la con ance que lon a en Dieu, car aucune chose ne mesure mieux lamour accompli que la dle con ance. La dle con ance rvle combien une personne aime lautre ; et toute la dle con ance que lon ose avoir en Dieu, on la trouve vraiment en lui, et mille fois davantage. De mme quun homme ne peut jamais trop aimer Dieu, jamais un homme ne pourrait avoir trop de dle con ance envers Dieu. Tout ce que lon peut faire par ailleurs nest pas aussi avantageux que la grande dle con ance envers Dieu. Avec tous ceux qui ont eu ainsi grandement con ance en lui, il na jamais manqu daccomplir de grandes choses. Chez tous ceux-l, il a bien montr que cette dle con ance a lamour pour origine, car lamour na pas seulement dle con ance, il a aussi un vrai savoir et une certitude exempte de doute.

Matre Eckhart, Conseils spirituels


Johannes Eckhart, dit Matre Eckhart (1260-1327), dominicain et thologien mystique allemand, fut le matre du mouvement mystique rhnan. Sessermons, recueillis par ses disciples, enseignent ledtachement dans lebut de dcouvrir lessence divine au fond de lme de chacun dentre nous.


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Frres humains

Frres humains, qui aprs nous vivez, Nayez les curs contre nous endurcis, Car, si piti de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tt de vous merci. Vous nous voyez ci attachs, cinq, six : Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pie dvore et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne sen rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

[] La pluie nous a dbus et lavs, Et le soleil desschs et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavs, Et arrach la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis , puis l, comme le vent varie, son plaisir sans cesser nous charrie,


Plus becquets doiseaux que ds coudre. Ne soyez donc de notre confrrie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jsus, qui sur tous a matrie, Garde quEnfer nait de nous seigneurie : De lui navons que faire ne que soudre. Hommes, ici na point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Franois VillonBallade des pendus

Franois Villon (1431-1463), pote dont la vie fut trs aventu-reuse, frquentait aussi bien les malfaiteurs que les milieux de la Sorbonne, et fut sauv plusieurs fois de la potence par le roi Louis XI. Ses uvres mlangent le lyrisme la trivialit, la sensualit au pessimisme, limmoralisme lafoi religieuse. La fameuse Ballade des pendus en est un exemple.


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Celui qui a la foi doit tout avoir

Une fois que lhomme, par les commandements, a appris et ressenti son impuissance, au point de se demander avec angoisse comment satisfaire tel ou tel commandement (puisquil lui faut bien accomplir ce commandement, sous peine dtre damn), le voici tout fait humili, ananti ses propres yeux, et il ne trouve rien en lui qui puisse le justi er. Survient alors lautre Parole, lengagement et la promesse divine, qui lui dit : Si tu veux accomplir tous les commandements, ta ranchir de ta convoitise et de tes pchs, comme le rclament et lordonnent les commandements, vois, il te faut croire au Christ, en qui je te promets toute grce, toute justice, toute paix et toute libert : si tu crois, tu les auras, si tu ne crois pas, tu ne les auras pas. Car ce qui test impossible avec toutes les uvres des commandements, qui sont nombreuses et qui pourtant ne servent rien, te deviendra facile et rapide faire par la foi. Car dans


la foi jai tout mis en abrg, si bien que celui qui a la foi doit tout avoir et tre sauv et que celui qui ne la pas ne doit rien avoir. Ainsi donc, les promesses de Dieu donnent ce quexigent les commandements et ralisent ce quils ordonnent, en sorte que tout, commandement et accomplissement, ne revienne qu Dieu seul : Lui seul ordonne, et Lui seul accomplit. Cest ce qui fait que les promesses de Dieu sont la Parole du Nouveau Testament et quelles sont incluses dans le Nouveau Testament.

Martin LutherDe la libert du chrtien

Martin Luther (1483-1546), religieux allemand, fut moine et professeur duniversit. Sontravail sur saint Paul lamena adopter la doctrine du salut par la foi seule. En 1517, il cloua sur la porte du chteau de Wittenberg ses 95 thses o il dnonait les drives de lglise catholique, ouvrant ainsi la voix la Rforme. Il fut excommuni en 1521. Il se consacra rgler le culte et la liturgie de lglise luth-rienne, crivit un catchisme et traduisit la Bible, ce qui fait de lui un des premiers grands crivains de langue allemande.


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La voie de la perfection est plus douce quon ne pense

Seigneur, mon Dieu, quil parat bien que Vous tes tout-puissant, et quil ne faut point raisonner sur les choses que Vous voulez, puisque Vous les rendez possibles. Il su t, pour les rendre faciles, de Vous aimer vritablement, et de tout abandonner pour lamour de Vous. Cest en cela quon peut dire que Vous feigniez quil y ait de la peine accomplir Votre loi ; car en vrit je ny en vois point, et ne comprends pas comment on simagine que le chemin qui conduit vers Vous est troit.

Je trouve au contraire que cest un chemin royal, et dans lequel ceux qui marchent courageusement nont rien craindre. Comme les occasions de Vous o enser en sont loignes, on ny rencontre point de pierres ni dautres empchements qui nous arrtent. Mais je ne saurais considrer que comme un sentier


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troit et dangereux cet autre chemin qui est de tous cts environn de prcipices dans lesquels on ne peut viter de tomber et de se briser en mille pices, pour peu que lon manque de prendre garde o lon met le pied. Celui qui se donne Vous sans rserve, mon Sauveur, marche en assurance dans ce chemin royal : sil fait quelque faux pas, Vous lui tendez la main et une chute ni mme plusieurs ne sont pas capables de le perdre, sil Vous aime vritablement et non pas le monde, et sil conserve toujours lhumilit.

Pourvu que nous tournions incessamment les yeux vers ce soleil de justice, nous naurons point sujet de craindre que la nuit et les tnbres nous surprennent : il ne nous abandonnera jamais, et nous ne courrons aucun danger. Les gens du monde napprhendent point de sengager dans le chemin des volupts et des honneurs auquel ils donnent le nom de contentement et de plaisirs, quoiquils soient plus redoutables que les lions et que les autres animaux les plus farouches ; et le diable nous donne de laversion pour des travaux qui, en comparaison de ces cruelles btes, qui en attant notre corps dchirent notre me, ne peuvent passer que pour des souris. Javoue que cela me touche de telle sorte que je voudrais pouvoir verser des ruisseaux


de larmes et pousser des cris jusquaux extrmits de la terre, a n de faire connatre tout le monde la grandeur de cet aveuglement.

Sainte Th rse dAvilauvres

Sainte Thrse dAvila (1515-1582), religieuse carmlite, fut lune des plus grandes mystiques espagnoles. Elle fut lorigine dune importante rforme du Carmel, appliquant des rgles plus strictes la vie monastique. Elle acrit plusieurs ouvrages dont Le Chteauintrieur qui met en avant les bases de sa spiritualit : volont de Dieu, spontanit, tendresse.


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O vous tes-vous cach ?

LpouseO vous tes-vous cach,poux qui mavez laisse,Fuyant comme un cerf chass,Aprs mavoir tant blesse,O vous en tes-vous ainsi all ?

Pasteurs, si, par aventure,Menant patre vos troupeaux,Vous le rencontrez sur la hauteur,Dites-lui combien jendurePour lui de peines et de travaux.

Cherchant donc mes amours,Jirai sans cueillir les eurs,Par monts, par vaux, et par rivages,Ne me souciant pas plus des btes sauvagesQue des frontires et des tours.


forts que mon AimA riges de ses propres mains, prairies, de eurs mailles,Dites-moi, dles tmoins,Si, parmi vous, il na point pass.

Rponse des craturesIl a couru rapidementPar ces monts quil a remplisDe mille grces, rien quen les regardant,Et quil a revtus de sa beaut. []

Saint Jean de la CroixCantique dAmour entre lme et lpoux divin

Saint Jean de la Croix (1542-1591), carme et mystique espagnol, fut, aprs sainte Thrse dAvila, lme de la rforme des carmels espagnols. Ses traits mystiques, ainsi que ses pomes, enseignent trouver le divin au fond de la nuit obscure de lme, au fond du nada ( rien ). Dans un style lyrique sensuel, il retrace ici un itinraire dintimit amoureuse avec Dieu.


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Faites grande provision de douceur et dbonnairet

Au surplus, lorsque vous tes en tranquillit et sans aucun sujet de colre, faites grande provision de douceur et dbonnairet, disant toutes vos paroles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce faon quil vous sera possible, vous ressouvenant que lpouse au Cantique des Cantiques na pas seulement le miel en ses lvres et au bout de sa langue, mais elle la encore dessous la langue, cest--dire dans la poitrine ; et ny a pas seulement du miel, mais encore du lait ; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parole douce lendroit du prochain, mais encore toute la poitrine, cest--dire tout lintrieur de notre me. Et il ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, cest--dire la suavit de la conversation civile avec les trangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques


et proches voisins : en quoi manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la maison des diables.

Saint Franois de SalesIntroduction la vie dvote

Saint Franois de Sales (1567-1622), vque de Genve, docteur de lglise, fonda lordre de la Visitation avec sainte Jeanne de Chantal. Ilcrivit deux textes qui eurent une in uence considrable sur la pit au quotidien des catho-liques aux XVIIe et XVIIIe sicles : Introduction la vie dvote et Trait de lamour de Dieu. Sa belle prose prclassique le rend trs proche de nous par sa simplicit et sa bonne humeur.


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Pourquoi craignez-vous lavenir ?

Loraison est un grand livre pour un prdicateur : cest par elle que vous puiserez les vrits divines dans le Verbe ternel, qui en est la source, lesquelles vous dbiterez ensuite au peuple. Il est souhaiter que tous les missionnaires aiment beaucoup cette vertu ; car sans son secours ils feront peu ou point de pro t, et avec son aide il est assur quils toucheront les curs. Je prie Dieu quil nous donne lesprit doraison.

Il ne faut pas vous tonner, ni vous e rayer, pour une mauvaise anne, ni pour plusieurs : Dieu est abondant en richesses ; rien ne vous a manqu jusqu cette heure ; pourquoi craignez-vous lavenir ?

Na-t-il pas soin de nourrir les oiseaux, qui ne sment et ne moissonnent ? Combien plus aura-t-il la bont de pourvoir ses serviteurs ! Vous voudriez voir toutes vos provisions devant vous pour tre assur davoir tout souhait : je dis, selon la nature, car je pense que, selon lesprit, vous tes bien aise davoir occasion de


vous con er en Dieu seul, et de dpendre, comme un vrai pauvre, de la libralit dun tel riche. Dieu veuille avoir piti du pauvre peuple, qui est fort plaindre en ce temps de disette, parce quil nen sait pas bien user, ni ne cherche premirement le royaume de Dieu et sa justice, pour se rendre digne que les choses ncessaires la vie lui soient donnes par-dessus !

Saint Vincent de PaulCorrespondance

Saint Vincent de Paul (1581-1660), prtre auprs des malades, des galriens et despauvres. Il fonda plusieurs ordres dont les Filles de la Charit, ou la Congrgation desPrtres de la Mission (les lazaristes), luvre des Enfants trouvs. Son action inlassable et son rayonnement rent de lui lune des plus saintes gures de la charit.


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Dieu sensible au cur, non la raison

La dernire dmarche de la raison est de recon-natre quil y a une in nit de choses qui la surpassent ; elle nest que faible, si elle ne va jusqu connatre cela.

Que si les choses naturelles la surpassent, que dira-t-on des surnaturelles ?

*Soumission et usage de la raison, en quoi consiste

le vrai christianisme.*

Il na rien de si conforme la raison que ce dsaveu de la raison.

*Le cur a ses raisons, que la raison ne connat

point ; on le sait en mille choses. []*

Cest le cur qui sent Dieu, et non la raison. Voil ce que cest que la foi, Dieu sensible au cur, non la raison.


*La foi est un don de Dieu ; ne croyez pas que nous

disions que cest un don de raisonnement.*

Quil y a loin de la connaissance de Dieu laimer !Pascal

Penses

Blaise Pascal (1623-1662), mathmaticien, physicien et philosophe, fut lorigine deplusieurs dcouvertes dont la premire machine calculer ou un trait sur la Pesanteur de la masse de lair. Proche des milieuxjansnistes, il les dfendit contre les jsuites dans LesProvinciales. Boulevers par la nuit dextase mystique du 23 novembre 1654, il rdigea des notes devant servir une Apologie de la religion chrtienne. Ce travail, interrompu par sa mort 39 ans, a t publi sous formes de fragments, Les Penses, qui comptent parmi les crits les plus fulgurants sur la foi et la profondeur de la religion chrtienne.


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Chacun a toujours la possibilit de prier

Il est certain que toute bonne action faite au nom du Christ confre la grce du Saint-Esprit, mais la prire plus que toute autre chose, tant toujours notre disposition. Vous auriez, par exemple, envie daller lglise, mais lglise est loin, ou lo ce est termin ; vous auriez envie de faire laumne, mais vous ne voyez pas de pauvre, ou vous navez pas de monnaie ; vous voudriez rester vierge, mais vous navez pas assez de force pour cela, cause de votre constitution ou cause des embches de lennemi auxquelles la faiblesse de votre chair humaine ne vous permet pas de rsister ; vous voudriez peut-tre trouver une autre bonne action faire au nom du Christ, mais vous navez pas assez de force pour cela, ou loccasion ne se prsente pas. Quant la prire, rien de tout cela ne la ecte : chacun a toujours la possibilit de prier, le riche comme le pauvre, le notable comme lhomme du commun, le fort


comme le faible, le bien portant comme le malade, le vertueux comme le pcheur.

Telle, ami de Dieu, est la puissance de la prire. Plus que toute autre chose elle nous donne la grce de lEsprit de Dieu et plus que tout elle est toujours notre porte. Bienheureux serons-nous lorsque Dieu nous trouvera veillant, dans la plnitude des dons de Son Esprit-Saint. Nous pourrons alors esprer tre ravis sur les nues la rencontre de Notre-Seigneur venant dans les airs revtu de puissance et de gloire juger les vivants et les morts et donner chacun son d.

Saint Sraphim de SarovEntretien avec Motovilov

Saint Sraphim de Sarov (1759-1833), ls dun briquetier de Koursk, entra comme novice au monastre de Sarov 19 ans. Aprs avoir t ordonn prtre, il se retira comme ermite dans la fort o il vcut une ascse rigoureuse, faite de jene, de solitude, dhumilit et de prire, avec comme objectif permanent de se rapprocher du Christ . Quand il eut 63 ans, sa renomme se rpandit. Il accueillait ses visiteurs par ces mots Bonjour, ma joie , ou encore Christ est ressuscit ! . Et sa sagesse et sa clairvoyance apportaient encouragement, relvement et mme gurison ses visiteurs quil marquait profondment. Il est lun des saints les plus vnrs de lorthodoxie russe.


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La perptuelle magni cence de Dieu

Il est un Dieu ; les herbes de la valle et les cdres de la montagne le bnissent, linsecte bourdonne ses louanges, llphant le salue au lever du jour, loiseau le chante dans le feuillage, la foudre fait clater sa puissance, et lOcan dclare son immensit. Lhomme seul a dit : Il ny a point de Dieu.

Il na donc jamais, celui-l, dans ses infortunes, lev les yeux vers le ciel, ou, dans son bonheur, abaiss ses regards vers la terre ? La nature est-elle si loin de lui quil ne lait pu contempler, ou la croit-il le simple rsultat du hasard ? Mais quel hasard a pu contraindre une matire dsordonne et rebelle sarranger dans un ordre si parfait ? []

Runissez donc en un mme moment, par la pense, les plus beaux accidents de la nature ; supposez que vous voyez la fois toutes les heures du jour et toutes les saisons, un matin de printemps et un matin dautomne, une nuit seme dtoiles et une nuit couverte de nuages, des prairies mailles de eurs,


des forts dpouilles par les frimas, des champs dors par les moissons : vous aurez alors une ide juste du spectacle de lunivers. Tandis que vous admirez ce soleil qui se plonge sous les votes de loccident, un autre observateur le regarde sortir des rgions de laurore. Par quelle inconcevable magie ce vieil astre qui sendort fatigu et brlant dans la poudre du soir est-il en ce moment mme ce jeune astre qui sveille humide de rose dans les voiles blanchissantes de laube ? chaque moment de la journe le soleil se lve, brille son znith, et se couche sur le monde ; ou plutt nos sens nous abusent, et il ny a ni orient, ni midi, ni occident vrai. Tout se rduit un point xe do le ambeau du jour fait clater la fois trois lumires en une seule substance. Cette triple splendeur est peut-tre ce que la nature a de plus beau ; car en nous donnant lide de la perptuelle magni cence et de la toute-puissance de Dieu, elle nous montre aussi une image clatante de Sa glorieuse Trinit.

Franois-Ren de ChateaubriandGnie du christianisme

Franois-Ren, vicomte de Chateaubriand (1768-1848), crivain et homme politique, fut un des plus grandsprosa-teurs de la langue franaise, notamment par ses Mmoires doutre-tombe. Il rdigea en 1802 le Gnie du christianisme, vasteapologie de la religion comme faisant partie du grand ordre de la nature.


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Plus les eaux sont abondantes,plus le poisson est content

La prire, voil tout le bonheur de lhomme sur la terre. Oh ! Belle vie, belle union de lme avec Notre Seigneur : lternit ne sera pas assez longue pour comprendre ce bonheur. La vie intrieure est un bain damour dans lequel lme se plonge. Dieu tient lhomme intrieur comme une mre tient la tte de son enfant dans ses mains pour le couvrir de baisers et de caresses. On aime une chose proportion du prix quelle nous a cot : jugez par l de lamour que Notre Seigneur a pour notre me qui Lui a cot tout son sang ! Aussi est-Il a am de communications et de rapports avec elle. []

Par la prire, lme est comme un poisson dans leau, plus les eaux sont abondantes, plus le poisson est content. Plus lme se livre la prire, plus elle est heureuse. []

Si nous comprenions tout le bonheur dune me en amme damour du Bon Dieu, si nous pouvions


goter combien il est doux de marcher toujours en Sa prsence, de nous sentir sous Son regard, de nous laisser conduire par la main, nous penserions toujours Lui, nous ne pourrions pas faire autrement, ce serait notre plus grand bonheur de chaque jour. []

Dans lamour de Dieu nous trouverons notre paix, notre perfection, notre mrite, notre gloire, notre bonheur pour ce monde et pour lautre

Jean-Marie Vianney, cur dArsConversations

Jean-Marie Vianney, cur dArs (1786-1859), est un lve aux dispositions trs moyennes, ce qui fait penser ses matres du sminaire quil ne pourra jamais devenir prtre. Mais sa pit est telle quils dcident de lordonner quand mme. Il est trs vite nomm Ars, petitecommune du Rhne, o il mne une vie austre, mangeant peu et donnant tout ce quil a. Ses dles le voient passer de nombreuses heures en prire lglise, avec une expression qui leur fait penser quil voit le Christ. Ils laiment pour sa gaiet, son aff abilit, sabont et sa charit. Sa rputation stend vite aux alentours et bientt des milliers de plerins convergent vers lui. Il est considr par lglise comme le saint patron des prtres.


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Aux chrtiens dans les temps dpreuves

Ah ! pour la vrit na ectons pas de craindre ; Le sou e dun enfant, l-haut, peut-il teindre Lastre dont lternel a mesur les pas ? Elle tait avant nous, elle survit aux ges, Elle nest point lhomme, et ses propres nuages Ne lobscurciront pas.

Elle est ! elle est Dieu qui la dispense au monde, Qui prodigue la grce o la misre abonde ; Rendons grce Lui seul du rayon qui nous luit ! Sans nous pouvanter de nos heures funbres, Sans nous en er dorgueil et sans crier tnbres Aux enfants de la nuit.

Esprits dgnrs, ces jours sont une preuve, Non pour la vrit, toujours vivante et neuve, Mais pour nous que la peine invite au repentir ; Tmoignons pour le Christ, mais surtout par nos vies ;


Notre moindre vertu confondra plus dimpies Que le sang dun martyr.

Chrtiens, souvenons-nous que le chrtien suprme Na lgu quun seul mot pour prix dun long

blasphme cette arche vivante o dorment ses leons ; Et que lhomme, outrageant ce que notre me adore, Dans notre cur bris ne doit trouver encore Que ce seul mot : Aimons !

Alphonse de LamartineHarmonies potiques et religieuses

Alphonse de Lamartine (1790-1869), pote et homme poli-tique, fut le prcurseur dun lyrisme qui marqua les jeunes crivains romantiques. Auteur des Harmonies potiques et religieuses, quil quali ait de psaumes modernes , il fut boulevers par la mort de sa lle en 1834, vnement qui changea sa foi. Ilse consacra par la suite un engagement de chrtien libral et social, aux proccupations humanitaires.


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Nous croyons parce que nous aimons

Un enfant fait-il con ance ses parents, parce quil sest convaincu quils sont dignes de con ance et capables et dsireux de lui faire du bien, ou bien sabandonne-t-il simplement son instinct a ec-tueux ? Nous croyons parce que nous aimons. Cela est vident !

On peut donc dduire de la parole Mes brebis entendent ma voix , que ceux qui croient au Christ, y croient parce quils ont reconnu en lui le Bon Berger ; et ils le reconnaissent sa voix, et ils connaissent sa voix parce quils sont ses brebis Lesprit divinement clair voit dans le Christ lobjet mme de son amour


et de son adoration lobjet corrlatif de ses propres a ections ; cest parce quil laime quil croit en lui et lui fait con ance.

John Henry NewmanQuinze sermons prchs devant luniversit dOxford

John Henry Newman (1801-1890), homme dglise bri-tannique, futdabord anglican, au centre du mouvement dOxford qui prnait un christianisme plus pur et indpendant de ltat. Sa conversion au catholicisme en 1845 t grand bruit et il fut en butte de nombreuses ractions hostiles. Il introduisit lOratoire en Angleterre, puis devint cardinal en 1879. Ses crits, dont Apologia pro vita sua ou Grammaire de lassentiment, exercent encore aujourdhui une profonde in uence. Il a t bati en 2010 par Benot XVI.


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La niche sous le portail

Oui, va prier lglise, Va ; mais regarde en passant, Sous la vieille vote grise, Ce petit nid innocent.

Aux grands temples o lon prie, Le martinet, frais et pur, Suspend la maonnerie Qui contient le plus dazur.

La couve est dans la mousse Du portail qui sattendrit ; Elle sent la chaleur douce Des ailes de Jsus-Christ.

Lglise, o lombre amboie, Vibre, mue ce doux bruit ; Les oiseaux sont pleins de joie, La pierre est pleine de nuit.


Les saints, graves personnages, Sous les porches palpitants, Aiment ces doux voisinages Du baiser et du printemps.

Les vierges et les prophtes, Se penchent dans lpre tour, Sur ces ruches doiseaux faites Pour le divin miel amour.

Loiseau se perche sur lange ; Laptre rit sous larceau. Bonjour, saint ! dit la msange. Le saint dit : Bonjour, oiseau !

Les cathdrales sont belles Et hautes sous le ciel bleu ; Mais le nid des hirondelles Est ldi ce de Dieu.

Victor HugoLes Contemplations

Victor Hugo (1802-1885) a crit un nombre impressionnant de pomes, romans, picesde thtres, articles (Les Misrables, Les Contemplations, Hernani), quicomptent parmi les plus belles pages de la littrature franaise. Il tait anim dune spiritualit personnelle fonde sur lamission du pote puisque les mots sont les passants mystrieux de lme , ou encore le Mot, cest le Verbe, et le Verbe, cest Dieu .


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Ayez la foi et maintenez ltendard !

Aimez-vous les uns les autres, mes pres, enseignait le starets (pour autant quAliocha sen souvnt plus tard). Aimez le peuple de Dieu. Nous ne sommes pas plus saints que les lacs pour tre venus nous enfermer entre ces murs, au contraire, tous ceux qui sont venus ici ont reconnu, du fait mme dy tre venus, quils taient plus imparfaits que tous les lacs et que tous et tout sur terre Et plus le moine vivra longtemps entre ces murs, plus il devra tre pntr et conscient de cela. Car autrement il tait inutile quil vnt ici. [] Nayez pas peur de votre pch, mme aprs en avoir pris conscience, pourvu que vous ayez le repentir, mais ne posez pas de conditions Dieu. Je vous le rpte, ne soyez pas orgueilleux. Ne soyez pas orgueilleux devant les humbles, ne le soyez pas davantage devant les grands. Ne hassez pas ceux qui vous repoussent, qui vous honnissent, ceux qui vous insultent et qui vous calomnient. Ne hassez pas les

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