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L’analyse du discours conversationnel 1) La définition du discours Le mot « discours » a plusieurs significations. Le trésor de la langue française informatisé 1 donne la suivante définition : « développement oratoire sur un thème déterminé, conduit d’une manière méthodique, adressé à un auditoire ». La problématique du discours a été étudiée par nombreux linguistes. Mariana Tuţescu 2 définit le discours comme : « le concept clé de la linguistique discursive et textuelle, dernière née des sciences du langage. Ce concept entraîne une perspective interdisciplinaire des faits de langue, où logique, sociologie, psychologie, philosophie du langage, théorie de la communication se rejoignent pour se compléter réciproquement. ». Toujours Mariana Tuţescu 3 présente le discours du point de vue de E. Benveniste vue comme : « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » et aussi l’acception du discours pour Z. Harris et les tenants de son école. Il est défini comme une unité transphrastique, l’ensemble des règles d’enchaînement des 1 http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 2 Tuţescu, Mariana, L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p 50 3 Tuţescu, Mariana, Précis de sémantique française, EDP, Bucuresti, 1974, p.23. 1

L’analyse du discours conversationnel

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Page 1: L’analyse du discours conversationnel

L’analyse du discours conversationnel

1) La définition du discours

Le mot « discours » a plusieurs significations. Le trésor de la langue française

informatisé1 donne la suivante définition : « développement oratoire sur un thème

déterminé, conduit d’une manière méthodique, adressé à un auditoire ».

La problématique du discours a été étudiée par nombreux linguistes. Mariana

Tuţescu2 définit le discours comme : « le concept clé de la linguistique discursive et

textuelle, dernière née des sciences du langage. Ce concept entraîne une perspective

interdisciplinaire des faits de langue, où logique, sociologie, psychologie, philosophie du

langage, théorie de la communication se rejoignent pour se compléter réciproquement. ».

Toujours Mariana Tuţescu3 présente le discours du point de vue de E. Benveniste vue

comme : « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier

l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » et aussi l’acception du discours pour

Z. Harris et les tenants de son école. Il est défini comme une unité transphrastique,

l’ensemble des règles d’enchaînement des suites de phrases composant un énoncé.

Ousmane Barry4 présente dans son article « Les outils théoriques en analyse du

discours » l’opinion du L. Guespin, a propos du discours : « c’est ce qui s’oppose à

l’énoncé ; c’est-à-dire que l’énoncé c’est la suite des phrases émises entre deux blancs

sémantiques, deux arrêts de la communication ; le discours c’est l’énoncé considéré du

point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne ». Toujours Ousmane présente

l’opinion du Michel Arrivé concernant le discours : « le discours peut être conçu comme

une extension de la linguistique ou comme symptôme d’une difficulté interne de la

linguistique (particulièrement dans le domaine du sens), rendant nécessaire le recours à

d’autres disciplines ». Selon Dominique Maingueneau 5 « tout discours peut-être défini

comme un ensemble de stratégies d’un sujet dont le produit sera une conversation

1 http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 2 Tuţescu, Mariana, L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p 503Tuţescu, Mariana, Précis de sémantique française, EDP, Bucuresti, 1974, p.23.4 http://laseldi.univfcomte.fr/utilisateur/abarry/f_activite.htm

5 http://pagesperso-orange.fr/dominique.maingueneau/conclusion2.html#_ftnref1

1

Page 2: L’analyse du discours conversationnel

caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements sur lesquels, il

s’opère »

Teodora Cristea 6 présente au moins deux acceptions du terme du discours. Une

première acception fait de ce terme un synonyme de « texte », mais avec le temps une

nouvelle acception s’est précisée : le discours est non seulement une unité de rang

supérieur mais aussi un texte considéré du point de vue des conditions dans lesquelles il

est produit, du point de vue des rapports qui s’établissent entre le sujet d’énonciation et

l’énoncé. Le fonctionnement réel du discours (l’activité discursive) ne peut pas être

compris sans faire appel à des notions telles que deixis et connotation. Le deixis désigne

l’ensemble des éléments de référence à la situation communicative : pôles de la

communication (locuteur et interlocuteur), temps et lieu de la communication.

On peut conclure que le discours n’est pas une notion stable. Il englobe plusieurs

acceptations et une variabilité de discours : discours politique, scientifique, poétique,

didactique ou argumentatif, explicatif, narratif ou objectif, subjectif, référentiel ou direct,

indirect, indirect libre.

2) Les types du discours

Mariana Tutescu7 identifie les types textuels suivantes du discours prenant pour

point de départ la typologie du Jean-Michel Adam : le récit, la description, l’explication,

l’argumentation, l’injonction, la prédiction, la conversation et le dialogue, le discours

figuratif.

Le récit (le discours narratif) se manifeste par une suite ordonnée et cohérente se

séquences textuelles narratives. Pour devenir récit, il est nécessaire qu’un événement

contienne au moins deux propositions temporellement ordonnées et formant une histoire.

La description (le discours descriptif) est en rapport avec le discours

lexicographique et la compétence lexicale des usagers de la langue.

L’explication (le discours explicatif) est basée sur l’acte d’expliquer ou de faire

comprendre quelque chose à quelqu’un. Par exemple le discours didactique et le discours

scientifique appartiennent au discours explicatif. Ce type du discours est marqué par les

connecteurs  parce que, puisque et car.

6 Cristea, Teodora, Grammaire structurale du français contemporain, EDP, Bucuresti, 1979, p. 451 7 http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu-Argumentation/index.htm

2

Page 3: L’analyse du discours conversationnel

L’argumentation est basée sur l’acte de convaincre, de persuader l’interlocuteur, le

destinataire du discours. Ce type de discours apparaît surtout dans le discours de

propagande, politique, juridique, publicitaire etc.

L’injonction est basée sur l’acte d’ordonner, d’inciter à faire quelque chose. Ce type

de discours est utilisé surtout dans la recette de cuisine, le mode d’emploi, la notice de

montage, les consignes en général.

La prédiction est basée sur l’acte de prédiction c’est-à-dire quelque chose qui va ou

doit se produire. Par exemple les prophéties, le bulletin météorologique, l’horoscope.

Le discours figuratif englobe selon J.-M Adam le poème, la prose poétique, la

chanson mais aussi le proverbe, le dicton, le slogan, la locution.

La conversation et le dialogue englobent le type du discours conversationnel. Ce

type du discours est l’objet de l’analyse conversationnelle. L’école suisse a parlé pour la

première fois de l’analyse de discours. Ce type du discours se matérialise dans

l’interview, le dialogue, le débat, les transactions, l’entretien et le face-à-face. Le

dialogue est le type du discours qui demande au moins deux énonciateurs qui occupent

successivement, le rôle de destinataire. Dans l’acte dialogal, l’énonciateur doit avoir une

conduite verbale en mesure de confirmer, par les autres participants, le caractère dialogal

de la situation. Mariana Tutescu parle dans  « L’argumentation » des principales

hypothèses de la pragmatique conversationnelle :

- les constituants conversationnels décrivent ce que font les locuteurs (ou

énonciateur) ; à chaque intervention est associée une fonction illocutoire ;

- l’interprétation pragmatique des constituants conversationnels est fonction

des actes d’argumentation réalisés par les constituants internes aux interventions

des locuteurs ; ce type est associé à la fonction interactive ;

- l’interprétation pragmatique des constituants conversationnels est fonction

de leur complétude/vs/ incomplétude, fait qui entraîne la clôture ou la poursuite

du constituant en question ;

- l’interprétation d’un énoncé en conversation est fonction de sa place dans

la structure conversationnelle résultant les notions d’interventions initiatives/vs/

réactives, d’acte directeur/vs/subordonné.

3) Opinions concernant l’analyse du discours

3

Page 4: L’analyse du discours conversationnel

Francine Mazière8 énumère quelques principes concernant l’analyse du

discours :

- toute analyse du discours tient compte de la langue en tant qu’objet

construit du linguiste et des langues particulières en tant que situées dans un

espace-temps ;

- toute analyse du discours a une relation double aux héritages descriptifs

des langues. Elle prend en compte la grammaire, les syntaxes et vocabulaires de

langues particulières, contre une syntaxe logique universelle.

- elle configure les énoncés à analyser en corpus construits, souvent

hétérogènes, selon un savoir assumé, linguistique, historique, politique et

philosophique ;

- elle propose des interprétations qu’elle construit en tenant compte des

données de langue et d’histoire, en prenant en compte les capacités linguistiques

réflexives des sujets parlants, mais aussi en refusant de poser à la source de

l’énoncer un sujet énonciateur individuel qui serait « maître chez lui ».

Il parle aussi des types du discours. L’analyse du discours a voulu imposer le

discours comme concept, contre les discours, avec la défense du syntagme « analyse du

(et non de/des) discours ». En fonctions de finalités ou de types de communication on

oppose le discours didactique au discours polémique. A son tour, le discours didactique

pourra être de type philosophique ou rhétorique, tandis que le discours scientifique

s’inscrira dans le discours polémique.

F. Mazière dit que l’analyse « harrissienne » en analyse du discours emprunte bien à

Harris la segmentation et les transformations. Mais toute l’histoire de l’analyse du

discours montre qu’elle lâche la structure. Textuelle visée par Harris pour l’analyse du

sens.

Il existe plusieurs centres spécialisés qui parlent de l’analyse du discours. Parmi

eux: CEDITEC, CEDISCOR, CAD, l’École Française.

L’institution dont l’objet central des recherches est l’analyse du discours s’appelle

CEDITEC (Centre d’Etude des Discours, Images, Textes, Ecrits, Communications) et est

dirigé par Simone Bonnafous. Les recherches s’organisent selon trois axes 9: « les

8 Mazière, Francine, L’analyse du discours, PUF, 2005, p.5 9 Ibidem, p.99

4

Page 5: L’analyse du discours conversationnel

instruments pour une recherche interdisciplinaire », « communication et discours

politique et social » et « la construction des savoirs : genres de discours et institutions ».

Ce centre confie systématiquement la responsabilité de chaque axe de recherche à un

spécialiste des sciences du langage et à un spécialiste des sciences de la communication.

L’analyse du discours est présentée comme un lieu fédérateur 10: « L’analyse du

discours, apparue dans les années 1960, constitue une excellente base de travail pour les

recherches du CEDITEC. Comme il s’agit d’une discipline récente, elle s’accompagne

inévitablement d’une réflexion sur ses propres possibilités et ses frontières ; en outre, elle

mobilise des chercheurs venus d’horions différents des sciences humaines et sociales qui

sont constamment confrontes à la question du langage. »

Il y a en second lieu le CEDISCOR (Centre de Recherche sur les discours

ordinaires et spécialisés), crée en 1989 à l’Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III

sur un projet de Sophie Moirand. Il axe ses recherches en analyse du discours à la fois

sur les occurrences de discours produits dans des espaces institutionnels et sur les

concepts linguistique, argumentatif, rhétoriques pris comme outils de l’analyse. Le centre

s’intéresse à l’analyse de discours en fonction d’expertise face à des demandes sociales

fort diverses : processus de négociations en entreprise, amélioration de collections

scientifique éditées dans différentes langues, signalement de la maltraitance de l’enfant et

son traitement institutionnel par exemple.

Un autre centre s’appelle le CAD (Centre d’Analyse du Discours) de l’Université

Paris XIII fonde et dirige par P. Charaudeau, pratique une analyse sémiotique des

discours sociaux en convoquant les sciences du langage, la psychosociologie, les sciences

de l’information et de la communication.

Il y a aussi l’École Française qui étudie l’analyse du discours. L’École s’appui sur

les recherches de lexicologie menées dans les années 60 par J. Dubois et par L. Guilbert à

partir de la problématique de Harris.

Toujours F. Mazière observe que l’analyse du discours de Charaudeau est

interventionniste sur la scène politico-sociale. L’auteur montre que les sciences humaines

et sociales ne peuvent pas décrire et interpréter le monde parce que chaque discipline

enrichit son point de vue de celui de l’autre. Grâce à cela l’approche est par essence

10 Ibidem, p.101

5

Page 6: L’analyse du discours conversationnel

pluridisciplinaire ou transdisciplinaire. D’où sa revendication d’un domaine spécifique

pour l’analyse du discours.

Autre analyste, Jacques Cortes11 parle de l’analyse du discours du point de vue de

Z. S Harris qui entend par discours toute forme d’énoncé suivi, écrit ou oral, de

dimension supérieure à la phrase. Harris veut compléter en abordant l’analyse du texte

suivi, la démarche menée par la linguistique descriptive. Par cette linguistique

descriptive, Harris passe à la l’analyse du texte. Il ne s’intéresse pas au sens des

morphèmes, ni des autres unités qu’elle rencontre. Sa méthode d’analyse du discours ne

s’intéresse pas à ce que dit le texte, mais à comment le texte dit ce qu’il dit. Si on veut

analyser selon la méthode de Harris, il est nécessaire de faire intervenir des

transformations qui consistent à régulariser le corpus en fonction de connaissances

générales sur les règles de la langue. Par exemple le texte suivant : « l’homme que tu as

rencontré hier est revenu me voir ; il m’a dit que (..) ; je lui ai répondu (..) » Il et lui

pourront être remplacés par l’homme que tu as rencontré hier. A ce point de son

raisonnement, Harris indique quelques transformations dont il lui semble important que le

descripteur d’un texte anglais puisse disposer. Pour Harris, les transformations sont de

simples manipulations, fondées sur des régularités d’équivalence constatées en langue.

L’essentiel est qu’elle fournisse, du texte, une version plus riche en équivalences. J.

Cortes dit que les transformations proposées par Harris sont essentiellement indicatives

et ne sauraient constituer un outil ni suffisant, ni nécessaire à la description de tout texte.

Émile Genouvrier et Jean Peytard12 font une distinction entre parole, discours et

langue. La parole est la manière propre à chacun d’énoncer graphiquement ou oralement

des faits de discours ; font par exemple partie de la parole les troubles de la graphie ou de

l’articulation, les « accents » régionaux, etc. Le discours est l’ensemble des réalisations

orales ou écrites telles qu’elles peuvent se présenter dans un livre, un journal, à la radio,

etc. La langue est le matériau linguistique propre à une communauté.

Dans l’enseignement d’une langue étrangère, les élèves13 attendent de leur maître

qu’il leur enseigne d’abord la langue qu’ils ont à parler et à comprendre, à lire et à écrire,

11 Cortes, Jacques et al. , Une introduction à la recherche scientifique en didactique des langues, p. 98 12 Genouvrier, Emile, Peytard, Jean, Linguistique et enseignement du français, Librairie Larousse, Paris, 1970, p.9313 Ibidem p.95

6

Page 7: L’analyse du discours conversationnel

c’est-à-dire le français contemporain. Le pédagogue doit donc tenir compte des travaux

de linguistique générale, qui le renseignent sur le fonctionnement des langues, de ceux

de linguistique du français, qui, partant des réalisations du discours pour découvrir

l’organisation de la langue, permettent d’avoir de son système une vue plus claire. Dans

le processus d’enseignement on distingue langue et discours, c’est-à-dire distinguer la

multitude de réalisations individuelles (orales ou écrites) des lois générales qui leur

permettent d’exister ; c’est passer d’une réalité concrète mais désordonnée à une entité

virtuelle (la langue) mais organisée.

Un autre linguiste qui parle du discours s’appelle Oswald Ducrot. Il a observé dans

le discours des Portugais et des Brésiliens l’utilisation de l’expression « X trouve que.. »

pour exprimer leur opinion sur le temps qu’il va faire : « Je trouve que qu’il fera beau

demain ». Cette expression ne viendrait jamais à l’esprit d’un francophone – au moins

dans une conversation banale où il s’agit seulement de donner un avis personnel et

subjectif. Pour expliquer ce phénomène, il émet deux possibles hypothèses. L’une

consiste à soutenir que l’expression « X trouve que… » est dérivée sémantiquement à

partir de « Je trouve que.. : X trouve que… = X dit « Je trouve que.. ». La seconde

hypothèse est à préciser la notion d’un acte de parole de « prédiction ». Comme la plupart

des actes de jugement, il consiste à contribuer à un fait ou à un objet certaines

caractéristiques conceptuelles. Il présente la contribution comme constitutive, comme

originelle et non pas comme le rappel d’une subsomption déjà accomplie.

4) L’analyse du discours conversationnel

Mariana Tutescu parle de cinq niveaux de l’analyse du discours

conversationnelle. Ils sont : l’interaction, la séquence, l’échange, l’intervention et l’acte

de langage.

L’interaction14 est nommée incursion, événement de communication et

par fois rencontre. Il y a une distinction entre le phénomène général de l’interaction et

l’interaction particulière qui implique la présence des participants déterminés. C. Kerbrat

Orecchioni établie quelques critères pour différencie le phénomène de la même

interaction et celui de deux unités distinctes : le schéma participationnel, l’unité de temps

et de lieu, le critère thématique et l’existence des séquences limitatives à fonction 14Valcu, Angelica, Introduction à la théorie des interactions verbales, editura Universitatea Dunarea de Jos, Galati. 2005, p.35

7

Page 8: L’analyse du discours conversationnel

d’ouverture et de clôture qui encadrent l’interaction proprement dite. Concernant le

premier critère, une interaction est délimitée par la rencontre et la séparation des deux

interlocuteurs. Quand on observe que la modification du nombre ou de la nature des

participants engagés dans l’acte communicatif, on assiste à une nouvelle interaction.

Dans le cas de deuxième critère, il y a des situations où il n’est pas respecté (la

conversation téléphonique, par exemple). Le critère thématique, n’est pas une condition

nécessaire dans une interaction. Angelica Valcu explique ce critère : « Ce qui est

essentiel ce n’est pas le thème qui reste inchangé, mais que les différents participants

poursuivent ensemble et se déplacent en même temps avec la trajectoire thématique,

souvent très sensible. » Le dernier critère n’est pas toujours respecté et il se définit à

partir du rapport de places dominant dans l’espace interactif.

La séquence est nommée transaction par les représentants de l’École de

Genève, épisode par D. André - Larochebouvy, phase par Weil Edmonson, section par A.

Owen et unité sérielle par Gail Jefferson. La séquence est l’étape intermédiaire entre

l’interaction et l’échange.

L’échange est la plus petite unité dialogale composant l’interaction.

L’échange est composé d’au moins deux tours de parole de locuteurs différents en

résultant que l’échange est un constituant complexe. Un échange ne comprenant que deux

tours de parole est un échange minimal. L’ensemble des interventions, de la rupture au

rétablissement de l’équilibre, constitue un échange. Mariana Tutescu15 présente les deux

types d’échanges établis par E.Roulet et Goffman :

- les échanges confirmatifs , qui visent à entretenir ou à confirmer une

relation établie. L’exemple le plus courant est l’échange de salutations :

Ex : A : Bonjour, Marc.

B : Bonjour, Paul.

- les échanges réparateurs , qui visent à neutraliser les effets potentiellement

menaçants d’une intervention pour la face de l’interlocuteur. Ce type d’échange

comprend trois constituants : une intervention de requête, une intervention de

l’interlocuteur visant à satisfaire cette requête et une nouvelle intervention du

locuteur visant à évaluer la manière dont sa requête est satisfaite. Par exemple :

15 Tuţescu, Mariana, L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p 63

8

Page 9: L’analyse du discours conversationnel

A : Peux-tu m’aider faire le devoir ?

B : Bien sûr.

C : Merci.

L’échange réparateur a pour fonction de rétablir l’équilibre interactionnel

entre les participants de l’échange. Mariana Tutesc trouve chez Goffman la

structure de l’échange réparateur en termes des cycles réparateurs. Par exemple :

- un cycle réparateur :

(1) / A pousse par erreur B/

A : - Excuse-moi !

B : - Pas de quoi !

- deux cycles réparateurs :

(2) A : - Peux-tu lire pour moi ? / RÉPARATION / premier

B : - Certes. / SATISFACTION/ cycle

A2 : - Merci beaucoup. / APPRÉCIATION / deuxième

B2 : - Pas de quoi. / MINIMISATION / cycle

- des constituants de deux cycles :

(3) A : - Quel est le de devoir ? / RÉPARATION / premier

B : - Voila. / SATISFACTION / cycle

A2 : - Merci beaucoup. / APPRÉCIATION / deuxième cycle

Toujours Mariana Tutescu trouve chez Moeschler la structure basique de

l’échange réparateur. RÉPARATION + SATISFACTION + APPRÉCIATION.

Il existe aussi des échangées enchâssées. On démontre avec le suivant

exemple : A1 : - Où est notre salle de classe ?

B1 : - Tu n’as pas le programme ? – A2 : Non.

B2 : - C’est la salle numéro 15.

A3 : - Merci.

9

Page 10: L’analyse du discours conversationnel

L’intervention est la plus grande unité monologale composant l’échange.

Une intervention est composée, en principe, d’actes de langage, mais peut se

réduire à un seul acte de langage. J. Moeschler16 distingue l’intervention simple

et l’intervention complexe (composée de plus d’un acte de langage). Aussi

l’intervention peut être composée d’acte de langage, d’intervention(s) et/ ou

d’échange(s).

La structure de l’intervention fait intervenir des constituants en rapport

hiérarchique, ou, plus précisément un constituant directeur et un ou plusieurs

constituants subordonnés.

Le constituant directeur est l’acte de langage donnant le sens général de

l’intervention, c’est-à-dire sa force illocutoire. L’acte directeur est le constituant

non supprimable de l’intervention.

Les constituants subordonnés sont les actes de langage qui viennent

appuyer, justifier, argumenter en faveur, etc. de l’acte directeur.

Une intervention ne contient qu’un acte directeur, mais elle peut contenir

plus d’un acte subordonné.

Un constituant à fonction interactive n’a de sens qu’en rapport avec le

constituant avec lequel il interagit la suppression de ce rapport modifiant son sens.

Pour l’analyse conversationnelle, l’école genevoise distingue deux types de

fonctions illocutoires en les rapportant à l’intervention : les fonctions illocutoires

initiatives et les fonctions illocutoires réactives.

Les fonctions illocutoires initiatives sont assignées aux interventions

imposant des droits et des obligations à l’interlocuteur. Parmi les fonctions

illocutoires initiatives, on signalera les fonctions suivantes : la demande

d’information, la demande de confirmation, la requête, l’offre, l’invitation,

l’assertion, l’ordre. En utilisant ces fonctions on doit créer des obligations de

répondre, de confirmer, d’agir, d’accepter, d’évaluer, d’obéir.

Les fonctions illocutoires réactives sont assignées aux interventions

réactives par rapport aux interventions à fonctions illocutoires initiatives. Selon

J.Moeschler, elles se divisent en deux grands groupes :

16 Tutescu, Mariana , cit. Apud J. Moeschler, Argumentation et conversation. Éléments pour une analyse pragmatique du discours, Hatier - Crédif, 1985 ;

10

Page 11: L’analyse du discours conversationnel

1) les fonctions illocutoires réactives positives

(marquant l’accord de l’interlocuteur).

2) les fonctions illocutoires réactives négatives

(marquant le désaccord de l’interlocuteur).

À l’aide des notions de fonction illocutoire et de fonction interactive, J.

Moeschler établit le principe de composition fonctionnelle suivant (PCF) : « Les

constituants de rang ÉCHANGE sont composés de constituants entretenant entre

eux des fonctions illocutoires, alors que les constituants de rang

INTERVENTION sont composés de constituants entretenant entre eux des

fonctions interactives. » 17

L’acte de langage est la plus petite unité monologale constituant

l’intervention. L’acte de langage vise à modifier un état des choses existant. On

peut classifier18 les actes de langage en deux catégories : les actes institutionnels

et les actes de langage ordinaires.

Les actes institutionnels sont accomplis dans le cadre d’une institution

(religieuse : (1) Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. ;

judiciaire : (2) Je déclare de dire toute la vérité, rien que la vérité. etc.) et ne sont

pas réalisés effectivement que s’ils sont reconnus par elle. Le locuteur doit être

autorisé par l’institution pour que sa parole ait force d’acte. La langue ne se suffit

donc pas à elle-même pour accomplir un acte institutionnel. Aussi est-elle souvent

accompagnée de gestes ritualisés : le témoin, au tribunal doit lever la main droite

(2), le prêtre doit accomplir les gestes rituels du baptême (1). Dans ce type de

situation sociale, la langue joue un rôle auxiliaire, explicitant l’acte qu’un geste, à

la limite, suffirait à indiquer.

Les actes de langage ordinaires ne s’effectuent pas dans un cadre

institutionnel, mais ils ne sont pas indépendants de toute détermination sociale.

On peut dresser une liste d’actes de langage ordinaires possibles a partir d’une

série de verbes d’action qui dénotent ces actes : ordonner, interroger, exprimer un

souhait, suggérer, avertir, remercier, critiquer, accuser, affirmer, supplier, 17 Idem 18 Riegel, Martin, Pellat, J-C, Rioul, Rene, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p.583

11

Page 12: L’analyse du discours conversationnel

menacer, promettre, insulter, s’excuser, avancer une hypothèse, jurer, autoriser,

déclarer.

Les actes de langages ont les caractéristiques suivantes 19 :

- l’acte de langage repose sur une convention sociale implicite qui associe,

dans une communauté donnée, telle expression linguistique a la réalisation de tel

acte de langage particulier. Les verbes utilisait dans l’acte de langage ont la

propriété de réaliser tel acte de langage qu’il décrit : promettre sert a réaliser un

acte de promesse, féliciter un acte de félicitation, interdire un acte d’interdiction,

etc. Des termes comme idiot, crétin, imbécile servent à réaliser, dans certaines

conditions, un acte d’injure.

- l’acte de langage définit des droits et des devoirs. En l’accomplissant, le

locuteur se donne un certain rôle et assigne un rôle a l’allocutaire, conformément

au scénario conventionnel qui régit l’acte de langage. Le locuteur et

l’interlocuteur ont des droits dans l’acte de langage. Quand il donne un ordre, le

locuteur pose son droit d’imposer un certain comportement à son partenaire.

Quand il pose une question, le locuteur établit de même son droit d’interroger et

le devoir de l’interlocuteur de répondre. L’assignation des rôles ne préjuge pas du

succès ou de l’échec de l’acte concerné. L’allocutaire peut refuser le rôle qui lui

est impose par l’injonction ou par la question et le locuteur peut mentir en

affirmant une croyance.

- toute énoncé s’affiche et s’interprète comme réalisant directement ou

indirectement un acte de langage. On ne peut pas donner un ordre à quelqu’un s’il

ne comprend pas l’intention d’agir sur son comportement. La reconnaissance de

l’intention du locuteur n’est pas toujours assurée, notamment en cas d’acte de

langage indirect.

- un acte de langage possède une force illocutoire. Un acte de langage se

décompose en : acte locutionnaire ou locutoire, acte illocutionnaire ou illocutoire

et acte perlocutionnaire ou perlocutoire. L’acte locutionnaire c’est l’acte de

production d’un énoncé qui a comme résultat une phrase, pourvue d’une

signification. L’acte illocutionnaire c’est l’acte de langage proprement dit, ce que

19 Ibidem pp.584 -585

12

Page 13: L’analyse du discours conversationnel

le locuteur fait en parlant : poser une question, donner un ordre, faire une

promesse. L’acte perlocutoire c’est l’effet produit par l’acte illocutionnaire sur

l’allocutaire. L’acte permet d’évaluer la réussite ou l’échec de l’acte

illocutionnaire suivant les réactions de l’allocutaire. Par exemple une promesse

peut susciter chez l’allocutaire la joie, la tristesse, l’indifférence, la moquerie etc.

Les actes de langage peuvent être directs et indirects20.

Les actes de langages directs sont accomplis au moyen de la forme linguistique

qui leur est associée par convention. Ils se réalisent dans deux sortes des énoncés : les

énoncés performatifs explicites et les énoncés performatifs primaires. Les énoncés

performatifs explicites contiennent un verbe performatif qui indique l’acte de langage

accompli (Je vous promettre de venir.). Un énoncé performatif doit être employé à la

première personne du présent de l’indicatif et représente la plus grande explicitation

possible d’un acte illocutoire : l’énonciation de la phrase réalise l’acte que le verbe

performatif décrit. Cependant, tous les actes de langage ne sont pas réalises par des

verbes performatifs. Ainsi, on ne peut pas dire explicitement « Je t’injurie » pour

accomplir un acte d’injure.

Les énoncés performatifs primaires correspondent aux trois types de phrases

déclaratives, interrogatives et impératives. L’acte de langage n’est pas accompli au

moyen d’un verbe performatif explicite, mais par l’emploie même du type de phrase

associé par convention à un type d’acte spécifique. La phrase déclarative (Toute

langue n’est en somme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se

compose de sons… - Ionesco) correspond à un acte d’assertion, la phrase

interrogative (Andromaque : - Aimes-tu la guerre ? Hector : - Pourquoi cette

question ? – Giraudoux) à un acte de questionnement et la phrase impérative

(Dessine-moi un mouton. – Saint-Exupéry) à un acte d’injonction.

Les actes de langages indirects sont accomplis au moyen d’un énoncé contenant

une forme associée conventionnellement à un autre acte que celui qu’ils visent à

accomplir. Dans le cas d’un acte indirect, l’allocutaire peut très bien ne pas

reconnaître ou faire semblant d’ignorer l’intention du locuteur. Inversement, celui-ci

peut très bien nier son intention illocutionnaire, puisqu’elle n’est pas associée par

20 Ibidem, pp 588-589

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Page 14: L’analyse du discours conversationnel

convention avec l’énoncé utilisé. Il y a deux types d’actes de langage indirects :

la « dérivation allusive » et « le trope illocutoire ». Par exemple, les énoncés

suivantes pour la « dérivation allusive » : (1) Il fait froid ici ! , (2) Cette choucroute

est délicieuse. , (3) Il se fait tard. Ces trois énoncés peuvent être utilisés pour formuler

des demandes : « Fermez la fenêtre ou la porte » (1), « Servez-moi encore de la

choucroute » (2), « Rentrez chez vous » (3). Le dernier peut aussi exprimer un

refus : « Je ne veux pas sortir ». Dans tous les cas, le sens littéral de l’énoncé n’est

pas annule par l’acte indirect.

Le « trope illocutoire » comme par exemple : « Avez-vous l’heure ? »,

« Pouvez–vous fermer la fenêtre ? », Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! (Stendhal).

La valeur littérale directe de la phrase est remplacée par la valeur dérivée indirecte.

L’appellation de « trope illocutoire » se fonde sur le mécanisme des tropes comme la

métaphore qui, en rhétorique, remplace le sens littéral par le sen figuré. Les énoncés

qui servent à accomplir des actes indirects ne fonctionnent pas de la même façon :

certains sont figés, voire lexicalisés (Pouvez-vous me passer le sel ? – compris

comme une demande de faire l’action indiquée) et d’autre qui ont une valeur indirecte

qui n’est pas inscrite en langue, mais elle est identifiée en situation.

Ainsi, les actes de langage indirects sont interprétés à l’aide des données de la

situation d’énonciation. Leur mise en relation avec les formes linguistiques apparaît

comme aléatoire et imprévisible, à l’exception des tropes illocutoires figés ou

lexicalisés, marqués par des indices plus ou moins codifiés.

Ces unités conversationnelles constituent une échelle de rang, c’est-à-dire elles

entrent en relation hiérarchique : l’échange est composé d’interventions,

l’intervention d’actes de langage.

Selon M.Tutescu21 tous ces constituants et principes de l’analyse

conversationnelle ont conduit à l’établissement d’un nombre de règles à même de

définir la bonne formation du texte conversationnel et dialogué. Ces règles de bonne

formation ont été établit par J.Moeschler. Elles sont les suivantes :

21 Tuţescu, Mariana , L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p.66

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Page 15: L’analyse du discours conversationnel

1) la condition thématique, qui impose à B d’avoir le même thème

que l’acte initiatif A. Cette règle permet en outre de rendre compte des

relations référentielles et anaphoriques entre énoncés.

2) la condition de contenu propositionnel, qui spécifie que le contenu

de B doit entretenir une relation sémantique précise (du type implication,

antonyme, paraphrase, etc.) avec le contenu propositionnel de A.

3) la condition illocutoire, qui indique quel type d’acte illocutoire est

compatible avec l’acte initiatif pour constituer une séquence bien formée du

point de vue pragmatique.

Denis Vernant22 présente les lignes d’évolution du discours au profit d’une

approche actionnelle de la pratique langagière. Ainsi, il parle du discours de la

représentation comme oubli du langage du point de vue des thèses représentationalistes.

Les thèses sont réduites à quatre présupposés :

1) le primat de la pensée. Selon la conception dualiste cartésienne, le

monde se compose de deux types d’entités : les choses étendues et les choses

pensantes, c’est-à-dire les corps et les âmes. Et il revient à la chose pensante de se

penser elle-même et de penser le monde à l’aide de ses idées. Ces idées ne doivent

rien aux corps ni même au langage en tant qu’il est une manifestation corporelle

subtile.

2) le fondement subjectif de la connaissance. Comme vérité des idées,

la connaissance trouve sa source dans l’expérience première que la pensée fait de

son propre exercice de pensée. Un accès direct à la source de connaissance est la

possibilité de toute représentation qui se fonde sur une présentation.

3) la fonction représentative des idées. Les idées sont capables de

représenter les choses du monde. A la différence de la métaphysique traditionnelle

qui se définissait comme ontologie première, la philosophie classique se déploie

alors essentiellement comme théorie de la connaissance chargée de fonder toute

vérité.

4) le langage est relégué à un rôle second, secondaire. Second, parce

qu’il s’avère un simple mode de représentation des idées qui, seules, représentent

22 Vernant, Denis, Du discours à l’action, édition Presses Universitaire de France, 1997, pp.6-7

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Page 16: L’analyse du discours conversationnel

directement le monde. Expression des idées, il est représentation de

représentations. Secondaire, car le langage relève du corps par l’ « institution de

nature ».

Francine Mazière 23 présente l’opinion du linguiste américain Z.S. Harris

a propos de l’analyse du discours : « L’analyse du discours donne une foule de

renseignements sur la structure d’un texte ou d’un type de texte, ou sur le rôle de chaque

élément dans cette structure. La linguistique descriptive ne décrit que le rôle de chaque

élément dans la structure de la phrase qui le contient. L’analyse du discours nous apprend

de plus comment un discours peut être bâti pour satisfaire à diverses spécifications,

exactement comme la linguistique descriptive construit des raisonnements raffinés sur les

façons

dont les systèmes linguistique peuvent être bâtis pour satisfaire à diverses spécifications.

Pour conclure, l’analyse du discours prend pour objet le texte comme articulation de

productions verbales effectives à un extérieur social, l’un n’existant pas sans l’autre.

Dans tout discours il faut qu’on distingue la forme du discours de sa fonction. Un

discours conversationnel peut être caractérisé comme une suite de contributions de

locuteurs distincts s’assimilant à un même énonciateur. Le discours conversationnel

implique un échange des questions et des réponses tenant compte de l’âge du locuteur, du

vocabulaire et de son niveau culturel. Dans la classe quand on veut communiquer

quelques choses aux élèves on doit savoir poser les questions. Ils aiment aborder leurs

propres sujets, poser leurs propres questions et exprimer leurs sentiments. Ils ont la

difficulté à répondre seulement aux questions qui leur sont posées et ils n’aiment pas

attendre leur tour pour parler. Dans cette situation, le rôle du professeur est d’utiliser un

discours conversationnel accessible et en même intéressant pour susciter leur intérêt.

Analysant le discours de l’interlocuteur du point de vue de cinq niveaux de

l’analyse on peut rendre compte de son état (troublé, décontracté, incertain etc.), de ses

intentions, de son niveau de culture, de ses aspirations, de son comportement etc. Aussi

l’analyse du discours est basée sur les éléments de la théorie de la communication et a

comme unité fondamentale l’acte de langage. Le but de l’analyse du discours est de

23 Mazière, Francine, Apud Z.S Harris, Discours analysis : A sample texte, p. 3

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Page 17: L’analyse du discours conversationnel

trouver une représentation de l’état psychique de l’utilisateur parmi l’identification des

connaissances employées par l’utilisateur dans l’intérieur du dialogue.

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