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  • L'APPROPRIATION DES PROJETS DE DVELOPPEMENT

    Le cas des Micro-ralisations au Burkina Faso

    HAMIDOU BENOT OUDRAOGO

    ACTES ET INSTRUMENTS DE LA RECHERCHE EN DVELOPPEMENT RGIONAL NO 9

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  • Les Actes et instruments de la recherche en dveloppement rgional sont publis par le Groupe de recherche interdisciplinaire en dveloppement de l'Est du Qubec.

    Les propos tenus dans cet ouvrage n'engagent que la responsabilit de l'auteur.

    DISTRIBUTION AU QUBEC GRIDEQ

    RVISION ET DITION Jean LARRIVE

    TRAITEMENT DE TEXTE Diane D'AMOURS Annie TREMBLA Y

    CONCEPTION GRAPHIQUE Richard FOURNIER

    INFORMA TI ON Lise BLANCHETTE: (418) 724-1440

    DISTRIBUTION EN AFRIQUE ABRAAD B.P.685 300, alle des Ursulines

    Rimouski (Qubec) G5L3Al

    01 OUAGADOUGOU BURKINA FASO

    Donnes de cataIogage avant publication (Canada)

    Oudraogo, Hamidou Benot

    L'appropriation des projets de dveloppement: le cas des Micro-ralisations au Burkina Faso

    (Actes et instruments de la recherche en dveloppement rgional; 9)

    Comprend des rfrences bibliographiques.

    ISBN 2-920270-51-6

    1. Dveloppement communautaire - Burkina Faso - Participation des citoyens. 2. Dveloppement conomique - Participation des citoyens. 3. Dveloppement conomique - Projets - Burkina Faso. 4. Burkina Faso - Conditions conomiques. 1. Universit du Qubec Rimouski. Groupe de recherche interdisciplinaire en dveloppement de l'Est du Qubec. II. Titre. III. Collection.

    HN828.z9C6 1992 307.1'4'096625

    TOUS DROITS RSERVS Copyright 1992

    Universit du Qubec Rimouski Dpt lgal, 4e trimestre 1992

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    C92-097284-5

  • AVANT-PROPOS

    Bon nombre de grands projets en Afrique n'ont t que des "lphants blancs" ou des "cathdrales dans le dsert". Ils ont cot cher et induit des charges rcurrentes difficiles supporter par les pays assists. Aprs 30 ans d'illusions, de concepts errons et d'checs des actions de dveloppement inities par les tats, les agences d'aide, les socits d'encadrement et mme tout rcemment de certaines ONG, on tente aujourd'hui de sortir des ornires du pass par de nouveaux programmes et de nouvelles approches. Mme si aujourd 'hui le doute commence gagner certains experts, de grands espoirs se fondent encore sur les micro-ralisations dans les processus d'appropriation effective par les organisations villageoises de "responsabilits et de fonctions qu'elles puissent exercer de faon permanente et cumulative". C'est le but poursuivi ces dernires annes par l'aide internationale mais trop souvent hlas l'appropriation constitue la pierre d'achoppement des projets de dveloppement.

    Le thme de la prsente recherche est une interpellation; il s'est impos moi aprs un temps de recul et une rflexion sur mes quinze annes d'expriences passes mettre en oeuvre des actions de dveloppement en milieu rural. Que de moyens financiers considrables engloutis! Que d'expertises nationales et internationales mobilises! Le tout pour des rsultats quantitativement et surtout qualitativement mitigs sinon dcevants!

    J'ai t encourag dans cette recherche en mai 1988 par Philomne Ntumba Makolo avec qui j'ai publi une premire note de rflexion sur l'appropriation au Centre Sahel de l'Universit Laval. Par la suite, j'ai poursuivi l'approfondissement du thme l'Universit du Qubec Rimouski et au Burkina Faso sur le terrain des micro-ralisations de la Coopration Canado-Burkinab. Au terme de toutes mes investigations je remercie particulirement mes deux directeurs de recherche les professeurs

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  • Bruno Jean et Danielle Lafontaine, Oleg Stanek du Dpartement de la Matrise en dveloppement rgional de l'Universit du Qubec Rimouski dont les observations et commentaires ont enrichi mon regard sur la problmatique du dveloppement rgional et la dynamique des changements sociaux.

    Je tiens exprimer ma reconnaissance l'gard des membres de l'ABRAAD, du professeur Henri Desroche, de Claude Guy Pilon, de Violette Alarie Gendron et Camille Rony dont le compagnonnage multiforme a nourri constamment le processus de ma recherche-action.

    Je tmoigne galement ma gratitude Jean Pierre Chicoine et mile Ndejuru, coordonnateurs du programme Micro-ralisations et toute l'quipe de travail de cette institution pour m'avoir soutenu et facilit la rencontre avec les populations cibles. Je dois beaucoup aux membres de l'quipe d'valuation d'impact des projets de la phase 1 du PMR que j'ai dirige de septembre octobre 1990 sur le terrain. Il s'agit d'Adlade Sare et de Jean-Paul Lbend Sionne, Yacouba Sanou, Emmanuel Behoudou et Boniface Bationo.

    Enfin je ddie cette recherche ma chre pouse Delphine Compaore et nos chers enfants Locadie, Olivier, Wendyam, Lionel et Rodrigue. Ils m'ont compris et soutenu pendant mes longues absences au Qubec et au Burkina sur le terrain des micro-ralisations.

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  • TABLE DES MATIRES

    Page

    AV ANT -PROPOS................................................................................ v

    TABLE DES MATIRES .................................................................. vii

    INTRODUCTION ................................................................................. 1

    CHAPITREl

    PROBLMATIQUE DE L'TUDE.......................................................... 5

    1.1 Le cadre gnral de l'tude.......................................................... 5 1.1.1 Au plan historique et politique........................................... 5 1.1.2 Au plan dmographique ..................................................... 7 1.1.3 Au plan socio-culturel...................... .................................... 8 1.1.4 Au plan socio-conomique................................................... 10

    1.2 Problmatique spcifique de l'tude............................................. 12 1.3 Objectif de la recherche... ......................... ................. ....... ........... 15 1.4 Pertinence de l'tude ............................... ............. ..... ............ ...... 15

    CHAPITRE 2

    L'APPROPRIATION: TAT DE LA QUESTION ................................... 19

    2.1 Appropriation et dveloppement................................................. 19 2.2 Facteurs d'appropriation et de non-appropriation des projets........ 26 2.3 Critres d'apprciation de l'approbation..................................... 30 2.4 Dimensions et modalits d'intervention ....................................... 31

    2.4.1 Le dveloppement organisationneL.................................... 32 2.4.2 La matrise des actions techniques ...................................... 35

    vi i

  • 2.4.3 La matrise de la gestion des ressources humaines, financires et matrielles ........ ....... .......... ................ .......... 36

    2.4.4 L'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis............. 37

    CHAPITRE 3

    M'I'HODOLOGIE DE L'TUDE .. .. .... .... ....... ................. ............ 41

    3.1 laboration des hypothses......................................................... 41 3.2 Prsentation et dfinition des variables....................................... 42 3.3 Choix de l'chantillon des projets valuer ................................. 44 3.4 Instrument de collecte et d'analyse de donnes.............................. 44 3.5 Contraintes et limites de l'tude ................................... :.............. 46

    CHAPITRE 4

    ANALYSE ET INTERPRTATION DES TROIS TYPES DE CAS............. 47

    4.1 Prsentation du cadre d'exprience des projets.............................. 47 4.1 1 Historique du programme Micro-ralisations ( PMR)........... 48 4.1.2 Objectifs et but du PMR....................................................... 48 4.1.3 Philosophie de dveloppement du PMR.............................. 48 4.1.4 Les axes gnraux de l'intervention du PMR......................... 49 4.1.5 Envergure et participation de diffrents partenaires........... 50 4.1.6 Aspects organisationnels et gestion......... ........ ............. ....... 50 4.1.7 La dmarche d'intervention................................................ 51

    4.2 Prsentation des projets ............................................................... 51 4.2.1 Premier projet, projet "A"

    Dveloppement socio-conomique de Kundula ..................... 52 4.2.2 Deuxime Projet,

    Projet "B" Hydraulique rurale de Sabsin ............................. 58 4.2.3 Troisime Projet, Projet "C" Embouche Ovine Titao ........... 64

    4.3 Analyse des aspects d'appropriation et impacts des projets.......... 68 4.3.1 Les aspects organisationnels ............................................... 68

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  • 4.3.2 La matrise des actions et techniques......................... ....... ... 71 4.3.3 La matrise de la gestion des ressources humaines,

    financires et matrielles.................................................. 76 4.3.4 L'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis............. 79 4.3.5 Les impacts socio-culturels......... ..... ............................. ....... 80 4.3.6 Les impacts socio-conomiques.................. ........... ... ............ 82 4.3.7 Les rsultats inattendus...................................................... 85 4.3.8 Validation des hypothses et du cadre de rfrence............. 89

    CHAPITRES

    VOIES D'ACTIONS ET D'INTERVENTIONS ...................................... 93

    5.1 Dialogue avec les instances politiques et administratives de dcision .................... :................................ 94

    5.2 Formation des cadres d'excution ................................................. 95 5.3 Participation des communauts.................................................... 98 5.4 Processus d'appropriation et formes d'appui................................. 100

    CONCLUSION.................................................................................... 105

    BIBLIOGRAPHIE................................................................................ 107

    LISTE DES SIGLES............................................................................... 117

    LISTE DES TABLEAUX........................................................................ 119

    ANNEXE............................................................................................. 121

    ix

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    A.TLANTIC

    OC E; A N

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    CARTEl L'AFRIQUE

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    OC E; A N

    SOURCE: WORLD EAGLE eds. Africa Today. An Atlas of Reproducibles Pages. Wellesley, World Eagle Inc., 1983.

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  • CARTE 2 LOCAUSA TION DES PROJETS

    BURKINA FASO PROGRAMME MICRO-RALISATIONS-PHASE 1

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  • INTRODUCTION

    L'aide internationale fonctionne par modes successives et aujourd'hui les notions d'appropriation et de dveloppement durable sont de plus en plus au coeur des stratgies de coopration et de dveloppement national ou rgional. Les incohrences des expriences de coopration ont induit concevoir le sous-dveloppement de l'Afrique en termes, non quantitatifs, mais plutt qualitatifs. Ce dont il s'agit maintenant c'est de changer attitudes et comportements tous les niveaux: agences d'aide, agences d'excution, services publics, ONG et communauts de base; au lieu de se gargariser seulement de nouveaux slogans la mode, les agences d'aide semblent chercher changer en profondeur leurs faons d'laborer puis d'excuter les programmes et les projets; au niveau des communauts de base la notion d'appropriation est au coeur de toute problmatique pour un dveloppement o les gens resteraient ou redeviendraient "matres" de leur destin; elle implique une acculturation libre, l'extriorit de l'apport pour le changement devant tre intriorise.

    Il est maintenant reconnu que le problme majeur du dveloppement est moins celui de la connaissance des technologies que celui de la transmission des processus des connaissances eux-mmes et de la dmocratisation de la participation au changement. Cette dimension dmocratique de la participation qui signifie en termes simples, que a marche et qu'on le fasse marcher ensemble toutes les chelles d'embotement du village jusqu'au niveau national, voire mme au systme mondial, est le dfi de notre gnration et certainement du travail pour les gnrations qui vont venir aprs nous. Cette dmocratisation vritable de la participation conditionne en mme temps l'efficacit dans la survie pour de nombreux pays africains inquiets de leur devenir.

    Dans les pages qui suivent nous allons discuter de cette notion d'appropriation dont tout le monde parle et que l'on cerne encore mal. Pour

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  • notre part nous allons tenter de lui donner un contenu conceptuel et d'en clarifier les volets et dimensions; nous allons ensuite proposer une relecture d'expriences de dveloppement qui ont eu lieu dans trois communauts de base dans le cadre d'exprience du programme Micro-ralisations de la coopration Canado-Burkinab. De ce travail, nous esprons que des voies d'interventions et d'actions, comme nous le verrons dans la dernire partie de la recherche, pourront tre esquisses. Auparavant et au tout dbut nous prsentons le cadre gnral de l'tude qui dfinit les grandes orientations macro-politiques et conomiques du Burkina-Faso.

    Les efforts pour promouvoir un dveloppement durable ou une appropriation des actions de dveloppement sont indissolublement lis au micro et macro environnement mais ils reposent avant tout sur la volont sans complaisance des Africains de s'en sortir. Comme le dit sans dtour Axelle Kabou dans un livre rcent:

    L'Afrique ne se meurt pas: elle se suicide dans une sorte d'ivresse culturelle pourvoyeuse de seules gratifications morales. Les injections massives de capitaux n'y pourront rien. Il faudrait d'abord dsintoxiquer les mentalits, remettre les pendules 1 'heure, et surtout placer les individus face leurs incontournables responsabilits. Les Africains sont largement persuads que leur destin doit tre pris en charge par des trangers. Ds lors, les aider se dvelopper c'est d'abord les encourager crer les conditions psychologiques de rceptivit au changement; c'est favoriser l'mergence d'un vaste dbat rsolument dcomplex sur leur volont de dveloppement1 ,

    Notre rflexion est une contribution ce dbat. Le dveloppement est trs souvent une rencontre entre l'exogne et l'endogne. Quatre groupes d'acteurs se situent dans leur champ respectif d'opration en inter-relations dynamiques: il s'agit des agences d'aides avec leurs firmes ou organismes d'excution, les dirigeants administratifs et politiques, les services publics ou privs locaux d'encadrement et la population cible. Dans chacun de ces niveaux peuvent se poser des problmes d'appropriation de la responsabilit du dveloppement. Notre rflexion porte principalement sur le dernier niveau, celui des groupes de base ou des communauts villageoises.

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  • NOTE

    1. Axelle Kabou, Et si l'Afrique refusait le dveloppement?, Paris, L'Harmattan, 1991, p. 27.

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  • LE TRAJET

    Dans ce trajet, on doit faire trs attention car il existe un double pige.

    Le premier pige serait que la crativit rcuse la scientificit ...

    Le second pige serait que la scientificit tue la crativit. C'est par hantise de ce second pige que certains acteurs sociaux refusent de s'y risquer et ils n'ont pas tort ...

    Scientificit! Crativit! Ce sont des mots abstraits ...

    Pour autant, ce ne sont pas des jeux de mots. Une pdagogie du projet les habite.

    Henri Desroches, En tr e pre n d r e d'apprendre. D'une autobiographie raisonne aux projets d'une recherche-action, apprentissage 3, Les ditions Ouvrires, 1990, pages 36 et 37.

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  • CHAPITRE 1

    PROBLMATIQUE DE L'TUDE

    1.1 LE CADRE GNRAL DE L'TUDE

    Le Burkina Faso est un pays enclav situ au coeur de l'Afrique occidentale, plus de 700 km des rives de l'ocan Atlantique. Il a une superficie de 274 112 km2 avec trois zones naturelles: au Nord, le Sahel peu arros et au couvert vgtal pauvre; un centre de savane o les cultures cralires dominent et un Sud-Ouest mieux arros, au couvert vgtal plus dense. Ses grandes caractristiques politique, sociale et conomique se prsentent comme suit:

    1.1.1 Au plan historique et politique

    L'histoire politique du Burkina a connu une grande instabilit. Autrefois le pays est habit par une centaine de nations autonomes dont la plus importante est celle des Mossi, organise en empire; la fin du 1ge sicle, le pays est colonis par la France qui cre en 1919 la colonie de Haute-Volta. Pour des raisons essentiellement conomiques de recherche d'une main-d'oeuvre dynamique, l'Administration coloniale divise la colonie entre les territoires coloniaux voisins de la Cte-d'Ivoire, du Soudan franais (actuellement le Mali) et du Niger. La Haute-Volta est reconstitue en 1947 et devient indpendante en 1960. Le jeune tat s'illustre en Afrique comme un pays de grande libert o le pluralisme syndical et le multipartisme ont toujours survcu aux nombreux rgimes: reglme parlementaire et prsidentiel de 1960 1966; rgime nlilitaire de 1966 1970; rgime parlementaire avec pluralisme politique de 1970 1974, puis de 1978 1980; rgime semi-militaire avec gouvernement d'union nationale

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  • de 1974 1976, puis de 1976 1978; rgime militaire de 1980 1982, puis de 1982 1983 avec une orientation marquant un tournant "gauche"l.

    L'anne 1983 voit l'avnement de la Rvolution dmocratique et populaire. Ce nouveau rgime est initi par de jeunes officiers militaires progressistes et nationalistes qui voyaient dans le mal de l'Afrique, la consquence des politiques no-coloniales articulant l'conomie chancelante des tats l'conomie de march qui ne paye pas leurs produits sa juste valeur. Pour marquer la profondeur du changement intervenu et attendu, les nouveaux dirigeants changent le nom du pays qui devient "Burkina Faso", c'est--dire la patrie des hommes dignes et intgres; l'ordonnance du 14 novembre 1983 modifie l'organisation territoriale en remplaant les Il circonscriptions administratives antrieures par 30 provinces divises elles-mmes en 300 dpartements. Nous avons donc l une organisation go-politique trois paliers. La province et le dpartement sont thoriquement des circonscriptions administratives dconcentres et des collectivits publiques dcentralises, dotes de la personnalit morale. Les villages sont au nombre de 7 700 environ; chacun d'eux est aussi considr comme une collectivit dcentralise, dote de la personnalit morale. Paralllement l'autorit administrative, le pouvoir rvolutionnaire local est entre les mains des comits de dfense de la rvolution dont les dlgus participent l'animation et au contrle du dveloppement rural. la transformation de toutes les structures administratives et politiques correspond un changement dans la philosophie et l'approche du dveloppement. L'austrit, la gestion rigoureuse de l'conomie, la valorisation des ressources nationales et la conscience historique des peuples deviennent les matres-mots de la nouvelle politique. Les exclus habituels du jeu social reprennent confiance: les paysans, les femmes, les ruraux proltariss et les jeunes. Le Programme populaire de dveloppement - (octobre 1984 / dcembre 1985 ) - proclame la volont politique de mettre fin l'tat providence, chaque collectivit locale devant s'assumer elle-mme. Le rythme et la profondeur du changement crent des frustrations et des clivages sociologiques. En octobre 1987 des contradictions clatent au sein de l'quipe et clturent de manire violente l'exprience "nationaliste et rvolutionnaire"; depuis, un processus dit de "rectification" qualifi de "virage" par certains ana!ystes politiques, amne le pays voluer progressivement vers un Etat de droit, un pluralisme politique et une libralisation de l'conomie. Le 2 juin 1991, par voie rfrendaire, le pays

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  • se dote d'une constitution qui tourne la page de son histoire; la promulgation de la constitution marque une rupture avec onze annes de rgime d'exception et consacre l'avnement du quatrime rgime constitutionnel dmocratique. A vec les rpercussions des effets de la crise mondiale et les interventions de la Banque mondiale et du FMI, on assiste depuis 1990 une acclration de la remise en cause du rle dirigeant de l'tat dans l'conomie: dsengagement progressif des secteurs bancaire et industriel aprs la signature d'un programme d'ajustement structurel avec le FMI le 13 mars 1991 pour prvenir la crise conomique et financire.

    1.1.2 Au plan dmographique

    Au dernier recensement en dcembre 1985, le Burkina Faso compte une population rsidente de 7964 705 habitants. Les migrs sont valus deux millions dont plus du tiers en Cte-d'Ivoire. La population rsidente qui est le triple de ce qu'elle tait en 1910, se caractrise par son extrme jeunesse, (les moins de 15 ans reprsentant 48,3 %), la prdominance des ruraux (86 %), celle relative des femmes (51,87 %) et la grande diversit des groupes ethniques (une soixantaine dont une dizaine se dmarque tant par leur nombre que par leur culture propre, leur vie conomique, sociale et religieuse). La densit moyenne de la population est de 29 habitants au km2. La population urbaine est en pleine expansion: lie taux d'urbanisation est pass de 6,4 % en 1975 12,7 % en 1985.

    Le surpeuplement de la rgion centrale du pays, la pauvret et la dgradation continue des sols, le phnomne persistant de la scheresse depuis 1970 et l'insuffisance de la production dans les campagnes ont amplifi le mouvement migratoire interne des populations rurales vers les villes et les rgions encore fertiles du Sud et du Sud-Ouest. Les migrations de travail vers l'tranger notamment la Cte-d'Ivoire, et le Gabon ont connu ces dernires annes une rgression sensible cause de la conjoncture conomique difficile que traversent ces pays d'accueil.

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  • 1.1.3 Au plan socio-culturel

    Le Burkina Faso est un pays qui n'a pas connu de conflits ethniques de grande envergure; de la soixantaine d'ethnies, celles qui se dmarquent sont les suivantes: Mossi, Bobo, Gourmantch, Peul, Boussanc ou Bissa, Mand, Snoufo et apparents, Touareg- Bella et Sonrhai. Dans le cadre de ceUe tude nous ne parlons que de la ralit socio-culturelle des Mossi qui reprsentent environ la moiti de la population de tout le pays. La raison est simplement le fait que tous les villages retenus dans le cadre de l'tude sont de cette mme aire culturelle.

    Les Mossi constituent une socit patrilinaire rsidence patrilocale. Ils ont une structure sociale trs hirarchise dont les bases sont la fois fodale et dmocratique. Au sommet se trouve le "Morho-Naaba", chef suprme empereur du "Mogho" symbolisant le soleil sur la terre. L'autorit politique traditionnelle repose sur lui entour de ses ministres. Cette autorit se diffuse jusqu'aux familles en passant par des chefs de villages, de quartier ou de lignage. Dans un village mossi il y a deux chefs: le "Teng-Naaba" ou chef de la terre qui exerce le pouvoir politique et le ''Teng-Soba'' ou propritaire de la terre, descendant des premiers occupants de la terre et des chefs vaincus, qui exercent le pouvoir religieux et le rituel. Tous ces dignitaires demeurent les gardiens de l'ordre ancien et, en gnral, en sont les principaux bnficiaires. La psychologie du Moaga (singulier de Mossi, terme pluriel) est profondment modele par sa vision du monde, une idologie o la pense logique est insparable des forces mystiques non domines et considres comme non dominables. Le Moaga est profondment religieux. Il croit en un seul Dieu "Wend", source de vie; Wend est omniprsent, omnipuissant et omnifcond; cependant son intervention se limite la conception de l'tre humain et sa naissance. Une fois la vie donne, Dieu s'efface au profit d'un grand nombre d'intermdiaires, forces vivantes occultes et spirituelles, bnfiques: les "gnies" 1 animant montagne, fleuve, bois, vent, pluie, pierres, clairires etc ... ; aucune cloison n'existe entre les activits matrielles et les ralits spirituelles. l'image du ruisseau qui doit se frayer un passage travers la jungle, le Moaga construit tout un systme de vie o il cherche se concilier les faveurs du ciel, demeure de gnies et celles de la Terre, lieu des morts. Cette conception mystique et religieuse du monde explique son sentiment de dpendance vis--vis des forces invisibles, le besoin de scurit et

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  • d'panouissement individuel et familial. Cette vision du monde explique aussi pourquoi il accomplit de nombreux rites chaque fois que la vie est menace par la maladie, par un danger quelconque, ou qu'elle a besoin d'tre fortifie2. L'difice psychologique et idologique du :Moaga est branl par la pntration coloniale et l'ouverture au monde moderne; l'argent a envahi les villages et avec lui des idologies qui lui sont connexes; on observe actuellement une tendance l'affaiblissement du cadre lignager traditionnel, une affirmation de la famille lmentaire comme groupe organique et l'individualisation des rapports sociaux stimule par la diffusion de l'conomie montaire3 . Dans les villages les anciens, nostalgiques de leur pass, sont conscients de l'effondrement de la socit traditionnelle; une rflexion image d'un d'entre eux, rapporte par le GRAAP, traduit leur dsarroi:

    Aujourd'hui, on est comme devant un carrefour! on ne sait pas quelle piste prendre! quelle est la piste de la vrit?

    On a mis quelques-uns de nos enfants l'cole pour qu'ils gagnent une place et rapportent de l'argent, Mais maintenant, c'est chacun pour soi, tous veulent partir et ils sont tous perdus pour le village!

    Est-ce que c'est la bonne piste? Depuis que les "Blancs" sont venus, ils nous ont appris aimer l'argent plus que les hommes! Aujourd'hui il n'y a plus d'entente. Alors maintenant, on est trop dcourag. On est comme un homme qui prend une corde et court en brousse pour aller se pendre! ... 4

    Tout heureusement n'est pas encore perdu pour ces socits en transition: les grandes valeurs de rfrence demeurent : le respect des anciens, l'honneur de la famille, le sentiment d'appartenance un terroir, le

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  • sens de l'amiti etc ... Il est encore possible d'arracher la "corde" ce vieux dsespr et d'aider les villageois retrouver leur chemin et reprendre en main leur propre vie.

    1.1.4 Au plan socio-conomique

    Le Burkina Faso n'a pas la rputation d'un pays riche en ressources naturelles; or il dispose de quelques gisements aurifres de dcouverte rcente et d'exploitation artisanale pour la plupart. Le plus important est situ Poura, au Centre-Ouest. Le pays dispose d'un important gisement de manganse au Nord non encore exploit pour des raisons de "non rentabili t" conomique.

    Le secteur de l'agriculture et de l'levage, constitue l'pine dorsale de l'conomie burkinab. Il participe pour plus de 45% du PIB et de 40% des exportations du pays. Il emploie environ 90% de la population et l'tat lui consacre plus de 21 % des ressources alloues l'excution du premier plan quinquennal de dveloppement populaire (1985-1990). La production vivrire prsente une dominante cralire: mil, sorgho, mas et riz. L'levage, malgr sa contribution importante dans l'conomie nationale, est encore rduit au stade de la transhumance. On constate un dsquilibre important entre l'accroissement dmographique (3%) et la croissance de la production des crales (0,7 %); si l'on prend en compte le taux de croissance de l'urbanisation qui est de 12,7%, l'auto-suffisance alimentaire constitue un vritable problme pour le Burkina. Pour la priode de 1981 1990, la production alimentaire a t marque par une volution en dents de scie avec de trs grandes variations d'une anne l'autre. Mais on peut aussi constater que hormis la campagne agricole 1982-1983 o il ya eu un excdent important (+ de 196 000 tonnes), les autres ont t caractrises par des dficits dont les plus grands concernent les campagnes 1987-1988 et 1988-1989 soit -250 000 et -107 408 tonnes5. Le dficit qui tend devenir structurel s'explique par un ensemble de contraintes physico-techniques, humaines et ins ti tu tionnelles:

    pluviomtrie CaprICleUSe pour ne pas dire catastrophique: dmarrage prcoce ou tardif des pluies irrgulires et ingales, vent de sable du nord, scheresse prolonge;

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  • cosystme de plus en plus perturb par les feux de brousse, le dboisement excessif et la surexploitation des terres et des pturages;

    non matrise des circuits de commercialisation;

    faible niveau d'organisation et de formation des producteurs;

    caractre encore rudimentaire des moyens de production: mme si le nombre d'attelage est pass de 2 000 en 1965 110000 en 1980, la majorit des paysans travaillent encore la "daba" (instrument aratoire rudimentaire).

    industrie de transformation des produits de l'agriculture (coton, karit, sucre, fruits et lgumes, cuirs et peau) encore embryonnaire;

    Pour assister le Burkina dans ses efforts de redressement du secteur agricole afin que l'agriculture puisse devenir le moteur de l'conomie, la coopration internationale finance d'importants projets comme:

    l'amnagement des terroirs villageois qui vise rationaliser l'utilisation de l'espace rural et restaurer l'quilibre socio-cologique;

    la stabilisation du couvert vgtal qui s'inscrit dans la lutte nationale contre la dsertification;

    les amnagements hydro-agricoles sur lesquels se greffent, de faon intgre, des activits agricoles, des activits de renforcement des organisations paysannes et de promotion fminine;

    les micro-ralisations dans le but de favoriser l'auto-dveloppement en accroissant les capacits de mise en oeuvre de projets de dveloppement initis par les communauts de base.

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  • Le Burkina a connu plusieurs plans de dveloppement, tous marqus par les mmes problmes et priorits. Les deux derniers se distinguent cependant des autres par leur approche participative. Le Plan quinquennal 1985-1990 met l'accent sur la participation de la population la prise en charge de leur dveloppement, la rforme agraire, la rforme administrative et la rforme des structures de production et de distribution. Le Plan quinquennal de dveloppement (1991-1996) s'attache consolider les acquis du premier, redynamiser les secteurs essouffls; juguler les dsquilibres de la balance de paiements et de la balance commerciale; mieux couvrir les besoins en matire de sant, d'ducation, d'habitat; accrotre la participation de la femme et du secteur priv dans le processus du dveloppement6 . L'application du PAS doit concrtement se matrialiser par la diversification et la modernisation de l'agriculture, l'amlioration de l'levage, la recherche de la scurit alimentaire, la libralisation du march intrieur et la cration d'un cadre propice l'investissement priv international.

    L'chec de la premire dcennie de dveloppement quant la transformation structurelle profonde du secteur agricole a suscit au Burkina Faso la cration d'une multitude d'ONG nationales et internationales cooprant avec les communauts villageoises, sans intermdiaires administratifs et sans bureaucratie excessive. Pour viter les actions disparates et le gaspillage de ressources, le Gouvernement cre en mai 1984 un Bureau de suivi des ONG (BSONG).

    1.2 PROBLMATIQUE SPCIFIQUE DE L'TUDE

    L'objectif scientifique de cette recherche est d'analyser les impacts d'une stratgie d'intervention laquelle ont eu recours les intervenants impliqus dans des projets de dveloppement la base, raliss au Burkina Faso. Plus prcisment la recherche s'intresse aux impacts humains et sociaux de la stratgie d'intervention du programme Micro-ralisations de la coopration canado-burkinab, aux "capacits d'auto-dveloppement" des populations impliques dans les projets.

    On reconnat volontiers qu'un projet de dveloppement est un ensemble d'actions limites dans l'espace et dans le temps. Mais la vraie

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  • mesure de sa russite rside dans les changements durables et autonomes qui continueront de se produire auprs des populations cibles et de l'ensemble de la communaut aprs que l'aide et les acteurs extrieurs se soient retirs, bref dans l'appropriation de changement effectu. Cette appropriation devrait se traduire par une dynamique durable d'auto-animation, de rflexion et d'analyse des problmes vcus et de prise en charge des risques d'chec ou de russite des actions de dveloppement par les acteurs du milieu bnficiaire d'o l'importance des structures d'appui ou de capitalisation intellectuelle de chercheurs et aussi de chercheures. Mais que constate-t-on dans la ralit? Lorsqu'on passe en revue les divers projets de dveloppement rural qui se sont accumuls depuis plus de trois dcennies au Sahel en gnral et au Burkina Faso en particuHer, le constat le plus frappant est leur fragilit ou leur manque de viabilit. S'ils ne sont pas mort-ns, la plupart d'entre eux accusent une existence prcaire aprs dsengagement des organismes d'appui (que ces organismes soient gouvernementaux, non gouvernementaux, du Sud comme du Nord).

    Les concepteurs et les acteurs du dveloppement se posent des questions fondamentales concernant le changement en profondeur des organisations paysannes:

    N'a-t-on pas emprunt de fausses pistes depuis que l'on parle de stratgies d'auto-promotion?

    Si les paysans ne se sentent pas propritaires du projet, cela n'est-il pas d au fait que l'on se soit tromp au dpart de propritaire?

    Que signifie l'appropriation?

    Pourquoi l'appropriation?

    Quels sont les critres d'apprciation de l'appropriation?

    Quelle est la dmarche suivre pour russir une appropriation?

    Quel est le moyen le plus efficace pour assurer cette appropriation?

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  • Quelles sont les consquences qui dcouleraient d'une pareille stratgie tant du point de vue de la recherche que de celui de l'action dans le contexte du dveloppement?

    Dans le cadre de cette tude, l'appropriation est vue comme une dmarche multidimensionnelle d'intgration complexe par laquelle les populations cherchent effectivement matriser par des dcisions qui leur sont propres le processus d'un changement mlioratif durable dans lequel on les a engages ou dans lequel elles se sont engages en vue de contrler le fonctionnement de leurs vies ou de leurs communauts; ce qu'elles ne faisaient pas ou ce qu'elles ne faisaient plus. Cette dmarche vise avant tout l'objectif d'internalisation des actions, c'est--dire que pour tre viables ces actions doivent tre assimiles et maintenues aprs le retrait du financement extrieur sans cot politique, social, conomique et culturel excessifs7. La complexit de l'appropriation provient du fait qu'elle est une intgration ttons ou par apprentissage et qui reprend ou cherche amnager tous les paliers de la vie sociale; on dcouvre ces "paliers" lorsqu'on entreprend une dmarche rflexive; pour tre effective l'appropriation doit s'oprer notamment plusieurs niveaux savoir:

    organisationnel celui de l'intgration d'une nouvelle organisation qui recherche

    son identit et/ ou son autonomie par de nouvelles mthodes de travail (ex: capacit de rflexion et d'analyse, matrise des leviers de fonctionnement de l'organisation, capacit grer ses biens de faon dmocratique, rentable et quitable);

    instrumental celui de l'intgration de nouvelles techniques et de technologies

    gnralement trangres au milieu (ex: matriser le fonctionnement d'un nouveau systme d'irrigation avec de nouvelles techniques culturales);

    conceptuel celui de l'intgration de nouvelles manires de concevoir la vie,

    des faons de penser, de voir, de dire et d'agir avec des rapports nouveaux entre les acteurs endognes et exognes.

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  • 1.3 OBJECTIF DE LA RECHERCHE

    L'objectif principal de notre recherche est d'valuer l'intensit de l'appropriation plus ou moins marque des populations de trois projets de dveloppement ainsi que les changements que la ralisation des projets a engendrs dans les domaines socio-conomiques et socio-culturels.

    Nos sous-objectifs sont les suivants:

    Dterminer la viabilit ou les chances de viabilit des projets aprs le retrait des intervenants (capacit acquise de la population-cible assurer la continuilt des activits ou dvelopper de nouvelles expriences);

    vrifier les capacits des populations assurer la prise en charge des dpenses affrentes au droullement des activits et au maintien des infrastructures;

    formuler des recommandations permettant d'amliorer la dmarche de prise en charge et d'amplifier les effets et impacts positifs de l'intervention du PMR.

    1.4 PERTINENCE DE L'TUDE

    De nombreux intervenants des diffrents programmes bilatraux mis en oeuvre dans les pays du Sahel s'accordent de plus en plus dire que

    l'appropriation des projets est la principale lacune de ces programmes alors qu'elle en constitue le principal objectif. Aussi longtemps que le projet est dans une sorte d'incubateur fourni par le programme (encadrement minutieux, financement, support technique, auto-valuation), son intgrit et son bon fonctionnement sont assurs. Aussitt "mis au monde" , en dehors de cet environnement douillet et contrl, le projet a plus de chance de trpasser que de survivre8.

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  • Les tudes sur l'appropriation sont encore rares ; une confusion certaine prvaut par rapport au concept mme qui n'est pas encore bien lucid. Notre recherche, en prenant pour rfrence le programme Micro-ralisations du Burkina, voudrait situer la problmatique de l'appropriation ou de son envers, la non-appropriation, en tentant de cerner les principaux facteurs qui sont la base de cette situation; elle propose en plus des critres d'apprciation, les tapes franchir, les modalits d'intervention et une stratgie pour une vritable "appropriation" par les populations de leurs projets de dveloppement.

    NOTES

    1. Fernand Sanou, Politiques ducatives du Burkina Faso, Universit de Ouagadougou, fvrier 1988.

    2 Haminou Benot Oudraogo, Opration inter-gnrationnelle en Haute-Volta, Conseils villageois, formation des jeunes agriculteurs et dveloppement des communauts de base, mmoire du diplme de l'E.H.E.S.S., Paris, 1978, 200 p.

    3. Ministre du Plan et de la Coopration, Dclaration de politique de population au Burkina-Faso, Direction de la planification et du dveloppement, document non dat.

    4. GRAAP, Pour une pdagogie de l'autopromotion, Imprimerie de la Savane, Bobo-Dioulasso, 6e dition, actualise, 1991, 85 p.

    5. Conseil rvolutionnaire conomique et social (CRES), La recherche de l'auto-suffisance alimentaire au Burkina Faso, rapport introductif la session ordinaire de dcembre 1990, Ouagadougou, dcembre 1990.

    6. Confrence de presse du ministre du Plan et de la Coopration. PAS et 2ime plan quinquennal: priorits au social et aux investissements productifs, compte-rendu dans le quotidien Sidwaya no 1743 du 5 avri11991.

    7. Philomne Ntumba Makolo et Hamidou Benot Oudraogo, Rflexion sur l'appropriation des actions de dveloppement: notes prliminaires, Institut de dveloppement international et de coopration, Universit d'Ottawa, 1990,33 p.

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  • 8. ACDI, Programme de Micro-ralisations, synthse de l'exprience, version prliminaire, EDS Inter Inc., Bureau d'tudes en dveloppement international, par Alain BOISVERT, juin 1990, 147 p.

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  • CHAPITRE 2

    L'APPROPRIATION: TAT DE LA QUESTION

    2.1 APPROPRIATION ET DVELOPPEMENT

    L'mergence du concept d'appropriation est assez rcente; elle est intimement lie la progression de la rflexion sur le phnomne du "dveloppement" dans les socits centrales aussi bien que pour les pays en voie de dveloppement. Le mot dveloppement est la fois gnreux et ambig. En arrire de toute cette ide de dveloppement se trouve une vieille conception trois ou quatre fois centenaire de la croissance conomique et de la richesse. On a l toute une philosophie de l'conomie de l'utilitarisme et du mercantilisme dont Adam SMITH (1729-1790) est considr comme le matre penseur. L'Occident applique cette conception lui-mme et au Pays en voie de dveloppement. Les individus sont marginaliss dans des processus d'accumulation de richesse qui les traitent en "choses" et qui "marchandifient" les rapports humains. L'mergence du concept de dveloppement n'arrive que dans les annes 1940-1950 au moment o on se rend compte qu'au niveau des socits riches il y a encore des carts entre les rgions et qu'au niveau du monde se manifestent des mouvements sociaux pour la dcolonisation. Les interrogations sur la notion de dveloppement font une place plus grande au rle des humains individuellement et collectivement par rapport la cration du monde et la croissance de la richesse. Cette ide de la croissance conomique est dsormais entrevue comme quelque chose de multidimensionnelle qui implique les humains en mme temps que les valeurs et la culture. La notion de dveloppement se rfre pour certains auteurs un modle socio-culturel; cette priode nous rappelle Franois Perroux (1960) pour qui " ... le dveloppement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rende apte faire crotre, cumulativement et durablement son produit rel global"l. La rflexion sur le dveloppement

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  • des annes 1950 et 1960 avance et aboutit dans les annes 1970 avec l'ide du dveloppement endogne et ascendant. Dans cette voie on oppose les thories d'un dveloppement "par en haut" la qute empirique et

    . thorique d'un dveloppement "par en bas", pour et par les membres des communauts locales. Cette notion s'apparente ce que nous dit Franois Partant:

    Le dveloppement ne peut tre que la ralisation progressive d'un double potentiel: d'une part le potentiel que reprsente toute collectivit humaine et tous les individus qui la composent, d'autre part, celui que constitue le milieu physique dans lequel se trouve cette collectivit, un milieu qu'elle utilise pour assurer son existence et prparer celle des gnrations venir. De mme qu'un enfant se dveloppe en devenant un adulte et non en enfilant un costume d'adulte, une socit se dveloppe partir de ce qu'elle est elle-mme, en mettant profit les ressources qui l'entourent et qui varient beaucoup d'un point un autre de la plante2.

    Certains tenants du dveloppement endogne et ascendant voudraient cependant voir le dveloppement de ces communauts locales li, interconnect au reste du monde pour mieux fconder les crativits la base. L'aide internationale comme nous l'avons dj dit fonctionne par modes successives. La mode aujourd'hui est l'autopromotion paysanne, l'appropriation et le dveloppement durable. L'appropriation est confonne une philosophie de dveloppement qui, plaant les populations et leurs communauts au premier rang, se veut endogne, globale, auto-centr et ascendant. Que signifie tout cela? Un dveloppement est endogne quand il trouve son dynamisme en soi, l'intrieur de la communaut villageoise tout en intgrant les apports extrieurs jugs bnfiques. Car, comme le dit Pierre Claver Damiba, administrateur dlgu et directeur rgional du PNUD, "seul dure ce qui est internalis, seul perdure ce qui est digr; ce qui marche c'est le dveloppement endogne. Telle est la sagesse, simple et limpide qui fait russir le dveloppement"3.

    On vise un dveloppement global lorsque l'on recherche la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, en nourriture, logement, ducation, sant etc .. ; le dveloppement ne doit pas se limiter

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  • une rponse spcifique telle catgorie de besoin: un moulin ici, une caisse de sant par l. Le dveloppement est auto-centr quand il est orient vers les besoins et les objectifs dfinis et reconnus par la communaut visant la revalorisation des ressources humaines, technologiques et physiques existantes. Enfin un dveloppement est ascendant quand il provoque un changement mettant les populations en situation d'auteurs et acteurs, bref d'artisans conscients et comptents de leur propre dveloppement. Il vise en dfinitive une promotion collective, une capacit inventer son propre dveloppement.

    Un tel changement social la base n'est pas facile obtenir et les raisons avances sont divergentes. Certains auteurs encore attachs la vieille opposition "mentalit traditionnelle" et "mentalit moderne" expriment des rflexions de ce genre: " ils (les paysans) ne nous comprennent pas; ils sont dans leur monde et nous sommes dans le ntre; c'est le problme". Ces auteurs finissent par voir et par "continentaliser" les deux solitudes: le monde de ceux qui savent et le monde de ceux qui ne savent pas. Selon Marie Christine Gueneau: "l'intensit de la diffrence est rsume dans l'opposition de deux mots: tre et avoir. Ils veulent tre, nous voulons avoir"4. Cette dichotomie nous parat exagre; les deux mondes ne sont pas ncessairement distincts et notre avis il sera plus juste de parler d'un manque de communication ou de comprhension entre ceux qui veulent surtout tre et ceux qui veulent surtout avoir. Comlne le souligne si bien Axelle Kabou,

    ... il n'est pas prouv que l'Afrique des profondeurs soit insensible au confort issu du progrs de la science moderne. Citons ple-mle l'eau courante par opposition l'eau du puits, l'lectricit compare la lampe ptrole, voire la torche de rsine de bois ou de bouse de vache; la bicyclette et l'automobile par opposition au transport pdestre, questre ou dos d'neS.

    Le dualisme "tradition-modernit" est par consquent fallacieux; il s'agit en ralit notre avis de pratiques rflexives autonomes, celle de l'expert et celle du paysan, dvelopper et arrimer ]l'une avec l'autre.

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  • L'appropriation d'un projet suppose tout un changement d'attitude et de comportement chez les gens concerns. ce sujet, un rapport du Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.) fait observer que le problme le plus fondamental rencontr en agriculture est moins un problme d'adoption des intrants et des arrangements conomiques et modes d'organisation que celui d'adoption d'une attitude d'exprimentation, d'essai et d'erreur et d'innovation. Ce.tte conclusion n'est pas propre l'agriculture; l'adoption d'une approche d'exprimentation est plus importante que la communication de nouvelles techniques6.

    Pour certains auteurs, le problme majeur des interventions internationales pour le dveloppement n'est pas tant l'incapacit de transformer les conditions d'existence (les capitaux et les technologies existant) que la difficult d'amener les populations s'approprier les valeurs et les exigences d'un modle extrieur de dveloppement gnralement impos ou suggr par un projet d'aide qui fixe le rythme ou qui dcide des approches. Il y a lieu de se dpartir aussi d'une autre illusion: le succs d'un projet n'est pas seulement dtermin par la cohrence et l'efficacit de ses structures internes; de nombreuses contraintes provenant de l'environnement immdiat ou lointain peuvent bloquer l'action des paysans, qu'il s'agissent du rle de l'tat, des prix d'approvisionnement en intrants ou de l'organisation de la commercialisation. Sur le plan macro-conomique, des facteurs comme la mondialisation des conomies et des rapports d'changes, le commerce international avec la dtrioration continue des termes de l'change, la mise en place des politiques d'ajustement structurel et la conditionnalit de l'aide internationale pour le dveloppement, sont autant de verrous contre lesquels des acteurs locaux des pays pauvres ne peuvent rien, ou bien peu. Il faut se rendre l'vidence: toutes les forces, toutes les nergies dans ce monde sont de plus en plus contrles et engages dans une direction comme un grand torrent qui dlaisse, ignore, ou limine sur son passage tout ce qui fait obstacle ou diversion. En tenant compte de tout ce qui vient d'tre dit, on devrai t considrer l'appropriation comme une composante majeure du dveloppement endogne, une. condition ncessaire mais non suffisante pour sa ralisation.

    Tant du point de vue de ceux qui financent des projets ou des groupes de base qui reoivent l'aide extrieure, l'pineux problme des projets ou des

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  • programmes de dveloppement est de savoir comlment des partenaires extrieurs peuvent stimuler les capacits de prise en charge d'une communaut sans en fait en retirer la relle responsabilit cette mme communaut. Les rsultats quantitatifs et surtout qualitatifs sont dans l'ensemble trs dcevants tel point que de nombreux experts se demandent aujourd'hui s'il est encore souhaitable de maintenir le concept ou l'image de "projet". Une remarque faite par Sithembiso Nyoni, directeur de Organization of Rural Associations for Progress (ORAP) au Zimbabwe renforce ce point de vue: selon lui aucun pays du monde ne s'est dvelopp par le biais des "projets". Le dveloppement vis en Europe puis en Amrique est le rsultat d'un long processus d'exprimentation et d'innovation par lequel les populations dveloppent: des savoir-faire, des connaissances, et de la confiance en soi ncessaires pour faonner leur environnement dans un sens qui favorise le progrs vers les objectifs de croissance conomique, d'quit dans la distribution du revenu, et de la libert politique. C'est 2 000 ans d'histoire raconte mais elle "gomme" ici une srie de "circonstances" qui furent propres un monde jamais rvolu.

    Tirant leon de sa riche exprience africaine dans le domaine du dveloppement associatif, Bernard Lecomte dmontre les limites et les effets pervers de "l'approche projet" qui peut annihiler les crativits ascendantes des organisations paysannes. Il plaide pour un changement en profondeur des formes d'appui au processus d'auto-promotion. Quand il s'agit d'auto-promotion, l'aide doit, en premier lieu selon lui, viter de se tromper d'acteur. L'acteur principal est le paysan et non le cooprant ou son homologue qui choisit, suggre ou initie au lieu d'accompagner. Pour B. Lecomte le dveloppement durable s'inscrit dans un processus lentement dploy et appropri:

    Se dvelopper, pour un groupe, c'est rsoudre des problmes de nourriture, d'ducation, de sant etc.... Cet effort est interne au groupe; il est issu d'une dcision interne. Cette dcision ne s'accouche pas ("tout est cadeau "), ni dans le paternalisme ("si vous faites ceci, nous vous donnerons cela "). Elle nat d'une situation o tous les membres du groupe ont, pour des raisons qui peuvent tre trs diverses, le "ras le bol" de ce qui est, et prouvent un besoin commun et violent d'autre chose. Cette

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  • naissance n'est pas programmable, elle est un saut conscient dans l'inconnu, ce que Paolo Freire appelle "l'indit possible"7,

    Poursuivant sa rflexion, l'auteur suggre aux agences d'aide un changement d'attitude: "passer des projets d'aide des processus d'appui". Son argumentation va du mme coup contre une didactique rigide et pour une maeutique souple du dveloppement conue ds lors comme la prvision d'une improvisation permanente. Cette approche du dveloppement qui privilgie la capacit des paysans dcider autant que possible eux-mmes, a t partage et mise en oeuvre avec bonheur dans le Nord du Burkina Faso au Yatenga par Lda Bernard Oudraogo travers les ralisations de Six S (Se servir de la saison sche en savane et au Sahel). Ici, l'administration assouplie d'un "fonds souple" a permis de contourner les effets dmobilisants de l'aide par projet et de surmonter les "deux logiques peu compatibles" entre les pr-programmations d'un projet d'aide et les crativits "d'initiatives ascendantes", De ce qui prcde, on peut dduire, comme le dit le professeur Ki-Zerbo cit par Lda Bernard Oudraogo: "On ne dveloppe pas, mais on se dveloppe"8 l'image d'une plante qui reoit eau et engrais mais qui ne grandit que de l'intrieur en laborant elle-mme sa sve.

    La question fondamentale pose et impose aux concepteurs et acteurs du dveloppement est comment s'y prendre pour russir une appropriation collective telle que les projets soient des moyens capables de rpondre aux besoins fondamentaux des populations dmunies dans l'quit et la justice; ce qui revient privilgier selon l'ide de Hugues Dionne/ "l'implication, l'initiative et la crdibilit de toute la communaut de base dans la dcouverte de nouvelles "voies de sorties,,9.

    Un projet de dveloppement est gnralement la rencontre entre l'endogne et l'exogne, une synergie de quatre forces sociales: les populations elles-mmes, les agents d'excution sur le terrain, les agences d'aide et les dirigeants politiques et administratifs. La stratgie d'appropriation repose avant tout sur les populations comme acteurs de leur propre dveloppement et les choix qu'elles peuvent effectuer leur niveau. On entend par l des populations capables de dterminer leurs besoins, leurs objectifs et priorits; d'attirer et de grer les ressources leur disposition et

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  • de diriger les processus qui affectent leur vie. Elles doivent donc jouer un rle de premier plan dans les stratgies qui visent des changements dans les domaines de la sant et de la nutrition, l'ducation, le logement etc ...

    Le changement dpend aussi de la performance et du niveau de motivation des agents techniques d'encadrement qui forment un rseau dense et serr d'agents d'excution sur le terrain. Ces agents occupent une position stratgique; ils entretiennent le contact le plus visible, le plus direct et permanent avec les populations. Leurs attitudes influencent les perceptions des groupes-cibles et leurs rponses aux efforts de dveloppement. La "performance" de ces agents dtermine la russite ou l'chec des interventions axes sur la satisfaction des besoins essentiels.

    Les agences d'aide et les gestionnaires de projets influencent eux aussi les populations par les nouveaux messages conomiques, les procdures de financement et d'valuation des projets. Certains considrent encore le dveloppement comme le rsultat d'une srie de projets, de transferts techniques mdiatiss par des experts.

    Enfin, le changement prconis dpend du projet de socit et de dveloppement vis, de la dtermination politique et administrative des dirigeants qui doit se concrtiser par une plus grande coute des populations, des actions et des ressources en consquence. En effet, de nombreuses initiatives locales s'essoufflent, se brisent ou se diluent par absence d'un cadre politique propice la rencontre et la complmentarit entre un macro-projet de transformation nationale et des micro-projets de dveloppement locaux et rgionaux. Pour cette conjonction, le Burkina Faso semble offrir un cadre propice du fait de son organisation administrative territoriale en 7 700 villages, 300 dpartements et 30 provinces. Dans ses stratgies de dveloppement, on y retrouve les expressions comme auto-promotion paysanne, prise en charge, auto-encadrement qui toutes voquent la ncessit de la ralisation de progrs grce ses propres forces et dont on dtermine soi-mme les orientations. Elles traduisent toutes la proccupation pour la capacit d'appropriation des interventions par les populations-cibles aprs que l'aide extrieure ait cess. Mais, il ne suffit pas de le vouloir pour le raliser de si tt; au Burkina comme ailleurs, la non-appropriation dans les faits est plutt la rgle que l'exception.

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  • 2.2 FACTEURS D'APPROPRIATION ET DE NON-APPROPRIATION DES PROJETS

    On peut se demander pourquoi certaines actions de dveloppement arrivent provoquer des amliorations sensibles long terme tandis que d'autres ne russissent introduire que des changements ponctuels ou que d'autres encore, la majorit, chouent purement et simplement. Les causes d'chec sont multiples. Premirement, une certaine confusion prvaut comme nous l'avons dj soulign, par rapport au concept mme de l'appropriation, bien qu'on en trouve mention dans les documentations de projets la base, la signification de l'appropriation n'est pas lucide. Deuximement, les causes d'checs peuvent relever des programmes d'aide qui se caractrisent par:

    Une certaine prcipitation des bailleurs de fonds et des agences d'excution qui, dguisant leur volont d'apporter "un projet cl en main" laissent peu d'espoir au succs de l'appropriation; ce qui dbilite les initiatives paysannes, ruine la confiance en soi, et empche les populations la base d'acqurir les savoir-faire et les problmes. Dans la plupart des cas, les populations-cibles finissent par percevoir le projet comme "une vache lait" ou une oeuvre charitable de distribution de gteau offert par l'tranger.

    Des tudes techniques ou socio-conomiques de faisabilit inexistantes, incompltes ou comportant des erreurs. Ces faiblesses ou lacunes au dmarrage du projet entranent trs souvent des malfaons ou des situations qui portent prjudice la bonne excution ou la durabilit des ouvrages du projet.

    Des interventions rigides conues partir de l'extrieur et inadaptes aux conditions socio-conomiques locales, au rythme de progression, la capacit d'absorption et aux besoins rels des populations.

    La mise en place d'agences d'excution ayant leurs centres de dcision l'extrieur du milieu d'intervention; ce qui retarde le

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  • partage de connaissances et d'information et procure un encadrement inefficace.

    Les avis qui ne sont pas pertinents cause de l'ignorance qu'on a des autres, de la mconnaissance du milieu, du manque d'empathie, de respect et de confiance.

    En troisime lieu, on peut relier les causes d'checs aux structures administratives ou plus fondamentalement politiques et au manque de communication. Tout d'abord, les structures administratives adoptent une approche bureaucratique, de pression, et descendante qui a tendance ne pas associer les populations-cibles au diagnostic des situations-problmes et par consquent bloquer et freiner celles-ci dans leurs activits. Cette approche coercitive encourage par contre les populations se regrouper dans le seul objectif de bnficier de l'argent et du matriel avant mme que le groupement n'ait appris compter sur ses propres forces. Ensuite, il y a des problmes de communication. Par l, on entend l'absence d'un dialogue productif entre les partenaires, l'administration, les services dcentraliss des ministres et les populations. Les partenaires extrieurs n'associent pas suffisamment ces derniers la rflexion qu'ils mnent et aux dcisions qu'ils prennent concernant la conception, la mise en oeuvre et l'valuation des projets.

    Enfin, les checs peuvent tre aussi le fait des populations elles-mmes pour les raisons suivantes:

    La mfiance aux innovations et la rsistance un changement introduit de l'extrieur et qui remet en cause toute la question de priorits des objectifs et du couple "scurit-risque"; ce qui se traduit par leur non-appropriation;

    Les problmes de rationalit, de motivation et de perceptions, chacun interprtant les actions et les ilnnovations dans les catgories culturelles qui lui sont propres;

    Les problmes de leadership, de luttes d'influence et de l'accaparement du projet par les prornoteurs et les lites

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  • anciennes du village qui refusent les partages de responsabilits;

    Les problmes ds l'absence d'un systme de gestion et d'un contrle;

    Les situations conflictuelles pouvant rsulter de l'implantation de certaines technologies qui imposent des ramnagements de l'espace social et des paliers de la vie sociale (redistribution de l'espace d par exemple des amnagements hydro-agricoles, modification de certains lments de la vie sociale, redistribution du pouvoir, conflits fonciers etc.).

    ct de toutes ces contraintes internes les checs sont aussi ds l'tat des rapports des changes internationaux notamment au niveau des prix des matires premires. En effet comme le dit si bien Henri Rouill D'Orfeuil:

    Est-il juste, en effet, d'imposer tout un peuple un effort dmesur, alors qu'en quelques minutes un mouvement spculatif sur le march, une monte du dollar ou du taux d'intrt du capital provoquent des transferts massifs de richesses et ruinent tout espoir de progrs dans le pays 1 0 ?

    Les efforts pour le dveloppement local sont lis l'organisation de la lutte pour changer les rgles du jeu conomiquement dominant.

    Toutefois, on peut signaler que l o les projets ont russi c'est cause par exemple des projets de dveloppement qui:

    aprs plusieurs sances d'animation, d'information, de discussions confectionnent un programme de travail avec la population;

    organisent des sessions de formation et de perfectionnement en faveur des responsables des organisations paysannes par le biais de l'alphabtisation, de la gestion des ressources humaines, matrielles et financires;

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  • ont un systme de suivi et de contrle de projet mis en place par l'agence d'excution ou de gestion du projet;

    oprent l'valuation des rsultats avec la population;

    savent instaurer et maintenir des rseaux de communication;

    ont un suivi institutionnel et des rapports priodiques sur les faits saillants et les activits en cours.

    Le succs peut provenir aussi des responsables des "structures administratives" qui ont su "crer" et maintenir des rseaux de communication avec les groupes-cibles. Il peut provenir tout autant des groupes-cibles qui:

    ont pris conscience de leurs problmes, de leurs besoins profonds et ont t mis en confiance;

    ont compris au dpart le projet avec ses ob]ectifs, ses contraintes et ses enjeux;

    ont particip au projet, stimuls par les leaders endognes, se sont organiss pour excuter le calendrier de travail en commun;

    ont su oprer une gestion transparente permettant la prise de dcision des responsables tous les niveaux;

    ont pu bnficier d'une formation ou d'un perfectionnement;

    ont su utiliser les rseaux de communication avec les structures administratives.

    De l'examen des facteurs d'chec et de russite, il ressort l'importance accorder, dans une stratgie d'appropriation, la communication et l'tablissement d'un dialogue productif entre les diffrents acteurs du projet. Cette perspective permettrait aux populations-cibles de connatre les enjeux du projet et de l'aprs projet;

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  • l'administration, l'encadrement technique, et aux partenaires extrieurs de confronter leurs ides la ralit du projet.

    2.3 CRITRES D'APPRCIATION DE L'APPROPRIATION

    Au niveau des populations-cibles, l'appropriation doit tre la fois un tat d'esprit et un comportement. Elle est donc une affaire d'ides, de reprsentations autant que d'actions. Ce que nous partageons dans le dialogue avec le paysan, c'est non seulement des mots mais des reprsentations de l'univers dont il faudra dbattre de la validit et de la pertinence par rapport ce que le rel est et par rapport ce qu'on veut en faire; l'appropriation est une notion complexe et nous tentons de la cerner ici au niveau du comportement naturel du paysan. Observons un paysan burkinab qui se dit propritaire d'une chose, d'une terre par exemple. Pour ce paysan, il s'est tabli un lien trs fort entre son tre et cette terre qui devient une partie de lui-mme. Il organise sa famille pour exploiter et entretenir sa terre. Il dcide des cultures en tenant compte de ses besoins et de son environnement. La terre lui appartient, il y place ses morts qui lui sont chers; ainsi un pacte religieux s'tablit avec cette terre o sa famille actuelle et celle venir s'implanteront pour toujours. S'approprier c'est donc "faire sien", s'attrib~er la proprit de quelque chose. S'approprier une action collective de dveloppement devrait en toute bonne logique revtir le mme sens. Notons toutefois que le transfert n'est pas automatique; l'action est d'une grande complexit, forcment et largement diffrente de l'appropriation individuelle. Par exemple lorsqu'il s'agit de proprit individuelle par opposition la proprit collective, le paysan fait souvent la remarque suivante: "sous mon arbre, je peux me laver et il profite de mon eau; je ne peux aller me laver dans le bois collectif". On peut mme constater dans certains cas que ce qui est collectif est mal entretenu, voir dlaiss.

    Pour juger de l'appropriation, on recherche donc les manifestations suivantes, et on dira qu'il y a appropriation dans la mesure o les populations dmontrent:

    un sens de possession et de matrise de techniques utilises, une capacit de protection et d'amlioration des acquis;

    30

  • une capacit accrue de faire face et d'analyser ses propres problmes et de rflchir sur les solutions possibles;

    une capacit de mobilisation des ressources humaines souvent sous-utilises en vue de la satisfaction des besoins de la communaut et de l'amlioration de son bien-tre;

    une capacit d'auto-financement et de rtention des bnfices obtenus pour la communaut. Cette notion s'apparente la capacit d'absorption financire dfinie par A. Barrot, Georges M. Hnaut et Waren J. Major dans l'valuation d'impact dans le cadre des programmes d'aide. Selon ces auteurs, cette capacit " ... fait rfrence l'ensemble des mesure ( prendre) ... pour satisfaire les exigences montaires de l'entretien et du fonctionnement ... Il s'agit ... (des) cots 'rcurrents, leur augmentation possible et l'impact des 'variations ventuelles sur la gestion Il ";

    une capacit d'aller chercher des informations auprs des autres organisations et des techniciens;

    une capacit de ngocier des soutiens et de les maintenir;

    une capacit de rgler les conflits internes et d'entretenir l'entente au sein des organisations, et entre ces organisations et les autorits administratives et politiques;

    une capacit de suivi.

    2.4 DIMENSIONS ET MODALITS D'INTERVENTION

    L'appropriation serait un apprentissage s'aider soi-mme; nous retenons de toute la littrature consulte et de notre exprience accumule certaines dimensions du problme de l'appropriation qui sont:

    le dveloppement organisationnel;

    31

  • la matrise des actions et techniques;

    la matrise de la gestion des ressources humaines, financires et matrielles;

    l 'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis.

    La premire tape vise le dveloppement organisationnel en vue de crer une plus grande confiance en soi, une matrise des solidarits de base ncessaires pour travailler ensemble d'une manire soutenue la rsolution des problmes de la communaut, et la consolidation des organisations existantes. Il s'agit d'accompagner les populations dans leur dmarche d'apprciation de la ncessit d'agir ensemble d'une manire systmatique et continue afin de mener bien les projets collectifs.

    Les trois derniers niveaux qui se mnent tous ensemble des degrs divers conduisent l'efficacit oprationnelle, la gestion participative, la rentabilit de l'entreprise et au contrle de sa viabilit.

    2.4.1 Le dveloppement organisationnel

    Plusieurs approches se confrontent en matire de dveloppement organisationnel. La premire "interventionniste", consiste penser qu'il n'est pas utile de tenir compte des organisations traditionnelles, parce qu'elles sont dites "archaques" et dpasses. On suggre alors de s'attaquer ces organisations afin d'en briser l'armature le plus rapidement possible pour en arriver une situation de table rase permettant de construire une conomie moderne. la place, il s'agit de crer des organisations modernes plus ouvertes et plus rceptives aux messages qui leur sont transmis de l'extrieur. Au niveau de ces organisations modernes, c'est la fonction conomique (accroissement de la production et commercialisation) qui prdomine.

    En Amrique du Nord, et plus particulirement au Qubec, Grald Fortin ft un ardent propagandiste du paradigme "traditionnel-moderne" comme mode d'volution ncessaire de toutes les socits. On reconnat ici l'approche volutionniste propre la sociologie fonctionnaliste amricaine.

    32

  • En plus de s'inspirer des travaux des sociologues et anthropologues de l'cole de Chicago, Fortin s'inspirait des travaux du psychologue Rokeach sur la mentalit ouverte et la mentalit ferme. Invit porter un diagnostic sur la situation de l'Est-du-Qubec au dbut des annes soixante, pas tonnant qu'il l'identifie une socit rgionale domine par la mentalit traditionnelle et que l'absence de la mentalit moderne soit, selon lui, la cause du retard socio-conomique de la rgion. Les actions de dveloppement qu'il mit de l'avant, dans le cadre des propositions du fameux BAEQ, vont dans le sens d'une destrucHon des mentalits traditionnelles par la modification des cadres sociaux qui la supportent. On retrouve le mme genre de perspective sur le dveloppement en Europe. En effet, Albert Meister ne pensait-il pas que le dveloppement ne peut survenir qu'aprs la destruction pralable des structures sociales tradi tionnelles 12.

    Cette philosophie du changement conomique et social est fonde sur le postulat qu'il ne peut y avoir de dveloppement (progrs ou modernisation) que sur la base de l'entreprise individuelle qui, elle aussi, est tout simplement impossible dans le cadre d'une socit traditionnelle en raison du contrle social qui s'exerce sur chacun des membres du groupe. Dans une telle socit et selon toujours Meister

    les participations, la solidarit et la loyaut ... dcouragent l'action novatrice, font considrer comme dviants les individus qui essaient d'innover. De mme les champs collectifs et le travail collectif traditionnels s'opposent au dveloppement de l'esprit d'entreprise .. .1 3

    Dans ce courant d'ides, les Socits d'intervention pour le dveloppement en Afrique Sub-saharienne ont cr dans les annes 1960 des coopratives de production ou de services qui n'taient que des sortes de "transplans" des modles de coopratives europennes. Si ces coopratives ont cr des postes de travail, ce fut au profit des villes. Le savoir paysan est inhib par l'introduction de technologies trangres et le rejet de la rationalit paysanne a contribu briser les solidarits. Le paysan peroit ce type de regroupement coopratif suscit ou impos comme une cration trangre son milieu, une institution qui appartient au secteur moderne. Bien qu'il n'en conteste pas l'utilit, il sait que le regroupement est initi de l'extrieur. Dans le travail quotidien l'intrieur de ces nouvelles

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  • organisations, ce qui compte, ce sont les papiers et l'argent, comme le tmoigne si bien un paysan sngalais cite par J. Madji:

    les' encadreurs qui travaillent avec nous parlent un peu trop d'argent. Nous avons l'impression que pour eux l'argent passe avant tout. Pour nous intimider, ils nous menacent souvent de suspendre l'appui financier de leur organisme. Cette attitude nous met mal l'aise. En effet, nous pensons que seul l'argent ne suffit pas pour faire avancer nos villages. Nous avons nos bras, notre organisation; nous avons aussi de la volont. Ne

    , crois-tu pas que, mme sans appui financier, nous pouvons progresser14 ?

    Cette rflexion montre comment les encadreurs se reprsentent le progrs, ce qui ne manque pas de susciter des incomprhensions voire des conflits avec les paysans.

    La deuxime approche est plus respectueuse des ralits culturelles et organisationnelles existantes. Les tenants de cette cole comme le dit Guy BELLONCLE, ont

    la conviction que grce ses structures traditionnelles galitaires et notamment ses villages, l'Afrique noire aurait la chance de mettre en oeuvre un type de dveloppement qui permettrait d'viter les normes gchis humains auxquels ont conduit dans le reste du monde les modles de dveloppement libraux1S .

    Cette deuxime approche est une dmarche qui s'oprent partir des organisations ou associations traditionnelles o le besoin de vivre en commun est fortement ressenti. Ces associations se caractrisent par la prdominance des relations de parent, de proximit territoriale ou d'ge. Elles s'appellent "Naam Il au Yatenga dans le nord du Burkina. "Djamnaati" chez les Peuls du Sourn. Elles tendent s'intgrer harmonieusement dans un grand ensemble: le village qui a son systme cologique, sa structure sociale, sa vision du monde, son histoire, son rseau de relations extrieures, ses contrastes et ses contradictions. La majorit des paysans continuent de vivre ce mode d'organisation; ils s'y reconnaissent et

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  • y trouvent des rponses appropries leurs besoins. Ils y trouvent souvent entre autres solidarit, honneur, amiti et hospitalit.

    Entre les deux approches prcdentes, il semble se dvelopper une autre voie permettant de raliser partir des valeurs positives du milieu traditionnel des modles hybrides de dveloppemen~ indits et originaux. Nous avons pu constater au Yatenga dans le Nord du Burkina qu'il est possible de raliser un vritable arrimage des deux modles d'organisation. Le groupement dit "moderne" ici a t suscit partir de la structure traditionnelle "Naam ". On obtient dans ce cas un modle dont les apports extrieurs peuvent modifier positivement le comportement des individus. Cet arrimage entre les deux types de savoir, savoir ancestral riv des pratiques qui viennent parfois de la nuit des temps et savoir des experts, dmontre que la dichotomie releve plus haut est fausse parce qu'elle cerne malles questions en cause.

    2.4.2 La matrise des actions et techniques

    La deuxime tape a pour objectif l'efficacilt. Par efficacit, on entend le degr de ralisation des objectifs et la matrise par les groupes-cibles des actions ou techniques prvues. Dans l'conomie traditionnelle, les actions et techniques taient en harmonie avec les besoins du groupe. Aujourd'hui le groupe a des nouveaux besoins qui imposent l'apprentissage de nouvelles actions et techniques. Cette tape est gnralement moins difficile: elle est cependant la plus importante d'un point de vue psychologique. Elle est plus facile dans la mesure 'o les actions entreprises sont ralisables, adaptes aux ralits et au contexte; elles doivent tre la porte des populations et matrisables par elles, c'est---dire leur permettre d'avoir une image plus positive d'elles-mmes comme agent de changement. Car c'est en russissant les actions entreprises que les populations pourront avoir suffisamment confiance en elles-mmes pour entreprendre la rsolution d'autres problmes. En plus, les actions doivent tre ralistes, c'est--dire qu'elles doivent tenir compte des possibilits et contraintes auxquelles font face les populations.

    Dans cette tape, il ya une double dmarche il oprer. La premire consiste dmarginaliser et restituer les savoirs et savoir-faire endognes,

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  • les reconnatre dans leurs valeurs et leurs limites propres. Il existe dans le domaine du dveloppement une tendance qui lie exclusivement la connaissance l'ducation formelle et la formation; ainsi des solutions gnrales en provenance de l'extrieur sont proposes aux problmes des paysans, problmes qui sont spcifiques et circonscrits dans le temps et dans l'espace; les connaissances endognes sont ignores ou relgues au second plan. Par exemple dans le Yatenga, au Nord du Burkina, l'amlioration d'une technologie paysanne a contribu l'amnagement du terroir, l'augmentation et la scurisation de la production agricole. Cette technique agricole traditionnelle appele "Za" consiste pratiquer, en saison sche, des trouaisons la place de paquets de semis. Avant d'y dposer des graines (mil, sorgho) les trous sont remplis de matire organique. Ds qu'il pleut, ils se remplissent d'eau et cette humidit ainsi que la concentration de matire organique assurent une bonne gennination et un bon dbut la croissance des plants. Les services de vulgarisation ont reconnu la valeur du "Za" et ont amen facilement certains agriculteurs associer des techniques modernes de restauration des sols, les diguettes anti-rosives et fosses fumires. La production cralire dans ce cas atteint des rendements trs intressants, mme en priode de dficit pluviomtrique. Mais cette dmarche n'est pas toujours possible, dpendant des technologies. La deuxime dmarche consiste voir ce qu'il y a lieu de proposer comme nouvelle technologie. L'innovation comporte des risques et des incertitudes. L'appropriation dans ce cas devra tre collective, dans la mesure o il y aurait partage de risques.

    2.4.3 La matrise de la gestion des ressources humaines, financires et matrielles

    La troisime tape vise la recherche de l'efficacit et de la production optimale. ,Il s'agit de produire le plus possible de rsultats avec les mmes ressources, ou de produire la mme quantit un moindre cot; c'est donc une question de rendement. Cette tape privilgie l'acquisition, l'utilisation bon escient des ressources humaines, matrielles et financires disponibles tant endognes qu'exognes. Nous entendons par gestion des ressources humaines la capacit d'entrer en relation et mme d'orienter les comportements des autres, de manire ce qu'ils sachent le pourquoi de nos actions et de nos dcisions, pour qu'ils puissent les discuter;

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  • les objectifs poursuivis par les gestionnaires, les choix stratgiques ou oprationnels qu'ils font doivent tre accessibles aux gens qui en sont partie prenante. Il convient d'intervenir en donnant aux diffrents niveaux d'encadrement et aux membres du projet une formation approprie en gestion des ressources humaines, financires et matrielles, en partant des ralits de gestion locale.

    2.4.4 L'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis

    La dernire tape aura pour objectif la responsabilisation et la diffusion des acquis l'ensemble de la communaut. La responsabilisation est un tat d'esprit, une attitude et un comportement. Elle est la fois prise de conscience du changement, confiance en sa capacit d'agir, matrise sociale des besoins grce un apprentissage adquat, et exercice d'une libert d'action, de dcision et de contrle. Comme le souligne John Madji,

    la prise de responsabilit ne s'improvise pas; elle ne se ngocie pas non plus. Elle s'apprend et elle se mrit en se confrontant aux turbulences sociales et conomiques des villages. Elle s'invente mme jour aprs jour, travers les mandres des actions russies et les checs16 .

    Tout groupement qui se dveloppe a besoin de se faire connatre et d'changer avec d'autres organisations paysannes. travers ces changes s'affirment des animateurs et des formateurs endognes. Au stade de la responsabilisation en self-reliance l'apport des llnents extrieurs est minime; il consistera surtout en la facilitation des changes en vue d'tablir des rSeaux de contact avec les autres communauts. On parlera alors d'appropriation lorsqu'il y aura effet de dmonstration et d'entranement, c'est--dire lorsqu'un groupe non vis par une action ou une technique l'aura adopte d'une manire durable.

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  • NOTES

    1. Franois Perroux, conomie et socit: contrainte, change et don, Paris, PUF, 1960.

    2 Franois Partant, La fin du dveloppement. Naissance d'une alternative? Paris, Maspero, 1982, p. 28.

    3. Pierre-Claver Damiba, Les nations proltaires africaines: marginalisation, pauvret, ajustement, Colloque international sur l'ajustement structurel et ralits sociales en Afrique, 15 - 17 novembre 1989, Institut de dveloppement international et de la coopration, Universit d'Ottawa.

    4. Marie Christine Guneau, Afrique. Les petits projets de dveloppement sont-ils efficaces?, Paris, L'Harmattan, 1986.

    5. Axelle Kabou, Et si l'Afrique refusait le dveloppement?, Paris, . L'Harmattan, 1991, p. 100.

    6. Philomne Ntumba Makolo, Hamidou Benot Ougraogo, op. cit ..

    7. Bernard J. Lecomte, L'aide par projet, limites et alternatives, OCDE, Paris, 1986.

    8. Joseph Ki-Zerbo, cit par B. Lda Oudraogo dans Entraide villageoise et dveloppement, groupements paysans au Burkina Faso, L'Harmattan, 1990, 177 p.

    9. Hugues Dionne, "Dveloppement autonome du territoire local et planification dcentralise" dans Revue canadienne des sciences rgionales, vol. 12, no. 1 (printemps 1988): 61-73.

    10. Henri Rouill D'Orfeuil, Cooprer autrement: l'engagement des ONG aujourd'hui, Paris L'Harmattan, 1984.

    Il. A. Barrot, Georges M. Henault cit par Philomne Makolo et Hamidou Benot Oudraogo, op. cit.

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  • 12. Albert Meister, La participation pour le dveloppement, Paris, ditions Ouvrires, 1977.

    13. Albert Meister, op. cit., p. 46. Dans le raisonnement d'Albert Meister, les coopratives et les groupements suscits ou imposs aprs les indpendances des tats africains sont une continuation de l'conomie coloniale; ils ont "la mme fonction de destruction rapide des cadres et des solidarits traditionnelles", ce qui n'est pas une mauvaise chose pour l'auteur.

    14. John Madji, "La responsabilit s'apprend et s'invente", dans Construire Ensemble, Responsabiliser les paysans c'est quoi au juste? Bobo-Dioulasso, CESAO, p. 2-3.

    15. Guy Bellonc1e, La question paysanne en Afrique noire, Paris, Karthala, 1984, p. 27.

    16. John Madji, "La responsabilit s'apprend et s'invente", op. cit ..

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  • CHAPITRE 3

    MTHODOLOGIE DE L'TUDE

    3.1 LABORATION DES HYPOTHSES

    Malgr les flux financiers normes qui ont arros les pays sahliens en gnral et le Burkina Faso en particulier, les projets d'aide au dveloppement ont donn des rsultats mitigs sinon dcevants. Tous ces pays se trouvent aujourd'hui dans une situation conomique difficile. Pourquoi? Serait-ce les cultures et les socits dites. "traditionnelles" qui demeurent rebelles aux changements ou l'innovation? Ou s'agit-il prcisment d'un blocage qui relverait d'un conflit entre la "rationalit de l'conomie de march" et celle de la "socit traditionnelle"? Beaucoup d'experts ont formul leurs interrogations en ces tennes. Mais tout le but de notre tude consiste nous dmarquer de cette position. Comme nous avons tent de le montrer et de le suggrer, nous avons construit l'appropriation qui est une notion vague en prcisant sa nature et sa mesure; nous lui avons donn un contenu complexe multidimentionnel.

    Nos hypothses concernent l'appropriation variable des degrs divers des projets de dveloppement par diffrentes communauts. Les hypothses de travail consiste mesurer le degr d'appropriation que nous posons comme un phnomne multidimensionnel; nous faisons l'hypothse qu' la communaut villageoise "C" les acteurs sont parvenus l' appropriation de leur projet tandis qu' la communaut "A" ils n'y sont pas parvenus; ceci faisant qu' "C" un changement durable a t introduit tandis qu' "A" le groupe-cible est plus dpendant.

    Pour la deuxime hypothse nous allons voir dans quelle mesure certaines communauts de base ont ou pas russi des degrs divers une

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  • appropriation que nous avons dfinie plusieurs volets: organisationnel, instrumental, gestionnaire et stratgique. Nos hypothses vont porter comme nous le verrons plus loin sur trois projets:

    Projet A: Projet B: Projet C:

    Dveloppement socio-conomique de Kundula; Hydraulique rural de Sabsin; Embouche ovine de Titao.

    3.2 PRSENTATION ET DFINITION DES VARIABLES

    La spcification du concept gnral de l'appropriation no,us a amen plus haut la dfinition de quatre dimensions. Cependant, aprs avoir mrement rflchi et pour couvrir de faon oprationnelle les divers aspects du problme, nous avons dcompos ces quatre dimensions en huit paliers reprsentant les niveaux de l'appropriation depuis le stade initial (c'est--dire la prise de conscience et la capacit l'auto-analyse) jusqu'au stade terminal (c'est--dire l'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis). Ces huit paliers qui constituent nos indicateurs de recherche sont intgrs dans une chane susceptible de configurer ce que pourrait ou devrait tre, maille par maille, un dveloppement appropri, dans un fonctionnement en chane ou une circumduction. Nous rappelons brivement nos quatre dimensions de l'appropriation:

    le dveloppement organisationnel;

    la matrise des actions et techniques;

    la matrise de la gestion des ressources humaines, matrielles et financires;

    l'auto-responsabilisation et la diffusion des acquis.

    Chacune de ces dimensions est dtaille en sous-dimensions ou indicateurs sous la forme d'un tableau plus accessible.

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  • TABLEAU 1

    CONCEPT D'APPROPRIATION

    ( APPROPRIATION ) 1

    r 1 T 1 n AUlo-responsabilisation ) n n Maitrise des Actions J ~ Matrise de la geslion ~ Dveloppement des ressources humaines, organisationnel et Techniques matrielles et financires Volont d'agir, de changcr, Appropriation dc la Maitrise des connaissances, Utilisation eificicnlc d'aller de l'avanl (capacit rllexion:

    i- des techniques CI des tech- i- des ressources humaines i- d'analyse institutionnelle, - nologies . politique et financire pour - aUlo-diagnostic comprendre Cl dcider) - au la-analyse

    c~~~Plmif~'l Maitrisse de la progression Capacit negocier avcc les Degr de formal~atio.n des savoir faire: demandes acteurs dominants. des SUllClures; mecarus- et ngociations des L..-. amliorer la situation mes de partage du L-- ...... organiser, diriger el conomique Cl sociale des l-- formations, suivis. conuler les activits pouvoir. transparence, auto-valuation.prvisions membres. diffuser les dpcrsolUlalisation Cl utilisation des paysans acquis l'ensemble de la participation techniciens communaul

    43

  • 3.3 CHOIX DE L'CHANTILLON DES PROJErS A VALUER

    Dans le but de cerner le phnomne de l'appropriation dans toute sa complexit et sa profondeur, nous avons retenu pour nos investigations, trois projets de la premire gnration des micro-ralisations au Burkina Faso. Auparavant nous avons visit sommairement six projets dont trois de la deuxime gnration des Micro-ralisations (1986-1990) pour valider nos outils d'enqutes et disposer des informations utiles permettant une comparaison avec les lments de notre recherche approfondie. Parmi les six projets figure un projet o les oprations ont abouti un chec. Les trois projets de la premire gnration retenus pour les investigations approfondies tiennent compte:

    des groupes-cibles o selon le Bureau du PMR les rsultats recherchs semblent assez intressants;

    des groupes-cibles o les rsultats sont jugs moyens;

    des domaines d'intervention (socio-communautaire, levage, agriculture) ;

    de la dure de vie du projet (deux trois ans aprs le dsengagement du PMR);

    Compte tenu de ces critres ,les projets suivants ont t retenus:

    Projet A: "Dveloppement socio-conomique de Kundula";

    Projet B: "Hydraulique rurale de Sabsin";

    Projet C: "Embouche ovine de Ti ta 0 ";

    3.4 INSTRUMENT DE COLLECTE ET D'ANALYSE DE DONNES

    Pour pouvoir dcrire, comprendre, expliquer et analyser le phnomne de l'appropriation sur le terrain des projets, la dmarche retenue combine l'observation participante et la recherche-action.

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  • L'observation participante nous amne utiHser certains outils mthodologiques et des matriaux documentaires tels les entrevues "ouvertes" ou semi-diriges, les observations occasionnelles, les diffrentes runions et les dossiers de toutes sortes: procs-verbaux, correspondances etc ... travers toutes ces formules, nous voulons dcrlre le droulement des faits, leur comprhension et leur interprtation par les acteurs de base et le degr d'appropriation des actions de dveloppement. En temps qu'acteur de changement social impliqu dans l'excution du PMR, notre recherche ne pouvait pas se rduire une simple collecte de donnes considrant les populations-cibles comme des objets d'tude. Compte tenu de notre position de chercheur engag dans l'action du PMR nous avons tenu ce que la recherche comporte une dimension ducation-fonnation vue sous l'angle d'un processus collectif d'analyse, "de comprhension et d'explication de la praxis des groupes sociaux par eux-mmes" de recherche de solutions aux problmes exprims ou ressentis dans "le but d'amliorer cette praxis "1. Cette situation de l'acteur chercheur n'est videmment pas facile; elle nous amne reviser continuellement nos guides d'entretiens en fonction des particularits de chaque milieu, restituer nos observations en assemble gnrale pour dclencher des dbats o les sOUS-Cofl1posantes sociales du groupe-cible (jeunes, hommes et femmes) interviennent. Une telle dmarche participative sous-tend un enjeu politique ainsi que l'ont dj soulign certains chercheurs comme Danielle Lafontaine quand elle souligne:

    ... il ne s'agit pas de regarder d'un il savant le monde distance, il faut s'impliquer, participer au mouvement visant transformer les structures et les rapports sociaux. En lui-mme son (le chercheur) travail ne change pas le monde, mais il permet ceux qui participent son renouvellement de sortir de l' o