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L’arc ´ electrique Fig. 1. L’arc ´ electrique r´ egul´ e construit par Foucault en 1848. Les fl` eches indiquent le sens du courant, fourni par des piles de Bunsen. Les charbons A et A’ de l’arc ´ etaient mont´ es sur deux chariots B et B’. Les ressorts P et P’ tendaient ` a les rapprocher, mais ils ´ etaient retenus par des cordes. Une de ces cordes eunissait les deux chariots par l’interm´ ediaire du levier L, destin´ e` a compenser l’usure in´ egale des deux charbons; l’autre corde, attach´ ee au chariot de droite B, exer¸ cait donc son action sur les deux chariots ` a la fois. Elle ´ etait tir´ ee par un ressort d’horlogerie R. Le courant d’alimentation passait en s´ erie dans l’´ electroaimant E, qui bloquait, s’il ´ etait aliment´ e, le ressort R par l’interm´ ediaire de la tige D. Si le courant faiblissait, le ressort ´ etait lib´ er´ e et les charbons se rapprochaient jusqu’` a ce que le courant redevienne normal. L’appareil mesurait plus d’un m` etre de haut. La premi` ere d´ emonstration de l’arc ´ electrique, en 1802, est due au chimiste et physicien anglais Sir Humphrey Davy (1778-1829). Aliment´ e par des piles, l’arc fournissait une lumi` ere puissante, dont on a tˆ ot pens´ e qu’elle pourrait remplacer celle des lampes ` a huile pour l’´ eclairage pub- lic. Un premier essai fut r´ ealis´ e en 1840 place de la Con- corde. Cependant, les charbons d’un arc s’usent tr` es rapi- dement, et il fallait trouver un moyen d’en maintenir con- stant l’´ ecartement afin de pouvoir utiliser l’arc pendant une longue dur´ ee. Foucault construisit ` a cet effet en 1848 le pre- mier servo-m´ ecanisme, repr´ esent´ e figure 1. Fig. 2. La magn´ eto de la soci´ et´ e L’Alliance, vers 1861. Elle ´ etait entraˆ ın´ ee en g´ en´ eral par une machine ` a vapeur, quelquefois par le “moteur ` a air dilat´ e par la combustion des gaz enflamm´ es par l’´ electricit´ e” (allumage par bobine de Ruhmkorff), premi` ere ealisation pratique du moteur ` a explosion, qui avait ´ et´ e brevet´ ee en 1860 par Etienne Lenoir (1822-1900). L’invention de Foucault ne put ˆ etre exploit´ ee, car un anglais nomm´ e Staite avait brevet´ e au mˆ eme moment un appareil du mˆ eme genre, ` a vrai dire plus compact. Foucault utilisa n´ eanmoins son arc r´ egul´ e` a l’Op´ era, pour simuler le lever de soleil dans Le Proph` ete de Meyerbeer — une grande premi` ere dans l’´ eclairage de sc` ene. L’arc ´ electrique ne servit qu’occasionnellement ` a l’´ eclairage public. Dans les derni` eres ann´ ees de sa vie, Foucault devait revenir ` a la r´ egulation de l’arc ´ electrique, cette fois en vue de l’utiliser dans les phares. Ceci devenait r´ eellement en- visageable car pour alimenter l’arc on pouvait remplacer les piles de Bunsen, tr` es on´ ereuses, par la magn´ eto de la soci´ et´ e L’Alliance (Fig. 2), mue par une machine ` a vapeur. Fou- cault et le constructeur d’instruments Jules Duboscq (1817- 1886) r´ ealis` erent un arc r´ egul´ e` a auto-allumage, avec mou- vement d’horlogerie, qui ´ etait le nec plus ultra ` a l’´ epoque. Il fut essay´ e avec succ` es sur un des phares jumeaux du Cap de la H` eve, sur l’estuaire de la Seine. Mais c’est finalement le syst` eme construit par un concurrent, Victor Serrin, un peu plus simple d’emploi, qui fut retenu par la Commission des phares. De toutes fa¸ cons, l’arc ´ electrique ne devait pas avoir beaucoup d’avenir en raison du coˆ ut de l’appareillage et des difficult´ es que l’on avait ` a le faire fonctionner dans des sites aussi isol´ es que les phares : les lampes ` a huile puis ` a p´ etrole continu` erent ` equiper la grande majorit´ e des phares jusqu’aux ann´ ees 1920, o` u l’on vit se g´ en´ eraliser la distribution de l’´ electricit´ e, et o` u la lampe ` a filament incandescent rempla¸ ca avantageusement l’arc. 1

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L’arc electrique

Fig. 1. L’arc electrique regule construit par Foucault en 1848.

Les fleches indiquent le sens du courant, fourni par des piles de

Bunsen. Les charbons A et A’ de l’arc etaient montes sur deux

chariots B et B’. Les ressorts P et P’ tendaient a les rapprocher,

mais ils etaient retenus par des cordes. Une de ces cordes

reunissait les deux chariots par l’intermediaire du levier L,

destine a compenser l’usure inegale des deux charbons; l’autre

corde, attachee au chariot de droite B, exercait donc son action

sur les deux chariots a la fois. Elle etait tiree par un ressort

d’horlogerie R. Le courant d’alimentation passait en serie dans

l’electroaimant E, qui bloquait, s’il etait alimente, le ressort

R par l’intermediaire de la tige D. Si le courant faiblissait, le

ressort etait libere et les charbons se rapprochaient jusqu’a ce

que le courant redevienne normal. L’appareil mesurait plus

d’un metre de haut.

La premiere demonstration de l’arc electrique, en 1802,est due au chimiste et physicien anglais Sir Humphrey Davy(1778-1829). Alimente par des piles, l’arc fournissait unelumiere puissante, dont on a tot pense qu’elle pourraitremplacer celle des lampes a huile pour l’eclairage pub-lic. Un premier essai fut realise en 1840 place de la Con-corde. Cependant, les charbons d’un arc s’usent tres rapi-dement, et il fallait trouver un moyen d’en maintenir con-stant l’ecartement afin de pouvoir utiliser l’arc pendant unelongue duree. Foucault construisit a cet effet en 1848 le pre-mier servo-mecanisme, represente figure 1.

Fig. 2. La magneto de la societe L’Alliance, vers 1861.

Elle etait entraınee en general par une machine a vapeur,

quelquefois par le “moteur a air dilate par la combustion

des gaz enflammes par l’electricite” (allumage par bobine

de Ruhmkorff), premiere realisation pratique du moteur a

explosion, qui avait ete brevetee en 1860 par Etienne Lenoir

(1822-1900).

L’invention de Foucault ne put etre exploitee, car unanglais nomme Staite avait brevete au meme moment unappareil du meme genre, a vrai dire plus compact. Foucaultutilisa neanmoins son arc regule a l’Opera, pour simuler lelever de soleil dans Le Prophete de Meyerbeer — une grandepremiere dans l’eclairage de scene. L’arc electrique ne servitqu’occasionnellement a l’eclairage public.

Dans les dernieres annees de sa vie, Foucault devaitrevenir a la regulation de l’arc electrique, cette fois en vuede l’utiliser dans les phares. Ceci devenait reellement en-visageable car pour alimenter l’arc on pouvait remplacer lespiles de Bunsen, tres onereuses, par la magneto de la societeL’Alliance (Fig. 2), mue par une machine a vapeur. Fou-cault et le constructeur d’instruments Jules Duboscq (1817-1886) realiserent un arc regule a auto-allumage, avec mou-vement d’horlogerie, qui etait le nec plus ultra a l’epoque.Il fut essaye avec succes sur un des phares jumeaux du Capde la Heve, sur l’estuaire de la Seine. Mais c’est finalementle systeme construit par un concurrent, Victor Serrin, unpeu plus simple d’emploi, qui fut retenu par la Commissiondes phares. De toutes facons, l’arc electrique ne devait pasavoir beaucoup d’avenir en raison du cout de l’appareillageet des difficultes que l’on avait a le faire fonctionner dansdes sites aussi isoles que les phares : les lampes a huilepuis a petrole continuerent a equiper la grande majoritedes phares jusqu’aux annees 1920, ou l’on vit se generaliserla distribution de l’electricite, et ou la lampe a filamentincandescent remplaca avantageusement l’arc.

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