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L’art de nourrir les bébés sous la direction de Myriam Szejer avec la collaboration de Nicole Czechowski Albin Michel

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L’artde nourrirles bébés

sous la direction de Myriam Szejer

avec la collaboration de Nicole Czechowski

Albin Michel

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Collection «þLa Cause des bébésþ»

© Éditions Albin Michel, 2008

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Sommaire

AVANT-PROPOS, par Myriam Szejer..................................... 9

PREMIÈRE PARTIEÞ: NOURRIR...................................................... 17

•þMarie-France Morelþ: Iconographie de l’allaitementen Occidentþ: du sacré au profane................................ 19

•þPhilippe Cornetþ: L’alimentation de la femmeenceinte et l’art de nourrir son bébé à naître ........... 38

•þBenoist Schaal et Élisabeth Hertlingþ: Odeurs etsaveurs autour des premières gorgées de lait............ 55

•þArmand Malkaþ: L’allaitement ou l’art de nourrirune relation ......................................................................... 76

•þTelma Corrêa da Nóbrega Queirozþ: Allaitement ausein ou allaitement au biberonþ: différences etconséquences ...................................................................... 101

•þArmand Malkaþ: La diversification alimentaireþ:diversité et unicité ............................................................. 126

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L’ART DE NOURRIR LES BÉBÉS

•þBoris Cyrulnikþ: Les nourritures affectives ................ 149

•þGraciela C.þCrespinþ: L’appétence symbolique......... 168

•þGhislaine Szpeker-Benatþ: Ambivalence .................... 181

•þJean-Pierre Winterþ: Le sevrage.................................... 192

•þChristy Shields-Argelèsþ: Célébrer la fin du sevrage.À propos du texte de Jean-Pierre Winter.................. 204

DEUXIÈME PARTIEÞ: NOURRIR EN SITUATION DIFFICILE.............. 209

•þMarie Thirionþ: Les conséquences à plus ou moinslong terme des allaitements mal adaptés.................... 211

•þCatherine Mathelin-Vanierþ: Le «þgoût du désirþ» ....... 228

•þCatherine Le Grand-Sébilleþ: Nourrir un bébé enphase palliative. Regards de soignants et deparents.................................................................................. 242

•þCécile Bizouerne et Caroline Wilkinsonþ: Les bébésdans la tourmente des guerres et des famines .......... 254

ANNEXE .................................................................................. 261

•þClaudine Junienþ: Origine développementale ettransgénérationnelle des maladies de l’adulte. Rôlede l'épigénétique................................................................ 263

PRÉSENTATION DES AUTEURS .................................................. 281

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Avant-propos

par Myriam Szejer

Nourrir un bébé est une évidence, une urgence. Pourquoien faire un livre qui pourrait laisser supposer que c’est unproblèmeþ? En fait le sujet dépasse largement la dimensionalimentaire, il touche les registres conscient et inconscient,l’histoire du sujet et sa préhistoire, son inscription sociocultu-relle, tout un art. C’est ce qui a amené La Cause des bébés,association pluridisciplinaire rassemblant des professionnels dela périnatalité et de la petite enfance, à y consacrer un colloque,et à rassembler dans cet ouvrage les contributions de cliniciens,de théoriciens et de scientifiques à la pointe de la recherchecontemporaine. Par la diversité de leurs approches, les textesréunis ici permettent au lecteur d’enrichir sa réflexion en luiouvrant de nouvelles pistes. Car c’est en affinant nos connais-sances que l’on peut tenter d’améliorer l’accueil que l’onréserve aux nouveau-nés et le respect qu’on leur doit.

Le fœtus humain ne connaît probablement pas la faim telleque nous la ressentons. Il est, grâce à son cordon ombilical etson placenta, en mesure de puiser dans le sang de sa mère toutce qui lui est nécessaire au moment où cela lui est nécessaire.Celle-ci privilégie ses besoins, parfois même au détriment des

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siens propres, comme nous le prouvent ces bébés magnifiquesnés de mères sévèrement anorexiques. S’il n’éprouve pas lafaim à proprement parler, il peut probablement éprouver unesensation de manque liée à d’éventuelles carences provenantde la mère ou d’une déficience de la fonctionnalité du cordon.Nous savons que la sphère orale se constitue progressivementþ;l’échographie nous montre comment, au cours de la gestation,il avale le liquide amniotique, le goûte, suce son pouce, tire lalangue, tète, se préparant en quelque sorte à l’alimentationorale. Ainsi il organise aussi sa sphère pulsionnelle qui sera àsa naissance centrée sur l’oralité.

Il s’agira alors de le nourrir, c’est la question centrale audébut de la vie. Si rapidement le bébé est en mesure de criertellement fort pour réclamer à manger, c’est que la non-satisfaction de sa demande est synonyme pour lui de désespoir,de danger de mort. La satiété lui rendra ses sensations anténa-tales rassurantes et lui procurera un sentiment de continuité,de bien-être et de confiance en lui, fondant ainsi certaines desbases de son narcissisme primordial. Dans ces conditions, com-ment gérer au mieux cette situation, rendre l’alimentation d’unbébé épanouissante et structurante dans sa dimension d’échange,de plaisir, de convivialité et de frustrations nécessairesþ? C’estce qu’aborde Marie Thirion en citant Amélie Nothombþ:«þExiste-t-il une faim du ventre qui ne soit l’indice d’une faimgénéraliséeþ? Par faim, j’entends ce manque effroyable del’être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l’uto-pique plénitude qu’à la simple réalitéþ: là où il n’y a rien,j’implore qu’il y ait quelque chose.þ»

Dans le monde aérien, en effet, le petit d’homme découvrela faim et avec elle, progressivement, la dépendance à l’autre

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AVANT-PROPOS

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pour sa survie. Le sein devient l’objet de la pulsion orale. Et,dit Jean-Pierre Winter, l’inquiétude du bébé, dans la perte decet objet sein (qui peut être un biberon), «þporte moins surl’objet sein que sur le lait qui est dedans. L’inquiétude primaireet réelle du bébé, c’est que le sein tarisse. Or il ne peut pasmentaliser que le sein pouvait tarir pour une autre raison quele fait qu’il le tèteþ».

Mais si l’enfant a évidemment besoin d’être alimenté pourse développer, pour se construire, il lui faut une nourriture«þaffectiveþ», comme le développe Boris Cyrulnik, repris parCatherine Le Grand-Sébille et Catherine Mathelin pour ce quiest des grands prématurés et des bébés atteints de pathologieslourdes. Car on ne nourrit pas le bébé que de lait. Nombre depathologies de l’oralité et de la dépendance comme les onglesrongés, les pouces sucés, le tabagisme, la drogue et l’alcoolismesupposés trouver leur origine dans l’alimentation des premierstemps de la vie relèvent sans doute aussi de la qualité deséchanges entre la mère, le père et l’enfant au travers du jeu desidentifications.

Le couple choisit l’allaitement au sein ou au biberon enfonction de paramètres très divers, et son choix correspond àla meilleure solution, à ce moment-là, pour cet enfant-là et cesparents-là. Dans les années 1960, il était courant de stigmatiserles mères qui allaitaient au sein. Le corps médical vantait alorsles vertus des laits maternisés avec une telle insistance quenombre de femmes se sont trouvées privées du plaisir d’unallaitement au sein pourtant bel et bien désiré. Aujourd’hui, lelait maternel est préconisé comme prévention radicale de tousles aléas de la croissance du nourrisson, et cette tendance domi-nante a pour effet de réveiller chez celles qui n’en feraient pas

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le choix une culpabilité toujours aux abois. Car la justificationnutritionnelle peut faire des ravages lorsqu’elle est utiliséecomme outil de pression sur les femmes. On ne peut, expliqueGhislaine Szpeker-Benat, «þdissocier la composante libidinalede la fonction nourricière sur laquelle elle s’étayeþ», qui souli-gne que l’allaitement au sein n’est pas la condition nécessaireà un maternage réussi et que ces pressions violentent les mèreset leurs enfants.

Le lait maternel s’adapte, dans sa composition qui varie aucours de la tétée et au cours de la croissance, et dans sa quantité– puisqu’elle est moindre lorsque le bébé est prématuré –, àl’évolution de celui à qui il est destiné. L’allaitement maternelpermet à l’enfant de maintenir le lien entre sa vie anténataleet sa vie postnatale, lui procurant ainsi un sentiment de conti-nuité. Les perceptions qu’il a mémorisées au cours de la gros-sesse, l’odeur de sa mère, celle de son sein en partie identiqueà celle du liquide amniotique, sa voix, les battements de soncœur, la chaleur de son corps, associés aux émotions qui y sontliées, lui permettent, dans le chaos des premiers moments, de serepérer et de se sécuriser. C’est dans cette confusion qu’appa-raît le sein. Le mamelon est la tétine la plus intelligentepuisqu’il sait réagir en fonction des différents mouvements desuccion de l’enfant. Il sait ne pas fournir de lait lors de certainstypes de sollicitations du bébé tout en continuant à satisfaireson besoin de sucer lorsque celui-ci, au cours de la tétée, faitdes pauses qui permettent à son estomac de se vider progres-sivement.

Avec le retour de tendance, l’allaitement maternel est sipréconisé aujourd’hui que l’OMS a labellisé «þHôpitaux amisdes bébésþ» ceux favorisant l’allaitement au sein. Une mère qui,

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AVANT-PROPOS

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comme il est fréquent d’en rencontrer dans certains pays,habite très loin de tout lieu de soins et dans une situationd’extrême pauvreté met la vie de son enfant en danger si ellene lui donne pas le sein. On comprend que tout doive être tentépour favoriser l’allaitement au sein dans ces régions. Mais enFrance, si elles le désirent, les femmes peuvent choisir l’allai-tement artificiel en toute sécurité. Gardons-nous donc de prô-ner inconditionnellement des pratiques sans tenir compte desparamètres névrotiques ou sociaux des choix individuels. Quandà la questionþ: «þComment avez-vous nourri votre enfantþ?þ»,nombre de femmes répondentþ: «þJe ne l’ai pas nourriþ» parcequ’elles n’ont pas allaité au sein – cela en dit long. Les men-talités se structurent également dans la langue au fil de sonévolution. La culpabilité et ses conséquences délétères peuventy faire leur lit.

On le prône aussi parce que aujourd’hui on sépare heureu-sement le moins possible les mères et les bébés alors que cettepratique a toujours existé, touchant progressivement toutes lesclasses sociales, comme nous le montre Marie-France Morel,historienne. Au-delà des nécessités économiques pour cellesqui travaillaient et des modes pour les autres, probablementune répression plus insidieuse et non dite est-elle à l’origine del’impressionnante diffusion de cette pratique. La morale, lesconventions sociales, les religions, la jalousie des hommes etleur soif de pouvoir sur les femmes ont contribué à leur fairenourrir leur enfant par une autre, à les priver de cette jouis-sance sexuelle que procure l’allaitement qui était probable-ment perçu plus ou moins consciemment comme une formed’obscénité. C’est Françoise Dolto qui, la première, a osé par-ler de ce plaisir si particulier procuré par l’enfant au cours de

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la tétéeþ; par ce lien unique qui maintient de la relation char-nelle sous le regard des autres, le tissage commencé pendantla grossesse se poursuit.

De son côté, le nourrisson, qui a découvert le plaisir del’oralité dans l’échange avec sa mère, va entrer en contact avecle monde tout d’abord par la bouche. Il sait téter en naissant,il ouvre la bouche lorsqu’il se concentre pour écouter, tire lalangue et, progressivement, il va y porter tout ce qui l’intéresse.C’est sa zone érogène primordiale, le premier lieu où va se ras-sembler son énergie vitale après sa naissance. Ainsi se met enplace le premier circuit pulsionnel.

On sait que la mise au sein précoce en salle de naissancefavorise le bon déroulement de l’allaitement. Un nouveau-nélaissé paisiblement sur le ventre de sa mère trouve seul le chemindu sein en moins d’une heure tout en découvrant le visage decelle-ci dans la sécurité de son environnement sensoriel. Or, aunom de l’intérêt de l’enfant, il arrive trop souvent que des pra-tiques dont il est difficile d’évaluer les dégâts à court et à longterme les agressent et les perturbent. Ainsi, donner à boire, neserait-ce qu’un peu d’eau, au nouveau-né avant même la miseau sein, lui donner des biberons de lait artificiel avant la montéede lait, peut perturber de manière parfois irréversible la progres-sive adaptation nécessaire à la mère et à l’enfant pour la réussitede l’entreprise. C’est ainsi que les pratiques de puériculture etde pédiatrie en maternité sont parfois à l’origine d’échecs d’allai-tement au sein et de séparations mère-bébé. Or peu importeque l’enfant soit nourri au sein ou au biberon du moment quele choix est adapté aux protagonistes et à leurs priorités, que tousdeux en soient satisfaits. L’important réside dans la liberté et lasouplesse des pratiques grâce à une meilleure connaissance des

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AVANT-PROPOS

enjeux et des techniques. Nourrir son enfant ne relève pas uni-quement de la technique, les questions de l’inconscient s’y rat-tachent profondément. L’amour maternel n’a rien à voir avec unmode de puériculture privilégié. L’abandon d’un bébé est par-fois un acte d’amour de sa mère, celle qui bat son enfant peutégalement l’aimer, et celle qui le gave ne le fait pas forcémentpar amour. Allaiter son enfant au sein ne fait pas de la femmeune «þbonne mèreþ». Mais que la société favorise l’épanouisse-ment de celles qui l’ont choisi est légitime. Bien loin d’être duseul ressort des spécialistes, pédiatres, sages-femmes, puéricul-trices, l’allaitement s’inscrit dans un héritage socio-historique etdans une histoire familiale, dans une lignée avec tout ce qu’elletransmet, de dits et non-dits, de blessures mal cicatrisées prêtesà se rouvrir.

Comme l’écrit le pédiatre Armand Malkaþ: «þL’alimenta-tion renvoie la mère à sa capacité à maintenir la vie après avoirporté et nourri son bébé dans le giron. Elle veut naturellementoffrir le meilleur d’elle-même dans cette mission et s’entourerdes meilleurs conseils. […] Le médecin, en l’accompagnant,doit veiller à lui laisser toute sa place, la conforter et laconvaincre qu’elle connaît mieux que quiconque les besoins deson bébé et ce qui lui convient. Son discours doit laisser émer-ger la confiance de la mère en elle-même et en son enfant. Lesavoir médical, tout en apportant son éclairage, ne doit pass’approprier l’art de nourrir les bébés. Cet art est d’abord celuide la mère mais aussi celui du bébé, qui la nourrit à son tour.þ»

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