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1 FORST Roger = L'ART D'ECRIRE UN POEME = TRAITÉ DE VERSIFICATION Tout droit d'extrait, de reproduction et de traduction réservé en Europe et hors d'Europe Dépôt légal 03/2001- N 1656

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FORST Roger

= L'ART D'ECRIRE UN POEME =

TRAITÉ DE VERSIFICATION

Tout droit d'extrait, de reproduction et de traduction réservéen Europe et hors d'Europe

Dépôt légal 03/2001- N 1656

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DEVISE DE L'AUTEUR :

"SAUVEGARDER ET ENNOBLIR"

MAXIME : La Poésie est à l'homme ce que l'eau est au désert,un mirage ou une résurrection...(R.F.)

DÉFINITION DE LA POÉSIE OU SENS INHÉRENT :

Art de la fiction littéraire !

Terminologie tirée du latin : "poesis" du groupe "poiesis" qui signifie création.Le dictionnaire français avance plusieurs définitions : Art du langage tendant àl'expression ou la suggestion d'un sens par le rythme, l'harmonie et l'image...caractère de ce qui touche, élève et charme... et j'ajouterais à cela : expressionsentimentale d'une inspiration profondément humaine.

''SAUVEGARDER ET ENNOBLIR''

En matière littéraire, cette devise à double caractère implique le respect destraditions, la préservation d'un patrimoine formé au cours des siècles et un apportnouveau qui l'enrichit et le perpétue. Au-delà de ces buts, elle marque unesolidarité humaine et intellectuelle entre les poètes, écrivains, artistes présents,passés et à venir. Il est donc évident que cette devise engage l'auteur qui la faitsienne.Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire de dégager le patrimoine littéraire dela gangue du modernisme qui, par son mépris inconsidéré des traditions séculaires,de leurs règles saines et constructives, menace de l'annihiler.Vouloir construire un monde nouveau en rejetant arbitrairement toutes les valeurset notions fondamentales qui jusqu'alors l'avaient étayé est une entreprise vouée àla faillite et à la dispersion des ressources.On était en droit de croire que la Poésie dans sa forme classique resterait unegarantie inviolable d'une forme d'expression de l'humain meilleure, constante etéternelle …Est-ce parce que la poésie s'est vue emprisonner dans un certain académisme, quele public finit par l'oublier ou est-ce parce que les poètes, soucieux d'indépendance,tournant trop tôt le dos au classicisme, ne se préoccupent plus que de leurpromotion et en oublient le public ? . . .

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Toujours est-il que ce public se lassait vite des poètes et de leur poésie, après leschisme qui s'opérait au début du XXe scl. Dès lors, deux partis antagonistes ontœuvré non pas pour reconquérir le public, mais pour le désorienter complètement.Et ce public est en droit de douter de la viabilité de la Poésie et du mérite accordéaux poètes, voire même de la valeur de leur message, alors que la confusiondoctrinale s'accentue de jour en jour parmi eux. Faute d'unité d'expression etd'action commune des poètes, le public finit par se détourner d'eux...

La querelle des conservateurs et des révolutionnaires n'a pas trouvé de cesse à cejour. La conséquence de cette controverse permanente est que la poésie, en tant quegenre littéraire, est de plus en plus difficile à vendre, que le poète est de plus enplus déclassé dans la société actuelle et que ceux qui croient encore en lui ne letrouvent plus.Le péché originel des révolutionnaires est d'avoir voulu faire le leur, un monde enmarche vers l'industrialisation intégrale des ressources naturelles et humaines, aulieu de se consacrer à la préservation des valeurs humaines fondamentales, face aumatérialisme. Ils se sont fait disciples du "veau d'or", victimes consentantes desfacilités, des paresses et de l'appauvrissement des facultés mentales, dans unmonde de technocrates. L'individu, "poète intégré" dans un milieu de technocratesrisque de se métamorphoser en robot à injonctions incontrôlables de l'inconscient !

L'action littéraire d'aujourd'hui et plus spécialement l'action poétique, prend de plusen plus l'aspect d'une affreuse tour de Babel et le jour semble proche où ses artisansse verront irrémédiablement dispersés par l'incompatibilité du langage etl'incapacité d'unir leur action.Sans règles absolues, saines, précises, clarifiantes et déterminantes, il estimpossible de garantir la survie de la Poésie.

"Donnez-moi un point d'appui, et je soulèverai le monde'', l'antique affirmationd'Archimède devrait nous servir de réflexion !

Quel serait ce point d'appui indispensable pour soulever le monde poétique, sinonla règle, la mesure, l'ordre logique de la pensée, la clarté formelle, la cohérencede l'Art et en particulier de la Poésie qui doit ouvrir à d'autres esprits la voie d'unhumanisme plus assimilable.Les injonctions incontrôlables de l'inconscient sont dénuées d'ordre et d'unité etpour cette raison ne peuvent pas constituer un fondement solide de la Poésie.Pour parler, il faut d'abord apprendre une langue, ensuite varier ce langage et selonle caractère du sujet traité, découvrir la magie des mots et des rythmes.Mais pour valoriser un langage, il faut le nantir du point d'appui indispensable à lerendre intelligible et cohérent. Il faut soumettre le langage poétique à des règlesaptes à synchroniser l'intelligence de l'analyseur. En d'autres termes, pour qualifier

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un texte de poétique, il faut lui donner le caractère de poésie par son essence et sanature intérieure, mais aussi par son support extérieur, c'est-à-dire le langage, lesmots, leur rythme, leurs consonances.

Le patrimoine poétique est le résultat de la progression séculaire de l'intelligencehumaine, de l'évolution graduelle des valeurs spirituelles, d'une tentative constanted'ennoblissement des valeurs fondamentales du genre humain.Par l'élaboration de méthodes et d'une discipline du langage l'homme a pu dominer,élever et ennoblir sa nature intelligente et par conséquent, ses ressources innées decœur, d'âme et d'esprit, jusqu'à la détermination finale des notions du Bien et duMal, du Beau ou du Médiocre.On était en droit de croire avoir atteint le stade final de perfectionnement poétiqueet de pouvoir léguer aux poètes à venir le moyen infaillible de perpétuer etrenouveler la tradition poétique dans toute sa puissance et toute sa splendeur…

Mais bientôt, pensent les technocrates, le poète pourra sinon être supprimé, dumoins être remplacé par un cerveau électronique ! On emmagasinera toute l'œuvred'un Lamartine, d'un Victor Hugo, d'un Baudelaire ou d'un Verlaine par exemple,sous forme d'impulsions de "un" et de "zéro" et la programmation numérique ferale reste... Il en résultera que l'ordinateur débitera à l'infini un genre de poème à"injonctions incontrôlables".

De cette façon, l'homme se rapproche dangereusement du niveau de la civilisationde l'intégration inconsidérée de l'ordinateur électronique qui, s'il est apte àdéchiffrer son langage poétique, le reléguera au rang d'un ingénieur poéticien.Trop identique au rythme de la vie moderne, qui tend à conditionner l'homme en lerendant incapable d'abstraire, la Poésie qui en résultera perdra sa part de rêve. Elledeviendra un moyen supplémentaire et puissant, de faire de l'homme un robot.Dans un monde de robots, il ne peut plus y avoir de place pour un poète.

Le seul salut pour le poète d'aujourd'hui, s'il veut survivre et ne pas être témoin desa propre perte, est de rendre à la Poésie le langage noble et cohérent, contenantdans sa forme les éléments réguliers qui permettent de la reconnaître, de lacomprendre et de la situer à la place qui lui est propre dans le domaine des Lettres,c'est à dire, au niveau supérieur de l’écriture, noble support des sentiments et del'intelligence humaine.

=== L'ART D'ÉCRIRE UN POÈME ===

On ne pourrait prétendre que la poésie ait atteint à quelque stade de son évolution,une forme définitive. La poésie classique au sens de son écriture et de son

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expression présente, il faut le reconnaître, un degré élevé de perfection du langagehumain. Il a fallu plus de trois siècles d'ajustage et de corrections pour arriver auxformes classiques de la versification et de la prosodie française telles qu'elles nousont été léguées.

Les tendances nouvelles, dites libres ou libérées, n'ont pas encore apporté deformes plus parfaites.

J'ai essayé de regrouper au mieux les éléments connus et qui appartiennent auxformes classiques et par évolution continue, néoclassique, libres ou libérées.Je ne suis pas poéticien c.à.d. théoricien de l'Art, mais poète moi-même. J'ai fait lelong chemin de tâtonnement vers une perfection relative. De mon premier poème àcelui d'aujourd'hui, il y a plus de cinquante années d'exercice sans relâche.

Je n'ai donc pas cherché à faire une étude sur l'histoire de la Poésie et ses artisans,je ne me suis donc pas référé aux grands maîtres. Je me suis contenté de saisir lesméthodes existantes, sans toutefois m'engager dans un académisme sévère, etsomme toute, inapplicable dans toute sa rigueur. Je me suis laissé guider par larhétorique, la phonétique, la syntaxe et la grammaire de la langue française encours. J'ai puisé dans ma propre production poétique, pour donner des exemplesrelatifs aux différents sujets traités.

Ce traité ne peut donc prétendre répondre à toutes les normes de la versification, sil'on considère qu'entre le XVI/ème scl. et le XX/ème scl. il y va des origines denotre Littérature jusqu'au modernisme. Seul en ce qui concerne certaines formesfixes de la poésie classique, une application rigoureuse de leurs règles est encorepossible, tant que l'orthographe et la phonétique actuelle de notre langue lepermettent au regard de la métrique et de la rime.

La poésie classique du point de vue de l'Art, garantissant un équilibre heureuxentre le contenu et la forme d'un poème, conduit déjà en apparence pure etsimple, à une distinction propre par rapport à l'écriture normale et qui la classe dece fait au-dessus du langage commun et au niveau supérieur des Lettres.Les règles principales de cet art résident dans un schéma de composition littéraireet sont intimement liées à la nature d'expression de la langue française. Comme lalangue française est en continuelle mutation, la poésie écrite ou parlée en estaffectée. Beaucoup de règles des siècles passés ne sont plus applicables, d'autressont discutables ou sont devenues licencieuses.

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Mais il convient de distinguer clairement entre langage commun, prosaïque oupoétique à base des éléments et des fonctions qui déterminent le rang.

Equilibre harmonieux entre contenu et forme d'un poème, voilà qui impliqueen soi une discipline de l'écriture comme de l'interprétation d'une inspirationcréatrice, une terminologie contenant le sens exact pour la transposition del'idée fondamentale en expression cohérente, de même qu'un choix de motsadéquats à l'harmonie et au rythme. De ces critères dépend le pouvoirémotionnel du poème.

Les poètes du passé l'avaient remarqué et compris, d'où leur aboutissement auxpoèmes à formes fixes : Ballade, Villanelle, Sonnet, Rondel, Rondeau simple ouredoublé, Triolet... ou la Sixtine entre toutes la plus rigoureuse qui soit.L'évolution de l'art apporta des formes modernes tels : le Giroscope, laSchaltinienne, le Roussel, le Triodanse... D'autres ont importé des formesétrangères comme le Haï Kaï, le Tanka, le Pantoum ou le Ghazel.

Les différentes formes fixes de l'écriture poétique, constituent une science exacte,un critère rigoureux et finalement un caractère spécifiquement académique.Un poème classique est donc écrit selon des règles précises, propres à la formechoisie.Les règles fondamentales aux diverses formes fixes sont : la métrique et larime c.à.d. une subdivision régulière en deux ou plusieurs groupes équivalentsde syllabes et une suite régulière de rimes suivant un schéma propre de formeen question. De même que l'observance de l'élision, de la césure et del'hémistiche qui régissent les vers.

Voilà que nous avons usé de plusieurs termes académiques qu'il convientd'expliquer en détail par la suite...

Par rime, on entend homophonie terminale par voyelle sonore finale du derniermot d'un vers par rapport au prochain ou alternativement entre plusieurs vers.

La métrique, est la mesure de la longueur d'un vers par comptage des syllabesqu'il contient.

L'élision est le retranchement du "e" muet dans un mot ou à sa fin.

La césure est le repos occasionné par le sens et la voix, lié à la syntaxe du vers.

L'hémistiche est un repos divisant le vers en deux ou plusieurs parties égales.

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Métrique, rime, élision, césure, hémistiche... voilà donc les fonctions quidonnent la configuration à un vers classique. Toute inadvertance relative àl'application de leurs règles entraîne une licence ou un défaut dans l'Art d'écrire unpoème. Une licence ne peut être tolérée que lorsqu'elle contribue à accentuer ou àrenforcer un phénomène, un rythme ou une sonorité ou alors à rendre un sens sanséquivoque possible.

La langue française est tellement riche en variations grammaticales,étymologiques, phonétiques, analogiques, synonymiques, euphoniques,rythmiques etc... qu'un poète est incapable de l'assimiler sans lacunes.Il est incapable de la maîtriser totalement ou d'épuiser toutes ses ressources. De cefait, un poète est voué sa vie durant, à étudier la langue française, à rester vigilantaux moindres défauts d'expression ou d'écriture et à se corriger continuellement.Le poète est l'esclave de sa langue. C'est elle qui l'enchaîne et l'empêche des'échapper de ses exigences lorsqu'il compose un poème.

=== LA MÉTRIQUE ===

On avait dit que la métrique est la mesure de la longueur d'un vers par le nombrede syllabes qu'il contient. La métrique est donc un paramètre quantitatif dans l'artde la versification.Dans un poème classique, le nombre de syllabes est fixe et égal d'un vers à l'autre.Cette régularité est assurée par le comptage des unités phonétiques que contientun vers. Il importe donc d'étudier la grammaire et la phonétique c.à.d. lesmonèmes linguistiques, pour pouvoir déterminer exactement les unités decomptage. Nous y reviendrons plus en détail plus loin…

LA NATURE DES VOYELLES

Les mots sont formés d'ensembles de voyelles et de consonnes. Un mot peutavoir plusieurs voyelles, mais il n'en a rarement plus que de consonnes.Dans la langue française, souvent les voyelles ne s'expriment pas dans leur tonalitéde base : a-e-i-o-u, mais dans des tonalités nasales: an-en-em-in-im-on-om-un-um, par adjonction du "m" ou du "n". Leurs tonalités restent dures et brèves.De même, par adjonction d'une ou de plusieurs consonnes :anc-ants-ins-aints-oncs-unts, etc... Dans ce cas, ils représentent toujours une unitéde comptage.

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LES COMPOSÉS DE DEUX VOYELLES AUTRES QUE DIPHTONGUES

Les voyelles en dehors de leurs formations nasales changent de tonalité paraccouplement entre eux : a+i=ai(è), a+u=au(o), o+u=ou, o+e=oe(eu), e+i=ei(è),e+a+u=eau(o).Leurs assemblages donnent des tonalités dures et brèves. De même,par adjonction d'une ou plusieurs consonnes de terminaison, ils constituent uneunité de comptage : aux-taux-auds-aints-ois-toits-outs-ponts-eurs, etc…

RÔLE PARTICULIER DES VOYELLES "E" et "U"

Les voyelles "e" et "u" jouent divers rôles quantitatifs et qualitatifs dans la languefrançaise et qu'il convient de traiter à part.

RÔLE DU "E"

Le "e" s'exprime d'abord dans sa tonalité de base : je-te-me-re-se-ce, etc... Il prendune tonalité plus grave (è) lorsqu'il précède deux consonnes jumelles : elle-emme--eppe-erre-esse-ette, etc... De même lorsqu'il précède une consonne d'un mot,rendant cette dernière sonore : fer-cher-mer-sel-tel-sec-éden-hymen etc… et cedans la catégorie de rimes masculines. Lorsqu'un tel composé se termine par un "e"muet, il contribue à la rime féminine : depte-lesque-lemne-erte etc...

Le "e" prend une tonalité aiguë (é) lorsqu'il précède les consonnes r-s-t-z : oul'infinitif des verbes en "er" : ses-les-mes-tes-nez-mets-ler-quer, etc...

Le "e" prend une tonalité relative au signe qu'on place sur lui : é(accent d'aiguë),è(accent grave), ê(accent circonflexe). Ce dernier confère au "e" une sonoritéétirée, longue et soutenue.

Le "e" perd sa sonorité et devient pratiquement inaudible lorsqu'il précède unevoyelle sonore ou une diphtongue ou se trouve placé à la fin d'un mot :oie-née-fée-nie-lie-tie-oue-uie-ase-ale-ame-elle-erme-aile-ure-ore, etc...

Le "e" s'élide devant ou derrière une voyelle sonore à l'intérieur d'un mot :peindre-nieront-biseauter-dévouement-vengeance-mangeable-teint, etc...

Le "e" s'élide devant une autre voyelle dans le cas où il se trouve à la fin d'un mot,qui précède un autre mot commençant par une voyelle sonore ou un "h" aspiré. Cerôle d'élision a une grande importance pour la versification. Il sera décrit en détail,plus loin...

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Le "e" sonore (avec accent tonique) accouplé à une autre voyelle sonore, présentegénéralement une unité de comptage à l'intérieur de la diphtongue qu'il forme. Lesvaleurs de comptage des diphtongues sont variables. Un chapitre leur seraconsacré...

RÔLE DU "U"

Le "u" s'exprime d'abord dans sa tonalité de base : bu-tu-mu-lu-su-utur-us, etc...Assemblé à une autre voyelle, il forme une diphtongue : ua-ué-ui-uo-éu-iu. Demême avec les formations nasales : uant-uin-uon...

Précédé par une autre voyelle sonore, le "u" perd la sienne et contribue à unetonalité nouvelle : au-eu-ou. Placé après un "q" ou un "g", le "u" perd égalementsa tonalité et s'efface : que-qui-quel-gue-gui...

LA NATURE DES MOTS

Il y a d'abord les mots qui contiennent ou ont pour terminaison des voyellessonores, brèves et dures. Elles forment des unités de comptage monovalentes :ac-ca-ap-at-ars-als... comme pour é-è-i-o-u. Accouplées à une consonne, ellesconstituent encore une unité : ant-anc-ans-incts-onts-uns-arts-aints-orts-oncs,etc...Exemples :

Ce sont les faons jumeaux d'un pré fleurdeliséCe sont les faons ju meaux d'un pré fleur de li sé

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 ------------------------------------------------------

J'ai subi leur affront, ressenti leur dédainJ'ai su bi leur af front res sen ti leur dé dain

1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

De là, nous arrivons aux verbes avec leurs terminaisons par des voyelles sonoresaccouplées à une suite en "e-es-ent". Sans entrer encore dans le chapitre du "e"muet, on peut dire qu'en règle générale, une suite en "e-es-ent", n'entre pas dans lecomptage. Néanmoins, leur accouplement à une voyelle sonore et terminaleprovoque une extension de la sonorité, un allongement de la durée phonétiqueet cause finalement un désagrément rythmique d'un vers par rapport à un autre.De ce fait, un mot se terminant en "e-es-ent," est à éviter à l'intérieur d'un vers et àrenvoyer à son bout, où il peut constituer une rime féminine. Une exemption peutêtre faite pour un verbe se terminant en "e" au cas où il peut s'élider devant lavoyelle du mot suivant, à l'intérieur du vers

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Exemples :L'excès tue la vertu (mauvais)

Vertu que l'excès tue (bon)

Il renie son enfant (mauvais)Son enfant qu'il renie (bon)

_________________________________________________________________

Il en est autrement pour la troisième personne de l'imparfait, du conditionnel et dusubjonctif. Ses suites en "aient-oient" qui restent de sonorité brève et monovalente,sont tolérables à l'intérieur d'un vers. Mais il est préférable pour la netteté del'écriture, d'user de ces terminaisons au bout des vers où elles constituent des rimesféminines …Exemples :

Les soirs où tonnaient les cannons (mauvais) Les soirs où les cannons tonnaient (bon) -----------------------

Qu'ils soient grands seigneurs ( mauvais) Grands seigneurs qu'ils soient (bon)

Il faut encore signaler l'effet désagréable et perturbateur du "e" muet à l'intérieur decertains mots comme : joueront-dénouement-ralliement-prierait-reniera, etc...qui allonge l'unité phonétique et de ce fait, déséquilibre un vers par rapport àl'autre. Il y a risque de rupture de rythme.Exemples :

La mort l'en déliera Je vous prierais amis (mauvais)

C'est avec dévouement-----------

La mort l'allégera Amis je vous en prie (bon)

Je suis tout dévoué

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LES DIPHTONGUES

Des difficultés de la métrique apparaissent dans la nature étymologique de lalangue française. Il y a les composés de deux voyelles dissyllabiques oumonosyllabiques, qui diffèrent par contraction ou séparation due à leurssonorités différentes. Il n'y a pas de règle précise quant à leur valeur de comptage,mais une orientation articulaire des mots affectés par l'accent tonique et qui peutvarier, on le sait, d'une région à l'autre de France. Pour cela l'Académie française aregroupé les diphtongues d'après leurs valeurs monophoniques ou polyphoniquesappelées synérèses et diérèses.

La valeur monosyllabique ou dissyllabique d'une diphtongue n'apparaît pastoujours clairement, ce qui explique nombre de licences à ce sujet dans despoèmes. Voici quelques exemples, qui demandent la plus grande attention :

Voi ci de Salomon la li tiè re roy ale 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

------------------------------------------------- Ta voix mé lo di euse - en no blit ta pri ère

1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 ---------------------------------------------------------

Le cerf foulant les bois ma jes tu eu se ment 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

-------------------------------------------------Il monta le fa nion la nuit sur les ruines

1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5

Tableau de métrique, indiquant les unités de comptage dans une diphtongue

SYNERESE DIERESE EXCEPTION

ia noms et verbes diable,diacre, fiacre,liard

ié noms et adjectifs pied, sied, pitié,

amitié, moitié

noms et adjectifs verbes à l'infinitif 2.pers.du Pluriel du prés. et du particu. passé et de l'imparf.

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iai (ié)

verbes à la l.pers. du passé

iai (iè)

noms et adjectifs

iez iet iel iété

Noms noms et verbes à la 2.pers. du pluriel

et adjectifs

éan ian ien

noms, verbes et adjectifs

viande

iel uel

noms et adjectifs fiel,miel,ciel pluriel,

ien yen

noms,pronoms posses. verbes et adverbes

adjectifs de proffessionel et de pays

chrétien

ieu ieux yeux

noms et peu d'adjectifs adjectifs vieux

io ieau

noms et verbes fiole,pioche

ion 1. pers.du Pluriel de verbes sans"r" ni "l" devant la diphtongue

1.pers. du pluriel des verbes en ier et avec "r" et "1" devant la

diphtongue

fanion,champion lampion

oin uin

Noms

oua oué oui

noms et verbes fouet,oui ouate

uant ué ui

uis uit oé oè

noms et verbes

noms et verbes

noms et verbes

ruine

bruine

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LE RÔLE DU "E" MUET

Le "e" muet, nous l'avons vu, joue un grand rôle dans la langue française. Suivantla place qu'il occupe dans un mot, il lui procure une résonance entretenue. Le "e"muet permet une harmonisation agréable entre des sonorités dures et douces,brèves et longues, aiguës et atténuées et qui fait le charme de la langue française,mais qui implique un contrôle permanent de l'écriture comme du parler.

LES MOTS FÉMININS

Accouplé à une voyelle sonore, le "e" muet occasionne une atténuation douce,suspendue et étirée : ée-ie-ue... de même dans le pluriel : ées-ies-ues ou pour latroisième personne du pluriel : éent-ient-uent...Placés à la fin d'un vers, ces mots constituent une rime féminine et l'unité decomptage est déterminée par la voyelle ou le composé "voyelle-consonne" quiprécède.Un nom ou adjectif à l'intérieur d'un vers et qui se termine avec "e" est licencieux.Un mot qui se termine au pluriel, comme nous avons vu plus haut, l'est tout autant,sauf pour l'imparfait, le conditionnel et le subjonctif, comme il a été indiqué sous leparagraphe "la nature des mots". En effet, "é-es-ent" ne se prononcent pas. On lesdevine plus qu'on ne les entend, mais leur présence derrière une voyelle sonore ouun composé "voyelle-consonne" double pratiquement leur durée phonétique. Si lesterminaisons "ées-ies-ues" sont absolument à rejeter à l'intérieur d'un vers, lesverbes se terminant par "e " peuvent s'élider et seulement sous cette condition ilssont tolérables. On a vu par ailleurs que le "e " à l'intérieur d'un mot, provoque unétirement de la sonorité. Son effet est à peu près de moitié de durée qu'à la fin d'unvers. Il est assez important pour créer un déséquilibre rythmique d'un vers à l'autre.Sauf cas de recherche d'un effet spécial lié au sens du vers, ces mots sont à éviter àl'intérieur d'un vers :

Exemples :Quand montent les parfums les fleurs se vivif ient

1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6-------------------------------------------------------------

Voile tes chers attraits car bien qu'ils me ravivent 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

Voici quelques exemples de vers contenant des mots féminins et le rôle que peutjouer l'élision à différents endroits des vers :

Le printemps se consume hâte-toi mon amie (élision à l'hémistiche) 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

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Et sur l'espace hagard tout est suspect qui bouge (élision avant l'hémistiche) 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6

----------------------------------------------------------- L'araignée en émoi devant l'insecte ailé 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 (élision à chaque césure)

Dans ces exemples, les mots féminins sont bien placés, surtout quand il y a élisionavec le mot suivant.Nota : l'hémistiche divise un vers en deux parts égales.

LA CÉSURE

Ce qui différencie la césure de l'hémistiche est sa place, qui ne se situe pasforcément au milieu d'un vers, mais à des endroits différents, le divisant en deux,trois ou quatre parties. La césure implique donc une pause qui doit répondre àl'ordre de la syntaxe du vers.Abstraction faite de l'alexandrin, du décasyllabe et parfois de l'octosyllabe, quicontiennent l'hémistiche, la césure est obligatoire pour des vers contenant plusde six syllabes. C'est une pause qui n'exige pas forcément une voyelle accentuée,mais une coupe par le sens. Césure et coupe, ne sont pas fixes. Leurs placespeuvent varier et se multiplier suivant le nombre de syllabes d'un vers à l'autre.Les coupes sont occasionnées par un degré plus faible, le passage d'une voyelleaccentuée à une inaccentuée ou tout simplement par le changement d'intonationliée au sens.

Dans le trimètre, auquel nous viendrons plus loin, il y a deux césures divisant cetype de vers dodécasyllabe en trois parties égales. Chaque césure est donc placéeaprès quatre syllabes. Ce mode donne au vers un rythme accéléré.

Dans l'alexandrin et le décasyllabe, la pause principale se situe au milieu duvers. Mais chaque moitié de ces vers contient en outre une césure occasionnéepar : un qualificatif et son complément, un verbe et son complément, un nomet son adjectif, attribut ou épithète, un sujet et son verbe ou le rapprochementde l'adjectif et du substantif.

Les anciens s'imposaient une division fixe et régulière d'un demi-vers à l'autre.Mais trop de régularité dans des vers de moins de dix syllabes donne au poème unrythme monotone et fatigant. Voici une analyse métrique relative à la césure :

Que tressaille/ mon corps/ /des baisers/de ta bouche 4+2//3+3 verbe sujet nom complément

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Car ton amour/ vaux mieux/ /que le pouvoir/du vin 4+2//4+2 (alexandrin) sujet verbe nom complément

Ton nom/ grise l'esprit/ /le rendant/moins farouche 2+4//3+3 Sujet verbe verbe attribut

Et trouble/ plus d'un cœur/ /tel un parfum/divin 3+3//4+2 Verbe complément nom épithète

______________________________________________________

Au jardin/ secret/ de mon âme 2+2+4 Nom épithète complément

S'est éclose/ une fleur/ nouvelle 3+3+2 (octosyllabe) Verbe sujet épithète

Nul autre/ n'a connu/ son charme 3+3+2 Sujet verbe complément.

Que tu filtre/ dans ta prunelle 4 + 4 Verbe complément

Bientôt /reviendra/ /l'homme/à la charrette 2+3//2+3 Adverbe verbe nom complément

Pour ôter /les liens/ /de sa /parenté 3+2//2+3 (décasyllabe) Verbe complément adj.poss. nom

Pour poser /la faux/ /contre /son squelette 3+2//2+3 Verbe complément préposition nom

Et trahir/ ainsi/ /son /identité 3+2//1+4 verbe complément adj.poss. nom

Exemples d'héptasyllabes (métrique impaire) où il y a recherche de rime féminineà la césure. Contraire à la règle qui rejette le mot féminin à l'intérieur d'un vers s'iln'est pas élisible, il s'agit ici d'accentuer la langueur nostalgique innée au sens dupoème. Cela ne peut se faire qu'avec des vers relativement courts… Exemples : C'est une îsle/ fabuleuse 4+3 Nom épithète

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Que lèche/ l'onde du temps 3+4 (héptasyllabe)Verbe sujet

Cyclades/ miraculeuses 3+4 Nom épithète

De mon rêve-à contretemps 3+4 (élision à la césure) Nom complément

Exemple d'un trimètre :

C'est le bruit sourd/ des pas feutrés/ de Méharis 4+4+4

L'HIATUS

La rencontre de deux voyelles accentuées provoque un heurt verbal difficile àpasser. Il implique d'abord un arrêt, puis un ajustement guttural pour une autretonalité ou la retenue du souffle pour repartir sur une autre sonorité.Exemples : Semblable à la biche et au faon ------------------------------------- Il a guetté une ombre (des hiatus de ce genre sont intolérables)

Les formations nasales n'harmonisent pas mieux quand elles se rencontrent comme: an-un, on-un, in-on, an-in, etc... de même que certaines rencontres determinaisons nasales avec des voyelles sonores comme : ant-é, in-u, int-i...L'hiatus occasionné par la suite de deux fois la même voyelle sonore, a-a, é-è, i-i,au-o, u-u, é-et, etc. De même que deux fois les formations nasales, ain-in, en-an,unt-un, on-om... donnant un effet de bégaiement…

Exemples :

En voyant ce fronton on eut cru--------------------------Et l'enfant endormi--------------------------Lendemain incertain---------------------------

A chacun un coup de main

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Le fait que se trouve une consonne entre deux voyelles de deux mots qui sesuivent, soit à la fin de l'un ou au début de l'autre, exclut en principe l'hiatus. Maisnon les liaisons déroutantes par confusion verbale.Exemples :

Alléluia ta gloire oh Seigneur = alléluiata-----------------------------------------------

Son radeau du salut tanga = son rat dodu-----------------------------------------------

Son galop infini résonna = son galopin fini

LES LIAISONS DÉROUTANTES

Il faut se méfier du genre de combinaisons maladroites entre deux mots, quipeuvent donner de fort hideux effets de prononciation.Exemples :

Et le portait à l'âne = et le porc téta l'âne----------------------------------------------------------

Leurs bras tendus et leurs = leurs bras tant usés----------------------------------------------------------

L'enfant qu'il avait eu = l'enfant qu'il a vêtu

LOCUTIONS TOUTES FAITES

Sont à rejeter également, les locutions toutes faites et présentant généralement unhiatus telles que : il y a, peu à peu, çà et là, plein aux as, pas un iota, du tac autac, au vu et au su, etc...Finalement c'est au juger de l'oreille, par essais de récitation, que l'on arrive àdéceler ces imperfections. Mais il faut reconnaître que dans certains casparticuliers, un hiatus peut fort bien contribuer à rehausser un effet spécial etadéquat, justement lorsqu'on veut entendre un mouvement ou un bruit…"Ce qui n'est pas parfait du point de vue de l'écriture ne doit pas forcémentêtre malvenu pour l'ouïe. De même, ce qui peut paraître parfait à l'écriture nel'est pas toujours pour l'ouïe"…Exemple: Fais paître tes chevreaux car aucun ne s'affame

Là où vont mes bergers pour dresser leurs gourbis

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Là où = hiatus et par surcroît pléonasme ! Pour le dernier vers il eut étépréférable d'écrire : Au parc où mes bergers vont dresser leurs gourbis

Autre fausse note : Il est temps de chanter l'éloge à nos campagnes La vigne et le figuier embaument le terroirIl y a une fausse note dans le dernier vers qui sonne malicieusement : le figuierrembaume...de même pour le suivant :

Le concert des oiseaux anime la montagne = des oiseaux s'animent

Pour le prochain vers, il n'y a rien à reprocher du point de vue de l'écriture :

Pour entendre la voix si chère à son ouïe…

pourtant, malgré l'hémistiche répondant à la syntaxe et à la métrique, la voix sichère, sonne pertinemment comme : la voici chère

Dans le suivant exemple:

Même parmi dix mille il se distingue encore…la suite de trois "i" sonne désagréablement : dimillil…

Le vers suivant contient plusieurs hiatus. Mais la présence de ces hiatus qui seheurtent, rendent un effet de sonorité, de nervosité et d'accélération en accordavec le sens du vers : Ce bruit irrégulier et inhabituel

le vers se lit avec un halètement, rendant bien l'atmosphère inhérente au versAutre exemple particulier :

Des points d'impacts d'un mortel grésil

Il n'y a aucune liaison coulante entre les mots, ni d'hiatus à proprement parler, maisdes heurts entre les mots par : t-d, ct-d', l-gr... Mais cet effet de heurts consécutifs,que l'on évite bien dans un poème, contribue ici au rendement sonore duphénomène décrit. On entend le bruit sec du grésil sur les points d'impacts et sonéparpillement est bien rendu par la suite des deux mots : mortel grésil... on entendrouler les éclats parterre...

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ENJAMBEMENT

C'est la continuation de la phrase dans un même contexte au-delà de la rime c.à.d.au-delà d'un vers. Sa syntaxe s'achève à l'intérieur du vers suivant. Mais pourpréserver le rythme aux deux vers, il faudrait que le sens se répartisse jusqu'à la findu second vers. En aucun cas, le sens ne devrait s'arrêter sur la césure oul'hémistiche. Ce serait marquer un arrêt trop important à l'intérieur du vers etrompre l'équilibre de l'ensemble des deux vers.Le déséquilibre est d'autant plus flagrant que l'enjambement n'est qu'accidenteldans une suite régulière de vers ordonnés d'un poème classique. De ce fait,l'enjambement est licencieux. Vouloir le rendre assimilable, c'est s'adonner à un jeuintellectuel qui s'éloigne de la perfection poétique. Ci-dessous quelques exemplesd'enjambement :

Et Dieu dit en voyant/ne pourra demeurerMon esprit dans l'humain/parce qu'il n'est que chair----------------------------------------------------------------

Nuit de l'effroi du fondDe l'enrue infinie

----------------------------------------Au pauvre enfant les pleurs

Tombent sur ses mains jointes

ALLITÉRATION OU SIGMATISME

Si leur effet n'est pas recherché pour rendre un phénomène lié à une image ou uneaction, ils causent un dérangement pour la prononciation comme pour l'écoute.L'allitération est la répétition d'une lettre commune à plusieurs mots d'un mêmevers.Dans l'exemple suivant, on peut se rendre compte de l'effet sonore voulu et rendupar l'allitération du "p" :

Des pas précipités parcourant les parois p p p p p

autre exemple d'allitération par le "f " :Le fech-fech fissuré du Tanezrouft en feu

f f f f fici la succession des "f "fait entendre le souffle de la fournaise...

Dans l'exemple suivant, la suite en "t" marque bien les différents degrés parlesquels le sujet passe jusqu'à épuisement :

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Trop touché trop faible il trébuche et tombe t t t t t

Le sigmatisme est le nom donné à la répétition d'une lettre sifflante au début demots qui se suivent dans un vers. Leur effet est d'autant plus désagréable si ceslettres sont suivies de voyelles assonantes entre plusieurs mots qui se suivent dansun vers. Hormis ce cas, ils peuvent contribuer à certains effets sonores en accordavec le sens du vers, comme dans l'exemple suivant :

Le sol semble s'ouvrir sous un souffle sismique s s s s s s s

La succession des "s", crée le bruit de fond à l'action apocalyptique. Par contre levers suivant est absolument horrible et inacceptable :

S'il suit ce bon conseil ce sera son salut s s (s) s (s) s s s

L'INVERSION

L'inversion représente une licence qualificative. Dans bien des cas, il estpréférable de l'éviter et d'essayer de reconstruire le vers d'une façon directe c.à.d.de recombiner la syntaxe dans la direction du sens grammatical naturel. Trop userd'inversion dans un poème donne une apparence trop sophistiquée de langage.Beaucoup de poètes classiques pensèrent donner de cette façon dans le tableau dela noblesse. L'aristocratie s'adonnait à ce genre de tournure du parler.L'inversion n'est admise que lorsqu'elle confère à la précision de l'image ou qu'elleimprime un rythme. Son but est alors de coordonner les éléments d'un vers ou d'ungroupe de vers, d'après le degré d'importance que le sentiment accorde à chacund'eux, selon le sens du thème illustré ou de l'idée exprimée.

LES PRINCIPAUX MODES D'INVERSION SONTS :

1- de mettre le sujet seul ou accompagné d'un complément, après le verbe seul ou accompagné de son ou ses compléments. Exemple:

Entre dans mon palais une ombre solennelleSe trouble ma raison car je te trouve belle

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2- de faire précéder le verbe de son complément direct, de groupe de compléments ou de proposition de complément. Exemples :

Mon voile ont arraché d'une attitude hostile...-------------------------------------------------------

Qu'au prix de chers aveux sans regrets nous causer

3- de faire précéder le verbe de son complément indirect, éventuellement introduit par "a" ou "de" ou ses compléments circonstanciels. Exemples :

Un nouveau lendemain dans l'aube se profile------------------------------------------------------

Au plus profond de moi sa douceur me désarme

4- de placer un nom avant un autre dont il dépend. Exemples :Voici de Salomon la litière royale...--------------------------------------------

Le dossier est en or en argent les colonnes

5- de mettre devant le verbe, ce qui en dépend et devrait normalement être placéaprès. Exemples : Au fond de ton regard j'ai puisé ma fortune ----------------------------------------------------- Dans la tiédeur du jour tes seins se vivifient

Ces cinq modes d'inversion sont assez courants, surtout dans le langage ordinaire.Leur emploi dans l'écriture poétique donne souvent plus de clarté et de beauté auxvers. Ces cinq modes d'inversion sont d'ailleurs à peine perceptibles.

Mais il y a des modes d'inversions qui ne conviennent absolument pas ou plus ànotre époque et je renvoie au début de ce paragraphe... il s'agit :

6- d'inverser le complément indirect ou du régime de l'adjectif. Exemple :

S'avérer pour demain à mes enfants fatale7- de faire un mélange de propositions. Exemple :

Pour bien à nos enfants un peu de chance laisser

8- d'inverser par rapport au verbe, son participe, son sujet, son attribut ou son complément direct. Dans l'ordre, exemples :

A l'homme administré plusieurs soufflets avait----------------------------------------------------------

Mais se fit ce poisson dans le filet prendre------------------------------------------------------

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Les malheureux pêcheurs que perdus on croyait------------------------------------------------------------

Enterré vous a cru, m'affirmait le témoin

=== LA RIME ===

La rime est une assonance ou homophonie relative aux voyelles sonores parlesquelles se terminent deux ou plusieurs vers d'un poème. Elle procure uneharmonie sonore et constitue de ce fait un paramètre qualificatif dans l'art de laversification classique.

Pour faire rimer deux vers, il faut donc que les mots qui les terminent, comportentà leur bout des voyelles de sonorité identique comme : gala-villa, aimé-blamé,hardi-ourdi, chapeau-troupeau, remue-émue, envie-ravie, etc...Il y a deux facteurs essentiels qui déterminent la rime : la concordance phonétiquede même tonalité entre deux voyelles accentuées et le regroupement en genre, dansla terminaison des mots, tels que : soldat-forçat, tourment-serment,chaleur-bonheur, lumineuse-heureuse, etc...Le coordinateur principal de la rime est l'accent tonique. L'identité sonore importeplus que l'identité orthographique. D'ailleurs, l'oreille est incapable de discernerune différence entre des terminaisons sonores de même tonalité et de même duréed'émission, mais d'orthographe différente, comme les mots suivants :descend-récent, encens-pensant présent-plaisant, défait-effet, aile-hèle,calvaire-sévère, aspect-parapet, espèce-finesse, saur-sort, judiciaire-auxi-liaire etc...

La langue française de ce fait, cause bien des maux de tête aux étrangers quiveulent se l'approprier. Et que dire des terminaisons en "é-er-ers-és-éent", etc...Disons que les adeptes de la forme de versification classique ne tolèrent pas leurassemblage pour rimer leurs vers, que les non-conformistes ne font plus attentionet qu'en réalité la différence sonore entre rime en "er" et une autre en "és" ou en"et" est tellement faible, voire inexistante du point de vue de la phonétique, qu'ilne devrait y avoir d'équivoque qualificative dans l'art de la versificationd'aujourd'hui.Mais par souci de sauvegarde et d'ennoblissement des valeurs fondamentalesclassiques, face au risque de démantèlement des règles de l'Art, il estpréférable de maintenir certaines rigueurs académiques établies. Ces règlespeuvent agir finalement comme stimulateur ou comme catalyseur dans larecherche de la maîtrise de l'Art et de l'érudition du poète.

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RIME MASCULINE ET RIME FÉMININE

LA RIME MASCULINE est occasionnée par la sonorité dure et brève d'unevoyelle terminale accentuée au bout d'un vers : a-é-i-o-u, des formations nasales :an-in-on-un, de même que des compsés : au-eu-ou et par extension, d'une ou deplusieurs consonnes terminales tel que : as-ats-anc-ants-aunts-ents-outs-ours -oncs-eaux-oux, etc…ou encore par les diphtongues de base : éi-ia-ieu-ion- éins-io-uits, etc…

LA RIME FEMININE est occasionnée par la sonorité douce et soutenue d'uneterminaison en "e-es-ent" au bout du dernier mot d'un vers. Il suffit d'ajouter un "e" àla voyelle accentuée d'un mot masculin, pour le transformer en rime féminine,lorsqu'il s'y prête. Cette façon de voir, nous amène au pluriel en "es" et "ent", doncaux noms féminins, adjectifs et verbes première et deuxième personne du singulier etla troisième personne du pluriel de l'imparfait, du conditionnel et du subjonctif. Al'intérieur d'un vers (nous en avions parlé sous le paragraphe de la nature des mots,relatifs à la métrique...), les terminaisons en "e-es-ent" sont tolérables et sontcomptées ou non pour une unité syllabique, suivant qu'elles se trouvent directementaccouplées à une voyelle terminale accentuée d'un verbe en "er" ou "ir" ou à la find'un verbe en "re"...

ALTERNANCE DES RIMES FÉMININES ET MASCULINES

D'après les règles de la versification classique, le premier vers d'un poème doitcommencer avec une rime féminine et alterner par la suite avec les vers derimes masculines, soit successivement soit par arrangement régulier d'un autreordre, selon une forme fixe, propre au poème. La façon d'alterner rimes féminineset rimes masculines procure une diversification de tonalités entre les douces et lesdures.

Exemple d'une suite classique dite quatrain : (f-m-f-m)…

Sur ton plat pays Flandre béante (f) Se dressent tes moulins endormis (m) Comme des sauterelles géantes (f) Quand le vent du Nord passe et gémit (m)

Exemple d'un quatrain à suite inversée : (m-f-m-f)…

Alsace mon beau pays natal (m) Vallons et coteaux de providence (f)

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Ma riche plaine au cours ancestral (m) Tu es le beau jardin de la France (f)

VALEUR DE LA RIME MASCULINE

Il y a rime suffisante et rime riche, tant masculine que féminine.Les rimes limitées à la voyelle accentuée, sont pauvres comme : été-passé,alla-pesa, fini-jeudi, ardu-féru, frileux-hideux, etc... Parcontre, deux mots dontles terminaisons sont composées de deux fois la même voyelle accentuée etséparées par une ou double consonne, constituent des rimes acceptables : fini-midi,alla-passa, possédé-révélé, solo-domo, heureux-neveu, etc...Dans ce cas, la rime opère comme un écho à la voyelle par elle-même. Il y aenjambement sonore sur la consonne d'appui qui perd pratiquement son effet.La rime masculine est suffisante lorsque la consonne d'appui à la voyelleaccentuée au premier vers, se retrouve devant celle formant la rime au second vers.Exemple : gala-celà, été-coté, ami-demi, héros-zéro, etc...

La rime masculine est encore suffisante lorsque la consonne ou un groupe deconsonnes précédant la voyelle accentuée ou la diphtongue ne modifient pas leurtonalité. Exemple : ultra-cobra, volet-souflet, exalté-lacté, souci-transi,maestro-allégro, ardu-pendu, etc…

Les rimes masculines formées de voyelles nasales doivent répondre aux mêmesexigences.Les diphtongues par contre, se suffisent à elles-mêmes pour former de bonnesrimes . Exemples : minuit-traduit, cordial-familial, truant-suant, jouer-vouer,conduit-usufruit, témoin-besoin, biniou-voyou, anxieux-odieux, etc…

Les rimes masculines deviennent riches lorsque la voyelle accentuée ou nasale oula diphtongue, sont précédées de deux consonnes, provoquant la même articulation.Exemple: musclé-cerclé, ultra-extra, garni-fourni, repli-suppli,étreint-contraint, quarto-concerto, autrui-détruit, désastreux-tartreux,conclu-perclu, etc...La rime masculine devient excellente ou excédante lorsque sa voyelle accentuéeest précédée par un groupe formé d'une autre voyelle accentuée, nasale ou d'unediphtongue et d'une ou deux consonnes revenantes. Exemple : curieux-furieux,lampion-champion, méridien-quotidien, titrer-arbitrer, veston-feston,étendu-entendu, etc...

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Ces types de rimes excellentes sont indiqués pour des vers assez espacés c.à.d.séparés par deux autres vers de rimes différentes, appelés vers embrassés ouenlacés et qui seront décrits plus loin...Ces types de rimes sont excédants lorsqu'ils sont affectés à deux vers qui sesuivent directement, car dans ce cas ils donnent une impression de recherche tropsubtile ou de jeu de mots.Exemples : Debout l'épouvantail

Agite son éventail----------------------------

C'est la ronde des noctambulesLa parade des somnambules

Mais il faut encore faire attention au "s" et au "c" prenant la place de la consonned'appui entre deux voyelles, l'une marquée par l'accent tonique et l'autre formant larime. Suivant le cas, il se produit un son dur ou un son doux, bref ou long,précédant la rime et qui la rend solidaire : tracé-brisé, souci-saisi, raison-frisson,etc... Ce type de rime est inacceptable.

Reste encore un mot à dire sur les terminaisons courantes qui peuvent toutesdonner des rimes de qualités différentes. Généralement ces terminaisons sontformées par une voyelle précédant une consonne la rendant sonore comme :ac-al-ar-arc-er(è)-if-ol-um-oir-us-uth etc...

Parmi les mots se terminant de cette façon, il y a un grand nombre de motsétrangers qui restent invariables comme : tender, sérum, atrium, motus, parasol,vasistas, outsider, logos, sidcar, bazar, récif, zéphyr, occiput, parc, etc... Toutesces terminaisons constituent des rimes suffisantes. Il suffit d'une seule et mêmeconsonne précédant ces terminaisons pour les rendre rimes riches.

VALEUR DE LA RIME FÉMININE

La rime féminine est occasionnée par la seule présence du "e" muet au bout d'unmot et par ses extensions au pluriel : es-ent...En fait, il suffit d'ajouter un "e" à une rime masculine, quand l'étymologie lepermet, pour produire une rime féminine. Aussi, les règles qui régissent lesrimes masculines sont-elles directement applicables aux rimes féminines. Pourcontrôler la richesse d'une rime féminine, il suffit de retrancher les "e-es-ent",au bout du mot et de voir si on a une rime (masculine) pauvre, suffisante ouriche. Pourtant, toute rime féminine formée d'une voyelle accentuée, séparée

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du "e" muet par une consonne, est suffisante à elle seule. Il suffit d'une seuleet même consonne d'appui à la voyelle accentuée, pour la rendre riche.Exemples: cathédrale-décimale (suffisante) hiémale-animale (riche) énumère-éclaire (pauvre) énumère-polymère (riche)

désire-empire (suffisante) soupire-empire (riche)

A ce qui précède, il suffit d'une voyelle ou d'une consonne précédante en plus, pourrendre les rimes excellentes ou excédantes. Exemples :latérale-vespérale, soustraire-distraire, chanteuse-menteuse, solidaire-considère,-acropole-décapole, insulte-tumulte, souvenance-convenance,collerette-paquerette, etc…

Tout comme pour les mots masculins, il faut veiller à ne pas faire suivre des rimesde sonorité brève et de sonorité soutenue comme : placée-blasée, grêle-ombrelle,folle-saule, pelouse-douce, âge-hache, loge-cloche, etc...

RIMES LICENCIEUSES

Un mot ne peut rimer avec lui-même. Un mot simple ne peut rimer avec soncomposé : écrire-décrire, chanter-enchanter, prendre-reprendre, tant-autant,coin-recoin, train-entrain, etc…Une exception peut être faite à ce sujet, quand un ton pathétique, théâtral ou unedescription spécifique l'exigent. Mais dans ces cas, il convient de faire suivre cesrimes directement, formant ainsi des rimes jumelles.Exemple : De vos voix m'enchanter

Venez, venez, chanter (il y a un accord parfait dans ce cas)

Un mot formant la rime masculine ne peut être repris en féminin pour formerla rime suivante. De même, pour un mot et son complément changeant de genrecomme : divin-divine, fou-folle ou fol, crois-croire, chevelu-chevelure,maintien-maintenue, beau-bel-belle, etc...Des mots des deux genres d'une famille ne peuvent former des rimessuccessives comme : père-mère, rois-reine, frère-soeur, dieu-déesse,maître-maitresse, français-françaises, etc...Naguère, on vit une licence dans l'utilisation de plusieurs épithètes liées à larhétorique ou adjectifs liés à la grammaire, dans une seule syntaxe pour deux vers.

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Il s'avère pourtant que les unes et les autres sont aussi importants au poète que lemélange de couleurs au peintre. Ils contribuent aux nuances, graduations etcaractérisations d'un poème.Exemple :

Sur le fond de ses prunellesLe ciel avait condensé

Deux grandes larmes rebellesDe pauvre enfant offensé

LES SUCCESSIONS DES RIMES

Il y a trois successions principales de rimes à la disposition de la versificationclassique, à savoir:

1 RIMES PLATES, JUMELLES OU SUIVIES

Quand deux vers de même rime se succèdent suivant le schéma AA-BB, on peutparler de groupement de vers par paires, une paire étant de rime féminine et l'autrede rime masculine. Mais dans un poème, on n'utilise guère cette succession qu'audébut ou à la fin d'une stance ou au bout du poème, sous forme de distique.Exemple :

Je donnerais tous mes poèmesPour un seul je t'aime

Je vendrais mon âme et mon moiPour entendre encore ta voix

Me redire je t'aime

Autre exemple : Il est une orée âpre et brumale A la corne du bois des pendus Où le chardon et l'herbe hiémale Ont plié sous leurs corps étendus

D'étranges ombres de l'heure hagarde Entre chien et loup montent la garde

C'est une alternance entre rimes de genre opposé, suivant le schéma :A-B-A-B...

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Exemple :Je sais au fond d'un rêve

Un visage d'amour Oh ! que la vie est brève !

Oh ! que le rêve est court !

3- RIMES EMBRASSÉES OU ENLASSÉES

C'est une suite de deux vers à rimes plates, précédés et suivis de vers à rimes degenre opposé, suivant le schéma A-B-B-A…

Exemple : Il était une fois dans l'angle d'une serre

Parmi de belles fleurs aux parfums tant exquisRoyaume de couleurs c'est là qu'elle naquit

Une araignée à croix dans un château de verre

De ces trois suites ont été tirées toutes les combinaisons qui apparaissent dansles poèmes classiques à forme fixe. Toute autre suite de rimes n'entre pas dansla versification classique et constitue plutôt un arrangement exceptionnel.

Il faut évoquer maintenant les suites non conformes …

RIMES ANNEXÉES

La rime d'un vers est reprise pour former le premier mot du vers suivant. Ceprocédé de reprise convient à la chanson.

Exemple :Ton nom faudra le taireChère image d'amour

Autour de ton mystère Errent mes pauvres jours

L'ENCHAINÉE

Le sens de la rime ou un autre mot de la même famille sont repris dans le verssuivant, mais non au début de celui-ci. Ils doivent êtres précédés d'un ou de deuxmots qui situent leur place ou leur sens.Exemple :

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Qu'il est doux le temps de sept poèmesPenses-y poète à chaque instantFurtifs instantanés où tu aimes

Temps d'amour si cher à ton cœur perdant

LA FRATERNISÉE

Ressemblance phonétique entre la rime d'un vers et le mot ou les deux premiersmots du début du vers suivant. Il est fastidieux de construire un poème sur ceprincipe. Exemples :

ne suis-je pas comme la portequi importe, comporte

emporte ou déportepeu importe...

Qu'ils sont peu de chose tous ces ansles ans qui lentement s'accumulent

et nous acculent en s'éloignantcomme des fantômes qui reculent

vers le néant

LA BATELÉE

C'est une façon de reprendre la phonétique d'un mot à la fin d'un vers, au début duvers suivant. Ce mode est aussi pénible que celui de la fraternisée.

Exemple :Qu'il est long et lent le temps

temps qui dure et se figefige une vie au présent

présent dans le sens qui nous dirige dirige vers le néan

LA COURONNÉE

C'est une suite formée par le mot précédant la rime de même sonorité donnant uneffet d'écho. Exemple :

Par-dessus toute chose osePréférer sans détours l'amour

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L'ÉQUIVOQUE

C'est une façon de fractionner le mot formant la rime d'un vers et de le placer ainsià la fin du vers suivant. Mais ce mode est licencieux et piteux.Exemples :

Je n'oserais jamais honnêtement croire bon que parfois l'honnête ment

-------------------------------------------------------Un mensonge n'est jamais bon allié

Et ceux qui le croient sont bons à lier

LA SÉNÉE

Ce mode revient à l'allitération, c.à.d. à reprendre la voyelle accentuée d'une rimeavec sa consonne d'appui, au début du vers suivant.Exemple :

Quand la guerre a dévasté ces contréesTrès éprouvés les gens d'ici partirent

LA RÉTROGRADE

C'est une façon d'écrire les vers, pour pouvoir être lus en avant ou en arrière, touten respectant le sens et la rime. Ce genre est plutôt piteux.

Exemple : Émoi vain et inutile Pourquoi donc pleurer l'exil Désarroi pauvre et futile ce trivers retourné donne … …Futile et pauvre désarroi L'exil pleurer donc pourquoi

Inutile et vain émoi

LA BRISÉE

C'est une façon de séparer les vers à l'hémistiche, tout en garantissant la rime et lamétrique. Mais finalement cela revient à former un poème à métrique divisée quel'on pourrait aussi bien écrire alors en suivi.

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Exemple : Je suis le profit --- le terme gratuit

Le ton du défi --- le son qui séduit Je suis l'usufruit --- le bon alibi A bouche d'autrui --- urbi et orbi

Des poèmes de ce genre conviennent à des pièces de théâtres où deux personnagesse donnent la réplique...

Toutes ces suites non conformes, aussi subtiles qu'elles soient, reviennent à desfaçons de jongler avec les rimes et taxent un poème de recherche sophistiquée

LA KYRIELLE

C'est la reprise d'un vers en entier, à la fin de plusieurs stances, comme pour l'envoide la ballade. Nous y reviendrons plus loin sous le chapitre des poèmes à formefixe…

RIME À L'HÉMISTICHE

La rime à l'hémistiche cause en générale une intrusion sonore, une perturbation del'harmonie de deux vers ou plus. Elle brise le rythme. En considérant un vers avecle mot à son bout ou avec le mot au bout du vers qui précède ou suit, il apparaît unélément perturbateur dans l'ordre établi, une rime baladeuse au sein de la syntaxe.Exemple :

Le vent frappe les airs de sable saturésSes longs coups de fouet cinglent le flanc de l'onde

Quand deux vers qui se suivent contiennent chacun une rime à l'hémistiche, celaéquivaut à une suite de quatre vers de demi-longueur et il serait préférable alors deles disposer ainsi.Exemple : Lève-toi mon ami mon noble amant retourne

La fleur s'épanouit l'heure exquise séjourne

ce qui se laisserait mieux disposer de la façon suivante :

…Lève toi mon amiMon noble amant retourne

La fleur s'épanouitL'heure exquise séjourne

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=== LES MOUVEMENTS ===

Le sens d'un vers, suivant qu'il décrit une mobilité, un bruit ou un état affectif, doitrendre par sa syntaxe, des variations de temps, d'accents, des ralentissements ouaccélérations, des "crescenti" ou "decrescenti", tout comme en compositionmusicale. Il convient donc de veiller à la terminologie et de choisir des motscorrespondant par nature étymologique d'une part et grammaticale d'autre part, àl'état, l'aspect ou le mouvement décrits...

1- CONSONANCES MASCULINES

Des mots simples à consonance masculine conviennent à des mouvements rapides,des expressions d'inquiétude ou de colère.Exemples :

Je les ferai périr les flots viendront sur eux !----------------------------------------------------

Les moulins morts à bras tendusBras de géants des temps perdus------------------------------------------

Un repli rempli d'avilis espritsCorps au morne sort port au morts pourris

---------------------------------------------------Les lits ouverts devant l'éternité

Les longs sillons de l'inhumanité

2- CONSONANCES FÉMININES

Des mots se terminant par des consonances féminines, conviennent à desmouvements lents, des expressions de tristesse ou d'insistance.Exemples :

D'étranges voix troublent le silenceTriste brise et vent de violence

C'est l'heure de la ronde aux ombres d'épouvanteLe vacarme infernal prolonge leur supplice------------------------------------------------------

Étranges fleurs qui ornent l'espaceEntre l'espérance et la disgrâce

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3- CONSONANCES NASALES

Des mots se terminant par des consonances nasales conviennent des mouvementsde langueur, à l'expression de douceur ou de mollesse.Exemples :

Un long et lent cortège ondulant en silenceComme un immense fleuve emportant le défunt-----------------------------------------------------------

Quand tombent doucementLes premiers flocons blancs

En silence en silence...---------------------------------------Toutes mes tendres souvenances

Au lendemain de mon enfance

4- LES CLAIRES

Une impression de luminosité ou de transparence est rendue par des mots desonorité claire, des diphtongues, des mots aux voyelles aiguës.Exemples :

La pourpre du fauteuil flatte l'éclat du jourle dossier est en or et argent ciselé

autre exemple :Tes lèvres comme un fil de couleur rubicelleEt ton regard ardent qui forge mes plaisirs----------------------------------------------------Il a l'aspect serein des cèdres dans l'azurDans ses royaux atours à l'éclat de saphir

5- LES VOILÉES

Une apparence ou un sentiment inquiétants, pesants, sombres, s'expriment par desmots de sonorité voilée, de mots à voyelles nasales.Exemples :

Un monde que l'onde immonde inonde--------------------------------------------------

C'est l'heure de la ronde aux ombres d'épouvante-----------------------------------------------------------

Imposante clameur et grave résonanceA l'appel obsèdent d'un long hululement

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6- LES PERSISTANTES

Une sensation de bien-être ou d'euphorie se traduit par des mots de sonoritésoutenue et persistante.Exemples :

Au bras du bien-aimé bienheureuse appuyéeQui est celle qui vient qui monte du désert ?

Garde moi contre toi comme on garde une marquePrends moi dépose moi comme un sceau sur ton corpsSoit plus grand le bonheur que l'âge qui nous arque

Et plus fort notre amour que la peur et la mort--------------------------------------------------------------Je sens grandir en moi l'appel qui me tourmente

L'élan de ferveur trahit mon mal d'amourMon corps est assoiffé de ta caresse ardente

Que tes bras enlaçants m'offrent leur doux séjour !

7- LES DÉCLAMATOIRES

Un sentiment de colère ou d'excitation se traduit par des mots de sonorité lourde oupercutante.Exemple : Arrière haïssable créature

Banni sois-tu fils de Satan Propos outrageants blasphème et injure

Seront consumés par ton propre sang

LES ONOMATOPÉES

Les onomatopées peuvent contribuer, à condition de pas en abuser, aurenforcement d'une sonorité, d'un rythme et ainsi, créer une ambiance.Exemple :

0 hé o là! mon beau frusqué !Lance donc ta jambe de bois

You hé ! bel embusqué you hé !Et bouge un peu faiseur la croix

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REGISTRE DES VOYELLES SONORES

Les voyelles qui constituent les mots jouent un rôle important dans l'expression ducontenu d'un vers. Leurs tonalités impressionnent le sens auditif et ajoutent unesuggestion d'effet à l'intelligibilité. Il y a le registre : aiguë-claire-imposante-grave-sombre…sur toute l'étendue et leurs divers accords.

VOYELLES AUGUËS

Il s'agit du "i"et du "u" et de leurs diphtongues "iu" et "ui".Ces voyelles ont un effet perçant dans les tonalités les plus élevées de la languefrançaise. On les trouve dans les mots qui expriment le bruit ou des états affectifsdouloureux. Le mot cris est composé de cette unique voyelle aiguë. Le mot bruitlui-même, n'est qu'un composé diphtongue des deux voyelles les plus aiguës. Lesmots -siffle-scie-sistre-sinistre-etc... sont rendus tellement expressifs par la seulevoyelle "i".La voyelle "u" est de même ordre, à en juger les mots : sucer-user-tumulte-rupture-fulgurante, etc... dont la seule voyelle "u" rend phonétiquement le bruitou l'apparence intense du sens contenu dans le mot. Des mots qui contiennent lesdeux voyelles à la fois, décrivent tous des phénomènes sonores ou visuels, aigus oubrillants tels que : bruit-ruisseau-luisant-fusil-grésil-dispute-supplice-nuit-cuisse-cuisant, etc…Des vers qui doivent rendre un état lumineux, sonore, douloureux, exubérant,doivent contenir des mots constitués par ces deux voyelles.Exemples :

Allez le prévenir et cueillir les blancs Lys-----------------------------------------------------

Voyons au petit jour si la vigne respire-------------------------------------------------

La source qui nourrit les ruisseaux du Liban------------------------------------------------------

Le soleil fit briller sa rutilante armure----------------------------------------------

L'eau ruisselle et bruine en bel arc-en-ciel

VOYELLES CLAIRES

Il s'agit des voyelles : e-è-ai-in-ain et des diphtongues : iè-éen-ien-ui et oin. Ellesdonnent un effet atténué dans les tonalités élevées et une sonorité amortie, apte àrendre une expression ou un état de netteté et de précision.

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Exemples :La main du souverain qui maintient cour et règne

--------------------------------------------------------Et Dieu dit en voyant, l'heure interplanétaire

Ne convient aux humains, je vais donc l'abréger-----------------------------------------------

Le gai clapotis du petit moulinRépète sans fin le même refrain

VOYELLES IMPOSANTES

Il y a quatre catégories de voyelles imposantes :

1 : les voyelles simples et sonores : a-é-oi-o-u et les diphtongues : aé-éa-éo- oé- ué-éu-iu-ui-ié… 2 : les diphtongues entretenues par adjonction du "i" : ail-eil-euil-ouil ou par la liaison du "y " : ay-oy-uy…3 : les triphtongues : ayé-oyeu-ayon-uyeu4 : les nasales : ian-ion-ayant-oyant-uyant-uyon-ayon...

Toutes ces syllabes produisent un effet persistant, impératif, impressionnant,frappant l'ouïe par leurs sonorités dures et percutantes. Les mots qui contiennentces voyelles décrivent généralement des phénomènes caractéristiquescorrespondant au sens inhérent du mot : explosion-effrayant-majestueux-déraille-raillerie-broyer-brouiller-souillon-crier-brio-bruit-seuil-faille, etc…Des vers contenant ce type de mots sont généralement très expressifs :Exemples:

Comme un roide corps d'un gueux sur la croix

L'épouvantail à l'éventailÉvente son triste attirail

---------------------------------------Broyé sous le fléau d'un sort impitoyable---------------------------------------------------

Qu'on ne me parle plus de guerre et d'héroïsmeDe devoir militaire et ses vocations

D'aveugle obéissance et de patriotismeD'uniforme aux galons et décorationsCe macabre arsenal en exhibition…

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VOYELLES GRAVES

Les voyelles composées : eu-an-un-on ont des sonorités pesantes qui conviennentau phénomène de lenteur, de profondeur et de longueur.Exemple :

Sur ton plat pays Flandres béantesTes moulins sont figés dans le ventEt les jours les ans que tu enfantes

T'emportent sous les neiges d'antan

Autre exemples :Quand tombent doucementLes premiers flocons blancs

En silence en silence-----------------------------

Bonheur qui vient nous effleurerClémence à nos cœurs prisonniers

VOYELLES SOMBRES

Les voyelles : ou-on-ô mettent en évidence, des phénomènes d'oppression, detristesse, de menace et des aspects obscurs ou imprécis...Exemples :

Ses longs coups de fouet cinglent le flanc de l'onde---------------------------------------------------------------C'est l'heure de la ronde aux ombres d'épouvante-------------------------------------------------------------

C'est la face de Roul au teint pourpre, ocre et rouge

VOYELLES ÉTIRÉES

Il s'agit des voyelles à accent circonflexe : â-ê-î-ô-û . Cet accent a pour effetd'allonger la sonorité de la voyelle. La présence de ces voyelles dans un mot,produit un étirement d'intonation qui convient bien aux états grandiloquents,impressionnants, marquants et retenus.

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Exemple : Cet arôme d'amour hâtera ses désirs

--------------------------------------------Le moût de bonne côte animera la fête------------------------------------------------

Venez sur mon île et soyez mon hôte

LES CONSONNES D'APPUI

Elles contribuent à accentuer des voyelles liées à elles, soit par avant, soit paraprès. Certains bruits ou sentiments peuvent dominer ou être renforcés suivant leursens, en veillant à faire apparaître des mots à consonnes dures tel que : c-p-t-r-s ouun ensemble de consonnes comme: dr-tr-pr-fl-pl-cl-cr, etc...

Exemples :Les pas précipités parcourant les paroisImposante clameur et grave résonance--------------------------------------------------

Il a pour vertu d'être un hors-la-loiPrince malotru morte créature

Triste épouvantail ombre des lémuresQui nargue l'humain qui lui rend l'injure

Comme un roide corps d'un gueux sur la croix !

LES CONSONNES DOUCES

Des consonnes douces comme : 1-m-n-b-g-v... entretiennent généralement lasonorité de la voyelle accouplée. Les mots qui les contiennent, conviennent bienpour décrire des phénomènes lents, longs, continus ou coulants:

Exemples :Pour ton visage il n'est plus d'âgeNi longs hivers ni grands orages

Visage d'amour au charme suprême--------------------------------------------

Je coule je roule et foule le fondDe l'amalgame des âmes infâmes

Leur haine me peine et m'entraîne en rond

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L'APOSTROPHE

L'apostrophe évince par élision l'hiatus, qui serait normalement produit par lavoyelle de l'article rencontrant celle du mot auquel il est lié. Ne reste donc que laconsonne d'envoi qui est précipitée par le manque d'une voyelle vers la suivante.Cette précipitation de la consonne d'article due à l'apostrophe renforce la sonoritéde la voyelle sur laquelle elle bute. Des vers qui contiennent des apostrophessont généralement très expressifs.

Exemples :Et Dieu dit en voyant - j'attends que tu l'achèves

Alors j'établirai l'alliance avec toi------------------------------------------------------

C'est la nuit de l'effroi de l'attente infinie----------------------------------------------------

L'élan des vents d'infortuneSe brise contre ses barreaux

Comme l'onde dans la laguneQuelque part le long de l'Escaut

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR CE QUI PRÉCÈDE

Au sujet des consonnes et de l'apostrophe, il faut dire qu'il est nullementnécessaire de recherche particulière dans la composition d'un poème. Maisqu'au cours de la retouche d'un premier jet, il importe tout de même devérifier si les intonations sont bien contribuantes au sens exprimé et s'il n'estpas possible de rehausser ou d'amplifier la portée rhétorique au vers. A cettefin, le choix adéquat du vocabulaire peut permettre le remplacement decertains éléments linguistiques par d'autres, mieux adaptés.

=== LE POUVOIR DES MOTS ===

Notre cerveau capte les informations transmises par nos sens et les analyse.Cette analyse dépend de deux coordinateurs : l'instinct et l'intelligence. Cesdeux coordinateurs relèvent de la faculté mémorielle. Le premier de la facultémémo-biologique et le second de la faculté mémo-intellectuelle. Le premiercoordinateur régit nos réflexes et nos sensations physiques. Le second régitnos réflexions, nos pensées et touche notre psychisme ou état mental. Il y a

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corrélation entre les deux coordinateurs et de ce fait, des interactions ouréactions dans un sens ou dans l'autre.Ainsi, un message capté par la vue, en l'occurrence l'écriture, peut engendrerune sensation ou une réaction sur le récepteur, voire le lecteur. Plus cemessage est cohérent et suggestif, plus le destinateur en est pénétré et excité.Pour arriver à ce niveau, il faut d'abord le processus inverse, celui du poète dansnotre cas, qui part d'une pénétration d'influx physique ou mental dont il se laisseinspirer, pour le rendre ensuite sous forme d'un poème.

Toute composition littéraire et dans notre cas d'un poème, dont la terminologie et lasyntaxe s'écartent du sens profond, atténuent son pouvoir de transmission, deperceptibilité, en un mot de cohérence.

La COHÉRENCE dépend de la sonorité, de la sélectivité et de la puissance.Ces trois facteurs régissent tous les phénomènes de transmission, qu'il s'agissede télégraphie sans fil, d'instrument, de musique ou de la voix humaine. Etfinalement, toute notre intelligence est ramenée au pouvoir transmetteur de lavoix humaine. Nous entendons d'abord un mot avant de l'analyser et son sensest bien caractérisé par sa phonétique.

Par SONORITÉ, nous pourrions signifier la concordance, la correspondance et lacaractérisation à travers tout le registre phonétique de l'étymologie des mots parrapport à leurs sens.

Par SÉLECTIVITÉ, nous pourrions signifier la pureté, la précision et l'exactitudeterminologique du langage humain..Par PUISSANCE, nous pourrions signifier la valeur, la richesse de l'essence et lasyntaxe du parler, par rapport à la réceptivité de la nature physique et mentale del'être humain.

Les règles de la versification doivent répondre aux exigences de ces troisfacteurs propres au langage humain.

=== LE RYTHME ===

Le rythme d'un vers dans un groupe de vers relève d'un paramètre quantitatifde l'art de la versification...Si la rime donne un accord sonore entre les vers, la métrique elle, lui donne lerythme. Plus ces deux systèmes sont purs et réguliers, plus les vers sont entraînantset attachants.

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Le rythme est réglé d'une part par les accents mobiles et d'autre part, par le nombrefixe de syllabes, qui donne la mesure.

Les vers de métrique 8-10-12 syllabes, offrent une symétrie par rapport àl'hémistiche qui se situe en leur milieu c.à.d. après la 4ème, la 5ème ou la 6èmesyllabe d'un vers correspondant.A l'origine du classicisme le nombre de syllabes propre à un poème, était pair de 810 ou 12 syllabes au maximum. Plus tard se sont ajoutés des Vers à six et parfois àquatre syllabes.

Le vers à huit syllabes est un des plus anciens. Son origine remonte au moyen âge.C'est un vers spécifiquement lyrique. Il se retrouve dans le Triolet, le Rondeau, leRondel, l'Iambe et naguère la ballade. Ces formes fixes seront décrites plusloin...

Le vers de dix syllabes est très ancien. Etant plus long et divisé en deux partiesrelativement brèves, sa construction est plus rigoureuse. Son débit, plus rapide, seprête bien au chant comme la Ballade.

Le vers le plus long est de douze syllabes. La forme la plus parfaite est atteintedans l'alexandrin, qui est le vers classique par excellence. Il est de longueursuffisante à l'expression d'une unité d'inspiration poétique. Il s'apprête bien à unephrase complète, d'une syntaxe à grande envergure. Il permet un grand choixétymologique et une grande soutenance rythmique. C'est le vers qui se prête à tousles caractères poétiques. On le retrouve dans les poèmes à formes fixes tel leSonnet, la Sixtine, l'Iambe, la Terza Rima, le quatrain classique... Ces formesfamilières seront décrites plus loin...

Les vers de nombres impairs de 5 - 7 - 9 et 11 syllabes, sont toujours considérés demétrique libérée. Seuls des mesures fixes et répétitives peuvent s'approcherde la versification classique.

Pour les impaires, il n'y pas de règle fixe pour la coupe ou la pause. La césure estflottante et irrégulière d'un vers à l'autre. Mais sept syllabes sont le maximum quel'oreille peut assimiler d'un trait sans césure. L'accent tonique régit les impaires etl'accord sonore entre les vers est assuré par la succession assez rapprochée desrimes. Pour neuf et onze syllabiques, la seule façon de les rythmer au mieux seraitde leur imposer une césure fixe à cinq syllabes du début du vers. Mais ce rythmedevient monotone et lassant à la longue. Il faut donc se laisser guider par lesrythmes naturels liés au sens des vers.

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L'ALEXANDRIN

Ce vers dont l'origine remonte au XII/ème scl., se trouve consigné dans le fameuxpoème d'Alexandre le Grand, d'où son nom.L'alexandrin comporte un hémistiche obligatoire en son milieu et qui doit êtreaccentué.Exemple :

C'est la nuit de l'effroi/ /de l'attente infinieAu détour de l'ennui/ /sous un bas firmament

Le "e" muet ne peut pas marquer de repos et si le sens et la syntaxe imposent unmot avec un "e" muet devant l'hémistiche, il faut que le mot suivant l'hémistichecommence par une voyelle permettant l'élision. Donc, l'hémistiche peut êtrerétabli par élision.Exemples : Voici que dans sa toile//un fil soudain vibra

-----------------------------------------------------Au bois de notre enfance//un soir de mai nous deux

-----------------------------------------------------------------D'intensité royale//et de clarté subtile

Chaque moitié de l'alexandrin comporte généralement une césure, qui peutêtre mobile comme il a été décrit précédemment sous son chapitre.Exemple : // = hémistiche / = césure métrique :

C'est le bruit/cahotant/ /de caravane/en marche3/3//4/2

Le rythme sourd/feutré/ /des pas/du Méhara4/2//2/4

Qui trouble/le repos/ /du silencieux/large3/3//5/l

Au seuil/de l'Hammada/ /le vaste/Sahara2/4//3/3

L'alexandrin peut devenir extrêmement rythmique lorsqu'il est construit entétramètre c.à.d. divisé en quatre groupes égaux : 3/3//3/3.Exemple :

Ses lèvres/ sont des Lys/ /d'un heureux/ paysageLes coteaux/ souriants/ /du terroir/ libanais

Une invite/ à l'amour/ /un bonheur/ en partageEt mon cœur/ éperdu/ /succombe / à leur attrait

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L'alexandrin est encore très rythmique lorsqu'il est construit en tétramètressymétriques :

2/4//4/2 ou 2/4//2/4 ou inversement 4/2//2/4 ou 4/2//4/2… Exemples :

Dis nous/ton bien aimé/ /diffère-t-il/des nôtresL'homme/de tes aveux/ /qu'a-t-il de plus/qu'un autre---------------------------------------------------------------Par les biches/des champs/ /les gazelles/des plainesVous chanterez/l'amour/ /vous chasserez//les peines

---------------------------------------------------------Tu me ravis/le cœur/ /ma sœur/ma fiancée

Que de charme/d'amour/ /sujet/de ma pensée

LE TRIMÈTRE

Ce vers compte douze syllabes comme l'Alexandrin, mais il est divisé en troisgroupes égaux de quatre syllabes. Il comporte donc deux césures régulières, quiconfèrent à ce vers un rythme accéléré. Ce vers convient à l'expression d'unmouvement, d'une énumération ou d'une citation.Exemple : Mon cher amant /mon bel amant / je t 'a ime tant

Le meilleur emploi qu'on peut faire de ce vers, est de l'accrocher à une suite enalexandrins, constituant ainsi une conclusion, un parachèvement ou une péroraison.Exemple :

Retentissent les cris//des mornes combattantsLes râles véhéments//des vaincus de l'histoire

Pour qui soudain/s'est avancé/la fin des temps !

LE DÉCASYLLABE

Tout ce qui concerne l'alexandrin du point de vue de la métrique est valablepour le vers à dix syllabes, avec toutefois une atténuation de la césure qui peutse réduire à une simple pause ou coupe, suivant la syntaxe.Exemple : Claquant/de maigreur//triste/silhouette

Les bras/étendus//les doigts/écartésSous d'affreux/haillons//que le vent/fouette

Elle reste/ainsi//de longs soirs/d'étéAvant/de mourir//dans sa/pauvreté

L'hémistiche pour ce vers peut trouver sa place après cinq ou six syllabes, maisdevrait être maintenu toujours à la même place. Le décasyllabe a perdu d'intérêt par

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rapport à l'alexandrin et 1'octosyllabe et s'il n'est pas tout à fait abandonné, on leretrouve par alternance dans des poèmes à forme fixe, dont des exemples suivrontplus loin...

L' OCTOSYLLABE

Le vers à huit syllabes n'a plus de césure mais il a une ou deux coupes. En plaçantla coupe au milieu de ce vers, on remplace l'hémistiche et on lui confère un rythmeaccéléré. Souvent on utilise ce vers pour effet de contraste rythmique, en le faisantsuivre un groupe d'alexandrins.

Exemple : Ni longs hivers/ni grands oragesA tes beffrois/creusent les flancsPour ton visage/il n'est plus d'âgeFlandres d'antan/aux vents errants

Nous retrouverons ce type de vers, plus loin sous le chapitre des poèmes à formefixe...

L'HEXAMÈTRE

Le vers à six syllabes n'est en fait, rien d'autre qu'un demi-alexandrin. Il n'a plusqu'une coupe ou pause. La rime revient très vite dans un vers à six syllabes, ce quilui donne un caractère net et concis.Exemple:

Quand tombent/doucementLes premiers/flocons blancs

En silence/en silenceTout semble/s'arrêter

Le temps/me rapporterMes tendres/souvenances

En si lence/en s i lence

Mais les vers de ce type présentent le risque de s'allier entre eux, à partir de la rimeféminine d'un vers et le premier mot du vers suivant, si ce dernier commence parune voyelle, ce qui restitue la forme d'un alexandrin...Exemple :

L'oiseau Lyre est venuIl a tiré son aile

A mon cœur détenuIl fait la courte échelle

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Le deuxième et troisième vers de ce quatrain s'allient inévitablement et donnent unalexandrin : Il a tiré son aile à mon cœur détenu... Cette combinaison fausse le tonet le sens.Aussi préfère-t-on se servir de l'hexamètre pour le mêler à des vers plus longs oul'accoupler sous forme de distique, à un groupe de vers plus longs, pour conclureun poème.

Exemple: Et dans l'air irisé, sur de nouvelles dunes Se lève la grandeur de l'astre du Levant

De mémoire des temps

LE TÉTRAMÈTRE

Les vers à quatre syllabes donnent une impression de halètement et deprécipitation. La succession des rimes est extrêmement rapide. Il n'y a plus decésure possible, tout au plus une faible coupe. Une suite de ce type de versconvient à l'expression d'une appréhension ou d'un empressement. Autrement, il seprête sous forme de distique à un groupe de huit ou douze syllabes.

Exemples :Ce fut l'essor

D'un froid matinAu triste sort

Pour les humainsOn n'osait plusNourrir le feuLe soir reclusOn priait Dieu

-----------------------------------------C'est comme une légende au fond de ma mémoire

Rêve ou réalité c'est une étrange histoireJe crois l'avoir vécu mais faut-il en douter

Faut-il y croire ?

LE BISYLLABE

Le vers de deux syllabes, si l'on peut parler de vers de cette dimension, ne peuttrouver sa place que sous forme d'une exclamation à la fin d'un groupe de vers oud'un poème.

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Exemple : Hier au souffle d'insoucianceCap dépassé d'allégresse

Pavillon haut d'adolescenceBattait plis au mât des promesses

Jeunesse !

MÉTRIQUE IMPAIRE

Les vers de nombre impair de syllabes, comme il a déjà été évoqué plus haut, nepeuvent pas être considérés dans la versification classique. Le plus usité estl'heptamètre, qui a trouvé une place dans une forme fixe classique, la Villanelleet qui fait exemption.

L' HÉPTAMÈTRE

Les vers à sept syllabes présentent les mêmes possibilités qu'un demi-alexandrin,avec un peu plus de facilité, vu qu'il contient une syllabe de plus, ce qui permet unplus grand choix de vocabulaire. Il possède une césure ou une pause libres d'unvers à l'autre, qui se situent généralement après la troisième et quatrième syllabe. Ilne faut surtout pas poser une coupe ou césure à endroit fixe, ce qui provoque unlassant ou boiteux rythme au poème. Les rimes se succèdent assez rapidement, cequi rend le poème mélodieux.

Exemple :Il y aurait peu de chose

Pour témoigner mon amourS'il n'y avait pas la rose

Sans la fleur si belle écloseMalgré les plus beaux atours

Il y aurait peu de chose …(extrait d'une villanelle)

Mais en dehors de la villanelle, ce type de vers se prête harmonieusement àd'autres formes de poèmes de sujet affectif, mélancolique ou romantique.Exemple :

Au lit de mer des appelsDes écailles argentéesJe le vois mon archipelSirène de voie lactée

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Mais ma barque prise au piègePar les algues de morte-eau

Coule par son sortilègeSur le bas-fond de coraux

Autre exemple :

Je céderai mon regardA la fin de ma prière

Et comme un coup de poignardJe porterai ma misère

-------------------------------------0h!Strasbourg de mon enfance

Univers de ma jeunesseTu renais dans mon silence

Comme une fleur de sagesse

LE NANOMÈTRE

Le vers à neuf syllabes est nettement défavorisé par rapport à l'heptamètre oul'octosyllabe. Mais pour un sujet lyrique ce type de vers se prête bien. Il peutcontenir une pause ou une césure, tous deux libres.En donnant une place fixe à la césure après la quatrième, cinquième ousixième syllabe, ce vers devient rythmique.

Exemple : D'étranges ombres/de l'heure hagarde 4 /5 Entre chien et loup/montent la garde 4/5 A la corne/du bois des pendus 4/5 Où l'orée offre/un dernier adieu 4/5 Aux cadavres/des hommes perdus 4/5 Témoins muets/d'un crime odieux 4/5

Un poème de vers de neuf syllabes devient particulièrement chantant lorsqu'on faitrimer le mot à la césure fixe avec celui de la césure du vers suivant,indépendamment des rimes principales aux vers. Ces rimes intérieures doivent êtremasculines et suffisantes (non riches) pour éviter le déroutement sonore.Exemple : Où courez-vous/amantes volages

Quel rendez-vous/pourrait bien valoirVos doux plaisirs/vos amours peu sages Vos fols désirs/et vos vains espoirs ?

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L'ENDÉCASYLLABE

Le vers de onze syllabes est franchement mauvais. Entre le décasyllabe etl'alexandrin, il n'offre aucun attrait. Vu les longueurs trop importantes d'un coté oude l'autre d'une césure, il deviendrait arythmique et monotone pour un poème

LE PENTAMÈTRE

Ce vers à cinq syllabes peut servir pour composer de fort beaux petits poèmes.Tout comme pour l'hexamètre, il n'y a plus de place pour une césure, tout au pluspour une faible pause.Exemple :

Voyelle à képiMémoire en dépitJe suis l'impuniDu verbe banni

ALTERNANCE DE VERS IMPAIRS

Il y a une alternance classique entre des vers de cinq et sept syllabes, dans la poésiejaponaise, dite le Haï Kaï. Les poètes japonais attribuent cette alternance aurythme du cœur humain.Exemple : Au fond de mon cœur 5

Il est un fleuve insonore 7 En crue jour et nuit 5

Dans ses profondeurs 5Je vois ma sagesse éclore 7 Et croître sans bruit 5

Quand tel un plongeur 5 M'attire au lit de sa flore 7

Le calme infini 5 (souligné = élision)

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De même dans le Tanka, également d'origine japonaise, on retrouve cettealternance 5-7-5-7-7 par stances. Avec ce rythme remarquable, toutes lescombinaisons de rimes sont possibles, à condition de respecter la succession : rimeféminine - rime masculine. Dans l'exemple qui suit, toutes les successionspossibles et acceptables sont appliquées. Derrière les vers sont reportées leslettres d'alternance en genre aux rimes et la suite métrique :

"LE TANKA DE LA MER"

Ohé les marins ! A m 5 Gars de Joyeux équipage B f 7 Ivres pèlerins A m 5 Jalonnant sur leur passage B f 7 Le chapelet des naufrages B f 7

Ohé les matelots ! A m etcCompagnons de l'onde amère B f :Morts à vif de l'eau A m :Emportés dessous les flots A m :Vers le Levant aux chimères B f …

Ohé les gaillards ! A mÉquipiers du dernier quart A mDes vaisseaux fantômes B fPerdus dans le brouillard A mCap sur l'inconnu royaume B f

Ohé les vagabonds ! A mDes profondeurs souveraines B fAmants des sirènes B fDoux fiancés des grands fonds A mQue l'onde amoureuse entraîne B f

Ohé les apôtres ! A fFils de la témérité B mLe salut des vôtres A fVous suit dans l'éternité B m

Des Ave et patenôtres A f

Ohé pauvres âmes ! A fMarins fauchés haut-le-corps B mPar la froide lame A fSoit à bâbord ou tribord B mA Dieu va et mill'sabords... B m

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LE TRIMÈTRE

Le vers à trois syllabes ne peut suffire pour former un poème. On l'accroche aubout d'un groupe de vers plus longs. Au bout d'un poème, il peut produire un échoà la dernière rime.Exemple : Tu pousses la porte entrouverte

Sur l'horizon de l'espérancePour aller vers les découvertesPar le chemin de l'endurance

Bonne chance !

=== LA PROPORTION D'UN POÈME ===

Il y a différentes proportions en longueur pour les poèmes à forme fixe,différents regroupements de vers, par assemblage ou subdivision de leursensembles. En dehors des poèmes à forme fixe, le choix de la proportion quepeut prendre un poème dépend de l'envergure que peut prendre uneinspiration poétique. Les poèmes lyriques sont disposés en stances. L'ode et laballade en strophes. Le chant religieux en versets. La chanson en couplets. Unnombre de vers qui se suivent sans interruption du premier au dernier doitcontenir une syntaxe et un sens complet, trouvant son parachèvement audernier vers. Une telle formation que nous appelons un groupe de vers, peutconstituer un poème monolithique.Un groupe peut avoir un nombre suffisant de vers. En règle générale, les versd'un groupe doivent avoir tous la même métrique. L'alternance de rimesféminines et masculines doit être assurée.

LE QUATRAIN

Quatre vers sont le minimum acceptable pour former un groupe c.à.d. petit poème.Mais il ne peut revêtir qu'un caractère de dicton ou de triade. Le quatrain a étédécrit dans les chapitres précédents. Rappelons qu'il y a trois formes de quatrains :à rimes plates, à rimes croisées, à rimes embrassées.

LE QUINTAIN

Un groupe de cinq vers est construit sur deux rimes. La meilleure disposition desrimes, peut se faire de deux façons suivantes : A-B-A-A-B ou A-B-B-A-A.

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Exemples :Bras de géants des temps perdus

Crucifiés des Flandres ruralesLes moulins morts à bras tendusAux ailes qui ne tournent plus

----------------------------------------------------------------Chantez riez dansez oui aimez sans remords

La chanson vous le dit le bonheur comme un rêveUn instant vous le donne un autre vous l'enlèveLes chanteurs d'autrefois les maîtres les stentors

Lorsqu'on eut applaudi l'un après l'autre fut mort

La disposition : A-B-A-B-B est bonne à condition que le dernier vers soit d'unmètre inférieur et forme écho par sa rime.Exemple :

Je viens et je vous touche du doigtMolécules de la matière

Vous n'êtes plus ce que je voisMais un amas de poussières

Des atomes de la terre

LE SIZAIN

Un groupe de six vers est construit sur trois rimes, de suite : A-B-A-B-C-C. Touteautre suite de rime est insatisfaisante du point de vue de l'harmonie.Exemples :

Les soldats viennentLes soldats vont

Les soldats ne reviennentLes soldats font

Ce qu'il ne faut pas faire Les soldats font la guerre

L'HÉPTAVERS

Ce groupe est construit sur trois rimes et trois successions différentes aux vers :A-B-A-B-C-B-C, A-B-B-A-C-A-C et A-A-B-C-C-B-B. Cette dernière estparticulièrement harmonieuse.

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Exemple: Quand tombent doucementLes premiers flocons blancs

En silence en silenceTout semble s'arrêter

Le temps me rapporterMes tendres souvenances

En silence en silence

LE HUITAIN

Pour huit vers, il y a risque de disposer les rimes de façon revenant à deuxquatrains accolés. Le meilleur moyen d'assurer une bonne continuité entre les rimesest de construire ce groupe sur trois rimes, suivant l'ordre :

A-B-A-B-B-C-B-C.

Exemple : Qu'il est beau dans cet uniformeEn uniforme de soldat

Gentil petit soldat qu'on formePour porter un méchant mandat

C'est un costume de galaPour un bal de tous les tonnerres

Que ce bel uniforme là !Plaise aux convives sanguinaires

Sur deux rimes seulement et de métrique égale au nombre de vers, le huitaindevient particulièrement expressif et rythmique. Voici son ordre de succession derimes : A-B-A-A-A-B-A-B.

Exemple : Les moulins morts à bras tendusFont murmurer dans les rafalesLeurs ailes qui ne tournent plusLes moulins morts à bras tendusBras de géants des temps perdus

Crucifiés des Flandres ruralesLes moulins morts à bras tendusAvec leurs souvenirs s'affalent

LE NONANTAIN

Un groupe de neuf vers n'est pas très intéressant. Trop près de la ballade et nepouvant pas l'être, neuf vers donnent des suites qui fatiguent à la lecture ou àl'audition.

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LE DIZAIN

Avec dix vers de huit, dix ou douze syllabes, nous arrivons à la ballade. Pour laballade on dispose de quatre rimes selon l'ordre :

A-B-A-B-B-C-C-D-C-D.Exemple :

Claquant de maigreur, triste silhouetteLes bras étendus les doigts écartés

Sous d'affreux haillons que le vent fouetteElle reste ainsi de longs soirs d'été

Avant de mourir dans sa pauvretéDans son froc usé jusqu'à la couture

De vieillard des champs de riche cultureEt de temps en temps nous saisit d'effroi

Entre chien et loup sa plate statureComme un roide corps d'un gueux sur la croix

En principe, il n'y a pas de limite pour le nombre de vers pour un poèmemonolithique. Pourtant, pour tout allongement au-delà du dizain, il faut veiller à ladisposition des vers de façon alternée c.à.d. il faut disposer les rimes en ordrealternatif, par plates, croisées et embrassées. Il faut surtout éviter de disposerles rimes de façon équivalante à des quatrains assemblés. De plus, il ne peut yavoir qu'un seul sujet, une seule syntaxe et un sens unique, se répartissant dans legroupe. De ce fait, un groupe ou monolithe, ne peut pas trop étaler le sujet.

MÉTRIQUE VARIABLE

Des groupes de vers dont la longueur peut varier en accord avec la rime, sontclassés dans la catégorie de poèmes libres. Pourtant la métrique doit être pairec.à.d. 4-6-8-10 ou 12 syllabes pour des vers qui riment par suites plates, croiséesou embrassées.Exemple… Oh! Strasbourg Oh! Strasbourg ! 6

Ville historique à tous les âges 8 Quel âpre carrefour 6 Si tourmenté par tant d'orages… 8 Haut lieu aguerri bouclier rhénan 10 Bercail et tombeau d'hommes éminents 10 Patrimoine au noble inventaire 8 Des patriciens 4 Des Alsaciens 4 À l'indomptable caractère… 8

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=== LA SUBDIVISION D'UN POÈME ===

Il y a des poèmes monolithiques, nous l'avons vu plus haut. Mais un poème peutêtre divisé en plusieurs groupes de vers, appelés stances, strophes, couplets ouversets, suivant leur caractère.Dans la versification classique, les groupes doivent avoir une suite régulière derimes, un mètre constant et un nombre égal de vers par groupe. De cette façonon est parvenu aux poèmes à forme fixe et qui seront décrits plus loin.Dans la versification libre ou néoclassique, les groupes doivent être égaux ennombre de vers et équivalents dans la suite des vers de mètres différents. Nousl'avons vu plus haut.Dans la versification libérée ou prose, les groupes ne sont pas soumis à cesrègles. La répartition des rimes et la mesure des vers sont fantaisistes c.à.d. qu'ellesne répondent qu'aux caprices de l'imagination. Pourtant, pour cette dernièrecatégorie de versification, il peut en résulter des poèmes extraordinairementimpressionnants.Pour les groupes formant la subdivision d'un poème, l'enjambement d'ungroupe à un autre constitue une licence intolérable. En effet, chaque groupe doitcontenir une idée propre, un sujet entier, un détail complet, une syntaxe résolue etqui doivent trouver leur parachèvement au dernier vers.

LES CHANGEMENTS D'ENVERGURE

Tout comme pour les vers, il est possible d'alterner des groupes longs et courts. Lameilleure application réside dans la distique jumelle.

Exemples :Les soldats viennent

Les soldats vontLes soldats ne reviennent

Les soldats fontCe qu'il ne faut pas faireLes soldats font la guerre

------------------------------------------Le parfait fonctionnaireN'est pas à l'ordinaireCe serait outrageant

Intelligent

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Plein de foi canineDans sa sainte routine

De son esprit obtusIl s'évertu

(S'évertu s'écrit normalement avec ue, ici il s'agit d'une liberté poétique pour raisonde genre de rime, comme cela se pratique pour: encore = encor)

Il y a aussi le mode de clore un poème par un groupe de vers de mesure inférieureaux autres : un quatrain pour une ballade, un tercet pour la sixtine, un monèmepour un sonoctain, le girodance ou le triodance...Il y a encore le mode inverse, qui consiste à clore un poème par un groupe de versplus longs tels : la villanelle construite de tercets et qui s'achève par un quatrain oule rondel constitué de quatrains et qui se termine par un quintil ou un sizain. Toutesces formes fixes classiques seront décrites plus loin

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR CE QUI VIENTD'ÊTRE DIT

Le choix des groupes pour former des stances, strophes, couplets ou versets,ne se fait pas au hasard. Le poète ressent à la naissance d'une inspiration, lebesoin de beaucoup de vers ou de peu. Il entrevoit une multitude d'images ouquelques-unes seulement. Il se sent entraîné sur une grande orbite ou par uncourt élan. Il présume des extensions, des développements ou des limites, dusujet qui le préoccupe ou des sentiments qui l'animent. Tout cela s'imposedans son esprit comme un encadrement d'un cliché. Au départ d'uneinspiration, le poète est parfaitement conscient de l'étendue et de laprofondeur de l'interprétation qui l'attend. Les premières images, lespremiers sentiments, les premières réflexions, déterminent généralement lalongueur du premier vers. La suite qui en découle est alors ramenée à samesure.Il arrive aussi que le poète écrit d'un premier jet, une sorte de brouillon, où ilse soucie peu des règles de la versification, qu'il reprend ensuite sa création àl'état brute et qu'il la retravaille, afin de lui rendre la forme correcte selon larigueur de l'Art.Pour cette seconde phase de son travail, il cherchera à parfaire et à épurer lasyntaxe et la phonétique de ses vers. Il arrive alors, qu'il remplace entièrement

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un ou plusieurs vers par des nouveaux, rendant mieux son inspiration etrépondant mieux aux règles de la versification.La versification classique demande un effort constant de perfectionnement aupoète. Elle l'oblige continuellement à se dépenser, à s'améliorer, à se dépasser.Enfin, elle contribue sans conteste à son érudition, à sa maîtrise, à savirtuosité.Ces trois notions sont déterminantes pour tout artiste à quelque disciplinequ'il appartienne. C'est pour cette raison qu'il est permis d'affirmer que lapoésie soumise aux règles classiques de la versification dominera en valeurintrinsèque toutes les autres formes de Littérature.

=== LES POÈMES A FORME FIXE ===

Les poèmes de forme fixe constituent des sortes de matrices ou moules quidéterminent la forme et le contenu pour application à une inspiration créatrice,les règles qui les régissent étant définies avec précision. Les poèmes à forme fixenous offrent un critère absolu, nous permettant d'évaluer notre patrimoine littérairepoétique.

LA TERZA RIMA

C'est une forme de progression de vers par tercets à rimes croisées. La premièrerime se retrouve au troisième vers. La seconde rime se retrouve au premier vers dutercet suivant. Apparaît alors une nouvelle rime au second vers du second tercet.Cette alternance se poursuit jusqu'à épuisement du sujet. Le poème se termine parun monème qui rime avec le second vers du dernier tercet. Ce monème doitcontenir un sens concluant.Voici le schéma de ce poème: A --- B --- A B --- C --- B C --- D --- C E---C---E C f m f m f m f m f m f m fLes vers sont en alexandrins, déca ou octosyllabes :Exemple :

"LE MOULIN DES FLANDRES"

Il est un moulin dans les FlandresDont les ailes ne tournent plus

Un vieux moulin bien las d'attendre

Géant figé sur un talusGuettant sans fin les blanches dunes

Aux infinis flux et reflux

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L'élan du vent d'infortuneSe brise contre ses barreaux

Comme l'onde dans la lagune

Quelque part le long de l'EscautNon loin de son dernier méandre

Bordé de quelques blancs hameaux Se meurt un moulin dans les Flandres

LA VILANELLE

Elle est composée de cinq tercets plus un quatrain, de vers à sept syllabes et surdeux rimes. C'est une forme gracieuse, éloquente et élogieuse. Le premier vers doitprésenter une rime féminine. Le premier et le troisième vers sont repris et seretrouvent au bout du quatrain suivant le schéma ci-après...

Al-B-A2 A-B-Al A-B-A2 A-B-Al A-B-A2 A-B-Al-A2

Exemple :

"LA ROSE"

Il y aurait peu de chosesPour témoigner mon amour

S'il n'y avait pas la rose

Sans la fleur si belle éclose Malgré les plus beaux atours

Il y aurait peu de choses

Serait mal plaider ma causeUn manquement sans recoursSans la fleur que je propose

En honneur de ce beau jour Il y aurait pou de choses S'il n’y avait pas la rose

L'aveu de plus belle prose Ne serait qu'un vain discours

S'il n'y avait pas la rose

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Vous aimer, de cœur, si j'ose

Vous témoigner mon amour Il y aurait peu de choses S'il n'y avait pas la rose

LE SONNET

Le sonnet est une forme classique des plus élégantes. Ce poème est suffisant ennombre de vers (14), deux quatrains et deux tercets, pour contenir un sujet assezdéveloppé. La succession des rimes lui confère une harmonie et un rythme apte àrendre expressive toute idée philosophique ou épique. Le sonnet convientparfaitement à rendre un cliché, avec grâce et éloquence. Il est construit sur cinqrimes, réparties en deux quatrains à deux rimes et deux tercets à trois rimes, selonla disposition suivante :

A --- B --- B --- A A --- B --- B --- A C --- C ---D E --- E --- D f m f etc... ou E --- D --- E

Exemple…"LE SONNET ALSACIEN"

Non je ne nierai pas mon sang mes originesSerait-ce un triste sort de naître alsacien ?Mi-germain mi-français double patricien

De ce terroir hanté par les guerres voisines

Non je ne romprai pas mes liens et mes racinesNi de Noire Forêt ni des flancs vosgiens

Le Rhin les emmêla dans un nœud gordienEnfants du lit rhénan mes cousins mes cousines

Je ne trahirai pas le clan de mes aïeuxQui germains qui français sont frères devant Dieu

Qui sont nés pour s'aimer malgré la triste histoire…

…Je ne corromprai pas l'esprit européenEn parlant mon patois sans noblesse et sans gloire

Mais qui sait émouvoir les cœurs d'Alsaciens

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LE RONDEL

Ce poème s'écrit en neuf, treize ou quatorze vers octosyllabes sur deux rimes. Laforme la plus classique est celle de treize vers. Il est divisé en trois groupes :un quatrain à r imes embrassées, un quatrain à r imes croisées et unquintain ou s izain suivant le schéma :Al--Bl--B--A A--B--Al--Bl A--B--B--A--Al---Bl ou A--B--B--A1--B1.Les rimes Al et Bl sont reprises entièrement suivant le schéma ci-dessus. Cetteforme donne au poème un rythme soutenu et les rimes reprises agissent commeun leitmotiv.

Exemple:"VISAGE DES FLANDRES"

Pour ton visage il n'est plus d'âgeFlandres d'antan aux vents errantsPour tes moulins plus de froment

Et vides sont tes béguinages

Ni longs hivers ni grands oragesA tes beffrois creusent les flancsPour ton visage il n'est plus d'âgeFlandres d'antan aux vents errants

Ton plat pays te rend hommageAvec l'Escaut Bruges et GandPleure le ciel et gémit le ventAvec tes moulins hors d'usage

Pour ton visage il n'est plus d'âge Flandres d'antan aux vents errants

(Nota : Flandres au pluriel, sous-entend : les régions de Flandre du Nord)

Il y a une deuxième forme qui égale en perfection. Son schéma est le suivant :Al --- Bl --- A2 --- B2 B --- A --- Al --- Bl B --- A A --- B --- A2 --- B2.Les rimes Al-A2-Bl et B2 sont reprises entièrement .

Exemple :"L'AZEROLE PASCALE"

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Elle fleurit sur la collineL'Azerole couleur de sangDe la couronne d'aubépine

Qui ceint le front d'un roi mourant

C'est sur la croix que les autansVont humer sa senteur divine

Elle fleurit sur la collineL'Azerole couleur de sang

Il s'est voilé le firmamentLe front du crucifié s'incline...L'Azerole aux saintes racines

S'empourpre aux gouttes de sang

De la couronne d'aubépine Qui ceint le front d'un roi mourant

LE RONDEAU REDOUBLÉ

Ce poème de vingt-cinq vers est divisé en six quatrains plus un monème. Les verssont octo ou décasyllabes à deux rimes seulement. Les rimes sont croisées àreprises rigoureuses.Le monème est composé par le sens majeur contenu dans chaque moitié des deuxpremiers vers. Les deux premiers vers doivent d'ailleurs contenir le leitmotiv ousens conducteur au poème. C'est donc une forme d'une rigueur absolue et de natureà défier tout poète érudit. Son schéma est le suivant :Al--Bl--A2--B2 B--A--B--Al A--B--A--A2 A--B--A--B2… A--B--A--B/2Pour le distique il y a deux possibilités : A/l/2 ou A/2/1.

Exemple :"L'OMBRE ET LE VENT"

Pour qui cette ombre étrange avec le vent avance ? D'où vient le vent si triste ou porte-t-il ses pleurs ?

Son appel désolant lance dans le silence Ce nom qui fait grandir un trouble dans mon cœur

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L'heure enchaîne sans bruit ma peine à sa langueurEt sous son voile humide endeuille ma présence

Comment chasser mon doute et fuir ses profondeurs ? Vers où cette ombre étrange avec le soir avance

Les jours ont égrené ma solitude immenseAu moulin des oublis qui brise les clameursObstinément tourné contre mes souvenances

D'où vient le vent si triste en répandant ses pleurs !

Sur mes yeux fatigués, sur mes vains scrutateursTombe le voile épais 1'ombre d'indifférence

Et dans l'obscurité résonne avec ampleurCet appel désolant lancé dans le silence !

L'interminable écho dans la nuit de l'absenceMe hante sans répit et creuse ma douleur

Comme un rappel plaintif me poursuit dans l'errance Ce nom qui fait grandir le trouble dans mon cœur !

Où court le vent en pleurs porter ses doléances ?Pour qui cette ombre étrange avance avec lenteur ?

Déjà je sens en moi grandir ma défaillance Au rappel de ce nom à l'espoir qui se meurt...

Je sais d'où vient ce vent ! Pour qui cette ombre avance !

LA SIXTINE

De toutes les formes, celle de la sixtine est la plus rigoureuse et la plus difficile.Elle prédispose la place et la reprise des rimes. Par l'élaboration hautementtechnique de ses vers, elle se place au-dessus de toutes les formes fixes. C'est uncorset très étroit à l'adresse d'un poète aguerri.

Tout le poème est construit sur deux rimes riches. Il est subdivisé en six sizains àsuccession de rimes particulièrement complexe et qu'il faut schématiser pourcomprendre. S'ajoute à la fin, un tercet contenant à l'hémistiche et aux bouts desvers, les rimes successives du premier sizain.Les six rimes du premier sizain sont reprises mot à mot, pour former les rimes desautres sizains selon le schéma suivant :

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Al --- BI --- A2 --- A3 --- B2 --- B3 (premier sizain) B3 --- Al --- B2 --- BI --- A3 --- A (deuxième sizain) A2 --- B3 --- Al --- A2 --- BI --- B2 B2 --- A2 --- BI --- B3 --- Al --- A3 A3 --- B2 --- Al --- A2 --- B3 --- BI BI --- A3 --- B3 --- B2 --- A2 ---Al ----B1----A1 ----B2----A2 ----B3----A3

En analysant la disposition des rimes, on trouve le principe général suivant : d'unsizain à l'autre, on reprend les rimes dans l'ordre : 6-1-5-2-4-3...Les vers sont en alexandrins.Exemple… "LA ROSE ET L'AMOUR"

Dois-je vous divulguer la source de ma prose Voulez vous admirer 1'objet de mes désirs ?

Ce n'est pas un secret il s'agit de la roseDe cette belle fleur qui avoue tant de choses

Messagère du cœur que l'on aime voir fleurir Et que malgré 1'épine on aime bien cueillir !

Au fond de mon jardin je suis allé cueillirLa fleur inspiratrice aux élans de ma prose

Le soleil généreux la fit douce fleurirEt son parfum exquis fit naître mon désir

De humer sa pétale et de dire tant de choses Tant de tendres aveux je confie à la rose

Ma belle confidente o précieuse roseSais-tu pourquoi ma main est venue te cueillirPourquoi je viens à toi dire toutes ces chosesQui sortent de mon cœur et forment ma prose

Des vers aux mots ardents qui chantent mes désirs Et qui trouvent la rime en te voyant fleurir ?

Le printemps bienfaiteur ensemble fit fleurirDans mon cœur mon amour dans mon jardin ma rose

Pour l'un comme pour l'autre un unique désir Anime mon esprit celui de les cueillir

Pour la fleur j'ai un nom pour l'amour j'ai ma prose Pour tous deux il me reste à dire tant de choses

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Charmant présent du ciel parmi les belles chosesQui ornent mon jardin j'ai guetté ton fleurirTémoignage d'amour et Muse de ma proseTu es la reine fleur au noble nom de rose

Et c'est avec respect que je viens te cueillir Toi qui flatte ma vue et comble mon désir

Sans toi comment pourrais-je avouer mon désirA celle de mon cœur pardessus toutes choses

Comment ses chers baisers que j'aimerais cueillirComment ses doux regards que l'amour fait fleurir

Pouvoir les mériter sans offrir une roseEt dire quelques mots dans une ardente prose ?

Apprends donc mon désir dans le fond de ma proseLaisse l'amour fleurir accepte cette rose

Que j'ai voulu cueillir et qui dit tant de choses

LA BALLADE

C'est une forme hautement appréciée. Elle se prêtait naguère aux troubadours etménestrels. Son étendue de trois dizains à quatre rimes ou trois huitains à troisrimes, plus respectivement un quintain ou un quatrain, offre une grande envergureà un sujet poétique. Sa structure lui confère une puissance d'expression avec sonrenvoi après chaque groupe de vers.La ballade peut donc être formée de trois huitains octosyllabiques avec un envoi enquatrain ou de trois dizains décasyllabiques avec un envoi en quintain. Le derniervers du premier groupe est repris à la fin des autres, de même qu'à l'envoi et doitcontenir l'idée conductrice. Le premier vers de l'envois doit obligatoirementcommencer par le mot "Prince".Ce poème exclut toute licence.C'est un poème classique par excellence qui convient bien à un sujet épique...La disposition des rimes est suivant le cas :

3x) A --- B --- A --- B --- B --- C --- B --- C' + B---C --- B --- C' ou 3x) A----B --- A --- B --- C --- D --- C --- D' + C --- C --- D --- C --- D'

Exemple du premier type :

" L A B A L L A D E D E L ' U N I F O R M E "

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Allons enfants dans l'uniformeEn uniforme de soldatGentils petits soldats qu'on formePour porter un méchant mandatEn grand apparat de galaPour un bal de tous les tonnerresVous valserez dans l'Au-de-làDe boue et sang, de mort vulgaire

C'est une garde-robe énormePour le plus grand des opérasD'après les règlements et normeQue l'on ne discutera pasEn uniforme les soldatsIront jouer l'ignoble guerreEt leur galon se couvriraDe boue et sang, de mort vulgaire

Qu'il est affreux cet uniformeCe costume d'assassinatSur des enfants que l'on déformePour être de cruels soldatsMalheur à qui l'endosseraCet effet d'état militaireSon honneur se saliraDe boue et sang, de mort vulgaire

Envoi :Prince de l'ordre scélératQui mène droit au cimetièreTon uniforme est reliquatDe boue et sang, de mort vulgaire

Exemple du deuxième type:

"BALLADE D'UN GUEUX SUR LA CROIX"

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Claquant de maigreur triste silhouetteLes bras étendus les doigts écartésSous d'affreux haillons que le vent fouetteElle reste ainsi de longs soirs d'étéAvant de mourir dans sa pauvretéDans son froc usé jusqu'à la coutureDe vieillard des champs de riche cultureEt de temps en temps nous saisit d'effroiEntre chien et loup sa plate statureComme un roide corps d'un gueux sur la croix

Messier matinal lève sa casquetteAccorde aux passants son urbanitéChasse les oiseaux d'un pan de manchetteEt puis il reprend sa passivitéIl veille il attend morne et tourmentéQue finisse enfin sa vaine aventureLes jours les nuits seul au même endroitIl offre aux regards sa piteuse allureComme un roide corps d'un gueux sur la croix

Bientôt viendra l'homme à la charrettePour ôter les liens de sa parentéPour poser la faux contre son squeletteEt trahir ainsi son identitéCruel moissonneur de l'humanitéFaucheur exhibant son âpre ossatureQuand le fruit est mûr riche la natureC'est son spectre hideux que l'on aperçoit Chevauchant sans fin droit sur sa montureComme un roide corps d'un gueux sur la croix

Envoi:Prince malotru morte créatureTriste épouvantail ombre des lémuresIl a pour vertu d'être un hors-la-loiQui nargue l'humain et lui rend l'injureComme un roide corps d'un gueux sur la croix

AUTRES FORMES FIXES

Il y a encore d'autres formes fixes, comme le rondeau, l'ïambe, le triodanse, legiroscope, le virelais, le roussel , le triolet ou la schaltinienne …

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Cette dernière parmi toutes les autres formes, mérite d'être retenue. C'est une formede poème qui permet une reprise d'ensemble de base.Cet ensemble est constitué d'un quatrain, de deux tercet d'un distique ou d'unmonème. Un poème doit contenir au moins deux ensembles, suivant le schéma :

Exemple de SCHALTINIENNE : A-B-B-A C-A-C D-D C D.

"LES MOTS INUTILES"

Il suffit parfois d'un sourireEt souvent par un seul regard

On se comprend sans rien se direPour ceux qui ne sont pas bavards

Le rôle que la vue assumeEst un témoignage vivant

Au fond des yeux tout se résume

A quoi bon tous les mots savantsIl suffit parfois d'un sourire

D'un seul regard le plus souvent

On se comprend sans rien se dire

LE TRIOLET

Ce poème est construit sur un nombre indéterminé de huitains octosyllabiques àdeux rimes, selon le schéma : A1--B1--A--A1--A--B--A1--B.La première rime est masculine. Le premier vers est repris à la quatrième et à laseptième position. On peut encore reprendre le deuxième vers à la huitièmeposition. Cette forme convient particulièrement à la chanson.Je donne pour exemple le poème suivant, qui est construit sur trois ensembles dehuit octains à deux rimes par ensemble, suivant le schéma :

x3) A1-B-A-A1-A-B-A1-B

Exemple :

"FLANDRES REVENANTES"

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Un coup de vent un goût de selEt c'est tout le pays des Flandres

Large horizon de mer et cielUn coup de vent un goût de selDu plat pays cher à BreughelSur le passé vont se répandre

Un coup de vent un goût de selVol qui ne sait plus rien reprendre

Les moulins morts à bras tendus Font murmurer dans les rafales

Leurs ailes qui ne tournent plus Les moulins morts à bras tendus Bras de géants des temps perdus

Crucifiés des Flandres rurales Les moulins morts à bras tendus Avec leurs souvenirs s'affalent

Les béguinages les beffrois De Gand ou de Bruges la belle

Ont vu la mort de leurs bourgeois Les béguinages les beffrois

Grandeurs des Flandres d'autre fois A bout de course temporelle Les béguinages les beffrois

Se couvrent de blanches dentelles

Rien n'empêche de créer des formes fixes personnelles, à condition de respecter larégularité métrique et l'alternance régulière des rimes. Dans l'exemple suivant, ils'agit d'un dérivé du rondeau ou d'un rondeau raccourci, en dizains à rimeshomogenre-masculin. Il est construit sur deux ensembles à sixains suivis d'unquatrain et d'un distique selon le schéma :

A-B-B-A-C-C D-D-F-G-F-G H-I-H-I IExemple :

"L'EDEN"

Puis les fils de Dieu ont aménagéCe fameux jardin au cœur de l'ÉdenOù se produisit le premier hymen

Entre deux humains en ce lieu parquésParmi fleurs et fruits en abondance

Terre du salut et de providence

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Un flot nourricier traversa l'endroit Fécondant les lieux entre quatre bras

Serre fabuleuse Havilla la richeA l'or le plus pur qu'encercle Pischon

Cusch où sont blottis le faon et la biche

Pays qui a pris la bras de GuinonEt cet autre bras nommé Hiddékel

Qui par l'Orient serre l'AssyriePuis enfin l'Euphrate au lait maternel

Qui fit grandir le Tigre en Arabie

Le berceau divin en terre bénie !

Dans l'exemple suivant, il s'agit de trois groupes de sept sizains. Le troisième, lesixième et le septième vers sont repris d'un groupe à l'autre suivant le schéma :

A-A-Bl-C-C-B2-Bl A-A-Bl-D-D-B2-Bl A-A-Bl-E-E-B2-BlExemple : "LE SILENCE BLANC"

Quand tombent doucementLes premiers flocons blancsEn silence en silence

Tout semble s'arrêterLe temps me rapporterMes tendres souvenances

En silence en silence

Le drap du firmamentRecouvre mes tourmentsEn silence en silenceEtouffe ma douleurLes rappels de mon cœurMes tendres souvenances

En silence en silence

Le blanc recouvrementEfface lentementEn silence en silenceTes regards pleins d'émoiLes échos de ta voix Mes tendres souvenances

En silence en silence

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Les deux exemples précédents, démontrent les possibilités fort heureuses qu'il estpossible de trouver à ses propres besoins de compositions.

=== LES POÈMES A FORMES FIXES MODERNES ===

Il s'agit de formes néoclassiques. Elles s'écartent des règles rigoureuses de lamétrique classique, tout en respectant celles de la rime. On alterne souvent les verslongs avec des courts.

LE SONOCTAIN

Ce poème est en quelque sorte un sonnet réduit. Ses vers sont en alexandrins surdeux rimes. Il est composé d'un quatrain, d'un tercet et d'un monème suivant leschéma : A-B-A-A B-A-B BExemple :

L' "-N-"Un génie ombrageux sorti de la grisailleExhibant pour vertu la raison du plus fort

Il fit verser le sang sur les mortes semailles Et d'un nouvel empire il fit un feu de paille

Sur une île il est né sur une autre il est mortSon destin se joua sur deux champs de batailles

A Austerlitz sa gloire à Waterloo son sort

Grandeur et décadence en solde à tous les torts

LA TRIADE

Ce poème est formé de trois tercets à quatre rimes. Les deux premiers verscomptent huit syllabes, le troisième ne compte que quatre. Les rimes se succèdentselon le schéma : A-B-A B-B-C D-C-D.

Exemple :"POUR ELLE"

Mille lieux à parcourirJe le ferais plein de courage

Pour la chérir

Donner le cœur en esclavageJe le ferais soumis et sage

Pour ses baisers

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Porter la loi sur les épaulesJe le ferais sans récuser

Pour sa parole

LE TRIVERS

Ce poème est formé de trois quatrains octosyllabiques à six rimes. Le premierquatrain ne comporte que des rimes masculines. Le deuxième, que des rimesféminines et le troisième est à rimes croisées masculines suivant le schéma :

A-B-A-B C-D-C-D E-F-E-F m f m f m fExemple:

"L'ALTERNATIVE"

Vais-je foncer comme un train fouPour m'écraser contre un butoirVais-je tomber au fond d'un trouOu bien m'effacer dans le noir ?

Que me reste donc de la vieA mon temps infiniment tristeOù sans amante et sans amie

Plus aucun amour ne subsiste ?

Quand l'heure viendra pour scellerLe cours de mon attente vaineJe n'aurai plus qu'à m'en allerEn emportant regrets et peines

=== LES FORMES ÉTRANGÈRES ===

Parmi les formes classiques étrangères, nous ne retiendrons que celles qui sont leplus connues et utilisables en langue française. Chaque langue a sa propre syntaxeet sa grammaire particulière. De ce fait, ses propres formes de versification ne sontpas toujours utilisables dans une autre langue surtout si la phonétique étrangère nerépond pas aux mêmes valeurs métriques.

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LE HAÏ KAÏ

D'origine japonaise, ce poème est constitué d'un trivers à métrique impaire "5-7-5"qui correspond au rythme du cœur. Au Japon, le Haï Kaï est écrit en marge à uncalligramme. Il exprime une pensée dédiée.En utilisant ce tercet au nombre de trois, on peut réaliser de fort beauxpoèmes, succincts et suffisants pour rendre une image ou une dédicace.Exemple :

"HAÏ KAÏ D'HIROSHIMA"

Au jour J l'heure HPar l'éclair du mortel bleu

Le ciel se fracasse

Les atomes crachentLa Cité s'effondre en feu

Les humains trépassent…

…Une horrible tacheQuelques rescapés hideux

Dans l'histoire passent

Autre exemple :

"HAÏ KAÏ EN MON NOM"

Demandez mon nomAu passé qui vous amène

Il me l'a donné

Demandez mon nomAu présent qui vous enchaîne

Il l'a consigné

Demandez mon nomAu futur qui vous entraîne

Il va l'emporter

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LE TANKA

Egalement d'origine japonaise, ce poème est construit de la même façon qu'un HaïKaï, auquel sont ajoutés deux vers hepta-syllabiques, "5-7-5-7-7". Le nombred'ensembles est indéterminé. La succession de rimes est également indéterminée,mais il convient d'alterner rimes féminines avec rimes masculines. Sous lechapitre consacré aux vers impairs, toutes les alternances possibles et acceptablesdes rimes ont été rendues dans un exemple de Tanka. (voir plus en avant)

LE GHAZEL

D'origine arabe, ce poème est écrit en alexandrins sur trois rimes, selon le schéma: A-A B-B-B-A C-C-C-A.

Les deux premiers vers sont masculins. Les rimes B et C sont donc féminines.Exemple :

"POUR DES JOURS PLUS BEAUX"

Quand ma Muse m'oublie et me manquent les motsJe repose ma plume et leur tourne le dos

On ne peut tous les jours écrire des poèmesOn ne peut tout le temps faire ce que l'on aimeLa lune et le soleil me souriront quand même

Que je dise beaucoup ou peu à leur propos

Je me tais pour ouïr tout ce que 1'on exprimeJe puise dans les voix les paroles sublimes

Et garde le meilleur pour mes vers et mes rimesPour ma Muse et pour des jours plus beaux

LE PANTOUM

D'origine malaise, ce poème est écrit en huit ou dix syllabes ou en alexandrins surquatre quatrains et quatre rimes. Les quatrains sont à rimes croisées. Laparticularité à ce poème est la reprise d'un ou de deux vers du quatrain précédent etde les réutiliser dans le quatrain suivant. Mais il faut veiller à ce que la rime dudernier vers du quatrain précédent soit de même nature que le premier vers duquatrain suivant. En outre, le premier vers doit contenir l'idée conductrice aupoème.

Exemple : "JAMAIS NOTRE AMOUR"

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0h!qu'il est long le temps qui dureLe temps qui étale entre nousLes heures de lente mesureSans jamais parvenir à bout

Le temps qui étale entre nousLes jalons de notre tourmenteSans jamais parvenir à bout

Jamais ne vaincra notre attente

Les jalons de notre tourmenteCalendrier des tristes jours

Jamais ne vaincra notre attenteJamais ne vaincra notre amour

Calendrier des tristes jours0h ! qu'il est long le temps qui dure

Jamais ne vaincront notre amourLes heures de lente mesure

=== POÈMES À MÉTRIQUE EN CHAINE ===

Je voudrais présenter cette forme de configuration néoclassique d'un aspectparticulier et qui offre une variété d'application nouvelle. Cette forme convient audéveloppement d'une atmosphère d'une action ou d'un sentiment, qui va en"crescendo" ou "decrescendo". On pourrait comparer ce mode au Bolero deRavel ou à La Moldau de Smetana.La métrique en chaîne consiste à partir d'un quatrain de vers de nombre de syllabesminimum et de progresser le nombre de syllabes de quatrain à quatrain, jusqu'àl'alexandrin. On peut aussi commencer par l'alexandrin et régresser de quatrain àquatrain. Pour la progression ou régression métrique on peut adopter des vers ennombre pair et impair selon le schéma :

1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-11-12 ou 2-4-6-8-10-12 ou 1-3-5-7-9-11 et inversement.

Les rimes doivent être croisées. Il faut utiliser le même mode de rimes pour tousles quatrains c.à.d. ne pas mélanger de rimes féminines et masculines librement

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Exemple:Les corbeaux

1 7Noir Dans la plaine de l'oubliGris Se craquelle le terreauSoir Et la vase d'alcaliCris Moule de ternes vitraux2 8Vent froid Reste un paysage figéOuïr Au terme du sursis pénalD'effroi Et l'écran d'un ciel affligéSoupir Tombe sur l'empire hiémal3 9Un décor Alors viennent en grands tourbillonsSans attrait Sous forme de cercle noir, tracéSans essor Les épieurs de roides sillonsAux arrêts D'un ballet macabre au vent glacé4 10Triste réduit Au-dessus du terroir, tournant sans finDu temps pendu Dans un triste vol de noirâtre haillonAu grand ennui On entend les crieurs clamer la faimD'un ciel fendu Sur un maigre reste au fond d'un sillon5 11Squelettique bois Ils suivent les laboureurs, les bûcheronsDes vents égarés Cohorte de lourdauds, badauds sautilleurs0ù rode aux abois C'est la bruyante ripaille de poltronsLe loup effaré Qui troublent le calme de cris chamailleurs6 12C'est l'heure du regard Puis sur le linceul blanc d'un monde enseveliMorne, d'un œil béant Que crèvent çà et là, les Christ sur leur croixSur un monde hagard Au fond du morne temps, comme un faux hallaliDes grandeurs du néant Résonne leur appel : croa... croa... croa...

autre exemple : La charge fatale

2Un panTout noirAu ventD'un soir

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3TourbillonDe malheurBataillonGuerroyeur4Sombre convoiDans le lointainPour un tournoiDe malandrins5Tout est calme encorSur la fin du tempsL'ombre de la mortS'étend sur les champs6Tressaillement légerDe 1'air environnantAveugle messagerD'un massacre imminent7Une lointaine clameurRenforce son trémoloPuis se mêle la rumeurAu rythme sourd d'un galop8L'anxiété dans les environsAbrège le fatal répitDe pelotons de fanfaronsEperonnés par le dépit9La poussière voile 1'horizonLe soleil s'incline sur les lieuxPrélude de funeste oraisonArrêt d'un crépuscule de dieux10Dans la plaine débouche 1'escadronDes avant-coureurs d'hagards cavaliersSur l'espace animé s'étend le frontC'est l'instant du défi, point de quartier !11La charge fatale déploie ses coursiersUn déferlement de Hussards effrénésBrise les rangs aux fantassins effrayésEt c'est le choc, le combat, des corps sabrés12Sous les hennissements de chevaux talonnésRetentissent les cris de meneurs exhortantsEt percent les appels d'hommes désarçonnésDans un bruit infernal de boulets explosants

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11L'ardente vague de nouveaux cavaliersS'enfonce dans la brèche des rangs flottantsEt l'assourdissant dribble des écuyersHâte l'hantise aux mornes combattants10Comme une bande de loups affamésQui se multiplie au lieu de mourirSur l'ultime front de rangs reformésDe frais destriers vont accourir9Le déferlement du grand assautL'encerclement des derniers carrésDes meilleurs hommes, meilleurs goussautsAnnihile un sursaut d'effarés8La terreur au triple galopCrible le triste ramassisDes derniers acculés pâlotsFace à la mort qui les saisit7Le macabre va et vientFauche sans arrêt les corpsSous les voltes sans finS'étalent les malemorts6Dans la plaine d'enferVers l'horizon blafardLes chevaux du reversGalopent au hasard5Champs nauséabondsJonché de vaincusTous les moribondsDe l'espoir perdu4Sombre parcoursDe faux entrainC'est le retourDes malandrins3TourbillonDe malheurBataillonGuerroyeurs2ServantsDu tortSemantLa mort

(les chiffres indiquent le nombre de monèmes)

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=== LES POÈMES DE FORMES LIBRES ===

On peut considérer de forme libre tout poème dont la métrique et la rime ne sontplus soumises à un ordre régulier. L'unité de mesure n'est plus commune aux vers.La distribution des rimes peut changer d'un ensemble à un autre.Le seul avantage qu'offre la forme libre est une plus grande variété rythmique.Lorsque les vers sont courts, les rimes deviennent prédominantes. L'alternance devers longs et de vers courts, peut produire des harmonies remarquables. La reprisede vers au début ou à la fin d'un ensemble ou même à une place constante àl'intérieur de l'ensemble, contribue également à un caractère particulier au poème.Mais dans la poésie libre, on a intérêt à limiter le nombre de vers par ensemble etde garder une structure répétitive aux ensembles d'un poème, pour ne pas s'égarerdans la prose.Dans l'exemple qui suit, la métrique n'est pas constante aux ensembles, maisl'inversion dans la répétions et la kyrielle produisent un rythme entraînant aupoème :

Exemple :"FONTAINE D'AMOUR"

Vous avez les cheveux d'une fontaineet les yeux d'une bicheles yeux d'une biche

sous les cheveux d'une fontaineque j'aime

Vous avez le sourire d'une fontainedans le reflet de vos lèvres

le reflet de vos lèvresdans le sourire d'une fontaine

que j'aime

Vous avez la voix d'une fontainedans le chant de votre cœur

le chant de votre cœurdans la voix d'une fontaine

que j'aime

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Vous avez le regard d'une fontainedans le miroir de votre âme

le miroir de votre âmedans le regard d'une fontaine

que j'aime

Vous avez le charme d'une fontainedans un jardin d'amour

un jardin d'amoursous le charme d'une fontaine

que j'aime !

Dans l'exemple suivant, il y a bien une régularité dans la distribution des rimesselon le schéma : A-B-B-C-C-A. Mais la métrique est variable. Les rimes sonttoutes féminines. Il y a donc homogenre. Le dernier vers est une sorte de répliqueau premier. Les rimes plates à l'intérieur sont courtes et constituent des qualificatifsau premier vers. Le tout forme une suite rapide de rimes changeant de tonalité, cequi rend ce poème particulièrement chantant :Exemple :

"ODE A LA JEUNESSE"

O folle jeunessefol âgevolage

sans limitejeune élite

élan d'hardiesse

O folle jeunessed'audacede grâce

douce complicede l'heure exquise

qui porte à l'ivresse

O folle jeunessevivifiante

insouciantebelle aventurequi transfigure

tout en allégresse

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O folle jeunessecandideavide

que l'on envieappel à vie

vive charmeresse O folle jeunesse

O folle jeunessePassagedoux âgegarantiede survie

vivante promesse

O folle jeunessefol âgevolage

engageantepassionnante

divine sauvagesse

Douce folle jeunesse !

Dans l'exemple suivant, la suite des rimes est fantaisiste et la métrique relâchée,pourtant le sens nostalgique qui prédomine tout au long des vers, donne à ce poèmeun caractère harmonieux et attachant :Exemple :

"TAHITI"

Souvent je rêve moi ausside partir loin d'ici d'aller à Tahiti…

Mais je suis un naufragésous un horizon chargé

de langueur et de mélancoliemon radeau s'est échouédans la baie de la folie...

Je me nomme LarigaudieBougainville ou Gerbaùlt

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capitaine imaginairesur le pont de beaux vaisseaux

saluant les insulaires

Avec des regards Gauguinavec des phrases Loti

je découvre TahitiIa ora na ! enfin

le salut du paradis !

Dans les eaux bleues du Pacifiquecouronnée par le corail

Île reine au charme exotiquejoyau aux reflets d'émail

perle de l'Océanietrésor du rêveur éperdu

maîtresse de la Polynésie que mon songe ne quitte plus

=== LA POÉSIE DEGAGÉE OU LIBERÉE ===

Il s'agit en l'occurrence de prose. Ces dits poèmes sont composés de suites de verssans métrique et sans rimes ou quelques rimes occasionnelles. Il n'y a plus derecherche entre forme et contenu. La recherche se porte surtout sur le sens poétiqueinhérent à l'écriture. Le fait d'aligner des fragments de phrases à la mode de vers,donne une ressemblance de poème. Mais son contenu pourrait aussi bien s'écrire defaçon habituelle, c.à.d. en continu avec virgules et points. Il s'agit somme toute, defacilité de composition poétique, pour ne pas dire de paresse.

Exemple …"POESIE"

Poésie Poésieamante voilée

de l'heure intimeétrange visiteuse

au visage que l'on devineson visage de songerie

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broderie miraculeusefiltre à travers ses mailles

les images de l'attenteles regards de l'espoir

le souffle de la foiet les cris de l'humilité

Poésie Poésieâme sœur

de l'humaine solitudeesclave des sollicitudes

au bois des cœurs perdusécho purifié

de voix violées

Des lèvres ardenteste baisent le front

des doigts frémissantseffilochent ta trame

des yeux avideste déshabillent

les regards enfantéste rhabillent

et l'infini des mots t'emporte vers l'éternité...

Autre exemple :" CARTE POSTALE"

Enluminureépinglée sur 1'aile battante

d'une porte ouvertele merveilleux

quai des pas perdusl'évasion

d'une chambre closeoù erre ma vue

du retourd'un matin de mai

posé sur un souvenirentrouvert…

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…elle écopel'onde chaleureuse

dans les poches de 1'oublioù mes mains mortes

ne sentent plus rien !

L'exemple suivant démontre qu'en y introduisant deux rimes plates, et en selimitant à des quatrains, on redonne et le rythme et l'harmonie à un poème digne dece nom .

Exemple : "L'HIEMAL"

Comme la tempêtebrise les ramures

ta douleur brise mon cœur

le vent qui hurlequi cogne à ma portesoulève mes craintes

tes plaintes

dans la solitudetournent avec les heures

mes tourments cruels tes appels

au lit de l'absencela nuit vient recouvrir

mes regrets du soirtes espoirs

la peine qui nous accablen'a qu'un seul visage

ma détresseta tristesse

comme les neigescouvrent les froids monts

tes pleursrecouvrent mon cœur

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=== LE DADAÏSME ===

Il faut se référer au mouvement de libération du début du vingtième siècle, quis'enflamma dans le milieu artistique. C'était l'époque du modernisme et les poètesde cette époque se sont adonnés à des formes expérimentales anticonformistes, quidevaient se rapprocher du réel absolu. C'était enlever à la Poésie sa partd'extraordinaire et de rêve. Mais un poème dada convient au genre humoristique etle dadaïsme n'a jamais pu franchir ce stade. Dans l'exemple qui suit, l'image etl'action sont générées par la magie des mots :

Exemple :"DANS UNE GLACE"

dans la glaceJe m'aperçois

je me reconnaisje me mets à l'aise

je m'achaise !ne suis-je pas comme la porte

qui importe comporteemporte ou déporte ?

peu importe !au Louvrequi s'ouvreà Versailles qui bâille

sur le passé et le présent

le tempsqui me désheure

les heuresqui me leurrentdevant ce miroir

comme une fenêtreau bout d'un couloir

qui encadre mon anti-être ...

m'englacerais-jeou vais-je

comme le voirdans ce miroir ?

je m'emmiroite présentement

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avec le temps qui s'effaceet qui me glace

je m'englace galeriement

ah ! ce qu'elle magacecette galerie des glaces !

Dans l'exemple suivant, c'est le jeu de mots sur homonymes et synonymes qui prime

"BLABLA À LA DADA"

toi tu et ton tienavec un petit rien

tiens bien dans ta tenuequi te vaut une bonne tenuemais elle ne tient qu'à un fil

que tu retiens......pour qu'elle ne file

comme maille polyvinylequi ne vaille une file qui défile

le quatorze juilletà la Bastille

historiquement dépouilléetoi la fille qui suce la pastille

pastiche et postichetu te fichesde l'affichequi triche

comme ta fiche de payequi ne paye pas grand chose

une ou deux chosesqui font ta chosepuis chose faite

te voilà contrefaitebonne pour être refaite

ah t'es bien faiteavec ta parure défaite

avec ton petit rien toi tu et ton tien ...

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=== ACCESSOIRES DE L'ÉCRITURE POÉTIQUE ===

Point, virgule, double point, apostrophe, point d'exclamation, point d'interrogation,point de suspension, pointillés, guillemets…Tous ces accessoires servent normalement à régler le rythme, l'expression oul'intonation des mots et des phrases.Mais dans un poème, on peut se passer de la virgule, vu que la pause, la césure etl'hémistiche du vers la remplace. Il suffit de lire à haute voix un poème classique,pour s'en rendre compte. Pour les initiés, la virgule est superflue. Pour les non-initiés par contre, elle peut l'aider à la rythmique poétique.La virgule présente une licence lorsqu'elle est placée à l'endroit d'une élision(sauf en cas de confusion de locution).De toute façon, dans un vers de métrique inférieure à huit syllabes, il ne peut y avoirde virgule, hormis l'énumération.Le point est totalement exclu. Par contre, le point d'exclamation a toute sonimportance. De même, le point d'interrogation. Les pointillés sont employés pourlaisser un sens en suspension ou dans l'expectative.Les guillemets ont également leur place, surtout pour le titrage, le démarquage, unecitation ou dans le genre discours.Le trait d'union est déterminé par la grammaire et le vocabulaire.Il faut veiller à ne pas placer mal tous ces accessoires et entraîner des faiblesses quisont la caractéristique des quotidiens.

=== POÈME ET CHANSON ===

Une chanson peut être très poétique et un poème peut faire une très belle chanson.En ce qui concerne la poésie écrite et la poésie chantée, il faut tout de même faireune distinction. En effet, il existe une distinction dans l'écriture d'un poèmeclassique et l'écriture d'une chanson ou d'un chant.Pour la Poésie écrite, nous venons d'étudier tous les paramètres qui régissent cetArt. Pour la chanson ou le chant, le paramètre de base est la géométrie musicale,c.à.d. les sonorités, les rythmes, les variations, les reprises et les refrains.Si on se limite à la lecture des textes d'opéras ou d'opérettes, on arrive à uneaccumulation de licences, dépassant toutes les limites de tolérance de laversification classique.

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Si on se limite à la lecture des textes de chansons, on ne trouve souvent plus rien decommun avec un poème. Les rimes sont souvent issues de mots assonants ouhomophoniques sans respect des règles fondamentales de la versification.D'autre part, si on met un poème classique en musique, on arrive souvent à uneœuvre vocale monotone ou lassante.Un poète est généralement un mauvais parolier. D'ailleurs, la plupart de ses poèmespourraient difficilement être chantés. De même un parolier est généralement unmauvais poète. D'ailleurs, il a horreur des règles rigoureuses de la versification etce qu'il ajuste à sa musique, ressemble souvent à de la prose ordinaire ou vulgaire.Ce fait nous ramène à la distinction naturelle entre Poésie et chanson.Ce sont deux arts bien distincts qui doivent avoir leurs propres académies.L'Académie française n'a-t-elle pas commis d'impair, en attribuant son prix dePoésie à un chansonnier ? A partir de tels égarements, on pourrait aussi attribuer leprix de peinture à un poète !

Ci-dessous seront énumérés et définis les caractères des genres de versifications lesplus connus et usités, regroupés dans deux tableaux :

1) les poèmes de catégorie littéraire2) les poèmes de caractère mélodieux...

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1) LES POÈMES DE CATÉGORIE LITTÉRAIRE

ANAGRAMMEpoème dédicace dont les verscommencent successivement par leslettres de prénom et nom du destinataire

BUCOLIQUE

poème lyrique ayant trait aux mœursrurales

CYCLIQUE poème à plusieurs stances quicontiennent un élément commun

DIDACTIQUE poème instructif, révélateur

DITHYRAMBE poème excessivement élogieux ÉLOGUE poème pastoral, champêtre ÉLEGIE poème lyrique, mélancolique ou plaintif ÉPITHALANE poème nuptial ÉPIQUE poème lyrique relatif aux faits de la vie et

de l'environnement ÉPITRE dédicace en vers au début d'un ouvrage ÉPOPEE long poème lyrique, opposant le

merveilleux au réel FABLE narration en vers sur un sujet moral, à

travers le bestiaire IMPROMPTU petit poème composé à l'improviste IDYLLE petit poème lyrique sentimental MADRIGAL petit poème galant PASTORAL poème lyrique ayant trait aux mœurs

champêtres PINDARIQUE poème d'un lyrisme prétentieux PRIAPEE poème obscène SATIRE poème censurant les mœurs publiques TENSON dialogue d'opposition en vers TIRADE longue suite en vers sur un sujet principal

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2) TABLEAU DES POÈMES A CARACTÈRE MÉLODIQUE

ARIETTE petit poème chanté sur un air léger AUBADE petit poème sentimental chanté à l'aube ou

au crépuscule BARCAROLLE poème de type vénitien, chanté sur un trois temps

musical CANTADE versification religieuse ou profane pour soli,

chœur et orchestre CANTILÈNE complainte lyrique chantée CHANT poème adapté à la musique pour un ou plusieurs

chanteurs CHANSON poème ou prose adaptés à une mélodie CHANSONETTE petit poème léger adapté à une mélodie gaie CHORAL chant religieux pour chœur CANON versification religieuse pour chœur et orchestre

ou orgues COMPLAINTE poème populaire plaintif, accompagné par un

instrument EPITHALANE poème d'hyménée chanté aux cérémonies

nuptiales LITANIE prose religieuse, tantôt chantée, tantôt récitée MOTET poème religieux chanté à capella ÔDE poème lyrique élogieux, chanté et accompagné

d'un instrument de musique OPERA œuvre poétique dramatique, théâtral et

polyphonique OPERETTE œuvre légère, théâtrale et polyphonique ORATORIO versification pathétique religieuse adaptée à une

imposante orchestration PAN ou PAEAN hymne en l'honneur d'Apollon ou de sujet guerrierPSALMES PSAUME versets poétiques incantatoires religieux ROMANCE petit poème chanté sur un sujet de tendresse SÉRÉNADE petit poème de circonstance chanté et

accompagné d'un instrument de musique, guitareou mandoline

THRÈNE poème funèbre chanté et accompagné de danses VAUDEVILLE versification satirique populaire et théâtrale

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CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR CE QUI VIENTD'ÊTRE DIT

Comme la gamme au solfège est l'âme de toute musique, l'alphabet est l'âmede toute littérature. Le souffle de l'être humain et le rythme de son cœur sontles impulsions premières de toute expression, qu'il s'agisse de musique ou delittérature. La voix de l'être humain est le premier instrument de musique del'Univers et la parole de l'être humain est le premier message du Cosmos. Lapensée est le premier degré de la création de Dieu et le fil conducteur qui lerelie à l'être humain. La Poésie est donc la musique de Dieu. Heureux ceux,qui sont pénétrés de Poésie, ils s'approchent de Dieu ! Nous n'avons pas ledroit de trahir cette musique divine. C'est pourquoi, il est du devoir du poètede s'élever dans le langage poétique et non de s'abaisser dans ladéclassification!

INDEX

Sauvegarder et ennoblir 3L'art d'écrire un poème 5La nature des voyelles 8Les composés de deux voyelles autres que diphtongues 9Rôle particulier du "E"Rôle du "U"

910

La nature des mots 10Les diphtonguesTableau des diphtongues

1212

Rôle du "E" muet 14Les mots féminins 14La césure 15L'hiatus 17Les liaisons déroutantes 18Les locutions toutes faites 18L'enjambement 20Allitération ou sigmatisme 20L'inversion 21La rime 23Alternance des rimes 24Valeur de la rime masculine 25

91

Valeur de la rime féminine 26Rimes licencieuses 27Rimes plates, jumelles ou suivies 28Rimes enlacées, annexées, enchaînées 29Rimes fraternisées, batelées, couronnées 30Rime l'Equivoque , Sénée, rétrograde, brisée 31Rime Rétrograde, Kyrielle, brisée, l'hémistiche 32Les mouvements 33Les consonances masculines-féminines 33Consonances nasales 34Consonances claires, voilées 34Onsonances persistantes et déclamatoiresLes onomatopées

3535

Registre des voyelles sonoresVoyelles aigues

3636

Voyelles claires 36Voyelles imposantes 37Voyelles graves, sombres, étirées 38Voyelles étirées, consonnes d'appui 39Consonnes douces 39L'apostrophe 40Considérations générales 40Le pouvoir des mots 40Le rythme 41L'Alexandrin 43Le trimètre le décasyllabe 44L'octosyllabe, L'hexamètre 45Le tétramètre et le bisyllabe 46

Métrique impairel'héptamètre

4747

Le nanomètrel'endécasyllabe

4849

Le pentamètre, 49Alternance de vers impairs 49Le trimètre, 51La proportion d'un poème, le quatrain 51Le quintainle sizain

5152

L'heptavers 52

92

le huitain 53Le nonantain,le dizain

5354

Métrique variable 54Subdivision d'un poème 55Les changements d'envergure 55Considérations générales 56Poèmes à forme fixe 57La terza rima 57La Vilanelle 58Le Sonnet 59Le Rondel 60Le Rondo redoublé 61La Sixtine 62La Ballade 64Autres formes fixesla Schaltinienne

6667

Le Triolet 67Poèmes à formes fixes modernes 70Le Sonoctain la Triade

7070

Le trivers 71Formes étrangères, le Haï Kaï 71Le Tanka, 73Le Ghazel,le Pantoum

7373

Poèmes à métrique en chaîne 74Poèmes de formes libres 78Poésie dégagée ou libérée 81Le Dadaïsme 84Accessoires de l'écriture poétique 86Poèmes et chansons 86Poèmes de catégorie littéraire 88Poèmes de catégorie mélodique 89Considérations générales 90

93

DU MEME AUTEUR

1 Le calendrier rural de la cathédrale de Strasbourg : 19982 Le jubé disparu de la cathédrale de Strasbourg : 19983 Le pilier du jugement dernier de la cathédrale de Strasbourg : 19994 Le Strasbourg disparu : 20015 Les curieuses têtes de clefs de voûte de la cathédrale de Strasbourg : 19986 Les merveilles cachées de la cathédrale de Strasbouirg : 19977 Les ouvrages inachevés de la cathédrale de Strasbourg : 19908 Dix années d'économies autrichiennes : traduit par Forst Roger 19559 Les Voix Ardentes / recueil de poésie : 200110 Traité de Versification : 200111 Les curiosités de la cathédrale de Strasbourg : 200412 Essais de reconstitution de la cathédrale de Strasbourg à la mort de Erwin 1318 : 200413 Les saints et les démons de la cathédrale de Strasbourg 200414 Décor sacré, décor profane de la cathédrale de Strasbourg 200315 Rhapsodies flamandes / cycle poétique : 197216 Sprechle üs'em Henterkopf / épigrammes et poèmes dialectaux / 200417 Zehn märchenhafte Geschichten / contes rhénans / 200418 Strasbourg il était une fois / 2005 (grand ouvrage illustré)19 Historique de la première collection de phototypies de Strasbourg / 200020 « Forst Roger » Catalogue à la Bibliothèque Nationale Universitaire de

Strasbourg21 Roman "La Venus de Haydenec / 200622 Gedichtsband / 200523 Receuil de nouvelles fantastiques / 200224 Recueil "Petites histoires pour rire" 200725 "Le chant des chants d'amour" 2006

MEMBRE ACTIF...

Membre distingué de la Fondation du Mérite EuropéenMembre cofondateur du cercle Littéraire de la Commission EuropéenneMembre du Centre Européen Promotion Arts et LettresMembre de l'Association Rencontres EuropéennesMembre de la Sté des Auteurs d'Alsace-Lorraine et Territoire BelfortMembre de l'Association Auteurs Artisans Artistes d'AlsaceMembre de la Sté des Poètes de FranceMembre de l'Association Littéraire et Artistique "Flammes Vives"

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