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Laurent Pernot Les topoi de l'éloge chez Ménandros le Rhéteur In: Revue des Études Grecques, tome 99, fascicule 470-471, Janvier-juin 1986. pp. 33-53. Résumé Étude des deux traités de rhétorique consacrés aux éloges oratoires qui nous sont parvenus sous le nom de Ménandros le Rhéteur. La différence d'esprit entre les deux ouvrages et certaines divergences de détail conduisent à les attribuer à deux auteurs différents. Citer ce document / Cite this document : Pernot Laurent. Les topoi de l'éloge chez Ménandros le Rhéteur. In: Revue des Études Grecques, tome 99, fascicule 470-471, Janvier-juin 1986. pp. 33-53. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1986_num_99_470_1447

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Laurent Pernot

Les topoi de l'éloge chez Ménandros le RhéteurIn: Revue des Études Grecques, tome 99, fascicule 470-471, Janvier-juin 1986. pp. 33-53.

RésuméÉtude des deux traités de rhétorique consacrés aux éloges oratoires qui nous sont parvenus sous le nom de Ménandros leRhéteur. La différence d'esprit entre les deux ouvrages et certaines divergences de détail conduisent à les attribuer à deuxauteurs différents.

Citer ce document / Cite this document :

Pernot Laurent. Les topoi de l'éloge chez Ménandros le Rhéteur. In: Revue des Études Grecques, tome 99, fascicule 470-471,Janvier-juin 1986. pp. 33-53.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1986_num_99_470_1447

LES TOPOI DE L'ELOGE

CHEZ MÉNANDROS LE RHÉTEUR

Une dizaine de manuscrits* nous ont transmis, sous le nom de Ménandros le Rhéteur, deux traités de rhétorique consacrés aux discours épidictiques, c'est-à-dire aux éloges oratoires (1). Le premier traité, intitulé Διαίρεσες των επιδεικτικών, repose sur une division des objets de l'éloge : on peut louer un

dieu, une cité, un être vivant (homme ou animal) ou un objet inanimé. Suivant cette division, l'auteur étudie successivement les éloges de dieux, ou hymnes, et l'éloge d'une contrée et d'une cité; la fin de l'ouvrage, qui contenait les préceptes relatifs à l'éloge d'êtres vivants et d'objets inanimés, est perdue (2). Le second traité, intitulé, plus vaguement, Περί επιδεικτικών (3), ne classe pas les éloges selon leur objet, mais selon les sortes de discours : on a ainsi seize chapitres, consacrés respectivement au discours impérial, au discours d'arrivée, à la causerie, au προπεμπτικός en l'honneur d'un personnage qui part en voyage, à l'épithalame, et ainsi de suite.

Ces deux traités constituent notre meilleure source sur la théorie du genre épidictique à l'époque impériale. Malheureusement, leur authenticité et leur datation ne sont rien moins

(*) Le texte de cet article a fait l'objet d'une communication présentée à l'Association des études grecques le 4 mars 1985.

(1) D. A. Russell et N. G. Wilson, Menander Rhetor Edited with Translation and Commentary, Oxford, 1981 [cité : Russell- Wilson].

(2) Le texte s'interrompt avant la fin du chapitre sur l'éloge de cité, sans remplir les promesses de 332, 11-19, et 366, 11-13.

(3) Ce titre, dont l'édition Russell- Wilson n'indique pas l'origine, figure au moins dans le Parisinus gr. 1741 : cf. J. Soffel, Die Regeln Menanders fur die Leichenrede (Beitr. z. klass. Philol., 57), Meisenheim am Glan, 1974, p. 106. REG, XCIX, 1986/1, nos 470-471. 3

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qu'assurées. Nous connaissons Ménandros par la Souda : c'était un sophiste de Laodicée du Lycos, aux confins de la Carie et de la Phrygie, qui avait commenté Hermogène et Minucianus l'ancien (4) ; il vivait donc après le ne siècle de notre ère. De fait, un certain nombre d'allusions littéraires et historiques permettent de placer l'un et l'autre traité dans la seconde moitié du 111e siècle, vraisemblablement à l'époque de Dioclétien (5). Mais on a souvent douté que les deux ouvrages puissent être d'un même auteur, en raison de différences portant sur le vocabulaire, les références littéraires et les allusions géographiques. Si l'on admet deux auteurs, Ménandros aurait composé un des deux traités (mais lequel ?) ; un candidat possible pour l'autre serait le rhéteur Généthlios de Pétra, dont le nom apparaît à côté de celui de Ménandros, mais sous une forme corrompue, dans le titre même du premier traité (6).

En dépit de leurs différences, ces deux traités sont unis par une large convergence de vues : c'est précisément pourquoi ils ont pu être attribués à un même auteur. Ils s'accordent même sur l'essentiel, sur la nature de l'éloge. Pour nos deux auteurs, un έγκώμιον rhétorique est avant tout une structure, formée d'un ensemble de « points à examiner » qui sont solidaires les uns des autres et composent une liste exhaustive : l'éloge se ramène à une liste de « lieux » (τόποι) ou de « rubriques » (κεφάλαια) (7).

(4) Souda, s.n. Μένανδρος Λαοδικεύς (III, 361, 17-19 Adler). (5) Voir Russell-Wilson, p. xxxix-xl, et les mentions de Callinicos de Pétra

(milieu du me siècle) en II, 370.14, 386.30. (6) Sur la question de l'auteur, voir Russell- Wilson, p. xxxvi-xxxix, qui

dressent la liste, après Bursian et Nitsche, des différences ponctuelles entre les deux ouvrages et concluent à deux auteurs différents ; ils considèrent comme plausible l'attribution du premier traité à Généthlios, mais ne se prononcent pas sur l'auteur du second. Avec moins de vraisemblance, Soffel, Die Regeln Menan- ders, p. 100-104, attribue les deux traités à Ménandros. Les diverses opinions émises depuis le xvme siècle ont été rassemblées dans un tableau par Soffel, ibid., p. 104 ; on y ajoutera celle de M. Talamanca, Su alcuni passi di Menandro di Laodicea relativi agli effetti délia « Constitutio Anloniniana », dans Studi in onore di E. Volterra, V, Milan, 1971, p. 433-560 (l'auteur du premier traité est Ménandros, celui du second ne peut être identifié).

(7) [Voir page suivante].

L ELOGE CHEZ MENANDRE LE RHETEUR 35

Cette liste se présente sous la forme la plus détaillée dans le premier chapitre du second traité, consacré au βασιλικός λόγος. Si on laisse de côté l'exorde, la comparaison finale et la péroraison, qui ne sont pas des lieux encômiastiques, le corps du discours comprend les τόποι suivants (8) :

— Patrie (πατρίς) : c'est proprement la cité dans laquelle l'empereur est né; si l'on ne trouve rien d'élogieux à dire à son sujet, on remplace πατρίς par έθνος, le peuple auquel appartient l'empereur.

— Famille (γένος), incluant les ancêtres et les parents. Ce lieu très important n'est presque jamais omis.

— Naissance (γένεσις) : lieu plus rare, recouvrant les circonstances de la naissance, notamment les signes divins (songes de la mère, prodiges), ou plus simplement la liesse de la famille et des amis (9).

— Nature (φύσις) : dans le βασιλικός λόγος, il s'agit de la σώματος φύσις, en particulier de la beauté de l'empereur à sa naissance. Par convention, l'orateur encômiastique n'évoque la beauté qu'à propos d'un enfant ou d'un jeune homme; s'il loue un homme mûr, il parle, comme ici, de la beauté que celui-ci avait dans sa jeunesse (10). Le chapitre sur l'oraison funèbre ajoute un second aspect, ψυχής ευφυΐα (dons intellectuels et qualités morales), qui sera démontré par les trois lieux suivants (11).

(7) Εγκωμιαστικοί τόποι : Mén. II, 417.1-2, 420.10; cf. I, 365.18. Εγκωμιαστικά κεφάλαια : II, 419.12-13, 420.5.24 ; cf. I, 332. 31, 346.28, 347.1. Voir aussi II, 413.10 (τα εγκωμιαστικά) et 415.2 (τα τοΰ εγκωμίου). Τόπος désigne un des lieux de la liste en I, 353.5 ; II, 386.32, 420.28 ; de même κεφάλαιον en II, 384.4, 387.15, 419.24, etc. Les deux termes sont interchangeables : comparer en particulier I, 346.28, 347.1 et 353.5 ; II, 384.4 et 386.32, 420.5 et 10. Cf. infra, n. 41 et 62. — Le mot αφορμή a un sens voisin de τόπος, mais moins technique ; il désigne des « points de départ » de l'éloge, c'est-à-dire des sources d'arguments, et est souvent employé quand l'auteur veut souligner que ces sources sont abondantes : voir I, 334.4, 336.12, 347.20, 360.6 ; II, 403.21, 409.15, 413.8, 434.16, 435.8.

(8) II, 369-376. — Cette liste de τόποι, comme l'ensemble des aspects traités dans cet article, pourrait être confrontée aux indications fournies par nombre d'autres traités antiques : nous nous limitons ici à Ménandros.

(9) Cf. II, 419, 30-32. (10) Voir le chapitre sur le discours d'anniversaire, où le lieu de la φύσις,

omis dans une première liste, est réintroduit dans la liste prévue pour le cas où l'on fête l'anniversaire d'un tout jeune homme (II, 412, 29).

(11) II, 420, 13-16. Dans le βασιλικός, la παιδεία est effectivement présentée comme preuve de la « nature de l'âme » (II, 371, 24-26).

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— Petite enfance (ανατροφή), avec les qualités manifestées pendant cette période de la vie.

— Éducation (παιδεία), où se manifestent à nouveau les qualités, surtout intellectuelles.

— Manière d'être (επιτηδεύματα) : le second traité identifie les επιτηδεύματα au caractère (ήθος), tel qu'il apparaît dans la jeunesse, avant que l'individu ait accompli de grandes actions; justice, tempérance, φιλανθρωπία, douceur, sociabilité font partie des επιτηδεύματα (12). Le premier traité emploie le mot επιτηδεύσεις, auquel il prête le sens, un peu différent, de « mode de vie » ou « activité pratiquée » : sciences, arts, rhétorique ou athlétisme, par exemple (13).

— Actions (πράξεις) : c'est le plus important des lieux de l'éloge (14). Il englobe toutes les actions accomplies dans l'âge adulte, non point narrées dans l'ordre chronologique, mais réparties selon les vertus (άρεταί). Le lieu des actions se divise donc en quatre lieux secondaires, dérivés de la tétrade platonicienne des vertus cardinales : courage, justice, tempérance et prudence. L'ordre de ces lieux secondaires est libre (15), sauf précisément dans le cas de l'éloge d'un empereur, où l'on envisage successivement les vertus manifestées à la guerre (essentiellement le courage) et les vertus manifestées pendant la paix. Chaque action est rangée sous la vertu dont elle est la manifestation. Le lien entre actions et vertus explique que le τόπος des πράξεις soit parfois désigné par le mot άρεταί (16).

— Chance (τύχη) : les biens envoyés à l'homme par la Fortune comprennent enfants, amis, richesse et succès dans toutes ses entreprises.

On voit que cette liste n'est pas conçue uniquement pour l'éloge d'un empereur, mais pour l'éloge de tout homme. Aussi

(12) Outre ce passage du chapitre sur le βασιλικός (II, 372, 2-13), voir II, 384.19-21, 420.21-24.

(13) 1,359, 16-361, 10. Le premier traité emploie une fois le mot επιτηδεύματα (I, 332, 21), apparemment dans le même sens d'« activités », non pas pour désigner ce τόπος, mais à propos d'auteurs qui ont composé des επιτηδευμάτων και τεχνών εγκώμια.

(14) II, 420, 24-25. (15) II, 380, 7-9. (16) II, 380.13, 422.20, 426.18.

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les deux traités la font-ils intervenir, avec peu de variantes, dès qu'il s'agit de louer un être humain (17).

Ces lieux doivent être comparés avec ceux qui servent à louer une cité ou un dieu. Pour l'éloge d'une cité, le premier traité recommande la division suivante (18) :

— Situation (θέσις) et site (τοπική θέσις ou τόπου φύσις, c'est-à-dire nature du lieu où la cité est construite).

— Origine (γένος), comprenant le fondateur, le peuplement et les circonstances de la fondation.

— Activités (επιτηδεύσεις). — Actions (πράξεις), subdivisées en quatre vertus.

Quoique moins détaillée, cette liste est parallèle à la précédente; le seul τόπος nouveau est celui de la situation et du site, dont l'utilité est aisément compréhensible (19). Encore ce τόπος correspond-il partiellement à celui de la φύσις d'un homme : il est en partie désigné par le même mot de φύσις, il peut être placé après le γένος (20), et il est souvent accompagné d'une description de la beauté de la cité, parallèle à la description de la σώματος φύσις chez un individu (21).

Le Σμινθιακός, auquel est consacré le dernier chapitre du second traité, est un discours en l'honneur d'Apollon Smin- theus, destiné à être prononcé, à l'occasion d'une cérémonie, dans la ville d'Alexandrie de Troade. L'essentiel du discours

(17) I, 346, 30-31 ; II, passim, en particulier 419, 11-420, 31. La liste est répétée sous la forme d'une simple enumeration en II, 413, 10-11 : étant donné le caractère didactique du texte, il n'est pas nécessaire de voir là, avec Russell- Wilson, une glose insérée ; le rappel n'est d'ailleurs pas inutile dans un passage où l'auteur prescrit d'utiliser tous les τόποι, mais dans un ordre différent de l'ordre traditionnel.

(18) I, 346-365. Liste analogue en II, 382-387. (19) Γένος correspondant ici à πατρίς, γένος et γένεσις chez un individu,

les τόποι omis dans cette liste sont ανατροφή, παιδεία et τύχη. Mais ανατροφή est mentionnée en II, 384, 14-18 (exemple des Athéniens nourris par Déméter). Dans le premier traité, certains aspects de l'éducation (incluant à la fois ανατροφή et παιδεία) sont rangés dans les επιτηδεύσεις : cf. Russell-Wilson, p. 260 ; c'est que la notion α'έπιτηδεύσεις dans le premier traité est très large, et inclut des éléments que le second range dans la παιδεία (comparer I, 360.24, 361.1, et II, 371.29). Enfin τύχη, en tant que τόπος autonome, est souvent omise aussi dans l'éloge d'un homme (elle n'est mentionnée que dans les listes complètes, en II, 376.25-31, 420.27-31, et, incidemment, en II, 391.27).

(20) Cf. II, 383, 9-11. (21) I, 352.8; II, 383.10-18, 426.20-21, 431.2-5.

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est un éloge d'Apollon, dans lequel réapparaît la structure de base (22) :

— Hymne (ΰμνος) : l'emploi du mot ΰμνος est inhabituel, car ce terme désigne en général l'éloge tout entier du dieu. Il s'entend ici d'une invocation qui recouvre une interrogation « philosophique » sur la nature (φύσις) d'Apollon : faut-il l'appeler Hélios, Νους, ou démiurge de l'Univers?

— Origine (γένος), comprenant les parents du dieu et les circonstances de la naissance.

— Actions (πράξεις), que l'auteur appelle également δυνάμεις et άρεταί (23). Elles ne sont pas distribuées suivant les quatre vertus humaines, mais suivant les quatre inventions du dieu : tir à l'arc, mantique, musique et médecine (24).

La juxtaposition de ces trois listes fait ainsi apparaître leur parallélisme, même si le lieu de la φύσις change de sens suivant qu'il est appliqué à un homme, à une cité ou à un dieu. L'auteur du premier traité indique expressément que tous les éloges reposent sur les mêmes κεφάλαια, et précise qu'on loue une cité en utilisant les rubriques valables pour l'éloge d'un homme (25). De même, les άρεταί du dieu ne sont pas des « miracles », mais recouvrent la puissance manifestée par les actions; le τόπος des άρεταί est ici la transposition analogique d'un concept valable pour l'homme (26). C'est

(22) II, 438.10-440.15, 440.32-443.32. (23) Cf. II, 440.25, 441.3 (δυνάμεις) ; 441.6, 443.13-15 (άρεταί) ; 442.24

(πράξεις), et aussi 443.29 (τέχνη). (24) Au lieu de donner une liste de τόποι pour l'éloge d'un dieu, le premier

traité étudie successivement huit sortes d'hymnes. Mais l'auteur observe lui- même que ces huit sortes, autonomes en poésie, ne sont que les éléments d'un hymne en prose complet (I, 343.27-344.1). De fait, leur réunion forme un schéma parallèle à celui du Σμινθιακός : exorde consistant dans une invocation (hymnes κλητικός et αποπεμπτικός) ; nature du dieu (φυσικός) ; naissance (γενεαλογικός) ; actions (μυθικός) ; péroraison consistant dans une prière (άπευκτικός et προσευκτικός). Si la naissance et les actions sont fictives, au lieu de reposer sur la mythologie, ce passage de l'hymne est πεπλασμένος. Dans le Σμινθιακός, l'invocation initiale est fondue avec la nature, parce que le discours comporte déjà un exorde.

(25) I, 332.31 et 346.27-31 ; cf. II, 382.10 (les lieux de Γέπιβατήριος s'appliquent aussi à une cité) et 429.28-430.7 (éloge en parallèle de la cité et du gouverneur).

(26) Cf. E. Norden, Agnostos Theos, Leipzig-Berlin, 1913, p. 165, n. 2 ; V. Longo, Aretalogie nel mondo greco, I (Pubbl. 1st. filol. class. Univ. Genova, 29), Gênes, 1969, p. 47. Le dieu est également conçu sur le modèle de l'homme dans les

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donc la topique de l'éloge d'homme qui est première, au moins du point de vue logique, et qui sert de modèle pour les autres éloges. La topique de l'éloge est anthropomorphique.

Fondamentalement, l'éloge a donc une seule structure. Cette structure n'est pas une invention de Ménandros : elle a au contraire une très longue histoire, qu'il suffît d'évoquer brièvement ici (27). Si on se limite aux précédents rhétoriques, il est aisé de voir que les τόποι de l'éloge d'homme forment déjà la structure de YÉvagoras d'Isocrate; on les trouve utilisés également dans les oraisons funèbres athéniennes de l'époque classique. Platon a pastiché ce schéma dans le Ménexène, et, pour l'éloge d'un dieu, dans le discours qu'il prête à Agathon dans le Banquet (28). Dès la fin du ive siècle, les τόποι, ont été exposés de manière normative dans la Rhétorique à Alexandre d'Anaximène de Lampsaque (29). Une fois constituée, la structure de l'éloge n'a jamais été oubliée : elle est passée chez les Romains, par exemple chez Cicéron et Quintilien (30), et on la retrouve chez tous les orateurs et les rhéteurs grecs de la Seconde Sophistique. Cette structure traditionnelle était en outre matière d'enseignement dans les classes de rhétorique, qui formaient la filière-reine de l'enseignement supérieur (31). L/έγκώμιον faisait partie des προγυ- μνάσματα, exercices de composition littéraire proposés aux étudiants de l'époque hellénistique et de l'époque romaine; or, tous les manuels de progymnasmata que nous avons conservés prescrivent d'utiliser la liste de τόποι reprise par Ménandros (32). A ce titre, la structure de l'éloge peut être considérée

hymnes poétiques : voir K. Keyssner, Gottesvorstellung und Lebensauffassung im griechischen Hymnus (Wiizburger Stud, zur Altertumsw., 2), Stuttgart, 1932, p. 127-135 et 166-169.

(27) Voir notamment T. C. Burgess, Epideictic Literature, dans University of Chicago Studies in Classical Philology, 3, 1902, p. 87-263 (p. 119-127 sur les τόποι) ; H. Lausberg, Handbuch der literarischen Rhetorik, 2e éd., Munich, 1973, § 239-254 ; J. Martin, Antike Rhetorik (Handb. der Altertumsw. II, 3), Munich, 1974, p. 177-210 ; Russell-Wilson, p. xi-xxxiv.

(28) 194e-197 e. (29) Chap. 35. (30) Cic, De or. II, 342-348 ; Part. 70-82 ; Quint. Ill, 7. (31) Cf. H. -I. Marrou, Histoire de V éducation dans l'antiquité, nouv. éd.,

Paris, 1965, p. 292-307, 411-414. (32) Théon, 109-112 Spengel ; Hermogène, 14-18 Rabe ; Aphthonios, 21-22

Rabe ; Nicolaos, 47-58 Felten.

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comme un cadre de pensée, un « outillage mental » (33) inculqué par le système éducatif.

Les τόποι, en effet, sont des outils, qui permettent à l'orateur de trouver les idées : ils ont une fonction heuristique (34).

Au début de sa Rhétorique, Aristote observe que la rhétorique est essentiellement différente des arts et des sciences (la dialectique mise à part). Tandis que la médecine, la géométrie, l'arithmétique, par exemple, ont chacune un sujet (ύποκείμενον) propre, il n'existe pas une classe d'objets déterminée à laquelle s'appliqueraient les règles et les procédés de la rhétorique. L'orateur se trouve confronté à des « données » (περί του δοθέντος) dans chaque cas différentes (35). Cette diversité des données est sensible à l'intérieur même du genre de l'éloge : chaque homme, chaque cité, chaque dieu est un cas d'espèce. Confronté à l'inépuisable complexité du réel, l'orateur risque de ne pas trouver les arguments persuasifs, de ne savoir que dire.

Les traités sur l'« invention » (εΰρεσις) sont là pour prévenir une telle aporie. Mais ils ne peuvent évidemment pas envisager tous les cas : l'auteur de notre premier traité reconnaît ainsi qu'il est impossible d'énumérer les traits propres à chaque île ou à chaque cité, car la tâche serait infinie (36). Les théoriciens de l'invention ont donc suivi une autre voie, et se sont efforcés de ramener toutes les « données » possibles à un petit nombre de rubriques, qui contiennent en puissance la multiplicité des faits. Ainsi s'explique l'emploi métaphorique du mot τόπος : la réalité est conçue comme un espace, dans lequel la théorie rhétorique découpe des secteurs en vue de leur exploitation oratoire. Ces secteurs sont les τόποι,

(33) J'emprunte l'expression à Lucien Febvre, cité par J. Le Goff, Les mentalités, dans J. Le GofT et P. Nora (éds.), Faire de l'histoire, III, Paris, 1974, p. 87.

(34) Certaines des considérations qui suivent sur la fonction heuristique des τόποι ont été développées, à propos de lieux autres que ceux de l'éloge, dans L. Pernot, Lieu et lieu commun dans la rhétorique antique (article à paraître prochainement dans le Bulletin de l'Association Guillaume Budé).

(35) Arstt., Bhét. I, 1355 b 25-34 ; cf. E. M. Cope, An Introduction to Aristotle's Bhetoric, Londres-Cambridge, 1867, p. 149-150, et W. M. A. Grimaldi, Aristotle, Bhetoric I, A Commentary, New York, 1980, p. 37.

(36) Mén. I, 348.27-30, 350.27-28.

l'éloge chez ménandke le rhéteuk 41·

domaines de la réalité ayant vocation à devenir objets de discours, champs ouverts à l'orateur.

Dans le cas des τόποι de l'éloge, la réalité analysée ou divisée par la théorie rhétorique n'est autre que l'être humain. Par-delà la diversité des cas d'espèce, tout άνθρωπος se ramène à un certain nombre de rubriques. Un regard sur la liste suffît pour reconnaître dans ces rubriques les étapes successives de la vie d'un homme : naissance, jeunesse, puis actions de l'âge adulte; dans le cas de l'oraison funèbre, certains auteurs ajoutent deux lieux supplémentaires, les circonstances de la mort et les honneurs posthumes rendus au défunt (37). La structure de l'éloge est donc biographique (38). Mais les actions, qui forment le cœur de l'éloge, ne suivent pas l'ordre biographique : elles sont réparties suivant les vertus. Il ne s'agit pas tant de décrire les actions réelles que de montrer leur conformité à un idéal moral. Et, de fait, une lecture éthique de la liste est également possible; on reconnaît alors la tripartition traditionnelle des biens extérieurs (patrie, famille, naissance et chance), des biens du corps (σώματος φύσις) et des biens de l'âme (qualités manifestées dans l'enfance et dans la jeunesse, et surtout vertus). La liste de τόποι donnée par Ménandros apparaît ainsi comme une formule d'équilibre entre deux principes d'analyse de la réalité, le principe biographique et le principe éthique. Ces deux principes sont à l'œuvre dans tous les traités rhétoriques consacrés à l'éloge, mais le compromis est particulièrement équilibré chez Ménandros (39). La structure de Γέγκώμιον, si banale et si sco-

(37) Voir par exemple Quint. III, 7, 17-18 ; Hermog. 16, 18-17, 2. (38) Cf. l'emploi révélateur de βίος par Mén. II, 421, 9-10. Sur éloge et

biographie, voir en particulier F. Leo, Die griechisch-rômische Biographie, Leipzig, 1901, notamment p. 88-94, 187-188, 207-215, 224-229.

(39) La correspondance entre les τόποι de l'éloge et les trois catégories de biens, implicite chez Ménandros, est clairement indiquée, par exemple, chez Anaximène, Rhèt. Alex. 35, 3-4 Fuhrmann ; Quint. III, 7, 12-15 ; Théon, 109,28- 1 10, 10. Elle soulève un problème moral qui a souvent embarrassé les rhétoriciens (mais que Ménandros ne se pose pas) : dans quelle mesure ou de quelle manière est-il légitime de louer les biens extérieurs et les biens du corps ? — La tension entre éthique et biographie est sensible notamment dans la Rhétorique à Hèrennius, III, 10-15 ; de même, Théon commence par classer les τόποι selon la tripartition des biens (109, 28 sqq.), puis indique la manière de les utiliser en suivant l'ordre traditionnel (111, 11 sqq.). Nicolaos, 49, 23 sqq., oppose expressément la division de l'éloge suivant les trois catégories de biens et ή κρατούσα διαίρεσις, qui suit l'ordre biographique (sauf pour les actions, rangées sous les

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laire à certains égards, n'en repose pas moins sur une analyse anthropologique, qui concilie éthique et biographie.

Le découpage de la réalité ne s'arrête pas aux τόποι. Pour cerner de plus près les données, la théorie rhétorique divise à leur tour les τόποι en lieux secondaires. Nul n'a poussé plus loin le goût des subdivisions que l'auteur de notre premier traité, à qui il ne faut pas moins d'une page pour énumérer les différents points de vue sous lesquels on peut considérer l'acropole d'une cité (40). Les deux auteurs appellent ces subdivisions τόποι ou κεφάλαια, exactement comme les divisions primaires (41) : les unes et les autres, si elles ne se situent pas au même niveau, ont la même fonction.

Une fois que les τόποι ont été déterminés par le théoricien, ou par des générations de théoriciens, il incombe à l'orateur de les utiliser. Chez Ménandros, cette utilisation se ramène à deux notions étroitement liées, la notion d'examen, plus fréquente dans le premier traité, et celle de recherche, plus fréquente dans le second (42). L'orateur examine son sujet en fonction des τόποι; cet examen, ou cette recherche, lui fournit des idées (εννοιαι, νοήματα), qu'il lui faudra ensuite prouver par des arguments (έπιχειρεΐν). Soit un orateur qui veut louer une cité. La liste des τόποι lui suggère d'examiner cette cité en fonction des vertus, notamment de la piété (φιλοθεότης, qui fait partie delà justice). Les subdivisions vont permettre de préciser la recherche : comment cette piété se manifeste-t-elle du point de vue privé et du point de vue public? Dans chacune des deux catégories, de nouvelles distinctions guident encore l'examen : « du point de vue privé, il faut chercher si chaque citoyen prend soin du culte des dieux; du point de vue public, si les habitants de la cité ont

vertus) ; cf. Quint. III, 7, 15. Voir B. Schouler, La tradition hellénique chez Libanios, Lille-Paris, 1984, p. 111, sur l'hésitation entre «plan chronologique » et \ plan idéologique » de l'éloge dans les traités consacrés aux progymnasmata.

(40) Mén. I, 352, 10-353, 3. (41) Τόπος : I, 345.1, 355.13, 357.12, 359.7 ; κεφάλαιον : Π, 442.24, 444.1.

Le premier auteur emploie aussi στοιχεΐον en 348.17.18, 349.3 (cf. 348.29, 353.21), et κανών en 344.29. Στοιχεΐον est. employé comme synonyme de τόπος depuis Aristote (cf. Rhét. II, 1396 b 20-21, 1403 a 16-17) ; l'équivalence entre κανών et τόπος est démontrée par le rapprochement de Mén. I, 344, 28-29 et 344, 31-345, 1.

(42) Les termes δοκιμάζειν, έξετάζειν, θεωρεΐν, ζητεΐν reviennent fréquemment ; voir en particulier I, 344.17-25, 349.14-30, 353.8-11, 361.10-12, 363.23-26 ; II, 369.18-20, 379.10, 389.4-9, 403.12-15.

L'ÉLOGE CHEZ MÉNANDRE LE RHÉTEUR 43

institué des rites d'initiation, s'ils ont établi de nombreuses fêtes, ou des sacrifices extrêmement nombreux ou scrupuleux, s'ils ont construit des temples très nombreux, soit consacrés à tous les dieux, soit nombreux pour chaque dieu, enfin s'ils s'acquittent scrupuleusement des sacerdoces. Car c'est à partir de là qu'on examine l'amour que les cités portent aux dieux » (43).

Les τόποι ne sont donc pas ici des idées toutes prêtes, encore moins des arguments. Ils forment, avec leurs subdivisions, des listes de questions, des répertoires qui permettent à l'orateur d'explorer méthodiquement son sujet. Ce fonctionnement de Γεύρεσις est riche d'enseignements sur le processus mental de la création oratoire; ou plutôt, il montre que la création, au sens plein du terme, n'a pas de place dans la théorie rhétorique de l'invention. L'orateur ne crée pas (ce serait le mythe poétique de l'inspiration), «il promène son sujet le long d'une grille de formes vides; du contact du sujet et de chaque case (chaque lieu) de la grille, surgit une idée possible » (44). L'invention n'est rien d'autre que ce surgisse- ment méthodiquement provoqué.

Cependant, même si le pouvoir heuristique des τόποι est immense, à en croire les théoriciens (45), il ne s'applique qu'à une phase de la préparation du discours. Une fois les idées découvertes, l'orateur doit encore trouver les arguments propres à prouver ou à amplifier chacune de ces idées. Il en a alors terminé avec l'invention; mais il n'est pas au bout de ses peines. Il lui faut disposer ces arguments (τάξις) et les mettre en forme stylistique (λέξις), avant d'aborder les deux dernières étapes, la mémorisation du discours (μνήμη) et sa prononciation (ύπόκρισις), que les textes théoriques envisagent rarement.

Les deux traités de Ménandros ne s'occupent pas, en principe, des étapes postérieures à l'invention des idées. Ils distinguent lieux et « arguments » (επιχειρήματα), et le premier auteur précise que son traité porte seulement sur les τόποι généraux à partir desquels il est possible de louer, les règles de construction des επιχειρήματα n'étant point de son

(43) I, 362, 22-29. (44) R. Barthes, L'ancienne rhétorique, dans Communications, 16, 1970, p. 207. (45) C'est le thème do Γεύπορία procurée par les τόποι : cf. Mén. 11,379.10-13,

409.14-18, 416.28-32.

44 LAURENT PERNOT

ressort (46). Pour la disposition, le premier auteur renvoie le lecteur à un traité de son cru sur la question (traité qui est perdu, s'il a jamais été écrit), et le second se contente de rares conseils sur des points de détail (47). Pour le style, les indications fournies par les deux auteurs sont plus nombreuses, mais restent purement pratiques et supposent connues la théorie des ίδέαι et la théorie des figures (48). Essayons de nous mettre à la place d'un utilisateur des traités de Ménan- dros, par exemple d'un étudiant qui, après quelques années d'études à Athènes, quitte cette cité pour rentrer dans sa patrie (49). Le rituel de l'école veut qu'il prononce un discours d'adieu (συντακτικός λόγος) en présence de ses camarades et de son professeur. Il sait qu'il doit louer la cité qu'il quitte et celle où il se rend : il va donc se reporter à un traité sur l'éloge semblable à ceux de Ménandros. Quel embarras si ce traité, déjà long, ne le guide que dans une partie de Υεύρεσις !

C'est ici qu'intervient une différence majeure entre les deux traités. Tandis que le premier auteur s'en tient à la conception pure du τόπος, qui fournit, on l'a vu, des cadres valables pour tout discours laudatif, le second ne se contente pas de diviser dans l'abstrait la matière épidictique, mais prend aussi en considération le discours réel qu'il faudra

(46) I, 365, 15-18. A l'examen conduit au moyen des τόποι (ou de leurs subdivisions) succède la phase de démonstration ou d'amplification par des arguments : cf. I, 344.17-19, 359.10-11 ; II, 383.27, 387.15-17.28, 429.8-10. Des mentions incidentes, surtout dans le second traité, montrent que les épichérèmes seront eux-mêmes confectionnés à partir de τόποι (non encômiastiques) : ό άπο κρίσεως ενδόξου, lieu « tiré d'un jugement illustre », qui débouche sur un argument d'autorité (Mén. I, 365, 15; cf. Russell-Wilson, adloc, et Apsinès, 290, 12-16 Spengel-Hammer) ; lieu άπο της έκβάσεως, « tiré de la conséquence » (II, 411, 14 ; cf. Minucianus, 347, 18-26 Spengel-Hammer, etc.) ; τόπος άπο της τοΰ εναντίου αυξήσεως, «lieu tiré de l'amplification du contraire » (II, 423, 15-19, cf. 416, 13-14 ; voir Russell-Wilson ad 423, 16, Théon, 108.15-16, 122.9-13, etc.). D'autres points de départ d'épichérèmes, tirés généralement des personnes ou des moments, sont évoqués par Mén. II, 403.14-15, 406.30-31, 410.31, 413.16, 436.4. L'emploi de έπιχείρησις en I, 359, 12 est différent : il s'agit du traitement d'un τόπος primaire au moyen de subdivisions (cf. I, 347, 1-2).

(47) I, 365.8-9; II, 372.27-31, 380.7-9, 424.19, 444.27-31. (48) Voir notamment I, 335.20-23, 339.11-32 (le premier traité, tel qu'il

nous a été conservé, ne donne d'indications sur le style que pour les hymnes) ; II, 389.29-390.4, 399.16-400.28, 411.21-412.2.

(49) Ce cas est envisagé par Mén. II, 430-434 ; voir en particulier 431.19-20, 432.14-16 (retour dans la patrie); 431.10-13 (allusion à Athènes) ; 431.13-15 (mention des camarades).

l'éloge chez ménandre le rhéteur 45

composer, et adapte son traitement des τόποι à cette perspective pratique. Le souci de prévoir le discours concret amène dans le second traité diverses modifications de la fonction assignée aux τόποι.

La première de ces modifications est liée au problème de la disposition. Suivant la conception aristotélicienne, les τόποι forment des listes de questions; l'ordre de la liste (si elle en a un) correspond à un classement méthodique, qui ne préjuge nullement Tordre dans lequel ces lieux seront utilisés dans les discours. Cette conception a généralement prévalu dans les traités consacrés au genre délibératif et au genre judiciaire; par exemple les lieux fondamentaux des discours délibératifs (justice, utilité, possibilité, beauté morale) sont les points à examiner : l'orateur n'est nullement censé les traiter l'un après l'autre dans une argumentation en quatre parties (50). Il en irait de même pour l'éloge si la topique était une simple enumeration des biens, des vertus, des actes louables — ce qu'elle est encore, précisément, chez Aristote (51). Mais la liste traditionnelle des lieux de l'éloge ne correspond pas seulement à un classement éthique : elle possède une logique intrinsèque, qui est la logique biographique. C'est donc une liste orientée, et, à ce titre, elle dicte le plan du discours. Aussi bien, dans la pratique oratoire, les τόποι encômiastiques sont toujours utilisés (sauf modification intentionnelle) dans l'ordre même de la liste.

Nos deux auteurs étaient naturellement conscients de cette particularité des lieux de l'éloge : leur divergence sur la question du plan n'en est que plus significative. En effet, le premier s'abstient soigneusement de dire ou de suggérer que l'ordre dans lequel il énonce les τόποι puisse être autre chose qu'un classement purement méthodique : il traite de Γευρεσις, la

(50) Ces quatre lieux sont les τελικά κεφάλαια : voir par exemple Martin, Antike Hhetorik, p. 169-174.

(51) Arstt., Rhét. I, 9. Sur la différence qui sépare, à cet égard, les lieux de l'éloge et les autres listes de lieux, voir J. Bompaire, Lucien écrivain (B.E.F.A.R., 190), Paris, 1958, p. 269-271. Dans les progymnasmata aussi, la liste des τόποι peut constituer un plan : cf. par exemple Théon à propos de la θέσις (avec l'explication significative de 125, 21-27).

46 LAURENT PERNOT

τάξις est simplement absente de ses préoccupations. Le second auteur, au contraire, fait constamment référence au plan du discours, en usant de formules comme « ensuite, après la famille, tu parleras de ce qui a trait à la naissance du défunt », ou « tu diviseras la nature en deux, la beauté physique, dont tu parleras en premier lieu, et les dons naturels de l'âme, que tu démontreras au moyen des trois rubriques suivantes » (52). Il y a une « succession » (ακολουθία) des τόποι, et les listes de lieux sont autant de plans-types (53).

Ce souci pratique du plan entraîne un changement de sens des notions fondamentales de la méthode topique. Dans le premier traité, διαιρεΐν et διαίρεσις désignent l'opération par laquelle la théorie rhétorique divise la réalité en différents aspects qui seront les rubriques, les τόποι (54). Le second auteur, en revanche, applique ces mots au discours lui-même : il ne s'agit plus de diviser l'homme ou la justice, mais le γενεθλιακός ou le κλητικός λόγος, et le mot διαίρεσις signifie « plan » du discours, sens qu'il n'a jamais dans le premier traité (55). Or la notion de διαίρεσις a souvent été invoquée à l'appui de démonstrations sur l'auteur, ou les auteurs, des deux traités. Ménandros de Laodicée avait en effet composé un commentaire de Démosthène dont des traces subsistent dans les scholies de l'orateur et dans les scholies d'Hermogène; d'après ces traces, il semble que Ménandros se soit beaucoup intéressé à la διαίρεσις (56). Gomme la διαίρεσις est constante dans notre premier traité, auquel elle donne même son titre, G. Bursian a conclu que ce traité était l'œuvre du commentateur de Démosthène, et, par conséquent, de Ménandros de Laodi-

(52) Mén. II, 419, 24-25 et 420, 12-15. (53) Voir II, 413, 12 (την άκολουθίαν των εγκωμίων) et 428, 9-10 (τήν

άκολουθίαν των κεφαλαίων), ainsi que les nombreux emplois de είτα, έξης, μετά τοΰτο, etc.

(54) Voir par exemple I, 332.6, 349.26, 359.21-22, 361.13, 363.24. La division d'un τόπος en τόποι secondaires est un cas particulier de l'analyse de la réalité (353.6, 357.13-14, etc.).

(55) Διαιρεΐν : II, 396.1, 412.4, 415.5, 428.10, etc.; διαίρεσις : 387.5, 388.15, 397.12, 409.22.26. Même quand l'auteur parle de « diviser les actions », il ne s'agit pas de l'analyse abstraite faite par le théoricien, mais de la répartition et de la disposition des différents développements effectuées par l'orateur dans le cadre de son discours : cf. II, 372.26, 415.7, 441.7-8, etc.

(56) Les passages ont été rassemblés par C. Bursian, Der Rhetor Ménandros und seine Schriften, dans Abhandlungen der philos. -philol. Classe der konigl. Bayer. Akad. der Wissenschaften, 16, 1882, fasc. 3, p. 16.

L ELOGE CHEZ MENANDRE LE RHETEUR 47

cée (57). W. Nitsche a objecté que la διαίρεσις n'est pas moins fréquente dans le second traité; l'argument serait donc sans valeur (58). L. Radermacher l'a repris dans un sens différent : puisque la διαίρεσις intervient dans les deux traités, ils seraient du même auteur (59). Mais toute cette discussion néglige le sens même de la διαίρεσις (60) : dans les scholies de Démosthène, il s'agit toujours de la division du discours, c'est-à-dire du plan, comme dans le second traité. Cette convergence offre peut-être un argument en faveur de l'attribution du second traité à Ménandros de Laodicée (61).

La notion de division changeant de sens, c'est la notion de lieu elle-même qui revêt une signification différente. Lorsque la division porte sur le discours et non plus sur les objets possibles de l'éloge, les τόποι, ou κεφάλαια qui sont les fruits de la division ne constituent plus des points de vue guidant l'examen du sujet, mais des chapitres du discours. Ce sens de « chapitre », absent du premier traité, coexiste avec le sens « heuristique » dans le second. Lorsque le chapitre est consacré à un des lieux de la liste traditionnelle, la différence entre les deux sens n'est qu'une question de point de vue : le « lieu » de la famille, par exemple, peut être considéré soit comme source d'invention, soit comme partie du discours. Mais le sens de « chapitre » est indiscutable lorsqu'on trouve les mots τόπος ou κεφάλαιον appliqués à un développement qui n'est pas un lieu, qu'il s'agisse d'une consolation, par exemple, ou de ce τόπος άπό του τα περί τον θάλαμον και παστάδας και θεούς

(57) Bursian, ibid., p. 15, suivi par Talamanca, Su alcuni passi di Menandro, p. 476.

(58) W. Nitsche, Der Rhetor Ménandros und die Scholien zu Demosthenes (Wiss. Beilagc zum Programm des Leibniz-Gymnasiums zu Berlin, Ostern 1883), Berlin, 1883, p. 9.

(59) L. Radermacher, Ménandros 16, dans RE, 15, 1931, col. 763, suivi par Soffel, Die Regeln Menanders, p. 94-95 et 99.

(60) F. Blass avait cependant observé que διαίρεσις n'a pas le même sens dans les deux traités (B[lass], c. r. de Bursian, Der Rhetor Ménandros, dans Litera- risches Centralblatt fur Deutschland, 1883, col. 27-28).

(61) La convergence porte autant sur l'intérêt manifesté pour le plan des discours que sur le mot même de διαίρεσις (l'étude des divers sens de ce terme et de leur fréquence en rhétorique reste à faire). Cette question de la διαίρεσις n'est pas abordée par Russell- Wilson. — D'autres arguments, plus ou moins concluants, en faveur de l'attribution du second traité à Ménandros ont été avancés par Nitsche, Der Rhetor Ménandros, p. 5-7 et 10-15.

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γαμήλιους έρεΐν dont l'énoncé même indique le contenu d'un développement plutôt qu'un moyen de trouver les idées (62).

Le second traité n'étend pas seulement le domaine des τόποι au plan du discours, mais, par le biais des exemples, il l'étend aussi à l'argumentation et au style. Tant que les lieux sont des catégories plus ou moins générales, les exemples sont simplement destinés à faire mieux comprendre la nature de la catégorie : c'est leur fonction dans le premier traité. Ainsi la θεοφιλότης d'une cité est-elle illustrée, un peu lourdement, par quatre παραδείγματα : « On dit au sujet des Athéniens qu'Athéna et Poséidon se sont querellés pour leur terre; au sujet des Rhodiens, que Zeus a fait tomber une pluie d'or; au sujet des Corinthiens et de l'Isthme, que Hélios et Poséidon se sont querellés; au sujet des Delphiens, qu'Apollon, Poséidon, Thémis et la Nuit ont fait de même » (63). Plus rarement, l'exemple prend la forme d'une comparaison montrant quel parti peut être tiré de chacune des catégories distinguées : « Si la contrée dont on fait l'éloge est montagneuse, [on pourrait dire] qu'elle ressemble à un homme robuste, dont les muscles saillent; si elle est plane, qu'elle est disciplinée et qu'elle n'est pas irrégulière ni osseuse » (64).

Dans le second traité, les exemples ont un caractère nettement différent : ils sont plus fréquents, plus longs, plus élaborés stylistiquement, et souvent au style direct : le théoricien se met alors à la place de l'orateur. Ainsi, dans le chapitre sur l'oraison funèbre, l'auteur indique d'abord le τόπος : «après la famille, tu parleras de ce qui a trait à la naissance du défunt ». Puis il poursuit sans transition : « 0 vanité de ces présages,

(62) Mén. II, 404, 15-16. Autres emplois de τόπος au sens de partie du discours : II, 403.26, 418.21-22, 421.26 (en 418.19, τόπος est une correction inutile : cf. E. Livrea, c. r. de l'édition Russell-Wilson. dans Gnomon, 55, 1983, p. 203). Κεφάλαιον, que le second auteur emploie beaucoup plus fréquemment que τόπος, doit souvent être traduit par « partie du discours » ou « chapitre » ; voir notamment II, 418.24, 419.6, 421.11.15, 444.3. Comme lorsqu'ils signifient «lieu de l'invention » (cf. supra, n. 7), τόπος etxecpdcXoaov au sens de « partie du discours » sont interchangeables : comparer II, 418.21-22 et 419.5-6, 421.15 et 26.

(63) I, 361, 28-362, 4. La fonction didactique des exemples est soulignée en 366, 14-15.

(64) I, 345, 31-346, 1. Les exemples comportant une métaphore ou une comparaison n'apparaissent qu'à propos de la situation et du site d'une contrée (345, 9-346, 8) et d'une cité (347-353, passim).

l'éloge chez ménandke le khéteuk 49

vanité des rêves qui furent faits à son sujet au moment de sa naissance! ô mère infortunée qui l'a porté, douleurs de l'enfantement plus infortunées encore dans ces conditions! Car ces douleurs étaient des présages. Tel prophétisa la plus belle destinée; tous les parents, tous les amis étaient remplis d'espoir, on faisait des offrandes aux dieux de la naissance, les autels ruisselaient de sang, toute la maison était en fête. Mais une divinité, à ce qu'il semble, a tourné tout cela en dérision» (65). Ce développement pathétique du τόπος de la naissance est moins un exemple qu'un modèle, un développement passe-partout que l'orateur pourra réutiliser tel quel, moyennant peut-être de légères transformations. La formule du τόπος n'est plus « tu examineras si », mais «tu diras que» : pourvu d'un contenu et d'une forme stéréotypés, le lieu est devenu lieu commun. Un tel glissement explique que le mot topos soit employé de nos jours pour désigner un thème traditionnel ou un cliché, et non plus un instrument de recherche des idées.

Nous avons envisagé jusqu'ici Γέγκώμιον sous la forme simple et pure de l'éloge consacré à un seul objet et doté d'une intention seulement laudative. Si de tels éloges existent (le βασιλικός λόγος en est un exemple), ils ne constituent pas le cas le plus fréquent : en général, le discours épidictique répond à une intention précise, dictée par l'occasion elle-même. Le premier auteur aborde cette question à la fin du chapitre sur l'éloge de cité, dans une sorte de Nota bene : « Les éloges de cité sont soit communs à tous les moments, soit particuliers à certaines circonstances. Particuliers, quand le discours est prononcé dans une fête, une panégyrie, un concours ou un combat de gladiateurs; communs, quand il n'a aucun motif de ce genre » (66). Le discours prononcé à l'occasion d'une panégyrie comportera ainsi, outre l'éloge de la cité, un éloge de la panégyrie elle-même. Cette distinction, esquissée dans le premier traité, devient fondamentale dans le second.

(65) II, 419, 24-420, 1. L'établissement du texte est difficile ; en 419, 29, je traduis la leçon des manuscrits, ώδινε . . . σύμβολα, qui paraît pouvoir être conservée (cf. Livrea, c. r. de Russell-Wilson, p. 203). — Les « exemples » semblables abondent dans le traité, et en particulier dans le chapitre sur le Σμινθιακος λόγος.

(66) I, 365, 26-30. REG, XCIX, 1986/1, η°< 470-471. 4

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A l'exception du βασιλικός, tous les discours envisagés par le second auteur répondent à des circonstances précises : il ne s'agit plus d'hymne ou d'éloge de cité, mais de Σμινθιακός, de discours d'arrivée dans une cité ou de discours d'adieu. Cet aspect est un des plus intéressants du traité de Ménandros, qui nous laisse ainsi entrevoir les occasions concrètes de l'éloge oratoire à l'époque impériale. Mais il a une incidence directe sur l'usage des τόποι : le dessein spécifique du discours ne peut s'accommoder d'une utilisation mécanique de la structure de l'éloge. L'auteur oppose constamment Γέγκώμιον « simple », « pur », « absolu », et le discours doté d'un « sujet » (ύπόθεσις) précis, dont le «but» requiert un traitement «spécifique » et «approprié» (67). Les τόποι sont donc adaptés, dans le second traité, aux exigences du sujet. Gomme dans le cas du plan et des modèles, le théoricien tient à aider autant que possible l'utilisateur du traité; mais c'est ici une aide moins scolaire, qui consiste à suggérer une véritable stratégie de communication.

L'adaptation de la structure encômiastique revêt une forme très simple dans le πρεσβευτικός, discours d'ambassade auprès de l'empereur qui vise, par exemple, à obtenir des subsides afin de relever une cité détruite par un tremblement de terre. La première partie du discours, consacrée à l'éloge de l'empereur, utilise les τόποι habituels : mais on aura soin d'insister, tout au long de l'éloge, sur la φιλανθρωπία (68). Une place prépondérante est donc accordée à une partie d'une des vertus (69), parce que l'ambassadeur loue pour convaincre.

Les circonstances exigent souvent une modification plus profonde de la structure de l'éloge. Notamment, il est exceptionnel que l'orateur puisse se contenter de louer un seul objet. L'invitation d'un gouverneur à une panégyrie a pour sujet principal (το προηγούμενον) l'éloge de la panégyrie, mais doit être complétée par un éloge de la cité qui invite

(67) Voir II, 381.6-7, 385.1-8, 387.3-5, 418.13-419.15, 424.23-24, 429.8-13, 431.5-10, 434.18-23.28-29, 440.28-32. Par «sujet» (ύπόθεσις), il faut entendre, non la personne, la cité, etc. dont on fait l'éloge, mais l'ensemble des idées que l'orateur se propose d'exprimer, le dessein du discours.

(68) II, 423, 7-12. (69) La φιλανθρωπία fait partie de la justice : cf. I, 363.4-7 ; II, 375.8-10,

385.20, 416.5-6. L'expression de II, 374, 28, qui présente au contraire la justice comme une partie de la φιλανθρωπία, est une formule paradoxale qui ne vaut que pour le contexte où elle est employée (cf. Russell-Wilson, ad /oc).

L ELOGE CHEZ MENANDKE LE KHETEUK 51

et par un éloge du gouverneur lui-même. L'éloge du gouverneur devient essentiel dans le προσφωνητικός qui lui est adressé, mais il faudra louer aussi les empereurs et, éventuellement, la cité. Le Σμινθιακός ne célèbre pas seulement Apollon, mais aussi la contrée, la cité, la panégyrie et le sanctuaire où le dieu est fêté. De même, l'épithalame loue successivement le dieu du mariage, les mariés, les familles des mariés et la chambre nuptiale (70). La modification de la structure consiste ainsi à juxtaposer plusieurs éloges, dont chacun utilise la liste traditionnelle des τόποι. Il ne s'agit pas d'une facilité, d'un procédé artificiel pour allonger le discours : l'orateur doit au contraire se tenir constamment sur ses gardes, de peur de développer trop longuement une partie secondaire, par exemple l'éloge des familles dans l'épithalame ou l'éloge des empereurs dans le προσφωνητικός (71). La juxtaposition traduit plutôt un effort pour adapter les τόποι à la fonction même de l'éloge. Le discours a un objet pluriel parce que l'éloge n'est pas une allocution d'homme à homme, mais un rite social de célébration, et qu'à ce titre, il doit rendre hommage, dans chaque cas, à toutes les puissances qui contrôlent la vie sociale, dieux, pouvoir politique, cité, familles influentes, et aux cérémonies mêmes où s'accomplit le rite.

La monodie, qui déplore un décès, offre un dernier exemple d'adaptation du schéma encômiastique (72). La construction du discours paraît originale, puisqu'il faut le diviser en trois périodes, passé, présent et avenir. Mais, en fait, on utilise les τόποι habituels, en les distribuant entre les trois catégories temporelles (73). Pour le présent, on mentionnera les circonstances du décès. Le passé regroupera l'éducation, la manière d'être et les actions. Quant à Vavenir, il comprendra les espoirs que formaient la famille et la cité, et que la mort a déçus : on y glissera donc les τόποι de la patrie et de la famille. La monodie étant généralement consacrée au décès d'un jeune homme (74),

(70) Voir II, 424-425 (invitation; το προηγούμενον : 424, 18-19) ; 414-418 (προσφωνητικός) ; 437-446 (Σμινθιακός) ; 399-405 (épithalame).

(71) II, 403.4-7, 415.5-11. Cf. 379, 2-4 (éviter de « doubler le sujet » en louant l'empereur aussi longuement que le gouverneur).

(72) II, 435, 15-436, 21. La même structure est utilisée dans la lamentation qui forme la première partie du discours de consolation (413, 6-21).

(73) Cf. II, 436, 9-10. (74) II, 436, 21-24.

52 LAURENT PEKNOT

qui n'avait pas encore accompli de grandes actions, le τόπος des πράξεις sera souvent traité au futur, et donc inséré dans Y avenir. La description de la beauté physique fera la matière d'un finale pathétique.

Car le dessein spécifique de la monodie est d'émouvoir (75) : d'où l'adaptation de la structure traditionnelle. Il faut commencer par le présent pour rappeler d'emblée à l'assistance le malheur qui vient de la frapper (76), et la structure temporelle tout entière a pour fonction de souligner le contraste entre un passé brillant, un avenir qui s'annonçait plus brillant encore, et la tristesse du présent : ce contraste est le ressort même du pathétique (77). En outre, l'impression de désordre produite par ce discours savamment déstructuré est elle- même source de πάθος : l'orateur paraissant ému au point de ne plus pouvoir respecter le plan-type (78), son émotion se communique naturellement à l'auditoire. Comme tous les rhéteurs, Ménandros savait que le comble de l'art est parfois de paraître parler sans art.

Ce Ménandros auquel les manuscrits attribuent nos deux traités est ainsi une sorte de Janus. D'un côté, il considère la nature des choses, en une conception presque philosophique de la création oratoire; de l'autre, il envisage le discours qu'il faudra composer, en fournissant au lecteur des plans, des modèles de développements et des stratégies de communication. A proprement parler, le premier ouvrage est un traité, le second est plutôt un manuel.

11 ne serait pas en soi impossible qu'un même homme ait composé successivement un traité et un manuel sur le même sujet; encore serait-il étonnant qu'il ne fît aucune référence

(75) II, 434, 18-19. (76) II, 435, 18-19. (77) A cette utilisation du schéma temporel dans la monodie, s'applique

parfaitement l'analyse de A. Michel, La parole et la beauté, Paris, 1982, p. 91 : le pathétique ne naît pas « de ce qu'il y a d'immédiat dans l'émotion ». Il est « fils du temps ; il procède d'une réflexion sur la fortune. Il met en jeu toutes les formes du sentiment de la distance : nostalgie, espérance, crainte, attente, regret ».

(78) II, 413, 12-14.

L ELOGE CHEZ MENANDRE LE RHETEUK 53

de l'un à l'autre (79). Mais l'esprit dans lequel les deux ouvrages abordent le genre épidictique est radicalement différent. Cette différence d'esprit, autant que les divergences sur des points de détail, lexicaux ou autres, rend probable l'attribution des deux œuvres à deux auteurs distincts.

Laurent Pernot.

(79) Pour les tenants de l'unicité d'auteur, le second traité serait antérieur au premier : cf. Radermacher, Menandros, col. 764 ; Soffel, Die Regeln Menanders, p. 97.