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Le 19 octobre 2015 Harvey Max Chochinov, M.D., Ph. D., FRCPC Président du comité Catherine Frazee, D.Litt., LL.D. Membre du comité Benoît Pelletier, O.Q., Ad. E., LL.B., LL.M., LL.D., LL.D. Membre du comité Objet : Soumission de l’AMC au comité externe chargé d’examiner des options pour une réponse législative à l’affaire Carter c. Canada Madame, Messieurs, Au nom de l’Association médicale canadienne (AMC), je vous remercie de cette occasion de participer à la consultation nationale du comité externe chargé d’orienter la réponse législative du gouvernement fédéral à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter c. Canada. En tant qu’association professionnelle nationale représentant les médecins du Canada, l’AMC joue un rôle de premier plan dans le dialogue public sur les soins de fin de vie, y compris sur l’aide à mourir. En 2014, l’AMC a mené une consultation nationale sur les soins de fin de vie, dans le cadre de laquelle des assemblées publiques et des assemblées des membres ont eu lieu d’un bout à l’autre du pays. Le dialogue national était axé sur trois grands enjeux : la planification préalable des soins, les soins palliatifs et l’aide à mourir. Comme le souligne le rapport synthèse (Annexe 1), les Canadiens ont insisté sur la nécessité que l’aide à mourir, advenant sa légalisation, soit encadrée par des protocoles et des garanties stricts. Ces consultations initiales ont été grandement utiles aux discussions approfondies tenues en parallèle par l’AMC avec ses membres et des intervenants des domaines médical et de la santé lorsqu’elle a agi comme intervenante devant la Cour suprême ainsi qu’à la suite de l’arrêt Carter. L’AMC a sollicité la participation de son Comité d’éthique, en plus d’organiser des débats politiques dans le cadre de ses assemblées annuelles de 2014 et 2015, des assemblées des membres dans l’ensemble du pays ainsi qu’un dialogue en ligne. Ces consultations ont été essentielles à l’élaboration de l’Approche fondée sur des principes pour encadrer l’aide à mourir au Canada (Annexe 2 ci-jointe). …/2

Le 19 octobre 2015 - CMA · 19 octobre 2015 Page 2 Les recommandations formulées dans cette approche reposent sur un ensemble de 10 principes fondateurs et portent sur les critères

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Le 19 octobre 2015

Harvey Max Chochinov, M.D., Ph. D., FRCPC

Président du comité

Catherine Frazee, D.Litt., LL.D.

Membre du comité

Benoît Pelletier, O.Q., Ad. E., LL.B., LL.M., LL.D., LL.D.

Membre du comité

Objet : Soumission de l’AMC au comité externe chargé d’examiner des options pour une réponse

législative à l’affaire Carter c. Canada

Madame,

Messieurs,

Au nom de l’Association médicale canadienne (AMC), je vous remercie de cette occasion de

participer à la consultation nationale du comité externe chargé d’orienter la réponse législative du

gouvernement fédéral à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter c. Canada.

En tant qu’association professionnelle nationale représentant les médecins du Canada, l’AMC joue

un rôle de premier plan dans le dialogue public sur les soins de fin de vie, y compris sur l’aide à

mourir. En 2014, l’AMC a mené une consultation nationale sur les soins de fin de vie, dans le cadre

de laquelle des assemblées publiques et des assemblées des membres ont eu lieu d’un bout à l’autre

du pays. Le dialogue national était axé sur trois grands enjeux : la planification préalable des soins,

les soins palliatifs et l’aide à mourir. Comme le souligne le rapport synthèse (Annexe 1), les

Canadiens ont insisté sur la nécessité que l’aide à mourir, advenant sa légalisation, soit encadrée par

des protocoles et des garanties stricts.

Ces consultations initiales ont été grandement utiles aux discussions approfondies tenues en parallèle

par l’AMC avec ses membres et des intervenants des domaines médical et de la santé lorsqu’elle a

agi comme intervenante devant la Cour suprême ainsi qu’à la suite de l’arrêt Carter. L’AMC a sollicité

la participation de son Comité d’éthique, en plus d’organiser des débats politiques dans le cadre de

ses assemblées annuelles de 2014 et 2015, des assemblées des membres dans l’ensemble du pays

ainsi qu’un dialogue en ligne. Ces consultations ont été essentielles à l’élaboration de l’Approche

fondée sur des principes pour encadrer l’aide à mourir au Canada (Annexe 2 ci-jointe).

…/2

19 octobre 2015

Page 2

Les recommandations formulées dans cette approche reposent sur un ensemble de 10 principes

fondateurs et portent sur les critères d’admissibilité des patients, les étapes de la prise de décision, les

mesures de protection en lien avec les critères d’admissibilité, les rôles et responsabilités du médecin

traitant et du médecin consultant, ainsi que sur l’objection de conscience. L’ensemble de ces

recommandations représente la position de l’AMC quant aux cadres législatifs et réglementaires à

venir sur l’aide à mourir au Canada.

En plus de ces recommandations, nous aimerions insister sur quelques éléments particulièrement

pertinents pour les médecins.

CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE POUR L’ENSEMBLE DU PAYS

L’AMC recommande fortement la mise en place de processus et systèmes législatifs et réglementaires

coordonnés à l’échelle nationale en réponse à l’arrêt Carter.

L’AMC craint fortement que l’absence d’une structure fédérale appuyant l’établissement de lignes

directrices nationales sur l’aide à mourir donne lieu à un ensemble disparate d’approches

potentiellement contradictoires selon la province ou le territoire. Des mesures législatives devront être

prises à l’échelle fédérale pour guider les médecins et leurs patients ainsi que pour favoriser la mise

en place d’une approche coordonnée et uniforme dans l’ensemble du Canada.

OBJECTION DE CONSCIENCE

Comme le comité externe le sait, l’arrêt Carter a rappelé que toute réponse réglementaire ou

législative doit concilier les droits garantis par la Charte aux patients (désir d’obtenir une aide à

mourir) ainsi qu’aux médecins (refus de participer à l’aide à mourir en raison d’une objection de

conscience). La notion d’objection de conscience n’est pas monolithique : certains jugent acceptable

la recommandation à un autre médecin, tandis que pour d’autres, elle revient à être lié ou à prendre

part à un acte répréhensible sur le plan moral.

L’AMC est d’avis qu’une bonne conciliation doit respecter les différences en matière de conscience et

en tenir compte, tout en permettant l’accès à l’aide à mourir selon des principes d’équité.

…/3

19 octobre 2015

Page 3

C’est pourquoi les membres de l’AMC appuient fortement la recommandation portant sur l’objection

de conscience décrite à la section 5.2 de l’Approche fondée sur des principes pour encadrer l’aide à

mourir au Canada ci-jointe.

APPUI SUPPLÉMENTAIRE

L’AMC comprend qu’il faudra élaborer des formations pour les médecins, et elle entend y contribuer.

Dans cette optique, elle a fait un survol des cours offerts et discuté avec d’autres entités

(p. ex. l’Association médicale royale des Pays-Bas), et elle travaille actuellement à la mise au point

de modules de formation. L’AMC est appuyée dans cette initiative par le Collège royal des médecins

et chirurgiens du Canada, le Collège des médecins de famille du Canada et l’Association canadienne

de protection médicale.

Enfin, comme elle l’a déjà exprimé, l'AMC invite fortement le gouvernement fédéral à rendre public le

rapport du comité externe une fois qu’il sera prêt. Elle prie donc les membres du comité d’appuyer

cette recommandation auprès du gouvernement.

Une fois de plus, merci d’avoir accueilli notre contribution. L’AMC se réjouit à l’avance de sa

rencontre avec le comité externe le 20 octobre prochain.

Recevez, Madame, Messieurs, mes salutations distinguées.

La présidente de l’AMC,

Cindy Forbes, MD, CCMF, FCMF

Le vice-président, Professionnalisme médical

Jeff Blackmer, MD, M.Sc.S., FRCPC

…/4

19 octobre 2015

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Pièces jointes

Annexe 1 – Rapport synthèse Les soins de fin de vie : Un dialogue national

Annexe 2 – Approche fondée sur des principes pour encadrer l’aide à mourir au Canada de l’AMC

JUIN 2014

1

SOMMAIREAu cours du premier semestre de 2014,

l’Association médicale canadienne (AMC),

en partenariat avec le magazine Ma-

clean’s, a tenu une série d’assemblées

publiques sur les soins de fin de vie dans

toutes les régions du Canada.

Le dialogue national était axé sur trois

principaux enjeux : les directives préalables,

les soins palliatifs, et l’euthanasie et l’aide

médicale à mourir. Ces consultations visaient

principalement à recueillir le point de vue des

Canadiens sur l’état des soins de fin de vie au

Canada. Cependant, un objectif secondaire

tout aussi important était de présenter une

terminologie et des définitions communes

afin de discuter en toute connaissance de

cause des questions liées aux soins de fin de

vie et de présenter aux Canadiens un portrait

global de la situation judiciaire et législative

actuelle, au Canada et à l’étranger.

Ce dialogue national a été entrepris en

réponse à un besoin de leadership, dans le

but de favoriser un débat de société sur les

questions relatives aux soins de fin de vie.

Comme on l’a confirmé lors des

assemblées publiques, l’AMC était en

mesure de fournir le leadership requis pour

améliorer la sensibilisation à ces questions.

Les assemblées publiques ont eu lieu à

St. John’s, Terre-Neuve (20 février), à

Vancouver, Colombie-Britannique

(24 mars), à Whitehorse, Yukon (16 avril),

à Regina, Saskatchewan (7 mai) et à

Mississauga, Ontario (27 mai). Un

clavardage en direct a aussi eu lieu le

12 mai sur le site Web du Maclean’s, et les

membres du public ont pu formuler des

commentaires en ligne pendant et après

chaque assemblée.

Ces assemblées étaient présidées par

des directeurs de la rédaction du

Maclean’s et tenues sous la supervision du

Dr Jeff Blackmer, le directeur exécutif de

l’éthique, du professionnalisme et des

affaires internationales de l’AMC. Chaque

rencontre respectait le même format,

commençant par des discussions sur la

terminologie des soins de fin de vie,

suivies des questions à l’auditoire et d’un

débat sur les directives et la planification

préalable des soins, les soins palliatifs, et

l’euthanasie et l’aide médicale à mourir.

Bien que ces assemblées aient démontré

que les Canadiens ont souvent des points de

vue diamétralement opposés sur la question

controversée de l’euthanasie et de l’aide

médicale à mourir, il est clair qu’ils

s’entendent sur nombre d’autres questions

importantes, de la pertinence des directives

préalables à la nécessité d’avoir une stratégie

exhaustive sur les soins palliatifs au Canada.

Le but du dialogue national était de

mieux faire connaître à la profession

médicale le point de vue du grand public

sur cet enjeu social*. On peut toutefois

tirer un certain nombre de conclusions

importantes et faire des appels à l’action

à la suite du processus de consultation :

�Tous les Canadiens devraient discuter des

volontés de fin de vie avec leur famille

ou d’autres êtres chers.

�Tous les Canadiens devraient élaborer

des directives préalables appropriées et

exécutoires dans la province ou le

territoire où ils vivent.

�Il faut développer une stratégie

nationale sur les soins palliatifs.

�Tous les Canadiens devraient avoir

accès à des services de soins palliatifs

appropriés — nombre d’entre eux n’y

ont pas accès.

�Il faut mieux former les étudiants en

médecine, les résidents et les médecins

praticiens sur les approches et services

de soins palliatifs et sur la façon

d’engager des discussions sur la

planification préalable des soins.

�La population canadienne est divisée sur

la question à savoir si l’interdiction de

l’euthanasie et de l’aide médicale à

mourir devrait être maintenue.

�Si l’on modifie la loi canadienne pour

permettre l’euthanasie ou l’aide médicale

à mourir, il faudra établir des protocoles

et des garanties stricts afin de protéger

les personnes et les populations

vulnérables.

Le contenu de ce rapport et le résultat

des consultations parallèles menées

auprès de membres serviront de fonde-

ments aux activités de représentation de

l’AMC sur ces enjeux et les futures

initiatives d’élaboration de politiques.

* On n’a pas organisé de consultations au Québec car le gouvernement de la province avait déjà mené ses propres consultations publiques . Voir http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CSMD/mandats/Mandat-12989/index.html

2 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

« Nous souhaitons entendre les Canadiens nous parler davantage de la façon dont leur système de soins de santé peut assurer non seulement une longue vie saine, mais aussi une mort sereine. »

— Le président de l’AMC,

le Dr Louis Hugo Francescutti, St. John’s

INTRODUCTIONAu cours de l’hiver et du printemps 2014,

l’Association médicale canadienne (AMC), en

partenariat avec le magazine Maclean’s, a

tenu un peu partout au Canada une série

d’assemblées permettant au grand public de

discuter des enjeux liés aux soins de fin de

vie. Les rencontres ont été organisées avec

l’aide de la Société canadienne des médecins

de soins palliatifs et de l’Association

canadienne de soins palliatifs. De plus, un

dialogue en ligne a eu lieu le 12 mai.

Ce dialogue national était axé sur trois

principaux enjeux : les directives et la

planification préalable des soins, les soins

palliatifs, et l’euthanasie et l’aide médicale à

mourir. L’un des buts visés était d’éclairer le

public sur la terminologie souvent complexe

utilisée dans le domaine des soins de fin de

vie et de lui donner une vue d’ensemble de la

situation qui prévaut au Canada et à

l’étranger. Cependant, ces rencontres visaient

avant tout à connaître le point de vue des

Canadiens.

La consultation a été lancée par l’AMC en

réponse à un manque d’initiative dans le

domaine, et visait à favoriser un débat de

société sur cette question et à tenir compte

de divers facteurs judiciaires, législatifs et

sociaux qui nous incitent à revoir la situation

prévalant au Canada en ce qui a trait aux

soins de fin de vie. Le dialogue a été organisé

et animé par l’AMC, sous les directives du

Conseil d’administration de l’association, qui

estimait que l’AMC était bien placée pour

offrir le leadership requis en lançant un

dialogue sur ces questions de première

importance.

Les assemblées publiques ont eu lieu à St.

John’s, Terre-Neuve (20 février), à Vancouver,

Colombie-Britannique (24 mars), à White-

horse, Yukon (16 avril), à Regina, Saskat-

chewan (7 mai) et à Mississauga, Ontario

(27 mai). Elles ont toutes été diffusées en

direct sur le Web, et les Canadiens des quatre

coins du pays ont pu faire des commentaires

en ligne. Un clavardage en direct a aussi eu

lieu le 12 mai sur le site Web du Maclean’s.

Les rencontres ont souvent accueilli plus de

100 personnes, et celle de Vancouver a attiré

plus de 225 participants. De plus, la plupart

des assemblées ont été suivies activement

sur Twitter, avec le mot-clic #eolCdn.

Ces assemblées étaient présidées par des

directeurs de la rédaction du Maclean’s et

tenues sous la supervision du Dr Jeff

Blackmer, le directeur exécutif de l’éthique,

du professionnalisme et des affaires

internationales de l’AMC. Chaque assemblée

comptait un groupe d’experts formé du

Dr Blackmer, de médecins de soins palliatifs

et de représentants des patients de la région.

De plus, des vidéos visant à encadrer les

discussions étaient présentées. Toutes les

rencontres respectaient le même format :

d’abord, le groupe d’experts discutait de la

terminologie des soins de fin de vie; puis, des

questions (voir page 3) étaient posées à

l’auditoire; enfin, un débat sur les directives

et la planification préalable des soins, les

soins palliatifs, et l’euthanasie et l’aide

médicale à mourir avait lieu. Le clavardage en

direct a été dirigé par le président de l’AMC,

le Dr Louis Hugo Francescutti, qui a égale-

ment prononcé les discours d’ouverture et de

clôture à chacune des assemblées. Malgré la

nature souvent émotive des questions

soulevées et la diversité des opinions

exprimées, toutes les assemblées se sont

déroulées dans le calme, les participants

respectant les points de vue divergents.

Bien que ces assemblées aient démontré

que les Canadiens ont souvent des points de

vue diamétralement opposés sur la question

ST. JOHN’S, T.-N. (FEV. 20)

VANCOUVER, C.-B. (MARS 24)

WHITEHORSE (YUKON) (AVRIL 16)

REGINA, SASK. (MAI 7)

MISSISSAUGA, ONT. (MAI 27)

3

controversée de l’euthanasie et de l’aide

médicale à mourir, il est clair qu’ils

s’entendent sur nombre d’autres questions

importantes, de la pertinence des directives

préalables à la nécessité d’avoir une stratégie

exhaustive sur les soins palliatifs au Canada.

L’ENVIRONNEMENT ACTUEL Divers événements et cas récents ont jeté

une nouvelle lumière sur l’euthanasie et les

questions connexes au Canada et ont servi de

toile de fond aux assemblées publiques de

l’AMC. Les deux éléments les plus importants

sont la contestation en Cour suprême de la

loi interdisant l’aide médicale à mourir au

Canada et une mesure législative sur la

question qui est en suspens au Québec.

L’AFFAIRE CARTER ET LA COUR SUPRÊME En 2011, la British Columbia Civil Liberties

Association, le Dr William Schoichet, Gloria

Taylor, qui souffrait d’une maladie incurable,

et la famille Carter ont contesté la loi

interdisant l’euthanasie et le suicide

médicalement assisté. En 2012, la Cour

suprême de la Colombie-Britannique a

statué que les dispositions du Code criminel

du Canada interdisant l’aide à mourir

violaient les droits des personnes gravement

malades et a donné un an à l’assemblée

législative pour modifier la loi.

De plus, la Cour a accordé à Mme Taylor,

qui souffrait de la maladie de Lou-Gehrig, le

droit de mourir par suicide assisté, faisant

temporairement d’elle la seule personne au

Canada à se voir accorder ce droit par la

justice. Mme Taylor est toutefois décédée en

2012 sans s’en être prévalue. Une autre

femme atteinte d’une maladie incurable,

Mme Kay Carter, a pour sa part mis fin à ses

jours en se rendant en Suisse et en y usant

du droit à l’aide à mourir.

Le gouvernement fédéral a porté la

décision de la Cour suprême de la Colom-

bie-Britannique en appel; en octobre

2013, la Cour d’appel de la Colombie-

Britannique a renversé la décision du

tribunal inférieur et maintenu

l’interdiction, disant qu’elle était en

partie liée par la décision rendue par la

Cour suprême du Canada il y a 20 ans

dans l’affaire Sue Rodriguez (une décision

partagée : cinq juges contre quatre

avaient voté pour le maintien de

l’interdiction).

QUESTIONS POSÉES LORS DES ASSEMBLÉES 1. Planification préalable des

soins : De quoi aurait-on besoin pour faciliter la discussion sur les directives préalables?

2. Soins palliatifs : En quoi consistent, selon vous, de bons services de soins palliatifs?

3. Quel est l’état des soins palliatifs dans votre collectivité?

4. Considérez-vous ces services accessibles?

5. Qu’est-ce qui doit être fait pour que les soins palliatifs que vous jugez nécessaires soient offerts?

6. Aide médicale à mourir : Que pensez-vous de l’aide médicale à mourir?

7. Votre opinion sur l’euthanasie et le suicide assisté changerait-elle si vous aviez accès à des services de soins palliatifs de qualité?

4 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

La Cour suprême du Canada a autorisé

la British Columbia Civil Liberties

Association, la famille Carter et d’autres

intervenants à porter l’affaire en appel.

Elle devrait entendre la cause le 14 octo-

bre prochain, et l’AMC va faire une

demande pour agir comme intervenante.

Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il

n’a nullement l’intention de modifier le

droit pénal, qui interdit l’aide médicale à

mourir.

LE PROJET DE LOI 52 AU QUÉBEC En 2013, après quatre années de consulta-

tions provinciales, le gouvernement

péquiste a déposé le projet de loi 52, la Loi

concernant les soins de fin de vie. Cette

mesure législative visait à légaliser « l’aide

médicale à mourir ».

De plus, la mesure législative rendait la

prestation de services de soins palliatifs

obligatoire dans la province, établissait des

protocoles pour que les médecins mettent

sous sédation les patients qui souffrent

jusqu’à ce qu’ils meurent de façon naturelle

et fournissait des directives visant à aider

les patients aptes et atteints d’une maladie

grave et incurrqui décident de mourir en

raison de souffrances physiques ou

psychologiques insupportables. Deux

médecins auraient été tenus d’approuver la

demande d’aide médicale à mourir, qui

devait être faite par écrit.

En février 2014, l’Assemblée nationale

du Québec a été dissoute et des élections

provinciales ont été déclenchées avant la

tenue du vote final sur le projet de loi.

Cependant, après son élection, le nouveau

premier ministre du Québec, Philippe

Couillard, a approuvé à nouveau le dépôt

du projet de loi 52, qui a été adopté le

5 juin par l’Assemblée nationale à

Québec, par une majorité des voix lors

d’un vote libre.

AUTRES FACTEURS D’autres événements ont ravivé l’attention

pour les questions des soins de fin de vie

au moment des assemblées publiques de

l’AMC, notamment :

�Ces questions ont été débattues lors de

l’assemblée annuelle du Conseil général

de l’AMC, à Calgary, en août 2013. L’AMC

a alors adopté plusieurs résolutions en

faveur de l’expansion des services de

soins palliatifs et d’une plus grande

sensibilisation à l’importance des

directives et de la planification préalable

des soins. L’attention des médias a

toutefois porté sur les débats où les

délégués ont dit être confus quant à la

terminologie à utiliser lorsqu’ils discutent

de questions liées à l’euthanasie.

�En septembre 2013, huit jours avant qu’il

décède d’une tumeur au cerveau, le

Dr Donald Low, un microbiologiste réputé

de Toronto, a diffusé une vidéo dans

laquelle il lançait un appel déchirant pour

le droit des patients en phase terminale

d’avoir accès au suicide médicalement

assisté.

�En février 2014, la Cour suprême de la

Colombie-Britannique a rendu une

décision contre la famille de Margot

Bentley, une femme de 82 ans aux

derniers stades de la maladie d’Alzheimer

qui est nourrie à la cuillère contre la

volonté de sa famille et, semble-t-il,

contre les directives préalables de la

patiente.

�En mars dernier, Steven Fletcher, un

ancien ministre conservateur a présenté

deux projets de loi d’initiative parlemen-

taire visant à permettre l’aide médicale à

mourir dans certaines circonstances. L’un

des projets de loi de M. Fletcher, un

député du Manitoba, permettrait aux

médecins d’aider les gens à mettre un

terme à leur vie dans certaines circon-

stances limitées. L’autre projet de loi vise

à former une commission chargée de

surveiller le système.

« Il est faux de croire qu’on ne peut pas “mourir dans la dignité” lorsqu’on dépend d’une autre personne qui s’occupe de nous. Permettre aux autres de prendre soin de nous, c’est leur donner un cadeau incroyable, et c’est, par le fait même, recevoir une forte dose de dignité. »

— Membre de l’auditoire à Mississauga

5

�En avril dernier, l’AMC et un comité

parlementaire multipartite ont conjointe-

ment réclamé l’élaboration d’une

stratégie nationale sur les soins palliatifs.

Le Comité parlementaire sur les soins

palliatifs et les soins de compassion a

donné une conférence de presse

conjointe avec l’AMC pour manifester

son soutien à cette dernière et à

l’initiative de l’association visant à

encourager un dialogue national sur les

questions liées aux soins de fin de vie.

�Dans le cadre du dialogue, deux

associations médicales provinciales et

territoriales — Doctors of BC et

l’Ontario Medical Association — ont

publié d’importants documents

d’orientation portant sur les soins

palliatifs et les directives préalables.

�À la fin mai, tous les partis à la Chambre

des communes ont appuyé la motion du

député Charlie Angus réclamant

l’élaboration d’une stratégie pancana-

dienne pour favoriser et améliorer l’accès

aux soins palliatifs et aux soins de fin de

vie. Bien que la motion ne lie pas le

gouvernement fédéral, elle signale tout

de même l’urgente nécessité de traiter de

cette question cruciale et ajoute aux

pressions croissantes exercées sur tous

les ordres de gouvernement.

TERMINOLOGIEToutes les assemblées publiques commen-

çaient par une discussion sur la terminolo-

gie requise pour débattre convenablement

des questions liées aux soins de fin de vie.

Le Dr Blackmer a souligné que c’était

nécessaire parce qu’une confusion

demeure, même au sein de la profession

médicale, quant à la signification de

certains termes. Le Dr Blackmer a expliqué

que même s’il serait impossible de

s’entendre à l’unanimité sur la signification

de certains termes, il était important que

tous les participants soient sur la même

longueur d’onde.

À l’aide de vidéos, l’AMC a présenté les

définitions élaborées par le Comité de

l’éthique et approuvées par le Conseil

d’administration. Cela comprenait les

définitions suivantes :

Planification préalable des soins Processus par lequel une personne exprime

ses objectifs et préférences en ce qui

concerne les soins qu’elle recevra en fin de

vie. Ces souhaits peuvent prendre la forme

d’une directive écrite ou d’un plan de soins

préparé au préalable (« testament de vie »).

Soins palliatifs Démarche d’amélioration de la qualité de

vie des patients et de leur famille face aux

problèmes associés à une maladie qui

menace la vie. Il s’agit de prévenir et de

soulager la souffrance par l’identification,

l’évaluation et le traitement précoces de la

douleur et des autres symptômes phy-

siques, psychosociaux et spirituels.

EuthanasieIntermédiaire qui pose un acte sciemment

et intentionnellement, avec ou sans

consentement, dans le but explicite de

mettre fin à la vie d’une autre personne,

dans les circonstances suivantes : la

personne en cause est atteinte d’une

maladie incurable; l’intermédiaire est au

courant de l’état de la personne et pose

un acte dont le but premier est de mettre

fin à la vie de cette personne et pose

l’acte avec empathie et compassion et

n’en tire aucun avantage personnel.

Aide médicale à mourir On parle d’aide médicale à mourir dans

une situation où un médecin participe

intentionnellement à la mort d’un patient,

soit en administrant lui-même une

substance, soit en fournissant les moyens

qui permettront à un patient de s’auto-

administrer une substance qui entraînera

la mort.

Aide médicale au suicide L’expression aide médicale au suicide

signifie qu’un médecin, sciemment et

intentionnellement, fournit à une

personne les connaissances et(ou) les

moyens nécessaires pour mettre fin à sa

propre vie, notamment en lui donnant des

conseils au sujet de doses mortelles de

médicaments, en lui fournissant

l’ordonnance nécessaire pour obtenir les

doses mortelles en question ou en lui

fournissant les médicaments.

6 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

Sédation palliative Utilisation de médicaments sédatifs chez

un patient atteint d’une maladie en phase

terminale, dans l’intention de soulager la

souffrance et de gérer les symptômes.

L’intention n’est pas d’accélérer le décès,

bien que la mort puisse être une con-

séquence prévisible mais non voulue de

l’utilisation de tels médicaments.

Lors des assemblées publiques, le

Dr Blackmer a clarifié certains des termes

les plus importants utilisés dans les

vidéos, notamment :

�La planification préalable des soins peut

entraîner la préparation d’un testament

de vie, mais ce n’est pas toujours le cas.

Il a fait savoir que la discussion avec les

êtres chers est l’élément le plus

important du processus.

�L’arrêt d’interventions comme les sondes

d’alimentation avec les patients mourants

est considéré comme un retrait de

traitement; il ne s’agit pas d’euthanasie.

�L’expression « euthanasie passive » n’est

plus utilisée, car les patients et leur

famille ont le droit de refuser un

traitement.

�L’expression « mourir dans la dignité »

n’est pas synonyme d’euthanasie, car il

est possible de mourir dans la dignité

sans recours à l’euthanasie.

�La différence entre l’aide médicale à

mourir et l’euthanasie réside en la

personne qui effectue l’acte : dans le

premier cas, il s’agit du patient, le

médecin fournissant le moyen, et dans

l’autre, du médecin ou d’une autre

personne.

�Le continuum des soins palliatifs n’inclut

pas l’euthanasie ou l’aide médicale à

mourir.

À l’assemblée de Whitehorse, le

Dr Blackmer, de concert avec d’autres

spécialistes des soins palliatifs, a précisé

que l’euthanasie ne fait pas partie du

processus des soins palliatifs.

À Regina, une participante a fait part de

ses préoccupations quant à l’expression

« aide médicale à mourir » qui, selon elle,

porte à confusion. Le Dr Blackmer a indiqué

que cette expression figurait dans le

glossaire du dialogue parce qu’elle était

utilisée, mais non définie, dans le projet de

loi 52 au Québec. Il a dit que, comme cela

« Nous vivons de nombreuses expériences et choses que nous ne pouvons pas prévoir. On peut demander à quelqu’un ce qu’il voudrait qu’on fasse s’il subissait un traumatisme crânien, mais il est impossible de le savoir sans avoir vécu cette situation. C’est la même chose avec l’alimentation par sonde. Comment savoir à l’avance ce qu’on voudrait? Parce qu’une fois qu’on est dans cette situation, on peut changer d’avis sans pouvoir communiquer cette information. C’est pourquoi je voudrais vraiment que quelqu’un qui m’aime prenne soin de moi à ce moment. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

7

implique que des médecins participent à ce

processus, l’AMC jugeait important de

clarifier l’expression et de préciser que

l’aide médicale à mourir est clairement

distincte des soins palliatifs.

À Vancouver, une question a été soulevée

sur la différence entre la sédation palliative

et le soulagement normal de la douleur et

de la souffrance psychologique, qui est

apporté au quotidien dans les unités de

soins palliatifs. On a souligné que la

sédation palliative est offerte quand les

symptômes ne peuvent être traités, le

patient préférant dormir jusqu’à sa mort. À

cette même assemblée, un autre participant

a dit qu’il était hypocrite de faire la

distinction entre la sédation palliative et

l’aide médicale à mourir puisqu’une

personne peut prévoir les conséquences

naturelles de ses actes. Le Dr Blackmer a

expliqué que bien que les conséquences

puissent être les mêmes, sur le plan éthique,

la différence réside dans l’intention de l’acte.

La question demeure controversée au sein

de la profession médicale.

D’une manière générale, la terminolo-

gie proposée par l’AMC a été favorable-

ment accueillie par les participants. Le

Dr Blackmer a précisé que l’AMC a tendu

la main à des élus de tous les partis pour

qu’ils encouragent l’utilisation de cette

terminologie.

DIRECTIVES ET PLANIFICATION PRÉALABLE DES SOINSLa discussion sur l’importance des

directives et de la planification préalable

des soins a été mise en contexte à l’aide

des résultats d’un récent sondage montrant

que 95 % des Canadiens pensent qu’il est

important d’avoir une conversation claire

avec un être cher sur le type de soins que

celui-ci veut recevoir à la fin de sa vie, que

seulement 30 % des gens ont une telle

conversation, et que seulement 16 % ont

pris des mesures à la suite d’une telle

conversation.

Aux assemblées publiques, les partici-

pants étaient pratiquement tous d’accord

quant à l’importance des directives

préalables et à la nécessité de discuter avec

les membres de leur famille et avec d’autres

êtres chers de leurs volontés quant aux soins

de fin de vie à différents stades de leur vie.

Expliquant pourquoi le pourcentage de

gens qui préparent des directives préalables

ou discutent des soins de fin de vie est si

faible malgré l’importance reconnue de la

question, la Dre Susan MacDonald, directrice

médicale des soins palliatifs de la Régie de

santé de l’Est à St. John’s et présidente

désignée de la Société canadienne des

médecins de soins palliatifs, a attribué ce

problème à « l’inconfort inné des gens face

à mort ».

« Je pense que notre société et notre culture

sont dans le déni. Il devrait être aussi naturel

pour nous de discuter de la mort que de la

contraception ou des maladies

sexuellement transmissibles. C’est une

réalité de la vie. Nous devons en parler

ouvertement. »

— Membre de l’auditoire à St. John’s

La Dre Danusia Kanachowski, médecin

en soins palliatifs à Whitehorse, a indiqué

que de nombreuses personnes hésitent à

préparer des directives préalables parce

que celles-ci seront considérées comme

étant définitives. « Notre opinion change

au fil du temps, a-t-elle reconnu. C’est

pourquoi les plans de soins préalables

peuvent être modifiés, et votre manda-

taire le sait. » Le Dr Blackmer a ajouté que

certaines personnes craignent que si elles

disent ne pas vouloir être sous ventila-

8 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

tion, par exemple, elles ne seront jamais

mises sous ventilation. La clé, a-t-il dit,

est de parler de la qualité de vie avec nos

êtres chers et les médecins et de définir

dans quelles circonstances le recours à la

ventilation pourrait être acceptable. « Ça

n’a pas besoin d’être absolu. Rien n’est

absolu en médecine », a-t-il souligné.

À l’assemblée de Whitehorse, une

participante a expliqué comment, alors

qu’elle préparait ses directives préalables,

elle s’est arrêtée au beau milieu du

processus parce que bien qu’il soit naturel

de dire qu’elle ne veut pas souffrir à la fin

de sa vie, elle sait qu’elle est une

battante. « Je crains que ce que j’écris

puisse ne pas être ce que je voudrais. »

Elle s’est dite effrayée parce qu’elle s’est

rendu compte que les gens pourraient

suivre ses directives écrites au lieu de

faire ce qu’elle voudrait vraiment le

moment venu. C’est pourquoi elle

hésiterait à remplir à l’âge de 30 ou

40 ans un formulaire qui pourrait ne pas

refléter son point de vue quand elle aura

64 ans.

Selon la Dre Doris Barwich, présidente

de la Société canadienne des médecins de

soins palliatifs et directrice générale du

tout nouveau Centre for Excellence in

Palliative Care, en Colombie-Britannique,

la planification préalable des soins

permet aux gens de réfléchir à leurs

valeurs et à leurs préférences et d’en

informer les autres. Les écrits à ce sujet

indiquent que tout le monde y gagne, car

les patients peuvent participer active-

ment à la prestation des soins, et les

fournisseurs de soins ont des directives

claires sur la façon dont les patients

veulent être traités.

La Dre Kanachowski a dit que, bien que

cette situation puisse sembler « mièvre »

pour certains, les discussions sur la

planification préalable des soins sont

souvent considérées comme un

« cadeau » pour ceux qui doivent prendre

des décisions sur la fin de vie d’autrui,

parce qu’ils savent ce que souhaite la

personne mourante.

« Nous avons tous l’obligation de préparer

notre stratégie de sortie, a affirmé Claire

Bélanger-Parker, une bénévole en soins

palliatifs et membre du groupe d’experts à

Regina. Il faut que notre famille soit bien

préparée à notre départ. »

« Il a été libérateur pour moi de préparer un

testament de vie. Ça ne veut pas dire

“allons-y, je suis prêt à partir”, parce que je

ne le suis pas. Ça apporte un certain

réconfort à mes enfants et à ma conjointe.

Je pense que ça permet aux gens de vivre

une vie plus gratifiante. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

Le Dr Blackmer a signalé que les gens

font l’erreur de penser que la discussion sur

les directives préalables peut « attendre à

un autre jour », jour qui est sans cesse

repoussé. « Nous repoussons ce moment,

et puis il est trop tard. » Il a ajouté que le

meilleur moment pour avoir cette

discussion est quand on est en bonne

santé, alors qu’il n’y a pas de situation de

crise et que tout le monde peut parler

ouvertement et de façon rationnelle.

« Mes deux enfants sont dans la

quarantaine, et j’ai dû faire venir ma fille en

avion à Vancouver et acheter quelques

bonnes bouteilles de vin rouge. Le début a

été difficile, mais je voulais que mes enfants

connaissent mes volontés de fin de vie.

Nous sommes allés au restaurant et avons

parlé de ces questions pendant deux ou trois

heures. Depuis, j’ai reçu des courriels de mes

deux enfants disant “Merci. Nous sommes

extrêmement soulagés de savoir ce que tu

souhaites”. »

— Femme de 73 ans ayant survécu à un

cancer du sein, membre de l’auditoire à

Vancouver

À l’assemblée de Regina, les discussions

étaient axées sur le rôle important que

jouent les « décideurs de remplace-

ment », ou « mandataires », qui sont

désignés pour faire des choix sur les soins

« Mon fils doit accepter que je veuille parler de la mort. C’est très difficile pour la famille. Personne ne veut en parler. » – Membre de l’auditoire à Whitehorse

9

de fin de vie quand une personne ne peut

plus prendre ces décisions elle-même.

« Il est impossible de coucher par écrit

tous les scénarios possibles… ça ne

fonctionne tout simplement pas, a expliqué

le Dr Darren Cargill, médecin de soins

palliatifs à l’hospice de Windsor — Essex

inc. et membre du groupe d’experts à

l’assemblée de Mississauga. D’où

l’importance de désigner un décideur de

remplacement ou un mandataire qui

comprend nos valeurs et nos souhaits. »

« Il m’arrive de voir ces directives préalables.

Les documents sont souvent rédigés par un

avocat. J’ai l’impression que les personnes

qui ont recours aux services d’un

professionnel tentent de pallier à toute

éventualité et de maîtriser la situation à

l’avance. Pourtant, le meilleur moyen de

maîtriser la situation, c’est de confier notre

destinée à une personne de confiance, qui

partage nos valeurs. »

— Médecin, assemblée de Mississauga

Le Dr Blackmer a dit que les décideurs de

remplacement doivent être mieux informés

de leurs responsabilités. Il faut que les

médecins et les autres fournisseurs de soins

puissent communiquer avec les mandataires

même s’il existe un testament de vie parce

que dans la plupart des provinces, la loi exige

que le médecin parle au mandataire des

volontés du patient et interprète le testa-

ment de vie dans le cadre de ce processus. Il a

expliqué que ce rôle est très différent de celui

de l’exécuteur testamentaire. C’est pour cette

raison qu’il est important que le mandataire

connaisse bien les buts, les aspirations et les

valeurs du patient pour pouvoir recom-

mander les mesures appropriées. À

l’assemblée de Regina, le Dr Ken Stakiw,

codirecteur médical des services de soins

palliatifs de la Région de santé de Saskatoon,

a ajouté qu’en raison de l’importance du rôle

du mandataire, le choix de ce dernier ne doit

pas être reporté au dernier moment. Il est

également important de choisir quelqu’un

qui nous survivra, a-t-il ajouté.

Un autre point important soulevé aux

assemblées publiques est que les

provinces et territoires peuvent avoir des

règles et une terminologie différentes sur

les directives préalables et leur exécu-

tion. Les nuances des exigences législa-

tives ont été débattues à chaque

assemblée. Par exemple, à l’assemblée de

Vancouver, un notaire a dit qu’il serait

« irresponsable » de ne pas avoir de

directives préalables par écrit. De plus, il

a critiqué l’usage du terme « testament

de vie », soutenant qu’il ne s’applique

pas en Colombie-Britannique, où la

terminologie appropriée est « accord de

représentation » (representation

agreement), le terme utilisé dans la loi.

« Nous sommes en Colombie-Britan-

nique, pas à Toronto, a-t-il lancé. Mettez

les directives sur papier. »

« Ça ne peut pas être aussi compliqué.

Pourquoi ne peut-on pas avoir quelque

chose de simple? »

— Membre de l’auditoire à Regina parlant

de la complexité de la préparation d’un

testament de vie

L’une des principales préoccupations

quant aux directives préalables, soulevée

à maintes reprises, est que ces directives

ne sont pas toujours suivies par les

médecins ou les fournisseurs de soins qui

s’occupent du patient.

À l’assemblée de Vancouver, on a

expressément parlé du cas de Margot

Bentley, qui serait maintenue en vie

contre sa volonté, exprimée dans une

directive préalable. Le Dr Blackmer a

souligné qu’il y avait eu de nombreuses

discussions sur ce cas, qui est particulière-

ment difficile en raison du type de soins

fournis et des circonstances judiciaires

particulières qui l’entourent, un fait sur

lequel il a insisté.

La Dre Barwich a ajouté que l’une des

difficultés et des limites des directives

préalables est qu’elles ne peuvent pas

obliger un fournisseur de soins à com-

mettre un acte illégal ou contraire à son

devoir de diligence, par exemple aider à

pratiquer une euthanasie. « Nous devons

respecter certaines limites, et c’est

malheureusement l’une d’entre elles. »

« La tante de ma femme avait émis une

directive préalable disant “pas de

ventilateur”, et le médecin et la famille ont

décidé que ce n’était pas ce qu’elle voulait

dire. Neuf mois plus tard, elle est morte

sous ventilation. »

— Membre de l’auditoire à St. John’s

10 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

« Mon mari a récemment subi une opération

au cerveau, et il n’allait pas bien. J’ai dit aux

médecins : “Vous savez, s’il reste comme ça,

je sais qu’il ne voudra pas rester en vie”. Ils

m’ont répondu que s’il n’y avait pas d’accord

de représentation au dossier, ils allaient le

réanimer. Je me suis précipitée à la maison

pour chercher l’accord de représentation et

je l’ai fait verser au dossier. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

« Mon père est décédé en novembre dernier,

à l’âge de 96 ans. Il a eu 96 bonnes années et

six semaines difficiles. Quand il a déménagé

à Regina en 2011, il a consulté un avocat de

la Saskatchewan pour s’assurer que ses

directives préalables étaient valables dans la

province. Comme c’était un homme très sain

d’esprit qui pouvait préciser ses volontés à

l’avocat et à moi-même, il a soigneusement

préparé un plan. En juin dernier, quand il a

été admis à l’hôpital, ici à Regina, on a

demandé s’il avait des directives préalables

et j’ai répondu : “Oui, les voici”. On m’a

répondu : “Bien, mettez ça de côté. Nous

voulons que vous remplissiez nos formulaires

et ce nouveau formulaire. Veuillez le lire

attentivement et prendre une décision

maintenant.” J’ai refusé, disant “Tout

récemment, quand mon père était en mesure

de prendre des décisions, il a rempli ce

formulaire, et j’aimerais que vous l’utilisiez.”

Ils ont pris le formulaire à contrecœur et ont

surligné uniquement la partie disant “ne

faites pas ceci”, sans surligner le paragraphe

qui précisait “dans les circonstances

suivantes, ne faites pas ceci”. Je trouvais que

ça ne reflétait pas ses volontés, ce qui était

très inquiétant, et je pense qu’il faut discuter

de la normalisation. Je comprends qu’il est

difficile pour les professionnels de la santé

de lire une centaine de types de directives

préalables différentes et de les interpréter de

façon individuelle. »

— Membre de l’auditoire à Regina

D’autres participants ont souligné

l’importance de faire participer le médecin

traitant ou le médecin de famille aux

discussions sur la planification préalable

des soins. À l’assemblée de Vancouver, une

infirmière a dit que la plupart du temps, le

problème vient du fait que les médecins ne

discutent pas avec les patients de la

signification des diagnostics, des pronostics

et de l’impact des traitements offerts en ce

qui a trait aux résultats et au rôle de tous

« Nous étudions cette question dans mon cours de sociologie de 12e année (secondaire 5). Selon vous, sur quoi les jeunes devraient-ils insister quand ils pensent à la question des soins de fin de vie? Nombre de ces étudiants sont nos futurs soignants. »

— Question posée au Dr Francescutti

pendant le dialogue en ligne

« La planification préalable des soins serait un sujet de discussion idéal. Les familles peuvent en parler sans attendre, ce soir. »

— Réponse du Dr Francescutti

11

les membres de l’équipe soignante, y

compris le personnel infirmier. Un partici-

pant à l’assemblée de Mississauga a

également soulevé un point semblable

concernant l’importance d’informer les

patients sur l’impact potentiel des

décisions relatives aux traitements et sur

l’option de refuser ces traitements.

« Une bonne communication peut aider à

atténuer une grande partie du malaise qui

entoure la situation et à établir un climat de

confiance, surtout si elle a lieu avec des

fournisseurs de soins qui ont reçu une

formation sur la façon d’aborder ces

questions », a expliqué Wenda Bradley,

aidante naturelle, infirmière communautaire

et membre du groupe d’experts au Yukon.

À Mississauga, le Dr Cargill a parlé de

l’importance de la communication en tant

que partie intégrante de l’art de la

médecine. Il a fait valoir que nombre de

médecins ne sont pas prêts et n’ont pas

reçu la formation nécessaire pour

s’entretenir de la planification préalable des

soins, et qu’un simple « Qu’est-ce qui est

important pour vous? » peut ouvrir la porte

à des conversations très productives avec le

patient. Il a souligné que de nombreux

patients voient d’un bon œil l’ouverture par

leur médecin d’un dialogue sur les plans

préalables aux soins, et s’est dit sidéré du

chemin qu’un patient doit parcourir avant

qu’un acteur du système de santé ne

soulève la question.

La Dre Kanachowski a souligné que

contrairement à ce que pensent le grand

public et les médecins, la planification

préalable des soins ne se fait pas en une

seule discussion, mais en plusieurs

rencontres étalées au fil du temps. Elle a

mentionné qu’il faut encourager les

médecins à parler de la planification

préalable des soins et des possibilités

offertes, précisant que cette réalité fait

partie de leur travail. Selon elle, les soins de

fin de vie doivent être planifiés. Il ne s’agit

pas de traiter un problème médical grave et

immédiat, comme c’est généralement le

cas quand on consulte un médecin.

Un participant à l’assemblée de

Whitehorse a dit qu’il se peut que le

problème soit lié au fait que le système

ne reconnaît et ne rémunère pas suffisam-

ment les médecins ou les infirmiers

praticiens pour le temps requis pour avoir

une discussion appropriée avec les

patients.

SOINS PALLIATIFS Au début de chaque assemblée, le Dr Fran-

cescutti, président de l’AMC, a parlé de

l’expérience positive des soins palliatifs

vécue par sa mère avant qu’elle ne meure

d’un cancer du côlon en juin dernier. « Ce

fut une expérience agréable », a-t-il dit,

parce que sa mère a réuni la famille et a

reçu des soins exceptionnels à la Résidence

de soins palliatifs de l’Ouest-de l’Île, à Mon-

tréal. Il a dit que sa mère avait été impres-

sionnée par la compassion du personnel,

qui l’a aidée et a soutenu sa famille. « Elle

est partie avec le sentiment qu’elle avait

vécu le dernier chapitre de sa vie à un

endroit où on répondait à ses besoins. C’est

la définition des soins palliatifs. Le fait de

penser à la façon dont elle nous a quittés

me réconforte tous les jours. »

À chaque assemblée publique, les

panélistes et les membres de l’auditoire

ont parlé de l’excellence des services de

soins palliatifs dans le centre où la

rencontre avait lieu, et de l’absence de

tels services dans d’autres communautés

ou dans des régions plus éloignées. Le

Dr Stakiw a décrit la situation plus

crûment à l’assemblée de Regina, disant

qu’alors que les services de soins palliatifs

sont bien organisés et généralement bien

administrés dans les centres urbains de la

Saskatchewan, tout « s’écroule » à

quelques kilomètres seulement de là.

Mme Bélanger-Parker a dit que le manque

de soins palliatifs dans les réserves des

Premières Nations de la province est

« choquant ». Quant au Dr Cargill, il a

attribué la responsabilité de l’excellence

des soins palliatifs constatée dans

certaines collectivités aux personnes et

aux mouvements populaires qui ont

réclamé haut et fort ces services.

À maintes reprises, l’excellence des

soins fournis par des centres spécialisés et

des équipes multidisciplinaires a été mise

en contraste avec le décès « horrible » de

personnes n’ayant pas accès à de tels

services.

« Mon père est décédé dans un hôpital de

Regina le 27 janvier et ça a été horrible. Au

cours de ma carrière, j’ai accompagné des

milliers de gens dans la mort, et c’est une

belle expérience. Quand mon père est mort,

je me suis levé et j’ai dit “Prenez-le

maintenant. Ça suffit”. C’était un manque

d’éducation. Mon père vivait à Regina, mais il

n’a pas reçu de soins palliatifs. J’étais en

contact avec des spécialistes de soins

palliatifs, mais ils ne pouvaient pas aider le

généraliste parce qu’il ne le voulait pas ou ne

l’avait pas demandé. Mon père a souffert,

tout comme moi et famille. Il faut éduquer

les généralistes et veiller à ce que des soins

palliatifs soient offerts à tous les

Canadiens. »

— Membre de l’auditoire à Regina

« Mon expérience des soins palliatifs a été très positive. Ma mère avait choisi de mourir à la maison, et nous avons réalisé combien il était difficile pour notre père de s’occuper d’elle. Aussi, une semaine avant sa mort, nous l’avons confiée à un centre de soins palliatifs, ce qui a été un soulagement pour nous tous, car il était vraiment incroyable d’avoir quelqu’un pour prendre soin d’elle pendant que nous nous occupions de notre père et que nous nous soutenions mutuellement. »

— Membre de l’auditoire à St. John’s

12 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

Les spécialistes des soins palliatifs se

sont donné beaucoup de mal pour

expliquer la portée des services offerts. La

Dre Barwich a expliqué que le concept des

soins palliatifs a évolué il y a quelques

années alors que la médecine est devenue

beaucoup plus basée sur la technologie et

axée sur la maladie, sans vraiment tenir

compte des personnes en phase avancée

ou terminale. Elle a expliqué qu’en soins

palliatifs, le but est de former une équipe

et d’avoir des ressources pouvant

répondre aux besoins physiques, mentaux

et spirituels du patient. Il faut également

respecter les particularités individuelles

du déroulement de la mort et satisfaire

les volontés de la personne par une bonne

gestion des symptômes et de la douleur.

À l’assemblée de St. John’s, la Dre Macdon-

ald a dit qu’elle souhaitait que la

définition des soins palliatifs soit élargie

parce qu’elle s’occupe de vivants et non

pas de mourants. Elle a dit que son travail

est merveilleux, et non pas triste, car elle

travaille avec des médecins de famille et

d’autres spécialistes afin d’aider à gérer

les symptômes physiques et psychoso-

ciaux des personnes dont elle prend soin.

« Les soins palliatifs unissent les

familles », a déclaré Renae Addis, aidante

naturelle et directrice du développement

des fonds et des communications au

Dorothy Ley Hospice. Mme Addis,

panéliste à l’assemblée de Mississauga, a

précisé qu’avant que sa mère n’ait accès

aux soins palliatifs, sa sœur et elle

prenaient en charge bon nombre de

tâches qui incomberaient normalement

aux infirmières. Les soins palliatifs « m’ont

permis de reprendre mon rôle de fille ».

« Certaines des expériences les plus

tendres de ma vie sont vécues au chevet de

gens qui sont en train de mourir », a dit

Louise Donald, une bénévole en soins

palliatifs et membre du panel à Vancouver.

Quand on lui a demandé d’expliquer la

différence entre les soins palliatifs et les

soins de fin de vie, et de préciser qui peut

prodiguer des soins palliatifs, la Dre Mac-

donald a répondu que les soins palliatifs

sont plus vastes et sont prodigués pendant

une période plus longue. Elle les a définis

comme étant la gestion des symptômes

chez des gens atteints d’une maladie

limitant l’espérance de vie ou constituant

un danger de mort, peu importe leur âge.

Elle a ajouté que les médecins de famille,

tout comme les infirmiers, prodiguent des

soins palliatifs. « Les soins palliatifs sont

avant tout de bons soins médicaux et

infirmiers », a-t-elle expliqué.

D’après la Dre Kanachowski, de nombreux

médecins considèrent que les soins

13

palliatifs et les soins de fin de vie sont

synonymes, alors qu’en fait, les soins

palliatifs peuvent commencer « bien en

amont », quand une personne commence à

souffrir d’une maladie constituant un

danger de mort. Elle a précisé qu’une étude

menée auprès de gens atteints d’un cancer

du poumon métastatique a révélé que ceux

qui reçoivent des soins palliatifs dès le

diagnostic vivent plus longtemps et ont un

meilleur contrôle des symptômes et une

meilleure qualité de vie.

« Avec les soins palliatifs, on n’a qu’une

seule chance d’agir comme il se doit », a

dit le Dr Stakiw, soulignant que les

spécialistes de soins palliatifs veulent

travailler avec ceux qui souffrent d’une

maladie constituant un danger de mort tôt

dans le processus, même si ces personnes

sont en voie de guérison.

À St. John’s, une participante a dit que

parce qu’elle connaissait les bonnes

personnes et avait les contacts appropriés,

elle a pu faire en sorte que sa mère reçoive

d’excellents soins, notamment la dis-

ponibilité de son médecin de famille 24

heures sur 24 et sept jours sur sept. Grâce

à ces soins et parce qu’elle avait émis des

directives préalables, sa mère a pu vivre ses

derniers jours dans son lit, entourée de sa

famille. La participante a ajouté que depuis

la mort de sa mère, elle a rencontré de

nombreuses personnes qui n’ont pas eu la

chance d’avoir les mêmes connaissances et

le même soutien. Elle s’est demandé si les

patients et leurs familles savent qu’ils ont

le choix de ne pas mourir à l’hôpital et

qu’ils peuvent recevoir du soutien. Les trois

éléments les plus positifs du dernier mois

que sa mère a vécu sont que le souhait de

sa mère de mourir chez elle a été comblé,

qu’elle était fière d’avoir pu offrir cela à sa

mère et que les autres membres de la

famille ont pu être témoins d’une telle

compassion.

Le manque de formation des étudiants

en médecine sur la gestion de la douleur et

d’autres aspects des soins palliatifs était un

thème récurrent. La Dre Macdonald a

précisé que 10 des 17 écoles de médecine

du Canada offrent moins de 10 heures de

formation sur les soins palliatifs, et le

Dr Blackmer a dit que cela présentait un

contraste frappant avec la moyenne de 80

heures de formation sur la gestion de la

douleur que reçoivent les étudiants en

médecine vétérinaire.

Une participante à l’assemblée de Regina

a dit qu’il fallait que les médecins, les

fournisseurs de soins et les régions de santé

soient conscients de la nécessité d’offrir des

soins palliatifs appropriés, mais que ce n’est

pas le cas actuellement. Elle a réitéré que la

formation était importante, mais que sans la

reconnaissance de la nécessité de ces

services, ce serait une perte de temps

d’enseigner aux gens comment fournir des

soins palliatifs appropriés.

« Il y a huit ans, ma mère, qui était âgée de 98

ans, était en excellente santé et vivait seule.

Elle a vécu un épisode de psychose causé par

la déshydratation. Elle a été amenée à

l’hôpital — c’était un long week-end et son

médecin était hors de la ville — et le médecin

de garde l’a mise dans la salle de médecine

générale. Le personnel l’a immobilisée avec

des dispositifs de contention et a présumé

qu’elle refusait d’être soignée parce que dans

sa paranoïa, elle pensait que tout le monde

voulait l’empoisonner. Quand je suis arrivé à

6 heures le dimanche matin, j’ai dû menacer

d’intenter des poursuites et j’ai exigé une

déclaration écrite de la raison pour laquelle ils

ne l’hydrataient pas. Elle avait une

ordonnance de non-réanimation et nous

étions prêts à la laisser partir, mais pas en

hurlant de façon hystérique alors qu’elle était

immobilisée sur un lit d’hôpital. Ils ont

commencé à l’hydrater et nous avons mis des

médicaments dans les fluides. Après trois

jours, elle allait bien et elle a dit qu’elle allait

perdre son travail de bénévole si on ne la

laissait pas quitter l’hôpital. Elle est morte

paisiblement dans son sommeil deux ans plus

tard. Dans un tel contexte, comment fait-on

comprendre au personnel d’une salle

générale que des soins palliatifs sont requis? »

– Membre de l’auditoire à Vancouver

« Mon mari est récemment décédé. Il était

dans un foyer depuis deux mois, mais il n’a

pas reçu les soins dont il avait besoin parce

qu’il y avait 16 patients et seulement deux

infirmières et deux aides par quart de

travail. Il avait de la difficulté à respirer et

l’appareil respiratoire est tombé en panne.

Les responsables du foyer ont dû l’envoyer à

l’hôpital général de Burnaby parce qu’ils ne

pouvaient pas l’aider. Il y est mort en paix.

Je lève mon chapeau à l’hôpital général de

Burnaby parce qu’il a fait plus que ce que le

foyer pouvait faire. Ce n’est pas qu’une

question de financement [des foyers]. C’est

qu’ils ne peuvent pas fournir les soins dont

les gens ont vraiment, vraiment besoin. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

« Ma mère a 92 ans et souffre de quatre ou

cinq problèmes de santé graves.

Dernièrement, elle a reçu un diagnostic

14 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

d’infection intestinale et a refusé de prendre

des antibiotiques. J’en ai fait part à son

médecin, qui n’a pas insisté. J’ai eu plus de

difficultés avec son omnipraticien, qui

n’arrivait pas à comprendre pourquoi la

famille refuserait des soins. »

— Membre de l’auditoire à Mississauga

À l’assemblée de Mississauga, on a

abordé le sujet du rôle et de l’importance

des intervenants-pivot, dont le rôle au sein

du système de santé consiste à assurer que

les patients reçoivent les soins et les

services appropriés, plus particulièrement

en ce qui a trait aux soins palliatifs. Le

Dr Cargill a fait remarquer qu’étant donné

la complexité du système de santé actuel,

le rôle que jouent ces intervenants est de

plus en plus essentiel.

La question de la nécessité d’une

stratégie nationale sur les soins palliatifs et

du financement adéquat des services et

des centres de soins palliatifs a été

soulevée à maintes reprises. « Nous

courons aussi vite que nous pouvons », a

déclaré l’un des membres du personnel

d’un foyer, se demandant comment un

niveau de service comparable pourrait être

offert sans les bénévoles, compte tenu du

faible financement du régime public.

Le Dr Blackmer estime qu’il est

incompréhensible que les services de

soins palliatifs ne reçoivent pas un

financement adéquat, étant donné que la

mort est un état pathologique que nous

allons tous connaître. « C’est parce que

ce n’est pas un sujet “vendeur” sur le

plan politique. Ce n’est pas un domaine

où le gouvernement peut faire des gains

politiques. »

« J’ai dû me battre avec acharnement pour

que ma mère reçoive des soins palliatifs,

perdant du même coup un temps précieux

que j’aurais pu passer avec elle. La

planification de fin de vie et les directives

préalables, de même que les soins palliatifs,

devraient faire partie du continuum de soins

offerts à tous les Canadiens. Les soins

appropriés ne devraient pas dépendre de

l’efficacité avec laquelle la famille peut les

réclamer; ils devraient être offerts d’office.

Nous avons le droit de recevoir des soins de

fin de vie prodigués avec compassion, par

des gens qui croient à l’importance des soins

palliatifs et qui comprennent que c’est une

spécialité. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il n’y a

pas de norme ou d’approche uniforme,

applicable partout au pays. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

Un participant à l’assemblée de Regina

âgé de 96 ans a raconté que sa femme est

morte en soins palliatifs il y a huit ans. « À

ce stade de la vie, tous ceux qui ont accès à

des soins palliatifs n’ont plus de problème »,

a-t-il dit, parce que sa conjointe a pu

recevoir tous les traitements contre la

douleur dont elle avait besoin. Il a qualifié

les soins palliatifs de « cadeau du ciel »,

ajoutant que le seul problème est que tout

le monde n’y a pas accès.

15

« Tout le monde devrait avoir accès aux

soins palliatifs parce que nous allons tous

mourir. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

« Je travaille à temps plein dans le système

de santé, et je pense qu’il faut absolument

augmenter le niveau des services et le

nombre de centres de soins palliatifs, pour

tous les Canadiens. »

— Dialogue en ligne

« Il est déjà suffisamment difficile de voir un

être cher en train de mourir. S’il faut en plus

quitter son foyer et déménager pour être

avec cette personne, c’est horrible pour

tout le monde. Je pense donc qu’il faut

investir dans les communautés. »

– Membre de l’auditoire à Whitehorse

« J’ai cru comprendre qu’à ma régie de la

santé, une seule personne s’occupe de la

planification préalable des soins. Il faut

allouer des fonds pour transmettre le

message à tout le monde, et surtout ne pas

en faire une initiative prise par des

bénévoles. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

EUTHANASIE ET AIDE MÉDICALE À MOURIR Malgré la nature très émotive du sujet et la

divergence des points de vue exprimés, le

débat sur l’euthanasie et l’aide médicale à

mourir a été caractérisé par la courtoisie et

le respect de l’opinion d’autrui, à toutes les

assemblées publiques.

Au début de chaque assemblée, le

Dr Blackmer résumait le cadre de politique

publique sur l’aide médicale à mourir au

Canada, dont le projet de loi 52 au Québec et

l’affaire Carter devant la Cour suprême du

Canada. Il résumait également la politique

actuelle de l’AMC, selon laquelle il s’agit d’un

enjeu social et qui s’oppose à la participation

des médecins à l’aide médicale à mourir, et

précisait quelles sont les administrations

(actuellement au nombre de neuf) où

l’euthanasie est légale. Il a souligné que dans

certains endroits où la loi permet aux

patients de se procurer des médicaments

pour mettre fin à leurs jours, comme en

Oregon, il arrive souvent que les patients

décident de ne pas utiliser l’ordonnance ou

de ne pas prendre les médicaments une fois

qu’ils les ont, parce que c’est le sentiment de

contrôle et le respect de l’autonomie du

patient qui priment.

Les membres de l’auditoire ont exprimé

des opinions qui à la fois soutenaient les

lois en vigueur qui interdisent l’euthanasie

et l’aide médicale à mourir, et réclamaient

des modifications législatives afin de

permettre ces pratiques.

« Ma grand-mère avait la maladie

d’Alzheimer, et j’y ai beaucoup réfléchi. Je

sais que si je commençais à avoir les

symptômes de cette maladie, j’aimerais

avoir accès à “la pilule” [dose létale de

médicament]. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

« Je veux avoir la flexibilité de choisir le

moment, l’endroit et la façon. »

– Membre de l’auditoire à Mississauga

« Je veux pouvoir choisir comment et quand

je vais partir. Personne ne peut m’enlever ce

droit. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

« Lorsqu’il est mort [mon mari], j’étais à la

maison en train de nourrir les chiens, les

chats et le poisson. Il aurait aimé pouvoir me

tenir la main. Il aurait aimé pouvoir dire “Je

veux mourir aujourd’hui, à 15 h. Dites-le à

Louise.” Et j’aurais été présente. »

— Membre de l’auditoire à Mississauga

« Je crois que les soins palliatifs sont un

élément essentiel de notre système de

santé. Et “oui”, il en faut plus. Je crois

également que si nous avions tous accès aux

soins palliatifs dont quiconque peut avoir

besoin, il y a des gens qui préféreraient ne

pas passer par ce processus. Je respecte leur

opinion et leur choix. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

« Malheureusement, nous sommes en train

de convertir le système de santé canadien

en système à deux vitesses qui permet

seulement aux plus riches de se rendre

dans les pays européens et les états

américains pour y recevoir l’aide médicale

à mourir.

— Membre de l’auditoire à Mississauga

« Refuser à quelqu’un son souhait légitime

de mourir cause à cette personne un tort et

des souffrances incommensurables ».

— Membre de l’auditoire à Mississauga

16 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

« Nous ne pouvons pas aller de l’avant sans

connaître l’opinion de nombreux Canadiens.

Sinon, nous risquons de créer des solutions

et une société qui ne soutiennent pas

l’ensemble des convictions et des valeurs.

Voilà l’enjeu. »

— Dialogue en ligne

En réponse à une question posée par

l’AMC à toutes les assemblées publiques,

de nombreux participants ont reconnu que

si un bon système de soins palliatifs était

offert à tous les Canadiens, cela pourrait

réduire considérablement les pressions

pour la modification de la loi. De nombreux

spécialistes des soins palliatifs, comme la

Dre Barwich, qui ont siégé aux panels des

assemblées ont dit qu’il serait prématuré

de simplement parler de modifier la loi sur

l’euthanasie avant que les soins palliatifs

soient accessibles. Un membre de

l’auditoire à Mississauga a soulevé que tant

que les soins palliatifs ne garantiront pas le

soulagement adéquat des souffrances d’un

nombre considérable de patients, l’aide

médicale à mourir demeurera une option

acceptable.

« J’ai l’impression que de nombreuses

personnes, pour de nombreuses raisons et à

différents moments de leur vie peuvent

vouloir mettre fin à leurs jours. Je crois que

pour la grande majorité des gens, les soins

palliatifs sont la solution. »

— Membre de l’auditoire à Regina

« La population vieillissante augmente, et il

n’y aura pas assez de centres de soins

palliatifs. C’est pourquoi les gens devraient

vraiment pouvoir décider s’ils veulent

bénéficier de l’aide médicale à mourir. Je

traite mes animaux mieux que la façon dont

j’ai dû voir ma mère mourir et, mon Dieu, je

ne vais pas vivre ce genre de chose. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

De nombreux opposants à la légalisa-

tion de l’aide médicale au suicide ont

parlé de « l’argument de la pente

dangereuse », selon lequel les indications

de l’aide médicale au suicide pourraient

être considérablement élargies malgré les

mesures de protection initiales. Ils

soutiennent que cela mettrait particu-

lièrement en péril les populations

vulnérables comme les personnes âgées

souffrant de démence. Alors que ceux qui

s’opposent à l’euthanasie citent des pays

où l’euthanasie est légale et où les

indications ont été élargies, comme la

Belgique et les Pays-Bas, les défenseurs de

l’aide médicale au suicide ont contré

l’argument en citant l’exemple de

l’Oregon, où des mesures de contrôle

strictes sont toujours en place.

Un participant à l’assemblée de Regina,

âgé de 96 ans, a demandé pourquoi une

société démocratique comme le Canada

ne pourrait pas créer suffisamment de

garanties pour éviter cette « pente

dangereuse » si l’aide médicale à mourir

était légalisée. « Il n’y a pas de pente

dangereuse », a-t-il dit.

« Pour contrer l’argument de la “pente

dangereuse”, disons que certaines

personnes abusent des médicaments

antidouleur, mais nous ne les interdisons

pas pour autant, préférant les

réglementer. »

— Dialogue en ligne

« Nous devons réfléchir sérieusement à ce à

quoi nous ouvrons la porte si l’AMC choisit

de soutenir le gouvernement dans le cadre

de la légalisation de l’euthanasie. »

— Spécialiste des soins palliatifs à la

retraite, Regina

« Je crois que nous devons avoir accès à

l’aide médicale à mourir et à l’euthanasie

volontaire dans des situations où les soins

palliatifs sont inefficaces. Si quelqu’un

éprouve des souffrances qui ne peuvent pas

être traitées et qui vont durer deux mois, je

crois que c’est un genre de souffrance que

seule la mort peut abréger. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

La Dre Macdonald a reconnu qu’il y a de

nombreux groupes vulnérables dans la

société canadienne, dont les personnes

handicapées, les enfants et les personnes

privées de leurs droits, et qu’il serait

quasiment impossible d’élaborer une

mesure législative qui permettrait de

protéger toutes ces personnes. Elle a ajouté

que selon son expérience, ce sont les gens

en bonne santé qui parlent le plus fort en

faveur de la légalisation de l’euthanasie.

Selon la Dre MacDonald, seul un faible

pourcentage de gens envisagerait

l’euthanasie, mais comme nous allons tous

mourir, il faudrait vigoureusement défendre

la prestation de bons soins palliatifs.

La question à savoir comment la

perception de ceux qui souffrent

d’affections graves ou terminales pourrait

changer s’ils recevaient de bons soins

palliatifs a été soulevée à plusieurs reprises.

17

Le Dr Blackmer a répondu qu’il est appelé à

traiter des personnes ayant une lésion

médullaire. Des études démontrent que

même des fournisseurs de soins pensent

que de nombreux quadriplégiques ont une

qualité de vie à laquelle les spécialistes

accorderaient seulement la note de deux à

trois sur dix, alors que ces personnes y

accorderaient la note de huit à neuf,

surtout après avoir eu la possibilité de

s’adapter à leur nouvelle vie. Il a dit qu’il

rencontre souvent des patients qui, juste

après avoir été blessés, veulent mettre fin à

leur vie. Cependant, une fois qu’ils se sont

adaptés à leur nouvelle réalité, il arrive

souvent qu’ils apprécient l’indépendance

dont ils bénéficient toujours.

« Quand j’avais neuf ans, ma grand-mère,

avec qui je vivais, est morte d’un cancer de

l’estomac. Le personnel infirmier m’avait

montré comment changer la stomie de son

estomac. Je me souviens des moments

passés avec elle, et aussi du moment de sa

mort. C’est peut-être égoïste, mais je

n’aurais pas voulu qu’on me vole ces

moments. Et je pense qu’elle n’aurait pas

voulu me voler ces moments et les liens qui

nous unissaient. Je sais qu’elle souffrait

énormément, mais je pense que si elle était

morte aujourd’hui, elle aurait pu avoir

l’impression de devoir choisir l’aide médicale

à mourir, ce qui nous aurait empêchés de

vivre cette période d’attachement, et ce qui

m’aurait privé des souvenirs les plus

précieux que j’ai d’elle. »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse âgé

de 34 ans

« Ils [mes parents] disaient qu’ils

voulaient mourir, mais nous ne pouvions

rien faire. S’ils avaient été des chats ou

des chiens, je les aurais fait endormir sans

scrupules. Mais ça n’était pas une option.»

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

(Un certain nombre de participants,

à diverses assemblées, ont fait la

comparaison entre la facilité avec

laquelle on peut faire euthanasier un

animal domestique et la loi qui prévaut

actuellement pour les humains au Canada.)

« Il existe des soins palliatifs pour traiter la

souffrance physique, mais il y a également

une souffrance psychologique. J’ai 87 ans.

J’ai survécu à tous mes proches et à tous mes

anciens amis, et je ne peux plus faire la

plupart des choses qui me plaisent vraiment.

Je vis dans un centre très confortable et très

bien. J’ai une compagne de 96 ans qui est

aveugle et qui n’entend pratiquement plus

rien, mais elle très vive d’esprit et est

enfermée dans cette coquille. Quelle aide

palliative peut-on lui offrir? J’aimerais faire

une proposition radicale. La plupart des

gens de mon groupe d’âge souffrent

d’affections qui sont douloureuses et

inconfortables, mais pas terminales. Nous

sommes donc condamnés à vivre pendant

une période indéterminée dans la douleur,

l’inconfort, l’ennui et la solitude. Quel

soutien palliatif y a-t-il pour ça? Je voudrais

une loi qui stipule que si vous avez plus de 75

ans ou êtes en phase terminale, vous avez le

droit de demander une aide médicale à

mourir. »

— Membre de l’auditoire à Vancouver

« Et les personnes atteintes de maladie

mentale? Elles peuvent avoir envie de se

tuer à tout moment. Si la loi le permettait,

elles mettraient fin à leurs jours. Mais si vous

les aidez par la psychothérapie et la

médication, elles peuvent changer d’idée.

C’est pourquoi je m’oppose farouchement à

l’euthanasie. C’est un manque de respect

absolu de la vie. »

— Membre de l’auditoire à St. John’s

Le Dr Blackmer a souligné que les

médecins choisissent cette profession

parce qu’ils veulent soulager la douleur et

la souffrance, et le serment qu’ils prêtent

les oblige à ne pas accélérer la mort. La

légalisation de l’aide médicale à mourir

brouillerait les limites de ce qu’ils sont

censés faire. « Notre philosophie consiste

à soigner, pas à tuer », a affirmé un

médecin à l’assemblée de Vancouver. À

l’assemblée de Mississauga, un médecin et

un membre du public ont soulevé des

préoccupations quant au dilemme éthique

qui se poserait si les médecins devaient à

la fois procurer une aide médicale à

mourir et s’efforcer de soigner et de

guérir leurs patients.

« Je crois qu’en tant que médecins, nous

sommes plus souvent confrontés à la mort.

Je crois qu’il est vraiment important que

nous agissions comme il se doit. Je crains

pour l’éthique des médecins s’ils se mettent

à prescrire des produits qui tuent. Quelles

seront les conséquences pour les médecins

et notre éthique, et quelles seront les

conséquences pour la confiance de nos

patients? »

— Membre de l’auditoire à Whitehorse

Les participants de l’assemblée de

Mississauga ont longuement discuté du

rôle potentiel que joueraient les méde-

cins, et l’AMC en particulier, pour soutenir

ce qu’on a appelé un courant majoritaire

de l’opinion publique qui réclame une

modification de la loi pour autoriser l’aide

médicale à mourir et défendre le droit des

patients à décider de leur sort. Le

Dr Blackmer a répondu que la profession

médicale droit à son opinion, mais qu’en

fin de compte, ce sont les Canadiens qui

prendront la décision, et les médecins la

respecteront.

Bien que la perspective des peuples des

Premières Nations en particulier n’ait pas

été abordée directement aux assemblées,

on a pressé l’AMC de chercher à mieux

comprendre la façon dont les Premières

Nations considèrent la mort et son

processus. Un observateur a parlé de la

valeur que les peuples des Premières

Nations donnent au processus de la mort,

et du sens de la communauté et du

partage qui se crée quand une personne

est en train de mourir.

CONCLUSIONSLe but du dialogue national était d’exposer

aux citoyens et aux médecins un point de

vue social sur la question des soins de fin

de vie. Les rencontres et le dialogue en

ligne ont favorisé la discussion et ont

18 ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

Un dialogue national

permis de soulever des points clés.

�La terminologie élaborée par l’AMC pour

discuter des soins de fin de vie devrait

être largement communiquée aux

fournisseurs de soins, aux décideurs

politiques et au grand public.

�Tous les Canadiens devraient discuter des

volontés de fin de vie avec leur famille ou

d’autres êtres chers.

�Tous les Canadiens devraient élaborer des

directives préalables appropriées et

exécutoires dans la province ou le

territoire où ils vivent.

�Les Canadiens devraient revoir leurs

volontés de fin de vie régulièrement et

reconnaître que les fournisseurs de soins

vont interpréter ces volontés selon

différentes variables, dont les directives

préalables écrites, les conversations avec

les proches et la participation d’un

mandataire.

�Il faut développer une stratégie nationale

sur les soins palliatifs.

�Tous les Canadiens devraient avoir accès

à des services de soins palliatifs appro-

priés.

�Il faut augmenter le financement des

services et des centres de soins palliatifs.

�Il faut mieux former les étudiants en

médecine, les résidents et les médecins

praticiens sur les approches de soins

palliatifs et les façons d’aborder la

planification préalable des soins.

�La population canadienne est divisée sur

la question à savoir si l’interdiction de

l’euthanasie et de l’aide médicale à

mourir devrait être maintenue.

�Si l’on modifie la loi canadienne pour

permettre l’euthanasie ou l’aide médicale

à mourir, il faudra établir des protocoles

et des garanties stricts afin de protéger

les personnes et les populations vul-

nérables.

�L’impact potentiel de la légalisation de

l’aide médicale à mourir sur la profession

médicale au Canada devrait être étudié

soigneusement et de façon plus appro-

fondie.

| A2-1

Approche fondée sur des principes pour encadrer l’aide à

mourir au Canada

Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a rendu une décision unanime abolissant les

dispositions législatives interdisant aide à mourir. La Cour a suspendu l’application de sa décision pour

12 mois, ce qui a donné à l’Association médicale canadienne (AMC) l’occasion de poursuivre son

travail dans ce dossier en continuant à consulter les associations médicales provinciales et territoriales,

les intervenants du domaine médical et non médical, ses membres, les assemblées législatives et les

patients dans le but de formuler les éléments d’une démarche – qu’il s’agisse de procédures légales ou

réglementaires, ou de lignes directrices – qui respecte les besoins des patients tout en tenant compte du

point de vue des médecins.

Ce processus avait une double visée : a) animer une discussion et formuler des recommandations sur

la base de principes éthiques-juridiques; b) donner un avis sur certains éléments sensibles pour les

médecins et qui sont ambigus ou passés sous silence dans la décision de la Cour. Le but est d’arriver à

un compromis raisonnable reflétant tous les points de vue tout en mettant le patient au cœur de la

réflexion.

Par souci de précision, soulignons que l’AMC recommande des mécanismes et des systèmes législatifs

et réglementaires nationaux et coordonnés. L’élaboration de ces lois et de ces règlements devrait se

faire sans tarder. Les principes ci-dessous n’ont pas été élaborés pour servir d’outil d’évaluation de la

conformité des lois d’une province ou d’un territoire donnés ni de norme en matière de soins. L’AMC

souhaite plutôt qu’ils servent à guider les médecins et à leur donner une idée de ce qu’ils peuvent faire

pour mieux remplir leurs obligations professionnelles et légales dans un domaine complexe.

L’AMC recommande l’adoption au Canada de l’approche fondée sur des principes décrite ci-dessous.

Principes fondateurs

L’approche de l’AMC en matière d’aide à mourir se fonde sur les principes ci-dessous. Les principes

fondateurs proposés constituent un point de départ pour toute réflexion éthique; toutefois, leur

application en cas de conflit demande une analyse poussée.

1. Respect de l’autonomie du patient : Un adulte capable est libre de prendre ses propres

décisions au sujet de son intégrité corporelle. Compte tenu du caractère irréversible de l’aide à

mourir, il y a lieu d’imposer des critères précis.

2. Équité : Dans la mesure du possible, tous les patients qui satisfont aux critères d’admissibilité à

l’aide à mourir devraient y avoir accès. Les médecins travailleront avec les parties concernées

pour favoriser l’augmentation des ressources et l’accès à des soins palliatifs de grande qualité,

de même qu’à l’aide à mourir. Aucune considération clinique, systémique ou institutionnelle ne

doit être à l’origine d’un retard d’accès indu à l’aide à mourir. Pour ce faire, l’AMC

recommande la création d’une instance indépendante et centralisée pouvant offrir des

renseignements, du counseling et un aiguillage vers les ressources appropriées.

A2-2 |

3. Respect des valeurs du médecin : Le médecin peut suivre sa conscience lorsqu’il décide de

fournir ou non une aide à mourir, et ce, sans faire l’objet de discrimination. Cela ne doit pas

entraîner de délai excessif pour le patient qui demande cette aide. Personne ne doit être

contraint à fournir une aide à mourir.

4. Consentement et capacité : Toutes les exigences relatives au consentement éclairé doivent être

clairement satisfaites. On doit notamment déterminer que le patient est apte à prendre des

décisions éclairées, en tenant compte de la vulnérabilité des patients et du contexte délicat des

soins de fin de vie. Le consentement est considéré comme un processus évolutif durant lequel

les médecins doivent constamment communiquer avec le patient.

5. Clarté : Les critères d’admissibilité à l’aide à mourir doivent être clairs pour tous. Il ne doit y

avoir aucune zone grise dans la législation et la réglementation.

6. Dignité : Tous les patients, les membres de leur famille et leurs proches doivent être traités avec

dignité et respect en tout temps, y compris durant l’ensemble du processus de soins de fin de

vie.

7. Protection des patients : Les lois et les règlements, au moyen d’un système soigneusement

conçu de mesures de protection et de suivi, doivent réduire au minimum la souffrance des

patients et traiter des questions de vulnérabilité et de risque de coercition.

8. Imputabilité : Il importe d’établir un organisme de surveillance et un mécanisme de rapports sur

les données afin de veiller au respect de tous les processus. Les médecins qui participent à la

prestation d’aide à mourir doivent s’assurer de posséder les compétences techniques

nécessaires, de même que l’aptitude à évaluer la capacité de décision du patient, ou à faire

appel à un collègue pour l’évaluer dans les cas plus complexes.

9. Solidarité : Des médecins et des intervenants en soins de santé sensibles aux antécédents du

patient et aux enjeux culturels doivent l’appuyer tout au long du processus de fin de vie, quelle

que soit sa décision.

10. Respect mutuel : Il doit exister une relation de respect mutuel entre le patient qui fait la

demande d’aide à mourir et le médecin qui décide si elle devrait être acceptée. Une demande

d’aide à mourir ne peut être faite que lorsque le médecin et le patient entretiennent une

relation privilégiée et que les deux parties reconnaissent la gravité d’une telle demande.

Recommandations

S’appuyant sur ces principes, sur l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Carter c. Canada (2015)1

et

sur une étude de l’expérience d’autres administrations, l’AMC formule les recommandations suivantes

1 Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331 (CanLII)

| A2-3

pour l’élaboration de cadres législatifs et réglementaires possibles en matière d’aide à mourir. Nous

soulignons que le présent document ne vise pas à aborder toutes les dimensions de la question de aide

à mourir et que certaines de celles-ci devront faire l’objet d’une réglementation subséquente.

1. Critères d’admissibilité du patient à l’aide à mourir

1.1 Le patient doit être un adulte capable de décision et répondre aux critères établis dans l’arrêt de la

Cour suprême dans l’affaire Carter c. Canada (2015).

1.2 Décision éclairée

Le médecin traitant doit informer le patient de son état de santé, de son diagnostic, de son

pronostic, de la certitude que le médicament létal entraînera la mort, ainsi que des options qui

s’offrent à lui, notamment les soins de confort et palliatifs, et l’atténuation de la douleur et des

symptômes.

1.3 Capacité

Le médecin traitant doit être convaincu que :

– le patient est mentalement capable de prendre une décision éclairée au moment de la

ou des demandes;

– le patient est capable de donner son consentement à l’aide à mourir, et que toutes les

sources de vulnérabilité du patient dans un contexte de fin de vie ont été prises en

compte;

– la communication explore les priorités, les valeurs et les craintes du patient, l’informe

sur son diagnostic et son pronostic ainsi que sur les options de traitement, y compris les

soins palliatifs, et répond à ses questions.

Si le médecin traitant ou le médecin consultant juge le patient incapable de décision, le patient

doit être dirigé vers un autre médecin pour une évaluation plus approfondie.

Les patients peuvent seulement faire une demande eux-mêmes, seulement lorsqu’ils en sont

jugés capables.

1.4 Libre arbitre

Le médecin traitant doit être convaincu, par des motifs raisonnables, que tous les critères

suivants sont satisfaits :

– La décision du patient a été prise librement, sans coercition ni influence indue de la part de

membres de la famille, d’intervenants en santé ou d’autres personnes.

– Le patient a une intention claire et ferme de mettre fin à ses jours après y avoir bien

réfléchi.

– Le patient a fait la demande lui-même, après y avoir bien réfléchi, et de manière répétée,

libre et éclairée.

A2-4 |

2. Étapes de la prise de décision concernant l’aide à mourir

Étape 1 : Demande d’aide à mourir

1. Le patient formule au moins deux demandes d’aide à mourir à son médecin traitant durant

une période qui dépend de son espérance de vie (compte tenu de son état : phase

terminale ou non). Selon l’AMC, il ne conviendrait pas d’imposer la même période de recul

pour toutes les demandes.

2. L’AMC recommande généralement d’attendre au moins 14 jours entre les deux demandes

orales.

3. Le patient soumet ensuite à son médecin traitant une demande écrite d’aide à mourir sur

un formulaire spécialement conçu à cette fin par le gouvernement, le ministère de la Santé,

l’administration régionale de la santé ou l’établissement de soins de santé.

4. Une analyse de l’état du patient et une évaluation de sa demande devraient être effectuées

si la période de recul est de plus de deux semaines.

Étape 2 : Mesures préalables à l’intervention

5. Après avoir reçu la demande écrite, le médecin traitant y répond au plus tard dans les

48 heures, ou dès qu’il lui est possible de le faire.

6. Il évalue ensuite la capacité de décision et le libre arbitre du patient ou, dans une situation

plus complexe, il recommande le patient pour une évaluation spécialisée de sa capacité.

7. Le médecin traitant informe le patient de son droit de retirer sa demande en tout temps.

8. Un deuxième médecin, consultant indépendant, évalue aussi la capacité de décision et le

libre arbitre du patient.

9. Si les deux médecins sont d’accord sur l’admissibilité du patient, le processus peut se

poursuivre.

10. Le médecin traitant remplit les documents nécessaires et répond aux exigences de

déclaration.

Étape 3 : Mesures subséquentes à l’intervention

11. Le médecin traitant, ou un médecin désigné par celui-ci, prend soin du patient jusqu’à sa

mort.

3. Rôle du médecin

3.1 Le médecin traitant doit avoir reçu une formation pour pratiquer l’aide à mourir.

3.2 Évaluation du patient

Le médecin traitant doit déterminer si le patient satisfait aux critères d’admissibilité à l’aide à

mourir énoncés ci-dessus à la section 1.

Le médecin traitant doit s’assurer que tous les autres traitements raisonnables ont été envisagés

pour atténuer la souffrance physique et psychologique du patient en fonction de ses besoins.

Ces traitements, qui peuvent être suivis indépendamment ou simultanément, comprennent : les

soins palliatifs, l’évaluation psychiatrique, le soutien spirituel, le counseling en toxicomanie et la

consultation d’un spécialiste de la douleur ou d’un gérontologue.

| A2-5

3.3 Consultation d’un autre médecin

Le médecin traitant doit consulter un autre médecin, qui n’entretient pas de lien avec le patient

ni avec le médecin traitant, avant que le patient soit considéré comme admissible à recevoir

une aide à mourir.

Le médecin consultant doit :

– être qualifié, par sa spécialité ou son expérience, pour rendre un diagnostic et un pronostic

relatif à la maladie du patient, ainsi que pour évaluer la capacité du patient, comme

mentionné à l’étape 2 ci-dessus.

3.4 Retrait de la demande

Le médecin traitant doit offrir au patient la possibilité de retirer sa demande à tout moment.

Cette offre et la réponse du patient doivent être consignées au dossier.

3.5 Documentation

Le médecin traitant doit consigner dans le dossier médical du patient :

– toutes les demandes verbales et écrites du patient;

– son diagnostic et son pronostic, ainsi que son évaluation selon laquelle le patient est

capable de décision et a pris une décision libre et éclairée;

– le diagnostic et le pronostic du médecin consultant, ainsi que son évaluation selon laquelle

le patient est capable de décision et a pris une décision libre et éclairée;

– un rapport du résultat et des conclusions de l’accompagnement;

– l’offre faite au patient de retirer sa demande d’aide à mourir;

– une note indiquant que tous les critères sont satisfaits, ainsi que les étapes suivies pour

accéder à la demande.

3.6 Organisme de surveillance et rapports

Il importe d’établir un organisme de surveillance officiel et un mécanisme de rapports officiel

qui utilise les données du médecin traitant.

Après la prestation d’aide à mourir, le médecin traitant doit fournir à l’organisme de

surveillance :

– le rapport du médecin traitant;

– le rapport du médecin consultant;

– le dossier médical du patient;

– la demande écrite du patient.

L’organisme de surveillance doit vérifier la conformité à l’aide des documents fournis.

Les provinces et les territoires doivent se doter de lois et/ou de règlements qui facilitent

l’examen des cas d’aide à mourir par les systèmes territoriaux ou provinciaux existants.

Des lignes directrices pancanadiennes doivent être élaborées sur la façon de déclarer un décès

causé par l’aide à mourir sur un certificat de décès.

4. Responsabilités du médecin consultant

A2-6 |

Le médecin consultant doit évaluer si le patient satisfait aux critères d’admissibilité, notamment

sa capacité de décision et son libre arbitre.

Le médecin consultant doit consigner le diagnostic, le pronostic, la capacité et la volonté du

patient, ainsi que la mise à sa disposition de toute l’information nécessaire pour qu’il prenne

une décision éclairée. Le médecin consultant doit passer en revue le dossier médical du patient

et noter ce fait.

5. Opposition morale à l’aide à mourir

5.1 Opposition morale d’un établissement de santé ou d’une administration de la santé

Un hôpital ou une administration de la santé qui s’oppose à l’aide à mourir ne doit pas

interdire à un médecin de fournir ce service dans un autre lieu. Il ne doit y avoir aucune

discrimination envers les médecins qui décident de fournir l’aide à mourir.

5.2 Objection de conscience d’un médecin

Les médecins ne sont pas tenus d’accéder aux demandes d’aide à mourir. Il ne doit y avoir

aucune discrimination envers les médecins qui choisissent de ne pas participer à la prestation

d’aide à mourir. Afin de concilier l’objection de conscience des médecins et l’accès des

patients à l’aide demandée, les médecins doivent fournir à leurs patients des renseignements

complets sur toutes les options qui leur sont offertes, y compris l’aide à mourir, et les conseiller

sur l’accès à une instance indépendante et centralisée pouvant offrir des renseignements, du

counseling et une recommandation.