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CIMINO Nathalie Bi licence Droit histoire des arts Travail de séminaire 18 janvier 2006 Regards sur le cavalier Rampin : Approches, Perspectives et Evolutions

Le Cavalier Rampin

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CIMINO NathalieBi licence Droit histoire des arts

Travail de séminaire 18 janvier 2006

Regards sur le cavalier Rampin   : Approches, Perspectives et Evolutions

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Regards sur le cavalier Rampin   : Approches, Perspectives et Evolutions

Sculpture considérée comme un chef d’œuvre de la sculpture attique, le cavalier Rampin a été le sujet

de nombreuses polémiques.

La tête a été découverte sur l’acropole d’Athènes en 1886 à l’ouest de l’Erechteum, par le diplomate

Français, Rampin, qui lui a donné son nom. Elle a appartenu pendant un temps à la collection Rampin

puis a été offerte au Musée du Louvre, elle est actuellement conservée au musée du Louvre ou elle

porte le n° Ma 3104. Le torse, découvert plus

tard lui aussi sur l’acropole est conservé au

musée de l‘Acropole à Athènes ou il porte le n°

590. Chacun des deux musées possède un

moulage de la partie qui lui manque.

Le matériau utilisé est du marbre d’Islande. Pour

la tête, en particulier la barbe et les cheveux, le

sculpteur a utilisé un poisson et de ciseaux

spéciaux, la technique générale est celle du

ronde-bosse, c’est la technique utilisée pour les

« free standing statues », c’est à dire que

l’artiste a travaillé tous les côtés de la surface de

l’objet.

Le cavalier est réalisé à une échelle plus réduite

que la taille humaine, la tête fait 43 cm de

hauteur, 21 cm de longueur et possède une profondeur de 20 cm. La hauteur de la statue reconstituée

est de 0.815 m, sa largeur de 1.45 m. L’état de conservation est inégal, la sculpture a été préservée

depuis les hanches de cavalier jusqu’en haut, il manque une partie de la joue droite et le nez est

endommagé. Les deux bras du cavalier sont manquants à partir du dessous des épaules. Le cheval

n’a plus de tête ni de jambes, le cou et la crinière sont éraflés.

Le sculpteur a représenté un jeune homme nu et sa monture, les larges aplats du torse et du visage

contrastent avec les détails des cheveux et de la barbe. Il y a une recherche très décorative de

l’épiderme, ce qui s’oppose au granulé de la barbe et de la chevelure. La tête est ovale, baissée et

tournée de côté, sur son visage se dessine un sourire archaïque. Les mèches et les boucles de sa

chevelure sont méticuleusement reproduites, c’est un travail d’expert comme le montre la finesse du

modelé du visage et les détails de la coiffure. La sculpture du marbre au niveau du visage est très

précise, les plans incurvés se rencontrent en arrêtes aiguës et devaient être mises en valeur par la

lumière et le soleil. Le corps du cavalier a reçu moins d’attention que la tête, il est beaucoup plus plat

dans son traitement. Il est dépourvu de « mollesse ionienne » ; les muscles de la poitrine et de

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l’abdomen ainsi que la minceur des hanches opposent leur réalisme à ce que la tête possède encore

de fantaisiste et de raffiné, en particulier visible dans le traitement des cheveux et de la barbe.

A travers ce travail nous allons rendre compte des changements de perspective adoptés dans l’étude

de cette sculpture. En effet, les visions sur le cavalier Rampin ont beaucoup évolué à travers les

époques, les courants historiographiques, et en fonction des différents discours des historiens de l’art.

Première partie   : Datation, preuves historiques et identification du personnage.

Compte tenu des découvertes récentes, les auteurs du XXème siècle évoquent différentes solutions

concernant l’identification de la statue. Il m’a semblé intéressant de les confronter car elles mêlent

soucis historique ( par le biais des preuves historiques et des écrits anciens ) et appréciations

artistiques. On se rend alors compte que le regard de l’historien évolue à travers les courants

historiographiques.

a) le vainqueur d’un concours panhellénique ?

L’identité du personnage est incertaine. Schuchhardt a montré que le cavalier en bonne partie

conservé était à l’origine flanqué d’un compagnon présenté symétriquement. A partir de cette

découverte les auteurs ont alors avancé plusieurs hypothèses quand à la représentation de la statue.

Hermary se pose la question de savoir si il faut rapprocher ces deux cavaliers des vainqueurs de la

course montée d’un concours panhellénique. Notamment parce que le cavalier est orné d’une

couronne végétale et que les vainqueurs des jeux étaient décorés des feuilles de céleri sauvage.

H. Von roques de Maumont avait cru pouvoir établir que les deux jeunes gens portaient des lances et

ne pouvaient pas être des athlètes vainqueurs mais le fragment de main traversé par un trou rond qui

lui servait d’indice était sans doute en réalité posé à plat au dessus de la cuisse comme la main du

cavalier conservé et ne tenait pas une lance mais les rennes. Brouskari enfin en 1974, identifie la

statue comme le cavalier de l’Acropole.

b) Hippias et Hipparque?

Charbonneaux en 1968 énonce que certains auteurs allemands comme Kleine et H. Von Roques de

Maumont n’ont pas suivit cette thèse. En effet il explique que ceux ci associent le cavalier à un ex-voto

qui aurait été consacré par Pisistrate après la bataille de Palléné. Cette bataille très importante est

celle qui a permis à Pisistrate son retour définitif à Athènes. En suivant cette hypothèse, les auteurs

ont associé les deux cavaliers jumeaux (le cavalier Rampin et son compagnon disparu) à ces deux

jeunes gens qu’étaient les fils de Pisistrate, Hippias et Hipparque lesquels avaient au sein de la

cavalerie contribué à la victoire.

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Cependant cette thèse a été démentie par Villard en 1968 pour des raisons de chronologie car selon

lui, lorsque le cavalier Rampin fut créé Hippias et Hipparque étaient beaucoup trop jeunes pour être

reconnus.

Pour Charbonneaux, l’interprétation des fils de Pisistrate est significative mais il reste a prouver que

ces cavaliers sont bien Hippias et Hipparque plutôt que des vainqueurs anonymes. Se pose pour lui

un problème de datation car la bataille de Palléné précitée est datée de 546-545, cela nécessite donc

d’abaisser les dates du cavalier Rampin. Autre problème pour les auteurs anciens comme Hérodote:

la bataille de Palléné se déroule près d’un sanctuaire d’athéna.

Le succès du thème des deux cavaliers fait donc plus penser que se sont des personnages importants

qui sont représentés dans le cavalier Rampin et dans son jumeau disparu.

c) les Dioscures ?

Charbonneaux pense en revanche qu’une interprétation qui identifierait ces effigies avec les

Dioscures serait plus pertinente. « L’hypothèse est séduisante et si elle se vérifiait montrerait qu’une

identification des fils du tyran avec les Dioscures était nettement suggérée par telle offrande : devant

ces deux cavaliers jumeaux présentés symétriquement les athéniens ne pouvaient pas ne pas penser

aux jumeaux divins qui, au même moment, apparaissaient sur des vases attiques. » Mais il finit par

préciser que l’acropole d’Athènes n’a livré aucun ex voto consacré aux frères d’Hélène, ni d’inscription

y faisant référence.

Cependant on peut retrouver une présentation similaire dans un haut relief à Delphes, identifiée

comme oeuvre du sculpteur du Monoptère de Sicyone, ce haut relief représenterait Castor et Pollux.

C’est sûrement ce qu’avaient à l’esprit les modernes qui ont proposé de reconnaître les Dioscures

dans les cavaliers de l’acropole. Ainsi on retrouve ce discours durant la première partie du XXème

siècle chez Richter, Robinson, Homann et Wederking.

Croissant dans les années 1980, fini par montrer que cette interprétation est problématique car les

Dioscures sont imberbes dans les représentations de l’époque et le cavalier est barbu. Deplus la

couronne de feuillage que porte le cavalier ne permet pas d’établir de lien avec ces Dioscures car ils

n’en portaient pas.

Deuxième partie   : La recherche d’un artiste pour le cavalier Rampin   : Inventer

l’art grec   ?

Les propos que l’on peut retrouver concernant l’identification d’un artiste à travers le style et

l’esthétique du cavalier attestent d’une vision qui est aujourd’hui remise en cause par les spécialistes.

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On peut se poser la question de savoir si les parallèles effectués entre le cavalier et d’autres oeuvres

attiques sont justifiés et constructifs.

a) Attribution incertaine

En 1936, Payne rassemble le buste du musée de l’acropole et la tête rampin du Louvre. De nombreux

journaux commentent cet exploit et on remarque alors que ce rapprochement établit une césure entre

les interprétations postérieures à 1936 et les interprétations antérieures à cette date. En effet, le buste

est d’aspect beaucoup plus massif et moins travaillé que la tête ce qui prêtait les auteurs à confusion.

La koré en pélos 679 de l’Acropole conservée au musée de l’Acropole

semble posséder des traits caractéristiques similaires au cavalier

comme l’expliquent Charbonneaux et Boardmann.

Pour Boardmann cette oeuvre est de 15 ans postérieure au cavalier.

Ainsi que pour Rumpf et enfin pour Payne. F. Croissant et

Charbonneaux considèrent cette oeuvre comme une sculpture de

jeunesse de l’artiste.

En 1983, Croissant écrit dans un ouvrage intitulé les protomés

féminines archaïques que les relations établies avec le cavalier rampin

continuent à poser problème. Il énonce que l’attribution de la koré au

maître rampin est contestée par ch. Tsirivakou- Neumann et par

Deyhle.

Dans le catalogue de Payne et de Young

Archaic marble sculpture from the acropolis, il

est question de rapprocher le style du cavalier

avec deux autres têtes de koré 617 et 654. Ils énoncent que ses traits sont

particulièrement proches de ceux du cavalier.

Boardmann rapproche encore le cavalier du discophore et des sculptures du

mur de thémistocle. Il rapproche les lobes d’oreilles et le profil.

b) attribution inutile ?

Un rapprochement est effectué avec le Moschophore, là encore une

divergence entre les auteurs surgit puisque pour Boardmann  c’est une oeuvre

de Phaidimos. Cependant il s’agit d’une opinion minoritaire. Homann écrit dans

son livre que « le véritable nom du sculpteur se cache certainement parmi ceux

que l’on peut lire sur des bases aujourd’hui privées de leur stèle ou de leur

statue, qui ne nous donne pas la chance d’identifier ailleurs les oeuvres

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qu’elles soutenaient. Il méritait un meilleur sort, lui qui n’avait pas d’égal dans l’Athènes du milieu du

siècle ». Cette phrase est pleine de sens, elle traduit ce désir pour les spécialistes de sans cesse

souhaiter rapprocher des oeuvres ou de mettre un nom sur une production. Il convient de se

demander si ce désir ne doit pas nécessairement être limité par un soucis de véracité archéologique.

Troisième partie   : Le cavalier Rampin   : témoin d’influences nouvelles sur l’art

attique   ?

L’importance de l’étude stylistique pour l’attribution et la datation des oeuvres est décisive car si

certains voient dans cette oeuvre une influence de l’orient ionien sur l’esthétique, d’autres comme F.

Croissant y voient même une influence de la céramique corinthienne et du style de chios.

Certains auteurs voient dans le cavalier une complaisance au raffinement décoratif inspiré par

l’orfèvrerie, les ivoires ou les tissus importés de l’orient ionien. Le visage nu émergerait des

granulations qui l’encadrent comme au « coeur d’un bijou ». D’autres vont même jusqu’a y voir un art

de cour.

Dans son ouvrage Croissant explique que des découvertes nouvelles remettent en cause la vision sur

la statue du cavalier et provoque un désir de rechercher ailleurs l’origine que dans la tradition

stylistique. Il suit J.Boardmann dans ses réflexions et propose

de voir dans la cavalier une oeuvre de la tradition des ateliers

de Chios. Pour lui, des sculpteurs célèbres comme Archermos

ou Athénis avaient forcément une influence sur l’art des

sculpteurs de l’Attique.

Ainsi est remise en question la vision de Payne « ces profils

contrastés, aux pommettes saillantes, au

nez et au menton proéminents reflètent

d’ailleurs une structure proprement attique.

On commence a envisager une nouvelle

façon de concevoir l’art attique. Plutôt que

comme une évolution chronologique qui

distinguerait les œuvres de jeunesse des

oeuvres de maturité du maître Rampin on se

rend compte que les relations avec les

autres cités et les autres peuples influençaient nécessairement

l’art de l’attique. Et même si la structure et les facultés analytiques propres aux artistes grecs ont été

conservées, le répertoire décoratif oriental tel les granulations de la chevelure du Cavalier influence

leur art.

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Dans un article paru sur Internet on peut voir que des influences mésopotamiennes sont envisagées.

En conclusion

Le cavalier Rampin est un témoin des changements de perspective

adoptés dans l’étude de la sculpture attique archaïque. Son étude met

en valeur les controverses de datation, d’iconographie, d’identification

de l’artiste et aussi des changements de mentalité concernant

l’influence des relations avec d’autres cultures sur l’évolution de l’art

grec. L’oeuvre est intéressante à plus d’un titre, il convient notamment

de préciser que la séparation de la tête et du corps peut soulever un

problème déontologique, c’est le problème politique que peut poser la

détention d’une tête de statue grecque par un musée français alors que

le corps n’a pas quitté son emplacement d’origine : le musée de

l’acropole d’athènes. Aujourd’hui, le corps que l’on peut admirer au

musée du Louvre est un moulage en plâtre et la tête du musée de

l’acropole un moulage aussi. Ne doit-on pas envisager de restituer la

tête rampin au musée de l’acropole ? On sait que pour les marbres

d’Elgin la restitution demandée par le Gouvernement Grec au British

Museum pose de sérieux problèmes. Il faut savoir que Le Louvre est

comme le British Museum face à ses collections : il a interdiction de

vendre ou de donner tout ou partie de ses collections. On voit mal comment cette restitution pourrait

alors avoir lieu.

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Bibliographie

H. Hamiaux, Les sculptures grecques archaïques - volume 1- Paris, 1992, Edition de la Réunion des

Musées Nationaux.

John Boardman, La sculpture grecque archaique, 1978, Londres Thames and Hudson.

E. Homann, Wedeking, La grece archaique, Paris, 1966, Albin Michel.

Richter, Archaic Greek art, New York, 1949, Oxford University Press.

Charbonneaux, Martin, Villard, Grèce archaïque, Paris, 1968, Gallimard.

Hermary, Images de l’apothéose des Dioscures, Bulletin de correspondance hellénistique, 1978,

pages 51 – 76.

Chronique des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce, Bulletin de correspondance

hellénistique, 1936, page 454.

Humfry Payne, Gerard Young, Archaic marble sculpture from the acropolis, Glasgow,1936, The

University Press.

Andrew Stewart, Greek Sculpture vol II : Plates, New Haven and London, 1990, Yale University Press.

Francis Croissant, Les Protomés Féminines Archaïques,1983, Bibliothèque des Ecoles Françaises

d’Athènes et de Rome